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(Dix heures trente-cinq minutes)
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux ce matin avec le mandat d'entendre les
personnes et les organismes sur la question des terres expropriées en
trop de Mirabel et, en particulier, 1) sur l'évaluation de l'impact sur
l'agriculture québécoise de maintenir la propriété
fédérale sur le territoire non compris dans la zone
opérationnelle de l'aéroport; 2) l'opportunité de
conserver à des fins aéroportuaires un territoire de 66 600
acres; 3) les modalités d'une éventuelle rétrocession
desdites terres et l'implication des différents niveaux de gouvernement
dans cette opération; 4) le plan de relance agricole sur les terres
normalisées en raison du dépérissement de l'agriculture
depuis l'expropriation de 1969.
Les membres de la commission sont: M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes),
M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Beauséjour (Iberville), M. Ryan
(Argenteuil), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. Gagnon (Champlain), M.
Garon (Lévis), M. Houde (Berthier), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Mathieu (Beauce-Sud) et M. Picotte
(Maskinongé).
Peuvent aussi intervenir, M. Blouin (Rousseau), M. Fallu (Groulx), Mme
Juneau (Johnson), M. Baril (Arthabaska), M. Dean (Prévost), M.
Lévesque (Bonaventure), M. Mailloux (Charlevoix), M. Vaillancourt
(Orford) et M. Vallières (Richmond).
Un rapporteur de la commission avait été nommé
à notre dernière série de séances. C'était
le député de Saint-Hyacinthe, si je ne m'abuse. C'est cela?
M. le député de Beauce-Sud, au sujet des membres.
M. Mathieu: Oui, M. le Président. Si vous vouliez modifier
et inscrire le nom de M. Vallières (Richmond) à la place de M.
Mailloux (Charlevoix), s'il vous plaît!
Le Président (M. Rochefort): Mais ils sont tous les deux
inscrits comme intervenants, M. le député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Parfait:
Le Président (M. Rochefort): Cela va?
M. Mathieu: Oui.
Le Président (M. Rochefort):
Aujourd'hui, nous entendrons les organismes et individus dans l'ordre
suivant: M. Scott Fennel, du Parti conservateur du Canada; M. Claude
Vallée, M. Fernand Gauthier, M. Claude Leclerc, M. Michel Raymond, Mme
Hélène Carrière, M. Maurice Bélec et la famille
Réjean Éthier. Sans plus tarder, j'inviterais...
Télégramme au ministre responsable de la
Société immobilière du Canada
M. Garon: M. le Président...
Le Président (M. Rochefort): Oui, M. le ministre. Quelques
commentaires d'introduction, pour nous remettre dans l'atmosphère?
M. Garon: ... ce ne sont pas véritablement des
commentaires, mais la semaine dernière, j'ai fait parvenir un
télégramme au ministre responsable de la Société
immobilière du Canada, M. Roméo Leblanc. Je voudrais lire le
télégramme que je lui ai ait parvenir et en donner une copie
à chacun des membres de la commission. Il se lit comme suit: "M.
Roméo LeBlanc, ministre des Travaux publics du Canada, Chambre des
communes, chambre 418 nord, Ottawa, Ontario. M. le ministre - objet: commission
parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation - le
22 octobre dernier, je vous ai transmis un télégramme invitant
votre ministère et la Société immobilière du Canada
Mirabel Ltée à participer aux travaux de la commission
parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation sur
les terres expropriées en trop de Mirabel. À date, je n'ai
reçu aucune réponse. Je vous réitère cette
invitation qui est maintenant appuyée par une motion adoptée
à l'unanimité le 27 octobre dernier par les membres de la
commission parlementaire. Mes collègues de la commission parlementaire
aimeraient interroger vos représentants, ceux de la Commission
immobilière du Canada Mirabel Ltée, sur les divers
éléments du programme de rétrocession d'une partie des
terres expropriées en trop de Mirabel et plus particulièrement le
choix des sols qui seront mis en vente, les modalités de revente,
les
critères de sélection des éventuels acheteurs, les
éléments liés à la fixation du prix de vente et la
remise en état des exploitations agricoles. La commission parlementaire
apprécierait également connaître les intentions du
gouvernement fédéral à l'égard des 66 600 acres de
sol expropriées en - il y a une erreur, expropriées en 1979 - qui
ne sont pas incluses dans le programme de relance. Les travaux de la commission
parlementaire se poursuivront les 16, 17, 23 et 24 novembre prochain et, si
nécessaire, pourraient être prolongés, notamment pour
entendre vos représentants." Et j'avais signé le
télégramme.
Également, tel que le député d'Argenteuil me
l'avait demandé la semaine dernière en Chambre, j'ai fait une
vérification. Le greffier de la commission, à la suite d'une
motion unanime, a fait parvenir - selon ce qu'on m'a dit - une invitation
à la Société immobilière du Canada pour...
J'aimerais que vous fassiez état que ces invitations ont
été faites à tel moment et à telle personne au nom
de la commission parlementaire de l'agriculture.
Le Président (M. Rochefort): Sur cette question, M. le
ministre, je n'ai pas la copie des deux télégrammes d'invitation
qui ont été envoyés aux deux organismes, tel que la
commission en avait exprimé le désir, sauf que je peux vous
confirmer qu'effectivement, le secrétariat des commissions a fait
parvenir un télégramme à la Chambre de commerce de Mirabel
et à la Société immobilière du Canada. Toutefois,
si vous désirez qu'on fasse lecture des deux télégrammes
d'invitation, on va suspendre quelques minutes pour faire venir les documents
concernés.
M. Ryan: Est-ce que...
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: ... c'étaient des copies de votre
télégramme à M. le ministre fédéral?
M. Garon: Oui, mais il y a juste une erreur, c'est marqué
exproprié en trop en 1979 au lieu de 1969, mais je pense bien qu'il a
compris.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: Sur la liste des intervenants qui nous a
été remise, le nom du deuxième intervenant, M. Claude
Vallée, a été biffé. Vous l'avez identifié
tout à l'heure, est-ce qu'effectivement nous entendrons M.
Vallée?
Le Président (M. Rochefort): Je m'excuse, effectivement
j'ai une note comme quoi l'audition de M. Vallée, qui était
prévu comme deuxième témoin ce matin, a été
reportée à demain.
M. Blouin: Merci.
Le Président (M. Rochefort): II y aurait eu entente avec
l'individu en question. D'accord?
M. Blouin: Oui.
Le Président (M. Rochefort): Aviez-vous d'autres
commentaires, M. le ministre?
M. Garon: Non, c'est tout.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil, quelques commentaires?
M. Ryan: Oui, je voudrais d'abord demander au ministre s'il a
reçu une réponse de son homologue fédéral dans ce
dossier-ci. Deuxièmement, s'il a eu des communications autres que
celle-ci avec le ministre fédéral dont il pourrait juger à
propos de nous faire part.
M. Garon: Non, je n'ai pas eu d'autres communications avec le
ministre fédéral, sauf que des gens de mon cabinet ont
communiqué avec les gens du cabinet du ministre Roméo LeBlanc
pour leur demander leurs intentions ou les inciter à venir donner leur
version des choses pour qu'on puisse discuter ensemble au point de vue d'une
relance de l'agriculture dans ce territoire. Il n'y a pas eu de manifestation
indiquant qu'ils pourraient venir à la commission.
M. Ryan: M. le Président...
Le Président (M. Rochefort): Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: ... est-ce que je peux demander au ministre s'il a
reçu une réponse quelconque de M. Roméo LeBlanc ou s'il
n'en a pas reçu du tout?
M. Garon: Non, officiellement ou officieusement, je n'ai eu
aucune réponse, mais pour être plus précis il y a des gens
de mon cabinet qui ont communiqué à peu près tous les
jours, depuis le 5 novembre, avec le chef de cabinet de M. Roméo
LeBlanc, qui est M. Léonard LeBlanc. On a pu parler au chef de cabinet
seulement hier, mais il y a eu des communications faites tous les jours pour
essayer de le rejoindre. C'est devant ces résultats que j'ai
envoyé un télégramme, parce que j'ai dit: C'est trop
facile de ne pas répondre au téléphone et ensuite dire
qu'on n'a pas été avisé. C'est à la suite de
ça que j'ai décidé d'envoyer un
télégramme.
Le Président (M. Rochefort): Sur cette question, si vous
me le permettez, M. le député d'Argenteuil. On m'a informé
il y a quelques instants, on va me remettre le texte de la lettre que nous
avons reçue à la suite du télégramme envoyé
par le secrétariat des commissions. C'est une lettre de la
Société immobilière du Canada dont je vous ferai lecture
dès que je la recevrai dans quelques instants du secrétariat des
commissions.
M. Garon: Je n'ai pas jugé à propos de communiquer
avec la Société immobilière du Canada parce que je pensais
que, en tant que ministre, je devais communiquer avec le ministre responsable
de la Société immobilière du Canada. À mon avis,
c'est à lui de donner des directives en conséquence à la
Société immobilière du Canada, mais je savais par ailleurs
que le greffier de la commission parlementaire de l'agriculture avait
communiqué avec la Société immobilière du Canada.
Je trouvais plus correct de communiquer avec le ministre plutôt qu'avec
ses employés.
M. Ryan: Pourrait-on revenir là-dessus tantôt, quand
vous aurez la lettre, M. le Président?
Le Président (M. Rochefort): Oui, dès que j'aurai
les documents... On m'indique que je les ai. (10 h 45)
Je vais vous faire lecture, dans un premier temps, de la lettre qu'a
fait parvenir le greffier de la commission à la Société
immobilière du Canada à Mirabel, au soin de M. Pierre Brien,
vice-président exécutif, Mirabel. Sujet: commission élue
permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, Mirabel.
"Monsieur. À la demande du leader parlementaire du gouvernement et suite
à la conversation téléphonique que j'ai eue avec M.
Jean-Pierre Goyer, le mercredi 3 novembre 1982 concernant le sujet en titre, je
vous prie de bien vouloir accepter l'invitation à vous faire entendre,
au moment de votre choix, le 16 ou le 17 novembre prochain, à cette
commission qui siégera au salon rouge de l'Hôtel du Parlement.
Cette invitation fait suite à la motion présentée par M.
Elie Fallu, député de Groulx et adoptée unanimement par
les membres et intervenants de la commission. Cette motion stipule que les
membres de la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et
de l'alimentation invitent la Société immobilière du
Canada, Mirabel, et la Chambre de commerce de Mirabel à se
présenter devant la commission à l'une de ses prochaines
séances du mois de novembre prochain pour s'y faire entendre sur le
sujet suivant: les terres expropriées en trop de
Mirabel et, en particulier, sur l'évaluation de l'impact sur
l'agriculture québécoise de maintenir la propriété
fédérale sur le territoire non compris dans la zone
opérationnelle de l'aéroport; sur l'opportunité de
conserver à des fins aéroportuaires un territoire de 66 600
acres; sur les modalités d'une éventuelle rétrocession des
dites terres et de l'implication des différents niveaux de gouvernement
dans cette opération et sur le plan de relance agricole sur les terres
normalisées en raison du dépérissement de l'agriculture
depuis l'expropriation de 1969. Nous vous prions de bien vouloir confirmer
votre présence avant le 15 novembre prochain. Veuillez agréer,
Monsieur, l'expression de mes sentiments les meilleurs. Le greffier de la
commission, Gilles Angers."
Nous avons reçu la réponse suivante à cette lettre,
dont je vous fais lecture: "M. Gilles Angers, greffier de la commission,
Assemblée nationale du Québec, secrétariat des
commissions, Québec. Sujet: commission parlementaire de l'agriculture,
des pêcheries et de l'alimentation. Monsieur, la présente
réfère à votre lettre du 4 novembre dernier concernant la
commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation. À la demande de notre ministre, l'honorable Roméo
LeBlanc, et afin de faciliter les travaux de votre commission, il nous fait
plaisir de vous soumettre la documentation la plus récente relative
à la situation de l'agriculture à Mirabel. Vous trouverez donc
ci-joints les documents suivants: Le profil agricole du territoire sous la
juridiction de la Société immobilière du Canada, Mirabel,
Ltée; l'avenir, réévaluation des besoins du territoire
périphérique de Mirabel; le communiqué de presse de
l'honorable Francis Fox du 28 mai 1982 concernant la réévaluation
des besoins du territoire périphérique de l'Aéroport
international de Montréal à Mirabel; le communiqué de
presse du 5 novembre 1982 concernant le volet résidentiel du programme
de vente qui débute dès maintenant pour permettre aux personnes
éligibles de profiter de la subvention fédérale de 3000 $.
Nous apprécierions que vous puissiez soumettre cette documentation aux
membres de la commission et nous espérons qu'elle aidera à
clarifier la situation de l'agriculture à Mirabel. "Par ailleurs, notre
société est à compléter ses études
concernant le volet agricole de son programme de vente. Nous espérons
être en mesure d'en discuter avec les représentants du
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
ainsi qu'avec les représentants des divers organismes du milieu
intéressés par l'agriculture, avant de procéder à
sa mise en oeuvre. "Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos
salutations les meilleures. Pierre
Brien, vice-président exécutif. " Troisièmement, le
greffier...
M. Garon: Est-ce qu'il y avait des papiers avec cela?
Le Président (M. Rochefort): Oui, évidemment, il y
a de la documentation qui nous a été fournie tel que j'en ai lu
les sujets. Elle est à la photocophie, comme on me l'indique au
secrétariat des commissions. On vous en fournira des copies pour votre
information comme c'est la procédure habituelle.
D'autre part, une lettre de même nature, dont je ne vois pas la
nécessité de vous faire la lecture mot à mot, a
été envoyée par le greffier de la commission à la
Chambre de commerce de Mirabel, au soin de M. François Mercier,
président. Nous avons reçu la réponse suivante par
télégramme: "Le conseil d'administration de la Chambre de
commerce de Mirabel, lors de sa dernière réunion, le 1er novembre
1982, a délégué M. François Mercier,
président de la chambre de commerce pour la représenter lors des
audiences de la commission parlementaire sur le territoire exproprié de
Mirabel. M. François Mercier confirme sa présence pour le 17
novembre 1982. Jocelyne Gagnon, secrétaire."
C'est donc la correspondance que nous avons échangée avec
la Chambre de commerce de Mirabel et la Société
immobilière du Canada, à la suite de la motion qui avait
été adoptée lors des derniers travaux de notre
commission.
M. Ryan: Le ministre va pouvoir poser ses questions à la
Chambre de commerce de Mirabel.
M. Garon: Pour commencer, la Chambre de commerce de Mirabel a un
document, mais cela n'est pas nécessaire.
M. Ryan: Mais est-ce qu'on doit comprendre qu'ils viennent
témoigner, qu'ils ne viennent pas simplement assister aux audiences?
Cela n'est pas clair.
M. Garon: Je ne le sais pas. Ce n'est pas clair. Dans un cas, on
a les papiers, mais pas de personnes; dans l'autre cas, on a les personnes,
mais pas de papiers.
Le Président (M. Rochefort): Quant à la Chambre de
commerce de Mirabel, on m'indique que le témoignage est à l'ordre
du jour de nos travaux, demain matin. Toutefois, nous n'avons pas encore
reçu, jusqu'à maintenant, copie du mémoire qu'elle est
censée nous présenter.
M. Ryan: Sur la correspondance échangée avec la
Société immobilière du
Canada et le ministre fédéral, est-ce que le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a des commentaires
à faire?
M. Garon: Je ne peux pas dire grand-chose, sauf que je vois bien
qu'ils n'indiquent pas qu'ils veulent venir devant la commission. Ils ne disent
pas qu'ils vont venir et ils ne disent pas qu'ils ne viendront pas, mais ils
nous envoient des papiers, des communiqués de presse qu'on a
déjà. Le but de notre commission parlementaire, c'est que les
membres puissent discuter avec les personnes qui viennent témoigner en
commission parlementaire, ensuite, leur poser des questions et donner leur
opinion. C'est de pouvoir se parler. Des papiers, c'est assez silencieux.
Souvent, des papiers suscitent plus de questions que de réponses. Je ne
peux pas dire grand-chose, sauf que je constate qu'ils n'ont pas
véritablement répondu au greffier. Je ne voudrais pas
interpréter leur réponse comme un refus de venir. Est-ce qu'ils
décideront de venir plus tard? Je ne le sais pas.
M. Ryan: En relation avec ceci, j'aurais quelques observations
à soumettre. Tout d'abord, je regrette que le ministre
fédéral n'ait pas donné de réponse au
télégramme qui lui a été adressé.
D'après ce que je comprends en lisant le télégramme, il
aurait été adressé au ministre fédéral, le
10 novembre.
M. Garon: Le premier, c'était le 22 octobre.
M. Ryan: Oui.
M. Garon: Le deuxième, c'était le 10 novembre.
C'est à la suite d'appels...
M. Ryan: Oui, qui n'ont pas eu...
M. Garon: Des membres de mon cabinet ont commencé par
téléphoner, mais comme ils n'avaient pas de réponse, j'ai
dit: Écoutez! Je préfère envoyer un papier que d'appeler,
pour que personne ne puisse dire plus tard qu'ils n'ont pas reçu les
appels.
M. Ryan: Maintenant, est-ce que ce serait indiscret, de demander
au ministre s'il a lui-même pris l'initiative de téléphoner
à son homologue fédéral pour essayer de lui expliquer
cette invitation?
M. Garon: La première fois, oui. J'ai déjà
téléphoné à M. LeBlanc, mais pas depuis la
dernière séance de la commission parlementaire.
M. Ryan: Est-ce que c'est une demande que vous seriez prêt
à accueillir, M. le ministre? La suggestion que je voudrais vous
faire serait la suivante: Vous demander respectueusement de
téléphoner au ministre fédéral pour lui demander,
avec insistance, une rencontre dans les plus brefs délais, entre vous et
lui - s'il ne sait pas lire, il va peut-être écouter au
téléphone - pour lui expliquer l'objet de ce travail-ci. En tout
cas, j'émets cette opinion. Je trouve que ce serait une bonne chose. Je
pense que ce serait regrettable qu'on laisse l'affaire se geler sans avoir
exploré vraiment toutes les possibilités de la faire
dégeler. C'est une première suggestion que je fais.
Il y en a une deuxième que je ferais en relation avec la
réponse qui a été apportée par la
Société immobilière du Canada. À mon point de vue,
la lecture que j'ai entendue tantôt, c'est une fin de non-recevoir parce
que s'il avait voulu venir, il aurait dit: J'y vais. Mais il n'a pas dit: Je
n'y vais pas. Il n'a pas dit: J'y vais. Donc, il n'y a pas beaucoup de chance
qu'il apparaisse ici.
M. Garon: II laisse la porte ouverte. M. Ryan:
Entrouverte.
Le Président (M. Rochefort): Là-dessus, M. le
député d'Argenteuil, on m'a transmis une information
tantôt, à savoir que, dans les derniers jours, les
représentants de la Société immobilière du Canada
ont confirmé, par téléphone, au greffier du
secrétariat des commissions, qu'ils ne se présenteraient pas
à la commission, mais qu'ils allaient nous faire parvenir les
documents.
M. Ryan: Très bien. Maintenant, je ne sais pas si c'est le
moment, mais j'aurais une suggestion à faire ici également. Je me
dis: Eux sont sur le terrain et nous autres, on est ici. Il y a des citoyens
d'Argenteuil qui sont ici et moi, je suis le député du
comté. L'autre jour, nous sommes allés faire une visite des lieux
physiques. Si vous vous rappelez, je vous avais fait une suggestion. J'avais
dit: On devrait demander à ces gens si on pourrait les voir. J'avais
suggéré également qu'on aille voir les autorités de
l'aéroport; vu qu'on était pour parler des besoins de
l'aéroport, je trouvais que c'était une bonne chose. A ce
moment-là, le ministre m'a dit, pour des raisons que j'ai bien
comprises: Peut-être que ce n'est pas le moment de faire cela
actuellement parce que si on a un contact avec un organisme, après cela,
on peut être obligé d'en avoir avec d'autres. La logique
était donc qu'on les entendrait à la commission parlementaire,
à Québec, mais la porte n'a pas été
fermée.
Je me demande, vu qu'ils prennent des décisions et que les actes
se multiplient, si ce ne serait pas une bonne chose que nous demandions d'aller
les rencontrer chez eux. On fait cela, parfois. Dans le cas de
SIDBEC, par exemple, les membres de la commission sont allés
rencontrer les gens de SIDBEC chez eux; ils regardent ce qui se passe et
demandent des informations, comme ils offrent de fournir des informations. Je
trouve qu'on ferait montre d'une bonne volonté incontestable en disant:
On aimerait obtenir des renseignements de vous autres sur la documentation que
vous nous avez envoyée. Peut-être que toute la commission ne
serait pas intéressée, mais il faudrait trouver le moyen, dans
l'itinéraire du travail que nous aurons fait, de rencontrer ces gens qui
sont l'acteur principal au point de vue physique, en tout cas, pour l'instant,
sur la scène de Mirabel.
M. Garon: II n'y avait pas eu un refus véritable. On a
dit: Si on veut rencontrer des gens sur le territoire de Mirabel, la
Société immobilière du Canada, il faudrait aussi
être prêt à rencontrer les agriculteurs ou leurs
représentants comme le CIAC ou d'autres organismes sur place. C'est dans
ce sens qu'on l'avait dit. A un moment donné, au coin d'une terre, on a
même offert à un agriculteur de le rencontrer; si on commence,
cela peut durer longtemps. Je n'ai donné aucun refus à rencontrer
les gens sur place, au contraire, mais il faut savoir dans quel cadre. Est-ce
que ce serait la commission parlementaire, comme telle, qui se transporterait
sur les lieux? Moi, je n'ai aucune objection, au contraire, cela a
été ma première suggestion que la commission parlementaire
siège sur le territoire de Mirabel pour qu'on rencontre les organismes
intéressés, mais il ne faudrait pas réserver ce
privilège à un seul groupe qui pourrait, lui, donner sa version
et avoir l'avantage sur d'autres qui auraient des choses à nous dire et
à nous montrer sur le territoire et qui ne pourraient pas le faire. Si
on le fait, il faudrait que ce soit ouvert à tout le monde. Moi, je n'ai
aucune objection.
Le Président (M. Rochefort): Sur cette question, M. le
député de Champlain.
M. Gagnon: On est en train de discuter la possibilité de
se rendre là-bas compte tenu qu'on a presque refusé l'invitation
que la commission a faite que ces gens-là viennent ici. Je me demande si
à ce moment-ci on ne pourrait pas tout simplement se servir de notre
règlement. Je sais que le règlement prévoit qu'on puisse
convoquer, obliger des gens à venir témoigner devant la
commission. Le député d'Argenteuil mentionnait à quel
point ces témoignages seraient importants avant de fermer le dossier.
J'en fais simplement une suggestion, je n'en fais pas une motion, mais je pense
que si la commission trouve qu'il est important d'entendre ces gens notre
règlement prévoit qu'on puisse non seulement
inviter les gens, si on a refusé jusqu'à un certain point
notre invitation, mais aussi simplement les convoquer devant la commission.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je me permets une remarque là-dessus, à la
suite des deux interventions qui ont été faites. Je crois que
ceci est un cas particulier et non pas un cas général. Il y a un
problème de politique, il y a un problème diplomatique qui se
pose, apparemment: c'est un organisme fédéral. Il y a un ministre
fédéral qui a même été invité à
se présenter ici lui-même ou des représentants qu'il aurait
mandatés à cette fin. Je ne connais pas la politique du
gouvernement fédéral à ce sujet, je crois comprendre qu'en
général ils ne vont pas faire d'apparition devant des commissions
parlementaires, dans les Législatures des provinces. S'il y a une
politique qui existe de ce côté, cela dépend des objectifs
qu'on poursuit. Si on veut comprendre, aller au fond de l'affaire, essayer de
rendre service à ce monde-là, je crois qu'il faut mettre le
maximum d'efforts dans le but d'aménager une rencontre dans les
meilleures conditions possible. (11 heures)
II y a une chose que je me dis: Après qu'ils seront venus ou
qu'on y sera allés, il y a toute une série de formes de
coopération qui vont être nécessaires pour régler ce
problème. Il ne pourra pas se régler par un pronunciamiento, ni
d'un côté ni de l'autre. Je me dis qu'il faut aménager les
conditions pour que ces gens voient, d'abord, qu'il y a de la bonne foi du
côté de Québec. Il y en a bien plus qu'ils ne pensent.
Deuxièmement, qu'on essaie d'aborder le "brass tacks", comme on dit, les
problèmes réels. En réponse au ministre, je dirais juste
que nous autres, comme parti, nous avons pris une attitude l'été
dernier: les commissions parlementaires ont lieu à Québec. Il y
avait eu des demandes faites par le gouvernement pour la commission sur le
transport urbain à Montréal, le transport en commun à
Montréal et nous avons dit: Nous voulons que le siège du
Parlement reste à Québec, nous ne voulons pas que cela commence
à déménager.
Cela reste la position de notre parti pour l'instant. Maintenant, la
rencontre que je propose ne sera pas nécessairement une rencontre
publique. Si on n'a pas de rencontre publique, qu'on ait au moins une
rencontre. C'est cela que je me dis. Moi, cela ne me ferait rien
personnellement s'il y a une autre rencontre privée quand on va
être sur le territoire - mais peut-être que ce serait un cas
spécial - pour qu'on ait l'information. Si eux autres voulaient que ce
soit public, je n'aurais aucune espèce d'objection.
Dans une perspective plus large, on a chacun nos opinions
là-dessus et je pense que le gouvernement actuel a dit souvent qu'il
était prêt à faire tout son possible pour que le
régime fédéral marche, tant qu'on est dans ce
régime. Moi, je veux qu'il marche. À plus forte raison, comme je
trouve qu'il peut nous procurer de grands biens à tout point de vue, je
me dis que je vais faire mon gros possible pour essayer de le faire marcher.
Voici une pierre d'achoppement sur laquelle nous butons tous depuis douze,
treize ans. Si on pouvait faire cette démarche, je l'apprécierais
énormément, surtout que j'ai un intérêt
spécial comme député du comté. Je me suis
fixé comme objectif, dans toute cette affaire, le rapprochement des
différents acteurs parce que je ne vois pas de solution en dehors d'un
certain rapprochement.
Le Président (M. Rochefort): Sur cette question, M. le
ministre.
M. Garon: Merci. Voyez-vous, l'avantage d'une commission
parlementaire, c'est que cela siège publiquement. Je vais vous donner un
exemple concret où cela m'embête. La Société
immobilière du Canada pourrait dire, à un moment donné,
qu'elle a répondu à toutes les questions qui lui ont
été posées. Je vais vous donner l'exemple d'une question
très importante que je leur poserais publiquement. Quand on dit, par
exemple, qu'on va revendre les propriétés résidentielles
aux occupants, on a l'air d'être dans un grand dilemme où ce sont
les occupants versus ceux qui ont été expropriés à
l'époque. Moi, les informations que j'ai, c'est qu'il y a beaucoup
d'occupants qui sont des fonctionnaires de la Société
immobilière du Canada. Si on traite cela en étant caché,
quelle information va-t-on avoir? On ne le sait pas.
On me dit aussi que plusieurs occupants sont des fonctionnaires qui
travaillent pour Transports Canada à Mirabel. On a exproprié, on
a expulsé des cultivateurs qui étaient chez eux, après
cela, on loue à des fonctionnaires et puis on a un genre de petit
"melting pot" spécial. Je pense que ces questions doivent être
débattues publiquement. C'est là l'intérêt pour M.
LeBlanc, je pense, comme ministre, de voir ce qui se passe là-dedans. On
a toutes sortes d'informations là-dessus. Maintenant, c'est
évident que les gens parlent toujours en termes de vertu, publiquement.
Qu'on ne veuille pas témoigner au grand jour, je suis un peu
étonné de cela. Écoutez, je pense qu'ils veulent
renseigner le monde sur la façon dont ils veulent fonctionner. On devra
avoir des débats ensemble. Je ne vois pas beaucoup pourquoi il y aurait
des rencontres privées. Il y a des organismes qui sont
essentiellement publics qui devraient être plus ouverts que les
autres. Les cultivateurs qui perdent leur vie familiale, les problèmes
qu'ils ont vécus à cause de l'expropriation, ils les exposent
alors que ce sont des questions privées, et des organismes qui ont des
comptes à rendre au public, eux, ne voudraient pas témoigner
publiquement? Je ne comprends pas.
Le Président (M. Rochefort): Toujours sur cette question,
M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je m'étonne de
ce qui semble être un manque de cohérence de la part du Parti
libéral du Québec, parce que le gouvernement avait proposé
que cette commission parlementaire siège sur le territoire et c'est le
Parti libéral du Québec qui s'y est opposé. C'est pour
cette raison que nous siégons à Québec plutôt que de
siéger sur le territoire. Une commission parlementaire, dans notre
esprit, devrait pouvoir, selon les besoins et selon les circonstances, se
déplacer, être mobile et, dans ce cas, nous aurions
siégé sur le territoire pour entendre tous les intervenants, pas
seulement la Société immobilière du Canada. Le
député d'Argenteuil reconnaît lui-même que son parti
n'a pas voulu que la commission siège en dehors de Québec,
siège du Parlement; et voilà qu'il propose maintenant que la
commission se rende sur le territoire pour entendre un seul intervenant, et
dans le particulier. Je pense que le ministre a bien démontré
pourquoi nous ne devons pas entendre un intervenant dans le particulier. Il
s'agit de séances essentiellement publiques. Les séances d'un
Parlement, d'une Assemblée nationale sont essentiellement publiques et
je crois, comme le député de Champlain, qu'il faudrait
plutôt songer à intensifier la pression sur la
Société immobilière. La commission a certains pouvoirs.
Elle devrait sérieusement songer, je crois, à user de ses
pouvoirs pour contraindre les représentants de la Société
immobilière à se présenter devant nous.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Groulx.
M. Fallu: Lors de notre dernière rencontre, nous avions
hésité à utiliser - je pense, à bon droit,
d'ailleurs - l'article du règlement qui nous permet de la convoquer.
L'article 153, M. le Président, si vous voulez rafraîchir ma
mémoire, stipule que nous pouvons requérir au sens légal,
donc, obliger quelqu'un...
Le Président (M. Rochefort): Pour votre information, M. le
député de Groulx, je pourrais peut-être vous lire l'article
153. Il y a une nuance importante en rapport avec ce que vous avez dit quant
aux dispositions de l'article 153. L'article 153 se lit comme suit: "Lorsqu'une
commission élue a requis une personne de se présenter devant elle
pour s'y faire entendre ou pour produire des documents et que cette personne
refuse de le faire, la commission fait rapport de ce refus au président
et celui-ci prend les moyens nécessaires pour que la demande de la
commission soit satisfaite." Finalement, l'article 153 est davantage un article
qui traite du refus d'obtempérer à une demande de comparution que
de la mécanique pour formuler une demande, pour requérir un
groupe ou un individu à comparaître en commission.
M. Fallu: Néanmoins, je veux précisément
mettre l'emphase sur le verbe "requérir" qui a un sens légal.
"Requérir", c'est requérir en justice, c'est-à-dire exiger
d'un témoin qu'il vienne témoigner. Le mot prend sa pleine
signification lorsqu'il fait partie d'une motion de l'Assemblée
nationale. L'article 153 prévoit le mécanisme du refus,
c'est-à-dire la convocation par le président.
Nous avions, de part et d'autre, hésité à utiliser
le mot "requérir" dans notre motion. Nous avons plutôt choisi le
mot "inviter", donc, un mot qui n'apparaît pas au règlement et qui
n'exerce aucune forme de contrainte. Pour nous, il était évident,
de part et d'autre, que c'était une invitation faite de bonne foi, qui
ne préjugeait pas de la mauvaise foi de l'autre partie et qui
n'enclenchait pas, en conséquence, les mécanismes prévus
par l'article 153 en cas de refus.
Je pense que pour une commission parlementaire, il y a deux attitudes
possibles. Il y a une attitude non parlementaire. Nous avons déjà
utilisé l'attitude non parlementaire lorsque, ensemble, nous avons fait
une excursion à Mirabel. Cette excursion n'avait rien de parlementaire.
C'étaient simplement les parlementaires en tant qu'individus qui
s'étaient regroupés sur le territoire de Mirabel et qui
étaient allés voir de visu la situation au moment où les
jachères étaient encore visibles avant la tombée de la
neige, au moment où on pouvait encore percevoir assez bien l'état
des cultures qui s'achevaient à ce moment, puisqu'une partie de la
récolte même de maïs n'était pas encore
engrangée.
L'attitude parlementaire - M. le chef de l'Opposition l'a redit et je
pense, d'ailleurs, que les intervenants du milieu nous avaient même un
peu sollicités à cet égard -c'est la dignité du
Parlement, c'est la présence à l'Assemblée nationale,
selon notre règlement.
Comme commission parlementaire, s'il nous fallait éventuellement
retourner à Mirabel, nous ne serions plus une commission parlementaire.
Nous n'aurions aucun mandat
de l'Assemblée nationale. Nous ne serions plus que des individus,
député d'un comté ou de l'autre, ministre d'un
gouvernement, député du propre comté d'Argenteuil. Ce ne
serait qu'une simple rencontre privée. Je ne sache pas que le
règlement de l'Assemblée nationale ait en aucun cas prévu
de telles rencontres. Il y a quelques années, la commission
parlementaire était allée à SIDBEC. Il y a quelques
années, la commission parlementaire était allée à
la Baie-James, volontairement, délibérément, de son propre
chef, mais ne constituant en aucune façon un mécanisme
parlementaire, le rapport n'étant consigné nulle part, les
débats, les échanges n'étant nullement publics.
La dernière fois, nous avons hésité à
utiliser le règlement. Je me demande aujourd'hui s'il ne faut pas le
faire. Toutefois, je me permettrai peut-être une suggestion qui serait
exactement la même que celle que j'ai faite il y a quinze jours, à
savoir que, entre nous, nous laissions dormir ce sujet de débat pendant
quelques heures et qu'en cours de journée nous puissions - parti
ministériel et Parti libéral - nous en reparler un peu à
l'arrière du "trône". Ainsi, nous pourrions entendre nos
invités, puisque nous sommes requis, pour notre part, ce matin, au sens
législatif du terme, à cette commission pour les entendre. En
cours de journée, que nous puissions, dis-je, par des échanges
privés, peut-être, nous ajuster et faire le bilan en fin de
journée pour déterminer quel mécanisme nous pourrions
utiliser; mécanisme parlementaire, il va sans dire. Or, M. le
Président, telle serait ma suggestion: que nous laissions dormir pendant
quelques heures ce débat.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Champlain.
M. Gagnon: Le laisser dormir pendant quelques heures, je serais
d'accord avec la suggestion. Pour répondre au député
d'Argenteuil en ce qui concerne des rencontres qui pourraient avoir lieu
privément, quant à moi, je suis fier de cette commission, car,
depuis treize ans, c'est un dossier qui a été traité plus
ou moins privément et souvent plus à huis clos que
publiquement.
Lorsqu'on entend la quantité de témoins qui sont venus
ici, devant la commission, on a des révélations qui nous portent
à poser des questions, à savoir si réellement il n'y
aurait pas un peu d'exagération. J'ai entendu des questions à la
dernière séance comme: Êtes-vous bien conscients, est-ce
que vous pouvez nous donner des preuves de ces chiffres, etc? Je pense que le
but de la commission parlementaire, c'est justement de faire la lumière
publiquement sur le dossier de Mirabel. Je m'opposerais, comme membre de cette
commission, à dire: II y a un certain nombre de témoins qui
viennent témoigner publiquement, qui témoignent d'un vécu
qui parfois n'est pas facile à conter publiquement et, comme le disait
le ministre pour les organismes publics, on va plutôt faire des
rencontres à huis clos.
Même lors de la rencontre qu'on a eue sur le territoire de
Mirabel, lorsque le ministre de l'Agriculture a organisé cette
rencontre, il a tenu à ce que des journalistes nous accompagnent, de
façon que, toute la journée, tout ce qu'on verrait pourrait
être rendu public si on le jugeait à propos. Je pense que c'est
absolument important que les organismes responsables du territoire soient
entendus à cette commission, qu'on prenne les moyens pour les faire
entendre et que ce ne soit pas à huis clos, mais que ce soit public de
façon que la lumière sur le dossier de Mirabel soit faite au
complet et que la population puisse juger de la situation. (11 h 15)
Je n'ai rien contre le fait qu'on prenne un certain nombre d'heures pour
penser aux moyens qu'on pourrait prendre, mais je m'opposerais si on prenait un
moyen pour aller entendre privément un certain nombre d'organismes qui,
eux, ne sont certainement pas censés avoir quelque chose à cacher
parce que ce sont des organismes publics. Il ne s'agit pas de commencer une
polémique, une bataille; il s'agit, tout simplement, qu'on ressorte de
cette commission en ayant fait, le plus possible, la lumière sur la
situation à Mirabel. Dans ce sens, j'aimerais qu'on y revienne avant la
fin de la journée pour voir quels moyens la commission pourrait prendre.
Une chose est certaine, cependant, c'est que je m'opposerais si ce
n'était pas un moyen pour les entendre publiquement.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Encore une fois, je suis content de la suggestion qui a
été faite par le député de Groulx et je l'accepte
volontiers. Je voudrais, cependant, souligner une chose. Nous ne sommes pas en
face d'un cas ordinaire. Nous transigeons avec un autre gouvernement qui
opère à un autre niveau de compétence. Je pense qu'avant
de se lancer dans une résolution il faut examiner toutes les
implications de cela. Il faut aussi se demander, voyant les implications que
nous ne connaissons pas entièrement, actuellement, si tous les autres
recours ont été épuisés avant d'en venir
là.
J'ajoute seulement, pour votre réflexion et la nôtre aussi,
que, quand j'ai parlé d'une rencontre, je n'ai pas proposé que la
rencontre soit privée. Si elle peut être publique, c'est tant
mieux. Ce qui m'intéresse, c'est l'information réelle. Je trouve
que la commission en a absolument
besoin et qu'on doit penser aux problèmes qui se
présentent à nous dans cette perspective-là. On peut bien
chercher à faire du millage et dire: Toi, tu n'as pas voulu y aller, moi
j'ai voulu y aller. Ce sont des jeux de gymnastique qui ne conduisent nulle
part. On est en face d'un problème qui ne dépend pas de moi. Ce
n'est pas moi qui ai créé le problème. On essaie de le
résoudre, on est tous dans la même position et on va y penser dans
cet esprit-là au cours de la journée. Je serai volontiers
disponible pour les entretiens là-dessus.
M. Gagnon: Si vous me le permettez, M. le Président, juste
pour enchaîner.
Le Président (M. Rochefort): Allez-y!
M. Gagnon: Ce qui m'intéresse, moi aussi, c'est qu'on ait
fait la lumière, c'est-à-dire qu'on comprenne le dossier, mais
qu'en même temps la population, et surtout la population de Mirabel,
comprenne aussi le dossier. À ce moment-là, ce n'est pas de
l'information qu'on peut obtenir individuellement qui va faire en sorte que le
dossier sera compris par l'ensemble de la population et qu'on appuiera
certaines revendications de la population, si c'est nécessaire.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: M. le Président, pour qu'il n'y ait pas
d'interprétation contraire à ce qu'on vient de vivre, j'ai bien
entendu le député d'Argenteuil faire une suggestion et non une
requête formelle pour que la commission parlementaire se transporte
à Mirabel. C'était une suggestion dans le but d'obtenir plus de
lumière, toute la lumière dont nous avons besoin. Je pense qu'il
ne faudrait pas qu'il y ait de fausse interprétation
là-dessus.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Je voudrais ajouter aux propos du
député d'Argenteuil que je suis entièrement d'accord pour
qu'on aille chercher le plus de renseignements possible et tout
l'éclairage possible non seulement en tant qu'individus, mais en tant
que commission. En dehors de cela, cela ne servirait pas l'intérêt
pour lequel la commission a été mise sur pied.
M. Mathieu: Tout le monde est d'accord.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: Très respectueusement, je suggérerais
qu'on commence l'audition des témoins.
Le Président (M. Rochefort): Vous comprendrez que nous en
serons là, M. le député de Rousseau, lorsqu'il n'y aura
plus de demandes d'intervention sur des questions d'ouverture. Est-ce qu'on est
rendu à ce moment-là? Oui? Bon!
M. Ryan: II y aurait peut-être...
Le Président (M. Rochefort): Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: ... une dernière clarification. J'avais fait deux
suggestions et je ne sais pas si le ministre a répondu à la
première. Il peut peut-être vouloir la prendre en...
M. Garon: De téléphoner au ministre LeBlanc?
M. Ryan: Oui.
M. Garon: Je suis d'accord.
M. Ryan: D'accord.
M. Garon: On peut même essayer de communiquer avec lui
immédiatement.
M. Ryan: Pour demander une rencontre. M. Garon: Demander
une rencontre. M. Ryan: C'était ma suggestion. M. Garon:
Une rencontre sur quoi?
M. Ryan: Entre vous et lui. Il me semble qu'une rencontre irait
mieux qu'un appel téléphonique entre deux témoins.
M. Garon: Mais une rencontre pour que vienne...
M. Ryan: On va l'enregistrer, on va vous arranger ça.
M. Garon: ... devant la commission parlementaire la
Société immobilière?
M. Ryan: C'est l'esprit de la suggestion que j'ai faite, que vous
ayez une rencontre avec lui dans les plus brefs délais pour lui
expliquer tout cet exercice qu'on est en train de faire et essayer de l'aider
à comprendre. Apparemment, il ne comprend pas. Vous avez des dons
d'expression remarquables, vous pourriez les employer sur une autre
scène pendant quelques moments. En tout cas, c'était la
suggestion que je vous faisais.
M. Garon: Je n'ai pas d'objection à essayer de rencontrer
M. LeBlanc, au contraire. Je peux même vous dire que je vais essayer de
le rencontrer si cela peut aider. Je vais communiquer avec lui aujourd'hui
même, si c'est possible, pour lui demander une rencontre. Je n'ai aucune
objection à cela.
Essentiellement, le but de l'exercice, c'est de rendre des
témoignages publics. Je vous avoue que je ne comprends pas les
représentants de la Société immobilière du Canada.
J'ai l'impression qu'ils ne veulent pas faire le voyage à Québec.
Cela pourrait être une raison. On irait les rencontrer pour montrer
qu'ils sont au-dessus des instruments de l'Assemblée nationale du
Québec. Je ne peux pas trop voir pourquoi ils ne veulent pas venir
devant la commission parlementaire. Au fond, qu'il y ait eu une erreur
d'expropriation au point de départ, tout le monde l'admet. Je pense
qu'aujourd'hui tout le monde l'admet. D'ailleurs, qu'ils soient obligés
de remettre des terres en vente, c'est la preuve qu'ils en ont trop
exproprié, autrement, ils n'en remettraient pas en vente. Cela est
admis. Il s'agirait de regarder cela ensemble.
Un des points importants, c'est de savoir qui va acquérir des
terres éventuellement et à quel prix. Je sais qu'un des points
importants concerne les occupants actuels. Il y a des occupants de bonne foi et
il y a des occupants... Quand ce sont des fonctionnaires du gouvernement
fédéral qui ont tassé les cultivateurs pour prendre leur
place, je ne suis pas convaincu qu'on peut les appeler des occupants de bonne
foi, surtout quand ce sont ceux de la Société immobilière
du Canada. Dans certains cas, des témoins pourraient nous dire de quelle
façon ils ont été forcés de quitter leur maison,
parce qu'il y a des fonctionnaires qui voulaient avoir leur maison, et à
quel point les gens ont eu des difficultés à ce point de vue.
C'est là-dessus que la Société immobilière
du Canada pourrait nous donner des renseignements. Évidemment, on a des
noms. Des gens connaissent des voisins; ils ont des noms. Mais on n'a pas fait
une enquête systématique pour savoir le nombre d'occupants qui
sont des gens de la Société immobilière du Canada ou qui
sont des fonctionnaires du ministère fédéral des
Transports qui travaillent à Mirabel. Je pense que cela pose un
problème moral. Si on parle de quelqu'un qui est venu occuper une
résidence dont les liens étaient à distance, comme on dit
en termes d'impôt, avec le locateur, cela n'a pas toujours
été le cas. Il y a toutes sortes de choses qu'on dit.
Il y a des données qu'on possède et d'autres pas. On dit,
par exemple, dans certains cas, qu'on a loué, qu'on a fait beaucoup de
travaux de réparations et que le loyer n'a pas augmenté. Dans
d'autres cas, il n'y a presque pas eu de travaux et le loyer a beaucoup
augmenté. Des gens sont venus à la commission et nous ont
indiqué, par exemple, que, maintenant, dans le bail, on leur
défendait d'afficher, qu'ils n'ont plus le droit d'afficher. Il y en a
qui ont écrit des slogans sur leurs bâtiments de ferme. Cela a
trait à tous les partis politiques. À un moment donné,
c'était: "Le Crédit social s'en vient". J'ai vu cela souvent dans
la Beauce. D'autres disaient: "Le Crédit social s'en va". Il y en a
d'autres qui ont eu des slogans au cours des élections de 1976. Je me
rappelle qu'il y en a eu d'écrits sur les granges. J'ai vu
différentes choses à différents endroits. Mais que dans
des baux avec une société publique fédérale on
interdise maintenant aux gens d'afficher des opinions sur une terre dont ils
sont les locataires, écoutez, on est rendu loin! Est-ce que M. LeBlanc
est au courant de cela? Est-ce que M. Trudeau est au courant de cela? M. Goyer
doit être au courant. C'est M. Trudeau qui parle des droits de l'homme.
C'est rendu que les sociétés fédérales vont
interdire aux gens d'exprimer leur opinion sur leur propriété ou
sur une terre dont ils sont les locataires et dont ils étaient les
propriétaires auparavant et d'où ils ont été
expropriés pour rien. Je ne sais pas. Les gens qui ont des
préoccupations pour les droits de l'homme, il me semble que cela devrait
les inquiéter. Je suis un peu étonné de l'attitude des
organismes qui, normalement, sont préoccupés par ces questions,
actuellement, par rapport aux gens de Mirabel qui forment un petit groupe, qui
n'ont pas reçu pendant des années d'argent du fonds
consolidé. Il me semble que notre rôle, si on avait à
être subjectif - même si on devrait être objectif - c'est
d'être en faveur des gens les plus démunis; pas en faveur des gens
les plus forts, pas en faveur des gens qui reçoivent de l'argent du
fonds consolidé fédéral. Il me semble que, si on a une
erreur à faire, c'est peut-être en étant subjectif et en
prenant un peu pour ceux qui seront les plus "maganés" dans cette
opération, pas pour ceux qui seront avantagés.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Seulement un mot, M. le Président.
J'écoutais les propos du ministre et je pense qu'il a manqué une
partie de la discussion qui a précédé son intervention.
Sur la deuxième suggestion que j'avais faite, le député de
Groulx a fait une proposition. Il a demandé qu'on se donne quelques
heures de réflexions pour voir quel serait le meilleur moyen de donner
suite à cela. Moi, j'ai indiqué notre accord et, si vous voulez
procéder comme cela, cela nous permettrait de passer à l'audition
des témoins ce matin;
les autres points, on les abordera en temps utile.
M. Garon: Cela va.
Le Président (M. Rochefort): Cela va, on s'entend
là-dessus? Alors, sans plus tarder, j'inviterais les
représentants du Parti conservateur du Canada à prendre place
à la table à l'avant et à nous présenter leur
mémoire. Bienvenue à la commission. Je vous demanderais, pour les
fins du journal des Débats, de vous présenter, de
présenter les personnes qui vous accompagnent et, ensuite, de nous faire
la présentation de votre mémoire.
Parti conservateur du Canada
M. Fennel (Scott): Je suis Scott Fennel, MP.
M. Saint-Pierre (Serge): Serge Saint-Pierre, coordinateur des
politiques, affaires québécoises, bureau de la recherche du Parti
conservateur.
M. Fennel: M. le Président, M. le ministre et MM. les
députés, I have to give my expression in English and Serge will
give the presentation in French.
I am here because of my involvement with the Pickering Airport for the
last many years. It is a different situation with Mirabel because in Pickering,
the people were fairly treated, because of anger on their part and fighting for
their rights. In Mirabel, it was a different situation where the land was taken
away at an unreasonable price. So, I feel very strongly about these two serious
mistakes made by the Federal Government. I have spoken on behalf of the people
of Mirabel to my caucus. We have a very strong position to return the land to
the people and we also have a formula which we have not completely identified
as to the cost of returning that land. I will turn this over to Serge
Saint-Pierre. (11 h 30)
M. Saint-Pierre: Pour les francophones qui n'auraient pas
compris, M. Fennel vient simplement de dire qu'il vient de la circonscription
d'Ontario, à l'est de Toronto, et que, dans son propre comté, il
y a le fameux site de l'aéroport de Pickering, qu'il a été
impliqué, lui aussi, dans le dossier là-bas. Les gens de
Pickering ont été relativement bien traités
comparativement aux gens de Mirabel, probablement parce qu'ils ont plus
combattu pour leurs droits que les gens de Mirabel, qui ont, peut-être,
plus fait confiance, à ce moment-là. Selon M. Fennel, à
Mirabel, les gens ont reçu un prix d'expropriation qui était - je
peux difficilement traduire le terme - moins que celui de Pickering.
M. Fennel a présenté au caucus du Parti conservateur, la
semaine dernière, une position qu'il a qualifiée de forte et la
réaction du caucus à cela a été un applaudissement
général et à l'unanimité. Ce que je vais vous
présenter dans quelques instants. M. Fennel a aussi dit qu'il croit, de
même que le caucus, qu'on doit rétrocéder les terres
expropriées en trop et que lui-même présentera tantôt
une sorte de formule de rétrocession des terres. Donc, sans plus tarder,
je vais vous lire quelques pages, très simples, très courtes.
J'aimerais d'abord, au nom de M. Fennel, vous remercier de nous avoir
invités; cela nous fait extrêmement plaisir de venir participer
à cette commission parlementaire. Il nous fait donc plaisir d'être
ici aujourd'hui afin de présenter la position du Parti progressiste
conservateur du Canada relative à la rétrocession des terres
expropriées de Mirabel.
Nous aimerions, d'abord, remercier le gouvernement du Québec, de
même que cette commission, d'avoir pensé à nous inviter
à venir témoigner devant cette commission. Nous espérons
que cet esprit de coopération dont nous nous réjouissons sera
l'apanage des relations futures entre le nouveau gouvernement du Canada, enfin
nous l'espérons, et celui du Québec, esprit de coopération
qui n'a presque pas existé depuis quinze ans, si ce n'est lors d'une
trop brève période en 1979-1980, et dont un certain homme
d'État nous avait annoncé, lui-même, d'ailleurs, un jour,
la mort pour ensuite le ressusciter, comme lui-même d'ailleurs, lors d'un
discours feuilleton sur la colline des lamentations, comme se plaît
à la qualifier un journaliste d'Ottawa.
Quand nous parlons de fédéralisme coopératif, ce
principe s'applique bien au problème de Mirabel. Lorsque le Parti
progressiste conservateur fut au pouvoir, nous n'avions eu que très peu
de temps pour le prouver, mais nous l'avons appliqué à Mirabel le
8 février 1980 quand, sur avis du ministre du Revenu national et du
Conseil du trésor, nous avons émis une ordonnance de remise
d'impôt sur intérêt à Mirabel et à
Pickering.
Tous les politiciens ici dans cette salle, ainsi que tous ceux qui
connaissent la chose publique savent que six mois dans la vie d'un nouveau
gouvernement, c'est une période très courte. Mais, malgré
cela, trois ministres du gouvernement progressiste conservateur de
l'époque, celui des Travaux publics, celui des Transports et celui des
Relations fédérales-provinciales, travaillaient sur le dossier de
l'avenir des terres périphériques de Mirabel. Un malencontreux
accident de parcours mit fin temporairement à cet effort de redonner au
territoire sa vocation. Quelques mois de plus de gouvernement progressiste
conservateur à Ottawa auraient fort probablement suffi pour prouver
l'esprit de
fédéralisme coopératif qui anime notre parti. Notre
parti a la malchance d'avoir à réparer, trop souvent d'ailleurs,
les erreurs que l'autre parti a mis tant de soins et d'ardeur à
commettre. Nous ne citerons pas d'autres exemples, car il est question ici
d'une de ces erreurs magistrales du gouvernement fédéral
libéral, mais, si cela vous intéresse, nous nous ferons un
plaisir de faire parvenir une abondante documentation à tous ceux qui en
feront la demande.
Le problème du territoire exproprié de Mirabel n'est pas
un sujet qu'il faut traiter à la légère. Nous parlons
naturellement d'une question qui a mérité et mérite encore
une action plus qu'énergique et cette commission nous le prouve.
Plusieurs facteurs, tant humains et sociaux que techniques et politiques,
doivent être considérés afin que la solution du
problème qui nous préoccupe puisse enfin mettre un terme à
cette situation intolérable, autant pour les gens habitant le territoire
que pour les divers niveaux de gouvernement.
En 1969, le gouvernement fédéral expropriait 96 000 ou 97
000 acres de terre sur la rive nord du Saint-Laurent pour la construction de ce
qui devait être le plus grand aéroport au Canada. Treize
années plus tard, les prévisions et les promesses se sont
révélées complètement fausses et, parce que le
Parti progressiste conservateur est un tenant du fédéralisme
coopératif et respecte tout autant les Québécois que les
nombreux groupes et individus qui ont présenté des
mémoires devant cette commission, il n'est pas à douter un seul
instant que l'erreur du siècle commise par le gouvernement
libéral fédéral doit être corrigée dans les
plus brefs délais. Par conséquent, le Parti progressiste
conservateur du Canada, conscient des torts faits aux gens de cette
région du Québec, est solidaire du principe de la
rétrocession des terres expropriées en trop à Mirabel.
Étant donné que l'aéroport international de Mirabel
sera, avec ses 17 000 acres de superficie, le plus grand aéroport au
monde, semblable, si l'on veut, à Dallas-Port Worth, qui a 17 000 acres,
à Chicago, qui a 7000 acres de superficie, à Toronto, qui a 4200
acres de superficie, et à l'aéroport Kennedy à New York,
qui a 4900 acres; étant donné que les lois existantes, tant
fédérales que provinciales, protègent adéquatement
l'aéroport et que les terres expropriées sont parmi les
meilleures terres agricoles de la province de Québec; étant
donné que le gouvernement fédéral a fait souffrir une
population et qu'il n'a pas le droit de continuer à le faire;
étant donné que le gouvernement fédéral a la
responsabilité politique et sociale de réparer les erreurs qu'il
a commises; étant donné que la vocation agricole est celle qui
est la plus compatible avec les activités aéroportuaires;
étant donné que le Parti progressiste conservateur respecte le
principe de la propriété privée vis-à-vis du mode
de tenure des terres et se bat contre l'ingérence abusive de
l'État et la création inutile de sociétés de la
couronne;
En conséquence, un gouvernement du PC mettrait
immédiatement en marche le processus de la rétrocession des 80
000 acres de terres expropriées en trop à Mirabel; un
gouvernement du Parti progressiste conservateur mettrait sur pied, dans les
plus brefs délais, un mécanisme favorisant une
rétrocession rapide et humaine qui respecterait le milieu, permettant le
développement communautaire normal que l'on retrouve partout ailleurs au
Québec et au Canada.
Je vous remercie. Nous sommes prêts pour les questions.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Garon: Je voudrais remercier M. Fennel d'avoir accepté
de rencontrer la commission parlementaire au nom du Parti progressiste
conservateur du Canada, ainsi que M. Saint-Pierre, qui l'accompagne.
La conclusion à laquelle le Parti conservateur arrive, c'est
qu'il devrait y avoir une remise de 80 000 acres de terres expropriées
en trop à Mirabel. Dans certains cas, selon les témoignages que
nous avons eus ici à la commission, certains ont dit qu'avec 5000 acres
il y aurait encore un surplus. Avec 5000 acres, on pourrait aller
jusqu'à l'an 2023. Quand le Parti conservateur dit que cela devrait
être 80 000 acres, cela veut-il dire qu'il estime qu'il doit être
gardé entre 16 000 et 17 000 acres autour de l'aéroport ou s'il
pense que, dans la partie entre les 5000 acres et les 17 000 acres, cela serait
loué ou est-ce que cela pourrait être utilisé pour des fins
agricoles en attendant les besoins pour louer avec des baux particuliers?
Si on regarde le territoire comme il faut, je vais vous montrer... Ce ne
sera pas enregistré. La zone utilisée actuellement, c'est la zone
1, phase 1. Elle comprend 5200 acres; si on prend l'autre partie d'ici, on
arrive à 17 000 acres. Mais, dans la deuxième partie, entre 5000
et 17 000 acres, il y a 12 000 acres qui sont presqu'à 100%
d'excellentes terres; il n'y a même pas de boisés là. Vu
que toutes les prévisions qu'on a eues du ministère des
Transports du Québec, qui est venu témoigner ici, nous disent
qu'il semble que les 5000 acres actuelles pourraient suffire jusqu'en l'an
2023, c'est donc dire qu'on pourrait penser en termes de baux à long
terme, peut-être de baux emphytéotiques, je ne sais pas, pour la
superficie qui excède les 5000 acres. On pourrait aller jusqu'à
17 000 acres et l'excédent des 17 000 acres pourrait être
vendu. Est-ce cela que vous avez à l'esprit?
M. Saint-Pierre: Le caucus s'est mis d'accord que 80 000, c'est
réellement excédentaire. Sur les 17 000 acres qui restent,
naturellement, 5000 acres représentent déjà une grande
superficie pour un aéroport. La différence, 12 000 acres, pour
l'instant, et cela est à l'étude, on considère que cela
devrait être en location parce que cela a une vocation agricole, mais on
n'a pas pris de position stricte puisqu'on est encore à étudier
la chose. Naturellement, cela devrait être loué pour de
l'agriculture et non laissé en friche ou quoi que ce soit.
Quant à la mécanique d'application de cette location,
disons qu'on ne l'a pas encore établie en tant que telle. Il y aurait
sûrement lieu d'en discuter avec les instances des divers
ministères fédéraux, de même que le gouvernement du
Québec.
M. Garon: Les études démontrent que l'agriculture
sur le territoire qui entoure un aéroport, c'est la meilleure vocation
parce qu'il y a moins d'oiseaux nuisibles que lorsqu'il y a des friches.
Lorsqu'il y a des friches, les oiseaux viennent nidifier dans cela et là
il y a des problèmes pour les aéroports. Souvent, quand il n'y a
pas d'agriculture, on encourage à faire de l'agriculture pour
éliminer les nuisances à l'aéroport.
Sur le plan moral, que pensez-vous de la décision de revendre des
résidences et des terres à d'autres personnes que celles qu'on a
évincées en 1969? Dans votre esprit, quel devrait être
l'ordre de priorités de rétrocession ou de revente des terres,
selon qu'on emploie l'un ou l'autre terme? À qui le Parti conservateur,
s'il était au pouvoir, revendrait-il les résidences et les
terres? J'explique le problème. Il y en a certains qui disent aux
occupants actuels: Pensez-vous que des fonctionnaires fédéraux
pourraient avoir le droit d'acquérir ces terres, étant
donné que ce sont des fonctionnaires eux-mêmes? Souvent, ce sont
des copains qui travaillent dans les mêmes bureaux, qui sont les
locataires actuels. Souvent même, ce sont des employés de la
Société immobilière du Canada qui sont locataires ou des
employés du ministère des Transports, ou des gens qui travaillent
à l'aéroport de Mirabel.
M. Saint-Pierre: La position du caucus conservateur n'est pas
prise quant à cela; c'est au stade de la discussion. M. Fennel, en tant
que critique des Travaux publics, a établi une position personnelle
qu'il va présenter au caucus dans les semaines qui viennent. Cela se lit
comme suit: L'ordre de priorités de rétrocession des terres -
parce qu'il faut bien employer, croyons-nous, le terme "rétrocession" et
non "vente" vu qu'on parle de choses différentes à ce moment - le
premier groupe serait les propriétaires avant l'expropriation ou leurs
descendants directs. À ces gens, on a établi une sorte de
mécanique de prix, si l'on veut. Cela serait le moindre du prix original
de la terre, moins les... Pardon?
M. Garon: Restons-en d'abord à qui on vend.
M. Saint-Pierre: Aux groupes en tant que tels, d'accord.
M. Garon: On parlera du prix après.
M. Saint-Pierre: On parlera de cela après, d'accord, aucun
problème. Le deuxième groupe serait les locataires, s'il y en
avait avant l'expropriation; le troisième groupe serait les autres
locataires existants; un quatrième groupe cible serait de jeunes
fermiers - on sait qu'on manque de terres au Québec - ;le
cinquième groupe, le public en général. (11 h 45)
M. Garon: Maintenant, quelle part considérez-vous que
pourraient acquérir les fonctionnaires de la Société
immobilière du Canada, eux-mêmes, ou leur famille
immédiate?
M. Saint-Pierre: Nous sommes d'accord tous les deux
là-dessus. Ils font partie de la cinquième catégorie, le
public en général. Il y a quand même un ordre de
priorités, c'est-à-dire qu'à la façon dont on voit
la formulation les propriétaires avant l'expropriation ont le premier
choix. C'est à eux qu'on a fait du tort et à leurs descendants
parce qu'on connaît le phénomène de l'agriculture au
Québec qui est de type familial. Donc, si on détruit cette
structure, à ce moment-là si on veut leur redonner un peu, il
faut donner la priorité à ces gens-là d'abord.
On a parlé aussi de locataires. On a parlé d'autres
locataires existants actuellement et jeunes fermiers, mais le public en
général, c'est franchement ceux qui seraient
intéressés par les terres en dernière instance,
après avoir passé les premières catégories.
M. Garon: Que pensez-vous de la décision du cabinet
fédéral de se réserver une partie du territoire de la
ville de Lachute afin d'agir lui-même comme développeur et de la
revendre lui-même -c'est-à-dire le gouvernement
fédéral - à des fins industrielles ou commerciales, et de
garder lui-même la plus-value?
M. Saint-Pierre: Est-ce qu'on parle de la Société
immobilière du Canada qui fait ce jeu d'achat et de vente?
M. Garon: Je vais vous indiquer un terrain. Dans la remise en
vente, la revente des terres par la Société immobilière du
Canada, on réserve un carré, et on calcule qu'on pourrait le
vendre à des compagnies pour se développer et le gouvernement
fédéral décide de faire la spéculation
lui-même. La partie jaune est la partie qui doit être revendue,
sauf cette partie ici. Apparemment, il voudrait vendre des terrains
lui-même pour du développement.
M. Saint-Pierre: On parle de développement industriel,
c'est bien cela?
M. Garon: Possiblement. Parce qu'il a vendu 3500 $ l'acre un
terrain qu'il avait exproprié à 200 $ ou 300 $ l'acre. Alors, il
espère faire - je pense bien - des profits lui-même.
M. Saint-Pierre: Selon M. Fennel, cela ne pourrait pas être
une décision unilatérale fédérale quant à ce
carré sur lequel on trouve déjà une compagnie à qui
on a vendu, comme vous le disiez il y a quelques instants, une partie de
terrain. Cela devrait être discuté avec le gouvernement du
Québec et les gens de la région si ce sont des terres propres
à l'agriculture. Est-ce qu'elles en sont? Est-ce que c'est simplement un
boisé? C'est difficile à voir d'ici.
M. Garon: M. Fennel peut parler anglais s'il le veut, il n'y a
pas de problème. Ici, il y a des gens qui parlent anglais ou
français. M. Dean est lui-même de langue anglaise, par son
père. Je ne sais pas par sa mère. Moi, ma mère est
Irlandaise. M. Ryan, je pense que c'est son père. On est un peu
mélangé.
M. Ryan: On n'a pas la liste complète, nous autres.
M. Garon: Moi, non plus.
M. Saint-Pierre: Puis-je faire une suggestion? Pour les membres
de la commission, M. Fennel pourrait peut-être répondre
directement et donner les explications et je pourrais résumer
succinctement en peut-être dix ou vingt secondes.
M. Garon: Cela serait parfait.
M. Saint-Pierre: Cela irait comme ça?
M. Garon: Oui.
M. Saint-Pierre: Aucun problème.
Mr Fennel: I would like to give it in French, and I apologize
because I feel it is the people behind me that we are talking about and I would
like them to know where we stand. I feel that square that your are referring
to, which is Great Lakes Carbon, we do not have, being in the Opposition,
adequate information about it. We have been told there are carbon deposits
there and so I have to assume, because we do not get the inside information, I
stated that we should have a co-operation with the province of Québec on
whose land it is, and the people of its surrounding area before any decision
can be made on that one square.
M. Garon: Je dois reconnaître, M. le Président, que
pendant le court laps de temps où les conservateurs ont
été au pouvoir, en 1979 et au début de 1980, il y a eu des
rencontres. Les rencontres étaient terminées et la
décision devait être prise par le gouvernement conservateur dans
le temps, un peu avant février 1980. Apparemment, la décision
aurait été prise par le cabinet conservateur, mais elle n'a pas
été rendue publique parce que la période électorale
était arrivée et on craignait les retombées
négatives, comme on dit, en Ontario parce que le règlement aurait
été avantageux pour les gens de Mirabel. C'est ce qu'on m'a dit
dans le temps et je pourrais dire, pour les fonctionnaires de mon
ministère, de même que M. Gagnon de mon cabinet qui ont
participé à ces rencontres, qu'il y avait véritablement un
esprit de collaboration entre les représentants du gouvernement
conservateur du temps et les gens de mon ministère. Je ne le dis pas
pour des raisons politiques - je ne suis pas connu comme quelqu'un qui appuie
le Parti conservateur, au contraire, pas plus le Parti libéral,
remarquez bien - mais parce que c'est vrai. Les rencontres ont eu lieu au cours
de l'été et de l'automne - au mois d'août et au mois de
novembre, si ma mémoire est bonne - et ont mené à la
conclusion que les conservateurs étaient d'accord pour la
rétrocession des terres. En gros, ce dont on discutait à ce
moment-là comme principe tournait autour de ces questions. On m'a dit
qu'une décision avait été prise. Je n'ai jamais eu la
décision du Conseil des ministres. Ce que j'ai eu, c'est une copie du
mémoire qui avait été acheminé au Conseil des
ministres.
Maintenant, est-ce qu'on pourrait me dire à quel prix on pense
que la rétrocession devrait se faire par rapport au prix payé
lors de l'expropriation par le gouvernement fédéral? Est-ce que
le prix serait différent selon qu'on vendrait à des
expropriés ou à leurs descendants, à des locataires avant
l'expropriation, aux locataires actuels ou encore à d'autres fermiers ou
au grand public?
Mr Fennel: Yes, they definitely will be. The people that were
affected the most
were the original landowners and the tenants at the beginning. They were
the people who had their land taken away from them and that land should be
returned to them at a basic cost plus interest. The overall agreement that we
were working towards with your government in 1979 was that to recover the cost
over a period of time of the original cost of the expropriation. I have to
really go down to the fifth group which is the general public, it should pay
the market price to protect the real estate area in the whole surrounding
district. In between that, we are referring to tenants that have come into the
area, young farmers who should be given an opportunity. Yes, it is the tenant
and existing tenants; there is a group in there where we have to negotiate with
those people and they have to be involved in it, because we have two extremes,
but there is a group in between. There may be some people that have been there
for fifteen years or it may be somebody whose familly had owned it before. The
people's direct descendents will be treated as the original landowners. It is
that other group for which we cannot, at this time, give exact figures. I have
come up with a temporary one, but I would just as soon not present it yet. It
is a concept... Those people will fit in somewhere between the cost and the
market value. But it will lean hopefully more towards the cost.
M. Saint-Pierre: Rapidement, M. Fennel vient simplement de dire
qu'on irait d'après le même ordre qu'on a présenté
tantôt: les propriétaires avant l'expropriation. On a
évalué une sorte de formule de prix. Si on veut, ce serait le
moindre du prix original de la terre, moins les édifices démolis,
plus, peut-être, un certain intérêt encouru de la date de
l'expropriation à celle du rachat, ou la valeur marchande actuelle, pour
ne pas surestimer ou sous-estimer par rapport à la région en tant
que telle. Mais il faut bien comprendre que cette formule est temporaire, elle
n'est pas encore acceptée par le caucus et cela prête
sûrement à une discussion "coopérative" autant avec les
gens de la région qu'avec le gouvernement provincial. Ce qu'on veut le
plus possible, c'est se rapprocher du prix original de l'expropriation.
Naturellement, après les propriétaires avant
l'expropriation ou leurs descendants directs, il y a les locataires avant
l'expropriation; s'il y en avait, c'est la même formule - je n'aime pas
le terme - de revente. Ensuite, aux autres locataires existants, le prix du
marché, peut-être moins 25%; pour les jeunes fermiers, c'est la
même formule et pour le public en général, c'est
réellement et carrément le prix du marché, une fois qu'on
aura passé au travers de toutes ces catégories.
M. Garon: À Pickering, il y a eu expropriation et, je
pense, rétrocession des terres. Est-ce que je me trompe?
M. Saint-Pierre: Non, à Pickering, c'est gelé.
M. Garon: C'est gelé actuellement, il n'y a pas eu de
rétrocession.
M. Fennel: No. There is a different problem in Pickering. The
land that was expropriated for 3000 $ an acre is now worth 1000 $ an acre.
M. Saint-Pierre: Pour ceux qui n'auraient pas compris, à
Pickering, les terres qui ont été expropriées à
3000 $ l'acre, aujourd'hui, valent 1000 $ l'acre. Donc, il n'y a pas de
rétrocession ni de revente possible. Comme ils disent en anglais
"bushes".
M. Garon: Alors, les terres sont demeurées gelées
à Pickering depuis ce temps.
M. Fennel: It is frozen at this time.
M. Garon: Est-ce que c'est administré par une corporation
du genre de la Société immobilière du Canada?
M. Fennel: No, it is managed by Public Works Canada. It is
intrusting... I would just like to make this note: When I drove into the
Mirabel property, I could not tell the difference from driving into the
Pickering property, because the surrounding farmland is all well maintained
buildings and farmland. You get into the airport property and there are dead
trees and buildings falling down. So there is no difference between the two
areas.
M. Saint-Pierre: Donc, le site de Pickering est administré
non par une société de la couronne fédérale, mais
par le ministère des Travaux publics. M. Fennel nous disait simplement
que, lorsqu'il est allé pour la première fois à Mirabel,
il a vu la ressemblance entre les deux sites, en ce sens qu'il y a eu une
détérioration extraordinaire des bâtiments de ferme, des
terres etc. C'est très similaire.
M. Garon: Est-ce qu'il y a eu des locations à long terme
ou des locations à court terme de terres à Pickering?
M. Fennel: They stated that they were giving ten-year leases. I
got one of the first ten-year leases and it had a 30-day escape clause. So, in
essence, they are 30-day leases. (12 heures)
M. Saint-Pierre: Donc, il y a eu des locations à moyen
terme de 10 ans. Il y a une clause de la location qui dit qu'au bout de trente
jours on peut la résilier. En définitive, ce sont des locations
de trente jours. N'importe quand le gouvernement peut casser le bail.
M. Garon: À trente jours d'avis.
M. Saint-Pierre: À trente jours d'avis.
M. Garon: À Pickering.
M. Saint-Pierre: À Pickering, oui.
M. Garon: Est-ce que les conservateurs, qui peuvent poser des
questions en Chambre, ont déjà demandé le nombre de
fonctionnaires, sur le territoire de Mirabel, auxquels on avait loué des
terres, auxquels la Société immobilière du Canada avait
loué des terres?
M. Saint-Pierre: Pardon? Je n'ai pas compris votre dernier
commentaire.
M. Garon: Est-ce qu'on a déjà posé la
question en Chambre pour savoir quel est le nombre de fonctionnaires auxquels
la Société immobilière du Canada a loué des terres,
ses propres fonctionnaires ou des fonctionnaires de Transports Canada, qui sont
tout près? Est-ce qu'on s'est déjà enquis de ceux qui ont
loué des maisons ou des terres? Ce peuvent être des
résidences aussi qu'on aurait louées. Est-ce qu'on a
déjà posé la question: À qui a-t-on
loué?
M. Fennel: I have asked that question. I do not have an answer
but there are not a great many. I have been to most of the homes that are left
on the property during two elections in one year and it is predominantly people
that have moved out of Toronto but not necessarily...
Une voix: Not Pickering but Mirabel.
M. Fennel: Oh! Mirabel. So, I was talking about Pickering. I do
not know how many civil servants. We do not have access to the files.
M. Garon: Avez-vous posé une question au sujet de
Pickering?
Une voix: And Pickering?
M. Fennel: And Pickering? No, it has not been filled up with
civil servants.
M. Saint-Pierre: Donc, il n'y a pas de fonctionnaires de quelque
ministère que ce soit qui ont loué des maisons, d'après M.
Fennel, à la suite d'une question qu'il aurait posée à la
Chambre des communes. Comme il l'a dit, si jamais il y en avait, on n'a pas
accès aux dossiers en tant que tels.
Pour ce qui est de Mirabel, si je peux me permettre un commentaire, si
nous posions une telle question, peut-être que nous aurions une
réponse. Si on la déposait au feuilleton, peut-être que
ça prendrait un an avant d'avoir la réponse. On a des questions
qui sont là depuis cinq ans sans réponse, sur d'autres
dossiers.
M. Garon: Avez-vous déjà demandé le nombre
d'anciens députés, d'anciens ministres ou d'anciens candidats
libéraux défaits qui sont employés de la
Société immobilière du Canada?
M. Fennel: No, I have not. I will. M. Garon: You
should.
M. Saint-Pierre: Non, on ne l'a pas posée, mais on peut la
poser.
M. Fennel: It is a good question to ask the Minister
tomorrow.
Le President (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil.
M. Fennel: Just one point. I know there are not very many civil
servants living in Pickering because in my last election, I won just about
every poll by almost a unanimous count so, whoever lives there wants us to do
something about it.
Le President (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Si je comprends, bien M. Fennel, la position actuelle de
votre caucus est ce qui est exprimé dans le mémoire ici, et tout
le reste qui a été dit ce matin, pour l'instant, ce sont des
opinions personnelles que vous avez émises.
M. Fennel: I should state that what was stated on the paper was
what I was able to accomplish for a last caucus, last Wednesday. We were away
Thursday and Friday and it was during that period that I was able to get more
documentation but it is the unanimous consent of our caucus to return the lands
to the people and not make a profit but to get the cost back only.
M. Saint-Pierre: Tel que l'a dit M. Fennel, la position qui est
actuellement sur le document est celle qu'il a présentée au
caucus la semaine dernière, mercredi dernier. D'autres documents se sont
ajoutés en cours de route, mais, par contre, à Ottawa, jeudi et
vendredi, c'était congé. Je peux peut-être dire en son nom
qu'il va représenter sa
position personnelle au caucus pour discussion. On s'est mis d'accord
sur une chose au caucus, c'est qu'il faut rétrocéder les terres
sans faire de profit. Je crois l'avoir bien traduit, du moins, je
l'espère.
M. Ryan: Est-ce que je dois comprendre que M. Fennel est le
porte-parole du Parti conservateur dans ce dossier-ci?
M. Saint-Pierre: M. Fennel est le critique pour les Travaux
publics.
M. Ryan: Maintenant, le gouvernement fédéral a
annoncé depuis déjà plusieurs mois la politique qu'il
allait suivre dans le réaménagement du territoire
périphérique. On a fait allusion, aujourd'hui, plus tôt,
à une conférence de presse qu'avait donnée M. Fox au mois
de mai dernier, dans laquelle il annonçait les grandes lignes du
programme de revente de la Société immobilière du Canada.
Est-ce que le Parti conservateur a exprimé une opinion là-dessus?
Est-ce qu'il a formulé une critique au sujet de la politique suivie et
déjà mise en application partiellement par la
Société immobilière du Canada et est-ce qu'on pourrait
savoir quelle est cette politique?
M. Fennel: Yes, it was brought up in the House of Commons at that
time, they were challenged at that time, we never had any answers from them and
it was at that time that the people from CIAC approached came back to us. We
have been negotiating with them for the last year but said: Can we not get more
than the 30 000 acres and that is when we started looking at the whole
situation and reviewing what we were going to do in the 1979 period. But we did
challenge them on it as soon as they made the announcement.
M. Ryan: But there has not been anything like a detailed
criticism of the policy being now implemented by the Federal Government in the
area?
M. Fennel: In the House of Commons, there has been detailed
criticism of their approach to it but not a detailed criticism, as detailed as
we are going into now. Could I just explain that a Public Works Bill is coming
up and, in the third reading, I will be dealing with predominanbly the Mirabel
situation in a detailed way.
M. Ryan: Thank you. Dans la documentation que M. le ministre m'a
fait tenir, j'ai trouvé entre autres, à un moment donné,
un memorandum qui avait été soumis au cabinet, je pense que c'est
par M. Nielsen, qui était dans le temps Procureur général,
dans lequel il recommandait effectivement, comme l'a rappelé le ministre
tantôt, que le gouvernement fédéral en vienne à un
arrangement avec le Québec pour le retour de la responsabilité
à Québec dans ce domaine. Il disait: C'est très bien, mais
il faudrait que cela se fasse moyennant compensation financière. Il n'y
avait pas de détail là-dessus. Il n'y avait apparemment pas eu
d'entente sur ce point précis. Est-ce que vous êtes au courant, M.
Fennel, de la politique que M. Nielsen avait recommandée dans le temps
au gouvernement conservateur et est-ce que vous savez quelle politique il
entendait recommander, surtout pour la compensation financière?
M. Fennel: At that time, and I have been through the Cabinet
document, the policy was to return the land to the Province of Quebec in
consideration that the compensation was very hazy and was to be recovered from
the Province of Quebec as they resold the land. And that was the agreement but
it was never finalized. It was only in a draft format as a cabinet document and
it was basically that the land would be given to Quebec, in essence, for 1 $
but on the condition, as they sold the land, that the funds from the land would
be repaid until the full costs were recovered. It was fairly hazy, I have to
state, and the Minister agrees with me. It was not that specific at that time.
It was a general policy, that is all.
M. Ryan: Pendant que d'autres interrogeront M. Fennel, je vais
retrouver le document et je vous poserai une question à partir du texte
même. Il me semble que ce n'était pas aussi généreux
que vous le laissez entendre maintenant. On verra. On va sortir le document
tantôt. Je l'ai dans ma serviette. M. Fennel, vous dites: "Un
gouvernement du Parti conservateur mettrait sur pied dans les plus brefs
délais un mécanisme favorisant une rétrocession rapide et
humaine qui respecterait le milieu, etc." Quelques questions là-dessus.
D'abord, la politique que vous allez recommander à votre caucus en ce
qui concerne les terres, l'ordre de priorités pour ceux à qui les
terres seraient offertes et, deuxièmement, le prix, est-ce la même
que vous recommanderiez pour les résidences qui sont dans les
villages?
M. Fennel: Yes. The same policy should apply for the people who
live in villages, the people who have homes and as well was the farmers. So, it
should be the same for all people.
M. Ryan: Bien. Je vous pose la question. Supposez que vous aviez
une famille qui habitait une maison dans un village et qu'elle a
été expropriée. Elle a reçu un montant pour
l'expropriation,
montant qui a été considéré comme un
règlement à l'époque. Là, il y a une autre famille
qui est installée dans cette maison, disons, depuis dix ans. Vous
offririez la maison d'abord à la famille qui était là
avant, même si elle est déménagée à
Chicoutimi ou ailleurs? Vous trouvez que cette famille devrait se voir offrir
la maison avant celle qui occupe la maison depuis dix ans?
En ce qui touche le fonctionnaire, je ne sais pas si j'ai bien compris,
je trouve cette partie des questions du ministre un peu biaisée. Je ne
sais pas, si on avait des cas de favoritisme précis, je serais bien
prêt à les examiner, mais il me semble que le fonctionnaire est un
citoyen comme les autres et je ne comprends pas du tout pourquoi M. Fennel le
traite très différemment. Il a dit: II y aurait les anciens
propriétaires, les occupants actuels et, ensuite, il a parlé du
public en général et il a dit que le fonctionnaire, cela
entrerait dans le public en général. Il me semble que, s'il est
déjà locataire, il doit entrer dans la deuxième
catégorie plutôt que dans la première. J'espère que
M. Fennel n'est pas victime des préjugés du ministre.
M. Garon: Ce ne sont pas des préjugés, mais...
M. Ryan: ... des insinuations. Si on a un dossier à
apporter là-dessus, M. le ministre, je serai très
intéressé à en prendre connaissance, mais, pour l'instant,
j'en suis à des remarques très générales. Je pose
la question à M. Fennel. Est-ce qu'il ferait une discrimination de cette
nature?
M. Fennel: As far as civil servants are concerned, they should be
treated as normal persons from the public, whether their family originally
lived there, whether they moved in ten years ago, whether they moved in five
years ago. So, I do not think we should discriminate between civil servants and
the general public. They should be the same.
I appreciated the first subject you brought up about the families. They
have got a just compensation. Those families, most of them, have moved away,
and the same thing is happening in Pickering. They have got just compensation.
They do not want to go back. They have been burned. They have a bad taste in
their mouth. That is why, if somebody who has lived there for ten years, they
should get very close to the same opportunity. This has to be worked out in a
different way. There are going to be many different cases such as this where a
family has moved away and somebody else has been running for ten years. What
our bottom line is, trying to bring back the social fabric of the
community.
I appreciate that it is a serious problem but also you have to consider
that many of the dwellings and outbuildings and barns are in far poorer
condition now than they were when that was a total community. (12 h 15)
M. Ryan: Mais est-ce que je dois comprendre que M. Fennel nuance
un peu ce qu'il disait tantôt ou bien s'il le confirme? Je ne sais pas si
M. Saint-Pierre peut nous aider là-dessus. J'écoute M. Fennel et
il dit - et je le comprends - qu'il y a un problème. Il y en a un, mais
cela veut-il dire qu'il est prêt à nuancer ce qu'il affirmait
tantôt de manière assez catégorique ou se sentirait-il
obligé de le nuancer quand il va s'approcher des problèmes
réels?
M. Fennel: In specific cases - you can never generalize and
particularly in politics -specific cases, where we want to put the emphasis
first of all, the people who were ill-treated are those people that owned the
land, those tenants who were living on the land or in the homes; they should
get the first choice. They are the basic fabric of that society. The people who
had moved out, they have to be treated somewhat differently. Most of them will
not want to come back. They have bought other homes and the second group, who
are the long-term tenants, I believe, should be almost treated in the same way
as the original owners and the original tenants. So, I have not changed,
but...
M. Ryan: What do you mean by "almost the same way"?
M. Fennel: That is something subject to negotiation, as I said
before. It is going to have to be dealt with the people from the Québec
Government, people from the community and very little input from the Federal
Government, because these are lands going back to the Québec people.
M. Ryan: Serais-je injuste envers le Parti progressiste
conservateur, M. Saint-Pierre, en concluant des remarques que j'entends que,
finalement, la politique n'est pas arrêtée de manière
précise, mais qu'elle reste encore à étudier?
M. Saint-Pierre: C'est exactement cela. En fin de compte, c'est
ce qu'on a dit tantôt. Notre position vis-à-vis de l'ordre des
priorités, de même que les prix, c'est encore au niveau de
l'étude et ce n'est pas la position du parti, mais bien celle de M.
Fennel à l'heure actuelle. Il va essayer de la défendre. Il va
sûrement avoir - excusez le terme anglais - d'autres "inputs" venant du
caucus et du bureau de la recherche et d'ailleurs, mais ce n'est pas
défini en tant que tel. C'est sûr.
M. Ryan: Très bien. M. Fennel a-t-il envisagé avec
une certaine précision le mécanisme par lequel tout cela se
ferait? Il dit qu'un gouvernement conservateur mettrait en marche tout de suite
un mécanisme pour assurer que tout le processus se réalise.
Pourrait-il nous donner des précisions là-dessus?
M. Fennel: On that mechanism, I would hope, I have no definite
opinions at this time. I have a global concept of how it can be put together,
but I believe we have to involve the people who are affected into that
mechanism, the people whom I have been talking to, that know all the details. I
have not had an opportunity to go through all the details they have. Mme Lafond
has given me a great deal and also M. Bouvette; we have to work with those
people with different situations, but it should be done directly by the
Government with the people, with the input from the Provincial Government and
not done through the Canada Lands Company, because they are more of a
maintenance function than a function of dealing politically directly with the
people.
M. Ryan: Que ferait un gouvernement progressiste conservateur
avec la Société immobilière du Canada?
M. Fennel: Mr. Ryan, I think you know what we would like to do
with all Crown Corporations and there are something over 500 Crown
Corporations. So, possibly, that Crown Corportation will go the same way as
many other Crown Corporations. Referring to the Dunset Laws.
M. Garon: M. le Président, leur principale
préoccupation auparavant était de s'occuper, je pense, du terrain
sur lequel est bâtie l'ambassade du Canada à Londres.
Évidemment, il y avait moins de fonctionnaires dedans à ce
moment-là. Cela pourrait retourner à cette
préoccupation-là.
M. Ryan: Mais, blague à part...
M. Garon: C'est vrai. Ce n'était pas une blague!
C'était cela.
M. Ryan: Oui, je sais bien, mais, là, nous avons un
problème réel. M. Fennel, j'ai cru comprendre que vous aviez dit
que cela suivrait le chemin de bien d'autres sociétés de la
couronne, en voulant dire qu'un gouvernement progressiste conservateur tendrait
à s'en débarrasser.
M. Fennel: Yes, we intend to get rid of it quickly because it is
costing the Federal Government in excess of 10 000 000 $ a year to badly manage
property that would be otherwise managed much better by the citizens.
M. Ryan: By who?
M. Fennel: By the citizens. The owners will look after
themselves, the Government is not capable of it.
M. Ryan: En attendant, parce qu'on parle d'un mécanisme
pour réaliser tout cela, est-ce que ça se ferait directement par
les Travaux publics et l'Approvisionnement plutôt que par cette
société?
M. Fennel: We should again - and I am being global - deal with it
the fastest way possible, with whomever can manage it the best, and I would
think that the people involved with some designates of the Federal Government
and the Provincial Government would be fresh, would have a goal, would be given
a time frame and would be told: This is what must be done within a fixed period
of time. If it gets lost in Public Works, it may take 20 more years.
M. Ryan: Avez-vous fait des études un peu précises
quant au coût des propositions que vous allez faire à votre
caucus, quant à ce que cela entraînerait comme coût pour le
gouvernement fédéral pour liquider toute cette affaire?
M. Fennel: We believe - and, as I say, it is not in detail yet -
from the information that we have available, that we can recover the cost of
the original expropriation and that is the policy of our party, to recover the
cost of the expropriation.
M. Ryan: Est-ce que vous recommanderiez à un gouvernement
progressiste conservateur de prévoir un budget pour faciliter la relance
de l'agriculture et du territoire en général? Vous dites: On
irait chercher - je crois que le coût de l'expropriation était
d'environ 150 000 000 $, si mes souvenirs sont bons -cet argent plus
l'intérêt, mais je ne sais pas à combien cela peut se
chiffrer. Est-ce qu'à un gouvernement progressiste conservateur vous
recommanderiez d'être prêt à mettre de l'argent dans des
programmes conjoints avec le gouvernement québécois pour assurer
la relance de l'agriculture et des autres formes d'activité
économique dans le territoire ou si vous diriez à Québec:
Vous vous arrangez avec ça, on rend les terres aux individus?
Voici un autre point que je voudrais vous faire préciser, M.
Fennel. Dans la discussion qui a eu lieu au temps du gouvernement conservateur,
celui-ci discutait de la possibilité de rendre les terres à la
compétence du gouvernement du Québec. C'est la banque qu'en somme
vous projetiez dans le temps. Le gouvernement du Québec,
à mesure qu'il aurait vendu des terres, aurait remboursé
le gouvernement fédéral. Mais là vous transigeriez,
d'après les propositions que vous faites ce matin, directement avec les
individus, ça ne se ferait plus de gouvernement à
gouvernement.
M. Garon: C'est-à-dire qu'on était ouvert, mais si
vous regardez le mémoire qui avait été signé
à l'époque par le ministre des Travaux publics du Canada, le
ministre des Transports du Canada et le ministre d'État aux Relations
fédérales-provinciales, vous remarquerez que la discussion
était assez large et ce à quoi pensaient les agriculteurs en
1979, c'était à des baux emphytéotiques. C'est de cela
qu'on discutait à ce moment. L'autre possibilité était de
revendre. Dans leur mémoire, ils reflètent les discussions quand
ils disent que les terres et les bâtisses devraient retourner à la
banque de terres du Québec pour être louées aux
cultivateurs du Québec et que les résidences et les
bâtisses pourraient être vendues par le Canada à leurs
occupants.
Quand on parlait de solutions, c'était qu'est-ce qui devrait
être vendu et qu'est-ce qui ne devrait pas être vendu? Quand on lit
les recommandations, je pense qu'il faut peut-être en venir à
cela. C'est un travail qui a été fait de façon très
rapide, très intense, dans l'espace de quelques mois - je sais ce qu'est
un changement de gouvernement - où, comme ils l'indiquent dans leur
mémoire, ils avaient consulté Transports Canada, le Bureau des
relations fédérales-provinciales, le minstère de
l'Expansion économique régionale, le ministère de
l'Industrie et du Commerce, Agriculture Canada, le Conseil privé et le
Treasury Board. Ils avaient consulté tout ce monde-là.
Les conclusions de leur mémoire disent: "The current Provincial
proposal, the transfer of the peripheral lands to the province, is an option
that could meet all or almost all of the stated Federal objectives, depending
upon the conditions that are set and agreed to by the two parties. Mirabel is
clearly a part, and probably represents the major example of this Government's
initiative in regularizing federal-provincial jurisdictional responsibilities
related to real property. In this context, the Mirabel solution forms a part of
a comprehensive Québec-Canada solution in this field." Ce sont leurs
conclusions.
Ensuite, ils disent: "Recommendations. It is recommended that Cabinet
approve: "1) that the Federal Government's position on the future management
and development of the Mirabel peripheral territory be the establishment of a
comprehensive and long-term solution involving the transfer to the Province of
Québec of the "ownership" of all lands within the peripheral territory,
subject to the following conditions or exceptions:" - c'est très clair,
c'était le transfert de toutes les terres qu'ils recommandaient.
On voit les différentes conditions et je pense que cela vaudrait
vraiment la peine de les lire parce que ça va donner un cadre: "a) that
the protection of the airport be absolutely assured to the satisfaction of the
Minister of Transport in conformity with the standards and regulations issued
from time to time by his Ministry and that the Province agrees formally to give
to the Minister of Transport the right to veto any development which would be
in conflict with the stated purpose as elaborated in the land use planning
guidelines developed for airport protection; also, in this line of thought,
that the negotiators be instructed to introduce reference to the pertinent
elements of the proposed amendments to the Aeronautics Act that are currently
under consideration;" -c'est ce qu'on a toujours dit et ils étaient
d'accord là-dessus. "b) that, because all the issues surrounding the
operation and development of the airport are inter-related, those federal
requirements considered by Ministers to be essential to the airport's success,
in terms of access to the airport, industrial and commercial airport-related
development, or assistance to airport viability in general, be accommodated;
"c) that provision be made for the retention, or the transfer back to the
Federal Government, of lands required for future airport, airport-related or
other federal program needs (in addition to the 6885 hectares in the airport
operational zone) subject to the compensation by the Federal Government; "d)
that the existing agreement between the Federal and Québec Governments
relating to SPICAM be confirmed, subject to an amendment providing for the sale
to SPICAM of all lands for the PICA and, as well, for the possible sale of land
by SPICAM to the eventual industrial-commercial occupants of the PICA;" - cela
est très important parce que c'est ce qui bloquait le
développement. "e) that the Federal Government be compensated for the
lands transferred to the Province and for the lands sold to SPICAM; "2) that
the Minister of Public Works be charged with conducting negotiations with the
Province of Québec, in consultation with other Ministers as required,
and that he report regularly to Cabinet on the progress of negotiations; (12 h
30) "3) that the Minister of Public Works be given authority to negotiate, in
return for the transfert of lands (as described in recommendation 1 above), a
mode of payment by the province that could include (1) a cash payment or (2)
the transfer of responsibility for existing federal programs
and liabilities or (3) the provision or transfer of existing or future
provincial assets or capital works, or (4) a combination of these; "4) that the
Federal Government continue to vigorously carry out its present
responsibilities for the management and development of the peripheral lands and
that it maintain its full support of ongoing operations and improvement
programs, including the granting of emphyteutic leases as long as the airport
is protected, for as long as necessary until the intended transfer to the
province is consummated. This implies that negotiations must be conducted at an
accelerated pace in order that the Federal Government is not forced during the
interim period to (a) adopt management practices dictated by the province, (b)
carry out capital expenditures over an extended period or (c) negotiate
long-term leases with occupants under conditions set by the province; "5) that
Public Works consult with the province, during the negotiation period, on
matters related to current development activities in order to foster a smooth
and efficient transfer of responsibility; "6) that a public relations program
be developed with the object of ensuring that the Federal Government's position
and role in the initiation of these recommended actions is put forward
positively; "7) that the present tenants be kept informed on matters related to
the transfer in general, and be consulted on specific matters such as the
long-term lease."
Ce qu'on voit en réalité, c'est qu'ils étaient
prêts à transférer toutes les terres. Le prix? Ce sur quoi
ils étaient d'accord, c'était d'aller chercher un mandat pour
transférer toutes les terres du gouvernement. Ensuite, on s'est dit: On
parlera de la relance de l'agriculture sur le territoire. Je vais vous donner
un exemple. On disait: Si vous nous transférez des terres pour 1 $, on
est prêt à s'occuper de la relance sans vous demander de l'argent.
Si, par ailleurs, vous voulez avoir le prix que vous avez payé, il va
falloir que vous payiez pour la relance, parce qu'une partie des
dégâts qui sont là, c'est à cause des terres qui ont
été expropriées en trop. Je pense que cela
reflétait vraiment les discussions parce qu'ils demandaient une
combinaison de choses pour avoir un mandat assez large pour pouvoir
négocier correctement. Ce qui était clair, je pense, c'est qu'ils
voulaient redonner toutes les terres au Québec. À ce
moment-là, on parlait de bail emphytéotique. En lisant tout le
mémoire, on voit, au fond, d'autres considérations qui indiquent
que la possibilité était large et que les gens voulaient
collaborer. J'ai l'impression que, s'ils avaient été
renversés deux ou trois mois plus tard, la question était
réglée.
Le Président (M. Rochefort): II est 12 h 30. C'est l'heure
de suspendre nos travaux, d'autant plus que nos collègues du Parti
libéral ont un caucus. Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on suspende
nos travaux et qu'on revienne après la période des questions avec
nos invités du Parti progressiste conservateur?
M. Garon: Je vais tout de suite vous donner un compte rendu. On
vient de parler au chef de cabinet de M. LeBIanc, M. Léonard LeBIanc.
Mon chef de cabinet vient de parler avec M. Léonard LeBIanc qui
était avec le ministre, M. Roméo LeBIanc, à ce
moment-là. Je lui ai dit que j'étais prêt à le
rencontrer ce soir ou demain pendant que la commission siégerait. On m'a
dit qu'il était absolument impossible de me rencontrer avant demain soir
et qu'on regarde la possibilité d'une rencontre la semaine prochaine,
mais qu'il rappellerait en fin de semaine à ce sujet. J'ai dit: Si vous
voulez me rencontrer ce soir, je suis disponible et demain soir
également.
Le Président (M. Rochefort): Sur ce, la commission suspend
ses travaux jusqu'après la période des questions.
(Suspension de la séance à 12 h 35)
(Reprise de la séance à 16 h 17)
Le Président (M. Rochefort): La commission permanente de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux,
toujours aux fins d'entendre les personnes et les organismes sur la question
des terres expropriées de Mirabel.
Les membres de la commission pour cette nouvelle séance sont les
suivants: M. Baril (Arthabaska), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M.
Beauséjour (Iberville), M. Ryan (Argenteuil), M. Dupré
(Saint-Hyacinthe), M. Gagnon (Champlain), M. Garon (Lévis), M. Houde
(Berthier), M. Fallu (Groulx), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Picotte
(Maskinongé).
Sont intervenants: M. Blouin (Rousseau), M. Boucher
(Rivière-du-Loup), Mme Juneau (Johnson), M. Dean (Prévost), M.
Levesque (Bonaventure), M. Mailloux (Charlevoix), M. Vaillancourt (Orford) et
M. Vallières (Richmond).
À la suspension de nos travaux, nous en étions à
compléter la comparution des représentants du Parti conservateur
du Canada. La parole était à M. le député de
Prévost. Vous étiez le suivant sur la liste des intervenants qui
avaient demandé à se faire entendre.
M. Dean: M. le Président, je me trouve un peu mal pris
parce que M. Fennel n'est
plus là.
M. Saint-Pierre: II faudrait l'excuser, il a dû partir
d'urgence pour Ottawa. Il devait être ici pour les audiences à 10
heures ce matin et il était prévu qu'il prenne un avion à
14 h 15 et il n'a pas pu s'en exempter. Je demeure le seul responsable.
M. Dean: Je peux quand même poser ma question.
Le Président (M. Rochefort): Sûrement.
M. Dean: En apprenant que M. Fennel était le
député du comté où se trouve la ville de Pickering,
qui, soit dit en passant, n'est pas très loin du village natal de mon
père, Napanee en Ontario, je voulais savoir si j'avais bien compris. Ma
question a trois volets. Est-ce exact que le gouvernement fédéral
a payé 3000 $ l'acre à Pickering? Deuxièmement, est-ce que
les terres agricoles de Mirabel sont de valeur agricole égale ou
supérieure à celles de Pickering? Troisièmement, si les
terres agricoles de Mirabel sont de valeur comparable, j'aurais aimé
savoir de M. Fennel quelle était la raison pour laquelle le gouvernement
n'a payé que 300 $ l'acre ou quelque chose de semblable, de 200 $
à 300 $ à Mirabel, et 3000 $ à Pickering. S'il s'est
occupé du dossier et s'il est député de ce comté,
il devrait sûrement avoir des idées là-dessus.
M. Saint-Pierre: Je peux confirmer les chiffres,
l'équivalent de 3000 $ l'acre à Pickering. Les gens de la
région ont fait une bataille beaucoup plus intensive que les gens de
Mirabel à ce moment. C'est peut-être une des raisons majeures. Ils
ont tellement crié fort: Au loup! Au loup! qu'ils ont eu cet argent. Sur
la façon dont cela a été fait à Mirabel, je ne suis
pas le spécialiste du dossier, mais je crois qu'à Mirabel on a
fait tellement de promesses qu'on a payé moins. Quant à la valeur
agricole, c'est possiblement similaire, quoique la région de Pickering a
plus de degrés soleil-jour que Mirabel, étant plus au sud. C'est
tout, je ne peux pas aller plus loin que cela dans les comparaisons.
M. Dean: Cela veut dire que la population de Mirabel s'est fait
tout simplement rouler par le fédéral. C'est dix contre un pour
des terres de valeur presque égale.
M. Saint-Pierre: Je ne suis pas assez au courant du dossier de
Pickering pour pouvoir vous dire comment cela s'est passé exactement. Ce
que je vous dis, c'est ce qu'on m'a dit. Je suis un deuxième
interlocuteur à ce niveau.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député d'Argenteuil. On reviendra à cela. M. le
député d'Iberville, il y a d'autres intervenants avant vous, il y
a le député de Deux-Montagnes, notamment.
M. Ryan: Étant donné que M. Fennel est parti, je
pense que je vais terminer là mes questions. Je lui avais laissé
deux questions ce matin, je ne sais pas si vous vous en souvenez. Là, M.
le ministre a fait une assez longue intervention. Il a traité d'autres
questions aussi et on n'a pas eu l'occasion de répondre à ces
deux points. Si vous pouviez les lui rappeler. Il y en a un, je crois, qui
portait sur l'estimation du coût. Est-ce qu'il a fait une estimation du
coût de ce que représenterait le plan préconisé par
le Parti progressiste conservateur? Deuxièmement, est-ce qu'un
gouvernement conservateur s'engagerait à mettre de l'argent dans le pot
pour participer à un programme de relance de l'agriculture, en
particulier, et de l'économie en général de la
région?
M. Saint-Pierre: Je peux vous dire, monsieur, que je vais
soumettre les questions à M. Fennel. Naturellement que je vais les faire
parvenir au caucus. Il y a une réunion demain matin. Je ne sais pas si
cela pourrait être à l'ordre du jour, mais on pourra
peut-être vous donner une réponse demain.
M. Ryan: Quand M. Fennel aura posé la question devant le
groupe progressiste conservateur pourrait-il nous faire part des conclusions?
Ce que nous devons retenir, nous autres, c'est que la position du caucus est
résumée dans le petit document dont vous avez donné
lecture ce matin et le reste, jusqu'à nouvel ordre, ce sont des opinions
qui ont été émises par M. Fennel. Si on pouvait avoir le
cheminement de cette question, savoir dans quelle mesure le caucus est
prêt à prendre parti là-dessus, cela nous
intéresserait beaucoup. J'ai noté, moi - et je termine
là-dessus - qu'autant M. Fennel affirmait avec facilité certains
principes en ce qui regarde les modalités de règlement, autant,
quand il était confronté à des problèmes concrets,
il devenait un peu plus hésitant. J'aimerais qu'il nous clarifie sa
position là-dessus, peut-être à l'aide d'une documentation
plus concrète. Il y a bien des cas qui peuvent lui être soumis. Je
pense que cela serait bon. Cela nous aiderait à mieux comprendre la
position du Parti progressiste conservateur.
Je voudrais dire, en terminant, que j'apprécie
énormément que le parti soit venu rencontrer la commission
parlementaire.
M. Saint-Pierre: C'est un précédent, je crois. Cela
nous a fait plaisir.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je pense que le
député d'Iberville voulait enchaîner. Moi je voudrais
aborder un autre sujet avec notre invité.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Iberville.
M. Beauséjour: Merci, M. le Président. Au sujet de
la différence du coût des terres, de 200 $ à 300 $ à
Mirabel et 3000 $ à Pickering, est-ce que vous êtes au courant si
à Pickering c'est en majorité des terres agricoles ou si c'est
autre chose? À première vue, j'ai l'impression qu'il y a
peut-être des puits de pétrole ou des mines d'or dans ce bout.
M. Saint-Pierre: C'est réellement de la terre agricole, du
petit boisé. C'est similaire.
M. Beauséjour: Merci.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
revenir à une question qui a été abordée ce matin,
la question des fonctionnaires fédéraux qui sont ou deviendraient
locataires de maisons ou de terres dans le territoire de Mirabel, que ces
fonctionnaires soient de la Société immobilière du Canada,
de Transports Canada ou d'autres ministères ou agences du gouvernement
fédéral. Ce matin, M. Fennel nous a dit qu'à son avis,
dans l'ordre des priorités pour le choix des locataires, les
fonctionnaires devraient être mis dans la même catégorie que
le public en général. Si j'ai bien compris les remarques du
député d'Argenteuil là-dessus, il n'était pas
d'accord parce qu'il considérait que les fonctionnaires ne devraient pas
être considérés tout simplement comme membres du public en
général, mais devraient avoir, en quelque sorte, la
priorité sur le public en général. Est-ce bien ce que vous
avez dit?
M. Ryan: Question de règlement.
M. de Bellefeuille: Non, non, pas besoin de question de
règlement, allez-y.
Le Président (M. Rochefort): Non, je vous cède la
parole.
M. Ryan: Je veux bien laisser le député de
Deux-Montagnes finir, mais je vais dire clairement ce que j'ai voulu signifier,
car, visiblement, il n'a pas compris.
Le Président (M. Rochefort): Je crois que c'était
une question. Allez-y.
M. Ryan: M. Fennel avait dit: Nous procéderions comme
ceci, si le groupe conservateur suivait mes opinions personnelles, qui restent
des opinions personnelles pour l'instant d'abord, les anciens
propriétaires, les expropriés; deuxièmement, les
occupants; troisièmement, le public en général.
Là-dedans, a-t-il dit, j'inclurais les fonctionnaires. Il y avait une
autre catégorie, mais je ne me souviens pas de ce qu'elle était.
Les jeunes, oui. Les jeunes viendraient avant le public en
général, si j'ai bien compris très bien.
M. Saint-Pierre: Oui, oui.
M. Ryan: Je lui ai dit: Supposez que vous ayez un fonctionnaire
qui soit un occupant, est-ce que vous allez faire de la discrimination à
son endroit parce qu'il est fonctionnaire? Là, il m'a dit non.
J'étais satisfait.
M. de Bellefeuille: M. le Président, ce n'est pas tout
à fait la même question que celle que j'ai soulevée. Celle
que j'ai soulevée est celle-ci: C'est le danger d'une espèce de
conflit d'intérêts dans lequel un fonctionnaire
fédéral peut se trouver. Durant nos séances
antérieures, il a été établi devant la commission
que les expropriés de Mirabel ont des griefs extrêmement graves,
mais que des loyers extrêmement élevés ne constituent pas
un de leurs griefs, en règle générale.
Généralement, on ne pourrait pas affirmer que tous les loyers
sont extrêmement élevés. On pourrait même dire, dans
certains cas, que les loyers sont plutôt peu élevés. La
situation qui existe, c'est qu'il y a des fonctionnaires qui possèdent
ce qu'on pourrait appeler des renseignements privilégiés. Ils
savent que telle maison ou telle terre est disponible pour location, à
des conditions qui peuvent être intéressantes, en ce sens que le
loyer serait relativement peu élevé. D'ailleurs, il se peut que
ces fonctionnaires soient eux-mêmes en situation d'exercer une influence
sur le loyer, c'est-à-dire de faire en sorte que le loyer soit peu
élevé.
Il me semble clair, alors, qu'il y a là une porte ouverte
à une grave situation de conflit d'intérêts, où des
fonctionnaires fixeraient des loyers peu élevés et
s'arrangeraient pour se désigner comme locataires eux-mêmes ou des
collègues ou des amis. Cela me paraît une nette situation de
conflit d'intérêts. Je pense qu'il y a un danger. Je ne sais pas
si cette question a été documentée, mais il serait
intéressant, je crois, de la documenter.
Ainsi, j'en viens à la conclusion, à partir de ce que
disait M. Fennel, soit que les fonctionnaires ne doivent pas être
considérés comme faisant partie du public en
général, que les fonctionnaires doivent être
considérés comme ne devant pas devenir locataires sur le
territoire, à cause de cette situation de conflit
d'intérêts. Dans l'ordre des catégories
énumérées par M. Fennel, si, dans les premières
catégories, il n'y a pas de locataires intéressés,
à ce moment-là, on s'en remet au public en général.
Les fonctionnaires eux-mêmes, il me semble, vu le conflit
d'intérêts, ne devraient pas pouvoir devenir locataires sur ce
territoire qu'ils administrent eux-mêmes. Il y a trop de danger de
conflit d'intérêts, de faveurs à des amis, de passe-droits.
Si jamais il y avait moyen de documenter la chose... Je ne sais pas si faire
venir les représentants de la SIC, la Société
immobilière du Canada, devant la commission, nous permettrait de
documenter la chose parce qu'ils ne seraient peut-être pas d'une parfaite
candeur en la matière. Mais je pense, en tout cas, que cela vaudrait la
peine d'essayer de documenter cela.
Alors, vous voudrez bien, s'il vous plaît, M. Saint-Pierre,
transmettre cette question, enfin les observations que je viens de faire sur
cette question, à M. Fennel. J'ai eu l'occasion de lui en souffler un
mot tout à l'heure et il paraissait très intéressé.
(16 h 3D)
Par ailleurs, j'ai signalé ceci en conversation privée
tout à l'heure, à M. Fennel. Dans l'éventualité
où le Parti progressiste conservateur reprendrait le pouvoir, quelles
seraient ses intentions par rapport à la SIC, qu'est-ce qu'il ferait
avec cela? M. Fennel a paru hésiter un peu avant de dire qu'un
gouvernement conservateur abolirait la SIC. Je lui ai fait observer qu'il y a
un précédent. Le dernier gouvernement progressiste conservateur
avait aboli, en 1979, la société de la couronne qui, à ce
moment-là, avait été chargée de s'occuper du
territoire. Ce précédent permet de considérer que le Parti
progressiste conservateur, à ce point de vue, a une assez grande
crédibilité. Comme il l'a fait une fois, on peut penser qu'il le
ferait deux fois.
M. Saint-Pierre: Excusez-moi!
M. de Bellefeuille: Oui, allez-y, M. Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre: Cela fait, d'ailleurs, partie, je crois, des
politiques du parti d'attacher une étiquette aux sociétés
de la couronne, le "sunset laws", afin qu'elles puissent s'éliminer
automatiquement lorsqu'elles deviennent inutiles ou inopérantes, au lieu
de les entretenir. Donc, cela fait partie de la politique même du
parti.
M. de Bellefeuille: Dans votre travail, je pense que vous avez
souvent à traduire des expressions politiques. Comment dit-on "sunset
law", en français?
M. Saint-Pierre: La clause "coucher de soleil", peut-être.
Cela fait très poétique. En fin de compte, c'est la mort lente et
sûre d'une société de la couronne, une fois qu'elle a
rempli son mandat.
M. de Bellefeuille: C'est une façon de faire du
ménage dans la bureaucratie, quoi!
M. Saint-Pierre: Oui, c'est une façon qui évite des
chambardements peut-être trop grands au départ. Si on disait, par
exemple, qu'on en a 500, et qu'on coupe de moitié, ce serait une
décision politique, mais si on prend une décision politique
suivie d'une analyse, on se dit: Voilà, celle-là est rendue
là. Elle passe devant les comités de la Chambre des communes. On
regarde si son mandat est respecté, si elle le respecte. Sinon, on lui
donne un nouveau mandat. Si le mandat est dépassé,
automatiquement, elle tombe soit en un an, deux ans ou cinq ans, peu importe.
Je n'ai pas d'exemple précis. C'est seulement le principe même de
la "clause", entre guillemets.
M. de Bellefeuille: Merci. C'est tout, quant à moi.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Sur ce, je tiens
à remercier M. Saint-Pierre de s'être présenté
devant nous.
J'inviterais maintenant M. Fernand Gauthier à prendre place
à la table des témoins. Pendant que M. Gauthier prend place
à la table, je tiendrais à rappeler à ceux et celles qui
assistent à nos travaux que nos règlements interdisent de
manifester de l'approbation ou de la désapprobation devant les
interventions des personnes qui doivent comparaître ou des membres de
cette commission.
M. Gauthier, bienvenue à cette commission. Je vous demanderais,
sans plus tarder, de nous faire la présentation de votre
mémoire.
M. Gauthier (Fernand): M. le Président, M. le ministre,
MM. les députés, mon nom est Fernand Gauthier. Je suis
responsable de la recherche à la faculté d'éducation
permanente de l'Université de Montréal. Oui?
Le Président (M. Rochefort): Je m'excuse de vous
interrompre. Le ministre nous demande de suspendre les travaux parce qu'il
aimerait être présent pour votre présentation et on
m'informe qu'il est au téléphone avec le ministre Roméo
LeBlanc. Je pense que cela va intéresser tout le monde d'entendre le
rapport de la conversation qu'ils auront eue ensemble. On
va suspendre pour quelques instants, si vous le permettez.
(Suspension de la séance à 16 h 33)
(Reprise de la séance à 16 h 43)
Le Président (M. Rochefort): La commission reprend ses
travaux. Juste avant de donner la parole au ministre, M. le
député de Beauce-Sud, vous avez un changement dans les membres de
la commission?
M. Mathieu: Avec votre permission, M. le Président, et
avec la permission de cette commission, je voudrais faire substituer le nom de
M. Robert Middlemiss, député de Pontiac, à celui de M.
Albert Houde, député de Berthier. M. Houde est retenu à
une autre commission cet après-midi.
Le Président (M. Rochefort): Y a-t-il consentement?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Rochefort): II y a consentement.
M. Mathieu: Merci.
Le Président (M. Rochefort): Donc, M. Middlemiss remplace
M. Houde (Berthier). M. le ministre.
M. Garon: Je regrette d'avoir dû partir. Tout à
l'heure, on m'a fait savoir que le député du Parti progressiste
conservateur, M. Fennel, a dû aller rapidement à la Chambre des
communes, à Ottawa, mais qu'il était disponible pour revenir
devant la commission. Je demanderais à M. Saint-Pierre, qui
l'accompagnait, de venir nous dire si véritablement M. Fennel...
Le Président (M. Rochefort): M. Saint-Pierre,
pourriez-vous revenir à la table quelques instants? On sera à
vous, M. Gauthier, dans quelques instants.
M. Saint-Pierre: Tel que j'en ai discuté avec M. Fennel il
y a à peu près une demi-heure, il pourrait revenir demain si
jamais la commission aimait le revoir.
M. Ryan: Je trouve que ce n'est pas nécessaire à ce
moment-ci.
M. Garon: C'est que tantôt vous étiez un de ceux qui
désiraient poser des questions sur le document qui avait
été acheminé au Conseil des ministres, fin 1979,
début 1980. On devait continuer d'entendre son témoignage au
début de l'après-midi. Il a dû quitter; il m'avait
laissé entendre qu'il serait possiblement obligé de partir entre
les deux séances. Je pense bien que c'est une époque importante
et qu'il serait bon d'avoir des données claires sur ce qui avait
été fait alors et sur ce qu'il suggère.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil sur cette question.
M. Garon: Mais si les membres de la commission n'ont pas de
questions à poser et se sentent suffisamment éclairés...
C'est parce qu'on m'a dit que M. Saint-Pierre n'avait pas dit que M. Fennel
était à la disposition de la commission et pouvait revenir sans
problème.
M. Ryan: Avec le genre de questions qui lui ont été
posées, je ne pense pas que, s'il revenait demain, il apporterait
beaucoup plus que ce qu'il a donné jusqu'à maintenant. Il y a des
recherches à faire de ce côté, il y a du travail
d'approfondissement et de consultation avec ses collègues. S'il
était prêt à venir nous rencontrer avec de la
matière additionnelle, disons dans une semaine ou deux, je n'ai pas
d'objection, au contraire. Mais demain matin, je pense que cela marcherait
à peu près au rythme où cela a marché aujourd'hui.
L'essentiel, dans ces perspectives-là, me semble avoir été
dit.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Rousseau, sur cette question, toujours.
M. Blouin: Oui. M. le ministre, si on avait des renseignements
importants à entendre de la bouche de M. Fennel qui est le
député qui représente la région de Pickering
à la Chambre des communes... Si vous avez des documents en main et que
vous estimez qu'il serait utile d'avoir l'éclairage d'un parlementaire
qui était proche du Parti conservateur, qui était au pouvoir il y
a quelques années, je pense que vous devriez nous l'indiquer. Si vous
avez des renseignements supplémentaires intéressants pour
éclairer la commission, je serais parfaitement d'accord que ce
député revienne. Il n'en tient qu'à vous de nous dire si,
effectivement, vous avez eu les informations que vous désiriez avoir,
compte tenu des documents que vous avez consultés. Pour ma part, j'ai eu
les informations que je désirais obtenir.
Le Président (M. Rochefort): Excusez-moi, je croyais que
vous vous adressiez au ministre. J'étais en train de relire les
dispositions de notre règlement, justement. Si vous voulez
reprendre.
M. Garon: C'est à moi qu'il parlait, M. le
Président.
Le Président (M. Rochefort): II me semblait aussi.
M. Blouin: Voulez-vous que je répète?
Le Président (M. Rochefort): Oui, allez-y donc.
M. Blouin: J'ai dit, M. le ministre, que, quant à nous,
nous avions posé les questions pour lesquelles nous désirions
obtenir des réponses...
M. Garon: Ah bon!
M. Blouin: ... au député. Si vous avez des
documents supplémentaires en main, que vous ne vous estimez pas
suffisamment éclairé et que cela puisse effectivement contribuer
à éclairer les membres de la commission, il me ferait plaisir de
poursuivre le dialogue avec M. le député Fennel. Quant à
moi, les questions qu'on voulait lui poser lui ont été
posées, mais, si vous avez des questions supplémentaires, ce
serait sûrement intéressant.
M. Garon: Les gens m'ont glissé un mot, ce matin, à
propos du document auquel je référais, signé par le
ministre des Travaux publics du temps, M. Nielsen, le ministre des Transports,
M. Mazankowski, et le ministre d'État aux relations
fédérales-provinciales, M. Jarvis, pour qu'il fasse partie d'une
annexe au rapport de la commission. Je pense que c'est un document un peu
central. On m'a dit qu'il y avait une procédure; je n'ai pas
vérifié s'il y avait une procédure concernant cette
façon de faire, mais on m'a dit qu'au lieu de lire ce document au
complet, il pourrait faire partie des travaux de la commission comme ayant
été lu et produit en annexe.
Le Président (M. Rochefort):
Effectivement, M. le ministre, il existe une procédure pour les
gens qui nous font parvenir des mémoires qui, à l'occasion, sont
un peu trop longs. Il y a quelques années, on pouvait, sans qu'ils aient
été lus en commission, les reprendre in extenso en annexe au
journal des Débats. Toutefois, à cause des coûts
occasionnés, cette procédure a été plutôt
modifiée pour qu'il soit inscrit au journal des Débats que le
document en question - je réfère toujours à un
mémoire qui avait été présenté à une
commission -est disponible à la Bibliothèque de
l'Assemblée nationale pour toute personne qui veut le consulter pendant
ou après une commission. Quant à la possibilité que vous
évoquiez, j'avoue que je n'ai pas de précédent frais
à la mémoire. Toutefois, si vous en exprimez le désir, je
peux demander qu'on fasse des recherches là-dessus. M. le
député d'Argenteuil, sur le même sujet.
M. Ryan: J'ai eu l'occasion de prendre connaissance du document
dont le ministre a donné lecture ce matin. Comme vous vous en souvenez
peut-être, j'avais demandé au premier ministre toute une
série de documents et, parmi ceux que le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a mis à ma
portée, il y avait ce document-ci. Je serais tout à fait d'accord
avec le ministre pour qu'il puisse être inscrit en annexe au compte rendu
de la séance de ce matin; ce serait excellent. C'est une pièce
documentaire très importante. S'il peut être annexé
là, je pense que c'est une bonne chose. Je n'ai absolument pas
d'objection à cela, bien au contraire, tout en n'étant pas
compétent pour me prononcer sur ce que permet le règlement.
Le Président (M. Rochefort): Sur cette question, en raison
du consensus des membres de la commission, ce que je vais faire, c'est demander
des informations là-dessus. Je crois qu'on peut, toutefois, poursuivre
nos travaux parallèlement aux recherches qui seront effectuées.
Lorsqu'on m'aura transmis les informations, je vous ferai part de la
procédure qui peut être suivie pour une demande comme celle que le
ministre vient de nous formuler. Est-ce que cela va?
M. Ryan: Très bien.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, toujours sur
la question de M. Fennel.
M. Garon: M. Fennel. Je n'ai pas d'autres questions à lui
poser à ce moment-ci. Par ailleurs, si des membres de la commission ont
des questions, on pourrait se prévaloir du fait que M. Fennel est
disposé à revenir. Maintenant, s'il n'y a pas d'autres questions
de la part des membres de la commission, on peut laisser faire. S'ils ont des
questions additionnelles ou s'ils veulent avoir des renseignements, je vais lui
demander s'il peut revenir.
Le Président (M. Rochefort): Donc, il n'y a pas d'autres
questions. Cela va. M. Saint-Pierre, on vous remercie une deuxième fois
de vous être présenté devant nous.
M. Garon: Merci.
Le Président (M. Rochefort): M.
Gauthier, je vous souhaite à nouveau la bienvenue à notre
commission et je vous demande sans plus tarder de présenter votre
mémoire aux membres de cette commission.
M. Fernand Gauthier M. Gauthier (Fernand): M. le
Président,
M. le ministre, MM. les députés, mon nom est Fernand
Gauthier, responsable de la recherche, faculté de l'éducation
permanente de l'Université de Montréal. Mon métier est le
domaine des méthodes de recherche. Depuis environ une dizaine
d'années, j'ai enseigné les méthodes de recherche et j'y
travaille encore actuellement. J'ai été impliqué depuis
1970 dans le comité des expropriés comme consultant ad hoc sur
différents dossiers et, depuis 1971, avec le CIAC, le Centre
d'information et d'animation communautaire. Pour vous expliquer un peu ma venue
sur ce dossier, ma famille est native de Saint-Hermas; alors, j'ai
été impliqué dans le dossier à partir de cet
élément et, ensuite, à partir de mes expertises
d'études ou de travaux.
Je vais vous donner mon opinion sur la participation du CIAC à la
relance du territoire affecté par l'expropriation de 1969. Le CIAC,
comme on vous l'a déjà décrit, a été mis sur
pied en 1972 pour continuer le travail entrepris par le comité des
expropriés depuis 1969. Ce centre est une fédération
d'associations qui vise, de façon prioritaire, et qui a toujours
visé de façon prioritaire, le développement de moyens
permettant une relance du territoire exproprié de Mirabel. Mon propos,
dans le texte qui suit, est fondé sur une observation prolongée
des diverses activités du CIAC et du comité des expropriés
depuis ses débuts, à partir des rôles de consultant ou de
personne ressource que j'y ai joués à plusieurs occasions.
Ma constatation principale, c'est que, malgré les efforts du CIAC
et aussi de certains personnels d'organismes gouvernementaux impliqués
dans le dossier, on n'a jamais réussi, jusqu'à maintenant,
à intégrer, de façon ferme, dans le développement
du territoire les énergies et les ressources que mobilise ce groupe. Si
je vous ai fait parvenir, au sujet de ce blocage, un article que j'avais
rédigé en 1971, ce n'est pas par lassitude, mais parce qu'il me
semble qu'il n'y a pas eu de changement majeur dans les modalités de
concertation entre le CIAC, antérieurement, le comité des
expropriés, et les organismes gouvernementaux qui gèrent le
territoire. La tenue de cette commission parlementaire peut permettre
d'imaginer que des moyens seront élaborés pour miser sur
l'expertise et l'énergie que le CIAC mobilise encore. Les tendances
à l'affrontement qui sont notées dans le texte que vous avez en
main et dans le texte dont je vous lirai des extraits tantôt sont
toujours présentes dans les relations actuelles entre la
Société immobilière du Canada et le CIAC; et ceci,
même s'il n'y a pas lieu de faire un réquisitoire
spécifique contre cet organisme gouvernemental qui, dans la longue
histoire du CIAC, vient tout juste d'apparaître dans le dossier. Il y a
eu souvent de nouveaux interlocuteurs du côté gouvernemental, mais
leurs approches sont toujours demeurées les mêmes malgré
les appels à la concertation qui ont toujours caractérisé
la direction du CIAC.
Je vous lis des extraits du texte écrit en 1971 en y faisant
quelques mises à jour: Des citoyens-ressources. Les citoyens de la
région expropriée possèdent encore le dynamisme
créateur qui leur a déjà permis d'aménager leur
territoire pour qu'il devienne l'une des régions agricoles les plus
prospères du Québec. Ils ont dû assimiler au centre de leur
région un complexe aéroportuaire avec toutes les retombées
que cela implique. Ils se sont donné des outils nouveaux pour travailler
sur ce problème lui-même nouveau. Cependant, à Mirabel
comme ailleurs, dès que des groupes de citoyens réagissent
fortement devant les initiatives ambiguës de spécialistes en
aménagement, il semble que la pente naturelle du côté des
planificateurs soit de considérer ces groupes comme s'ils voulaient
bloquer le développement de leur région. Ils les regardent comme
des éléments de la population qui critiquent pour critiquer,
comme des individus non représentatifs qui veulent soulever la
population ou encore comme des gens trop bornés pour saisir l'ampleur
des transformations bénéfiques dont leur territoire sera
l'objet.
Pour faire participer une population comme ressource principale à
un projet de développement, il ne suffit pas d'en mesurer les variables
démographiques. Il est évident que les facteurs humains
mesurés sont d'un tout autre ordre que l'ensemble des autres facteurs
dont on tient compte dans un plan d'aménagement. Les personnes qui
habitent un territoire où un projet de développement est en cours
sont toutes intéressées à apprendre et sont toutes
créatrices de solutions nouvelles pour les problèmes nouveaux
rencontrés.
Parfois, à entendre parler certains aménagistes de la SIC,
la Société immobilière du Canada, on croirait qu'ils sont
les seuls à appartenir à l'espèce humaine,
c'est-à-dire seuls capables de réfléchir et seuls capables
de créer. Plutôt que d'essayer de comprendre le sens de leur
question, on accuse facilement d'irréalisme ceux qui exigent une
information sur des plans qui ne sont pas encore terminés et sur
lesquels une armée d'experts travaille d'arrache-pied.
Puisque c'étaient des outils que le CIAC recherchait pour mieux
travailler, il était bien insuffisant de lui répondre que le
dossier n'était pas encore prêt. Si on avait traité la
population et si on la traitait actuellement comme une ressource
créatrice, on lui expliquerait pourquoi l'information nécessaire
n'est pas complète, mais, à tout le moins, on lui communiquerait
les nouveaux éléments dont on tient compte dans le plan
d'aménagement qui la touche. Évidemment,
cette information ne peut se présenter de façon aussi
aguichante qu'un dossier fini ou qu'un dossier final ou qu'un bulletin de
propagande. Ce qui a toujours été demandé par le CIAC et
qu'ils n'ont jamais reçu, c'étaient des informations qui tiennent
plus d'un instrument de travail que d'un élément
d'exposition.
Pour le moment, malgré la bonne volonté manifeste de
certains, il y a un conflit à Mirabel entre les ressources des
spécialistes et les ressources de la population. Dans les initiatives
des organismes gouvernementaux, depuis 1969, l'accent fut toujours mis sur la
solution des problèmes de la population par des employés du
gouvernement. Généralement, on a pris certains moyens pour
s'informer des problèmes de la population, même si, le plus
souvent, on a privilégié les informateurs dont le langage est
plus directement assimilable par les planificateurs. Puis, après avoir
parlé de participation, on donne la solution au problème telle
qu'on l'a compris. Mais jamais il ne fut question, en pratique, de traiter les
citoyens autrement que comme des problèmes ou que comme des informateurs
sur la situation. On n'a pas su traiter les citoyens de Mirabel comme des
ressources créatrices aptes à élaborer des solutions
réalistes. Favoriser la participation pour le gouvernement
fédéral à Mirabel a voulu dire concrètement
s'adjoindre des informateurs locaux qui pouvaient aussi transmettre à la
population les solutions trouvées par les experts. (17 heures)
II a toujours été difficile pour le CIAC d'être
accepté pour ce qu'il est. On l'a vu au début comme un groupe de
vendeurs qui se sont réunis pour obtenir davantage de la vente de leurs
biens. On veut maintenant les définir malgré eux comme des
acheteurs. Ces définitions sont inexactes et pernicieuses, car elles
peuvent et, de fait, elles ont induit en erreur des gens qui tentaient de
savoir rapidement à qui ils avaient affaire quand ils discutaient avec
le CIAC. Le CIAC regroupe des citoyens qui veulent vivre sur le territoire et
qui veulent développer la région. Ils voient mieux que certains
experts les problèmes de développement de la région. Ils
acceptent de travailler à leur solution et tiennent à le faire
parce que ce sont leurs problèmes et parce qu'ils auront à vivre
avec les solutions qui seront apportées. L'expertise des
spécialistes à Mirabel ne peut remplacer le CIAC. Le CIAC doit
être considéré comme interlocuteur privilégié
et comme ressource, si l'on veut éviter d'autres erreurs comme celles
qui se sont multipliées depuis treize ans à Mirabel.
Je vais illustrer ce dernier point par un exemple récent: le
sondage SORECOM de l'été dernier, que la Société
immobilière du Canada utilise actuellement dans sa propagande
auprès du public, sondage qui fonde ses politiques actuelles
d'intervention à Mirabel. La Société immobilière du
Canada a pensé pouvoir remplacer l'interaction directe avec la
population à la fois par un bulletin de propagande et par un dernier
sondage sans se rendre compte des limites inhérentes à ce type
d'outil scientifique, même s'il avait été employé
selon les règles de l'art, ce qui ne fut pas toujours le cas.
Quoique étant moi-même familier avec certaines
méthodes de recherche en sciences humaines, j'ai demandé une
expertise sur ce sondage de juillet 1982 à un organisme
spécialisé dans le contrôle de qualité de ce type
d'instrument lorsqu'il est employé pour fins publiques. Il s'agit du
Comité des sondages, qui est un organisme émanant de deux
sociétés savantes, soit l'Association canadienne des sociologues
et anthropologues de langue française et la Société
québécoise de sciences politiques.
Je vous lis leur avis technique: "L'expertise a été
effectuée à partir d'un document intitulé: Sondage
auprès des locataires agricoles et résidentiels de la
Société immobilière Canada (Mirabel) Limitée,
1982". Le document était signé par SORECOM Inc., juillet 1982, un
document de quatorze pages que vous avez entre les mains. Vous avez aussi entre
les mains l'avis technique auquel je me réfère maintenant. Je
continue dans le texte: "Nous avons également consulté deux
articles de la Presse, soit le 23 octobre et le 26 octobre 1982. Ces deux
articles étaient signés Guy Pinard. En premier lieu, l'analyse de
la validité des résultats de ce sondage, juillet 1982. Le premier
élément, la méthodologie et, d'abord,
l'échantillon. La procédure de sélection utilisée
est une procédure classique. Toutefois, aucune information n'est fournie
sur la taille totale de la population sondée. Nous n'avons donc pas la
capacité d'évaluer la précision échantillonneur.
Deuxièmement, le taux de réponses obtenues à
l'enquête est faible, 38,5%, ce qui, dans plusieurs cas, peut
éventuellement induire des distorsions importantes au niveau des
réponses obtenues. Ainsi, certaines catégories d'informateurs
peuvent être sur ou sous-représentées. Ce taux de
réponses aurait pu être amélioré par une
durée légèrement plus longue de la phase d'entrevues
téléphoniques pour chercher à atteindre un minimum de 50%
qui est le seuil de qualité minimal attendu dans ce type
d'enquête. "Aucune information n'est fournie concernant les raisons de
non-réponse des 522 informateurs, soit 850 moins 328, qui n'ont pas
répondu au questionnaire. Il peut être curieux qu'aussi peu de
personnes aient accepté de répondre, alors qu'il s'agissait d'un
sondage sur un sujet qui les concernait directement. Mais il est vrai que la
phase d'entrevues a été des plus courtes - environ
treize heures au total - soit le dimanche soir, de dix-huit heures
à vingt-deux heures, et le lundi, de neuf heures à dix-huit
heures. On ne dispose pas d'information sur la stratification préalable
à la sélection, ainsi que sur la technique de pondération.
Finalement, on ne dispose d'aucune information sur la sélection de
l'informateur dans les listes d'adresses de départ. "Deuxième
point de la méthode: le questionnaire lui-même. Plusieurs
remarques peuvent être faites à propos du questionnaire. La
première remarque tient à la volonté de comparer le
sondage de 1982 à celui de 1981. Dans ce cas-là, on doit
remarquer que les questions ne sont pas les mêmes et que, même si
des rapprochements peuvent être faits, on ne peut en tirer des
conclusions fermes quant à l'évolution de l'opinion sur un an.
Cette remarque générale vaut pour l'ensemble de l'analyse, mais
elle est particulièrement pertinente dans le cas de la première
question analysée, soit l'accord avec la décision de vente des
terres qui semble passer en un an de 40% à 79%. Ce saut brutal devrait
faire douter de la validité de la comparaison et peut-être
même de la validité de la question de 1982 comme seule mesure
possible d'accord avec les intentions fédérales. "Le
questionnaire n'est pas un questionnaire approfondi et précis. Ainsi, on
demande aux personnes interviewées de se prononcer sur leur intention
d'achat si leur terre était dans la zone autorisée, mais nulle
part on ne teste les différentes conditions, capacités,
modalités de vente et d'achat, lesquelles, éventuellement,
moduleraient de façon sensible une intention d'achat de départ.
"À certaines questions, des catégories de réponses sont
manquantes sans que l'on comprenne pourquoi. L'absence de ces catégories
a, de fait, une incidence sur l'interprétation des résultats
obtenus. Ainsi, à la question concernant la durée
souhaitée des baux où intervient une comparaison entre 1981 et
1982, la catégorie "bail emphytéotique" qui regroupait 61% des
informateurs en 1981 est supprimée en 1982. L'absence de cette
catégorie a pour effet de gonfler artificiellement à 72% la
réponse bail de 25 ans en 1982. "Par ailleurs, à cette question,
rien ne vient expliquer le nombre de répondants particulièrement
réduit, soit 121 et 106. Déjà, nous étions - c'est
mon intervention -sur un échantillon très faible. Nulle part on
ne teste si le choix du gouvernement fédéral de mettre en vente
30 000 acres est jugé suffisant ou non. Aucune question sur la
localisation des terres mises en vente. "Deuxième élément
pour juger de la validité du sondage, soit la présentation des
résultats et leur interprétation. Il s'agit d'un rapport
dès plus succincts dans lequel la présentation des tableaux
laisse quelque peu à désirer. Dans plusieurs cas, on
intègre dans le même tableau des données de 1981 et de
1982, alors que les questions posées n'étaient pas identiques.
Pour une comparaison plus objective et moins forcée, on aurait dû
présenter les résultats de 1981 et de 1982 de façon
séparée. Dans plusieurs cas, les pourcentages marginaux auraient
été intéressants pour vérifier la distribution des
réponses et ces pourcentages marginaux ne sont indiqués nulle
part. "Dans l'analyse de la vocation du territoire, il apparaît
clairement que c'est la vocation agricole qui est, sans conteste, la plus
fréquemment mentionnée, avec 71% des réponses en premier
choix. Par contre, c'est la vocation industrielle qui est indiquée le
plus souvent comme deuxième vocation. L'analyste, pour une raison peu
compréhensible, fusionne les mentions données à la
première et à la deuxième vocation. C'est à la page
7 de leur questionnaire. Seuls les tableaux analysés
séparément ont une signification réelle, compte tenu de la
formulation des questions. Finalement, compte tenu du taux de réponses
et de la superficialité du questionnaire et de l'analyse, ce sondage ne
peut donner que des indications très limitées sur l'opinion de la
population concernée.
Un dernier point de l'avis technique porte sur la présentation
des résultats dans le journal La Presse des 23 et 26 octobre 1982. "En
liaison avec l'analyse qui vient d'être faite, on peut être
étonné que M. Guy Pinard estime qu'il s'agisse d'un sondage
sérieux réalisé par la réputée maison de
sondage de Montréal, SORECOM." Ceci est dit dans l'article du 23 octobre
1982. M. Pinard, sans aucun doute, use ici de l'argument d'autorité pour
renforcer le poids politique de l'information issue du sondage et de la
présentation et des interprétations qu'il en tire. Insistant sur
ces points, il ne mentionne pas, par contre, le taux de réponses
très faible. Comme ce sondage, trop vite fait, n'a pas seulement une
vocation de connaissance, mais touche à des décisions politiques,
à un moment chaud, il est regrettable que M. Pinard accorde autant de
crédit à des résultats issus d'une recherche superficielle
et, somme toute, limitée au plan méthodologique." C'est
daté du 8 novembre 1982, signé par deux membres du Comité
des sondages, dont la présidente, Mme Isabelle Gremy.
En conclusion, j'aimerais insister sur le fait que le sondage, tel
qu'examiné et vérifié, est entaché de
défauts importants. À mon avis et selon l'avis du Comité
des sondages, il ne peut remplacer une interaction directe avec les
représentants des expropriés et il ne peut sûrement servir
aux fins auxquelles on l'utilise actuellement.
Le Président (M. Rochefort): Cela va. Merci. M. le
ministre.
M. Garon: Votre document, celui où c'est indiqué
"sondage auprès des locataires", est-ce le sondage de base qu'on a
là ou bien si c'est une analyse du sondage de base?
M. Gauthier (Fernand): Le document SORECOM, juillet 1982?
M. Garon: Oui.
M. Gauthier (Fernand): C'est le seul rapport de SORECOM. Le
Comité des sondages me dit qu'il arrive souvent que SORECOM donne un
rapport de cette nature et ceci est le seul rapport soumis par SORECOM. C'est
le seul document que j'ai en main qui fait état de la méthode
utilisée par SORECOM, des résultats et de l'analyse du sondage.
Je n'ai aucun autre document, et, à ma connaissance, aucun autre
document concernant ce sondage n'a été rendu public.
M. Garon: Le groupe qui l'a analysé... Moi, je ne suis pas
un expert en sondages; j'en ai fait faire très peu, un seul en six ans.
Je calcule que mon flair vaut les sondages. C'est signé Isabelle
Lasvergnas-Gremy et Arnaud Sales du Comité des sondages ACSALF-SQSP.
M. Gauthier (Fernand): Association canadienne des sociologues et
anthropologues de langue française et Société
québécoise de sciences politiques. Ce comité est une
émanation de ces deux organismes. Il a été mis sur pied
aux fins d'évaluer et d'apprécier la validité et la
crédibilité de sondages financés par des fonds publics
pour des questions d'intérêt public.
M. Garon: Et eux, ils ont obtenu le sondage?
M. Gauthier (Fernand): Je leur ai demandé un avis. J'ai
reçu du CIAC - eux, je crois, l'avaient reçu, je ne sais pas - le
rapport de SORECOM et j'ai demandé un avis technique pour
compléter l'analyse que moi-même j'avais commencé à
faire de ce document.
M. Garon: Oui.
M. Gauthier (Fernand): C'est à ma demande que le
Comité des sondages a fait une expertise sur ce dossier. C'est aussi
à ma demande qu'il a formulé son avis.
M. Garon: Est-ce que le questionnaire contenu là-dedans
comprend les questions du questionnaire complet? (17 h 15)
M. Gauthier (Fernand): Je n'ai aucun moyen de savoir si les
questions mentionnées dans ce rapport sont l'ensemble des questions
utilisées lors du sondage. Ce que des gens du territoire me disent,
c'est que d'autres questions ont été posées lors du
sondage, mais je n'ai aucun moyen personnel de vérifier cette
assertion.
M. Garon: Est-ce qu'il y a un endroit où on peut obtenir
ce document - je viens d'avoir un document que je n'avais pas auparavant - ou
s'il était confidentiel?
M. Gauthier (Fernand): À ce que je sache, il n'y a encore
aucune règle qui régisse les rapports entre les maisons de
sondages et leurs clients, même lorsqu'il s'agit de clients publics. Ce
que nous avons comme dossiers, personnellement, je n'avais aucun moyen
d'obtenir davantage auprès de la maison SORECOM, mais c'est
coutumier.
M. Ryan: J'en sais quelque chose!
M. Garon: Je vais laisser les autres membres de la commission
poser des questions et je reviendrai ensuite.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je ne vous poserai pas beaucoup de questions sur le
sondage, parce que je ne trouve pas que ce soit une pièce très
importante dans notre arsenal de discussion ici. Il n'a, d'ailleurs, pas
été déposé et on n'en est pas saisi. Vous nous
donnez un résumé et on ne sait même pas si c'est complet.
La critique, c'est bon de l'avoir, ça va être utile, mais je ferai
seulement une remarque de caractère général à ce
sujet. C'est pour déplorer la tendance des gouvernements, autant
à Ottawa qu'à Québec, à garder secrets pour
eux-mêmes, tant que ça ne peut pas leur être utile, des
sondages comme ceux-là. Ils en font en quantité aux frais des
contribuables et c'est très rare, merci, qu'ils daignent nous
communiquer des résultats. Il y en a un grand nombre dont les
résultats dorment dans les tiroirs des ministres. Je suis content
d'avoir entendu le ministre de l'Agriculture dire tantôt qu'il en a
commandé seulement un au cours des dernières années.
J'espère que votre exemple...
M. Garon: En 1977 ou 1978, lorsqu'on préparait la Loi sur
la protection du territoire agricole.
M. Ryan: C'est bien. J'ai terminé sur l'affaire de
sondage. On prend note de ce que vous nous dites, ça va nous être
utile. Le rapport du comité d'expertise, je pense que c'est
intéressant.
Je suis cependant plus intéressé à
l'ensemble de votre mémoire. Je voudrais vous poser une question
de fait pour commencer. Vous avez été associé avec le
comité des expropriés. Je me souviens que je vous avais
rencontré dans ce milieu il y a déjà une douzaine
d'années, si mes souvenirs sont bons. Est-ce que vous êtes encore
associé avec le CIAC de manière directe et professionnelle ou si
vous êtes maintenant un observateur qui suit ces choses un peu de
l'extérieur?
M. Gauthier (Fernand): J'ai toujours été
associé à peu près de la même façon avec le
comité des expropriés, c'est-à-dire au moment où
pour divers besoins des services pouvaient être rendus de ma part;
à titre personnel, j'arrivais et je dépannais.
Mon implication au CIAC et, antérieurement, au comité des
expropriés a été sur la base des demandes qui
m'étaient faites et des expertises que je pouvais apporter
moi-même ou par d'autres personnes au moment d'un dossier à
étudier. Mais ce n'est pas à titre professionnel; je n'ai jamais
été engagé par contrat par le CIAC pour faire un travail
particulier. Cela a été sur cette base épisodique, mais de
longue durée et relativement fréquente sur les treize ans, que je
suis intervenu.
M. Ryan: L'analyse que vous faites des rapports qui se sont
institués correspond à bien des choses qui ont déjà
été recueillies par la commission parlementaire; par
conséquent, je pense que ça ajoute des éléments
intéressants. Cela ne modifie pas substantiellement la perception qu'on
pourrait avoir. Mais une question que je serais intéressé
à vous poser, c'est concernant l'avenir. Vous dites: C'est une
façon de fonctionner qui n'a pas été bonne et vous donnez
toutes sortes d'implications de ça et, à la fin de l'article que
vous annexez, qui remonte à une dizaine d'années, vous formulez
quelques suggestions. Dans la situation où se trouvent les groupes
aujourd'hui, auriez-vous des suggestions à faire pour établir des
meilleurs rapports et acheminer ce problème général plus
efficacement vers une solution?
M. Gauthier (Fernand): Sur des moyens très précis
et pouvant être mis en opération, demain, je n'aurais
peut-être pas de suggestions immédiates, mais ce qui
déjà se dégage des échanges que j'ai entendus ici
en commission parlementaire, le simple fait qu'une instance gouvernementale,
comme celle du Québec, arrive à déterminer que le
problème en fut un d'expropriation et en est maintenant un de
rétrocession, et d'en constater les conséquences - il s'agit
d'une rétrocession de terres, il s'agit de réparer des torts
causés à la suite d'une erreur d'expropriation pour fins
publiques qui ne s'avèrent plus existantes - le simple fait de poser la
question comme vous la posez maintenant peut faire avancer de beaucoup le
dossier. Ce qui bloque, à mon avis, le dossier, cela a été
le nom que le problème a reçu au départ; on a
appelé cela un achat et maintenant on appelle cela des ventes. Si on se
bute à ce nom à donner au problème, les solutions qui en
découlent ont toujours été nocives et continueront de
l'être. J'ai espoir, dans une détermination de ce qu'est la
question à Sainte-Scholastique, qui en est une actuellement de
rétrocession et de réparation des torts causés. Si c'est
la dominante, j'imagine que les suggestions qui en découleront seront
recevables par la population de Sainte-Scholastique.
J'aimerais peut-être ajouter un élément aussi; c'est
un élément qu'on n'a pas entendu peut-être encore, sauf
dans les dossiers particuliers de certains expropriés. Du fait que la
situation s'est gâtée depuis treize ans ou que la situation a
duré depuis treize ans, il est difficile d'imaginer qu'il y a encore
urgence à régler le problème. Il y a actuellement, pour
plusieurs agriculteurs que j'entends ou que j'ai entendus, urgence sur la
question de la relève agricole sur le territoire. Cela peut être
difficile à imaginer, mais il y a beaucoup d'agriculteurs qui ont
travaillé leur terre en attendant. Il y a beaucoup de jeunes qui
attendent de voir ce qui va se dessiner sur le territoire. Ce sont des choses
qui se décident dans ces mois. Il y a un caractère d'urgence
à la question. Je pense que vous en êtes déjà
informés.
M. Ryan: Je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu entre vous
et nous, du côté de l'Opposition, en ce qui concerne la nature du
problème. Nous sommes à l'écoute, nous regardons, nous
n'avons pas tiré de conclusion. Ce serait facile de dire: On est tous
pour la rétrocession, entendue dans le sens le plus rigoureux du terme.
Je vous dis en toute honnêteté que je ne suis pas sûr qu'on
puisse opter pour cela aveuglément.
J'ai posé des problèmes à M. Fennel ce matin et je
vous les pose aussi concernant le cas, par exemple, d'une maison de village qui
a été expropriée il y a treize ans, qui a
été payée le prix qu'elle était estimée
à ce moment. On peut discuter après coup, mais on a des raisons
de considérer que cela a été un prix raisonnable. La
personne avait l'option de rester comme locataire. Elle a décidé
de partir et de s'installer ailleurs. Il y a une nouvelle famille qui est venue
s'installer là, qui peut être là depuis dix ou douze ans.
Si je prenais votre façon de résumer le problème à
la lettre, cela voudrait dire que le gouvernement fédéral devrait
être obligé d'offrir la maison en rétrocession à la
famille qui était là au début, même si elle peut
être rendue dans le
fond de Rimouski ou dans le fond de Saint-Hyacinthe. Il y en a qui
soutiennent le contraire avec vraisemblance aussi; il y a des arguments dans un
sens et dans l'autre.
C'est tellement complexe que, l'autre jour, j'ai posé la question
à l'évêque de Saint-Jérôme, mais il
n'était pas en mesure de répondre. Il a dit: II y a un
problème complexe là, je ne l'ai pas étudié
à fond. À un moment donné, à la fin, il a
laissé percer peut-être un certain penchant, mais il n'a pas
osé proposer une réponse claire et ferme. Je vous demande si
c'est clair dans votre esprit. C'est le sens de la question que je vous posais.
On est en face de deux façons différentes de poser le
problème. Je dirais qu'il n'y a pas seulement le gouvernement
fédéral d'un côté; il y a d'autres citoyens
également sur le territoire. Il y a le groupe qui est
représenté par le CIAC qui, dans certains secteurs, est
très représentatif et, dans d'autres, ce sont des choses qu'il
faut vérifier de plus près. Je vous dis qu'on est en face de ces
façons différentes de poser le problème. Je vous demande
à vous, comme personne versée dans les méthodes de
recherche et d'animation sociale, constatant le dégât qui a
été causé par des rapports mal établis entre les
différents éléments concernés, si vous avez des
suggestions à nous faire pour faire un rapprochement qui va conduire
à des conclusions justes.
M. Gauthier (Fernand): À la question que vous posez,
c'est-à-dire la complexité d'apporter des solutions à des
cas comme celui que vous présentez, j'ai une opinion à
émettre. Je réaffirme aussi que je suis un peu dans une situation
déséquilibrée. Ce que j'affirme, c'est qu'il faut laisser
le soin aux gens impliqués de répondre et de suggérer des
solutions à leurs problèmes. Je n'aurai pas à vivre avec
les conséquences des solutions apportées à Mirabel; je ne
vis pas là. C'est le premier point. Je ne peux pas me considérer
comme juge ou partie impliquée là-dedans.
Deuxièmement, lorsqu'on dit qu'il y aura des problèmes
avec des résidents du territoire si on prend l'attitude de penser
rétrocession plutôt que revente, on aura beau faire, la
réalité, même légale, a été une
expropriation, en 1969, pour fins publiques. Le gouvernement
fédéral n'a pas été un acheteur face à un
vendeur. Il a exproprié pour fins publiques. Ceci ne peut pas être
changé. Actuellement, le fédéral parle de revente.
Plusieurs parlent de rétrocession, surtout les personnes
impliquées, et ils n'inventent pas une histoire nouvelle. Ce n'est pas
un mot nouveau qui apparaît dans le dossier de façon très
astucieuse. C'est la réalité même de l'histoire à
Sainte-Scholastique: il s'agit d'une rétrocession. On ne pourra pas
dire: II faudrait appeler cela autrement; appelons cela revente, parce que, si
on appelle cela rétrocession, cela devient compliqué. Il y a eu
expropriation et il y a maintenant - il doit maintenant y avoir
-rétrocession. Quelle que soit la complexité de la
rétrocession, je ne vois pas pourquoi on pourrait changer la
réalité et l'appeler maintenant revente parce qu'il est difficile
de faire face aux conséquences d'une erreur commise. Je ne vois pas la
logique, derrière cette nouvelle problématique, d'appeler revente
ce qui ne peut être autre chose qu'une rétrocession. Lorsque la
rétrocession sera effectuée, on pourra parler de vente à
un public élargi, mais pas avant.
Je m'excuse de ne pas arriver avec le détail, à savoir,
ensuite, comment résoudre les problèmes résultant de
l'erreur commise, mais je ne vois pas pourquoi on nierait que le
problème est là. Il doit être résolu, tel qu'il est,
tel que l'histoire l'a créé.
M. Ryan: C'est votre opinion comme citoyen.
M. Gauthier (Fernand): Oui.
M. Ryan: C'est une opinion qui ne découle pas de votre
expertise de professeur de recherche. C'est votre opinion.
M. Gauthier (Fernand): Non. Je n'ai aucune expertise dans le
domaine de la vente.
M. Ryan: C'est cela. Ni juridique ni comme moraliste.
M. Gauthier (Fernand): Absolument pas.
M. Ryan: Très bien. Dans les rapports que vous avez eus
avec les citoyens de la région, vous n'avez pas été
associé aux expériences avec la SIC depuis qu'elle a
été constituée, la Société
immobilière du Canada?
M. Gauthier (Fernand): Je ne suis pas locataire sur le
territoire.
M. Ryan: Non, mais est-ce que vous avez été
appelé à oeuvrer avec le CIAC, par exemple, dans ses rapports
avec la SIC?
M. Gauthier (Fernand): J'ai été appelé
à oeuvrer avec le CIAC dans les dernières années, les
derniers mois et les dernières semaines, oui.
M. Ryan: Y compris les derniers mois?
M. Gauthier (Fernand): Oui. Il arrive que la SIC était
présente sur le territoire dans les derniers mois.
M. Ryan: Très bien. Est-ce que vous
trouvez que la situation s'est empirée, améliorée
ou si c'est demeuré à peu près la même chose depuis
que la SIC a fait son apparition dans le paysage et à mesure qu'elle a
précisé son action? Est-ce que vous trouvez que la situation
s'est améliorée ou dégradée?
M. Gauthier (Fernand): Là-dessus, je vais vous
répondre. Il y a eu un très grand espoir réel, autant dans
les réunions de comités restreints que dans les réunions
publiques, à Mirabel, lorsqu'il a été question de la
création de la société de la couronne parce que, encore
une fois, des promesses très nettes avaient été faites
à un niveau politique élevé qu'il y aurait un changement,
qu'il y aurait un rapport beaucoup plus actif et important entre la nouvelle
société et la population. Il y a eu un désenchantement
très rapide de la part du CIAC à la suite de certains gestes de
refus, des refus concrets et même physiques, refus de la part des
responsables chargés des relations avec la population et la
société, refus d'entrer en rapport direct avec le CIAC,
soi-disant pour éviter une perte de crédibilité à
l'intérieur de la direction de la SIC. Le seul contact que j'ai vu se
faire de façon directe, cela a été lors de l'audience
publique, la journée de l'audience publique. Même des gens de
l'intérieur de la société, qui auraient pu jouer un
rôle d'intermédiaires ressemblant de loin aux promesses faites, se
sont dits dans l'incapacité de jouer ce rôle. Alors, quel est
maintenant le rapport? C'est une dynamique très semblable - on ne peut
pas dire identique; il y a eu des changements d'hommes - à celle que le
CIAC avait connue durant les dix ou treize années
précédentes de relations avec les organismes
fédéraux. (17 h 30)
En passant, j'aimerais ajouter une chose. J'aimerais ajouter un
élément de fiabilité que j'ai pu percevoir
personnellement. Concernant toutes les réunions du CIAC auxquelles j'ai
assisté - il y a beaucoup de réunions en préparation
d'assemblées publiques - j'aimerais affirmer ici, pour les fins de
savoir à qui on s'adresse quand on s'adresse au CIAC, que tout ce qui a
été dit en privé ou en petits comités auxquels j'ai
assisté a toujours été répété
exactement sur le même ton et selon la même teneur en public. Je
n'ai jamais vu, au CIAC, pendant les treize ans où j'ai pu observer des
réunions - et c'est un groupe qui fait face à beaucoup de
difficultés - une distance entre ce qui était affirmé en
privé et ce qui était dit par la suite en public, que ce soit
à la presse, que ce soit à la société, que ce soit
au gouvernement, que ce soit aux députés, peu importe. Si on peut
encore employer le mot "transparence", il y a un lieu où j'ai vu ce que
le mot pouvait vouloir dire.
M. Ryan: Une autre question. Vous affirmez dans votre texte que
le CIAC est un organisme très valable pour parler au nom des citoyens
concernés dans Mirabel par les actions du gouvernement
fédéral depuis une douzaine d'années. Je voudrais vous
poser cette question parce qu'elle est assez importante dans les travaux que
nous faisons. Quelle est, d'après vous, la
représentativité du CIAC au point de vue de la partie agricole du
territoire et au point de vue de la partie des villages? Comment avez-vous
été amené à le vérifier et vous est-il
arrivé de mettre à l'oeuvre votre expertise en matière de
méthode de recherche pour le vérifier et faire des
constatations?
M. Gauthier (Fernand): Je n'ai pas fait de sondages sur le
territoire, personnellement. Ce que je puis vous dire là-dessus, c'est
que la façon dont s'établit la crédibilité d'un
leadership en milieu agricole peut être assez différente de la
façon d'établir cette crédibilité en milieu urbain.
Si les responsables qui sont passés au CIAC - il y a eu un certain
nombre de personnes, par divers comités, qui y sont entrées et
qui en sont sorties - avaient rencontré le moindre accroc face à
la crédibilité des leaders dans la population, ils n'auraient pas
pu survivre dans le rôle qu'ils se sont donné et dans les
positions publiques qu'ils ont prises. Quelles que soient les méthodes
qui ont été prises au CIAC pour vérifier les besoins de la
population et en rendre compte, il aurait été impossible pour eux
de survivre, de faire des réunions de 5D0 à 600 personnes,
d'avoir encore des gens qui y assistent et d'avoir le type de rapports qui se
continuent. Il y a sûrement des mécontentements, quand on donne
une position de deux lignes dans le public qui tient compte de 600 ou 800 avis
différents. Malgré tout, il n'y a jamais eu, à mon avis,
de remise en question, que j'aurais perçue personnellement, de ce type
de leadership autant dans les assemblées auxquelles j'ai assisté
que dans les conversations décousues à l'occasion de fêtes
familiales et autrement dans tout le territoire. Mais je n'ai pas fait
d'étude scientifique en employant un sondage ou tout autre instrument
pour vérifier ce que je vous affirme.
M. Ryan: Est-ce que vous êtes en mesure de dire si la
représentativité est aussi forte du côté agricole
que du côté des villages? Parce que la population n'est pas la
même.
M. Gauthier (Fernand): Oui. Cela peut varier selon les villages.
Il faudrait que j'y
arrive et là je parlerais sans aucune note préparatoire.
Il y a de la diversité aussi à travers les villages. Il y a des
nouveaux venus qui peuvent prendre un certain temps avant de se faire
connaître dans certains secteurs de la région de Mirabel. Cela
varie selon les villages et les lieux. Il y a eu beaucoup d'activités
récentes encore, alors que des ateliers ont été
montés dans chaque secteur du territoire, surtout en préparation
de cette commission. Le CIAC a pu reprendre contact avec différents
lieux.
Je prends l'allure de quelqu'un qui glorifie au maximum un comité
en particulier. Je pourrais aussi parler des difficultés
rencontrées. Il est impossible de ne pas en avoir lorsque vous faites un
travail aussi difficile et que vous êtes combattu par des forces aussi
puissantes, d'autre part. Cependant, j'interviens pour dire que, s'il y a lieu
de miser sur un groupe qui aurait quelque apport à faire actuellement,
reflétant la position assez élargie de l'ensemble des
résidents du territoire c'est le CIAC. On pourrait toujours tenter d'en
créer un en parallèle, mais c'est un état de fait. Je vous
présente cela comme un élément de ressource à
utiliser dans l'éventualité de solutions à apporter.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Garon: Pensez-vous que la chambre de commerce est aussi
représentative?
M. Gauthier (Fernand): Elle n'a sûrement pas la même
histoire ni une vie aussi longue. À mon avis, la
crédibilité de leaders locaux s'établit sur une longue
durée. Je n'ai aucun moyen de vérifier cette
crédibilité. La chambre de commerce est un organisme relativement
récent, c'est un nouveau venu sur le territoire.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: Ce qui me frappe, M. Gauthier, dans le mémoire
et dans l'article qui y est annexé, c'est le fait que cet article a
été rédigé en 1971. On peut lire ceci à la
page 241: Les représentants du gouvernement fédéral,
plutôt que d'essayer de comprendre le sens des questions du comité
des expropriés, l'accusaient facilement d'irréalisme et lui
répondaient qu'ils ne pouvaient pas donner suite à ses demandes
parce que le dossier n'était pas encore prêt. Ce qui me frappe
beaucoup, c'est qu'encore ce matin la Société immobilière
du Canada a répondu à cette commission parlementaire qu'elle ne
pouvait pas venir témoigner parce que ses dossiers n'étaient pas
encore prêts.
D'autre part, à cette époque, en 1971, on a tenté
de faire croire à l'ensemble de la population du Québec que les
gens de Mirabel étaient des parasites, des gens qui avaient
été grassement payés, surtout ceux qui se plaignaient.
J'en viens au point que vous avez souligné relativement au sondage qui
est actuellement diffusé et repris par certains médias. On essaie
maintenant de faire croire que les gens de Mirabel, les expropriés de
Mirabel, qui sont sous la gouverne de la Société
immobilière du Canada, sont des gens heureux de la situation que leur
impose le gouvernement fédéral.
Vous nous avez donné lecture d'une étude
intéressante qui, à tout le moins, porte ombrage à la
rigueur du sondage qu'on utilise allègrement pour démontrer que
les expropriés sont des gens heureux. Mais, au-delà de l'analyse
très scientifique qui en a été faite par le comité
très crédible auquel vous avez fait allusion, j'aurais quelques
petites questions à vous poser sur tout sondage qui pourrait être
fait sur les résidents du territoire actuellement exproprié, qui
pourrait peut-être, même s'il était scientifiquement
très articulé, donner une fausse idée de la
réalité des gens qui sont enracinés à Mirabel.
Je sais qu'il y a sur le territoire de Mirabel 392 agriculteurs
actuellement. Combien y a-t-il de personnes locataires de maisons
situées dans des villages? Pouvez-vous me dire cela?
M. Gauthier (Fernand): Je n'ai pas les chiffres avec moi. Est-ce
que votre question porte sur cette information précise?
M. Blouin: Elle porte sur cette information parce que si, par
exemple, on loue dans les villages des maisons à des gens qui acceptent
de les louer à des taux très minimes comparativement au taux
habituel du marché, je ne serais pas surpris que presque l'ensemble de
ces citoyens locataires de maisons situées dans des villages, qui paient
le tiers du tarif habituel, soit heureux de louer des maisons à ces
tarifs-là. Si on commence à interroger les gens qui louent des
maisons et qui font des "bargains" en louant des maisons dans des villages au
tiers du prix du marché, il est évident que ces gens-là
répondront qu'ils ne sont pas mécontents de payer le tiers de ce
que l'ensemble des citoyens paient pour louer des biens de valeur...
M. Gauthier (Fernand): Dans le sondage SORECOM, on a fait
état de toutes sortes d'activités, que ce soit le festival
western ou un sentier de nature, peu importe, que la société a
financées ou pour lesquelles elle a
fourni une part importante du financement. Il ne suffit pas de demander
aux gens... À la limite, si jamais la Société
immobilière du Canada commençait à faire des tartes aux
pommes, elle pourrait demander aux gens s'ils aiment la tarte aux pommes et en
déduire que la population est favorable à l'intervention du
gouvernement fédéral sur le territoire. Je ne vois pas ce que
l'accumulation de questions semblables peut apporter si ce n'est de
prêter flanc ou de laisser le client qui demande le sondage faire des
affirmations qui n'ont rien à voir avec la science ou les règles
de l'art des sondages.
Je comprends qu'on puisse demander aux gens s'ils sont heureux. Mais de
là à faire des pourcentages et à en déduire que
tout ce qui a été fait les mois précédents par tel
groupe a été la cause de ce bonheur subit... Je ne vois pas
comment on peut utiliser des parcelles d'éléments scientifiques
et construire autour de cela une image qui n'a absolument rien à voir
avec la science. La science ne corrigera pas ces failles dans
l'interprétation.
M. Blouin: II est vrai que selon les questions que l'on pose, on
peut faire dire à peu près ce que l'on veut, en éliminant
les questions, en en prenant exclusivement le résultat et en disant:
Voilà, les gens sont heureux.
M. Gauthier (Fernand): Ou il faudrait un questionnaire beaucoup
plus approfondi. Il faudrait aller au-delà des questionnaires
téléphoniques qui ne prennent que quelques minutes. Il faudrait
faire des entrevues.
M. Blouin: Je reviens à ma question première.
Est-ce que vous êtes capable de me dire combien de citoyens ne sont pas
agriculteurs et n'entendent pas le devenir par rapport aux 392 agriculteurs
concernés sur le territoire? Parce que lorsqu'on fait...
M. Gauthier (Fernand): Je n'ai pas...
M. Blouin: ... un sondage... Vous n'avez pas de proportions.
M. Gauthier (Fernand): Je n'ai pas avec moi les chiffres qui me
permettraient de donner des réponses cohérentes et nettes aux
questions que vous me posez.
M. Blouin: Ce serait de quel ordre, à peu près?
M. Gauthier (Fernand): Je n'ai pas apporté ces chiffres
avec moi.
M. Blouin: Vous n'avez aucune idée de l'ordre?
M. Gauthier (Fernand): C'est le genre de question que vous
pourriez facilement poser à d'autres intervenants qui viendront ici, que
ce soit des gens du CIAC ou les gens... Je crois que la ville de Mirabel doit
se représenter devant vous. Je sais qu'il y a de très grandes
difficultés à l'intérieur de la ville de Mirabel et du
territoire exproprié pour avoir un dossier concernant la population qui
soit clair. Qu'on connaisse d'abord le nombre d'acres dont nous parlons et
ensuite le nombre de résidents qu'il y a...
M. Blouin: Laissons de côté les proportions.
Supposons effectivement que la proportion d'agriculteurs actifs soit de
beaucoup inférieure aux citadins locataires. Est-ce que vous croyez,
dans cette perspective, que tout sondage ne représente pas, ne donne pas
une idée précise de la qualité première de ce
territoire, qui est un territoire agricole?
M. Gauthier: Exactement. Il y a des choses qu'un sondage ne
pourra jamais révéler, c'est-à-dire la dynamique
nécessaire au bon fonctionnement d'un territoire agricole. L'importance
des agriculteurs, même s'ils sont en nombre relativement restreint, ils
occupent beaucoup d'espace, c'est le moteur de l'économie.
C'était le moteur de l'économie de la région de Mirabel et
ils continuent d'être le moteur de l'économie. Quelle que soit la
quantité de personnes qu'on puisse identifier, cataloguer et
caractériser à l'intérieur des villages,
l'élément moteur de ce territoire, c'est les agriculteurs. Ce
qu'ils pensent, ce qu'ils vivent, leur état d'âme sont beaucoup
plus importants, en définitive, leur plan d'avenir, leur plan de
développement sont beaucoup plus importants que certains citadins qui,
peut-être, ne sont là qu'en passant.
M. Blouin: Moi, je vous avoue - et je termine sur cela - que ce
qui m'avait étonné - je n'avais pas toute l'analyse scientifique
que vous avez évoquée au sujet de ce sondage... Je m'étais
dit qu'évidemment si on interroge un nombre considérable de
personnes qui louent des maisons à bon compte et qu'on leur demande
s'ils trouvent que leurs conditions de location sont bonnes, ils
répondront oui, parce que cela ne coûte pas cher. Mais cela ne
donne pas une idée des véritables problèmes
économiques et des problèmes de dépréciation
agricole que le territoire est en train de subir.
M. Gauthier: Et les chiffres absolus ne pourront jamais les
révéler.
M. Blouin: Merci.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes. (17 h 45)
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. M. Gauthier,
j'ai examiné le document que vous nous présentez venant d'un
comité des sondages qui a analysé le sondage fait pour la
Société immobilière du Canada. Je trouve cela assez
reprehensible parce que je suis, depuis plusieurs années,
l'évolution du dossier de Mirabel et il y a des choses qu'on
reconnaît immédiatement, des éléments de
thématique. Quand on regarde le sondage, les questions qui ont
été posées, on reconnaît tout de suite la
thématique du gouvernement fédéral dans le dossier de
Mirabel. Cela saute aux yeux parce qu'on ne pose pas de questions
détaillées sur ce que le fédéral devrait faire. On
pose une question prudente, la deuxième année, qu'on formule
différemment, sur la politique dite de revente, mais c'est tout.
Pour ce qui est du gouvernement du Québec, on parle des
autoroutes, la 13 et la 20, comme si c'étaient des
éléments importants du dossier de Mirabel alors que je pense que
de plus en plus on se rend compte que ce sont des éléments
très marginaux. La prolongation de ce qui manque de l'autoroute 13
pourrait, théoriquement, devenir utile si, déjà, un
départ avait été pris au parc industriel. Mais tant que le
parc industriel n'a pas pris de départ, parler de l'autoroute 13, c'est
vraiment être des pelleteux de nuages.
Les représentants du fédéral, à cet
égard-là, comme à bien d'autres égards, sont des
pelleteux de nuages. Ils font de la planification à vide. Comme, je
pense, que votre texte le montre bien, ils ne s'intéressent pas à
ce que pense et à ce que veut vraiment la population, ils
préfèrent pelleter des nuages. Ils posent des questions aux gens
sur l'autoroute 13, ce n'est pas intéressant du tout, cela n'a pas de
rapport direct avec le dossier et ils arrivent avec de la propagande. Tout cela
fait partie d'une entreprise de propagande. Ils demandent aux gens s'ils
connaissent le bois de Belle-Rivière. C'est une intervention du
gouvernement fédéral dans le territoire.
Les sentiers de Mirabel, le festival de la mirablière, le
festival western de Sainte-Scholastique - je ne sais pas si des gens qui
connaissent le territoire considèrent que c'est une longue tradition, le
festival western de Sainte-Scholastique - et la foire de Mirabel. D'autres
choses qui se seraient passées dans le territoire et auxquelles le
gouvernement fédéral n'aurait pas été
mêlé, comme, par exemple, le festival du blé d'Inde
à Saint-Benoît, ils n'en parlent pas. Ils ne sont pas
intéressés à faire de la propagande au festival du
blé d'Inde à Saint-Benoît. Ils ne sont
intéressés qu'à faire de la propagande à
l'intervention du fédéral.
Tout ceci pour dire que je trouve cela assez repréhensible - je
me retiens, j'emploierais un vocabulaire beaucoup plus violent si je me
laissais aller - de voir des gens à prétention scientifique, le
SORECOM par exemple, - je pense que ce sont des gens scientifiques -
participer, se faire complices comme ça non seulement d'un sondage qui
est mal fait, comme vous l'avez bien montré à l'aide du travail
de ce comité, mais un sondage dont la nature n'est pas vraiment de
sonder. C'est un sondage dont la nature est de tripoter l'opinion publique.
Cela fait partie d'une entreprise de propagande et je trouve cela
extrêmement répréhensible et je constate, avec beaucoup de
regret, qu'il y a des journalistes qui sont victimes de ces
procédés.
On a vu M. Guy Pinard dans la Presse, proclamer que tout allait bien,
sur la foi de ce sondage et dans un reportage d'hier soir à
Radio-Canada, un journaliste du nom de Pelletier qui utilisait lui aussi ce
sondage comme si c'était un élément scientifique, alors
que non seulement c'est mal fait, mais ce n'est pas un sondage en soi. En soi,
cela s'inscrit dans l'effort de propagande du gouvernement
fédéral. On n'a qu'à le regarder, je le
répète, pour voir des éléments de
thématique. S'il y avait eu de la part des gens qui ont fait ce sondage,
un minimum de sympathie envers la population qui a été victime de
ce viol-là, on aurait reconnu une autre thématique. Il aurait
été question de rétrocession. Il aurait été
question de tort fait à la population. Il aurait été
question de tout ce qui a été présenté devant cette
commission et c'est totalement absent de cela. Moi je pense qu'il faut
dénoncer le fait que des gens qui ont des prétentions
scientifiques se font les complices d'une tentative de propagande aussi
éhontée que cela. C'est ce que je voulais vous dire, M. Gauthier.
Je voulais marquer l'importance, quant à moi, de ne pas laisser passer
ce sondage inaperçu. Je pense que M. le député
d'Argenteuil voulait qu'on passe vite sur le sondage. Moi je refuse de passer
vite sur le sondage parce que je trouve que c'est absolument honteux.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: M. Gauthier, vous êtes spécialisé
en méthode de recherche, c'est ça, et d'animation sociale?
M. Gauthier (Fernand): Oui, en analyse statistique. Je ne suis
pas spécialisé dans la collecte de données. Mes
études et le travail que j'ai effectués, c'est surtout dans
l'analyse des données déjà colligées par ailleurs.
Toutefois, j'ai déjà enseigné les méthodes de
recherche.
M. Gagnon: Vous êtes avec le groupe exproprié depuis
treize ans, depuis le début du dossier à peu près.
M. Gauthier (Fernand): Oui. Au tout début, avec les
groupes, c'était l'UCC, à l'époque, les groupes de l'UCC
des différentes paroisses qui se réunissaient.
M. Gagnon: II y a des expressions qu'on emploie ayant trait au
dossier de Mirabel qui me troublent, avec lesquelles je ne peux pas me
réconcilier. On parle, par exemple, d'erreur d'expropriation. Selon moi,
tout le monde peut faire des erreurs, le gouvernement aussi forcément,
mais lorsqu'on fait des erreurs aussi considérables, si on prend
l'erreur de Mirabel et si on regarde le tableau, on se rend compte que pour
5000 acres, on a fait une erreur. Je ne le mettrai pas en pourcentage, j'ai
peur de me tromper, mais j'ai fait un petit calcul et si 5000 égalent
100%, on a exproprié 97 000, c'est une erreur de 1940%. Je ne sais pas
si cela se dit comme cela. Si on prend les 17 000 acres dont on aurait besoin
après l'an 2020, autour de cela, on a fait encore... Pardon? Si cela va
bien, on a fait encore une erreur de 550% par rapport aux calculs. Si je prends
le coût de l'expropriation, ce qu'on a donné aux gens du
territoire en comparaison à ce qu'on a donné sensiblement dans le
même temps en Ontario, là encore il y a des erreurs assez graves.
Je n'ai pas fait les calculs, mais 210 $ l'acre comparativement à 3000 $
l'acre en Ontario.
En tout cas, moi, cela me fait mal lorsqu'on parle d'erreur. J'ai
déjà été dans le commerce et j'avais eu à
faire une construction - j'étais sur une ferme - de ce que j'appelais un
gros poulailler pour mes moyens, c'était assez gros, et j'étais
tout gêné de me présenter à la banque parce que
j'avais fait une erreur de calcul de 15% entre l'estimation et le coût
réel. Mon gérant de banque m'avait dit: Ne t'en fais pas, il y a
des erreurs beaucoup plus fortes que cela qui sont faites par de soi-disant
spécialistes et on se rend compte, actuellement, du genre d'erreur. Moi
je voudrais savoir si depuis treize ans, cela ne vous a pas tenté ou
est-ce que vous avez déjà suggéré tout simplement
de contester cette expropriation parce que selon moi, ce n'est pas une erreur.
D'abord, essayer de savoir pourquoi on a exproprié un territoire si
grand. Est-ce que vous avez déjà tenté de le savoir et
est-ce que vous avez déjà obtenu une réponse?
M. Gauthier (Fernand): Là-dessus, je ne suis pas un
porte-parole du CIAC et je pense que c'est très net. Le CIAC est
dirigé par des leaders locaux et je n'ai jamais eu à
émettre d'avis sur le cas que vous mentionnez. C'est quand même
une question qui est peut-être débattue déjà
à l'intérieur du CIAC, mais je pense que les responsables du
groupe pourront vous répondre.
M. Gagnon: D'accord. Je vous pose cette question parce qu'on a eu
l'occasion de la poser à d'autres personnes, même à
l'évêque de Saint-Jérôme, Mgr Valois qui est venu
ici, lui aussi. Je lui ai posé la même question, à savoir
est-ce que quelqu'un sait pourquoi on aurait fait une erreur aussi
grossière d'exproprier autant de territoire. J'aimerais savoir cela
parce que finalement, quand on parle de rétrocession ou quand on parle
d'erreur d'expropriation, que je sache, un gouvernement n'a pas le droit
d'exproprier sans savoir pourquoi et ne peut pas exproprier pour toutes sortes
de choses parce que c'est un gouvernement. Si effectivement on avait besoin de
5000 acres et qu'on en a exproprié 97 000, il y a certainement de la
fausse représentation. Il y a certainement quelque chose qui
m'apparaît... Si c'était fait par une entreprise privée,
cela m'apparaîtrait comme étant extrêmement
malhonnête. En tout cas, on aurait des doutes sérieux, surtout
quand on se retourne et qu'on revend une partie du territoire, comme on l'a vu,
à 3500 $ l'acre, par exemple, pour établir une usine. J'en
parlais avec des gens de Mirabel. Cela m'apparaît, en tout cas...
J'aimerais savoir si quelqu'un a exploré cette possibilité de
retourner tout simplement treize ans en arrière et de contester le fait
qu'on a, à toutes fins utiles - je n'ose pas employer ce mot, même
si cela me semble être le bon mot - volé du territoire et on ne
sait pas pourquoi on l'a pris.
M. Gauthier (Fernand): Oui, j'aimerais ajouter une chose. Je sors
un peu, évidemment, de ce dont je peux parler de façon directe,
mais on peut dire "retourner en arrière". L'expropriation a
été un tort subi, mais le tort des torts continue à
être subi continuellement, actuellement, sur le territoire. Rien ne s'est
arrêté. Les dommages causés aux personnes et les
difficultés qu'on occasionne actuellement aux personnes sur le
territoire se perpétuent de jour en jour. Les problèmes de la
population vécus depuis treize ans n'ont pas changé. S'il y a
quelque chose, c'est une certaine accélération qui se sent
actuellement sur le territoire. Il y a des gens qui subissent actuellement des
préjudices et des gens vont en subir demain. Rien ne change dans les
torts causés aux personnes. Ce n'est pas un retour dans le passé.
On pourrait même dire que tout cela est vers l'avenir si on regarde la
semaine prochaine.
M. Gagnon: Quand je parle d'un retour dans le passé, je me
demande justement de quelle façon on va pouvoir corriger, comment le
gouvernement fédéral va pouvoir corriger le tort qu'il a fait
à ces gens. C'est un fait, ce que vous mentionnez. On ne peut pas
défaire ce qui a été fait, mais il reste que,
au départ en tout cas, je me refuse de parler d'erreur.
J'aimerais que quelqu'un, un témoin, vienne me dire exactement pourquoi
on a fait cela. Est-ce possible que la quantité de spécialistes
qui travaillent normalement pour un gouvernement... Un aéroport, on
n'installe pas cela comme on installe une maison sur une ferme ou un poulailler
comme la ferme que j'avais. Et, même là, on prend des
précautions pour ne pas faire d'erreur. Je n'accepte pas le terme
"erreur d'expropriation". Je voudrais savoir quel est le véritable
terme. Il est bien évident que même si on le savait, cela ne
corrigera pas la situation. Il faut plutôt aller vers une correction de
la situation, mais, en tout cas, cela m'apparaît très gros et,
personnellement, je n'emploierai jamais le terme "erreur d'expropriation".
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre
M. Garon: Vous êtes professeur à l'Université
de Montréal?
M. Gauthier (Fernand): Je suis responsable de la recherche,
c'est-à-dire que les postes sont différents. Je n'enseigne plus
actuellement. Je suis responsable de la recherche à la faculté
d'éducation permanente.
M. Garon: II y a une chose dans ce dossier de Mirabel qui me
frappe. Habituellement, lorsqu'il y a un moineau écrasé, il y a
toutes sortes d'organismes qui interviennent. Souvent, les professeurs
d'universités signent des pétitions au cas où il y aurait
des guerres nucléaires, toutes sortes de choses qui sont des
phénomènes pas nécessairement très actuels. Ce sont
des gens qui sont des champions des droits de l'homme, de la femme, de la
personne. Ce qui m'a frappé dans le dossier de Mirabel, comme ministre
de l'Agriculture, pour avoir été un peu plus touché par le
dossier, c'est que je trouve qu'il y a beaucoup d'organismes
québécois qui, normalement, sont à l'affût des gens
brimés dans leurs droits et qui sont terriblement silencieux. On a
parlé tantôt du sondage de SORECOM, par exemple. Il y a des
témoignages de gens vivants et tout ce qu'il y a d'organismes qui
représentent Mirabel viennent à cette commission, de même
que la ville de Mirabel, l'évêque du diocèse et le CIAC.
Demain, on aura la chambre de commerce. À peu près tous les
organismes qui oeuvrent sur le territoire viennent devant la commission
parlementaire. (18 heures)
Par ailleurs, le journal La Presse a fait paraître un article de
M. Guy Pinard auquel vous vous référez. Sa seule source de
référence est le sondage. Je ne sais pas s'il l'a eu en
totalité ou en partie. Cela semble être sa seule source de
référence. On m'a dit qu'hier, Radio-Canada avait fait un
reportage où le fils de Gérard Pelletier, que je ne connais pas
et que je ne souhaite pas connaître non plus, d'ailleurs, a fait, lui
aussi, un reportage. Il se serait basé seulement sur le sondage de
SORECOM. Je trouve cela véritablement malsain sur le plan
démocratique, sur le plan d'une société civilisée
que des organismes - je pense à Radio-Canada, au journal La Presse -
soient plus préoccupés par un sondage dont on a du mal à
connaître les sources et dont personne ne veut trop venir discuter et
venir expliquer la méthodologie et qu'il faut quasiment obtenir en
chachette pour pouvoir le consulter et qu'il soit une source de
référence pour des gens qui, normalement, devraient être
avertis.
Pour un journal comme la Presse, comme pour Radio-Canada, langue
française - parfois je me dis: Heureusement qu'on a Radio-Canada de
langue anglaise au point de vue télévision - que ces organismes
soient peu sensibilisés à la protection des droits de la
personne, à la cause de ces gens qui ont été
expropriés, à mon avis, sans droits... L'expropriation, c'est une
mesure exceptionnelle. J'ai ici des jugements de la Cour suprême qui
disent que, quand on parle d'expropriation, on parle d'expropriation de terres
provinciales, c'est un jugement fondamental de la Cour suprême. Un
jugement dans l'affaire de la Constitutional Questions Act, chapitre 63-RSA de
1970. C'est relatif à un renvoi par le lieutenant-gouverneur en conseil
de la Cour d'appel d'Alberta pour examen et audition de questions
énoncées dans le décret 107980 concernant une taxe sur le
gaz naturel exporté, proposée par le Parlement du Canada.
Jugement des 17 et 18 juin 1981 et jugement prononcé le 23 juin 1982,
où la Cour suprême a siégé dans son ensemble. Quand
elle parle d'expropriation, elle dit: The Federal power of expropriation of
provincial lands... Elle dit bien des terres provinciales, parce que le droit
de propriété des terres, il a été
déterminé que c'est d'abord sous la juridiction des provinces.
Que le fédéral exproprie pour des avions, des terrains d'aviation
dont il semble avoir plus ou moins besoin, que des gens soient spoliés
dans leurs droits...
Vous savez, j'ai reçu des lettres de deux ministres
fédéraux, l'an passé, lorsque j'ai fait construire les
aboiteaux à Kamouraska. Pas parce qu'on avait des exemples, mais au cas
où il y aurait une couple d'éperlans - et je pourrais vous lire
les lettres - qui pourraient avoir été brimés dans leurs
droits. Il y a deux ministres qui se sont donné la peine de
m'écrire, M. Roméo LeBlanc, actuellement responsable de Mirabel,
et M. Roberts, ministre de
l'Environnement; pas parce qu'il y avait de la certitude, mais ils
s'imaginaient que, peut-être, il pourrait y avoir quelques menés
qui pourraient être brimés lorsqu'ils iraient frayer. Mais ils
n'avaient pas de preuves de ça, ils ne savaient pas, ils disaient: Tout
à coup. Vous devriez retarder vos travaux pour qu'on étudie cela,
au cas où.
Je suis passé à Nicolet, hier. On me disait que la
Défense nationale tirait du canon en plein lac Saint-Pierre. Les deux
tiers du lac Saint-Pierre sont le champ de tir de la Défense nationale;
ils doivent tuer quelques menés. Mais, là, personne ne m'a
écrit. J'ai appris cela là, je ne savais pas que la
Défense nationale tirait du canon en plein milieu du fleuve, en pleine
civilisation, à travers les poissons, la faune, etc. Et personne n'a
jamais dit un mot.
Quand je vois des humains, des gens qui sont pris avec des
problèmes familiaux, que la capacité d'endurance de notre
société soit rendue aussi grande face à des
événements comme ceux-là, je me pose des questions. Quand
je suis arrivé au ministère de l'Agriculture, je me suis dit que
le rôle de député et le rôle dans des fonctions
publiques, c'est peut-être de défendre ceux qui n'ont pas beaucoup
d'organismes pour les défendre ou qui ont besoin de plus que d'autres
et, souvent, les plus faibles dans notre société. C'est pour cela
que j'ai toujours pensé que ces organismes de défense des droits
de la personne doivent jouer un rôle, même si parfois elles
défendent l'accessoire plutôt que l'essentiel. Comme recherchistes
universitaires - c'est parce que c'est trop proche de nous autres, on est un
peu comme dans le film Les Deux Orphelines, c'est plus beau dans les films que
dans la réalité - qu'est-ce qui fait que, dans une
université comme la vôtre, les professeurs ne se sentent pas - je
ne le sens pas, peut-être que je me trompe - solidaires?
M. Gauthier (Fernand): II y a quelque chose là-dessus. Le
milieu universitaire est un milieu essentiellement urbain encore, malgré
le fait que l'Université du Québec se soit répandue dans
le Québec dans certaines villes. Chez les groupes dont vous parlez,
même s'ils sont constitués parfois de gens venant de milieux
ruraux, il y a une dynamique urbaine. Tous ces groupes qui parlent de droits
sociaux et qui interviennent souvent autour des universités, ce sont des
phénomènes urbains. Ce que je remarque, pour la question de
Sainte-Scholastique ou de Mirabel, cela a été très
longtemps étranger et aussi vu de façon suspecte par certains
groupes défendant des droits sociaux, ailleurs à Montréal,
parce qu'ils se référaient à la dynamique de ce qui se
passait à Mirabel sous des modèles semblables à ceux
qu'ils voyaient en milieu urbain.
Le groupe du CIAC n'est pas un groupe conforme à l'image qu'on
pouvait se faire d'un groupe se tenant debout quelque part, d'un groupe de
citoyens se tenant debout. Il y a une méconnaissance souvent, j'en suis,
dans les milieux universitaires et surtout dans les milieux urbains, de la
dynamique des rapports qui s'établissent et de la façon dont les
problèmes se posent en milieu rural. Ce sont souvent des
étrangers les uns pour les autres. Même si quelqu'un vient d'un
milieu rural et passe à l'université, il prend non seulement des
connaissances nouvelles, il prend aussi un mode de pensée, une
façon de voir les choses qui est urbaine. Un jeune frais émoulu
de l'université, lorsqu'il arrivait dans les bureaux des organismes qui
ont précédé, face à des maudits habitants, comme je
l'ai entendu dire souvent, ayant déjà travaillé dans ces
bureaux du fédéral, parlait de mes oncles et de mes tantes,
parlait de ma famille, et je n'arrivais pas à comprendre comment cette
image et cette attitude de condescendance et de mépris bienveillant
pouvaient avoir été transmises en même temps que des
connaissances hautement spécialisées.
C'est un fait, en même temps que quelqu'un arrive... En tout cas,
on philosophe actuellement, il y a quelque chose qui est difficile à
cerner, mais en même temps qu'on forme des gens à
l'université, on ne les forme peut-être pas toujours très
bien à intervenir en un milieu réel du Québec qui est,
pour une bonne part, un milieu rural. Je vous dis cela. Je comprends cette
distance et cette absence d'interaction entre les milieux soi-disant
intellectuels et des phénomènes aigus qui se produisent en milieu
rural. J'ai vécu cela.
M. de Bellefeuille: M. le Président, juste une phrase
là-dessus. Il y a quand même un universitaire
québécois très éminent qui a pris position pour les
expropriés de Mirabel et qui est allé sur le territoire
manifester avec eux en plusieurs circonstances, c'est M. Pierre Dansereau, que
tout le monde connaît, je pense.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Garon: Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): Cela va. Je vous remercie de
vous être présenté en commission, M. Gauthier. Avant de
suspendre nos travaux, je veux immédiatement indiquer que nous les
reprendrons à 20 heures avec M. Claude Leclerc.
(Suspension de la séance à 18 h 10)
(Reprise de la séance à 20 h 20)
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux aux fins d'entendre des personnes et des
organismes sur la question des terres expropriées en trop de
Mirabel.
Avant de rencontrer notre premier témoin, M. le
député de Deux-Montagnes a demandé la parole.
M. de Bellefeuille: J'aurais une proposition à faire
visant à accélérer un peu nos travaux afin d'assurer le
plus grand respect des gens qui se présentent devant nous pour
témoigner et pour le bénéfice de la commission. Il y a
cinq personnes ou groupes qui doivent se présenter devant nous ce soir.
On peut calculer que, d'ici la fin de la séance, il s'écoulera
environ 100 minutes. Ma proposition serait qu'on s'entende pour consacrer vingt
minutes à chaque personne ou groupe.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce qu'il y a des
réactions à cette proposition du député de
Deux-Montagnes? M. le député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Je n'aurais pas d'objection invincible à cela,
quitte peut-être, en cours de route, à être plus ou moins
court selon le cas.
Le Président (M. Rochefort): Je me chargerai de vous
rappeler les vingt minutes par mémoire. D'accord? J'inviterais, sans
plus tarder, M. Claude Leclerc à prendre place à la table et
à nous présenter son mémoire. Est-ce que M. Claude Leclerc
est ici? Non. Alors, nous allons passer à M. Michel Raymond. Mme
Hélène Carrière est-elle présente? Oui. Nous allons
vous demander de prendre place à la table.
M. Mathieu: Mme Carrière?
Le Président (M. Rochefort): Le mémoire no 34, pour
les membres de la commission. Mme Carrière, bienvenu parmi nous. Sans
plus tarder, je vous demanderais de nous présenter votre
mémoire.
Mme Hélène Carrière
Mme Carrière (Hélène): M. le
Président, M. le ministre, MM. les députés, je suis
Hélène Carrière, épouse de feu Bruno
Carrière, agriculteur exproprié en 1969. Je vous fais grâce
de la période de 1969 à 1974. Je vous présenterai mon
mémoire à partir de l'année 1974.
Dans la nuit du 8 décembre 1974, à minuit et vingt
minutes, le feu détruisait entièrement notre étable et
toutes les bâtisses qui s'y rattachaient, soit l'étable, les
granges, la remise. Dans cet incendie, nous perdions tous les animaux, dont 37
bêtes à cornes, le foin, la paille, deux tracteurs, deux wagons,
deux tonnes de moulée pour nourrir les animaux. Nous possédions
deux fermes et en avions une troisième en location.
La semaine suivante, mon mari et moi avons eu des rencontres avec les
fonctionnaires du bureau du BANAIM. Nous avons demandé de l'aide et la
permission de nous rebâtir comme nous étions auparavant. Nous
avons essuyé un refus une première fois; nous nous sommes repris
à plusieurs fois avec l'aide et surtout l'appui de M. Yvon Ladouceur.
C'était toujours la même réponse: Nous en avons bâti
un et nous ne voulons pas recommencer.
Ensuite, certains fonctionnaires nous offraient de nous rebâtir,
disant que le gouvernement pourrait peut-être débourser le tiers
et nous le reste. Nous paierions quand même un loyer et le tout serait la
propriété du gouvernement. Ce fameux tiers, nous le remboursions
dans le prix du loyer. Il aurait fallu racheter tout le bétail et
repartir à zéro.
Nous n'avons eu d'aide de personne, sauf des dons de cinq ou six
personnes de la paroisse. Tout ce que le gouvernement a fait, c'est nous
fournir la pelle mécanique pour creuser un trou, que je pourrais appeler
facilement une cave, pour y enterrer les animaux. Ce fut l'un des moments les
plus durs à traverser pour mon mari. Il s'est enfermé dans le
salon pour ne pas voir ce spectacle qui se déroulait juste à
l'arrière où se trouvait située son étable. Chaque
jour, par la suite, il se promenait dans ce champ en disant que toute sa vie il
se rappellerait l'endroit, ce qu'il appelait le cimetière de ses biens
enfouis dans la terre. Son coeur en a été gravement
affecté.
N'eût été l'expropriation, nous aurions pu
rebâtir notre étable, comme d'autres cultivateurs l'ont fait avant
nous. Il se faisait des corvées, des "bis", des collectes et tout le
monde y participait, ce qui ne fut pas le cas pour nous. En ne
rebâtissant pas, il n'y eut pas de corvée, ni collecte, rien ne
s'est fait. Nous n'étions pas payés par le gouvernement. Alors,
mon mari, à 50 ans, a relevé ses manches, a pris sa boîte
à lunch et s'est trouvé un emploi dans une usine à
Saint-Jérôme. Ce n'était pas très
sécuritaire; à différents moments, il se retrouvait en
chômage. Sa santé se détériorait. Il souffrait
d'ulcères d'estomac qui se sont aggravés à la suite de
tous ces événements. Le 5 avril 1978, ce fut l'infarctus, le
moment fatal où il est décédé.
Même si nous avions fait l'acquisition d'une
propriété à Saint-Jérôme, il n'y avait
aucune bonne raison pour le faire déménager.
C'était en cas d'extrême urgence, de dérangement dû
à l'expropriation. Nous avions quatre fils dont au moins trois
étaient prêts à demeurer sur une ferme. Ils aimaient les
animaux et le travail à la ferme. Ils le prouvent encore car, tous les
étés, ils vont travailler aux foins durant leurs vacances.
Même si mon mari avait un emploi à l'extérieur, nous avons
toujours continué à cultiver nos terres. Il faisait les semences,
les foins et la récole du grain en revenant de son travail avec ses cinq
enfants et moi-même, autre preuve qu'il était avant tout un
cultivateur né. Quoi qu'en pense le gouvernement, on ne déracine
pas si facilement quelqu'un qui a passé 54 années de sa vie dans
une paroisse. Merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Garon: Je vais laisser au député du territoire
qui entoure Mirabel le soin de poser les questions.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Mme
Carrière, votre récit commence le 8 décembre 1974. Est-ce
que vous pourriez nous dire ce qui s'était passé avant, du point
de vue de l'expropriation?
Mme Carrière: Au point de vue de l'expropriation, on
aurait pu être, comme M. le ministre nous l'a dit l'autre jour, plus
méchant. On faisait souvent des manifestations pour garder ce qui nous
appartenait, mais chaque fois, des gens faisaient venir l'anti-émeute et
on était toujours arrêté.
M. de Bellefeuille: C'est votre terre à vous qui a
été expropriée.
Mme Carrière: Nous avions deux fermes, une en
location.
M. de Bellefeuille: À l'origine, ces deux fermes
étaient à vous.
Mme Carrière: Oui.
M. de Bellefeuille: Vous êtes restés sur une de ces
fermes, une de ces terres jusqu'en 1974?
Mme Carrière: Jusqu'en 1978.
M. de Bellefeuille: Jusqu'en 1978, c'est cela. Je vais vous poser
une question qui va peut-être vous étonner, mais je sais que le
ministre va me savoir gré de vous la poser. Est-ce que votre mari,
vous-même ou vos garçons n'avez jamais été membre de
la Chambre de commerce de Mirabel?
Mme Carrière: Jamais.
M. de Bellefeuille: Jamais. Je vous remercie, madame.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Une brève question, avec votre permission, M.
le Président. Mme
Carrière, avez-vous une idée du prix pour lequel vous avez
été expropriée?
Mme Carrière: Oui, nous avons été
payés comme tous les autres, 210 $ l'arpent.
M. Mathieu: Le montant global, comment cela pouvait-il vous
faire?
Mme Carrière: On nous offrait 80 000 $ plus toutes les
choses que le gouvernement a accordées après.
M. Mathieu: Vous avez réglé pour quel montant?
Mme Carrière: 91 000 $.
M. Mathieu: 91 000 $, cela comprenait terrain,
bâtiment.
Mme Carrière: Tout compris.
M. Mathieu: Dommages. Vous êtes sûre de cela?
Maintenant, si je comprends bien, vous n'habitez plus votre maison?
Mme Carrière: Non, je suis rendue à
Saint-Jérôme; après le décès de mon mari en
1978, j'ai demandé pour partir pour m'en aller demeurer à
Saint-Jérôme. On m'a obligée à respecter mon bail
quand même jusqu'au mois de novembre. On a accepté que je parte au
mois de septembre, mais on me tenait responsable de mon bail jusqu'au mois de
novembre.
M. Mathieu: C'était la maison que votre mari avec acquise
à Saint-Jérôme?
Mme Carrière: Que nous avions achetée en 1969 au
moment de l'expropriation.
M. Mathieu: Merci.
Le Président (M. Rochefort): Cela va? Merci. M. le
député de Prévost.
M. Dean: Mme Carrière, le feu a détruit vos
étables et vos bâtisses; est-ce que vous n'étiez pas
assurée à cause de l'expropriation?
Mme Carrière: Nous étions assurés. Nous
avions de l'assurance responsabilité, plus les animaux et la
machinerie.
M. Dean: II n'y avait pas d'assurance que vous pouviez utiliser
pour reconstruire vos bâtisses.
Mme Carrière: Non, vu que c'était le gouvernement,
nous avions une assurance responsabilité. Tout ce qu'on nous a remis en
assurances, c'est l'argent des animaux et l'argent de la machinerie qui a
passé au feu. Pas les bâtisses. Nous n'étions pas
payés.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: Mme Carrière, au-delà des
problèmes que vous, votre mari et votre famille avez eu à vivre,
ce que je trouve frappant dans votre témoignage, dans votre
mémoire, c'est le fait... Et, c'est une autre indication qui nous
démontre à quel point le territoire a été
marqué; non seulement le territoire a-t-il été
marqué, mais la façon de vivre des gens dans un secteur agricole
a été bouleversée. On évoque cela souvent, surtout
actuellement, en temps de période de difficultés
économiques. On invite les gens à se regrouper, à se
mettre ensemble, à travailler et on rappelle souvent, pour faire image,
la conscience que les agriculteurs développent quand des choses vont
mal, qui est de se mettre ensemble, d'aider à régler ce qui va
mal pour repartir ensuite. C'est peut-être... Pourriez-vous nous
expliquer comment il se fait que dans votre cas, puisque cela arrivait
habituellement, les gens, les agriculteurs du secteur ont rompu, cette fois,
avec cette tradition d'aide et de solidarité collective et que la
reconstruction ne s'est pas faite? (20 h 30)
Mme Carrière: Mais d'abord, il y avait beaucoup d'anciens
de la place qui étaient partis, de 1969 à 1974. Ensuite, la
mentalité des gens... On n'était pas payé. On s'attendait
à être payé pour l'expropriation et rien ne s'est fait. On
n'en a pas entendu parler.
M. Blouin: En fait, si les gens se mettaient ensemble et
rebâtissaient une ferme avec les conditions qu'on vous faisait, ils
avaient un peu le sentiment de donner un coup de main au gouvernement
fédéral.
Mme Carrière: Probablement. Je ne le sais pas.
M. Blouin: C'était à lui que cela appartenait,
finalement.
Mme Carrière: Cela appartenait au fédéral et
je sais que notre inspecteur de la firme Saint-Laurent où on envoyait
notre lait est venu à la maison pour nous poser des questions. Il nous a
dit: Je ne vous conseille pas de rebâtir sur un terrain qui ne vous
appartient pas. Je vous souhaite de choisir la bonne solution.
M. Blouin: II vous disait ce que vous saviez
déjà.
Mme Carrière: Ce qu'on savait déjà, que nous
n'étions pas chez nous et que cela ne nous appartenait pas.
M. Blouin: II ne vous donnait pas de solution, parce qu'il n'y en
avait pas beaucoup. Merci, Mme Carrière.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Pour reconstruire, si vous aviez eu la
chance de reconstruire, auriez-vous été obligés de vous
soumettre aux normes et aux exigences du gouvernement fédéral ou
si vous auriez pu reconstruire la grange?
Mme Carrière: II aurait fallu nous soumettre aux normes du
gouvernement.
M. Baril (Arthabaska): Mais, vu les circonstances, étant
donné que vous aviez perdu votre troupeau, c'est vous qui avez
décidé de ne pas reconstruire; et également, vous
n'étiez pas sur votre propriété comme telle. C'est
l'ensemble de tout cela qui a fait en sorte que...
Mme Carrière: C'est l'ensemble, parce que l'assurance nous
a versé la somme de 600 $ pour les animaux et on payait 900 $ pour une
vache dans ce temps-là.
M. Baril (Arthabaska): II en manquait. Par qui est
cultivée votre ferme ou votre ancienne ferme, présentement?
Mme Carrière: Elle est louée à d'autres
agriculteurs. La ferme est louée à des cultivateurs, mais les
résidences ont été louées à des
résidents, si je puis dire, avec un bail d'agriculture. Les personnes
qui demeurent là dans le moment n'ont jamais été des
cultivateurs de leur vie ou des agriculteurs - employez le mot que vous voudrez
- mais on leur a loué la résidence avec un bail agricole. Les
gens se sont acheté des poules et des lapins.
M. Baril (Arthabaska): Quelles sont les conditions ou les normes
que la société immobilière utilise pour faire savoir
à quelle personne on va louer une maison comme la vôtre, par
exemple? Est-ce discrétionnaire? Sur quoi se base-t-on? Y a-t-il des
critères
particuliers ou si on loue cela à n'importe qui?
Mme Carrière: Je ne peux pas vous le dire.
M. Baril (Arthabaska): Vous ne le savez pas? Advenant une
rétrocession des terres, vos fils seraient-ils encore
intéressés?
Mme Carrière: Pour le moment, je ne le penserais pas,
parce qu'il faudrait partir de trop loin. Il n'y a plus d'animaux, plus de
machinerie et pas d'étable. Il n'existe pratiquement plus rien, sauf la
maison.
M. Baril (Arthabaska): Sauf...? Mme Carrière: La
maison. M. Baril (Arthabaska): Merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Garon: Ai-je compris que vous avez eu l'autorisation du
fédéral ou de la société immobilière ou de
l'organisme BANAIM pour reconstruire? Avez-vous déjà eu
l'autorisation de reconstruire?
Mme Carrière: Ces gens auraient accepté de payer le
tiers, mais il fallait que nous payions le reste et le tiers, on le remboursait
dans le loyer.
M. Garon: Dans le loyer?
Mme Carrière: Oui.
M. Garon: Tout en restant locataires.
Mme Carrière: Tout en restant locataires.
M. Garon: Vous remboursiez la construction...
Mme Carrière: Oui.
M. Garon: ... comme si vous étiez propriétaires,
mais vous demeuriez locataires.
Mme Carrière: Oui, c'est cela.
M. Garon: Cela n'a pas beaucoup de sens. Expliquez-nous cela
comme il faut. Que vous disaient-ils?
Mme Carrière: On pourrait rebâtir... M. Garon:
Oui.
Mme Carrière: Le gouvernement pourrait peut-être -
c'était M. Léo Ferland qui était là dans ce
temps-là - nous aider en fournissant le tiers et nous fournirions le
reste, mais cela demeurait quand même la propriété du
gouvernement et le fameux tiers, on le remboursait dans le loyer.
M. Garon: Le tiers qu'il vous aurait donné?
Mme Carrière: Le tiers qu'il nous aurait donné.
Une voix: C'est tout un don!
M. Garon: Et les deux tiers, c'était à vos
frais?
Mme Carrière: À nos frais.
M. Garon: Et vous demeuriez locataires?
Mme Carrière: Nous demeurions locataires.
M. Garon: Mais, auriez-vous été
propriétaires de ce que vous aviez bâti là?
Mme Carrière: Pardon? Est-ce qu'on aurait
été propriétaires?
M. Garon: De ce que vous aviez bâti?
Mme Carrière: On restait locataires quand même.
M. Garon: C'est vrai qu'une grange sur un fonds de terre,
ça ne... La durée du bail était de combien de temps?
Mme Carrière: Pardon?
M. Garon: Votre location était pour combien
d'années?
Mme Carrière: On avait loué jusqu'en 1978, on a
réglé cela en 1977 et le bail a été signé
à ce moment: de janvier 1977 à novembre 1978.
M. Garon: Presque deux ans.
Mme Carrière: À ce moment-là, mon mari
étant décédé, j'ai demandé à partir.
On m'a accordé cela le 15 septembre, mais on m'a tenue responsable du
loyer. Même si je n'étais pas là, on me faisait payer le
loyer jusqu'au 1er novembre.
M. Garon: Je vous remercie, madame.
Le Président (M. Rochefort): Madame, je vous remercie de
vous être présentée devant nous.
Mme Carrière: Merci.
Le Président (M. Rochefort): Je demanderais maintenant
à M. Maurice Bélec de prendre place à la table.
Mémoire 36M, M. Maurice Bélec.
Bonsoir, bienvenue à la commission. Sans plus tarder, je vous
demanderais de nous présenter votre mémoire.
M. Maurice Bélec
M. Bélec (Maurice): M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés. Voici mon histoire. Un an avant
l'expropriation, j'achète un terrain sur la ferme de ma mère,
veuve, et me construis un bungalow avec l'intention d'en acheter la ferme, car
depuis quelques années je travaillais dans la construction pour amasser
l'argent nécessaire pour faire un jour de l'agriculture.
Voici l'expropriation. La ferme de ma mère avait 90 arpents dont
80 en culture et une maison neuve que nous venions de construire, mes
frères et moi. Le gouvernement lui a payé la modique somme de 28
000 $ pour la ferme au complet, dommages compris.
Auparavant, elle en avait refusé 50 000 $ de la ville de
Saint-Jérôme pour un parc industriel.
La chose à peine réglée par le
fédéral, on enlève cette même ferme à ma
mère pour la passer à un autre agriculteur, soit M. Hardy. Alors,
déçu, j'ai quitté le territoire.
Après quelques années d'attente, j'ai fait plusieurs
demandes pour obtenir une autre ferme. Au début de l'année 1979,
j'ai fait une demande de location, pour une ferme expropriée, au bureau
des Travaux publics de Mirabel. J'étais prêt à investir une
somme de 50 000 $ pour remonter et cultiver une ferme sur le territoire
exproprié. M. Léo Ferland me répondit presque
aussitôt. Il y a copie de sa lettre en annexe.
Après avoir donné tous les renseignements possibles,
j'attendis sans recevoir de réponse. Un jour, j'ai su que M. Fernand
Larose, de la côte Saint-Pierre, Saint-Janvier, quittait sa ferme; alors,
j'ai accouru à Mirabel pour tenter de louer cette ferme. M. Alain Richer
me fit remplir d'autres formules pour enfin préférer un autre, un
certain M. Masse qui, après deux ans, travaille toujours à
l'extérieur et garde quelques chevaux de selle et quelques "animaux
à boeuf" sur une ferme de 90 arpents.
Un peu plus tard, ce furent les terres de M. Fernand Ladouceur de
Sainte-Scholastique. On m'a répondu qu'il avait de bons "prospects".
C'est alors que j'ai rencontré M. Claude Lorrain avec qui j'en suis venu
à une entente de transfert de bail. Il nous a fallu plusieurs mois pour
avoir un rendez-vous avec M. Ferland, il était toujours en
conférence. Finalement, nous rencontrions MM. Ferland, Vermette et
Richer pour le transfert du bail. Après plusieurs détails, il
fallait que je refasse une demande par écrit, dont je vous joins une
copie.
M. Richer désirait visiter ma propriété pour en
voir la tenue. C'est alors que M. Richer et moi partîmes pour visiter
d'abord la ferme de M. Lorrain, dont l'étable, à cause d'un
sinistre, était dans un état lamentable. M. Lorrain avait
demandé à plusieurs reprises, mais sans résultat, du
matériel pour la réparer.
Ensuite, M. Richer a visité avec moi ma propriété;
après quoi, il me dit qu'il n'y avait aucun problème de ce
côté pour me la louer. Après un mois sans réponse,
sachant que prendre un autre rendez-vous exigerait peut-être plusieurs
mois, M. Claude Lorrain et moi décidions de nous rendre au bureau de
Mirabel pour en savoir plus long. Après une demi-heure d'attente, j'ai
vu M. Richer et lui ai demandé une entrevue. Une fois rendu dans son
bureau, il nous dit qu'il n'avait rien de nouveau à nous communiquer.
C'est alors que M. Lorrain se fâche et lui demande d'aller chercher son
patron, M. Ferland. M. Ferland apparut. M. Lorrain lui demanda la raison pour
laquelle nous étions sans réponse à nos demandes. M.
Ferland a dit qu'il fallait qu'il voit M. Hardy avant pour savoir s'il voulait
cette terre, que M. Hardy était très difficile à rejoindre
et qu'il prendrait la peine d'aller le voir dans son étable, s'il le
fallait. Il faut croire que M. Hardy a beaucoup d'influence sur certains
fonctionnaires à Mirabel.
Enfin, M. Ferland nous promit une réponse quelques jours plus
tard. Comme de raison, la réponse fut négative, sous
prétexte que M. Hardy avait priorité. C'est alors que M. Lorrain
et moi sommes venus à une entente d'association pour conserver son droit
de bail agricole, ce bail ne lui interdisant pas de prendre un
associé.
À la suite des pressions du CIAC à l'automne 1980, il y
eut un comité de sélection sur le territoire et il y fut question
de notre cas. On a dû nous accepter puisque je n'ai reçu aucun
avis de quitter les lieux. C'est alors qu'on répara l'étable, les
clôtures et qu'on fit du fossé de ligne à nos frais, qu'on
acheta des vaches, de la machinerie et même un quota de lait. J'ai
décidé de laisser mon emploi pour travailler à temps plein
en agriculture.
Au printemps de 1981, voilà la nouvelle Société
immobilière et, dès la fin d'août, je reçus de cette
même société un avis d'éviction d'un mois pour
quitter les lieux. Imaginez ma réaction de sortir avec les vaches, le
foin et ma machinerie et laisser toutes les améliorations que j'avais
faites. Après consultation avec Me Beaudoin, avocat du CIAC, et avec
l'appui du CIAC, qui défend fortement le droit pour l'agriculteur
de transférer son bail, j'ai décidé de demeurer sur
cette ferme. Trois mois plus tard, la société me donna un
rendez-vous pour m'offrir un bail d'un an sur cette même ferme, mais sans
mon associé. La société me promettait de me trouver une
autre ferme ailleurs, soi-disant plus grande, et elle me donnait jusqu'au 15
janvier 1982 pour y réfléchir. Comme je gagne ma vie et celle de
ma famille sur cette ferme, que j'ai aménagée et, ne voulant pas
déménager, j'ai refusé. C'est alors que la
société, depuis janvier 1982, nous retourne nos chèques de
loyer.
Ce M. Hardy exploitait deux terres sur le territoire de l'expropriation.
Il en exploite maintenant une dizaine en tout ou en partie, alors que moi,
comme bien d'autres expropriés, je n'ai jamais pu obtenir une terre
comme je le demandais.
Vers la mi-septembre 1982, la société me convoqua de
nouveau et cette fois pour m'offrir la ferme de mon voisin, M. Bernard Roy,
cultivateur, ferme cultivée par M. Hardy, en échange de celle que
j'occupe présentement. Imaginez, déménager juste sur la
ferme à côté, déménager vaches,
équipement laitier, machinerie et surtout que cette ferme est
complètement en culture de maïs. Où vais-je prendre mon foin
pour nourrir mes bêtes dans les deux prochaines années? Et tout
cela, pour agrandir encore la ferme de M. Hardy. C'est pourquoi j'ai encore
refusé. Depuis, M. Roy habite toujours la maison. Il veut racheter sa
terre, s'il y a rétrocession, la société voulait que ce
soit moi qui essaie d'enlever les droits de M. Roy, qui est exproprié.
C'est pourquoi je crois que la rétrocession des terres est le seul moyen
d'y vivre en sécurité.
M. le Président, je veux ajouter qu'à la suite des deux
premières journées de la commission parlementaire, le 28 octobre
1982, la Société immobilière a changé d'idée
à mon égard et m'offre un bail de deux ans, comme tous les autres
expropriés de Mirabel.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Garon: Vous m'avez dit tantôt que M. Hardy avait
beaucoup d'influence auprès des fonctionnaires. Qu'est-ce qui vous fait
dire cela?
M. Béliec: Je ne sais pas. Il avait priorité. Il
avait loué toutes les terres du rang. Il est le frère de M. Denis
Hardy, qui était ici autrefois à l'Assemblée
nationale...
M. Garon: Ce M. Hardy a loué combien de terres?
M. Bélec: À l'expropriation, il en avait deux, et
maintenant, il en exploite au moins une dizaine.
M. Garon: Êtes-vous membre du CIAC?
M. Bélec: Oui. (20 h 45)
M. Garon: Depuis longtemps?
M. Bélec: Presque depuis le début.
M. Garon: Êtes-vous membre de la chambre de commerce?
M. Bélec: Non.
M. Garon: Avez-vous été contacté lors du
sondage?
M. Bélec: Pardon?
M. Garon: Dans le sondage qui a été fait, vous
n'avez pas eu de téléphone?
M. Bélec: Non, je n'ai jamais eu de
téléphone.
M. Garon: Je vous remercie pour le moment.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je vais attendre un petit peu. Si quelqu'un d'autre
voulait passer, je voudrais réserver mon tour.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. M.
Bélec, vous avez ajouté à la fin du texte que vous avez lu
et qui a été préparé il y a quelque temps, quelque
chose qui était extrêmement intéressant. Vous dites
qu'après les premières séances que la commission a tenues
sur le problème de Mirabel, la Société immobilière
du Canada a changé d'avis et vous a offert un bail de deux ans sur la
terre que vous occupez. C'est bien cela?
M. Bélec: Oui, justement.
M. de Bellefeuille: Comment expliquez-vous... Est-ce qu'il y a un
rapport entre les deux faits: le fait des séances de la commission et ce
changement?
M. Bélec: Avant, cela m'avait toujours été
refusé. On ne m'avait jamais offert de bail sérieux sauf un bail
d'un an à la condition de me déménager. À part
cela, ils n'ont jamais voulu me louer cette ferme. Là, tout à
coup, ils changent d'idée et m'offrent un bail avec une clause de
renouvellement.
M. de Bellefeuille: Est-ce que vous pourriez, M. Bélec,
nous dire qui vous
accompagne à la table?
M. Bélec: C'est M. Lorrain.
M. de Bellefeuille: C'est M. Lorrain dont vous avez parlé
et qui...
M. Bélec: Justement dans mon mémoire.
M. de Bellefeuille: ... est votre associé.
M. Bélec: Oui, c'est cela.
M. de Bellefeuille: Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants? M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. Bélec, vous dites que votre mère a
reçu 28 000 $ lors de l'expropriation.
M. Bélec: Oui.
M. Ryan: Est-ce que c'est en tout? Est-ce que cela comprend les
paiements ex gratia?
M. Bélec: Non, disons que c'est le paiement du
début couvrant les dommages et les difficultés de
l'expropriation.
M. Ryan: En tout, à combien cela s'est-il
chiffré?
M. Bélec: À 28 000 $.
M. Ryan: Vous êtes sûr de cela?
M. Bélec: Oui.
M. Ryan: Les arpents en culture n'étaient-ils pas
loués à M. Hardy avant que l'expropriation survienne?
M. Bélec: Non.
M. Ryan: II n'y avait pas une partie qui était
déjà louée auparavant?
M. Bélec: Non. M. Hardy n'a jamais loué chez nous.
Jamais.
M. Ryan: Jamais? M. Bélec: Jamais.
M. Ryan: II n'était pas actif dans ce coin-là?
M. Bélec: Je ne le sais pas. Il avait rencontré ma
mère une fois, mais ils n'en étaient pas venus à une
entente.
M. Ryan: Quand on vous a dit qu'on refusait de vous louer cela,
et qu'on voulait la passer à M. Hardy, quelles raisons vous ont
été données? On a dû vous donner des raisons.
M. Bélec: Ils n'ont pas donné de raisons. Et mieux
que cela; quand ma mère a communiqué avec eux, ils lui ont dit
que, si elle n'était pas satisfaite, elle savait ce qu'elle devait
faire.
M. Ryan: Récemment, on a renouvelé votre bail pour
deux ans.
M. Bélec: Oui, justement.
M. Ryan: Comment vous êtes-vous arrangés?
Êtes-vous ensemble tous les deux, M. Lorrain et vous?
M. Bélec: Nous étions associés tel que le
dit mon mémoire. Nous étions associés, mais la
société n'a jamais accepté notre association. J'ai
signé un bail pour moi seul. Quitte à prendre des arrangements
avec M. Lorrain après.
M. Ryan: Vous avez signé votre bail avec la
société.
M. Bélec: Mon bail avec la société comprend
deux fermes et un terrain.
M. Ryan: Donc, M. Lorrain n'est plus locataire de la
société?
M. Bélec: Non.
M. Ryan: Voulez-vous me répéter, pour que cela soit
bien clair, est-il encore votre associé, d'une manière ou d'une
autre?
M. Lorrain (Claude): Nous sommes toujours associés,
surtout en ce qui concerne la terre d'en face parce que, s'il y a
rétrocession... Il est certain... Pour ne pas perdre cette terre, qui
était censée passer à M. Hardy, il a fallu que M.
Bélec signe un bail seul. Il a fallu... On aurait perdu cette
terre-là. Ils n'ont jamais voulu me reconnaître et ils ne m'ont
jamais donné de raisons. Je leur ai demandé pourquoi ils me
refusaient. Ils n'ont jamais voulu me donner la véritable raison. J'ai
demandé qu'ils me donnent une raison par écrit. J'attends encore
cette raison-là.
M. Ryan: Dans ce cas-là, je ne poursuivrai pas les
questions plus longtemps parce que ce problème avait été
soulevé un soir qu'on avait eu une assemblée, au mois de juin
dernier. Dans ce cas-là, je suis allé aux renseignements par
après et j'ai eu une version qui, sur certains points, ne concorde pas
tout à fait avec celle qu'on a ce soir.
Cela me permet de refaire une remarque que j'ai formulée à
maintes reprises, savoir que, dans un quart d'heure, vingt minutes ou une
demi-heure, on ne peut pas voir clair complètement dans un cas comme
celui-là. J'enregistre votre version et je n'y ai pas d'objection. Je ne
voudrais pas que vous pensiez que c'est par manque d'intérêt. Je
pense que ce n'est pas tout à fait le forum où on peut pousser
cette affaire à fond.
On va continuer l'étude plus avant. C'est un cas très
important, si tous les faits que vous alléguez sont vrais et complets.
Mais, je suis obligé de me réserver la liberté de
recueillir d'autres faits à d'autres sources, au moins. Si ce sont les
mêmes faits, c'est tant mieux et je vais m'incliner devant le dossier, il
n'y a pas de problème. Mais, je me trouve devant certaines
données qui ne concordent pas. Je voudrais simplement vous dire qu'on va
regarder la chose plus à fond, mais que ce soir ne se prête pas,
à mon point de vue, pour cet examen. D'abord, il manque des
témoins importants. Il faudrait, par exemple, que M. Hardy soit
là, qu'on ait sa version des faits puisqu'il est mêlé
à ça. Jusqu'à nouvel ordre, je considère que c'est
un honnête homme, que c'est un exploitant agricole très
compétent.
En tout cas, c'est ma réaction, M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): M. le ministre, vous savez que je suis
agriculteur moi-même et je connais la terre de mes voisins pratiquement
autant que la mienne. Entre agriculteurs, on connaît nos
propriétés réciproques. À la page 6, vous dites
qu'on voulait vous échanger la terre que vous cultiviez pour la terre du
voisin et que celle que vous aviez, on l'a passée à M. Hardy.
Entre nous, est-ce parce que votre terre était meilleure pour la culture
que celle de M. Roy et qu'on voulait avantager M. Hardy? Ma question est bien
directe.
M. Bélec: Le fait de me déménager à
côté, d'abord, je crois que ça m'a enlevé un certain
droit et le fait de m'en aller à côté, qui m'aurait dit
que, dans deux ans, j'aurais peut-être été obligé de
déménager encore plus loin, sans savoir où je m'en allais
dans toute cette affaire. La ferme que j'occupe présentement est juste
à côté de celle de M. Hardy. Et c'est pourquoi,
automatiquement, il s'est trouvé à m'éloigner
graduellement. Je crois que le fait d'avoir cédé à ce
genre de déménagement, qui m'aurait dit que, dans deux ans, ils
ne m'auraient pas déménagé encore plus loin?
M. Baril (Arthabaska): Oui, je comprends et je vous
félicite d'avoir résisté et d'être resté
à votre place. Mais, ma question était celle-ci. Pourquoi
pensez-vous qu'on voulait vous déménager de terre, qu'on voulait
vous envoyer chez le voisin pour donner cette terre-là ou la louer
à M. Hardy qui en a déjà une dizaine? Pourquoi semble-t-on
privilégier M. Hardy plutôt qu'un M. Bélec, un M. Roy ou un
M. Je-ne-sais-qui?
M. Bélec: C'est difficile à expliquer, parce que,
dès le début, la manière dont il est entré sur la
ferme de ma mère et ensuite... Je ne sais pas, il s'empare de tout ce
qui est près, de toutes les meilleures fermes du vieux rang, il les
possède pratiquement à lui seul. Je ne sais pas si on peut
appeler ça une influence, je ne sais pas trop.
M. Baril (Arthabaska): D'accord.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Prévost.
M. Dean: M. Bélec, ce M. Hardy, dont vous parlez, est-ce
qu'il était cultivateur avant l'expropriation?
M. Bélec: Oui.
M. Dean: II avait combien de terres à ce
moment-là?
M. Bélec: Deux fermes.
M. Dean: Deux fermes. Maintenant, il en a combien?
M. Bélec: Une dizaine.
M. Lorrain: C'est difficile à évaluer, on ne sait
plus où il en est rendu. Il en a partout.
M. Dean: Comme ça, il a un bon nombre de terres
maintenant. Est-ce que j'ai bien compris que ce M. Hardy est le frère de
l'ancien député-ministre libéral du comté...
M. Bélec: Oui.
M. Dean: ... jusqu'en 1976?
M. Bélec: Oui.
M. Dean: Bon, ainsi, bien des choses se comprennent. J'ajouterais
peut-être que ce n'est pas une question de condamner ce M. Hardy, pour se
reporter aux remarques du député d'Argenteuil; mais je pense que
nous sommes devant un cas épouvantable de mépris absolu des
droits humains fondamentaux perpétré par un gouvernement
supérieur, dans un pays soi-disant démocratique. On est ici pour
le dénoncer et
le présenter à la population du Québec.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Arthabaska. Vous aviez une courte question?
M. Baril (Arthabaska): Oui, une courte question. Comme je le
disais tout à l'heure, le nom de M. Hardy revient souvent.
Êtes-vous au courant si les terres louées à ce M. Hardy
sont louées au même prix ou un prix équivalent à
celui de l'ensemble des citoyens de Mirabel?
M. Bélec: II serait bien difficile de répondre
à ça.
M. Baril (Arthabaska): Ce n'est pas public.
M. Bélec: Non, pas du tout.
M. Baril (Arthabaska): Et il n'y a pas de critères de
location établis d'avance, tant l'acre et tant l'arpent.
M. Bélec: Pour lui, je ne le sais pas.
M. Baril (Arthabaska): C'est dommage qu'on veuille avantager une
personne au détriment de l'ensemble des citoyens. Je trouve cela tout
à fait aberrant. Pour beaucoup moins que cela, les gens sont
portés à nous accuser de patronage, nous du gouvernement du
Québec. Je vous dis que c'est loin, loin, loin, très loin de ce
qui semble se passer chez vous avec ce M. Hardy.
Le Président (M. Rochefort): Une toute dernière
question. Il reste deux minutes aux vingt minutes prévues.
M. le ministre.
M. Garon: J'en aurais deux en réalité. La
première est très brève.
Le Président (M. Rochefort): Une minute pour chacune.
M. Garon: Est-ce qu'il y a une politique de location à la
Société immobilière du Canada pour favoriser les fermes
familiales ou les fermes industrielles? On dit que le même homme a dix
terres ou peut-être plus, on ne le sait pas; est-ce qu'il y a une
politique ou s'il n'y a pas véritablement de politique de location des
terres pour faire un partage à peu près équitable entre
les différents locataires?
M. Bélec: Je n'ai pas compris la question.
M. Garon: Vous n'êtes pas obligé de
répondre.
M. Bélec: Là-dessus, je ne peux pas
répondre.
M. Garon: La ferme qu'on voulait remplacer, on voulait vous
déménager sur une autre terre...
M. Bélec: Oui.
M. Garon: ... et vous faire abandonner la ferme sur laquelle vous
étiez depuis un certain temps? Est-ce que c'était la même
valeur de ferme, les mêmes bâtiments, une terre qui avait
été aussi bien cultivée que celle que vous cultiviez?
M. Lorrain: Ce serait à peu près identique si on
regarde ce côté-là, mais il y a tellement d'avantages qu'on
se trouve à perdre parce qu'on est quand même lié par de la
machinerie, lié par toutes sortes de choses. J'aimerais préciser
que, dès mon premier bail, on refusait déjà de me louer la
ferme. On m'aurait loué la maison à peu près pour rien, un
prix vraiment minime, mais je ne sais pas combien de temps cela aurait
duré. De toute façon, je n'étais pas
intéressé à cela parce qu'on voulait absolument louer ma
ferme à mon voisin. On me refusait, cela a été une
bataille depuis le début; si on remonte en 1971-1972 - dès le
premier bail - on me donnait toutes sortes de raisons aussi idiotes que celle
que je n'avais pas de conditionneur à foin à ce moment-là.
J'ai répondu: Si cela ne prend que cela, ce n'est pas un
problème, de toute façon j'avais l'idée d'en avoir un. On
me disait: Tu ne pourras pas semer n'importe quoi, tu ne pourras pas semer de
blé-d'Inde, blablabla, à cause des animaux. Aujourd'hui, je suis
entouré de blé-d'Inde. Toutes sortes de chinoiseries semblables.
Cela a été une bataille continuelle. J'avais voulu avoir des
matériaux pour réparer mon étable quand le sinistre est
passé. Pour Claude Lorrain, il n'y avait pas de bois, rien, même
que j'étais prêt à démolir des bâtisses dont
je savais qu'elles seraient démolies, mais c'était toujours non
pour moi. Aujourd'hui je suis bien content, je me suis toujours
débrouillé tout seul. Tandis que, si on regarde l'autre à
côté, il fait une réparation d'au-delà de 15 000 $
sur sa maison pour, deux ans après, en rebâtir une autre. C'est
comme ça depuis le début, c'est toujours deux poids deux
mesures.
M. Garon: Quand on a dit que vous avez été à
peine réglé par le fédéral, on a enlevé la
ferme familiale à votre mère pour la passer à un autre
agriculteur, soit M. Hardy, c'est-à-dire qu'on a payé
l'expropriation, mais votre mère n'a pas pu avoir de location? Comment
est-ce que cela s'est passé?
M. Bélec: Avant même que ma mère signe son
premier bail, la ferme était déjà louée à M.
Hardy. Sur son premier bail, il était bien spécifié que la
ferme était louée à M. Hardy.
M. Garon: Elle n'a jamais pu louer?
M. Bélec: Non, elle était déjà
louée. Quand ma mère a appelé à Mirabel pour
prendre des renseignements là-dessus, ils lui ont dit: Madame, si vous
n'êtes pas contente, sacrez donc votre camp.
M. Garon: C'est-à-dire qu'il y a eu l'avis
d'expropriation...
M. Bélec: Oui, dès qu'elle a été
payée, ils lui ont enlevé tous les droits sur sa ferme parce
qu'elle était déjà louée à l'autre.
M. Garon: Est-ce qu'elle a dû quitter la maison?
M. Bélec: Non, elle n'a pas quitté et je vais vous
dire pourquoi. On était trois garçons et une fille qui
étaient construits à l'entrée de la ferme, à
côté d'elle. Alors, pour garder sa maison, elle a laissé
tomber l'affaire, pour être entourée de ses enfants. La ferme, on
l'a perdue il y a onze ans. (21 heures)
M. Garon: Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Une dernière
brève question, M. le député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Oui, M. le Président. Il y a des affirmations
assez sérieuses qui sont faites et on ne peut pas contre-interroger. Je
ne veux pas du tout mettre en doute la parole de M. Bélec, mais c'est
pour avoir le plus de lumière possible.
Vous disiez, M. Bélec, tout à l'heure, que M. Hardy
possédait deux terres avant l'expropriation.
M. Bélec: Oui.
M. Mathieu: Est-ce qu'il en louait à part cela, à
votre connaissance?
M. Bélec: Je ne le crois pas.
M. Mathieu: Pardon?
M. Bélec: Je ne le crois pas.
M. Mathieu: Maintenant, j'aimerais faire un peu l'histoire de la
terre de chez vous, disons, à partir de 1960. Est-ce que c'est votre
mère qui la cultivait?
M. Bélec: Non, à l'époque, cela faisait
déjà trois ans que c'était loué à un autre
producteur agricole.
M. Mathieu: Comment s'appelait-il? M. Bélec: M.
Camille Rhéaume.
M. Mathieu: Alors, M. Camille Rhéaume a loué la
terre de votre mère. Jusqu'en quelle année à peu
près?
M. Bélec: Ces fermes étaient dans une zone de
l'aéroport et il a été obligé de
déménager parce qu'elles étaient vis-à-vis des
pistes, je crois. Alors, il a été obligé
d'arrêter...
M. Mathieu: Est-ce que M. Rhéaume a arrêté
avant l'expropriation ou après?
M. Bélec: Après.
M. Mathieu: Pour la terre de votre mère, êtes-vous
certain que M. Rhéaume était locataire au moment de
l'expropriation?
M. Bélec: Oui.
M. Mathieu: Cela n'aurait pas pu être M. Hardy qui
était locataire au moment de l'expropriation?
M. Bélec: Non.
M. Mathieu: Vous affirmez cela. Vous êtes certain de
cela.
M. Bélec: Oui, certainement. M. Mathieu:
Très bien. Merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Sur ce, M.
Bélec, je tiens à vous remercier de vous être
présenté devant les membres de la commission. J'inviterais
maintenant la famille Réjean Éthier à se présenter.
C'est le mémoire no 18.
Est-ce que M. Claude Leclerc est revenu dans la salle? M. Michel
Raymond? Êtes-vous M. Michel Raymond?
M. Raymond (Michel): Oui.
Le Président (M. Rochefort): Parfait. C'est le
mémoire no 33 pour les membres de la commission.
Bienvenue à la commission, M. Raymond. Je vous inviterais
à nous présenter votre mémoire.
M. Michel Raymond
M. Raymond: Bonsoir, M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés. Je vous remercie d'avoir accepté mon
mémoire. J'ai oublié de mettre l'en-tête, mais mon
mémoire est à trois volets. Le premier volet concerne la
production laitière d'une paroisse qui est Saint-Hermas. Le
deuxième volet raconte la vie qu'on a vécue, étant jeunes,
sur le territoire, étant donné que c'est mon père qui a
été exproprié. Le troisième volet, c'est ce qu'on
vit présentement sur le territoire.
Pour ce qui est de la production du lait, je ne lirai pas mon
mémoire au complet. En 1969, dans la paroisse, il y avait 71 producteurs
de lait dont 98% étaient des producteurs de lait nature qui envoyaient
leur lait sur le marché de Montréal. En 1980, il ne restait pas
20 producteurs de lait. La production, en 1969, était de 22 000 000 de
gallons et, en 1980, elle n'est même pas de 10 000 000 de gallons. Au
niveau provincial, les producteurs ont baissé de moitié,
exactement 48%, et la production s'est stabilisée. Elle a même
augmenté. Autrement dit, la paroisse de Saint-Hermas est une paroisse
complètement laitière. Aujourd'hui, elle est toute
boulversée à cause de l'expropriation. Il n'y a presque plus de
producteurs de lait. Il n'y a presque pas d'autre production non plus. Il y a
un peu de production de céréales, et de blé-d'Inde,
très peu. Il y a quelques terres. Il doit y avoir au moins tout
près de 1000 acres de terre qui ne sont pas cultivées dont
quelques fermes au complet et des fermes dont la façade est
cultivée, mais, plus loin derrière, ce n'est pas cultivé;
cela ne paraît pas.
En 1969, j'avais 21 ans. On faisait face à une expropriation.
Parmi la population, il y avait des heureux et des malheureux, mais la
population était tout à l'envers. L'année 1969, pour moi,
a été une belle année, puisque je me suis marié.
C'est peut-être le meilleur coup que j'ai fait depuis quatorze ans.
Étant donné l'expropriation, les projets sur la ferme avec mon
père tombaient à l'eau. Vu que personne ne savait comment cela se
passerait et comment on serait payé, il y avait beaucoup de choses qui
se promenaient dans l'air. Étant donné que la ferme
n'était pas assez grosse pour deux familles, je suis allé sur le
marché du travail. J'ai travaillé pendant onze mois à
l'extérieur. En mars 1970, j'ai dit à mon père que je
voulais revenir sur la ferme. Après discussion, nous avons
décidé d'aller acheter une ferme ailleurs, étant
donné qu'avec l'expropriation, personne ne savait où on
allait.
Mes parents partirent pour plusieurs jours dans la province pour trouver
une ferme pour deux familles. Par pur hasard, mon père en trouva une de
300 acres qui devait nous convenir. Mon père décida d'aller au
bureau d'expropriation pour avoir un acompte et le règlement final, six
mois après. Mon père et moi étions fiers. Le lendemain,
nous sommes allés voir le propriétaire de la ferme à
Saint-Sébastien, comté d'Iberville - on était à
environ deux milles de la baie Missisquoi dont la zone est d'environ 3000
unités thermiques - pour lui dire qu'on la prenait, que, dans 60 jours,
on aurait un acompte et que nous avions fait la demande d'un prêt
agricole. Les 60 jours ont passé. Il n'y a pas eu de réponse.
Nous sommes retournés au bureau et M. X - dans ce temps-là,
c'était M. Boissy - nous a répondu que cela arriverait d'une
journée à l'autre. Le quota de lait ne se vendait pas dans ce
temps-là et il restait attaché à la ferme. On avait le
droit de transférer le quota de lait entre les producteurs. On a eu le
droit de le faire six mois après. Le quota de lait restait
attaché à la ferme. Étant donné que mon père
était exproprié, il y avait une possibilité d'apporter
notre quota. Pour cela, il fallait demander à la Régie des
marchés agricoles du Québec d'apporter le quota sur l'autre
ferme. Tout à coup, un bon matin, mon père reçoit un appel
téléphonique de la secrétaire de M. Boissy pour avoir un
rendez-vous. Il nous reçoit pour nous dire qu'il fallait rester sur la
ferme, que le gouvernement fédéral n'avait pas besoin de ces
fermes avant plusieurs années et que cela ne nous coûterait pas
cher de rester. Après cette rencontre, mon père passa devant la
Régie des marchés agricoles pour le quota. La régie
décida que mon père avait le droit d'apporter son quota s'il
avait une lettre du fédéral comme quoi il ne payait pas le quota
de lait. Le fédéral n'a jamais voulu écrire cette
lettre.
À la mi-juillet, le propriétaire de la ferme que nous
avions achetée - c'était la ferme de M. Prévost - nous
appelait pour savoir si on prenait la ferme car il avait trouvé un autre
acheteur. Mon père lui répondit: Donne-moi encore une semaine.
Nous avons rencontré M. Boissy et il n'y avait rien à faire. Il
ne voulait pas qu'on parte. C'est alors qu'on a dit à M. Prévost
de la vendre à un autre.
Après beaucoup de discussions et de rencontres dans
l'année en cours avec les agents de location pour faire une
consolidation, à la fin de juillet ou au début d'août, on
signait un bail de dix ans. C'est l'année après, en 1972, parce
que mon bail s'est terminé le 31 octobre 1982. Ce jour-là, M.
Mireault et M. Ladouceur étaient présents. Je leur ai
demandé, si on passait au feu, s'ils nous reconstruiraient sans frais.
Ils me répondirent qu'il n'y aurait pas de problème et qu'ils
nous rebâtiraient sans frais. Durant huit ans, j'ai perdu beaucoup de
temps au bureau fédéral parce qu'il fallait y aller ou appeler
pour avoir quelque chose. Pendant toutes ces années, nous avons
changé de directeur plusieurs fois. Chaque fois, c'étaient de
belles promesses qui sont toujours tombées à l'eau.
En 1981, une nouvelle société est nommée par le
ministre Cosgrove pour
consulter les populations. La nouvelle société
démarre en avril. Dans ma tête, je pensais que la nouvelle
société présenterait ses membres à la population de
Saint-Scholastique. Cela nous aurait été utile, étant
donné qu'il nous reste un an de bail et qu'en neuf ans de location, nous
avons investi plusieurs milliers de dollars en entretien, dans la
rénovation, l'agrandissement des bâtisses et sur le fonds de
terre.
En 1980, j'ai demandé à M. Ferland, étant
donné qu'on avait coupé les subventions, ce qui arriverait si
deux terres identiques... Je crois que M. Jean-Pierre Gagnon était
là cette journée-là. Il y avait des représentants
du fédéral, du provincial, des membres du CIAC, des membres de
l'UPA ainsi que des membres de la Société immobilière ou
des Travaux publics, dans ce temps-là. Si deux terres qui ont
été expropriées en même temps et dont les deux
agriculteurs quittent les lieux étaient louées par M. Ferland
alors qu'une terre a été bien entretenue pendant dix ans, mais
pas l'autre où on a jamais mis pour 0,05 $ de rénovation depuis
l'expropriation... M. Ferland m'avait répondu qu'il louerait une ferme
plus cher que l'autre. C'est pour cela que j'ai toujours pensé que les
subventions du provincial servaient à la hausse des loyers. Le loyer
augmentait pour celui qui avait fait des fossés et qui les avait
entretenus.
C'est pour cela que nous sommes inquiets. Depuis neuf ans, nous sommes
allés de l'avant, nous avons beaucoup travaillé pour mener une
entreprise à bien et faire évoluer l'agriculture. Je ne
voudrais1 pas être pénalisé pour le labeur,
l'espoir et les dollars qui ont été mis sur ces terres. Nous
sommes très inquiets car ils disent qu'ils ne veulent pas regarder en
arrière, tout ce qui s'est passé depuis 1969. Toutes ces sommes
d'argent capitalisées en neuf ans, je ne voudrais pas les payer deux
fois en loyer ou en achat. Dans nos têtes, c'est l'avenir de nos enfants
et le fonds de pension pour nos vieux jours.
Comme nous voyons l'avenir en tant qu'agriculteurs locataires. pour
pouvoir évoluer au même rythme que les autres agriculteurs de la
province de Québec, il me semble que nous avons fait nos preuves comme
agriculteurs sérieux et avant-gardistes, mon frère et moi. Nous
ne pouvons plus marcher comme cela, dans une insécurité qui n'est
plus vivable, à notre sens. Nous pensons que, pour rester agriculteurs
sur le territoire, il faut des baux à très long terme, de type
emphytéotique; s'il y a une revente, un bail avec une option d'achat,
pour qu'on puisse être considéré comme
propriétaire.
Ce mémoire fut présenté l'année
passée devant la Société immobilière du Canada.
Là, j'ai rajouté des choses depuis ce temps, depuis que la
Société immobilière existe. Durant les neuf ans que j'ai
vécu avec les autres, il y a eu plusieurs administrations à
Mirabel. C'est pour cela que la population s'est regroupée, à
cause de tout ce qu'on a vécu et de tout ce qu'on a vu. Avec l'UPA, j'ai
rencontré M. Goyer pour la première fois. Il nous a dit qu'il ne
voulait pas regarder en arrière, regarder tout ce qu'on a vécu.
On a vu brûler des maisons, faire sauter des maisons pour rien, plusieurs
maisons ont disparu dans notre paroisse. Dans la paroisse de Saint-Hermas,
au-delà de 50 maisons et plus de 20 commerces ont été
détruits. Ce sont des maisons qui ont été démolies
à peu près pour rien. La maison dans laquelle je suis née
a été vendue pour 500 $ et elle a été
transportée à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson. Cette maison
devait être vendue absolument et payée en argent. Je ne sais pas
pourquoi, mais il ne fallait pas que cela paraisse. Les deux fermes que mon
père avait, quand nous avons été expropriés, il y
avait mon grand-père qui vivait sur l'autre ferme, tout est maintenant
démoli. Il n'y a plus rien présentement. C'est pour ça que
nous avons eu tant de problèmes à nous relocaliser, pour pouvoir
vivre les deux familles ensemble, puisque l'entreprise de mon père
était trop petite pour une seule famille. (21 h 15)
Un mois plus tard, la Société immobilière
réunissait tous ceux qui avaient présenté un
mémoire de groupe et donnait un compte rendu des mémoires. Selon
eux, il leur fallait un mandat très large. Ils voulaient avoir la
permission de vendre, mais non l'obligation de vendre. C'est ce qui m'a
beaucoup frappé quand M. Goyer, après les audiences du 21
septembre, a réuni le 21 octobre, tous les groupes qui ont soumis des
mémoires et j'ai donc été nommé pour
représenter l'UPA. Quand M. Goyer a dit qu'il voulait avoir un mandat
très large, qu'il voulait avoir la permission de vendre et non
l'obligation, cela m'a personnellement donné un bon coup de pied au
derrière, je savais qu'on n'en avait pas fini avec cette affaire.
Je pense qu'on voit où nous en sommes rendus aujourd'hui, pour
les maisons, les terres, etc. Il voulait avoir tous les pouvoirs pour faire la
pluie et le beau temps. C'est alors que les agriculteurs se réunissent
en assemblée générale et décident de demander
à l'UPA des Laurentides et à la Confédération de
l'UPA d'accepter de mettre nos loyers en fiducie afin de faire des
pressions.
Selon nous, la Société immobilière du Canada ne
voulait pas vendre les terres. Elle ne voulait pas régler le
problème une fois pour toutes. La raison pour laquelle nous avons mis
nos loyers en fiducie est que M. Goyer disait au représentant d'Ottawa,
au député et au ministre que nous étions cinq
ou six mécontents et que tout roulait sur des roulettes à
Mirabel. C'est réellement vrai, parce que, la première fois
où j'ai rencontré le ministre Fox et le député
Gourd, ils m'avaient dit: Vous êtes seulement une petite "gang" qui
braillez. J'ai dit à M. Gourd: Dans une semaine, nous reviendrons
à Ottawa avec au-delà de 100 membres qui auront mis leur loyer en
fiducie. Trois jours après, nous avions 120 personnes qui avaient mis
leur loyer en fiducie. Ensuite, on s'est "rapaillé" avec 150, dont 117
ou 115, je crois, qui payaient au mois. Les autres payaient une fois ou deux
par année. Ils s'étaient engagés à mettre leur
loyer en fiducie.
Le mandat de la Société immobilière du Canada,
à la conférence de presse, disait qu'elle était là
pour consulter la population et les organismes en place. Chose qui ne s'est pas
faite, car plus de 100 agriculteurs ont mis leur loyer en fiducie et, quelques
jours plus tard, nous recevions la visite des huissiers, la veille de Noël
et la veille du jour de l'an. S'ils ne payaient pas leur loyer, ils feraient
face à l'éviction. Nous, les agriculteurs, n'avons pas eu peur.
Ils ont passé l'hiver 1982 à faire peur aux agriculteurs,
à nous tenir sur le qui-vive. Ce n'est vraiment pas humain. Plusieurs
fonctionnaires ont passé l'hiver à appeler les agriculteurs,
à savoir pour quelle raison ils ne payaient pas leur loyer. Il fallait
qu'ils paient leur loyer parce qu'ils le regretteraient. Il n'y aurait pas de
bons règlements avec eux. Il n'y aurait pas de bons baux, enfin, ils
disaient toutes sortes de choses.
L'UPA régionale a demandé plusieurs rencontres avec les
membres de la Société immobilière. Nous n'avons même
pas eu de réponse. Moi, comme agriculteur, fils d'exproprié, je
crois que la Société immobilière du Canada n'a pas
été nommée pour régler le problème une fois
pour toutes. Je crois qu'elle veut rester pour toujours, selon moi, et de la
manière qu'elle fonctionne, elle ne veut pas rencontrer nos organismes
en place afin de négocier. Vous savez que j'ai cru aux fonctionnaires
pendant plusieurs années, tout comme les autres agriculteurs.
Maintenant, c'est fini de nous prendre pour des valises, parce qu'elles sont
pleines. Je crois que les agriculteurs ont leur voyage et en ont assez des
fonctionnaires, depuis plusieurs années, à Mirabel.
On ne parle pas beaucoup d'agriculture à Mirabel. Je ne sais pas
si vous le savez, mais il est très évident que nous avons
été expropriés pour rien. Je me bats contre un
gouvernement central, contre des fonctionnaires et contre des amis à
Mirabel et aux alentours, lesquels disent que je me plains pour rien, mais
personne ne veut changer de place avec moi, parce que j'ai déjà
fait des avances à quelques producteurs.
Je leur ai dit: Si vous voulez changer de place avec moi, je suis
prêt. Je vais acheter votre ferme et venez en location. Il n'y en a pas
un qui a voulu tenter sa chance.
Le rôle du fonctionnaire est d'embarquer les agriculteurs pour les
attacher. Après que l'agriculteur a investi, les promesses s'envolent en
fumée. Voici un exemple: L'an passé, en octobre 1981, j'ai
demandé une maison pour un employé que j'avais engagé
à temps plein. Je savais qu'il y en avait une tout près de notre
ferme et cent arpents de terre qui n'était pas cultivée depuis
deux ans. L'exproprié déménageait dans une paroisse
voisine, Saint-Benoît, et il s'est bâti une maison flambant neuve
dans laquelle il s'est installé. Le producteur voulait garder sa maison
parce que, s'il y avait revente, il voulait avoir ses premiers droits. Comme un
exproprié n'avait pas le droit de sous-louer, M. Ferland m'a
donné comme réponse qu'il avait prêté la maison
à un ami. Il ne l'a pas sous-louée, mais il l'a
prêtée. Dans cette affaire, je suis passé devant la
Régie du logement, voilà un mois et demi environ, pour aller
témoigner qu'il y avait une revente sur le territoire exproprié
de Mirabel, qu'ils revendraient des maisons. Il y avait un résident,
dont le père et la mère ont été expropriés
dans le village de Saint-Hermas, et ils voulaient enlever sa maison au fils,
parce que celui-ci n'est pas exproprié dans la zone non
expropriée à Saint-Hermas même. Donc, ils voulaient lui
enlever cette maison, mais sa mère était à l'hôpital
et son père vivait seul ces dernières années. Mais son
père a dû entrer à l'hôpital puisqu'il était
malade. Finalement, le fils s'est réveillé et ses deux parents
étaient à l'hôpital. Une voisine de presque 80 ans a
talonné le fils de l'exproprié pour louer la maison. Il a
finalement cédé et lui a dit qu'il la lui louerait. Je vais
mettre les meubles dans une pièce et moi, j'ai seulement besoin d'une
chambre et de la cuisine. Quand ton père sortira de l'hôpital, je
m'en trouverai une autre ailleurs.
Maintenant, le gouvernement fédéral veut lui ôter sa
maison, parce qu'il la sous-loue. Je suis allé à la régie
pour la bonne raison qu'elle était à revendre et que ce
producteur avait droit à cette maison puisque c'était la maison
paternelle. Je l'ai demandé à l'agence de location qui
était présente et qui siégeait, elle a juré - je ne
sais pas où ça va quand quelqu'un jure en cour - de dire la
vérité et elle a dit qu'il n'y avait personne qui sous-louait sur
le territoire de Mirabel. Alors, je lui ai demandé si la maison - je
peux la nommer, je n'ai pas de cachette - de Maurice Kinsburry était
sous-louée. Elle a dit: Oui, elle est sous-louée, mais... Alors,
je lui ai dit: Pourquoi ne pas l'avoir dit? Tu as dit qu'il n'y avait aucune
maison sous-louée. Alors, ce sont toutes des choses pareilles. Pour
quelle raison toujours
chercher des difficultés comme celle-là?
Non, je n'ai pas fini. Attendez! Il faut que je me retrouve.
Le Président M. Rochefort): Je vous demanderais
d'accélérer un peu, M. Raymond, s'il vous plaît.
M. Raymond: Pardon?
Le Président (M. Rochefort): Je vous demanderais
d'accélérer la présentation de votre mémoire,
compte tenu du temps.
M. Raymond: Pour la terre, elle était prête à
être labourée, mais je leur ai dit qu'il fallait la drainer. Ils
m'ont dit que, d'ici une semaine ou deux, ce serait fait. Le lendemain, une
firme d'ingénieurs vient visiter la ferme. Tous les fossés
étaient à refaire. Je leur ai demandé combien de pieds de
drains ils poseraient sur cent arpents de terre. La réponse a
été de 27 000 pieds de drains. Les drains étaient
espacés de 121 pieds. Je leur ai dit que cela n'avait pas d'allure. Ils
m'ont répondu que c'était vrai, mais que l'ingénieur en
chef avait dit que c'était assez. Le type de sol est de la terre
argileuse et, en haut de la terre, c'est de la terre sablonneuse, assez froide
et qui a besoin de drainage à tous les 40 ou 45 pieds.
J'ai téléphoné à mon agent de location et je
lui ai dit qu'ils n'étaient pas sérieux et que cela ne
m'intéressait pas. Depuis ce temps-là, la terre n'est pas
cultivée. Ce sont des choses comme celles-là qui se passent,
depuis treize ans, à Mirabel. Nous en voyons tous les jours. Moi, je ne
peux plus vivre ainsi à Mirabel. Je veux racheter ma ferme au plus
tôt pour avoir la paix. Je souhaite qu'il y ait revente ou
rétrocession parce qu'ils n'en auront jamais besoin. Après
quatorze ans, ils n'utilisent même pas les 5000 acres qui sont
clôturées. C'est un dossier politique dont les agriculteurs paient
la note. Ce n'est pas à nous de payer une erreur d'un gouvernemewnt
central.
Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Garon: Quand il a été question que vous drainiez
votre terre, qui aurait payé la facture?
M. Raymond: La terre qu'on avait achetée?
M. Garon: Non, la terre que vous aviez louée.
M. Raymond: Le drainage? M. Garon: Oui.
M. Raymond: Elle n'est pas drainée
présentement.
M. Garon: Quand vous avez voulu la drainer, est-ce que...
M. Raymond: J'ai commencé à faire les
fossés. J'ai fait pour 780 $ de fossés.
M. Garon: À vos frais ou aux frais du
fédéral?
M. Raymond: Oui, à mes frais. Dans ce temps-là, on
n'avait pas la subvention. Je n'ai pas réclamé de subvention pour
cela encore. Tout est arrêté. Je ne leur ai rien demandé
encore. J'attends. On réglera cela quand on négociera la
rétrocession. Je leur ai dit que j'avais cela. Ils ont dit: Ah!
C'était à toi de ne pas entreprendre cela. Quand ils m'ont dit
qu'ils poseraient des drains à tous les 121 pieds, j'ai dit: Là,
vous n'êtes pas sérieux. L'ingénieur m'a dit: Si cela n'est
pas bon, l'année prochaine, on en posera un entre chacun. J'ai dit de
laisser faire. Je suis allé voir l'agent de location, dont le mari est
agriculteur, il demeure à Oka, il fait partie du territoire, et je lui
ai dit: Tu demanderas à ton mari, ce soir, avant de te coucher, s'il est
prêt à drainer sa terre à tous les 121 pieds et si c'est
bon.
M. Garon: L'ingénieur, est-ce que c'est un
ingénieur que vous aviez choisi?
M. Raymond: Non, c'est un ingénieur du gouvernement, de la
SIC, qui est engagé par la SIC.
M. Garon: La Société immobilière du
Canada.
M. Raymond: Oui.
M. Garon: C'est un ingénieur dans le drainage.
M. Raymond: II était venu. Il y avait une grosse
côte sur la terre et je voulais qu'il la baisse. Il y avait deux gros tas
de terre, de la terre neuve qui avait été faite avant 1969.
Autrement dit, c'était juste des "ondains" de terre et il fallait que ce
soit étendu. Quant à faire quelque chose, j'ai dit que
c'était aussi bien de le faire comme il faut.
M. Garon: Est-ce qu'il avait fait des tests sur
l'imperméabilité du sol?
M. Raymond: II m'a dit que les tests disaient 121 pieds.
Même qu'il disait que c'était plus que cela; c'était 125.
Il a dit: On va les mettre à tous les 121 pieds. Le drain du milieu, il
le mettait à dix pieds du fossé parce que j'exigeais que le
fossé du
milieu soit fait. C'est trois arpents de large et un fossé
à l'arpent et demi. Il a dit: On va mettre le drain juste à
côté du fossé. J'ai dit: On serait aussi bien de ne pas
faire de fossé. Un drain ne remplace pas un fossé pour les eaux
superficielles. Autrement dit, il se trouvait à y avoir deux drains par
arpent et demi.
M. Garon: Cet ingénieur, c'était celui qui,
habituellement, faisait les travaux de drainage, quand il y avait du drainage
souterrain, pour des cultivateurs.
M. Raymond: C'est cela. Ils avaient engagé celui-là
pour ces temps-ci. Ils ont drainé je ne sais quelle grandeur, 300
arpents à peu près, de l'autre côté du village, pas
loin de chez Maurice Laframboise. Ils ont drainé 300 arpents. Cela leur
a pris près d'un mois et demi pour drainer. Je ne sais pas. Quand les
draineuses marchent pour la Société immobilière du Canada,
c'est très long. Ils sont en train d'en drainer présentement dans
une zone qui n'est pas rétrocédée et c'est long. Il y a
une draineuse, deux "bulls", une grosse pelle. C'est très long.
M. Garon: Elle a sa propre machinerie, la Société
immobilière du Canada.
M. Raymond: Non, c'est donné à contrat.
M. Garon: C'est donné à contrat.
M. Raymond: Aux entrepreneurs qui font des soumissions.
M. Garon: Ils font des appels d'offres.
M. Raymond: Toujours. La Société immobilière
du Canada fait toujours des appels d'offres.
M. Garon: Oui?
M. Raymond: Tout le temps.
M. Garon: Vous dites cela d'un drôle d'air.
M. Raymond: Pardon?
M. Garon: Vous dites cela comme...
M. Ryan: Ce n'est pas la réponse que le ministre
voulait.
Une voix: II n'y a pas de réponse. M. Garon: Non,
je vous dis cela...
Une voix: Ce ne sont pas les mêmes réponses.
M. Garon: Quand ils font des appels d'offres, est-ce que ce sont
des appels d'offres pour l'ensemble, pour chaque travail, pour chaque
ferme?
M. Raymond: Pour moi, 100 arpents, cela a été un
appel d'offres, le drainage ainsi que les fossés, et il fallait que
l'entrepreneur baisse les côtes de tant de pieds, etc.
M. Garon: Qui paie, à ce moment-là?
M. Raymond: Cela aurait été la
Société immobilière du Canada et on me demandait 75 $
l'hectare.
M. Garon: Eux autres, ils auraient payé 100%.
M. Raymond: Oui.
M. Garon: Et ils vous auraient demandé 75 $.
M. Raymond: Oui, mais il fallait que j'aie des subventions du
provincial pour que je les leur donne.
M. Garon: II fallait que vous ayez des subventions du
gouvernement du Québec...
M. Raymond: Oui.
M. Garon: ... endosser les chèques et les leur donner.
M. Raymond: Quand ils m'ont dit que c'était à tous
les 121 pieds, j'ai dit: Avec l'expérience que j'ai, cela ne
m'intéresse pas parce que vous n'êtes pas sérieux.
M. Garon: Celle-là, vous ne l'attendiez pas, par
exemple.
M. Raymond: Quand le gouvernement fédéral engage
une firme d'ingénieurs qui arrivent avec quelque chose à tous les
121 pieds, peut-être que, s'ils avaient dit cela à un producteur
de fin de semaine, il l'aurait accepté. (21 h 30)
M. Garon: Dans notre programme, avant de payer, normalement, on
dit que c'est l'agriculteur qui choisit la firme d'ingénieurs. Il y a
une partie du remboursement qui va aux honoraires des ingénieurs. Quand
on est arrivé au pouvoir, sur 6 500 000 $ de travaux, il y en avait 4
800 000 $ qui avaient été donnés à deux firmes; les
deux firmes étant l'oeuvre d'un député libéral, on
s'est dit: Si on veut enlever le patronage, la seule façon, c'est de
laisser aux cultivateurs le soin de choisir les ingénieurs. J'avais
été surpris d'apprendre cela. Les hauts fonctionnaires appelaient
cela: Spécialiser les
ingénieurs. Maintenant, quand vous avez fait des demandes
à la Société immobilière, avez-vous - il peut y
avoir un désaccord sur quelque chose - été traité,
d'une façon générale, équitablement?
M. Raymond: Personne n'est traité équitablement sur
le territoire.
Premièrement, si on est si réticent maintenant à
croire les fonctionnaires, c'est qu'en dix ans - mon bail de dix ans vient de
se terminer - je n'ai demandé que le changement du système
électrique de ma ferme laitière, de la vacherie, qui était
fini et cela a pris un an avant de l'avoir. J'ai fait sauter six boîtes
électriques de 100 ampères; des cartouches de 100 ampères,
il en sautait toutes les semaines. Je leur ai dit: Si je passe au feu, ce n'est
pas moi qui serai responsable, ce sera vous autres. Il a fallu que
j'arrête de payer mon loyer pendant un an. Cela coûtait 4000 $ pour
faire installer une boîte électrique de 400 ampères et,
comme cela ne faisait pas tout à fait un an, j'avais 4000 $ de
ramassés. Quand j'ai eu mes 4000 $, ils l'ont installée et j'ai
payé mon loyer. Ils m'ont facturé 25 $ par mois de loyer pour
avoir remplacé ma boîte d'entrée électrique.
M. Garon: À vos frais?
M. Raymond: Non, c'est eux qui ont payé, mais ils m'ont
demandé 25 $ par mois de loyer.
M. Garon: De plus? M. Raymond: Oui.
M. Garon: Mais comment avez-vous ramassé vos 4000 $?
M. Raymond: J'ai arrêté de payer le loyer. Ils ne
voulaient pas remplacer ma boîte d'entrée électrique. Je
leur ai dit: Ce n'est pas à moi à payer cela, j'ai assez investi
sur cette ferme. Je leur ai dit: Cela me prend un nouveau système
électrique, cela ne fonctionne pas comme cela, c'est dangereux de passer
au feu. J'ai arrêté de payer mon loyer. Ils m'ont dit que j'allais
avoir ça bien vite, qu'ils n'avaient pas de budget pour cela. Le gros
problème était que l'agent de location arrêtait tout cela.
Dans ce temps-là, c'était M. Joubert. Au bout d'un an, je me suis
choqué et je suis allé voir M. Joubert. Il m'a dit: On va
régler cela. Un mois après, c'était réglé.
Là, j'ai payé mon loyer.
En 1979, j'ai bâti ma grange-étable. J'ai agrandi ma
grange. Je leur ai demandé la permission et ils n'ont jamais voulu me la
donner. Comme il y en avait d'autres sur le territoire qui bâtissaient,
j'ai quand même construit, sans leur permission. C'est pour cela
qu'aujourd'hui, après une évaluation sommaire, j'ai
au-delà de 120 000 $ d'investis.
M. Garon: À vos frais? M. Raymond: Oui.
M. Garon: Et vous payez combien de loyer?
M. Raymond: Je paie 398 $. M. Garon: Par mois? M.
Raymond: Oui.
M. Garon: Mais votre bail, depuis dix ans...
M. Raymond: Mon bail, je voulais l'apporter pour vous le montrer.
J'ai un bail renouvelable pour dix ans et je n'ai rien reçu pour dix
autres années. Cela s'est fait dans les premiers temps et je ne sais pas
si ce bail se renouvelle automatiquement ou si...
M. Garon: Êtes-vous membre du CIAC?
M. Raymond: Oui. Je suis un membre très actif.
M. Garon: Depuis longtemps?
M. Raymond: Depuis toujours. Je ne suis pas membre de la chambre
de commerce. Il faudrait peut-être que vous demandiez à la chambre
de commerce pour savoir combien il y a d'agriculteurs qui sont membres de la
chambre de commerce.
M. Garon: À votre connaissance, il y en a combien?
M. Raymond: II n'y en a pas tellement. M. Garon:
Pardon?
M. Raymond: II n'y en a pas tellement. Peut-être y en
aura-t-il beaucoup dans l'avenir parce que la chambre de commerce dit qu'elle a
beaucoup de choses à faire sur le territoire et qu'elle
représente, à certains points de vue, les agriculteurs; si elle
les représente, on pourrait peut-être en devenir membre et on
verra ce qu'il y aura là après cela. Si plusieurs agriculteurs
deviennent membres, si on veut prendre nos affaires en main à Mirabel -
parce que ce qui est sorti du mini-sommet des Basses-Laurentides, voilà
deux semaines, c'est que la chambre de commerce a le mandat, en agriculture, de
faire rencontrer les intervenants, l'UPA, le groupe ALARM, les intervenants
dans ce dossier, pour qu'ils parlent ensemble. Il faudrait peut-être que
la chambre de
commerce commence elle-même à parler à la ville de
Mirabel. Commencer par eux autres à faire un dialogue avec d'autres.
J'ai vu cela dans un journal, j'ai été surpris de voir qu'il y en
avait seulement de là et, durant toute la semaine avant ce mini-sommet,
la radio annonçait qu'Untel et Untel allaient là, et la
publicité au bout. C'est toujours cela qui est le problème de la
société immobilière.
Regardez les journaux qu'ils nous envoient et où ils
écrivent: Vous viendrez au festival western, cela va être une
grosse réussite cette année, venez à la foire de Mirabel.
C'est cela que la société immobilière a comme mandat de
faire. Moi, je pense que ce n'est pas cela, c'est de consulter la population et
l'UPA; nous autres, on a demandé une rencontre au début
d'août 1982 - on a reçu seulement un accusé
réception, on n'a rien reçu d'autre - pour rencontrer les membres
de la société immobilière et non les fonctionnaires parce
que les membres de la société immobilière, selon moi, ne
gèrent pas grand-chose. Ils sont là seulement comme poteaux.
M. Garon: Qui est en charge de la société
immobilière?
M. Raymond: C'est Jean-Pierre Goyer, mais disons que M. Goyer va
là une fois par semaine. Son conseil d'administration est réuni
combien de fois par mois? Pas tellement. Une ou deux fois, peut-être.
C'est la campagne... On rencontre notre maire de Mirabel. Le 29 mai 1982, on
fait l'annonce de la rétrocession. M. Laurin dit que, sur les
modalités de prix, il n'y a rien, combien ils vont vendre et tout cela.
Ils vont vendre à 85% de la valeur et M. Laurin, qui est membre du
conseil d'administration de la société immobilière,
n'était pas au courant de cela. On a fait une réunion. Je ne sais
pas si vous y étiez au mois de juin, et M. Laurin ne savait pas
grand-chose de ce qui se passait comme membre de la société
immobilière.
M. Garon: Est-ce que vous avez demandé qui fixait le
prix?
M. Raymond: À M. Laurin?
M. Garon: Non, à la société
immobilière.
M. Raymond: On n'est pas capable de la rencontrer. C'est pas mal
dur de rencontrer quelqu'un quand il ne veut pas nous rencontrer. On attend la
réponse. On lui avait donné des dates, le 25, le 26 août ou
bien la deuxième semaine de septembre; ou une autre date à nous
suggérer et on n'a pas eu de réponse parce qu'on voulait parler
d'investissements, parce qu'on savait qu'il y avait des agriculteurs qui
passaient en cour et on voulait régler ces choses.
M. Garon: II faudrait que vous demandiez à votre
député. Il est capable de vous la faire rencontrer.
M. Raymond: Peut-être.
M. Ryan: Je suivais moins parce que, depuis quelque temps, il
n'avance pas beaucoup. Quand il tombe sur la chambre de commerce, c'est parce
qu'il achève.
M. Garon: Je n'ai pas eu le temps de tomber.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Tout d'abord, M. Raymond, actuellement, quelle grandeur
avez-vous? Est-ce que ce sont deux fermes que vous avez?
M. Raymond: Je suis en société avec mon
frère. On cultive 375 acres cultivables. Le restant n'est pas
cultivable. Il n'y en a pas tout à fait 400 acres.
M. Ryan: En tout, vous en avez autour de 400.
M. Raymond: Oui.
M. Ryan: Combien y en avait-il lorsque cela a été
exproprié de la propriété de votre père?
M. Raymond: On en avait 130. C'était une ferme familiale.
Nous autres, on était... Moi, je suis le plus vieux de la famille, les
autres étaient jeunes.
M. Ryan: Vous, vous n'avez pas été
rapetissé. Vous vous êtes trouvé à grandir.
M. Raymond: Oui.
M. Ryan: Au point de vue de la surface exploitée.
M. Raymond: Oui.
M. Ryan: Maintenant, s'il était question de
rétrocession, qu'est-ce qui arriverait dans votre cas, suivant les
principes du CIAC?
M. Raymond: Moi, dans mon cas, j'ai une ferme que j'ai
gardée quand on a été exproprié.
M. Ryan: Excusez-moi, juste une seconde. Celle sur laquelle vous
êtes, est-ce qu'il y en a une qui est l'ancienne de votre
père?
M. Raymond: Oui. M. Ryan: Oui?
M. Raymond: C'est divisé en cinq. Autrement dit, ce sont
cinq fermes que j'ai et mon père en avait deux. Il y en a une qui est
louée à mon voisin, celle où on demeurait avant, parce
qu'on a déménagé. Là où je demeure, il y a
quatre fermes l'une à côté de l'autre. Sur ces quatre
fermes, il reste présentement une maison et deux granges-étables
dont l'une, à moitié, parce que l'autre moitié
m'appartient et les autres ont toutes été démolies. Les
trois autres maisons ont été démolies. Lorsqu'on est
arrivé là, en 1972, on voulait garder la maison, mais le
fédéral est venu et il l'a démolie: II n'est pas question
de garder cette maison. Elle va coûter trop cher à
rénover.
M. Ryan: Mais ma question et la suivante: Celle qui
n'était pas la ferme familiale...
M. Raymond: Oui.
M. Ryan: ... appartenait à qui...
M. Raymond: II y en a une qui...
M. Ryan: ... lors de l'expropriation?
M. Raymond: Elle appartenait à quatre producteurs.
M. Ryan: Suivant la position que vous défendez, cela
serait-il revendable à ces producteurs?
M. Raymond: Oui, monsieur.
M. Ryan: Et par conséquent, seriez-vous exposé
à voir votre ferme diminuée d'autant?
M. Raymond: Oui, monsieur.
M. Ryan: D'accord. Et si vous vouliez...
M. Raymond: Je suis parfaitement d'accord.
M. Ryan: ... avoir les autres parties, vous les
rachèteriez de ces individus ou de leurs descendants...
M. Raymond: Avant qu'ils rachètent, il va falloir qu'ils
paient ce que j'ai investi là, par exemple.
M. Ryan: Ah!
M. Raymond: J'ai fait des investissements. Je leur laisserai le
droit, à condition qu'ils me paient.
M. Ryan: Et s'ils ne veulent pas? Qu'arrive-t-il s'ils disent: On
n'a pas été consultés, nous, là-dedans?
M. Raymond: Mais là...
M. Ryan: S'ils disent: Notre affaire nous appartient quand
même?
M. Raymond: Je n'ai...
M. Ryan: Vous n'avez pas pensé à cela?
M. Raymond: Pour quelle raison ne voudraient-ils pas payer si
j'ai bâti une...
M. Ryan: Je ne sais pas. Je fais une hypothèse. Je ne le
sais pas. Combien avez-vous mis d'argent là-dessus?
M. Raymond: Environ 120 000 $. C'est mon coût.
M. Ryan: Une valeur de 120 000 $. Quand vous avez eu votre
procès avec le gouvernement... Là, c'est réglé.
Vous avez signé un arrangement vers la fin du mois d'août, je
pense.
M. Raymond: Je n'ai jamais eu de procès avec le
gouvernement.
M. Ryan: Mais avec la société?
M. Raymond: La société immobilière ne m'a
pas amené en cour.
M. Ryan: Pour le loyer que vous aviez retenu.
M. Raymond: Oui, un loyer avait été retenu. Je l'ai
réglé en même temps que les loyers en fiducie.
M. Ryan: Ah, bon! Cela a été réglé
hors cour. Mais, à ce moment-là...
M. Raymond: J'ai réglé hors cour pour l'unique
raison que cela aurait occasionné des frais d'avocats.
M. Ryan: D'accord. Ont-ils exigé de vous faire signer un
autre bail quand ils ont réglé avec vous? Est-ce que c'est une
condition qu'ils ont mise? J'ai entendu dire qu'ils l'avaient mise.
M. Raymond: Non, ils n'ont mis aucune condition.
M. Ryan: Aucune condition? Votre bail expirait à la fin
d'octobre.
M. Raymond: II est terminé.
M. Ryan: II est terminé? Vous disiez
tantôt qu'il y avait une clause de renouvellement dans ce
bail.
M. Raymond: C'est écrit: "Renouvelable pour dix ans", mais
je ne peux pas vous dire si on a 30 jours ou trois mois pour avertir si on met
fin au bail ou si le gouvernement veut m'augmenter.
M. Ryan: Voulez-vous me dire sérieusement que vous n'avez
pas regardé cela?
M. Raymond: Je voulais le faire regarder par un avocat...
M. Ryan: Vous le savez.
M. Raymond: ... parce que de la façon que c'est
écrit, je ne peux pas comprendre.
M. Ryan: Homme d'affaires comme vous l'êtes, vous
êtes certainement au courant.
M. Raymond: Non, je ne suis pas au courant.
M. Ryan: Franchement, vous me désappointez.
M. Raymond: II est renouvelable pour dix ans, point, mais il y en
a d'autres qui, en 1974, sont renouvelables pour dix ans, mais, au bout de dix
ans, ils finissent là. Ils peuvent le renouveler, mais, en 1972, il y a
un avocat qui m'a dit: II est fort probable qu'il se renouvelle automatiquement
pour dix ans, mais je n'en suis pas certain.
M. Ryan: Et au même taux de 398 $ en tout?
M. Raymond: Ils n'ont pas changé le prix pour le moment.
Je n'ai rien reçu.
M. Ryan: Vous n'avez pas reçu d'avis de leur part,
rien?
M. Raymond: Non.
M. Ryan: Quelle est la valeur totale de votre production par
année?
M. Raymond: On produit 1 150 000 livres de lait.
M. Ryan: 1 150 000? Combien cela peut-il représenter sous
forme de revenu brut?
M. Raymond: Je n'ai pas les chiffres en tête.
M. Ryan: D'accord.
M. Raymond: En argent, pour le lait, cela peut représenter
150 000 $. Je n'ai aucune idée exacte. On a un potentiel pour faire
vivre deux familles. J'ai un employé depuis deux ans, parce que je
m'occupe beaucoup de l'UPA. C'est surtout à cause du gouvernement
fédéral que j'ai un employé, parce que je travaille au
moins deux ou trois jours par semaine à ce dossier. (21 h 45)
M. Ryan: Vous rappelez-vous combien votre père avait
reçu pour la ferme familiale?
M. Raymond: Non, je ne l'ai jamais su. M. Ryan: Vous ne
l'avez jamais su?
M. Raymond: Non, mon père m'a seulement dit qu'on lui
avait payé 210 $ l'arpent, mais pas pour toute sa terre, parce qu'on
avait de la terre qui était un peu rocheuse et cette partie valait
moins. Elle était toute cultivable, mais, après l'avoir
semée, il fallait enlever un peu de roches et, pour eux, ça
valait moins cher. Mon père a toujours gardé ces choses
confidentielles. Je l'ai même appelé avant de partir, parce que je
suis venu deux jours ici et je sais quel genre de questions sont posées.
Je voulais apporter son règlement, mais il n'a jamais voulu.
M. Ryan: II n'a jamais voulu.
M. Raymond: Non. Je voulais savoir combien il avait payé
ses maisons et combien il avait été payé pour les deux
maisons.
M. Ryan: J'espère qu'il n'avait pas peur de son
garçon.
M. Garon: Ils ont peur du fédéral.
M. Ryan: Avez-vous une idée de la valeur marchande de
toute cette ferme que vous exploitez? Cela a dû vous passer par
l'idée combien ça peut valoir aujourd'hui, en parlant avec des
gens.
M. Raymond: Cela vaut le prix qu'on a eu, M. Ryan.
M. Ryan: Ce n'est pas ça que je vous demande. Je ne vous
demande pas ce que vous voulez avoir, mais combien ça peut valoir?
M. Raymond: Cela vaut le prix que mon père a eu, ça
ne vaut pas plus.
M. Ryan: D'accord. Je vais trouver ma réponse
ailleurs.
M. Raymond: Écoutez, tout ce qu'on a
vécu depuis treize ans, tout ce que le gouvernement
fédéral a démoli pour rien.
M. Ryan: Non, d'accord, on n'est pas obligé de se...
M. Raymond: Les maisons qu'il a démolies, vous pensez
qu'on va les payer deux fois?
M. Ryan: Justement, où en êtes-vous avec la
Société immobilière du Canada là-dessus? Vous dites
que vous avez mis pour 120 000 $...
M. Raymond: Oui.
M. Ryan: ... d'amélioration ou de transformation sur les
équipements et les maisons.
M. Raymond: Pas sur les maisons. M. Ryan: Sur les granges,
etc.?
M. Raymond: La grange et le fonds de terre.
M. Ryan: D'accord. C'est à vous ça? Ce que vous
avez mis dessus, c'est à vous. Est-ce que la Société
immobilière du Canada l'admet, d'après vous?
M. Raymond: Oui, elle a créé un
précédent.
M. Ryan: Avec les règlements qui sont arrivés
récemment.
M. Raymond: Ce n'est pas certain. Peut-être pour les
bâtisses, mais, pour le fonds de terre, ce n'est pas certain. Il y a un
certain fonctionnaire que j'ai rencontré ailleurs qu'à son
travail et qui m'a dit qu'il aimerait beaucoup que, pour un producteur qui a
fait tous ses fossés, alors que l'autre d'à côté ne
les a pas faits - comme la ferme sur laquelle il n'y a rien - on paie le
même prix, alors que les hauts fonctionnaires de la SIC, à
Sainte-Scholastique, ce n'est pas ce qu'ils veulent, ils veulent les louer plus
cher, parce que la terre est entretenue et elle est cultivée.
M. Ryan: Le quota de lait, c'est à votre nom.
M. Raymond: Oui.
M. Ryan: Si jamais vous déménagiez, aujourd'hui
est-ce que ce seraient les mêmes conditions que dans le temps? Dans le
temps, vous dites que...
M. Raymond: Non, le quota aujourd'hui...
M. Ryan: II est à votre nom?
M. Raymond: Oui.
M. Ryan: Cela doit valoir cher.
M. Raymond: Pas mal.
M. Ryan: Très bien.
M. Raymond: Cela vaut assez cher que ça n'a pas
d'allure.
M. Ryan: Ce serait au-delà de mes moyens.
Vous parlez de l'assurance-incendie, cela m'intéresse. Vous dites
que vous avez demandé: Si ça passe au feu, qu'est-ce qui arrive?
Est-ce que vos bâtisses sont assurées aujourd'hui?
M. Raymond: Non.
M. Ryan: Vous n'avez aucune espèce d'assurance
là-dessus.
M. Raymond: Non, on a seulement la responsabilité
locative. En 1973 ou 1974, M. Jean-Léon Lorrain a passé au feu -
ce n'est pas loin de chez Maurice Laframboise - il est allé, avec ses
animaux, sur la ferme de Maurice Laframboise, qui appartient à Jacques
Giroux. Dans ce temps-là, les Travaux publics avaient engagé M.
Duvieusard avec d'autres agronomes pour évaluer les loyers, etc. Ils ont
prouvé à M. Lorrain que son entreprise n'était pas
rentable et qu'il n'était pas question de rebâtir.
C'est là que j'ai commencé à me réveiller,
je me suis dit: Si on passe au feu demain matin, où est-ce qu'on est? On
est dans la rue.
Ce producteur est allé à Lachute, a ouvert un magasin avec
un autre; son affaire est tombée à l'eau et il n'a plus un cent.
Il s'est fait assez influencer, ils ont été à peu
près trois mois sans le lâcher. Cela n'a pas d'allure, regarde tes
chiffres, regarde ta production de lait et regarde tout cela, cela n'a pas de
sens. M. Duvieusard est à faire une autre étude, il doit la finir
pour la semaine prochaine. Il vient juste de la commencer pour évaluer
les taux sur la rentabilité du producteur.
M. Ryan: Supposons que votre père aurait reçu 500 $
l'arpent pour la ferme familiale dans le temps. C'est une hypothèse que
je fais, je n'affirme rien. Dois-je comprendre que vous dites: Je voudrais
racheter cette terre au prix qui a été payé, 500 $
l'arpent? C'est plus ou moins, quoi? Quelle est votre opinion
là-dessus?
M. Raymond: C'est l'opinion qu'on
défend, tout simplement le prix payé. Si on a
été payé 210 $ l'arpent pour le terrain, on va payer 210 $
l'arpent, plus l'intérêt de 5%, moins le loyer - les
investissements, c'est bien sûr que je ne suis pas pour les payer - moins
les contraintes. Le gros problème, quand nous sommes allés le 27
mai 1982 en conférence de presse, M. Goyer a dit que cela
représentait 85% du coût de l'expropriation. Les 50 maisons et je
ne sais combien d'étables qui sont disparues dans notre paroisse, on
n'est pas pour les payer. Ils veulent mettre le prix global. Le terrain va
être évalué à combien? Selon moi, il va être
évalué à 500 $ ou 600 $ l'arpent, ou peut-être 700
$, à part les bâtisses.
M. Ryan: Quand vous parlez de l'intérêt, voulez-vous
m'expliquer ce que vous voulez dire au juste?
M. Raymond: Ceux qui ont été réglés
en 1974, 1975, 1976, 1977 et 1978 ont eu 5% d'intérêt. Il y en a
qui ont eu 5%, d'autres 6%. On va payer la même chose. On va
déduire le loyer. Il ne faut pas oublier une chose, M. Ryan, c'est que
les maisons qui restent à Saint-Hermas, ce n'est pas grâce aux
Travaux publics ou à la société immobilière, c'est
grâce aux producteurs qui sont restés en place; sans cela, il n'y
aurait plus rien sur le territoire. Ce qui reste là, c'est la population
qui l'a gardé malgré tout.
M. Ryan: Dans l'ensemble, vous avez une ferme qui fonctionne
bien, qui est prospère.
M. Raymond: Non, elle n'est pas prospère.
M. Ryan: En tout cas, elle fonctionne très convenablement,
d'après ce qu'on a constaté.
M. Raymond: Elle fonctionne, mais, si j'étais
propriétaire, mon terrain serait tout drainé.
Présentement, on vit dans une roulotte. On a été
obligé de s'acheter une maison mobile parce qu'ils ne voulaient pas
bâtir.
M. Ryan: Si les subventions avaient été disponibles
en 1979, en 1980 et en 1981, cela aurait peut-être aidé pour le
drainage.
M. Raymond: Non, je ne suis pas prêt à dire cela, M.
Ryan. Je pense que cela a réveillé les producteurs pour la raison
que plus cela allait, plus les producteurs s'embarquaient. À un moment
donné, il faut que cela ait une fin. Il y a encore des producteurs... Il
y en a un qui est à drainer présentement. Il est rendu à
800 ou 900 arpents. Il est en train de s'embarquer. À un moment
donné, il ne sera plus capable. Ses loyers, cela va être des
paiements qu'il aura à faire. Il ne sera plus capable de les faire.
C'est une roue. Cela a stoppé les producteurs. Je n'en ai pas fait
depuis ce temps et je ne le regrette pas. Cela fait deux ans que je n'ai rien
investi chez nous, pas un coup de pinceau. La prochaine "cenne" que je vais
investir, je vais être chez nous. C'est ce qui est bien important. Je
n'investirai rien tant que je ne serai pas chez nous.
M. Ryan: Vous avez quand même investi pour 120 000 $ au
cours des sept ou huit dernières années.
M. Raymond: Oui, c'est vrai. C'est à cause des promesses
du fédéral.
M. Ryan: En somme, si vous, pour être réaliste - on
se met les pieds à terre -aviez un règlement honorable pour la
reprise de la propriété de votre terre, vous ne seriez pas si
mal, vous ne seriez pas un "Misérable" de Victor Hugo.
M. Raymond: Au prix qu'on offre, c'est sûr.
M. Ryan: D'accord. Il reste à trouver le prix.
Le Président (M. Rochefort): Cela va. Une courte
dernière question, M. le député d'Iberville.
M. Beauséjour: Vous avez parlé, à un moment,
du groupe ALARM. Qu'est-ce que c'est?
M. Raymond: Je m'attendais à cette question de M. Ryan,
mais c'est vous qui la posez. Le groupe ALARM, on pourrait peut-être dire
M. Hardy et compagnie.
Une voix: Ceux qui mettent le feui
M. Raymond: Non. Il ne faut pas dire cela comme cela. Le groupe
ALARM, en février 1981, était composé de M. Pierre
Jetté, M. Hardy et cinq ou six producteurs qui avaient
décidé qu'il fallait former un nouveau groupe sur le territoire.
Un jour, ils ont invité beaucoup de monde. Il y avait un dîner. La
chambre de commerce était là. Ils avaient invité M. Gourd
et d'autres personnalités à se rendre là. Ils vendaient
des billets. Moi, j'ai appelé pour avoir des billets et cela a tout pris
pour en avoir. On s'était déjà rencontré
auparavant, avec M. Paul-André Forget, à l'UPA, on avait
rencontré les cinq syndicats. On avait décidé que ce
serait le syndicat de Sainte-Scholastique qui s'occuperait des problèmes
de Sainte-Scholastique et de Mirabel. Cela touche cinq syndicats, au plan de
l'UPA.
M. Beauséjour: Le groupe ALARM?
M. Raymond: Non, non. Avant que le groupe ALARM se forme. Ces
cinq syndicats touchent à l'expropriation de Mirabel. Alors, les cinq
syndicats se sont réunis et on avait décidé que ce serait
le syndicat de Sainte-Scholastique qui s'occuperait de cela. Comme cela avait
été décidé auparavant, celui de
Sainte-Anne-des-Plaines, dont le président est M. Paul-André
Forget, voulait se mêler de cela. Lui, ça va bien, il a du terrain
à Saint-Jérôme, mais il vient louer des terres,
écrémer le territoire et pour pas cher à part cela.
Même, il paie meilleur marché que moi. Il a loué
après moi, car moi, cela fait dix ans maintenant, et il paie meilleur
marché. C'est comme cela que cela a commencé. On s'était
donc réunis quinze jours avant que le groupe ALARM se forme. M.
René Hardy m'a dit que c'était correct que le syndicat de
Sainte-Scholastique s'occupe de tout ça. Nous ne nous occupons plus de
rien. Quinze jours après, il font cette grande sortie dans les journaux.
Moi, j'y suis allé. Cela a tout pris pour avoir des billets, mais enfin
j'en ai eu et j'y suis allé.
Ainsi, tous ceux qui entraient là, ils prenaient leurs noms et
ils devenaient membres. Tu entrais là, cette journée-là,
et tu étais membre du groupe ALARM. Ils se sont réveillés
avec une centaine de personnes dont des commerçants, des entrepreneurs
et des fonctionnaires aussi. Eux, ils ne pouvaient pas être membres du
groupe ALARM, parce que c'était un groupe de producteurs agricoles
locataires. Quand je suis sorti de là, je leur ai dit d'enlever mon nom
parce que je ne suis pas un gars à deux visages. Moi, je marche dans un
mouvement ou dans un autre, mais non dans deux mouvements en même
temps.
Concernant M. Ryan, ce que je n'aime pas, c'est sa façon de
fonctionner. Il doute beaucoup des membres du CIAC, de la
représentativité qu'on a. Ce serait bien plus simple s'il allait
voir le groupe ALARM pour leur demander combien de membres ils sont? S'ils sont
quinze membres, c'est beau.
M. Beauséjour: Alors, cela existe encore?
M. Raymond: Oui. Cela existe. Mais ils existent plus par
l'entremise de la chambre de commerce, puisque le président du groupe
ALARM est le vice-président de la chambre de commerce.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil, pour un court commentaire que je devine.
M. Ryan: Je voudrais assurer M. Raymond que je pose les
mêmes questions au groupe ALARM que je pose au groupe CIAC, comme c'est
mon devoir de le faire.
M. Raymond: Oui, mais en tout cas, je me pose la question, parce
que vous êtes venu à nos réunions. Vous direz au groupe
ALARM qu'ils en fassent une, réunion. Vous allez voir le monde qu'il y
aura là.
M. Ryan: Très bien. C'est à eux de faire la preuve
de ce qu'ils représentent. Nous ne sommes pas ici pour faire leur
procès in absentia, cela ne donne rien. Mais je veux vous assurer, en ce
qui me touche, que je dois obtenir les renseignements dont j'ai besoin. J'ai
assez de méthode de travail pour ne pas avoir besoin de directive. Je
peux vous assurer que je fais mon devoir consciencieusement de ce point de vue
là.
Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie. M. le
député de Rousseau, cela fait une heure que nous consacrons
à M. Raymond, non pas que ce ne soit pas intéressant, mais il y a
deux autres groupes qui doivent comparaître. Nous nous étions
entendus pour vingt minutes.
M. Blouin: Si vous me permettez, j'aurais une question à
laquelle M. Raymond pourrait répondre par oui ou par non.
Le Président (M. Rochefort):
Rapidement.
M. Blouin: D'accord. Actuellement, vous êtes
propriétaire de biens. Evidemment, il y a les améliorations sur
le fonds de terre que vous avez faites, la bâtisse vaut combien? 40 000
$, 50 000 $?
M. Raymond: La bâtisse? M. Blouin: Les
bâtisses.
M. Raymond: J'ai investi un peu plus que cela. Entre 60 000 $ et
70 000 $.
M. Blouin: D'accord. Ces biens, vous dites qu'ils ne sont pas
assurés, qu'ils ne sont pas assurables. Si le feu prenait dedans, cette
nuit, cela veut dire que vous perdriez tout, c'est ça?
M. Raymond: C'est pour cette raison qu'on se bat depuis
longtemps, parce que, demain matin, c'est bien dommage...
M. Blouin: D'accord. D'accord.
M. Raymond: ... si ma ferme passe au feu, je n'ai plus rien pour
vivre.
Le Président (M. Rochefort): Sur ce, M.
Raymond, je vous remercie de vous être présenté
devant nous.
J'inviterais maintenant la famille Réjean Ethier à prendre
place.
M. Raymond: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Rochefort): II est 22 heures, mais on
m'informe qu'il y aurait consentement pour entendre le prochain groupe. Est-ce
le cas?
M. Claude Leclerc n'est toujours pas présent parmi nous?
Une voix: Je pense que M. Leclerc dépose seulement son
mémoire. Il semble que c'est ce qu'on a dit.
Le Président (M. Rochefort): Parfait. Si c'est pour
dépôt, c'est fait. Chacun des membres de la commission en a
reçu copie. (22 heures)
Alors, je vous souhaite la bienvenue en commission et je vous
demanderais de nous présenter votre mémoire brièvement,
dans la mesure du possible.
M. et Mme Réjean Éthier
M. Éthier (Réjean): M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés, je tiens à remercier cette
commission de nous donner la chance de pouvoir nous exprimer, de dire ce que
l'on ressent à la suite de nos problèmes à Mirabel. Avant
de lire notre mémoire, je demanderais l'immunité à la
suite de ce que je vais dire, M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): Sur cette question, M.
Ethier, l'immunité parlementaire n'est accordée en commission
qu'aux membres de la commission parlementaire, c'est-à-dire aux
parlementaires. J'attire toutefois votre attention sur l'existence des
dispositions de notre ancien règlement et de notre tradition
parlementaire. Lorsque notre règlement actuel ne fait pas
référence à une question, on doit se référer
à notre ancien règlement. Dans notre ancien règlement
l'article 733, le, existait, et se lisait comme suit: "Tout témoin qui
comparaît devant la Chambre ou un de ses comités, peut
réclamer la protection de la Chambre relativement au témoignage
qu'il est appelé à porter et, en outre, demander à se
faire assister par un conseil." C'est une disposition qui existe, dont vous
pouvez vous prévaloir, mais je vous rappelle que vous n'êtes pas
couvert par l'immunité parlementaire.
Une voix: Quelle est la différence?
Le Président (M. Rochefort): Je ne suis pas juriste, sauf
que je peux vous dire qu'à partir du moment où M. Ethier demande
la protection de la Chambre relativement à son témoignage et
qu'elle lui est accordée, un tribunal ne pourrait utiliser les propos
qu'il aurait tenus ici contre lui dans un procès éventuel dans
lequel il serait impliqué. C'est ce que je comprends de cet article,
c'est ce que je me suis bien fait expliquer, du moins je l'imagine. J'aimerais
aussi attirer l'attention des membres de la commission sur l'article 99 de
notre règlement qui stipule au point 4: "II est interdit à un
député qui a la parole de parler d'une affaire qui est devant les
tribunaux ou devant un organisme quasi judiciaire ou d'une affaire qui est sous
enquête lorsque dans ce dernier cas les paroles prononcées peuvent
être préjudiciables à une personne." Je veux que vous soyez
sensibilisés à ces dispositions de notre règlement. Est-ce
que cela répond à votre question, M. Ethier?
M. Éthier: Est-ce que je peux demander la protection de la
Chambre?
Le Président (M. Rochefort): La protection de la Chambre,
oui. Je peux vous l'accorder dès maintenant tout en vous rappelant les
autres dispositions dont je vous ai fait part ainsi qu'aux membres de la
commission. M. le député d'Argenteuil sur cette question.
M. Ryan: M. le Président, il me semble qu'il serait utile
que nous demandions à M. Ethier de nous résumer brièvement
l'affaire qui est devant les tribunaux pour qu'on sache de quoi on ne doit pas
discuter et sur quoi on ne doit pas poser de questions.
M. Éthier: Au moment où vous me poserez des
questions qui pourraient être préjudiciables, je vous dirai que je
ne peux pas répondre à cette question.
Le Président (M. Rochefort): J'ai oublié de vous
lire le deuxième alinéa de l'article 733 de notre ancien
règlement qui s'applique dans votre cas et qui se lit comme suit: "Le
témoin qui a comparu devant la Chambre ou un de ses comités, ne
peut, sans l'autorisation de la Chambre, être poursuivi en justice pour
avoir déposé de certains faits, à moins que cette
déposition touchant ces faits ne soit mensongère." Je vous
demanderais donc, sans plus tarder, de nous faire la présentation de
votre mémoire.
M. Éthier: Je demanderais à mon épouse de
lire le mémoire de la famille.
Mme Éthier: Ce mémoire est pour dire la situation
invraisemblable que nous vivons présentement, nous, la famille
Réjean Ethier, parce que nous avons été expropriés,
et cela, pour absolument rien. Nous sommes dans la zone à
rétrocéder, donc expropriés pour rien.
Cette situation nous a été imposée. Il n'y a aucune
raison pour que nous en payions
la note financièrement et moralement. Quand quelqu'un prend tes
affaires, même si tu ne veux pas, quand il te paie le prix qu'il veut, tu
t'attends qu'au moins il va te ficher la paix ensuite. Cela fait treize ans que
notre famille se bat pour défendre nos droits, j'allais dire pour ne pas
tout perdre de cette terre qui se passe de génération en
génération. Nos garçons, âgés de 18 et 22
ans, sont là qui attendent pour continuer à faire ce que nous,
leurs parents, avons aimé faire, et les années passent sans que
rien ne se passe. Maintenant, c'est rendu qu'il faut se battre pour pouvoir
rester chez nous. C'est impensable qu'on en soit là. Comment dire tout
ce qu'on a dû passer et qu'on vit encore présentement? On a
l'impression d'être pris dans un entonnoir dont on ne sait même pas
s'il y a un petit trou au bout. Puisqu'il a été établi que
nous sommes expropriés inutilement, pourquoi ne s'empresse-t-on pas de
nous remettre nos titres et qu'on en finisse?
Le 27 mars 1969, 16 h 30, on vient d'apprendre à la radio qu'on
est exproprié. Le cours de notre vie vient de changer sans qu'on le
sache. Doit-on se réjouir? Peut-être qu'on va être riche,
qu'on n'aura plus besoin de travailler? On est resté longtemps avec
cette question. Il devait bien y avoir quelqu'un qui savait qu'on ne devient
pas riche avec l'expropriation, mais on s'est bien gardé de nous le
dire.
Le temps a passé. On s'est remis à faire le ménage
et, puis, a commencé à défiler le cortège des
experts en ci et en ça. Ah! On a bien collaboré. On s'est fait
visiter, mesurer et interroger bien des fois. Experts privés et ceux du
gouvernement, ce sont les premiers qui ont commencé à se sentir
chez eux chez nous. On n'était pas regardant pour le lunch. À la
campagne, vous le savez. C'est peut-être pour cela qu'on n'était
pas méfiant. Demandez à nos évaluateurs privés.
C'est vrai, ils n'ont eu aucune difficulté à avoir notre rapport
d'impôt. Ce n'était pas grave, ils n'étaient pas pour s'en
servir, qu'ils disaient.
À un moment donné, est venu le temps des
négociations. On essayait bien de se convaincre de rester confiant en
nos évaluateurs privés. Plus ils vont nous obtenir un bon prix,
plus ils vont être bien payés. Ce raisonnement nous semblait
l'unique qui devait prévaloir. On avait juste à lire ce qui
était écrit en arrière du contrat signé avec la
maison Cadieux, Charrette, Meloche. Voir copie.
Qu'est-ce qu'un client? Un client est la personne la plus importante qui
puisse entrer dans notre bureau. Un client ne dépend pas de nous; nous
dépendons de lui. Un client n'est pas une interruption de notre travail;
il en est le but. Un client n'est pas un étranger; il fait partie de nos
affaires. Un client est une personne qui vient nous exposer ses besoins; il
nous incombe de prendre ses intérêts qui sont les nôtres.
Nous ne lui faisons pas une faveur en le servant; il nous en fait une en nous
permettant de le servir. Sa satisfaction est notre réputation. On se
demande encore s'ils en ont une réputation.
Mais il a bien fallu se rendre à l'évidence le jour
où nos experts nous ont téléphoné nous disant
qu'ils ne s'entendaient pas avec leurs confrères experts du
fédéral sur un point du dossier. Notre présence
était nécessaire pour éclaircir ce point. Nous avions
demandé d'être présents aux négociations, ce qui
était notre droit, et cela avait été accepté par
nos évaluateurs. Nous constations que les négociations
s'étaient presque terminées sans nous. Est-il besoin de parler de
l'atmosphère de malaise qui planait dans le bureau du
fédéral surtout que nous avons demandé que tous les points
soient révisés avec nous? On avait l'impression de faire perdre
le temps à tous ces messieurs. En tout cas, on les dérangeait
sûrement.
Tous ces experts, ceux qu'on payait, et les autres qu'on payait aussi,
ceux du fédéral, maîtrisaient l'art de nous mettre mal
à l'aise. C'est dans cette atmosphère malsaine qu'allait se
décider toute l'affaire de notre vie. Cela a duré deux heures.
Là, on a su que l'expropriation, cela ne faisait pas devenir riche. On
était en juin 1972 et cela faisait déjà trois ans que
c'était commencé.
Il ne faut pas oublier toute la visite qu'on a eue: enquêteurs,
évaluateurs, experts en étude de l'homme et de son environnement,
sans oublier tous les courtiers qui en voulaient des dollars, les
fonctionnaires et leurs secrétaires, des agronomes et des photographes,
des journalistes et ceux qui nous filment. Il ne manquait que les huissiers et
les avocats. Là, on les a. Que de temps perdu et de nuits
écourtées, et toutes ces assemblées à tenter de
s'organiser, le temps qu'on a pris et qu'on prend encore à en parler!
C'est notre santé qui en prend un coup toutes les fois qu'on s'enrage de
voir l'injustice.
Au moment de l'expropriation, en 1969, nous avons 30 et 33 ans. Notre
étable, rebâtie en 1954, est équipée d'un lactoduc,
un séchoir à foin y est installé et nous sommes parrnis
les dix premiers à s'inscrire au contrôle laitier du
collège Macdonald. La moitié du troupeau est de race pure. Le
drainage souterrain de notre terre est l'étape suivante. C'est donc dire
que nous sommes en pleine expansion et, avec nos deux gars qui poussent, on
pense déjà à s'associer.
Nous accusons directement l'expropriation qui nous a forcés
à faire encan en 1976 et ce, dans une zone expropriée
inutilement. Quel climat d'incertitude et d'insécurité! Nous ne
savions absolument pas quoi faire. Personne ne
pouvait nous le dire, il n'y avait pas d'expert pour cela. On
était des cobayes. Il fallait prendre une chance et, si ça
marchait, tant mieuxi
Étant donné que notre indemnisation pour vente
forcée, après en avoir déduit les remboursements d'emprunt
du crédit agricole à 2,5% et 5% d'intérêt, ne
suffisait pas à faire vivre notre famille et que nous ne voyions pas
à ce moment-là pourquoi on aurait quitté notre place,
toute la famille étant d'accord pour le faire, on a décidé
de se bâtir une cabane à sucre, exploitant notre propre
érablière toujours expropriée inutilement, plus celles de
nos voisins partis ou n'exploitant pas la leur. Même si les
fonctionnaires nous disaient qu'on n'avait pas à demander l'avis de tous
les propriétaires expropriés de ces terrains, nous les avons
quand même tous consultés, s'assurant ainsi qu'ils n'avaient pas
l'intention d'exploiter leur boisé. Nous avons donc refusé de
jouer le jeu des fonctionnaires et nous sommes restés en bons termes
avec nos voisins.
Au moment de bâtir cette entreprise, des ententes sont conclues
avec les représentants du ministère des Travaux publics du Canada
qui nous ont accordé l'autorisation écrite de construire.
Impossible, cependant, de nous confirmer par écrit que la cabane nous
appartiendra une fois érigée, il fallait la construire avant.
Quand elle fut bâtie, sans ce papier, impossible de l'assurer. Là,
si on n'y pense pas trop, on arrive à dormir.
À la lecture du bail saisonnier qui nous fut alors
présenté, on s'est aperçu qu'on venait de leur construire
une cabane à sucre. On a refusé de signer cela. Comme si ce
n'était pas déjà assez, nous sommes victimes de deux
saisies par la Société immobilière du Canada. Après
nous avoir dépossédés financièrement, ils
détruisent notre crédibilité. Voir copie "Saisie des biens
de Réjean Éthier". Cela a paru dans le journal régional
L'Éveil à la fin d'octobre 1981, en gros caractères. Cela
nous faisait passer pour des gens... comment dirais-je... pas bons.
D'être expropriés nous coupe le prêt agricole, nous
fait perdre la hausse des valeurs, d'être saisis avant jugement
empêche toute transaction. C'était le dernier moyen qui restait
à la Société immobilière du Canada: nous
empêcher de fonctionner pour nous mettre au pas. C'est assez! Nous en
avons ras le bol! Nous crions pour que justice nous soit faite enfin sur ce
territoire exproprié inutilement. Ce mémoire ne présente
que la pointe de l'iceberg: les embêtements de toutes sortes, les
dérangements innombrables, les pertes de temps à essayer de
négocier, les tracasseries, l'écoeurement qui sont le fruit de
cette monumentale erreur, et j'en passe, les expériences de toutes
sortes dont on a dû supporter la vue: feux, dynamite, démolitions
inutiles, vols, pillage par des étrangers. Un fils se marie; impossible
de trouver à se loger dans une maison non habitée en face de chez
nous.
Nous, la famille Réjean Éthier, exigeons que nous soient
rendus nos titres de propriété. C'est à partir de ce
moment seulement que nous pourrons aspirer à la paix. (22 h 15)
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Iberville, sur une question de règlement.
M. Beauséjour: C'est pour une précision sur ce que
vous avez accordé à M. Ethier, je crois que c'est la protection
de la Chambre. J'aimerais avoir plus d'éclaircissements. Étant
donné que quatre personnes de la famille sont là et afin que les
choses soient claires, je suppose que la protection est accordée
à M. Éthier et pas nécessairement aux trois autres
personnes?
Le Président (M. Rochefort): Non, évidemment, c'est
accordé aux gens qui comparaissent devant nous. Mais je vous rappelle,
M. le député d'Iberville, comme aux autres membres de la
commission, qu'en cas de doute vous ne perdez pas de vue l'article 99.4 de
notre règlement qui, lui, s'adresse plutôt à vous,
députés, qu'aux gens qui comparaissent devant nous. M. le
ministre, vous avez la parole.
M. Garon: Là, actuellement, votre bail est-il
terminé, celui que vous aviez avec la Société
immobilière du Canada?
M. Éthier: Si mon bail est fini? Je tiens à
préciser, M. le ministre, que je n'ai jamais signé de bail avec
la société immobilière ni avec Travaux publics Canada. En
fin de compte, je le dis aujourd'hui, c'est ce que je pense depuis 1972, je
conteste cette expropriation dans mon cas. On m'a exproprié inutilement.
J'ai payé du loyer quand même pendant cinq ans. J'ai maintenu une
plus-value sur ces terres. Aujourd'hui, j'ai perdu mon prêt agricole,
c'est un investissement qu'on ne veut pas reconnaître. Aujourd'hui, on
veut nous revendre ces mêmes terres le double du prix qu'on nous a
payé. Du moins, c'est ce qu'on prévoit: 85% de la valeur
marchande moins 15%. On m'a proposé des baux, mais je me dis qu'on m'a
exproprié pour rien. Je ne leur dois rien. Je veux qu'on me fiche la
paix. Je ne signerai pas de baux. Est-ce que c'est clair?
M. Garon: Vous demeurez où, M. Éthier? Dans quelle
paroisse?
M. Éthier: Dans la paroisse Saint-Benoit, dans le
territoire rétrocédable.
Une voix: Le rang Saint-Vincent.
M. Éthien C'est cela. Le rang Saint-Vincent.
M. Garon: Vous faites partie des terres qui doivent être
rétrocédées.
M. Éthien C'est cela.
M. Garon: La vôtre, est-ce qu'elle va être
rétrocédée également?
M. Éthien Oui. Excepté que j'ai deux terres.
Où j'habite, sur le lot 415, dans le rang Saint-Vincent, à
Saint-Benoit, c'est rétrocédable. Sur le lot 91, sur la route
148, Sainte-Scholastique, je ne peux pas vous donner la description du cadastre
géodésique ou avec les points azimuts, parce que je ne m'y
comprends pas.
M. Garon: Avez-vous une description géodésique vous
aussi?
M. Éthien Oui. Sur le dernier bail qu'on m'a
présenté en 1981, je ne comprends pas la description du cadastre
des terres qu'on veut me louer.
M. Garon: Quelle sorte de bail?
M. Éthien C'est-à-dire que j'avais négocié
un bail en 1972, un bail de dix ans, et aussi, à ce moment, j'ai fait
des investissements. Je préférerais ne pas en mentionner les
prix, il ne faut pas faire exprès pour créer des
problèmes. Par contre, en 1980, on m'a proposé un autre bail qui
doublait celui de 1972 à la suite des ententes qu'on avait eues qui
comprenaient des investissements. On l'a doublé. En 1980. En 1981, on
l'a doublé encore, mais c'étaient des baux d'un an. De 1980
à 1981, 1981 à 1982...
M. Garon: C'étaient toujours des baux d'un an.
M. Éthien Dans mon cas, oui, c'est cela depuis deux ans.
D'ailleurs, je n'ai jamais signé de bail. Par contre, j'ai quand
même payé du loyer à venir jusqu'en 1977. À partir
de ce moment, j'ai aussi refusé de payer le loyer, M. le ministre, parce
que j'ai fait des investissements qu'on ne veut pas reconnaître, comme
cela a été dit dans le mémoire, tantôt. C'est la
raison pour laquelle je me dis...
M. Garon: On ne veut pas reconnaître que vous êtes
propriétaire des investissements que vous avez faits
vous-même.
M. Éthien C'est cela, des investissements qui
m'appartiendraient. Du moins, c'est sûr que j'ai quand même
utilisé du bois dans ces bâtiments qui venait du territoire, mais,
quand même, ce que j'ai investi après pour construire le
bâtiment, le bois que j'ai pris était quand même du bois qui
n'était pas neuf. Je trouve que le bois vaut très cher. J'ai
investi, pour le ciment, la tôle et l'électricité, environ
25 000 $.
M. Garon: Dans quelle production êtes-vous?
M. Éthier: En ce moment, je suis producteur de sirop
d'érable. J'ai une érablière et je cultive aussi les
terres que j'avais en 1969. Je cultive surtout le foin.
M. Garon: Faites-vous seulement du sirop d'érable?
M. Éthier: Pardon?
M. Garon: Faites-vous seulement du sirop d'érable?
M. Éthier: Je fais aussi des sous-produits. Voulez-vous
dire pour vivre ou quoi?
M. Garon: Oui.
M. Éthier: J'ai une érablière et je produis
aussi du foin sur les terres que j'avais en 1969.
M. Garon: Avez-vous plusieurs entailles? M. Éthier:
6000.
M. Garon: Êtes-vous équipé de tubulures?
M. Éthier: Oui, je suis équipé de
tubulures.
M. Garon: Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil.
M. Garon: Oh! J'ai une dernière question. Êtes-vous
membre du CIAC?
M. Éthier: Mais oui, mais oui.
M. Garon: Êtes-vous membre de la chambre de commerce?
M. Éthier: Mais non.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Quand on vous a offert un bail en 1972, M.
Éthier...
M. Éthîer: Oui.
M. Ryan: ... j'ai cru comprendre que c'était pour une
durée de dix ans.
M. Éthier: Oui.
M. Ryan: La société avait-elle ajouté une
option de renouvellement?
M. Éthier: Non, pas à ce moment-là... M.
Ryan: Non?
M. Éthier: ... mais, en 1972, celui qui finissait en
octobre 1982.
M. Ryan: Pardon?
M. Éthier: II aurait fini en octobre 1982 si j'avais
signé ce bail. C'était un bail de dix ans, de 1972 à
1982.
M. Ryan: Y avait-il une option de renouvellement, à ce
moment-là?
M. Éthier: Non.
M. Ryan: Et là, vous n'avez pas signé de bail?
M. Éthier: Non.
M. Ryan: Vous avez payé un loyer jusqu'en 1977, si j'ai
bien compris.
M. Éthier: Oui.
M. Ryan: Depuis ce temps, vous avez retenu votre loyer?
M. Éthier: Oui, parce que j'ai fait des investissements
qu'on ne voulait pas reconnaître. C'est la raison pour laquelle j'ai
retenu le loyer ou que je ne l'ai pas payé.
Mme Éthier: Ce n'est pas un loyer qu'on a payé de
bon coeur. C'est un loyer qu'ils ont retenu quand ils nous ont donné les
paiements à titre gracieux. Ils ont pris une somme qui équivalait
au loyer. Ils considéraient qu'il fallait le payer. Nous, nous
considérions qu'il ne fallait pas le payer.
M. Éthier: Pourtant, dans d'autres circonstances, ils nous
disaient qu'il ne fallait pas confondre l'expropriation et la location, mais,
dans ce cas, ils ont joué sur les deux plans.
M. Ryan: Justement, l'intervention de madame me ramène
à l'affaire de l'expropriation. Combien avez-vous reçu pour
l'expropriation de votre ferme, à ce moment-là, tout compris?
Mme Éthier: Le premier montant qu'on a reçu est de
97 300 $. Ensuite, il y a eu les paiements à titre gracieux, les 3000 $,
les frais de notaire et les intérêts sur l'argent qu'on nous a
payé en retard, les 10% qui nous ont été
accordés.
M. Ryan: Cela s'est chiffré à 135 000 $ en tout, je
suppose?
Mme Éthier: 114 000 $. C'est cela? M. Éthier:
Oui, en tout, mais...
Mme Éthier: 114 000 $, après qu'ils aient
réduit...
M. Éthier: Le règlement a été
fixé à 97 500 $. Ensuite, il y a eu des ajustements pour les
intérêts et les 3000 $, ce qui fait 114 000 $.
M. Ryan: Vous dites 114 000 $. C'est une terre de combien
d'arpents?
M. Éthier: 143 arpents... M. Ryan: 143.
M. Éthier: ... comprenant le boisé. Il y a 17
arpents de terrain boisé.
M. Ryan: Cela veut dire que vous auriez eu, si je calcule bien,
quelque chose comme 800 $ l'arpent.
M. Éthier: Non, il a eu des dommages.
Mme Éthier: J'ai calculé le terrain, les
bâtiments et les améliorations. Cela a donné 582,50 $
l'arpent, et non pas 1500 $ comme a dit, à la radio, M. Pierre
Brien.
M. Éthier: Je ne sais pas où il a pris ces
chiffres, mais...
M. Ryan: Comment dites-vous ça, madame? Voulez-vous
m'expliquer ça, Mme Éthier? De 582,50 $, vous soustrayez les
bâtisses.
Mme Éthier: J'ai additionné le montant du terrain,
qui se montait à 83 000 $...
M. Ryan: Oui.
Mme Éthier: Non, c'est-à-dire que les 83 000 $
représentent le terrain, les bâtisses plus les
améliorations. Cela faisait 83 000 $, divisés par 142,489
arpents, ça donne 582,50 $ l'arpent, y compris les bâtisses. Si on
calcule juste la terre, ça donnait une moyenne de 210 $ l'arpent.
M. Ryan: Si vous calculez à partir de 114 000 $
plutôt que de 83 000 $...
Mme Éthier: Oui, mais on ne peut pas calculer ça
à partir de 114 000 $, parce qu'il y a des intérêts inclus.
Il n'y a personne qui calcule comme ça quand on veut avoir la moyenne
à l'arpent.
M. Ryan: Le prix initial...
Mme Éthier: C'étaient des intérêts
parce qu'ils ne nous avaient pas payés au moment de l'expropriation.
M. Ryan: Là, vous êtes sûre que le montant de
114 000 $ comprend tout ce que vous avez touché?
Mme Éthier: Moins le loyer qu'ils nous ont enlevé,
qu'ils se sont payé.
M. Ryan: À combien a pu s'élever un loyer? À
quelques milliers de dollars, je suppose?
Mme Éthier: Cela a monté à 10 000 $.
M. Ryan: Cela veut dire que cela aurait fait 124 000 $ moins 10
000 $.
Mme Éthier: Oui.
M. Ryan: Ce litige dure par conséquent... Depuis 1977,
vous avez cessé de payer du loyer?
Mme Éthier: Ils nous en ont extorqué un montant,
mais vu qu'on n'a jamais été d'accord pour payer un loyer, on a
toujours cru qu'on n'aurait pas dû payer loyer pour nos terres
expropriées. Pour les terres qu'on loue et pour lesquelles on ne nous a
pas expropriés, on était d'accord pour payer un certain montant
de loyer, on était d'accord pour payer nos taxes aussi, mais on trouvait
que la perte de la hausse des valeurs et la perte de notre crédit
agricole de 39 ans, qu'on venait de prendre à 2,5% et 5%, c'était
bien suffisant. On s'est toujours battu pour ne pas payer de loyer, on se bat
encore pour ça d'ailleurs.
M. Éthier: On est les seuls au Canada à payer du
loyer sur nos propriétés à la suite d'une expropriation,
surtout quand on nous a expropriés pour rien, je pense que c'est injuste
qu'on paie du loyer, en plus de maintenir la plus-value sur ces
propriétés.
M. Ryan: Mais le loyer que vous avez payé, quand vous
l'avez payé, à combien ça se montait?
M. Éthier: Vous voulez dire par mois? C'était 115
$, mais c'est parce que j'avais fait des investissements.
Mme Éthier: D'environ 7000 $, c'est pour ça que le
loyer n'était que de 115 $ par mois, en 1972.
M. Ryan: Quand ils vous ont offert un bail, quel loyer vous
demandaient-ils?
Mme Éthier: C'était 115 $, parce que c'était
en 1972 qu'on avait mis 7000 $ sur la maison, alors, ils enlevaient 50 $ par
mois. Ils disaient que ça compenserait pour les investissements et qu'au
bout de dix ans les investissements seraient à eux et on paierait loyer
dessus. On trouvait que ça non plus n'avait pas de bon sens.
M. Ryan: Entre 1970 et 1972, à combien était le
loyer?
M. Éthier: II n'y en avait pas, il y avait eu...
M. Ryan: Oui, il n'y en avait pas à ce moment-là,
vous avez été exemptés tant que le règlement final
n'était pas fait. Vous avez été exemptés de loyer,
c'est ça qui est arrivé?
M. Éthier: On a eu 23 mois de loyer gratuit à la
suite de l'expropriation.
M. Ryan: D'accord. Ensuite 115 $. Évidemment, si votre
ferme avait une valeur de près de... Disons que vous avez touché
près de 100 000 $ ou un peu plus de 100 000 $, ça ne fait pas un
gros loyer.
M. Éthier: Oui.
M. Ryan: Si ce n'était que ça, ça ne fait
pas un gros loyer. Je pense qu'on va tous convenir de ça, n'est-ce
pas?
M. Éthier: Oui, le montant de loyer qu'on paie, ça
ne fait pas gros, mais il y a bien d'autres choses. L'entretien de ces
terres... Vous allez dire qu'on retire du revenu, mais c'est la plus-value
qu'on perd. Les mêmes terres, aujourd'hui, vaudraient quoi? Admettons que
je n'aurais pas abandonné la production, seulement ma terre et mes
bâtisses vaudraient près de 300 000 $, plus mon quota de lait et
le troupeau que j'ai vendus, en 1976, à la suite de l'encan, qui m'ont
rapporté environ 57 000 $ pour les deux. Aujourd'hui, mon quota de
lait... (22 h 30)
Mme Éthier: Avec les machineries. On a vendu cela 55 000
$.
M. Éthier: Oui, c'est vrai. Je mets cela trop haut encore.
J'ai perdu le fil de mon idée.
Une voix: Aujourd'hui, cela reviendrait à combien?
M. Éthier: Mon quota de lait aujourd'hui vaut 135 000 $;
en 1976, quota et troupeau s'équivalaient. Si mon quota valait 135 000
$, mon troupeau en vaudrait autant. Cela veut dire que j'ai eu autour de 40 000
$ pour le troupeau et le quota. Il me manque pas mal de fric pour repartir, du
moins pour replacer mon fils. Si mon fils voulait exploiter la ferme, si
c'était une ferme laitière, je n'en aurais plus les moyens.
M. Ryan: Vous n'avez plus le quota. Vous l'avez vendu.
M. Éthier: C'est cela, en 1976.
M. Ryan: Vous dites qu'il aurait une valeur plus grande
aujourd'hui. Vous avez vendu cela à peu près 55 000 $.
M. Éthier: C'est cela.
Mme Éthier: Ce n'est pas le quota qu'on a vendu 55 000 $.
Le quota a été vendu 17 000 $. On a eu 17 000 $ pour le quota, 25
000 $ pour le troupeau...
M. Ryan: Tout ce qui allait avec.
Mme Éthier: Le reste, pour se rendre jusqu'à 55 000
$, c'était de la machinerie.
M. Ryan: Très bien. Avez-vous été
embarrassés par la société, dans ces années? Si
vous avez voulu apporter une amélioration, vous l'avez fait, vous ne
vous êtes pas occupés de ces gens.
Mme Éthier: On s'est occupé d'eux. On leur a
demandé la permission. On le dit dans notre mémoire. On a
toujours eu l'autorisation...
M. Éthier: J'ai toujours eu les autorisations.
Mme Éthier: ... pour faire tous les investissements.
M. Ryan: Ils vous ont donné l'autorisation.
Mme Éthier: Oui.
M. Ryan: Est-ce qu'ils disaient à ce moment...
Mme Éthier: Ils étaient bien fous de ne pas nous la
donner.
M. Ryan: ... avec la réserve que cela appartiendrait
à la société ou s'ils ne mettaient pas de réserve
comme cela?
M. Éthier: Pour la cabane à sucre, avant que je
commence à la bâtir, M. Léo Ferland était venu
à la maison pour discuter de cela. Je lui ai demandé: Si je
bâtis la cabane, est-ce qu'elle va m'appartenir? Est-ce que l'argent que
je vais investir de ma poche, cela va m'appartenir? Pouvez-vous me rassurer
là-dessus? Il m'a dit: II n'y a pas de problème. J'ai dit: II
faudrait qu'on me donne une reconnaissance de cela. Il a dit: II faudrait que
tu établisses la preuve, quand même, que tu vas faire la cabane
à sucre. Il faut que tu commences à la bâtir. C'est ce que
j'ai fait, mais je n'ai jamais eu de maudit papier, par contre.
M. Ryan: Quelle valeur d'investissement avez-vous fait sur la
ferme depuis dix ans, depuis l'expropriation?
Mme Éthier: Pour la cabane à sucre, cela a
coûté 25 000 $, 7000 $ pour la maison - au moment de
l'expropriation, on voulait faire des réparations dans la maison -et
abri pour animaux, 4000 $. Cela a fait 36 000 $ d'investis, au moins.
M. Éthier: Au moins, oui.
M. Ryan: Est-ce que la société a fait certains
travaux sur la ferme? Est-ce qu'elle a fait des améliorations
quelconques?
Mme Éthier: Jamais.
M. Éthier: Oui, une exception. On a refait la galerie en
avant, mais par erreur.
M. Ryan: Pardon?
M. Éthier: On a refait la galerie en avant de la
maison...
Mme Éthier: Ces gens sont venus faire notre galerie.
M. Éthier: ... mais c'était une erreur, il y avait
trois planches à changer. Ils sont arrivés un matin. Je me suis
dit qu'avec le "staff" qu'il y avait là, ils voulaient démolir la
maison. Ils ont dit: Non, on veut refaire la galerie à neuf. J'ai dit:
Elle est bonne. Il n'y a que trois planches de pourries. Comment cela se
fait-il que vous veniez faire cela? Je ne l'ai jamais demandé. Ils ont
dit: On a eu l'ordre de venir faire cela. Par contre, on a découvert
après que ce n'était pas chez nous qu'ils devaient faire la
galerie, c'était chez un de mes cousins.
Mme Éthier: Sa galerie était
défoncée, il ne pouvait plus sortir par là.
M. Éthier: De la part de la société
immobilière ou des Travaux publics, M. Ryan...
M. Garon: Combien cela a-t-il coûté pour faire la
réparation de la galerie?
M. Éthier: Je ne sais pas. Pour refaire la galerie? Je
n'ai aucune idée du prix que cela a pu coûter.
M. Ryan: Combien étaient-ils d'hommes?
M. Éthier: Je pense qu'ils étaient trois. Ils
voulaient aussi, à ce moment, faire...
M. Garon: Trois planches...
M. Ryan: Une galerie.
M. Garon: Un par planche!
M. Éthier: À peu près. Ils voulaient faire
des piliers et creuser à quatre pieds environ pour que la gelée
ne puisse pas faire lever les piliers. J'ai dit: Voyons donc! Depuis 1917 que
la maison existe et la galerie n'a jamais bronché. Vous allez
défaire mon parterre et la façade de ma maison, il n'en est pas
question. Faites de petits piliers sous terre, je suis d'accord, mais, pour ce
qui est de démanteler mes plates-bandes, je ne veux rien savoir. Alors,
ils ont accepté; ils ont refait la galerie selon ce que j'ai voulu,
malgré que je ne l'aie jamais demandé; cela a été
une gracieuseté du gouvernement fédéral.
M. Ryan: II n'y a pas eu d'autres travaux de faits par la
société à la ferme, d'aucune manière?
M. Éthier: Non. Quant à l'entretien, je l'ai
toujours fait moi-même. La société a jamais rien mis chez
nous, que ce soit réparer un poignée de porte, changer la pompe
à eau, des choses comme cela; c'est toujours moi qui ai fait
l'entretien.
Mme Éthier: Les travaux de la fournaise, la
peinture...
M. Ryan: Est-ce qu'à titre de... M. Éthier:
Oui.
M. Ryan: ... de propriétaire, la société a
fait des inspections chez vous de temps à autre? Est-ce que depuis 10
ans elle est allée inspecter souvent?
M. Éthier: Elle a voulu venir mesurer cet
été. Je lui ai dit: II n'en est pas question, vous n'entrerez pas
chez nous. Je ne veux pas les voir.
M. Ryan: Elle a voulu cet été... Voulez-vous nous
donner quelques détails là-dessus, M. Éthier, s'il vous
plaît? Qu'est-ce qui s'est passé?
M. Éthier: Une firme d'évaluation est venue pour
mesurer les bâtisses...
Mme Éthier: Elle a appelé plusieurs fois aussi.
M. Éthier: ... elle m'a appelé plusieurs fois pour
visiter la maison.
M. Ryan: Est-ce que vous savez de quelle firme il s'agissait?
M. Éthier: Non.
Mme Éthier: C'était une firme engagée par
la...
M. Éthier: ... société.
Mme Éthier: Elle venait mesurer tous les garde-robes et
voir ce qu'on avait dans la maison. C'est ce qu'elle faisait ailleurs, à
ce qu'on a su, mais elle ne l'a pas fait chez nous.
M. Éthier: Pourtant, on a été mesuré
plusieurs fois depuis treize ans, je pensais que c'était assez. C'est
pour cela que...
M. Ryan: Pardon?
M. Éthier: On a été mesuré plusieurs
fois depuis treize ans...
M. Ryan: Plusieurs fois? M. Éthier: Oui.
M. Ryan: À quand remonte la dernière fois, avant
l'été dernier?
M. Éthier: C'est en 1972, quand ils ont...
M. Ryan: Depuis ce temps, vous ne les avez pas vus chez vous?
M. Éthier: Non.
M. Ryan: C'était une firme professionnelle
d'évaluateurs.
M. Éthier: Un instant, M. Ryan, peut-être que ma
mémoire me fait défaut.
Mme Éthier: C'est-à-dire qu'on les a vus, mais,
pour mesurer, disons qu'il y a eu les experts privés qu'on a
engagés...
M. Ryan: Vous autres.
Mme Éthier: ... et il y a eu les experts du
fédéral qui sont venus mesurer eux aussi. À la suite de
cela, on n'a jamais pu
accepter d'autres mesureurs. Il y a des gens qui sont venus faire des
enquêtes, numéroter nos bâtisses... En tout cas, pour toutes
sortes de choses, disons que des mesureurs, depuis 1972...
M. Ryan: Depuis un an ou deux, est-ce que vous avez eu des
visites de la société immobilière d'une manière ou
de l'autre, à part cet appel, l'été dernier, d'une firme
d'évaluateurs?
M. Éthier: Non. Je ne veux pas en avoir non plus. Je ne
veux pas la voir.
M. Ryan: Oui, je sais cela.
M. Éthier: Chaque fois que j'entends le nom de la SIC,
cela me rend malade. Pourtant, je ne suis pas maladif, je suis en santé,
mais cela...
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Vous nous avez dit tout à l'heure
qu'on donnait à chacun des expropriés le loyer gratuit pendant 28
mois...
M. Éthier: ... 23 mois...
M. Baril (Arthabaska): ... 23 mois, oui, excusez. Par contre,
durant ces 23 mois, chacun d'entre vous devait quand même continuer
à payer ses prêts du crédit agricole, que ce soit à
la société ou je ne sais où. Étiez-vous tenus de
payer quand même vos prêts, vos emprunts que vous aviez?
M. Éthier: Non. Les prêts agricoles ont
cessé, je pense, au moment de l'expropriation.
Mme Éthier: Quand nous avons reçu notre
première avance pour l'expropriation, ne vous inquiétez pas, la
première chose qu'il a fallu rembourser, ce sont ces prêts
à 2,5% et 5%.
M. Baril (Arthabaska): Mais entre les avances que vous avez eues
et la date où vous avez appris que vous étiez expropriés,
on a gelé votre prêt agricole. Vous n'avez pas eu à
continuer à rembourser.
Mme Éthier: Oui, jusqu'à ce...
M. Éthier: J'ai dit non tantôt, il me semble qu'on
n'a pas fait d'autres paiements à la suite de la date de
l'expropriation; en tout cas, peut-être que je n'ai pas raison. Cela fait
13 ans de cela et...
M. Baril (Arthabaska): II y a bien des choses qui se sont
passées depuis ce temps.
Mme Éthier: De toute façon, c'est... M. Baril
(Arthabaska): De toute façon.
M. Éthier: C'est cela, j'ai vu beaucoup de chiffres et de
documents. Je n'ai pas tous mes...
M. Baril (Arthabaska): Pour votre érablière,
comment est-ce que cela fonctionne? Est-ce que c'est encore un bail de location
pour un an, deux ans ou trois ans? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Éthier: Pour l'érablière? M. Baril
(Arthabaska): Oui.
M. Éthier: Je dirais que jusqu'à il n'y a pas
longtemps, c'étaient des baux saisonniers, un bail d'un an. Maintenant,
on a vu que certains producteurs ont reçu de nouveaux baux de huit
mois.
M. Baril (Arthabaska): Un bail de huit mois?
M. Éthier: Oui.
M. Baril (Arthabaska): Et après huit mois, qu'est-ce qui
arrive? Ils ne le savent pas? Ce n'est pas renouvelable automatiquement? Il n'y
a rien?
M. Éthier: II se termine, mais c'est sûr qu'il faut
en signer un tous les ans, du 1er mars jusqu'au mois d'octobre. Durant l'hiver,
tu ne peux pas aller dans ton boisé, s'il y a des arbres à terre,
si tu veux faire du nettoyage et...
M. Baril (Arthabaska): Est-ce que les producteurs - je vais dire
comme on dit dans notre langage - remplissent la cabane de bois pour le
printemps prochain, sans savoir s'ils vont avoir le...
M. Éthier: Normalement, oui; c'est cela que l'on fait
habituellement.
M. Baril (Arthabaska): Êtes-vous installé sur la
tubulure?
M. Éthier: Oui.
M. Baril (Arthabaska): Avez-vous bénéficié
du programme de tubulure du gouvernement du Québec, du programme
d'aide?
M. Éthier: Sur une partie, oui.
M. Baril (Arthabaska): Oui. Une dernière question: vous
parlez dans votre mémoire... Oui, avec la tubulure, au bout de huit
mois, on fait quoi? Vous la décrochez
des arbres, ou vous la mettez dans la maison? Qu'est-ce que vous faites?
Vous la laissez là.
M. Éthier: Dans mon cas, la tubulure 5-16, le
système que j'utilise, je l'enlève après les sucres. Je
roule tous mes tuyaux 5-16, c'est tout roulé sur des bobines, je laisse
cela à la cabane, j'ai un équipement exprès pour tenir ma
tubulure en place; je la serre, je l'entrepose. Par contre, les gros "main",
les principaux restent dans le bois.
M. Baril (Arthabaska): Est-ce que vous avez un
procédé spécial pour réinstaller chaque bout de
tuyau pour que cela arrive au même érable le printemps
d'après?
M. Éthier: Ce n'est pas compliqué du tout. C'est
tout écrit.
M. Baril (Arthabaska): Non. Vous parlez dans votre mémoire
de frais de notaire et d'experts de toute sorte. Avez-vous une idée,
à peu près, du montant que vous avez déboursé pour
payer tous ces experts, depuis le temps qu'on va vous voir?
M. Éthier: Je n'ai pas tous mes chiffres, mes documents;
on n'a pas tout cela ici, ce serait assez embêtant de...
Mme Éthier: Les frais d'experts qu'on a engagés au
moment de l'expropriation ont été remboursés par le
gouvernement, à la suite des pressions que le CIAC a faites; ces frais
nous ont été remboursés, les frais de la maison Cadieux,
Charette, Meloche.
M. Baril (Arthabaska): Oui. Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: Une courte question, pour mieux comprendre. Combien
aviez-vous d'arpents que vous exploitiez au moment de l'expropriation?
M. Éthier: 143 arpents et quelque.
M. Mathieu: Est-ce que votre territoire a diminué? Combien
en avez-vous maintenant?
M. Éthier: Vous voulez savoir si j'ai pris de l'expansion
en volume de terrain, quoi?
M. Mathieu: Je voudrais savoir combien vous en avez maintenant en
exploitation.
M. Éthier: II faut que je fasse le calcul.
Mme Ethier: Au moment de l'expropriation, il y avait 143 arpents.
En ce moment, avec l'érablière et les boisés de nos
voisins qu'on exploite, on est rendu à 230 arpents. Mais, il faut dire
que sur notre propre terre, de laquelle nous avons été
expropriés, il y a une partie qu'on appelle la terre noire, à
l'autre bout. Disons que c'est à cause de l'expropriation, parce qu'au
moment de l'expropriation, c'était bien cultivé. Ce sont des
dommages qui sont venus à cause de l'expropriation; cela s'est
retourné en...
M. Éthier: À un moment donné, il y aurait eu
de l'investissement à faire pour creuser les fossés; comme de
raison, en terre noire, cela demande souvent du nettoyage. À cette
époque, on était justement dans l'incertitude: Allons-nous
partir? On ne savait pas trop. On vit encore dans l'incertitude; quant au
terrain, cette terre noire, je n'osais pas investir. À un moment
donné, j'ai arrêté de la cultiver. Elle n'était pas
grosse; il y avait environ seize arpents, je crois. C'est pas mal quand
même, je trouve de valeur qu'elle soit retournée en friche et
qu'il y ait des branches dedans.
M. Mathieu: La totalité que vous exploitez, y compris
l'érablière, vous dites que c'est 230 arpents. Ce n'est pas plus
que cela.
M. Éthier: Non.
M. Mathieu: Vous affirmez que ce n'est pas plus que cela.
M. Éthier: Pourquoi me demandez-vous cela?
M. Mathieu: Je veux savoir. Je voudrais faire un travail
sérieux. Vous aussi, vous êtes parti de chez vous pour venir ici;
je suis certain que vous voulez...
Mme Ethier: C'est-à-dire qu'on a 143 arpents pour lesquels
on a été exproprié; puis...
M. Mathieu: Je veux savoir combien d'arpents vous exploitez pour
les 143, on s'entend bien.
M. Éthier: Oui. Mme Ethier: Oui.
M. Mathieu: Maintenant, combien y a-t-il d'arpents que vous
exploitez, y compris l'érablière? (22 h 45)
M. Éthier: 230 arpents.
M. Mathieu: Combien?
M. Éthier: 230 arpents, c'est ce qu'on a dit.
Mme Éthier: 230 arpents. M. Mathieu: 230 arpents.
M. Éthier: Oui.
M. Mathieu: Seulement une autre question sur la décision
à un moment donné de faire un encan.
M. Éthier: Oui.
M. Mathieu: Comment vous est venue l'idée de faire un
encan? Avez-vous été forcé ou comment la décision
a-t-elle été prise?
M. Éthier: La décision a été prise
à la suite d'une étude avec des économistes qui me
disaient que cela n'avancerait pas, que ma ferme ne continuerait pas à
fonctionner avec les politiques qu'on avait. Je pense qu'ils avaient raison; je
suis convaincu qu'ils avaient raison parce que, étant donné tous
les problèmes qu'il y a et que tant de gens vivent dans l'incertitude et
l'insécurité, je me dis que c'est une perte pour moi d'avoir
vendu mon troupeau à ce moment-là, mais ils avaient quand
même raison, parce qu'on reculait et qu'on n'avancerait pas. Je
prétends que, depuis 13 ans, j'ai reculé; j'ai perdu.
M. Mathieu: La décision est venue de vous?
M. Éthier: Oui.
M. Mathieu: Si je vous demande cela, c'est pour avoir un meilleur
éclairage, parce qu'il y en a qui ont eu des avis d'éviction et
qui sont restés quand même sur place. Je comprends que
c'était une situation intolérable; je comprends votre point de
vue quand on ne sait pas où on va. Mais c'est parce qu'il y en a
d'autres qui ont témoigné et qui ont dit qu'ils avaient
décidé de rester.
Ils semblent être satisfaits d'être restés
après coup, d'avoir continué à cultiver. Il semble qu'ils
sont satisfaits, pas de l'expropriation, mais d'avoir continué la
culture.
M. Éthier: Cela dépend. Si vous parlez des
expropriés, si c'est toujours des expropriés, j'en doute. C'est
sûr que si ce sont des gens de l'extérieur du territoire qui
viennent louer une terre, deux terres, trois terres sur le territoire et
même plus, ces gens-là sont des profiteurs du territoire de
Mirabel.
M. Mathieu: Cela n'est pas ce que je veux dire, monsieur.
Écoutez, je veux qu'on s'entende. C'est que, parmi les
expropriés, il y en a qui ont décidé de continuer à
cultiver et il y en a qui ont décidé de faire encan. Ceux qui ont
décidé de continuer, il semble qu'ils soient satisfaits d'avoir
pris cette décision à l'époque, malgré qu'ils ne
savaient pas où ils s'en allaient. Je conçois qu'une pareille
situation soit intolérable. Je n'essaie pas de dire qu'un est bon et
qu'un autre n'est pas bon, ce n'est pas cela.
M. Éthier: Peut-être. Je suis d'accord avec vous
qu'il y en a peut-être qui, parce qu'il y a deux poids et deux mesures
à Mirabel, sont heureux sur le territoire, qui ont des conditions
très avantageuses, mais il n'y en a quand même pas beaucoup. Je
pense...
M. Mathieu: II y en a ce soir qui ont témoigné et
qui ont dit qu'ils allaient continuer.
M. Éthier: Moi aussi, j'ai continué; il fallait
bien que je vive si...
M. Mathieu: Non, mais ils n'ont pas fait un encan, contrairement
à vous.
M. Éthier: J'ai fait un encan pour le troupeau et le quota
et j'ai vendu une partie de la machinerie pour l'ensilage.
M. Mathieu: Merci.
Le Président (M. Rochefort): Cela va? Je vous remercie de
vous être présenté devant nous.
M. Éthier: Pardon, j'aurais quand même quelque chose
à ajouter, si possible.
Le Président (M. Rochefort): Oui, rapidement, si vous
voulez.
M. Éthier: Je vous demande cinq ou six minutes.
Le Président (M. Rochefort): Pardon?
M. Éthier: Je vous demanderais cinq ou six minutes pour
émettre certaines opinions, faire certaines comparaisons, si c'est
possible, à la suite des questions qui ont été
posées. Il y a eu plusieurs questions posées à cette
commission. Entre autres, vous avez demandé quelquefois à
certaines gens qui ont présenté des mémoires comment on
verrait la rétrocession de Mirabel. J'aimerais émettre mon
idée personnelle.
Je pense qu'on devrait remettre les terres expropriées à
qui de droit; je veux dire aux expropriés. S'il y a un occupant, il
devra payer le prix de 1969 à l'exproprié, moins les
investissements qu'il a faits.
L'exproprié qui veut sa terre ou sa maison paiera les
investissements et paiera aussi les dommages à l'occupant. 3e ne sais
pas si vous avez saisi tout cela. À mon point de vue, il y a
peut-être certains problèmes qui pourraient sortir de tout cela,
mais je pense que ce n'est pas si compliqué que cela de remettre les
choses à leur place, parce que là, elles ne le sont pas.
On n'aurait pas besoin de financer une société pour faire
la relance, c'est nous qui ferions la relance dans la normalité des
choses et du bon sens.
Il y a une autre chose dont je voudrais parler à la suite de
questions qui ont été posées à cette commission
pendant que j'étais présent. Sur la question de la Great Lakes de
Lachute, je suis d'accord pour qu'on crée des emplois dans notre
région de Mirabel. Par contre, il y a une chose qui n'a pas
été dite à la suite de réponses qui ont
été données sur cette question: la Great Lakes aurait
reçu entre 14 000 000 $ et 17 000 000 $ de subventions pour installer
son usine à Lachute. Cela va bien pour acheter du terrain à 3500
$ l'arpent avec une subvention comme cela. Cela veut dire qu'on les a
payés pour devenir propriétaires de ces terres expropriées
inutilement. Pourquoi, nous, expropriés pour rien, faut-il payer le
double de la valeur payée en 1969? C'est la même chose pour le
parc industriel de Lachute que la société laisse à la
disposition de la ville de Lachute. Il me semble qu'il y a quelque chose qui
n'est pas normal dans la démocratie de notre pays, de notre province.
Deux poids, deux mesures; cela dépend qui tu es.
J'aurais une autre chose à dire. À la suite d'un jugement
- cela est officieux - on aurait payé des dommages et
intérêts à Sainte-Thérèse pour 27 jours
d'expropriation sur 1700 acres: 1 500 000 $. La raison de la demande de ces
dédommagements, c'est parce que c'était un territoire qui avait
un projet de développement. On voulait créer un centre
communautaire; en tout cas, je ne connais pas tout le projet. Vu que je ne suis
pas tellement fort en chiffres, j'aurais quand même aimé savoir: 1
500 000 $ pour 1700 acres, combien cela donnait-il par jour? Sur 21 jours, 1
500 000 $ pour 1700 acres. Exproprié pendant treize ans pour rien, quel
montant cela pourrait-il faire, pensez-vous?
Cet après-midi, j'entendais dire par M. Fennel, du Parti
conservateur, que dans la région de Pickering, on a payé 3500 $.
Aujourd'hui, ces terres valent 1000 $. Si on prend le même calcul, il va
falloir qu'on nous en redonne. Ce n'est pas à nous de repayer nos
terres, c'est à eux à nous payer des dommages. On a oublié
de nous payer nos terres, en plus de tous les dommages moraux, de
l'écoeurement, des avis de toutes sortes qu'on reçoit depuis un
certain temps. Mes six minutes ne sont pas encore finies, j'en ai encore un
peu.
Ce qui revient à dire qu'on demande l'équivalent
raisonnable qu'on a donné ailleurs. On ne va être ni plus riche ni
plus pauvre. Qu'on nous remette dans la même situation qu'on était
en 1969. Dans mon cas, c'est ce que je demande. Je veux ravoir mes titres de
propriété, on m'a assez fait perdre mon temps et on a assez nui
à ma famille. J'ai un jeune de 22 ans qui serait prêt... Moi, j'ai
commencé à cet âge. Lui, il ne peut pas le faire. J'en ai
un autre de 18 ans; peut-être que lui aussi embarquerait à un
moment donné. Dans mon cas, je conteste cette expropriation inutile.
Merci, messieurs. Si vous avez d'autres questions à me poser, il me fera
plaisir d'y répondre.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Je vous remercie de
vous être présenté devant nous aujourd'hui. Avant
d'ajourner nos travaux à demain matin, je voudrais informer les membres
de la commission et ceux qui y assistent que, demain, nous entendrons deux
groupes seulement, contrairement aux avis qui avaient été
envoyés, soit la Chambre de commerce de Mirabel et la ville de
Lachute.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui, juste une question à l'intention du ministre
de l'Agriculture. À un moment donné, cet après-midi, j'ai
cru comprendre que le ministre avait quitté la salle pour aller parler
à son homologue fédéral. Il nous a dit: Je suis
appelé par mon homologue fédéral. Est-ce que ce serait
indiscret de lui demander si des arrangements ont été faits pour
organiser la rencontre qui avait été souhaitée?
M. Garon: Ce qui a été dit... J'ai parlé
avec M. LeBlanc. De quelle rencontre parlez-vous?
M. Ryan: Ce matin, nous vous avons suggéré
d'appeler le ministre fédéral des Travaux publics afin de lui
proposer qu'une rencontre ait lieu entre vous deux dans les meilleurs
délais, afin que vous lui expliquiez l'essence de la démarche que
nous faisons et que vous essayiez d'avoir une explication avec lui.
M. Garon: Oui, j'ai parlé avec lui dans ce sens.
M. Ryan: Maintenant, s'il y a un autre genre de rencontre que
vous voulez arranger, si vous voulez nous le dire, cela va nous
intéresser aussi.
M. Garon: Bien, il a parlé du même genre de
rencontre dont vous aviez parlé ce matin, si la société
immobilière pouvait noua rencontrer, pas comme commission parlementaire,
ce pourrait être les mêmes
personnes, mais pour nous donner des informations, si nous avions besoin
de plus d'informations. J'ai dit que vous aviez fait ces suggestions ce matin
et, d'après ce que j'ai compris, les gens de la commission parlementaire
sont prêts à entendre la Société immobilière
du Canada publiquement comme les autres. Autrement, j'ai cru comprendre que les
membres de la commission n'avaient pas manifesté d'intérêt
a les rencontrer à huis clos parce que les gens passent devant la
commission parlementaire passent publiquement.
J'ai dit par ailleurs que j'en reparlerais aux gens; je ne voulais pas
en parler, commencer un débat là-dessus. J'avais l'intention d'en
dire un mot en demandant à ceux qui s'étaient opposés ce
matin s'ils avaient changé d'idée.
Deuxièmement, M. LeBlanc et moi avons parlé de nous
rencontrer sur le dossier de Mirabel. Maintenant, voici ce que je lui ai dit:
Moi, je pense, au fond, essentiellement, que c'est vous qui allez prendre la
décision, quand vous allez me rencontrer. Si vous voulez être
accompagné de gens de la Société immobilière du
Canada, moi, je n'ai pas d'objection. J'imagine que vous allez demander des
conseils aux gens, que vous allez demander à vous référer
à eux. Si vous voulez qu'ils soient là pendant qu'on se
rencontrera vous savez les informations dont vous avez besoin au cours de la
rencontre, moi, cela m'est égal.
Comme, dans les jours qui viennent, le temps où il aurait
été disponible ne semblait pas me convenir et vice versa, on a
convenu que nos deux chefs de cabinet se parleraient au début de la
semaine prochaine pour trouver un moment, au cours de ladite semaine, pour se
rencontrer. On a regardé les dates possibles et je lui ai dit: Je ne
voudrais pas qu'on entretienne le bobo, je voudrais qu'on règle la
question, et je pense que la question, au fond, c'est de savoir la
quantité des terres qui vont être retournées aux
expropriés, quel va être l'ordre dans lequel cela va être
retourné et à quel prix cela va être retourné.
Essentiellement, ce sont les principaux points.
Nous nous sommes laissés là-dessus. Au début de la
semaine, lundi ou mardi, il m'a laissé entendre qu'il serait
fixé, qu'il y avait une journée en particulier qui semblait lui
convenir plus que d'autres, jeudi ou vendredi. Il me semble en effet que c'est
cela jeudi ou vendredi. Nos deux chefs de cabinet doivent se parler au
début de la semaine pour préciser le moment de cette
rencontre.
Comme je dois être à Montréal ces jours-là,
je pourrai lui laisser le choix. On a parlé de l'endroit, il m'a dit
qu'il n'avait pas d'objection à ce que ce soit en dehors d'Ottawa et moi
non plus.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Sur ce, les travaux
sont ajournés à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 heures)