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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mardi 6 octobre 1987 - Vol. 29 N° 32

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le projet de loi 46 — Loi sur le financement agricole


Journal des débats

 

(Dix heures vingt minutes)

Le Président (M. Richard): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames et messieurs, si vous voulez prendre place, s'il vous plaît: Je déclare la séance ouverte. Je rappelle la mandat de la commission: Que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi 46, Loi sur le financement agricole au Québec.

Comme il a été convenu, les remarques préliminaires, pour un maximum de 30 minutes, seront d'abord faites par M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et, par la suite, toujours pour un maximum de 30 minutes, par M. le porte-parole officiel de l'Opposition en matière agricole. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Pagé: Les présences?

Le Président (M. Richard): Pour ce qui est des présences, M. le secrétaire, tout était conforme.

Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement.

Dépôt du mémoire du Mouvement

pour la survie des agriculteurs inc.

Le Président (M. Richard): M. le ministre s'interroge, M. le porte-parole officiel de l'Opposition, à savoir si on accepte le dépôt du mémoire immédiatement.

M. Jolivet: On peut le faire, M. le Président. Simplement pour l'information des gens qui sont ici présents et qui ont demandé d'être entendus, on s'était réunis, pour une séance de travail, en commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation pour déterminer l'ensemble du temps dévolu. Je sais que M. le ministre est engagé demain soir à Montréal; on aurait voulu que le Mouvement pour la survie des agriculteurs puisse être entendu demain soir, mais il semblerait que ce soit impossible. Alors, on pourrait au moins faire une demande de dépôt de ce document, afin que tous les membres de la commission l'aient en leur possession immédiatement.

Le Président (M. Richard): Est-ce que vous êtes d'accord, M. le ministre?

M. Pagé: M. le Président, je crois que c'est la façon de faire la plus adéquate en de semblables circonstances, étant donné que la commission parlementaire a siégé, il y a quelques semaines, pour établir tout l'échéancier, soit le temps dévolu à chacun des groupes, et qu'à ce moment-là, le Mouvement pour la survie des agriculteurs ne s'était pas inscrit dans les délais prévus.

Malheureusement, il m'est impossible, tant ce soir que demain soir, d'être disponible ou encore de prolonger les travaux. Cependant, je suis persuadé que l'ensemble des parlementaires accepteraient, de bon gré, que leur mémoire puisse être déposé, de façon que l'on puisse prendre en considération les recommandations qu'ils nous formulent.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. Donc...

M. Jolivet: Une question, M. le Président. Le Mouvement pour la survie des agriculteurs inc. n'avait pas pu faire entendre sa voix à l'époque parce qu'on était parti d'une liste qui nous avait été fournie et sur laquelle on s'était entendus en séance de travail, comme membres de la commission. Maintenant, c'est après qu'ils ont fait valoir leur point de vue. Le problème que nous avons, c'est une question de temps; il faudrait siéger encore jeudi, mais, compte tenu des ententes que nous avions adoptées lors de cette séance de travail, il devient impossible de le faire le lendemain puisque tout le monde a d'autres engagements. Nous acceptons au moins que leurs documents soient déposés pour que tous les membres de la commission en prennent connaissance.

Le Président (M. Richard): Merci. Maintenant, donc, nous recevons le document. Je demanderais que chacun des membres de la commission reçoive une copie du document. M. le ministre, pour vos remarques préliminaires.

Remarques préliminaires

M. Michel Pagé M. Pagé: Merci, M. le Président. Je

suis particulièrement fier de me retrouver avec mes collègues, aujourd'hui, ici. à l'Assemblée nationale du Québec, à la suite du dépôt du projet de loi 46 qui propose une réforme du régime québécois de financement agricole. Cette occasion nous permet de venir nous rencontrer et de discuter dans le cadre de ce véhicule important dans notre système démocratique qu'est la commission parlementaire. Si cette commission se tient entre la première et la deuxième lecture, cela témoigne d'une volonté très claire de notre gouvernement et du ministre de l'Agriculture de dialoguer au maximum avec les intervenants. Je suis persuadé que cet exercice sera utile. Et pour les représentations qui nous sont faites et les échanges de propos que nous avons avec les collègues tant du côté de la majorité que de l'Opposition, je dois vous indiquer, d'ores et déjà, toute l'ouverture d'esprit qui peut m'animer dans le cadre de l'étude de ce projet.

M. le Président, les agriculteurs et les agricultrices québécois transigent depuis plus d'un demi-siècle avec l'Office du crédit agricole qui célébrait, cette année, son 50e anniversaire. Nul doute que la présente réforme leur assurera un régime de financement susceptible de correspondre davantage aux besoins actuels et futurs des agricultrices et des agriculteurs du Québec. Dans une perspective de politique à long terme, notre gouvernement entend procéder en quelque sorte à une véritable cure de rajeunissement de l'Office du crédit agricole, le tout en concordance avec l'importante opération de consultation qui, il faut en convenir, a précédé le dépôt de ce projet de loi.

Nous avons d'abord mis sur pied un comité de travail composé d'une équipe de représentants de l'Office du crédit agricole du Québec, de représentants de mon ministère et de deux collègues de l'Assemblée nationale, deux députés, en l'occurence Mme France Dionne, députée de Kamouraska-Témiscouata, et M. Albert Houde, député de Berthier, lesquels ont d'ailleurs une expérience très intéressante non seulement comme parlementaires, mais aussi dans leur vie professionnelle respective et, de plus, ils représentent des comtés où l'agriculture est au premier plan de la santé économique ou de la vitalité économique de leur milieu. Ce comité s'est d'abord employé à examiner les divers mémoires qui avaient été antérieurement présentés. On sait que plusieurs représentations ont été formulées auprès du ou des gouvernements depuis cinq ou six ans. Il s'était d'ailleurs tenu une commission parlementaire, etc., comme on le sait. On s'est donc employé, dis-je, à examiner les différentes représentations qui ont été faites au gouvernement du Québec et qui avaient antérieurement été présentées en regard de ce régime québécois de financement agricole afin de préparer un premier document de réflexion dans le cadre d'une consultation. Ce comité, ce groupe de travail, a effectivement procédé, au cours de l'automne 1986, à une consultation des principaux intervenants concernés par le financement agricole, lesquels, d'ailleurs, ont tous été invités à venir nous rencontrer à cette commission parlementaire.

Un rapport complet de cette consultation me fut remis par la suite pour dégager les recommandations qui se retrouvent dans le projet de loi 46 et qui reproduisent, j'en suis persuadé, la très grande majorité des préoccupations formulées par les intervenants. Je considère que l'on présente ici les jalons d'une politique qui amènera les intervenants concernés à franchir, en notre compagnie, une autre étape vers l'excellence.

Plus qu'un simple projet de loi, la réforme ou la refonte du régime québécois de financement agricole devrait nous assurer, entre autres, une relève dynamique au sein d'un secteur qui ne peut que s'enorgueillir que l'on mette l'accent sur l'un de ses plus importants éléments: la jeunesse québécoise.

Ma préoccupation pour la relève s'est concrétisée par l'un des premiers gestes que j'aie eu à poser, au nom de mes collègues et au nom du gouvernement, en prenant la charge du ministère. On se rappellera l'adoption, M. le Président, de la loi 71 portant à 15 000 $, pour un individu, et à 60 000 $, pour un groupe, la subvention à l'établissement, tout en facilitant l'accès à cette mesure à un groupe de personnes qui a tout notre respect et toute notre appréciation: je fais référence aux agricultrices du Québec.

Dans cette même foulée et pour inciter à une meilleure préparation des gens, nous comptons maintenant proposer l'octroi d'une contribution spéciale au paiment de l'intérêt aux jeunes qui répondront à des critères particuliers quant à leur formation professionnelle.

On se souviendra, M. le Président, qu'antérieurement, la subvention à l'intérêt correspondant è 50 % du taux d'intérêt supérieur à 4 % était universelle pour tous les agriculteurs et toutes les agricultrices et, portait sur les premiers 150 000 $, pour les individus, et 200 000 $, pour les groupes. Avec le projet de loi 46, la subvention à l'intérêt s'appliquera sur les premiers ZOO 000 $, quelle que soit la structure de l'exploitation. Elle demeurera universelle et au même niveau pour les agriculteurs déjà établis, mais sera largement bonifiée pour celles et ceux qui s'établissent pour une première fois. Ainsi, les jeunes ayant une expérience d'au moins deux ans ou encore un an d'expérience avec deux ans de formation professionnelle se verront attribuer, dès la

première année d'établissement, une subvention à l'intérêt de 1 % supérieure à celle consentie universellement. Bien plus, ceux possédant un diplôme d'études collégiales bénéficieront, eux, d'un rabais d'intérêt de 2 % supérieur à celui consenti normalement aux entreprises en vitesse de croisière. Cette mesure, permettant d'encourager de façon substantielle la formation lors de l'établissement, sera régressive sur une période de cinq ans, ce qui permettra aux jeunes agriculteurs de s'ajuster de façon progressive aux taux normalement subventionnés.

Pour nous, M. le Président, il devenait tout à fait impérieux de traduire sur papier la conjugaison de deux volontés. La première: créer de véritables incitatifs pour que notre jeunesse québécoise soit plus motivée pour aller se chercher une formation en agriculture. Qu'on ait des propositions concrètes et tangibles, incitant davantage ces jeunes à une formation en milieu scolaire. Comme on le sait, comme il est universellement reconnu, le jeune homme ou la jeune fille qui se convie à un tel exercice de formation est placé dans une position plus forte pour devenir rentable, efficace et mieux outillé pour faire face aux nombreux défis qui concernent les agriculteurs et les agricultrices.

L'autre élément, l'autre volonté qui est ainsi conjuguée, c'est une affirmation très claire de notre gouvernement de tout faire, de faire le maximum de ce qu'on peut pour s'assurer une relève en agriculture. Les contacts que j'ai eus avec les agricultrices et les agriculteurs sur le terrain, notamment, en 1986, dans les expositions agricoles que j'ai visitées, au cours de nombreuses rencontres, d'activités qui impliquent des discussions avec les agriculteurs et les agricultrices comme individus, j'ai très clairement senti que la principale préoccupation du milieu agricole, c'est la relève en agriculture. C'est pourquoi, par le projet de loi et plus particulièrement par la réglementation, des mesures bien spécifiques sont proposées pour accorder plus d'encouragement et pour que, en fin de compte, on ait davantage de jeunes qui prennent la relève en agriculture.

Concrètement, cela signifiera qu'un jeune agriculteur ou une jeune agricultrice qui possède un DEC recevra en moyenne 26 000 $ sur cinq ans en subventions d'intérêt. Quant à celui ou celle qui ne possède que deux ans d'expérience ou un an avec formation, il recevra 21 000 $, soit respectivement près de 11 000 $ et 6000 $ de plus qu'un agriculteur déjà établi. Bien entendu, il faut lire cette proposition avec une autre qu'il faut ajouter à ces aides, soit la subvention en capital de 15 000 $ consentie dans le cadre de la loi sur la mise en valeur et aussi, évidemment, le fait que la partie de prêts subventionnés est augmentée de 150 000 $ à 200 000 $. Ainsi, l'aide totale accordée à la relève pourra donc atteindre plus de 40 000 $ pour une personne seule, 65 000 $ pour un couple et près de 100 000 $ pour une exploitation de groupe. Nous croyons, M. le Président, que c'est là un exemple concret de la volonté très claire de soutien que le gouvernement entend offrir à notre jeunesse.

De plus, d'autres mesures favorisant cette relève permettront également aux agricultrices de profiter d'une aide à l'établissement qui sera certainement plus substantielle si on considère l'introduction et la révision de nouveaux concepts inhérents à cette loi et sur lesquels, d'ailleurs, j'aurai l'occasion de revenir. Qu'il me suffise de mentionner la révision du concept d'aspirant agriculteur permettant de toucher les subventions à l'établissement dès la première année, ce qui favorisera une lancée plus solide pour un grand nombre de jeunes.

En outre, le nouveau concept d'une ferme tributaire, d'une ferme d'encadrement permettra d'obtenir un prêt, même si les demandeurs ne possèdent pas toute la machinerie ou tous les investissements requis. Je crois très sincèrement, M. le Président, que cette disposition nous permettra de voir, d'ici à quelques années, un mouvement très particulier, à savoir l'achat de plus en plus fréquent de fermes d'encadrement ou tributaires, l'achat de terres par celles qui ont contribué de façon significative à bâtir l'agriculture d'aujourd'hui et qui y contribuent encore quotidiennement, soit les agricultrices. Cette disposition vise particulièrement et spécifiquement à favoriser davantage l'accès à la propriété des agricultrices du Québec.

Finalement, l'accréditation du vendeur comme prêteur autorisé constitue une bonne surprise pour le monde agricole puisqu'elle permet d'ouvrir davantage les possibilités de financement et d'établissement, tout en assurant une continuité de la ferme familiale au Québec. Souventefois, au cours de ces échanges ou de ces rencontres avec les agricultrices et les agriculteurs, j'ai rencontré des parents, des couples qui ont bâti une entreprise, qui ont souvent commencé de façon très modeste et qui se retrouvent, aujourd'hui, à la tête d'une entreprise bien solidement implantée, bien développée, avec un quota laitier important, un cheptel laitier de qualité, une superficie de terre appréciable, bien drainée, avec de bons équipements, etc. Les parents me disaient: Vous savez, nous sommes placés devant une dualité, devant un problème majeur: Est-ce qu'on doit vendre notre entreprise à un voisin, à une autre ferme dans, une perspective de consolidation et obtenir le juste prix pour notre entreprise ou doit-on vendre à notre fils ou à notre fille,

auquel cas on doit nécessairement diminuer le prix de vente et ainsi couper de peut-être 40 % ou 50 % dans ce qu'on a gagné comme régime de retraite?

Ces mêmes parents sont souvent placés devant une dualité à l'intérieur de la famille. Sommes-nous, par exemple, légitimés de vendre à 150 000 $ une ferme qui vaut 300 000 $ à notre fils ou à notre fille, alors qu'on a d'autres enfants qui étudient à l'université ou au niveau collégial et qui voudraient, évidemment, profiter de ces acquis familiaux que constitue notre entreprise, à savoir ce qu'on a gagné. Or, par cette disposition... je vous donne un exemple concret, si la ferme est vendue 350 000 $, un prêt pourra être octroyé par l'Office du crédit agricole du Québec et le solde du prix de vente pourra être garanti aux parents, au vendeur, par l'Office du crédit agricole du Québec. J'ai eu l'occasion de parler avec de nombreuses personnes depuis le dépôt du projet de loi et je dois vous dire que cette mesure va pleinement non seulement dans le sens des intérêts et des représentations, mais elle va aussi pallier des inquiétudes très palpables qu'on sentait sur le terrain.

L'accréditation du vendeur comme prêteur autorisé nous permettra d'assurer davantage une continuité pour ne pas dire un renforcement du concept de la ferme familiale au Québec.

Outre la grande place offerte aux jeunes et aux agricultrices, le projet de loi 46 contient les mesures suivantes: l'augmentation à 800 000 $ du montant global de crédit à long, à moyen et à court termes que peut obtenir un emprunteur tout en demeurant dans le giron de la ferme familiale ou de type familial, qu'il s'agisse d'une exploitation de groupe ou d'un individu; l'autorisation d'une ouverture de crédit jusqu'à concurrence d'un maximum de 200 000 $ pour une durée de cinq ans avec révision périodique au cours de cette période; la mise en place de modes de versement plus souples, soit mensuels, trimestriels, semi-annuels ou annuels, selon le type de production et la capacité de payer des emprunteurs - là aussi, c'est un aspect qu'on peut peut-être qualifier de technique, mais qui est quand même important et qui a fait l'objet de représentations de la part des intervenants - l'élargissement des conditions d'admissibilité au programme, notamment pour l'acceptation des demandes des éleveurs de chevaux de course, des producteurs en culture hydroponique, et même des prêts à long terme pour des producteurs d'animaux à fourrure.

Dans ce projet de loi, on retrouve aussi la possibilité d'un accord pour consentir des prêts aux Indiens installés sur des réserves qui s'adonnent à l'agriculture, avec la garantie du ministre délégué aux Affaires autochtones, à défaut, par ces derniers, d'offrir une garantie hypothécaire. Comme on le sait, on avait un problème de droit et de fait très important, car les terrains où vivent nos amis les Indiens appartiennent à la réserve et ne sont pas la propriété propre des individus qui y pratiquent l'agriculture. Il devenait impossible de faire un prêt par l'Office du crédit agricole, compte tenu de l'impossibilité de réaliser notre créance au cas où l'entreprise cesserait ses activités. Or, avec ces dispositions, la garantie nous étant formulée par le ministre responsable, nous pourrons, à compter de l'adoption du projet de loi, régler un certain nombre de problèmes qui étaient sous-jacents à cette situation de droit.

Le projet de loi prévoit de plus une augmentation de cinq à sept du nombre des membres de l'office, pour y adjoindre deux membres de la profession agricole sur une base de temps partiel. En plus d'une mesure d'exception favorisant les producteurs en serre situés en zone blanche, un comité de révision des décisions de l'office sera mis en place; c'était là aussi une requête formulée depuis déjà un bon moment. Composé d'un maximum de six membres possédant un compétence pratique en agriculture ou des connaissances en matière de financement agricole, ce comité aura comme rôle principal le réexamen des dossiers des requérants ou des requérantes qui, après la date de l'entrée en vigueur de la loi, essuieraient un refus ou verraient une décision non conforme à leur requête ou à leur demande ou à leur souhait, un refus exprimé à la suite d'une demande de prêt ou de subvention par l'Office du crédit agricole.

Ce comité serait également appelé à revoir les dossiers des emprunteurs en défaut dans les cas d'une décision rendue par l'office ayant notamment pour objet d'autoriser la réalisation des garanties du prêteur ou de refuser d'autoriser une consolidation des dettes ou le renouvellement ou l'augmentation d'une ouverture de crédit à la production.

Étant donné que le nombre de prêts continuera de subsister dans le cadre des lois actuelles jusqu'à leur expiration, à moins qu'une transposition n'en soit faite dans le nouveau régime, nous suggérons de prévoir la possibilité de mettre au point une formule pouvant permettre d'identifier les avantages détenus par les emprunteurs dans le régime actuel, de les mesurer de façon à pouvoir les transposer dans le nouveau régime, dans le but de mettre fin, dans les meilleurs délais, au régime actuel et, ce faisant, de faciliter le fonctionnement du nouveau régime et de réduire les coûts administratifs.

Signalons que l'énumération ci-dessus ne constitue pas une liste exhaustive et limitative des dispositions apportées dans la présente refonte des lois du crédit agricole,

mais simplement les principaux éléments vus dans le cadre général de la révision proposée.

Avant de terminer, M. le Président, vous me permettrez de résumer les principaux avantages qu'entraînera l'adoption du projet de loi 46. Ce projet de loi devrait rendre notre régime québécois de financement agricole encore plus souple et plus fonctionnel, tout en lui assurant une plus grande cohérence et un suivi des prêts mieux structurés. Il établira une uniformité entre un bon nombre de dispositions concernant les mêmes objets qui se retrouvent notamment dans les diverses lois actuelles.

Le projet de loi réduit à une seule la liste des définitions que l'on retrouve dans chacune des lois actuellement. Ce projet de loi permettra d'adopter une seule série de formules polyvalentes pour divers types de crédits afin de remplacer les nombreuses formules en annexes à certains règlements d'application des lois qui ont cours actuellement.

Le projet de loi nous permettra aussi d'en arriver à l'unification des politiques de prêt et des procédures. Le projet de loi, avec son règlement refondu, constituera un document unique de travail, de consultation et de référence pour tous les intervenants dans les dossiers de prêt. Ce projet de loi favorisera en somme une codification de toute la législation relative au crédit agricole québécois.

La refonte des lois de financement agricole favorisera au surplus l'uniformisation du processus de traitement des dossiers ainsi qu'une plus grande personnalisation de ces derniers au regard de la clientèle, l'entité la plus importante finalement dans l'ensemble de cette démarche. Cette refonte, on en parle depuis quelques années, pour ne pas dire depuis plusieurs années, c'est évidemment avec beaucoup de fierté que je vous en ai livré, aujourd'hui, les principaux passages. Cette refonte est nécessaire lorsque l'on constate le rôle primordial de l'Office du crédit agricole du Québec dans le développement de notre agriculture. Qu'il suffise de rappeler l'encours de 1 700 000 000 $ actuellement à l'Office du crédit agricole du Québec.

De nombreux autre éléments de portée plus technique pourraient être énumérés tant le présent projet renferme d'éléments positifs. Il importe cependant de rappeler que ce projet se présente une réforme majeure du système actuel de crédit agricole permettant d'asseoir et d'édicter les principes de base d'une véritable politique à long terme. Notre but est d'accroître la rentabilité des exploitations agricoles. Nul doute que le projet de loi soumis à la présente commission est un pas important dans l'atteinte de nos objectifs en plus, évidemment, des autres leviers mis à notre disposition pour favoriser un développement encore plus fort et plus dynamique de l'agriculture québécoise. (10 h 45)

Je puis donc, d'ores et déjà, M. le Président, vous assurer que, avec ce projet de loi, le Québec sera doté d'un régime de financement agricole complet, articulé et fonctionnel comme il n'en existe pas beaucoup au Canada. Sur cela, je pense que tous les observateurs sont unanimes non seulement à le constater, mais à le dire. Ce projet de loi sur notre régime de financement est certainement sujet, nous l'espérons, à donner des petits et à se traduire par des gestes inspirés par les législations dans les autres provinces.

En terminant, je vais vous indiquer que c'est avec beaucoup d'ouverture d'esprit que nous entendrons nos distingués intervenants, aujourd'hui et demain. Je m'en voudrais, avant de terminer, de ne pas réitérer tous mes remerciements et mon appréciation comme ministre à l'égard de celles et ceux qui ont travaillé à la préparation de ce projet de loi. Je fais références, évidemment, à l'équipe de travail qui a été mise sur pied en 1986; je fais aussi référence à la disponibilité très grande qui m'a été offerte par les professionnels de l'Office du crédit agricole et de son président, M. Camille Moreau; je fais aussi référence aux membres de l'Assemblée nationale qui ont suivi de très près ce dossier, qui ont siégé, étudié, analysé et consulté le caucus des députés et les intervenants de l'extérieur. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. M. le porte-parole de l'Opposition, vous avez jusqu'à un maximum de trente minutes pour vous exprimer.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que j'entreprends le travail qui nous a été dévolu par l'Assemblée nationale, à savoir d'entendre les commentaires de différents intervenants concernés par la refonte ou la réforme; je ne sais pas comment l'employer, souvent le ministre a bifurqué en disant: "C'est une refonte, c'est une réforme". C'est un peu l'ambiguïté...

M. Pagé: ...réforme.

M. Jolivet: M. le Président, je ne voudrais pas être dérangé par le ministre. J'ai le droit d'émettre des opinions, dans le sens où vraiment son ambiguïté est conforme à ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant quant à l'ensemble des discussions sur le libre-échange, incluant la question de l'agriculture.

Je dois dire que c'est une refonte du système québécois de financement agricole qui nous est proposée par le projet de loi, mais qui va être analysée aussi un peu en regard du choc de ces jours derniers et qui nous a amenés à nous poser de sérieuses questions sur ceci: À quoi cela sert de faire une étude complète sur le financement agricole si on ne connaît pas ce que sera l'agriculture au Québec, ni ce que sera l'ensemble du monde agricole au Québec, dans les prochaines années?

J'ai eu l'occasion, moi aussi, dans les dernières semaines, de rencontrer plusieurs groupes organisés, plusieurs personnes individuellement. Ils m'ont parlé des problèmes de la relève agricole, des problèmes dans la définition de ce qu'on entend au Québec, eu égard au fait qu'on parle toujours de la ferme familiale, de la ferme telle qu'on la connaît aujourd'hui, mais en tenant compte, que, dans tout cela, il y a des choses sur lesquelles on n'a pas encore saisi la pensée du ministre, comme la société en commandite, qui fait peur dans le milieu agricole. Cela nous amène à dire que le libre-échange, tel que présenté actuellement, fait prévoir qu'une brèche intervenue à l'intérieur de l'ensemble agricole, peut avoir des suites majeures au Québec.

J'ai aussi relevé un paradoxe que j'aimerais faire observer aux membres de la commission et à ceux qui vont nous présenter des mémoires dans les jours qui viennent, en ce sens que, ce matin, on est appelés à discuter de financement agricole, de la relève agricole, de l'entreprise familiale, alors même que l'avenir de notre agriculture est en train de se jouer à un palier plus important encore et à un palier supérieur, où le ministre semble être absent. On entend le ministre, en commission parlementaire sur le libre-échange et on s'aperçoit, aujourd'hui, que ce qu'il nous disait à l'époque et ce qu'il nous dit aujourd'hui n'a peut-être pas les mêmes valeurs comme il semblait vouloir nous le faire comprendre.

Je suis un peu inquiet, je dois dire, à titre de porte-parole de l'Opposition en agriculture, de l'impact négatif, pour l'avenir de notre agriculture, de l'accord sur le libre-échange qui est intervenu dans la nuit de samedi dernier, à Washington, entre le gouvernement canadien et le gouvernement américain, où il semble que le Québec soit absent dans ces discussions.

Il semble que l'accord aura pour effet de mettre fin au système actuel de contingentement dans les secteurs des oeufs et de la volaille. Je dis "il me semble" parce qu'il y a des documents qui, actuellement, font partie d'un texte intégral paru dans les journaux. Quand nous avons préparé notre texte - c'était hier - on avait des discussions à partir de textes qui, comme dans d'autres dossiers au Québec, que ce soit sur l'ensemble du libre-échange ou l'intervention ayant trait à l'accord constitutionnel du lac Meech, sont des communiqués à partir desquels nous devons travailler.

Donc, il me semble qu'un tel accord aura des effets dramatiques pour les producteurs et les productrices d'oeufs et de volaille. L'accord prévoit aussi un accès élargi au marché canadien pour les produits agricoles américains. Le Canada a aussi renoncé aux tarifs sur les produits agricoles américains. On nous dit que, parallèlement, les deux gouvernements travailleront à la mise au point d'un nouveau régime permettant de régler les problèmes de dumping et de subventionnement qui devra entrer en vigueur à la fin de la septième année. La question qu'on peut se poser est: Est-ce qu'effectivement l'agriculture se trouve dans ces choses telles que décrites dans un document paru dans les journaux d'aujourd'hui?

Je tiens a rappeler a M. le ministre, les propos qu'il a tenus lors de la commission parlementaire sur le libre-échange, lesquels propos visaient à rassurer les milieux agricoles en ce sens que notre système agricole ne saurait être mis en question par un éventuel traité de libre-échange. Je n'ai pas le droit de mettre en doute la bonne foi du ministre. Je serais tenté de le faire, mais il me semble qu'il est lui-même dépassé par les événements. Ce qu'on attend de lui et ce que le monde agricole attend de lui, c'est que, en tant que ministre québécois de l'Agriculture, il donne l'heure juste aux agricultrices et aux agriculteurs d'ici quelques jours sur l'impact de l'accord sur l'avenir de l'agriculture au Québec.

Ce n'est peut-être pas la place la plus appropriée pour en parler, on a eu l'occasion de le faire, mais de textes que nous n'avions même pas et que les députés de l'autre côté n'avaient même pas sur l'ensemble du libre-échange, je dois vous dire qu'on ne peut pas faire la dichotomie entre ce qui s'est passé et ce qui est en train de se discuter aujourd'hui, c'est-à-dire l'impact qu'aura un tel accord sur les politiques agricoles du gouvernement québécois, qui, à notre avis, n'a pas accordé le statut spécial ou un statut ayant pour but de protéger l'agriculture tel que vous vous y étiez engagé comme ministre responsable de l'agriculture.

De la question du financement agricole dont nous aurons l'occasion de discuter à fond la teneur au cours des prochains jours, qu'il me soit permis d'en parler comme un enjeu majeur pour le monde agricole québécois. Personne ne saurait prétendre, en ce moment, remettre en question l'intervention de l'État québécois en matière

de financement agricole comme un élément essentiel de toute véritable politique d'ensemble en agriculture. On pourra peut-être essayer de regarder ce qui pourrait arriver comme j'ai eu, l'occasion de l'entendre dire, mais toujours à partir d'une hypothèse majeure où on disait: Si chaque agriculteur était sûr d'avoir le coût de production incluant un salaire convenable et le coût des assurances à l'intérieur de ce coût de production, peut-être qu'on n'aurait pas besoin de ce système d'aide. Mais, dans le contexte actuel, on n'a pas le choix. Les gens disent: 11 faut le bonifier parce qu'effectivement, c'est à partir de cela qu'on va donner une importance à l'agriculture au Québec.

L'importance du financement agricole découle directement de l'évolution de notre système agricole caractérisé depuis plus de cinquante ans par un accroissement constant de la productivité de nos entreprises agricoles. Cette productivité sans cesse croissante est le produit de l'avancement de nos connaissances sur les techniques d'exploitation et de gestion de l'entreprise agricole par le biais, bien entendu, de la recherche, mais aussi par la présence importante d'une machinerie faisant l'objet de mises au point augmentant sans cesse son efficacité.

Cela nous amène à dire que, pour nourrir le Québec, nous avons recours, aujourd'hui, à un nombre moins élevé de producteurs qu'il y a 25 ans pour assumer cette tâche. L'accroissement de la productivité a aussi pour conséquence de favoriser une concentration de plus en plus grande de la propriété de nos entreprises agricoles, où l'on cultive sur des terres plus grandes avec des rendements que l'on ne pouvait imaginer il y a 50 ans. L'accroissement de la productivité et la concentration de la propriété de nos entreprises ont fait augmenter considérablement le coût d'une entreprise agricole et, en conséquence, les risques financiers pour celui ou celle qui choisit de devenir, voire, dans certains cas -on a eu l'occasion de le voir aussi - de demeurer producteur ou productrice agricole. On sait que la valeur moyenne d'une ferme au Québec s'établit à plus de quelque 300 000 $ et peut-être 350 000 $. L'importance d'un tel investissement oblige le producteur ou la productrice à recourir nécessairement au crédit. L'État québécois, à ce moment-là, assume un rôle essentiel en matière de financement agricole par l'intermédiaire de l'Office du crédit agricole qui, on s'en souviendra, a célébré l'an dernier ses 50 ans d'existence. L'office qui a compensé le désengagement du gouvernement fédéral continuera, j'en suis assuré, de jouer ce rôle en vertu du projet de loi 46.

Le financement agricole permet à l'État d'intervenir pour accentuer le développement de productions particulières, pour favoriser le transfert des fermes par l'émergence d'une relève agricole et pour préserver les entreprises lors de crises qui affectent nos producteurs et nos productrices. Je pense ici, particulièrement, aux effets dramatiques de la flambée des taux d'intérêt lors de la récession économique du début des années quatre-vingt.

J'ai eu l'occasion de rencontrer des jeunes aux études actuellement, au collège Macdonald. Ils m'ont fait mention des problèmes qu'ils avaient, eux, d'entrer dans le circuit et j'ai rencontré, par ailleurs, d'autres personnes à Saint-Hyacinthe qui se trouvent dans le circuit et qui m'ont parlé des difficultés qu'elles avaient à y demeurer.

L'État québécois doit mettre en place des programmes d'aide financière qui répondent aux besoins de nos producteurs et productrices, qui veulent consolider et développer leurs entreprises, en accordant une attention particulière aux jeunes qui veulent s'établir. Le ministre en a fait mention longuement. On aura l'occasion, par les questions que nous poserons aux groupes de la relève, de voir si vraiment ce que le ministre dit et ce qu'ils pensent, c'est la réalité quotidienne que l'on vit aujourd'hui.

Le gouvernement du Parti québécois a reconnu l'importance du financement agricole pour la relève ainsi que pour la consolidation et l'expansion de nos entreprises agricoles par la mise en oeuvre de mesures concrètes, et j'en nomme quelques-unes: l'adoption, en juin 1982, de la Loi favorisant l'établissement de jeunes agriculteurs, l'augmentation à 500 000 $ du seuil maximum du prêt ou de l'ouverture des crédits pour un producteur de céréales ou de bovins d'engraissement, en mai 1983, l'augmentation de 100 000 $ à 200 000 $ du montant maximum du prêt à moyen terme consenti en vertu de la Loi favorisant l'amélioration des fermes et l'adoption de mesures fiscales facilitant le transfert des biens agricoles entre générations.

Comme je le mentionnais précédemment, il faut que l'État vienne en aide particulièrement aux jeunes qui désirent s'établir en agriculture, compte tenu des énormes coûts financiers auxquels ils doivent s'astreindre en consacrant, en moyenne, plus de 20 % de leur budget au remboursement de leurs frais hypothécaires.

Au-delà des coûts à l'établissement, les jeunes agriculteurs sont confrontés à une gestion de plus en plus complexe d'une entreprise qui leur demande d'être un peu à la fois comptables, agronomes, mécaniciens et, dans certaines circonstances, vétérinaires. D'où l'importance d'une formation agricole afin que le jeune agriculteur ou la jeune agricultrice puisse faire fructifier l'investissement et relever le défi considérable que représente l'achat d'une

entreprise agricole sur une base individuelle ou dans le cadre d'une exploitation de groupe.

La réflexion soulevée à cet égard par le mémoire de la Fédération de la relève agricole du Québec est fort pertinente. Il existe, actuellement, des problèmes importants pour ce qui est de la formation de jeunes agriculteurs et de la capacité des outils dont nous disposons pour former ces jeunes.

Nous reconnaissons que la bonification de l'aide à l'établissement liée à la formation du jeune agriculteur prévue par le projet de loi est une mesure positive. Cependant, elle ne saurait régler à elle seule le problème de la diminution importante du nombre d'étudiants inscrits en formation agricole collégiale, diminution qui est observée depuis deux ans et que les jeunes du collège Macdonald m'ont démontrée avec des chiffres pertinents.

Au-delà de l'aide financière à l'établissement, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation doit accorder une attention particulière à toute la problématique de la formation agricole. J'entends d'ailleurs proposer sous peu, aux membres de la commission parlementaire de l'agriculture, un mandat d'initiative pour étudier en profondeur toute cette question des difficultés du réseau de formation agricole à répondre aux attentes des jeunes.

Cependant, cette préoccupation ne doit en aucune façon se limiter seulement aux jeunes. Il faut aussi se pencher sur les moyens à mettre en oeuvre pour doter le Québec d'une véritable politique de formation continue de nos producteurs et productrices agricoles de façon à ce qu'ils soient le plus possible à la fine pointe de l'information dans leurs secteurs de production respectifs. L'éducation aux adultes, les bulletins d'information des associations de producteurs sont quelques-uns de ces moyens. Il faut s'interroger sur les moyens à mettre en oeuvre pour accroître l'action actuelle de ces outils et évaluer aussi la possibilité de mettre en oeuvre de nouveaux outils supplémentaires à la disposition de nos producteurs et productrices.

Ici, je dois vous dire qu'effectivement, j'ai eu l'occasion de discuter avec des gens de Sainte-Hyacinthe et d'ailleurs au Québec des problèmes qu'ils ont pour trouver une relève agricole pour les besoins des maraîchers ou des gens qui sont dans la production horticole ou autre et, dans ce contexte, de la capacité qu'on a, au Québec, de se doter d'une politique permettant une main-d'oeuvre de plus en plus qualifiée. Dans ce contexte, il faut prévoir la formation qui s'impose. (11 heures)

Le projet de loi 46 sur le financement agricole reprend à son compte quelques-unes des recommandations qui ont été formulées dans le rapport de la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation à la suite d'une consultation générale qui a eu lieu au printemps 1985 sur les aspects de la relève, du financement et de l'endettement agricole au Québec. Mis à part quelques changements, le projet de loi 46 se résume essentiellement à la refonte du cadre législatif actuel du financement agricole. Il vise en effet à remplacer les huit lois actuelles et leur règlement respectif par une seule loi et un seul règlement afin d'uniformiser, de simplifier et d'accélérer le processus de traitements des dossiers à l'office.

Il faut dire que l'Opposition souscrit à cette refonte et à ces objectifs. Cependant, il faudra s'assurer, sur le terrain, que l'office atteigne ses objectifs dans sa gestion au jour le jour. Je fais allusion à d'autres choses qui se sont passées et pour lesquelles les agriculteurs et les agricultrices du Québec ont dit qu'en principe tout le monde était d'accord sur la refonte des programmes, mais que, dans le quotidien, il y a des problèmes majeurs. Le ministre en est conscient. On a eu l'occasion d'en parler lors de la commission parlementaire sur les engagements financiers, alors qu'on disait que la proposition du ministre de réduire les programmes n'a pas porté fruit sur le plan local quant à la capacité pour les gens de bénéficier du programme - critères trop restrictifs d'engagement - et, deuxièmement, quant aux montants dévolus par rapport à ce qui était dans le passé. Nous posons la même problématique: Oui, quant au principe; cependant, on devra être vigilant quant aux modalités d'application.

Parmi les éléments positifs du projet de loi 46, il faut cependant noter l'accréditation du vendeur comme prêteur, facilitant ainsi le transfert de l'entreprise entre générations, l'augmentation du seuil maximal des prêts à 800 000 $, peu importe la structure d'entreprise - j'ouvre une parenthèse, peut-être que le ministre aura l'occasion de nous dire ce qu'il entend faire avec les sociétés en commandite - la bonification de l'aide à l'établissement liée à la formation du jeune agriculteur sur les premiers 200 000 $, à savoir 50 % du taux de l'intérêt supérieur à 2 % pour celui possédant une expérience d'au moins deux ans ou un an d'expérience avec deux années de formation.

L'Opposition a cependant un certain nombre de commentaires, de réserves et de critiques par rapport au projet de loi 46. À la lecture de la liste des éléments visés par le pouvoir de réglementation de l'article 141 du projet de loi, force nous est de constater que la refonte du cadre législatif et réglementaire du crédit agricole n'aura pas permis une cure d'amincissement du pouvoir de réglementation du ministre de la part d'un

gouvernement qui, de son côté, prétend afficher un parti pris favorable aux vertus de la déréglementation. C'est un danger dont on a parlé concernant d'autres lois. J'ai eu l'occasion de participer à l'étude de la Loi sur les forêts, de la Loi sur les terres du domaine public, et je dois vous dire que c'est la même présentation, on semble faire disparaître la réglementation, mais on se donne une superréglementation comme celle qu'on connaît actuellement.

Nous y voyons donc une contradiction entre la simplification et la rationalisation du régime proposé par le projet de loi et la liste impressionnante des pouvoirs réglementaires que le ministre se donne à l'article 141. À mon avis, le ministre aurait peut-être eu intérêt à s'entretenir avec M. Reed Scowen, qui a publié un volumineux rapport sur cette question avant son départ pour Londres, à titre de délégué général du Québec. Peut-être qu'il aurait eu intérêt à le faire.

Dans le même ordre d'idées, le débat sur le projet de loi 46 aurait été facilité si le projet de règlement avait été mis à la disposition des intervenants dans les jours suivant le dépôt à l'Assemblée nationale et non pas, comme on l'a vécu, tout dernièrement seulement. À ce moment-là, les travaux de la commission n'en auraient été que plus efficaces.

L'Opposition dénonce la perte de la subvention à l'intérêt prévue par l'actuelle Loi favorisant l'amélioration des fermes sur les prêts à moyen terme. Cette décision marque un recul que nous jugeons important quant à l'aide financière que l'État québécois donne en matière de crédit agricole. Nous craignons que la hausse du seuil maximal de prêt à 800 000 $ prévue par le projet de loi à l'article 19 ne favorise, sans encadrement je dis bien sans encadrement - le développement de la grosse entreprise agricole au détriment de la ferme familiale et ce, à moyen et à long termes.

Le projet de loi 46 propose de hausser de cinq à sept le nombre de membres de l'office. À cet égard, cependant, rien n'est prévu dans le projet de loi pour donner suite aux intentions du ministre, comme il l'a dit, de nommer à ces deux postes des représentants du monde agricole. Si le ministre est de bonne foi, ce dont je ne doute pas, il devra prévoir un amendement à l'article 99 pour spécifier que deux des membres de l'office doivent être des agriculteurs. De plus, il me semble que ce choix devrait être fait en consultation avec l'Union des producteurs agricoles du Québec. Nous sommes inquiets que rien ne soit prévu à l'article 99 pour fixer la durée du mandat des membres de l'office. J'espère que ce n'est pas à vie.

Le projet de loi crée, en vertu des articles 117 à 122, un comité de réexamen permettant à tout requérant de contester une décision de l'office relativement au refus d'une demande pour un prêt, une ouverture de crédit, un prêt spécial, une subvention ou une prise en charge d'intérêts. Ce comité de réexamen composé d'au plus six membres est un organisme consultatif qui ne répond que partiellement aux attentes des agriculteurs et agricultrices. Nous nous demandons si la mise en place d'un comité de révision d'appel, au sein même de l'office, ne pourrait pas se révéler plus efficace qu'un comité de réexamen n'ayant qu'un pouvoir moral. Ce comité de révision, composé de trois membres de l'office dont le président et l'un des deux représentants des agriculteurs, excluant le régisseur ayant pris la décision, examinerait, sur demande de l'intéressé, le dossier de l'agriculteur ou de l'agricultrice s'estimant lésé par une décision de l'office en la personne du régisseur concerné. Nous proposons de plus que le mandat de ce comité soit élargi aux agriculteurs en difficultés financières. Il s'agit, il me semble, d'une réflexion concernant le comité de réexamen que nous désirons soumettre au ministre afin de satisfaire aux attentes à l'égard d'un mécanisme de révision qui s'apparente un peu à celui de la Commission de protection du territoire agricole.

Dans le même ordre d'idées, l'Opposition s'interroge sérieusement sur l'absence de balises dans le projet de loi comme dans le projet de règlement encadrant le processus de décision et le mode de fonctionnement de l'office. Le pouvoir du président de déléguer à peu près n'importe quelle responsabilité à tout employé de l'office en vertu des dispositions de l'article 115 nous paraît trop vague et très ambigu. Nous souhaiterions que le processus de décision, le partage des responsabilités et le mode de fonctionnement de l'office soient établis de façon plus précise et détaillée dans le chapitre 3 du projet de loi précisant les pouvoirs et les fonctions de l'office.

Nous sommes déçus, à la lecture du projet de loi, de l'absence de mesures concernant les agriculteurs en difficultés financières. Nous regrettons aussi, hormis l'accréditation du vendeur comme prêteur, l'absence de mesures favorisant le transfert graduel des fermes entre générations. L'Opposition s'oppose à ce que le prix à payer pour les bonifications apportées par le projet de loi et, en particulier, les mesures d'aide à l'établissement de jeunes agriculteurs soit la hausse des contributions des producteurs au fonds d'assurance-prêts agricoles et forestiers. Dans les faits, ces hausses de contributions prévues par le projet de loi 49 viendront annuler en large partie les bonifications apportées par le projet de loi 46 concernant l'établissement des jeunes agriculteurs possédant de l'expérience et une formation agricole appropriée.

En terminant, j'aborde avec beaucoup d'intérêt ces travaux de la commission parlementaire sachant qu'ils vont nous permettre, aujourd'hui et demain, d'entendre les gens qui sont les plus concernés, ceux qui composent quotidiennement, sur le terrain, avec l'action de l'Office du crédit agricole. Ces travaux permettront à ces organismes de formuler au ministre et aux membres de la commission des commentaires pertinents sur les mesures susceptibles de bonifier le projet de loi 46 qui se traduit, pour l'essentiel, par une refonte du cadre législatif actuel du financement agricole en un seul texte de loi et un seul texte réglementaire. J'aurai l'occasion, M. le Président, de poser des questions afin d'obtenir le meilleur éclairage possible de la part des gens qui viendront en commission parlementaire. Comme le but de la commission est d'entendre ces gens, nous sommes disposés à les entendre dès maintenant.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le porte-parole de l'Opposition. Je demande donc aux représentants de l'UPA...

M. Pagé: Une brève question.

Le Président (M. Richard): Excusez-moi. M. le ministre?

M. Pagé: Est-ce que je peux poser une très brève question?

Le Président (M. Richard): Oui, je pense qu'il n'y a pas d'objection à ce que M. le ministre pose une brève question.

M. Jolivet: J'espère que...

M. Pagé: Trois secondes. Êtes-vous pour ou contre?

M. Jolivet: Nous sommes pour, je l'ai dit, M. le Président, pour l'essentiel, quant au principe. Le problème que nous avons, c'est sur les modalités. Comme je l'ai dit à propos d'autres choses, quand on parle de l'ensemble des programmes, tout le monde peut être en principe pour la simplification; le problème, c'est l'application et c'est là-dessus que nous avons des questions.

M. Pagé: D'accord. Merci. Auditions

Le Président (M. Richard): S'il vous plaît, messieurs les représentants de l'UPA, l'Union des producteurs agricoles du Québec, dont M. Jacques Proulx est président, si vous voulez prendre place. M. Proulx, je vous demanderais, par la suite, de présenter vos collègues. Entre temps, il a été convenu que la période maximale pour l'audition des représentants de l'Union des producteurs agricoles sera de 40 minutes maximum, pour votre exposé principal, M. Proulx, et de 80 minutes pour les représentants de la commission qui pourront vous interroger à la suite de votre exposé.

Avant de commencer, M. Proulx, je voudrais savoir si, de part et d'autre, nous sommes favorables à ce que M. Beaudin, qui est retenu chez lui à cause d'un décès dans sa famille, soit remplacé par M. Yvon Vallières pour siéger à la commission.

M. Jolivet: Est-ce qu'il serait opportun de manifester notre sympathie à notre collègue?

Le Président (M. Richard): Je sais que c'est un décès dans sa famille.

M. Pagé: M. le Président, c'est normal qu'il en soit ainsi. La commission adresse ses sympathies au député de Gaspé.

Le Président (M. Richard): À l'endroit de notre collègue, M. Beaudin, le député de Gaspé.

M. Yvon Vallières pourra donc siéger éventuellement à cette commission.

M. le président de l'Union des producteurs agricoles, vous avez la parole pour un maximum de 40 minutes.

Union des producteurs agricoles

M. Proulx (Jacques): Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs les députés, je voudrais, dans un premier temps, présenter les membres de la table: M. Roger Pelletier qui est président de la Coopérative fédérée et qui, à la fin de mon exposé, donnera les raisons pour lesquelles il est avec nous. Je pense que vous devinez que c'est parce qu'il nous appuie, mais il serait quand même important qu'il le souligne. M. Bernard Duval, premier vice-président, M. Jean-Claude Blanchette, secrétaire général, M. François Côté économiste, responsable de notre secteur économique et M. Jean Bernier, membre de l'exécutif. Il y a aussi les autres membres de mon exécutif ainsi que les membres du comité du crédit agricole, qui a travaillé spécialement sur le projet, mais qui y avait travaillé antérieurement aussi depuis le début. Si vous le permettez, certains de ces membres pourront s'ajouter à nous tout à l'heure pour répondre a un certain nombre de questions propres au domaine ou qu'ils ont à défendre dans le milieu.

J'essaierai de faire cela dans 40 minutes, M. le Président, mais j'espère que, si cela prend 42 minutes, vous ne m'en voudrez pas. Je pense que le crédit agricole et le travail que vous avez à faire et qu'on a à faire sont très importants pour

l'agriculture québécoise. Cela fait déjà un certain nombre d'années qu'on en parle et comme c'est, en fait, la pierre angulaire de l'agriculture du Québec, à mon avis, il faut vraiment trouver tous les moyens pour pouvoir y répondre et trouver les meilleures solutions possibles.

Comme je viens de le dire, on a eu, lors de commissions précédentes, l'occasion de s'exprimer assez globalement sur cela. C'est évident que profitant de l'actuelle refonte des différentes lois, il est important de se mettre à date et de pouvoir vous faire connaître les attentes des agriculteurs et agricultrices québécois.

Si vous me permettez de faire un peu d'histoire, en 1931, au Québec, la population agricole représentait 27 % de la population globale. En 1981, ce pourcentage était descendu à 2,89 % et, pourtant, toute la population mange pleinement à sa faim.

Ces chiffres ne font que refléter l'extraordinaire accroissement de la productivité agricole, qui a été le point de départ de la révolution industrielle. Un nombre de plus en plus petit d'agriculteurs étant capable de produire assez d'aliments pour nourrir l'ensemble de la population, une main-d'oeuvre est libérée et peut produire l'ensemble des biens et des services qui constituent ce qu'on pourrait appeler le confort moderne. Cette évolution a sa source dans une productivité agricole croissante.

L'évolution de la productivité agricole vient essentiellement de deux sources: l'évolution des connaissances par la recherche scientifique et le recours grandissant à la machine pour produire. Ces deux facteurs combinés font que chaque agriculteur ou agricultrice a été capable de produire une quantité sans cesse croissante d'aliments.

Cette évolution s'est concrétisée dans l'avènement de fermes où chaque agriculteur ou agricultrice, recourant à un équipement et une machinerie de plus en plus perfectionnés, a pu cultiver des superficies plus grandes avec des rendements croissants et a pu également s'occuper d'un cheptel animal plus considérable.

En termes économiques, cela s'est traduit par des fermes de plus en plus capitalisées. Mesuré en dollars constants de 1981, le capital (terres, bâtiments, machinerie, animaux) est passé de 4 400 000 000 $, en 1941, à 8 400 000 000 $, en 1983, pendant que le nombre de fermes au Québec passait de 155 000, en 1941, à 48 000, en 1981.

Résultat de cette évolution: les fermes valent de plus en plus cher. Une étude très exhaustive de la Société du crédit agricole, en 1984, a révélé que la ferme moyenne du Québec avait un actif total moyen de 298 000 $. (11 h 15)

On constate également que le ratio - capital sur valeur ajoutée - est, en agriculture, de 12,74. Cela veut dire qu'il y avait 12,74 $ de capital investi en agriculture pour chaque dollar de production agricole, mesuré en valeur ajoutée, ce qui est la meilleure mesure. Vous avez un tableau qui fait la comparaison entre les différents secteurs économiques. Il démontre qu'on part de 0,34 $, en fait, à 12,74 $. Je pense qu'uniquement cette constatation serait amplement suffisante pour démontrer l'importance du crédit en agriculture.

La capitalisation de l'agriculture étant plus grande qu'ailleurs dans l'économie, les problèmes de financement le seront également. Ces machineries, ces terres, ces animaux vont devoir être achetés par le recours à l'emprunt si nécessaire, et c'est souvent le cas.

Et quand vient le temps de la retraite des parents, la ferme est vendue à la génération suivante. La question du financement se pose alors dans toute sa complexité, car il s'agit d'une entreprise qui vaut extrêmement cher par rapport aux revenus qu'elle procure. La transmission d'une ferme est une opération financière compliquée où le financement joue un rôle déterminant.

L'évolution de l'agriculture a fait en sorte que les agriculteurs recourent de plus en plus au crédit au cours de leurs activités. Cela se reflète, par exemple, dans le fait que les dépenses d'intérêt payées par les agriculteurs du Québec totalisaient 33 500 000 $, en 1971, et représentaient 7,6 % des déboursés des agriculteurs, alors qu'en 1986, les paiements d'intérêts totalisaient 254 900 000 $ et représentaient 13 % des dépenses agricoles totales.

Ces chiffres illustrent clairement l'importance déterminante du financement de l'agriculture et, par conséquent, l'importance du mandat de la présente commission parlementaire.

L'implication de l'État dans le financement. Une des caractéristiques essentielles du financement de l'agriculture est l'implication importante de l'État.

Plusieurs facteurs historiques ont entraîné cette évolution. L'impact de la grande dépression sur le monde rural, la volonté de relocaliser des soldats après la guerre, la nécessité d'une agriculture efficace pour nourrir la population urbaine croissante, certaines caractéristiques sociologiques qui différencient le monde agricole du monde industriel et, enfin, la dispersion géographique des fermes sont des facteurs qui ont amené les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral à s'impliquer dans le financement de l'agriculture à différents moments de l'histoire récente.

Au niveau canadien, on a assisté à la création de l'Office des prêts agricoles, en 1927, qui est l'ancêtre de la Société du

crédit agricole actuelle. Au Québec, la Loi sur le crédit agricole fut adoptée en novembre 1936. Cette loi prévoyait des prêts aux agriculteurs au taux de 2,5 %, au moment où l'organisme fédéral prêtait à 5,5 %.

Le gouvernement fédéra! est progressivement devenu un agent prépondérant et cela a amené la plupart des provinces, sauf le Québec et la Nouvelle-Écosse, à se retirer progressivement du domaine du financement agricole. Depuis une dizaine d'années toutefois, le gouvernement fédéral a diminué son rôle dans l'ensemble du Canada. Dans les autres provinces du Canada, le vide laissé progressivement par le retrait du fédéral a été occupé par le secteur bancaire. Le Québec a suivi une évolution différente. Le retrait du gouvernement fédéral a été largement compensé par l'importance croissante qu'a acquise l'Office du crédit agricole, d'abord, par ses prêts directs et, à partir de 1978, par l'avènement du système Tandem par lequel l'office garantit des prêts consentis par les institutions privées aux agriculteurs et assure une partie des frais d'intérêts.

Une analyse de l'activité de l'office révèle clairement l'importance qu'il a acquise dans le financement de l'agriculture du Québec.

Ainsi, l'encours total des prêts faits ou garantis par l'office, qui est de 625 000 000 $, représente 63 % de toutes les dettes des agriculteurs du Québec. Au chapitre du long terme, l'encours de 1 266 000 000 $ de prêts à long terme de l'office représente 75 % des dettes à long terme des agriculteurs du Québec.

L'implication croissante du gouvernement du Québec dans le financement de l'agriculture s'est traduite par une augmentation des montants versés en rabais d'intérêts, qui sont passés de 15 100 000 $, en 1975-1976, à 115 000 000 $, en 1982-1983, et à 66 500 000 $, en 1985-1986. La pointe de 1982-1983 correspond à la flambée des taux d'intérêt qui ont atteint, à l'été 1981, le niveau de 22,75 %.

Nous sommes convaincus qu'il est essentiel que l'État demeure un agent important dans le financement de l'agriculture, en particulier pour les raisons suivantes.

La première est que le financement est un canal par lequel on peut contribuer à réaliser plusieurs objectifs d'une politique agricole, par exemple, développer de nouvelles productions, faciliter la transmission d'une ferme d'une génération à l'autre, accorder aux femmes une plus grande place dans le processus économique ou influencer la structure de la production.

La deuxième est que l'agriculture est fondamentalement instable et périodiquement secouée par des crises profondes qui mettent en danger l'existence même d'un grand nombre de fermes.

Non seulement l'agriculture est-elle instable, mais elle est également un des secteurs procurant une des rémunérations les plus faibles au capital investi. On situe généralement le rendement sur le capital investi en agriculture à un maximum de 3 % à 4 %.

Ainsi, au Québec, le revenu net agricole, c'est-à-dire le revenu disponible pour rémunérer le travail des agriculteurs et agricultrices, de la main-d'oeuvre familiale ainsi que du capital investi est estimé, en 1986, à 1 042 000 000 $. Si on impute une valeur de 22 000 $ au travail annuel des quelque 33 000 exploitants - c'est l'équivalent du temps plein - et une rémunération de 16 000 $ par année aux 18 000 années-personnes de main-d'oeuvre familiale non rémunérée, il reste, en y ajoutant les intérêts payés, 283 000 000 $ pour rémunérer un capital agricole (terres, bâtiments, machineries, animaux) estimé à 9 600 000 000 $ en 1986. Cela représente un rendement de 2,7 % sur l'ensemble du capital investi.

Il se vit actuellement un bouleversement dans l'agriculture mondiale. Après une décennie de marchés relativement stables, les prix des céréales tombent, la valeur des terres chute, provoquant faillites et abandons de fermes. Les gouvernements, partout dans le monde, se voient forcés d'intervenir, en particulier, dans le domaine du financement agricole. Le président américain, M. Reagan, ce champion du libéralisme économique, a, par exemple, mis sur pied un programme d'urgence pour garantir les prêts des agriculteurs aux banques en échange d'une diminution de 10 % de la dette. Le gouvernement américain est forcé d'intervenir pour renflouer les institutions financières des régions rurales menacées de faillite.

On constate aussi, dans les autres provinces du Canada, un retour du balancier et une multiplication des programmes d'intervention dans le financement agricole.

Certains penseurs très libéraux pourraient s'opposer à voir cette ingérence de l'État dans le mécanisme du marché du financement. Pourtant, l'agriculture n'est pas une exception. Il n'y a que la manière qui diffère.

Dans d'autres secteurs, à travers des programmes de développement régional, par des interventions ad hoc - on n'a qu'à penser à Bell Hélicoptères, à l'industrie de l'amiante, à General Motors, à la multitude d'entreprises subventionnées par des programmes de développement régional -l'État finance directement la capitalisation des entreprises. On pense aussi au programme REAQ qui, depuis une dizaine d'années, permet aux entreprises du Québec d'accroître facilement leur équité grâce à la

généreuse incitation fiscale que comportent les REAQ qui, de 1978 à 1986, a représenté un manque à gagner de 784 000 000 $ pour le gouvernement du Québec. On pense également au traitement fiscal avantageux qui est accordé aux dividendes, ce qui réduit d'autant le coût de financement des entreprises financées par le marché public d'actions. On n'a qu'à penser aux actions accréditées, par exemple, pour l'exploration minière, on n'a qu'à penser aux sociétés en commandite et on pourrait en énumérer une multitude.

Dans le secteur agricole, l'État ne contribue pas directement au financement des entreprises mais plutôt indirectement, en ce sens qu'il diminue les intérêts sur les emprunts faits par les entreprises. Cette méthode est peut-être bien adaptée à la réalité de l'agriculture, où les fermes sont entièrement possédées par les exploitants et où il est difficile d'utiliser les mécanismes de financement public par action auxquels ont recours les entreprises des autres secteurs et que facilite un programme comme le REAQ et d'autres comme les SPEQ et les SODEQ. Dans le domaine du financement agricole, les méthodes sont différentes, mais le fondement est le même: l'État contribue au financement des entreprises.

C'est à la lumière de cette problématique globale que nous croyons que les politiques de financement agricole doivent être évaluées et c'est dans cet esprit que nous analyserons certains points précis des projets de loi 46 et 49 ainsi que les règlements qui les accompagnent et qui visent à remplacer, tout en les modifiant, l'ensemble des lois et règlements qui régissent le financement agricole au Québec.

Alors qu'on a souvent parlé d'une réforme, c'est véritablement d'une refonte dont il s'agit. La plus grande partie des clauses du projet de loi ainsi que du projet de règlement étaient déjà contenues dans les huit lois et dans la multitude de règlements touchant le financement agricole actuellement en vigueur. Cette opération de fusion était devenue inévitable; l'ensemble des lois et règlements était devenu un ensemble difficilement compréhensible.

Un certain nombre de changements sont apportés au passage. L'étude de ces projets de loi et de règlements a été, pour nous, l'occasion de refaire le point en profondeur sur la situation qui prévaut en matière de financement agricole, de réfléchir aux avantages et aux inconvénients des changements proposés, d'identifier ce que nous croyons être des lacunes qui subsisteraient si ces deux documents étaient adoptés intégralement.

Nous commenterons, dans les pages qui vont suivre, ces deux documents. Nous espérons que nos remarques trouveront, du côté gouvernemental, une oreille ouverte et attentive et que le point de vue des agriculteurs et agricultrices recevra la considération qu'il mérite dans la rédaction finale de la loi et du règlement.

La multitude de types de prêts consentis en vertu d'une multiplicité de lois et règlements sont remplacés par deux grands types de prêts (prêts et ouvertures de crédit) consentis à travers un cadre légal et administratif unique. Les prêts pourront différer en termes d'échéance (court-moyen-long) ou en termes de garantie (hypothèque, nantissement), mais le cadre global est unique.

Nous constatons que cette simplification entraîne la perte d'un élément extrêmement utile et pratique pour les agriculteurs, le prêt d'amélioration des fermes consenti en vertu de la Loi sur l'amélioration des fermes. Pour les prêts n'excédant pas 50 000 $, les agriculteurs peuvent faire affaire directement avec le prêteur, qui règle lui-même les formalités auprès de l'office. Cette procédure simple et rapide est particulièrement appropriée pour les achats de machinerie et d'outillage.

Nous croyons qu'il est important que l'on introduise, dans la nouvelle loi et dans le règlement, la souplesse qui était associée aux P.A.F.

Nous demandons donc que les institutions financières puissent prendre la décision de prêter jusqu'à 50 000 $ de la manière qui régit l'octroi des P.A.F., actuellement. Cela nous paraît essentiel si on veut éviter que l'unification des lois ne résulte en une rigidité accrue du système.

Le montant des prêts. Un montant maximum de prêt unique est fixé à 800 000 $, auquel se rajoute le maximum de la marge de crédit fixée à 200 000 $ (ou 500 000 $ pour les céréales et le bovin), ce qui représente une augmentation totale de 350 000 $ pour les individus et de 150 000 $ pour les groupes.

Dans la mesure où ce sont des plafonds, dans la mesure où il existe un certain nombre de cas où les individus exploitent en groupe une grosse exploitation, nous ne nous opposons pas à un plafond se situant nettement au-dessus des besoins en financement d'une ferme familiale habituelle.

Une grosse ferme peut être le moyen par lequel les parents préparent l'établissement, en groupe ou séparément, de plusieurs enfants. C'est une réalité à laquelle on ne peut se fermer.

En même temps, il faut éviter que cette ouverture ne devienne un moyen de s'éloigner d'un mode d'agriculture où le ou les exploitants et leurs familles possèdent l'entreprise, en assument la gestion et fournissent la plus grande partie du travail.

De très grosses fermes, où la plus grande partie du travail est fournie par les

familles impliquées, ne devraient pas être considérées de la même façon que la ferme de même dimension où la majorité du travail serait fournie par une main-d'oeuvre salariée. Un tel principe doit être appliqué avec discernement selon la production.

Nous demandons que, à l'article 6 du règlement qui traite du critère d'admissibilité à un prêt, on introduise la notion d'origine du travail fourni dans l'entreprise, ce qui permettra à l'office de distinguer entre les grosses entreprises à caractère familial et les grosses entreprises qui ne seraient pas à caractère familial. Un tel principe doit cependant être appliqué avec discernement en tenant compte des particularités de chaque production et nous demandons que les producteurs soient étroitement associés à la définition de règles précises par lesquelles ces principes seraient mis en application.

On fixe à un maximum unique de 200 000 $ sur des prêts à long terme le montant subventionnable. Cela remplace les plafonds de la loi tandem (150 000 $ et 200 000 $) et également la subvention de 3 % sur 15 000 $ de prêts à moyen terme en vertu de la Loi sur l'amélioration des fermes. Le remboursement en vertu de la Loi sur l'amélioration des fermes est plus avantageux qu'en vertu de la loi tandem, en ce qu'il s'applique à la première partie du capital emprunté, de sorte que la subvention demeure constante tant que le solde du prêt excède 15 000 $. De plus, ces prêts en vertu de la Loi sur l'amélioration des fermes sont simples a obtenir et sont particulièrement appropriés lorsqu'il faut agir rapidement pour faire face à un problème pressant. (11 h 30)

Le nouveau maximum représente une légère augmentation pour les emprunteurs individuels, et la perte de 15 000 $ pour les emprunteurs de groupe. Comme les groupes constituent un pourcentage d'emprunteurs important (35 %) et croissant rapidement et constituent un type d'emprunteur qui a des besoins financiers plus grands, l'effet net du changement constitue un recul.

Compte tenu de la faible rentabilité des investissements en agriculture, compte tenu également de l'importance du financement en agriculture, nous croyons que le maximum de prêt subventionnable ne devrait pas être diminué, il devrait plutôt être augmenté pour tenir compte de l'inflation survenue depuis 1978 lorsque les plafonds ont été fixés pour la dernière fois.

Nous croyons donc qu'un plafond unique de 315 000 $ est plus approprié à la réalité d'aujourd'hui.

Nous croyons aussi que le même principe qui était appliqué aux PAF, à savoir que la subvention s'applique sur la première partie du capital emprunté et demeure constante tant que le capital dû dépasse le maximum subventionnable, devrait s'appliquer à la totalité des prêts faits en vertu de la nouvelle loi.

Par ailleurs, en vertu de l'article 45 du règlement, les seuls prêts qui seraient subventionnables seraient les prêts à long terme. C'est un recul très important par rapport à la situation actuelle, où les premiers 15 000 $ d'un PAF sont subventionnables et où des prêts à moyen terme sur nantissement en vertu de la Loi favorisant le crédit agricole à long terme par les institutions privées peuvent également être subventionnés.

Nous demandons que les prêts à moyen terme soient, à l'intérieur du plafond maximum établi, subventionnés.

Finalement, en ce qui concerne le taux d'intérêt chargé aux agriculteurs, nous croyons qu'un plafond doit être inscrit dans la loi pour ce qui est du taux d'intérêt qu'on pourrait charger aux agriculteurs. Si la formule actuelle de calcul de la subvention avait été en place lorsque les taux d'intérêt ont atteint 22,75 % en 1981, les agriculteurs auraient alors payé 13,62 % sur la partie subventionnable de leur prêt, tout en payant des taux complètement insensés sur la partie non subventionnable, sur laquelle on doit payer le taux préférentiel des banques, plus 0,5 %. Nous pensons que l'établissement d'un plafond est d'autant plus justifié que le système tandem repose sur le taux préférentiel des banques, qui est un taux pour des emprunts à court terme, alors que les prêts faits sont des prêts à moyen et à long termes. Les taux a court terme fluctuent davantage que les taux à plus long terme qui seraient plus appropriés au genre de prêts faits dans le système tandem. Nous demandons donc qu'un plafond de 8 % sur les prêts à long terme et de 10 % sur les prêts à court terme soit fixé pour les prêts faits en vertu de la Loi sur le financement agricole.

On annonce une bonification du taux d'intérêt pour les jeunes qui s'établissent. Cette bonification additionnelle sera de 2 % décroissant sur cinq ans et sera porté à 4 % décroissant sur cinq ans pour ceux qui s'établissent avec un DEC. Cela représente typiquement un montant se situant entre 6000 $ et 8000 $ répartis sur cinq ans pour le cas général et de 12 000 $ à 16 000 $ répartis sur cinq ans pour ceux détenant un DEC.

Ces nouvelles mesures visant la relève se rajoutent au montant pouvant atteindre 4000 $ versé au moment de l'établissement en vertu d'un nouveau programme agricole d'incitation à la formation, de même qu'à la subvention à l'établissement qui a été portée à 15 000 $, l'an dernier.

Nous approuvons ces nouvelles initiatives visant la relève.

Nous sommes en accord avec l'idée de

combiner aide à la relève avec un certain incitatif à la formation. Il ne peut qu'en résulter des agriculteurs et des agricultrices plus compétents et une agriculture plus dynamique. Nous souhaiterions toutefois que la nouvelle politique d'assistance à la relève s'étale sur un plus grand nombre d'années. Nous demandons que le taux d'intérêt, au lieu d'augmenter de 0,5 % ou de 1 % par année pour atteindre le taux habituel au bout de cinq ans, croisse à un rythme de 0,25 % ou de 0,50 % par année pour atteindre le taux normal au bout de neuf ans plutôt que cinq ans.

En ce qui concerne particulièrement la bonification liée à un DEC, nous croyons que trois autres modifications devraient être apportées.

Premièrement, il faut qu'il soit clairement entendu que cette politique s'applique autant à un DEC obtenu par la voie d'attestations d'études collégiales, c'est-à-dire, AEC qu'à un DEC obtenu par la voie habituelle.

En second lieu, nous croyons que la notion de la formation professionnelle agricole et de DEC en agriculture compatible avec le type principal de production est trop restrictive. Dans la mesure où le grand bénéfice de l'éducation ne tient pas tant aux connaissances emmagasinées qu'à l'apprentissage d'une démarche et à une ouverture d'esprit, on devrait élargir ce critère et exiger un DEC pertinent à l'agriculture. Cela rendrait admissibles à certaines politiques des jeunes ayant reçu, par exemple, une formation en administration.

Troisièmement, nous croyons que la bonification d'intérêt liée au DEC devrait être accessible non seulement à ceux qui s'établissent avec un DEC, mais également à ceux qui s'établissent en prenant l'engagement formel d'acquérir un DEC dans un nombre donné d'années, engagement qui pourrait être assorti de contrôles pour éviter les abus. Formulé de cette façon, l'incitatif favoriserait non seulement la formation avant l'établissement, mais deviendrait également un stimulant puissant pour ceux qui s'établissent sans DEC à continuer leur formation.

Dans la mesure où certaines politiques agricoles valorisent la formation collégiale, les agriculteurs s'attendent évidemment à ce qu'il y ait un effort accru de la part du ministère de l'Éducation comme des autres ministères concernés pour que la formation collégiale en agriculture soit largement accessible aux agriculteurs de tout le Québec. Ce n'est pas le cas actuellement quand on voit qu'une région comme l'Abitibi n'a pas encore d'option agricole au niveau collégial.

Les garanties et la capacité de remboursement. En vertu de l'article 10 de la loi, le maximum des prêts serait à 85 % de la valeur des biens offerts en garantie.

Nous croyons, quant à nous, que le critère fondamental de l'octroi des prêts devrait être la capacité de remboursement et que l'office a trop souvent tendance à concentrer son attention sur les garanties et pas assez sur la capacité de remboursement. Lorsque la capacité de remboursement existe, les garanties ne devraient pas constituer un facteur limite comme c'est très souvent le cas, actuellement, dans plusieurs productions et dans plusieurs régions. On sait, de plus, que l'office attribue aux bâtiments une valeur contributive, valeur qui entre dans le calcul des garanties et qui peut se situer, par exemple, à 30 %, comme dans l'horticulture ou à 44 % comme pour le bovin, du coût de construction du bâtiment. Avec de telles valeurs contributives et avec un prêt maximum à 85 % de la valeur des garanties, on continuera à refuser des prêts à des emprunteurs qui ont, par ailleurs, une capacité de remboursement adéquate.

Pour pallier cette situation, il nous apparaît essentiel que le maximum des prêts soit établi à 100 % de la valeur des biens offerts en garantie. Nous demandons aussi que l'office adopte le principe que tout doit être fait pour accorder des prêts lorsque la capacité de remboursement existe.

Par ailleurs, les agriculteurs ont toujours dénoncé la pratique de l'office qui est de rechercher un maximum de garanties pour couvrir ses prêts. Comme on le dit souvent, dans le monde agricole: "Ils prennent tout ce qu'ils voient."

Tout en étant conscients des intérêts légitimes comme prêteurs, nous croyons que l'office abuse de sa position privilégiée comme pourvoyeur d'une assistance de l'Etat et fait preuve d'un manque de confiance envers ses clients agriculteurs. En prenant systématiquement un maximum de garanties, l'office met les agriculteurs emprunteurs dans une espèce de tutelle financière, dans une situation où ils ne peuvent vendre aucun actif ou contracter aucun emprunt sans obtenir une mainlevée de l'office. La politique devrait donc être de rechercher un montant raisonnable de garanties compte tenu du risque du prêt et compte tenu des antécédents de l'emprunteur.

Pour éviter que l'office dépasse cette limite et abuse de sa position de force, nous demandons que le comité de réexamen créé par la loi 46 ait, en plus des mandats qui lui sont attribués, celui d'entendre les plaintes des agriculteurs concernant les garanties exigées par l'office pour l'obtention d'un prêt.

En vertu de la loi 46, les prêts ne seraient consentis qu'en vertu d'un nantissement ou d'une hypothèque de premier rang. Nous croyons que l'office pourrait accepter des garanties de deuxième rang. Cela

simplifierait considérablement la situation d'agriculteurs qui auraient emprunté à la Société du crédit agricole et qui voudraient contracter un emprunt à l'office. En soi, un deuxième rang n'est pas moins solide qu'un premier rang. Tout dépend de l'endettement total et de la valeur des garanties. Il n'y a pas de raison pour qu'on élimine, par la loi, toute possibilité d'hypothèques ou de nantissements de deuxième rang, sans compter la souplesse qu'une telle clause pourrait introduire.

Liée à la question générale des garanties est celle de la possibilité que les quotas deviennent nantissables par des changements au Code civil. L'office a exprimé son souhait qu'un tel changement se fasse, mais, pour l'instant, cela n'est pas prévu dans le projet de loi et de règlement.

Nous avons, devant la commission parlementaire chargée d'étudier la révision du Code civil, exprimé notre opposition à cette idée et les raisons qui nous motivent. Il s'agirait d'une possibilité accrue et nouvelle d'endettement additionnel fondée sur un actif qui est finalement assez précaire. Un tel changement ne pourrait qu'avoir l'effet de contribuer à faire augmenter la valeur des quotas. Troisièmement, les créanciers saisiraient les quotas en premier lieu, privant les producteurs de leur droit de produire.

De plus, les fédérations administrant des plans conjoints ont toutes des règlements visant à ce que les quotas soient produits par ceux qui les détiennent, cela pour empêcher toute spéculation. On voit mal comment le prêteur ayant ses quotas pourrait répondre à ces exigences.

Il y a plusieurs années, l'office a adopté la politique de faire signer à l'emprunteur une cession du produit de la vente du quota à son bénéfice. En même temps, on a attribué aux bâtiments agricoles avec quotas une valeur qui reflétait la valeur productive. Cette valeur productive est nécessairement supérieure à la valeur marchande qu'ils auraient s'ils étaient vendus séparément d'un quota, dans lequel cas ils ne pourraient servir à la production.

Il semble que l'office eût subi des pertes dans certains cas semblables, n'étant pas parvenu à toucher le produit de la vente du quota et que c'est cela qui cause le problème.

Nous croyons que la solution au problème n'est pas de nantir les quotas, ni de diminuer le montant du prêt dans de tels cas. Nous croyons qu'elle est plutôt d'améliorer le fonctionnement actuel.

Les fédérations affiliées à l'UPA qui administrent des systèmes de contingentement collaborent déjà et sont prêtes à prendre toute mesure additionnelle raisonnable pour que, lorsque l'office détient une cession du produit de la vente, le produit soit acheminé à l'Office du crédit agricole. Il semble que des problèmes se posent dans les cas de faillite, où le syndic peut exiger que le produit de la vente soit versé à la faillite.

Si les lois actuelles permettant que l'office, dans le cas de faillite, soit privé du produit de la vente du quota, la solution est de corriger les lois appropriées pour que, même dans un cas de faillite, l'office conserve un droit incontestable sur le produit de la vente dudit quota. Un tel changement n'est certainement pas plus compliqué que d'amender le Code civil pour rendre le quota nantissable, comme il est proposé actuellement. Cette voie nous semble nettement préférable à celle de permettre qu'un créancier puisse saisir un quota de production.

Nous notons avec satisfaction que le vendeur devient dorénavant prêteur autorisé au même titre que les institutions financières. Cela incitera les vendeurs à contribuer davantage au financement de l'achat de la ferme, ce qu'ils sont souvent prêts à faire à des conditions avantageuses. Et cela fera en sorte que ceux qui accepteront de le faire ne risqueront pas de perdre l'avoir de leur vie, advenant des difficultés financières à l'acheteur de la ferme.

Il était grandement temps qu'on traite les agriculteurs qui vendent leur ferme de la même manière qu'une grande banque. C'est une question de justice élémentaire et c'est un changement susceptible de contribuer de façon importante au financement.

Il ne faut toutefois pas que cette politique devienne un moyen par lequel l'office oblige les vendeurs à assumer une partie du financement. La décision d'assumer une partie du financement en vertu de la loi devrait relever entièrement du vendeur, et cela ne devrait, en aucun cas, être une condition de l'octroi d'un prêt.

Au chapitre des prêteurs autorisés, nous notons l'absence de la Société du crédit agricole. Nous sommes conscients des réticences du gouvernement du Québec à canaliser ses dépenses à l'intérieur d'un prêt fait par un organisme du gouvernement fédéral. En même temps, en forçant les agriculteurs à choisir entre la société et le système de l'office, en refusant de traiter un organisme fédéral sur le même pied que les banques et les caisses populaires, on prive le Québec de tout avantage, si insuffisant soit-il, que le gouvernement fédéral consentit aux agriculteurs par les programmes de financement agricole. C'est le cas du pouvoir de garantie du gouvernement fédéral; dans le cas de prêts faits par la société à l'intérieur du système tandem, le gouvernement fédéral assumerait la garantie, et cela réduirait d'autant les pertes sur prêt de l'Office du crédit agricole. C'est un point non

négligeable quand on constate que l'office est susceptible de débourser 90 000 000 $ pour couvrir les pertes sur prêts prévisibles.

Si la Société du crédit agricole occupait au Québec la même place, au chapitre du financement à long terme, qu'elle occupe dans le reste du Canada, c'est-à-dire 4l,8 % du financement à long terme en 1984, c'est près de 250 000 000 $ de plus qui auraient été prêtés par la société aux agriculteurs du Québec. Une part substantielle des pertes de 90 000 000 $ qu'aura à assumer le Trésor du Québec aurait été assumée par le gouvernement fédéral, cela sans compter tous les frais d'administration liés à l'octroi et au suivi d'un prêt qui auraient été épargnés au Québec. (11 h 45)

Quand on voit toute l'énergie actuellement dépensée dans le contexte de la stabilisation tripartite pour que le Québec récupère ce qui lui est dû par le gouvernement fédéral, on comprend mal les hésitations du gouvernement à intégrer la Société du crédit agricole dans le système tandem. En réalité, la société peut être intégrée dans le système tandem sans que le Québec n'ait à sacrifier aucun objectif de sa politique agricole et sans avoir à transformer ses politiques agricoles, ce qui ne semble pas être le cas dans le dossier de la stabilisation tripartite.

Nous demandons donc que la société devienne un prêteur autorisé en vertu du système tandem. Son statut serait différent des autres prêteurs autorisés en ce que le gouvernement du Québec n'assumerait pas la garantie des prêts de la société, qui est assumée par le gouvernement fédéral. L'article 6 de la loi ouvre cette possibilité.

Ce changement serait non seulement avantageux pour le Trésor public du Québec, mais il comporterait l'avantage immense de briser l'exclusivité que l'office exerce, en pratique, dans le domaine du prêt agricole. Les agriculteurs auraient à nouveau deux comptoirs où présenter leur dossier et l'émulation qu'une telle situation engendrerait ne pourrait qu'entraîner une nette amélioration du service aux agriculteurs. L'intégration de la société dans le système tandem constituerait une amélioration majeure.

Dans notre précédent mémoire à la commission parlementaire, nous avions déploré le fait que l'office avait négligé son râle de conseiller en crédit et s'était plutôt transformé en un simple pourvoyeur de fonds.

La refonte des lois en elle-même, en simplifiant l'aspect légal et administratif, constitue un pas dans la bonne direction. Les pouvoirs que se donne l'office d'avoir des normes d'expérience et de formation, et d'avoir des critères quant à la capacité de gérer de l'emprunteur et au réalisme des demandes sont, s'ils sont appliqués avec discernement par des employés bien formés, des pouvoirs qui peuvent permetre aux employés de l'office de jouer leur rôle de conseiller. Mais pour cela, les lois et règlements ne suffisent pas. Il faut, dans le fonctionnement quotidien, que les conseillers aient une attitude respectueuse et ouverte face aux agriculteurs. Pour qu'un tel objectif ne demeure pas un voeu pieux, nous proposons les mesures concrètes suivantes.

Il nous paraît essentiel qu'on inscrive dans le règlement que le conseiller de l'office ne peut recommander aux autorités de l'office un refus de prêt ou une modification à la demande du prêt sans en avoir préalablement discuté avec l'agriculteur.

Il faut également qu'une copie complète du dossier d'une demande de prêt avec les notes et les commentaires du conseiller, soit remise à tout agriculteur qui en fait la demande.

Il faut que le nom de toutes les personnes contactées par le conseiller pour évaluer une demande apparaisse au dossier.

Nous demandons, de plus, que l'agriculteur ait le choix du conseiller avec lequel il fera affaire à l'office.

Fonctionnement et administration. À ce chapitre, nous notons qu'avec un retard incompréhensible, on met enfin en place un comité d'appel qui prend le nom de comité de réexamen. Les agriculteurs comme les employés de l'office ne peuvent que bénéficier de l'existence d'un mécanisme où pourront être réévalués les dossiers lorsqu'il y a désaccord entre l'agriculteur et le conseiller.

Nous croyons, tel que mentionné précédemment, que le mandat de ce comité ne devrait pas porter uniquement sur le refus d'un prêt, mais aussi sur les conditions exigées par l'office, en particulier en ce qui a trait à la capacité de remboursement et aux garanties exigées.

Un autre mandat doit être attribué au comité de réexamen, soit celui de pouvoir entendre les agriculteurs à la suite d'une décision de déchéance du prêt en vertu de l'article 142 de la loi.

Nous croyons, de plus et surtout, que le comité de réexamen ne devrait pas être consultatif, mais décisionnel pour pouvoir jouer pleinement le rôle que nous attendons de lui. Nous croyons qu'il devrait y avoir une majorité d'agriculteurs siégeant à ce comité pour y introduire le point de vue concret et pratique d'agriculteurs compétents et expérimentés. Nous demandons que l'UPA soit obligatoirement consultée dans le choix des agriculteurs invités à siéger à ce comité. C'est plus pour vous aider, parce qu'on a vu que, pour certains conseils, vous aviez de la difficulté à trouver des agriculteurs. Alors, je pense qu'on pourrait drôlement vous aider.

Ce comité de réexamen est un pas en

avant. Nous croyons que d'autres mesures doivent être prises pour donner des moyens aux agriculteurs de faire face à cette organisation complexe que constituent l'office et ses politiques.

Nous demandons que soit créé un poste qui s'apparenterait à un poste d'ombudsman et dont le responsable serait accessible par ligne INWATS et aurait pour fonction d'informer et d'expliquer les lois, règlements et directives de l'office. Cela permettrait à un agriculteur de connaître ces règlements et directives et de vérifier si le conseiller qui évalue son dossier les applique correctement. Ce service devrait aussi avoir pour mandat d'informer toute personne intéressée sur les directives et les procédures internes de l'office. Nous pensons ici, en particulier, aux directives touchant l'évaluation des biens offerts en garantie.

Nous apprécions également le fait qu'on annonce, dans le communiqué de presse accompagnant le projet de loi, que les deux nouveaux postes à l'administration de l'office seront attribués à des agriculteurs.

Nous constatons toutefois que cette intention n'est confirmée ni par la loi ni par le règlement. Nous demandons que le règlement précise que ces deux postes d'administration à l'office soient attribués à des agriculteurs et que l'UPA soit aussi consultée sur le choix de ces deux administrateurs.

En ce qui concerne l'administration de l'office, les agriculteurs d'Abitibi-Témiscamingue déplorent grandement le fait que leur région dépend administrativement du bureau régional de Rimouski, ce qui est une source d'inconvénients. Nous demandons donc qu'un bureau régional soit établi pour la région d'Abitibi-Témiscamingue.

Les délais. Les agriculteurs continuent à subir les lenteurs administratives de l'office et le temps trop long qui s'écoule entre une demande de prêt, l'analyse du dossier et la décision finale.

Nous demandons, donc, que l'office prenne les mesures administratives nécessaires pour que le déboursé d'un prêt à long terme se fasse dans un délai maximum de trois mois suivant le dépôt d'une demande de prêt à l'Office du crédit agricole.

Nous avons la conviction qu'advenant la reconnaissance de la SCA comme prêteur autorisé, l'émulation créée par cette nouvelle situation entraînerait d'elle-même le raccourcissement des délais administratifs.

Le fonds d'assurance-prêts agricoles et forestiers. Les agriculteurs ont, jusqu'à maintenant, contribué de façon presque symbolique à l'alimentation de ce fonds dont le but est d'intervenir lorsque l'office fait des pertes sur les prêts.

Le gouvernement a exprimé son intention d'accroître substantiellement, dans l'avenir, la participation des agriculteurs à ce fonds.

Nous sommes en désaccord complet avec ce principe parce qu'il va contre l'esprit même d'un système où le gouvernement garantit les prêts des prêteurs. L'implication pratique est qu'il assume d'éponger les pertes lorsqu'elles surviennent et nous n'acceptons pas qu'on vienne ensuite augmenter l'intérêt imposé aux agriculteurs pour limiter le coût au gouvernement de sa garantie sur les prêts.

Plutôt que chercher à faire assumer aux agriculteurs le coût des faillites agricoles, on devrait plutôt chercher à réduire ces coûts le plus possible. On devrait, en particulier, mettre en vente le plus rapidement possible les bâtiments d'élevage saisis plutôt que de les laisser se détériorer souvent pendant plusieurs années avant de les revendre.

Marge de crédit. Certains changements sont apportés aux ouvertures de crédit, c'est-à-dire aux crédits à la production. Le maximum des prêts passe de 100 000 $ à 200 000 $ et demeure à 500 000 $ pour le boeuf et les céréales. De plus, les ouvertures de crédit seront dorénavant consenties pour une période de cinq ans plutôt que de 30 mois, comme c'est le cas actuellement. De plus, un plafond du taux préférentiel de plus 1 % est fixé, qui remplace la politique du taux courant qui prévalait jusqu'à maintenant pour ce type de prêt.

Contrairement à ce que nous attendions, rien ne semble avoir été fait pour simplifier la procédure extrêmement lourde qui existe actuellement, en vertu de laquelle les fonds sont débloqués uniquement sur présentation de pièces justificatives.

Tout en respectant la volonté de l'office d'exercer un certain contrôle sur l'utilisation des marges de crédit, nous croyons qu'il faut chercher à. simplifier une procédure encombrante aussi bien pour les emprunteurs que pour les prêteurs lorsqu'elle est rigoureusement appliquée.

Nous proposons qu'on dresse, pour chaque emprunteur, une liste de fournisseurs (meuneries, coopératives, vendeurs d'engrais, etc.) et que les institutions financières soient autorisées à libérer les sommes pour des paiements à ces fournisseurs sans présentation préalable de pièces justificatives.

Nous proposons aussi que soit modifié l'article 39 du règlement pour qu'une somme puisse être avancée en vertu d'une ouverture de crédit non seulement si elle est couverte par un inventaire de produits agricoles, mais également si elle est couverte par des comptes à recevoir.

Remboursements et versements de la subvention. Le projet de loi introduirait la possibilité de paiements mensuels, trimestriels ou annuels en plus des paiements semestriels.

C'est une souplesse nouvelle et utile. On devrait accroître cette souplesse en permettant que les périodes semestrielles puissent commencer à n'importe quel moment dans l'année plutôt qu'obligatoirement les 1er mai et 1er novembre.

De plus, nous constatons qu'on n'a pas établi de concordance entre la périodicité des paiements d'intérêts par les agriculteurs et celle du versement de la contribution gouvernementale, qui continuerait d'être versée sur une base semestrielle. Pour éviter que l'agriculteur ait à supporter pendant quelques mois la totalité du paiement d'intérêt en attendant le versement de la contribution, nous suggérons que le versement de la contribution soit établi à la même périodicité que les paiements d'intérêts.

Nous croyons de plus que, pour accroître davantage la souplesse du système, on devrait pouvoir modifier en cours de prêt la périodicité des remboursements. Pour y arriver, il faudrait que le mode de remboursement fasse l'objet d'une entente séparée de l'acte de prêt, pour qu'on puisse la changer sans avoir à passer chez un notaire pour modifier un acte de prêt enregistré.

Subventions pour l'établissement de jeunes agriculteurs. Les sections de la loi et du règlement concernant les subventions à l'établissement reproduisent l'essentiel des lois et règlements antérieurs sur ce point.

La subvention en capital de 15 000 $ continuerait à devoir prioritairement être utilisée à des améliorations foncières et à la construction de bâtiments de ferme.

Nous croyons que cette subvention doit pouvoir être utilisée à toute dépense qui contribue à accroître la rentabilité de l'entreprise. Nous demandons que l'expression "comme suit et prioritairement selon l'ordre suivant" soit enlevée du premier paragraphe de l'article 72 pour atteindre l'objectif énoncé ci-haut.

Tous savent que l'augmentation de 8000 $ à 15 000 $ de la subvention à l'établissement a entraîné un vaste mouvement par lequel beaucoup d'épouses d'agriculteurs se sont légalement - elles l'étaient en pratique - établies en agriculture et, pour ce faire, sont devenues copropriétaires de la ferme familiale. Comme c'était souhaité, la subvention à l'établissement sert de déclencheur à un changement profond qui va dans le sens d'une plus grande justice envers les conjointes d'agriculteurs.

Dans ce contexte, la limite de 40 ans pour la subvention à l'établissement constitue une difficulté, dans la mesure où les femmes de plus de 40 ans sont traitées d'une façon discriminatoire par rapport à celles qui ont moins de 40 ans.

Pour cette raison, nous demandons que la limite de 40 ans pour recevoir une subvention à l'établissement soit enlevée.

Étant donné tous les autres critères qui régissent l'établissement, en particulier, ceux de principale occupation et de rentabilité, l'abolition du critère d'âge ne devrait pas, en pratique, donner lieu à des abus.

Toujours en rapport avec l'octroi d'une subvention à l'établissement, nous souhaitons qu'un irritant dans le fonctionnement actuel soit éliminé. Dans le cas d'entreprises ayant reçu, au cours des dernières années, un prêt de 50 000 $ sans intérêt pour cinq ans, on doit attendre que les cinq années soient complètement écoulées pour que l'épouse puisse s'établir légalement et toucher la subvention à l'établissement. Nous croyons que les mesures appropriées devraient être prises pour que l'on n'ait pas à attendre la fin de la période de cinq ans dans ces cas-là. D'une façon ou d'une autre, on la verse; c'est simplement une question d'années.

L'aspirant agriculteur et l'agriculteur à temps partiel. Le projet de règlement modifie les politiques de financement à l'égard des aspirants agriculteurs, c'est-à-dire ceux dont l'agriculture n'est pas la principale occupation, mais qui s'engagent à en faire leur principale occupation à l'intérieur d'un délai de cinq ans. Dorénavant, les aspirants agriculteurs seront traités comme n'importe quel autre emprunteur par l'office. C'est une mesure susceptible d'aider un certain nombre de jeunes agriculteurs dans les premières années suivant une entrée en agriculture, qui sont souvent très difficiles.

Il demeure toutefois que l'agriculteur à temps partiel n'a pas accès au crédit agricole. Tout en étant convaincus que l'objectif de la politique agricole doit être une agriculture dont on peut vivre, nous constatons que, dans certaines productions et dans certaines régions, il est extrêmement difficile de faire de l'agriculture sa principale occupation. Il y a lieu d'envisager une activité agricole complémentaire à une autre activité.

Nous croyons donc qu'à l'intérieur de balises établies en étroite concertation avec les fédérations de producteurs et l'UPA, il y a lieu de mettre en place des politiques de financement accessibles aux agriculteurs à temps partiel.

Les fermes de groupe constituent une proportion croissante des nouveaux établissements. Elles doivent recevoir une attention particulière.

Des modifications ont été apportées à la définition de corporation agricole de même qu'à l'article 23 de la loi relatif aux fins pour lesquelles un prêt peut être consenti.

Nous apprécions en particulier le fait qu'une compagnie agricole dont un des actionnaires minoritaires serait une personne morale ne serait plus disqualifiée comme emprunteur à l'Office du crédit agricole. Il faut toutefois qu'on permette à cet

actionnaire de détenir jusqu'à 11 % des actions votantes, car la Loi sur les impôts exige une détention de 10 % d'actions votantes pour permettre le transport libre d'impôt de dividendes entre deux compagnies. (12 heures)

L'office financera, dans certains cas, le rachat d'une partie de son capital-actions par une compagnie agricole. Du point de vue fiscal, il est souvent plus avantageux que les actions d'un actionnaire qui se retire soient rachetées par un individu plutôt que par la compagnie elle-même. Nous demandons que cela soit rendu possible à l'article 23 de la loi. Les actifs de la ferme étant possédés par la compagnie et ne pouvant, pour des raisons fiscales, être offerts en garantie d'un emprunt par un actionnaire majoritaire, il faudra qu'un tel prêt soit garanti par le nantissement des actions détenues par l'emprunteur. Par conséquent, il faut que soit aussi modifié l'article 20 pour permettre qu'un prêt soit garanti par un nantissement d'actions.

Les fermes à ressources limitées. On ouvre la possibilité de prêts à des entreprises qui ne sont rentables que grâce à un échange de ressources et de services avec une autre entreprise. C'est un changement positif.

Cependant, nous croyons que les conditions sont trop restrictives et rigides, dans la mesure où l'office exigerait des baux et des contrats d'échange de services et de droits d'usage de biens pour la durée de prêt demandé ou, selon le cas, pour la période de temps où il est démontré qu'il sera nécessaire de faire appel aux ressources de cette autre entreprise pour en assurer la continuité.

Peu de gens seront prêts à offrir de tels contrats pour de longues périodes, et on le comprend facilement. On devrait exiger des baux et des contrats d'un minimum de cinq ans.

Nous demandons aussi que soit enlevé le dernier paragraphe de l'article 7 du règlement, en vertu duquel l'office se donne le droit d'exiger un cautionnement réel ou personnel du propriétaire de l'autre entreprise. C'est une disposition excessive dans notre esprit.

Les arrangements entre agriculteurs et créanciers. Il survient trop souvent que des agriculteurs soient acculés à la faillite, étant devenus incapables de faire face à leurs charges financières. Dans plusieurs cas, il s'agit d'agriculteurs honnêtes, travaillants et efficaces qui sont victimes des forces du marché ou d'une malchance quelconque.

Les actifs saisis sont, la plupart du temps, revendus à perte, la preuve étant que l'office semble en voie de rembourser quelque 90 000 000 $ aux institutions financières résultant de pertes sur les prêts.

Dans plusieurs cas, si l'office avait fait un arrangement avec l'agriculteur sous forme d'une réduction d'intérêt ou du capital dû, le coût pour l'office n'aurait pas été plus élevé que le coût d'une faillite et une ferme aurait été sauvée. Les lois qui régissent l'office ne lui ont jamais permis de faire de tels arrangements et le projet de loi ne le fait pas non plus.

On comprend la difficulté, pour un organisme public soumis à un contrôle politique, de faire des arrangements où entre en jeu une évaluation du mérite et des qualités personnelles des individus.

Cependant, le gouvernement fédéral a mis sur pied, il y a deux ans, dans chaque province, un Bureau de l'examen de l'endettement agricole qui a le mandat légal et les ressources pour analyser la situation d'agriculteurs en difficulté et de rechercher, là où c'est possible et désirable, des arrangements avec les créanciers.

Le gouvernement fédéral a donné l'autorisation et les fonds nécessaires à la SCA de faire, à certaines conditions, des arrangements avec des emprunteurs en difficulté sur recommandation du Bureau de l'examen de l'endettement agricole.

Les institutions bancaires font de tels arrangements dans certaines circonstances et il est absurde que, lorsqu'on est incapable de rembourser un prêt garanti par l'office, la seule issue soit la faillite.

Le gouvernement du Québec doit profiter de l'existence de ce bureau, qui peut agir comme une instance neutre et techniquement compétente, et permettre à l'office de faire les arrangements avec les agriculteurs en difficulté, sur recommandation du bureau et selon les autres conditions qu'on voudra bien établir.

Tel que nous l'avons mentionné, ce projet de loi ne constitue pas un bouleversement majeur, mais davantage une refonte des lois accompagnée d'un certain nombre de changements. Plusieurs des changements suggérés sont positifs. Nous avons également formulé un certain nombre de propositions susceptibles d'améliorer le projet de loi et de règlement.

Pour l'avenir, nous croyons que la réflexion doit se poursuivre en matière de financement de l'agriculture. Un certain nombre de voies doivent être explorées. Ainsi, plusieurs sont à la recherche d'une forme de financement qui serait sous forme d'équité, pour éviter le poids et la rigidité d'un financement par dette qui demeure pour l'instant la seule voie possible.

Nous croyons qu'on doit rechercher aussi de nouvelles formules d'établissement qui permettent, en particulier, l'établissement graduel comme il en existe dans d'autres pays. On pense à la formule du "share milking" pratiquée avec un très grand succès en Nouvelle-Zélande et qui constitue une procédure bien balisée par laquelle l'acheteur d'une ferme assume, par étapes, la

responsabilité et la propriété d'entreprise. Cette voie semble particulièrement prometteuse pour la vente d'une ferme à un acheteur autre que les enfants.

Nous espérons donc que les points de vue que nous avons formulés dans le présent mémoire recevront l'attention qu'ils méritent et qu'ils seront intégrés dans la rédaction finale du projet de loi et de règlement.

Comme je vous l'avais demandé tout à l'heure, M. le Président, le président de la Coopérative fédérée aurait quelques mots à dire et, ensuite, nous serons à votre entière disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Richard): M. le Président, j'ai grand confiance dans le président de la Coopérative fédérée du Québec, sauf que si on vous avait arrêté après votre temps, vous auriez arrêté à la page 24. Ce n'est pas un gros problème parce qu'il y avait sûrement beaucoup de matières jusqu'à la page 34; par contre, je demanderais un court commentaire parce que nous avons une enveloppe de temps. Si nous ne respectons pas l'intérieur de ces enveloppes, on va devoir décaler tous les autres groupes qui ont été cédulés à des heures fixes.

Alors, M. le Président, si vous y allez dans un délai très court, s'il vous plaît.

M. Blanchette (Jean-Claude): Merci, M. le Président. Je serai très bref, une minute tout au plus. Tout d'abord, c'est pour dire, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, que la Coopérative fédérée du Québec, qui est représentée ici par son président, appuie entièrement le mémoire présenté par l'UPA. Je pense que tout cela s'insère. Au Québec, on a fait un choix de société et je dis que la subvention au crédit, si l'on veut, est la meilleure formule pour arriver à poursuivre cet objectif de société de nourrir nos concitoyens et nos concitoyennes, afin que cela ne soit pas trop dispendieux.

En ce qui concerne l'agriculture, l'UPA l'a souligné, je pense que c'est peut-être une des industries qui est encore la moins subventionnée. Alors, la Coopérative fédérée que je représente ici, cela va de soi, si elle appuie ce mémoire, c'est qu'elle représente les mêmes agriculteurs qui sont, d'abord et avant tout, membres de l'UPA et qui sont copropriétaires de la centrale et de leur coopérative régionale.

Alors, comme l'a si bien souligné dans ses conclusions notre président, M. Proulx, je pense qu'on vit une évolution constante et très rapide dans notre société. Ce que le gouvernement nous propose aujourd'hui... Le mémoire de l'UPA, parce qu'on est directement avec nos agriculteurs, demande de considérer certaines améliorations. Je pense que ce ne sera pas le point final. Quand on regarde l'entente qui semble avoir été signée dernièrement à Washington, cela va peut-être nous amener plus rapidement que prévu à modifier encore cette formule d'aide aux agriculteurs et, en particulier, à l'établissement de nos jeunes. Je termine là-dessus en disant: Ayons l'oeil ouvert parce que cela change tellement rapidement qu'il n'y a plus rien de stable. Il n'y a qu'une chose qui est permanente, c'est le changement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le président. Maintenant, M. le ministre, je vous cède la parole en spécifiant que, de part et d'autre, le parti ministériel et le parti d'Opposition, vous avez environ 25 minutes chacun pour poser des questions aux intervenants. M. le ministre.

M. Pagé: Merci, M. le Président de la commission. Je voudrais évidemment remercier M. le président de l'Union des producteurs agricoles et l'exécutif de l'UPA ainsi que le président de la Coopérative fédérée de Québec de leur témoignage aujourd'hui. C'est un mémoire bien préparé, qui est le résultat d'une réflexion qui, comme vous le dites dans votre document, s'est étendue sur une certaine période. Ce mémoire est aussi le résultat d'une expérience et d'un vécu de votre organisme qui vous identifie comme étant très près des préoccupations, des besoins de vos membres.

Je voudrais, tout d'abord, vous remercier pour l'appui que vous donnez à plusieurs des dispositions du projet de loi 46 et aussi pour les recommandations que vous formulez, les modifications que vous souhaitez voir apportées.

M. le président, messieurs, je ne pourrai évidemment pas faire le tour avec vous - dans les 25 minutes que nous avons pour tout notre groupe parlementaire - de chacun des sujets que vous avez abordés. Je peux cependant vous donner l'assurance suivante.

Premièrement, le document a été bien analysé et il y a des recommandations que vous formulez qu'on peut qualifier de très intéressantes. Deuxièmement, je peux vous assurer que tout sera fait pour que vos recommandations soient bien analysées, non seulement dans ce but, mais dans une perspective de modifications éventuelles du projet de loi tel que déposé. C'est définitif et vous comprendrez très certainement que nous ne pourrons accepter toutes les recommandations, comme vous ne vous attendez très certainement pas à ce que le gouvernement les accepte toutes. Cependant, je peux vous indiquer qu'il y a des choses très positives, comme on dit chez nous, il y a des choses qui ont beaucoup d'allure dans les recommandations que vous proposez aujourd'hui.

Je vais continuer avec certains commentaires et peut-être des réponses au fur et à mesure. Vous abordez toute la question des quotas. Un sujet souventefois discuté évidemment et un sujet pour lequel vous m'avez fait des représentations très claires, tant auprès du comité, parce qu'il a siégé en 1986, qu'auprès de moi, personnellement, lorsqu'est venu le temps d'écrire le projet de loi. Les représentations que vous avez formulées ont trouvé preneur.

Cependant, on doit convenir, de part et d'autre, qu'il y a un problème à ce sujet. Plus particulièrement dans les cas de cessions forcées des actifs comme dans le cas d'une faillite. On doit reconnaître qu'il y a eu des pertes importantes qui ont été subies par les prêteurs en vertu du régime de prêts tandem. Cependant, on ne doit pas ignorer la nouvelle problématique reliée au nouveau mécanisme de vente des quotas, notamment dans la production laitière, qui a été mis en place depuis peut-être un an ou un an et demi et qui rend évidemment le prêteur beaucoup plus vulnérable. D'où la difficulté d'identifier l'acheteur du quota pour lui signifier valablement le transport des créances conformément aux articles 1571 et 1578 du Code civil, de façon que le prêteur puisse faire valoir prioritairement sa créance sur le quota à l'encontre des autres créanciers.

Je comprends que vous exprimiez des inquiétudes vous aussi. Le problème, nous l'avons. Mais il faut bien avoir à l'esprit que le quota représente, dans certains cas, une valeur importante des actifs de l'entreprise. Je reviendrai un peu plus tard à un autre sujet que vous avez abordé, soit les garanties exigées par l'office. Évidemment, il faut comprendre que, autant pour un prêteur que celui qui garantit, ce sont quand même des garanties qui viennent des fonds publics, des taxes et des impôts payés par les citoyens et qui coûtent strictement et uniquement, en ce qui a trait au financement agricole, bon an, mal an, 108 000 000 $, 110 000 000 $ ou 115 000 000 $ par année. Il faut bien avoir à l'esprit que le quota, compte tenu de la valeur qu'il représente, constitue une garantie importante et que la problématique engendrée par le régime de vente de quotas laitiers nous place dans une situation encore plus délicate. J'aimerais avoir vos commentaires sur l'ensemble de cette problématique, M. le président.

M. Proulx: Écoutez, je pense qu'on l'a clairement démontré à l'intérieur. On comprend qu'il peut y avoir certains problèmes à certaines occasions. On continue à dire qu'il n'y a pas... Ou qu'on nous fasse connaître les chiffres réels des pertes encourues spécifiquement parce que les quotas ont été "manoeuvres" - entre guillemets - peut-être à l'extérieur de tout cela. Il reste que, pour nous, il y a beaucoup plus de négatif à inclure cela qu'à ne pas le faire malgré les pertes qui pourraient survenir. Encore une fois, on continue à croire que ces pertes sont très minimes, il y en a eu, c'est évident. Il est sûr qu'il y a toujours des gens quelque part qui trouvent le moyen de passer à côté d'une loi, d'un règlement, etc. Sauf que l'effet que cela aurait, et je pense qu'on l'a très bien exprimé ici et lors d'une autre commission parlementaire où on en a discuté directement, l'effet immédiat serait de faire de la surenchère; c'est une première chose. (12 h 15)

II y aurait aussi un autre effet. Et cela, tous les prêteurs - je pense que c'est absolument logique, tellement naturel - la première chose qu'ils vont faire, c'est de prendre le quota, parce que c'est quelque chose de vraiment fluide, pourrait-on dire, de facilement négociable et qui comporte un prix élevé pour se payer. À partir de là, vous venez rendre, un peu partout au Québec, une multitude de fermes - je n'ai pas besoin de vous rappeler qu'il y a encore tout près de 17 000 fermes laitières, ajoutons les volailles, les oeufs, qui ont des contingentements, etc. - toutes ces fermes ou presque toutes, complètement dépourvues si vous donnez ce large mandat aux prêteurs. Je pense - et tout le monde sera d'accord avec cela - que la première chose qu'un prêteur fait, c'est d'aller où il pourra se rembourser le plus facilement.

Et c'est cela, le gros risque, c'est cela, la catastrophe qui va se produire à partir de là, parce que, à partir du moment où tu n'as plus de quota, tes installations, dans bien des cas, ne valent plus rien ou à peu près. Dans d'autres cas, c'est un peu moins grave parce que tu peux transformer mais, encore là, tu viens de perdre, surtout, ta capacité de payer et de pouvoir vivre en agriculture. C'est là le gros risque. À partir des engagements des administrateurs de ces quotas, qui sont des plans conjoints, de mettre tout en place pour que l'office soit préférentiel sur ce plan-là, ils sont prêts à amender leur règlement, selon la capacité qu'ils ont de le faire naturellement. Mais je pense que c'est actuellement un supplément de garantie aux emprunteurs et, particulièrement, à l'office.

Mais ne donnons pas cela ainsi aux prêteurs. Il est évident qu'ils vont tous, en l'espace d'un rien de temps, sauter sur cela, parce que c'est trop facile de pouvoir vendre cela et de récupérer entièrement tout son prêt, ce qui, parfois, n'est pas nécessaire. C'est là le gros danger, sans compter les autres qui, à mon avis, sont moins graves, mais qui ajoutent à la gravité de la situation.

Je pense que la parole et l'engagement formel des fédérations, qui administrent les plans conjoints, de tout mettre en oeuvre et

même d'amender leurs règlements pour sécuriser davantage les prêteurs doivent être amplement suffisants pour... Même si vous les mettez là, il va y avoir des abus beaucoup plus grands de l'autre côté, M. le ministre, parce qu'on sait à quelle vitesse certaines institutions prêteuses veulent appliquer leur garantie. C'est cela, le risque. Je pense qu'on ne peut pas se permettre d'aller vers cela, pas plus que le ministère ne peut se le permettre parce que ce serait une catastrophe qui débalancerait et déstabiliserait complètement l'agriculture au Québec.

Prenons simplement l'exemple qu'on a vécu avec les hauts taux d'intérêt et les grandes difficultés qu'on a connues il y a quelques années. Que cela se reproduise, en l'espace d'un an, vous verrez disparaître une multitude de fermes parce qu'elles n'auront plus le pouvoir de pratiquer l'agriculture.

M. Pagé: Mais vous devez reconnaître qu'à la suite des représentations que vous avez faites, la mise en garantie des quotas n'a pas été retenue dans le projet de loi. Je veux être bien clair.

M. Proulx: Oui, oui.

M.. Pagé: Cependant, je compte - je vous le dis très clairement - que les fédérations de producteurs qui administrent ces plans conjoints et les groupes se montrent très disponibles à adapter les réglementations pour être certain que, dans des cas concrets comme ceux auxquels je faisais référence tout à l'heure, on ait le moins de problèmes possible dans les cas où la garantie doit être réalisée et où les actifs doivent être transférés à la suite d'une faillite.

M. Proulx: Je peux vous dire, M. le ministre, qu'on a eu plusieurs réunions et je peux vous garantir que les fédérations sont prêtes à prendre ces engagements. Elles les ont pris et elles sont prêtes à discuter encore pour sécuriser au maximum. Vous avez l'engagement de l'organisation et de l'équipe.

M. Pagé: Je vous remercie. Vous avez fait référence assez longuement, dans votre document, à la question des garanties. Vous évoquez le fait que les montants de prêts octroyés dépendent, dans certains cas ou dans certaines productions, trop des garanties plutôt que de la capacité de remboursement de la part de l'emprunteur. Je dois vous dire que c'est une notion que je trouve très intéressante, et mes collègues de ce côté-ci ont eu l'occasion de discuter sur le sujet. On va s'attarder à étudier la possibilité d'introduire, dans l'appréciation du montant du prêt octroyé, la possibilité de prendre non seulement en compte le montant des garanties, mais aussi la capacité de remboursement. Je peux vous en donner l'assurance, on va tout faire pour fouiller cela, si je puis dire.

Je n'exclus pas non plus la possibilité de placer sous la juridiction du comité de réexamen la question des litiges qui peuvent survenir entre l'office et l'emprunteur en ce qui concerne les garanties qu'ils donnent.

Vous évoquez, de plus, la fameuse question de considérer la Société du crédit agricole du Canada comme si elle était une institution financière et qu'on le garantisse. J'aurai l'occasion de revenir, cet après-midi, lorsque nos distingués amis ou vis-à-vis de la Société du crédit agricole comparaîtront, je pense que c'est aujourd'hui ou demain. C'est tout un débat.

M. Proulx: Le débat de reconnaître la société?

M. Pagé: La société. Ha! ha!

M. Proulx: Ha! ha!

M. Pagé: Vous savez, j'agis comme ministre depuis bientôt deux ans, je représente un comté agricole depuis bientôt quinze ans. Tous sont unanimes à constater la différence entre les programmes administrés par la Société du crédit agricole du Canada et l'Office du crédit agricole du Québec. D'ailleurs, quand je vois mes collègues de l'Ouest, particulièrement dans les provinces où on produit des céréales, si l'Ouest canadien avait pu bénéficier de programmes, de structures de financement comparables à celles qu'on s'est donnés au Québec, qui existent depuis 50 ans et qui ont été bonifiés, il y aurait peut-être moins de problèmes dans l'Ouest et nos homologues fédéraux seraient peut-être exempts d'agir à coups de millliards de dollars pour "sauver les meubles" à ce stade-ci. Le sujet est sur la table, j'aurai l'occasion d'y revenir avec eux. Il y aurait peut-être moins de problèmes si la Société du crédit agricole du Canada prêtait à des taux comparables à ceux du Québec. Ce serait peut-être la meilleure façon de régler le problème.

M. Proulx: Si vous me le permettez, il est évident qu'on comprend que, sur le plan politique, ce n'est pas facile, sauf qu'en même temps, vous savez et on sait tous quelle bataille il faut mener au niveau de la tripartite pour aller chercher de l'argent. Là, vous avez l'occasion, ils viennent vous l'offrir, presque à vos conditions. C'est pour cela qu'on dit: Sautez là-dessus. Vous savez combien vous êtes obligés de vous battre pour aller chercher notre part avec les autres.

M. Pagé: Mais vous allez continuer à vous battre avec moi.

M. Proulx: Pardon?

M. Pagé: J'espère qu'on va continuer à nous battre ensemble pour aller en chercher plus.

M. Proulx: Ah! on n'a jamais reculé, M. le ministre.

M. Pagé: Parfait!

M. Proulx: C'est pour cela qu'on vous fait une suggestion tout en comprenant que le côté politique est assez dur, pour une fois que le fédéral vient nous offrir de l'argent, aussi bien le prendre.

M. Pagé: C'est pour cela, on n'est pas habitués, on y regarde à deux fois.

M. Proulx: Dans tout cela, il y a eu des difficultés particulièrement dans la production porcine. Laurent Pellerin, qui est président de la Fédération des producteurs de porcs, pourra vous expliquer plus que je ne peux le faire les difficultés des producteurs de porc face à cela.

M. Pagé: D'accord. Je note et je vais... M. Pellerin pourrait peut-être ajouter quelque chose. Il me reste combien de temps, M. le Président? Dix minutes? D'accord, ensuite, j'irai plus vite. M. Pellerin.

M. Pellerin (Laurent): Je pense qu'on signale le groupe des producteurs de porc pour mieux délimiter l'explication, mais c'est vrai pour différents groupes de producteurs qui ont été exclus pour différentes raisons de l'accès à l'Office du crédit agricole. Les producteurs de porc ont des prêts à la Société du crédit agricole comme d'autres producteurs. Ce n'est pas nécessairement parce que leur dossier n'était pas bon ou qu'ils n'avaient pas de rentabilité sur leur ferme qu'ils ont été exclus, c'est tout simplement parce que pendant une certaine période l'Office du crédit agricole ne faisait simplement pas de prêts à des producteurs de porc. Ces gens-là ont été presque obligés d'aller chercher des sources de financement ailleurs, dont à la Société du crédit agricole.

Il y a actuellement deux voisins qui sont producteurs de porcs et qui peuvent consacrer une partie importante de leur revenu à payer des intérêts d'une façon bien différente d'un voisin à l'autre. Cela peut varier de 10 000 $, 15 000 $ ou 20 000 $ de différence par année en paiement d'intérêts. Ce sont deux Québécois, deux producteurs voisins dans le même rang. On trouve cela douloureux à supporter. C'est vrai pour les producteurs de porcs parce qu'on peut dire que peut-être 50 % de nos producteurs ont un prêt à la Société du crédit agricole et c'est vrai aussi que de nouvelles productions n'ont pas eu accès a des prêts à l'Office du crédit agricole, mais à la Société du crédit agricole, par exemple. On pense à certaines productions en serre. Je ne parle pas de l'année dernière, mais il y a quelques années c'était plus difficile à l'office qu'à la société pour ces nouveaux dossiers. Ils sont allés a la Société du crédit agricole, ils ont eu des prêts, ils ont des fermes rentables, ils font leurs remboursements, mais ils sont traités de façon différente. Ce sont des citoyens du Québec qui ont droit aux mêmes avantages de leur gouvernement du Québec. Cela est douloureux dans le champ, c'est difficile, pendant que le même gouvernement fait des ouvertures à des formations de sociétés en commandite pour financer, encore là, très majoritairement la production porcine à même les deniers publics et que, de façon discriminatoire, on laisse un groupe sur la "side line", sur une voie d'évitement, avec des charges plus importantes.

Il y a tout le problème politique comme Jacques le notait tantôt, mais l'aspect de la discrimination parmi les producteurs, je pense que c'est quelque chose à regarder.

M. Pagé: Je vous remercie, M. Pellerin. L'argument invoqué par le président de la Fédération des producteurs de porcs est très intéressant, car c'est le cas que le Québec a, à un moment donné, décidé de ne plus octroyer de prêt, et vous n'aviez pas le choix. Les producteurs désireux soit d'agrandir ou de se moderniser devaient se diriger vers la Société du crédit agricole du Canada. Il faut bien reconnaître aussi la distinction très importante des avantages entre les programmes administrés par les deux entités. Cependant, il y a d'une part tout l'aspect politique ou l'aspect tradition ou position traditionnelle du Québec qui est important. Il y a aussi l'autre élément, à savoir qu'autant le cas des producteurs ou des productrices de porc peut être explicable - vous utilisez le terme "discrimination" mais c'était une situation de fait et de droit qui prévalait à l'époque -autant cela peut être explicable dans votre cas et cela pourrait inciter le ministre de l'Agriculture à recommander au cabinet une telle ouverture. Mais il ne faut pas se faire de cachette. On le sait, on ne peut peut-être pas le dire, mais un mois après, tous ceux qui sont là vont dire: On veut la même chose, tous ceux qui se sont financés dans toute autre production que le porc, avec les impacts que cela comporte. On va continuer à regarder cela. J'écoute vos commentaires et je suis bien sensible à vos préoccupations.

En terminant, quant à la question des

sociétés en commandite, il faut quand même retenir qu'elles ne se sont pas multipliées jusqu'à maintenant. J'ai tous les motifs de croire qu'elles ne sont pas susceptibles de se multiplier. Je ne crois pas que l'avenir du Québec en agriculture passe par une telle structure d'entreprise, compte tenu de l'importance qu'on attache à la ferme familiale. Cependant, il faut quand même avoir à l'esprit que, dans certains cas, les sociétés en commandite, cela fait l'affaire de tous les intervenants. Qu'il me suffise de me référer à une région comme l'Abitibi -que vous connaissez très bien - qui souhaite ardemment qu'une société en commandite, notamment dans la production du boeuf, puisse être accréditée et acceptée.

M. Pellerin: On peut ajouter que, sur les sociétés en commandite, le seul point avec lequel on est en grand désaccord, c'est l'effet de concentration que cela a eu dans certains cas et particulièrement dans le domaine de la production porcine. Cela va intensifier la concentration de certains gros propriétaires et on trouve cela dommageable. Les producteurs à leur compte, les producteurs de type ferme familiale n'ont pas eu accès à ces formes de financement. Où on est contre, c'est quand c'est un argument de plus à la concentration. Comme mécanisme de financement, disons que... (12 h 30)

M. Pagé: Nous sommes bien conscients de cet écueil. Je peux vous témoigner du plus profond et du plus grand des respects a l'égard du producteur individuel, notamment dans la production du porc, qui a eu des périodes très difficiles à traverser. Je peux témoigner, comme ministre, qu'ensemble on a traversé des choses peut-être difficiles, gouvernement et producteur, mais l'on doit convenir aujourd'hui que la situation est relativement sécurisante. Exemple concret: Nos déficits pour le régime d'assurance-stabilisation ont été comblés, les prix semblent se maintenir. Il y a évidemment tout l'écueil américain, mais cela, on aura l'occasion d'en rediscuter.

M. le Président, j'aurais quelques commentaires avant de terminer puisque mon temps est presque fini. Toute la notion d'un prêt, soit le prêt pour les premiers 50 000 $, c'est-à-dire s'inspirer des principes des prêts selon la Loi favorisant l'amélioration des fermes où il y avait davantage de latitude du prêteur, je note cela. Et nous verrons ce que l'on peut faire pour aller exactement dans le sens de vos représentations. Inclure le prêt à moyen terme dans la partie subventionnée, on va voir si cela peut être réalisable et surtout à quel coût et à quelle condition.

J'apprécie beaucoup vos commentaires sur la formation en agriculture. Je note la question du DEC par rapport à l'attestation d'études collégiales et la possibilité qu'un emprunteur s'engage à compléter ses cours pour en arriver à l'obtention de son DEC. Je le note aussi pour voir si c'est possible de faire quelque chose dans ce sens-là.

Vous avez semblé vous inquiéter de la garantie du vendeur; je peux vous assurer, en ce qui me concerne, qu'il est très clair qu'il n'est pas question, pour l'Office du crédit agricole du Québec, de dire, par exemple: Vous demandez un prêt de 250 000 $, on aurait pu vous en prêter 210 000 $ ou 220 000 $; on va vous en prêter 150 000 $ et allez chercher une garantie de 100 000 $, faites couvrir les 100 000 $ par le vendeur. Je peux vous donner l'assurance que ce n'est pas l'économie du projet de loi, que ce ne sont pas les intentions ni du législateur, ni du gouvernement et, par conséquent, ni de l'Office du crédit agricole. Je veux vous sécuriser là-dessus.

La possibilité de choisir son fonctionnaire, j'ai trouvé cela "cute". Je vous rappellerai que l'emprunteur a toujours le droit d'en appeler au directeur régional. Je vous le dis. Je comprends que, tant qu'il y aura des êtres humains, il y aura des "humaineries". Il peut arriver parfois qu'il y ait des conflits entre un agriculteur, une agricultrice, etc., et le représentant de l'office dans le secteur. À ce moment-là, n'hésitez pas, allez au bureau régional. C'est prévu, c'est normal, c'est explicable. Je pense qu'il serait contre-indiqué que les emprunteurs éventuels se promènent avec le cahier de la liste des fonctionnaires pour savoir qui on doit aller voir.

Cependant, je prends bonne note de la problématique de Rimouski par rapport à l'Abitibi. Je suis allé en Abitibi. Mes amis, les producteurs de là-bas, m'ont sensibilisé au fait qu'ils s'expliquaient mal que le bureau régional de l'Abitibi se situe à Rimouski. Je leur ai dit: le ministre aussi. Dans cela comme dans beaucoup d'autres choses, j'espère être capable en quatre ans de corriger pas mal de choses qui ne se sont pas faites pendant neuf ans.

Simplification de la marge de crédit: vous dites que l'obligation de déposer les pièces justificatives entraîne beaucoup de perte de temps. J'étudie la possibilité que, sur présentation peut-être juste du chèque, le chèque qui a été fait, plutôt que d'envoyer les paperasses, les formules et les copies de factures, que cela puisse être... En tout cas, ce que je peux vous dire, c'est qu'on va tout faire pour simplifier et la préoccupation que vous véhiculez aujourd'hui semble être ressentie sur le terrain.

Arrangements: je vous dirai, M. Proulx, que c'est vrai. C'est très probablement vrai que si l'Office du crédit agricole du Québec pouvait, dans le cas d'une cession des actifs ou d'une situation très précaire de l'emprunteur, négocier avec cet emprunteur

des conditions d'arrangements; dans certains cas. cela nous permettrait probablement de maintenir une entreprise en fonction et de sauver de l'argent à l'État. Mais vous allez convenir avec moi que l'Office du crédit agricole n'a pas - et c'est normal qu'il en soit ainsi - la marge de manoeuvre qu'une banque, quelle qu'elle soit, peut avoir. Vous savez, lorsqu'une banque accorde un prêt à une entreprise et qu'elle constate qu'elle est sur le point de perdre son prêt et que les garanties, lorsqu'elles seront réalisées, ne seront pas suffisantes pour rembourser la totalité de l'emprunt et les intérêts, elle a des possibilités. Vous savez, ce sont des entreprises dites privées. Elles sont quand même tributaires d'un conseil d'administration, des actionnaires.

Nous, ce qu'on administre, ce sont les fonds du public. Ce sont les taxes et les impôts des citoyennes et des citoyens que l'on tente de réduire le plus possible, j'en conviens, mais qui sont encore quand même assez appréciables. Je ne peux que vous dire que j'en prends notre. Mais avant d'introduire une notion d'arrangement pour un prêt consenti par l'office, il faut bien tout peser. Vous vous imaginez la situation vulnérable dans laquelle, premièrement, l'office se placerait. Et il ne faut pas oublier que les décideurs qui sont à l'Assemblée nationale sont des élus. Ils ne sont pas mandatés par un groupe d'actionnaires. Imaginez-vous toute la pression que ça pourrait engendrer. Alors, beaucoup de réserve. Je tiens à vous dire que j'en prends note. Dans certains cas, ça serait peut-être logique, mais peut-être que dans l'ensemble, ça coûterait plus cher à notre société.

En terminant, je vous remercie évidemment de me sensibiliser encore une fois - je termine là-dessus, M. le Président - sur la question des agricultrices qui, lorsqu'elles ont atteint 40 ans, ne sont plus admissibles aux primes à l'établissement. J'ai établi et j'ai maintenu une qualité et une quantité de contacts que je qualifie de très intéressantes pour ne pas dire impressionnantes avec la Fédération des agricultrices du Québec d'aujourd'hui, qui était le comité provisoire avant, etc.

Je pense que nous pouvons reconnaître que notre gouvernement a quand même posé des gestes concrets très positifs pour faire en sorte que le partage des tâches, chez les agricultrices, passe véritablement au partage des pouvoirs. Ce à quoi j'aurai l'occasion de revenir avec les agricultrices, cet après-midi. Cependant, toute cette question de l'âge de 40 ans nous préoccupe au plus haut point. Nous sommes à étudier des façons d'intervenir ou de faire qui seraient susceptibles d'aider nos agricultrices môme si elles ont plus de 40 ans, entre autres en ce qui concerne le transfert de propriété, les frais à payer, etc. On a calculé environ 1700 $ en moyenne de frais relatifs ou inhérents à un transfert de propriété, mais il faut bien avoir à l'esprit que ces fameuses primes sont des primes à l'établissement.

Alors, M. le Président, je voudrais remercier M. le président de l'UPA, l'exécutif, toute l'équipe, le président de la Coopérative fédérée, M. Pelletier qui est avec nous aujourd'hui et qui joint sa voix à celle de l'Union des producteurs agricoles. Je vous assure que, même si nos travaux se compléteront demain, il y a des gens, tant à mon ministère, à mon cabinet, qu'à l'Office qui vont travailler pour voir tout ce qui peut être mis en oeuvre à partir des suggestions que vous avez formulées. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. M. le Président.

M. Proulx: Deux, trois petits points rapidement. Par rapport au bureau d'endettement, M. le ministre, on l'a dit clairement, c'est bien sûr que, premièrement, l'office ne pouvait pas le faire jusqu'à aujourd'hui à cause de la loi ou ainsi de suite. Mais il reste qu'il ne faudrait pas oublier qu'on parle de partir de recommandations du bureau d'endettement. Il y a quand même un groupe de personnes qui font le travail; il ne serait pas mis dans un gros conflit d'intérêts. Et, deuxièmement, il faudrait peut-être calculer les pertes que ça occasionne sous cette forme à l'heure actuelle. Quand une ferme est deux ans ou trois ans avant d'être vendue et qu'il n'y a personne qui ne l'occupe et qu'en plus vous payez et que vous n'avez pas les paiements, je ne suis pas si certain que ça que vous avez économisé des grosses sommes d'argent. C'est dans ce sens-là, je pense, particulièrement, que le bureau d'endettement fait des recommandations et d'après ce qu'on en sait aujourd'hui, il n'a pas fait de recommandations très erronées dans les cas où il a recommandé de garder la personne là ou de vendre.

Deux autres points que vous n'avez pas soulevés - je fais juste y revenir, c'est très important pour nous - c'est la question des 15 000 $ et la question des 50 000 $. Je parle de rapidité. On aimerait la retrouver, qu'on l'ait encore. Cela permettait à nos producteurs d'opérer assez rapidement à l'intérieur de ça. J'aimerais que vous portiez une attention assez particulière sur ça et les 15 000 $ aussi qui étaient à 3 %. Il faudrait regarder ça parce que ça donnait une marge de manoeuvre drôlement intéressante dans certains cas.

M. Pagé: Seulement un commentaire sur les 15 000 $. J'ai constaté à ma grande surprise en arrivant là que nous subventionnions les prêts consentis par la Société du crédit agricole sous ce chapiteau-

là, les 15 000 S.

M. Proulx: C'est un départ. M. Pagé: Bien oui! mais... M. Proulx: C'est un départ. Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Pagé: Savez-vous ce que je me suis dit quand j'ai vu cela? Je me suis dit: Mon prédécesseur n'a certainement pas vu cela parce qu'il l'aurait coupé avant.

M. Proulx: Quand vous subventionnez cela, ce sont les agriculteurs que vous subventionnez, ce n'est pas le gouvernement fédéral.

Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de l'Opposition, vous avez la parole.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Merci à M. Proulx et à M. Pelletier, représentant la Coopérative fédérée et l'Union des producteurs agricoles.

Beaucoup de points ont été touchés jusqu'à maintenant. D'autres pourront revenir lorsque d'autres groupes seront entendus, soit les jeunes de la relève ou les femmes productrices. J'aimerais revenir sur une partie qui est dans votre document, à la page 32, où on parle d'agriculteurs en difficultés. On en a parlé, mais j'aimerais avoir davantage de précisions. Vous préconisez la possibilité que l'office puisse faire des arrangements avec ces agriculteurs incapables de faire face à leurs obligations financières. Pouvez-vous me dire quelle sorte d'arrangement, quelle nature les arrangements pourraient avoir et ce que vous envisagez à ce niveau-là afin d'éviter que ces agriculteurs ne se retrouvent en faillite? J'ai eu l'occasion de bien entendre les gens de la relève et aussi ceux qui disent: Si cela continue de même, je suis à la veille de partir. Il ne me reste pas grand temps, je vais être obligé de quitter. Quels sont les moyens que vous préconisez et que l'office pourrait avoir à sa disposition pour leur permettre de faire ces arrangements?

M. Proulx: Dans la loi, il y a des arrangements. Il peut y avoir une réduction du capital ou des intérêts. Il faut se souvenir qu'à l'intérieur de cela, il n'a jamais été dit qu'on pouvait réduire indéfiniment et ramener cela à quelque chose de symbolique. On était d'accord pour tenir compte d'une valeur réelle dans un milieu, mais ce sont des éléments qu'on peut mettre en application. On peut rééchelonner les paiements d'une autre façon. Il y a une multitude de choses qui peuvent se faire, mais vis-à-vis de l'office, je ne vois pas plus que la baisse de la dette ou la baisse des intérêts.

M. Jolivet: ...un financement d'une autre façon.

M. Proulx: Ou un refinancement d'une autre façon, l'étude de la capacité de remboursement ou ainsi de suite, la nouvelle capacité de remboursement. C'est à l'intérieur de ces balises, de ces cadres, comme le bureau d'endettement qui va recommander à d'autres créanciers de diminuer d'un certain pourcentage leurs dettes ou de reprendre de nouvelles façons d'échelonner sur un plus grand nombre d'années le paiement de ces choses-là. C'est dans ce sens-là que cela s'est fait.

M. Jolivet: Vous parlez à la page 15 des problèmes actuels de certains agriculteurs liés au fait que l'office, d'après vous, ne tient pas suffisamment compte de la capacité de rembourser l'emprunteur dans l'évaluation d'une demande de prêt. Pouvez-vous donner des exemples où, avec la nouvelle loi, il pourrait y avoir des corrections à apporter?

M. Proulx: On retrouve dans différentes régions du Québec des valeurs qui, quand on fait l'évaluation, ne sont pas les mêmes. Quand vous achetez une terre laitière dans la plaine de Montréal et que vous achetez la même ferme laitière dans une autre région du Québec, les Cantons de l'Est, l'Abitibi ou le Bas-Saint-Laurent, le fonds de terre, ce qui est pris en évaluation, n'a pas la même valeur, mais la capacité de remboursement est la même, d'autant plus pour des productions contingentées où il y a un prix de négocié. N'importe où au Québec, on reçoit le même prix pour le produit. La capacité de payer est là, sauf que ce que l'on prend habituellement en garantie n'a pas la même valeur. Le fonds de terre dans la région de la plaine de Montréal, je ne sais pas combien il vaut, mais disons 800 $ aujourd'hui. On n'a pas cela ailleurs à quelques exceptions près à cause de la nature, de la qualité du sol. C'est là que ces producteurs, particulièrement dans les régions périphériques sont pénalisés. Et, pas besoin d'aller loin, vous le vivez dans les différentes régions du Québec, autant dans la région de la Mauricie où il y a une différence énorme dans la valeur des terres près du fleuve comparativement... Vous connaissez le coin. C'est la même chose dans toutes les régions. C'est pour cela que l'on dit qu'il faut absolument tenir compte de cela, sinon on pénalise drôlement des producteurs et des productrices. La capacité est là et ce sont les grosses récriminations qu'on a, particulièrement dans ces régions. (12 h 45)

M. Jolivet: Vous parlez d'une refonte plutôt que d'une réforme et - j'en conviens avec vous - vous déplorez à l'intérieur de votre document la disparition de la subvention à l'intérêt pour les prêts à moyen terme, comme il est prévu actuellement dans la loi sur l'amélioration des fermes. Pourriez-vous nous dire quel serait l'impact de cette abolition de la subvention pour l'emprunteur, l'agriculteur lui-même et aussi pour les exploitations de groupe de la façon dont elle est présentée actuellement, c'est-à-dire l'abolition complète?

M. Proulx: Peut-être que François...

M. Côté (François): On ne l'a pas calculé mais ce serait la perte de tout ce qui est versé comme subvention en vertu des PAF; M. Moreau doit avoir cela pas loin. La partie dans les lois tandem, dans les prêts à long terme en vertu de la loi tandem qui était du nantissement sur moyen terme, perdrait le droit à la subvention. Je n'ai pas de calcul de fait là-dessus mais peut-être que M. Moreau en a sous la main.

M. Jolivet: II faut prévoir que, d'une façon ou d'une autre, il y aurait un impact négatif assez important.

M. Côté (François): C'est sûr. M. Proulx: C'est évident.

M. Jolivet: Pour ce qui est du comité de réexamen, vous proposez d'élargir le mandat de ce comité à la capacité de remboursement et aux garanties exigées de l'agriculteur. Et dans les cas d'échéance de prêt, vous recommandez aussi que le comité soit décisionnel et non pas consultatif comme le projet de loi le prévoit actuellement. Vous demandez la création d'un poste d'ombudsman. Est-ce que vous pourriez me dire, quant au comité qui est fait actuellement, quelles sont les craintes que vous avez, ajoutées à ce que vous avez dit sur la création d'un comité qui serait décisionnel plutôt que consultatif?

M. Proulx: Nos craintes, c'est qu'on imagine qu'une fois qu'un dossier va être rendu entre leurs mains, ce doit être parce que pour tout le reste du processus, les gens n'ont pas trouvé de solution. Alors, une fois qu'il y a une proposition de faite, je ne vois pas dans quelle situation ils se retrouvent pour justement accepter ce qu'ils ont refusé avant. Ce serait de les mettre dans une situation difficile. C'est pour cela qu'on dit qu'il doit être décisionnel; alors, on les exemptera d'être dans une situation difficile. C'est tout le temps assez choquant d'être obligé de revenir sur ce qu'on a décidé.

M. Jolivet: C'est pour cela que vous proposez que la personne qui a pris la décision ne fasse pas partie du comité de réexamen.

M. Proulx: On ne propose pas cela, mais on dit que pour le comité qui sera nommé pour justement réviser, sa recommandation devrait être applicable, décisionnelle et finale. Il ne devrait pas avoir uniquement des pouvoirs de recommandation, cela va être encore refusé, je veux dire, à d'autres niveaux parce que si cela est rendu là, c'est qu'il y a des raisons. Je pense que ce comité-là devrait normalement être en mesure de tenir compte d'autres éléments qu'ailleurs on n'a pas pu tenir compte. Ces recommandations ne seront pas nécessairement favorables à l'un ou à l'autre, je pense qu'elles seront prises d'une façon plus dégagée que cela ne peut l'être dans d'autres circonstances ou à d'autres paliers qui ont suivi tout le dossier. Un comité facultatif, c'est bien "le fun" et cela donne bonne conscience à tout le monde, mais à un moment donné, il faut leur donner des pouvoirs, à ces comités-là, parce que cela devient frustrant d'y travailler.

M. Jolivet: Est-ce que par rapport à ce que nous proposons, une sorte de comité d'appel plutôt qu'un comité de réexamen à l'intérieur même de l'office qui est composé du président, d'un représentant du groupe des agriculteurs qui serait nommé au comité de l'office et un des régisseurs qui est un autre que celui qui a pris la décision - un peu comme cela se passe à la Commission de protection du territoire agricole - c'est quelque chose qui vous conviendrait et qui serait plus à même de répondre à vos attentes?

M. Proulx: Bien écoutez, on n'y a pas pensé plus que cela. Je ne peux pas vous répondre oui ou non. On n'y a pas réfléchi plus que cela. C'est peut-être acceptable tout de même, je ne le sais pas.

M. Jolivet: En ce qui concerne le projet de loi 49 sur le fonds d'assurance-prêts agricoles et forestiers, vous vous opposez à ce que les producteurs assument la réduction du déficit du fonds, et cela, par l'intermédiaire, bien entendu, d'une hausse substantielle des contributions des producteurs à ce fonds.

Est-ce que vous croyez que le projet de loi 49 aurait des effets négatifs pour les jeunes qui ont à entrer dans l'agriculture comme relève agricole? Quels sont les impacts que cela peut avoir sur le fait que, d'un côté, ils reçoivent de l'argent et que, de l'autre, on leur demande de payer?

M. Proulx: Mais regardez, ce n'est pas

que pour les jeunes que cela aura un effet, c'est pour tout le monde. Qu'ils garantissent ou qu'ils ne garantissent pas. Si je me paie une assurance, je n'ai plus besoin des autres pour garantir mon prêt. C'est l'assurance qui va le garantir. C'est pour cela qu'on est complètement contre.

Si je me paie une assurance, je n'ai plus besoin des autres. Je vais l'assurer, mon prêt. L'État a décidé de garantir et d'aider de cette façon-là. Qu'il garantisse et qu'il en porte les conséquences, entre nous, en appliquant... On a fait plusieurs recommandations, tout au long de notre mémoire, justement, pour qu'il y ait le moins de pertes possible, un meilleur suivi - il y a un tas de mesures proposées - une meilleure formation. Il y a des encouragements à différents endroits justement pour minimiser les pertes le plus possible. Mais si, en plus, on me demande de payer une assurance, je vais me donner un mécanisme, au moins, pour gérer tout cela. Je n'ai pas besoin d'en demander à d'autres. L'État va garantir quoi à partir de cela si je paie de l'assurance? C'est pour cela qu'on est contre.

Bien sûr que l'élément du coût additionnel va être grand pour les nouveaux emprunteurs, mais pas uniquement pour les jeunes qui s'établissent, pas uniquement pour ceux qui s'établissent, pour ceux qui vont emprunter à nouveau, qui vont reconsolider leurs entreprises et ainsi de suite.

Je pense que c'est complètement contraire à la notion qu'on a développée d'une politique gouvernementale primordiale pour l'agriculture.

M. Jolivet: J'ai compris aussi, dans l'ensemble de tous ceux qui veulent emprunter et dans les discussions que j'ai eues avec les gens ou avec les groupes que j'ai rencontrés, on parle toujours du coût de production incluant un salaire convenable et le paiement des assurances contenues dans l'ensemble.

Mais ma question concernait primordialement les jeunes. On a une bonification qui est apportée par le projet de loi 46. C'est ce qu'on croit comprendre, qu'effectivement il y a une bonification. D'un autre côté, une autre loi à côté vient leur demander de payer plus pour des services qu'ils avaient et, en conséquence, je pose la question: Est-ce qu'il n'y a pas un impact de l'un sur l'autre?

On peut étudier deux lois séparément, mais voir qu'entre les deux, d'une façon, on donne, dans le projet de loi 46, des bonifications et, de l'autre côté, on les enlève par l'intermédiaire d'une autre loi, qui est la loi 49.

M. Blanchette: Je pense qu'on peut faire une relation, mais pas nécessairement une relation. Nous, ce qu'on dit, c'est que tous les nouveaux emprunteurs, quand on voit tous ceux qui ont à emprunter à nouveau, la formation de nouvelles structures juridiques pour les entreprises agricoles, cela constitue des nouveaux emprunteurs. Tous ceux-là vont avoir à assumer ces frais.

Alors, notre raisonnement de fond, c'est: Si on n'a pas un mot à dire dans les risques qu'on prend lors de l'attribution du prêt, pourquoi les agriculteurs auraient-ils à assumer les risques qui découlent de ces prêts-là? La logique voudrait que, s'ils paient une assurance pour assurer des pertes, ils aient un mot à dire dans l'octroi du prêt, dans les risques qu'ils vont prendre dans l'octroi du prêt. C'est un office gouvernemental qui a cette responsabilité et assume ensuite les risques qui en découlent.

M. Jolivet: Vous proposez un certain nombre de recommandations relatives au fonctionnement de l'office. Notamment, vous demandez qu'un conseiller de l'office ne puisse recommander aux autorités de l'office le refus d'un prêt ou une modification à la demande d'un prêt, sans avoir préalablement discuté avec l'agriculteur.

On a souvent des rencontres avec des gens qui disent: Je ne sais même pas ce qu'il a proposé, ni dans les régions ni à Québec, et je suis dans le doute sur la proposition qu'il a faite, parce qu'on a eu des discussions assez fortes parfois. J'aimerais connaître, de la façon dont vous parlez, les problèmes actuels que vivent les agriculteurs qui font une demande de prêt. Dans le règlement, rien n'encadre les modalités de fonctionnement de l'office en ces matières.

Est-ce que vous êtes capable de nous donner des exemples de difficultés engendrées par des mésententes entre le conseiller et l'agriculteur, du fait que des prêts auraient pu être refusés et que l'avenir pourrait prévoir comme tel?

M. Proulx: Je demanderais à M. André Beaudoin, qui est président du syndicat de gestion, lequel a à travailler avec plusieurs groupes de producteurs, de donner un certain nombre de renseignements.

M. Beaudoin (André): II n'y a pas nécessairement de cas particuliers, sauf qu'en pratique, je pense qu'on est en mesure de dire que, très régulièrement, il y a des conflits de personnalité qui s'installent entre des individus. C'est quelque chose de quand même assez déterminant dans l'obtention d'un prêt en agriculture. Il ne faut pas oublier que toute la question du crédit est basée, en très grande partie, et non seulement en agriculture, mais pour le crédit en général, sur la confiance.

Dans ce sens, on disait tantôt qu'il ne faut pas se leurrer, car les agriculteurs n'auront pas la liste des fonctionnaires. Je

suis tout à fait d'accord là-dessus quant au principe. Mais il faut trouver un mécanisme qui soit autre que celui que l'on connaît présentement pour que les agriculteurs aient quand même une certaine possibilité de choix quand il y a des conflits. Ce n'est pas nécessairement relié à l'agent ou au conseiller en crédit de l'office. Ce peut être relié au directeur même d'une région et alors, on est bloqué.

On a vu à maintes reprises qu'il y a des conflits entre les personnes. C'est tout à fait humain. Je pense qu'il ne faut pas nier cela. Il faut trouver ensemble des mécanismes qui vont permettre, de part et d'autre, d'assurer à tous les agriculteurs et agricultrices du Québec une meilleure entente vis-à-vis de l'Office du crédit agricole. C'est surtout en ce sens.

M. Jolivet: Que ce soit dans le cas d'un refus ou d'une diminution du montant demandé, en expliquant à l'individu qu'il ne sera pas capable de passer à travers et qu'en conséquence on n'accepte pas l'ensemble du prêt tel que demandé.

M. Beaudoin: Précisément, je pense qu'il ne faut pas attendre le refus d'un prêt. Il ne faut pas attendre que le mécanisme soit enclenché. Il faut permettre à l'agriculteur... Enfin, on peut reprendre la question différemment. Ceux qui ne sont pas en agriculture, quand ils veulent faire un emprunt quel qu'il soit, vont premièrement dans une institution en laquelle ils ont confiance. Deuxièmement, ils discutent avec des personnes avec lesquelles ils se sentent en confiance. C'est primordial dans le crédit, cela. En agriculture, on dit que, parce que l'Office du crédit agricole est le numéro un des prêteurs au Québec, il faut trouver un mécanisme qui va permettre aux individus d'être en relation de confiance avec les conseillers qui vont aider ou qui vont diriger les agriculteurs et agricultrices du Québec. Mécanisme qui n'existe pas à l'heure actuelle.

M. Jolivet: On ne peut pas dire que le fait de ne pas avoir eu de mécanisme a nécessairement entraîné des problèmes causés par des conflits de personnalité, mais beaucoup des situations où les gens, ne sachant pas ce que la personne a recommandé, au niveau régional ou national, se sentent un peu brimés dans leur droit de savoir où leur dossier en est rendu et comment il est parvenu là-bas.

M. Proulx: Oui. On en a et on en a eu de toutes les façons. Pour reprendre ce qu'André disait, lorsqu'on a besoin de crédit, ce n'est pas pour dans trois ou quatre ans. Cela veut dire qu'on a un bon marché à faire assez rapidement ou qu'on veut s'établir. Là, on vient de prolonger les délais indéfiniment. Les délais sont toujours trop longs. On le sait. Quand on veut emprunter, on a besoin de notre argent tout de suite. Parfois, on en aurait eu besoin avant, comme on dit souvent. C'est pour éviter des pertes de temps énormes qui se répercutent en coûts, finalement.

M. Jolivet: II y a aussi le délai pour l'individu. S'il est trop long, cela devient des pertes finalement.

M. Proulx: En plus, oui. Cela entraîne tout cela, bien sûr.

M. Jolivet: Le projet de règlement concernant la reconnaissance de la formation agricole du jeune agriculteur, vous le considérez comme étant trop restrictif. Vous proposez d'en faire l'objet d'une bonification de l'aide à l'établissement. Quelle mesure proposez-vous pour bonifier un élément dans le projet de loi? J'ai eu l'occasion de rencontrer des gens et on m'a dit justement que la formation des jeunes est en régression actuellement, qu'il y a des problèmes causés par l'incertitude de la capacité de s'installer. C'est aussi relié au fait que les gens disent que la formation est là, mais qu'on en manque pour des gens qui pourraient travailler à temps partiel plutôt qu'à temps plein. Il y a des gens qui disent que les maraîchers et les horticulteurs ont des problèmes à recruter une main-d'oeuvre qualifiée et qu'il devrait y avoir des mécanismes leur permettant d'aller chercher l'expérience, la connaissance et la formation nécessaires. Vous dites que le règlement est un peu trop restrictif et vous proposez que les ministères s'entendent, que ce soit celui de l'Éducation, de l'Agriculture ou autre, pour permettre une meilleure formation. Quelles sont vos propositions? (13 heures)

M. Blanchette: II y a trois propositions dans le mémoire à cet effet. D'abord, on propose de prendre en considération, non seulement le DEC, mais aussi les AEC, les attestations d'études collégiales, qui peuvent aboutir à un DEC. C'est une première chose.

On propose de ne pas restreindre la notion de DEC à un DEC en agriculture, mais de prendre en considération la formation de niveau collégial qui peut être pertinente à l'agriculture, associée à une formation ou à une expérience pratique. On propose également que les subventions prévues pour aider ceux qui ont déjà un DEC lors de l'établissement soient applicables lorsqu'un jeune s'établit et prend l'engagement de compléter son DEC durant les années qui suivent son établissement. Ce sont les principales mesures que l'on propose pour essayer de favoriser encore davantage l'accès à la formation aux jeunes par les incitatifs

qui sont là.

M. Jolivet: Vous parlez d'une relève agricole de jeunes qui oeuvreraient dans l'agriculture à temps plein. Il y a aussi des gens qui viennent comme travailleurs, qui ne sont pas nécessairement à temps plein dans l'agriculture. Est-ce que les mesures peuvent être différentes à ce chapitre, mais en même temps plus importantes que celles d'aujourd'hui, par exemple, les cours aux adultes ou les formations en milieu de travail ou autre? Avez-vous des propositions dans ce sens-là?

M. Blanchette: Évidemment, c'est en vertu d'autres politiques, qu'on défend à l'UPA, concernant l'accessibilité des jeunes pour parfaire la formation qu'ils ont déjà ou accéder à une formation, mais ce n'est pas nécessairement en vertu des lois ou des politiques sur le crédit agricole.

M. Jolivet: D'accord. J'avais une petite question en passant. Des gens à qui j'avais parlé m'ont dit: Les entreprises parlent de créateurs d'entreprises, de toute une équipe autour d'eux, avocats ou notaires, qui les aident à monter leur entreprise et, à côté, des incubateurs industriels. Des gens commencent à proposer des formules et se demandent pourquoi on n'aurait pas, autour de l'agriculteur, une sorte de créateur d'agriculteurs et, à côté de cela, en utilisant des fermes par les banques de sols ou autres, des fermes louées ou peu importe, la capacité de faire des créateurs d'agriculture, si on peut les appeler ainsi, au même titre qu'un incubateur industriel.

M. Proulx: Là, jusqu'à un certain point, par nos syndicats de gestion ou ainsi de suite, on s'est donné... en espérant que rien ne nous permette de douter que le gouvernement va intensifier son aide à ce chapitre aussi, car c'est une autre politique qui se raccroche très bien au crédit agricole. C'est un peu comme les incubateurs qui peuvent exister dans d'autres industries.

C'est sûr que, dans d'autres ministères, on fait des représentations pour augmenter les besoins qui peuvent découler de la question de la formation de travailleurs adéquats dans un certain nombre de productions. On fait beaucoup de représentations à ce chapitre parce que cela va devenir de plus en plus essentiel. Comme on vous le suggère dans la conclusion, il y a ailleurs de nouveaux éléments ou de nouvelles formes d'établissement qui, on le pense, viendront drôlement bien compléter et qu'on devra examiner très attentivement - je pense d'ailleurs que les jeunes vont en reparler dans leur mémoire - mais qui sont très intéressantes et faciles d'application au Québec et dans toutes les productions, à part cela.

Je pense qu'il faudra adapter des choses autour de cela qui permettront de compléter ce qu'on peut appeler, en agriculture, un établissement définitif. Jean-Claude a peut-être...

M. Blanchette: On travaille actuellement sur deux projets précis avec le ministère de la Main-d'Oeuvre, le ministère de l'Agriculture et le ministère de l'Éducation. Le premier vise à essayer de trouver une formule qui nous permettra d'appliquer, en agriculture, la formation en cours d'emploi ou la formation en industrie appliquée dans d'autres secteurs. On a fait des expériences, mais on n'a jamais réussi à appliquer une formule équivalente en agriculture. Tout un processus est actuellement en cours pour essayer d'adapter ou de trouver une formule qui permettrait de bénéficier de ces fonds, mis à la disposition par le gouvernement fédéral et par la province, et de l'appliquer à l'agriculture. C'est un premier projet.

L'autre projet sur lequel on travaille aussi vise à essayer d'avoir des mesures incitatives qui favoriseraient l'emploi en agriculture, de façon à ce que, comme cela s'applique dans d'autres secteurs économiques, on puisse graduellement intéresser, former et probablement aider des employeurs pour l'emploi de main-d'oeuvre agricole.

M. Jolivet: Je faisais simplement mention de cela parce que j'ai eu des représentations de gens de Mont-Joli, d'une part, et d'autres dans tout le Québec, à Sabrevois, qui me donnaient exactement la réponse que vous me donnez en disant: Cela existe déjà, mais il faudrait peut-être le perfectionner et permettre d'aller plus loin dans cela.

J'ai d'autres questions, mais comme le président m'indique que mon temps est écoulé, je vous remercie. Nous aurons l'occasion de veiller à ce que le ministre réponde, comme il le dit, aux demandes que vous avez formulées. Qu'il en intègre d'autres en cours de route, on verra lors de l'étude du projet de loi, lorsque nous serons à l'étude du principe et lorsque nous serons aussi à l'étude, article par article, à la commission. Merci.

Le Président (M. Richard): M. le Président.

M. Proulx: J'aimerais revenir sur un point qu'on n'a peut-être pas exploré - il y a eu une question de M. Jolivet - et qu'on n'a pas défini. C'est la perte quand même assez importante sur les prêts à moyen terme. Il est extrêmement important à l'intérieur d'un financement agricole, qu'on ne prenne que le

PAF, à l'intérieur du tamdem, il y avait même des choses de prévues pour le moyen terme. Il faut que j'insiste à nouveau sur l'inquiétude qu'il y a, chez les agriculteurs, devant la perte de cette partie du moyen terme qui, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, est très importante, mais en même temps permettait assez souvent de faire rapidement des mouvements et qu'on ne retrouve pas à l'heure actuelle à l'intérieur de cela.

Pour nous, c'est vraiment - je ne sais pas si le mot "complément" est bon - un complément essentiel au long terme. En fait, la première mission de l'office est de financer des prêts à long terme. En même temps, il faut qu'il y ait cela absolument, c'est essentiel. Les outils qu'on possédait avant, on ne les retrouve pas. Même si on a grossi les montants, on ne les retrouve pas à l'intérieur de cela et je peux vous dire que chez les producteurs, autant à l'intérieur de notre comité qu'à l'intérieur de la consultation qu'on a faite de toutes nos régions, de nos administrateurs, c'est un des premiers facteurs qui ont été notés. C'est extrêmement important.

M. le Président, je voulais ajouter cela. Je veux vous remercier encore une fois de nous avoir écoutés et comme on l'a dit dans notre mémoire, même si M. le ministre a dit qu'on ne les trouverait pas corrects s'ils acceptaient toutes nos recommandations, je dis: Pourquoi pas? Nous sommes justement les mieux placés pour vous donner les meilleurs conseils et on ne pourrait pas faire autrement, à partir de là, si vous acceptez tout cela, que de vous féliciter entièrement pour le projet de loi. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le président ainsi que vos collègues. Nous ajournons la séance jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance 13 h 8)

(Reprise à 15 h 9)

Le Président (M. Richard): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons continuer notre mandat. Je demanderais aux représentantes de l'Association des femmes collaboratrices de bien vouloir se présenter, s'il vous plaît. Vous voudrez bien vous présenter, s'il vous plaît!

Association des femmes collaboratrices

Mme Saint-Amand-Bogemans (Madeleine): Oui, bonjour. Mon nom est Madeleine Saint-Amand-Bogemans et je suis responsable du comité agricole pour l'association.

Mme Bédard (Yolande): Je suis Yolande Bédard, présidente de l'association.

Le Président (M. Richard): Bienvenue, mesdames. Je dois vous spécifier que, selon l'enveloppe de temps qui nous est imparti, vous avez entre 15 et 20 minutes pour faire votre exposé principal. Cela peut être moins évidemment, c'est un maximum. Le reste du temps, les membres de la commission se permettront de vous poser des questions. À vous, madame.

Mme Saint-Amand-Bogemans: Merci.

Les femmes qui travaillent dans les fermes familiales sont longtemps demeurées invisibles, les maris détenant, dans la plupart des cas, la propriété agricole.

Heureusement, cette situation évolue à l'heure actuelle dans le sens d'un accès possible à la propriété pour les femmes collaboratrices. L'Association des femmes collaboratrices, dont l'objectif principal est la reconnaissance du travail de ces femmes, est très préoccupée par cette question d'accès à la propriété.

Ainsi, le thème annuel de l'ADFC, l'égalité d'accès, marque la volonté des collaboratrices d'obtenir les mêmes chances que toute autre personne d'accéder au capital, à la gestion et à des conditions de travail satisfaisantes.

C'est à partir de cette priorité que nous analyserons le projet de loi 46, sans toutefois laisser de côté notre souci constant de voir se maintenir cette forme particulière d'entreprise que constitue la ferme familiale.

Notre façon de procéder consistera à commenter, dans l'ordre où ils se présentent, les articles du projet de loi par lesquels nous nous sentons concernées.

Réaction générale de notre association. Le projet de loi 46, au lieu d'être axé seulement sur le développement de l'agriculture, devrait être axé sur les conditions de vie et tenir compte des disparités régionales. C'est notre réaction générale.

Article 1. Nous approuvons sans réserve l'objet de cette loi qui fait de l'accès au financement pour les entreprises agricoles de type familial et de l'aide à la relève des priorités en matière d'assistance financière au secteur agricole. Nous abondons donc dans cette orientation.

Article 2. La définition d'élevage d'animaux de ferme devrait être précisée afin que le financement agricole soit utilisé uniquement à des fins agricoles. En particulier, il ne faudrait pas que puisse être déterminé par règlement l'accès au financement pour l'élevage des chevaux de course.

Article 3. La définition de l'agricultrice ou de l'agriculteur est intéressante en ce sens qu'elle permet d'assurer que la propriété agricole demeure aux mains des gens qui en font l'exploitation.

Nous savons, toutefois, qu'il y a déjà eu une mauvaise interprétation de la norme exigée de 60 % des droits de propriété dans

l'entreprise. En effet, certains cas nous ont été signalés de couples ayant appris que, pour être considéré comme agricultrice ou agriculteur, l'un d'entre eux devrait détenir au moins 60 % des droits de propriété de l'entreprise. Ceci exclut donc la répartition de ces droits moitié-moitié dans le couple. Nous espérons qu'une telle interprétation n'aura plus cours en ce qui a trait aux instances responsables du crédit agricole au Québec.

Article 4. Cet article est certainement celui que l'on voudrait voir modifié le plus. Ce que nous lui reprochons, c'est la limite d'âge de moins de 40 ans pour être considérée comme aspirante agricultrice.

Il nous semble, en effet, que toute personne qui répond au critère de premier établissement et qui peut présenter un plan d'exploitation convenable devrait pouvoir accéder à l'aide à l'établissement.

Selon les statistiques, les femmes collaboratrices participent à l'exploitation de la ferme depuis en moyenne onze ans. Ces ressources humaines, qu'elles aient plus de 40 ans ou moins, peuvent contribuer au développement de ressources physiques complémentaires à l'entreprise du conjoint par un premier établissement. C'est un moyen pour elles d'obtenir un accès égalitaire à la propriété et l'âge qu'elles ont ne doit pas entrer en ligne de compte.

Article 5.2. L'accréditation du vendeur comme prêteur autorisé est des plus intéressantes par la garantie qu'elle offre à quiconque veut transmettre sa propriété agricole dans la quiétude d'un revenu assuré. Cette mesure pourrait permettre aux couples qui le souhaitent de se répartir la propriété par un acte de vente assorti de mesures de financement à plus ou moins long terme, tant pour le vendeur que pour l'acheteur. Toutefois, il ne faudrait pas que cette formule devienne la solution du transfert de biens entre conjoints, surtout lorsque l'épouse a déjà investi plusieurs années de travail dans l'entreprise agricole. À ce niveau, ce sont plutôt les règles d'attribution de l'impôt qu'il faudrait rajuster.

Nous voulons souligner qu'il aurait été bon d'inclure, dans les dispositions préliminaires, une note pour dire que l'on désigne autant les femmes que les hommes par des termes tels que agriculteur, demandeur et prêteur.

Mme Bédard: Nous avons deux commentaires à émettre sur la définition qui est donnée à l'entreprise agricole rentable. Notre première remarque porte sur les critères de rentabilité voulant que l'entreprise agricole doit pouvoir assurer les frais de subsistance de la personne qui l'exploite et faire vivre sa famille convenablement, que ce soit dans les cas d'un individu ou d'une exploitation de groupe.

Nous croyons que la non-rémunération de certaines personnes travaillant à la ferme mène à une surestimation de la rentabilité de l'entreprise agricole familiale. Est-ce qu'en 1987 on ne devrait pas plutôt retenir comme critère de rentabilité la rétribution convenable de toute personne qui participe à l'exploitation et au développement de la ferme?

À l'ADFC, c'est ce type de rentabilité que nous visons et c'est pourquoi nous proposons, depuis 1983, le statut de conjoint-partenaire pour les collaboratrices non salariées. Cette formule permettrait une rémunération de la femme qui exploite la ferme avec son mari, sans mettre en péril la survie de l'entreprise.

Par ailleurs, signalons l'ouverture créée envers les fermes à ressources minimales par la phrase suivante de cet article: "Une entreprise agricole ne cesse pas d'être considérée comme rentable du seul fait qu'elle doive faire appel aux ressources d'une autre entreprise agricole, pourvu qu'elle détienne par elle-même un minimum de ressources jugées suffisantes par l'office et qu'elle satisfasse aux conditions prévues par règlement."

Nous croyons que ce concept est à encourager, car il correspond bien à plusieurs situations de collaboration. C'est vraiment encourageant pour les collaboratrices voulant avoir un accès égalitaire à un prêt agricole.

Pour ce qui est de l'article 14.3, il concerne l'expérience agricole et la formation professionnelle comme condition d'obtention d'un prêt. On y parle de "respecter les normes qui seront fixées par règlement".

Le projet de refonte présenté par l'Office du crédit agricole, à l'automne dernier, parlait à ce titre d'une expérience d'au moins deux ans ou bien d'un an avec deux ans de formation professionnelle. Nous espérons que cette condition sera maintenue, car elle correspond à une demande que nous avions exprimée en ce sens, en 1985, aux membres de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.

À l'article 14.4, nous nous réjouissons de cette condition d'obtention d'un prêt qui fait appel aux aptitudes à la gestion. C'est un critère qui rejoint l'ADFC dont les membres développent souvent de telles aptitudes dans les tâches qu'elles accomplissent.

A l'article 27, on parle de revoir aux cinq ans la situation des entreprises dont les propriétaires ont fait un emprunt. Nous avons trois commentaires à émettre à ce sujet. D'abord, nous voulons soulever une question. La planification quinquennale sous-jacente à cette mesure ne peut qu'augmenter les chances de réussite de l'entreprise. Mais, pour ce faire, il faudra faire appel à des personnes qualifiées capables de donner des

conseils face à cette planification et d'y accorder un suivi adéquat. Nous nous demandons alors qui défrayera les coûts additionnels liés à cette consultation auprès d'un ou d'une gestionnaire.

Par ailleurs, nous craignons que cette mesure cause préjudice aux agricultrices et agriculteurs qui, étant donné les conditions économiques, climatiques ou autres, se trouvent temporairement dans une situation financière plus difficile. Enfin, nous demandons de préserver les droits acquis pour les personnes ayant déjà contracté un emprunt au moment où cet article entrera en vigueur. Nous pensons que les nouvelles exigences proposées seront difficiles à adapter à la situation de certains utilisateurs, notamment en regard des liquidités qui auraient pu être accumulées et de la planification qui sera exigée.

Aux articles 78.1 et 78.2, il s'agit, pour nous, de rappeler notre position quant au critère d'âge qui est répété.

Mme Saint-Amand-Bogemans: Article 81. Nous apprécions le fait que l'on offre le choix, comme subvention à l'établissement, entre une subvention de capital et une subvention à la totalité de l'intérêt pour la première tranche de 50 000 $ d'un prêt. Cela devrait répondre aux besoins réels des gens qui s'établissent en agriculture.

Article 83.1. Nous réitérons notre position à l'endroit du critère d'âge proposé. Nous croyons que la subvention à l'établissement constitue un incitatif qu'il faut accorder au regard de l'implication et de l'expertise que possèdent, entre autres, les collaboratrices du secteur agricole. Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation entend proposer, semble-t-il, un paiement pour frais encourus lors du changement de forme juridique de l'entreprise comme solution pour les agricultrices de 40 ans et plus.

Nous nous opposons à cette proposition parce qu'une telle formule ne permettra pas aux collaboratrices de plus de 40 ans d'avoir accès à la propriété. Nous croyons que l'incitatif proposé valorise le travail du professionnel plutôt que celui de la collaboratrice. En outre, il ne reconnaît pas à celle-ci ses capacités d'entrepreneurship. Il faut que toutes les collaboratrices aient accès à du capital pour le premier établissement, car elles étaient exclues auparavant de cette subvention à l'établissement.

Article 87. Nous sommes d'avis que la subvention à l'établissement doit être accordée à des entreprises situées en zone agricole établie. Il ne faut pas que les cas d'exception prévus par règlement soient trop nombreux, car cela pourrait affaiblir la validité du zonage agricole actuel et encouragerait possiblement la prolifération d'entreprises agricoles non familiales.

Article 92. Nous approuvons cette mesure qui vise a accorder le solde d'une subvention non totalement déboursée à la personne devenue propriétaire, en cas de décès. Cette mesure permettra la continuité de l'entreprise et se révélera fort pertinente en ce qui concerne les collaboratrices qui sont les personnes tout indiquées pour succéder au mari en cas de décès.

Mme Bédard: Pour ce qui est de l'organisation à l'intérieur de l'office, nous aimerions voir préciser que les deux nouveaux membres de l'office seront des représentants du secteur agricole. Nous souhaitons, par ailleurs, que l'on opte pour une représentation égalitaire homme-femme au sein de l'office.

Nous croyons que, globalement, la refonte proposée du financement agricole par ce projet de loi centralise davantage les services à la clientèle et qu'il y aura concentration des pouvoirs de l'office, détenus par sept personnes qui décideront de l'avenir de l'agriculture au Québec. Pour que la refonte devienne un projet clé dans le développement de l'agriculture, il faudrait plutôt envisager une décentralisation des pouvoirs de l'office.

Article 110.2. Nous aimerions préciser que la garantie du premier rang exigée devrait porter uniquement sur le montant du prêt.

Article 110.4. Lorsque l'office examine les titres de propriété faisant l'objet des garanties de prêt, il arrive souvent que l'on exige des femmes qu'elles résilient leur déclaration de résidence familiale. Nous voulons qu'une politique administrative soit émise afin qu'on ne demande plus la résiliation de la déclaration de résidence familiale pour qu'un financement soit accordé.

Articles 117 et 119. La constitution d'un tel comité, composé majoritairement de personnes possédant une expérience agricole, nous réjouit. À notre avis, il serait bon qu'un bureau de révision soit créé dans chacune des régions administratives du Québec avec une représentation égalitaire homme-femme.

Le comité de réexamen devrait constituer une instance décisionnelle et non seulement un organe consultatif, et ce, dans une optique de décentralisation des pouvoirs de l'office.

Le MAPAQ a fait, depuis un an, des efforts importants pour permettre l'accès à la propriété pour certaines catégories de femmes en agriculture. Le projet de loi 46 pourrait s'avérer un autre pas dans la bonne direction si la problématique des collaboratrices est respectée. C'est pourquoi nous avons proposé, dans ce document, des correctifs qui visent l'égalité entre conjoints, quant au financement agricole. Notre démarche est accompagnée d'une recherche

d'équité et d'une connaissance profonde de la situation des collaboratrices du secteur agricole au Québec. Elles sont des milliers à attendre une loi qui leur donnera enfin un accès égalitaire à la propriété.

Pour terminer, nous exprimons le souhait que le gouvernement mette à la disposition des agricultrices et agriculteurs toutes les sommes nécessaires à l'administration de ce programme de financement agricole.

Le Président (M. Richard): Merci sincère, mesdames. M. le ministre, avez-vous des commentaires?

M. Pagé: M. le Président, je voudrais remercier Mme Bédard et sa collègue, qui représentent l'Association des femmes collaboratrices, un mouvement de concitoyennes qui représentent et font valoir avec beaucoup de ferveur et de détermination la promotion des droits des femmes au Québec. Je voudrais les remercier bien sincèrement pour leur témoignage devant la commission, aujourd'hui. Vous êtes particulièrement intéressées par le projet de loi 46, par l'avenir de l'agriculture, non seulement par une reconnaissance, mais par une promotion et une amélioration substantielle des droits de celles qui ont contribué largement à bâtir l'agriculture d'aujourd'hui, que sont les agricultrices, et c'est tout à fait légitime. La-dessus, je pense qu'il n'est pas nécessaire de vous indiquer la volonté très claire de notre gouvernement d'aller dans ce sens. Nous croyons que les gestes posés jusqu'à maintenant, par le gouvernement du Québec et particulièrement par notre ministère, démontrent très clairement notre volonté, non pas seulement d'écrire et de parler dans ce dossier, mais d'agir et de présenter des dispositions concrètes.

Dans votre mémoire, mesdames, vous manifestez certaines inquiétudes. Entre autres, vous faites référence au fait que, dans certains cas, on aurait fait valoir ou on vous aurait indiqué que, pour pouvoir bénéficier des primes à l'établissement, il fallait posséder 60 %. Je me permettrai de vous indiquer que, dans les cas de groupes -plus d'une personne - il faut que les personnes représentant 60 % du capital-actions, aient l'agriculture comme principale activité. Je ne sais pas à quel cas concret ou spécifique vous vous référez et, si besoin en est, je vous inviterai à le porter à mon attention par une missive privée que vous pourriez me faire parvenir mais je peux vous dire que, dans le cas où les deux conjoints travaillent et sont actionnaires de l'entreprise, il suffit d'un partenariat de 50 -50 %, et il n'y a aucun problème. La loi est très claire. Pour qu'une personne puisse se qualifier aux bénéfices des dispositions de la loi favorisant rétablissement, il suffit d'avoir 20 % du capital-actions. Cela n'implique pas pour autant que la conjointe doit voir sa participation limitée à 20 % ou à 40 %, bien au contraire. D'ailleurs, les chiffres sont très éloquents à cet égard.

Depuis l'adoption de la loi, je peux vous indiquer que près de 60 % des établissements sont faits par des agricultrices maintenant. Si vous avez des cas particuliers, n'hésitez pas, écrivez-moi un petit mot et il me fera plaisir de vérifier tout cela parce que ce n'est pas ce que la réglementation et la loi disent et ce n'est certainement pas ce que la loi dira à l'avenir lorsqu'elle sera modifiée.

À la page 11 de votre mémoire, vous mentionnez que vous vous opposez à la proposition voulant que le gouvernement puisse éventuellement payer les frais encourus lors du changement de forme juridique de l'entreprise pour les conjoints de plus de 40 ans. D'abord, il faut dire qu'une agricultrice de plus de 40 ans a le droit à tous les programmes de l'Office du crédit agricole du Québec, sauf la prime à l'établissement. Il ne faut pas croire que la dame qui a 45 ans n'est pas admissible aux dispositions des lois de l'Office du crédit agricole. Cette personne est admissible à un prêt. Elle pourra bénéficier d'un prêt pour une terre qui lui appartient. Par exemple, vous avez référé au concept de ressources minimales et cette disposition a été spécialement incluse dans le projet de loi pour favoriser davantage l'accès à la propriété chez les conjointes. (15 h 30)

Dans un premier temps, tous les programmes sont admissibles, sauf la prime à l'établissement. Dans un second temps, nous prévoyons, par le projet de loi, une forme d'accès à la propriété qui, nous le pensons de ce côté-ci, sera très certainement concluante pour favoriser davantage l'accès aux agricultrices.

Je m'explique. L'entreprise fonctionne et les conjoints décident d'agrandir la ferme. Ils ont besoin d'acheter une ferme ou une terre voisine. Même s'il n'y a pas de bâtiment, même s'il n'y a pas de quota, de cheptel, etc., cette nouvelle terre pourra être achetée par l'agricultrice, par la conjointe et être subventionnée jusqu'à concurrence de 200 000 $ à un taux quand même très avantageux. Nous croyons que cette disposition va favoriser l'accès à la propriété et pas seulement pour les femmes en deçà de 40 ans.

Je suis surpris de voir la position que vous adoptez à la page 11 parce que c'est quand même un élément intéressant et qui a été évoqué par le Comité provincial provisoire des femmes en agriculture et aussi par vous. Ce que nous sommes à étudier actuellement, c'est combien et selon quel

rythme il nous en coûterait de défrayer purement et simplement les montants des frais professionnels inhérents au transfert de propriété. Pourquoi a-t-on songé à cela? Ce n'est pas compliqué, c'est parce que, souvent, on se fait dire, comme vous vous le faites dire probablement aussi dans votre association: Chez nous, le conjoint ne veut pas changer la structure parce qu'il faudrait faire adopter une charte, il faudrait aller voir le comptable, il faudrait préparer un programme de transfert d'actifs et de propriété et cela coûte de l'argent. Quand l'argent était disponible - je peux vous l'indiquer très ouvertement - pour un tel transfert de propriété, il arrivait parfois que des maris disaient: Au lieu de faire tout cela, on va aller en Floride avec cet argent-là et cela va être pas mal plus le "fun" ou on va changer ton manteau de fourrure. Et la dame, même si elle avait travaillé, n'avait pas accès à sa propriété. Avec cette disposition qui, je l'espère, viendra le plus tût possible, nous croyons que cela pourra favoriser les transferts.

J'apprécie aussi vos commentaires sur les exigences de formation. Pour nous, c'est primordial. Plus nos jeunes filles, plus nos jeunes hommes seront conviés à une formation, même si c'est contraignant, plus il sera facile pour eux de bien réussir.

La question que j'aimerais vous poser... J'aimerais vous entendre sur l'aspect du concept des ressources minimales pour voir si cela correspond à vos attentes, si vous avez eu l'occasion de vous référer à ces dispositions avec vos membres et voir quelles sont leurs réactions et la vôtre.

Mme Bédard: Avant de céder la parole à la responsable du comité agricole, je voudrais dire que nous ne nous opposons pas à ce qu'on paie le changement de forme juridique de l'entreprise. Nous nous opposons au fait que ce soit considéré comme "la" solution; c'est là qu'on n'est pas d'accord. Je pense que vous l'aviez compris. Je pense que vous le saviez un peu avant.

Mme Saint-Amand-Bogemans: Quant aux fermes à ressources minimales, je l'ai vécu récemment avec mon mari, c'est une nouvelle formule que vous venez d'adopter, c'est très bien, cela favorise un nouvel accès à plusieurs couples; et la femme peut participer à une entreprise.

Cependant, le montant du cautionnement que vous exigez de la part du conjoint pnurrait franchement être éliminé. Quand une personne décide d'acheter une ferme, vous demandez un cautionnement quand même assez important de la part du conjoint. Il y aurait peut-être ce nouveau concept à réétudier. Mais, en lui-même, le concept de ressources minimales est très bien.

Mme Bédard: C'est l'opinion générale qu'on a entendue.

M. Pagé: Bien sûr, cette question a aussi été évoquée ce matin par les représentants de l'Union des producteurs agricoles. Compte tenu que la ferme requérante n'a pas d'équipement, de cheptel, de bâtiment, etc., il faut quand même, pour prêter une somme - car, souventefois, ce sont des sommes importantes, même s'il n'y a pas tous ces équipements, seulement pour la partie de terrain - un encadrement donné. C'est pourquoi il nous faut un contrat à long terme de la part de la ferme d'encadrement qui, elle, se porte garante d'acheter le produit, les céréales ou les fourrages de cette terre-là.

Je prends évidemment note de vos commentaires. Mais il faut bien avoir à l'esprit qu'on ne peut prêter pour... L'objectif de la démarche est très clair, mais il nous faut quand même un contrat pour plus de deux, trois ou quatre ans.

Mme Saint-Amand-Bogemans: Mais -vous me permettez - en plus du bail demandé entre les conjoints - il y a toujours un bail fait selon une méthode notariée -vous demandez aussi un cautionnement de la part du conjoint. C'est beaucoup. Ce sont de grosses garanties et, en plus de tout, c'est beaucoup. C'est une chose à laquelle vous pourriez être amené à réfléchir.

M. Pagé: On va regarder cela, Madame.

Mme Saint-Amand-Bogemans: Oui.

M. Pagé: Je vais laisser aller mon collègue de Laviolette et je reviendrai sur la résidence familiale tout à l'heure. Merci.

Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de l'Opposition, à vous.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Merci, mesdames, d'être ici pour faire valoir votre point de vue. Vous faites partie de l'Association des femmes collaboratrices et on sait qu'il y a eu une fédération des femmes en agriculture qui faisait, je pense, partie de votre organisation à l'époque pour baser spécifiquement son travail sur cette partie, ce qui n'empêchait pas d'autres secteurs manufacturiers ou commerces d'être en association, mais vous êtes l'embryon de celles qui, aujourd'hui, se défendent et demandent de plus en plus de pouvoirs pour les femmes. Pourriez-vous, pour les besoins de la commission, préciser votre rôle par rapport à celui des femmes en agriculture?

Mme Bédard: Quand on a commencé à parler des réclamations, non seulement de la place de la femme au sein de l'entreprise

familiale mais aussi dans son secteur professionnel, on s'est rendu compte qu'il n'y avait pas beaucoup de femmes qui représentaient l'agriculture à l'intérieur de l'UPA. À ce moment-là, on s'est dit: II faudrait vraiment que nos femmes s'arrangent pour être représentées globalement à l'UPA. C'était difficile, après avoir soulevé ces inquiétudes auprès des femmes, pour elles d'aller aux réunions de l'UPA; elles se sentaient très minoritaires la plupart du temps. Il y avait seulement une ou deux femmes et elles étaient un peu mal à l'aise de prendre la parole devant leurs confrères, etc. Alors, c'est à partir de ce moment que tout le mouvement s'est enclenché et qu'elles sont devenues maintenant un organisme autonome. Nous étions bien d'accord au départ pour qu'elles fassent cela.

M. Jolivet: Quant à la question des 40 ans, si je comprends bien, vous dites que par rapport à ce qui est offert pour payer l'ensemble des frais des actes notariés où il y a cette possibilité, on n'est pas contre; cependant, nous aimerions plus au départ faire en sorte que la limite de 40 ans n'existe pas actuellement, et après cela on passerait à l'autre étape. Ne craignez-vous pas, au fond, que le fait de vous voir accorder cela fasse en sorte que vous n'obteniez pas la disparition de la limite d'âge de 40 ans?

Mme Bédard: Cela a déjà donné lieu, à l'heure actuelle, à des abus et à de petites manipulations avec les notaires concernés dans les petites paroisses, ici et là. Je pense que ces faits sont déjà connus d'ailleurs. D'autre part, cela ne remplace pas l'accès à la propriété pour la femme de 40 ans. Ce qui arrive, c'est qu'au départ, quand une entreprise agricole naît, les deux partenaires travaillent ensemble et il y a très souvent les enfants qui s'ajoutent à la famille. La femme collaboratrice n'a pas accès à la propriété. De toute façon, il y a bien d'autres choses à payer au départ. C'est simplement un peu plus tard quand les enfants ont pris un peu leur envol que la femme pourrait enfin penser un peu à elle et avoir accès à la propriété. À ce moment, on dit: II est trop tard, elle a 40 ans. Tant pis pour elle!

M. Jolivet: Ce qu'on m'a dit aussi à ce sujet, c'est que la personne peut devenir à ce moment apte à jouer un rôle plus prépondérant, malgré qu'elle l'ait joué durant tout le temps où l'éducation des enfants se faisait, mais de façon plus particulière quand elle a dépassé 40 ans. Vous dites qu'à ce moment cette personne n'aura pas accès à cela quant à la prime d'établissement. Mais vous êtes conscientes qu'elles sont admissibles à d'autres aides en ce qui concerne l'office.

Mme Bédard: Oui, mais pas tellement. C'est entendu que ce qui est permis à tout le monde lui est permis, sauf qu'elle est dans une situation particulière.

M. Jolivet: Là, j'empiète sur un terrain un peu glissant pour quelque personne politique que ce soit. On dit toujours que l'Assemblée nationale au Québec devrait avoir pleine juridiction sur toutes les lois qu'elle adopte. Cependant, on est contraint, par les chartes des droits et libertés, qu'elles soient québécoise ou canadienne, à des normes qu'on a aussi prévues dans ces champs. La question qui peut surgir c'est: Quelles sont les raisons qui vous ont fait ne pas utiliser - à moins que vous ne l'ayez fait et que je n'en ai pas eu connaissance - les "nonobstant" prévus par la loi dans certaines circonstances - nonobstant telle charte et tel article de loi s'appliquant - et que vous n'ayez pas pris cela comme moyen de bataille pour la non-discrimination en raison de l'âge pour le droit d'accès à ces prêts?

Mme Bédard: C'est sûr, on peut toujours se prévaloir de cela. Cette loi est relativement nouvelle. La loi sur les droits et libertés, c'est relativement nouveau comme concept. C'est sûr qu'on peut toujours se référer à celle-ci en dernier ressort, mais on espère qu'avant, il y aura eu moyen de s'arranger autrement.

M. Jolivet: Vous utilisez la commission parlementaire pour éviter d'aller à ces batailles juridiques.

Mme Bédard: C'est cela.

M. Jolivet: À la page treize de votre mémoire, vous dites: "Pour que la refonte devienne un projet clé dans le développement de l'agriculture, il faudrait plutôt envisager une décentralisation des pouvoirs de l'office". Voulez-vous m'expliquer ce que vous entendez par "décentralisation des pouvoirs de l'office"?

Mme Saint-Amand-Bogemans: C'est surtout au moment où un prêt est accordé à quelqu'un et que le prêt doit être révisé. Il faut toujours que ce soit réajusté, attendre la réponse de Québec avant que le fonctionnaire de notre région puisse répondre directement. Il y a un laps de temps très long. Peut-être qu'en décentralisant les pouvoirs, les fonctionnaires de nos régions pourraient accéder à notre besoin qui est souvent pressant. Cela donnerait un service beaucoup plus rapide.

M. Jolivet: Je donne un exemple pour voir si cela concorde avec le vôtre. Des

programmes ont été mis en marche, comme le programme expérimental de création d'emplois communautaires à l'Office de planification et de développement du Québec. On a dit que, pour accélérer certains processus, en bas de tant de milliers des dollars disponibles, le comité régional peut prendre une décision, mais dépassé ce montant, on doit aller au niveau national. Parlez-vous dans ce sens-là?

Mme Saint-Amand-Bogemans: Oui, mais on sait qu'en agriculture, ce sont toujours des montants quand même assez élevés. Quand on a à faire un projet de vente ou d'achat de terre, c'est toujours dans des limites de temps assez rapides et pour des montants assez élevés. Ce serait peut-être une question à repenser et à analyser de nouveau.

M. Jolivet: D'accord. C'est parce que la question que je vous pose... Je donnais un montant au niveau d'un programme expérimental...

Mme Saint-Amand-Bogemans: Oui.

M. Jolivet: ...de 75 000 $. La distinction au niveau d'un prêt devient difficile si, justement, vous faites mention d'un prêt qui demande une aide substantielle compte tenu de l'achat et de l'ensemble des besoins que la personne a pour rentabiliser la ferme achetée. Cela semble être difficile de décentraliser des pouvoirs de décision au niveau local.

Mme St-Amand-Bogemans: En formant peut-être un comité régional qui pourrait être aussi expert et... On a quand même des personnes qui pourraient être compétentes pour analyser les besoins. C'est peut-être aussi pour analyser la procédure pour que ce soit un peu plus rapide. S'il faut absolument avoir une réponse de Québec pour avoir au-delà de 75 000 $ disons, il faudrait peut-être analyser le processus parce que, souvent, c'est assez long.

M. Jolivet: L'Union des producteurs agricoles insiste sur le fait suivant. La personne qui fait la demande devrait, à mesure que son dossier chemine, être avertie des recommandations qui sont faites pour avoir le temps, avant qu'une décision finale soit prise, d'intervenir. Ne croyez-vous pas que ce serait un processus qui permettrait à ce moment-là d'accélérer l'étude du dossier?

Mme Saint-Amand-Bogemans: Oui. Le plan quinquennal est naturellement une façon d'agir qui fait une analyse sur cinq ans. Mais les besoins peuvent changer assez rapidement quand on est dans un... Quand on a vécu en agriculture, il y a des besoins qui sont à ajuster assez rapidement. Un plan quinquennal est assez difficile à maintenir régulièrement. Disons qu'il va sûrement y avoir toujours des ajustements et ce sont ces ajustements qui devraient être faits assez rapidement. (15 h 45)

M. Jolivet: À la page 12 de votre mémoire, vous faites mention de l'article 99 et vous dites: "Nous aimerions voir préciser que les deux nouveaux membres de l'office seront des représentants du secteur agricole". Dois-je comprendre que vous insistez pour que, à l'intérieur de la loi ou par réglementation - mais de préférence à l'intérieur de la loi - il soit précisé que ces deux nouveaux membres, en plus des cinq déjà existants, soient vraiment des représentants du secteur agricole?

Une voix: ...cela.

M. Jolivet: De plus, vous dites: "Nous souhaitons par ailleurs que l'on opte pour une représentation égalitaire homme-femme au sein de l'office". Prévoyez-vous un laps de temps pour le faire ou si vous le demandez immédiatement? Ce sera sept membres, quatre de l'un et trois de l'autre. Est-ce que vous cherchez à avoir le plus de femmes possible à l'office?

Mme Bédard: Nous comprenons bien que cela ne peut pas être fait tout de suite demain matin, mais dans le plus court délai possible.

M. Jolivet: Vous soulevez la question de l'exigence de la résiliation de la déclaration de résidence familiale comme condition à l'obtention d'un financement à l'office. J'aimerais que vous expliquiez cela davantage et, par le fait même, que vous précisiez les motifs qui vous amènent à réclamer l'abolition d'une telle exigence pour l'obtention d'un financement de la part de l'office.

Mme Bédard: Ce qui nous a amenées à demander cela, ce sont des choses qui se sont produites et des plaintes que les femmes ont faites à ce sujet. Quand on a rencontré les représentants de l'Office du crédit agricole, on nous a dit que c'étaient des choses qui allaient se corriger très rapidement, et nous espérons que c'est bien ce qui va se produire. Actuellement encore, quand une ferme doit recevoir un prêt, cela va de soi que madame doit signer une renonciation à la résidence familiale, cela se fait encore couramment.

M. Jolivet: Est-ce que vous avez des exemples, comme vous êtes femme collaboratrice et que vous avez d'autres groupes que les agriculteurs et agricultrices...

Mme Bédard: Oui.

M. Jolivet: ...où on les oblige à cela pour l'obtention d'un prêt à une banque ou à une caisse?

Mme Bédard: Oui. Elles y sont obligées très souvent. On a eu des cas, je pourrais citer des exemples, la dame qui dit: À un moment donné, nous étions endettés dans l'entreprise - ce n'était pas une entreprise agricole - et je trouvais que je ne pouvais pas signer pour que nous nous endettions davantage. Le gérant dit: Si madame ne signe pas la résiliation de la résidence familiale, tu n'as pas ton prêt. Nous avons déjà trois enfants à la maison, je ne voulais pas signer parce que, d'après moi, ce n'était pas une bonne chose, et l'homme n'a pas eu son prêt. Imaginez-vous, dans la famille, l'atmosphère que cela a créé. Madame dit: En plus, j'ai perdu ma "job" - parce qu'elle travaillait dans l'entreprise familiale, bien sûr - il ne voulait plus me voir au travail. J'ai perdu ma "job" et il m'a dit: Je n'ai pas eu mon prêt, c'est ta faute.

C'est entendu que la loi n'a pas été faite pour cela, mais la loi donne lieu à toutes sortes d'autres choses que celle-là. C'est une loi qui aurait besoin d'être révisée, cette loi de protection de la résidence familiale. Cette protection devrait être accordée automatiquement ou dès qu'il y a famille, ou quelque chose comme cela. Cette loi amène toutes sortes de problèmes.

M. Jolivet: Vous n'avez aucun moyen actuellement de pouvoir débattre ce dossier en vous basant sur le fait que c'est une discrimination? Dans la mesure où la loi permet à la personne de signer une demande de résidence, cela veut dire qu'on fait des pressions indues sur la femme pour résilier son droit.

Mme Bédard: Sauf que c'est le gagne-pain des gens qui est en jeu dans cette histoire. On a besoin d'un emprunt pour continuer l'entreprise. Il y a des conflits d'intérêts dans cette histoire, et ce n'est pas facile à régler. Cela semble facile dans les lois, mais dans la pratique, c'est autre chose.

M. Jolivet: Là, cela touche l'agriculture, mais cela peut concerner autre chose...

Mme Bédard: Oui.

M. Jolivet: ...vous en faites mention.

Finalement, des gens font des pressions indues eu égard au droit que la personne possède en vertu d'une loi.

Mme Bédard: Oui.

M. Jolivet: Dans ce contexte, il y a toujours des cas types qui peuvent exister, des recours collectifs ou des choses semblables. Je vous demande si cela a effleuré votre esprit, un jour, de dire: On va prendre un cas, si on veut y aller. C'est évident qu'il ne faut pas non plus nuire à un ménage ou à des personnes en particulier, mais à un moment donné, il va falloir que quelqu'un le fasse ou encore, comme vous le dites, à force d'avoir des cas comme ceux-là, qu'on arrive à changer la loi.

Mme Bédard: C'est toujours très délicat, ces réglementations à l'intérieur du couple. Quand cela touche un des deux membres du couple, c'est très difficile, parce que ces gens-là doivent vivre ensemble.

M. Jolivet: Je comprends cela. Sur la question du comité de réexamen, vous émettez certaines réserves et vous formulez certains commentaires, pour qu'il en soit créé un dans chaque région avec une représentation égalitaire homme-femme. Vous souhaitez, comme d'autres le demandent, que ce soit une instance décisionnelle et non pas seulement un organisme consultatif comme il est prévu dans le projet de loi. Est-ce que vous pouvez nous dire les craintes que vous avez par rapport à l'impact d'un comité de réexamen qui serait uniquement consultatif? Vous nous dites que vous le croyez inadéquat, inefficace. En quel sens croyez-vous cela?

Mme Saint-Amand-Bogemans: C'était sur le même sujet dont je vous parlais tantôt, la question de la rapidité à traiter les dossiers afin d'obtenir la réponse pour effectuer les transactions le plus rapidement possible.

M. Jolivet: Vous parlez d'un comité de réexamen.

Mme Saint-Amand-Bogemans: Oui.

M. Jolivet: Nous, on proposait que ce soit un comité où il y aurait plutôt une forme de révision équivalente à celle de la Commission de protection du territoire agricole où le régisseur qui a fait la recommandation ne sera pas présent lors de la révision pour éviter une sorte de conflit entre la décision qu'il a prise et la décision qu'il a à renverser, si jamais il était au comité. Est-ce que vous croyez que ce serait dans ce sens pour éviter...

Mme Saint-Amand-Bogemans: Là-dessus, on n'a fait aucune objection à cela. C'était pour ramener le comité de révision dans la région. Si le fonctionnaire en présence peut avoir une relation avec la personne qui demande, peut avoir des objections que le

comité... Le fonctionnaire pourrait ne pas être présent, mais le comité est quand même assez... Si le comité est de la région, il pourrait avoir la possibilité de prendre des décisions sans la présence du fonctionnaire.

M. Jolivet: L'alternance.

Le Président (M. Richard): M. le ministre, est-ce que vous auriez des questions additionnelles à poser à ces dames?

M. Pagé: J'aurais deux commentaires à la lumière des échanges de propos que vous avez eus avec M. le député de Laviolette. Vous faites allusion à la nécessité de décentraliser les décisions de l'office. Je dois vous indiquer que c'est une volonté très claire qui nous a animés lorsqu'on a préparé le projet de loi et on veut que cela apparaisse non seulement dans les textes, mais surtout dans les faits au niveau des régions. Vous savez, le rôle que l'office aura à jouer dans un premier temps, c'est de s'assurer de l'admissibilité, que la requête est bel et bien admissible selon les critères d'évaluation et d'analyse, et de s'assurer de la rentabilité du projet.

Partant de là, un plan de financement va être établi; on parlait de cinq ans tout à l'heure. Les conclusions de cette analyse qui se fait au niveau de l'office, j'en conviens, vont déboucher sur une forme de cadre de financement qui va s'appliquer à l'entreprise donnée, que ce soit pour un emprunt de 50 000 $, de 300 000 $ ou de 700 000 $. Une fois cette analyse faite, une fois le prêt octroyé, le tout va se passer au niveau de la région. Si la décision de l'office est que les besoins financiers de l'entreprise sont de X milliers de dollars, que le requérant et l'office conviennent que, dans une période donnée, on devra modifier tel équipement, agrandir la terre, acheter des quotas, etc., on dit très clairement ici que l'emprunteur n'aura pas à présenter une autre demande, il n'aura même pas à aller frapper à la porte de l'office comme tel, à son siège social. Il suffira pour cet emprunteur de faire affaire avec son représentant en région et cela va... La préoccupation que vous manifestez est tout à fait légitime. Cependant, ce que je veux vous dire, c'est: Rassurez-vous, quand on parle d'efficacité, quand on parle de dossiers plus personnalisés, c'est notamment ce à quoi on se réfère.

Mme Saînt-Amand-Bogemans: Et si les besoins sont plus importants que la demande qui a été faite durant le plan quinquennal, est-ce que c'est également la même chose?

M. Pagé: II y a purement et simplement une prise en considération qui est faite...

Mme Saint-Amand-Bogemans: Au niveau régional?

M. Pagé: ...et il y a un addenda qui se fait au prêt octroyé. Je ne vois pas de problème. Cela a été centralisé pendant longtemps, j'en conviens, mais il ne faudrait pas sous-estimer la volonté très claire qui nous anime de personnaliser nos interventions. Quand on parle de l'approche globale, cela implique nécessairement davantage de latitude pour les régions.

Mme Bédard: On peut alors penser que les régions vont voir leurs pouvoirs s'accroître.

M. Pagé: Pardon?

Mme Bédard: On peut penser que les régions vont voir leurs pouvoirs s'accroître avec le temps.

M. Pagé: Oui, certain.

Résidence familiale. Je comprends votre inquiétude, mais il faut bien noter qu'il y a une différence très nette entre la résiliation d'un droit qui est le droit fondamental qui appartient à une conjointe d'enregistrer son droit sur la résidence familiale et un acte d'hypothèque doit être contresigné par la conjointe. L'office n'exige pas la résiliation de la déclaration de résidence familiale. Encore une fois, je vous invite - n'hésitez pas - a sensibiliser vos autorités si vous voyez des cas où on exigerait une résiliation du droit à la. résidence familiale. L'office n'exige donc pas... Et je vais vous donner tout à l'heure le libellé exact d'une directive, d'une instruction qui est donnée au notaire qui instrumente dans de tels actes. L'office exige le consentement à l'hypothèque par le conjoint non-propriétaire. C'est devenu nécessaire parce que l'hypothèque consentie sans le concours du conjoint pourrait être annulable. Qu'est-ce que cela veut dire concrètement? Cela veut dire que, si on veut exclure complètement la résidence de l'hypothèque, il est certain que les garanties ne sont pas nécessairement les mêmes. Cela peut impliquer une réduction du montant qui est prêté. On a parlé de cette situation de fait l'année dernière lors d'une rencontre ici dans un hôtel de Québec. Ce qui a été fait, c'est ceci. Dans les instructions qui sont acheminées au notaire instrumentant, il est dit ceci, au point 8: "Déclaration de résidence familiale. Lorsqu'une déclaration de résidence familiale a été enregistrée sur l'immeuble de l'emprunteur, l'office sera satisfait que le conjoint de cet emprunteur intervienne à l'acte affectant ledit immeuble pour y donner son consentement conformément aux dispositions de l'article 452 du Code civil du Québec, sans pour autant qu'il renonce aux

droits qui en découlent." On dit au notaire: On ne vous demande pas d'exiger de la conjointe, de l'agricultrice, de résilier son droit d'habitation, on vous demande purement, simplement et uniquement d'obtenir son concours et son consentement pour la signature de l'acte hypothécaire.

Mme Bédard: Dans les...

M. Pagé: Encore là, je vais être bien clair avec vous, Mme Bédard, s'il y a des cas, n'hésitez pas...

Mme Bédard: Ce que je voudrais savoir...

M. Pagé: Vos élus, le ministre... Allez- y.

Mme Bédard: Ce que je voudrais savoir, c'est dans le cas où la ferme est vendue pour problèmes financiers ou autres, est-ce que la dame peut rester quand même à la résidence qui est supposée être protégée par la loi de la résidence familiale?

M. Pagé: Madame, la même situation de fait et de droit peut se retrouver dans toute résidence familiale du Québec. Ce n'est pas seulement dans le cas des fermes et dans le cas où l'office agit.

Mme Bédard: Non. Alors, la protection n'existe pas.

M. Pagé: Pour le propriétaire d'une résidence qui a un acte d'hypothèque avec sa caisse populaire ou sa banque, peu importe, et qui ne paye pas son hypothèque, lorsque l'action de dation en paiement arrive, on a le choc des deux droits. C'est la même chose en fait. Ce n'est pas un régime particulier. À cet égard, il n'y a pas d'interprétation spéciale dans le cas des fermes dans les entreprises agricoles.

Mme Bédard: ...partout, mais elle n'est pas protégée quand même à l'intérieur de sa résidence familiale, même si elle a enregistré une déclaration. C'est ce que nous voulons dire. (16 heures)

M. Pagé: D'accord. Cependant, vous allez convenir avec moi que le fait de soustraire la résidence familiale sur une ferme de l'hypothèque diminuera nécessairement - et cela est tout à fait explicable -le. montants prêtés compte tenu de la diminution des garanties. L'assurance que je veux vous donner, c'est que, lorsque j'ai ouï dire que l'Office du crédit agricole du Québec exigeait que l'épouse résilie son droit d'habitation, je tiens à vous dire que mes oreilles ont été choquées et la directive qui a été envoyée au notaire est très claire.

Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de l'Opposition, vous aviez une dernière question?

M. Jolivet: Peut-être pas une question, mais un propos à la suite de ce que le ministre a dit sur la décentralisation. Si vraiment le ministre nous dit que la décentralisation se fera, je dois vous dire que, entre la parole dite et la réalité vécue, il y a des moments où ce n'est pas toujours la même chose. L'exemple typique de cela, c'est l'ensemble des programmes que vous avez décentralisés dans les régions, semble-t-il, à partir d'expériences qui se vivaient ailleurs où, finalement, la personne est tellement prise par toutes sortes de directives qu'elle ne peut même pas prendre de décision et elle se réfère encore à Québec. On peut dire qu'on va décentraliser, mais si, dans les faits, ce n'est pas décentralisé, on aura des problèmes. Je suis bien prêt à prendre votre parole aujourd'hui.

Comme je l'ai dit, ce matin, quant au principe de la loi, cela va, la seule chose qu'on aura à regarder à fond et sur laquelle notre oui pourra être remis en question concerne la question de savoir quelles seront les modalités d'application de la loi au jour le jour. Si c'est la même chose que vos programmes que vous avez annoncés comme étant décentralisés, mais qui ne le sont pas dans les faits, c'est beau de l'avoir dit, mais la réalité n'est pas là. C'est dans ce sens-là que je dis qu'on devra surveiller si c'est vrai ce qu'on a dit aujourd'hui, décentralisation ou pas.

Quant à moi, je vous remercie d'être venues expliquer votre point de vue, mesdames. J'espère que les choses vous permettront de convenir que, une fois le projet de loi adopté sans remplir peut-être toutes vos demandes, au moins l'essentiel y sera.

Le Président (M. Richard): Merci, mesdames.

M. Pagé: Merci beaucoup, mesdames.

Société du crédit agricole du Canada

Le Président (M. Richard): Je demanderais aux représentants de la Société du crédit agricole du Canada de prendre place, s'il vous plaît!

J'aimerais, M. le gérant régional adjoint, que vous vous présentiez d'abord et que vous présentiez vos partenaires. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Toutefois, après 15 minutes, je vous indiquerai qu'il reste 5 minutes. Je me permettrai de vous le dire quand vos 20 minutes seront terminées. Vous comprenez que des groupes se succèdent aujourd'hui et

demain et qu'il faut absolument être respectueux du temps.

Il nous fait plaisir de vous accueillir. Voulez-vous commencer immédiatement?

M. Langlois (Fabien): Merci, M. le Président. Je vais présenter l'équipe qui m'accompagne: M. Eugène Laflamme, gérant régional adjoint à la division des prêts; M. Jacques Lagacé, gérant régional adjoint à la division de l'administration; Gaston Paradis, notaire et conseiller juridique...

Le Président (M. Richard): Je m'excuse. Qui est M. Paradis? Parfait! C'est pour des raisons techniques du débat.

M. Langlois: Michel Rousseau, superviseur à la révision des prêts et M. Terry Kremeniuk, directeur à la planification et aux communications, au siège social à Ottawa. Les autres membres ainsi que moi-même, Fabien Langlois, gérant régional pour la région du Québec, sommes du bureau régional ici.

Le Président (M. Richard): Bienvenue, messieurs. Vous avez la parole.

M. Langlois: La Société du crédit agricole du Canada apprécie d'avoir été invitée par la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation à fournir ses commentaires et opinions dans le cadre de l'étude du projet de loi 46, Loi sur le financement agricole.

Nous félicitons le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour sa volonté de vouloir simplifier et améliorer le système de crédit agricole provincial afin de répondre encore mieux aux besoins en financement des agriculteurs et agricultrices du Québec.

Au cours des 25 dernières années, notre société a joué un rôle significatif dans le développement de l'agriculture québécoise par l'apport de capitaux se chiffrant à plus de 1 100 000 $ - voir à l'annexe I, où vous avez la ventilation de ce montant. Elle a également mis au service de la classe agricole une équipe qualifiée, bien au fait des réalités d'une agriculture en pleine évolution. Cette équipe a su mettre à la disposition des agriculteurs et des agricultrices un éventail d'outils financiers qui apparaissent à l'annexe II.

Les mauvaises conditions économiques qui ont prévalu dans plusieurs productions du secteur agricole, depuis le début de la présente décennie, ont démontré la nécessité pour les différents paliers de gouvernement d'unir leurs efforts et leurs interventions. C'est dans cet esprit de collaboration qu'il nous fait plaisir, aujourd'hui, de répondre à votre invitation en apportant notre participation à l'étude du projet de loi 46.

Nous commenterons, en premier lieu, certaines dispositions du projet de loi et, ensuite, nous insisterons plus particulièrement sur l'article 6. Cet article peut, en effet, permettre une collaboration plus étroite entre le fédéral et le provincial dans l'atteinte d'un objectif si bien exprimé par M. Michel Pagé, ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, lors du dépôt du projet de loi, celui d'accroître la rentabilité des exploitations agricoles.

Dans le but d'améliorer le fonctionnement et l'efficacité du régime québécois de financement agricole et d'assurer un meilleur service aux agriculteurs et aux agricultrices, le projet de loi se veut une refonte en une loi et un seul règlement de toutes les lois et les règlements en vigueur. La nouvelle loi et le règlement adoptés en vertu de cette loi remplaceront huit lois de financement agricole et les huit règlements les concernant.

En prenant en considération les commentaires qui vont suivre, cette refonte devrait répondre aux besoins actuels et futurs des agriculteurs et des agricultrices du Québec, sous réserve que les actes, les procédés ou les opérations faits ou commencés et les droits acquis en vertu des lois remplacées peuvent être continués, complétés et exercés conformément aux dispositions de ces lois.

Moyennant cette réserve et les remarques qui suivent dont celles se rapportant à la Loi sur le prêt agricole, il nous semble que la refonte en une seule loi et un seul règlement devrait être appréciée des agriculteurs et des agricultrices ainsi que de tous les intervenants.

Lors du dépôt du projet de loi, le ministre, M. Michel Pagé, a annoncé que deux des membres de l'Office du crédit agricole du Québec seraient des représentants de la classe agricole. Cette initiative sera certainement heureuse et permettra aux producteurs et aux productrices de faire valoir leur point de vue appuyé par leur expérience et la connaissance du milieu à titre d'intervenants de première ligne.

La mise sur pied d'un tel comité sera une addition importante pour l'Office du crédit agricole. Les requérants et les requérantes dont la demande d'emprunt a été refusée et ceux et celles qui sont informés par le prêteur ou par l'office d'une décision de réalisation de garantie auront ainsi l'occasion de faire réexaminer leur dossier par un groupe impartial composé d'agriculteurs et d'agricultrices compétents.

Les emprunteurs de la Société du crédit agricole bénéficient d'un tel comité depuis plusieurs années. En tant que prêteurs, nous nous assurons ainsi de recevoir une opinion complémentaire basée sur l'expérience et les connaissances pratiques d'agriculteurs et

d'agricultrices qui sont en mesure de comprendre les demandeurs et de prêter une oreille attentive à ceux et à celles qui, pour diverses raisons, ne sont pas satisfaits de la décision rendue par la société.

Reconnaissance du vendeur. Cette addition permettra à un producteur ou à une productrice agricole de demeurer investisseur en agriculture, et ce, en limitant son risque quant au capital investi. La Société du crédit agricole voit, dans cette mesure, un élargissement majeur des sources de financement reconnues dans le projet de loi. Ainsi, plus de 1000 prêteurs par année pourraient se joindre aux institutions présentement autorisées et participer au financement des entreprises agricoles du Québec, dans le cadre de la Loi sur le financement agricole.

Concept du prêt global. Une des propositions du comité consultatif constitué par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation faisait état de l'obligation pour un producteur ou pour une productrice agricole de procéder, au moment de l'étude d'un prêt, à l'identification des besoins globaux en financement de son entreprise pour les cinq prochaines années.

À la lecture du projet de loi 46, nous constatons que la proposition initiale concernant cette obligation a été retirée au profit d'une autre approche exposée à l'article 18, en faisant état de besoins prévisibles.

Notre expérience de plus de 25 ans dans le crédit aux agriculteurs et agricultrices nous permet d'affirmer que la planification relève d'une saine gestion.

Nous considérons toutefois qu'il est pour le moins optimiste d'affecter aujourd'hui des sommes d'argent à des investissements qui seront faits dans un futur contingent et plus ou moins éloigné, et dans le cadre d'une situation économique probablement fort différente. Conséquemment, la Société du crédit agricole Canada considère qu'il y aurait lieu de préciser et de clarifier l'expression "besoins prévisibles".

Remplacement de la Loi sur le prêt agricole. Vu que le projet de loi a été présenté comme une refonte du cadre législatif actuel, nous sommes d'avis que le remplacement des lois et des règlements devrait présenter tous les caractères d'une refonte. C'est pourquoi nous nous permettons d'attirer votre attention sur certaines dispositions de fond de la Loi sur le prêt agricole qui ne sont pas incluses dans le projet de loi.

Le projet de loi n'accorde aux agriculteurs et aux agricultrices du Québec aucun des avantages suivants qui leur étaient conférés par la Loi sur le prêt agricole.

Paiement de l'intérêt: paiement par l'office, sur un prêt hypothécaire consenti par la Société du crédit agricole à un agriculteur ou à une agricultrice du Québec, de la différence entre l'intérêt annuel payable en vertu de l'acte de prêt sur les premiers 15 000 $ dudit prêt et l'intérêt calculé au taux visé au paragraphe a du cinquième alinéa de l'article 11 - devenu l'article 10 - du règlement d'application de la Loi sur le crédit agricole.

Le paiement de cette différence d'intérêt par l'office a été, au cours de l'année financière 1986-1987, crédité à 5011 comptes actifs pour des prêts antérieurement consentis par la Société du crédit agricole Canada aux agriculteurs et agricultrices du Québec. Ce paiement d'intérêts par l'Office du crédit agricole a représenté, pour l'exercice concerné, une somme de 2 801 000 $.

Exemption des droits payables. Deux arrêtés en conseil furent adoptés sous l'autorité des articles 28 et 29 de la Loi sur le prêt agricole, maintenant les articles 17 et 18 du chapitre P-20 des Lois refondues du Québec. Par ces articles et arrêtés en conseil, tout agriculteur ou agricultrice du Québec, qui bénéficie d'un prêt consenti par la société, est exempté du tarif des droits d'enregistrement et des honoraires pour divers documents produits par le registrateur ou services rendus par ce dernier. Ces exemptions ne sont pas prévues au projet de loi.

Pour que les exemptions continuent à s'appliquer, nous demandons que celles mentionnées au premier alinéa de l'article 64 du projet de loi puissent également bénéficier à l'agriculteur ou à l'agricultrice du Québec qui obtient un prêt de la société.

Nous remarquons également que la société ne serait plus exemptée des frais de publication d'avis dans la Gazette officielle du Québec annonçant la vente d'un immeuble garantissant un prêt de la société. Bien qu'il appartienne au législateur de décider si la société continue à bénéficier de cette gratuité, nous demandons qu'une disposition semblable à celle mentionnée au deuxième alinéa de l'article 17 de la Loi sur le prêt agricole soit incluse dans le projet de loi. Comme le prévoyait l'arrêté en conseil 1510 du 22 juin 1934, cette exemption pourrait aussi couvrir les droits et commissions payables à la couronne lors de la vente d'un bien garantissant un prêt de la société. Nous attirons votre attention sur le fait que, selon les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 64 du projet de loi, ces deux dernières exemptions pourront bénéficier à l'office ou à un prêteur autorisé.

Procédures spéciales de réalisation d'une garantie. Selon les circonstances, la société utilise actuellement les procédures spéciales prévues aux articles 11 à 16 de la Loi sur le prêt agricole. Bien que ces procédures soient mentionnées aux article 69 à 77 du projet de loi, elles ne pourront être utilisées que par l'office ou un prêteur

autorisé. Nous demandons que les dispositions du projet de loi permettent à la société de continuer à utiliser ces procédures de réalisation d'une garantie.

Subventions pour l'établissement. Nous sommes heureux de constater que, selon l'article 88 du projet de loi, la subvention à l'intérêt accordée à un jeune agriculteur continue à s'appliquer à l'égard d'un prêt consenti par la société, lorsque ce prêt satisfait aux exigences d'un prêt en vertu de la loi. (16 h 15)

Modifications à l'article 1979a du Code civil. La société est d'accord avec les amendements à l'article 1979a qui ne limitent plus à quinze ans le terme d'un prêt garanti par nantissement et permet que le solde du prix de la vente, consenti par un agriculteur à une personne qui tire des revenus de l'exploitation agricole soit aussi garanti par nantissement agricole. Le fait de ne plus relier la validité du nantissement au terme d'un prêt (maximum quinze ans) permettra à un emprunteur, qui offre de garantir son prêt par un nantissement agricole sur certains biens meubles, d'obtenir un terme plus long pour le remboursement de son prêt. Il appartiendra au créancier d'apprécier la valeur de sa garantie en tenant compte de la durée de vie des biens nantis et en considérant que les animaux de ferme et les produits de l'exploitation à venir peuvent être nantis.

Quant à la qualification donnée au vendeur, producteur agricole, nous sommes d'opinion qu'il aurait été préférable de se référer au producteur au sens de la Loi sur les producteurs agricoles, au lieu du producteur au sens de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles. Nous croyons que la définition de producteur donnée dans la Loi sur les producteurs agricoles est plus précise.

D'ailleurs, un producteur au sens de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles peut être, dans les cas déterminés par l'ordonnance de la régie, une personne qui n'est pas un producteur, mais qui participe à la production d'un produit agricole pour le compte d'autrui. Il nous apparaît que le producteur au sens de la Loi sur les producteurs agricoles s'apparente mieux à celui mentionné au deuxième alinéa de l'article 5 du projet de loi.

Avec l'amendement de l'article 1979a, l'enregistrement du nantissement agricole vaudra pour 30 ans par application de la règle générale, à moins qu'il ne soit éteint pour les causes et les moyens d'extinction des privilèges.

À la suite des recommandations déjà faites par la Chambre des notaires du Québec, le 28 décembre 1964, dans son mémoire portant sur le financement et l'endettement agricole au Québec, présenté devant la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, nous faisons les recommandations suivantes, dans le but d'améliorer les dispositions du chapitre III du titre XVI du Code civil, intitulé "Du nantissement agricole", savoir: Prévoir un mode de radiation légale du nantissement après quinze ans de la date de son enregistrement ou de son renouvellement.

Pour les raisons mentionnées ci-dessous, le nantissement agricole devrait s'éteindre après quinze ans de la date de son enregistrement, à moins que cet enregistrement n'ait été renouvelé avant l'expiration de ce délai. Le renouvellement du nantissement pourrait se faire par acte notarié, en minutes ou en brevet, ou par acte sous seing privé. Après l'expiration de la période de quinze ans, sans renouvellement, il y aurait lieu de prévoir que le nantissement agricole puisse être radié sur simple demande de tout intéressé.

Un tel mode de radiation légale et de renouvellement a été prévu par le législateur québécois pour les cessions de biens en stock. Cet exemple pourrait être suivi pour le nantissement agricole si l'on fait certaines adaptations.

Lors d'un financement par nantissement agricole, ces dispositions éviteraient d'aller demander des mainlevées à des créanciers décédés, introuvables ou incapables de donner un consentement valable, qui auraient négligé de donner mainlevée de leur nantissement. De plus, ces dispositions éviteraient des frais aux agriculteurs et aux agricultrices du Québec, et permettraient, lors d'un financement, d'obtenir plus rapidement une certification d'un premier nantissement agricole valable.

Reconnaissance d'un autre prêteur. Les agriculteurs et les agricultrices du Québec faisant affaire avec la Société du crédit agricole sont actuellement admissibles à toutes les politiques de développement et à tous les programmes d'assistance au financement mis de l'avant par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, exception faite de la contribution au paiement de l'intérêt versé dans le cadre de la Loi favorisant le crédit agricole à long terme par les institutions privées.

Clientèle cible de la Société du crédit agricole. Parmi les agriculteurs et les agricultrices susceptibles d'avoir recours au crédit agricole à long terme, la Société du crédit agricole vise à desservir ceux ayant moins de 70 % d'avoir net, c'est-à-dire environ 7000 clients cibles, voir à l'annexe III où vous avez une ventilation de cette clientèle cible. Dans les faits, l'avoir net moyen des emprunteurs de la Société du crédit agricole, au cours des dix dernières années, a été de 39,7 %.

Le sondage agricole effectué par la

Société du crédit agricole,au cours de l'hiver 1984, révèle qu'au Québec la production des agriculteurs ayant moins de 70 % d'avoir net représente 54 %. de la production totale. Cette analyse fait également ressortir que ces producteurs et productrices supportent 79 % de l'endettement total. À la lumière de ce qui précède, il va sans dire que, pour demeurer progressive, l'industrie agro-alimentaire du Québec doit compter sur ces agriculteurs et agricultrices même s'ils sont considérés comme des clients à risque.

Il apparaît également évident que ces agriculteurs et agricultrices hautement productifs s'attendent à avoir accès à la bonification accordée par la province sur le service de leur dette à long terme.

Le projet de loi 46 représente pour le gouvernement une occasion privilégiée de redresser cette situation au bénéfice des agriculteurs et agricultrices concernés. Nous profitons de l'occasion qui nous est offerte pour demander au gouvernement de reconnaître leur admissibilité à une certaine contribution d'intérêt sur leur prêt à long terme avec la société et suggérons de corriger cette lacune par l'application de l'article 6 du projet de loi 46.

Avantages. Nul doute que les agriculteurs et agricultrices du Québec et le gouvernement provincial y trouveront plusieurs avantages administratifs et financiers. Le principal avantage sera celui de reconnaître dans les faits l'accès de tous les agriculteurs et agricultrices du Québec à toutes les politiques de soutien en matière de financement agricole provincial.

L'accessibilité que nous demandons répond à l'objectif de simplification visé par le projet de loi 46. Pour les personnes concernées et les intervenants financiers, cela signifierait l'abolition des multiples inconvénients actuels qui passent des tracasseries administratives aux coûts additionnels.

Le remboursement massif de 47 000 000 $ à la société effectué par l'office au cours de l'exercice 1979-1980 a affecté près de 1000 agriculteurs et agricultrices du Québec. Depuis cette date, le Trésor public québécois a dû verser des subventions d'intérêt qui totalisent actuellement environ 15 000 000 $.

Ces remboursements par anticipation et paiements de subventions d'intérêt auraient pu être évités dans une large mesure, car ces prêts avaient été consentis à des taux d'intérêt fixes et avantageux de 5 % à 8 %.

Notre portefeuille compte environ 3600 de ces prêts représentant un encours de 110 000 000 $ qu'il ne faudrait pas, dans la mesure du possible, rembourser par anticipation pour le bénéfice des clients concernés et de la province. C'est dans cette optique qu'au cours des cinq dernières années, la société a accepté dans 954 dossiers de partager ses garanties en faveur de l'office et ainsi libérer pour environ 73 000 000 $ de biens meubles et immeubles.

Cette situation palliative ne cadre pas avec un objectif de simplification puisqu'elle est la source de nombreuses démarches, d'inconvénients et d'irritants pour les agriculteurs et les agricultrices qui, par surcroît, voient leur pouvoir d'emprunt diminué.

Pour les organismes concernés, ce processus qui a pour seul but de donner accès aux clients de la société à la contribution d'intérêt versée par la province, est également générateur d'une lourdeur administrative. En effet, il y aurait une duplication évidente et manifeste dans la charge de travail qui se traduit en dépenses additionnelles assumées par les intervenants et, jusqu'à un certain point, payées par les deniers publics.

La société a accepté cette surcharge administrative afin de ne pas pénaliser une proportion importante d'agriculteurs et agricultrices du Québec. Nous sommes toutefois convaincus que cette dilution des efforts pourrait être évitée.

En reconnaissant l'admissibilité des clients de la Société du crédit agricole à la contribution d'intérêt, le Trésor provincial y trouvera également des avantages du point de vue financier.

Dans une éventuelle participation de la Société du crédit agricole, cette dernière assumera tous ses coûts d'exploitation en plus de soutenir les pertes qui découleront des prêts où elle devra réaliser ses garanties. À eux seuls, ces deux secteurs généreront pour la province des économies annuelles de plusieurs millions de dollars.

Notre acceptation de participer à l'étude en commission parlementaire du projet de loi sur le financement agricole a pour but de vous présenter une vision positive et réaliste de certains points soulevés par le document législatif. La société est consciente qu'il appartient en dernier ressort au législateur provincial d'adapter aux besoins actuels et futurs des agriculteurs et des agricultrices du Québec son programme de financement agricole dont le but ultime est d'accroître la rentabilité des exploitations agricoles.

Notre offre de collaboration s'inscrit dans la foulée des déclarations des ministres de l'Agriculture fédéral et provinciaux qui ont, par la signature d'un document conjoint, manifesté leur désir de concerter leurs efforts dans la recherche de solutions et moyens concrets, en vue de résoudre les problèmes d'une grande acuité qui menacent la survie de notre agriculture familiale.

Dans la perspective d'une augmentation du nombre de prêteurs autorisés, la société est disposée à s'impliquer pour que les

agriculteurs et agricultrices du Québec profitent au maximum d'un système élargi de financement agricole, en réduisant le plus possible certaines tracasseries administratives pour l'obtention d'un prêt.

Nous vous remercions de votre bonne attention et nous apprécions l'intérêt que vous avez porté à notre mémoire. Nous demeurons à votre disposition pour répondre aux questions que nos propos ont pu susciter.

Le Président (M. Richard): Merci beaucoup. Je souligne que vous avez été habile, vous n'avez jamais regardé ici, de façon que je ne vous indique pas que votre temps achevait. Je vous remercie, c'est habile de votre part. M. le ministre, est-ce que vous avez des commentaires?

M. Pagé: Cela témoigne de la longue expérience de M. Langlois, il en a vu d'autres. Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais remercier les représentants de la Société du crédit agricole du Canada de leur témoignage. Ils viennent nous faire des commentaires à la lumière de leur expérience, pour être présents, eux aussi, dans le financement agricole au Québec.

J'aurais quelques commentaires à faire sur des interrogations qui ont été soulevées par M. Langlois. Vous demandez que soit précisée et clarifiée, dans le contexte du concept de prêt global, l'expression "besoins prévisibles". Pour nous, c'est important, toujours dans une perspective de simplifier les procédures, de diminuer au maximum les interventions qui devront être faites par les emprunteurs. Cet aspect du projet de loi ou cet aspect de la démarche du financement-emprunt est important.

Pour nous, les besoins prévisibles, essentiellement, c'est s'assurer que nous prendrons en compte les besoins financiers qui seront requis dans le cadre d'une activité normale, en anticipant avec le plus de précisions - je conviens que ce ne sera pas toujours nécessairement exact, que ce ne sera pas toujours nécessairement facile - les besoins financiers que l'entreprise aura dans les cinq prochaines années.

L'approche globale, c'est un peu comme une carte de crédit, avec un crédit préautorisé. Lorsqu'une personne a un crédit préautorisé de 5000 $ sur sa carte de crédit, elle n'est pas obligée de toujours le dépenser, comme elle n'est pas obligée de toujours être à 5000 $. Cependant, à partir de l'étude du dossier financier du titulaire d'une telle carte, la banque ou la caisse populaire établit un montant qui lui est admissible. C'est ce à quoi on se réfère quand, dans le projet de loi et autour de cette table, on parle d'une approche globale, à savoir que l'entreprise contracte un emprunt chez nous de X centaines de milliers de dollars. Nous sommes conscients que, d'ici quelques années, ils auront besoin d'ajouter du quota, ils auront besoin d'améliorer le cheptel, ils auront besoin d'agrandir la ferme, de modifier tel équipement, etc. On dit à l'emprunteur: Monsieur, madame, ne vous inquiétez pas, tout a été pris en compte, on vous a mis un crédit global de X centaines de milliers de dollars et lorsque viendra le temps de réaliser ce projet, vous n'aurez pas à recommencer toutes les procédures de A à Z, vous n'aurez qu'à vous présenter à votre représentant régional.

Vous évoquez évidemment le remplacement de la Loi sur le prêt agricole. La société que vous représentez désire continuer à bénéficier de ces privilèges, c'est tout à fait explicable. Il faut souligner que vous allez continuer à bénéficier de ces privilèges pour les prêts consentis actuellement, qui auront été consentis avant l'entrée en vigueur de ce projet de loi qui, normalement, devrait être adopté, j'espère bien, d'ici le 31 décembre et entrer en vigueur au début de l'année 1988. (16 h 30)

On se rappellera que les dispositions de cette loi avaient été adoptées il y a un certain nombre d'années, lorsqu'il était difficile pour le Québec, pour l'office, d'aller se chercher des sources de financement. La volonté du gouvernement à l'époque - je recule dans le temps - était bien claire, c'était créer un incitatif pour que les producteurs agricoles puissent se diriger davantage vers la Société du crédit agricole. Par contre, il faut convenir qu'aujourd'hui, les difficultés d'approvisionnement de fonds n'existent plus, notamment depuis la participation plus marquée des institutions financières dans le cadre des prêts tandem en 1978.

La grande problématique que j'y vois -vous pourrez me corriger, M. Langlois, avec vos collaborateurs, les gens qui vous accompagnent - c'est qu'on ne veut rien enlever - je vais être très clair avec vous -comme ministre du gouvernement du Québec, je ne veux pas du tout enlever quoi que ce soit au mérite du travail effectué par la Société du crédit agricole du Canada et au mérite des dispositions législatives ou réglementaires qui vous régissent. Cependant, on doit constater, d'une part, que les avantages consentis en vertu de nos lois et règlements au Québec sont plus grands, beaucoup plus précis, plus palpables que ceux consentis par le gouvernement du Canada. D'ailleurs, vous avez fait référence à la conférence des ministres de l'Agriculture du Canada et aux discussions que nous avons eues avec le ministre fédéral, M. Wise. Je crois qu'il est unanimement reconnu, par l'ensemble des intervenants, que la loi du Québec est particulière, performante, etc.

Le problème, c'est que le prêt effectué

chez vous à un agriculteur l'est à certaines conditions qui ne sont pas nécessairement les mêmes que les conditions sur lesquelles on s'appuie pour qu'un prêt soit octroyé par l'Office du crédit agricole du Québec. C'est le point fondamental de distinction qui commande une prise de position peut-être discutable pour vous, qui n'est peut-être pas la plus souhaitée pour vous. Le gouvernement canadien, lui, peut avoir l'orientation A, B, C, alors que le gouvernement du Québec n'est pas nécessairement obligé d'avoir la même orientation.

Le plus bel exemple, on l'a vu ce matin, par le témoignage de M. Pellerin. M. Pellerin est président de la Fédération des producteurs de porcs du Québec, qui est quand même une production animale très importante dans l'économie du Québec. Il nous a indiqué pourquoi on a plusieurs producteurs de porcs financés chez vous. Nous, au Québec, à un moment donné, on a imposé un moratoire sur les prêts consentis par l'Office du crédit agricole en raison, entre autres, de toute la question environnementale, on s'en rappellera, en raison de la faiblesse des prix, en raison de pertes très appréciables qui avaient été subies par de nombreux producteurs. On a imposé un moratoire à partir de critères de perception et de décision donnés de la part du gouvernement du Québec, alors que, chez vous, compte tenu que les prêts ne sont pas soumis aux mêmes conditions, compte tenu que, et je ne vous en fais pas grief, le gouvernement du Canada a le droit tout à fait légitime - parce qu'on a une juridiction partagée en agriculture entre les provinces et le gouvernement fédéral - de privilégier ces créneaux de développement, ces orientations. Je ne lui enlève pas ce droit-là, mais nous aussi, cependant.

Dans ce cas, la Société du crédit agricole du Canada a poursuivi sa démarche en octroyant des prêts. Je comprends qu'il serait - je pense que c'est clair comme deux et deux font quatre - toujours possible - tout est possible dans ce bas monde, par surcroît, dans un Parlement - d'intégrer davantage nos interventions, nos actions, mais il faut toujours avoir à l'esprit que vos critères, vos conditions, vos orientations ne sont pas nécessairement les mêmes que les nôtres, qui se traduisent, dans le quotidien, par les actions de l'Office du crédit agricole. C'est cela, mon problème. J'écoute vos commentaires, M. Langlois...

M. Langlois: C'est bien.

M. Pagé: ...et aussi ceux de vos adjoints, si besoin est.

M. Langlois: Au sujet des besoins prévisibles, ce qui nous préoccupe, c'est qu'aujourd'hui, les fermes évidemment deviennent de plus en plus des PME, de par leur importance. Même si elles demeurent toujours à l'intérieur de la définition d'une ferme familiale, leur volume d'activité les classe déjà comme des PME. Ce qu'on veut leur conserver, c'est le pouvoir de marchander les garanties, les taux d'intérêt et toutes les conditions de financement pour chaque emprunt, à l'avenir. Ce n'est pas dans le but de combattre la planification financière, loin de là, c'est pour permettre à un dirigeant de PME, à tout moment, de pouvoir négocier un emprunt, avec des conditions et des garanties particulières, avec d'autres créanciers que le créancier original.

C'est un encadrement qu'on ne voudrait pas trop rigide et qui pourrait lui permettre, selon ses besoins, de pouvoir marchander, sur le marché financier, avec des institutions différentes de celles où il a déjà un emprunt, de façon à transiger probablement comme la plupart des PME ou des institutions commerciales ou industrielles, de façon à pouvoir travailler en équipe avec deux créanciers ou deux pourvoyeurs de fonds au lieu d'un seul. On n'est pas opposés, seulement, on est inquiets de connaître l'encadrement exact qui découlera du besoin prévisible, de façon à garder un outil qui permettra aux dirigeants de PME, que sont nos producteurs agricoles, de pouvoir négocier des emprunts avec les meilleures conditions. Ainsi, dans deux ans, trois ou quatre ans, ils pourront peut-être négocier plus facilement avec un autre créancier qu'avec le créancier qu'ils ont présentement.

Sur le deuxième point concernant les objectifs pour les 15 000 $, je vais demander à Eugène Laflamme de faire des commentaires.

M. Laflamme (Eugène): M. le ministre, vous avez mentionné qu'il y avait des choses qui vous embarassaient, c'est-à-dire les différences de philosophie entre l'application des mesures du gouvernement fédéral et celles de la province et que ce n'était pas toujours facile de fonctionner avec cela. D'autre part, je pense qu'il faut bien souligner que l'entente qui existe entre la province et le fédéral concernant les 15 000 $, depuis 1962, a permis à plusieurs agriculteurs, et des agriculteurs autonomes, de bénéficier de cette subvention d'intérêt, lorsqu'ils avaient des chartes fédérales et qu'ils n'étaient pas admissibles aux prêts de la province, et à d'autres pour lesquels nous prêtions un deuxième ou un troisième rang hypothécaire, alors que c'était le père ou d'autres créanciers qui étaient au premier rang pour des sommes, parfois, très minimes. Je pense que ces agriculteurs étaient de vrais agriculteurs qui n'étaient pas mis de côté par l'esprit de la loi, mais qui n'étaient pas admissibles dans les lois provinciales.

Il y a peut-être un autre élément qu'on

voudrait souligner également dans cette démarche, c'est que si on a des philosophies parfois différentes, il serait toujours possible d'en faire l'objet d'une entente ou de discussions. Il y a aussi à relever le fait que, avec le projet de loi, environ 1000 prêteurs autonomes peut-être s'inscriront, en plus des institutions financières, comme créanciers à l'avenir. Peut-être y en aura-t-il qui auront des particularités comme prêteurs aussi. Un peu comme nous pouvons en avoir. On s'inscrirait facilement dans ces 1000 également.

M. Pagé: Le mille unième. Ha! Ha! M. Laflamme: Ha! Ha! Ou le premier.

M. Langlois: II y a peut-être un autre commentaire que je voudrais ajouter, c'est que - et l'exemple que vous avez pris des producteurs de porcs est caractéristique -concernant chacun de nos prêts, que ce soit présentement ou après l'adoption, en supposant que nos clients sont admissibles au remboursement d'intérêt, par l'article 6, c'est toujours l'office qui décide de la subvention. Dans le cas des producteurs de porcs, ils étaient admissibles à des prêts chez nous, mais n'étaient pas admissibles au rabattement d'intérêt parce qu'une terminologie existe dans la loi actuelle qui dit que, pour qu'un emprunteur de la société profite du rabattement d'intérêt, il doit bénéficier d'un prêt semblable à un prêt de l'office. Comme le producteur de porcs n'était pas admissible à l'office, il était admissible à un prêt chez nous, mais n'était pas admissible au rabattement d'intérêt. Théoriquement, quand vous dites qu'on n'a pas arrêté de prêter, je peux vous dire qu'on n'a peut-être pas arrêté, mais on a modéré drôlement nos prêts et c'est devenu proche de pas grand-chose, à un moment donné, parce qu'on était beaucoup plus prudents à cause de la conjoncture économique. On n'a pas fermé la porte totalement, mais on a diminué très substantiellement.

Présentement et à l'avenir, on ne veut pas enlever à l'office ou au gouvernement du Québec le pouvoir de décider s'il accorde la subvention d'intérêt ou non. Si un agriculteur qui a une charte fédérale fait une demande d'emprunt chez nous, on l'informe, dès ce moment-là, qu'il n'est pas admissible à l'office. S'il est en zone blanche, c'est la même chose. Ce sont des critères que l'on transmet à l'office, lequel informe l'agriculteur à savoir s'il est admissible au rabats d'intérêt ou non. Notre fonction devient beaucoup plus complémentaire, à ce moment-là, que d'épouser exactement le même champ d'action.

Le Président (M. Richard): D'autres commentaires?

M. Pagé: Oui, 30 secondes seulement, M. le Président. J'aurais eu d'autres commentaires, mais mon temps est épuisé. Vous notez cependant qu'avec le projet de loi et la réglementation, les entreprises du Québec à charte fédérale seront maintenant admises au financement agricole du Québec. Je pense que c'était déjà un élément souhaité par les agriculteurs et aussi par votre société.

Une brève question. Vous dites que vous prêtez régulièrement en second rang. Est-ce que votre taux d'intérêt est différent?

M. Langlois: Non. Le taux d'intérêt n'est pas... Plus on recule, parce qu'on fait des prêts aussi en troisième, quatrième, voire en cinquième hypothèque, quand il y a de l'avoir net sur les garanties, le seul résultat cumulatif que cela peut avoir, c'est la décision de dire non, parce que le risque devient trop élevé.

M. Pagé: Je présume.

M. Langlois: Mais le taux est le même.

M. Pagé: Le même taux. Il est quand même plus élevé que le nôtre.

M. Langlois: C'est-à-dire qu'il se situe dans un contexte différent. Il n'est pas subventionné, alors que notre taux apparaît plus élevé comparativement au taux flottant, au "prime rate" flottant plus une demie, mais il est compatible avec le marché pour un taux de cinq ans. Notre taux actuel de cinq ans est à 12 %, alors que le marché reflète de 12 % à 12,5 % pour les taux de cinq ans.

M. Pagé: Nous sommes à 10,5 %.

M. Langlois: Pas pour cinq ans. Les hypothèques de cinq ans sont de 12 % à 12,5 % présentement. Ce n'est pas la majorité de notre portefeuille. La moyenne de notre portefeuille est actuellement autour de 10 %, parce qu'on a beaucoup de prêts qui ont été consentis, antérieurement, à des taux avantageux.

M. Pagé: C'est cela. On a chacun nos attraits. Merci.

Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de l'Opposition, la parole est à vous.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Bonjour à M. Langlois et à ses collègues. Je serais porté à faire une petite blague en disant que vous considérez le projet de loi comme une refonte, mais que, si on adoptait l'ensemble de vos recommandations, cela deviendrait une réforme.

Dans l'ensemble de tous les prêts

consentis par la société, est-ce que vous pouvez me dire quel est le retour sur l'investissement placé par les agriculteurs, eu égard à la dévaluation qu'on peut faire à la fois des actifs et de l'argent comme tels? Pouvez-vous me dire ce qu'il en est, dans l'ensemble, de vos prêts?

M. Langlois: Voulez-vous répéter votre question, s'il vous plaît? (16 h 45)

M. Jolivet: D'accord. Dans l'ensemble, toute personne qui investit dans l'agriculture emprunte et doit considérer qu'un jour, elle devra faire des profits, je l'espère, pour pouvoir payer l'ensemble de vos prêts, sinon elle fera faillite. Je vous pose la question suivante: Le retour sur l'investissement qui est placé par les gens, eu égard à l'ensemble des prêts qui sont consentis, une fois qu'on aura dévalué l'actif et aussi l'argent en cours de route, quel sera-t-il?

M. Langlois: On n'a pas fait... Je consulterai Michel.

M. Rousseau (Michel): Je n'ai pas une réponse précise à apporter. Je ne pense pas que le taux de rendement que vous mentionnez soit tellement différent du taux qui a été mentionné ce matin par les représentants de l'UPA qui parlaient d'environ 3 %, à plus ou moins 0,5 %. On n'a pas de calculs précis à vous fournir là-dessus.

M. Jolivet: Donc, on ne pense pas que ce serait quelque chose de négatif.

M. Rousseau: Un taux de rendement négatif?

M. Jolivet: Oui.

M. Rousseau: En tenant compte de l'inflation des dernières années, je ne crois pas que le rendement soit négatif.

M. Jolivet: D'accord. J'ai une autre question concernant le comité de réexamen proposé par la loi. Vous possédez, à la société, un comité de réexamen. Est-ce que vous pouvez m'expliquer comment il fonctionne et quelles sont les capacités des gens qui en font partie, au point de vue des décisions? Est-ce qu'il est consultatif ou décisionnel? J'aimerais connaître la façon dont il fonctionne.

M. Langlois: M. Laflamme.

M. Laflamme: La commission d'appel existe chez nous depuis 1964. Elle est constituée, au Québec, de douze agriculteurs, qui sont membres de la commission d'appel. Dans chaque cas, lorsqu'il y a une demande, un comité est formé de trois de ces douze agriculteurs, le président et deux autres membres. Ceux-ci reçoivent bien sûr une copie du dossier du demandeur. Ils vont visiter la propriété et tiennent une séance avec le requérant qui, lui, peut être accompagné d'une personne de son choix pour l'aider à défendre le dossier. La commission d'appel, comme on l'appelle chez nous, rend sa décision séance tenante. Elle informe l'agriculteur si elle va recommander le maintien de la décision ou recommander un prêt ou une solution de rechange différente. Il ne s'agit pas d'un pouvoir décisionnel, mais d'un pouvoir de recommandation. Effectivement, c'est un pouvoir de recommandation que détient la commission d'appel.

M. Jolivet: D'accord. Dans le projet de loi, on dit que les articles 117 à 122 instituent un comité de réexamen des décisions de l'office, à la demande écrite du demandeur ou de tout intéressé. Ce comité est composé d'au plus six membres nommés par le gouvernement et devant posséder une compétence en agriculture ou en financement agricole. On dit: "Après examen, le comité fait des recommandations." C'est ce qui est proposé par la loi actuelle.

Dans votre texte, à plusieurs endroits, vous dites: "réexaminé par un groupe impartial composé d'agriculteurs et d'agricultrices compétents". Rien ne garantit, dans la loi, que ce seront tous des agriculteurs. De près ou de loin, soit dans le financement agricole ou ailleurs, ils ont peut-être cette capacité. Mais est-ce que vous proposeriez, à ce moment-là, que les gens viennent seulement du secteur agricole?

M. Laflamme: Chez nous, ce sont tous des agriculteurs. Comme je vous l'ai dit, cela fait environ 20 ans que la commission d'appel fonctionne. Ce sont tous des agriculteurs authentiques et à temps plein autant que possible ou presque, pour ce qui est de leur exploitation. Comment ces membres sont-ils choisis? Ils sont référés par l'UPA et la "Quebec Farmers' Association" qui nous recommandent deux, trois ou quatre candidats pour un poste donné et sur lesquels nous faisons une vérification. Nous allons chercher, bien sûr, les gens les plus compétents. Sur les douze agriculteurs que nous avons, nous essayons d'avoir une représentation couvrant les différentes productions. Nous avons d'excellents producteurs de lait, de porcs, de grandes cultures et de culture maraîchère. Présentement, la commission d'appel compte également deux femmes sur les douze membres. C'est de cette façon que les membres sont choisis. Je peux confirmer qu'à ce jour la compétence de ces gens est vraiment très élevée.

M. Jolivet: Je vous remercie. Cela nous permettra de nous faire... Oui, avez-vous autre chose à ajouter?

M. Langlois: Oui. J'aurais peut-être un commentaire additionnel. Si la commission d'appel est disposée à recommander un prêt alors qu'on l'a refusé et si je suis d'avis qu'on doit faire le prêt en tenant compte des arguments, on peut approuver le prêt. Cela renforce le pouvoir de la commission d'appel. Si je diffère d'opinion avec les gens de la commission, il faut que je réfère le dossier au président de la société, au siège social. Je ne peux pas les contredire sans référer le dossier, c'est-à-dire que je dois référer le dossier à un palier d'autorité plus élevé.

M. Jolivet: Donc, c'est un pouvoir moral qui n'est pas égal à une décision, mais qui est quand même plus important qu'une simple recommandation consultative.

M. Langlois: Oui.

M. Laflamme: Dans les faits relevés depuis environ une douzaine d'années, les recommandations de la commission d'appel ont été suivies dans environ 80 % des cas. Lorsque la recommandation d'accorder un prêt est faite, dans 80 % des cas, c'est soit le bureau régional, soit le siège social qui endosse la recommandation de la commission d'appel.

M. Jolivet: On peut faire un commentaire, pour ceux qui prennent les notes, qui permettra au ministre de faire son point de vue. Effectivement, c'est une amélioration d'avoir, dans la loi, un comité de réexamen, sauf qu'il faudrait lui donner des pouvoirs quand même assez puissants pour arriver au pourcentage que vous mentionnez, 80 % ou 90 % des cas, ou ce sera vraiment un nombre minime de cas qui n'auront pas été acceptés.

Vous vous dites d'accord avec la déclaration du ministre, à savoir de nommer à l'office des membres provenant du secteur agricole. Dans la loi, rien ne nous indique, à l'article 99, que, nommément, ce devrait être des gens de ce secteur. En fait, on demande que ce soit inclus dans la loi. Quelle est la forme de la société comme telle et de son conseil d'administration? De combien de membres est-elle composée et de quels secteurs proviennent-ils?

M. Langlois: On a un bureau de direction où siège un certain nombre d'agriculteurs. De mémoire, je crois que c'est deux ou trois; cependant, je pourrais peut-être demander... Je l'ai ici, tiens!

M. Jolivet: Pendant que vous cherchez, est-ce qu'on peut vous demander si les deux ou trois représentants du monde agricole sont, comme dans le cas de la commission d'appel, recommandés par les associations?

M. Langlois: Non. Les agriculteurs membres du bureau de direction, pour autant que je sache, ne sont pas recommandés par des organismes; ce sont des nominations faites par le ministre de l'Agriculture.

M. Jolivet: J'aurais souhaité que vous me répondiez autre chose cependant.

M. Langlois: Ha! Ha! Ha! Il y a trois agriculteurs sur sept membre du bureau de direction. On a aussi un comité consultatif national chargé de conseiller le ministre sur des améliorations à apporter; il est composé de dix membres, tous des agriculteurs.

M. Jolivet: Ils sont nommés par le ministre?

M. Langlois: Oui, par le ministre.

M. Jolivet: Dans le cas de la commission d'appel, ils sont nommément recommandés, pas nécessairement tous acceptés, mais ces noms sont recommandés par les associations.

M. Langlois: C'est cela.

M. Jolivet: Dans les autres cas, ce sont des...

M. Langlois: Le choix est limité à la liste proposée par les deux institutions, l'UPA et la "Quebec Farmers' Association".

M. Jolivet: C'est limité au nombre de personnes demandées.

M. Langlois: On choisit à même cette liste-là. On n'en sort pas.

M. Jolivet: En tout cas, j'espère que le ministre prendra acte de cela pour le comité de réexamen.

Dans votre mémoire, vous semblez craindre l'effet trop imprécis du concept de besoins prévisibles prévu à l'article 18 du projet de loi comme outil d'évaluation des besoins financiers de l'agriculteur ou de l'agricultrice qui demande un prêt. Quel est l'effet négatif que vous envisagez de ce concept de besoins prévisibles? Pourquoi dites-vous que ce n'est pas suffisant et que c'est imprécis? Vous envisagez donc des effets négatifs. Craignez-vous, à ce moment-là, la possibilité de décisions arbitraires? C'est dans ce sens-là?

M. Langlois: Non. Ce n'est pas l'arbitraire que je crains. C'est l'un des

arguments que j'ai mentionnés tantôt, soit de laisser au dirigeant de la PME, qui est un agriculteur, le choix de l'institution financière. Il peut transiger aujourd'hui avec une institution et il peut développer des relations avec une autre institution et, à un moment donné, il peut marchander pour faire un deuxième emprunt, dans deux ans ou deux ans après son premier emprunt, et vouloir négocier. Alors, c'est ce choix qu'on veut lui laisser.

Plusieurs agriculteurs m'ont donné des témoignages; par exemple, on a parlé tantôt de taux de cinq ans, de taux flottants. Beaucoup d'agriculteurs me disent: Quand on a un passif qui commence à prendre du ventre, qui commence à être assez volumineux - 300 000 $ ou 400 000 $ de passif - on aime cela en avoir une partie à taux flottant et une partie à taux fixe pour cinq ou dix ans. Si les taux baissent, pour la moitié qui est à taux flottant, on en profite et si les taux montent, on est un peu protégés. Tout ne monte pas. Il y a uniquement la portion à taux flattant qui monte et la partie qui est à cinq ans ne bouge pas. Alors, c'est une protection que les dirigeants d'entreprises agricoles importantes désirent avoir. Ils peuvent obtenir cela à force de marchander avec leurs créanciers. C'est pour cela qu'on voudrait, dans un premier temps, qu'ils puissent conserver ce pouvoir de marchandage avec d'autres créanciers.

Deuxièmement, c'est devant la complexité. On a simplement à reculer en 1980, on n'aurait pas imaginé la flambée des taux d'intérêt qu'on a connue en 1981 et en 1982. Si on recule de deux années ou de trois années, on n'aurait pas présumé la chute des prix des céréales qu'on connaît présentement. Au moment où le maïs se vendait 200 $ la tonne il y a quelques années, on n'aurait pas pensé qu'il se serait vendu moins de 100 $ la tonne au moment de la récolte. C'est devant cette difficulté de prévoir avec précision. Je ne vous dis pas que c'est mauvais en soi, mais il faudrait être prudent dans la définition ou dans l'encadrement à donner à cet aspect.

M. Jolivet: Je crois comprendre que ce que vous désirez pour la personne qui fait une demande de prêt, c'est qu'elle ne mette pas tous ses oeufs dans le même panier, qu'elle ait la capacité de pouvoir élargir son éventail.

M. Langlois: C'est cela.

M. Jolivet: Une dernière question, quant à moi, puisqu'on doit terminer pour 17 heures* Dans votre mémoire aux pages 7 et 8, vous parlez de la disparition d'un certain nombre de droits acquis pour la société prévus dans la Loi sur le prêt agricole et qui n'ont pas été repris par le projet de loi, et cela vous inquiète. Vous dites que, si on fait une refonte, elle devrait prévoir l'ensemble de ce qui existait, si on les fonde dans un seul et même projet de loi. En conséquence, vous semblez un peu reprocher au ministre de l'avoir fait en disant qu'il écarte la Société du crédit agricole de certains droits qu'elle avait comme l'exemption pour tout agriculteur du tarif des droits d'enregistrement et des honoraires pour les documents produits et des services de registrateur et l'exemption pour la Société du crédit agricole de frais de publication et d'avis à la Gazette officielle pour l'annonce de la vente d'un immeuble garantissant un prêt de la Société du crédit agricole.

Ce sont des exemples que je donne. Vous avez déjà expliqué cela mais j'aimerais que vous précisiez la crainte que vous avez eu égard au fait que ce n'est pas une réforme qu'on fait mais plutôt une refonte.

M. Langlois: Oui, dans un premier temps, c'est peut-être le résultat d'un oubli aussi. On ne veut pas accuser le ministre d'avoir volontairement enlevé cela. C'est peut-être le fruit d'un oubli. Dans le premier volet, à la page 7, élément b, on ne fait pas le plaidoyer pour la Société du crédit agricole. C'est pour les agriculteurs. Ce sont tous les avantages qu'ils ont présentement lorsqu'ils obtiennent un emprunt. Ils sont exemptés soit de frais provenant d'eux-mêmes ou des frais qui seront exigés par leur notaire lors de la réalisation de l'emprunt. Alors, on ne fait pas cette demande au nom de la Société du crédit agricole mais bien au nom du client qui, actuellement, profite de ces avantages. À la page 8, élément c - c'est bien sûr qu'à ce moment c'est à la demande de la Société du crédit agricole et c'est au profit de la Société du crédit agricole - ce qu'on demande, c'est d'être traité comme les autres institutions financières qui font du prêt agricole au Québec.

M. Jolivet: Quant à cela, le ministre aura à répondre un jour en vertu de l'article 6 du projet de loi. Je vous remercie.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le représentant de l'Opposition. Merci beaucoup messieurs de vous être déplacés et de nous avoir expliqué votre mémoire. Grand merci!

M. Langlois: Merci beaucoup. Cela nous a fait grandement plaisir de collaborer à ce travail. (17 heures)

Le Président (M. Richard): Merci.

Fédération de la relève agricole du Québec

Maintenant, je demanderais aux

représentants du groupe de la Fédération de la relève agricole du Québec de prendre place, s'il vous plaît. Si vous me le permettez, je ferai un constat en ce qui concerne la présentation de votre mémoire révisé; je constate qu'il est révisé avec 48 pages. Un groupe d'intervenants a présenté un mémoire de 34 pages tout à l'heure et cela a pris 55 minutes environ. J'espère - je formule le voeu - que vous n'avez pas l'intention de nous lire cela. Si vous nous lisez cela, je n'ai aucune objection, sauf que vous êtes assurés qu'aucune question ne vous sera posée. Le temps qui vous est alloué est d'une heure au maximum; cela comprend votre exposé principal et le temps que les deux groupes gouvernementaux ici pourront prendre pour poser des questions par la suite. On alloue 20 minutes au maximum à votre intervention. Je ne sais pas quel sera votre truc, mais je vous recommanderais fortement de faire cela à l'intérieur de 20 minutes, si c'était possible.

M. Leduc (Gilles): Oui, M. le Président, vu qu'on est jeune, on va se trouver quelques trucs.

Le Président (M. Richard): Ah! J'en étais certain. Dans un premier temps, voulez-vous, s'il vous plaît, vous identifier et présenter vos partenaires pour la transcription?

M. Leduc: Cela va. Je suis le président de la Fédération de la relève agricole du Québec, mon nom est Gilles Leduc, producteur agricole. M. Alain Thibodeau, ici présent, est producteur agricole et premier vice-président et le secrétaire de la fédération est M. André Drapeau.

Le Président (M. Richard): Merci. Vous avez la parole.

M. Leduc: M. le Président, au nom de ma fédération, je tiens à vous remercier de la chance qui nous est donnée aujourd'hui. Compte tenu de l'importance du financement pour la relève agricole, notre participation aujourd'hui a cette commission est très importante. Sur ce, je vais laisser notre secrétaire vous présenter, en 20 minutes, notre mémoire de plusieurs pages.

Le Président (M. Richard): À vous, M. Drapeau.

M. Drapeau (André): Merci. Notre mémoire est composé de trois parties. Une première partie fait un portrait de la situation de l'agriculture; une seconde partie comporte nos différents commentaires en rapport avec la loi et ses règlements et une troisième partie traite plus de notre vision de ce que devrait contenir une véritable politique d'établissement en agriculture au Québec.

On va vous faire une synthèse de la première partie et on va reprendre, dans la deuxième partie, seulement les éléments qui traitent de la relève agricole. Nos commentaires y sont contenus. On présume évidemment que vous en avez pris connaissance. On va donc tenter de faire cela en 20 minutes de cette façon-là.

Donc, voici la situation en synthèse. Le Québec a perdu le tiers de ses fermes au cours des quinze dernières années. On en comptait environ 61 000 en 1972; aujourd'hui, il n'en reste guère plus de 41 000. Pour la même période, il y a eu au Québec 1562 établissements. En 1986, près de 30 % des agriculteurs québécois avaient 55 ans et plus.

De 1977 è 1985, la valeur des actifs au moment de l'établissement s'est accrue de 162 %; celle du passif, de 100 %. Il y a eu une baisse du nombre d'établissements en agriculture pendant quatre des cinq dernières années et il nous faut remonter à 1972-1973 pour atteindre le niveau d'établissement sur les fermes, un niveau inférieur a celui des deux dernières années.

De 1978 à 1985, les deux tiers des établissements se sont faits en production laitière. Si on regarde aujourd'hui la structure de la production laitière, 40 % de ces fermes ne sont pas transférables parce que trop petites ou trop grosses.

La grande majorité des jeunes qui se destinent à l'agriculture veulent acquérir une ferme familiale. La profession d'agriculteur est très certainement une des plus exigeantes. En 1984-1985, 45,7 % des jeunes agriculteurs avaient complété leur cours secondaire; en 1983-1984, 25,4 % des agriculteurs ayant obtenu un prêt d'établissement de l'Office du crédit agricole avaient une formation académique spécialisée en agriculture. Les inscriptions aux programmes gestion et exploitation des entreprises agricoles ont connu une baisse importante depuis 1985. L'écart entre la valeur marchande des fermes et la valeur de rentabilité est pratiquement du simple au double.

C'est un ensemble d'éléments qui font que la vision des jeunes quant à l'avenir de l'agriculture au Québec n'est pas négative, il y a encore un nombre important de jeunes qui veulent s'établir en agriculture, mais elle est pour le moins inquiétante.

Nous allons reprendre les cinq ou six éléments qui, à notre sens, traitent plus particulièrement de la relève à l'intérieur de la refonte.

Les subventions à l'établissement. Pour les jeunes qui s'établissent en agriculture, la loi reconduit avec un caractère permanent les deux types de subventions et le choix entre celles-ci. Une demande que nous avons

faite à plusieurs reprises est d'assouplir les critères d'utilisation des sommes d'argent accordées par la subvention de mise en valeur. Cependant, le règlement ne rencontre aucunement cette demande des jeunes, il continue de préciser l'ordre de priorité de l'utilisation de cette aide. Nous proposons que ce montant de 15 000 $ puisse être affecté à tout investissement qui aura pour effet d'accroître la productivité et la rentabilité de l'exploitation.

Une autre crainte demeure aussi pour la relève en regard avec les aides à l'établissement, celle de l'indexation de ces aides. Nous faudra-t-il tous les trois ans sortir les boucliers pour convaincre l'État de l'importance et de la pertinence d'indexer les montants de ces deux subventions à l'établissement? Nous souhaitons vivement que dans le contexte actuel, et particulièrement sur la base de la situation décrite en première partie, nos demandes relatives à l'indexation des subventions connaîtront des aboutissements rapides.

Un deuxième élément qu'apporte la loi: l'accréditation du vendeur comme prêteur autorisé. L'article 5, alinéa 2 du projet de loi reconnaît le vendeur comme pouvant agir en tant que prêteur pour l'application de la loi. C'est là un acquis majeur pour l'agriculture. Au moment des transferts, les parents doivent combler par un don l'écart entre la valeur marchande et la valeur de rentabilité. C'est déjà là un effort considérable fait par les parents et qui pose à l'occasion des problèmes, considérant le fait qu'un ou quelques-uns des enfants de la famille sont avantagés dans la transaction.

Lorsque, en plus de ce don, les parents avaient à investir sous forme de prêt des sommes d'argent supplémentaires, c'était demander un deuxième effort parfois très difficile. Ce qu'apporte de nouveau cette mesure, c'est que ce deuxième effort des parents sera garanti par l'Office du crédit agricole. Une telle mesure pourra très certainement contribuer à permettre à des jeunes qui ne sont pas fils ou filles d'agriculteurs de réussir à s'établir.

Le concept d'aspirant-agriculteur est un troisième élément apporté dans la refonte. Ce que la relève veut, c'est faire de l'agriculture à temps complet et en vivre convenablement. Ce que la relève demande depuis fort longtemps en rapport avec les aspirants-agriculteurs, c'est que le jeune puisse jouir d'une période de dix ans plutôt que de cinq ans pour compléter son établissement. C'est aussi que l'aspirant-agriculteur puisse avoir accès a des rabais d'intérêt qui soient beaucoup plus substantiels que ceux qui lui sont accordés actuellement.

La loi et sa réglementation accordent encore un délai de cinq ans avec, cependant, possibilité de prolongation pour passer du statut d'aspirant à celui d'agriculteur. Dans le contexte actuel, cette limite devrait être améliorée dans le sens de notre proposition.

Enfin, l'aspirant a droit au même "subventionnement" d'intérêt que le producteur. C'est un plus important. De plus, au moment où il devient producteur, il a aussi accès aux aides prévues en faveur de la relève. C'est aussi positif.

Entreprise à ressources limitées, le quatrième élément. L'annonce faite lors du dépôt du projet de loi avait mis en relief un nouveau concept qui nous est apparu des plus intéressants, soit celui des entreprises à ressources limitées. Cependant, l'application de ce concept qui est prescrit dans le règlement de la loi 46 le rend inutilisable et sans aucune valeur pour le monde agricole. L'article 7 du règlement précise que les baux et contrats d'échange de services ou contrats de droit d'usage seront exigés pour la durée du prêt ou encore pour la période de temps où il est démontré qu'il sera nécessaire de faire appel aux ressources de cette entreprise.

Nous croyons que les baux et contrats exigés devraient l'être pour une durée de cinq ans, ce qui rendrait applicable et utilisable cette nouvelle possibilité.

Des aides supplémentaires sont aussi apportées à la relève dans le projet de loi. À l'intérieur des modifications proposées au régime actuel, nous retrouvons une aide supplémentaire à la relève. Les jeunes qui s'établissent avec deux ans d'expérience ou encore une année d'expérience et deux ans de formation profesionnelle auront droit à la subvention d'intérêt de 2 % décroissant sur cinq ans à 1/2 % annuellement.

Bien sûr, toute aide additionnelle à la relève ne peut être dénigrée. Nos calculs chiffrent cette aide à quelque 6000 $ ou 8000 $ répartis sur cinq ans. Comme nous l'avons abordé dans le présent mémoire, le jeune qui s'établit en agriculture est difficilement concurrentiel avec ses confrères et consoeurs de sa production lors de ses premières années en production, cela particulièrement à cause d'un endettement plus élevé, donc de coûts de production plus élevés. Cette difficulté est en partie surmontée par une meilleure productivité. Plus encore, les calculs et coûts de production qui servent aux fédérations de producteurs dans les négociations de prix ou encore à la Régie des assurances agricoles dans la fixation des remboursements sont faits sur la base d'une ferme moyenne, ce qui est normal. Le jeune se trouve donc en nette situation de désavantage.

Tous les intervenants du monde agricole vous diront aussi que la plupart des jeunes ont des investissements importants à faire dans leurs premières années d'établissement pour optimiser la rentabilité de l'exploitation qu'ils viennent d'acquérir. L'aide que la relève agricole demande depuis bon nombre

d'années dans le but de pallier ces difficultés importantes est la suivante: que pour la partie subventionnable du prêt, c'est-à-dire les premiers 200 000 $, plutôt que le jeune obtienne un bonification de 50 % du taux d'intérêt supérieur à 4 %, il ait droit à un taux croissant partant de 3 % annuellement et augmentant de 1/2 % par année jusqu'au moment où le taux croissant rejoindra le taux subventionnable en vigueur. Cette aide représente quelque 18 000 $ sur neuf ans.

Le projet de loi et les règlements apportent aussi un incitatif à la formation. D'après deux études, l'une américaine faite par M. Z. Griliches et l'autre réalisée à l'échelle mondiale par MM. Y. Hayami et V. Rutton, la formation est de loin le moyen le plus efficace d'accroître la productivité agricole. En doublant le niveau de scolarité, on accroît la productivité de 40 %.

Tout au cours de 1986, nous avons mené une large consultation sur la formation auprès de nos membres. Cette consultation a conduit la relève à être le premier groupe québécois à reconnaître le collégial comme étant le niveau de formation souhaitable pour un jeune qui s'établit en agriculture. Cette reconnaissance nous a conduits à demander à l'État d'instituer un incitatif à la formation à la faveur de la relève agricole. Cet incitatif visait à accroître très substantiellement le nombre de jeunes qui se donnent une formation spécialisée de niveau collégial. Il visait aussi à moyen terme à faire évoluer la mentalité du monde agricole face à la formation. Notre demande d'incitatif était la suivante: que les jeunes qui s'établissent en agriculture avec un DEC agricole obtiennent une réduction de 1 % sur leur prêt à l'Office du crédit agricole et ce pour la durée du prêt.

La réponse de l'État à notre demande d'incitatif à la formation est venue de deux niveaux. Dans un premier temps, il est possible, moyennant le respect de certaines conditions, à un jeune qui s'établit avec un DEC agricole d'obtenir en vertu du nouveau programme "Promotion de la formation" du MAPAQ une subvention de 2000 $. Secondement, les modifications proposées au régime actuel de crédit agricole offrent la subvention d'intérêt suivante à celui ou à celle qui s'établit avec un DEC agricole, à savoir: 4 % décroissant sur cinq ans à 1 % annuellement. Le cumul des deux bonifications représente quelque 8000 $ à 10 000 $ d'incitatif alloués sur cinq ans à celui ou celle qui a un diplôme d'études collégiales agricoles.

Encore une fois, devant l'aspect critique et l'urgence de la situation, comment peut-on dénoncer toute nouvelle aide? Nous nous permettons cependant de douter fortement que la bonification offerte parviendra à changer les mentalités du monde agricole vis-à-vis de la formation et réussira à faire accroître de façon considérable le nombre de jeunes qui se donnent une formation agricole collégiale de base.

Ce que la relève agricole demande, c'est environ 35 000 $ sur 25 ans par opposition à 10 000 $ sur 5 ans qui est offert.

La partie de notre mémoire qui s'appelle "Des demandes réalistes que celles des jeunes", celle-là, on va vous la lire intégralement, parce que cela développe une argumentation qu'on pense importante en rapport avec nos demandes. (17 h 15)

Bien sûr que le choix du niveau de "subventionnement" de l'agriculture en est un de société. La dernière décennie a vu naître un mouvement de libéralisme économique dans le monde occidental, mouvement ayant à sa tête nul autre que le président des États-Unis, Ronald Reagan. Les tenants de ce mouvement favorisent la non-intervention de l'État dans l'ensemble des secteurs de l'activité économique, y inclus l'agriculture.

Tout autant que vous êtes, chers membres de cette commission parlementaire, vous connaissez aussi bien que nous la place qu'occupe l'agriculture et l'agro-alimentaire dans notre économie québécoise. Que l'on pense entre autres aux emplois directs et indirects, aux exportations, aux immobilisations, etc., l'agriculture occupe une place de premier plan.

Claude Roger, membre du groupe d'économie internationale de l'Institut national de recherche agronomique à Montpellier en France, concluait, dans une analyse du rôle des subventions dans l'agriculture pour les pays occidentaux, dans les termes suivants: "La solution d'un certain nombre de problèmes de nos économies développées passe par la solution des problèmes agricoles. Le complexe agro-alimentaire et agro-industriel est devenu la première branche d'activité pour l'emploi, la création de richesses, les perspectives de croissance, l'acquisition de devises. Il est fort curieux qu'aujourd'hui, comme hier, une grande puissance est une puissance agricole."

Ne pas investir les sommes d'argent nécessaires à l'établissement des jeunes en agriculture et à leur survie entraîne, dans une perspective à moyen terme, un exode du monde rural vers les centres urbains. De plus, le marché du travail actuel n'est en aucune façon capable d'absorber ces jeunes et moins jeunes qui, sans l'intervention accrue de l'État, se retrouveront à la recherche d'un emploi ailleurs que dans le monde agricole. Les subventions non versées en aide agricole le seront par d'autres mesures sociales telles que l'assurance-chômage, le bien-être social ou encore l'assurance-maladie qui est beaucoup plus élevée en monde urbain que pour le milieu

rural.

Si les tenants du libéralisme économique devaient avoir gain de cause en ce qui a trait au monde agricole, au lieu d'être le contribuable qui aura, par l'intermédiaire de l'État, à soutenir l'agriculture, ce sera le consommateur au moment de l'achat de sa nourriture et le contribuable encore par de nouvelles mesures accrues pour soutenir cette population.

Plus encore, lorsque la relève voit dans les médias les interventions massives de l'État auprès de petites et grosses compagnies pour sauvegarder des emplois ou pour en créer, il nous paraît que l'agriculture, en considérant son apport économique et son apport social qui n'est que rarement pris en considération, n'est peut-être pas si favorisée que la croyance populaire voudrait le prétendre par rapport aux autres secteurs de l'économie.

Une récente analyse de l'OCDE consacrée aux échanges agricoles situe le niveau des aides du secteur agricole pour plusieurs pays. Elles sont calculées en pourcentage de la valeur de production. La palme revenait au Japon avec plus de 80 %. Venaient ensuite les pays de la Communauté économique européenne et l'Autriche avec 45 %, et loin derrière, le Canada avec 25 %. Ces chiffres illustrent clairement que le Canada soutient, bien sûr, son agriculture, mais aucunement de façon outrancière.

Prenons un exemple concret. Lorsque nous demandons de mettre en place un incitatif à la formation correspondant à quelque 35 000 $ sur 25 ans, soit un rabais d'intérêt de 1 % sur le prêt pour la durée de celui-ci, cela paraît beaucoup en chiffre absolu. Combien d'employés de l'État ou encore d'enseignants vont compléter un certificat universitaire uniquement pour obtenir une classification supérieure que cette formation nouvelle leur accorde. Les montants obtenus par cette reclassification ne le sont pas pour cinq ans mais pour toute la durée de leur emploi.

La situation que nous avons décrite en première partie du mémoire nous paraît sombre, et même très sombre, pour l'avenir de l'agriculture. Une intervention accrue de la part de l'État nous semble plus que nécessaire. Il faut aller au-delà des aides qui répondent à des besoins à court terme. Il faut une véritable politique d'établissement en agriculture.

La troisième partie de notre mémoire est précisément consacrée à notre vision de ce que devrait contenir une véritable politique d'aide à l'établissement en agriculture. On n'en fera pas la synthèse ici bien sûr, compte tenu des délais. On va seulement résumer rapidement.

Un premier élément essentiel à la mise en place d'une politique d'aide à l'établissement nous apparaît comme étant la reconnaissance, par l'ensemble des intervenants, de l'importance d'avoir une relève agricole. Cette reconnaissance doit se faire de façon concrète, au-delà d'une mode. Combien de colloques, de congrès, de réunions se sont tenus au cours des cinq dernières années ayant comme thème la relève agricole? À quoi nous ont conduit toutes ces réflexions et ces discussions? À la situation actuelle? Il est plus que temps de passer à l'action. Encore une fois, la situation décrite en première partie de notre mémoire nous paraît critique pour la relève agricole et pour l'agriculture en entier. L'heure n'est plus aux discussions mais à une implication de tous les intervenants.

Dans le reste de cette partie, on décrit des éléments qui interpellent l'ensemble des intervenants de l'agro-alimentaire. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci, M. Drapeau.

M. le ministre, est-ce que vous avez des questions pour nos invités?

M. Pagé: Oui, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais remercier les représentants de la Fédération de la relève agricole du Québec pour leur participation à nos travaux. Évidemment, vous êtes directement concernés; la relève en agriculture et l'avenir de l'agriculture passent évidemment par certains choix de société que nous avons à faire.

Au début de votre mémoire, vous référez à la concentration des entreprises, à la taille des entreprises agricoles et aux besoins financiers inhérants à une entreprise d'aujourd'hui comparativement à une entreprise d'il y a quelques décennies. Pour nous, il est très clair que tous les efforts doivent être déployés pour que le développement de l'agriculture et l'agriculture au Québec passent par une entreprise qu'on qualifie de type familial mais qui est de dimension humaine et nous abondons pleinement dans le même sens. Il faut bien avoir à l'esprit aussi que nous avons à vivre une situation particulière en ce que nos entreprises agricoles, nos entreprises familiales, pour plusieurs, ont commencé à se développer avec des moyens très modestes, que ce soit des moyens financiers très modestes ou des technologies très modestes. Et aujourd'hui, on se retrouve à un point où on a de plus en plus d'entreprises qui se retrouvent à un moment où est venu le temps de se retirer, notamment en raison de l'âge. Cela est conjugué à une situation où on a des jeunes qui sont intéressés et je crois que je vais dans le même sens que vous pour en avoir rencontré plusieurs sur le terrain qui nous disent - fils d'agriculteurs ou, encore, étudiants en agriculture qui n'ont pas la chance, entre guillemets, d'avoir eu des

parents en agriculture - qu'ils sont intéressés à prendre la relève.

Nos moyens d'action, on veut les définir de la façon suivante: créer le plus d'incitatifs possible au niveau de la formation, toute situation étant toujours bonifiable, j'en conviens, inciter davantage nos jeunes à s'astreindre à une formation. Il ne faut pas se faire de cachette, dès mon arrivée à la tête du ministère, j'ai constaté qu'on avait certaines difficultés. J'ai fait des collèges, des cégeps et il ne faut pas se mettre la tête dans le sable, les inscriptions diminuent, etc.

La commande a été très claire chez nous, à mon équipe sous-ministérielle: Quel est le bobo, quel est le problème? Nous croyons - je l'espère, je le souhaite et on travaille ardemment là-dessus - qu'on pourra véritablement motiver nos jeunes à aller se chercher une formation, soit par l'adaptation des périodes d'enseignement comme on l'a fait au cégep de Saint-Jean où on a mené une expérience où les cours ne se donnent pas de la fin août jusqu'au début mai, soit par des programmes aussi ou des sommes qui sont versées à l'étudiant qui va chercher un cours, même si elles paraissent modestes à votre président, mon ami M. Leduc, tel qu'il me le disait au Château récemment, c'est quand même plus et beaucoup plus que ce qu'il y avait avant parce qu'avant il n'y avait pas de telles dispositions.

Dans le projet de loi, on prévoit plusieurs dispositions, que ce soient des taux d'intérêt qu'on veut plus avantageux pour le jeune agriculteur ou la jeune agricultrice. Nous proposons 5 ans et vous parlez de 25 ans dans votre mémoire. À défaut d'une programmation prévue, une bonification prévue sur 25 ans, vous parlez aussi d'une bonification selon le modèle qu'on propose mais sur 10 ans. Ce matin, l'Union des producteurs agricoles évoquait 9 ans. Là-dessus, je vous dirai que je prends note de vos représentations. On n'exclut pas, à compter de demain soir, quand la commission va se terminer, de faire des chiffres et des tableaux. On va voir ce qui pourrait être fait, en termes de bonification. Chose certaine, on va l'étudier bien comme il faut, comme on dit chez nous.

Par le projet de loi, on a aussi voulu tenter de résoudre certains problèmes éprouvés non seulement par les jeunes, mais aussi par les parents, par les vendeurs, dans le cadre de la garantie qui sera apportée par l'office à compter de l'adoption du projet de loi pour le solde de prix de vente conservé par le vendeur. Je veux vous donner, cet après-midi, la même assurance que celle que j'ai donnée ce matin aux représentants de l'Union des producteurs agricoles. Il n'est pas question, pour nous, de profiter de cette nouvelle garantie pour pelleter de l'office au vendeur un solde de prix de vente. Notre position est très claire: on veut favoriser davantage.

Souvent, le vendeur a le dilemme suivant: Je vends à mon voisin et j'ai juste le prix, ou je vends à un prix moins élevé à mon fils, à ma fille, à mon gendre, etc.

Quant au concept des ressources minimales, j'ai été très surpris, M. Drapeau, de vous entendre dire: Pour nous, c'est complètement inutile. Vous faites référence à l'obligation d'avoir un contrat d'une période prolongée entre l'entreprise qui encadre l'autre entreprise. Je vais voir jusqu'où il serait possible d'assouplir, mais il faut quand même avoir ceci à l'esprit: Par l'introduction de ce nouveau concept, l'Office du crédit agricole va faire des prêts substantiels qui, très probablement, compte tenu du montant, seront entièrement subventionnés, c'est-à-dire qu'ils seront en deçà de 200 000 $ parce qu'il faut regarder le dossier tel qu'il est. Pour ce type d'achat, il ne sera pas nécessaire, pour la ferme ou pour la terre achetée, qu'il y ait un bâtiment, des équipements, des tracteurs, un quota, etc. Il faut quand même s'assurer que, pour le prêt qu'on fera - parce que ce sont les taxes que vous payez, ce sont vos taxes - on aura la garantie minimale que le produit de cette terre sera bien acheminé à une ferme x, dans une perspective de complémentarité.

Nous croyons sincèrement que cela constitue un levier intéressant pour la relève agricole et aussi pour les agricultrices, tout comme le fait de reconnaître l'aspirant agriculteur à compter de la première année pour ses primes à l'établissement constitue là aussi, un levier additionnel. On n'a pas la prétention de croire et je n'ai pas la prétention de croire que nous sommes l'incarnation vivante de la perfection et que nous sommes infaillibles par surcroît. Je vous dis qu'on va regarder cela et qu'on va tenter de le bonifier. Mais dites-vous bien que, pour nous, la relève agricole, comme les droits des agricultrices, ce ne sont pas seulement des slogans. On a commencé à poser des gestes et on va continuer à poser de tels gestes.

Je vous remercie de votre mémoire très intéressant et très élaboré. On l'a lu, des petits points jaunes sont dessinés et je peux vous donner la garantie qu'on va approfondir plusieurs des sujets. Je vous remercie beaucoup.

Oui, oui, c'est écrit ici - je vois le député de Laviolette qui regarde - "un pas dans la bonne direction". J'espère que vous l'avez noté. Alors, messieurs, merci beaucoup. Je vais laisser aller mon collègue de Laviolette et je reviendrai très certainement avec quelques questions précises par la suite.

Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de l'Opposition, vous avez la parole.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. D'abord, je dois vous féliciter pour la teneur de votre document qui est très substantiel, bien présenté et avec beaucoup de documentation, ce qui nous permet de saisir ce que vous nous dites. J'aurais cependant quelques questions pour essayer de clarifier l'ensemble des interrogations que j'ai. (17 h 30)

Dans le document révisé que vous avez lu en diagonale tout à l'heure, il y a une partie qui m'a intéressé et vous l'avez sautée. Je vous pose la question. Vous dites effectivement que le projet de loi 46 est un pas dans la bonne direction et vous semblez juger que la bonification de l'aide apportée par le ministre aux jeunes s'établissant en agriculture, ou à ceux qui s'établissent en agriculture, demeure toutefois modeste et même, dans certaines circonstances, timide. Cependant, à la page 36 de votre document révisé, au point 2.3.6, vous dites qu'il y a un accroc majeur à la loi 49. J'aimerais vous entendre là-dessus, car, effectivement, j'ai dit, ce matin, d'une part, on donnait de l'argent additionnel et, d'autre part, on semblait revenir le chercher. C'est dans ce sens-là que j'aimerais vous entendre parler de l'amoindrissement de la bonification, si on peut l'appeler ainsi, due à la hausse des contributions des jeunes agriculteurs au Fonds d'assurance-prêts agricoles et forestiers en vertu du projet de loi 49.

M. Drapeau: Oui, comme c'est écrit à la page 36 du mémoire, au point 2.3.6, une aide supplémentaire de 6000 $ à 8000 $, plus un incitatif à la formation du même montant environ sont contenus dans le projet de loi 49. Si on se base - ce sont les seuls éléments qu'on a - sur le dépôt du projet de loi 49 et sur les annonces faites au moment du dépôt du projet de loi - on a eu, comme tout le monde, une copie du règlement du projet de loi 49, mais il y avait des parties manquantes et on n'a pas été en mesure de confirmer l'affirmation - les informations obtenues nous indiquent que les jeunes qui s'établissent auront une contribution additionnelle de 500 $ à 1000 $ à verser individuellement pour une période de cinq ans. Si cela devait effectivement être le cas, c'est, à notre avis, une soustraction à faire des aides additionnelles à apporter.

M. Jolivet: Je crois comprendre et je vois le ministre se "gourmer" un peu du fait que, par le projet de loi 46, il accorde des choses, mais il n'ose peut-être pas annoncer, dès maintenant, la partie qu'il va soustraire par le projet de loi 49. Mais, en tout cas, ce sont des questions qu'on se pose aussi. Comme vous l'avez mentionné dans votre document, je voulais vous l'entendre dire, car cela semble être donné d'une main pour en enlever de l'autre.

M. Drapeau: C'est cela.

M. Jolivet: Toujours à la page 31 de ce même document, vous parlez d'entreprises à ressources limitées. Vous dites que l'annonce faite par le ministre, lors du dépôt du projet de loi, avait mis en relief un nouveau concept qui nous est apparu intéressant, celui des entreprises à ressources limitées. Vous commentez ainsi: "Cependant, l'application du concept qui est prescrit dans le règlement de la loi 46, le rend inutilisable et sans aucune valeur pour le monde agricole." À mon avis, vous dites cela bien sec et que, selon votre proposition, les baux et contrats exigés devraient l'être pour une durée de cinq ans, ce qui rendrait cette nouvelle possibilité applicable et utilisable, mais que le règlement ne prévoit pas. J'aimerais vous entendre parler davantage sur cela.

M. Drapeau: Avant d'obtenir le règlement, notre perception de ce nouveau concept était des plus positives parce que c'est évident que, pour un certain nombre de jeunes et pour un certain nombre de conjointes, cet accès à l'agriculture peut être des plus intéressants. Cependant, avec l'exigence que pose le règlement d'avoir des baux ou des contrats pour la durée du prêt, à notre point de vue, très peu de fermes vont accepter de s'engager dans des baux ou des contrats de 20 ou 25 ans, ce qui rend ce concept, non pas inutile, comme l'a souligné M. Pagé, mais malheureusement inutilisable, à notre avis.

M. Jolivet: Est-ce que je pourrais me permettre une comparaison? J'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup de monde au Québec et la réponse qu'on nous a donnée était: En principe, on est d'accord avec telle et telle chose, mais, quand on arrive dans les modalités d'application, là on diffère d'opinions. L'exemple typique, c'est l'ensemble des programmes d'aide à l'agriculture qui avaient été diminués avec cependant tellement de volets qu'on retrouve tous les anciens programmes, mais avec des mesures restrictives pour y entrer et des montants d'argent moins disponibles qu'avant, de telle sorte qu'une fois qu'on applique l'ensemble des programmes, on s'aperçoit que les gens ne les utilisent pas. Le danger qu'on court dans ce contexte-là, c'est de ne pas les utiliser. On sait ce que n'importe quel gouvernement ferait dans des circonstances de restrictions budgétaires: faire disparaître le programme, même s'il est utile. C'est peut-être une crainte que vous avez et que je partage. Je ne sais pas si vous avez autre chose à ajouter.

M. Leduc: Oui, ce sont nos craintes dans le concept d'entreprises à ressources limitées, tandis que, dans l'exemple

d'aspirants agriculteurs, là, c'est cinq ans. Alors, on pense que, là aussi, on devrait avoir des contrats renouvelables à tous les cinq ans peut-être, mais il faut quand même se mettre dans... Signer des contrats, des baux de 25 ans en agriculture ce n'est pas facile.

M. Jolivet: Vous auriez préféré, plutôt que ces bonifications, que la partie subventionnable du prêt, c'est-à-dire pour la première tranche de 200 000 $, un taux croissant après la première partie de 3 % qui augmenterait de 1/2 pourcent par année jusqu'au moment où le taux croissant rejoindrait le taux subventionnable en vigueur, c'est-à-dire 50 % du taux d'intérêt supérieur à 4 %. Est-ce que vous pourriez détailler davantage - vous l'avez fait rapidement - les raisons qui vous permettent de favoriser une telle formule? Est-ce que vous avez fait une estimation de l'ensemble des coûts qui seraient engendrés par la proposition que vous faites?

M. Drapeau: Si j'ai bien compris le sens de votre question, vous dites que nous favorisons ce qu'on appelle le taux croissant plutôt que la subvention sur la première tranche de 200 000 $ du prêt.

M. Jolivet: C'est cela.

M. Drapeau: Ce n'est pas plutôt, c'est en plus.

M. Jolivet: Ah! c'est en plus. M. Drapeau: Oui.

M. Jolivet: Alors, expliquez-moi cela pour que je comprenne mieux.

M. Drapeau: Le projet de loi propose de hausser le maximum subventionnable d'un prêt agricole sur la partie à long terme de 150 000 $ à 200 000 $. Sur cela, on se dit d'accord. On dit cependant souhaiter que les 200 000 $ ne soient pas que sur le long terme, mais sur le long terme ou sur le court terme, et ce, à la lumière des données présentées dans le présent mémoire. Le projet de loi propose aussi une aide supplémentaire à tout jeune qui s'établit en agriculture avec deux ans d'expérience ou un an d'expérience et deux ans de formation. Une aide supplémentaire de 2 % décroissant sur cinq ans à 1/2 pourcent par année. Cela veut dire qu'il y a le taux subventionnable et il y a en plus la réduction de 2 %. Face à la situation qui, à notre point de vue, est des plus critiques plutôt que ces 2 %... On ne peut pas vous dire que ce n'est pas bon les 2 %; toutes les subventions sont bonnes dans le contexte actuel, mais on dit que l'idéal serait, à notre point de vue - plutôt que les 2 % - que le taux soit déterminé de la même façon et que l'agriculteur aura à payer A % plus la moitié de la différence, mais, cependant, on souhaite qu'il y ait une bonification pour le jeune; qu'il n'ait pas 4 % plus la moitié de la différence à payer, mais qu'il ait 3 % qui croît de 1/2 % par année jusqu'à ce qu'il atteigne 4 % plus la moitié de la différence actuellement.

M. Jolivet: Est-ce que vous avez examiné quels seraient les coûts engendrés par votre formule plutôt que par l'autre?

M. Drapeau: Oui, à la page 33 s on dit: "Cette aide représente quelque 18 000 $ sur neuf ans." Ce sont évidemment des chiffres approximatifs selon l'évolution du taux et selon l'emprunteur. On a fait un calcul moyen.

M. Jolivet: Vous insistez - je pense, encore une fois, on en a parlé ce matin et on va fort probablement en parler tout le long - sur l'importance d'une formation adéquate pour le jeune qui s'établit en agriculture. J'ai eu l'occasion, au collège Macdonald, de me le faire dire et de le voir aussi, dans les chiffres et dans les statistiques, qu'il y a eu une baisse quand même substantielle d'inscriptions depuis une couple d'années. Est-ce que vous avez regardé quels sont les facteurs et est-ce que vous avez demandé à ces jeunes, qui rentrent et les connaissances que vous aviez de ceux qui étaient inscrits et qui ont lâché en cours de route, les raisons pour lesquelles il y a une baisse aussi importante en ce qui a trait à la relève agricole certifiée par un diplôme collégial?

M. Drapeau: Dans notre mémoire, à la partie 1.5.3 qui s'appelle "Les exigences de la profession", à la page 15, dans le haut, on cite un document de Mme Hélène Varvaressos, agronome au cégep de Saint-Jean. Ce document est intitulé "Projet de réaménagement de la formation agricole au collégial", où elle faisait ressortir ce qui était, selon elle les sept principaux obstacles à la formation agricole qui sont: la crainte de l'avenir, la non-adaptation des programmes d'enseignement aux besoins de la relève, le manque de suite entre les paliers d'enseignement, le manque de concertation entre les différents intervenants qui offrent de la formation, l'absence d'avantage officiel à être reconnu comme diplômé en agriculture, au moment de l'établissement, le manque de soutien à l'encadrement éducatif après la formation, lors de l'établissement et l'absence de marketing du programme. Ajouter à cela une mentalité du monde agricole qui n'est pas des plus favorables à la formation... C'est évidemment beaucoup plus complexe que sept ou huit éléments sur

une feuille, mais dans les grandes lignes, vous avez là une synthèse des éléments qui font effectivement que...

M. Jolivet: Une question qui est un peu à l'ordre du jour aujourd'hui: Craignez-vous que toute la question du libre-échange en vienne à créer une peur additionnelle pour l'avenir?

M. Leduc: On pourrait facilement l'ajouter, oui.

M. Jolivet: Vous vous préoccupez des modalités du transfert d'une ferme d'une génération à l'autre, et vous insistez aussi sur la mise en place d'un système de transfert graduel des fermes comme cela existe dans d'autres pays. J'aimerais savoir de votre part - malgré qu'on le voie dans le document - j'aimerais, puisque vous n'en avez pas fait mention, que vous disiez ici quels sont les pays où il y a un système qu'il serait intéressant de regarder et à quel type de transfert graduel on peut se retrouver dans ces pays-là.

M. Drapeau: Oui. Dans le mémoire que nous avions déposé en 1985 devant cette même commission parlementaire, peut-être pas avec les mêmes individus, j'en conviens...

M. Jolivet: Ha! Ha! Ha!

M. Drapeau: ...on mentionnait le modèle néo-zélandais "share milking" qui n'est pas cependant, à notre point de vue, un modèle intégralement applicable ici; il y a d'autres modèles dans différents pays d'Europe. Vous avez même des lois dans différents pays d'Europe qui déterminent des conditions. On ne croit pas qu'il y ait des modèles tout faits qu'on peut importer. Il y a effectivement des choses qui se font ailleurs, et il y a une réalité ici. Si on fait des choses ailleurs, pourquoi ne serait-on pas capable de faire quelque chose ici, à partir de notre réalité? On n'a pas de choses toutes prêtes, toutes modelées à vous suggérer, nous favorisons beaucoup plus une concertation de l'ensemble des intervenants dans la préparation d'une mesure comme celle-là.

M. Jolivet: Lors de rencontres que j'ai eues avec des groupes ou des individus, j'ai parlé de ce que j'avais entendu un peu partout et, lors de la rencontre de jeudi dernier, où M. Leduc était présent à Sabrevois, je me suis renseigné, selon ce que d'autres m'avaient dit ailleurs, au sujet du concept de ce qu'on appelle, dans le secteur industriel, les créateurs d'entreprises, où on installe, autour de jeunes qui veulent lancer une entreprise, des avocats, des notaires, des fiscalistes et des gens qui vont les aider à implanter l'entreprise, les amener là où les dédales gouvernementaux sont quelquefois difficiles à percer. On parle aussi, dans le secteur industriel, d'incubateurs d'industries, c'est-à-dire un lieu où on va préparer des gens à voler de leur propres ailes ensuite. J'avais fait mention de cela, on m'avait répondu: On l'a déjà et, ce matin, on m'a donné la même réponse: On a déjà cela par nos sociétés de gestion. J'en conviens, mais qu'est-ce qui fait que des gens, dans des secteurs où il y a déjà des sociétés comme celles-là, proposent des modèles leur permettant de préparer l'entrepreneur et d'"incuber" l'entreprise de façon qu'ils puissent partir du mieux possible sur le bon pied? Dans ce contexte, est-ce que c'est parce que les sociétés de gestion n'ont pas suffisamment d'argent pour fonctionner ou de capacité de fonctionner? Quels sont les problèmes?

M. Leduc: Un des grands problèmes -on n'a pas besoin de vous l'expliquer - c'est la différence entre la valeur marchande d'une entreprise et la valeur rentable. Ce sont des choses qu'on ne trouve pas dans le milieu industriel. Un autre problème en agriculture que les autres secteurs n'ont peut-être pas, porte surtout sur le plan de la forme juridique. C'est là qu'on dit qu'il y a des modèles à inventer - il existe autre chose ailleurs pour transférer les fermes -des modèles qui sont un habit pour les agriculteurs. La compagnie, la société, ce sont des choses qui ont été prises ailleurs. On a rattaché des boutons et on a serré le veston pour que cela fasse, mais ce n'est pas un modèle qui plaît à l'ensemble de l'agriculture. C'est selon les formes juridiques qu'on pense que des choses doivent être faites. On a à inventer des choses et je pense qu'il faudrait les inventer ensemble, pas un groupe contre un autre groupe; il faut le faire ensemble, on devra travailler, au cours des prochaines années, pour vraiment inventer une forme juridique pour permettre le transfert graduel, un transfert qui inclut tout: le financement, la fiscalité, etc.

M. Jolivet: Quand on parle de transfert père-fils, père-fille ou agricultrice vers ses enfants, dans ce contexte où on dit: Tu es rendu à l'âge de prendre ta retraite et tu passes la main à un autre, le problème - on l'a mentionné - est toujours le suivant: S'il vend à ses enfants, la personne qui possède la ferme risque de la vendre à un prix diminué par rapport à une vente à un étranger. Il dit: On ne mettra pas notre enfant dans la rue en commençant étant donné les difficultés de départ. Cela a pour effet de jouer sur la pension que la personne a accumulée au cours des ans.

Dans ce contexte, comment voyez-vous ce qui est apparu dans le portrait de façon

plus précise en agriculture qui fait que des gens ont un point d'interrogation et d'autres disent qu'il faudrait aller vers là. Il y a des divergences d'opinions dans votre milieu. Est-ce que la société en commandite ne serait pas un des bons moyens?

M. Leduc: Jusqu'à présent, c'est sûr qu'on a regardé ce phénomène de société en commandite, on n'est pas assez avancés, aujourd'hui, pour avoir une réflexion plus profonde, mais on pense que ce mode, actuellement, de la façon qu'il fonctionne, ne favorise sûrement pas la ferme familiale, avec le concept implanté. Effectivement, notre fédération se préoccupe de regarder cela le plus positivement possible, bien sûr. (17 h 45)

M. Jolivet: C'est cela, des gens disent que c'est bon, d'autres disent que ce n'est pas bon. Le problème, c'est que, dans certaines circonstances, il y aurait des balises évitant que des gens qui ne sont aucunement des agriculteurs au sens prévu par la loi le deviennent, et cela favorise beaucoup plus un agrandissement des fermes, mais cela diminue le nombre des producteurs et, en conséquence, on a des fermes équivalant aux fermes américaines où un seul producteur peut fournir l'ensemble d'un territoire en tel produit. Ce sont les craintes que vous avez, vous aussi?

M. Leduc: C'est cela. Dans le modèle actuel, cela nous fait peur, c'est vraiment une crainte, mais on pourrait peut-être regarder cela d'une façon différente.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député. M. le ministre, vous avez d'autres questions?

M. Pagé: Oui, M. le Président, surtout des commentaires. Mon collègue de Laviolette - c'est de bonne guerre lorsqu'on est dans l'Opposition, j'y ai été assez longtemps que je le sais...

Une voix: Peut-être pas assez.

M. Pagé: Pardon?

Une voix: Peut-être pas assez.

M. Pagé: Ah! vous ferez vos neuf ans, je l'espère sincèrement. Mon collègue fait souventefois référence au projet de loi 49. Je veux être très clair, il n'est pas question que la relève agricole paie pour les déficits accumulés dans le fonds du régime d'assurance-prêts agricoles et forestiers. Là-dessus, je veux être très clair aujourd'hui.

En 1978, lorsqu'on a adopté le principe de garantie d'emprunt, le prêt tandem, avec les institutions financières, on a parallèlement créé un fonds d'assurances pour couvrir les pertes éventuelles. Il faut dire qu'à l'époque, les prévisions étaient très optimistes, parce que, dans le taux d'assurance qui était payé, il y avait un déductible de 150 000 $ pour les individus et de 200 000 $ pour les groupes, c'est-à-dire que, pour les premiers 150 000 $ empruntés, l'emprunteur ne payait pas d'assurances, mais il faut quand même avoir à l'esprit que les prêts moyens consentis par l'office pendant cette période étaient de 134 000 $. Cela veut dire concrètement que la très grande majorité des emprunteurs n'a pas eu à payer de cotisation au fonds d'assurances. Cette situation a coïncidé, comme on l'a vécu, avec la crise économique de 1981 et particulièrement de 1982, et a résulté en des pertes très appréciables et toute la problématique dans le porc a eu comme résulat un déficit du fonds d'assurance. Quand je suis arrivé à la tête du ministère, on m'a informé que c'était au-delà de 60 000 000 $, sans compter les coûts de financement et que c'était, pour la présente année, 90 000 000 $. On appelle cela l'héritage sans bénéfice d'inventaire.

Par le projet de loi 49, on s'engage premièrement à couvrir nous-mêmes la totalité de ce déficit de 90 000 000 $. Il sera payé non pas par les agriculteurs, mais par le gouvernement du Québec et cela d'ici... On s'est donné jusqu'au 1er avril 1992 pour couvrir ce déficit, mais ce n'est pas vous autres qui allez le payer, sauf que cela serait tout à fait irresponsable de se fermer les yeux et de se dire: Cela va bien et cela ira toujours bien. On se doit de se donner un régime d'assurances. La transparence qui a caractérisé nos actions dans ce dossier comme dans d'autres a peut-être inquiété les intervenants. C'est vrai qu'on a évoqué, à un moment donné, que cela pourrait coûter jusqu'à 500 $ par emprunteur pour une période de cinq ans. Vous avez fait référence, tout à l'heure, aux chiffres de la réglementation. S'il n'y a pas de mention exacte des montants, ce n'est pas compliqué; j'ai demandé qu'une étude actuarielle sérieuse soit faite et qu'on l'analyse sous toutes les coutures de façon à établir, au moment de l'adoption du projet de loi 49, un niveau de contribution sous forme d'assurance. Lorsqu'on prend une hypothèque sur une maison, généralement, on prend l'assurance qui l'accompagne et cela coûte 1 % - pas pour cinq ans, mais pour toute la durée de L'hypothèque. Cela ne sera pas nécessairement 1 %, cela ne sera certainement pas pour toute la durée de l'emprunt, mais je ne voudrais pas qu'on se retrouve dans quatre, cinq, huit ou dix ans, Gros-Jean comme devant, en se disant: On est encore pris dans les déficits. Cette fois-ci on l'éponge: 90 000 000 $. Concernant les chiffres exacts, ils seront connus dès que j'aurai pris une décision à la lumière des

études actuarielles qui ont été faites. Cela, je tenais à le préciser.

La deuxième chose que je tiens à préciser - et vous pourrez ajouter des commentaires si nécessaire - c'est le concept d'une entreprise ou d'une ferme à ressources minimales. Vous dites que cela est pratiquement inutile parce que la durée de l'entente à être signée entre l'entreprise à ressources minimales et l'entreprise qui encadrera l'autre entreprise devra être de la durée du prêt. Je vous dis: Non. Je vous dis ceci: II est possible que le prêt soit pour une période de vingt ans, par exemple. Cela n'impliquera pas pour autant que l'emprunteur devra déposer à l'office une entente avec la ferme d'encadrement pour une période de vingt ans. Il faut cependant s'assurer qu'il y a une entente avec une relative continuité entre les deux entreprises.

Vous nous comprendrez de ne pas vouloir créer de situation où on serait susceptible, comme gouvernement, comme office - l'office est une corporation qui relève de nous - de se placer dans une situation de vulnérabilité où - on va appeler les choses par leur nom - on risquerait de se faire passer des sapins assez rapidement. Vous savez que le meilleur ami de l'homme ce n'est plus le chien, c'est l'argent. On l'a vu dans le passé: des terres ont été louées, des travaux ont été faits sur de telles terres et le propriétaire arrivait et reprenait sa terre peu de temps après. Nous avions, de bonne foi, consacré des sommes importantes pour améliorer ces terres. Ce que nous disons c'est que l'objectif, notre cible, c'est de permettre de faciliter l'acquisition comme propriétaire de terres données, sans équipement, pour autant qu'il y ait un contrat qui lie une ferme d'encadrement avec l'autre entreprise. On ne demandera certainement pas un contrat de vingt ans. Mais on ne se satisfera certainement pas d'un contrat d'un an, de deux ans ou de trois ans.

Ce que je veux vous dire, c'est: Est-ce que la solution est une période de huit ans? Est-ce qu'elle sera de dix ans, de six ans renouvelables, avec une garantie, avec l'entente entre les deux parties de renouveler? Là-dessus, je vais vous rassurer. C'est aussi un élément qui va favoriser l'accès des jeunes à la propriété. Si vous avez d'autres questions là-dessus, n'hésitez pas, c'est le temps.

M. Drapeau: C'est ce que nous disons dans notre mémoire. On souhaite dans le fond qu'il y ait un bail. On comprend votre argumentation là-dessus et c'est tout à fait légitime, personne ne peut être contre cela. Vous prêtez de l'argent et vous devez vous donner une certaine garantie. Cependant, à la lecture des règlements, notre compréhension qui n'est peut-être pas la bonne, était qu'il devait y avoir un bail pour la durée du prêt ou des contrats pour la durée du prêt. Si c'était cela, on dit que cela réduit les possibilités d'utilisation de façon incroyable.

M. Pagé: D'accord. Si le texte ne dit pas cela, il le dira, monsieur.

M. Leduc: On en prend bonne note.

M. Jolivet: Et nous on va surveiller pour s'assurer...

M. Pagé: Je n'en doute pas.

M. Jolivet: ...que cela sera fait. Dans la mesure où le ministre...

M. Pagé: L'oeil du tigre.

M. Jolivet: Espérons-le pour les agriculteurs. Espérons aussi que le ministre comprendra que ce qu'il vient de nous dire, on le prend sur parole; on n'a pas le choix, ici, à l'Assemblée nationale d'accepter la parole du ministre...

M. Pagé: Vous ne pouvez pas dire que vous n'avez pas le choix. Vous la prenez ou vous ne la prenez pas.

M. Jolivet: Non, non, on n'a pas le choix.

M. Pagé: Cela dilue vos propos.

M. Jolivet: Sinon, il faut le traiter de menteur et le président va m'arrêter. Je dis qu'au sujet du déficit actuel de 90 000 000 $, on nous garantit qu'on ne touchera pas à cela, c'est le gouvernement qui paie l'engagement qu'il a pris. Je dois dire en passant que c'est un peu moins gros que le déficit olympique mais c'était pour une bonne cause, soit l'ensemble de l'agriculture au Québec aux niveaux forestier et agricole. En conséquence, c'est peut-être une décision qui est prise dans un sens. C'est comme quand on a pris dans les années soixante tout le concept du mode de vie québécois avec ce qu'on s'est donné, au point de vue social, la capacité de pouvoir répartir l'ensemble de la richesse. Et on s'est donné comme concept une ferme familiale. Il faut prendre les moyens pour la protéger dans un contexte de ferme familiale, que ce soit une personne ou un groupe de personnes en société, en regardant d'un autre oeil que négatif la société en commandite. Mais il faut se dire, cependant, si on la regarde, comment on la balise pour s'assurer que l'agriculture au Québec ne soit plus considérée comme un domaine hautement subventionné.

Comme des gens m'ont dit, c'est peut-être le consommateur qui est subventionné

par le fait qu'on n'est pas payé au coût de production dans lequel est inclus un salaire convenable et aussi - c'est la question qui surgit - le coût des assurances. Le coût de production doit contenir l'ensemble de ces choses. Mais comme on ne peut pas - et politiquement, ce ne serait pas bon pour un gouvernement, quel qu'il soit; c'est une question qu'il faut se poser - imposer au consommateur le vrai prix quand cela arrive sur la tablette du comptoir de magasin, il est sûr et évident qu'il faut soutenir à ce moment-là ceux qui produisent pour les autres les moyens de subsister.

Je vous dis merci et espérons que les modalités d'application du projet de loi pourront répondre à l'ensemble de vos représentations.

M. Pagé: Merci MM. Drapeau, Thibodeau, M. le président Leduc.

M. Leduc: Merci. C'est nous qui vous remercions de cette petite heure.

Le Président (M. Richard): En terminant, je vous remercie d'avoir synthétisé votre exposé en 20 minutes.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Leduc: Je dois vous dire qu'on a quand même fendu les cheveux en quatre pour faire cela.

Le Président (M. Richard): Dans votre cas, M. Leduc? Ha! Ha! Ha!

J'inviterais donc les représentants de l'Association des banquiers canadiens à prendre place, s'il vous plaît.

Messieurs, si vous désirez respecter l'horaire que vous avez vous-même fixé un jour... (18 heures)

Des voix: ...

Une voix: Est-ce que je peux y aller, là?

Le Président (M. Richard): Vous savez, pour moi, c'est délicat quand il y a consentement des deux partis. À un certain moment, ma "job" est en jeu, vous savez.

L'Association des banquiers canadiens. J'aimerais que vous vous présentiez ou que le responsable présente ses collègues, s'il vous plaît, si vous voulez vous exécuter.

Association des banquiers canadiens

M. Ferron (Daniel): D'accord. Mon nom est Daniel Perron. Je suis secrétaire de la section québécoise de l'Association des banquiers canadiens. Je suis accompagné des membres de notre sous-comité agricole. À mon extrême gauche, je vous présente M. Cyrille Parent de la Banque nationale, M. Isidore Charron, de la Banque de Montréal, M. Florent Fortier de la Banque Royale du Canada et M. René Blackburn de la Banque canadienne impériale de commerce.

Le Président (M. Richard): Vous étiez ici tout à l'heure, je pense, lorsqu'on a spécifié que vous avez 20 minutes au maximum pour la présentation de votre mémoire. Vous avez la parole.

M. Ferron: D'accord. Je vous remercie beaucoup de nous avoir donné l'occasion de présenter notre mémoire en commission parlementaire. Nous avions soumis deux mémoires: un premier concernant le projet de loi 46 comme tel et un autre, assez court, sur le règlement d'application.

L'Association des banquiers canadiens est heureuse de constater que le projet de loi 46 intitulé Loi sur le financement agricole reprend la plupart des éléments positifs de la proposition de réforme qui avait été présentée aux banques par le comité consultatif du MAPAQ à l'automne 1986 et tient à féliciter le gouvernement des efforts déployés jusqu'à maintenant pour rajeunir et simplifier le régime de financement agricole québécois.

L'association appuie entièrement plusieurs des nouvelles mesures mises de l'avant en vue d'améliorer le crédit agricole et de l'adapter aux besoins des agriculteurs. Tel est le cas notamment de la simplification du régime législatif et réglementaire, des mesures financières proposées dans la Loi modifiant la Loi sur l'assurance-prêts agricoles et forestiers, de l'élargissement des conditions d'admissibilité aux prêts offerts par l'OCAQ, des modifications en vue d'assouplir les modes de versement, de l'accréditation du vendeur comme prêteur autorisé, du nouveau concept d'entreprise agricole tributaire d'une ferme d'encadrement, des nouvelles exigences au chapitre de la formation académique et de l'expérience, de la possibilité pour certains producteurs d'obtenir un prêt même si la ferme est située en zone blanche et de la mise sur pied d'un comité de réexamen. Nous approuvons tous ces points à 100 %•

D'autre part, l'association constate que le gouvernement n'a pas tenu compte de plusieurs des recommandations contenues dans son mémoire présenté au comité consultatif du MAPAQ en décembre 1986. À ce moment-là, on avait présenté un mémoire assez élaboré. On avait rencontré les membres du comité du MAPAQ au mois de novembre, je crois, et à nouveau en février en leur donnant nos commentaires sur le projet qu'ils nous avaient présenté. On était un peu déçu que le projet de loi 46 ne reprenne pas plusieurs de nos recommandations qu'on jugeait essentielles.

Alors, dans le présent mémoire, on a repris à peu près mot pour mot les principales recommandations qu'on avait faites, en les adaptant, dans certaines circonstances, au projet de loi 46. L'ABC désire par conséquent profiter de l'occasion pour réitérer ses commentaires et ses recommandations, lesquels peuvent se résumer comme suit.

Selon l'association, la réforme devrait être essentiellement orientée vers une rationalisation des opérations de l'office plutôt que vers une extension de son mandat, de son rôle et de ses pouvoirs, afin de mieux tenir compte des réalités économiques actuelles. L'association croit fermement que le gouvernement devrait cesser d'encourager le recours systématique au crédit agricole subventionné et donner aux institutions financières l'occasion de jouer pleinement leur rôle dans ce domaine au bénéfice de la clientèle.

Quant aux prêts, l'ABC propose l'abolition de la limite maximale pour les prêts et croit que le maximum des prêts devrait être limité à la valeur minimale d'une ferme rentable type pour le Québec selon la production, valeur qui pourrait être établie en concertation avec tous les intervenants concernés.

L'association propose également l'abolition de la limite maximale pour les marges de crédit. De plus, nous croyons que l'application du crédit à la production agricole devrait être laissée entièrement au libre choix du prêteur. Par ailleurs, les marges de crédit garanties devraient pouvoir être administrées par les institutions financières sans l'intervention de l'office, selon les pratiques courantes en vigueur, et tout prêteur devrait pouvoir imposer des frais d'administration s'il y a lieu. Enfin, l'ABC recommande que toutes les marges de crédit garanties soient renouvelables annuellement et non aux cinq ans.

Sur un autre plan, l'ABC recommande que l'intérêt de l'emprunteur prévale dans la détermination du rang des garanties de l'office et que cet emprunteur puisse avoir le choix de conserver des prêts antérieurs plus avantageux. Dans ces cas, l'office devrait accepter une garantie de rang inférieur. On avait d'ailleurs exprimé clairement ce voeu à l'office et on ne saisit pas tellement pourquoi on ne tient pas compte de l'intérêt de l'emprunteur.

Quant au nantissement des quotas, les banques sont unanimes à déplorer l'abandon par le gouvernement de sa proposition initiale visant à permettre le nantissement des quotas. L'association recommande donc que cette proposition soit reprise et que le Code civil et la Loi sur la mise en marché des produits agricoles soient modifiés afin de permettre le nantissement des quotas. On sait que ce problème est assez complexe, mais ce n'est pas une raison pour le laisser tomber et on demande que cela soit repris, comme on l'avait soumis d'ailleurs initialement lors des consultations.

En ce qui concerne les taux d'intérêt sur les prêts et sur les marges de crédit -c'est peut-être le point le plus important -l'association recommande à nouveau l'abolition des limites à ces taux afin qu'ils puissent désormais être fixés conjointement par le prêteur et l'emprunteur selon les lois du marché et les risques encourus. De plus, l'association recommande que les primes d'assurance-vie de l'emprunteur ne soient plus comprises dans les taux d'intérêt et qu'elles puissent être comptabilisées séparément.

Quant au plan quinquennal qui nous avait été soumis initialement dans le projet, on a fait une lecture attentive du projet de loi 46 et des règlements et on juge qu'ils ne nous permettent pas de déterminer avec certitude les intentions du gouvernement sur cette proposition d'établir un plan quinquennal pour les prêts. Par conséquent, on réitère notre opposition totale à une telle mesure et les banques demandent au gouvernement de dévoiler clairement ses intentions sur cette question. Si cela a été abandonné, on est entièrement d'accord avec cela; si on tente de revenir sur cette idée d'un plan quinquennal, on a exprimé clairement dans notre précédent mémoire qu'on était totalement contre et on a donné les raisons de notre opposition.

L'ABC demande aussi que, dans tous les cas, la transférabilité des prêts d'une institution à l'autre soit permise en tout temps et que le projet de loi 46 soit clarifié sur cette question. D'autre part, pour ce qui est du pian quinquennal de gestion qu'on suggérait, l'ABC est entièrement d'accord avec cette innovation et elle recommande qu'un tel plan soit obligatoire dans le cas d'établissements rattachés à une subvention. Dans les autres cas, il pourrait rester facultatif.

Au chapitre des subventions, l'association recommande de remplacer complètement le système proposé par une seule et unique subvention d'intérêts sur les premiers 150 000 $ par entreprise agricole, laquelle s'appliquerait aux seuls cas d'établissement, serait déboursée graduellement sur une période de dix ans et serait non renouvelable. À titre de mécanisme de "subventionnement", nous suggérons qu'il soit établi un taux d'intérêt "escalatoire" échelonné sur dix ans.

Pour ce qui est du fonctionnement de l'office, nous croyons que le nombre de régisseurs devrait demeurer à cinq et que les deux représentants de la profession agricole devraient être inclus dans ce nombre.

En ce qui concerne la proposition initiale visant à donner à l'office le pouvoir

de recevoir des dépôts à terme de particuliers intéressés à investir dans l'agriculture, l'association croit que ce n'est vraiment pas là le rôle de l'office et est heureuse de constater que ce pouvoir ne lui est pas accordé dans le projet de loi 46.

Enfin, l'ABC souscrit entièrement à toute formule qui permettrait la transposition des droits acquis, à la condition toutefois que le tout se fasse dans le respect le plus absolu des droits des emprunteurs et au moindre coût possible.

En ce qui concerne les règlements, tout d'abord, la lecture du projet de loi nous a un peu surpris car on retrouve des pouvoirs réglementaires qu'on considère exorbitants. Si on colorait tout ce qui est pouvoir réglementaire dans la loi, je vous assure qu'il y aurait de la couleur; cela ferait une belle peinture.

Dans notre mémoire, on avait aussi mentionné qu'on était un peu surpris de ne pas avoir reçu le projet de règlement à temps, les mémoires devant être soumis pour le 4 septembre. On retire notre commentaire dans ce sens, mais on continue à déplorer que les projets de règlement soient toujours soumis à la dernière minute. Finalement, on nous a donné quelques jours pour commenter un projet de règlement qui avait plusieurs articles, qui était assez épais. On trouve que le gouvernement devrait améliorer sa façon de procéder avec ses règlements, les rendre disponibles plus vite. Nous sommes aussi convaincus que le projet de règlement qui nous a été soumis est loin d'être complet. Il manque certainement beaucoup d'éléments et on espère qu'on va être consultés pour le reste des règlements.

Quant au deuxième mémoire qu'on avait soumis, je ne le lirai pas au complet, je vais simplement faire certains commentaires. Dans le règlement - il y a beaucoup d'éléments qu'on a déjà commentés dans le mémoire - on retrouve plus particulièrement l'article 5 du règlement quant à l'émission du certificat. Les banques sont d'avis que l'office aurait grandement avantage à augmenter ses efforts de concertation avec le prêteur et l'emprunteur en ce qui concerne le montant du prêt et de l'ouverture de crédit, les modalités de remboursement et des autres conditions ainsi que la nature des garanties requises.

De l'avis des banques, toutes les parties au dossier devraient se concerter sur toutes ces questions avant l'émission du certificat de façon à accélérer le processus de finalisation des prêts et à éliminer les retards inutiles qui découlent trop souvent des corrections qui doivent être apportées en cours de route au certificat initial à cause d'un manque de consultation. Une telle concertation permettrait à coup sûr de diminuer les délais et erreurs qui se produisent fréquemment dans le système actuel et d'éliminer la confusion qui existe souvent à divers niveaux, notamment en ce qui concerne les garanties à céder.

Le deuxième commentaire qu'on avait fait concernait les entreprises agricoles situées hors d'une zone agricole. Dans notre mémoire, tantôt, on a mentionné qu'on était d'accord avec l'extension de la loi pour les agriculteurs situés en dehors de la zone agricole, toutefois, en lisant le règlement, on se rend compte que c'est limité uniquement aux producteurs en serres. Nous trouvons que c'est trop restrictif. On ne voit aucune raison pour que ce soit limité à ces producteurs et pas étendu aux autres. On demande que cela soit étendu à tous les producteurs qui sont hors de la zone agricole.

Le troisième point porte sur les articles du règlement concernant les intérêts. Évidemment, nous sommes totalement contre et on réitère notre opposition à toute fixation d'un taux d'intérêt. On considère que cela devrait être laissé au libre marché.

Le quatrième point concernait les frais d'administration et autres. On l'avait déjà mentionné un peu, mais je vais préciser cela un peu plus. A l'article 26 de l'avant-projet de règlement, on établit qu'un prêteur n'aura pas le droit d'exiger d'un emprunteur, relativement à un prêt ou à une ouverture de crédit, le paiement d'honoraires, de frais de services, de frais d'administration ou de commission qui auraient pour effet d'augmenter indirectement le taux d'intérêt établi conformément à la section 3 du règlement. (18 h 15)

Les banques reconnaissent que, dans les cas de prêts, l'article 26 semble justifié puisque le travail effectué par le prêteur à l'occasion d'un prêt garanti est très limité. Cependant, cette proposition n'est plus vraie lorsque le prêteur consent une ouverture de crédit en vertu de la loi. En effet, de tels dossiers donnent beaucoup plus de travail au prêteur, qui doit notamment effectuer régulièrement la vérification des inventaires ainsi que les analyses des recevables et des bilans, en plus de devoir s'impliquer dans plusieurs autres catégories d'opération, comme le plan de redressement, les paiements anticipés, les relations avec le bureau d'endettement agricole, le suivi et la correspondance avec l'office, etc.

Compte tenu du travail exigé du prêteur dans le cas d'une ouverture de crédit, les banques estiment que l'article 26 de l'avant-projet de règlement est tout à fait injuste pour celui-ci et croient fermement qu'il devrait pouvoir exiger de l'emprunteur le paiement de tous les frais nécessaires à l'administration du dossier relatif à une ouverture de crédit. Dans les opérations bancaires courantes, il est tout à fait normal et légitime que le prêteur exige

des frais d'administration pour le travail qu'il effectue et les banques ne voient vraiment pas pourquoi il en serait autrement dans le cas des ouvertures de crédit consenties en vertu de la loi sur le financement agricole.

L'ABC demande donc que l'article 26 de l'avant-projet de règlement soit modifié afin que, dans le cas d'une ouverture de crédit, le prêteur puisse exiger de l'emprunteur le paiement des frais encourus pour l'administration courante du dossier, sinon les banques risquent fort de se retirer de ce champ d'activité, qui perdra toute sa rentabilité.

Le cinquième commentaire qu'on avait fait dans notre second mémoire concernait les ouvertures de crédit. Je ne reprendrai pas tout ce qu'on dit ici, parce que cela recoupe à peu près tout ce qu'on a dit tantôt, c'est-à-dire qu'on demande que les ouvertures de crédit puissent être administrées en toute liberté par les institutions financières sans l'intervention de l'office et selon les pratiques courantes en vigueur. On ne voit pas pourquoi l'office compliquerait les dossiers d'ouverture de crédit, alors que cela pourrait se faire beaucoup plus simplement.

Le dernier commentaire est peut-être plus général. On aimerait rappeler que l'article 5 du projet de loi 46 permet, à l'alinéa 2, la reconnaissance du vendeur avec solde de prix de vente comme prêteur accrédité aux fins de la loi. Toutefois, l'avant-projet de règlement qui nous a été soumis ne semble pas tenir compte de ce fait et ne paraît pas avoir été rédigé en fonction de cette catégorie de prêteur. En conséquence, l'association croit que l'avant-projet de règlement devrait être revu à la lumière de ce commentaire, afin de mieux tenir compte de la reconnaissance possible du vendeur comme prêteur autorisé.

Cela complète ce qu'on avait à vous dire. Nous tenons, encore une fois, à vous remercier de nous avoir entendus et nous espérons aussi que nous serons consultés lors de l'élaboration des règlements à adopter.

Le Président (M. Richard): Merci beaucoup, M. le secrétaire. M. le ministre, avez-vous des commentaires?

M. Pagé: Certainement, M. le Président. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue, M. Ferron, ainsi qu'à vos collègues, et vous indiquer tout d'abord que, relativement à la transmission des documents, vous reprochez en termes à peine voilés au gouvernement de vous avoir acheminé des copies des règlements - vous dites - il y a quelques jours seulement. Je m'en voudrais de ne pas vous dire que l'usage et la coutume ont toujours voulu que le projet de loi soit rarement accompagné du règlement avant la deuxième lecture. Lorsque j'étais dans l'Opposition, j'ai dénoncé le fait que, trop souvent, on avait à étudier des projets de loi - pas toujours, mais souvent -qui n'étaient qu'une ossature et que la chair du règlement, on ne l'avait pas. Cela a été fait dans ce cas-ci. C'est un avant-projet de règlement et c'est normal, parce qu'on ne peut pas présenter un règlement adopté en vertu d'une loi qui n'est pas adoptée.

Je retiens de votre mémoire que vous êtes favorables à une simplification du régime, à l'élargissement des conditions d'admissibilité, à des modifications au mode de versements, à l'accréditation du vendeur pour un solde de prix de vente, quoique vous demandiez des précisions en ce qui concerne la façon dont cela va se faire et davantage de précisions et d'éclaircissements en ce qui concerne le règlement. Vous êtes favorables aux exigences quant à la formation académique, je pense que personne ne peut être contre cette volonté qui est la nôtre de favoriser davantage de connaissances, de formation pour nos jeunes qui vont prendre la relève notamment. Vous êtes favorables à l'admissibilité pour certains producteurs dont l'entreprise est située en zone blanche. Vous dites: cela nous surprend que ce soit limité aux serres. Je vous répondrai deux choses. La première, c'est que le développement de la production en serres est une priorité pour nous. C'est un des créneaux avec, par exemple, la culture du soya. On veut privilégier le développement de la production en serres tant sur une base individuelle que dans le cadre de projets qui commandent des investissements plus élevés.

Il est possible d'avoir des serres en zone blanche et c'est ce pourquoi... D'ailleurs, en zone blanche, il y a souventefois des sols qui ne sont pas utilisés. Il s'agit de se référer ici à la région de Québec, où près de 74 % des sols zones blanc ne sont pas aménagés. Je vois cependant difficilement le fait qu'on subventionne des entreprises, par exemple, une ferme laitière, en zone blanche, avec toutes les contraintes que cela peut impliquer pour de telles entreprises. Vous n'êtes certainement pas sans savoir que les zones vertes sont souventefois envahies, entre autres, par les élus municipaux. Alors, imaginez-vous. On a de la difficulté à faire respecter intégralement nos droits fondamentaux en zone verte, imaginez-vous ce que cela pourrait être si, d'une façon générale, on allait cultiver en zone blanche. Cependant, pour les productions de serres, c'est possible.

Vous vous déclarez, de plus, favorables à la formation d'un comité de réexamen, au rééquilibre du fonds visé par le projet de loi 49, lequel sera couvert, soit dit en passant -vous étiez ici lorsque je l'ai indiqué - à 100 % par le gouvernement. Vous voyez, c'est important qu'on soit présents dans le

financement. Si on n'avait pas été là, ces 90 000 000 $, ce sont vos institutions qui les auraient entièrement assumés, vous ne pensez pas?

M. Parent (Cyrille): Nous ne sommes pas d'accord.

M. Pagé: Pardon?

M. Parent (Cyrille): Nous ne sommes pas d'accord.

M. Pagé: Alors, vous n'auriez pas fait les prêts.

M. Parent (Cyrille): II y a plusieurs prêts qu'on n'aurait pas faits.

M. Pagé: II y a plusieurs prêts que vous n'auriez peut-être pas faits. Parfait, c'est ce que je voulais vous entendre dire. D'où l'obligation pour nous de demeurer.

M. Parent (Cyrille): Pas nécessairement.

M. Pagé: Bien, parce que pour nous et pour moi, comme ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, c'est important. Parce que, dans un premier temps, le principe fondamental, dans mon livre, d'une communauté, c'est de protéger ses institutions, c'est de protéger sa culture, ses traditions, etc. Le deuxième objectif fondamental d'une communauté: la noblesse passe par l'obligation de se nourrir et de bien se nourrir. Comme, selon nous, selon les données, les statistiques et les points de comparaison, l'agriculture canadienne et québécoise est subventionnée bien en deçà de ce qui se subventionne ailleurs. Le défaut qu'on a cependant - le défaut ou la qualité -c'est qu'on est plus transparents. On ne se cache pas en arrière de toutes sortes de réglementations voilées. On a des régimes d'assurance-stabilisation, on a des agences de commercialisation qui impliquent des prix payés aux producteurs. On a des lots de financement agricoles qui sont très claires. Pour nous, c'est important. C'est très important de demeurer, parce que le principal levier du développement de l'agriculture, c'est évidemment un financement adéquate C'est ce pourquoi, en 1978, le législateur - le gouvernement de l'époque - a décidé de s'associer avec les banques. Autant nous croyons que les banques doivent être présentes. On a vu ce que cela a fait, au moment de la grande crise, quand les banques sont sorties du financement agricole. On a vu l'impasse dans laquelle l'agriculture a été plongée, après la grande crise.

M. Parent (Cyrille): Les banques -excusez-moi, c'est...

M. Pagé: Allez-y, M. Parent.

M. Parent (Cyrille): La loi des banques a été modifiée en 1967. Avant 1967, la loi des banques permettait aux banques de prêter sur billet. Alors, au moment de la crise, c'étaient des compagnies d'assurances qui faisaient des prêts agricoles et ce sont les compagnies d'assurances qui se sont retirées. Les banques se sont peut-être retirées des petits prêts sur billet qu'elles faisaient, mais elles n'avaient pas la possibilité de faire des prêts hypothécaires. Cela nous est permis depuis 1967. Depuis ce temps-là, je pense qu'on a bien pris...

M. Pagé: Bien pris?

M. Parent (Cyrille): ...nos responsabilités parce que, dans tout le Canada, on a prêté beaucoup. Il s'agissait d'avoir la loi pour le faire.

M. Pagé: Mais vous allez convenir avec moi que vous prêtez plus facilement quand vous êtes garantis.

M. Parent (Cyrille): Ce n'est pas le critère principal d'un bon prêt, la garantie.

M. Pagé: C'est un très bon accessoire. M. Parent (Cyrille): Pardon?

M. Pagé: Si ce n'est pas le principal, c'est un accessoire qui est sécurisant pour vous.

M. Parent (Cyrille): Oui, il y a des fois où c'est important.

M. Pagé: Parce que, concrètement, si vous étiez garantis totalement dans le domaine des abattoirs, actuellement, vous ne sortiriez peut-être pas.

M. Parent (Cyrille): Je ne sais pas de quoi il est question.

M. Pagé: En tout cas, on s'en parlera privément.

M. Fortier (Florent): M. le ministre...

M. Pagé: Non, ce n'est pas l'objet du projet. Vous dites que vous êtes contre un plan quinquennal. Moi, je vais vous dire - si vous permettez, 30 secondes - le plan quinquennal, c'est quoi. C'est qu'on veut établir avec nos emprunteurs un véritable plan de développement de l'agriculture. On veut personnaliser le dossier. Souventefois, et vous en êtes témoins, on a une demande initiale d'emprunt qui est contracté à l'office; le prêt est octroyé et un an, deux ans après, on doit revoir certains aspects des

investissements qui doivent être faits par l'agriculteur. Quand je suis arrivé, moi, à la lumière de mon expérience de député et de l'expérience d'autres, on s'est dit: Cela n'a pas de bon sens que cet agriculteur ou cette agricultrice soit obligé de recommencer tout le dédale des procédures administratives. C'est seulement cela et on ne veut pas faire en sorte de brimer le droit d'un agriculteur, le droit fondamental qu'il a, s'il n'est pas satisfait d'une institution financière, d'aller ailleurs.

M. Fortier (Florent): Le plan quinquennal au point de vue gestion, on est complètement d'accord. Mais quand on arrive dans un plan quinquennal pour la finance sur cinq ans, c'est que l'individu ne peut pas changer d'institution financière parce que, dans un an et demi, dans deux ans, dans trois ans, il va avoir un prêt qui va s'en aller, parce que les garanties vont être là et qu'un prêt du gouvernement ne se transfère pas d'une banque à l'autre.

M. Pagé: Mais ce sera son choix.

M. Fortier (Florent): Et puis, à ce moment-là...

M. Pagé: II va pouvoir quitter, monsieur. Sauf qu'il aura des frais de professionnels à payer, de notaire, etc.

M. Fortier (Florent): Bien, on a lu et relu le dossier et cela n'a pas transpiré dans la loi et les règlements. Si vous me dites qu'il y a moyen de transférer les prêts en n'importe quel temps, je pense que tous mes confrères et moi-même serons d'accord avec cela.

M. Pagé: Mes deux collègues ici, Mme la députée de Kamouraska et M. le député de Berthier, quand ils sont revenus de leur tournée m'ont indiqué: M. le ministre, c'est un problème qui est ressenti comme étant très aigu de la part des banquiers canadiens.

M. Fortier (Florent): Bon.

M. Pagé: On a regardé cela et je l'ai indiqué très clairement. Ne vous inquiétez pas.

M. Fortier (Florent): Si vous nous dites cela, bien, on a au moins eu une concession. Pour une fois.

M. Pagé: Pour une fois! Une, voyons donc!

M. Fortier (Florent): On commence, on commence, on commence.

M. Pagé: Continuons. C'est la première.

Alors, je veux que ce soit très clair, le droit pour l'emprunteur d'aller à une autre institution. C'est évident que cela va impliquer des frais si quelqu'un transfère son prêt, son hypothèque de maison ailleurs, bien il paie. Ce sera la même chose. Ne vous inquiétez pas. Vous...

M. Charron (Isidore): En ce qui concerne, si vous me permettez, le plan quinquennal de gestion, on disait qu'on était complètement d'accord. On recommandait même que ce plan soit obligatoire dans tous les cas d'établissement qui sont rattachés à une subvention directe. Dans les autres cas, on a été peut-être un peu moins sévères que le gouvernement ne le proposait en ce sens que, pour les autres cas, qui ne sont pas rattachés directement à une subvention, ce soit facultatif, selon les désirs de l'emprunteur.

M. Pagé: Dans chacun des cas, c'est facultatif. Cependant, il nous apparaît que c'est plus sain de s'asseoir et d'établir un plan de développement sur cinq ans. J'ai été très surpris de lire, dans votre mémoire, une recommandation indiquant qu'on devrait supprimer toutes les subventions à l'intérêt. (18 h 30)

M. Charron: C'est bien simple, on croit qu'il y a des subventions à l'intérêt qui sont données "at large" - excusez l'expression - à l'ensemble de tous les agriculteurs et agricultrices du Québec. Il y a des fermes, que vous connaissez très bien d'ailleurs, au Québec, qui sont fort rentables...

M. Pagé: Qui sont fort ou pas rentables?

M. Charron: ...sont très rentables, - si vous me le permettez. Les agriculteurs qui sont établis depuis 15, 20 ou 25 ans ont déjà touché des subventions directes, soit d'intérêt ou autres, du gouvernement. Actuellement, ces agriculteurs-là n'ont pas de besoin direct de subvention d'intérêt. On appuie très fort, nous, les subventions, si le gouvernement le veut, bien entendu. C'est le voeu également de la population, de subventionner les prêts, surtout pour les jeunes agriculteurs, principalement, de mettre le focus sur les jeunes agriculteurs pour la relève agricole. Parce que nous savons pertinemment bien que ce n'est pas facile pour la relève, on a vu tantôt le mémoire qui a été présenté et, sur plusieurs recommandations, nous sommes d'accord, c'est très difficile de s'établir en agriculture aujourd'hui. Les fermes sont de plus en plus dispendieuses et elles vont l'être encore plus dans l'avenir. Ce sera encore plus difficile de transférer l'entreprise à un jeune. Alors, à ce moment-là, on dit: D'accord, il faut subventionner davantage les jeunes

agriculteurs, à condition que ceux-ci, bien entendu, soient aptes à prendre la relève, soit par l'éducation, la formation agricole.

M. Pagé: Je comprends votre point de vue. Cependant, je dois vous dire qu'on partage, au moins conjointement, la préoccupation a l'égard de la relève agricole. Et, si, traditionellement, l'agriculture a été l'objet d'un régime particulier de bonification pour ce qui est du financement, c'est pourquoi? Parce que le rendement sur l'investissement est d'environ 2 %? Les banques, vous avez des actionnaires, est-ce que vos actionnaires accepteraient que vous investissiez dans des entreprises où le rendement sur l'investissement est de 2 %, seulement? Je ne pense pas, moi.

M. Fortier (Florent): On a fait nos propres analyses. Non, nous ne sommes pas contre les subventions, remarquez bien. C'est que...

M. Pagé: Parce que j'avais une autre question, si vous permettez. Si vous êtes contre les subventions en agriculture, vous devez être, je présume, contre les subventions dans les entreprises?

M. Fortier (Florent): Non, non! C'est parce que... Comprenons-nous bien. C'est que nous sommes contre les subventions pour ceux qui n'en ont pas besoin. Mais, là, je sais que vous faites face à un gros problème: savoir déterminer qui n'en a pas besoin et qui en a besoin. Politiquement parlant, c'est...

M. Pagé: Mais vous savez qu'on a, dans nos lois, le critère de besoin du prêt. Rares sont les agriculteurs qui sont pleins comme des boudins, sauf que, quand il en arrive un et que son bilan démontre très clairement qu'il n'a pas besoin d'un prêt de l'office, il ne l'a pas. Je dis que c'est rare, par exemple.

M. Fortier (Florent): Oui, quelqu'un peut avoir besoin d'un prêt mais, sans nécessairement... Il peut être très à l'aise et disons qu'il veut acheter la terre du voisin, il va peut-être en payer 50 % ou 75 % de sa poche. Je pense que, pour un agrandissement, l'office du crédit agricole va lui faire un prêt. Mais là, il y a une subvention qui est rattachée à cela. Ce que je veux que vous compreniez bien, c'est que nous ne sommes pas contre les subventions mais contre les subventions à ceux qui n'en ont pas besoin.

M. Charron: C'est pour cela qu'on avait recommandé un mécanisme de "subventionnement" pour les gens qui s'établissent en agriculture. Alors, aujourd'hui, pour le jeune qui s'établit en agriculture, on disait: D'accord, le gouvernement est prêt à lui donner une subvention d'intérêt, que ce soit établi sur une période de dix ans avec un taux d'intérêt "escalatoire". Par exemple, la première année, il pourrait peut-être payer 1 % ou 2 % d'intérêt, la deuxième année 3 %, etc., et ce, jusqu'à une période de dix ans.

M. Pagé: Je note votre préoccupation pour les jeunes.

M. Fortier (Florent): Autrement dit, s'il y avait possibilité que les subventions qui sont économisées - pour ceux qui n'en ont pas besoin - soient prises et distribuées aux jeunes afin qu'ils en aient plus.

M. Pagé: Mais, cela ne veut pas dire que, du fait que les jeunes ont plus de besoins, les autres n'en ont plus.

M. Fortier (Florent): Bien, normalement oui.

M. Charron: C'est dans le seul but de rationaliser les dépenses du gouvernement.

M. Pagé: Mais, cela va bien, jusqu'ici.

M. Charron: Cela va bien, mais il faut regarder l'avenir.

M. Pagé: Oui, oui, on continue, ne vous inquiétez pas.

M. Charron: On veut vous encourager dans ce sens-là.

M. Pagé: Cela va bien. Dernier commentaire, parce que le temps fuit, évidemment et mon collègue a certainement des questions. Vous faites référence, dans votre document, au droit pour les banques de demander des frais d'administration pour l'ouverture du dossier, le traitement, etc. Vous dites à la page 4 du document, du résumé de mémoire 1MA: "L'Association des banquiers canadiens demande donc que l'article 26 de l'avant-projet de règlement soit modifié afin que, dans le cas d'une ouverture de crédit, le prêteur puisse exiger de l'emprunteur le paiement des frais encourus pour l'administration courante du dossier, sinon les banques risquent fort de se retirer de ce champ d'activité qui perdra toute sa rentabilité." Ne croyez-vous pas que c'est un peu fort?

M. Charron: II est évident que pour ce qui est des marges de crédit principalement, qu'on mentionnait, des prêts hypothécaires tandem, on disait: D'accord, ces prêts-là ne demandent pas tellement de frais d'administration. Là-dessus, on l'a mentionné

vertement à la page 4. Cependant, en ce qui concerne les prêts tandem qui sont associés avec une marge de crédit, une marge à l'exploitation, si vous le voulez, bien souvent, lorsqu'il commence à y avoir des arrérages, cela demande beaucoup d'administration. Il faut rencontrer l'emprunteur en question, il faut lui proposer, à ce moment-là, des modes de paiement etc., il faut communiquer directement avec les officiers du crédit agricole, il faut engager des pourparlers et, actuellement, on ne reçoit aucune rémunération pour ce genre de travail-là. Dans d'autres genres d'activités bancaires, soit pour les PME ou tout genre d'entreprises semblables, actuellement, on a l'entière liberté d'exiger des frais d'administration à notre emprunteur en l'avisant que son dossier demande des frais d'administration et que c'est normal. Alors, pour ce qui est de l'office, étant donné qu'on est régis par une loi, actuellement, on ne peut pas intervenir dans le processus et on ne peut pas imposer des frais d'administration alors, on est lésés. Étant lésés, à ce moment-là, je veux dire, ce n'est pas rentable pour nous. Alors, si ce n'est pas rentable d'administrer ce dossier-là, pourquoi continuer à perdre de l'argent?

M. Pagé: Mais, les prêts auxquels vous faites référence ne sont pas garantis. Pour les autres prêts auxquels vous faites référence, vous avez le droit d'exiger des frais d'administration, mais vous n'avez pas l'avantage d'avoir des prêts garantis.

M. Blackburn (René): C'est cela qu'on mentionne, on l'a mentionné d'ailleurs...

M. Pagé: Cela implique une sécurité pour quelque institution financière prêteuse que ce soit, le fait que le prêt soit garanti.

M. Blackburn: Cela n'enlève quand même pas le travail qu'on doit effectuer sur le dossier.

M. Pagé: Pardon?

M. Blackburn: Cela n'enlève quand même pas le travail qui doit être fait pour la supervision du dossier.

M. Pagé: Oui, mais le fait d'être garanti, cela doit être pris en compte.

M. Blackburn: Disons que c'est un point positif d'être garanti mais, en tout cas, moi, les commentaires que je reçois de mes directeurs de succursales qui ont à travailler sur des ouvertures de crédit, disons crédit à production agricole, sont qu'ils trouvent vraiment cela trop ardu comme travail, la collecte des pièces justificatives qu'on doit faire, le suivi des inventaires, des comptes à recevoir et, dans les dossiers qui sont fort complexes où il y a des problèmes, il faut que ce soit même référer au bureau de supervision, etc. Donc, cela demande beaucoup de frais d'administration, une marge de crédit comme telle. On voudrait qu'il y ait des compensations sur ce point-là.

M. Charron: Lorsqu'on est impliqués dans la cuisine tous les jours, dans le domaine de l'administration des dossiers agricoles, surtout ceux qui sont assortis de marge de crédit, de prêts à terme, de prêts à demande bancaire et de prêts garantis par le gouvernement, l'ensemble du dossier, cela demande beaucoup de travail et lorsque vient le temps de réclamer à l'office, surtout principalement concernant les marges de crédit - et mes confrères peuvent le constater aussi, ils l'ont sûrement constaté dans le passé en ce qui concerne les marges de crédit les LCPA - bien souvent l'office ne nous a pas remboursés parce qu'il manquait certaines pièces justificatives au dossier, qu'on n'avait pas les reçus d'il y a cinq ans, etc., et ces prêts, M. le ministre, n'ont pas été remboursés par le gouvernement.

M. Pagé: J'ai indiqué ce matin, lorsqu'on a fait référence à toute la question du crédit à court terme et au caractère expéditif de la démarche, que nous allions tout faire ce qui serait possible pour faciliter le financement et les autorisations, au lieu d'exiger les factures, peut-être seulement exiger les chèques ou des choses comme cela. C'est une des hypothèses que j'évoque.

Je prends note, mais je tiens à vous dire que je n'ai pas tellement l'intention - je vous le dis bien franchement - de rouvrir l'article 26. Je note votre menace, parce que c'est cela, ce n'est même pas voilé, c'est une menace, vous dites: "Les banques risquent fort de se retirer de ce champ d'activité". C'est en lisant tout cela et en me référant à un tel constat de la part des banques qui disent: On sortira peut-être du financement agricole un jour, que je garde, dans la loi, la possibilité pour l'Office du crédit agricole d'aller chercher des dépôts à terme. C'est normal, mettez-vous dans ma peau.

M. Parent (Cyrille): Je pense qu'on est sur le terrain d'à côté. Les banques ont l'intention et elles sont capables. Les banques sont les institutions financières les plus reconnues au monde et les banques canadiennes sont dans les meilleures banques du monde. Nos banques prêtent dans toutes les organisations. Elles ont les experts pour prêter dans tous les domaines, dans les secteurs primaire, secondaire, dans le commerce et partout. C'est la même chose

pour l'agriculture. Nous sommes capables de faire des prêts agricoles tout seuls. Ceci dit, nous n'avons pas l'intention, mais pas du tout, de nous retirer de l'agriculture, nous avons l'intention d'en faire plus que jamais.

M. Pagé: Tant mieux. On est d'accord.

M. Parent (Cyrille): On reconnaît que, dans des circonstances, le gouvernement peut être très utile pour le financement. On souhaite profiter, pour le bien-être de l'agriculture, de la bonne compréhension de tous les gens impliqués dans l'agriculture, y compris du gouvernement et des banques, et je pense qu'on n'a pas le même rôle. On a le rôle de prêter et on prête très bien. Vous savez, on prête très bien à des gens qui sont capables de nous rembourser. Nos conditions de prêt sont simples. Ce sont des conditions qui conviennent très bien aux emprunteurs, car, quand on prête, on veut être remboursé. Cela convient très bien aux deux parties.

Dans le domaine agricole, on a évidemment des hauts et des bas. Ce n'est pas un domaine comme un autre. J'en sais quelque chose, cela fait 25 ans que je vis dans ce domaine. Il y a des hauts et des bas. Il y a des mesures incontrôlables. Ce n'est pas par des subventions aux taux d'intérêt qu'on arrive à tout contrôler. Quand il y a des fluctuations dans les prix et qu'on a l'ASRA en garantie, on vous dit: Félicitations, cela fait notre affaire. Ce n'est pas nécessairement une subvention d'intérêt qui a réglé le problème. Le problème, c'est une question de prix. Vous garantissez des prix au cultivateur. C'est simple, je me dis que si vous garantissez un prix au cultivateur, je ne demande pas mieux. Je vais lui prêter et je n'ai pas besoin de garantie, il va me rembourser. Pas besoin de garantie. C'est une subvention qui est tout à fait...

L'assurance-récolte. C'est sûr que c'est imprévisible. On manque une récolte, ce n'est pas drôle. Un cultivateur peut prendre le chemin. Après cela, on aura besoin de lui pour nous fournir de la nourriture et il ne sera plus là. C'est parfait pour l'assurance-récolte. Mais des subventions d'intérêt automatiques à tout le monde, aux riches comme aux pauvres, on n'en voit pas l'utilité. On sait qu'en agriculture, il y a 75 % d'équité environ. Ce n'est pas une classe pauvre, enlevez-vous cela de l'idée. C'est une classe à l'aise, la classe agricole, prise au sens général. Il y a un secteur qui est financièrement problématique, c'est dans le cas du jeune qui s'établit. Dans tout cela, on donne tout ce qu'on peut aux jeunes. On donne tout ce qu'on peut. On souhaite que vous aidiez les jeunes parce que là, une subvention d'intérêt, cela se comprend. Si on veut que le jeune ait le même coût de production que son concurrent, le cultivateur plus âgé qui, lui, a 75 % d'équité et 25 % de dettes, il y a un équilibre à faire, à ce moment là, pour donner une chance au jeune d'entrer dans le champ de la concurrence et de l'efficacité.

Ceci étant fait, on pense que c'est à peu près toute la faveur qu'on reconnaît à une subvention d'intérêt.

M. Pagé: Merci de votre commentaire, M. Parent.

Le Président (M. Richard): Oui, M. le porte-parole de l'Opposition, vous avez la parole.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, je vais continuer dans la même veine en disant que j'ai regardé la proposition 9 de votre document, où on dit: Au chapitre des subventions, l'association recommande de remplacer complètement le système proposé par une seule et unique subvention d'intérêt sur les premiers 150 000 $ par l'entreprise agricole, laquelle s'appliquerait au seul cas d'établissement et serait déboursée graduellement sur une période de dix ans et serait non renouvelable. (18 h 45) "À titre de mécanisme de subvention, nous suggérons que soit établi un taux d'intérêt "escalatoire" échelonné sur dix ans. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que, par cette proposition, vous remettez un peu en question l'idée de départ de l'aide à l'agriculture proposée, où on dit: Le gouvernement, d'une façon ou d'une autre, n'a pas le choix, il doit intervenir dans ces secteurs. Donc, ce que vous mettez en question, c'est le rôle ainsi que la nature de l'intervention de l'État québécois en fonction d'un système qui suppose une participation actuelle - on dit active - de l'État non seulement à l'établissement, mais aussi par une aide financière au producteur qui désire consolider ou développer son entreprise agricole, et ce, notamment, dans le but de contribuer au maintien du principe de départ qu'on avait dit: ferme familiale, étant pour le Québec un élément essentiel de notre système agricole.

Vous semblez un peu proposer que seule la loi du marché serve de politique agricole. De ce que vous êtes en train de nous proposer, est-ce que tout ce qui a été dit jusqu'à maintenant pour que le Québec ait une agriculture basée sur la ferme familiale, qu'il doit être aidé en conséquence selon les décisions qui ont été prises dans le passé, qu'on est en train de remettre tout cela en question et que, au bout de la course, ce qu'on doit faire, c'est que l'agriculture désormais sera seulement établie sous la loi du marché. Est-ce que c'est ce que vous êtes en train de nous dire?

M. Fortier (Florent): Les taux d'intérêt... À un moment donné, on fait une étude du dossier de 25 % à 30 % des meilleurs agriculteurs au Québec; à ce moment-là eux seraient sur... On a fait une séparation des agriculteurs moyens et des agriculteurs prospères. Les agriculteurs prospères nous les voulons selon la loi du marché sur les taux d'intérêt et le risque, tandis que pour les agriculteurs qui débutent ou qui sont moins prospères, là, l'Office du crédit agricole a sa place. C'est ce qu'on veut dire.

M. Jolivet: Vous ne remettez pas en question tout le système québécois?

M. Fortier (Florent): Non.

M. Charron: Non, c'est seulement au chapitre des subventions, comme je l'ai expliqué tantôt.

M. Jolivet: Est-ce que vous êtes capables... J'ai posé une question à l'Office du crédit agricole, qui n'avait pas les données, mais probablement que vous les avez, vous. Le retour sur l'investissement en agriculture est de combien, tenant compte de la dévaluation aussi bien du dollar que des actifs agricoles? Quel est votre taux de retour des investissements?

M. Fortier (Florent): Je ne pense pas qu'on ait de calcul comme celui-là, c'est qu'on les analyse individuellement. D'une façon globale, on ne pourrait pas répondre. On n'a pas de chiffres à l'appui pour cela.

M. Jolivet: D'après vous, quel serait, pour quelqu'un qui entre en agriculture ou qui est en agriculture actuellement, l'endettement maximum auquel il aurait accès par la proposition que vous faites?

M. Fortier (Florent): L'endettement?

M. Jolivet: L'endettement... Quelqu'un doit s'endetter pour un pourcentage de ce qu'il est capable d'avoir comme revenus, il doit être capable de rembourser quelque part?

M. Fortier (Florent): Avant de déterminer le pourcentage, on regarde les connaissances de l'individu, ses antécédents et sa capacité de remboursement. Quand ces trois critères sont très favorables, on va peut-être regarder les garanties. Normalement, on pourrait mettre une moyenne minimum - mes confrères me corrigeront -d'à peu près 20 % à 25 % d'avoir net, mais pas dans n'importe quelle production. Si c'est dans une production rentable, c'est toujours la capacité de remboursement qu'on regarde. Si la capacité de remboursement n'est pas là, on va dire: Va voir ton agronome de comté pour essayer de faire modifier ton projet de production pour rentabiliser davantage ta ferme.

M. Jolivet: Pourquoi demandez-vous des quotas en garantie? Est-ce que vous craignez une chute?

M. Fortier (Florent): C'est qu'on finance...

M. Jolivet: Une chute des actifs, c'est quoi?

M. Fortier (Florent): On finance les quotas. Et c'est normal, lorsqu'on finance quelque chose, qu'on prenne ce bien en garantie.

M. Charron: On finance déjà les quotas, nous, les banques.

M. Jolivet: Oui.

M. Charron: Ce n'est pas nouveau. Cela fait quelques années qu'on finance des quotas. On ne les finance pas à 100 %, mais on finance un certain pourcentage des quotas. Alors, à ce moment-là, actuellement, on ne peut pas les prendre sur la section 178 de la loi des banques. On ne peut pas les prendre en nantissement. On ne peut pas les prendre en hypothèque. Alors, la garantie qu'on prend sur les quotas n'est pas valable. C'est pour cela qu'on demandait au gouvernement la possibilité de prendre les quotas en garantie, mais que cette garantie soit valable. Donc, pour ce faire, cela prendrait un projet de loi ou un règlement pour qu'on puisse prendre des quotas en garantie.

M. Jolivet: Comme le ministre, malgré que j'ai peut-être une façon de le voir autrement, mais j'ai cru comprendre qu'il y avait une sorte de contradiction. En page 9 de votre mémoire, vous jugez utopique et irréaliste l'idée avancée d'un plan quinquennal pour les prêts quand cela vous concerne. D'autre part, en page 11, vous recommandez qu'un plan quinquennal soit obligatoire en gestion dans les cas d'établissement rattachés à une subvention de l'office. N'y a-t-il pas une sorte de contradiction? Quand cela vous regarde, vous demandez qu'il n'en ait pas pour avoir une certaine possibilité pour vous et, quand cela regarde l'agriculteur, vous demandez une forme de plan quinquennal de gestion. N'y a-t-il pas une contradiction? Est-ce que je me trompe?

M. Charron: II n'y a pas de contradiction, c'est que, lorsqu'on a eu des discussions avec les officiers du crédit

agricole, on nous avait dit que, si le plan quinquennal était adopté, il ne serait pas possible, pour le moment, de transférer les prêts d'une institution à l'autre, comme cela se fait actuellement. Actuellement, pour ce qui est d'un prêt tandem, on ne peut pas transférer de la caisse populaire à la Banque de Montréal, malheureusement. On en aurait beaucoup plus, nous, à la Banque de Montréal, à ce moment-là. Notre opposition vient du fait que, si on n'est pas capables de transférer les prêts par rapport à un plan quinquennal, au niveau du crédit agricole, il est préférable de ne pas y donner suite. Cependant, on était entièremement d'accord à ce moment-là d'avoir un plan quinquennal en ce qui concerne la gestion, l'administration, des jeunes agriculteurs, surtout si c'est associé à une subvention. Le ministre nous a promis tantôt que l'ensemble des prêts administrés par l'office seront dorénavant transférables d'une institution à l'autre en tout temps, selon le voeu exprimé de l'emprunteur; c'est lui qui aura la liberté de payer des frais j'imagine. Alors, à ce moment-là, cela nous convient.

M. Parent (Cyrille): C'est une question de liberté. Dans une institution bancaire, on a le respect des libertés, entre autres, la possibilité de l'emprunteur de changer de banque quand cela ne fait pas son affaire et d'aller négocier des taux d'intérêt et des frais, et des charges chez le concurrent. On vit là-dedans et c'est important, c'est notre façon à nous de traiter avec tout le monde qui emprunte. Je peux vous dire que lorsqu'un cultivateur est libre d'emprunter sur le marché, c'est une chose qu'il apprécie grandement. Il aime être capable de négocier ses taux d'intérêt, ses conditions de prêt; il apprécie sa flexibilité et aussi le fait qu'il peut dire: Si cela ne fait pas mon affaire, je m'en irai dans une autre banque. Ce n'est qu'une question, une manière établie de faire des affaires dans une banque et la liberté de changer.

M. Jolivet: Vous serez d'accord, à ce moment-là, avec la société qui parlait de taux fluctuant pour une partie du prêt et du taux fixe pour l'autre.

M. Parent (Cyrille): Ce sont toutes des choses qu'on peut faire, qu'on fait d'ailleurs, qu'on suggère souvent quand le client n'y pense pas, si c'est avantageux pour lui.

M. Jolivet: Vous avez fait mention - et c'est ma question, M. le Président - dans le projet de loi, de la partie réglementaire à l'article 141. Comme nous, vous n'êtes pas sans savoir que le gouvernement actuel a proposé un amoindrissement, une déréglementation de l'ensemble et l'impression que nous laissent certains projets de loi en particulier - celui-ci et d'autres, j'ai eu l'occasion d'en discuter lors de l'étude du projet de loi sur les forêts, la loi 150, la loi 102, sur les terres du domaine public, les mines et autres - c'est qu'on semble faire disparaître la réglementation, mais, en réalité, on fait une super réglementation et, au bout de la course, c'est encore pire parce que c'est plus subtil, plus insidieux qu'une réglementation directe. J'ai remarqué que vous pesez sur cela en disant qu'on devrait diminuer la réglementation. Est-ce que vous avez des suggestions à faire à propos du projet qui est devant nous à savoir si certains règlements, devraient plutôt être des articles de la loi parce qu'ils ne sont pas soumis à l'étude et en commission parlementaire comme c'est le cas pour les projets de loi? Les projets de règlement ou le règlement lui-même après les étapes suivies, sont adoptés par décision du Conseil des ministres. Est-ce que vous avez quelques suggestions ou si simplement vous faites une observation générale?

M. Ferron: On n'a pas de suggestion comme telle, mais je vous ferais remarquer que vous venez de mentionner les nouvelles lois sur les forêts, et sur les mines. L'Association des banquiers a présenté des mémoires à l'occasion de l'étude de ces projets de loi. On en a aussi présenté un lors de l'étude sur la réforme du Code civil. C'est une remarque qui revient à peu près de façon générale. Dans certains cas, on a fait des suggestions précises. Là on n'en a pas, à moins que mes collègues n'en aient. C'est quand même assez étonnant de voir le nombre de règlements qu'on veut faire en vertu des lois actuelles. Il me semble qu'il y aurait quelque chose à faire pour essayer de diminuer considérablement la réglementation.

M. Jolivet: J'ai dit que c'était ma dernière question, mais j'en ai une toute petite dernière, M. le Président. On dit que tout emprunt fait par un agriculteur quel qu'il soit devra avoir reçu l'approbation de l'office avant que celui-ci puisse se présenter dans une institution prêteuse. Je vous donne l'exemple: Quelqu'un qui a besoin d'un tracteur, va-t-il - si je comprends bien la loi - devoir demander la permission à l'office avant d'aller vous voir et est-ce que cela vous complique la tâche, si c'est le cas?

M. Fortier (Florent): Non, pas du tout. D'ailleurs, c'est ce qu'on fait présentement. Il y a des modalités de prévues avec l'Office du crédit agricole. Jusqu'à un certain montant, il suffit tout simplement d'envoyer une formule une fois que le prêt est déboursé comme quoi c'est fait. Il n'y a pas de complication du tout sur cela.

M. Jolivet: Donc, selon les conditions actuelles, il n'y a pas de problème, mais s'il y avait d'autres conditions, là, ce serait peut-être un problème?

M. Fortier (Florent): On verra.

M. Jolivet: On verra.

M. Fortier (Florent): On verra.

Une voix: On verra la cuisine, comme on dit.

M. Jolivet: D'accord.

Le Président (M. Richard): M. le ministre, vous aviez un commentaire?

M. Pagé: Oui, très bref, M. le Président. Lorsque notre groupe politique s'est engagé à diminuer la réglementation, en ce faisant, il ne s'est pas engagé à enlever toute réglementation, auquel cas ce serait la jungle.

M. Jolivet: On est bien parti.

M. Pagé: Par contre, on ne crée pas une société d'État par semaine, chose qu'on a déjà vue dans ce Parlement.

M. Jolivet: Ça, ce n'est pas de la réglementation.

M. Pagé: Je me référerai au point suivant: l'ensemble de cette démarche implique qu'on passe de huit lois en une seule loi, une loi-cadre évidemment qui assure plus de souplesse. On ramène de 289 articles à 160 articles et le projet de règlement passe de 230 articles à 82 articles. C'est déjà un bon pas. Messieurs, merci.

Une voix: Ah qu'il est fin, un peu!

M. Pagé: Continuez à être nos partenaires.

M. Fortier (Florent): Un petit commentaire. Disons que cela fait longtemps qu'on travaille avec l'Office du crédit agricole. Indépendamment de ce qui a été dit au préalable, je pense qu'il devrait y avoir du renouveau dans cela. Je demanderais à l'Office du crédit agricole d'examiner la possibilité qu'il y ait beaucoup plus de concertation. Il y en a eu dans le passé. Là, je vois l'emprunteur qui fait une demande d'emprunt, le représentant de l'Office du crédit agricole va le visiter et il établit des conditions spéciales sur les modalités, sur les garanties et tout cela. Le dossier part du conseiller local; il s'en va au bureau régional, s'en va à Québec et cela revient par le certificat aux succursales. On s'aperçoit, à un moment donné, que telle garantie, on l'a déjà sur autre chose et cela retarde le dossier. Je sais que l'Office du crédit agricole essaie d'améliorer son efficacité et la vitesse pour attribuer les prêts. Je pense que... Je ne sais pas s'il y aurait une possibilité d'établir une politique pour qu'il y ait un moyen de concertation pour que, à chaque fois qu'il y a une demande d'emprunt via l'Office du crédit agricole, il y ait un contact avec le financier de l'individu pour...

Autre question de modalité: Vous savez que les intérêts on les charge, on essaie d'avoir des remboursements mensuels et non annuels. Les remboursements mensuels, c'est la meilleure façon parce qu'on sait au fur et à mesure quand cela va mal. Présentement, quand ça va mal on sait un mois après que le gars n'est pas capable de faire ses paiements, tandis que, si c'est un paiement annuel, cela prend un an avant de savoir que le gars est en difficulté. Souvent, il est trop tard parce qu'il a accumulé des dettes et, là, il a un paiement à faire de 50 000 $ et il n'est pas capable de le faire. Là, c'est peut-être plus difficile de faire un redressement d'entreprise. Si c'était sur une base mensuelle, après un mois on dit: Le gars a ses 3000 $, 4000 $, il n'a pas été capable de les payer. Qu'est-ce qui va mal? Cela nous met tout de suite la puce à l'oreille et on peut intervenir. C'est la collaboration dans ce sens que je souhaiterais avec l'Office du crédit agricole.

Une voix: Merci, monsieur, je note.

Le Président (M. Richard): Alors, grand merci d'avoir été là. Nous ajournons donc à 10 heures demain matin, même endroit.

(Fin de la séance à 19 heures)

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