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(Dix heures vingt minutes)
Le Président (M. Richard): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames et messieurs, si vous voulez prendre place, s'il vous
plaît: Je déclare la séance ouverte. Je rappelle la mandat
de la commission: Que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation procède à des consultations particulières
et tienne des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de
loi 46, Loi sur le financement agricole au Québec.
Comme il a été convenu, les remarques
préliminaires, pour un maximum de 30 minutes, seront d'abord faites par
M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et,
par la suite, toujours pour un maximum de 30 minutes, par M. le porte-parole
officiel de l'Opposition en matière agricole. Alors, M. le ministre,
vous avez la parole.
M. Pagé: Les présences?
Le Président (M. Richard): Pour ce qui est des
présences, M. le secrétaire, tout était conforme.
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement.
Dépôt du mémoire du
Mouvement
pour la survie des agriculteurs inc.
Le Président (M. Richard): M. le ministre s'interroge, M.
le porte-parole officiel de l'Opposition, à savoir si on accepte le
dépôt du mémoire immédiatement.
M. Jolivet: On peut le faire, M. le Président. Simplement
pour l'information des gens qui sont ici présents et qui ont
demandé d'être entendus, on s'était réunis, pour une
séance de travail, en commission de l'agriculture, des pêcheries
et de l'alimentation pour déterminer l'ensemble du temps dévolu.
Je sais que M. le ministre est engagé demain soir à
Montréal; on aurait voulu que le Mouvement pour la survie des
agriculteurs puisse être entendu demain soir, mais il semblerait que ce
soit impossible. Alors, on pourrait au moins faire une demande de
dépôt de ce document, afin que tous les membres de la commission
l'aient en leur possession immédiatement.
Le Président (M. Richard): Est-ce que vous êtes
d'accord, M. le ministre?
M. Pagé: M. le Président, je crois que c'est la
façon de faire la plus adéquate en de semblables circonstances,
étant donné que la commission parlementaire a
siégé, il y a quelques semaines, pour établir tout
l'échéancier, soit le temps dévolu à chacun des
groupes, et qu'à ce moment-là, le Mouvement pour la survie des
agriculteurs ne s'était pas inscrit dans les délais
prévus.
Malheureusement, il m'est impossible, tant ce soir que demain soir,
d'être disponible ou encore de prolonger les travaux. Cependant, je suis
persuadé que l'ensemble des parlementaires accepteraient, de bon
gré, que leur mémoire puisse être déposé, de
façon que l'on puisse prendre en considération les
recommandations qu'ils nous formulent.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre.
Donc...
M. Jolivet: Une question, M. le Président. Le Mouvement
pour la survie des agriculteurs inc. n'avait pas pu faire entendre sa voix
à l'époque parce qu'on était parti d'une liste qui nous
avait été fournie et sur laquelle on s'était entendus en
séance de travail, comme membres de la commission. Maintenant, c'est
après qu'ils ont fait valoir leur point de vue. Le problème que
nous avons, c'est une question de temps; il faudrait siéger encore
jeudi, mais, compte tenu des ententes que nous avions adoptées lors de
cette séance de travail, il devient impossible de le faire le lendemain
puisque tout le monde a d'autres engagements. Nous acceptons au moins que leurs
documents soient déposés pour que tous les membres de la
commission en prennent connaissance.
Le Président (M. Richard): Merci. Maintenant, donc, nous
recevons le document. Je demanderais que chacun des membres de la commission
reçoive une copie du document. M. le ministre, pour vos remarques
préliminaires.
Remarques préliminaires
M. Michel Pagé M. Pagé: Merci, M. le
Président. Je
suis particulièrement fier de me retrouver avec mes
collègues, aujourd'hui, ici. à l'Assemblée nationale du
Québec, à la suite du dépôt du projet de loi 46 qui
propose une réforme du régime québécois de
financement agricole. Cette occasion nous permet de venir nous rencontrer et de
discuter dans le cadre de ce véhicule important dans notre
système démocratique qu'est la commission parlementaire. Si cette
commission se tient entre la première et la deuxième lecture,
cela témoigne d'une volonté très claire de notre
gouvernement et du ministre de l'Agriculture de dialoguer au maximum avec les
intervenants. Je suis persuadé que cet exercice sera utile. Et pour les
représentations qui nous sont faites et les échanges de propos
que nous avons avec les collègues tant du côté de la
majorité que de l'Opposition, je dois vous indiquer, d'ores et
déjà, toute l'ouverture d'esprit qui peut m'animer dans le cadre
de l'étude de ce projet.
M. le Président, les agriculteurs et les agricultrices
québécois transigent depuis plus d'un demi-siècle avec
l'Office du crédit agricole qui célébrait, cette
année, son 50e anniversaire. Nul doute que la présente
réforme leur assurera un régime de financement susceptible de
correspondre davantage aux besoins actuels et futurs des agricultrices et des
agriculteurs du Québec. Dans une perspective de politique à long
terme, notre gouvernement entend procéder en quelque sorte à une
véritable cure de rajeunissement de l'Office du crédit agricole,
le tout en concordance avec l'importante opération de consultation qui,
il faut en convenir, a précédé le dépôt de ce
projet de loi.
Nous avons d'abord mis sur pied un comité de travail
composé d'une équipe de représentants de l'Office du
crédit agricole du Québec, de représentants de mon
ministère et de deux collègues de l'Assemblée nationale,
deux députés, en l'occurence Mme France Dionne,
députée de Kamouraska-Témiscouata, et M. Albert Houde,
député de Berthier, lesquels ont d'ailleurs une expérience
très intéressante non seulement comme parlementaires, mais aussi
dans leur vie professionnelle respective et, de plus, ils représentent
des comtés où l'agriculture est au premier plan de la
santé économique ou de la vitalité économique de
leur milieu. Ce comité s'est d'abord employé à examiner
les divers mémoires qui avaient été antérieurement
présentés. On sait que plusieurs représentations ont
été formulées auprès du ou des gouvernements depuis
cinq ou six ans. Il s'était d'ailleurs tenu une commission
parlementaire, etc., comme on le sait. On s'est donc employé, dis-je,
à examiner les différentes représentations qui ont
été faites au gouvernement du Québec et qui avaient
antérieurement été présentées en regard de
ce régime québécois de financement agricole afin de
préparer un premier document de réflexion dans le cadre d'une
consultation. Ce comité, ce groupe de travail, a effectivement
procédé, au cours de l'automne 1986, à une consultation
des principaux intervenants concernés par le financement agricole,
lesquels, d'ailleurs, ont tous été invités à venir
nous rencontrer à cette commission parlementaire.
Un rapport complet de cette consultation me fut remis par la suite pour
dégager les recommandations qui se retrouvent dans le projet de loi 46
et qui reproduisent, j'en suis persuadé, la très grande
majorité des préoccupations formulées par les
intervenants. Je considère que l'on présente ici les jalons d'une
politique qui amènera les intervenants concernés à
franchir, en notre compagnie, une autre étape vers l'excellence.
Plus qu'un simple projet de loi, la réforme ou la refonte du
régime québécois de financement agricole devrait nous
assurer, entre autres, une relève dynamique au sein d'un secteur qui ne
peut que s'enorgueillir que l'on mette l'accent sur l'un de ses plus importants
éléments: la jeunesse québécoise.
Ma préoccupation pour la relève s'est
concrétisée par l'un des premiers gestes que j'aie eu à
poser, au nom de mes collègues et au nom du gouvernement, en prenant la
charge du ministère. On se rappellera l'adoption, M. le
Président, de la loi 71 portant à 15 000 $, pour un individu, et
à 60 000 $, pour un groupe, la subvention à
l'établissement, tout en facilitant l'accès à cette mesure
à un groupe de personnes qui a tout notre respect et toute notre
appréciation: je fais référence aux agricultrices du
Québec.
Dans cette même foulée et pour inciter à une
meilleure préparation des gens, nous comptons maintenant proposer
l'octroi d'une contribution spéciale au paiment de
l'intérêt aux jeunes qui répondront à des
critères particuliers quant à leur formation professionnelle.
On se souviendra, M. le Président, qu'antérieurement, la
subvention à l'intérêt correspondant è 50 % du taux
d'intérêt supérieur à 4 % était universelle
pour tous les agriculteurs et toutes les agricultrices et, portait sur les
premiers 150 000 $, pour les individus, et 200 000 $, pour les groupes. Avec le
projet de loi 46, la subvention à l'intérêt s'appliquera
sur les premiers ZOO 000 $, quelle que soit la structure de l'exploitation.
Elle demeurera universelle et au même niveau pour les agriculteurs
déjà établis, mais sera largement bonifiée pour
celles et ceux qui s'établissent pour une première fois. Ainsi,
les jeunes ayant une expérience d'au moins deux ans ou encore un an
d'expérience avec deux ans de formation professionnelle se verront
attribuer, dès la
première année d'établissement, une subvention
à l'intérêt de 1 % supérieure à celle
consentie universellement. Bien plus, ceux possédant un diplôme
d'études collégiales bénéficieront, eux, d'un
rabais d'intérêt de 2 % supérieur à celui consenti
normalement aux entreprises en vitesse de croisière. Cette mesure,
permettant d'encourager de façon substantielle la formation lors de
l'établissement, sera régressive sur une période de cinq
ans, ce qui permettra aux jeunes agriculteurs de s'ajuster de façon
progressive aux taux normalement subventionnés.
Pour nous, M. le Président, il devenait tout à fait
impérieux de traduire sur papier la conjugaison de deux volontés.
La première: créer de véritables incitatifs pour que notre
jeunesse québécoise soit plus motivée pour aller se
chercher une formation en agriculture. Qu'on ait des propositions
concrètes et tangibles, incitant davantage ces jeunes à une
formation en milieu scolaire. Comme on le sait, comme il est universellement
reconnu, le jeune homme ou la jeune fille qui se convie à un tel
exercice de formation est placé dans une position plus forte pour
devenir rentable, efficace et mieux outillé pour faire face aux nombreux
défis qui concernent les agriculteurs et les agricultrices.
L'autre élément, l'autre volonté qui est ainsi
conjuguée, c'est une affirmation très claire de notre
gouvernement de tout faire, de faire le maximum de ce qu'on peut pour s'assurer
une relève en agriculture. Les contacts que j'ai eus avec les
agricultrices et les agriculteurs sur le terrain, notamment, en 1986, dans les
expositions agricoles que j'ai visitées, au cours de nombreuses
rencontres, d'activités qui impliquent des discussions avec les
agriculteurs et les agricultrices comme individus, j'ai très clairement
senti que la principale préoccupation du milieu agricole, c'est la
relève en agriculture. C'est pourquoi, par le projet de loi et plus
particulièrement par la réglementation, des mesures bien
spécifiques sont proposées pour accorder plus d'encouragement et
pour que, en fin de compte, on ait davantage de jeunes qui prennent la
relève en agriculture.
Concrètement, cela signifiera qu'un jeune agriculteur ou une
jeune agricultrice qui possède un DEC recevra en moyenne 26 000 $ sur
cinq ans en subventions d'intérêt. Quant à celui ou celle
qui ne possède que deux ans d'expérience ou un an avec formation,
il recevra 21 000 $, soit respectivement près de 11 000 $ et 6000 $ de
plus qu'un agriculteur déjà établi. Bien entendu, il faut
lire cette proposition avec une autre qu'il faut ajouter à ces aides,
soit la subvention en capital de 15 000 $ consentie dans le cadre de la loi sur
la mise en valeur et aussi, évidemment, le fait que la partie de
prêts subventionnés est augmentée de 150 000 $ à 200
000 $. Ainsi, l'aide totale accordée à la relève pourra
donc atteindre plus de 40 000 $ pour une personne seule, 65 000 $ pour un
couple et près de 100 000 $ pour une exploitation de groupe. Nous
croyons, M. le Président, que c'est là un exemple concret de la
volonté très claire de soutien que le gouvernement entend offrir
à notre jeunesse.
De plus, d'autres mesures favorisant cette relève permettront
également aux agricultrices de profiter d'une aide à
l'établissement qui sera certainement plus substantielle si on
considère l'introduction et la révision de nouveaux concepts
inhérents à cette loi et sur lesquels, d'ailleurs, j'aurai
l'occasion de revenir. Qu'il me suffise de mentionner la révision du
concept d'aspirant agriculteur permettant de toucher les subventions à
l'établissement dès la première année, ce qui
favorisera une lancée plus solide pour un grand nombre de jeunes.
En outre, le nouveau concept d'une ferme tributaire, d'une ferme
d'encadrement permettra d'obtenir un prêt, même si les demandeurs
ne possèdent pas toute la machinerie ou tous les investissements requis.
Je crois très sincèrement, M. le Président, que cette
disposition nous permettra de voir, d'ici à quelques années, un
mouvement très particulier, à savoir l'achat de plus en plus
fréquent de fermes d'encadrement ou tributaires, l'achat de terres par
celles qui ont contribué de façon significative à
bâtir l'agriculture d'aujourd'hui et qui y contribuent encore
quotidiennement, soit les agricultrices. Cette disposition vise
particulièrement et spécifiquement à favoriser davantage
l'accès à la propriété des agricultrices du
Québec.
Finalement, l'accréditation du vendeur comme prêteur
autorisé constitue une bonne surprise pour le monde agricole puisqu'elle
permet d'ouvrir davantage les possibilités de financement et
d'établissement, tout en assurant une continuité de la ferme
familiale au Québec. Souventefois, au cours de ces échanges ou de
ces rencontres avec les agricultrices et les agriculteurs, j'ai
rencontré des parents, des couples qui ont bâti une entreprise,
qui ont souvent commencé de façon très modeste et qui se
retrouvent, aujourd'hui, à la tête d'une entreprise bien
solidement implantée, bien développée, avec un quota
laitier important, un cheptel laitier de qualité, une superficie de
terre appréciable, bien drainée, avec de bons équipements,
etc. Les parents me disaient: Vous savez, nous sommes placés devant une
dualité, devant un problème majeur: Est-ce qu'on doit vendre
notre entreprise à un voisin, à une autre ferme dans, une
perspective de consolidation et obtenir le juste prix pour notre entreprise ou
doit-on vendre à notre fils ou à notre fille,
auquel cas on doit nécessairement diminuer le prix de vente et
ainsi couper de peut-être 40 % ou 50 % dans ce qu'on a gagné comme
régime de retraite?
Ces mêmes parents sont souvent placés devant une
dualité à l'intérieur de la famille. Sommes-nous, par
exemple, légitimés de vendre à 150 000 $ une ferme qui
vaut 300 000 $ à notre fils ou à notre fille, alors qu'on a
d'autres enfants qui étudient à l'université ou au niveau
collégial et qui voudraient, évidemment, profiter de ces acquis
familiaux que constitue notre entreprise, à savoir ce qu'on a
gagné. Or, par cette disposition... je vous donne un exemple concret, si
la ferme est vendue 350 000 $, un prêt pourra être octroyé
par l'Office du crédit agricole du Québec et le solde du prix de
vente pourra être garanti aux parents, au vendeur, par l'Office du
crédit agricole du Québec. J'ai eu l'occasion de parler avec de
nombreuses personnes depuis le dépôt du projet de loi et je dois
vous dire que cette mesure va pleinement non seulement dans le sens des
intérêts et des représentations, mais elle va aussi pallier
des inquiétudes très palpables qu'on sentait sur le terrain.
L'accréditation du vendeur comme prêteur autorisé
nous permettra d'assurer davantage une continuité pour ne pas dire un
renforcement du concept de la ferme familiale au Québec.
Outre la grande place offerte aux jeunes et aux agricultrices, le projet
de loi 46 contient les mesures suivantes: l'augmentation à 800 000 $ du
montant global de crédit à long, à moyen et à court
termes que peut obtenir un emprunteur tout en demeurant dans le giron de la
ferme familiale ou de type familial, qu'il s'agisse d'une exploitation de
groupe ou d'un individu; l'autorisation d'une ouverture de crédit
jusqu'à concurrence d'un maximum de 200 000 $ pour une durée de
cinq ans avec révision périodique au cours de cette
période; la mise en place de modes de versement plus souples, soit
mensuels, trimestriels, semi-annuels ou annuels, selon le type de production et
la capacité de payer des emprunteurs - là aussi, c'est un aspect
qu'on peut peut-être qualifier de technique, mais qui est quand
même important et qui a fait l'objet de représentations de la part
des intervenants - l'élargissement des conditions d'admissibilité
au programme, notamment pour l'acceptation des demandes des éleveurs de
chevaux de course, des producteurs en culture hydroponique, et même des
prêts à long terme pour des producteurs d'animaux à
fourrure.
Dans ce projet de loi, on retrouve aussi la possibilité d'un
accord pour consentir des prêts aux Indiens installés sur des
réserves qui s'adonnent à l'agriculture, avec la garantie du
ministre délégué aux Affaires autochtones, à
défaut, par ces derniers, d'offrir une garantie hypothécaire.
Comme on le sait, on avait un problème de droit et de fait très
important, car les terrains où vivent nos amis les Indiens appartiennent
à la réserve et ne sont pas la propriété propre des
individus qui y pratiquent l'agriculture. Il devenait impossible de faire un
prêt par l'Office du crédit agricole, compte tenu de
l'impossibilité de réaliser notre créance au cas où
l'entreprise cesserait ses activités. Or, avec ces dispositions, la
garantie nous étant formulée par le ministre responsable, nous
pourrons, à compter de l'adoption du projet de loi, régler un
certain nombre de problèmes qui étaient sous-jacents à
cette situation de droit.
Le projet de loi prévoit de plus une augmentation de cinq
à sept du nombre des membres de l'office, pour y adjoindre deux membres
de la profession agricole sur une base de temps partiel. En plus d'une mesure
d'exception favorisant les producteurs en serre situés en zone blanche,
un comité de révision des décisions de l'office sera mis
en place; c'était là aussi une requête formulée
depuis déjà un bon moment. Composé d'un maximum de six
membres possédant un compétence pratique en agriculture ou des
connaissances en matière de financement agricole, ce comité aura
comme rôle principal le réexamen des dossiers des
requérants ou des requérantes qui, après la date de
l'entrée en vigueur de la loi, essuieraient un refus ou verraient une
décision non conforme à leur requête ou à leur
demande ou à leur souhait, un refus exprimé à la suite
d'une demande de prêt ou de subvention par l'Office du crédit
agricole.
Ce comité serait également appelé à revoir
les dossiers des emprunteurs en défaut dans les cas d'une
décision rendue par l'office ayant notamment pour objet d'autoriser la
réalisation des garanties du prêteur ou de refuser d'autoriser une
consolidation des dettes ou le renouvellement ou l'augmentation d'une ouverture
de crédit à la production.
Étant donné que le nombre de prêts continuera de
subsister dans le cadre des lois actuelles jusqu'à leur expiration,
à moins qu'une transposition n'en soit faite dans le nouveau
régime, nous suggérons de prévoir la possibilité de
mettre au point une formule pouvant permettre d'identifier les avantages
détenus par les emprunteurs dans le régime actuel, de les mesurer
de façon à pouvoir les transposer dans le nouveau régime,
dans le but de mettre fin, dans les meilleurs délais, au régime
actuel et, ce faisant, de faciliter le fonctionnement du nouveau régime
et de réduire les coûts administratifs.
Signalons que l'énumération ci-dessus ne constitue pas une
liste exhaustive et limitative des dispositions apportées dans la
présente refonte des lois du crédit agricole,
mais simplement les principaux éléments vus dans le cadre
général de la révision proposée.
Avant de terminer, M. le Président, vous me permettrez de
résumer les principaux avantages qu'entraînera l'adoption du
projet de loi 46. Ce projet de loi devrait rendre notre régime
québécois de financement agricole encore plus souple et plus
fonctionnel, tout en lui assurant une plus grande cohérence et un suivi
des prêts mieux structurés. Il établira une
uniformité entre un bon nombre de dispositions concernant les
mêmes objets qui se retrouvent notamment dans les diverses lois
actuelles.
Le projet de loi réduit à une seule la liste des
définitions que l'on retrouve dans chacune des lois actuellement. Ce
projet de loi permettra d'adopter une seule série de formules
polyvalentes pour divers types de crédits afin de remplacer les
nombreuses formules en annexes à certains règlements
d'application des lois qui ont cours actuellement.
Le projet de loi nous permettra aussi d'en arriver à
l'unification des politiques de prêt et des procédures. Le projet
de loi, avec son règlement refondu, constituera un document unique de
travail, de consultation et de référence pour tous les
intervenants dans les dossiers de prêt. Ce projet de loi favorisera en
somme une codification de toute la législation relative au crédit
agricole québécois.
La refonte des lois de financement agricole favorisera au surplus
l'uniformisation du processus de traitement des dossiers ainsi qu'une plus
grande personnalisation de ces derniers au regard de la clientèle,
l'entité la plus importante finalement dans l'ensemble de cette
démarche. Cette refonte, on en parle depuis quelques années, pour
ne pas dire depuis plusieurs années, c'est évidemment avec
beaucoup de fierté que je vous en ai livré, aujourd'hui, les
principaux passages. Cette refonte est nécessaire lorsque l'on constate
le rôle primordial de l'Office du crédit agricole du Québec
dans le développement de notre agriculture. Qu'il suffise de rappeler
l'encours de 1 700 000 000 $ actuellement à l'Office du crédit
agricole du Québec.
De nombreux autre éléments de portée plus technique
pourraient être énumérés tant le présent
projet renferme d'éléments positifs. Il importe cependant de
rappeler que ce projet se présente une réforme majeure du
système actuel de crédit agricole permettant d'asseoir et
d'édicter les principes de base d'une véritable politique
à long terme. Notre but est d'accroître la rentabilité des
exploitations agricoles. Nul doute que le projet de loi soumis à la
présente commission est un pas important dans l'atteinte de nos
objectifs en plus, évidemment, des autres leviers mis à notre
disposition pour favoriser un développement encore plus fort et plus
dynamique de l'agriculture québécoise. (10 h 45)
Je puis donc, d'ores et déjà, M. le Président, vous
assurer que, avec ce projet de loi, le Québec sera doté d'un
régime de financement agricole complet, articulé et fonctionnel
comme il n'en existe pas beaucoup au Canada. Sur cela, je pense que tous les
observateurs sont unanimes non seulement à le constater, mais à
le dire. Ce projet de loi sur notre régime de financement est
certainement sujet, nous l'espérons, à donner des petits et
à se traduire par des gestes inspirés par les législations
dans les autres provinces.
En terminant, je vais vous indiquer que c'est avec beaucoup d'ouverture
d'esprit que nous entendrons nos distingués intervenants, aujourd'hui et
demain. Je m'en voudrais, avant de terminer, de ne pas réitérer
tous mes remerciements et mon appréciation comme ministre à
l'égard de celles et ceux qui ont travaillé à la
préparation de ce projet de loi. Je fais références,
évidemment, à l'équipe de travail qui a été
mise sur pied en 1986; je fais aussi référence à la
disponibilité très grande qui m'a été offerte par
les professionnels de l'Office du crédit agricole et de son
président, M. Camille Moreau; je fais aussi référence aux
membres de l'Assemblée nationale qui ont suivi de très
près ce dossier, qui ont siégé, étudié,
analysé et consulté le caucus des députés et les
intervenants de l'extérieur. M. le Président, je vous
remercie.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. M. le
porte-parole de l'Opposition, vous avez jusqu'à un maximum de trente
minutes pour vous exprimer.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que
j'entreprends le travail qui nous a été dévolu par
l'Assemblée nationale, à savoir d'entendre les commentaires de
différents intervenants concernés par la refonte ou la
réforme; je ne sais pas comment l'employer, souvent le ministre a
bifurqué en disant: "C'est une refonte, c'est une réforme". C'est
un peu l'ambiguïté...
M. Pagé: ...réforme.
M. Jolivet: M. le Président, je ne voudrais pas être
dérangé par le ministre. J'ai le droit d'émettre des
opinions, dans le sens où vraiment son ambiguïté est
conforme à ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant quant à
l'ensemble des discussions sur le libre-échange, incluant la question de
l'agriculture.
Je dois dire que c'est une refonte du système
québécois de financement agricole qui nous est proposée
par le projet de loi, mais qui va être analysée aussi un peu en
regard du choc de ces jours derniers et qui nous a amenés à nous
poser de sérieuses questions sur ceci: À quoi cela sert de faire
une étude complète sur le financement agricole si on ne
connaît pas ce que sera l'agriculture au Québec, ni ce que sera
l'ensemble du monde agricole au Québec, dans les prochaines
années?
J'ai eu l'occasion, moi aussi, dans les dernières semaines, de
rencontrer plusieurs groupes organisés, plusieurs personnes
individuellement. Ils m'ont parlé des problèmes de la
relève agricole, des problèmes dans la définition de ce
qu'on entend au Québec, eu égard au fait qu'on parle toujours de
la ferme familiale, de la ferme telle qu'on la connaît aujourd'hui, mais
en tenant compte, que, dans tout cela, il y a des choses sur lesquelles on n'a
pas encore saisi la pensée du ministre, comme la société
en commandite, qui fait peur dans le milieu agricole. Cela nous amène
à dire que le libre-échange, tel que présenté
actuellement, fait prévoir qu'une brèche intervenue à
l'intérieur de l'ensemble agricole, peut avoir des suites majeures au
Québec.
J'ai aussi relevé un paradoxe que j'aimerais faire observer aux
membres de la commission et à ceux qui vont nous présenter des
mémoires dans les jours qui viennent, en ce sens que, ce matin, on est
appelés à discuter de financement agricole, de la relève
agricole, de l'entreprise familiale, alors même que l'avenir de notre
agriculture est en train de se jouer à un palier plus important encore
et à un palier supérieur, où le ministre semble être
absent. On entend le ministre, en commission parlementaire sur le
libre-échange et on s'aperçoit, aujourd'hui, que ce qu'il nous
disait à l'époque et ce qu'il nous dit aujourd'hui n'a
peut-être pas les mêmes valeurs comme il semblait vouloir nous le
faire comprendre.
Je suis un peu inquiet, je dois dire, à titre de porte-parole de
l'Opposition en agriculture, de l'impact négatif, pour l'avenir de notre
agriculture, de l'accord sur le libre-échange qui est intervenu dans la
nuit de samedi dernier, à Washington, entre le gouvernement canadien et
le gouvernement américain, où il semble que le Québec soit
absent dans ces discussions.
Il semble que l'accord aura pour effet de mettre fin au système
actuel de contingentement dans les secteurs des oeufs et de la volaille. Je dis
"il me semble" parce qu'il y a des documents qui, actuellement, font partie
d'un texte intégral paru dans les journaux. Quand nous avons
préparé notre texte - c'était hier - on avait des
discussions à partir de textes qui, comme dans d'autres dossiers au
Québec, que ce soit sur l'ensemble du libre-échange ou
l'intervention ayant trait à l'accord constitutionnel du lac Meech, sont
des communiqués à partir desquels nous devons travailler.
Donc, il me semble qu'un tel accord aura des effets dramatiques pour les
producteurs et les productrices d'oeufs et de volaille. L'accord prévoit
aussi un accès élargi au marché canadien pour les produits
agricoles américains. Le Canada a aussi renoncé aux tarifs sur
les produits agricoles américains. On nous dit que,
parallèlement, les deux gouvernements travailleront à la mise au
point d'un nouveau régime permettant de régler les
problèmes de dumping et de subventionnement qui devra entrer en vigueur
à la fin de la septième année. La question qu'on peut se
poser est: Est-ce qu'effectivement l'agriculture se trouve dans ces choses
telles que décrites dans un document paru dans les journaux
d'aujourd'hui?
Je tiens a rappeler a M. le ministre, les propos qu'il a tenus lors de
la commission parlementaire sur le libre-échange, lesquels propos
visaient à rassurer les milieux agricoles en ce sens que notre
système agricole ne saurait être mis en question par un
éventuel traité de libre-échange. Je n'ai pas le droit de
mettre en doute la bonne foi du ministre. Je serais tenté de le faire,
mais il me semble qu'il est lui-même dépassé par les
événements. Ce qu'on attend de lui et ce que le monde agricole
attend de lui, c'est que, en tant que ministre québécois de
l'Agriculture, il donne l'heure juste aux agricultrices et aux agriculteurs
d'ici quelques jours sur l'impact de l'accord sur l'avenir de l'agriculture au
Québec.
Ce n'est peut-être pas la place la plus appropriée pour en
parler, on a eu l'occasion de le faire, mais de textes que nous n'avions
même pas et que les députés de l'autre côté
n'avaient même pas sur l'ensemble du libre-échange, je dois vous
dire qu'on ne peut pas faire la dichotomie entre ce qui s'est passé et
ce qui est en train de se discuter aujourd'hui, c'est-à-dire l'impact
qu'aura un tel accord sur les politiques agricoles du gouvernement
québécois, qui, à notre avis, n'a pas accordé le
statut spécial ou un statut ayant pour but de protéger
l'agriculture tel que vous vous y étiez engagé comme ministre
responsable de l'agriculture.
De la question du financement agricole dont nous aurons l'occasion de
discuter à fond la teneur au cours des prochains jours, qu'il me soit
permis d'en parler comme un enjeu majeur pour le monde agricole
québécois. Personne ne saurait prétendre, en ce moment,
remettre en question l'intervention de l'État québécois en
matière
de financement agricole comme un élément essentiel de
toute véritable politique d'ensemble en agriculture. On pourra
peut-être essayer de regarder ce qui pourrait arriver comme j'ai eu,
l'occasion de l'entendre dire, mais toujours à partir d'une
hypothèse majeure où on disait: Si chaque agriculteur
était sûr d'avoir le coût de production incluant un salaire
convenable et le coût des assurances à l'intérieur de ce
coût de production, peut-être qu'on n'aurait pas besoin de ce
système d'aide. Mais, dans le contexte actuel, on n'a pas le choix. Les
gens disent: 11 faut le bonifier parce qu'effectivement, c'est à partir
de cela qu'on va donner une importance à l'agriculture au
Québec.
L'importance du financement agricole découle directement de
l'évolution de notre système agricole caractérisé
depuis plus de cinquante ans par un accroissement constant de la
productivité de nos entreprises agricoles. Cette productivité
sans cesse croissante est le produit de l'avancement de nos connaissances sur
les techniques d'exploitation et de gestion de l'entreprise agricole par le
biais, bien entendu, de la recherche, mais aussi par la présence
importante d'une machinerie faisant l'objet de mises au point augmentant sans
cesse son efficacité.
Cela nous amène à dire que, pour nourrir le Québec,
nous avons recours, aujourd'hui, à un nombre moins élevé
de producteurs qu'il y a 25 ans pour assumer cette tâche. L'accroissement
de la productivité a aussi pour conséquence de favoriser une
concentration de plus en plus grande de la propriété de nos
entreprises agricoles, où l'on cultive sur des terres plus grandes avec
des rendements que l'on ne pouvait imaginer il y a 50 ans. L'accroissement de
la productivité et la concentration de la propriété de nos
entreprises ont fait augmenter considérablement le coût d'une
entreprise agricole et, en conséquence, les risques financiers pour
celui ou celle qui choisit de devenir, voire, dans certains cas -on a eu
l'occasion de le voir aussi - de demeurer producteur ou productrice agricole.
On sait que la valeur moyenne d'une ferme au Québec s'établit
à plus de quelque 300 000 $ et peut-être 350 000 $. L'importance
d'un tel investissement oblige le producteur ou la productrice à
recourir nécessairement au crédit. L'État
québécois, à ce moment-là, assume un rôle
essentiel en matière de financement agricole par l'intermédiaire
de l'Office du crédit agricole qui, on s'en souviendra, a
célébré l'an dernier ses 50 ans d'existence. L'office qui
a compensé le désengagement du gouvernement fédéral
continuera, j'en suis assuré, de jouer ce rôle en vertu du projet
de loi 46.
Le financement agricole permet à l'État d'intervenir pour
accentuer le développement de productions particulières, pour
favoriser le transfert des fermes par l'émergence d'une relève
agricole et pour préserver les entreprises lors de crises qui affectent
nos producteurs et nos productrices. Je pense ici, particulièrement, aux
effets dramatiques de la flambée des taux d'intérêt lors de
la récession économique du début des années
quatre-vingt.
J'ai eu l'occasion de rencontrer des jeunes aux études
actuellement, au collège Macdonald. Ils m'ont fait mention des
problèmes qu'ils avaient, eux, d'entrer dans le circuit et j'ai
rencontré, par ailleurs, d'autres personnes à Saint-Hyacinthe qui
se trouvent dans le circuit et qui m'ont parlé des difficultés
qu'elles avaient à y demeurer.
L'État québécois doit mettre en place des
programmes d'aide financière qui répondent aux besoins de nos
producteurs et productrices, qui veulent consolider et développer leurs
entreprises, en accordant une attention particulière aux jeunes qui
veulent s'établir. Le ministre en a fait mention longuement. On aura
l'occasion, par les questions que nous poserons aux groupes de la
relève, de voir si vraiment ce que le ministre dit et ce qu'ils pensent,
c'est la réalité quotidienne que l'on vit aujourd'hui.
Le gouvernement du Parti québécois a reconnu l'importance
du financement agricole pour la relève ainsi que pour la consolidation
et l'expansion de nos entreprises agricoles par la mise en oeuvre de mesures
concrètes, et j'en nomme quelques-unes: l'adoption, en juin 1982, de la
Loi favorisant l'établissement de jeunes agriculteurs, l'augmentation
à 500 000 $ du seuil maximum du prêt ou de l'ouverture des
crédits pour un producteur de céréales ou de bovins
d'engraissement, en mai 1983, l'augmentation de 100 000 $ à 200 000 $ du
montant maximum du prêt à moyen terme consenti en vertu de la Loi
favorisant l'amélioration des fermes et l'adoption de mesures fiscales
facilitant le transfert des biens agricoles entre
générations.
Comme je le mentionnais précédemment, il faut que
l'État vienne en aide particulièrement aux jeunes qui
désirent s'établir en agriculture, compte tenu des énormes
coûts financiers auxquels ils doivent s'astreindre en consacrant, en
moyenne, plus de 20 % de leur budget au remboursement de leurs frais
hypothécaires.
Au-delà des coûts à l'établissement, les
jeunes agriculteurs sont confrontés à une gestion de plus en plus
complexe d'une entreprise qui leur demande d'être un peu à la fois
comptables, agronomes, mécaniciens et, dans certaines circonstances,
vétérinaires. D'où l'importance d'une formation agricole
afin que le jeune agriculteur ou la jeune agricultrice puisse faire fructifier
l'investissement et relever le défi considérable que
représente l'achat d'une
entreprise agricole sur une base individuelle ou dans le cadre d'une
exploitation de groupe.
La réflexion soulevée à cet égard par le
mémoire de la Fédération de la relève agricole du
Québec est fort pertinente. Il existe, actuellement, des
problèmes importants pour ce qui est de la formation de jeunes
agriculteurs et de la capacité des outils dont nous disposons pour
former ces jeunes.
Nous reconnaissons que la bonification de l'aide à
l'établissement liée à la formation du jeune agriculteur
prévue par le projet de loi est une mesure positive. Cependant, elle ne
saurait régler à elle seule le problème de la diminution
importante du nombre d'étudiants inscrits en formation agricole
collégiale, diminution qui est observée depuis deux ans et que
les jeunes du collège Macdonald m'ont démontrée avec des
chiffres pertinents.
Au-delà de l'aide financière à
l'établissement, le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation doit accorder une attention
particulière à toute la problématique de la formation
agricole. J'entends d'ailleurs proposer sous peu, aux membres de la commission
parlementaire de l'agriculture, un mandat d'initiative pour étudier en
profondeur toute cette question des difficultés du réseau de
formation agricole à répondre aux attentes des jeunes.
Cependant, cette préoccupation ne doit en aucune façon se
limiter seulement aux jeunes. Il faut aussi se pencher sur les moyens à
mettre en oeuvre pour doter le Québec d'une véritable politique
de formation continue de nos producteurs et productrices agricoles de
façon à ce qu'ils soient le plus possible à la fine pointe
de l'information dans leurs secteurs de production respectifs.
L'éducation aux adultes, les bulletins d'information des associations de
producteurs sont quelques-uns de ces moyens. Il faut s'interroger sur les
moyens à mettre en oeuvre pour accroître l'action actuelle de ces
outils et évaluer aussi la possibilité de mettre en oeuvre de
nouveaux outils supplémentaires à la disposition de nos
producteurs et productrices.
Ici, je dois vous dire qu'effectivement, j'ai eu l'occasion de discuter
avec des gens de Sainte-Hyacinthe et d'ailleurs au Québec des
problèmes qu'ils ont pour trouver une relève agricole pour les
besoins des maraîchers ou des gens qui sont dans la production horticole
ou autre et, dans ce contexte, de la capacité qu'on a, au Québec,
de se doter d'une politique permettant une main-d'oeuvre de plus en plus
qualifiée. Dans ce contexte, il faut prévoir la formation qui
s'impose. (11 heures)
Le projet de loi 46 sur le financement agricole reprend à son
compte quelques-unes des recommandations qui ont été
formulées dans le rapport de la commission parlementaire de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation à la suite d'une
consultation générale qui a eu lieu au printemps 1985 sur les
aspects de la relève, du financement et de l'endettement agricole au
Québec. Mis à part quelques changements, le projet de loi 46 se
résume essentiellement à la refonte du cadre législatif
actuel du financement agricole. Il vise en effet à remplacer les huit
lois actuelles et leur règlement respectif par une seule loi et un seul
règlement afin d'uniformiser, de simplifier et d'accélérer
le processus de traitements des dossiers à l'office.
Il faut dire que l'Opposition souscrit à cette refonte et
à ces objectifs. Cependant, il faudra s'assurer, sur le terrain, que
l'office atteigne ses objectifs dans sa gestion au jour le jour. Je fais
allusion à d'autres choses qui se sont passées et pour lesquelles
les agriculteurs et les agricultrices du Québec ont dit qu'en principe
tout le monde était d'accord sur la refonte des programmes, mais que,
dans le quotidien, il y a des problèmes majeurs. Le ministre en est
conscient. On a eu l'occasion d'en parler lors de la commission parlementaire
sur les engagements financiers, alors qu'on disait que la proposition du
ministre de réduire les programmes n'a pas porté fruit sur le
plan local quant à la capacité pour les gens de
bénéficier du programme - critères trop restrictifs
d'engagement - et, deuxièmement, quant aux montants dévolus par
rapport à ce qui était dans le passé. Nous posons la
même problématique: Oui, quant au principe; cependant, on devra
être vigilant quant aux modalités d'application.
Parmi les éléments positifs du projet de loi 46, il faut
cependant noter l'accréditation du vendeur comme prêteur,
facilitant ainsi le transfert de l'entreprise entre générations,
l'augmentation du seuil maximal des prêts à 800 000 $, peu importe
la structure d'entreprise - j'ouvre une parenthèse, peut-être que
le ministre aura l'occasion de nous dire ce qu'il entend faire avec les
sociétés en commandite - la bonification de l'aide à
l'établissement liée à la formation du jeune agriculteur
sur les premiers 200 000 $, à savoir 50 % du taux de
l'intérêt supérieur à 2 % pour celui
possédant une expérience d'au moins deux ans ou un an
d'expérience avec deux années de formation.
L'Opposition a cependant un certain nombre de commentaires, de
réserves et de critiques par rapport au projet de loi 46. À la
lecture de la liste des éléments visés par le pouvoir de
réglementation de l'article 141 du projet de loi, force nous est de
constater que la refonte du cadre législatif et réglementaire du
crédit agricole n'aura pas permis une cure d'amincissement du pouvoir de
réglementation du ministre de la part d'un
gouvernement qui, de son côté, prétend afficher un
parti pris favorable aux vertus de la déréglementation. C'est un
danger dont on a parlé concernant d'autres lois. J'ai eu l'occasion de
participer à l'étude de la Loi sur les forêts, de la Loi
sur les terres du domaine public, et je dois vous dire que c'est la même
présentation, on semble faire disparaître la
réglementation, mais on se donne une superréglementation comme
celle qu'on connaît actuellement.
Nous y voyons donc une contradiction entre la simplification et la
rationalisation du régime proposé par le projet de loi et la
liste impressionnante des pouvoirs réglementaires que le ministre se
donne à l'article 141. À mon avis, le ministre aurait
peut-être eu intérêt à s'entretenir avec M. Reed
Scowen, qui a publié un volumineux rapport sur cette question avant son
départ pour Londres, à titre de délégué
général du Québec. Peut-être qu'il aurait eu
intérêt à le faire.
Dans le même ordre d'idées, le débat sur le projet
de loi 46 aurait été facilité si le projet de
règlement avait été mis à la disposition des
intervenants dans les jours suivant le dépôt à
l'Assemblée nationale et non pas, comme on l'a vécu, tout
dernièrement seulement. À ce moment-là, les travaux de la
commission n'en auraient été que plus efficaces.
L'Opposition dénonce la perte de la subvention à
l'intérêt prévue par l'actuelle Loi favorisant
l'amélioration des fermes sur les prêts à moyen terme.
Cette décision marque un recul que nous jugeons important quant à
l'aide financière que l'État québécois donne en
matière de crédit agricole. Nous craignons que la hausse du seuil
maximal de prêt à 800 000 $ prévue par le projet de loi
à l'article 19 ne favorise, sans encadrement je dis bien sans
encadrement - le développement de la grosse entreprise agricole au
détriment de la ferme familiale et ce, à moyen et à long
termes.
Le projet de loi 46 propose de hausser de cinq à sept le nombre
de membres de l'office. À cet égard, cependant, rien n'est
prévu dans le projet de loi pour donner suite aux intentions du
ministre, comme il l'a dit, de nommer à ces deux postes des
représentants du monde agricole. Si le ministre est de bonne foi, ce
dont je ne doute pas, il devra prévoir un amendement à l'article
99 pour spécifier que deux des membres de l'office doivent être
des agriculteurs. De plus, il me semble que ce choix devrait être fait en
consultation avec l'Union des producteurs agricoles du Québec. Nous
sommes inquiets que rien ne soit prévu à l'article 99 pour fixer
la durée du mandat des membres de l'office. J'espère que ce n'est
pas à vie.
Le projet de loi crée, en vertu des articles 117 à 122, un
comité de réexamen permettant à tout requérant de
contester une décision de l'office relativement au refus d'une demande
pour un prêt, une ouverture de crédit, un prêt
spécial, une subvention ou une prise en charge d'intérêts.
Ce comité de réexamen composé d'au plus six membres est un
organisme consultatif qui ne répond que partiellement aux attentes des
agriculteurs et agricultrices. Nous nous demandons si la mise en place d'un
comité de révision d'appel, au sein même de l'office, ne
pourrait pas se révéler plus efficace qu'un comité de
réexamen n'ayant qu'un pouvoir moral. Ce comité de
révision, composé de trois membres de l'office dont le
président et l'un des deux représentants des agriculteurs,
excluant le régisseur ayant pris la décision, examinerait, sur
demande de l'intéressé, le dossier de l'agriculteur ou de
l'agricultrice s'estimant lésé par une décision de
l'office en la personne du régisseur concerné. Nous proposons de
plus que le mandat de ce comité soit élargi aux agriculteurs en
difficultés financières. Il s'agit, il me semble, d'une
réflexion concernant le comité de réexamen que nous
désirons soumettre au ministre afin de satisfaire aux attentes à
l'égard d'un mécanisme de révision qui s'apparente un peu
à celui de la Commission de protection du territoire agricole.
Dans le même ordre d'idées, l'Opposition s'interroge
sérieusement sur l'absence de balises dans le projet de loi comme dans
le projet de règlement encadrant le processus de décision et le
mode de fonctionnement de l'office. Le pouvoir du président de
déléguer à peu près n'importe quelle
responsabilité à tout employé de l'office en vertu des
dispositions de l'article 115 nous paraît trop vague et très
ambigu. Nous souhaiterions que le processus de décision, le partage des
responsabilités et le mode de fonctionnement de l'office soient
établis de façon plus précise et détaillée
dans le chapitre 3 du projet de loi précisant les pouvoirs et les
fonctions de l'office.
Nous sommes déçus, à la lecture du projet de loi,
de l'absence de mesures concernant les agriculteurs en difficultés
financières. Nous regrettons aussi, hormis l'accréditation du
vendeur comme prêteur, l'absence de mesures favorisant le transfert
graduel des fermes entre générations. L'Opposition s'oppose
à ce que le prix à payer pour les bonifications apportées
par le projet de loi et, en particulier, les mesures d'aide à
l'établissement de jeunes agriculteurs soit la hausse des contributions
des producteurs au fonds d'assurance-prêts agricoles et forestiers. Dans
les faits, ces hausses de contributions prévues par le projet de loi 49
viendront annuler en large partie les bonifications apportées par le
projet de loi 46 concernant l'établissement des jeunes agriculteurs
possédant de l'expérience et une formation agricole
appropriée.
En terminant, j'aborde avec beaucoup d'intérêt ces travaux
de la commission parlementaire sachant qu'ils vont nous permettre, aujourd'hui
et demain, d'entendre les gens qui sont les plus concernés, ceux qui
composent quotidiennement, sur le terrain, avec l'action de l'Office du
crédit agricole. Ces travaux permettront à ces organismes de
formuler au ministre et aux membres de la commission des commentaires
pertinents sur les mesures susceptibles de bonifier le projet de loi 46 qui se
traduit, pour l'essentiel, par une refonte du cadre législatif actuel du
financement agricole en un seul texte de loi et un seul texte
réglementaire. J'aurai l'occasion, M. le Président, de poser des
questions afin d'obtenir le meilleur éclairage possible de la part des
gens qui viendront en commission parlementaire. Comme le but de la commission
est d'entendre ces gens, nous sommes disposés à les entendre
dès maintenant.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le porte-parole de
l'Opposition. Je demande donc aux représentants de l'UPA...
M. Pagé: Une brève question.
Le Président (M. Richard): Excusez-moi. M. le
ministre?
M. Pagé: Est-ce que je peux poser une très
brève question?
Le Président (M. Richard): Oui, je pense qu'il n'y a pas
d'objection à ce que M. le ministre pose une brève question.
M. Jolivet: J'espère que...
M. Pagé: Trois secondes. Êtes-vous pour ou
contre?
M. Jolivet: Nous sommes pour, je l'ai dit, M. le
Président, pour l'essentiel, quant au principe. Le problème que
nous avons, c'est sur les modalités. Comme je l'ai dit à propos
d'autres choses, quand on parle de l'ensemble des programmes, tout le monde
peut être en principe pour la simplification; le problème, c'est
l'application et c'est là-dessus que nous avons des questions.
M. Pagé: D'accord. Merci. Auditions
Le Président (M. Richard): S'il vous plaît,
messieurs les représentants de l'UPA, l'Union des producteurs agricoles
du Québec, dont M. Jacques Proulx est président, si vous voulez
prendre place. M. Proulx, je vous demanderais, par la suite, de
présenter vos collègues. Entre temps, il a été
convenu que la période maximale pour l'audition des représentants
de l'Union des producteurs agricoles sera de 40 minutes maximum, pour votre
exposé principal, M. Proulx, et de 80 minutes pour les
représentants de la commission qui pourront vous interroger à la
suite de votre exposé.
Avant de commencer, M. Proulx, je voudrais savoir si, de part et
d'autre, nous sommes favorables à ce que M. Beaudin, qui est retenu chez
lui à cause d'un décès dans sa famille, soit
remplacé par M. Yvon Vallières pour siéger à la
commission.
M. Jolivet: Est-ce qu'il serait opportun de manifester notre
sympathie à notre collègue?
Le Président (M. Richard): Je sais que c'est un
décès dans sa famille.
M. Pagé: M. le Président, c'est normal qu'il en
soit ainsi. La commission adresse ses sympathies au député de
Gaspé.
Le Président (M. Richard): À l'endroit de notre
collègue, M. Beaudin, le député de Gaspé.
M. Yvon Vallières pourra donc siéger éventuellement
à cette commission.
M. le président de l'Union des producteurs agricoles, vous avez
la parole pour un maximum de 40 minutes.
Union des producteurs agricoles
M. Proulx (Jacques): Merci, M. le Président. Mesdames et
messieurs les députés, je voudrais, dans un premier temps,
présenter les membres de la table: M. Roger Pelletier qui est
président de la Coopérative fédérée et qui,
à la fin de mon exposé, donnera les raisons pour lesquelles il
est avec nous. Je pense que vous devinez que c'est parce qu'il nous appuie,
mais il serait quand même important qu'il le souligne. M. Bernard Duval,
premier vice-président, M. Jean-Claude Blanchette, secrétaire
général, M. François Côté économiste,
responsable de notre secteur économique et M. Jean Bernier, membre de
l'exécutif. Il y a aussi les autres membres de mon exécutif ainsi
que les membres du comité du crédit agricole, qui a
travaillé spécialement sur le projet, mais qui y avait
travaillé antérieurement aussi depuis le début. Si vous le
permettez, certains de ces membres pourront s'ajouter à nous tout
à l'heure pour répondre a un certain nombre de questions propres
au domaine ou qu'ils ont à défendre dans le milieu.
J'essaierai de faire cela dans 40 minutes, M. le Président, mais
j'espère que, si cela prend 42 minutes, vous ne m'en voudrez pas. Je
pense que le crédit agricole et le travail que vous avez à faire
et qu'on a à faire sont très importants pour
l'agriculture québécoise. Cela fait déjà un
certain nombre d'années qu'on en parle et comme c'est, en fait, la
pierre angulaire de l'agriculture du Québec, à mon avis, il faut
vraiment trouver tous les moyens pour pouvoir y répondre et trouver les
meilleures solutions possibles.
Comme je viens de le dire, on a eu, lors de commissions
précédentes, l'occasion de s'exprimer assez globalement sur cela.
C'est évident que profitant de l'actuelle refonte des différentes
lois, il est important de se mettre à date et de pouvoir vous faire
connaître les attentes des agriculteurs et agricultrices
québécois.
Si vous me permettez de faire un peu d'histoire, en 1931, au
Québec, la population agricole représentait 27 % de la population
globale. En 1981, ce pourcentage était descendu à 2,89 % et,
pourtant, toute la population mange pleinement à sa faim.
Ces chiffres ne font que refléter l'extraordinaire accroissement
de la productivité agricole, qui a été le point de
départ de la révolution industrielle. Un nombre de plus en plus
petit d'agriculteurs étant capable de produire assez d'aliments pour
nourrir l'ensemble de la population, une main-d'oeuvre est
libérée et peut produire l'ensemble des biens et des services qui
constituent ce qu'on pourrait appeler le confort moderne. Cette
évolution a sa source dans une productivité agricole
croissante.
L'évolution de la productivité agricole vient
essentiellement de deux sources: l'évolution des connaissances par la
recherche scientifique et le recours grandissant à la machine pour
produire. Ces deux facteurs combinés font que chaque agriculteur ou
agricultrice a été capable de produire une quantité sans
cesse croissante d'aliments.
Cette évolution s'est concrétisée dans
l'avènement de fermes où chaque agriculteur ou agricultrice,
recourant à un équipement et une machinerie de plus en plus
perfectionnés, a pu cultiver des superficies plus grandes avec des
rendements croissants et a pu également s'occuper d'un cheptel animal
plus considérable.
En termes économiques, cela s'est traduit par des fermes de plus
en plus capitalisées. Mesuré en dollars constants de 1981, le
capital (terres, bâtiments, machinerie, animaux) est passé de 4
400 000 000 $, en 1941, à 8 400 000 000 $, en 1983, pendant que le
nombre de fermes au Québec passait de 155 000, en 1941, à 48 000,
en 1981.
Résultat de cette évolution: les fermes valent de plus en
plus cher. Une étude très exhaustive de la Société
du crédit agricole, en 1984, a révélé que la ferme
moyenne du Québec avait un actif total moyen de 298 000 $. (11 h 15)
On constate également que le ratio - capital sur valeur
ajoutée - est, en agriculture, de 12,74. Cela veut dire qu'il y avait
12,74 $ de capital investi en agriculture pour chaque dollar de production
agricole, mesuré en valeur ajoutée, ce qui est la meilleure
mesure. Vous avez un tableau qui fait la comparaison entre les
différents secteurs économiques. Il démontre qu'on part de
0,34 $, en fait, à 12,74 $. Je pense qu'uniquement cette constatation
serait amplement suffisante pour démontrer l'importance du crédit
en agriculture.
La capitalisation de l'agriculture étant plus grande qu'ailleurs
dans l'économie, les problèmes de financement le seront
également. Ces machineries, ces terres, ces animaux vont devoir
être achetés par le recours à l'emprunt si
nécessaire, et c'est souvent le cas.
Et quand vient le temps de la retraite des parents, la ferme est vendue
à la génération suivante. La question du financement se
pose alors dans toute sa complexité, car il s'agit d'une entreprise qui
vaut extrêmement cher par rapport aux revenus qu'elle procure. La
transmission d'une ferme est une opération financière
compliquée où le financement joue un rôle
déterminant.
L'évolution de l'agriculture a fait en sorte que les agriculteurs
recourent de plus en plus au crédit au cours de leurs activités.
Cela se reflète, par exemple, dans le fait que les dépenses
d'intérêt payées par les agriculteurs du Québec
totalisaient 33 500 000 $, en 1971, et représentaient 7,6 % des
déboursés des agriculteurs, alors qu'en 1986, les paiements
d'intérêts totalisaient 254 900 000 $ et représentaient 13
% des dépenses agricoles totales.
Ces chiffres illustrent clairement l'importance déterminante du
financement de l'agriculture et, par conséquent, l'importance du mandat
de la présente commission parlementaire.
L'implication de l'État dans le financement. Une des
caractéristiques essentielles du financement de l'agriculture est
l'implication importante de l'État.
Plusieurs facteurs historiques ont entraîné cette
évolution. L'impact de la grande dépression sur le monde rural,
la volonté de relocaliser des soldats après la guerre, la
nécessité d'une agriculture efficace pour nourrir la population
urbaine croissante, certaines caractéristiques sociologiques qui
différencient le monde agricole du monde industriel et, enfin, la
dispersion géographique des fermes sont des facteurs qui ont
amené les gouvernements provinciaux et le gouvernement
fédéral à s'impliquer dans le financement de l'agriculture
à différents moments de l'histoire récente.
Au niveau canadien, on a assisté à la création de
l'Office des prêts agricoles, en 1927, qui est l'ancêtre de la
Société du
crédit agricole actuelle. Au Québec, la Loi sur le
crédit agricole fut adoptée en novembre 1936. Cette loi
prévoyait des prêts aux agriculteurs au taux de 2,5 %, au moment
où l'organisme fédéral prêtait à 5,5 %.
Le gouvernement fédéra! est progressivement devenu un
agent prépondérant et cela a amené la plupart des
provinces, sauf le Québec et la Nouvelle-Écosse, à se
retirer progressivement du domaine du financement agricole. Depuis une dizaine
d'années toutefois, le gouvernement fédéral a
diminué son rôle dans l'ensemble du Canada. Dans les autres
provinces du Canada, le vide laissé progressivement par le retrait du
fédéral a été occupé par le secteur
bancaire. Le Québec a suivi une évolution différente. Le
retrait du gouvernement fédéral a été largement
compensé par l'importance croissante qu'a acquise l'Office du
crédit agricole, d'abord, par ses prêts directs et, à
partir de 1978, par l'avènement du système Tandem par lequel
l'office garantit des prêts consentis par les institutions privées
aux agriculteurs et assure une partie des frais d'intérêts.
Une analyse de l'activité de l'office révèle
clairement l'importance qu'il a acquise dans le financement de l'agriculture du
Québec.
Ainsi, l'encours total des prêts faits ou garantis par l'office,
qui est de 625 000 000 $, représente 63 % de toutes les dettes des
agriculteurs du Québec. Au chapitre du long terme, l'encours de 1 266
000 000 $ de prêts à long terme de l'office représente 75 %
des dettes à long terme des agriculteurs du Québec.
L'implication croissante du gouvernement du Québec dans le
financement de l'agriculture s'est traduite par une augmentation des montants
versés en rabais d'intérêts, qui sont passés de 15
100 000 $, en 1975-1976, à 115 000 000 $, en 1982-1983, et à 66
500 000 $, en 1985-1986. La pointe de 1982-1983 correspond à la
flambée des taux d'intérêt qui ont atteint, à
l'été 1981, le niveau de 22,75 %.
Nous sommes convaincus qu'il est essentiel que l'État demeure un
agent important dans le financement de l'agriculture, en particulier pour les
raisons suivantes.
La première est que le financement est un canal par lequel on
peut contribuer à réaliser plusieurs objectifs d'une politique
agricole, par exemple, développer de nouvelles productions, faciliter la
transmission d'une ferme d'une génération à l'autre,
accorder aux femmes une plus grande place dans le processus économique
ou influencer la structure de la production.
La deuxième est que l'agriculture est fondamentalement instable
et périodiquement secouée par des crises profondes qui mettent en
danger l'existence même d'un grand nombre de fermes.
Non seulement l'agriculture est-elle instable, mais elle est
également un des secteurs procurant une des rémunérations
les plus faibles au capital investi. On situe généralement le
rendement sur le capital investi en agriculture à un maximum de 3 %
à 4 %.
Ainsi, au Québec, le revenu net agricole, c'est-à-dire le
revenu disponible pour rémunérer le travail des agriculteurs et
agricultrices, de la main-d'oeuvre familiale ainsi que du capital investi est
estimé, en 1986, à 1 042 000 000 $. Si on impute une valeur de 22
000 $ au travail annuel des quelque 33 000 exploitants - c'est
l'équivalent du temps plein - et une rémunération de 16
000 $ par année aux 18 000 années-personnes de main-d'oeuvre
familiale non rémunérée, il reste, en y ajoutant les
intérêts payés, 283 000 000 $ pour rémunérer
un capital agricole (terres, bâtiments, machineries, animaux)
estimé à 9 600 000 000 $ en 1986. Cela représente un
rendement de 2,7 % sur l'ensemble du capital investi.
Il se vit actuellement un bouleversement dans l'agriculture mondiale.
Après une décennie de marchés relativement stables, les
prix des céréales tombent, la valeur des terres chute, provoquant
faillites et abandons de fermes. Les gouvernements, partout dans le monde, se
voient forcés d'intervenir, en particulier, dans le domaine du
financement agricole. Le président américain, M. Reagan, ce
champion du libéralisme économique, a, par exemple, mis sur pied
un programme d'urgence pour garantir les prêts des agriculteurs aux
banques en échange d'une diminution de 10 % de la dette. Le gouvernement
américain est forcé d'intervenir pour renflouer les institutions
financières des régions rurales menacées de faillite.
On constate aussi, dans les autres provinces du Canada, un retour du
balancier et une multiplication des programmes d'intervention dans le
financement agricole.
Certains penseurs très libéraux pourraient s'opposer
à voir cette ingérence de l'État dans le mécanisme
du marché du financement. Pourtant, l'agriculture n'est pas une
exception. Il n'y a que la manière qui diffère.
Dans d'autres secteurs, à travers des programmes de
développement régional, par des interventions ad hoc - on
n'a qu'à penser à Bell Hélicoptères, à
l'industrie de l'amiante, à General Motors, à la multitude
d'entreprises subventionnées par des programmes de développement
régional -l'État finance directement la capitalisation des
entreprises. On pense aussi au programme REAQ qui, depuis une dizaine
d'années, permet aux entreprises du Québec d'accroître
facilement leur équité grâce à la
généreuse incitation fiscale que comportent les REAQ qui,
de 1978 à 1986, a représenté un manque à gagner de
784 000 000 $ pour le gouvernement du Québec. On pense également
au traitement fiscal avantageux qui est accordé aux dividendes, ce qui
réduit d'autant le coût de financement des entreprises
financées par le marché public d'actions. On n'a qu'à
penser aux actions accréditées, par exemple, pour l'exploration
minière, on n'a qu'à penser aux sociétés en
commandite et on pourrait en énumérer une multitude.
Dans le secteur agricole, l'État ne contribue pas directement au
financement des entreprises mais plutôt indirectement, en ce sens qu'il
diminue les intérêts sur les emprunts faits par les entreprises.
Cette méthode est peut-être bien adaptée à la
réalité de l'agriculture, où les fermes sont
entièrement possédées par les exploitants et où il
est difficile d'utiliser les mécanismes de financement public par action
auxquels ont recours les entreprises des autres secteurs et que facilite un
programme comme le REAQ et d'autres comme les SPEQ et les SODEQ. Dans le
domaine du financement agricole, les méthodes sont différentes,
mais le fondement est le même: l'État contribue au financement des
entreprises.
C'est à la lumière de cette problématique globale
que nous croyons que les politiques de financement agricole doivent être
évaluées et c'est dans cet esprit que nous analyserons certains
points précis des projets de loi 46 et 49 ainsi que les
règlements qui les accompagnent et qui visent à remplacer, tout
en les modifiant, l'ensemble des lois et règlements qui régissent
le financement agricole au Québec.
Alors qu'on a souvent parlé d'une réforme, c'est
véritablement d'une refonte dont il s'agit. La plus grande partie des
clauses du projet de loi ainsi que du projet de règlement étaient
déjà contenues dans les huit lois et dans la multitude de
règlements touchant le financement agricole actuellement en vigueur.
Cette opération de fusion était devenue inévitable;
l'ensemble des lois et règlements était devenu un ensemble
difficilement compréhensible.
Un certain nombre de changements sont apportés au passage.
L'étude de ces projets de loi et de règlements a
été, pour nous, l'occasion de refaire le point en profondeur sur
la situation qui prévaut en matière de financement agricole, de
réfléchir aux avantages et aux inconvénients des
changements proposés, d'identifier ce que nous croyons être des
lacunes qui subsisteraient si ces deux documents étaient adoptés
intégralement.
Nous commenterons, dans les pages qui vont suivre, ces deux documents.
Nous espérons que nos remarques trouveront, du côté
gouvernemental, une oreille ouverte et attentive et que le point de vue des
agriculteurs et agricultrices recevra la considération qu'il
mérite dans la rédaction finale de la loi et du
règlement.
La multitude de types de prêts consentis en vertu d'une
multiplicité de lois et règlements sont remplacés par deux
grands types de prêts (prêts et ouvertures de crédit)
consentis à travers un cadre légal et administratif unique. Les
prêts pourront différer en termes d'échéance
(court-moyen-long) ou en termes de garantie (hypothèque, nantissement),
mais le cadre global est unique.
Nous constatons que cette simplification entraîne la perte d'un
élément extrêmement utile et pratique pour les
agriculteurs, le prêt d'amélioration des fermes consenti en vertu
de la Loi sur l'amélioration des fermes. Pour les prêts
n'excédant pas 50 000 $, les agriculteurs peuvent faire affaire
directement avec le prêteur, qui règle lui-même les
formalités auprès de l'office. Cette procédure simple et
rapide est particulièrement appropriée pour les achats de
machinerie et d'outillage.
Nous croyons qu'il est important que l'on introduise, dans la nouvelle
loi et dans le règlement, la souplesse qui était associée
aux P.A.F.
Nous demandons donc que les institutions financières puissent
prendre la décision de prêter jusqu'à 50 000 $ de la
manière qui régit l'octroi des P.A.F., actuellement. Cela nous
paraît essentiel si on veut éviter que l'unification des lois ne
résulte en une rigidité accrue du système.
Le montant des prêts. Un montant maximum de prêt unique est
fixé à 800 000 $, auquel se rajoute le maximum de la marge de
crédit fixée à 200 000 $ (ou 500 000 $ pour les
céréales et le bovin), ce qui représente une augmentation
totale de 350 000 $ pour les individus et de 150 000 $ pour les groupes.
Dans la mesure où ce sont des plafonds, dans la mesure où
il existe un certain nombre de cas où les individus exploitent en groupe
une grosse exploitation, nous ne nous opposons pas à un plafond se
situant nettement au-dessus des besoins en financement d'une ferme familiale
habituelle.
Une grosse ferme peut être le moyen par lequel les parents
préparent l'établissement, en groupe ou séparément,
de plusieurs enfants. C'est une réalité à laquelle on ne
peut se fermer.
En même temps, il faut éviter que cette ouverture ne
devienne un moyen de s'éloigner d'un mode d'agriculture où le ou
les exploitants et leurs familles possèdent l'entreprise, en assument la
gestion et fournissent la plus grande partie du travail.
De très grosses fermes, où la plus grande partie du
travail est fournie par les
familles impliquées, ne devraient pas être
considérées de la même façon que la ferme de
même dimension où la majorité du travail serait fournie par
une main-d'oeuvre salariée. Un tel principe doit être
appliqué avec discernement selon la production.
Nous demandons que, à l'article 6 du règlement qui traite
du critère d'admissibilité à un prêt, on introduise
la notion d'origine du travail fourni dans l'entreprise, ce qui permettra
à l'office de distinguer entre les grosses entreprises à
caractère familial et les grosses entreprises qui ne seraient pas
à caractère familial. Un tel principe doit cependant être
appliqué avec discernement en tenant compte des particularités de
chaque production et nous demandons que les producteurs soient
étroitement associés à la définition de
règles précises par lesquelles ces principes seraient mis en
application.
On fixe à un maximum unique de 200 000 $ sur des prêts
à long terme le montant subventionnable. Cela remplace les plafonds de
la loi tandem (150 000 $ et 200 000 $) et également la subvention de 3 %
sur 15 000 $ de prêts à moyen terme en vertu de la Loi sur
l'amélioration des fermes. Le remboursement en vertu de la Loi sur
l'amélioration des fermes est plus avantageux qu'en vertu de la loi
tandem, en ce qu'il s'applique à la première partie du capital
emprunté, de sorte que la subvention demeure constante tant que le solde
du prêt excède 15 000 $. De plus, ces prêts en vertu de la
Loi sur l'amélioration des fermes sont simples a obtenir et sont
particulièrement appropriés lorsqu'il faut agir rapidement pour
faire face à un problème pressant. (11 h 30)
Le nouveau maximum représente une légère
augmentation pour les emprunteurs individuels, et la perte de 15 000 $ pour les
emprunteurs de groupe. Comme les groupes constituent un pourcentage
d'emprunteurs important (35 %) et croissant rapidement et constituent un type
d'emprunteur qui a des besoins financiers plus grands, l'effet net du
changement constitue un recul.
Compte tenu de la faible rentabilité des investissements en
agriculture, compte tenu également de l'importance du financement en
agriculture, nous croyons que le maximum de prêt subventionnable ne
devrait pas être diminué, il devrait plutôt être
augmenté pour tenir compte de l'inflation survenue depuis 1978 lorsque
les plafonds ont été fixés pour la dernière
fois.
Nous croyons donc qu'un plafond unique de 315 000 $ est plus
approprié à la réalité d'aujourd'hui.
Nous croyons aussi que le même principe qui était
appliqué aux PAF, à savoir que la subvention s'applique sur la
première partie du capital emprunté et demeure constante tant que
le capital dû dépasse le maximum subventionnable, devrait
s'appliquer à la totalité des prêts faits en vertu de la
nouvelle loi.
Par ailleurs, en vertu de l'article 45 du règlement, les seuls
prêts qui seraient subventionnables seraient les prêts à
long terme. C'est un recul très important par rapport à la
situation actuelle, où les premiers 15 000 $ d'un PAF sont
subventionnables et où des prêts à moyen terme sur
nantissement en vertu de la Loi favorisant le crédit agricole à
long terme par les institutions privées peuvent également
être subventionnés.
Nous demandons que les prêts à moyen terme soient, à
l'intérieur du plafond maximum établi, subventionnés.
Finalement, en ce qui concerne le taux d'intérêt
chargé aux agriculteurs, nous croyons qu'un plafond doit être
inscrit dans la loi pour ce qui est du taux d'intérêt qu'on
pourrait charger aux agriculteurs. Si la formule actuelle de calcul de la
subvention avait été en place lorsque les taux
d'intérêt ont atteint 22,75 % en 1981, les agriculteurs auraient
alors payé 13,62 % sur la partie subventionnable de leur prêt,
tout en payant des taux complètement insensés sur la partie non
subventionnable, sur laquelle on doit payer le taux préférentiel
des banques, plus 0,5 %. Nous pensons que l'établissement d'un plafond
est d'autant plus justifié que le système tandem repose sur le
taux préférentiel des banques, qui est un taux pour des emprunts
à court terme, alors que les prêts faits sont des prêts
à moyen et à long termes. Les taux a court terme fluctuent
davantage que les taux à plus long terme qui seraient plus
appropriés au genre de prêts faits dans le système tandem.
Nous demandons donc qu'un plafond de 8 % sur les prêts à long
terme et de 10 % sur les prêts à court terme soit fixé pour
les prêts faits en vertu de la Loi sur le financement agricole.
On annonce une bonification du taux d'intérêt pour les
jeunes qui s'établissent. Cette bonification additionnelle sera de 2 %
décroissant sur cinq ans et sera porté à 4 %
décroissant sur cinq ans pour ceux qui s'établissent avec un DEC.
Cela représente typiquement un montant se situant entre 6000 $ et 8000 $
répartis sur cinq ans pour le cas général et de 12 000 $
à 16 000 $ répartis sur cinq ans pour ceux détenant un
DEC.
Ces nouvelles mesures visant la relève se rajoutent au montant
pouvant atteindre 4000 $ versé au moment de l'établissement en
vertu d'un nouveau programme agricole d'incitation à la formation, de
même qu'à la subvention à l'établissement qui a
été portée à 15 000 $, l'an dernier.
Nous approuvons ces nouvelles initiatives visant la relève.
Nous sommes en accord avec l'idée de
combiner aide à la relève avec un certain incitatif
à la formation. Il ne peut qu'en résulter des agriculteurs et des
agricultrices plus compétents et une agriculture plus dynamique. Nous
souhaiterions toutefois que la nouvelle politique d'assistance à la
relève s'étale sur un plus grand nombre d'années. Nous
demandons que le taux d'intérêt, au lieu d'augmenter de 0,5 % ou
de 1 % par année pour atteindre le taux habituel au bout de cinq ans,
croisse à un rythme de 0,25 % ou de 0,50 % par année pour
atteindre le taux normal au bout de neuf ans plutôt que cinq ans.
En ce qui concerne particulièrement la bonification liée
à un DEC, nous croyons que trois autres modifications devraient
être apportées.
Premièrement, il faut qu'il soit clairement entendu que cette
politique s'applique autant à un DEC obtenu par la voie d'attestations
d'études collégiales, c'est-à-dire, AEC qu'à un DEC
obtenu par la voie habituelle.
En second lieu, nous croyons que la notion de la formation
professionnelle agricole et de DEC en agriculture compatible avec le type
principal de production est trop restrictive. Dans la mesure où le grand
bénéfice de l'éducation ne tient pas tant aux
connaissances emmagasinées qu'à l'apprentissage d'une
démarche et à une ouverture d'esprit, on devrait élargir
ce critère et exiger un DEC pertinent à l'agriculture. Cela
rendrait admissibles à certaines politiques des jeunes ayant
reçu, par exemple, une formation en administration.
Troisièmement, nous croyons que la bonification
d'intérêt liée au DEC devrait être accessible non
seulement à ceux qui s'établissent avec un DEC, mais
également à ceux qui s'établissent en prenant l'engagement
formel d'acquérir un DEC dans un nombre donné d'années,
engagement qui pourrait être assorti de contrôles pour
éviter les abus. Formulé de cette façon, l'incitatif
favoriserait non seulement la formation avant l'établissement, mais
deviendrait également un stimulant puissant pour ceux qui
s'établissent sans DEC à continuer leur formation.
Dans la mesure où certaines politiques agricoles valorisent la
formation collégiale, les agriculteurs s'attendent évidemment
à ce qu'il y ait un effort accru de la part du ministère de
l'Éducation comme des autres ministères concernés pour que
la formation collégiale en agriculture soit largement accessible aux
agriculteurs de tout le Québec. Ce n'est pas le cas actuellement quand
on voit qu'une région comme l'Abitibi n'a pas encore d'option agricole
au niveau collégial.
Les garanties et la capacité de remboursement. En vertu de
l'article 10 de la loi, le maximum des prêts serait à 85 % de la
valeur des biens offerts en garantie.
Nous croyons, quant à nous, que le critère fondamental de
l'octroi des prêts devrait être la capacité de remboursement
et que l'office a trop souvent tendance à concentrer son attention sur
les garanties et pas assez sur la capacité de remboursement. Lorsque la
capacité de remboursement existe, les garanties ne devraient pas
constituer un facteur limite comme c'est très souvent le cas,
actuellement, dans plusieurs productions et dans plusieurs régions. On
sait, de plus, que l'office attribue aux bâtiments une valeur
contributive, valeur qui entre dans le calcul des garanties et qui peut se
situer, par exemple, à 30 %, comme dans l'horticulture ou à 44 %
comme pour le bovin, du coût de construction du bâtiment. Avec de
telles valeurs contributives et avec un prêt maximum à 85 % de la
valeur des garanties, on continuera à refuser des prêts à
des emprunteurs qui ont, par ailleurs, une capacité de remboursement
adéquate.
Pour pallier cette situation, il nous apparaît essentiel que le
maximum des prêts soit établi à 100 % de la valeur des
biens offerts en garantie. Nous demandons aussi que l'office adopte le principe
que tout doit être fait pour accorder des prêts lorsque la
capacité de remboursement existe.
Par ailleurs, les agriculteurs ont toujours dénoncé la
pratique de l'office qui est de rechercher un maximum de garanties pour couvrir
ses prêts. Comme on le dit souvent, dans le monde agricole: "Ils prennent
tout ce qu'ils voient."
Tout en étant conscients des intérêts
légitimes comme prêteurs, nous croyons que l'office abuse de sa
position privilégiée comme pourvoyeur d'une assistance de l'Etat
et fait preuve d'un manque de confiance envers ses clients agriculteurs. En
prenant systématiquement un maximum de garanties, l'office met les
agriculteurs emprunteurs dans une espèce de tutelle financière,
dans une situation où ils ne peuvent vendre aucun actif ou contracter
aucun emprunt sans obtenir une mainlevée de l'office. La politique
devrait donc être de rechercher un montant raisonnable de garanties
compte tenu du risque du prêt et compte tenu des
antécédents de l'emprunteur.
Pour éviter que l'office dépasse cette limite et abuse de
sa position de force, nous demandons que le comité de réexamen
créé par la loi 46 ait, en plus des mandats qui lui sont
attribués, celui d'entendre les plaintes des agriculteurs concernant les
garanties exigées par l'office pour l'obtention d'un prêt.
En vertu de la loi 46, les prêts ne seraient consentis qu'en vertu
d'un nantissement ou d'une hypothèque de premier rang. Nous croyons que
l'office pourrait accepter des garanties de deuxième rang. Cela
simplifierait considérablement la situation d'agriculteurs qui
auraient emprunté à la Société du crédit
agricole et qui voudraient contracter un emprunt à l'office. En soi, un
deuxième rang n'est pas moins solide qu'un premier rang. Tout
dépend de l'endettement total et de la valeur des garanties. Il n'y a
pas de raison pour qu'on élimine, par la loi, toute possibilité
d'hypothèques ou de nantissements de deuxième rang, sans compter
la souplesse qu'une telle clause pourrait introduire.
Liée à la question générale des garanties
est celle de la possibilité que les quotas deviennent nantissables par
des changements au Code civil. L'office a exprimé son souhait qu'un tel
changement se fasse, mais, pour l'instant, cela n'est pas prévu dans le
projet de loi et de règlement.
Nous avons, devant la commission parlementaire chargée
d'étudier la révision du Code civil, exprimé notre
opposition à cette idée et les raisons qui nous motivent. Il
s'agirait d'une possibilité accrue et nouvelle d'endettement additionnel
fondée sur un actif qui est finalement assez précaire. Un tel
changement ne pourrait qu'avoir l'effet de contribuer à faire augmenter
la valeur des quotas. Troisièmement, les créanciers saisiraient
les quotas en premier lieu, privant les producteurs de leur droit de
produire.
De plus, les fédérations administrant des plans conjoints
ont toutes des règlements visant à ce que les quotas soient
produits par ceux qui les détiennent, cela pour empêcher toute
spéculation. On voit mal comment le prêteur ayant ses quotas
pourrait répondre à ces exigences.
Il y a plusieurs années, l'office a adopté la politique de
faire signer à l'emprunteur une cession du produit de la vente du quota
à son bénéfice. En même temps, on a attribué
aux bâtiments agricoles avec quotas une valeur qui reflétait la
valeur productive. Cette valeur productive est nécessairement
supérieure à la valeur marchande qu'ils auraient s'ils
étaient vendus séparément d'un quota, dans lequel cas ils
ne pourraient servir à la production.
Il semble que l'office eût subi des pertes dans certains cas
semblables, n'étant pas parvenu à toucher le produit de la vente
du quota et que c'est cela qui cause le problème.
Nous croyons que la solution au problème n'est pas de nantir les
quotas, ni de diminuer le montant du prêt dans de tels cas. Nous croyons
qu'elle est plutôt d'améliorer le fonctionnement actuel.
Les fédérations affiliées à l'UPA qui
administrent des systèmes de contingentement collaborent
déjà et sont prêtes à prendre toute mesure
additionnelle raisonnable pour que, lorsque l'office détient une cession
du produit de la vente, le produit soit acheminé à l'Office du
crédit agricole. Il semble que des problèmes se posent dans les
cas de faillite, où le syndic peut exiger que le produit de la vente
soit versé à la faillite.
Si les lois actuelles permettant que l'office, dans le cas de faillite,
soit privé du produit de la vente du quota, la solution est de corriger
les lois appropriées pour que, même dans un cas de faillite,
l'office conserve un droit incontestable sur le produit de la vente dudit
quota. Un tel changement n'est certainement pas plus compliqué que
d'amender le Code civil pour rendre le quota nantissable, comme il est
proposé actuellement. Cette voie nous semble nettement
préférable à celle de permettre qu'un créancier
puisse saisir un quota de production.
Nous notons avec satisfaction que le vendeur devient dorénavant
prêteur autorisé au même titre que les institutions
financières. Cela incitera les vendeurs à contribuer davantage au
financement de l'achat de la ferme, ce qu'ils sont souvent prêts à
faire à des conditions avantageuses. Et cela fera en sorte que ceux qui
accepteront de le faire ne risqueront pas de perdre l'avoir de leur vie,
advenant des difficultés financières à l'acheteur de la
ferme.
Il était grandement temps qu'on traite les agriculteurs qui
vendent leur ferme de la même manière qu'une grande banque. C'est
une question de justice élémentaire et c'est un changement
susceptible de contribuer de façon importante au financement.
Il ne faut toutefois pas que cette politique devienne un moyen par
lequel l'office oblige les vendeurs à assumer une partie du financement.
La décision d'assumer une partie du financement en vertu de la loi
devrait relever entièrement du vendeur, et cela ne devrait, en aucun
cas, être une condition de l'octroi d'un prêt.
Au chapitre des prêteurs autorisés, nous notons l'absence
de la Société du crédit agricole. Nous sommes conscients
des réticences du gouvernement du Québec à canaliser ses
dépenses à l'intérieur d'un prêt fait par un
organisme du gouvernement fédéral. En même temps, en
forçant les agriculteurs à choisir entre la société
et le système de l'office, en refusant de traiter un organisme
fédéral sur le même pied que les banques et les caisses
populaires, on prive le Québec de tout avantage, si insuffisant soit-il,
que le gouvernement fédéral consentit aux agriculteurs par les
programmes de financement agricole. C'est le cas du pouvoir de garantie du
gouvernement fédéral; dans le cas de prêts faits par la
société à l'intérieur du système tandem, le
gouvernement fédéral assumerait la garantie, et cela
réduirait d'autant les pertes sur prêt de l'Office du
crédit agricole. C'est un point non
négligeable quand on constate que l'office est susceptible de
débourser 90 000 000 $ pour couvrir les pertes sur prêts
prévisibles.
Si la Société du crédit agricole occupait au
Québec la même place, au chapitre du financement à long
terme, qu'elle occupe dans le reste du Canada, c'est-à-dire 4l,8 % du
financement à long terme en 1984, c'est près de 250 000 000 $ de
plus qui auraient été prêtés par la
société aux agriculteurs du Québec. Une part substantielle
des pertes de 90 000 000 $ qu'aura à assumer le Trésor du
Québec aurait été assumée par le gouvernement
fédéral, cela sans compter tous les frais d'administration
liés à l'octroi et au suivi d'un prêt qui auraient
été épargnés au Québec. (11 h 45)
Quand on voit toute l'énergie actuellement dépensée
dans le contexte de la stabilisation tripartite pour que le Québec
récupère ce qui lui est dû par le gouvernement
fédéral, on comprend mal les hésitations du gouvernement
à intégrer la Société du crédit agricole
dans le système tandem. En réalité, la
société peut être intégrée dans le
système tandem sans que le Québec n'ait à sacrifier aucun
objectif de sa politique agricole et sans avoir à transformer ses
politiques agricoles, ce qui ne semble pas être le cas dans le dossier de
la stabilisation tripartite.
Nous demandons donc que la société devienne un
prêteur autorisé en vertu du système tandem. Son statut
serait différent des autres prêteurs autorisés en ce que le
gouvernement du Québec n'assumerait pas la garantie des prêts de
la société, qui est assumée par le gouvernement
fédéral. L'article 6 de la loi ouvre cette
possibilité.
Ce changement serait non seulement avantageux pour le Trésor
public du Québec, mais il comporterait l'avantage immense de briser
l'exclusivité que l'office exerce, en pratique, dans le domaine du
prêt agricole. Les agriculteurs auraient à nouveau deux comptoirs
où présenter leur dossier et l'émulation qu'une telle
situation engendrerait ne pourrait qu'entraîner une nette
amélioration du service aux agriculteurs. L'intégration de la
société dans le système tandem constituerait une
amélioration majeure.
Dans notre précédent mémoire à la commission
parlementaire, nous avions déploré le fait que l'office avait
négligé son râle de conseiller en crédit et
s'était plutôt transformé en un simple pourvoyeur de
fonds.
La refonte des lois en elle-même, en simplifiant l'aspect
légal et administratif, constitue un pas dans la bonne direction. Les
pouvoirs que se donne l'office d'avoir des normes d'expérience et de
formation, et d'avoir des critères quant à la capacité de
gérer de l'emprunteur et au réalisme des demandes sont, s'ils
sont appliqués avec discernement par des employés bien
formés, des pouvoirs qui peuvent permetre aux employés de
l'office de jouer leur rôle de conseiller. Mais pour cela, les lois et
règlements ne suffisent pas. Il faut, dans le fonctionnement quotidien,
que les conseillers aient une attitude respectueuse et ouverte face aux
agriculteurs. Pour qu'un tel objectif ne demeure pas un voeu pieux, nous
proposons les mesures concrètes suivantes.
Il nous paraît essentiel qu'on inscrive dans le règlement
que le conseiller de l'office ne peut recommander aux autorités de
l'office un refus de prêt ou une modification à la demande du
prêt sans en avoir préalablement discuté avec
l'agriculteur.
Il faut également qu'une copie complète du dossier d'une
demande de prêt avec les notes et les commentaires du conseiller, soit
remise à tout agriculteur qui en fait la demande.
Il faut que le nom de toutes les personnes contactées par le
conseiller pour évaluer une demande apparaisse au dossier.
Nous demandons, de plus, que l'agriculteur ait le choix du conseiller
avec lequel il fera affaire à l'office.
Fonctionnement et administration. À ce chapitre, nous notons
qu'avec un retard incompréhensible, on met enfin en place un
comité d'appel qui prend le nom de comité de réexamen. Les
agriculteurs comme les employés de l'office ne peuvent que
bénéficier de l'existence d'un mécanisme où
pourront être réévalués les dossiers lorsqu'il y a
désaccord entre l'agriculteur et le conseiller.
Nous croyons, tel que mentionné précédemment, que
le mandat de ce comité ne devrait pas porter uniquement sur le refus
d'un prêt, mais aussi sur les conditions exigées par l'office, en
particulier en ce qui a trait à la capacité de remboursement et
aux garanties exigées.
Un autre mandat doit être attribué au comité de
réexamen, soit celui de pouvoir entendre les agriculteurs à la
suite d'une décision de déchéance du prêt en vertu
de l'article 142 de la loi.
Nous croyons, de plus et surtout, que le comité de
réexamen ne devrait pas être consultatif, mais décisionnel
pour pouvoir jouer pleinement le rôle que nous attendons de lui. Nous
croyons qu'il devrait y avoir une majorité d'agriculteurs
siégeant à ce comité pour y introduire le point de vue
concret et pratique d'agriculteurs compétents et
expérimentés. Nous demandons que l'UPA soit obligatoirement
consultée dans le choix des agriculteurs invités à
siéger à ce comité. C'est plus pour vous aider, parce
qu'on a vu que, pour certains conseils, vous aviez de la difficulté
à trouver des agriculteurs. Alors, je pense qu'on pourrait
drôlement vous aider.
Ce comité de réexamen est un pas en
avant. Nous croyons que d'autres mesures doivent être prises pour
donner des moyens aux agriculteurs de faire face à cette organisation
complexe que constituent l'office et ses politiques.
Nous demandons que soit créé un poste qui s'apparenterait
à un poste d'ombudsman et dont le responsable serait accessible par
ligne INWATS et aurait pour fonction d'informer et d'expliquer les lois,
règlements et directives de l'office. Cela permettrait à un
agriculteur de connaître ces règlements et directives et de
vérifier si le conseiller qui évalue son dossier les applique
correctement. Ce service devrait aussi avoir pour mandat d'informer toute
personne intéressée sur les directives et les procédures
internes de l'office. Nous pensons ici, en particulier, aux directives touchant
l'évaluation des biens offerts en garantie.
Nous apprécions également le fait qu'on annonce, dans le
communiqué de presse accompagnant le projet de loi, que les deux
nouveaux postes à l'administration de l'office seront attribués
à des agriculteurs.
Nous constatons toutefois que cette intention n'est confirmée ni
par la loi ni par le règlement. Nous demandons que le règlement
précise que ces deux postes d'administration à l'office soient
attribués à des agriculteurs et que l'UPA soit aussi
consultée sur le choix de ces deux administrateurs.
En ce qui concerne l'administration de l'office, les agriculteurs
d'Abitibi-Témiscamingue déplorent grandement le fait que leur
région dépend administrativement du bureau régional de
Rimouski, ce qui est une source d'inconvénients. Nous demandons donc
qu'un bureau régional soit établi pour la région
d'Abitibi-Témiscamingue.
Les délais. Les agriculteurs continuent à subir les
lenteurs administratives de l'office et le temps trop long qui s'écoule
entre une demande de prêt, l'analyse du dossier et la décision
finale.
Nous demandons, donc, que l'office prenne les mesures administratives
nécessaires pour que le déboursé d'un prêt à
long terme se fasse dans un délai maximum de trois mois suivant le
dépôt d'une demande de prêt à l'Office du
crédit agricole.
Nous avons la conviction qu'advenant la reconnaissance de la SCA comme
prêteur autorisé, l'émulation créée par cette
nouvelle situation entraînerait d'elle-même le raccourcissement des
délais administratifs.
Le fonds d'assurance-prêts agricoles et forestiers. Les
agriculteurs ont, jusqu'à maintenant, contribué de façon
presque symbolique à l'alimentation de ce fonds dont le but est
d'intervenir lorsque l'office fait des pertes sur les prêts.
Le gouvernement a exprimé son intention d'accroître
substantiellement, dans l'avenir, la participation des agriculteurs à ce
fonds.
Nous sommes en désaccord complet avec ce principe parce qu'il va
contre l'esprit même d'un système où le gouvernement
garantit les prêts des prêteurs. L'implication pratique est qu'il
assume d'éponger les pertes lorsqu'elles surviennent et nous n'acceptons
pas qu'on vienne ensuite augmenter l'intérêt imposé aux
agriculteurs pour limiter le coût au gouvernement de sa garantie sur les
prêts.
Plutôt que chercher à faire assumer aux agriculteurs le
coût des faillites agricoles, on devrait plutôt chercher à
réduire ces coûts le plus possible. On devrait, en particulier,
mettre en vente le plus rapidement possible les bâtiments
d'élevage saisis plutôt que de les laisser se
détériorer souvent pendant plusieurs années avant de les
revendre.
Marge de crédit. Certains changements sont apportés aux
ouvertures de crédit, c'est-à-dire aux crédits à la
production. Le maximum des prêts passe de 100 000 $ à 200 000 $ et
demeure à 500 000 $ pour le boeuf et les céréales. De
plus, les ouvertures de crédit seront dorénavant consenties pour
une période de cinq ans plutôt que de 30 mois, comme c'est le cas
actuellement. De plus, un plafond du taux préférentiel de plus 1
% est fixé, qui remplace la politique du taux courant qui
prévalait jusqu'à maintenant pour ce type de prêt.
Contrairement à ce que nous attendions, rien ne semble avoir
été fait pour simplifier la procédure extrêmement
lourde qui existe actuellement, en vertu de laquelle les fonds sont
débloqués uniquement sur présentation de pièces
justificatives.
Tout en respectant la volonté de l'office d'exercer un certain
contrôle sur l'utilisation des marges de crédit, nous croyons
qu'il faut chercher à. simplifier une procédure encombrante aussi
bien pour les emprunteurs que pour les prêteurs lorsqu'elle est
rigoureusement appliquée.
Nous proposons qu'on dresse, pour chaque emprunteur, une liste de
fournisseurs (meuneries, coopératives, vendeurs d'engrais, etc.) et que
les institutions financières soient autorisées à
libérer les sommes pour des paiements à ces fournisseurs sans
présentation préalable de pièces justificatives.
Nous proposons aussi que soit modifié l'article 39 du
règlement pour qu'une somme puisse être avancée en vertu
d'une ouverture de crédit non seulement si elle est couverte par un
inventaire de produits agricoles, mais également si elle est couverte
par des comptes à recevoir.
Remboursements et versements de la subvention. Le projet de loi
introduirait la possibilité de paiements mensuels, trimestriels ou
annuels en plus des paiements semestriels.
C'est une souplesse nouvelle et utile. On devrait accroître cette
souplesse en permettant que les périodes semestrielles puissent
commencer à n'importe quel moment dans l'année plutôt
qu'obligatoirement les 1er mai et 1er novembre.
De plus, nous constatons qu'on n'a pas établi de concordance
entre la périodicité des paiements d'intérêts par
les agriculteurs et celle du versement de la contribution gouvernementale, qui
continuerait d'être versée sur une base semestrielle. Pour
éviter que l'agriculteur ait à supporter pendant quelques mois la
totalité du paiement d'intérêt en attendant le versement de
la contribution, nous suggérons que le versement de la contribution soit
établi à la même périodicité que les
paiements d'intérêts.
Nous croyons de plus que, pour accroître davantage la souplesse du
système, on devrait pouvoir modifier en cours de prêt la
périodicité des remboursements. Pour y arriver, il faudrait que
le mode de remboursement fasse l'objet d'une entente séparée de
l'acte de prêt, pour qu'on puisse la changer sans avoir à passer
chez un notaire pour modifier un acte de prêt enregistré.
Subventions pour l'établissement de jeunes agriculteurs. Les
sections de la loi et du règlement concernant les subventions à
l'établissement reproduisent l'essentiel des lois et règlements
antérieurs sur ce point.
La subvention en capital de 15 000 $ continuerait à devoir
prioritairement être utilisée à des améliorations
foncières et à la construction de bâtiments de ferme.
Nous croyons que cette subvention doit pouvoir être
utilisée à toute dépense qui contribue à
accroître la rentabilité de l'entreprise. Nous demandons que
l'expression "comme suit et prioritairement selon l'ordre suivant" soit
enlevée du premier paragraphe de l'article 72 pour atteindre l'objectif
énoncé ci-haut.
Tous savent que l'augmentation de 8000 $ à 15 000 $ de la
subvention à l'établissement a entraîné un vaste
mouvement par lequel beaucoup d'épouses d'agriculteurs se sont
légalement - elles l'étaient en pratique - établies en
agriculture et, pour ce faire, sont devenues copropriétaires de la ferme
familiale. Comme c'était souhaité, la subvention à
l'établissement sert de déclencheur à un changement
profond qui va dans le sens d'une plus grande justice envers les conjointes
d'agriculteurs.
Dans ce contexte, la limite de 40 ans pour la subvention à
l'établissement constitue une difficulté, dans la mesure
où les femmes de plus de 40 ans sont traitées d'une façon
discriminatoire par rapport à celles qui ont moins de 40 ans.
Pour cette raison, nous demandons que la limite de 40 ans pour recevoir
une subvention à l'établissement soit enlevée.
Étant donné tous les autres critères qui
régissent l'établissement, en particulier, ceux de principale
occupation et de rentabilité, l'abolition du critère d'âge
ne devrait pas, en pratique, donner lieu à des abus.
Toujours en rapport avec l'octroi d'une subvention à
l'établissement, nous souhaitons qu'un irritant dans le fonctionnement
actuel soit éliminé. Dans le cas d'entreprises ayant reçu,
au cours des dernières années, un prêt de 50 000 $ sans
intérêt pour cinq ans, on doit attendre que les cinq années
soient complètement écoulées pour que l'épouse
puisse s'établir légalement et toucher la subvention à
l'établissement. Nous croyons que les mesures appropriées
devraient être prises pour que l'on n'ait pas à attendre la fin de
la période de cinq ans dans ces cas-là. D'une façon ou
d'une autre, on la verse; c'est simplement une question d'années.
L'aspirant agriculteur et l'agriculteur à temps partiel. Le
projet de règlement modifie les politiques de financement à
l'égard des aspirants agriculteurs, c'est-à-dire ceux dont
l'agriculture n'est pas la principale occupation, mais qui s'engagent à
en faire leur principale occupation à l'intérieur d'un
délai de cinq ans. Dorénavant, les aspirants agriculteurs seront
traités comme n'importe quel autre emprunteur par l'office. C'est une
mesure susceptible d'aider un certain nombre de jeunes agriculteurs dans les
premières années suivant une entrée en agriculture, qui
sont souvent très difficiles.
Il demeure toutefois que l'agriculteur à temps partiel n'a pas
accès au crédit agricole. Tout en étant convaincus que
l'objectif de la politique agricole doit être une agriculture dont on
peut vivre, nous constatons que, dans certaines productions et dans certaines
régions, il est extrêmement difficile de faire de l'agriculture sa
principale occupation. Il y a lieu d'envisager une activité agricole
complémentaire à une autre activité.
Nous croyons donc qu'à l'intérieur de balises
établies en étroite concertation avec les
fédérations de producteurs et l'UPA, il y a lieu de mettre en
place des politiques de financement accessibles aux agriculteurs à temps
partiel.
Les fermes de groupe constituent une proportion croissante des nouveaux
établissements. Elles doivent recevoir une attention
particulière.
Des modifications ont été apportées à la
définition de corporation agricole de même qu'à l'article
23 de la loi relatif aux fins pour lesquelles un prêt peut être
consenti.
Nous apprécions en particulier le fait qu'une compagnie agricole
dont un des actionnaires minoritaires serait une personne morale ne serait plus
disqualifiée comme emprunteur à l'Office du crédit
agricole. Il faut toutefois qu'on permette à cet
actionnaire de détenir jusqu'à 11 % des actions votantes,
car la Loi sur les impôts exige une détention de 10 % d'actions
votantes pour permettre le transport libre d'impôt de dividendes entre
deux compagnies. (12 heures)
L'office financera, dans certains cas, le rachat d'une partie de son
capital-actions par une compagnie agricole. Du point de vue fiscal, il est
souvent plus avantageux que les actions d'un actionnaire qui se retire soient
rachetées par un individu plutôt que par la compagnie
elle-même. Nous demandons que cela soit rendu possible à l'article
23 de la loi. Les actifs de la ferme étant possédés par la
compagnie et ne pouvant, pour des raisons fiscales, être offerts en
garantie d'un emprunt par un actionnaire majoritaire, il faudra qu'un tel
prêt soit garanti par le nantissement des actions détenues par
l'emprunteur. Par conséquent, il faut que soit aussi modifié
l'article 20 pour permettre qu'un prêt soit garanti par un nantissement
d'actions.
Les fermes à ressources limitées. On ouvre la
possibilité de prêts à des entreprises qui ne sont
rentables que grâce à un échange de ressources et de
services avec une autre entreprise. C'est un changement positif.
Cependant, nous croyons que les conditions sont trop restrictives et
rigides, dans la mesure où l'office exigerait des baux et des contrats
d'échange de services et de droits d'usage de biens pour la durée
de prêt demandé ou, selon le cas, pour la période de temps
où il est démontré qu'il sera nécessaire de faire
appel aux ressources de cette autre entreprise pour en assurer la
continuité.
Peu de gens seront prêts à offrir de tels contrats pour de
longues périodes, et on le comprend facilement. On devrait exiger des
baux et des contrats d'un minimum de cinq ans.
Nous demandons aussi que soit enlevé le dernier paragraphe de
l'article 7 du règlement, en vertu duquel l'office se donne le droit
d'exiger un cautionnement réel ou personnel du propriétaire de
l'autre entreprise. C'est une disposition excessive dans notre esprit.
Les arrangements entre agriculteurs et créanciers. Il survient
trop souvent que des agriculteurs soient acculés à la faillite,
étant devenus incapables de faire face à leurs charges
financières. Dans plusieurs cas, il s'agit d'agriculteurs
honnêtes, travaillants et efficaces qui sont victimes des forces du
marché ou d'une malchance quelconque.
Les actifs saisis sont, la plupart du temps, revendus à perte, la
preuve étant que l'office semble en voie de rembourser quelque 90 000
000 $ aux institutions financières résultant de pertes sur les
prêts.
Dans plusieurs cas, si l'office avait fait un arrangement avec
l'agriculteur sous forme d'une réduction d'intérêt ou du
capital dû, le coût pour l'office n'aurait pas été
plus élevé que le coût d'une faillite et une ferme aurait
été sauvée. Les lois qui régissent l'office ne lui
ont jamais permis de faire de tels arrangements et le projet de loi ne le fait
pas non plus.
On comprend la difficulté, pour un organisme public soumis
à un contrôle politique, de faire des arrangements où entre
en jeu une évaluation du mérite et des qualités
personnelles des individus.
Cependant, le gouvernement fédéral a mis sur pied, il y a
deux ans, dans chaque province, un Bureau de l'examen de l'endettement agricole
qui a le mandat légal et les ressources pour analyser la situation
d'agriculteurs en difficulté et de rechercher, là où c'est
possible et désirable, des arrangements avec les créanciers.
Le gouvernement fédéral a donné l'autorisation et
les fonds nécessaires à la SCA de faire, à certaines
conditions, des arrangements avec des emprunteurs en difficulté sur
recommandation du Bureau de l'examen de l'endettement agricole.
Les institutions bancaires font de tels arrangements dans certaines
circonstances et il est absurde que, lorsqu'on est incapable de rembourser un
prêt garanti par l'office, la seule issue soit la faillite.
Le gouvernement du Québec doit profiter de l'existence de ce
bureau, qui peut agir comme une instance neutre et techniquement
compétente, et permettre à l'office de faire les arrangements
avec les agriculteurs en difficulté, sur recommandation du bureau et
selon les autres conditions qu'on voudra bien établir.
Tel que nous l'avons mentionné, ce projet de loi ne constitue pas
un bouleversement majeur, mais davantage une refonte des lois
accompagnée d'un certain nombre de changements. Plusieurs des
changements suggérés sont positifs. Nous avons également
formulé un certain nombre de propositions susceptibles
d'améliorer le projet de loi et de règlement.
Pour l'avenir, nous croyons que la réflexion doit se poursuivre
en matière de financement de l'agriculture. Un certain nombre de voies
doivent être explorées. Ainsi, plusieurs sont à la
recherche d'une forme de financement qui serait sous forme
d'équité, pour éviter le poids et la rigidité d'un
financement par dette qui demeure pour l'instant la seule voie possible.
Nous croyons qu'on doit rechercher aussi de nouvelles formules
d'établissement qui permettent, en particulier, l'établissement
graduel comme il en existe dans d'autres pays. On pense à la formule du
"share milking" pratiquée avec un très grand succès en
Nouvelle-Zélande et qui constitue une procédure bien
balisée par laquelle l'acheteur d'une ferme assume, par étapes,
la
responsabilité et la propriété d'entreprise. Cette
voie semble particulièrement prometteuse pour la vente d'une ferme
à un acheteur autre que les enfants.
Nous espérons donc que les points de vue que nous avons
formulés dans le présent mémoire recevront l'attention
qu'ils méritent et qu'ils seront intégrés dans la
rédaction finale du projet de loi et de règlement.
Comme je vous l'avais demandé tout à l'heure, M. le
Président, le président de la Coopérative
fédérée aurait quelques mots à dire et, ensuite,
nous serons à votre entière disposition pour répondre
à vos questions.
Le Président (M. Richard): M. le Président, j'ai
grand confiance dans le président de la Coopérative
fédérée du Québec, sauf que si on vous avait
arrêté après votre temps, vous auriez arrêté
à la page 24. Ce n'est pas un gros problème parce qu'il y avait
sûrement beaucoup de matières jusqu'à la page 34; par
contre, je demanderais un court commentaire parce que nous avons une enveloppe
de temps. Si nous ne respectons pas l'intérieur de ces enveloppes, on va
devoir décaler tous les autres groupes qui ont été
cédulés à des heures fixes.
Alors, M. le Président, si vous y allez dans un délai
très court, s'il vous plaît.
M. Blanchette (Jean-Claude): Merci, M. le Président. Je
serai très bref, une minute tout au plus. Tout d'abord, c'est pour dire,
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés,
que la Coopérative fédérée du Québec, qui
est représentée ici par son président, appuie
entièrement le mémoire présenté par l'UPA. Je pense
que tout cela s'insère. Au Québec, on a fait un choix de
société et je dis que la subvention au crédit, si l'on
veut, est la meilleure formule pour arriver à poursuivre cet objectif de
société de nourrir nos concitoyens et nos concitoyennes, afin que
cela ne soit pas trop dispendieux.
En ce qui concerne l'agriculture, l'UPA l'a souligné, je pense
que c'est peut-être une des industries qui est encore la moins
subventionnée. Alors, la Coopérative fédérée
que je représente ici, cela va de soi, si elle appuie ce mémoire,
c'est qu'elle représente les mêmes agriculteurs qui sont, d'abord
et avant tout, membres de l'UPA et qui sont copropriétaires de la
centrale et de leur coopérative régionale.
Alors, comme l'a si bien souligné dans ses conclusions notre
président, M. Proulx, je pense qu'on vit une évolution constante
et très rapide dans notre société. Ce que le gouvernement
nous propose aujourd'hui... Le mémoire de l'UPA, parce qu'on est
directement avec nos agriculteurs, demande de considérer certaines
améliorations. Je pense que ce ne sera pas le point final. Quand on
regarde l'entente qui semble avoir été signée
dernièrement à Washington, cela va peut-être nous amener
plus rapidement que prévu à modifier encore cette formule d'aide
aux agriculteurs et, en particulier, à l'établissement de nos
jeunes. Je termine là-dessus en disant: Ayons l'oeil ouvert parce que
cela change tellement rapidement qu'il n'y a plus rien de stable. Il n'y a
qu'une chose qui est permanente, c'est le changement. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le président.
Maintenant, M. le ministre, je vous cède la parole en spécifiant
que, de part et d'autre, le parti ministériel et le parti d'Opposition,
vous avez environ 25 minutes chacun pour poser des questions aux intervenants.
M. le ministre.
M. Pagé: Merci, M. le Président de la commission.
Je voudrais évidemment remercier M. le président de l'Union des
producteurs agricoles et l'exécutif de l'UPA ainsi que le
président de la Coopérative fédérée de
Québec de leur témoignage aujourd'hui. C'est un mémoire
bien préparé, qui est le résultat d'une réflexion
qui, comme vous le dites dans votre document, s'est étendue sur une
certaine période. Ce mémoire est aussi le résultat d'une
expérience et d'un vécu de votre organisme qui vous identifie
comme étant très près des préoccupations, des
besoins de vos membres.
Je voudrais, tout d'abord, vous remercier pour l'appui que vous donnez
à plusieurs des dispositions du projet de loi 46 et aussi pour les
recommandations que vous formulez, les modifications que vous souhaitez voir
apportées.
M. le président, messieurs, je ne pourrai évidemment pas
faire le tour avec vous - dans les 25 minutes que nous avons pour tout notre
groupe parlementaire - de chacun des sujets que vous avez abordés. Je
peux cependant vous donner l'assurance suivante.
Premièrement, le document a été bien analysé
et il y a des recommandations que vous formulez qu'on peut qualifier de
très intéressantes. Deuxièmement, je peux vous assurer que
tout sera fait pour que vos recommandations soient bien analysées, non
seulement dans ce but, mais dans une perspective de modifications
éventuelles du projet de loi tel que déposé. C'est
définitif et vous comprendrez très certainement que nous ne
pourrons accepter toutes les recommandations, comme vous ne vous attendez
très certainement pas à ce que le gouvernement les accepte
toutes. Cependant, je peux vous indiquer qu'il y a des choses très
positives, comme on dit chez nous, il y a des choses qui ont beaucoup d'allure
dans les recommandations que vous proposez aujourd'hui.
Je vais continuer avec certains commentaires et peut-être des
réponses au fur et à mesure. Vous abordez toute la question des
quotas. Un sujet souventefois discuté évidemment et un sujet pour
lequel vous m'avez fait des représentations très claires, tant
auprès du comité, parce qu'il a siégé en 1986,
qu'auprès de moi, personnellement, lorsqu'est venu le temps
d'écrire le projet de loi. Les représentations que vous avez
formulées ont trouvé preneur.
Cependant, on doit convenir, de part et d'autre, qu'il y a un
problème à ce sujet. Plus particulièrement dans les cas de
cessions forcées des actifs comme dans le cas d'une faillite. On doit
reconnaître qu'il y a eu des pertes importantes qui ont été
subies par les prêteurs en vertu du régime de prêts tandem.
Cependant, on ne doit pas ignorer la nouvelle problématique
reliée au nouveau mécanisme de vente des quotas, notamment dans
la production laitière, qui a été mis en place depuis
peut-être un an ou un an et demi et qui rend évidemment le
prêteur beaucoup plus vulnérable. D'où la difficulté
d'identifier l'acheteur du quota pour lui signifier valablement le transport
des créances conformément aux articles 1571 et 1578 du Code
civil, de façon que le prêteur puisse faire valoir prioritairement
sa créance sur le quota à l'encontre des autres
créanciers.
Je comprends que vous exprimiez des inquiétudes vous aussi. Le
problème, nous l'avons. Mais il faut bien avoir à l'esprit que le
quota représente, dans certains cas, une valeur importante des actifs de
l'entreprise. Je reviendrai un peu plus tard à un autre sujet que vous
avez abordé, soit les garanties exigées par l'office.
Évidemment, il faut comprendre que, autant pour un prêteur que
celui qui garantit, ce sont quand même des garanties qui viennent des
fonds publics, des taxes et des impôts payés par les citoyens et
qui coûtent strictement et uniquement, en ce qui a trait au financement
agricole, bon an, mal an, 108 000 000 $, 110 000 000 $ ou 115 000 000 $ par
année. Il faut bien avoir à l'esprit que le quota, compte tenu de
la valeur qu'il représente, constitue une garantie importante et que la
problématique engendrée par le régime de vente de quotas
laitiers nous place dans une situation encore plus délicate. J'aimerais
avoir vos commentaires sur l'ensemble de cette problématique, M. le
président.
M. Proulx: Écoutez, je pense qu'on l'a clairement
démontré à l'intérieur. On comprend qu'il peut y
avoir certains problèmes à certaines occasions. On continue
à dire qu'il n'y a pas... Ou qu'on nous fasse connaître les
chiffres réels des pertes encourues spécifiquement parce que les
quotas ont été "manoeuvres" - entre guillemets - peut-être
à l'extérieur de tout cela. Il reste que, pour nous, il y a
beaucoup plus de négatif à inclure cela qu'à ne pas le
faire malgré les pertes qui pourraient survenir. Encore une fois, on
continue à croire que ces pertes sont très minimes, il y en a eu,
c'est évident. Il est sûr qu'il y a toujours des gens quelque part
qui trouvent le moyen de passer à côté d'une loi, d'un
règlement, etc. Sauf que l'effet que cela aurait, et je pense qu'on l'a
très bien exprimé ici et lors d'une autre commission
parlementaire où on en a discuté directement, l'effet
immédiat serait de faire de la surenchère; c'est une
première chose. (12 h 15)
II y aurait aussi un autre effet. Et cela, tous les prêteurs - je
pense que c'est absolument logique, tellement naturel - la première
chose qu'ils vont faire, c'est de prendre le quota, parce que c'est quelque
chose de vraiment fluide, pourrait-on dire, de facilement négociable et
qui comporte un prix élevé pour se payer. À partir de
là, vous venez rendre, un peu partout au Québec, une multitude de
fermes - je n'ai pas besoin de vous rappeler qu'il y a encore tout près
de 17 000 fermes laitières, ajoutons les volailles, les oeufs, qui ont
des contingentements, etc. - toutes ces fermes ou presque toutes,
complètement dépourvues si vous donnez ce large mandat aux
prêteurs. Je pense - et tout le monde sera d'accord avec cela - que la
première chose qu'un prêteur fait, c'est d'aller où il
pourra se rembourser le plus facilement.
Et c'est cela, le gros risque, c'est cela, la catastrophe qui va se
produire à partir de là, parce que, à partir du moment
où tu n'as plus de quota, tes installations, dans bien des cas, ne
valent plus rien ou à peu près. Dans d'autres cas, c'est un peu
moins grave parce que tu peux transformer mais, encore là, tu viens de
perdre, surtout, ta capacité de payer et de pouvoir vivre en
agriculture. C'est là le gros risque. À partir des engagements
des administrateurs de ces quotas, qui sont des plans conjoints, de mettre tout
en place pour que l'office soit préférentiel sur ce
plan-là, ils sont prêts à amender leur règlement,
selon la capacité qu'ils ont de le faire naturellement. Mais je pense
que c'est actuellement un supplément de garantie aux emprunteurs et,
particulièrement, à l'office.
Mais ne donnons pas cela ainsi aux prêteurs. Il est évident
qu'ils vont tous, en l'espace d'un rien de temps, sauter sur cela, parce que
c'est trop facile de pouvoir vendre cela et de récupérer
entièrement tout son prêt, ce qui, parfois, n'est pas
nécessaire. C'est là le gros danger, sans compter les autres qui,
à mon avis, sont moins graves, mais qui ajoutent à la
gravité de la situation.
Je pense que la parole et l'engagement formel des
fédérations, qui administrent les plans conjoints, de tout mettre
en oeuvre et
même d'amender leurs règlements pour sécuriser
davantage les prêteurs doivent être amplement suffisants pour...
Même si vous les mettez là, il va y avoir des abus beaucoup plus
grands de l'autre côté, M. le ministre, parce qu'on sait à
quelle vitesse certaines institutions prêteuses veulent appliquer leur
garantie. C'est cela, le risque. Je pense qu'on ne peut pas se permettre
d'aller vers cela, pas plus que le ministère ne peut se le permettre
parce que ce serait une catastrophe qui débalancerait et
déstabiliserait complètement l'agriculture au Québec.
Prenons simplement l'exemple qu'on a vécu avec les hauts taux
d'intérêt et les grandes difficultés qu'on a connues il y a
quelques années. Que cela se reproduise, en l'espace d'un an, vous
verrez disparaître une multitude de fermes parce qu'elles n'auront plus
le pouvoir de pratiquer l'agriculture.
M. Pagé: Mais vous devez reconnaître qu'à la
suite des représentations que vous avez faites, la mise en garantie des
quotas n'a pas été retenue dans le projet de loi. Je veux
être bien clair.
M. Proulx: Oui, oui.
M.. Pagé: Cependant, je compte - je vous le dis
très clairement - que les fédérations de producteurs qui
administrent ces plans conjoints et les groupes se montrent très
disponibles à adapter les réglementations pour être certain
que, dans des cas concrets comme ceux auxquels je faisais
référence tout à l'heure, on ait le moins de
problèmes possible dans les cas où la garantie doit être
réalisée et où les actifs doivent être
transférés à la suite d'une faillite.
M. Proulx: Je peux vous dire, M. le ministre, qu'on a eu
plusieurs réunions et je peux vous garantir que les
fédérations sont prêtes à prendre ces engagements.
Elles les ont pris et elles sont prêtes à discuter encore pour
sécuriser au maximum. Vous avez l'engagement de l'organisation et de
l'équipe.
M. Pagé: Je vous remercie. Vous avez fait
référence assez longuement, dans votre document, à la
question des garanties. Vous évoquez le fait que les montants de
prêts octroyés dépendent, dans certains cas ou dans
certaines productions, trop des garanties plutôt que de la
capacité de remboursement de la part de l'emprunteur. Je dois vous dire
que c'est une notion que je trouve très intéressante, et mes
collègues de ce côté-ci ont eu l'occasion de discuter sur
le sujet. On va s'attarder à étudier la possibilité
d'introduire, dans l'appréciation du montant du prêt
octroyé, la possibilité de prendre non seulement en compte le
montant des garanties, mais aussi la capacité de remboursement. Je peux
vous en donner l'assurance, on va tout faire pour fouiller cela, si je puis
dire.
Je n'exclus pas non plus la possibilité de placer sous la
juridiction du comité de réexamen la question des litiges qui
peuvent survenir entre l'office et l'emprunteur en ce qui concerne les
garanties qu'ils donnent.
Vous évoquez, de plus, la fameuse question de considérer
la Société du crédit agricole du Canada comme si elle
était une institution financière et qu'on le garantisse. J'aurai
l'occasion de revenir, cet après-midi, lorsque nos distingués
amis ou vis-à-vis de la Société du crédit agricole
comparaîtront, je pense que c'est aujourd'hui ou demain. C'est tout un
débat.
M. Proulx: Le débat de reconnaître la
société?
M. Pagé: La société. Ha! ha!
M. Proulx: Ha! ha!
M. Pagé: Vous savez, j'agis comme ministre depuis
bientôt deux ans, je représente un comté agricole depuis
bientôt quinze ans. Tous sont unanimes à constater la
différence entre les programmes administrés par la
Société du crédit agricole du Canada et l'Office du
crédit agricole du Québec. D'ailleurs, quand je vois mes
collègues de l'Ouest, particulièrement dans les provinces
où on produit des céréales, si l'Ouest canadien avait pu
bénéficier de programmes, de structures de financement
comparables à celles qu'on s'est donnés au Québec, qui
existent depuis 50 ans et qui ont été bonifiés, il y
aurait peut-être moins de problèmes dans l'Ouest et nos homologues
fédéraux seraient peut-être exempts d'agir à coups
de millliards de dollars pour "sauver les meubles" à ce stade-ci. Le
sujet est sur la table, j'aurai l'occasion d'y revenir avec eux. Il y aurait
peut-être moins de problèmes si la Société du
crédit agricole du Canada prêtait à des taux comparables
à ceux du Québec. Ce serait peut-être la meilleure
façon de régler le problème.
M. Proulx: Si vous me le permettez, il est évident qu'on
comprend que, sur le plan politique, ce n'est pas facile, sauf qu'en même
temps, vous savez et on sait tous quelle bataille il faut mener au niveau de la
tripartite pour aller chercher de l'argent. Là, vous avez l'occasion,
ils viennent vous l'offrir, presque à vos conditions. C'est pour cela
qu'on dit: Sautez là-dessus. Vous savez combien vous êtes
obligés de vous battre pour aller chercher notre part avec les
autres.
M. Pagé: Mais vous allez continuer à vous battre
avec moi.
M. Proulx: Pardon?
M. Pagé: J'espère qu'on va continuer à nous
battre ensemble pour aller en chercher plus.
M. Proulx: Ah! on n'a jamais reculé, M. le ministre.
M. Pagé: Parfait!
M. Proulx: C'est pour cela qu'on vous fait une suggestion tout en
comprenant que le côté politique est assez dur, pour une fois que
le fédéral vient nous offrir de l'argent, aussi bien le
prendre.
M. Pagé: C'est pour cela, on n'est pas habitués, on
y regarde à deux fois.
M. Proulx: Dans tout cela, il y a eu des difficultés
particulièrement dans la production porcine. Laurent Pellerin, qui est
président de la Fédération des producteurs de porcs,
pourra vous expliquer plus que je ne peux le faire les difficultés des
producteurs de porc face à cela.
M. Pagé: D'accord. Je note et je vais... M. Pellerin
pourrait peut-être ajouter quelque chose. Il me reste combien de temps,
M. le Président? Dix minutes? D'accord, ensuite, j'irai plus vite. M.
Pellerin.
M. Pellerin (Laurent): Je pense qu'on signale le groupe des
producteurs de porc pour mieux délimiter l'explication, mais c'est vrai
pour différents groupes de producteurs qui ont été exclus
pour différentes raisons de l'accès à l'Office du
crédit agricole. Les producteurs de porc ont des prêts à la
Société du crédit agricole comme d'autres producteurs. Ce
n'est pas nécessairement parce que leur dossier n'était pas bon
ou qu'ils n'avaient pas de rentabilité sur leur ferme qu'ils ont
été exclus, c'est tout simplement parce que pendant une certaine
période l'Office du crédit agricole ne faisait simplement pas de
prêts à des producteurs de porc. Ces gens-là ont
été presque obligés d'aller chercher des sources de
financement ailleurs, dont à la Société du crédit
agricole.
Il y a actuellement deux voisins qui sont producteurs de porcs et qui
peuvent consacrer une partie importante de leur revenu à payer des
intérêts d'une façon bien différente d'un voisin
à l'autre. Cela peut varier de 10 000 $, 15 000 $ ou 20 000 $ de
différence par année en paiement d'intérêts. Ce sont
deux Québécois, deux producteurs voisins dans le même rang.
On trouve cela douloureux à supporter. C'est vrai pour les producteurs
de porcs parce qu'on peut dire que peut-être 50 % de nos producteurs ont
un prêt à la Société du crédit agricole et
c'est vrai aussi que de nouvelles productions n'ont pas eu accès a des
prêts à l'Office du crédit agricole, mais à la
Société du crédit agricole, par exemple. On pense à
certaines productions en serre. Je ne parle pas de l'année
dernière, mais il y a quelques années c'était plus
difficile à l'office qu'à la société pour ces
nouveaux dossiers. Ils sont allés a la Société du
crédit agricole, ils ont eu des prêts, ils ont des fermes
rentables, ils font leurs remboursements, mais ils sont traités de
façon différente. Ce sont des citoyens du Québec qui ont
droit aux mêmes avantages de leur gouvernement du Québec. Cela est
douloureux dans le champ, c'est difficile, pendant que le même
gouvernement fait des ouvertures à des formations de
sociétés en commandite pour financer, encore là,
très majoritairement la production porcine à même les
deniers publics et que, de façon discriminatoire, on laisse un groupe
sur la "side line", sur une voie d'évitement, avec des charges plus
importantes.
Il y a tout le problème politique comme Jacques le notait
tantôt, mais l'aspect de la discrimination parmi les producteurs, je
pense que c'est quelque chose à regarder.
M. Pagé: Je vous remercie, M. Pellerin. L'argument
invoqué par le président de la Fédération des
producteurs de porcs est très intéressant, car c'est le cas que
le Québec a, à un moment donné, décidé de ne
plus octroyer de prêt, et vous n'aviez pas le choix. Les producteurs
désireux soit d'agrandir ou de se moderniser devaient se diriger vers la
Société du crédit agricole du Canada. Il faut bien
reconnaître aussi la distinction très importante des avantages
entre les programmes administrés par les deux entités. Cependant,
il y a d'une part tout l'aspect politique ou l'aspect tradition ou position
traditionnelle du Québec qui est important. Il y a aussi l'autre
élément, à savoir qu'autant le cas des producteurs ou des
productrices de porc peut être explicable - vous utilisez le terme
"discrimination" mais c'était une situation de fait et de droit qui
prévalait à l'époque -autant cela peut être
explicable dans votre cas et cela pourrait inciter le ministre de l'Agriculture
à recommander au cabinet une telle ouverture. Mais il ne faut pas se
faire de cachette. On le sait, on ne peut peut-être pas le dire, mais un
mois après, tous ceux qui sont là vont dire: On veut la
même chose, tous ceux qui se sont financés dans toute autre
production que le porc, avec les impacts que cela comporte. On va continuer
à regarder cela. J'écoute vos commentaires et je suis bien
sensible à vos préoccupations.
En terminant, quant à la question des
sociétés en commandite, il faut quand même retenir
qu'elles ne se sont pas multipliées jusqu'à maintenant. J'ai tous
les motifs de croire qu'elles ne sont pas susceptibles de se multiplier. Je ne
crois pas que l'avenir du Québec en agriculture passe par une telle
structure d'entreprise, compte tenu de l'importance qu'on attache à la
ferme familiale. Cependant, il faut quand même avoir à l'esprit
que, dans certains cas, les sociétés en commandite, cela fait
l'affaire de tous les intervenants. Qu'il me suffise de me
référer à une région comme l'Abitibi -que vous
connaissez très bien - qui souhaite ardemment qu'une
société en commandite, notamment dans la production du boeuf,
puisse être accréditée et acceptée.
M. Pellerin: On peut ajouter que, sur les sociétés
en commandite, le seul point avec lequel on est en grand désaccord,
c'est l'effet de concentration que cela a eu dans certains cas et
particulièrement dans le domaine de la production porcine. Cela va
intensifier la concentration de certains gros propriétaires et on trouve
cela dommageable. Les producteurs à leur compte, les producteurs de type
ferme familiale n'ont pas eu accès à ces formes de financement.
Où on est contre, c'est quand c'est un argument de plus à la
concentration. Comme mécanisme de financement, disons que... (12 h
30)
M. Pagé: Nous sommes bien conscients de cet écueil.
Je peux vous témoigner du plus profond et du plus grand des respects a
l'égard du producteur individuel, notamment dans la production du porc,
qui a eu des périodes très difficiles à traverser. Je peux
témoigner, comme ministre, qu'ensemble on a traversé des choses
peut-être difficiles, gouvernement et producteur, mais l'on doit convenir
aujourd'hui que la situation est relativement sécurisante. Exemple
concret: Nos déficits pour le régime d'assurance-stabilisation
ont été comblés, les prix semblent se maintenir. Il y a
évidemment tout l'écueil américain, mais cela, on aura
l'occasion d'en rediscuter.
M. le Président, j'aurais quelques commentaires avant de terminer
puisque mon temps est presque fini. Toute la notion d'un prêt, soit le
prêt pour les premiers 50 000 $, c'est-à-dire s'inspirer des
principes des prêts selon la Loi favorisant l'amélioration des
fermes où il y avait davantage de latitude du prêteur, je note
cela. Et nous verrons ce que l'on peut faire pour aller exactement dans le sens
de vos représentations. Inclure le prêt à moyen terme dans
la partie subventionnée, on va voir si cela peut être
réalisable et surtout à quel coût et à quelle
condition.
J'apprécie beaucoup vos commentaires sur la formation en
agriculture. Je note la question du DEC par rapport à l'attestation
d'études collégiales et la possibilité qu'un emprunteur
s'engage à compléter ses cours pour en arriver à
l'obtention de son DEC. Je le note aussi pour voir si c'est possible de faire
quelque chose dans ce sens-là.
Vous avez semblé vous inquiéter de la garantie du vendeur;
je peux vous assurer, en ce qui me concerne, qu'il est très clair qu'il
n'est pas question, pour l'Office du crédit agricole du Québec,
de dire, par exemple: Vous demandez un prêt de 250 000 $, on aurait pu
vous en prêter 210 000 $ ou 220 000 $; on va vous en prêter 150 000
$ et allez chercher une garantie de 100 000 $, faites couvrir les 100 000 $ par
le vendeur. Je peux vous donner l'assurance que ce n'est pas l'économie
du projet de loi, que ce ne sont pas les intentions ni du législateur,
ni du gouvernement et, par conséquent, ni de l'Office du crédit
agricole. Je veux vous sécuriser là-dessus.
La possibilité de choisir son fonctionnaire, j'ai trouvé
cela "cute". Je vous rappellerai que l'emprunteur a toujours le droit d'en
appeler au directeur régional. Je vous le dis. Je comprends que, tant
qu'il y aura des êtres humains, il y aura des "humaineries". Il peut
arriver parfois qu'il y ait des conflits entre un agriculteur, une
agricultrice, etc., et le représentant de l'office dans le secteur.
À ce moment-là, n'hésitez pas, allez au bureau
régional. C'est prévu, c'est normal, c'est explicable. Je pense
qu'il serait contre-indiqué que les emprunteurs éventuels se
promènent avec le cahier de la liste des fonctionnaires pour savoir qui
on doit aller voir.
Cependant, je prends bonne note de la problématique de Rimouski
par rapport à l'Abitibi. Je suis allé en Abitibi. Mes amis, les
producteurs de là-bas, m'ont sensibilisé au fait qu'ils
s'expliquaient mal que le bureau régional de l'Abitibi se situe à
Rimouski. Je leur ai dit: le ministre aussi. Dans cela comme dans beaucoup
d'autres choses, j'espère être capable en quatre ans de corriger
pas mal de choses qui ne se sont pas faites pendant neuf ans.
Simplification de la marge de crédit: vous dites que l'obligation
de déposer les pièces justificatives entraîne beaucoup de
perte de temps. J'étudie la possibilité que, sur
présentation peut-être juste du chèque, le chèque
qui a été fait, plutôt que d'envoyer les paperasses, les
formules et les copies de factures, que cela puisse être... En tout cas,
ce que je peux vous dire, c'est qu'on va tout faire pour simplifier et la
préoccupation que vous véhiculez aujourd'hui semble être
ressentie sur le terrain.
Arrangements: je vous dirai, M. Proulx, que c'est vrai. C'est
très probablement vrai que si l'Office du crédit agricole du
Québec pouvait, dans le cas d'une cession des actifs ou d'une situation
très précaire de l'emprunteur, négocier avec cet
emprunteur
des conditions d'arrangements; dans certains cas. cela nous permettrait
probablement de maintenir une entreprise en fonction et de sauver de l'argent
à l'État. Mais vous allez convenir avec moi que l'Office du
crédit agricole n'a pas - et c'est normal qu'il en soit ainsi - la marge
de manoeuvre qu'une banque, quelle qu'elle soit, peut avoir. Vous savez,
lorsqu'une banque accorde un prêt à une entreprise et qu'elle
constate qu'elle est sur le point de perdre son prêt et que les
garanties, lorsqu'elles seront réalisées, ne seront pas
suffisantes pour rembourser la totalité de l'emprunt et les
intérêts, elle a des possibilités. Vous savez, ce sont des
entreprises dites privées. Elles sont quand même tributaires d'un
conseil d'administration, des actionnaires.
Nous, ce qu'on administre, ce sont les fonds du public. Ce sont les
taxes et les impôts des citoyennes et des citoyens que l'on tente de
réduire le plus possible, j'en conviens, mais qui sont encore quand
même assez appréciables. Je ne peux que vous dire que j'en prends
notre. Mais avant d'introduire une notion d'arrangement pour un prêt
consenti par l'office, il faut bien tout peser. Vous vous imaginez la situation
vulnérable dans laquelle, premièrement, l'office se placerait. Et
il ne faut pas oublier que les décideurs qui sont à
l'Assemblée nationale sont des élus. Ils ne sont pas
mandatés par un groupe d'actionnaires. Imaginez-vous toute la pression
que ça pourrait engendrer. Alors, beaucoup de réserve. Je tiens
à vous dire que j'en prends note. Dans certains cas, ça serait
peut-être logique, mais peut-être que dans l'ensemble, ça
coûterait plus cher à notre société.
En terminant, je vous remercie évidemment de me sensibiliser
encore une fois - je termine là-dessus, M. le Président - sur la
question des agricultrices qui, lorsqu'elles ont atteint 40 ans, ne sont plus
admissibles aux primes à l'établissement. J'ai établi et
j'ai maintenu une qualité et une quantité de contacts que je
qualifie de très intéressantes pour ne pas dire impressionnantes
avec la Fédération des agricultrices du Québec
d'aujourd'hui, qui était le comité provisoire avant, etc.
Je pense que nous pouvons reconnaître que notre gouvernement a
quand même posé des gestes concrets très positifs pour
faire en sorte que le partage des tâches, chez les agricultrices, passe
véritablement au partage des pouvoirs. Ce à quoi j'aurai
l'occasion de revenir avec les agricultrices, cet après-midi. Cependant,
toute cette question de l'âge de 40 ans nous préoccupe au plus
haut point. Nous sommes à étudier des façons d'intervenir
ou de faire qui seraient susceptibles d'aider nos agricultrices môme si
elles ont plus de 40 ans, entre autres en ce qui concerne le transfert de
propriété, les frais à payer, etc. On a calculé
environ 1700 $ en moyenne de frais relatifs ou inhérents à un
transfert de propriété, mais il faut bien avoir à l'esprit
que ces fameuses primes sont des primes à l'établissement.
Alors, M. le Président, je voudrais remercier M. le
président de l'UPA, l'exécutif, toute l'équipe, le
président de la Coopérative fédérée, M.
Pelletier qui est avec nous aujourd'hui et qui joint sa voix à celle de
l'Union des producteurs agricoles. Je vous assure que, même si nos
travaux se compléteront demain, il y a des gens, tant à mon
ministère, à mon cabinet, qu'à l'Office qui vont
travailler pour voir tout ce qui peut être mis en oeuvre à partir
des suggestions que vous avez formulées. Merci.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. M. le
Président.
M. Proulx: Deux, trois petits points rapidement. Par rapport au
bureau d'endettement, M. le ministre, on l'a dit clairement, c'est bien
sûr que, premièrement, l'office ne pouvait pas le faire
jusqu'à aujourd'hui à cause de la loi ou ainsi de suite. Mais il
reste qu'il ne faudrait pas oublier qu'on parle de partir de recommandations du
bureau d'endettement. Il y a quand même un groupe de personnes qui font
le travail; il ne serait pas mis dans un gros conflit d'intérêts.
Et, deuxièmement, il faudrait peut-être calculer les pertes que
ça occasionne sous cette forme à l'heure actuelle. Quand une
ferme est deux ans ou trois ans avant d'être vendue et qu'il n'y a
personne qui ne l'occupe et qu'en plus vous payez et que vous n'avez pas les
paiements, je ne suis pas si certain que ça que vous avez
économisé des grosses sommes d'argent. C'est dans ce
sens-là, je pense, particulièrement, que le bureau d'endettement
fait des recommandations et d'après ce qu'on en sait aujourd'hui, il n'a
pas fait de recommandations très erronées dans les cas où
il a recommandé de garder la personne là ou de vendre.
Deux autres points que vous n'avez pas soulevés - je fais juste y
revenir, c'est très important pour nous - c'est la question des 15 000 $
et la question des 50 000 $. Je parle de rapidité. On aimerait la
retrouver, qu'on l'ait encore. Cela permettait à nos producteurs
d'opérer assez rapidement à l'intérieur de ça.
J'aimerais que vous portiez une attention assez particulière sur
ça et les 15 000 $ aussi qui étaient à 3 %. Il faudrait
regarder ça parce que ça donnait une marge de manoeuvre
drôlement intéressante dans certains cas.
M. Pagé: Seulement un commentaire sur les 15 000 $. J'ai
constaté à ma grande surprise en arrivant là que nous
subventionnions les prêts consentis par la Société du
crédit agricole sous ce chapiteau-
là, les 15 000 S.
M. Proulx: C'est un départ. M. Pagé: Bien oui!
mais... M. Proulx: C'est un départ. Des voix: Ha! Ha!
Ha!
M. Pagé: Savez-vous ce que je me suis dit quand j'ai vu
cela? Je me suis dit: Mon prédécesseur n'a certainement pas vu
cela parce qu'il l'aurait coupé avant.
M. Proulx: Quand vous subventionnez cela, ce sont les
agriculteurs que vous subventionnez, ce n'est pas le gouvernement
fédéral.
Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de
l'Opposition, vous avez la parole.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Merci à M.
Proulx et à M. Pelletier, représentant la Coopérative
fédérée et l'Union des producteurs agricoles.
Beaucoup de points ont été touchés jusqu'à
maintenant. D'autres pourront revenir lorsque d'autres groupes seront entendus,
soit les jeunes de la relève ou les femmes productrices. J'aimerais
revenir sur une partie qui est dans votre document, à la page 32,
où on parle d'agriculteurs en difficultés. On en a parlé,
mais j'aimerais avoir davantage de précisions. Vous préconisez la
possibilité que l'office puisse faire des arrangements avec ces
agriculteurs incapables de faire face à leurs obligations
financières. Pouvez-vous me dire quelle sorte d'arrangement, quelle
nature les arrangements pourraient avoir et ce que vous envisagez à ce
niveau-là afin d'éviter que ces agriculteurs ne se retrouvent en
faillite? J'ai eu l'occasion de bien entendre les gens de la relève et
aussi ceux qui disent: Si cela continue de même, je suis à la
veille de partir. Il ne me reste pas grand temps, je vais être
obligé de quitter. Quels sont les moyens que vous préconisez et
que l'office pourrait avoir à sa disposition pour leur permettre de
faire ces arrangements?
M. Proulx: Dans la loi, il y a des arrangements. Il peut y avoir
une réduction du capital ou des intérêts. Il faut se
souvenir qu'à l'intérieur de cela, il n'a jamais
été dit qu'on pouvait réduire indéfiniment et
ramener cela à quelque chose de symbolique. On était d'accord
pour tenir compte d'une valeur réelle dans un milieu, mais ce sont des
éléments qu'on peut mettre en application. On peut
rééchelonner les paiements d'une autre façon. Il y a une
multitude de choses qui peuvent se faire, mais vis-à-vis de l'office, je
ne vois pas plus que la baisse de la dette ou la baisse des
intérêts.
M. Jolivet: ...un financement d'une autre façon.
M. Proulx: Ou un refinancement d'une autre façon,
l'étude de la capacité de remboursement ou ainsi de suite, la
nouvelle capacité de remboursement. C'est à l'intérieur de
ces balises, de ces cadres, comme le bureau d'endettement qui va recommander
à d'autres créanciers de diminuer d'un certain pourcentage leurs
dettes ou de reprendre de nouvelles façons d'échelonner sur un
plus grand nombre d'années le paiement de ces choses-là. C'est
dans ce sens-là que cela s'est fait.
M. Jolivet: Vous parlez à la page 15 des problèmes
actuels de certains agriculteurs liés au fait que l'office,
d'après vous, ne tient pas suffisamment compte de la capacité de
rembourser l'emprunteur dans l'évaluation d'une demande de prêt.
Pouvez-vous donner des exemples où, avec la nouvelle loi, il pourrait y
avoir des corrections à apporter?
M. Proulx: On retrouve dans différentes régions du
Québec des valeurs qui, quand on fait l'évaluation, ne sont pas
les mêmes. Quand vous achetez une terre laitière dans la plaine de
Montréal et que vous achetez la même ferme laitière dans
une autre région du Québec, les Cantons de l'Est, l'Abitibi ou le
Bas-Saint-Laurent, le fonds de terre, ce qui est pris en évaluation, n'a
pas la même valeur, mais la capacité de remboursement est la
même, d'autant plus pour des productions contingentées où
il y a un prix de négocié. N'importe où au Québec,
on reçoit le même prix pour le produit. La capacité de
payer est là, sauf que ce que l'on prend habituellement en garantie n'a
pas la même valeur. Le fonds de terre dans la région de la plaine
de Montréal, je ne sais pas combien il vaut, mais disons 800 $
aujourd'hui. On n'a pas cela ailleurs à quelques exceptions près
à cause de la nature, de la qualité du sol. C'est là que
ces producteurs, particulièrement dans les régions
périphériques sont pénalisés. Et, pas besoin
d'aller loin, vous le vivez dans les différentes régions du
Québec, autant dans la région de la Mauricie où il y a une
différence énorme dans la valeur des terres près du fleuve
comparativement... Vous connaissez le coin. C'est la même chose dans
toutes les régions. C'est pour cela que l'on dit qu'il faut absolument
tenir compte de cela, sinon on pénalise drôlement des producteurs
et des productrices. La capacité est là et ce sont les grosses
récriminations qu'on a, particulièrement dans ces régions.
(12 h 45)
M. Jolivet: Vous parlez d'une refonte plutôt que d'une
réforme et - j'en conviens avec vous - vous déplorez à
l'intérieur de votre document la disparition de la subvention à
l'intérêt pour les prêts à moyen terme, comme il est
prévu actuellement dans la loi sur l'amélioration des fermes.
Pourriez-vous nous dire quel serait l'impact de cette abolition de la
subvention pour l'emprunteur, l'agriculteur lui-même et aussi pour les
exploitations de groupe de la façon dont elle est
présentée actuellement, c'est-à-dire l'abolition
complète?
M. Proulx: Peut-être que François...
M. Côté (François): On ne l'a pas
calculé mais ce serait la perte de tout ce qui est versé comme
subvention en vertu des PAF; M. Moreau doit avoir cela pas loin. La partie dans
les lois tandem, dans les prêts à long terme en vertu de la loi
tandem qui était du nantissement sur moyen terme, perdrait le droit
à la subvention. Je n'ai pas de calcul de fait là-dessus mais
peut-être que M. Moreau en a sous la main.
M. Jolivet: II faut prévoir que, d'une façon ou
d'une autre, il y aurait un impact négatif assez important.
M. Côté (François): C'est sûr. M.
Proulx: C'est évident.
M. Jolivet: Pour ce qui est du comité de réexamen,
vous proposez d'élargir le mandat de ce comité à la
capacité de remboursement et aux garanties exigées de
l'agriculteur. Et dans les cas d'échéance de prêt, vous
recommandez aussi que le comité soit décisionnel et non pas
consultatif comme le projet de loi le prévoit actuellement. Vous
demandez la création d'un poste d'ombudsman. Est-ce que vous pourriez me
dire, quant au comité qui est fait actuellement, quelles sont les
craintes que vous avez, ajoutées à ce que vous avez dit sur la
création d'un comité qui serait décisionnel plutôt
que consultatif?
M. Proulx: Nos craintes, c'est qu'on imagine qu'une fois qu'un
dossier va être rendu entre leurs mains, ce doit être parce que
pour tout le reste du processus, les gens n'ont pas trouvé de solution.
Alors, une fois qu'il y a une proposition de faite, je ne vois pas dans quelle
situation ils se retrouvent pour justement accepter ce qu'ils ont refusé
avant. Ce serait de les mettre dans une situation difficile. C'est pour cela
qu'on dit qu'il doit être décisionnel; alors, on les exemptera
d'être dans une situation difficile. C'est tout le temps assez choquant
d'être obligé de revenir sur ce qu'on a décidé.
M. Jolivet: C'est pour cela que vous proposez que la personne qui
a pris la décision ne fasse pas partie du comité de
réexamen.
M. Proulx: On ne propose pas cela, mais on dit que pour le
comité qui sera nommé pour justement réviser, sa
recommandation devrait être applicable, décisionnelle et finale.
Il ne devrait pas avoir uniquement des pouvoirs de recommandation, cela va
être encore refusé, je veux dire, à d'autres niveaux parce
que si cela est rendu là, c'est qu'il y a des raisons. Je pense que ce
comité-là devrait normalement être en mesure de tenir
compte d'autres éléments qu'ailleurs on n'a pas pu tenir compte.
Ces recommandations ne seront pas nécessairement favorables à
l'un ou à l'autre, je pense qu'elles seront prises d'une façon
plus dégagée que cela ne peut l'être dans d'autres
circonstances ou à d'autres paliers qui ont suivi tout le dossier. Un
comité facultatif, c'est bien "le fun" et cela donne bonne conscience
à tout le monde, mais à un moment donné, il faut leur
donner des pouvoirs, à ces comités-là, parce que cela
devient frustrant d'y travailler.
M. Jolivet: Est-ce que par rapport à ce que nous
proposons, une sorte de comité d'appel plutôt qu'un comité
de réexamen à l'intérieur même de l'office qui est
composé du président, d'un représentant du groupe des
agriculteurs qui serait nommé au comité de l'office et un des
régisseurs qui est un autre que celui qui a pris la décision - un
peu comme cela se passe à la Commission de protection du territoire
agricole - c'est quelque chose qui vous conviendrait et qui serait plus
à même de répondre à vos attentes?
M. Proulx: Bien écoutez, on n'y a pas pensé plus
que cela. Je ne peux pas vous répondre oui ou non. On n'y a pas
réfléchi plus que cela. C'est peut-être acceptable tout de
même, je ne le sais pas.
M. Jolivet: En ce qui concerne le projet de loi 49 sur le fonds
d'assurance-prêts agricoles et forestiers, vous vous opposez à ce
que les producteurs assument la réduction du déficit du fonds, et
cela, par l'intermédiaire, bien entendu, d'une hausse substantielle des
contributions des producteurs à ce fonds.
Est-ce que vous croyez que le projet de loi 49 aurait des effets
négatifs pour les jeunes qui ont à entrer dans l'agriculture
comme relève agricole? Quels sont les impacts que cela peut avoir sur le
fait que, d'un côté, ils reçoivent de l'argent et que, de
l'autre, on leur demande de payer?
M. Proulx: Mais regardez, ce n'est pas
que pour les jeunes que cela aura un effet, c'est pour tout le monde.
Qu'ils garantissent ou qu'ils ne garantissent pas. Si je me paie une assurance,
je n'ai plus besoin des autres pour garantir mon prêt. C'est l'assurance
qui va le garantir. C'est pour cela qu'on est complètement contre.
Si je me paie une assurance, je n'ai plus besoin des autres. Je vais
l'assurer, mon prêt. L'État a décidé de garantir et
d'aider de cette façon-là. Qu'il garantisse et qu'il en porte les
conséquences, entre nous, en appliquant... On a fait plusieurs
recommandations, tout au long de notre mémoire, justement, pour qu'il y
ait le moins de pertes possible, un meilleur suivi - il y a un tas de mesures
proposées - une meilleure formation. Il y a des encouragements à
différents endroits justement pour minimiser les pertes le plus
possible. Mais si, en plus, on me demande de payer une assurance, je vais me
donner un mécanisme, au moins, pour gérer tout cela. Je n'ai pas
besoin d'en demander à d'autres. L'État va garantir quoi à
partir de cela si je paie de l'assurance? C'est pour cela qu'on est contre.
Bien sûr que l'élément du coût additionnel va
être grand pour les nouveaux emprunteurs, mais pas uniquement pour les
jeunes qui s'établissent, pas uniquement pour ceux qui
s'établissent, pour ceux qui vont emprunter à nouveau, qui vont
reconsolider leurs entreprises et ainsi de suite.
Je pense que c'est complètement contraire à la notion
qu'on a développée d'une politique gouvernementale primordiale
pour l'agriculture.
M. Jolivet: J'ai compris aussi, dans l'ensemble de tous ceux qui
veulent emprunter et dans les discussions que j'ai eues avec les gens ou avec
les groupes que j'ai rencontrés, on parle toujours du coût de
production incluant un salaire convenable et le paiement des assurances
contenues dans l'ensemble.
Mais ma question concernait primordialement les jeunes. On a une
bonification qui est apportée par le projet de loi 46. C'est ce qu'on
croit comprendre, qu'effectivement il y a une bonification. D'un autre
côté, une autre loi à côté vient leur demander
de payer plus pour des services qu'ils avaient et, en conséquence, je
pose la question: Est-ce qu'il n'y a pas un impact de l'un sur l'autre?
On peut étudier deux lois séparément, mais voir
qu'entre les deux, d'une façon, on donne, dans le projet de loi 46, des
bonifications et, de l'autre côté, on les enlève par
l'intermédiaire d'une autre loi, qui est la loi 49.
M. Blanchette: Je pense qu'on peut faire une relation, mais pas
nécessairement une relation. Nous, ce qu'on dit, c'est que tous les
nouveaux emprunteurs, quand on voit tous ceux qui ont à emprunter
à nouveau, la formation de nouvelles structures juridiques pour les
entreprises agricoles, cela constitue des nouveaux emprunteurs. Tous
ceux-là vont avoir à assumer ces frais.
Alors, notre raisonnement de fond, c'est: Si on n'a pas un mot à
dire dans les risques qu'on prend lors de l'attribution du prêt, pourquoi
les agriculteurs auraient-ils à assumer les risques qui découlent
de ces prêts-là? La logique voudrait que, s'ils paient une
assurance pour assurer des pertes, ils aient un mot à dire dans l'octroi
du prêt, dans les risques qu'ils vont prendre dans l'octroi du
prêt. C'est un office gouvernemental qui a cette responsabilité et
assume ensuite les risques qui en découlent.
M. Jolivet: Vous proposez un certain nombre de recommandations
relatives au fonctionnement de l'office. Notamment, vous demandez qu'un
conseiller de l'office ne puisse recommander aux autorités de l'office
le refus d'un prêt ou une modification à la demande d'un
prêt, sans avoir préalablement discuté avec
l'agriculteur.
On a souvent des rencontres avec des gens qui disent: Je ne sais
même pas ce qu'il a proposé, ni dans les régions ni
à Québec, et je suis dans le doute sur la proposition qu'il a
faite, parce qu'on a eu des discussions assez fortes parfois. J'aimerais
connaître, de la façon dont vous parlez, les problèmes
actuels que vivent les agriculteurs qui font une demande de prêt. Dans le
règlement, rien n'encadre les modalités de fonctionnement de
l'office en ces matières.
Est-ce que vous êtes capable de nous donner des exemples de
difficultés engendrées par des mésententes entre le
conseiller et l'agriculteur, du fait que des prêts auraient pu être
refusés et que l'avenir pourrait prévoir comme tel?
M. Proulx: Je demanderais à M. André Beaudoin, qui
est président du syndicat de gestion, lequel a à travailler avec
plusieurs groupes de producteurs, de donner un certain nombre de
renseignements.
M. Beaudoin (André): II n'y a pas nécessairement de
cas particuliers, sauf qu'en pratique, je pense qu'on est en mesure de dire
que, très régulièrement, il y a des conflits de
personnalité qui s'installent entre des individus. C'est quelque chose
de quand même assez déterminant dans l'obtention d'un prêt
en agriculture. Il ne faut pas oublier que toute la question du crédit
est basée, en très grande partie, et non seulement en
agriculture, mais pour le crédit en général, sur la
confiance.
Dans ce sens, on disait tantôt qu'il ne faut pas se leurrer, car
les agriculteurs n'auront pas la liste des fonctionnaires. Je
suis tout à fait d'accord là-dessus quant au principe.
Mais il faut trouver un mécanisme qui soit autre que celui que l'on
connaît présentement pour que les agriculteurs aient quand
même une certaine possibilité de choix quand il y a des conflits.
Ce n'est pas nécessairement relié à l'agent ou au
conseiller en crédit de l'office. Ce peut être relié au
directeur même d'une région et alors, on est bloqué.
On a vu à maintes reprises qu'il y a des conflits entre les
personnes. C'est tout à fait humain. Je pense qu'il ne faut pas nier
cela. Il faut trouver ensemble des mécanismes qui vont permettre, de
part et d'autre, d'assurer à tous les agriculteurs et agricultrices du
Québec une meilleure entente vis-à-vis de l'Office du
crédit agricole. C'est surtout en ce sens.
M. Jolivet: Que ce soit dans le cas d'un refus ou d'une
diminution du montant demandé, en expliquant à l'individu qu'il
ne sera pas capable de passer à travers et qu'en conséquence on
n'accepte pas l'ensemble du prêt tel que demandé.
M. Beaudoin: Précisément, je pense qu'il ne faut
pas attendre le refus d'un prêt. Il ne faut pas attendre que le
mécanisme soit enclenché. Il faut permettre à
l'agriculteur... Enfin, on peut reprendre la question différemment. Ceux
qui ne sont pas en agriculture, quand ils veulent faire un emprunt quel qu'il
soit, vont premièrement dans une institution en laquelle ils ont
confiance. Deuxièmement, ils discutent avec des personnes avec
lesquelles ils se sentent en confiance. C'est primordial dans le crédit,
cela. En agriculture, on dit que, parce que l'Office du crédit agricole
est le numéro un des prêteurs au Québec, il faut trouver un
mécanisme qui va permettre aux individus d'être en relation de
confiance avec les conseillers qui vont aider ou qui vont diriger les
agriculteurs et agricultrices du Québec. Mécanisme qui n'existe
pas à l'heure actuelle.
M. Jolivet: On ne peut pas dire que le fait de ne pas avoir eu de
mécanisme a nécessairement entraîné des
problèmes causés par des conflits de personnalité, mais
beaucoup des situations où les gens, ne sachant pas ce que la personne a
recommandé, au niveau régional ou national, se sentent un peu
brimés dans leur droit de savoir où leur dossier en est rendu et
comment il est parvenu là-bas.
M. Proulx: Oui. On en a et on en a eu de toutes les
façons. Pour reprendre ce qu'André disait, lorsqu'on a besoin de
crédit, ce n'est pas pour dans trois ou quatre ans. Cela veut dire qu'on
a un bon marché à faire assez rapidement ou qu'on veut
s'établir. Là, on vient de prolonger les délais
indéfiniment. Les délais sont toujours trop longs. On le sait.
Quand on veut emprunter, on a besoin de notre argent tout de suite. Parfois, on
en aurait eu besoin avant, comme on dit souvent. C'est pour éviter des
pertes de temps énormes qui se répercutent en coûts,
finalement.
M. Jolivet: II y a aussi le délai pour l'individu. S'il
est trop long, cela devient des pertes finalement.
M. Proulx: En plus, oui. Cela entraîne tout cela, bien
sûr.
M. Jolivet: Le projet de règlement concernant la
reconnaissance de la formation agricole du jeune agriculteur, vous le
considérez comme étant trop restrictif. Vous proposez d'en faire
l'objet d'une bonification de l'aide à l'établissement. Quelle
mesure proposez-vous pour bonifier un élément dans le projet de
loi? J'ai eu l'occasion de rencontrer des gens et on m'a dit justement que la
formation des jeunes est en régression actuellement, qu'il y a des
problèmes causés par l'incertitude de la capacité de
s'installer. C'est aussi relié au fait que les gens disent que la
formation est là, mais qu'on en manque pour des gens qui pourraient
travailler à temps partiel plutôt qu'à temps plein. Il y a
des gens qui disent que les maraîchers et les horticulteurs ont des
problèmes à recruter une main-d'oeuvre qualifiée et qu'il
devrait y avoir des mécanismes leur permettant d'aller chercher
l'expérience, la connaissance et la formation nécessaires. Vous
dites que le règlement est un peu trop restrictif et vous proposez que
les ministères s'entendent, que ce soit celui de l'Éducation, de
l'Agriculture ou autre, pour permettre une meilleure formation. Quelles sont
vos propositions? (13 heures)
M. Blanchette: II y a trois propositions dans le mémoire
à cet effet. D'abord, on propose de prendre en considération,
non seulement le DEC, mais aussi les AEC, les attestations
d'études collégiales, qui peuvent aboutir à un DEC. C'est
une première chose.
On propose de ne pas restreindre la notion de DEC à un DEC en
agriculture, mais de prendre en considération la formation de niveau
collégial qui peut être pertinente à l'agriculture,
associée à une formation ou à une expérience
pratique. On propose également que les subventions prévues pour
aider ceux qui ont déjà un DEC lors de l'établissement
soient applicables lorsqu'un jeune s'établit et prend l'engagement de
compléter son DEC durant les années qui suivent son
établissement. Ce sont les principales mesures que l'on propose pour
essayer de favoriser encore davantage l'accès à la formation aux
jeunes par les incitatifs
qui sont là.
M. Jolivet: Vous parlez d'une relève agricole de jeunes
qui oeuvreraient dans l'agriculture à temps plein. Il y a aussi des gens
qui viennent comme travailleurs, qui ne sont pas nécessairement à
temps plein dans l'agriculture. Est-ce que les mesures peuvent être
différentes à ce chapitre, mais en même temps plus
importantes que celles d'aujourd'hui, par exemple, les cours aux adultes ou les
formations en milieu de travail ou autre? Avez-vous des propositions dans ce
sens-là?
M. Blanchette: Évidemment, c'est en vertu d'autres
politiques, qu'on défend à l'UPA, concernant
l'accessibilité des jeunes pour parfaire la formation qu'ils ont
déjà ou accéder à une formation, mais ce n'est pas
nécessairement en vertu des lois ou des politiques sur le crédit
agricole.
M. Jolivet: D'accord. J'avais une petite question en passant. Des
gens à qui j'avais parlé m'ont dit: Les entreprises parlent de
créateurs d'entreprises, de toute une équipe autour d'eux,
avocats ou notaires, qui les aident à monter leur entreprise et,
à côté, des incubateurs industriels. Des gens commencent
à proposer des formules et se demandent pourquoi on n'aurait pas, autour
de l'agriculteur, une sorte de créateur d'agriculteurs et, à
côté de cela, en utilisant des fermes par les banques de sols ou
autres, des fermes louées ou peu importe, la capacité de faire
des créateurs d'agriculture, si on peut les appeler ainsi, au même
titre qu'un incubateur industriel.
M. Proulx: Là, jusqu'à un certain point, par nos
syndicats de gestion ou ainsi de suite, on s'est donné... en
espérant que rien ne nous permette de douter que le gouvernement va
intensifier son aide à ce chapitre aussi, car c'est une autre politique
qui se raccroche très bien au crédit agricole. C'est un peu comme
les incubateurs qui peuvent exister dans d'autres industries.
C'est sûr que, dans d'autres ministères, on fait des
représentations pour augmenter les besoins qui peuvent découler
de la question de la formation de travailleurs adéquats dans un certain
nombre de productions. On fait beaucoup de représentations à ce
chapitre parce que cela va devenir de plus en plus essentiel. Comme on vous le
suggère dans la conclusion, il y a ailleurs de nouveaux
éléments ou de nouvelles formes d'établissement qui, on le
pense, viendront drôlement bien compléter et qu'on devra examiner
très attentivement - je pense d'ailleurs que les jeunes vont en reparler
dans leur mémoire - mais qui sont très intéressantes et
faciles d'application au Québec et dans toutes les productions, à
part cela.
Je pense qu'il faudra adapter des choses autour de cela qui permettront
de compléter ce qu'on peut appeler, en agriculture, un
établissement définitif. Jean-Claude a peut-être...
M. Blanchette: On travaille actuellement sur deux projets
précis avec le ministère de la Main-d'Oeuvre, le ministère
de l'Agriculture et le ministère de l'Éducation. Le premier vise
à essayer de trouver une formule qui nous permettra d'appliquer, en
agriculture, la formation en cours d'emploi ou la formation en industrie
appliquée dans d'autres secteurs. On a fait des expériences, mais
on n'a jamais réussi à appliquer une formule équivalente
en agriculture. Tout un processus est actuellement en cours pour essayer
d'adapter ou de trouver une formule qui permettrait de bénéficier
de ces fonds, mis à la disposition par le gouvernement
fédéral et par la province, et de l'appliquer à
l'agriculture. C'est un premier projet.
L'autre projet sur lequel on travaille aussi vise à essayer
d'avoir des mesures incitatives qui favoriseraient l'emploi en agriculture, de
façon à ce que, comme cela s'applique dans d'autres secteurs
économiques, on puisse graduellement intéresser, former et
probablement aider des employeurs pour l'emploi de main-d'oeuvre agricole.
M. Jolivet: Je faisais simplement mention de cela parce que j'ai
eu des représentations de gens de Mont-Joli, d'une part, et d'autres
dans tout le Québec, à Sabrevois, qui me donnaient exactement la
réponse que vous me donnez en disant: Cela existe déjà,
mais il faudrait peut-être le perfectionner et permettre d'aller plus
loin dans cela.
J'ai d'autres questions, mais comme le président m'indique que
mon temps est écoulé, je vous remercie. Nous aurons l'occasion de
veiller à ce que le ministre réponde, comme il le dit, aux
demandes que vous avez formulées. Qu'il en intègre d'autres en
cours de route, on verra lors de l'étude du projet de loi, lorsque nous
serons à l'étude du principe et lorsque nous serons aussi
à l'étude, article par article, à la commission.
Merci.
Le Président (M. Richard): M. le Président.
M. Proulx: J'aimerais revenir sur un point qu'on n'a
peut-être pas exploré - il y a eu une question de M. Jolivet - et
qu'on n'a pas défini. C'est la perte quand même assez importante
sur les prêts à moyen terme. Il est extrêmement important
à l'intérieur d'un financement agricole, qu'on ne prenne que
le
PAF, à l'intérieur du tamdem, il y avait même des
choses de prévues pour le moyen terme. Il faut que j'insiste à
nouveau sur l'inquiétude qu'il y a, chez les agriculteurs, devant la
perte de cette partie du moyen terme qui, comme je vous l'ai dit tout à
l'heure, est très importante, mais en même temps permettait assez
souvent de faire rapidement des mouvements et qu'on ne retrouve pas à
l'heure actuelle à l'intérieur de cela.
Pour nous, c'est vraiment - je ne sais pas si le mot "complément"
est bon - un complément essentiel au long terme. En fait, la
première mission de l'office est de financer des prêts à
long terme. En même temps, il faut qu'il y ait cela absolument, c'est
essentiel. Les outils qu'on possédait avant, on ne les retrouve pas.
Même si on a grossi les montants, on ne les retrouve pas à
l'intérieur de cela et je peux vous dire que chez les producteurs,
autant à l'intérieur de notre comité qu'à
l'intérieur de la consultation qu'on a faite de toutes nos
régions, de nos administrateurs, c'est un des premiers facteurs qui ont
été notés. C'est extrêmement important.
M. le Président, je voulais ajouter cela. Je veux vous remercier
encore une fois de nous avoir écoutés et comme on l'a dit dans
notre mémoire, même si M. le ministre a dit qu'on ne les
trouverait pas corrects s'ils acceptaient toutes nos recommandations, je dis:
Pourquoi pas? Nous sommes justement les mieux placés pour vous donner
les meilleurs conseils et on ne pourrait pas faire autrement, à partir
de là, si vous acceptez tout cela, que de vous féliciter
entièrement pour le projet de loi. Merci.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le président
ainsi que vos collègues. Nous ajournons la séance jusqu'à
15 heures.
(Suspension de la séance 13 h 8)
(Reprise à 15 h 9)
Le Président (M. Richard): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons continuer notre mandat. Je demanderais aux
représentantes de l'Association des femmes collaboratrices de bien
vouloir se présenter, s'il vous plaît. Vous voudrez bien vous
présenter, s'il vous plaît!
Association des femmes collaboratrices
Mme Saint-Amand-Bogemans (Madeleine): Oui, bonjour. Mon nom est
Madeleine Saint-Amand-Bogemans et je suis responsable du comité agricole
pour l'association.
Mme Bédard (Yolande): Je suis Yolande Bédard,
présidente de l'association.
Le Président (M. Richard): Bienvenue, mesdames. Je dois
vous spécifier que, selon l'enveloppe de temps qui nous est imparti,
vous avez entre 15 et 20 minutes pour faire votre exposé principal. Cela
peut être moins évidemment, c'est un maximum. Le reste du temps,
les membres de la commission se permettront de vous poser des questions.
À vous, madame.
Mme Saint-Amand-Bogemans: Merci.
Les femmes qui travaillent dans les fermes familiales sont longtemps
demeurées invisibles, les maris détenant, dans la plupart des
cas, la propriété agricole.
Heureusement, cette situation évolue à l'heure actuelle
dans le sens d'un accès possible à la propriété
pour les femmes collaboratrices. L'Association des femmes collaboratrices, dont
l'objectif principal est la reconnaissance du travail de ces femmes, est
très préoccupée par cette question d'accès à
la propriété.
Ainsi, le thème annuel de l'ADFC, l'égalité
d'accès, marque la volonté des collaboratrices d'obtenir les
mêmes chances que toute autre personne d'accéder au capital,
à la gestion et à des conditions de travail satisfaisantes.
C'est à partir de cette priorité que nous analyserons le
projet de loi 46, sans toutefois laisser de côté notre souci
constant de voir se maintenir cette forme particulière d'entreprise que
constitue la ferme familiale.
Notre façon de procéder consistera à commenter,
dans l'ordre où ils se présentent, les articles du projet de loi
par lesquels nous nous sentons concernées.
Réaction générale de notre association. Le projet
de loi 46, au lieu d'être axé seulement sur le
développement de l'agriculture, devrait être axé sur les
conditions de vie et tenir compte des disparités régionales.
C'est notre réaction générale.
Article 1. Nous approuvons sans réserve l'objet de cette loi qui
fait de l'accès au financement pour les entreprises agricoles de type
familial et de l'aide à la relève des priorités en
matière d'assistance financière au secteur agricole. Nous
abondons donc dans cette orientation.
Article 2. La définition d'élevage d'animaux de ferme
devrait être précisée afin que le financement agricole soit
utilisé uniquement à des fins agricoles. En particulier, il ne
faudrait pas que puisse être déterminé par règlement
l'accès au financement pour l'élevage des chevaux de course.
Article 3. La définition de l'agricultrice ou de l'agriculteur
est intéressante en ce sens qu'elle permet d'assurer que la
propriété agricole demeure aux mains des gens qui en font
l'exploitation.
Nous savons, toutefois, qu'il y a déjà eu une mauvaise
interprétation de la norme exigée de 60 % des droits de
propriété dans
l'entreprise. En effet, certains cas nous ont été
signalés de couples ayant appris que, pour être
considéré comme agricultrice ou agriculteur, l'un d'entre eux
devrait détenir au moins 60 % des droits de propriété de
l'entreprise. Ceci exclut donc la répartition de ces droits
moitié-moitié dans le couple. Nous espérons qu'une telle
interprétation n'aura plus cours en ce qui a trait aux instances
responsables du crédit agricole au Québec.
Article 4. Cet article est certainement celui que l'on voudrait voir
modifié le plus. Ce que nous lui reprochons, c'est la limite d'âge
de moins de 40 ans pour être considérée comme aspirante
agricultrice.
Il nous semble, en effet, que toute personne qui répond au
critère de premier établissement et qui peut présenter un
plan d'exploitation convenable devrait pouvoir accéder à l'aide
à l'établissement.
Selon les statistiques, les femmes collaboratrices participent à
l'exploitation de la ferme depuis en moyenne onze ans. Ces ressources humaines,
qu'elles aient plus de 40 ans ou moins, peuvent contribuer au
développement de ressources physiques complémentaires à
l'entreprise du conjoint par un premier établissement. C'est un moyen
pour elles d'obtenir un accès égalitaire à la
propriété et l'âge qu'elles ont ne doit pas entrer en ligne
de compte.
Article 5.2. L'accréditation du vendeur comme prêteur
autorisé est des plus intéressantes par la garantie qu'elle offre
à quiconque veut transmettre sa propriété agricole dans la
quiétude d'un revenu assuré. Cette mesure pourrait permettre aux
couples qui le souhaitent de se répartir la propriété par
un acte de vente assorti de mesures de financement à plus ou moins long
terme, tant pour le vendeur que pour l'acheteur. Toutefois, il ne faudrait pas
que cette formule devienne la solution du transfert de biens entre conjoints,
surtout lorsque l'épouse a déjà investi plusieurs
années de travail dans l'entreprise agricole. À ce niveau, ce
sont plutôt les règles d'attribution de l'impôt qu'il
faudrait rajuster.
Nous voulons souligner qu'il aurait été bon d'inclure,
dans les dispositions préliminaires, une note pour dire que l'on
désigne autant les femmes que les hommes par des termes tels que
agriculteur, demandeur et prêteur.
Mme Bédard: Nous avons deux commentaires à
émettre sur la définition qui est donnée à
l'entreprise agricole rentable. Notre première remarque porte sur les
critères de rentabilité voulant que l'entreprise agricole doit
pouvoir assurer les frais de subsistance de la personne qui l'exploite et faire
vivre sa famille convenablement, que ce soit dans les cas d'un individu ou
d'une exploitation de groupe.
Nous croyons que la non-rémunération de certaines
personnes travaillant à la ferme mène à une surestimation
de la rentabilité de l'entreprise agricole familiale. Est-ce qu'en 1987
on ne devrait pas plutôt retenir comme critère de
rentabilité la rétribution convenable de toute personne qui
participe à l'exploitation et au développement de la ferme?
À l'ADFC, c'est ce type de rentabilité que nous visons et
c'est pourquoi nous proposons, depuis 1983, le statut de conjoint-partenaire
pour les collaboratrices non salariées. Cette formule permettrait une
rémunération de la femme qui exploite la ferme avec son mari,
sans mettre en péril la survie de l'entreprise.
Par ailleurs, signalons l'ouverture créée envers les
fermes à ressources minimales par la phrase suivante de cet article:
"Une entreprise agricole ne cesse pas d'être considérée
comme rentable du seul fait qu'elle doive faire appel aux ressources d'une
autre entreprise agricole, pourvu qu'elle détienne par elle-même
un minimum de ressources jugées suffisantes par l'office et qu'elle
satisfasse aux conditions prévues par règlement."
Nous croyons que ce concept est à encourager, car il correspond
bien à plusieurs situations de collaboration. C'est vraiment
encourageant pour les collaboratrices voulant avoir un accès
égalitaire à un prêt agricole.
Pour ce qui est de l'article 14.3, il concerne l'expérience
agricole et la formation professionnelle comme condition d'obtention d'un
prêt. On y parle de "respecter les normes qui seront fixées par
règlement".
Le projet de refonte présenté par l'Office du
crédit agricole, à l'automne dernier, parlait à ce titre
d'une expérience d'au moins deux ans ou bien d'un an avec deux ans de
formation professionnelle. Nous espérons que cette condition sera
maintenue, car elle correspond à une demande que nous avions
exprimée en ce sens, en 1985, aux membres de la commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.
À l'article 14.4, nous nous réjouissons de cette condition
d'obtention d'un prêt qui fait appel aux aptitudes à la gestion.
C'est un critère qui rejoint l'ADFC dont les membres développent
souvent de telles aptitudes dans les tâches qu'elles accomplissent.
A l'article 27, on parle de revoir aux cinq ans la situation des
entreprises dont les propriétaires ont fait un emprunt. Nous avons trois
commentaires à émettre à ce sujet. D'abord, nous voulons
soulever une question. La planification quinquennale sous-jacente à
cette mesure ne peut qu'augmenter les chances de réussite de
l'entreprise. Mais, pour ce faire, il faudra faire appel à des personnes
qualifiées capables de donner des
conseils face à cette planification et d'y accorder un suivi
adéquat. Nous nous demandons alors qui défrayera les coûts
additionnels liés à cette consultation auprès d'un ou
d'une gestionnaire.
Par ailleurs, nous craignons que cette mesure cause préjudice aux
agricultrices et agriculteurs qui, étant donné les conditions
économiques, climatiques ou autres, se trouvent temporairement dans une
situation financière plus difficile. Enfin, nous demandons de
préserver les droits acquis pour les personnes ayant déjà
contracté un emprunt au moment où cet article entrera en vigueur.
Nous pensons que les nouvelles exigences proposées seront difficiles
à adapter à la situation de certains utilisateurs, notamment en
regard des liquidités qui auraient pu être accumulées et de
la planification qui sera exigée.
Aux articles 78.1 et 78.2, il s'agit, pour nous, de rappeler notre
position quant au critère d'âge qui est
répété.
Mme Saint-Amand-Bogemans: Article 81. Nous apprécions le
fait que l'on offre le choix, comme subvention à l'établissement,
entre une subvention de capital et une subvention à la totalité
de l'intérêt pour la première tranche de 50 000 $ d'un
prêt. Cela devrait répondre aux besoins réels des gens qui
s'établissent en agriculture.
Article 83.1. Nous réitérons notre position à
l'endroit du critère d'âge proposé. Nous croyons que la
subvention à l'établissement constitue un incitatif qu'il faut
accorder au regard de l'implication et de l'expertise que possèdent,
entre autres, les collaboratrices du secteur agricole. Le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation entend proposer,
semble-t-il, un paiement pour frais encourus lors du changement de forme
juridique de l'entreprise comme solution pour les agricultrices de 40 ans et
plus.
Nous nous opposons à cette proposition parce qu'une telle formule
ne permettra pas aux collaboratrices de plus de 40 ans d'avoir accès
à la propriété. Nous croyons que l'incitatif
proposé valorise le travail du professionnel plutôt que celui de
la collaboratrice. En outre, il ne reconnaît pas à celle-ci ses
capacités d'entrepreneurship. Il faut que toutes les collaboratrices
aient accès à du capital pour le premier établissement,
car elles étaient exclues auparavant de cette subvention à
l'établissement.
Article 87. Nous sommes d'avis que la subvention à
l'établissement doit être accordée à des entreprises
situées en zone agricole établie. Il ne faut pas que les cas
d'exception prévus par règlement soient trop nombreux, car cela
pourrait affaiblir la validité du zonage agricole actuel et
encouragerait possiblement la prolifération d'entreprises agricoles non
familiales.
Article 92. Nous approuvons cette mesure qui vise a accorder le solde
d'une subvention non totalement déboursée à la personne
devenue propriétaire, en cas de décès. Cette mesure
permettra la continuité de l'entreprise et se révélera
fort pertinente en ce qui concerne les collaboratrices qui sont les personnes
tout indiquées pour succéder au mari en cas de
décès.
Mme Bédard: Pour ce qui est de l'organisation à
l'intérieur de l'office, nous aimerions voir préciser que les
deux nouveaux membres de l'office seront des représentants du secteur
agricole. Nous souhaitons, par ailleurs, que l'on opte pour une
représentation égalitaire homme-femme au sein de l'office.
Nous croyons que, globalement, la refonte proposée du financement
agricole par ce projet de loi centralise davantage les services à la
clientèle et qu'il y aura concentration des pouvoirs de l'office,
détenus par sept personnes qui décideront de l'avenir de
l'agriculture au Québec. Pour que la refonte devienne un projet
clé dans le développement de l'agriculture, il faudrait
plutôt envisager une décentralisation des pouvoirs de
l'office.
Article 110.2. Nous aimerions préciser que la garantie du premier
rang exigée devrait porter uniquement sur le montant du prêt.
Article 110.4. Lorsque l'office examine les titres de
propriété faisant l'objet des garanties de prêt, il arrive
souvent que l'on exige des femmes qu'elles résilient leur
déclaration de résidence familiale. Nous voulons qu'une politique
administrative soit émise afin qu'on ne demande plus la
résiliation de la déclaration de résidence familiale pour
qu'un financement soit accordé.
Articles 117 et 119. La constitution d'un tel comité,
composé majoritairement de personnes possédant une
expérience agricole, nous réjouit. À notre avis, il serait
bon qu'un bureau de révision soit créé dans chacune des
régions administratives du Québec avec une représentation
égalitaire homme-femme.
Le comité de réexamen devrait constituer une instance
décisionnelle et non seulement un organe consultatif, et ce, dans une
optique de décentralisation des pouvoirs de l'office.
Le MAPAQ a fait, depuis un an, des efforts importants pour permettre
l'accès à la propriété pour certaines
catégories de femmes en agriculture. Le projet de loi 46 pourrait
s'avérer un autre pas dans la bonne direction si la problématique
des collaboratrices est respectée. C'est pourquoi nous avons
proposé, dans ce document, des correctifs qui visent
l'égalité entre conjoints, quant au financement agricole. Notre
démarche est accompagnée d'une recherche
d'équité et d'une connaissance profonde de la situation
des collaboratrices du secteur agricole au Québec. Elles sont des
milliers à attendre une loi qui leur donnera enfin un accès
égalitaire à la propriété.
Pour terminer, nous exprimons le souhait que le gouvernement mette
à la disposition des agricultrices et agriculteurs toutes les sommes
nécessaires à l'administration de ce programme de financement
agricole.
Le Président (M. Richard): Merci sincère, mesdames.
M. le ministre, avez-vous des commentaires?
M. Pagé: M. le Président, je voudrais remercier Mme
Bédard et sa collègue, qui représentent l'Association des
femmes collaboratrices, un mouvement de concitoyennes qui représentent
et font valoir avec beaucoup de ferveur et de détermination la promotion
des droits des femmes au Québec. Je voudrais les remercier bien
sincèrement pour leur témoignage devant la commission,
aujourd'hui. Vous êtes particulièrement intéressées
par le projet de loi 46, par l'avenir de l'agriculture, non seulement par une
reconnaissance, mais par une promotion et une amélioration substantielle
des droits de celles qui ont contribué largement à bâtir
l'agriculture d'aujourd'hui, que sont les agricultrices, et c'est tout à
fait légitime. La-dessus, je pense qu'il n'est pas nécessaire de
vous indiquer la volonté très claire de notre gouvernement
d'aller dans ce sens. Nous croyons que les gestes posés jusqu'à
maintenant, par le gouvernement du Québec et particulièrement par
notre ministère, démontrent très clairement notre
volonté, non pas seulement d'écrire et de parler dans ce dossier,
mais d'agir et de présenter des dispositions concrètes.
Dans votre mémoire, mesdames, vous manifestez certaines
inquiétudes. Entre autres, vous faites référence au fait
que, dans certains cas, on aurait fait valoir ou on vous aurait indiqué
que, pour pouvoir bénéficier des primes à
l'établissement, il fallait posséder 60 %. Je me permettrai de
vous indiquer que, dans les cas de groupes -plus d'une personne - il faut que
les personnes représentant 60 % du capital-actions, aient l'agriculture
comme principale activité. Je ne sais pas à quel cas concret ou
spécifique vous vous référez et, si besoin en est, je vous
inviterai à le porter à mon attention par une missive
privée que vous pourriez me faire parvenir mais je peux vous dire que,
dans le cas où les deux conjoints travaillent et sont actionnaires de
l'entreprise, il suffit d'un partenariat de 50 -50 %, et il n'y a aucun
problème. La loi est très claire. Pour qu'une personne puisse se
qualifier aux bénéfices des dispositions de la loi favorisant
rétablissement, il suffit d'avoir 20 % du capital-actions. Cela
n'implique pas pour autant que la conjointe doit voir sa participation
limitée à 20 % ou à 40 %, bien au contraire. D'ailleurs,
les chiffres sont très éloquents à cet égard.
Depuis l'adoption de la loi, je peux vous indiquer que près de 60
% des établissements sont faits par des agricultrices maintenant. Si
vous avez des cas particuliers, n'hésitez pas, écrivez-moi un
petit mot et il me fera plaisir de vérifier tout cela parce que ce n'est
pas ce que la réglementation et la loi disent et ce n'est certainement
pas ce que la loi dira à l'avenir lorsqu'elle sera modifiée.
À la page 11 de votre mémoire, vous mentionnez que vous
vous opposez à la proposition voulant que le gouvernement puisse
éventuellement payer les frais encourus lors du changement de forme
juridique de l'entreprise pour les conjoints de plus de 40 ans. D'abord, il
faut dire qu'une agricultrice de plus de 40 ans a le droit à tous les
programmes de l'Office du crédit agricole du Québec, sauf la
prime à l'établissement. Il ne faut pas croire que la dame qui a
45 ans n'est pas admissible aux dispositions des lois de l'Office du
crédit agricole. Cette personne est admissible à un prêt.
Elle pourra bénéficier d'un prêt pour une terre qui lui
appartient. Par exemple, vous avez référé au concept de
ressources minimales et cette disposition a été
spécialement incluse dans le projet de loi pour favoriser davantage
l'accès à la propriété chez les conjointes. (15 h
30)
Dans un premier temps, tous les programmes sont admissibles, sauf la
prime à l'établissement. Dans un second temps, nous
prévoyons, par le projet de loi, une forme d'accès à la
propriété qui, nous le pensons de ce côté-ci, sera
très certainement concluante pour favoriser davantage l'accès aux
agricultrices.
Je m'explique. L'entreprise fonctionne et les conjoints décident
d'agrandir la ferme. Ils ont besoin d'acheter une ferme ou une terre voisine.
Même s'il n'y a pas de bâtiment, même s'il n'y a pas de
quota, de cheptel, etc., cette nouvelle terre pourra être achetée
par l'agricultrice, par la conjointe et être subventionnée
jusqu'à concurrence de 200 000 $ à un taux quand même
très avantageux. Nous croyons que cette disposition va favoriser
l'accès à la propriété et pas seulement pour les
femmes en deçà de 40 ans.
Je suis surpris de voir la position que vous adoptez à la page 11
parce que c'est quand même un élément intéressant et
qui a été évoqué par le Comité provincial
provisoire des femmes en agriculture et aussi par vous. Ce que nous sommes
à étudier actuellement, c'est combien et selon quel
rythme il nous en coûterait de défrayer purement et
simplement les montants des frais professionnels inhérents au transfert
de propriété. Pourquoi a-t-on songé à cela? Ce
n'est pas compliqué, c'est parce que, souvent, on se fait dire, comme
vous vous le faites dire probablement aussi dans votre association: Chez nous,
le conjoint ne veut pas changer la structure parce qu'il faudrait faire adopter
une charte, il faudrait aller voir le comptable, il faudrait préparer un
programme de transfert d'actifs et de propriété et cela
coûte de l'argent. Quand l'argent était disponible - je peux vous
l'indiquer très ouvertement - pour un tel transfert de
propriété, il arrivait parfois que des maris disaient: Au lieu de
faire tout cela, on va aller en Floride avec cet argent-là et cela va
être pas mal plus le "fun" ou on va changer ton manteau de fourrure. Et
la dame, même si elle avait travaillé, n'avait pas accès
à sa propriété. Avec cette disposition qui, je
l'espère, viendra le plus tût possible, nous croyons que cela
pourra favoriser les transferts.
J'apprécie aussi vos commentaires sur les exigences de formation.
Pour nous, c'est primordial. Plus nos jeunes filles, plus nos jeunes hommes
seront conviés à une formation, même si c'est contraignant,
plus il sera facile pour eux de bien réussir.
La question que j'aimerais vous poser... J'aimerais vous entendre sur
l'aspect du concept des ressources minimales pour voir si cela correspond
à vos attentes, si vous avez eu l'occasion de vous référer
à ces dispositions avec vos membres et voir quelles sont leurs
réactions et la vôtre.
Mme Bédard: Avant de céder la parole à la
responsable du comité agricole, je voudrais dire que nous ne nous
opposons pas à ce qu'on paie le changement de forme juridique de
l'entreprise. Nous nous opposons au fait que ce soit considéré
comme "la" solution; c'est là qu'on n'est pas d'accord. Je pense que
vous l'aviez compris. Je pense que vous le saviez un peu avant.
Mme Saint-Amand-Bogemans: Quant aux fermes à ressources
minimales, je l'ai vécu récemment avec mon mari, c'est une
nouvelle formule que vous venez d'adopter, c'est très bien, cela
favorise un nouvel accès à plusieurs couples; et la femme peut
participer à une entreprise.
Cependant, le montant du cautionnement que vous exigez de la part du
conjoint pnurrait franchement être éliminé. Quand une
personne décide d'acheter une ferme, vous demandez un cautionnement
quand même assez important de la part du conjoint. Il y aurait
peut-être ce nouveau concept à réétudier. Mais, en
lui-même, le concept de ressources minimales est très bien.
Mme Bédard: C'est l'opinion générale qu'on a
entendue.
M. Pagé: Bien sûr, cette question a aussi
été évoquée ce matin par les représentants
de l'Union des producteurs agricoles. Compte tenu que la ferme
requérante n'a pas d'équipement, de cheptel, de bâtiment,
etc., il faut quand même, pour prêter une somme - car,
souventefois, ce sont des sommes importantes, même s'il n'y a pas tous
ces équipements, seulement pour la partie de terrain - un encadrement
donné. C'est pourquoi il nous faut un contrat à long terme de la
part de la ferme d'encadrement qui, elle, se porte garante d'acheter le
produit, les céréales ou les fourrages de cette
terre-là.
Je prends évidemment note de vos commentaires. Mais il faut bien
avoir à l'esprit qu'on ne peut prêter pour... L'objectif de la
démarche est très clair, mais il nous faut quand même un
contrat pour plus de deux, trois ou quatre ans.
Mme Saint-Amand-Bogemans: Mais -vous me permettez - en plus du
bail demandé entre les conjoints - il y a toujours un bail fait selon
une méthode notariée -vous demandez aussi un cautionnement de la
part du conjoint. C'est beaucoup. Ce sont de grosses garanties et, en plus de
tout, c'est beaucoup. C'est une chose à laquelle vous pourriez
être amené à réfléchir.
M. Pagé: On va regarder cela, Madame.
Mme Saint-Amand-Bogemans: Oui.
M. Pagé: Je vais laisser aller mon collègue de
Laviolette et je reviendrai sur la résidence familiale tout à
l'heure. Merci.
Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de
l'Opposition, à vous.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Merci, mesdames,
d'être ici pour faire valoir votre point de vue. Vous faites partie de
l'Association des femmes collaboratrices et on sait qu'il y a eu une
fédération des femmes en agriculture qui faisait, je pense,
partie de votre organisation à l'époque pour baser
spécifiquement son travail sur cette partie, ce qui n'empêchait
pas d'autres secteurs manufacturiers ou commerces d'être en association,
mais vous êtes l'embryon de celles qui, aujourd'hui, se défendent
et demandent de plus en plus de pouvoirs pour les femmes. Pourriez-vous, pour
les besoins de la commission, préciser votre rôle par rapport
à celui des femmes en agriculture?
Mme Bédard: Quand on a commencé à parler des
réclamations, non seulement de la place de la femme au sein de
l'entreprise
familiale mais aussi dans son secteur professionnel, on s'est rendu
compte qu'il n'y avait pas beaucoup de femmes qui représentaient
l'agriculture à l'intérieur de l'UPA. À ce
moment-là, on s'est dit: II faudrait vraiment que nos femmes s'arrangent
pour être représentées globalement à l'UPA.
C'était difficile, après avoir soulevé ces
inquiétudes auprès des femmes, pour elles d'aller aux
réunions de l'UPA; elles se sentaient très minoritaires la
plupart du temps. Il y avait seulement une ou deux femmes et elles
étaient un peu mal à l'aise de prendre la parole devant leurs
confrères, etc. Alors, c'est à partir de ce moment que tout le
mouvement s'est enclenché et qu'elles sont devenues maintenant un
organisme autonome. Nous étions bien d'accord au départ pour
qu'elles fassent cela.
M. Jolivet: Quant à la question des 40 ans, si je
comprends bien, vous dites que par rapport à ce qui est offert pour
payer l'ensemble des frais des actes notariés où il y a cette
possibilité, on n'est pas contre; cependant, nous aimerions plus au
départ faire en sorte que la limite de 40 ans n'existe pas actuellement,
et après cela on passerait à l'autre étape. Ne
craignez-vous pas, au fond, que le fait de vous voir accorder cela fasse en
sorte que vous n'obteniez pas la disparition de la limite d'âge de 40
ans?
Mme Bédard: Cela a déjà donné lieu,
à l'heure actuelle, à des abus et à de petites
manipulations avec les notaires concernés dans les petites paroisses,
ici et là. Je pense que ces faits sont déjà connus
d'ailleurs. D'autre part, cela ne remplace pas l'accès à la
propriété pour la femme de 40 ans. Ce qui arrive, c'est qu'au
départ, quand une entreprise agricole naît, les deux partenaires
travaillent ensemble et il y a très souvent les enfants qui s'ajoutent
à la famille. La femme collaboratrice n'a pas accès à la
propriété. De toute façon, il y a bien d'autres choses
à payer au départ. C'est simplement un peu plus tard quand les
enfants ont pris un peu leur envol que la femme pourrait enfin penser un peu
à elle et avoir accès à la propriété.
À ce moment, on dit: II est trop tard, elle a 40 ans. Tant pis pour
elle!
M. Jolivet: Ce qu'on m'a dit aussi à ce sujet, c'est que
la personne peut devenir à ce moment apte à jouer un rôle
plus prépondérant, malgré qu'elle l'ait joué durant
tout le temps où l'éducation des enfants se faisait, mais de
façon plus particulière quand elle a dépassé 40
ans. Vous dites qu'à ce moment cette personne n'aura pas accès
à cela quant à la prime d'établissement. Mais vous
êtes conscientes qu'elles sont admissibles à d'autres aides en ce
qui concerne l'office.
Mme Bédard: Oui, mais pas tellement. C'est entendu que ce
qui est permis à tout le monde lui est permis, sauf qu'elle est dans une
situation particulière.
M. Jolivet: Là, j'empiète sur un terrain un peu
glissant pour quelque personne politique que ce soit. On dit toujours que
l'Assemblée nationale au Québec devrait avoir pleine juridiction
sur toutes les lois qu'elle adopte. Cependant, on est contraint, par les
chartes des droits et libertés, qu'elles soient québécoise
ou canadienne, à des normes qu'on a aussi prévues dans ces
champs. La question qui peut surgir c'est: Quelles sont les raisons qui vous
ont fait ne pas utiliser - à moins que vous ne l'ayez fait et que je
n'en ai pas eu connaissance - les "nonobstant" prévus par la loi dans
certaines circonstances - nonobstant telle charte et tel article de loi
s'appliquant - et que vous n'ayez pas pris cela comme moyen de bataille pour la
non-discrimination en raison de l'âge pour le droit d'accès
à ces prêts?
Mme Bédard: C'est sûr, on peut toujours se
prévaloir de cela. Cette loi est relativement nouvelle. La loi sur les
droits et libertés, c'est relativement nouveau comme concept. C'est
sûr qu'on peut toujours se référer à celle-ci en
dernier ressort, mais on espère qu'avant, il y aura eu moyen de
s'arranger autrement.
M. Jolivet: Vous utilisez la commission parlementaire pour
éviter d'aller à ces batailles juridiques.
Mme Bédard: C'est cela.
M. Jolivet: À la page treize de votre mémoire, vous
dites: "Pour que la refonte devienne un projet clé dans le
développement de l'agriculture, il faudrait plutôt envisager une
décentralisation des pouvoirs de l'office". Voulez-vous m'expliquer ce
que vous entendez par "décentralisation des pouvoirs de l'office"?
Mme Saint-Amand-Bogemans: C'est surtout au moment où un
prêt est accordé à quelqu'un et que le prêt doit
être révisé. Il faut toujours que ce soit
réajusté, attendre la réponse de Québec avant que
le fonctionnaire de notre région puisse répondre directement. Il
y a un laps de temps très long. Peut-être qu'en
décentralisant les pouvoirs, les fonctionnaires de nos régions
pourraient accéder à notre besoin qui est souvent pressant. Cela
donnerait un service beaucoup plus rapide.
M. Jolivet: Je donne un exemple pour voir si cela concorde avec
le vôtre. Des
programmes ont été mis en marche, comme le programme
expérimental de création d'emplois communautaires à
l'Office de planification et de développement du Québec. On a dit
que, pour accélérer certains processus, en bas de tant de
milliers des dollars disponibles, le comité régional peut prendre
une décision, mais dépassé ce montant, on doit aller au
niveau national. Parlez-vous dans ce sens-là?
Mme Saint-Amand-Bogemans: Oui, mais on sait qu'en agriculture, ce
sont toujours des montants quand même assez élevés. Quand
on a à faire un projet de vente ou d'achat de terre, c'est toujours dans
des limites de temps assez rapides et pour des montants assez
élevés. Ce serait peut-être une question à repenser
et à analyser de nouveau.
M. Jolivet: D'accord. C'est parce que la question que je vous
pose... Je donnais un montant au niveau d'un programme
expérimental...
Mme Saint-Amand-Bogemans: Oui.
M. Jolivet: ...de 75 000 $. La distinction au niveau d'un
prêt devient difficile si, justement, vous faites mention d'un prêt
qui demande une aide substantielle compte tenu de l'achat et de l'ensemble des
besoins que la personne a pour rentabiliser la ferme achetée. Cela
semble être difficile de décentraliser des pouvoirs de
décision au niveau local.
Mme St-Amand-Bogemans: En formant peut-être un
comité régional qui pourrait être aussi expert et... On a
quand même des personnes qui pourraient être compétentes
pour analyser les besoins. C'est peut-être aussi pour analyser la
procédure pour que ce soit un peu plus rapide. S'il faut absolument
avoir une réponse de Québec pour avoir au-delà de 75 000 $
disons, il faudrait peut-être analyser le processus parce que, souvent,
c'est assez long.
M. Jolivet: L'Union des producteurs agricoles insiste sur le fait
suivant. La personne qui fait la demande devrait, à mesure que son
dossier chemine, être avertie des recommandations qui sont faites pour
avoir le temps, avant qu'une décision finale soit prise, d'intervenir.
Ne croyez-vous pas que ce serait un processus qui permettrait à ce
moment-là d'accélérer l'étude du dossier?
Mme Saint-Amand-Bogemans: Oui. Le plan quinquennal est
naturellement une façon d'agir qui fait une analyse sur cinq ans. Mais
les besoins peuvent changer assez rapidement quand on est dans un... Quand on a
vécu en agriculture, il y a des besoins qui sont à ajuster assez
rapidement. Un plan quinquennal est assez difficile à maintenir
régulièrement. Disons qu'il va sûrement y avoir toujours
des ajustements et ce sont ces ajustements qui devraient être faits assez
rapidement. (15 h 45)
M. Jolivet: À la page 12 de votre mémoire, vous
faites mention de l'article 99 et vous dites: "Nous aimerions voir
préciser que les deux nouveaux membres de l'office seront des
représentants du secteur agricole". Dois-je comprendre que vous insistez
pour que, à l'intérieur de la loi ou par réglementation -
mais de préférence à l'intérieur de la loi - il
soit précisé que ces deux nouveaux membres, en plus des cinq
déjà existants, soient vraiment des représentants du
secteur agricole?
Une voix: ...cela.
M. Jolivet: De plus, vous dites: "Nous souhaitons par ailleurs
que l'on opte pour une représentation égalitaire homme-femme au
sein de l'office". Prévoyez-vous un laps de temps pour le faire ou si
vous le demandez immédiatement? Ce sera sept membres, quatre de l'un et
trois de l'autre. Est-ce que vous cherchez à avoir le plus de femmes
possible à l'office?
Mme Bédard: Nous comprenons bien que cela ne peut pas
être fait tout de suite demain matin, mais dans le plus court
délai possible.
M. Jolivet: Vous soulevez la question de l'exigence de la
résiliation de la déclaration de résidence familiale comme
condition à l'obtention d'un financement à l'office. J'aimerais
que vous expliquiez cela davantage et, par le fait même, que vous
précisiez les motifs qui vous amènent à réclamer
l'abolition d'une telle exigence pour l'obtention d'un financement de la part
de l'office.
Mme Bédard: Ce qui nous a amenées à demander
cela, ce sont des choses qui se sont produites et des plaintes que les femmes
ont faites à ce sujet. Quand on a rencontré les
représentants de l'Office du crédit agricole, on nous a dit que
c'étaient des choses qui allaient se corriger très rapidement, et
nous espérons que c'est bien ce qui va se produire. Actuellement encore,
quand une ferme doit recevoir un prêt, cela va de soi que madame doit
signer une renonciation à la résidence familiale, cela se fait
encore couramment.
M. Jolivet: Est-ce que vous avez des exemples, comme vous
êtes femme collaboratrice et que vous avez d'autres groupes que les
agriculteurs et agricultrices...
Mme Bédard: Oui.
M. Jolivet: ...où on les oblige à cela pour
l'obtention d'un prêt à une banque ou à une caisse?
Mme Bédard: Oui. Elles y sont obligées très
souvent. On a eu des cas, je pourrais citer des exemples, la dame qui dit:
À un moment donné, nous étions endettés dans
l'entreprise - ce n'était pas une entreprise agricole - et je trouvais
que je ne pouvais pas signer pour que nous nous endettions davantage. Le
gérant dit: Si madame ne signe pas la résiliation de la
résidence familiale, tu n'as pas ton prêt. Nous avons
déjà trois enfants à la maison, je ne voulais pas signer
parce que, d'après moi, ce n'était pas une bonne chose, et
l'homme n'a pas eu son prêt. Imaginez-vous, dans la famille,
l'atmosphère que cela a créé. Madame dit: En plus, j'ai
perdu ma "job" - parce qu'elle travaillait dans l'entreprise familiale, bien
sûr - il ne voulait plus me voir au travail. J'ai perdu ma "job" et il
m'a dit: Je n'ai pas eu mon prêt, c'est ta faute.
C'est entendu que la loi n'a pas été faite pour cela, mais
la loi donne lieu à toutes sortes d'autres choses que celle-là.
C'est une loi qui aurait besoin d'être révisée, cette loi
de protection de la résidence familiale. Cette protection devrait
être accordée automatiquement ou dès qu'il y a famille, ou
quelque chose comme cela. Cette loi amène toutes sortes de
problèmes.
M. Jolivet: Vous n'avez aucun moyen actuellement de pouvoir
débattre ce dossier en vous basant sur le fait que c'est une
discrimination? Dans la mesure où la loi permet à la personne de
signer une demande de résidence, cela veut dire qu'on fait des pressions
indues sur la femme pour résilier son droit.
Mme Bédard: Sauf que c'est le gagne-pain des gens qui est
en jeu dans cette histoire. On a besoin d'un emprunt pour continuer
l'entreprise. Il y a des conflits d'intérêts dans cette histoire,
et ce n'est pas facile à régler. Cela semble facile dans les
lois, mais dans la pratique, c'est autre chose.
M. Jolivet: Là, cela touche l'agriculture, mais cela peut
concerner autre chose...
Mme Bédard: Oui.
M. Jolivet: ...vous en faites mention.
Finalement, des gens font des pressions indues eu égard au droit
que la personne possède en vertu d'une loi.
Mme Bédard: Oui.
M. Jolivet: Dans ce contexte, il y a toujours des cas types qui
peuvent exister, des recours collectifs ou des choses semblables. Je vous
demande si cela a effleuré votre esprit, un jour, de dire: On va prendre
un cas, si on veut y aller. C'est évident qu'il ne faut pas non plus
nuire à un ménage ou à des personnes en particulier, mais
à un moment donné, il va falloir que quelqu'un le fasse ou
encore, comme vous le dites, à force d'avoir des cas comme
ceux-là, qu'on arrive à changer la loi.
Mme Bédard: C'est toujours très délicat, ces
réglementations à l'intérieur du couple. Quand cela touche
un des deux membres du couple, c'est très difficile, parce que ces
gens-là doivent vivre ensemble.
M. Jolivet: Je comprends cela. Sur la question du comité
de réexamen, vous émettez certaines réserves et vous
formulez certains commentaires, pour qu'il en soit créé un dans
chaque région avec une représentation égalitaire
homme-femme. Vous souhaitez, comme d'autres le demandent, que ce soit une
instance décisionnelle et non pas seulement un organisme consultatif
comme il est prévu dans le projet de loi. Est-ce que vous pouvez nous
dire les craintes que vous avez par rapport à l'impact d'un
comité de réexamen qui serait uniquement consultatif? Vous nous
dites que vous le croyez inadéquat, inefficace. En quel sens croyez-vous
cela?
Mme Saint-Amand-Bogemans: C'était sur le même sujet
dont je vous parlais tantôt, la question de la rapidité à
traiter les dossiers afin d'obtenir la réponse pour effectuer les
transactions le plus rapidement possible.
M. Jolivet: Vous parlez d'un comité de
réexamen.
Mme Saint-Amand-Bogemans: Oui.
M. Jolivet: Nous, on proposait que ce soit un comité
où il y aurait plutôt une forme de révision
équivalente à celle de la Commission de protection du territoire
agricole où le régisseur qui a fait la recommandation ne sera pas
présent lors de la révision pour éviter une sorte de
conflit entre la décision qu'il a prise et la décision qu'il a
à renverser, si jamais il était au comité. Est-ce que vous
croyez que ce serait dans ce sens pour éviter...
Mme Saint-Amand-Bogemans: Là-dessus, on n'a fait aucune
objection à cela. C'était pour ramener le comité de
révision dans la région. Si le fonctionnaire en présence
peut avoir une relation avec la personne qui demande, peut avoir des objections
que le
comité... Le fonctionnaire pourrait ne pas être
présent, mais le comité est quand même assez... Si le
comité est de la région, il pourrait avoir la possibilité
de prendre des décisions sans la présence du fonctionnaire.
M. Jolivet: L'alternance.
Le Président (M. Richard): M. le ministre, est-ce que vous
auriez des questions additionnelles à poser à ces dames?
M. Pagé: J'aurais deux commentaires à la
lumière des échanges de propos que vous avez eus avec M. le
député de Laviolette. Vous faites allusion à la
nécessité de décentraliser les décisions de
l'office. Je dois vous indiquer que c'est une volonté très claire
qui nous a animés lorsqu'on a préparé le projet de loi et
on veut que cela apparaisse non seulement dans les textes, mais surtout dans
les faits au niveau des régions. Vous savez, le rôle que l'office
aura à jouer dans un premier temps, c'est de s'assurer de
l'admissibilité, que la requête est bel et bien admissible selon
les critères d'évaluation et d'analyse, et de s'assurer de la
rentabilité du projet.
Partant de là, un plan de financement va être
établi; on parlait de cinq ans tout à l'heure. Les conclusions de
cette analyse qui se fait au niveau de l'office, j'en conviens, vont
déboucher sur une forme de cadre de financement qui va s'appliquer
à l'entreprise donnée, que ce soit pour un emprunt de 50 000 $,
de 300 000 $ ou de 700 000 $. Une fois cette analyse faite, une fois le
prêt octroyé, le tout va se passer au niveau de la région.
Si la décision de l'office est que les besoins financiers de
l'entreprise sont de X milliers de dollars, que le requérant et l'office
conviennent que, dans une période donnée, on devra modifier tel
équipement, agrandir la terre, acheter des quotas, etc., on dit
très clairement ici que l'emprunteur n'aura pas à
présenter une autre demande, il n'aura même pas à aller
frapper à la porte de l'office comme tel, à son siège
social. Il suffira pour cet emprunteur de faire affaire avec son
représentant en région et cela va... La préoccupation que
vous manifestez est tout à fait légitime. Cependant, ce que je
veux vous dire, c'est: Rassurez-vous, quand on parle d'efficacité, quand
on parle de dossiers plus personnalisés, c'est notamment ce à
quoi on se réfère.
Mme Saînt-Amand-Bogemans: Et si les besoins sont plus
importants que la demande qui a été faite durant le plan
quinquennal, est-ce que c'est également la même chose?
M. Pagé: II y a purement et simplement une prise en
considération qui est faite...
Mme Saint-Amand-Bogemans: Au niveau régional?
M. Pagé: ...et il y a un addenda qui se fait au prêt
octroyé. Je ne vois pas de problème. Cela a été
centralisé pendant longtemps, j'en conviens, mais il ne faudrait pas
sous-estimer la volonté très claire qui nous anime de
personnaliser nos interventions. Quand on parle de l'approche globale, cela
implique nécessairement davantage de latitude pour les
régions.
Mme Bédard: On peut alors penser que les régions
vont voir leurs pouvoirs s'accroître.
M. Pagé: Pardon?
Mme Bédard: On peut penser que les régions vont
voir leurs pouvoirs s'accroître avec le temps.
M. Pagé: Oui, certain.
Résidence familiale. Je comprends votre inquiétude, mais
il faut bien noter qu'il y a une différence très nette entre la
résiliation d'un droit qui est le droit fondamental qui appartient
à une conjointe d'enregistrer son droit sur la résidence
familiale et un acte d'hypothèque doit être contresigné par
la conjointe. L'office n'exige pas la résiliation de la
déclaration de résidence familiale. Encore une fois, je vous
invite - n'hésitez pas - a sensibiliser vos autorités si vous
voyez des cas où on exigerait une résiliation du droit à
la. résidence familiale. L'office n'exige donc pas... Et je vais vous
donner tout à l'heure le libellé exact d'une directive, d'une
instruction qui est donnée au notaire qui instrumente dans de tels
actes. L'office exige le consentement à l'hypothèque par le
conjoint non-propriétaire. C'est devenu nécessaire parce que
l'hypothèque consentie sans le concours du conjoint pourrait être
annulable. Qu'est-ce que cela veut dire concrètement? Cela veut dire
que, si on veut exclure complètement la résidence de
l'hypothèque, il est certain que les garanties ne sont pas
nécessairement les mêmes. Cela peut impliquer une réduction
du montant qui est prêté. On a parlé de cette situation de
fait l'année dernière lors d'une rencontre ici dans un
hôtel de Québec. Ce qui a été fait, c'est ceci. Dans
les instructions qui sont acheminées au notaire instrumentant, il est
dit ceci, au point 8: "Déclaration de résidence familiale.
Lorsqu'une déclaration de résidence familiale a été
enregistrée sur l'immeuble de l'emprunteur, l'office sera satisfait que
le conjoint de cet emprunteur intervienne à l'acte affectant ledit
immeuble pour y donner son consentement conformément aux dispositions de
l'article 452 du Code civil du Québec, sans pour autant qu'il renonce
aux
droits qui en découlent." On dit au notaire: On ne vous demande
pas d'exiger de la conjointe, de l'agricultrice, de résilier son droit
d'habitation, on vous demande purement, simplement et uniquement d'obtenir son
concours et son consentement pour la signature de l'acte
hypothécaire.
Mme Bédard: Dans les...
M. Pagé: Encore là, je vais être bien clair
avec vous, Mme Bédard, s'il y a des cas, n'hésitez pas...
Mme Bédard: Ce que je voudrais savoir...
M. Pagé: Vos élus, le ministre... Allez- y.
Mme Bédard: Ce que je voudrais savoir, c'est dans le cas
où la ferme est vendue pour problèmes financiers ou autres,
est-ce que la dame peut rester quand même à la résidence
qui est supposée être protégée par la loi de la
résidence familiale?
M. Pagé: Madame, la même situation de fait et de
droit peut se retrouver dans toute résidence familiale du Québec.
Ce n'est pas seulement dans le cas des fermes et dans le cas où l'office
agit.
Mme Bédard: Non. Alors, la protection n'existe pas.
M. Pagé: Pour le propriétaire d'une
résidence qui a un acte d'hypothèque avec sa caisse populaire ou
sa banque, peu importe, et qui ne paye pas son hypothèque, lorsque
l'action de dation en paiement arrive, on a le choc des deux droits. C'est la
même chose en fait. Ce n'est pas un régime particulier. À
cet égard, il n'y a pas d'interprétation spéciale dans le
cas des fermes dans les entreprises agricoles.
Mme Bédard: ...partout, mais elle n'est pas
protégée quand même à l'intérieur de sa
résidence familiale, même si elle a enregistré une
déclaration. C'est ce que nous voulons dire. (16 heures)
M. Pagé: D'accord. Cependant, vous allez convenir avec moi
que le fait de soustraire la résidence familiale sur une ferme de
l'hypothèque diminuera nécessairement - et cela est tout à
fait explicable -le. montants prêtés compte tenu de la diminution
des garanties. L'assurance que je veux vous donner, c'est que, lorsque j'ai
ouï dire que l'Office du crédit agricole du Québec exigeait
que l'épouse résilie son droit d'habitation, je tiens à
vous dire que mes oreilles ont été choquées et la
directive qui a été envoyée au notaire est très
claire.
Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de
l'Opposition, vous aviez une dernière question?
M. Jolivet: Peut-être pas une question, mais un propos
à la suite de ce que le ministre a dit sur la décentralisation.
Si vraiment le ministre nous dit que la décentralisation se fera, je
dois vous dire que, entre la parole dite et la réalité
vécue, il y a des moments où ce n'est pas toujours la même
chose. L'exemple typique de cela, c'est l'ensemble des programmes que vous avez
décentralisés dans les régions, semble-t-il, à
partir d'expériences qui se vivaient ailleurs où, finalement, la
personne est tellement prise par toutes sortes de directives qu'elle ne peut
même pas prendre de décision et elle se réfère
encore à Québec. On peut dire qu'on va décentraliser, mais
si, dans les faits, ce n'est pas décentralisé, on aura des
problèmes. Je suis bien prêt à prendre votre parole
aujourd'hui.
Comme je l'ai dit, ce matin, quant au principe de la loi, cela va, la
seule chose qu'on aura à regarder à fond et sur laquelle notre
oui pourra être remis en question concerne la question de savoir quelles
seront les modalités d'application de la loi au jour le jour. Si c'est
la même chose que vos programmes que vous avez annoncés comme
étant décentralisés, mais qui ne le sont pas dans les
faits, c'est beau de l'avoir dit, mais la réalité n'est pas
là. C'est dans ce sens-là que je dis qu'on devra surveiller si
c'est vrai ce qu'on a dit aujourd'hui, décentralisation ou pas.
Quant à moi, je vous remercie d'être venues expliquer votre
point de vue, mesdames. J'espère que les choses vous permettront de
convenir que, une fois le projet de loi adopté sans remplir
peut-être toutes vos demandes, au moins l'essentiel y sera.
Le Président (M. Richard): Merci, mesdames.
M. Pagé: Merci beaucoup, mesdames.
Société du crédit agricole du
Canada
Le Président (M. Richard): Je demanderais aux
représentants de la Société du crédit agricole du
Canada de prendre place, s'il vous plaît!
J'aimerais, M. le gérant régional adjoint, que vous vous
présentiez d'abord et que vous présentiez vos partenaires. Vous
avez 20 minutes pour faire votre présentation. Toutefois, après
15 minutes, je vous indiquerai qu'il reste 5 minutes. Je me permettrai de vous
le dire quand vos 20 minutes seront terminées. Vous comprenez que des
groupes se succèdent aujourd'hui et
demain et qu'il faut absolument être respectueux du temps.
Il nous fait plaisir de vous accueillir. Voulez-vous commencer
immédiatement?
M. Langlois (Fabien): Merci, M. le Président. Je vais
présenter l'équipe qui m'accompagne: M. Eugène Laflamme,
gérant régional adjoint à la division des prêts; M.
Jacques Lagacé, gérant régional adjoint à la
division de l'administration; Gaston Paradis, notaire et conseiller
juridique...
Le Président (M. Richard): Je m'excuse. Qui est M.
Paradis? Parfait! C'est pour des raisons techniques du débat.
M. Langlois: Michel Rousseau, superviseur à la
révision des prêts et M. Terry Kremeniuk, directeur à la
planification et aux communications, au siège social à Ottawa.
Les autres membres ainsi que moi-même, Fabien Langlois, gérant
régional pour la région du Québec, sommes du bureau
régional ici.
Le Président (M. Richard): Bienvenue, messieurs. Vous avez
la parole.
M. Langlois: La Société du crédit agricole
du Canada apprécie d'avoir été invitée par la
commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation à
fournir ses commentaires et opinions dans le cadre de l'étude du projet
de loi 46, Loi sur le financement agricole.
Nous félicitons le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation pour sa volonté de vouloir simplifier et
améliorer le système de crédit agricole provincial afin de
répondre encore mieux aux besoins en financement des agriculteurs et
agricultrices du Québec.
Au cours des 25 dernières années, notre
société a joué un rôle significatif dans le
développement de l'agriculture québécoise par l'apport de
capitaux se chiffrant à plus de 1 100 000 $ - voir à l'annexe I,
où vous avez la ventilation de ce montant. Elle a également mis
au service de la classe agricole une équipe qualifiée, bien au
fait des réalités d'une agriculture en pleine évolution.
Cette équipe a su mettre à la disposition des agriculteurs et des
agricultrices un éventail d'outils financiers qui apparaissent à
l'annexe II.
Les mauvaises conditions économiques qui ont prévalu dans
plusieurs productions du secteur agricole, depuis le début de la
présente décennie, ont démontré la
nécessité pour les différents paliers de gouvernement
d'unir leurs efforts et leurs interventions. C'est dans cet esprit de
collaboration qu'il nous fait plaisir, aujourd'hui, de répondre à
votre invitation en apportant notre participation à l'étude du
projet de loi 46.
Nous commenterons, en premier lieu, certaines dispositions du projet de
loi et, ensuite, nous insisterons plus particulièrement sur l'article 6.
Cet article peut, en effet, permettre une collaboration plus étroite
entre le fédéral et le provincial dans l'atteinte d'un objectif
si bien exprimé par M. Michel Pagé, ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, lors du
dépôt du projet de loi, celui d'accroître la
rentabilité des exploitations agricoles.
Dans le but d'améliorer le fonctionnement et l'efficacité
du régime québécois de financement agricole et d'assurer
un meilleur service aux agriculteurs et aux agricultrices, le projet de loi se
veut une refonte en une loi et un seul règlement de toutes les lois et
les règlements en vigueur. La nouvelle loi et le règlement
adoptés en vertu de cette loi remplaceront huit lois de financement
agricole et les huit règlements les concernant.
En prenant en considération les commentaires qui vont suivre,
cette refonte devrait répondre aux besoins actuels et futurs des
agriculteurs et des agricultrices du Québec, sous réserve que les
actes, les procédés ou les opérations faits ou
commencés et les droits acquis en vertu des lois remplacées
peuvent être continués, complétés et exercés
conformément aux dispositions de ces lois.
Moyennant cette réserve et les remarques qui suivent dont celles
se rapportant à la Loi sur le prêt agricole, il nous semble que la
refonte en une seule loi et un seul règlement devrait être
appréciée des agriculteurs et des agricultrices ainsi que de tous
les intervenants.
Lors du dépôt du projet de loi, le ministre, M. Michel
Pagé, a annoncé que deux des membres de l'Office du crédit
agricole du Québec seraient des représentants de la classe
agricole. Cette initiative sera certainement heureuse et permettra aux
producteurs et aux productrices de faire valoir leur point de vue appuyé
par leur expérience et la connaissance du milieu à titre
d'intervenants de première ligne.
La mise sur pied d'un tel comité sera une addition importante
pour l'Office du crédit agricole. Les requérants et les
requérantes dont la demande d'emprunt a été refusée
et ceux et celles qui sont informés par le prêteur ou par l'office
d'une décision de réalisation de garantie auront ainsi l'occasion
de faire réexaminer leur dossier par un groupe impartial composé
d'agriculteurs et d'agricultrices compétents.
Les emprunteurs de la Société du crédit agricole
bénéficient d'un tel comité depuis plusieurs
années. En tant que prêteurs, nous nous assurons ainsi de recevoir
une opinion complémentaire basée sur l'expérience et les
connaissances pratiques d'agriculteurs et
d'agricultrices qui sont en mesure de comprendre les demandeurs et de
prêter une oreille attentive à ceux et à celles qui, pour
diverses raisons, ne sont pas satisfaits de la décision rendue par la
société.
Reconnaissance du vendeur. Cette addition permettra à un
producteur ou à une productrice agricole de demeurer investisseur en
agriculture, et ce, en limitant son risque quant au capital investi. La
Société du crédit agricole voit, dans cette mesure, un
élargissement majeur des sources de financement reconnues dans le projet
de loi. Ainsi, plus de 1000 prêteurs par année pourraient se
joindre aux institutions présentement autorisées et participer au
financement des entreprises agricoles du Québec, dans le cadre de la Loi
sur le financement agricole.
Concept du prêt global. Une des propositions du comité
consultatif constitué par le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation faisait état de l'obligation pour
un producteur ou pour une productrice agricole de procéder, au moment de
l'étude d'un prêt, à l'identification des besoins globaux
en financement de son entreprise pour les cinq prochaines années.
À la lecture du projet de loi 46, nous constatons que la
proposition initiale concernant cette obligation a été
retirée au profit d'une autre approche exposée à l'article
18, en faisant état de besoins prévisibles.
Notre expérience de plus de 25 ans dans le crédit aux
agriculteurs et agricultrices nous permet d'affirmer que la planification
relève d'une saine gestion.
Nous considérons toutefois qu'il est pour le moins optimiste
d'affecter aujourd'hui des sommes d'argent à des investissements qui
seront faits dans un futur contingent et plus ou moins éloigné,
et dans le cadre d'une situation économique probablement fort
différente. Conséquemment, la Société du
crédit agricole Canada considère qu'il y aurait lieu de
préciser et de clarifier l'expression "besoins prévisibles".
Remplacement de la Loi sur le prêt agricole. Vu que le projet de
loi a été présenté comme une refonte du cadre
législatif actuel, nous sommes d'avis que le remplacement des lois et
des règlements devrait présenter tous les caractères d'une
refonte. C'est pourquoi nous nous permettons d'attirer votre attention sur
certaines dispositions de fond de la Loi sur le prêt agricole qui ne sont
pas incluses dans le projet de loi.
Le projet de loi n'accorde aux agriculteurs et aux agricultrices du
Québec aucun des avantages suivants qui leur étaient
conférés par la Loi sur le prêt agricole.
Paiement de l'intérêt: paiement par l'office, sur un
prêt hypothécaire consenti par la Société du
crédit agricole à un agriculteur ou à une agricultrice du
Québec, de la différence entre l'intérêt annuel
payable en vertu de l'acte de prêt sur les premiers 15 000 $ dudit
prêt et l'intérêt calculé au taux visé au
paragraphe a du cinquième alinéa de l'article 11 - devenu
l'article 10 - du règlement d'application de la Loi sur le crédit
agricole.
Le paiement de cette différence d'intérêt par
l'office a été, au cours de l'année financière
1986-1987, crédité à 5011 comptes actifs pour des
prêts antérieurement consentis par la Société du
crédit agricole Canada aux agriculteurs et agricultrices du
Québec. Ce paiement d'intérêts par l'Office du
crédit agricole a représenté, pour l'exercice
concerné, une somme de 2 801 000 $.
Exemption des droits payables. Deux arrêtés en conseil
furent adoptés sous l'autorité des articles 28 et 29 de la Loi
sur le prêt agricole, maintenant les articles 17 et 18 du chapitre P-20
des Lois refondues du Québec. Par ces articles et arrêtés
en conseil, tout agriculteur ou agricultrice du Québec, qui
bénéficie d'un prêt consenti par la société,
est exempté du tarif des droits d'enregistrement et des honoraires pour
divers documents produits par le registrateur ou services rendus par ce
dernier. Ces exemptions ne sont pas prévues au projet de loi.
Pour que les exemptions continuent à s'appliquer, nous demandons
que celles mentionnées au premier alinéa de l'article 64 du
projet de loi puissent également bénéficier à
l'agriculteur ou à l'agricultrice du Québec qui obtient un
prêt de la société.
Nous remarquons également que la société ne serait
plus exemptée des frais de publication d'avis dans la Gazette
officielle du Québec annonçant la vente d'un immeuble
garantissant un prêt de la société. Bien qu'il appartienne
au législateur de décider si la société continue
à bénéficier de cette gratuité, nous demandons
qu'une disposition semblable à celle mentionnée au
deuxième alinéa de l'article 17 de la Loi sur le prêt
agricole soit incluse dans le projet de loi. Comme le prévoyait
l'arrêté en conseil 1510 du 22 juin 1934, cette exemption pourrait
aussi couvrir les droits et commissions payables à la couronne lors de
la vente d'un bien garantissant un prêt de la société. Nous
attirons votre attention sur le fait que, selon les dispositions des
deuxième et troisième alinéas de l'article 64 du projet de
loi, ces deux dernières exemptions pourront bénéficier
à l'office ou à un prêteur autorisé.
Procédures spéciales de réalisation d'une garantie.
Selon les circonstances, la société utilise actuellement les
procédures spéciales prévues aux articles 11 à 16
de la Loi sur le prêt agricole. Bien que ces procédures soient
mentionnées aux article 69 à 77 du projet de loi, elles ne
pourront être utilisées que par l'office ou un prêteur
autorisé. Nous demandons que les dispositions du projet de loi
permettent à la société de continuer à utiliser ces
procédures de réalisation d'une garantie.
Subventions pour l'établissement. Nous sommes heureux de
constater que, selon l'article 88 du projet de loi, la subvention à
l'intérêt accordée à un jeune agriculteur continue
à s'appliquer à l'égard d'un prêt consenti par la
société, lorsque ce prêt satisfait aux exigences d'un
prêt en vertu de la loi. (16 h 15)
Modifications à l'article 1979a du Code civil. La
société est d'accord avec les amendements à l'article
1979a qui ne limitent plus à quinze ans le terme d'un prêt garanti
par nantissement et permet que le solde du prix de la vente, consenti par un
agriculteur à une personne qui tire des revenus de l'exploitation
agricole soit aussi garanti par nantissement agricole. Le fait de ne plus
relier la validité du nantissement au terme d'un prêt (maximum
quinze ans) permettra à un emprunteur, qui offre de garantir son
prêt par un nantissement agricole sur certains biens meubles, d'obtenir
un terme plus long pour le remboursement de son prêt. Il appartiendra au
créancier d'apprécier la valeur de sa garantie en tenant compte
de la durée de vie des biens nantis et en considérant que les
animaux de ferme et les produits de l'exploitation à venir peuvent
être nantis.
Quant à la qualification donnée au vendeur, producteur
agricole, nous sommes d'opinion qu'il aurait été
préférable de se référer au producteur au sens de
la Loi sur les producteurs agricoles, au lieu du producteur au sens de la Loi
sur la mise en marché des produits agricoles. Nous croyons que la
définition de producteur donnée dans la Loi sur les producteurs
agricoles est plus précise.
D'ailleurs, un producteur au sens de la Loi sur la mise en marché
des produits agricoles peut être, dans les cas déterminés
par l'ordonnance de la régie, une personne qui n'est pas un producteur,
mais qui participe à la production d'un produit agricole pour le compte
d'autrui. Il nous apparaît que le producteur au sens de la Loi sur les
producteurs agricoles s'apparente mieux à celui mentionné au
deuxième alinéa de l'article 5 du projet de loi.
Avec l'amendement de l'article 1979a, l'enregistrement du nantissement
agricole vaudra pour 30 ans par application de la règle
générale, à moins qu'il ne soit éteint pour les
causes et les moyens d'extinction des privilèges.
À la suite des recommandations déjà faites par la
Chambre des notaires du Québec, le 28 décembre 1964, dans son
mémoire portant sur le financement et l'endettement agricole au
Québec, présenté devant la commission de l'agriculture,
des pêcheries et de l'alimentation, nous faisons les recommandations
suivantes, dans le but d'améliorer les dispositions du chapitre III du
titre XVI du Code civil, intitulé "Du nantissement agricole", savoir:
Prévoir un mode de radiation légale du nantissement après
quinze ans de la date de son enregistrement ou de son renouvellement.
Pour les raisons mentionnées ci-dessous, le nantissement agricole
devrait s'éteindre après quinze ans de la date de son
enregistrement, à moins que cet enregistrement n'ait été
renouvelé avant l'expiration de ce délai. Le renouvellement du
nantissement pourrait se faire par acte notarié, en minutes ou en
brevet, ou par acte sous seing privé. Après l'expiration de la
période de quinze ans, sans renouvellement, il y aurait lieu de
prévoir que le nantissement agricole puisse être radié sur
simple demande de tout intéressé.
Un tel mode de radiation légale et de renouvellement a
été prévu par le législateur
québécois pour les cessions de biens en stock. Cet exemple
pourrait être suivi pour le nantissement agricole si l'on fait certaines
adaptations.
Lors d'un financement par nantissement agricole, ces dispositions
éviteraient d'aller demander des mainlevées à des
créanciers décédés, introuvables ou incapables de
donner un consentement valable, qui auraient négligé de donner
mainlevée de leur nantissement. De plus, ces dispositions
éviteraient des frais aux agriculteurs et aux agricultrices du
Québec, et permettraient, lors d'un financement, d'obtenir plus
rapidement une certification d'un premier nantissement agricole valable.
Reconnaissance d'un autre prêteur. Les agriculteurs et les
agricultrices du Québec faisant affaire avec la Société du
crédit agricole sont actuellement admissibles à toutes les
politiques de développement et à tous les programmes d'assistance
au financement mis de l'avant par le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, exception faite de la
contribution au paiement de l'intérêt versé dans le cadre
de la Loi favorisant le crédit agricole à long terme par les
institutions privées.
Clientèle cible de la Société du crédit
agricole. Parmi les agriculteurs et les agricultrices susceptibles d'avoir
recours au crédit agricole à long terme, la Société
du crédit agricole vise à desservir ceux ayant moins de 70 %
d'avoir net, c'est-à-dire environ 7000 clients cibles, voir à
l'annexe III où vous avez une ventilation de cette clientèle
cible. Dans les faits, l'avoir net moyen des emprunteurs de la
Société du crédit agricole, au cours des dix
dernières années, a été de 39,7 %.
Le sondage agricole effectué par la
Société du crédit agricole,au cours de l'hiver
1984, révèle qu'au Québec la production des agriculteurs
ayant moins de 70 % d'avoir net représente 54 %. de la production
totale. Cette analyse fait également ressortir que ces producteurs et
productrices supportent 79 % de l'endettement total. À la lumière
de ce qui précède, il va sans dire que, pour demeurer
progressive, l'industrie agro-alimentaire du Québec doit compter sur ces
agriculteurs et agricultrices même s'ils sont considérés
comme des clients à risque.
Il apparaît également évident que ces agriculteurs
et agricultrices hautement productifs s'attendent à avoir accès
à la bonification accordée par la province sur le service de leur
dette à long terme.
Le projet de loi 46 représente pour le gouvernement une occasion
privilégiée de redresser cette situation au
bénéfice des agriculteurs et agricultrices concernés. Nous
profitons de l'occasion qui nous est offerte pour demander au gouvernement de
reconnaître leur admissibilité à une certaine contribution
d'intérêt sur leur prêt à long terme avec la
société et suggérons de corriger cette lacune par
l'application de l'article 6 du projet de loi 46.
Avantages. Nul doute que les agriculteurs et agricultrices du
Québec et le gouvernement provincial y trouveront plusieurs avantages
administratifs et financiers. Le principal avantage sera celui de
reconnaître dans les faits l'accès de tous les agriculteurs et
agricultrices du Québec à toutes les politiques de soutien en
matière de financement agricole provincial.
L'accessibilité que nous demandons répond à
l'objectif de simplification visé par le projet de loi 46. Pour les
personnes concernées et les intervenants financiers, cela signifierait
l'abolition des multiples inconvénients actuels qui passent des
tracasseries administratives aux coûts additionnels.
Le remboursement massif de 47 000 000 $ à la
société effectué par l'office au cours de l'exercice
1979-1980 a affecté près de 1000 agriculteurs et agricultrices du
Québec. Depuis cette date, le Trésor public
québécois a dû verser des subventions
d'intérêt qui totalisent actuellement environ 15 000 000 $.
Ces remboursements par anticipation et paiements de subventions
d'intérêt auraient pu être évités dans une
large mesure, car ces prêts avaient été consentis à
des taux d'intérêt fixes et avantageux de 5 % à 8 %.
Notre portefeuille compte environ 3600 de ces prêts
représentant un encours de 110 000 000 $ qu'il ne faudrait pas, dans la
mesure du possible, rembourser par anticipation pour le bénéfice
des clients concernés et de la province. C'est dans cette optique qu'au
cours des cinq dernières années, la société a
accepté dans 954 dossiers de partager ses garanties en faveur de
l'office et ainsi libérer pour environ 73 000 000 $ de biens meubles et
immeubles.
Cette situation palliative ne cadre pas avec un objectif de
simplification puisqu'elle est la source de nombreuses démarches,
d'inconvénients et d'irritants pour les agriculteurs et les
agricultrices qui, par surcroît, voient leur pouvoir d'emprunt
diminué.
Pour les organismes concernés, ce processus qui a pour seul but
de donner accès aux clients de la société à la
contribution d'intérêt versée par la province, est
également générateur d'une lourdeur administrative. En
effet, il y aurait une duplication évidente et manifeste dans la charge
de travail qui se traduit en dépenses additionnelles assumées par
les intervenants et, jusqu'à un certain point, payées par les
deniers publics.
La société a accepté cette surcharge administrative
afin de ne pas pénaliser une proportion importante d'agriculteurs et
agricultrices du Québec. Nous sommes toutefois convaincus que cette
dilution des efforts pourrait être évitée.
En reconnaissant l'admissibilité des clients de la
Société du crédit agricole à la contribution
d'intérêt, le Trésor provincial y trouvera également
des avantages du point de vue financier.
Dans une éventuelle participation de la Société du
crédit agricole, cette dernière assumera tous ses coûts
d'exploitation en plus de soutenir les pertes qui découleront des
prêts où elle devra réaliser ses garanties. À eux
seuls, ces deux secteurs généreront pour la province des
économies annuelles de plusieurs millions de dollars.
Notre acceptation de participer à l'étude en commission
parlementaire du projet de loi sur le financement agricole a pour but de vous
présenter une vision positive et réaliste de certains points
soulevés par le document législatif. La société est
consciente qu'il appartient en dernier ressort au législateur provincial
d'adapter aux besoins actuels et futurs des agriculteurs et des agricultrices
du Québec son programme de financement agricole dont le but ultime est
d'accroître la rentabilité des exploitations agricoles.
Notre offre de collaboration s'inscrit dans la foulée des
déclarations des ministres de l'Agriculture fédéral et
provinciaux qui ont, par la signature d'un document conjoint, manifesté
leur désir de concerter leurs efforts dans la recherche de solutions et
moyens concrets, en vue de résoudre les problèmes d'une grande
acuité qui menacent la survie de notre agriculture familiale.
Dans la perspective d'une augmentation du nombre de prêteurs
autorisés, la société est disposée à
s'impliquer pour que les
agriculteurs et agricultrices du Québec profitent au maximum d'un
système élargi de financement agricole, en réduisant le
plus possible certaines tracasseries administratives pour l'obtention d'un
prêt.
Nous vous remercions de votre bonne attention et nous apprécions
l'intérêt que vous avez porté à notre
mémoire. Nous demeurons à votre disposition pour répondre
aux questions que nos propos ont pu susciter.
Le Président (M. Richard): Merci beaucoup. Je souligne que
vous avez été habile, vous n'avez jamais regardé ici, de
façon que je ne vous indique pas que votre temps achevait. Je vous
remercie, c'est habile de votre part. M. le ministre, est-ce que vous avez des
commentaires?
M. Pagé: Cela témoigne de la longue
expérience de M. Langlois, il en a vu d'autres. Merci beaucoup, M. le
Président. Je voudrais remercier les représentants de la
Société du crédit agricole du Canada de leur
témoignage. Ils viennent nous faire des commentaires à la
lumière de leur expérience, pour être présents, eux
aussi, dans le financement agricole au Québec.
J'aurais quelques commentaires à faire sur des interrogations qui
ont été soulevées par M. Langlois. Vous demandez que soit
précisée et clarifiée, dans le contexte du concept de
prêt global, l'expression "besoins prévisibles". Pour nous, c'est
important, toujours dans une perspective de simplifier les procédures,
de diminuer au maximum les interventions qui devront être faites par les
emprunteurs. Cet aspect du projet de loi ou cet aspect de la démarche du
financement-emprunt est important.
Pour nous, les besoins prévisibles, essentiellement, c'est
s'assurer que nous prendrons en compte les besoins financiers qui seront requis
dans le cadre d'une activité normale, en anticipant avec le plus de
précisions - je conviens que ce ne sera pas toujours
nécessairement exact, que ce ne sera pas toujours nécessairement
facile - les besoins financiers que l'entreprise aura dans les cinq prochaines
années.
L'approche globale, c'est un peu comme une carte de crédit, avec
un crédit préautorisé. Lorsqu'une personne a un
crédit préautorisé de 5000 $ sur sa carte de
crédit, elle n'est pas obligée de toujours le dépenser,
comme elle n'est pas obligée de toujours être à 5000 $.
Cependant, à partir de l'étude du dossier financier du titulaire
d'une telle carte, la banque ou la caisse populaire établit un montant
qui lui est admissible. C'est ce à quoi on se réfère
quand, dans le projet de loi et autour de cette table, on parle d'une approche
globale, à savoir que l'entreprise contracte un emprunt chez nous de X
centaines de milliers de dollars. Nous sommes conscients que, d'ici quelques
années, ils auront besoin d'ajouter du quota, ils auront besoin
d'améliorer le cheptel, ils auront besoin d'agrandir la ferme, de
modifier tel équipement, etc. On dit à l'emprunteur: Monsieur,
madame, ne vous inquiétez pas, tout a été pris en compte,
on vous a mis un crédit global de X centaines de milliers de dollars et
lorsque viendra le temps de réaliser ce projet, vous n'aurez pas
à recommencer toutes les procédures de A à Z, vous n'aurez
qu'à vous présenter à votre représentant
régional.
Vous évoquez évidemment le remplacement de la Loi sur le
prêt agricole. La société que vous représentez
désire continuer à bénéficier de ces
privilèges, c'est tout à fait explicable. Il faut souligner que
vous allez continuer à bénéficier de ces privilèges
pour les prêts consentis actuellement, qui auront été
consentis avant l'entrée en vigueur de ce projet de loi qui,
normalement, devrait être adopté, j'espère bien, d'ici le
31 décembre et entrer en vigueur au début de l'année 1988.
(16 h 30)
On se rappellera que les dispositions de cette loi avaient
été adoptées il y a un certain nombre d'années,
lorsqu'il était difficile pour le Québec, pour l'office, d'aller
se chercher des sources de financement. La volonté du gouvernement
à l'époque - je recule dans le temps - était bien claire,
c'était créer un incitatif pour que les producteurs agricoles
puissent se diriger davantage vers la Société du crédit
agricole. Par contre, il faut convenir qu'aujourd'hui, les difficultés
d'approvisionnement de fonds n'existent plus, notamment depuis la participation
plus marquée des institutions financières dans le cadre des
prêts tandem en 1978.
La grande problématique que j'y vois -vous pourrez me corriger,
M. Langlois, avec vos collaborateurs, les gens qui vous accompagnent - c'est
qu'on ne veut rien enlever - je vais être très clair avec vous
-comme ministre du gouvernement du Québec, je ne veux pas du tout
enlever quoi que ce soit au mérite du travail effectué par la
Société du crédit agricole du Canada et au mérite
des dispositions législatives ou réglementaires qui vous
régissent. Cependant, on doit constater, d'une part, que les avantages
consentis en vertu de nos lois et règlements au Québec sont plus
grands, beaucoup plus précis, plus palpables que ceux consentis par le
gouvernement du Canada. D'ailleurs, vous avez fait référence
à la conférence des ministres de l'Agriculture du Canada et aux
discussions que nous avons eues avec le ministre fédéral, M.
Wise. Je crois qu'il est unanimement reconnu, par l'ensemble des intervenants,
que la loi du Québec est particulière, performante, etc.
Le problème, c'est que le prêt effectué
chez vous à un agriculteur l'est à certaines conditions
qui ne sont pas nécessairement les mêmes que les conditions sur
lesquelles on s'appuie pour qu'un prêt soit octroyé par l'Office
du crédit agricole du Québec. C'est le point fondamental de
distinction qui commande une prise de position peut-être discutable pour
vous, qui n'est peut-être pas la plus souhaitée pour vous. Le
gouvernement canadien, lui, peut avoir l'orientation A, B, C, alors que le
gouvernement du Québec n'est pas nécessairement obligé
d'avoir la même orientation.
Le plus bel exemple, on l'a vu ce matin, par le témoignage de M.
Pellerin. M. Pellerin est président de la Fédération des
producteurs de porcs du Québec, qui est quand même une production
animale très importante dans l'économie du Québec. Il nous
a indiqué pourquoi on a plusieurs producteurs de porcs financés
chez vous. Nous, au Québec, à un moment donné, on a
imposé un moratoire sur les prêts consentis par l'Office du
crédit agricole en raison, entre autres, de toute la question
environnementale, on s'en rappellera, en raison de la faiblesse des prix, en
raison de pertes très appréciables qui avaient été
subies par de nombreux producteurs. On a imposé un moratoire à
partir de critères de perception et de décision donnés de
la part du gouvernement du Québec, alors que, chez vous, compte tenu que
les prêts ne sont pas soumis aux mêmes conditions, compte tenu que,
et je ne vous en fais pas grief, le gouvernement du Canada a le droit tout
à fait légitime - parce qu'on a une juridiction partagée
en agriculture entre les provinces et le gouvernement fédéral -
de privilégier ces créneaux de développement, ces
orientations. Je ne lui enlève pas ce droit-là, mais nous aussi,
cependant.
Dans ce cas, la Société du crédit agricole du
Canada a poursuivi sa démarche en octroyant des prêts. Je
comprends qu'il serait - je pense que c'est clair comme deux et deux font
quatre - toujours possible - tout est possible dans ce bas monde, par
surcroît, dans un Parlement - d'intégrer davantage nos
interventions, nos actions, mais il faut toujours avoir à l'esprit que
vos critères, vos conditions, vos orientations ne sont pas
nécessairement les mêmes que les nôtres, qui se traduisent,
dans le quotidien, par les actions de l'Office du crédit agricole. C'est
cela, mon problème. J'écoute vos commentaires, M. Langlois...
M. Langlois: C'est bien.
M. Pagé: ...et aussi ceux de vos adjoints, si besoin
est.
M. Langlois: Au sujet des besoins prévisibles, ce qui nous
préoccupe, c'est qu'aujourd'hui, les fermes évidemment deviennent
de plus en plus des PME, de par leur importance. Même si elles demeurent
toujours à l'intérieur de la définition d'une ferme
familiale, leur volume d'activité les classe déjà comme
des PME. Ce qu'on veut leur conserver, c'est le pouvoir de marchander les
garanties, les taux d'intérêt et toutes les conditions de
financement pour chaque emprunt, à l'avenir. Ce n'est pas dans le but de
combattre la planification financière, loin de là, c'est pour
permettre à un dirigeant de PME, à tout moment, de pouvoir
négocier un emprunt, avec des conditions et des garanties
particulières, avec d'autres créanciers que le créancier
original.
C'est un encadrement qu'on ne voudrait pas trop rigide et qui pourrait
lui permettre, selon ses besoins, de pouvoir marchander, sur le marché
financier, avec des institutions différentes de celles où il a
déjà un emprunt, de façon à transiger probablement
comme la plupart des PME ou des institutions commerciales ou industrielles, de
façon à pouvoir travailler en équipe avec deux
créanciers ou deux pourvoyeurs de fonds au lieu d'un seul. On n'est pas
opposés, seulement, on est inquiets de connaître l'encadrement
exact qui découlera du besoin prévisible, de façon
à garder un outil qui permettra aux dirigeants de PME, que sont nos
producteurs agricoles, de pouvoir négocier des emprunts avec les
meilleures conditions. Ainsi, dans deux ans, trois ou quatre ans, ils pourront
peut-être négocier plus facilement avec un autre créancier
qu'avec le créancier qu'ils ont présentement.
Sur le deuxième point concernant les objectifs pour les 15 000 $,
je vais demander à Eugène Laflamme de faire des commentaires.
M. Laflamme (Eugène): M. le ministre, vous avez
mentionné qu'il y avait des choses qui vous embarassaient,
c'est-à-dire les différences de philosophie entre l'application
des mesures du gouvernement fédéral et celles de la province et
que ce n'était pas toujours facile de fonctionner avec cela. D'autre
part, je pense qu'il faut bien souligner que l'entente qui existe entre la
province et le fédéral concernant les 15 000 $, depuis 1962, a
permis à plusieurs agriculteurs, et des agriculteurs autonomes, de
bénéficier de cette subvention d'intérêt, lorsqu'ils
avaient des chartes fédérales et qu'ils n'étaient pas
admissibles aux prêts de la province, et à d'autres pour lesquels
nous prêtions un deuxième ou un troisième rang
hypothécaire, alors que c'était le père ou d'autres
créanciers qui étaient au premier rang pour des sommes, parfois,
très minimes. Je pense que ces agriculteurs étaient de vrais
agriculteurs qui n'étaient pas mis de côté par l'esprit de
la loi, mais qui n'étaient pas admissibles dans les lois
provinciales.
Il y a peut-être un autre élément qu'on
voudrait souligner également dans cette démarche, c'est
que si on a des philosophies parfois différentes, il serait toujours
possible d'en faire l'objet d'une entente ou de discussions. Il y a aussi
à relever le fait que, avec le projet de loi, environ 1000
prêteurs autonomes peut-être s'inscriront, en plus des institutions
financières, comme créanciers à l'avenir. Peut-être
y en aura-t-il qui auront des particularités comme prêteurs aussi.
Un peu comme nous pouvons en avoir. On s'inscrirait facilement dans ces 1000
également.
M. Pagé: Le mille unième. Ha! Ha! M. Laflamme: Ha!
Ha! Ou le premier.
M. Langlois: II y a peut-être un autre commentaire que je
voudrais ajouter, c'est que - et l'exemple que vous avez pris des producteurs
de porcs est caractéristique -concernant chacun de nos prêts, que
ce soit présentement ou après l'adoption, en supposant que nos
clients sont admissibles au remboursement d'intérêt, par l'article
6, c'est toujours l'office qui décide de la subvention. Dans le cas des
producteurs de porcs, ils étaient admissibles à des prêts
chez nous, mais n'étaient pas admissibles au rabattement
d'intérêt parce qu'une terminologie existe dans la loi actuelle
qui dit que, pour qu'un emprunteur de la société profite du
rabattement d'intérêt, il doit bénéficier d'un
prêt semblable à un prêt de l'office. Comme le producteur de
porcs n'était pas admissible à l'office, il était
admissible à un prêt chez nous, mais n'était pas admissible
au rabattement d'intérêt. Théoriquement, quand vous dites
qu'on n'a pas arrêté de prêter, je peux vous dire qu'on n'a
peut-être pas arrêté, mais on a modéré
drôlement nos prêts et c'est devenu proche de pas grand-chose,
à un moment donné, parce qu'on était beaucoup plus
prudents à cause de la conjoncture économique. On n'a pas
fermé la porte totalement, mais on a diminué très
substantiellement.
Présentement et à l'avenir, on ne veut pas enlever
à l'office ou au gouvernement du Québec le pouvoir de
décider s'il accorde la subvention d'intérêt ou non. Si un
agriculteur qui a une charte fédérale fait une demande d'emprunt
chez nous, on l'informe, dès ce moment-là, qu'il n'est pas
admissible à l'office. S'il est en zone blanche, c'est la même
chose. Ce sont des critères que l'on transmet à l'office, lequel
informe l'agriculteur à savoir s'il est admissible au rabats
d'intérêt ou non. Notre fonction devient beaucoup plus
complémentaire, à ce moment-là, que d'épouser
exactement le même champ d'action.
Le Président (M. Richard): D'autres commentaires?
M. Pagé: Oui, 30 secondes seulement, M. le
Président. J'aurais eu d'autres commentaires, mais mon temps est
épuisé. Vous notez cependant qu'avec le projet de loi et la
réglementation, les entreprises du Québec à charte
fédérale seront maintenant admises au financement agricole du
Québec. Je pense que c'était déjà un
élément souhaité par les agriculteurs et aussi par votre
société.
Une brève question. Vous dites que vous prêtez
régulièrement en second rang. Est-ce que votre taux
d'intérêt est différent?
M. Langlois: Non. Le taux d'intérêt n'est pas...
Plus on recule, parce qu'on fait des prêts aussi en troisième,
quatrième, voire en cinquième hypothèque, quand il y a de
l'avoir net sur les garanties, le seul résultat cumulatif que cela peut
avoir, c'est la décision de dire non, parce que le risque devient trop
élevé.
M. Pagé: Je présume.
M. Langlois: Mais le taux est le même.
M. Pagé: Le même taux. Il est quand même plus
élevé que le nôtre.
M. Langlois: C'est-à-dire qu'il se situe dans un contexte
différent. Il n'est pas subventionné, alors que notre taux
apparaît plus élevé comparativement au taux flottant, au
"prime rate" flottant plus une demie, mais il est compatible avec le
marché pour un taux de cinq ans. Notre taux actuel de cinq ans est
à 12 %, alors que le marché reflète de 12 % à 12,5
% pour les taux de cinq ans.
M. Pagé: Nous sommes à 10,5 %.
M. Langlois: Pas pour cinq ans. Les hypothèques de cinq
ans sont de 12 % à 12,5 % présentement. Ce n'est pas la
majorité de notre portefeuille. La moyenne de notre portefeuille est
actuellement autour de 10 %, parce qu'on a beaucoup de prêts qui ont
été consentis, antérieurement, à des taux
avantageux.
M. Pagé: C'est cela. On a chacun nos attraits. Merci.
Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de
l'Opposition, la parole est à vous.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Bonjour à M.
Langlois et à ses collègues. Je serais porté à
faire une petite blague en disant que vous considérez le projet de loi
comme une refonte, mais que, si on adoptait l'ensemble de vos recommandations,
cela deviendrait une réforme.
Dans l'ensemble de tous les prêts
consentis par la société, est-ce que vous pouvez me dire
quel est le retour sur l'investissement placé par les agriculteurs, eu
égard à la dévaluation qu'on peut faire à la fois
des actifs et de l'argent comme tels? Pouvez-vous me dire ce qu'il en est, dans
l'ensemble, de vos prêts?
M. Langlois: Voulez-vous répéter votre question,
s'il vous plaît? (16 h 45)
M. Jolivet: D'accord. Dans l'ensemble, toute personne qui
investit dans l'agriculture emprunte et doit considérer qu'un jour, elle
devra faire des profits, je l'espère, pour pouvoir payer l'ensemble de
vos prêts, sinon elle fera faillite. Je vous pose la question suivante:
Le retour sur l'investissement qui est placé par les gens, eu
égard à l'ensemble des prêts qui sont consentis, une fois
qu'on aura dévalué l'actif et aussi l'argent en cours de route,
quel sera-t-il?
M. Langlois: On n'a pas fait... Je consulterai Michel.
M. Rousseau (Michel): Je n'ai pas une réponse
précise à apporter. Je ne pense pas que le taux de rendement que
vous mentionnez soit tellement différent du taux qui a été
mentionné ce matin par les représentants de l'UPA qui parlaient
d'environ 3 %, à plus ou moins 0,5 %. On n'a pas de calculs
précis à vous fournir là-dessus.
M. Jolivet: Donc, on ne pense pas que ce serait quelque chose de
négatif.
M. Rousseau: Un taux de rendement négatif?
M. Jolivet: Oui.
M. Rousseau: En tenant compte de l'inflation des dernières
années, je ne crois pas que le rendement soit négatif.
M. Jolivet: D'accord. J'ai une autre question concernant le
comité de réexamen proposé par la loi. Vous
possédez, à la société, un comité de
réexamen. Est-ce que vous pouvez m'expliquer comment il fonctionne et
quelles sont les capacités des gens qui en font partie, au point de vue
des décisions? Est-ce qu'il est consultatif ou décisionnel?
J'aimerais connaître la façon dont il fonctionne.
M. Langlois: M. Laflamme.
M. Laflamme: La commission d'appel existe chez nous depuis 1964.
Elle est constituée, au Québec, de douze agriculteurs, qui sont
membres de la commission d'appel. Dans chaque cas, lorsqu'il y a une demande,
un comité est formé de trois de ces douze agriculteurs, le
président et deux autres membres. Ceux-ci reçoivent bien
sûr une copie du dossier du demandeur. Ils vont visiter la
propriété et tiennent une séance avec le requérant
qui, lui, peut être accompagné d'une personne de son choix pour
l'aider à défendre le dossier. La commission d'appel, comme on
l'appelle chez nous, rend sa décision séance tenante. Elle
informe l'agriculteur si elle va recommander le maintien de la décision
ou recommander un prêt ou une solution de rechange différente. Il
ne s'agit pas d'un pouvoir décisionnel, mais d'un pouvoir de
recommandation. Effectivement, c'est un pouvoir de recommandation que
détient la commission d'appel.
M. Jolivet: D'accord. Dans le projet de loi, on dit que les
articles 117 à 122 instituent un comité de réexamen des
décisions de l'office, à la demande écrite du demandeur ou
de tout intéressé. Ce comité est composé d'au plus
six membres nommés par le gouvernement et devant posséder une
compétence en agriculture ou en financement agricole. On dit:
"Après examen, le comité fait des recommandations." C'est ce qui
est proposé par la loi actuelle.
Dans votre texte, à plusieurs endroits, vous dites:
"réexaminé par un groupe impartial composé d'agriculteurs
et d'agricultrices compétents". Rien ne garantit, dans la loi, que ce
seront tous des agriculteurs. De près ou de loin, soit dans le
financement agricole ou ailleurs, ils ont peut-être cette
capacité. Mais est-ce que vous proposeriez, à ce
moment-là, que les gens viennent seulement du secteur agricole?
M. Laflamme: Chez nous, ce sont tous des agriculteurs. Comme je
vous l'ai dit, cela fait environ 20 ans que la commission d'appel fonctionne.
Ce sont tous des agriculteurs authentiques et à temps plein autant que
possible ou presque, pour ce qui est de leur exploitation. Comment ces membres
sont-ils choisis? Ils sont référés par l'UPA et la "Quebec
Farmers' Association" qui nous recommandent deux, trois ou quatre candidats
pour un poste donné et sur lesquels nous faisons une
vérification. Nous allons chercher, bien sûr, les gens les plus
compétents. Sur les douze agriculteurs que nous avons, nous essayons
d'avoir une représentation couvrant les différentes productions.
Nous avons d'excellents producteurs de lait, de porcs, de grandes cultures et
de culture maraîchère. Présentement, la commission d'appel
compte également deux femmes sur les douze membres. C'est de cette
façon que les membres sont choisis. Je peux confirmer qu'à ce
jour la compétence de ces gens est vraiment très
élevée.
M. Jolivet: Je vous remercie. Cela nous permettra de nous
faire... Oui, avez-vous autre chose à ajouter?
M. Langlois: Oui. J'aurais peut-être un commentaire
additionnel. Si la commission d'appel est disposée à recommander
un prêt alors qu'on l'a refusé et si je suis d'avis qu'on doit
faire le prêt en tenant compte des arguments, on peut approuver le
prêt. Cela renforce le pouvoir de la commission d'appel. Si je
diffère d'opinion avec les gens de la commission, il faut que je
réfère le dossier au président de la
société, au siège social. Je ne peux pas les contredire
sans référer le dossier, c'est-à-dire que je dois
référer le dossier à un palier d'autorité plus
élevé.
M. Jolivet: Donc, c'est un pouvoir moral qui n'est pas
égal à une décision, mais qui est quand même plus
important qu'une simple recommandation consultative.
M. Langlois: Oui.
M. Laflamme: Dans les faits relevés depuis environ une
douzaine d'années, les recommandations de la commission d'appel ont
été suivies dans environ 80 % des cas. Lorsque la recommandation
d'accorder un prêt est faite, dans 80 % des cas, c'est soit le bureau
régional, soit le siège social qui endosse la recommandation de
la commission d'appel.
M. Jolivet: On peut faire un commentaire, pour ceux qui prennent
les notes, qui permettra au ministre de faire son point de vue. Effectivement,
c'est une amélioration d'avoir, dans la loi, un comité de
réexamen, sauf qu'il faudrait lui donner des pouvoirs quand même
assez puissants pour arriver au pourcentage que vous mentionnez, 80 % ou 90 %
des cas, ou ce sera vraiment un nombre minime de cas qui n'auront pas
été acceptés.
Vous vous dites d'accord avec la déclaration du ministre,
à savoir de nommer à l'office des membres provenant du secteur
agricole. Dans la loi, rien ne nous indique, à l'article 99, que,
nommément, ce devrait être des gens de ce secteur. En fait, on
demande que ce soit inclus dans la loi. Quelle est la forme de la
société comme telle et de son conseil d'administration? De
combien de membres est-elle composée et de quels secteurs
proviennent-ils?
M. Langlois: On a un bureau de direction où siège
un certain nombre d'agriculteurs. De mémoire, je crois que c'est deux ou
trois; cependant, je pourrais peut-être demander... Je l'ai ici,
tiens!
M. Jolivet: Pendant que vous cherchez, est-ce qu'on peut vous
demander si les deux ou trois représentants du monde agricole sont,
comme dans le cas de la commission d'appel, recommandés par les
associations?
M. Langlois: Non. Les agriculteurs membres du bureau de
direction, pour autant que je sache, ne sont pas recommandés par des
organismes; ce sont des nominations faites par le ministre de
l'Agriculture.
M. Jolivet: J'aurais souhaité que vous me répondiez
autre chose cependant.
M. Langlois: Ha! Ha! Ha! Il y a trois agriculteurs sur sept
membre du bureau de direction. On a aussi un comité consultatif national
chargé de conseiller le ministre sur des améliorations à
apporter; il est composé de dix membres, tous des agriculteurs.
M. Jolivet: Ils sont nommés par le ministre?
M. Langlois: Oui, par le ministre.
M. Jolivet: Dans le cas de la commission d'appel, ils sont
nommément recommandés, pas nécessairement tous
acceptés, mais ces noms sont recommandés par les
associations.
M. Langlois: C'est cela.
M. Jolivet: Dans les autres cas, ce sont des...
M. Langlois: Le choix est limité à la liste
proposée par les deux institutions, l'UPA et la "Quebec Farmers'
Association".
M. Jolivet: C'est limité au nombre de personnes
demandées.
M. Langlois: On choisit à même cette
liste-là. On n'en sort pas.
M. Jolivet: En tout cas, j'espère que le ministre prendra
acte de cela pour le comité de réexamen.
Dans votre mémoire, vous semblez craindre l'effet trop
imprécis du concept de besoins prévisibles prévu à
l'article 18 du projet de loi comme outil d'évaluation des besoins
financiers de l'agriculteur ou de l'agricultrice qui demande un prêt.
Quel est l'effet négatif que vous envisagez de ce concept de besoins
prévisibles? Pourquoi dites-vous que ce n'est pas suffisant et que c'est
imprécis? Vous envisagez donc des effets négatifs. Craignez-vous,
à ce moment-là, la possibilité de décisions
arbitraires? C'est dans ce sens-là?
M. Langlois: Non. Ce n'est pas l'arbitraire que je crains. C'est
l'un des
arguments que j'ai mentionnés tantôt, soit de laisser au
dirigeant de la PME, qui est un agriculteur, le choix de l'institution
financière. Il peut transiger aujourd'hui avec une institution et il
peut développer des relations avec une autre institution et, à un
moment donné, il peut marchander pour faire un deuxième emprunt,
dans deux ans ou deux ans après son premier emprunt, et vouloir
négocier. Alors, c'est ce choix qu'on veut lui laisser.
Plusieurs agriculteurs m'ont donné des témoignages; par
exemple, on a parlé tantôt de taux de cinq ans, de taux flottants.
Beaucoup d'agriculteurs me disent: Quand on a un passif qui commence à
prendre du ventre, qui commence à être assez volumineux - 300 000
$ ou 400 000 $ de passif - on aime cela en avoir une partie à taux
flottant et une partie à taux fixe pour cinq ou dix ans. Si les taux
baissent, pour la moitié qui est à taux flottant, on en profite
et si les taux montent, on est un peu protégés. Tout ne monte
pas. Il y a uniquement la portion à taux flattant qui monte et la partie
qui est à cinq ans ne bouge pas. Alors, c'est une protection que les
dirigeants d'entreprises agricoles importantes désirent avoir. Ils
peuvent obtenir cela à force de marchander avec leurs créanciers.
C'est pour cela qu'on voudrait, dans un premier temps, qu'ils puissent
conserver ce pouvoir de marchandage avec d'autres créanciers.
Deuxièmement, c'est devant la complexité. On a simplement
à reculer en 1980, on n'aurait pas imaginé la flambée des
taux d'intérêt qu'on a connue en 1981 et en 1982. Si on recule de
deux années ou de trois années, on n'aurait pas
présumé la chute des prix des céréales qu'on
connaît présentement. Au moment où le maïs se vendait
200 $ la tonne il y a quelques années, on n'aurait pas pensé
qu'il se serait vendu moins de 100 $ la tonne au moment de la récolte.
C'est devant cette difficulté de prévoir avec précision.
Je ne vous dis pas que c'est mauvais en soi, mais il faudrait être
prudent dans la définition ou dans l'encadrement à donner
à cet aspect.
M. Jolivet: Je crois comprendre que ce que vous désirez
pour la personne qui fait une demande de prêt, c'est qu'elle ne mette pas
tous ses oeufs dans le même panier, qu'elle ait la capacité de
pouvoir élargir son éventail.
M. Langlois: C'est cela.
M. Jolivet: Une dernière question, quant à moi,
puisqu'on doit terminer pour 17 heures* Dans votre mémoire aux
pages 7 et 8, vous parlez de la disparition d'un certain nombre de droits
acquis pour la société prévus dans la Loi sur le
prêt agricole et qui n'ont pas été repris par le projet de
loi, et cela vous inquiète. Vous dites que, si on fait une refonte, elle
devrait prévoir l'ensemble de ce qui existait, si on les fonde dans un
seul et même projet de loi. En conséquence, vous semblez un peu
reprocher au ministre de l'avoir fait en disant qu'il écarte la
Société du crédit agricole de certains droits qu'elle
avait comme l'exemption pour tout agriculteur du tarif des droits
d'enregistrement et des honoraires pour les documents produits et des services
de registrateur et l'exemption pour la Société du crédit
agricole de frais de publication et d'avis à la Gazette officielle
pour l'annonce de la vente d'un immeuble garantissant un prêt de la
Société du crédit agricole.
Ce sont des exemples que je donne. Vous avez déjà
expliqué cela mais j'aimerais que vous précisiez la crainte que
vous avez eu égard au fait que ce n'est pas une réforme qu'on
fait mais plutôt une refonte.
M. Langlois: Oui, dans un premier temps, c'est peut-être le
résultat d'un oubli aussi. On ne veut pas accuser le ministre d'avoir
volontairement enlevé cela. C'est peut-être le fruit d'un oubli.
Dans le premier volet, à la page 7, élément b, on ne fait
pas le plaidoyer pour la Société du crédit agricole. C'est
pour les agriculteurs. Ce sont tous les avantages qu'ils ont
présentement lorsqu'ils obtiennent un emprunt. Ils sont exemptés
soit de frais provenant d'eux-mêmes ou des frais qui seront exigés
par leur notaire lors de la réalisation de l'emprunt. Alors, on ne fait
pas cette demande au nom de la Société du crédit agricole
mais bien au nom du client qui, actuellement, profite de ces avantages.
À la page 8, élément c - c'est bien sûr qu'à
ce moment c'est à la demande de la Société du
crédit agricole et c'est au profit de la Société du
crédit agricole - ce qu'on demande, c'est d'être traité
comme les autres institutions financières qui font du prêt
agricole au Québec.
M. Jolivet: Quant à cela, le ministre aura à
répondre un jour en vertu de l'article 6 du projet de loi. Je vous
remercie.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
représentant de l'Opposition. Merci beaucoup messieurs de vous
être déplacés et de nous avoir expliqué votre
mémoire. Grand merci!
M. Langlois: Merci beaucoup. Cela nous a fait grandement plaisir
de collaborer à ce travail. (17 heures)
Le Président (M. Richard): Merci.
Fédération de la relève agricole
du Québec
Maintenant, je demanderais aux
représentants du groupe de la Fédération de la
relève agricole du Québec de prendre place, s'il vous
plaît. Si vous me le permettez, je ferai un constat en ce qui concerne la
présentation de votre mémoire révisé; je constate
qu'il est révisé avec 48 pages. Un groupe d'intervenants a
présenté un mémoire de 34 pages tout à l'heure et
cela a pris 55 minutes environ. J'espère - je formule le voeu - que vous
n'avez pas l'intention de nous lire cela. Si vous nous lisez cela, je n'ai
aucune objection, sauf que vous êtes assurés qu'aucune question ne
vous sera posée. Le temps qui vous est alloué est d'une heure au
maximum; cela comprend votre exposé principal et le temps que les deux
groupes gouvernementaux ici pourront prendre pour poser des questions par la
suite. On alloue 20 minutes au maximum à votre intervention. Je ne sais
pas quel sera votre truc, mais je vous recommanderais fortement de faire cela
à l'intérieur de 20 minutes, si c'était possible.
M. Leduc (Gilles): Oui, M. le Président, vu qu'on est
jeune, on va se trouver quelques trucs.
Le Président (M. Richard): Ah! J'en étais certain.
Dans un premier temps, voulez-vous, s'il vous plaît, vous identifier et
présenter vos partenaires pour la transcription?
M. Leduc: Cela va. Je suis le président de la
Fédération de la relève agricole du Québec, mon nom
est Gilles Leduc, producteur agricole. M. Alain Thibodeau, ici présent,
est producteur agricole et premier vice-président et le
secrétaire de la fédération est M. André
Drapeau.
Le Président (M. Richard): Merci. Vous avez la parole.
M. Leduc: M. le Président, au nom de ma
fédération, je tiens à vous remercier de la chance qui
nous est donnée aujourd'hui. Compte tenu de l'importance du financement
pour la relève agricole, notre participation aujourd'hui a cette
commission est très importante. Sur ce, je vais laisser notre
secrétaire vous présenter, en 20 minutes, notre mémoire de
plusieurs pages.
Le Président (M. Richard): À vous, M. Drapeau.
M. Drapeau (André): Merci. Notre mémoire est
composé de trois parties. Une première partie fait un portrait de
la situation de l'agriculture; une seconde partie comporte nos
différents commentaires en rapport avec la loi et ses règlements
et une troisième partie traite plus de notre vision de ce que devrait
contenir une véritable politique d'établissement en agriculture
au Québec.
On va vous faire une synthèse de la première partie et on
va reprendre, dans la deuxième partie, seulement les
éléments qui traitent de la relève agricole. Nos
commentaires y sont contenus. On présume évidemment que vous en
avez pris connaissance. On va donc tenter de faire cela en 20 minutes de cette
façon-là.
Donc, voici la situation en synthèse. Le Québec a perdu le
tiers de ses fermes au cours des quinze dernières années. On en
comptait environ 61 000 en 1972; aujourd'hui, il n'en reste guère plus
de 41 000. Pour la même période, il y a eu au Québec 1562
établissements. En 1986, près de 30 % des agriculteurs
québécois avaient 55 ans et plus.
De 1977 è 1985, la valeur des actifs au moment de
l'établissement s'est accrue de 162 %; celle du passif, de 100 %. Il y a
eu une baisse du nombre d'établissements en agriculture pendant quatre
des cinq dernières années et il nous faut remonter à
1972-1973 pour atteindre le niveau d'établissement sur les fermes, un
niveau inférieur a celui des deux dernières années.
De 1978 à 1985, les deux tiers des établissements se sont
faits en production laitière. Si on regarde aujourd'hui la structure de
la production laitière, 40 % de ces fermes ne sont pas
transférables parce que trop petites ou trop grosses.
La grande majorité des jeunes qui se destinent à
l'agriculture veulent acquérir une ferme familiale. La profession
d'agriculteur est très certainement une des plus exigeantes. En
1984-1985, 45,7 % des jeunes agriculteurs avaient complété leur
cours secondaire; en 1983-1984, 25,4 % des agriculteurs ayant obtenu un
prêt d'établissement de l'Office du crédit agricole avaient
une formation académique spécialisée en agriculture. Les
inscriptions aux programmes gestion et exploitation des entreprises agricoles
ont connu une baisse importante depuis 1985. L'écart entre la valeur
marchande des fermes et la valeur de rentabilité est pratiquement du
simple au double.
C'est un ensemble d'éléments qui font que la vision des
jeunes quant à l'avenir de l'agriculture au Québec n'est pas
négative, il y a encore un nombre important de jeunes qui veulent
s'établir en agriculture, mais elle est pour le moins
inquiétante.
Nous allons reprendre les cinq ou six éléments qui,
à notre sens, traitent plus particulièrement de la relève
à l'intérieur de la refonte.
Les subventions à l'établissement. Pour les jeunes qui
s'établissent en agriculture, la loi reconduit avec un caractère
permanent les deux types de subventions et le choix entre celles-ci. Une
demande que nous avons
faite à plusieurs reprises est d'assouplir les critères
d'utilisation des sommes d'argent accordées par la subvention de mise en
valeur. Cependant, le règlement ne rencontre aucunement cette demande
des jeunes, il continue de préciser l'ordre de priorité de
l'utilisation de cette aide. Nous proposons que ce montant de 15 000 $ puisse
être affecté à tout investissement qui aura pour effet
d'accroître la productivité et la rentabilité de
l'exploitation.
Une autre crainte demeure aussi pour la relève en regard avec les
aides à l'établissement, celle de l'indexation de ces aides. Nous
faudra-t-il tous les trois ans sortir les boucliers pour convaincre
l'État de l'importance et de la pertinence d'indexer les montants de ces
deux subventions à l'établissement? Nous souhaitons vivement que
dans le contexte actuel, et particulièrement sur la base de la situation
décrite en première partie, nos demandes relatives à
l'indexation des subventions connaîtront des aboutissements rapides.
Un deuxième élément qu'apporte la loi:
l'accréditation du vendeur comme prêteur autorisé.
L'article 5, alinéa 2 du projet de loi reconnaît le vendeur comme
pouvant agir en tant que prêteur pour l'application de la loi. C'est
là un acquis majeur pour l'agriculture. Au moment des transferts, les
parents doivent combler par un don l'écart entre la valeur marchande et
la valeur de rentabilité. C'est déjà là un effort
considérable fait par les parents et qui pose à l'occasion des
problèmes, considérant le fait qu'un ou quelques-uns des enfants
de la famille sont avantagés dans la transaction.
Lorsque, en plus de ce don, les parents avaient à investir sous
forme de prêt des sommes d'argent supplémentaires, c'était
demander un deuxième effort parfois très difficile. Ce qu'apporte
de nouveau cette mesure, c'est que ce deuxième effort des parents sera
garanti par l'Office du crédit agricole. Une telle mesure pourra
très certainement contribuer à permettre à des jeunes qui
ne sont pas fils ou filles d'agriculteurs de réussir à
s'établir.
Le concept d'aspirant-agriculteur est un troisième
élément apporté dans la refonte. Ce que la relève
veut, c'est faire de l'agriculture à temps complet et en vivre
convenablement. Ce que la relève demande depuis fort longtemps en
rapport avec les aspirants-agriculteurs, c'est que le jeune puisse jouir d'une
période de dix ans plutôt que de cinq ans pour compléter
son établissement. C'est aussi que l'aspirant-agriculteur puisse avoir
accès a des rabais d'intérêt qui soient beaucoup plus
substantiels que ceux qui lui sont accordés actuellement.
La loi et sa réglementation accordent encore un délai de
cinq ans avec, cependant, possibilité de prolongation pour passer du
statut d'aspirant à celui d'agriculteur. Dans le contexte actuel, cette
limite devrait être améliorée dans le sens de notre
proposition.
Enfin, l'aspirant a droit au même "subventionnement"
d'intérêt que le producteur. C'est un plus important. De plus, au
moment où il devient producteur, il a aussi accès aux aides
prévues en faveur de la relève. C'est aussi positif.
Entreprise à ressources limitées, le quatrième
élément. L'annonce faite lors du dépôt du projet de
loi avait mis en relief un nouveau concept qui nous est apparu des plus
intéressants, soit celui des entreprises à ressources
limitées. Cependant, l'application de ce concept qui est prescrit dans
le règlement de la loi 46 le rend inutilisable et sans aucune valeur
pour le monde agricole. L'article 7 du règlement précise que les
baux et contrats d'échange de services ou contrats de droit d'usage
seront exigés pour la durée du prêt ou encore pour la
période de temps où il est démontré qu'il sera
nécessaire de faire appel aux ressources de cette entreprise.
Nous croyons que les baux et contrats exigés devraient
l'être pour une durée de cinq ans, ce qui rendrait applicable et
utilisable cette nouvelle possibilité.
Des aides supplémentaires sont aussi apportées à la
relève dans le projet de loi. À l'intérieur des
modifications proposées au régime actuel, nous retrouvons une
aide supplémentaire à la relève. Les jeunes qui
s'établissent avec deux ans d'expérience ou encore une
année d'expérience et deux ans de formation profesionnelle auront
droit à la subvention d'intérêt de 2 % décroissant
sur cinq ans à 1/2 % annuellement.
Bien sûr, toute aide additionnelle à la relève ne
peut être dénigrée. Nos calculs chiffrent cette aide
à quelque 6000 $ ou 8000 $ répartis sur cinq ans. Comme nous
l'avons abordé dans le présent mémoire, le jeune qui
s'établit en agriculture est difficilement concurrentiel avec ses
confrères et consoeurs de sa production lors de ses premières
années en production, cela particulièrement à cause d'un
endettement plus élevé, donc de coûts de production plus
élevés. Cette difficulté est en partie surmontée
par une meilleure productivité. Plus encore, les calculs et coûts
de production qui servent aux fédérations de producteurs dans les
négociations de prix ou encore à la Régie des assurances
agricoles dans la fixation des remboursements sont faits sur la base d'une
ferme moyenne, ce qui est normal. Le jeune se trouve donc en nette situation de
désavantage.
Tous les intervenants du monde agricole vous diront aussi que la plupart
des jeunes ont des investissements importants à faire dans leurs
premières années d'établissement pour optimiser la
rentabilité de l'exploitation qu'ils viennent d'acquérir. L'aide
que la relève agricole demande depuis bon nombre
d'années dans le but de pallier ces difficultés
importantes est la suivante: que pour la partie subventionnable du prêt,
c'est-à-dire les premiers 200 000 $, plutôt que le jeune obtienne
un bonification de 50 % du taux d'intérêt supérieur
à 4 %, il ait droit à un taux croissant partant de 3 %
annuellement et augmentant de 1/2 % par année jusqu'au moment où
le taux croissant rejoindra le taux subventionnable en vigueur. Cette aide
représente quelque 18 000 $ sur neuf ans.
Le projet de loi et les règlements apportent aussi un incitatif
à la formation. D'après deux études, l'une
américaine faite par M. Z. Griliches et l'autre réalisée
à l'échelle mondiale par MM. Y. Hayami et V. Rutton, la formation
est de loin le moyen le plus efficace d'accroître la productivité
agricole. En doublant le niveau de scolarité, on accroît la
productivité de 40 %.
Tout au cours de 1986, nous avons mené une large consultation sur
la formation auprès de nos membres. Cette consultation a conduit la
relève à être le premier groupe québécois
à reconnaître le collégial comme étant le niveau de
formation souhaitable pour un jeune qui s'établit en agriculture. Cette
reconnaissance nous a conduits à demander à l'État
d'instituer un incitatif à la formation à la faveur de la
relève agricole. Cet incitatif visait à accroître
très substantiellement le nombre de jeunes qui se donnent une formation
spécialisée de niveau collégial. Il visait aussi à
moyen terme à faire évoluer la mentalité du monde agricole
face à la formation. Notre demande d'incitatif était la suivante:
que les jeunes qui s'établissent en agriculture avec un DEC agricole
obtiennent une réduction de 1 % sur leur prêt à l'Office du
crédit agricole et ce pour la durée du prêt.
La réponse de l'État à notre demande d'incitatif
à la formation est venue de deux niveaux. Dans un premier temps, il est
possible, moyennant le respect de certaines conditions, à un jeune qui
s'établit avec un DEC agricole d'obtenir en vertu du nouveau programme
"Promotion de la formation" du MAPAQ une subvention de 2000 $. Secondement, les
modifications proposées au régime actuel de crédit
agricole offrent la subvention d'intérêt suivante à celui
ou à celle qui s'établit avec un DEC agricole, à savoir: 4
% décroissant sur cinq ans à 1 % annuellement. Le cumul des deux
bonifications représente quelque 8000 $ à 10 000 $ d'incitatif
alloués sur cinq ans à celui ou celle qui a un diplôme
d'études collégiales agricoles.
Encore une fois, devant l'aspect critique et l'urgence de la situation,
comment peut-on dénoncer toute nouvelle aide? Nous nous permettons
cependant de douter fortement que la bonification offerte parviendra à
changer les mentalités du monde agricole vis-à-vis de la
formation et réussira à faire accroître de façon
considérable le nombre de jeunes qui se donnent une formation agricole
collégiale de base.
Ce que la relève agricole demande, c'est environ 35 000 $ sur 25
ans par opposition à 10 000 $ sur 5 ans qui est offert.
La partie de notre mémoire qui s'appelle "Des demandes
réalistes que celles des jeunes", celle-là, on va vous la lire
intégralement, parce que cela développe une argumentation qu'on
pense importante en rapport avec nos demandes. (17 h 15)
Bien sûr que le choix du niveau de "subventionnement" de
l'agriculture en est un de société. La dernière
décennie a vu naître un mouvement de libéralisme
économique dans le monde occidental, mouvement ayant à sa
tête nul autre que le président des États-Unis, Ronald
Reagan. Les tenants de ce mouvement favorisent la non-intervention de
l'État dans l'ensemble des secteurs de l'activité
économique, y inclus l'agriculture.
Tout autant que vous êtes, chers membres de cette commission
parlementaire, vous connaissez aussi bien que nous la place qu'occupe
l'agriculture et l'agro-alimentaire dans notre économie
québécoise. Que l'on pense entre autres aux emplois directs et
indirects, aux exportations, aux immobilisations, etc., l'agriculture occupe
une place de premier plan.
Claude Roger, membre du groupe d'économie internationale de
l'Institut national de recherche agronomique à Montpellier en France,
concluait, dans une analyse du rôle des subventions dans l'agriculture
pour les pays occidentaux, dans les termes suivants: "La solution d'un certain
nombre de problèmes de nos économies développées
passe par la solution des problèmes agricoles. Le complexe
agro-alimentaire et agro-industriel est devenu la première branche
d'activité pour l'emploi, la création de richesses, les
perspectives de croissance, l'acquisition de devises. Il est fort curieux
qu'aujourd'hui, comme hier, une grande puissance est une puissance
agricole."
Ne pas investir les sommes d'argent nécessaires à
l'établissement des jeunes en agriculture et à leur survie
entraîne, dans une perspective à moyen terme, un exode du monde
rural vers les centres urbains. De plus, le marché du travail actuel
n'est en aucune façon capable d'absorber ces jeunes et moins jeunes qui,
sans l'intervention accrue de l'État, se retrouveront à la
recherche d'un emploi ailleurs que dans le monde agricole. Les subventions non
versées en aide agricole le seront par d'autres mesures sociales telles
que l'assurance-chômage, le bien-être social ou encore
l'assurance-maladie qui est beaucoup plus élevée en monde urbain
que pour le milieu
rural.
Si les tenants du libéralisme économique devaient avoir
gain de cause en ce qui a trait au monde agricole, au lieu d'être le
contribuable qui aura, par l'intermédiaire de l'État, à
soutenir l'agriculture, ce sera le consommateur au moment de l'achat de sa
nourriture et le contribuable encore par de nouvelles mesures accrues pour
soutenir cette population.
Plus encore, lorsque la relève voit dans les médias les
interventions massives de l'État auprès de petites et grosses
compagnies pour sauvegarder des emplois ou pour en créer, il nous
paraît que l'agriculture, en considérant son apport
économique et son apport social qui n'est que rarement pris en
considération, n'est peut-être pas si favorisée que la
croyance populaire voudrait le prétendre par rapport aux autres secteurs
de l'économie.
Une récente analyse de l'OCDE consacrée aux
échanges agricoles situe le niveau des aides du secteur agricole pour
plusieurs pays. Elles sont calculées en pourcentage de la valeur de
production. La palme revenait au Japon avec plus de 80 %. Venaient ensuite les
pays de la Communauté économique européenne et l'Autriche
avec 45 %, et loin derrière, le Canada avec 25 %. Ces chiffres
illustrent clairement que le Canada soutient, bien sûr, son agriculture,
mais aucunement de façon outrancière.
Prenons un exemple concret. Lorsque nous demandons de mettre en place un
incitatif à la formation correspondant à quelque 35 000 $ sur 25
ans, soit un rabais d'intérêt de 1 % sur le prêt pour la
durée de celui-ci, cela paraît beaucoup en chiffre absolu. Combien
d'employés de l'État ou encore d'enseignants vont
compléter un certificat universitaire uniquement pour obtenir une
classification supérieure que cette formation nouvelle leur accorde. Les
montants obtenus par cette reclassification ne le sont pas pour cinq ans mais
pour toute la durée de leur emploi.
La situation que nous avons décrite en première partie du
mémoire nous paraît sombre, et même très sombre, pour
l'avenir de l'agriculture. Une intervention accrue de la part de l'État
nous semble plus que nécessaire. Il faut aller au-delà des aides
qui répondent à des besoins à court terme. Il faut une
véritable politique d'établissement en agriculture.
La troisième partie de notre mémoire est
précisément consacrée à notre vision de ce que
devrait contenir une véritable politique d'aide à
l'établissement en agriculture. On n'en fera pas la synthèse ici
bien sûr, compte tenu des délais. On va seulement résumer
rapidement.
Un premier élément essentiel à la mise en place
d'une politique d'aide à l'établissement nous apparaît
comme étant la reconnaissance, par l'ensemble des intervenants, de
l'importance d'avoir une relève agricole. Cette reconnaissance doit se
faire de façon concrète, au-delà d'une mode. Combien de
colloques, de congrès, de réunions se sont tenus au cours des
cinq dernières années ayant comme thème la relève
agricole? À quoi nous ont conduit toutes ces réflexions et ces
discussions? À la situation actuelle? Il est plus que temps de passer
à l'action. Encore une fois, la situation décrite en
première partie de notre mémoire nous paraît critique pour
la relève agricole et pour l'agriculture en entier. L'heure n'est plus
aux discussions mais à une implication de tous les intervenants.
Dans le reste de cette partie, on décrit des
éléments qui interpellent l'ensemble des intervenants de
l'agro-alimentaire. Merci.
Le Président (M. Richard): Merci, M. Drapeau.
M. le ministre, est-ce que vous avez des questions pour nos
invités?
M. Pagé: Oui, M. le Président. Tout d'abord, je
voudrais remercier les représentants de la Fédération de
la relève agricole du Québec pour leur participation à nos
travaux. Évidemment, vous êtes directement concernés; la
relève en agriculture et l'avenir de l'agriculture passent
évidemment par certains choix de société que nous avons
à faire.
Au début de votre mémoire, vous référez
à la concentration des entreprises, à la taille des entreprises
agricoles et aux besoins financiers inhérants à une entreprise
d'aujourd'hui comparativement à une entreprise d'il y a quelques
décennies. Pour nous, il est très clair que tous les efforts
doivent être déployés pour que le développement de
l'agriculture et l'agriculture au Québec passent par une entreprise
qu'on qualifie de type familial mais qui est de dimension humaine et nous
abondons pleinement dans le même sens. Il faut bien avoir à
l'esprit aussi que nous avons à vivre une situation particulière
en ce que nos entreprises agricoles, nos entreprises familiales, pour
plusieurs, ont commencé à se développer avec des moyens
très modestes, que ce soit des moyens financiers très modestes ou
des technologies très modestes. Et aujourd'hui, on se retrouve à
un point où on a de plus en plus d'entreprises qui se retrouvent
à un moment où est venu le temps de se retirer, notamment en
raison de l'âge. Cela est conjugué à une situation
où on a des jeunes qui sont intéressés et je crois que je
vais dans le même sens que vous pour en avoir rencontré plusieurs
sur le terrain qui nous disent - fils d'agriculteurs ou, encore,
étudiants en agriculture qui n'ont pas la chance, entre guillemets,
d'avoir eu des
parents en agriculture - qu'ils sont intéressés à
prendre la relève.
Nos moyens d'action, on veut les définir de la façon
suivante: créer le plus d'incitatifs possible au niveau de la formation,
toute situation étant toujours bonifiable, j'en conviens, inciter
davantage nos jeunes à s'astreindre à une formation. Il ne faut
pas se faire de cachette, dès mon arrivée à la tête
du ministère, j'ai constaté qu'on avait certaines
difficultés. J'ai fait des collèges, des cégeps et il ne
faut pas se mettre la tête dans le sable, les inscriptions diminuent,
etc.
La commande a été très claire chez nous, à
mon équipe sous-ministérielle: Quel est le bobo, quel est le
problème? Nous croyons - je l'espère, je le souhaite et on
travaille ardemment là-dessus - qu'on pourra véritablement
motiver nos jeunes à aller se chercher une formation, soit par
l'adaptation des périodes d'enseignement comme on l'a fait au
cégep de Saint-Jean où on a mené une expérience
où les cours ne se donnent pas de la fin août jusqu'au
début mai, soit par des programmes aussi ou des sommes qui sont
versées à l'étudiant qui va chercher un cours, même
si elles paraissent modestes à votre président, mon ami M. Leduc,
tel qu'il me le disait au Château récemment, c'est quand
même plus et beaucoup plus que ce qu'il y avait avant parce qu'avant il
n'y avait pas de telles dispositions.
Dans le projet de loi, on prévoit plusieurs dispositions, que ce
soient des taux d'intérêt qu'on veut plus avantageux pour le jeune
agriculteur ou la jeune agricultrice. Nous proposons 5 ans et vous parlez de 25
ans dans votre mémoire. À défaut d'une programmation
prévue, une bonification prévue sur 25 ans, vous parlez aussi
d'une bonification selon le modèle qu'on propose mais sur 10 ans. Ce
matin, l'Union des producteurs agricoles évoquait 9 ans.
Là-dessus, je vous dirai que je prends note de vos
représentations. On n'exclut pas, à compter de demain soir, quand
la commission va se terminer, de faire des chiffres et des tableaux. On va voir
ce qui pourrait être fait, en termes de bonification. Chose certaine, on
va l'étudier bien comme il faut, comme on dit chez nous.
Par le projet de loi, on a aussi voulu tenter de résoudre
certains problèmes éprouvés non seulement par les jeunes,
mais aussi par les parents, par les vendeurs, dans le cadre de la garantie qui
sera apportée par l'office à compter de l'adoption du projet de
loi pour le solde de prix de vente conservé par le vendeur. Je veux vous
donner, cet après-midi, la même assurance que celle que j'ai
donnée ce matin aux représentants de l'Union des producteurs
agricoles. Il n'est pas question, pour nous, de profiter de cette nouvelle
garantie pour pelleter de l'office au vendeur un solde de prix de vente. Notre
position est très claire: on veut favoriser davantage.
Souvent, le vendeur a le dilemme suivant: Je vends à mon voisin
et j'ai juste le prix, ou je vends à un prix moins élevé
à mon fils, à ma fille, à mon gendre, etc.
Quant au concept des ressources minimales, j'ai été
très surpris, M. Drapeau, de vous entendre dire: Pour nous, c'est
complètement inutile. Vous faites référence à
l'obligation d'avoir un contrat d'une période prolongée entre
l'entreprise qui encadre l'autre entreprise. Je vais voir jusqu'où il
serait possible d'assouplir, mais il faut quand même avoir ceci à
l'esprit: Par l'introduction de ce nouveau concept, l'Office du crédit
agricole va faire des prêts substantiels qui, très probablement,
compte tenu du montant, seront entièrement subventionnés,
c'est-à-dire qu'ils seront en deçà de 200 000 $ parce
qu'il faut regarder le dossier tel qu'il est. Pour ce type d'achat, il ne sera
pas nécessaire, pour la ferme ou pour la terre achetée, qu'il y
ait un bâtiment, des équipements, des tracteurs, un quota, etc. Il
faut quand même s'assurer que, pour le prêt qu'on fera - parce que
ce sont les taxes que vous payez, ce sont vos taxes - on aura la garantie
minimale que le produit de cette terre sera bien acheminé à une
ferme x, dans une perspective de complémentarité.
Nous croyons sincèrement que cela constitue un levier
intéressant pour la relève agricole et aussi pour les
agricultrices, tout comme le fait de reconnaître l'aspirant agriculteur
à compter de la première année pour ses primes à
l'établissement constitue là aussi, un levier additionnel. On n'a
pas la prétention de croire et je n'ai pas la prétention de
croire que nous sommes l'incarnation vivante de la perfection et que nous
sommes infaillibles par surcroît. Je vous dis qu'on va regarder cela et
qu'on va tenter de le bonifier. Mais dites-vous bien que, pour nous, la
relève agricole, comme les droits des agricultrices, ce ne sont pas
seulement des slogans. On a commencé à poser des gestes et on va
continuer à poser de tels gestes.
Je vous remercie de votre mémoire très intéressant
et très élaboré. On l'a lu, des petits points jaunes sont
dessinés et je peux vous donner la garantie qu'on va approfondir
plusieurs des sujets. Je vous remercie beaucoup.
Oui, oui, c'est écrit ici - je vois le député de
Laviolette qui regarde - "un pas dans la bonne direction". J'espère que
vous l'avez noté. Alors, messieurs, merci beaucoup. Je vais laisser
aller mon collègue de Laviolette et je reviendrai très
certainement avec quelques questions précises par la suite.
Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de
l'Opposition, vous avez la parole.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. D'abord, je dois vous
féliciter pour la teneur de votre document qui est très
substantiel, bien présenté et avec beaucoup de documentation, ce
qui nous permet de saisir ce que vous nous dites. J'aurais cependant quelques
questions pour essayer de clarifier l'ensemble des interrogations que j'ai. (17
h 30)
Dans le document révisé que vous avez lu en diagonale tout
à l'heure, il y a une partie qui m'a intéressé et vous
l'avez sautée. Je vous pose la question. Vous dites effectivement que le
projet de loi 46 est un pas dans la bonne direction et vous semblez juger que
la bonification de l'aide apportée par le ministre aux jeunes
s'établissant en agriculture, ou à ceux qui s'établissent
en agriculture, demeure toutefois modeste et même, dans certaines
circonstances, timide. Cependant, à la page 36 de votre document
révisé, au point 2.3.6, vous dites qu'il y a un accroc majeur
à la loi 49. J'aimerais vous entendre là-dessus, car,
effectivement, j'ai dit, ce matin, d'une part, on donnait de l'argent
additionnel et, d'autre part, on semblait revenir le chercher. C'est dans ce
sens-là que j'aimerais vous entendre parler de l'amoindrissement de la
bonification, si on peut l'appeler ainsi, due à la hausse des
contributions des jeunes agriculteurs au Fonds d'assurance-prêts
agricoles et forestiers en vertu du projet de loi 49.
M. Drapeau: Oui, comme c'est écrit à la page 36 du
mémoire, au point 2.3.6, une aide supplémentaire de 6000 $
à 8000 $, plus un incitatif à la formation du même montant
environ sont contenus dans le projet de loi 49. Si on se base - ce sont les
seuls éléments qu'on a - sur le dépôt du projet de
loi 49 et sur les annonces faites au moment du dépôt du projet de
loi - on a eu, comme tout le monde, une copie du règlement du projet de
loi 49, mais il y avait des parties manquantes et on n'a pas été
en mesure de confirmer l'affirmation - les informations obtenues nous indiquent
que les jeunes qui s'établissent auront une contribution additionnelle
de 500 $ à 1000 $ à verser individuellement pour une
période de cinq ans. Si cela devait effectivement être le cas,
c'est, à notre avis, une soustraction à faire des aides
additionnelles à apporter.
M. Jolivet: Je crois comprendre et je vois le ministre se
"gourmer" un peu du fait que, par le projet de loi 46, il accorde des choses,
mais il n'ose peut-être pas annoncer, dès maintenant, la partie
qu'il va soustraire par le projet de loi 49. Mais, en tout cas, ce sont des
questions qu'on se pose aussi. Comme vous l'avez mentionné dans votre
document, je voulais vous l'entendre dire, car cela semble être
donné d'une main pour en enlever de l'autre.
M. Drapeau: C'est cela.
M. Jolivet: Toujours à la page 31 de ce même
document, vous parlez d'entreprises à ressources limitées. Vous
dites que l'annonce faite par le ministre, lors du dépôt du projet
de loi, avait mis en relief un nouveau concept qui nous est apparu
intéressant, celui des entreprises à ressources limitées.
Vous commentez ainsi: "Cependant, l'application du concept qui est prescrit
dans le règlement de la loi 46, le rend inutilisable et sans aucune
valeur pour le monde agricole." À mon avis, vous dites cela bien sec et
que, selon votre proposition, les baux et contrats exigés devraient
l'être pour une durée de cinq ans, ce qui rendrait cette nouvelle
possibilité applicable et utilisable, mais que le règlement ne
prévoit pas. J'aimerais vous entendre parler davantage sur cela.
M. Drapeau: Avant d'obtenir le règlement, notre perception
de ce nouveau concept était des plus positives parce que c'est
évident que, pour un certain nombre de jeunes et pour un certain nombre
de conjointes, cet accès à l'agriculture peut être des plus
intéressants. Cependant, avec l'exigence que pose le règlement
d'avoir des baux ou des contrats pour la durée du prêt, à
notre point de vue, très peu de fermes vont accepter de s'engager dans
des baux ou des contrats de 20 ou 25 ans, ce qui rend ce concept, non pas
inutile, comme l'a souligné M. Pagé, mais malheureusement
inutilisable, à notre avis.
M. Jolivet: Est-ce que je pourrais me permettre une comparaison?
J'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup de monde au Québec et la
réponse qu'on nous a donnée était: En principe, on est
d'accord avec telle et telle chose, mais, quand on arrive dans les
modalités d'application, là on diffère d'opinions.
L'exemple typique, c'est l'ensemble des programmes d'aide à
l'agriculture qui avaient été diminués avec cependant
tellement de volets qu'on retrouve tous les anciens programmes, mais avec des
mesures restrictives pour y entrer et des montants d'argent moins disponibles
qu'avant, de telle sorte qu'une fois qu'on applique l'ensemble des programmes,
on s'aperçoit que les gens ne les utilisent pas. Le danger qu'on court
dans ce contexte-là, c'est de ne pas les utiliser. On sait ce que
n'importe quel gouvernement ferait dans des circonstances de restrictions
budgétaires: faire disparaître le programme, même s'il est
utile. C'est peut-être une crainte que vous avez et que je partage. Je ne
sais pas si vous avez autre chose à ajouter.
M. Leduc: Oui, ce sont nos craintes dans le concept d'entreprises
à ressources limitées, tandis que, dans l'exemple
d'aspirants agriculteurs, là, c'est cinq ans. Alors, on pense
que, là aussi, on devrait avoir des contrats renouvelables à tous
les cinq ans peut-être, mais il faut quand même se mettre dans...
Signer des contrats, des baux de 25 ans en agriculture ce n'est pas facile.
M. Jolivet: Vous auriez préféré,
plutôt que ces bonifications, que la partie subventionnable du
prêt, c'est-à-dire pour la première tranche de 200 000 $,
un taux croissant après la première partie de 3 % qui
augmenterait de 1/2 pourcent par année jusqu'au moment où le taux
croissant rejoindrait le taux subventionnable en vigueur, c'est-à-dire
50 % du taux d'intérêt supérieur à 4 %. Est-ce que
vous pourriez détailler davantage - vous l'avez fait rapidement - les
raisons qui vous permettent de favoriser une telle formule? Est-ce que vous
avez fait une estimation de l'ensemble des coûts qui seraient
engendrés par la proposition que vous faites?
M. Drapeau: Si j'ai bien compris le sens de votre question, vous
dites que nous favorisons ce qu'on appelle le taux croissant plutôt que
la subvention sur la première tranche de 200 000 $ du prêt.
M. Jolivet: C'est cela.
M. Drapeau: Ce n'est pas plutôt, c'est en plus.
M. Jolivet: Ah! c'est en plus. M. Drapeau: Oui.
M. Jolivet: Alors, expliquez-moi cela pour que je comprenne
mieux.
M. Drapeau: Le projet de loi propose de hausser le maximum
subventionnable d'un prêt agricole sur la partie à long terme de
150 000 $ à 200 000 $. Sur cela, on se dit d'accord. On dit cependant
souhaiter que les 200 000 $ ne soient pas que sur le long terme, mais sur le
long terme ou sur le court terme, et ce, à la lumière des
données présentées dans le présent mémoire.
Le projet de loi propose aussi une aide supplémentaire à tout
jeune qui s'établit en agriculture avec deux ans d'expérience ou
un an d'expérience et deux ans de formation. Une aide
supplémentaire de 2 % décroissant sur cinq ans à 1/2
pourcent par année. Cela veut dire qu'il y a le taux subventionnable et
il y a en plus la réduction de 2 %. Face à la situation qui,
à notre point de vue, est des plus critiques plutôt que ces 2 %...
On ne peut pas vous dire que ce n'est pas bon les 2 %; toutes les subventions
sont bonnes dans le contexte actuel, mais on dit que l'idéal serait,
à notre point de vue - plutôt que les 2 % - que le taux soit
déterminé de la même façon et que l'agriculteur aura
à payer A % plus la moitié de la différence, mais,
cependant, on souhaite qu'il y ait une bonification pour le jeune; qu'il n'ait
pas 4 % plus la moitié de la différence à payer, mais
qu'il ait 3 % qui croît de 1/2 % par année jusqu'à ce qu'il
atteigne 4 % plus la moitié de la différence actuellement.
M. Jolivet: Est-ce que vous avez examiné quels seraient
les coûts engendrés par votre formule plutôt que par
l'autre?
M. Drapeau: Oui, à la page 33 s on dit: "Cette aide
représente quelque 18 000 $ sur neuf ans." Ce sont évidemment des
chiffres approximatifs selon l'évolution du taux et selon l'emprunteur.
On a fait un calcul moyen.
M. Jolivet: Vous insistez - je pense, encore une fois, on en a
parlé ce matin et on va fort probablement en parler tout le long - sur
l'importance d'une formation adéquate pour le jeune qui s'établit
en agriculture. J'ai eu l'occasion, au collège Macdonald, de me le faire
dire et de le voir aussi, dans les chiffres et dans les statistiques, qu'il y a
eu une baisse quand même substantielle d'inscriptions depuis une couple
d'années. Est-ce que vous avez regardé quels sont les facteurs et
est-ce que vous avez demandé à ces jeunes, qui rentrent et les
connaissances que vous aviez de ceux qui étaient inscrits et qui ont
lâché en cours de route, les raisons pour lesquelles il y a une
baisse aussi importante en ce qui a trait à la relève agricole
certifiée par un diplôme collégial?
M. Drapeau: Dans notre mémoire, à la partie 1.5.3
qui s'appelle "Les exigences de la profession", à la page 15, dans le
haut, on cite un document de Mme Hélène Varvaressos, agronome au
cégep de Saint-Jean. Ce document est intitulé "Projet de
réaménagement de la formation agricole au collégial",
où elle faisait ressortir ce qui était, selon elle les sept
principaux obstacles à la formation agricole qui sont: la crainte de
l'avenir, la non-adaptation des programmes d'enseignement aux besoins de la
relève, le manque de suite entre les paliers d'enseignement, le manque
de concertation entre les différents intervenants qui offrent de la
formation, l'absence d'avantage officiel à être reconnu comme
diplômé en agriculture, au moment de l'établissement, le
manque de soutien à l'encadrement éducatif après la
formation, lors de l'établissement et l'absence de marketing du
programme. Ajouter à cela une mentalité du monde agricole qui
n'est pas des plus favorables à la formation... C'est évidemment
beaucoup plus complexe que sept ou huit éléments sur
une feuille, mais dans les grandes lignes, vous avez là une
synthèse des éléments qui font effectivement que...
M. Jolivet: Une question qui est un peu à l'ordre du jour
aujourd'hui: Craignez-vous que toute la question du libre-échange en
vienne à créer une peur additionnelle pour l'avenir?
M. Leduc: On pourrait facilement l'ajouter, oui.
M. Jolivet: Vous vous préoccupez des modalités du
transfert d'une ferme d'une génération à l'autre, et vous
insistez aussi sur la mise en place d'un système de transfert graduel
des fermes comme cela existe dans d'autres pays. J'aimerais savoir de votre
part - malgré qu'on le voie dans le document - j'aimerais, puisque vous
n'en avez pas fait mention, que vous disiez ici quels sont les pays où
il y a un système qu'il serait intéressant de regarder et
à quel type de transfert graduel on peut se retrouver dans ces
pays-là.
M. Drapeau: Oui. Dans le mémoire que nous avions
déposé en 1985 devant cette même commission parlementaire,
peut-être pas avec les mêmes individus, j'en conviens...
M. Jolivet: Ha! Ha! Ha!
M. Drapeau: ...on mentionnait le modèle
néo-zélandais "share milking" qui n'est pas cependant, à
notre point de vue, un modèle intégralement applicable ici; il y
a d'autres modèles dans différents pays d'Europe. Vous avez
même des lois dans différents pays d'Europe qui déterminent
des conditions. On ne croit pas qu'il y ait des modèles tout faits qu'on
peut importer. Il y a effectivement des choses qui se font ailleurs, et il y a
une réalité ici. Si on fait des choses ailleurs, pourquoi ne
serait-on pas capable de faire quelque chose ici, à partir de notre
réalité? On n'a pas de choses toutes prêtes, toutes
modelées à vous suggérer, nous favorisons beaucoup plus
une concertation de l'ensemble des intervenants dans la préparation
d'une mesure comme celle-là.
M. Jolivet: Lors de rencontres que j'ai eues avec des groupes ou
des individus, j'ai parlé de ce que j'avais entendu un peu partout et,
lors de la rencontre de jeudi dernier, où M. Leduc était
présent à Sabrevois, je me suis renseigné, selon ce que
d'autres m'avaient dit ailleurs, au sujet du concept de ce qu'on appelle, dans
le secteur industriel, les créateurs d'entreprises, où on
installe, autour de jeunes qui veulent lancer une entreprise, des avocats, des
notaires, des fiscalistes et des gens qui vont les aider à implanter
l'entreprise, les amener là où les dédales gouvernementaux
sont quelquefois difficiles à percer. On parle aussi, dans le secteur
industriel, d'incubateurs d'industries, c'est-à-dire un lieu où
on va préparer des gens à voler de leur propres ailes ensuite.
J'avais fait mention de cela, on m'avait répondu: On l'a
déjà et, ce matin, on m'a donné la même
réponse: On a déjà cela par nos sociétés de
gestion. J'en conviens, mais qu'est-ce qui fait que des gens, dans des secteurs
où il y a déjà des sociétés comme
celles-là, proposent des modèles leur permettant de
préparer l'entrepreneur et d'"incuber" l'entreprise de façon
qu'ils puissent partir du mieux possible sur le bon pied? Dans ce contexte,
est-ce que c'est parce que les sociétés de gestion n'ont pas
suffisamment d'argent pour fonctionner ou de capacité de fonctionner?
Quels sont les problèmes?
M. Leduc: Un des grands problèmes -on n'a pas besoin de
vous l'expliquer - c'est la différence entre la valeur marchande d'une
entreprise et la valeur rentable. Ce sont des choses qu'on ne trouve pas dans
le milieu industriel. Un autre problème en agriculture que les autres
secteurs n'ont peut-être pas, porte surtout sur le plan de la forme
juridique. C'est là qu'on dit qu'il y a des modèles à
inventer - il existe autre chose ailleurs pour transférer les fermes
-des modèles qui sont un habit pour les agriculteurs. La compagnie, la
société, ce sont des choses qui ont été prises
ailleurs. On a rattaché des boutons et on a serré le veston pour
que cela fasse, mais ce n'est pas un modèle qui plaît à
l'ensemble de l'agriculture. C'est selon les formes juridiques qu'on pense que
des choses doivent être faites. On a à inventer des choses et je
pense qu'il faudrait les inventer ensemble, pas un groupe contre un autre
groupe; il faut le faire ensemble, on devra travailler, au cours des prochaines
années, pour vraiment inventer une forme juridique pour permettre le
transfert graduel, un transfert qui inclut tout: le financement, la
fiscalité, etc.
M. Jolivet: Quand on parle de transfert père-fils,
père-fille ou agricultrice vers ses enfants, dans ce contexte où
on dit: Tu es rendu à l'âge de prendre ta retraite et tu passes la
main à un autre, le problème - on l'a mentionné - est
toujours le suivant: S'il vend à ses enfants, la personne qui
possède la ferme risque de la vendre à un prix diminué par
rapport à une vente à un étranger. Il dit: On ne mettra
pas notre enfant dans la rue en commençant étant donné les
difficultés de départ. Cela a pour effet de jouer sur la pension
que la personne a accumulée au cours des ans.
Dans ce contexte, comment voyez-vous ce qui est apparu dans le portrait
de façon
plus précise en agriculture qui fait que des gens ont un point
d'interrogation et d'autres disent qu'il faudrait aller vers là. Il y a
des divergences d'opinions dans votre milieu. Est-ce que la
société en commandite ne serait pas un des bons moyens?
M. Leduc: Jusqu'à présent, c'est sûr qu'on a
regardé ce phénomène de société en
commandite, on n'est pas assez avancés, aujourd'hui, pour avoir une
réflexion plus profonde, mais on pense que ce mode, actuellement, de la
façon qu'il fonctionne, ne favorise sûrement pas la ferme
familiale, avec le concept implanté. Effectivement, notre
fédération se préoccupe de regarder cela le plus
positivement possible, bien sûr. (17 h 45)
M. Jolivet: C'est cela, des gens disent que c'est bon, d'autres
disent que ce n'est pas bon. Le problème, c'est que, dans certaines
circonstances, il y aurait des balises évitant que des gens qui ne sont
aucunement des agriculteurs au sens prévu par la loi le deviennent, et
cela favorise beaucoup plus un agrandissement des fermes, mais cela diminue le
nombre des producteurs et, en conséquence, on a des fermes
équivalant aux fermes américaines où un seul producteur
peut fournir l'ensemble d'un territoire en tel produit. Ce sont les craintes
que vous avez, vous aussi?
M. Leduc: C'est cela. Dans le modèle actuel, cela nous
fait peur, c'est vraiment une crainte, mais on pourrait peut-être
regarder cela d'une façon différente.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
député. M. le ministre, vous avez d'autres questions?
M. Pagé: Oui, M. le Président, surtout des
commentaires. Mon collègue de Laviolette - c'est de bonne guerre
lorsqu'on est dans l'Opposition, j'y ai été assez longtemps que
je le sais...
Une voix: Peut-être pas assez.
M. Pagé: Pardon?
Une voix: Peut-être pas assez.
M. Pagé: Ah! vous ferez vos neuf ans, je l'espère
sincèrement. Mon collègue fait souventefois
référence au projet de loi 49. Je veux être très
clair, il n'est pas question que la relève agricole paie pour les
déficits accumulés dans le fonds du régime
d'assurance-prêts agricoles et forestiers. Là-dessus, je veux
être très clair aujourd'hui.
En 1978, lorsqu'on a adopté le principe de garantie d'emprunt, le
prêt tandem, avec les institutions financières, on a
parallèlement créé un fonds d'assurances pour couvrir les
pertes éventuelles. Il faut dire qu'à l'époque, les
prévisions étaient très optimistes, parce que, dans le
taux d'assurance qui était payé, il y avait un déductible
de 150 000 $ pour les individus et de 200 000 $ pour les groupes,
c'est-à-dire que, pour les premiers 150 000 $ empruntés,
l'emprunteur ne payait pas d'assurances, mais il faut quand même avoir
à l'esprit que les prêts moyens consentis par l'office pendant
cette période étaient de 134 000 $. Cela veut dire
concrètement que la très grande majorité des emprunteurs
n'a pas eu à payer de cotisation au fonds d'assurances. Cette situation
a coïncidé, comme on l'a vécu, avec la crise
économique de 1981 et particulièrement de 1982, et a
résulté en des pertes très appréciables et toute la
problématique dans le porc a eu comme résulat un déficit
du fonds d'assurance. Quand je suis arrivé à la tête du
ministère, on m'a informé que c'était au-delà de 60
000 000 $, sans compter les coûts de financement et que c'était,
pour la présente année, 90 000 000 $. On appelle cela
l'héritage sans bénéfice d'inventaire.
Par le projet de loi 49, on s'engage premièrement à
couvrir nous-mêmes la totalité de ce déficit de 90 000 000
$. Il sera payé non pas par les agriculteurs, mais par le gouvernement
du Québec et cela d'ici... On s'est donné jusqu'au 1er avril 1992
pour couvrir ce déficit, mais ce n'est pas vous autres qui allez le
payer, sauf que cela serait tout à fait irresponsable de se fermer les
yeux et de se dire: Cela va bien et cela ira toujours bien. On se doit de se
donner un régime d'assurances. La transparence qui a
caractérisé nos actions dans ce dossier comme dans d'autres a
peut-être inquiété les intervenants. C'est vrai qu'on a
évoqué, à un moment donné, que cela pourrait
coûter jusqu'à 500 $ par emprunteur pour une période de
cinq ans. Vous avez fait référence, tout à l'heure, aux
chiffres de la réglementation. S'il n'y a pas de mention exacte des
montants, ce n'est pas compliqué; j'ai demandé qu'une
étude actuarielle sérieuse soit faite et qu'on l'analyse sous
toutes les coutures de façon à établir, au moment de
l'adoption du projet de loi 49, un niveau de contribution sous forme
d'assurance. Lorsqu'on prend une hypothèque sur une maison,
généralement, on prend l'assurance qui l'accompagne et cela
coûte 1 % - pas pour cinq ans, mais pour toute la durée de
L'hypothèque. Cela ne sera pas nécessairement 1 %, cela ne sera
certainement pas pour toute la durée de l'emprunt, mais je ne voudrais
pas qu'on se retrouve dans quatre, cinq, huit ou dix ans, Gros-Jean comme
devant, en se disant: On est encore pris dans les déficits. Cette
fois-ci on l'éponge: 90 000 000 $. Concernant les chiffres exacts, ils
seront connus dès que j'aurai pris une décision à la
lumière des
études actuarielles qui ont été faites. Cela, je
tenais à le préciser.
La deuxième chose que je tiens à préciser - et vous
pourrez ajouter des commentaires si nécessaire - c'est le concept d'une
entreprise ou d'une ferme à ressources minimales. Vous dites que cela
est pratiquement inutile parce que la durée de l'entente à
être signée entre l'entreprise à ressources minimales et
l'entreprise qui encadrera l'autre entreprise devra être de la
durée du prêt. Je vous dis: Non. Je vous dis ceci: II est possible
que le prêt soit pour une période de vingt ans, par exemple. Cela
n'impliquera pas pour autant que l'emprunteur devra déposer à
l'office une entente avec la ferme d'encadrement pour une période de
vingt ans. Il faut cependant s'assurer qu'il y a une entente avec une relative
continuité entre les deux entreprises.
Vous nous comprendrez de ne pas vouloir créer de situation
où on serait susceptible, comme gouvernement, comme office - l'office
est une corporation qui relève de nous - de se placer dans une situation
de vulnérabilité où - on va appeler les choses par leur
nom - on risquerait de se faire passer des sapins assez rapidement. Vous savez
que le meilleur ami de l'homme ce n'est plus le chien, c'est l'argent. On l'a
vu dans le passé: des terres ont été louées, des
travaux ont été faits sur de telles terres et le
propriétaire arrivait et reprenait sa terre peu de temps après.
Nous avions, de bonne foi, consacré des sommes importantes pour
améliorer ces terres. Ce que nous disons c'est que l'objectif, notre
cible, c'est de permettre de faciliter l'acquisition comme propriétaire
de terres données, sans équipement, pour autant qu'il y ait un
contrat qui lie une ferme d'encadrement avec l'autre entreprise. On ne
demandera certainement pas un contrat de vingt ans. Mais on ne se satisfera
certainement pas d'un contrat d'un an, de deux ans ou de trois ans.
Ce que je veux vous dire, c'est: Est-ce que la solution est une
période de huit ans? Est-ce qu'elle sera de dix ans, de six ans
renouvelables, avec une garantie, avec l'entente entre les deux parties de
renouveler? Là-dessus, je vais vous rassurer. C'est aussi un
élément qui va favoriser l'accès des jeunes à la
propriété. Si vous avez d'autres questions là-dessus,
n'hésitez pas, c'est le temps.
M. Drapeau: C'est ce que nous disons dans notre mémoire.
On souhaite dans le fond qu'il y ait un bail. On comprend votre argumentation
là-dessus et c'est tout à fait légitime, personne ne peut
être contre cela. Vous prêtez de l'argent et vous devez vous donner
une certaine garantie. Cependant, à la lecture des règlements,
notre compréhension qui n'est peut-être pas la bonne, était
qu'il devait y avoir un bail pour la durée du prêt ou des contrats
pour la durée du prêt. Si c'était cela, on dit que cela
réduit les possibilités d'utilisation de façon
incroyable.
M. Pagé: D'accord. Si le texte ne dit pas cela, il le
dira, monsieur.
M. Leduc: On en prend bonne note.
M. Jolivet: Et nous on va surveiller pour s'assurer...
M. Pagé: Je n'en doute pas.
M. Jolivet: ...que cela sera fait. Dans la mesure où le
ministre...
M. Pagé: L'oeil du tigre.
M. Jolivet: Espérons-le pour les agriculteurs.
Espérons aussi que le ministre comprendra que ce qu'il vient de nous
dire, on le prend sur parole; on n'a pas le choix, ici, à
l'Assemblée nationale d'accepter la parole du ministre...
M. Pagé: Vous ne pouvez pas dire que vous n'avez pas le
choix. Vous la prenez ou vous ne la prenez pas.
M. Jolivet: Non, non, on n'a pas le choix.
M. Pagé: Cela dilue vos propos.
M. Jolivet: Sinon, il faut le traiter de menteur et le
président va m'arrêter. Je dis qu'au sujet du déficit
actuel de 90 000 000 $, on nous garantit qu'on ne touchera pas à cela,
c'est le gouvernement qui paie l'engagement qu'il a pris. Je dois dire en
passant que c'est un peu moins gros que le déficit olympique mais
c'était pour une bonne cause, soit l'ensemble de l'agriculture au
Québec aux niveaux forestier et agricole. En conséquence, c'est
peut-être une décision qui est prise dans un sens. C'est comme
quand on a pris dans les années soixante tout le concept du mode de vie
québécois avec ce qu'on s'est donné, au point de vue
social, la capacité de pouvoir répartir l'ensemble de la
richesse. Et on s'est donné comme concept une ferme familiale. Il faut
prendre les moyens pour la protéger dans un contexte de ferme familiale,
que ce soit une personne ou un groupe de personnes en société, en
regardant d'un autre oeil que négatif la société en
commandite. Mais il faut se dire, cependant, si on la regarde, comment on la
balise pour s'assurer que l'agriculture au Québec ne soit plus
considérée comme un domaine hautement subventionné.
Comme des gens m'ont dit, c'est peut-être le consommateur qui est
subventionné
par le fait qu'on n'est pas payé au coût de production dans
lequel est inclus un salaire convenable et aussi - c'est la question qui surgit
- le coût des assurances. Le coût de production doit contenir
l'ensemble de ces choses. Mais comme on ne peut pas - et politiquement, ce ne
serait pas bon pour un gouvernement, quel qu'il soit; c'est une question qu'il
faut se poser - imposer au consommateur le vrai prix quand cela arrive sur la
tablette du comptoir de magasin, il est sûr et évident qu'il faut
soutenir à ce moment-là ceux qui produisent pour les autres les
moyens de subsister.
Je vous dis merci et espérons que les modalités
d'application du projet de loi pourront répondre à l'ensemble de
vos représentations.
M. Pagé: Merci MM. Drapeau, Thibodeau, M. le
président Leduc.
M. Leduc: Merci. C'est nous qui vous remercions de cette petite
heure.
Le Président (M. Richard): En terminant, je vous remercie
d'avoir synthétisé votre exposé en 20 minutes.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Leduc: Je dois vous dire qu'on a quand même fendu les
cheveux en quatre pour faire cela.
Le Président (M. Richard): Dans votre cas, M. Leduc? Ha!
Ha! Ha!
J'inviterais donc les représentants de l'Association des
banquiers canadiens à prendre place, s'il vous plaît.
Messieurs, si vous désirez respecter l'horaire que vous avez
vous-même fixé un jour... (18 heures)
Des voix: ...
Une voix: Est-ce que je peux y aller, là?
Le Président (M. Richard): Vous savez, pour moi, c'est
délicat quand il y a consentement des deux partis. À un certain
moment, ma "job" est en jeu, vous savez.
L'Association des banquiers canadiens. J'aimerais que vous vous
présentiez ou que le responsable présente ses collègues,
s'il vous plaît, si vous voulez vous exécuter.
Association des banquiers canadiens
M. Ferron (Daniel): D'accord. Mon nom est Daniel Perron. Je suis
secrétaire de la section québécoise de l'Association des
banquiers canadiens. Je suis accompagné des membres de notre
sous-comité agricole. À mon extrême gauche, je vous
présente M. Cyrille Parent de la Banque nationale, M. Isidore Charron,
de la Banque de Montréal, M. Florent Fortier de la Banque Royale du
Canada et M. René Blackburn de la Banque canadienne impériale de
commerce.
Le Président (M. Richard): Vous étiez ici tout
à l'heure, je pense, lorsqu'on a spécifié que vous avez 20
minutes au maximum pour la présentation de votre mémoire. Vous
avez la parole.
M. Ferron: D'accord. Je vous remercie beaucoup de nous avoir
donné l'occasion de présenter notre mémoire en commission
parlementaire. Nous avions soumis deux mémoires: un premier concernant
le projet de loi 46 comme tel et un autre, assez court, sur le règlement
d'application.
L'Association des banquiers canadiens est heureuse de constater que le
projet de loi 46 intitulé Loi sur le financement agricole reprend la
plupart des éléments positifs de la proposition de réforme
qui avait été présentée aux banques par le
comité consultatif du MAPAQ à l'automne 1986 et tient à
féliciter le gouvernement des efforts déployés
jusqu'à maintenant pour rajeunir et simplifier le régime de
financement agricole québécois.
L'association appuie entièrement plusieurs des nouvelles mesures
mises de l'avant en vue d'améliorer le crédit agricole et de
l'adapter aux besoins des agriculteurs. Tel est le cas notamment de la
simplification du régime législatif et réglementaire, des
mesures financières proposées dans la Loi modifiant la Loi sur
l'assurance-prêts agricoles et forestiers, de l'élargissement des
conditions d'admissibilité aux prêts offerts par l'OCAQ, des
modifications en vue d'assouplir les modes de versement, de
l'accréditation du vendeur comme prêteur autorisé, du
nouveau concept d'entreprise agricole tributaire d'une ferme d'encadrement, des
nouvelles exigences au chapitre de la formation académique et de
l'expérience, de la possibilité pour certains producteurs
d'obtenir un prêt même si la ferme est située en zone
blanche et de la mise sur pied d'un comité de réexamen. Nous
approuvons tous ces points à 100 %
D'autre part, l'association constate que le gouvernement n'a pas tenu
compte de plusieurs des recommandations contenues dans son mémoire
présenté au comité consultatif du MAPAQ en décembre
1986. À ce moment-là, on avait présenté un
mémoire assez élaboré. On avait rencontré les
membres du comité du MAPAQ au mois de novembre, je crois, et à
nouveau en février en leur donnant nos commentaires sur le projet qu'ils
nous avaient présenté. On était un peu déçu
que le projet de loi 46 ne reprenne pas plusieurs de nos recommandations qu'on
jugeait essentielles.
Alors, dans le présent mémoire, on a repris à peu
près mot pour mot les principales recommandations qu'on avait faites, en
les adaptant, dans certaines circonstances, au projet de loi 46. L'ABC
désire par conséquent profiter de l'occasion pour
réitérer ses commentaires et ses recommandations, lesquels
peuvent se résumer comme suit.
Selon l'association, la réforme devrait être
essentiellement orientée vers une rationalisation des opérations
de l'office plutôt que vers une extension de son mandat, de son
rôle et de ses pouvoirs, afin de mieux tenir compte des
réalités économiques actuelles. L'association croit
fermement que le gouvernement devrait cesser d'encourager le recours
systématique au crédit agricole subventionné et donner aux
institutions financières l'occasion de jouer pleinement leur rôle
dans ce domaine au bénéfice de la clientèle.
Quant aux prêts, l'ABC propose l'abolition de la limite maximale
pour les prêts et croit que le maximum des prêts devrait être
limité à la valeur minimale d'une ferme rentable type pour le
Québec selon la production, valeur qui pourrait être
établie en concertation avec tous les intervenants concernés.
L'association propose également l'abolition de la limite maximale
pour les marges de crédit. De plus, nous croyons que l'application du
crédit à la production agricole devrait être laissée
entièrement au libre choix du prêteur. Par ailleurs, les marges de
crédit garanties devraient pouvoir être administrées par
les institutions financières sans l'intervention de l'office, selon les
pratiques courantes en vigueur, et tout prêteur devrait pouvoir imposer
des frais d'administration s'il y a lieu. Enfin, l'ABC recommande que toutes
les marges de crédit garanties soient renouvelables annuellement et non
aux cinq ans.
Sur un autre plan, l'ABC recommande que l'intérêt de
l'emprunteur prévale dans la détermination du rang des garanties
de l'office et que cet emprunteur puisse avoir le choix de conserver des
prêts antérieurs plus avantageux. Dans ces cas, l'office devrait
accepter une garantie de rang inférieur. On avait d'ailleurs
exprimé clairement ce voeu à l'office et on ne saisit pas
tellement pourquoi on ne tient pas compte de l'intérêt de
l'emprunteur.
Quant au nantissement des quotas, les banques sont unanimes à
déplorer l'abandon par le gouvernement de sa proposition initiale visant
à permettre le nantissement des quotas. L'association recommande donc
que cette proposition soit reprise et que le Code civil et la Loi sur la mise
en marché des produits agricoles soient modifiés afin de
permettre le nantissement des quotas. On sait que ce problème est assez
complexe, mais ce n'est pas une raison pour le laisser tomber et on demande que
cela soit repris, comme on l'avait soumis d'ailleurs initialement lors des
consultations.
En ce qui concerne les taux d'intérêt sur les prêts
et sur les marges de crédit -c'est peut-être le point le plus
important -l'association recommande à nouveau l'abolition des limites
à ces taux afin qu'ils puissent désormais être fixés
conjointement par le prêteur et l'emprunteur selon les lois du
marché et les risques encourus. De plus, l'association recommande que
les primes d'assurance-vie de l'emprunteur ne soient plus comprises dans les
taux d'intérêt et qu'elles puissent être
comptabilisées séparément.
Quant au plan quinquennal qui nous avait été soumis
initialement dans le projet, on a fait une lecture attentive du projet de loi
46 et des règlements et on juge qu'ils ne nous permettent pas de
déterminer avec certitude les intentions du gouvernement sur cette
proposition d'établir un plan quinquennal pour les prêts. Par
conséquent, on réitère notre opposition totale à
une telle mesure et les banques demandent au gouvernement de dévoiler
clairement ses intentions sur cette question. Si cela a été
abandonné, on est entièrement d'accord avec cela; si on tente de
revenir sur cette idée d'un plan quinquennal, on a exprimé
clairement dans notre précédent mémoire qu'on était
totalement contre et on a donné les raisons de notre opposition.
L'ABC demande aussi que, dans tous les cas, la
transférabilité des prêts d'une institution à
l'autre soit permise en tout temps et que le projet de loi 46 soit
clarifié sur cette question. D'autre part, pour ce qui est du pian
quinquennal de gestion qu'on suggérait, l'ABC est entièrement
d'accord avec cette innovation et elle recommande qu'un tel plan soit
obligatoire dans le cas d'établissements rattachés à une
subvention. Dans les autres cas, il pourrait rester facultatif.
Au chapitre des subventions, l'association recommande de remplacer
complètement le système proposé par une seule et unique
subvention d'intérêts sur les premiers 150 000 $ par entreprise
agricole, laquelle s'appliquerait aux seuls cas d'établissement, serait
déboursée graduellement sur une période de dix ans et
serait non renouvelable. À titre de mécanisme de
"subventionnement", nous suggérons qu'il soit établi un taux
d'intérêt "escalatoire" échelonné sur dix ans.
Pour ce qui est du fonctionnement de l'office, nous croyons que le
nombre de régisseurs devrait demeurer à cinq et que les deux
représentants de la profession agricole devraient être inclus dans
ce nombre.
En ce qui concerne la proposition initiale visant à donner
à l'office le pouvoir
de recevoir des dépôts à terme de particuliers
intéressés à investir dans l'agriculture, l'association
croit que ce n'est vraiment pas là le rôle de l'office et est
heureuse de constater que ce pouvoir ne lui est pas accordé dans le
projet de loi 46.
Enfin, l'ABC souscrit entièrement à toute formule qui
permettrait la transposition des droits acquis, à la condition toutefois
que le tout se fasse dans le respect le plus absolu des droits des emprunteurs
et au moindre coût possible.
En ce qui concerne les règlements, tout d'abord, la lecture du
projet de loi nous a un peu surpris car on retrouve des pouvoirs
réglementaires qu'on considère exorbitants. Si on colorait tout
ce qui est pouvoir réglementaire dans la loi, je vous assure qu'il y
aurait de la couleur; cela ferait une belle peinture.
Dans notre mémoire, on avait aussi mentionné qu'on
était un peu surpris de ne pas avoir reçu le projet de
règlement à temps, les mémoires devant être soumis
pour le 4 septembre. On retire notre commentaire dans ce sens, mais on continue
à déplorer que les projets de règlement soient toujours
soumis à la dernière minute. Finalement, on nous a donné
quelques jours pour commenter un projet de règlement qui avait plusieurs
articles, qui était assez épais. On trouve que le gouvernement
devrait améliorer sa façon de procéder avec ses
règlements, les rendre disponibles plus vite. Nous sommes aussi
convaincus que le projet de règlement qui nous a été
soumis est loin d'être complet. Il manque certainement beaucoup
d'éléments et on espère qu'on va être
consultés pour le reste des règlements.
Quant au deuxième mémoire qu'on avait soumis, je ne le
lirai pas au complet, je vais simplement faire certains commentaires. Dans le
règlement - il y a beaucoup d'éléments qu'on a
déjà commentés dans le mémoire - on retrouve plus
particulièrement l'article 5 du règlement quant à
l'émission du certificat. Les banques sont d'avis que l'office aurait
grandement avantage à augmenter ses efforts de concertation avec le
prêteur et l'emprunteur en ce qui concerne le montant du prêt et de
l'ouverture de crédit, les modalités de remboursement et des
autres conditions ainsi que la nature des garanties requises.
De l'avis des banques, toutes les parties au dossier devraient se
concerter sur toutes ces questions avant l'émission du certificat de
façon à accélérer le processus de finalisation des
prêts et à éliminer les retards inutiles qui
découlent trop souvent des corrections qui doivent être
apportées en cours de route au certificat initial à cause d'un
manque de consultation. Une telle concertation permettrait à coup
sûr de diminuer les délais et erreurs qui se produisent
fréquemment dans le système actuel et d'éliminer la
confusion qui existe souvent à divers niveaux, notamment en ce qui
concerne les garanties à céder.
Le deuxième commentaire qu'on avait fait concernait les
entreprises agricoles situées hors d'une zone agricole. Dans notre
mémoire, tantôt, on a mentionné qu'on était d'accord
avec l'extension de la loi pour les agriculteurs situés en dehors de la
zone agricole, toutefois, en lisant le règlement, on se rend compte que
c'est limité uniquement aux producteurs en serres. Nous trouvons que
c'est trop restrictif. On ne voit aucune raison pour que ce soit limité
à ces producteurs et pas étendu aux autres. On demande que cela
soit étendu à tous les producteurs qui sont hors de la zone
agricole.
Le troisième point porte sur les articles du règlement
concernant les intérêts. Évidemment, nous sommes totalement
contre et on réitère notre opposition à toute fixation
d'un taux d'intérêt. On considère que cela devrait
être laissé au libre marché.
Le quatrième point concernait les frais d'administration et
autres. On l'avait déjà mentionné un peu, mais je vais
préciser cela un peu plus. A l'article 26 de l'avant-projet de
règlement, on établit qu'un prêteur n'aura pas le droit
d'exiger d'un emprunteur, relativement à un prêt ou à une
ouverture de crédit, le paiement d'honoraires, de frais de services, de
frais d'administration ou de commission qui auraient pour effet d'augmenter
indirectement le taux d'intérêt établi conformément
à la section 3 du règlement. (18 h 15)
Les banques reconnaissent que, dans les cas de prêts, l'article 26
semble justifié puisque le travail effectué par le prêteur
à l'occasion d'un prêt garanti est très limité.
Cependant, cette proposition n'est plus vraie lorsque le prêteur consent
une ouverture de crédit en vertu de la loi. En effet, de tels dossiers
donnent beaucoup plus de travail au prêteur, qui doit notamment effectuer
régulièrement la vérification des inventaires ainsi que
les analyses des recevables et des bilans, en plus de devoir s'impliquer dans
plusieurs autres catégories d'opération, comme le plan de
redressement, les paiements anticipés, les relations avec le bureau
d'endettement agricole, le suivi et la correspondance avec l'office, etc.
Compte tenu du travail exigé du prêteur dans le cas d'une
ouverture de crédit, les banques estiment que l'article 26 de
l'avant-projet de règlement est tout à fait injuste pour celui-ci
et croient fermement qu'il devrait pouvoir exiger de l'emprunteur le paiement
de tous les frais nécessaires à l'administration du dossier
relatif à une ouverture de crédit. Dans les opérations
bancaires courantes, il est tout à fait normal et légitime que le
prêteur exige
des frais d'administration pour le travail qu'il effectue et les banques
ne voient vraiment pas pourquoi il en serait autrement dans le cas des
ouvertures de crédit consenties en vertu de la loi sur le financement
agricole.
L'ABC demande donc que l'article 26 de l'avant-projet de
règlement soit modifié afin que, dans le cas d'une ouverture de
crédit, le prêteur puisse exiger de l'emprunteur le paiement des
frais encourus pour l'administration courante du dossier, sinon les banques
risquent fort de se retirer de ce champ d'activité, qui perdra toute sa
rentabilité.
Le cinquième commentaire qu'on avait fait dans notre second
mémoire concernait les ouvertures de crédit. Je ne reprendrai pas
tout ce qu'on dit ici, parce que cela recoupe à peu près tout ce
qu'on a dit tantôt, c'est-à-dire qu'on demande que les ouvertures
de crédit puissent être administrées en toute
liberté par les institutions financières sans l'intervention de
l'office et selon les pratiques courantes en vigueur. On ne voit pas pourquoi
l'office compliquerait les dossiers d'ouverture de crédit, alors que
cela pourrait se faire beaucoup plus simplement.
Le dernier commentaire est peut-être plus général.
On aimerait rappeler que l'article 5 du projet de loi 46 permet, à
l'alinéa 2, la reconnaissance du vendeur avec solde de prix de vente
comme prêteur accrédité aux fins de la loi. Toutefois,
l'avant-projet de règlement qui nous a été soumis ne
semble pas tenir compte de ce fait et ne paraît pas avoir
été rédigé en fonction de cette catégorie de
prêteur. En conséquence, l'association croit que l'avant-projet de
règlement devrait être revu à la lumière de ce
commentaire, afin de mieux tenir compte de la reconnaissance possible du
vendeur comme prêteur autorisé.
Cela complète ce qu'on avait à vous dire. Nous tenons,
encore une fois, à vous remercier de nous avoir entendus et nous
espérons aussi que nous serons consultés lors de
l'élaboration des règlements à adopter.
Le Président (M. Richard): Merci beaucoup, M. le
secrétaire. M. le ministre, avez-vous des commentaires?
M. Pagé: Certainement, M. le Président. Je voudrais
vous souhaiter la bienvenue, M. Ferron, ainsi qu'à vos collègues,
et vous indiquer tout d'abord que, relativement à la transmission des
documents, vous reprochez en termes à peine voilés au
gouvernement de vous avoir acheminé des copies des règlements -
vous dites - il y a quelques jours seulement. Je m'en voudrais de ne pas vous
dire que l'usage et la coutume ont toujours voulu que le projet de loi soit
rarement accompagné du règlement avant la deuxième
lecture. Lorsque j'étais dans l'Opposition, j'ai dénoncé
le fait que, trop souvent, on avait à étudier des projets de loi
- pas toujours, mais souvent -qui n'étaient qu'une ossature et que la
chair du règlement, on ne l'avait pas. Cela a été fait
dans ce cas-ci. C'est un avant-projet de règlement et c'est normal,
parce qu'on ne peut pas présenter un règlement adopté en
vertu d'une loi qui n'est pas adoptée.
Je retiens de votre mémoire que vous êtes favorables
à une simplification du régime, à l'élargissement
des conditions d'admissibilité, à des modifications au mode de
versements, à l'accréditation du vendeur pour un solde de prix de
vente, quoique vous demandiez des précisions en ce qui concerne la
façon dont cela va se faire et davantage de précisions et
d'éclaircissements en ce qui concerne le règlement. Vous
êtes favorables aux exigences quant à la formation
académique, je pense que personne ne peut être contre cette
volonté qui est la nôtre de favoriser davantage de connaissances,
de formation pour nos jeunes qui vont prendre la relève notamment. Vous
êtes favorables à l'admissibilité pour certains producteurs
dont l'entreprise est située en zone blanche. Vous dites: cela nous
surprend que ce soit limité aux serres. Je vous répondrai deux
choses. La première, c'est que le développement de la production
en serres est une priorité pour nous. C'est un des créneaux avec,
par exemple, la culture du soya. On veut privilégier le
développement de la production en serres tant sur une base individuelle
que dans le cadre de projets qui commandent des investissements plus
élevés.
Il est possible d'avoir des serres en zone blanche et c'est ce
pourquoi... D'ailleurs, en zone blanche, il y a souventefois des sols qui ne
sont pas utilisés. Il s'agit de se référer ici à la
région de Québec, où près de 74 % des sols zones
blanc ne sont pas aménagés. Je vois cependant difficilement le
fait qu'on subventionne des entreprises, par exemple, une ferme
laitière, en zone blanche, avec toutes les contraintes que cela peut
impliquer pour de telles entreprises. Vous n'êtes certainement pas sans
savoir que les zones vertes sont souventefois envahies, entre autres, par les
élus municipaux. Alors, imaginez-vous. On a de la difficulté
à faire respecter intégralement nos droits fondamentaux en zone
verte, imaginez-vous ce que cela pourrait être si, d'une façon
générale, on allait cultiver en zone blanche. Cependant, pour les
productions de serres, c'est possible.
Vous vous déclarez, de plus, favorables à la formation
d'un comité de réexamen, au rééquilibre du fonds
visé par le projet de loi 49, lequel sera couvert, soit dit en passant
-vous étiez ici lorsque je l'ai indiqué - à 100 % par le
gouvernement. Vous voyez, c'est important qu'on soit présents dans
le
financement. Si on n'avait pas été là, ces 90 000
000 $, ce sont vos institutions qui les auraient entièrement
assumés, vous ne pensez pas?
M. Parent (Cyrille): Nous ne sommes pas d'accord.
M. Pagé: Pardon?
M. Parent (Cyrille): Nous ne sommes pas d'accord.
M. Pagé: Alors, vous n'auriez pas fait les
prêts.
M. Parent (Cyrille): II y a plusieurs prêts qu'on n'aurait
pas faits.
M. Pagé: II y a plusieurs prêts que vous n'auriez
peut-être pas faits. Parfait, c'est ce que je voulais vous entendre dire.
D'où l'obligation pour nous de demeurer.
M. Parent (Cyrille): Pas nécessairement.
M. Pagé: Bien, parce que pour nous et pour moi, comme
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, c'est
important. Parce que, dans un premier temps, le principe fondamental, dans
mon livre, d'une communauté, c'est de protéger ses institutions,
c'est de protéger sa culture, ses traditions, etc. Le deuxième
objectif fondamental d'une communauté: la noblesse passe par
l'obligation de se nourrir et de bien se nourrir. Comme, selon nous, selon les
données, les statistiques et les points de comparaison, l'agriculture
canadienne et québécoise est subventionnée bien en
deçà de ce qui se subventionne ailleurs. Le défaut qu'on a
cependant - le défaut ou la qualité -c'est qu'on est plus
transparents. On ne se cache pas en arrière de toutes sortes de
réglementations voilées. On a des régimes
d'assurance-stabilisation, on a des agences de commercialisation qui impliquent
des prix payés aux producteurs. On a des lots de financement agricoles
qui sont très claires. Pour nous, c'est important. C'est très
important de demeurer, parce que le principal levier du développement de
l'agriculture, c'est évidemment un financement adéquate C'est ce
pourquoi, en 1978, le législateur - le gouvernement de l'époque -
a décidé de s'associer avec les banques. Autant nous croyons que
les banques doivent être présentes. On a vu ce que cela a fait, au
moment de la grande crise, quand les banques sont sorties du financement
agricole. On a vu l'impasse dans laquelle l'agriculture a été
plongée, après la grande crise.
M. Parent (Cyrille): Les banques -excusez-moi, c'est...
M. Pagé: Allez-y, M. Parent.
M. Parent (Cyrille): La loi des banques a été
modifiée en 1967. Avant 1967, la loi des banques permettait aux banques
de prêter sur billet. Alors, au moment de la crise, c'étaient des
compagnies d'assurances qui faisaient des prêts agricoles et ce sont les
compagnies d'assurances qui se sont retirées. Les banques se sont
peut-être retirées des petits prêts sur billet qu'elles
faisaient, mais elles n'avaient pas la possibilité de faire des
prêts hypothécaires. Cela nous est permis depuis 1967. Depuis ce
temps-là, je pense qu'on a bien pris...
M. Pagé: Bien pris?
M. Parent (Cyrille): ...nos responsabilités parce que,
dans tout le Canada, on a prêté beaucoup. Il s'agissait d'avoir la
loi pour le faire.
M. Pagé: Mais vous allez convenir avec moi que vous
prêtez plus facilement quand vous êtes garantis.
M. Parent (Cyrille): Ce n'est pas le critère principal
d'un bon prêt, la garantie.
M. Pagé: C'est un très bon accessoire. M. Parent
(Cyrille): Pardon?
M. Pagé: Si ce n'est pas le principal, c'est un accessoire
qui est sécurisant pour vous.
M. Parent (Cyrille): Oui, il y a des fois où c'est
important.
M. Pagé: Parce que, concrètement, si vous
étiez garantis totalement dans le domaine des abattoirs, actuellement,
vous ne sortiriez peut-être pas.
M. Parent (Cyrille): Je ne sais pas de quoi il est question.
M. Pagé: En tout cas, on s'en parlera
privément.
M. Fortier (Florent): M. le ministre...
M. Pagé: Non, ce n'est pas l'objet du projet. Vous dites
que vous êtes contre un plan quinquennal. Moi, je vais vous dire - si
vous permettez, 30 secondes - le plan quinquennal, c'est quoi. C'est qu'on veut
établir avec nos emprunteurs un véritable plan de
développement de l'agriculture. On veut personnaliser le dossier.
Souventefois, et vous en êtes témoins, on a une demande initiale
d'emprunt qui est contracté à l'office; le prêt est
octroyé et un an, deux ans après, on doit revoir certains aspects
des
investissements qui doivent être faits par l'agriculteur. Quand je
suis arrivé, moi, à la lumière de mon expérience de
député et de l'expérience d'autres, on s'est dit: Cela n'a
pas de bon sens que cet agriculteur ou cette agricultrice soit obligé de
recommencer tout le dédale des procédures administratives. C'est
seulement cela et on ne veut pas faire en sorte de brimer le droit d'un
agriculteur, le droit fondamental qu'il a, s'il n'est pas satisfait d'une
institution financière, d'aller ailleurs.
M. Fortier (Florent): Le plan quinquennal au point de vue
gestion, on est complètement d'accord. Mais quand on arrive dans un plan
quinquennal pour la finance sur cinq ans, c'est que l'individu ne peut pas
changer d'institution financière parce que, dans un an et demi, dans
deux ans, dans trois ans, il va avoir un prêt qui va s'en aller, parce
que les garanties vont être là et qu'un prêt du gouvernement
ne se transfère pas d'une banque à l'autre.
M. Pagé: Mais ce sera son choix.
M. Fortier (Florent): Et puis, à ce
moment-là...
M. Pagé: II va pouvoir quitter, monsieur. Sauf qu'il aura
des frais de professionnels à payer, de notaire, etc.
M. Fortier (Florent): Bien, on a lu et relu le dossier et cela
n'a pas transpiré dans la loi et les règlements. Si vous me dites
qu'il y a moyen de transférer les prêts en n'importe quel temps,
je pense que tous mes confrères et moi-même serons d'accord avec
cela.
M. Pagé: Mes deux collègues ici, Mme la
députée de Kamouraska et M. le député de Berthier,
quand ils sont revenus de leur tournée m'ont indiqué: M. le
ministre, c'est un problème qui est ressenti comme étant
très aigu de la part des banquiers canadiens.
M. Fortier (Florent): Bon.
M. Pagé: On a regardé cela et je l'ai
indiqué très clairement. Ne vous inquiétez pas.
M. Fortier (Florent): Si vous nous dites cela, bien, on a au
moins eu une concession. Pour une fois.
M. Pagé: Pour une fois! Une, voyons donc!
M. Fortier (Florent): On commence, on commence, on commence.
M. Pagé: Continuons. C'est la première.
Alors, je veux que ce soit très clair, le droit pour l'emprunteur
d'aller à une autre institution. C'est évident que cela va
impliquer des frais si quelqu'un transfère son prêt, son
hypothèque de maison ailleurs, bien il paie. Ce sera la même
chose. Ne vous inquiétez pas. Vous...
M. Charron (Isidore): En ce qui concerne, si vous me permettez,
le plan quinquennal de gestion, on disait qu'on était
complètement d'accord. On recommandait même que ce plan soit
obligatoire dans tous les cas d'établissement qui sont rattachés
à une subvention directe. Dans les autres cas, on a été
peut-être un peu moins sévères que le gouvernement ne le
proposait en ce sens que, pour les autres cas, qui ne sont pas rattachés
directement à une subvention, ce soit facultatif, selon les
désirs de l'emprunteur.
M. Pagé: Dans chacun des cas, c'est facultatif. Cependant,
il nous apparaît que c'est plus sain de s'asseoir et d'établir un
plan de développement sur cinq ans. J'ai été très
surpris de lire, dans votre mémoire, une recommandation indiquant qu'on
devrait supprimer toutes les subventions à l'intérêt. (18 h
30)
M. Charron: C'est bien simple, on croit qu'il y a des subventions
à l'intérêt qui sont données "at large" - excusez
l'expression - à l'ensemble de tous les agriculteurs et agricultrices du
Québec. Il y a des fermes, que vous connaissez très bien
d'ailleurs, au Québec, qui sont fort rentables...
M. Pagé: Qui sont fort ou pas rentables?
M. Charron: ...sont très rentables, - si vous me le
permettez. Les agriculteurs qui sont établis depuis 15, 20 ou 25 ans ont
déjà touché des subventions directes, soit
d'intérêt ou autres, du gouvernement. Actuellement, ces
agriculteurs-là n'ont pas de besoin direct de subvention
d'intérêt. On appuie très fort, nous, les subventions, si
le gouvernement le veut, bien entendu. C'est le voeu également de la
population, de subventionner les prêts, surtout pour les jeunes
agriculteurs, principalement, de mettre le focus sur les jeunes agriculteurs
pour la relève agricole. Parce que nous savons pertinemment bien que ce
n'est pas facile pour la relève, on a vu tantôt le mémoire
qui a été présenté et, sur plusieurs
recommandations, nous sommes d'accord, c'est très difficile de
s'établir en agriculture aujourd'hui. Les fermes sont de plus en plus
dispendieuses et elles vont l'être encore plus dans l'avenir. Ce sera
encore plus difficile de transférer l'entreprise à un jeune.
Alors, à ce moment-là, on dit: D'accord, il faut subventionner
davantage les jeunes
agriculteurs, à condition que ceux-ci, bien entendu, soient aptes
à prendre la relève, soit par l'éducation, la formation
agricole.
M. Pagé: Je comprends votre point de vue. Cependant, je
dois vous dire qu'on partage, au moins conjointement, la préoccupation a
l'égard de la relève agricole. Et, si, traditionellement,
l'agriculture a été l'objet d'un régime particulier de
bonification pour ce qui est du financement, c'est pourquoi? Parce que le
rendement sur l'investissement est d'environ 2 %? Les banques, vous avez des
actionnaires, est-ce que vos actionnaires accepteraient que vous investissiez
dans des entreprises où le rendement sur l'investissement est de 2 %,
seulement? Je ne pense pas, moi.
M. Fortier (Florent): On a fait nos propres analyses. Non, nous
ne sommes pas contre les subventions, remarquez bien. C'est que...
M. Pagé: Parce que j'avais une autre question, si vous
permettez. Si vous êtes contre les subventions en agriculture, vous devez
être, je présume, contre les subventions dans les entreprises?
M. Fortier (Florent): Non, non! C'est parce que...
Comprenons-nous bien. C'est que nous sommes contre les subventions pour ceux
qui n'en ont pas besoin. Mais, là, je sais que vous faites face à
un gros problème: savoir déterminer qui n'en a pas besoin et qui
en a besoin. Politiquement parlant, c'est...
M. Pagé: Mais vous savez qu'on a, dans nos lois, le
critère de besoin du prêt. Rares sont les agriculteurs qui sont
pleins comme des boudins, sauf que, quand il en arrive un et que son bilan
démontre très clairement qu'il n'a pas besoin d'un prêt de
l'office, il ne l'a pas. Je dis que c'est rare, par exemple.
M. Fortier (Florent): Oui, quelqu'un peut avoir besoin d'un
prêt mais, sans nécessairement... Il peut être très
à l'aise et disons qu'il veut acheter la terre du voisin, il va
peut-être en payer 50 % ou 75 % de sa poche. Je pense que, pour un
agrandissement, l'office du crédit agricole va lui faire un prêt.
Mais là, il y a une subvention qui est rattachée à cela.
Ce que je veux que vous compreniez bien, c'est que nous ne sommes pas contre
les subventions mais contre les subventions à ceux qui n'en ont pas
besoin.
M. Charron: C'est pour cela qu'on avait recommandé un
mécanisme de "subventionnement" pour les gens qui s'établissent
en agriculture. Alors, aujourd'hui, pour le jeune qui s'établit en
agriculture, on disait: D'accord, le gouvernement est prêt à lui
donner une subvention d'intérêt, que ce soit établi sur une
période de dix ans avec un taux d'intérêt "escalatoire".
Par exemple, la première année, il pourrait peut-être payer
1 % ou 2 % d'intérêt, la deuxième année 3 %, etc.,
et ce, jusqu'à une période de dix ans.
M. Pagé: Je note votre préoccupation pour les
jeunes.
M. Fortier (Florent): Autrement dit, s'il y avait
possibilité que les subventions qui sont économisées -
pour ceux qui n'en ont pas besoin - soient prises et distribuées aux
jeunes afin qu'ils en aient plus.
M. Pagé: Mais, cela ne veut pas dire que, du fait que les
jeunes ont plus de besoins, les autres n'en ont plus.
M. Fortier (Florent): Bien, normalement oui.
M. Charron: C'est dans le seul but de rationaliser les
dépenses du gouvernement.
M. Pagé: Mais, cela va bien, jusqu'ici.
M. Charron: Cela va bien, mais il faut regarder l'avenir.
M. Pagé: Oui, oui, on continue, ne vous inquiétez
pas.
M. Charron: On veut vous encourager dans ce sens-là.
M. Pagé: Cela va bien. Dernier commentaire, parce que le
temps fuit, évidemment et mon collègue a certainement des
questions. Vous faites référence, dans votre document, au droit
pour les banques de demander des frais d'administration pour l'ouverture du
dossier, le traitement, etc. Vous dites à la page 4 du document, du
résumé de mémoire 1MA: "L'Association des banquiers
canadiens demande donc que l'article 26 de l'avant-projet de règlement
soit modifié afin que, dans le cas d'une ouverture de crédit, le
prêteur puisse exiger de l'emprunteur le paiement des frais encourus pour
l'administration courante du dossier, sinon les banques risquent fort de se
retirer de ce champ d'activité qui perdra toute sa rentabilité."
Ne croyez-vous pas que c'est un peu fort?
M. Charron: II est évident que pour ce qui est des marges
de crédit principalement, qu'on mentionnait, des prêts
hypothécaires tandem, on disait: D'accord, ces prêts-là ne
demandent pas tellement de frais d'administration. Là-dessus, on l'a
mentionné
vertement à la page 4. Cependant, en ce qui concerne les
prêts tandem qui sont associés avec une marge de crédit,
une marge à l'exploitation, si vous le voulez, bien souvent, lorsqu'il
commence à y avoir des arrérages, cela demande beaucoup
d'administration. Il faut rencontrer l'emprunteur en question, il faut lui
proposer, à ce moment-là, des modes de paiement etc., il faut
communiquer directement avec les officiers du crédit agricole, il faut
engager des pourparlers et, actuellement, on ne reçoit aucune
rémunération pour ce genre de travail-là. Dans d'autres
genres d'activités bancaires, soit pour les PME ou tout genre
d'entreprises semblables, actuellement, on a l'entière liberté
d'exiger des frais d'administration à notre emprunteur en l'avisant que
son dossier demande des frais d'administration et que c'est normal. Alors, pour
ce qui est de l'office, étant donné qu'on est régis par
une loi, actuellement, on ne peut pas intervenir dans le processus et on ne
peut pas imposer des frais d'administration alors, on est lésés.
Étant lésés, à ce moment-là, je veux dire,
ce n'est pas rentable pour nous. Alors, si ce n'est pas rentable d'administrer
ce dossier-là, pourquoi continuer à perdre de l'argent?
M. Pagé: Mais, les prêts auxquels vous faites
référence ne sont pas garantis. Pour les autres prêts
auxquels vous faites référence, vous avez le droit d'exiger des
frais d'administration, mais vous n'avez pas l'avantage d'avoir des prêts
garantis.
M. Blackburn (René): C'est cela qu'on mentionne, on l'a
mentionné d'ailleurs...
M. Pagé: Cela implique une sécurité pour
quelque institution financière prêteuse que ce soit, le fait que
le prêt soit garanti.
M. Blackburn: Cela n'enlève quand même pas le
travail qu'on doit effectuer sur le dossier.
M. Pagé: Pardon?
M. Blackburn: Cela n'enlève quand même pas le
travail qui doit être fait pour la supervision du dossier.
M. Pagé: Oui, mais le fait d'être garanti, cela doit
être pris en compte.
M. Blackburn: Disons que c'est un point positif d'être
garanti mais, en tout cas, moi, les commentaires que je reçois de mes
directeurs de succursales qui ont à travailler sur des ouvertures de
crédit, disons crédit à production agricole, sont qu'ils
trouvent vraiment cela trop ardu comme travail, la collecte des pièces
justificatives qu'on doit faire, le suivi des inventaires, des comptes à
recevoir et, dans les dossiers qui sont fort complexes où il y a des
problèmes, il faut que ce soit même référer au
bureau de supervision, etc. Donc, cela demande beaucoup de frais
d'administration, une marge de crédit comme telle. On voudrait qu'il y
ait des compensations sur ce point-là.
M. Charron: Lorsqu'on est impliqués dans la cuisine tous
les jours, dans le domaine de l'administration des dossiers agricoles, surtout
ceux qui sont assortis de marge de crédit, de prêts à
terme, de prêts à demande bancaire et de prêts garantis par
le gouvernement, l'ensemble du dossier, cela demande beaucoup de travail et
lorsque vient le temps de réclamer à l'office, surtout
principalement concernant les marges de crédit - et mes confrères
peuvent le constater aussi, ils l'ont sûrement constaté dans le
passé en ce qui concerne les marges de crédit les LCPA - bien
souvent l'office ne nous a pas remboursés parce qu'il manquait certaines
pièces justificatives au dossier, qu'on n'avait pas les reçus
d'il y a cinq ans, etc., et ces prêts, M. le ministre, n'ont pas
été remboursés par le gouvernement.
M. Pagé: J'ai indiqué ce matin, lorsqu'on a fait
référence à toute la question du crédit à
court terme et au caractère expéditif de la démarche, que
nous allions tout faire ce qui serait possible pour faciliter le financement et
les autorisations, au lieu d'exiger les factures, peut-être seulement
exiger les chèques ou des choses comme cela. C'est une des
hypothèses que j'évoque.
Je prends note, mais je tiens à vous dire que je n'ai pas
tellement l'intention - je vous le dis bien franchement - de rouvrir l'article
26. Je note votre menace, parce que c'est cela, ce n'est même pas
voilé, c'est une menace, vous dites: "Les banques risquent fort de se
retirer de ce champ d'activité". C'est en lisant tout cela et en me
référant à un tel constat de la part des banques qui
disent: On sortira peut-être du financement agricole un jour, que je
garde, dans la loi, la possibilité pour l'Office du crédit
agricole d'aller chercher des dépôts à terme. C'est normal,
mettez-vous dans ma peau.
M. Parent (Cyrille): Je pense qu'on est sur le terrain d'à
côté. Les banques ont l'intention et elles sont capables. Les
banques sont les institutions financières les plus reconnues au monde et
les banques canadiennes sont dans les meilleures banques du monde. Nos banques
prêtent dans toutes les organisations. Elles ont les experts pour
prêter dans tous les domaines, dans les secteurs primaire, secondaire,
dans le commerce et partout. C'est la même chose
pour l'agriculture. Nous sommes capables de faire des prêts
agricoles tout seuls. Ceci dit, nous n'avons pas l'intention, mais pas du tout,
de nous retirer de l'agriculture, nous avons l'intention d'en faire plus que
jamais.
M. Pagé: Tant mieux. On est d'accord.
M. Parent (Cyrille): On reconnaît que, dans des
circonstances, le gouvernement peut être très utile pour le
financement. On souhaite profiter, pour le bien-être de l'agriculture, de
la bonne compréhension de tous les gens impliqués dans
l'agriculture, y compris du gouvernement et des banques, et je pense qu'on n'a
pas le même rôle. On a le rôle de prêter et on
prête très bien. Vous savez, on prête très bien
à des gens qui sont capables de nous rembourser. Nos conditions de
prêt sont simples. Ce sont des conditions qui conviennent très
bien aux emprunteurs, car, quand on prête, on veut être
remboursé. Cela convient très bien aux deux parties.
Dans le domaine agricole, on a évidemment des hauts et des bas.
Ce n'est pas un domaine comme un autre. J'en sais quelque chose, cela fait 25
ans que je vis dans ce domaine. Il y a des hauts et des bas. Il y a des mesures
incontrôlables. Ce n'est pas par des subventions aux taux
d'intérêt qu'on arrive à tout contrôler. Quand il y a
des fluctuations dans les prix et qu'on a l'ASRA en garantie, on vous dit:
Félicitations, cela fait notre affaire. Ce n'est pas
nécessairement une subvention d'intérêt qui a
réglé le problème. Le problème, c'est une question
de prix. Vous garantissez des prix au cultivateur. C'est simple, je me dis que
si vous garantissez un prix au cultivateur, je ne demande pas mieux. Je vais
lui prêter et je n'ai pas besoin de garantie, il va me rembourser. Pas
besoin de garantie. C'est une subvention qui est tout à fait...
L'assurance-récolte. C'est sûr que c'est
imprévisible. On manque une récolte, ce n'est pas drôle. Un
cultivateur peut prendre le chemin. Après cela, on aura besoin de lui
pour nous fournir de la nourriture et il ne sera plus là. C'est parfait
pour l'assurance-récolte. Mais des subventions d'intérêt
automatiques à tout le monde, aux riches comme aux pauvres, on n'en voit
pas l'utilité. On sait qu'en agriculture, il y a 75 %
d'équité environ. Ce n'est pas une classe pauvre, enlevez-vous
cela de l'idée. C'est une classe à l'aise, la classe agricole,
prise au sens général. Il y a un secteur qui est
financièrement problématique, c'est dans le cas du jeune qui
s'établit. Dans tout cela, on donne tout ce qu'on peut aux jeunes. On
donne tout ce qu'on peut. On souhaite que vous aidiez les jeunes parce que
là, une subvention d'intérêt, cela se comprend. Si on veut
que le jeune ait le même coût de production que son concurrent, le
cultivateur plus âgé qui, lui, a 75 % d'équité et 25
% de dettes, il y a un équilibre à faire, à ce moment
là, pour donner une chance au jeune d'entrer dans le champ de la
concurrence et de l'efficacité.
Ceci étant fait, on pense que c'est à peu près
toute la faveur qu'on reconnaît à une subvention
d'intérêt.
M. Pagé: Merci de votre commentaire, M. Parent.
Le Président (M. Richard): Oui, M. le porte-parole de
l'Opposition, vous avez la parole.
M. Jolivet: Oui, M. le Président, je vais continuer dans
la même veine en disant que j'ai regardé la proposition 9 de votre
document, où on dit: Au chapitre des subventions, l'association
recommande de remplacer complètement le système proposé
par une seule et unique subvention d'intérêt sur les premiers 150
000 $ par l'entreprise agricole, laquelle s'appliquerait au seul cas
d'établissement et serait déboursée graduellement sur une
période de dix ans et serait non renouvelable. (18 h 45) "À titre
de mécanisme de subvention, nous suggérons que soit établi
un taux d'intérêt "escalatoire" échelonné sur dix
ans. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que, par cette
proposition, vous remettez un peu en question l'idée de départ de
l'aide à l'agriculture proposée, où on dit: Le
gouvernement, d'une façon ou d'une autre, n'a pas le choix, il doit
intervenir dans ces secteurs. Donc, ce que vous mettez en question, c'est le
rôle ainsi que la nature de l'intervention de l'État
québécois en fonction d'un système qui suppose une
participation actuelle - on dit active - de l'État non seulement
à l'établissement, mais aussi par une aide financière au
producteur qui désire consolider ou développer son entreprise
agricole, et ce, notamment, dans le but de contribuer au maintien du principe
de départ qu'on avait dit: ferme familiale, étant pour le
Québec un élément essentiel de notre système
agricole.
Vous semblez un peu proposer que seule la loi du marché serve de
politique agricole. De ce que vous êtes en train de nous proposer, est-ce
que tout ce qui a été dit jusqu'à maintenant pour que le
Québec ait une agriculture basée sur la ferme familiale, qu'il
doit être aidé en conséquence selon les décisions
qui ont été prises dans le passé, qu'on est en train de
remettre tout cela en question et que, au bout de la course, ce qu'on doit
faire, c'est que l'agriculture désormais sera seulement établie
sous la loi du marché. Est-ce que c'est ce que vous êtes en train
de nous dire?
M. Fortier (Florent): Les taux d'intérêt... À
un moment donné, on fait une étude du dossier de 25 % à 30
% des meilleurs agriculteurs au Québec; à ce moment-là eux
seraient sur... On a fait une séparation des agriculteurs moyens et des
agriculteurs prospères. Les agriculteurs prospères nous les
voulons selon la loi du marché sur les taux d'intérêt et le
risque, tandis que pour les agriculteurs qui débutent ou qui sont moins
prospères, là, l'Office du crédit agricole a sa place.
C'est ce qu'on veut dire.
M. Jolivet: Vous ne remettez pas en question tout le
système québécois?
M. Fortier (Florent): Non.
M. Charron: Non, c'est seulement au chapitre des subventions,
comme je l'ai expliqué tantôt.
M. Jolivet: Est-ce que vous êtes capables... J'ai
posé une question à l'Office du crédit agricole, qui
n'avait pas les données, mais probablement que vous les avez, vous. Le
retour sur l'investissement en agriculture est de combien, tenant compte de la
dévaluation aussi bien du dollar que des actifs agricoles? Quel est
votre taux de retour des investissements?
M. Fortier (Florent): Je ne pense pas qu'on ait de calcul comme
celui-là, c'est qu'on les analyse individuellement. D'une façon
globale, on ne pourrait pas répondre. On n'a pas de chiffres à
l'appui pour cela.
M. Jolivet: D'après vous, quel serait, pour quelqu'un qui
entre en agriculture ou qui est en agriculture actuellement, l'endettement
maximum auquel il aurait accès par la proposition que vous faites?
M. Fortier (Florent): L'endettement?
M. Jolivet: L'endettement... Quelqu'un doit s'endetter pour un
pourcentage de ce qu'il est capable d'avoir comme revenus, il doit être
capable de rembourser quelque part?
M. Fortier (Florent): Avant de déterminer le pourcentage,
on regarde les connaissances de l'individu, ses antécédents et sa
capacité de remboursement. Quand ces trois critères sont
très favorables, on va peut-être regarder les garanties.
Normalement, on pourrait mettre une moyenne minimum - mes confrères me
corrigeront -d'à peu près 20 % à 25 % d'avoir net, mais
pas dans n'importe quelle production. Si c'est dans une production rentable,
c'est toujours la capacité de remboursement qu'on regarde. Si la
capacité de remboursement n'est pas là, on va dire: Va voir ton
agronome de comté pour essayer de faire modifier ton projet de
production pour rentabiliser davantage ta ferme.
M. Jolivet: Pourquoi demandez-vous des quotas en garantie? Est-ce
que vous craignez une chute?
M. Fortier (Florent): C'est qu'on finance...
M. Jolivet: Une chute des actifs, c'est quoi?
M. Fortier (Florent): On finance les quotas. Et c'est normal,
lorsqu'on finance quelque chose, qu'on prenne ce bien en garantie.
M. Charron: On finance déjà les quotas, nous, les
banques.
M. Jolivet: Oui.
M. Charron: Ce n'est pas nouveau. Cela fait quelques
années qu'on finance des quotas. On ne les finance pas à 100 %,
mais on finance un certain pourcentage des quotas. Alors, à ce
moment-là, actuellement, on ne peut pas les prendre sur la section 178
de la loi des banques. On ne peut pas les prendre en nantissement. On ne peut
pas les prendre en hypothèque. Alors, la garantie qu'on prend sur les
quotas n'est pas valable. C'est pour cela qu'on demandait au gouvernement la
possibilité de prendre les quotas en garantie, mais que cette garantie
soit valable. Donc, pour ce faire, cela prendrait un projet de loi ou un
règlement pour qu'on puisse prendre des quotas en garantie.
M. Jolivet: Comme le ministre, malgré que j'ai
peut-être une façon de le voir autrement, mais j'ai cru comprendre
qu'il y avait une sorte de contradiction. En page 9 de votre mémoire,
vous jugez utopique et irréaliste l'idée avancée d'un plan
quinquennal pour les prêts quand cela vous concerne. D'autre part, en
page 11, vous recommandez qu'un plan quinquennal soit obligatoire en gestion
dans les cas d'établissement rattachés à une subvention de
l'office. N'y a-t-il pas une sorte de contradiction? Quand cela vous regarde,
vous demandez qu'il n'en ait pas pour avoir une certaine possibilité
pour vous et, quand cela regarde l'agriculteur, vous demandez une forme de plan
quinquennal de gestion. N'y a-t-il pas une contradiction? Est-ce que je me
trompe?
M. Charron: II n'y a pas de contradiction, c'est que, lorsqu'on a
eu des discussions avec les officiers du crédit
agricole, on nous avait dit que, si le plan quinquennal était
adopté, il ne serait pas possible, pour le moment, de transférer
les prêts d'une institution à l'autre, comme cela se fait
actuellement. Actuellement, pour ce qui est d'un prêt tandem, on ne peut
pas transférer de la caisse populaire à la Banque de
Montréal, malheureusement. On en aurait beaucoup plus, nous, à la
Banque de Montréal, à ce moment-là. Notre opposition vient
du fait que, si on n'est pas capables de transférer les prêts par
rapport à un plan quinquennal, au niveau du crédit agricole, il
est préférable de ne pas y donner suite. Cependant, on
était entièremement d'accord à ce moment-là d'avoir
un plan quinquennal en ce qui concerne la gestion, l'administration, des jeunes
agriculteurs, surtout si c'est associé à une subvention. Le
ministre nous a promis tantôt que l'ensemble des prêts
administrés par l'office seront dorénavant transférables
d'une institution à l'autre en tout temps, selon le voeu exprimé
de l'emprunteur; c'est lui qui aura la liberté de payer des frais
j'imagine. Alors, à ce moment-là, cela nous convient.
M. Parent (Cyrille): C'est une question de liberté. Dans
une institution bancaire, on a le respect des libertés, entre autres, la
possibilité de l'emprunteur de changer de banque quand cela ne fait pas
son affaire et d'aller négocier des taux d'intérêt et des
frais, et des charges chez le concurrent. On vit là-dedans et c'est
important, c'est notre façon à nous de traiter avec tout le monde
qui emprunte. Je peux vous dire que lorsqu'un cultivateur est libre d'emprunter
sur le marché, c'est une chose qu'il apprécie grandement. Il aime
être capable de négocier ses taux d'intérêt, ses
conditions de prêt; il apprécie sa flexibilité et aussi le
fait qu'il peut dire: Si cela ne fait pas mon affaire, je m'en irai dans une
autre banque. Ce n'est qu'une question, une manière établie de
faire des affaires dans une banque et la liberté de changer.
M. Jolivet: Vous serez d'accord, à ce moment-là,
avec la société qui parlait de taux fluctuant pour une partie du
prêt et du taux fixe pour l'autre.
M. Parent (Cyrille): Ce sont toutes des choses qu'on peut faire,
qu'on fait d'ailleurs, qu'on suggère souvent quand le client n'y pense
pas, si c'est avantageux pour lui.
M. Jolivet: Vous avez fait mention - et c'est ma question, M. le
Président - dans le projet de loi, de la partie réglementaire
à l'article 141. Comme nous, vous n'êtes pas sans savoir que le
gouvernement actuel a proposé un amoindrissement, une
déréglementation de l'ensemble et l'impression que nous laissent
certains projets de loi en particulier - celui-ci et d'autres, j'ai eu
l'occasion d'en discuter lors de l'étude du projet de loi sur les
forêts, la loi 150, la loi 102, sur les terres du domaine public, les
mines et autres - c'est qu'on semble faire disparaître la
réglementation, mais, en réalité, on fait une super
réglementation et, au bout de la course, c'est encore pire parce que
c'est plus subtil, plus insidieux qu'une réglementation directe. J'ai
remarqué que vous pesez sur cela en disant qu'on devrait diminuer la
réglementation. Est-ce que vous avez des suggestions à faire
à propos du projet qui est devant nous à savoir si certains
règlements, devraient plutôt être des articles de la loi
parce qu'ils ne sont pas soumis à l'étude et en commission
parlementaire comme c'est le cas pour les projets de loi? Les projets de
règlement ou le règlement lui-même après les
étapes suivies, sont adoptés par décision du Conseil des
ministres. Est-ce que vous avez quelques suggestions ou si simplement vous
faites une observation générale?
M. Ferron: On n'a pas de suggestion comme telle, mais je vous
ferais remarquer que vous venez de mentionner les nouvelles lois sur les
forêts, et sur les mines. L'Association des banquiers a
présenté des mémoires à l'occasion de
l'étude de ces projets de loi. On en a aussi présenté un
lors de l'étude sur la réforme du Code civil. C'est une remarque
qui revient à peu près de façon générale.
Dans certains cas, on a fait des suggestions précises. Là on n'en
a pas, à moins que mes collègues n'en aient. C'est quand
même assez étonnant de voir le nombre de règlements qu'on
veut faire en vertu des lois actuelles. Il me semble qu'il y aurait quelque
chose à faire pour essayer de diminuer considérablement la
réglementation.
M. Jolivet: J'ai dit que c'était ma dernière
question, mais j'en ai une toute petite dernière, M. le
Président. On dit que tout emprunt fait par un agriculteur quel qu'il
soit devra avoir reçu l'approbation de l'office avant que celui-ci
puisse se présenter dans une institution prêteuse. Je vous donne
l'exemple: Quelqu'un qui a besoin d'un tracteur, va-t-il - si je comprends bien
la loi - devoir demander la permission à l'office avant d'aller vous
voir et est-ce que cela vous complique la tâche, si c'est le cas?
M. Fortier (Florent): Non, pas du tout. D'ailleurs, c'est ce
qu'on fait présentement. Il y a des modalités de prévues
avec l'Office du crédit agricole. Jusqu'à un certain montant, il
suffit tout simplement d'envoyer une formule une fois que le prêt est
déboursé comme quoi c'est fait. Il n'y a pas de complication du
tout sur cela.
M. Jolivet: Donc, selon les conditions actuelles, il n'y a pas de
problème, mais s'il y avait d'autres conditions, là, ce serait
peut-être un problème?
M. Fortier (Florent): On verra.
M. Jolivet: On verra.
M. Fortier (Florent): On verra.
Une voix: On verra la cuisine, comme on dit.
M. Jolivet: D'accord.
Le Président (M. Richard): M. le ministre, vous aviez un
commentaire?
M. Pagé: Oui, très bref, M. le Président.
Lorsque notre groupe politique s'est engagé à diminuer la
réglementation, en ce faisant, il ne s'est pas engagé à
enlever toute réglementation, auquel cas ce serait la jungle.
M. Jolivet: On est bien parti.
M. Pagé: Par contre, on ne crée pas une
société d'État par semaine, chose qu'on a
déjà vue dans ce Parlement.
M. Jolivet: Ça, ce n'est pas de la
réglementation.
M. Pagé: Je me référerai au point suivant:
l'ensemble de cette démarche implique qu'on passe de huit lois en une
seule loi, une loi-cadre évidemment qui assure plus de souplesse. On
ramène de 289 articles à 160 articles et le projet de
règlement passe de 230 articles à 82 articles. C'est
déjà un bon pas. Messieurs, merci.
Une voix: Ah qu'il est fin, un peu!
M. Pagé: Continuez à être nos
partenaires.
M. Fortier (Florent): Un petit commentaire. Disons que cela fait
longtemps qu'on travaille avec l'Office du crédit agricole.
Indépendamment de ce qui a été dit au préalable, je
pense qu'il devrait y avoir du renouveau dans cela. Je demanderais à
l'Office du crédit agricole d'examiner la possibilité qu'il y ait
beaucoup plus de concertation. Il y en a eu dans le passé. Là, je
vois l'emprunteur qui fait une demande d'emprunt, le représentant de
l'Office du crédit agricole va le visiter et il établit des
conditions spéciales sur les modalités, sur les garanties et tout
cela. Le dossier part du conseiller local; il s'en va au bureau
régional, s'en va à Québec et cela revient par le
certificat aux succursales. On s'aperçoit, à un moment
donné, que telle garantie, on l'a déjà sur autre chose et
cela retarde le dossier. Je sais que l'Office du crédit agricole essaie
d'améliorer son efficacité et la vitesse pour attribuer les
prêts. Je pense que... Je ne sais pas s'il y aurait une
possibilité d'établir une politique pour qu'il y ait un moyen de
concertation pour que, à chaque fois qu'il y a une demande d'emprunt via
l'Office du crédit agricole, il y ait un contact avec le financier de
l'individu pour...
Autre question de modalité: Vous savez que les
intérêts on les charge, on essaie d'avoir des remboursements
mensuels et non annuels. Les remboursements mensuels, c'est la meilleure
façon parce qu'on sait au fur et à mesure quand cela va mal.
Présentement, quand ça va mal on sait un mois après que le
gars n'est pas capable de faire ses paiements, tandis que, si c'est un paiement
annuel, cela prend un an avant de savoir que le gars est en difficulté.
Souvent, il est trop tard parce qu'il a accumulé des dettes et,
là, il a un paiement à faire de 50 000 $ et il n'est pas capable
de le faire. Là, c'est peut-être plus difficile de faire un
redressement d'entreprise. Si c'était sur une base mensuelle,
après un mois on dit: Le gars a ses 3000 $, 4000 $, il n'a pas
été capable de les payer. Qu'est-ce qui va mal? Cela nous met
tout de suite la puce à l'oreille et on peut intervenir. C'est la
collaboration dans ce sens que je souhaiterais avec l'Office du crédit
agricole.
Une voix: Merci, monsieur, je note.
Le Président (M. Richard): Alors, grand merci d'avoir
été là. Nous ajournons donc à 10 heures demain
matin, même endroit.
(Fin de la séance à 19 heures)