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(Dix heures seize minutes)
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux aux fins d'entendre les personnes et les
organismes sur la question des terres expropriées en trop de
Mirabel.
Les membres de la commission aujourd'hui sont les suivants: M. Baril
(Arthabaska); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes); M. Beauséjour
(Iberville); M. Dupré (Saint-Hyacinthe); M. Gagnon (Champlain); M. Garon
(Lévis); M. Houde (Berthier); M. Dean (Prévost); M. Ryan
(Argenteuil); M. Mathieu (Beauce-Sud); M. Vallières (Richmond).
Les intervenants sont: Mme Bacon (Chomedey); M. Bisaillon
(Sainte-Marie); M. Blouin (Rousseau); M. Fallu (Groulx); M. Dubois
(Huntingdon); Mme Juneau (Johnson); M. Lachance (Bellechasse); M. LeMay
(Gaspé); M. Middlemiss (Pontiac); M. Picotte (Maskinongé).
À la première séance, nous avions nommé le
député de Saint-Hyacinthe comme rapporteur de la commission. Nous
avons aujourd'hui, dans l'ordre, les mémoires suivants: le
mémoire 40M des Jeunes libéraux de Prévost, qui est un
mémoire pour dépôt seulement. Il est déposé
aux membres de la commission. Maintenant nous entendrons, dans l'ordre: le
ministère des Transports, le Parti québécois de la
région Laurentides-Lanaudière et Solidarité aux
expropriés de Mirabel. J'inviterais sans plus tarder les
représentants du ministère des Transports à prendre place
à la table à l'avant. Bienvenue en commission. Je vous
demanderais de vous identifier, d'identifier les personnes qui vous
accompagnent et de nous présenter brièvement votre annexe au
mémoire qui a déjà été
présenté en commission lors d'une séance
antérieure.
Ministère des Transports
M. Rivest (Pierre): Merci, M. le Président. Je me nomme
Pierre Rivest, directeur du transport aérien et je suis
accompagné, à partir de mon extrême gauche, de M.
André Meloche, de Danielle Mongrain, de Jean-Guy Morel, tous du bureau
de la Direction du transport aérien du ministère des Transports.
Alors, si je comprends bien, vous voulez plutôt un résumé
du document.
Le Président (M. Rochefort): Oui, parce qu'il a une
dizaine de pages.
M. Rivest (Pierre): Ce n'est pas tellement pas long à
lire.
Le Président (M. Rochefort): Oui, allez- y.
M. Rivest (Pierre): C'est une annexe au mémoire qu'on a
déjà entendu. Est-ce que cela va? Les membres de la commission en
ont des copies?
M. Rivest (Pierre): Ce n'est pas tellement long à
lire.
Le Président (M. Rochefort): Allez-y. Faites en la
lecture.
M. Rivest (Pierre): C'est déjà un
résumé, alors on aura peut-être une certaine
difficulté à faire la relation entre les choses.
Le Président (M. Rochefort): Allons-y.
M. Rivest (Pierre): Alors, l'introduction: Lors des audiences de
la commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation sur des terres expropriées en trop à Mirabel, un
document officiel de Transports Canada a fait l'objet de diverses questions
adressées aux représentants du ministère des Transports du
Québec qui n'avaient jamais eu l'occasion d'en prendre connaissance. Le
présent texte renferme donc les commentaires du ministère des
Transports québécois sur le document déjà
cité. Nous rappellerons, dans un premier temps, les principaux
éléments du document examiné avant d'aborder ces points
saillants un à un afin de les commenter.
L'argumentation de Transports Canada. L'objet principal du document, tel
qu'explicité dans sa partie introduction consiste à
évaluer à la lumière des plus récentes
données de planification les répercussions de l'aéroport
sur les terrains périphériques. Les auteurs affirment que la
croissance des activités aériennes dans la région de
Montréal sera beaucoup plus lente que prévu initialement et qu'en
conséquence, de nouveaux aménagements se feront à un
rythme assez lent. On souligne, entre autres,
le fait que les deux pistes actuelles devraient suffire au moins
jusqu'à l'an 2000, même si l'on consolidait tous les secteurs
aérien et commercial à Mirabel qui, soi-dit en passant se
trouvent à être le scénario 6 de Transports Canada. De
plus, on mentionne que le bruit causé par les avions sera moins
gênant que prévu orginalement en raison de technologies nouvelles
et d'un volume moins important de trafic.
On mentionne de plus que les terrains expropriés l'ont
été, et je cite: "... bien avant que la localisation exacte de
l'aérodrome ne soit définitivement décidée et avant
que l'orientation précise des pistes ne soit établie."
Finalement, l'approche utilisée pour effectuer l'analyse des quatre
aspects étudiés est brièvement explicitée. Ces
aspects sont: le climat sonore, les plans de zonage et de l'aéronautique
civile, les besoins des systèmes de télécommunications et
d'électronique, les bancs d'emprunt de matériaux de construction.
Il est intéressant de noter que le plan directeur de l'aéroport -
six pistes et six aérogares en phase ultime - est utilisé pour
l'analyse de trois des quatre aspects, alors qu'en ce qui touche le bruit, un
horizon n'allant pas plus loin que l'an 2000 a été choisi.
On termine cette entrée en matière par le rappel que - et
je cite: "... caractéristique exclusive à Mirabel..." la zone
opérationnelle est protégée par une zone tampon de plus de
70 000 acres ce qui devrait contribuer à éliminer toute entrave
à la croissance éventuelle de cet aéroport et ainsi, en
garantir un bon fonctionnement. Selon Transports Canada, cette
caractéristique permet aussi à l'aéroport de demeurer
ouvert 24 heures par jour.
La conclusion globale, qui se dégage de l'analyse, est que
diverses contraintes affectent les terrains expropriés, qui sont
répartis en trois catégories, selon leur niveau de suggestion; 17
000 acres sont libres de toutes restrictions, 25 000 acres ne sont
touchées, que, par une contrainte du zonage aéronautique; alors,
que 30 000 acres sont touchées par des restrictions multiples.
En reprenant les quatre aspects un par un: Le climat sonore. Dans les
prévisions de bruit établies pour le scénario no VI,
Tranports Canada a utilisé, comme unité de base, une
journée d'été typique, de 1986 (332 mouvements
itinérants) et les deux pistes actuelles.
Au-delà de l'horizon de l'an 2000, trois pistes, et 941
mouvements itinérants quotidiens ont été utilisés.
On apprend, que la nuisance maximale due au bruit se produira en 1986, alors,
que, par après, la nuisance est de moins en moins grande, en raison des
changements technologiques, et de la présence d'une piste additionnelle.
Toutefois, la moyenne journalière des cinq dernières
années est de 106 mouvements, ce qui rend l'hypothèse de trafic
de Transports Canada, peu plausible.
Enfin, le ministère fédéral des Transports a
rejeté tous les scénarios qui avaient été
examinés et décidé finalement de maintenir le rôle
actuel des aéroports de Dorval et de Mirabel en rendant, ainsi, d'autant
plus caduque l'hypothèse avancée par Transports Canada, quant au
trafic prévisible en 1986. Malgré, ses déficiences,
l'examen des résultats présentés aux figures nos 2 et 3 du
texte de Transports Canada, nous indiquent, que les courbes de bruit
n'affectent aucune zone résidentielle d'importance; l'ajout d'une piste
contribue à une meilleure répartition des mouvements d'avion
réduisant ainsi les superficies exposées au bruit; le retrait
progressif des avions bruyants contribuera de façon significative
à la réduction des effets du bruit sur le territoire; la courbe
de 30-NEF est presque totalement incluse à l'intérieur de la zone
opérationnelle, lorsque l'on utilise trois pistes à pleine
capacité.
La figure no 4 - les figures réfèrent au texte,
évidemment, de Transports Canada -de ce même texte est le
résultat de la superposition des figures nos 2 et 3. On y constate une
situation hypothétique, qui ne se produira pas, et, qui induit
grandement le lecteur en erreur. En effet, il a été
démontré, que l'ajout d'une piste diminuera l'empreinte du bruit
plutôt que de l'augmenter, tel que semble le laisser croire la figure no
4.
Tenant compte du fait que le scénario no VI ne se
réalisera pas, que le territoire affecté par le bruit a une
vocation agricole, et, que tout développement futur (trois pistes et
avions moins bruyants) aura tendance à contenir les effets non
désirables du bruit à l'intérieur de la zone
opérationnelle de 17 000 acres on en conclut, que le bruit sera de moins
en moins un facteur contraignant et en aucun cas un facteur limitatif à
la rétrocession des terrains périphériques.
Le deuxième aspect: Plans de zonage de l'aéronautique
civile. Transports Canada rappelle essentiellement dans cette section les
normes qui ont été utilisées lors de la réalisation
du plan directeur de l'aéroport de Mirabel.
Dans le cas de la délimitation de la surface horizontale
intérieure, deux cercles d'un rayon de 6100 mètres ont
été tracés à partir des deux points de
référence situés à l'aéroport. Les normes de
Transports Canada spécifient qu'un rayon d'au moins 4000 mètres
doit être utilisé, sauf dans le cas des pistes semblables à
celles que l'on retrouve à Mirabel pour lesquelles le rayon est
déterminé par une étude spéciale. Bien que nous ne
connaissions pas le contenu de cette étude spéciale en ce qui
touche Mirabel, on peut supposer que les surfaces intérieures ont
été tracées pour couvrir les six pistes
éventuelles.
Tout changement dans la localisation et dans le nombre de points de
référence affecte donc la superficie à protéger. En
sachant que les deux pistes actuelles seront suffisantes jusqu'au-delà
de l'an 2000, nous sommes d'avis que cet exercice devrait être fait en
utilisant des données plus réalistes et ce, dans le cadre de la
révision du plan directeur de Mirabel déjà annoncée
par Transports Canada.
En ce qui a trait aux corridors d'atterrissage et de décollage,
les normes édictées quant aux pentes d'approche limitent par le
fait même la hauteur des obstacles sur une distance de plus de quinze
kilomètres. Cette réglementation appliquée dans ces
corridors suffit donc à protéger ces surfaces et à
contrôler toute construction qui pourrait être incompatible avec
leur utilisation.
À titre d'exemple, et en vertu de la Loi sur
l'aéronautique, Transports Canada a décrété un
règlement de zonage aéronautique pour l'aéroport de
Saint-Hubert qui interdit toute construction ne respectant pas les normes dans
les zones d'approche, les surfaces extérieures et dans les surfaces de
transition, sans pour autant procéder à l'expropriation de ces
terrains.
Nous croyons que la même procédure pourrait être
appliquée à Mirabel et qu'elle contribuerait tout aussi bien
à assurer une entière sécurité des activités
aériennes, d'autant plus que ce territoire est utilisé
principalement à des fins agricoles.
Systèmes de télécommunications et
d'électroniques. Dans le mémoire que nous avons soumis à
l'attention de la commission permanente de l'agriculture, des pêcheries
et de l'alimentation, ce sujet n'a pas été abordé car il
nous apparaissait évident que ces systèmes, communs à tous
les aéroports, ne requéraient que peu d'espace à
l'extérieur de la zone opérationnelle.
En fait, tous les aéroports importants sont dotés
d'instruments électroniques sophistiqués pour leur permettre
d'accueillir les aéronefs en tout temps. Puisque ces aéroports
s'étendent sur des superficies relativement petites par rapport à
la zone opérationnelle de Mirabel, il nous est permis d'en
déduire que ces instruments sont l'objet de moins de contraintes
à Mirabel qu'ailleurs.
De plus, ces contraintes sont très souvent dues à des
facteurs d'ordre technique beaucoup plus qu'à des facteurs d'ordre
naturel. Par exemple, il est intéressant de noter que la Commission sur
la sécurité aérienne s'est penchée sur les
problèmes des systèmes radar et qu'elle a noté, et je
cite: "qu'à l'heure actuelle, l'équipement radar au Canada, en
service depuis plus de vingt ans est périmé et, au plan
technique, il accuse un retard de vingt ans".
Cette désuétude est d'ailleurs à la source de
certains problèmes reliés à l'utilisation du radar
à Toronto, dont celui des images fantômes qui proviennent de "...
nouveaux bâtiments, plus particulièrement des hangars, CP Air et
Air Canada."
Il est bon de se rappeler que ces édifices ont été
construits sur les terrains de Transports Canada et avec sa permission et que
selon le comité de Transports Canada chargé d'étudier
cette question, la solution technique à ces problèmes
était connue depuis longtemps.
On ne s'étonnera donc pas de la recommandation du juge Dubin qui
a demandé à Transports Canada d'accorder la plus haute
priorité au remplacement de son équipement radar fort
désuet.
Si l'on revient au document faisant l'objet de nos commentaires, il
démontre clairement que la zone opérationnelle de 17 000 acres
assurera une protection adéquate à tous les systèmes de
télécommunications, les seules exceptions étant les
radiophares non directionnels et l'interférence industrielle,
scientifique et médicale.
En ce qui a trait aux radiophares non directionnels, ils sont
normalement localisés à environ cinq kilomètres du seuil
des pistes et sont, par conséquent, érigés à
l'extérieur de la zone opérationnelle. En général,
une superficie de seulement 10 000 mètres carrés - 100
mètres sur 100 mètres - est requise pour installer et
protéger adéquatement ces instruments et on notera d'ailleurs que
la plupart des radiophares installés aux aéroports importants au
Canada sont situés en milieu urbain. Contrairement à ce que
semble indiquer la figure 8 du texte de Transports Canada, ces instruments
n'exigent donc pas un entourage physique assimilable au désert pour
fonctionner adéquatement.
Quant à l'interférence industrielle, scientifique et
médicale, elle pourrait effectivement nuire à l'exploitation des
pistes éventuelles, mais non aux pistes actuellement en service. Nous ne
pouvons nier les effets nuisibles de ces interférences sur certains
systèmes de navigation, mais nous croyons qu'elles seront minimes sinon
inexistantes, et ce, pour les raisons suivantes: (10 h 30)
Le territoire étant zone agricole, il n'y aura pas de
développement industriel important près de l'aéroport; Les
industries qui voudront s'installer pourront le faire dans le parc industriel -
PICA - et le type d'industrie permis y sera certainement
réglementé; finalement, il est peu probable que toutes les pistes
soient un jour construites, spécialement les trois pistes situées
près des limites de la zone opérationnelle ultime.
Transports Canada indique d'ailleurs
dans son texte que la prochaine piste qui serait construite serait la 24
droite - 06 gauche.
On remarquera que cette piste se situe profondément à
l'intérieur de la zone opérationnelle et qu'en conséquence
l'interférence industrielle, scientifique et médicale n'aura
aucun effet sur l'utilisation de cette piste ni sur les pistes actuellement en
service, et ce, pour des décennies.
En conclusion, nous pouvons affirmer que la zone opérationnelle
de 17 000 acres garantit déjà une protection adéquate aux
divers systèmes de télécommunications présents et
futurs, et ce, même si le système désuet actuel continue
d'être utilisé. De plus, l'interférence industrielle,
scientifique et médicale ne constitue pas, à notre avis, un
facteur déterminant qui justifie l'expropriation qui a été
faite.
Finalement, le dernier aspect, bancs d'emprunts de matériaux de
construction. Transports Canada exploite une carrière et une
sablière pour fins de développement et d'entretien de
l'aéroport. Il est pour le moins curieux que ces bancs d'emprunts
situés à l'extérieur de la zone opérationnelle
soient considérés comme un des aspects limitatifs à la
rétrocession des terres. Ce ne sont sûrement pas des contraintes
aéronautiques qui forcent Transports Canada à exploiter ces deux
sources de matériaux.
Il n'y a, à notre avis, aucune raison qui justifie cet
état de fait et les autorités de Transports Canada pourraient
facilement s'approvisionner en sable et gravier auprès des entrepreneurs
locaux, ce qui contribuerait peut-être à concrétiser les
retombées économiques longtemps promises.
En conclusion, à l'analyse du document de Transports Canada, nous
ne croyons pas que la preuve a été faite, que toutes les terres
expropriées sont toujours nécessaires à l'exploitation
actuelle et future de l'aéroport.
Même le titre du document ("Les incidences de l'aéroport de
Mirabel sur les terrains périphériques") nous porte à
croire que ce sont les intérêts de la collectivité qui
priment le développement aéroportuaire alors que la
démonstration qui est faite tend plutôt à montrer comment
l'utilisation des terrains périphériques pourrait nuire au bon
fonctionnement de l'aéroport.
À cet effet, la principale raison invoquée pour justifier
la rétention des terres par le gouvernement fédéral est
d'assurer le bon fonctionnement de l'aéroport. Or, en aucun moment cette
expression n'est définie. Le bon fonctionnement d'un aéroport
est-il lié au seul fait d'être ouvert 24 heures par jour ou est-ce
plutôt le fait d'assurer une maximisation et une sécurité
des activités aériennes? L'aéroport de Chicago, le plus
achalandé au monde avec une superficie de 7000 acres - treize fois plus
petit que Mirabel - fonctionne-t-il moins bien que
Mirabel?
Quant aux quatre aspects analysés dans le document de Transports
Canada, nous reconnaissons que le climat sonore, le zonage aéronautique
ainsi que les systèmes de communications et d'électroniques
imposent des contraintes que l'on ne peut nier, mais qui ne sont finalement pas
aussi limitatives que semble le laisser croire ce document.
En effet, les contraintes sont examinées dans un contexte
irréaliste et selon un horizon de planification qui enlève tout
réalisme aux arguments invoqués. À l'appui de cette
affirmation, nous croyons que la croissance du trafic sera beaucoup plus faible
que celle utilisée dans le document de Transports Canada,
scénario VI, que la construction d'une troisième piste ne se fera
pas dans un avenir prévisible, que le développement ultime de
l'aéroport, six pistes et six aérogares, ne peut être
situé dans le temps, que les nouvelles technologies tendent à
minimiser sinon à éliminer les contraintes décrites et que
le contrôle efficace de l'utilisation des terrains
périphériques pourrait assurer le bon fonctionnement de
l'aéroport pour des décennies.
Les aspects reliés au climat sonore, au zonage
aéronautique et aux systèmes de communications et
d'électroniques, qui ne sont d'ailleurs pas uniques à
l'aéroport de Mirabel, font déjà l'objet de
réglementations qui limitent les utilisations des terres à
proximité des aéroports. En conséquence, nous croyons que
l'expropriation de la zone périphérique à Mirabel a
été un moyen excessif de contrôle, alors que l'application
des règlements et normes en vigueur aurait assuré un
résultat tout à fait adéquat au bon fonctionnement de
l'aéroport.
Quant aux bancs d'emprunts de matériaux de construction et
d'entretien que Transports Canada juge essentiels au bon fonctionnement de
l'aéroport, cet argument nous laisse des doutes quant à la
crédibilité à apporter aux autres arguments
avancés.
À la suite de l'analyse de l'argumentation soumise par Transports
Canada, quant à la nécessité pour le gouvernement
fédéral de demeurer propriétaire de la majorité des
terrains périphériques, nous soutenons toujours que la
propriété de ces terrains n'est pas requise pour des fins de
protection aéroportuaire, ni actuellement ni dans
l'éventualité d'une expansion.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Garon: Dans votre document, vous parlez des radiophares en
vous référant au document de Transports Canada. Pourriez-vous
nous indiquer où sont situés les radiophares à Dorval?
M. Rivest (Pierre): À Dorval, les radiophares sont en
pleine ville. Comme on l'a indiqué, en général, ils sont
à cinq kilomètres. C'est le cas pour Dorval. Si on va du
côté ouest, il n'y en a pas à cause du lac Saint-Louis. Du
côté est, vous en trouvez dans la ville de Saint-Laurent et un peu
partout dans le milieu urbain. Ici, à Québec, vous pouvez en
trouver à Charlesbourg, à Sainte-Foy. C'est là que sont
localisés les radiophares en général.
M. Garon: On me dit même que, dans certains cas, les
radiophares pour Dorval sont situés au-dessus des édifices
publics.
M. Rivest (Pierre): Non, ils sont au sol. M. Garon:
Toujours au sol? M. Rivest (Pierre): Oui.
M. Garon: Je m'informais, on m'avait déjà dit
cela.
Existe-t-il des interférences industrielles, scientifiques et
médicales à Dorval, Toronto et Ottawa? À Ottawa, par
exemple, l'aéroport est situé à proximité de
plusieurs centres de recherche fédéraux. On a pensé qu'on
devrait peut-être fermer la piste d'Ottawa et transférer les
centres de recherche fédéraux au Québec.
M. Rivest (Pierre): À notre connaissance, on n'a pas fait
cette recherche, que je sache. Je ne pourrais pas vous répondre s'il en
existe. Mais, comme vous dites, à Ottawa, il y a des centres de
recherche. Quant aux centres médicaux ou industriels,
théoriquement, selon Transports Canada, si le règlement
s'applique, il ne devrait pas y en avoir. C'est à eux de décider
de réglementer. Je ne pourrais pas vous répondre, M. le ministre,
à savoir s'il en existe autour des autres aéroports.
M. Garon: Avez-vous déjà eu, dans le passé,
des cas où le gouvernement fédéral aurait exproprié
en trop et où il aurait rétrocédé? Êtes-vous
au courant de cela?
M. Rivest (Pierre): Encore là, de mémoire, je n'en
connais pas.
M. Garon: Le texte de la loi fédérale sur les
expropriations, chapitre E-19, a été modifié. Il a
été abrogé et remplacé par une autre loi mais
indique que certaines dispositions demeurent en vigueur. Il est
intéressant de lire cette loi parce qu'on se rend compte que la
règle n'est pas la revente mais la rétrocession. Si on regarde
l'article 24, Chapitre E-19, de la Loi concernant la prise de terres par voie
d'expropriation dont le titre est: Abandon de terrains superflus, on lit:
"Chaque fois qu'à l'occasion ou à tout moment avant le paiement
réel de l'indemnité, il est constaté...
M. Ryan: Avant le paiement réel de
l'indemnité...
M. Garon: Cela ne fait rien. Cela indique le cadre et l'esprit de
la loi, il faut regarder non seulement le texte, mais aussi l'esprit de la loi.
"Chaque fois qu'il est constaté, à l'occasion ou à tout
moment avant le paiement réel de l'indemnité, qu'un terrain pris
pour quelque ouvrage public ou qu'une partie de ce terrain n'est pas
nécessaire pour les fins de cet ouvrage ou s'il est constaté
qu'il n'est requis qu'un droit de propriété plus restreint ou un
moindre intérêt dans ce terrain, le ministre peut, sous son seing,
déclarer que le terrain ou partie du terrain n'est pas requis et est
abandonné par la couronne ou qu'elle n'a l'intention de retenir dans ce
terrain, que le droit de propriété ou l'intérêt
limité mentionné dans cet écrit."
Au deuxième paragraphe, il est indiqué: "Par
enregistrement de cet écrit au bureau du registrateur pour le
comté ou pour la division d'enregistrement où se trouve le
terrain, le terrain ainsi déclaré abandonné redevient la
propriété de la personne qui en a été
expropriée ou de ceux qui sont admis à la réclamer de son
chef."
C'est intéressant. Évidemment, on dit que c'est à
l'occasion ou à tout moment avant le paiement réel de
l'indemnité, mais cela donne quand même l'esprit de la loi.
L'esprit de la loi est beaucoup plus la rétrocession que la revente.
Même quand on dit: "où l'intérêt...
M. Ryan: Est-ce que je pourrais vous interrompre sur une question
de règlement?
M. Garon: Oui.
M. Ryan: M. le Président, nous avons un témoin qui
vient nous apporter des précisions techniques sur des aspects
précis que nous avons soulevés la dernière fois. Je crois
que les questions du ministre sont bien au-delà de cela. Ce n'est pas
parce que je ne veux pas les discuter, mais on discutait tantôt...
Peut-être pourrions-nous mettre un peu plus de discipline dans nos
délibérations de manière à procéder un peu
plus efficacement. Je me demande si c'est le moment pour soulever cette
question-là et si eux sont des témoins compétents pour
répondre à cela.
M. Garon: Bien oui, parce que le ministère des Transports
est justement un ministère qui exproprie beaucoup pour fins de
transport. C'est pour cela que je demande -évidemment on n'a pas
parlé dans le
mémoire directement de cela, mais comme le ministère des
Transports est sans doute le ministère au gouvernement du Québec
qui exproprie le plus pour des fins de routes ou d'aéroports même
- quelle est la règle. Si le témoin n'est pas au courant, il
n'est pas au courant; on ne lui demande pas d'être un expert, d'avoir un
doctorat global, on ne demande pas cela, mais simplement s'il est au courant,
s'il y a une règle dans l'expropriation ou s'il a entendu parler d'une
règle, soit au fédéral soit au Québec - la loi
fédérale laisse sous-entendre une indication -par laquelle on
rétrocède la partie expropriée en trop à celui qui
a été exproprié, plutôt que la revendre à
n'importe qui.
M. Rivest (Pierre): Je ne suis pas au courant de l'aspect routier
dont vous parlez. Du côté aéroport, cependant, ce qui s'est
fait jusqu'à maintenant, c'est que nous avons acheté les terres
ou les terrains nécessaires ou ils nous sont venus du ministère
de l'Énergie et des Ressources. Il n'a jamais été question
de rétrocéder ou de revendre par la suite.
M. Garon: Alors, vous n'aviez pas trop exproprié? Donc,
vous n'aviez pas le problème.
M. Rivest (Pierre): II ne semble pas.
Le Président (M. Rochefort): Cela va? Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais tout d'abord remercier M. Rivest des
réponses qu'il a données à des questions que je lui avais
adressées l'autre jour au sujet d'un document du gouvernement
fédéral, de Transports Canada, qui est intitulé, comme
vous l'avez dit, "Les incidences de l'aéroport de Mirabel sur les
terrains périphériques." Je considère personnellement que
vous avez apporté une réponse très pertinente aux
questions que soulevait ce document.
Évidemment, cela ne rend pas compte du point de vue de l'autre
intervenant, qui est le gouvernement fédéral, mais je pense que,
en ce qui touche le ministère des Transports du Québec, la
réponse que vous apportez est substantielle et pertinente. Elle
soulève tous les points qui sont une source de difficultés ou
d'interrogations dans le document fédéral et, personnellement,
dans l'ensemble j'en suis satisfait.
Maintenant, j'aurais une couple de questions à vous poser pour
préciser bien comme il faut la portée exacte de votre
réponse et qu'on se comprenne clairement. Dans le document
fédéral, on dit substantiellement - si je l'ai mal compris vous
apporterez les correctifs qui s'imposent, parce que je veux faire ressortir
votre point de vue clairement aussi - que, dans l'ensemble des terrains
périphériques, on a déterminé des aires qui sont
soit aucunement, soit peu soumises aux restrictions aéroportuaires, soit
sujettes à une multitude de restrictions.
Alors, la première aire a une superficie de 7000 hectares, ce qui
veut dire à peu près 17 000 acres, et est libre de toutes
restrictions. La deuxième aire couvre 25 000 acres, 10 000 hectares, et
n'a pas d'autres restrictions que des limites du plan de zonage de
l'aéronautique civile. La troisième couvre tout près de 12
000 hectares, 30 000 acres, et comporte une série de restrictions. C'est
une superficie totale de 72 000 acres dont, selon le document
fédéral, 30 000 acres seraient soumises à des restrictions
nombreuses et importantes, de leur point de vue. Vous nous dites, ce matin,
dans la réponse que vous apportez à ceci que c'est vrai qu'il y a
des restrictions, disons, pour cette partie-là. La partie qui n'est pas
discutée, les 17 000 acres qui sont libres de toutes restrictions, on
n'en parle pas, c'est clair pour tout le monde. La deuxième partie, 25
000 acres, pas d'autres restrictions que des limites du plan de zonage de
l'aéronautique civile, disons qu'on n'en parle pas non plus. Ils
semblent concéder là-dedans qu'il n'y aura pas de
problèmes majeurs pour ces 42 000 acres.
Il reste une superficie de 30 000 acres qui comporte, d'après
eux, une série de restrictions qui sont soit sonores, soit
reliées aux systèmes de communications, soit d'ordre
sécuritaire, si j'ai bien compris; et, là, vous avez
apporté une réponse à chacune de ces
considérations. Est-ce que je dois conclure de ce que vous dites que,
nonobstant ce document-ci, vous maintenez, finalement, la position que vous
souteniez lors de votre rencontre avec la commission, il y a deux semaines. (10
h 45)
M. Rivest (Pierre): Oui, c'est exact, M. Ryan, justement parce
que les arguments invoqués pour protéger ces 30 000 acres ne nous
apparaissent pas pertinents ou justifiés, que ce soit sur la
télécommunication, que ce soit sur le bruit. On a fait une
analyse en vertu de ces 30 000 acres et on en revient à dire - c'est
notre opinion - que c'est encore trop. On maintient la même position.
M. Ryan: Très bien. Vous parlez d'un autre document
fédéral dans votre réponse auquel vous dites n'avoir pas
eu accès.
M. Rivest (Pierre): Lequel est-ce?
M. Ryan: Si je ne me trompe pas, c'est à la page 4.
M. Rivest (Pierre): C'est une étude spéciale sur la
question des points de référence...
M. Ryan: Oui.
M. Rivest (Pierre): ... en page 4. On réalise que la norme
habituellement est de 4000 mètres. Pour Mirabel, on a utilisé
6100 mètres. On suppose - d'ailleurs on le dit bien dans le texte, c'est
un peu de l'extrapolation de notre part - que c'est probablement en vue des six
pistes, mais on ne sait pas pourquoi, on n'a pas vu le document qui favorise
les 6100 mètres au lieu des 4000 mètres.
M. Ryan: Dans la préparation de votre réponse au
document fédéral, est-ce que vous avez fait des démarches
pour obtenir cette étude?
M. Rivest (Pierre): Pas pour celle-là en particulier;
peut-être que le temps nous aurait manqué si on les avait
faites.
M. Ryan: II n'y a pas eu d'appels téléphoniques,
par conséquent, pour avoir des explications, ni de démarches pour
obtenir une copie du document.
M. Rivest (Pierre): Pas pour cela en particulier, non.
M. Ryan: À votre connaissance, ce document est-il public
ou confidentiel? Vous ne le savez pas?
M. Rivest (Pierre): On n'en a aucune idée. Je suis
obligé d'avouer que même les documents antérieurs qu'on a
eus, cela a été à grands renforts de démarches. Ce
que j'entends par là, c'est que moi-même j'ai dû me promener
à Montréal d'un bord et de l'autre pour essayer d'avoir les
volumes. C'est très difficile. La preuve, c'est qu'on n'avait pas le
dernier que vous nous avez soumis. Ce document, en particulier, on n'a pas
essayé de l'avoir. On ne sait pas s'il est à l'intérieur
d'un autre document qu'on n'aurait pas ou s'il était indépendant.
On ne sait même pas s'il existe, en fait. C'est une
référence qui est faite.
M. Ryan: Très bien. Plus loin dans votre texte, à
la page 5, vous dites: "À titre d'exemple et en vertu de la Loi sur
l'aéronautique, Transports Canada a décrété un
règlement de zonage aéronautique pour l'aéroport de
Saint-Hubert qui interdit toute construction ne respectant pas les normes dans
les zones d'approche, les surfaces extérieures," etc. Avez-vous la
référence précise de ce règlement? Est-ce que vous
l'avez, le règlement? Est-ce qu'il y aurait moyen que vous le mettiez
à la disposition des membres de la commission?
M. Rivest (Pierre): D'accord.
M. Ryan: Cela va? Vous savez pourquoi je vous demande cela, c'est
que si je comprends bien votre raisonnement, vous dites, disons dans la zone
des 30 000 acres qui est la plus discutée, il y a des restrictions, il
n'y a personne qui en discute, mais vous dites: Elles n'ont pas l'ampleur ni
l'extension qui justifieraient un contrôle de la propriété.
Le règlement dont vous parlez à propos de Saint-Hubert semble
aller dans le sens de votre argumentation. Si on pouvait l'avoir, je pense que
ce serait très intéressant.
Pourriez-vous m'expliquer ce qu'il y a en haut de la page 7 de votre
document, quand vous dites: "Si l'on revient au document faisant l'objet de nos
commentaires, il démontre clairement que la zone opérationnelle
de 17 000 acres assurera une protection adéquate à tous les
systèmes de télécommunications, les seules exceptions
étant les radiophares non directionnels et l'interférence
industrielle, scientifique et médicale." Pourriez-vous préciser
cela un peu? C'est expliqué dans les paragraphes qui suivent, mais je
voudrais que vous nous l'expliquiez peut-être plus clairement.
M. Rivest (Pierre): Alors, on ne nie pas certaines contraintes,
surtout du côté industriel, scientifique et médical, comme
on l'expliquait, parce que toutes sortes de choses peuvent se produire
électroniquement, que ce soit un rayon laser ou autres, et qui
pourraient interférer avec les communications. Ce qui diffère un
peu, c'est la question des radiophares. Comme on l'expliquait, les radiophares
sont localisés en général à l'extérieur des
zones opérationnelles, même on pourrait dire en
général presque entièrement à l'extérieur
des zones opérationnelles des aéroports. Si l'on se
réfère à la carte de Transports Canada qui donne
l'emplacement des radiophares -c'est la figure 8 dans le document de Transports
Canada - vous allez voir des cercles qui justement donnent la localisation des
radiophares qui sont dans l'axe des pistes; le rayon ou la surface de ces
cercles, il faut y faire attention, parce que c'est la surface aérienne;
c'est-à-dire que l'émission d'un radiophare est conique à
partir d'un certain angle de sa base et s'écarte avec l'altitude.
Même on me dit que c'est trois degrés, précisément.
Alors, la superficie que vous. voyez est à une certaine altitude mais
n'a rien à faire avec le sol. Comme on le disait, cent mètres sur
cent mètres clôturés, la tour du radiophare est à
l'intérieur de cela. L'explication, on la trouve à la page 20...
De quel document s'agit-il?
Une voix: Je ne le sais pas, je n'ai pas de...
M. Rivest (Pierre): Du document de
Transports Canada qui explique justement le pourquoi de ces superficies.
Enfin, ce que nous disons, c'est que c'est vrai qu'il peut y avoir certaines
contraintes ou restrictions -elles sont déjà existantes aux
autres aéroports dans certains cas - industrielles, scientifiques ou
médicales; cela doit être réglementé. Dans le cas de
radiophares, il s'agit d'avoir un terrain suffisant de cent mètres sur
cent mètres et le reste ne donne pas de contrainte.
M. Ryan: Quelle hauteur peuvent avoir ces installations?
M. Rivest (Pierre): La tour? M. Ryan: Oui.
M. Rivest (Pierre): Cela va varier entre 75 - vous allez
m'excuser, je vais être obligé d'y aller en pieds. Enfin, 25 ou 30
mètres peut-être, selon l'antenne.
M. Ryan: Actuellement, dans quel rayon cela va chercher,
d'après vous? Est-ce que vous avez fait les calculs?
M. Rivest (Pierre): En altitude? M. Ryan: En surface.
M. Rivest (Pierre): En surface, c'est 100 mètres sur 100
mètres.
M. Ryan: Bon'. Très bien.
M. Rivest (Pierre): Si, j'ai bien compris votre question, c'est
au sol.
M. Ryan: C'est cela.
M. Rivest (Pierre): La tour elle-même prend une base
très limitée, mais c'est protégé habituellement par
une clôture. D'ailleurs, il y a une petite construction pour
l'alimentation électrique, et le reste, au centre, de superficie
bordée de 100 mètres sur 100 mètres.
Encore une fois, comme on l'expliquait, c'est toujours à
l'extérieur. D'ailleurs, on parle ici de cinq kilomètres; vous en
trouvez jusqu'à 20 et 25 kilomètres, selon le genre d'approche
pour faciliter parfois... ce qui est le cas ici, à Québec, vous
en avez jusqu'à Sainte-Anne-de-Beaupré.
M. Ryan: Vous parlez d'une carrière, d'une
sablière, qu'exploite Transports Canada pour les fins de
l'aéroport. Est-ce que Transports Québec exploite des
sablières ou des carrières quelque part au Québec, ou si
tous ces besoins, à ce point de vue, sont satisfaits par le recours
à des entrepreneurs privés?
M. Rivest (Pierre): Je ne pourrais pas vous dire. Encore une
fois, je me retranche un peu derrière notre spécialité ou
secteur; mais, pour les fins d'un aéroport, et on en a construit il n'y
a pas tellement longtemps encore, oui, on en a besoin. Lorsque cela est
terminé, si ce n'est pas à l'intérieur de la zone
opérationnelle, cela ne rentre plus en ligne de compte.
M. Ryan: Pour les autres fins du ministère, vous ne le
savez pas.
M. Rivest (Pierre): II y en a certainement, mais je ne pourrais
pas répondre honnêtement.
M. Ryan: Je crois que cela répond aux questions que
j'avais, M. le Président.
Le Président Rochefort): Merci. M. le député
de Groulx.
M. Fallu: M. le Président, outre de petits emplacements de
quelque cent mètres sur 100 mètres disséminés un
peu partout -excusez, je n'ai pas le jargon - sur le territoire, il ne semble
pas que l'aéroport de Mirabel en aurait besoin, en dehors des 17 000 de
terrain qui lui appartiennent, au sens strict du terme.
M. Rivest (Pierre): Pas à notre avis.
M. Fallu: D'accord. Vous faites référence à
ce que vous appelez les interférences industrielles, scientifiques et
médicales - j'imagine qu'il faut comprendre par là de grosses
constructions, de gros équipements - et vous avez parlé de rayons
laser. Est-ce que vous pourriez nous donner quelques exemples de ce type
d'interférences?
M. Rivest (Pierre): II peut y avoir de la soudure
électrique, entre autres, qui non seulement demande beaucoup de courant
mais peut créer des interférences même à
l'intérieur des édifices. Alors, soit que le système de
l'édifice prévoie ces choses, mais comme je vous le disais il
doit être réglementé.
Ce n'est pas nous qui avons apporté ces contraintes; elles
étaient dans le document et on ne les nie pas. Quant à vous en
donner beaucoup d'exemples, on ne les connaît pas tellement, mais c'est
évident que cela peut exister. Il faut les réglementer.
M. Fallu: D'accord. On va prendre la question à l'inverse,
si vous voulez, telle qu'elle se pose sur le territoire, du moins telle que
certains spécialistes ou, enfin, telle que la rumeur ou certains
personnages la véhiculent sur le territoire. On nous dit, par exemple,
que la nécessité de l'expropriation,
et voire même de la non-exploitation agricole dans certains cas,
est requise pour fins de gestion aéroportuaire. Là, on nous
chante par exemple, avec beaucoup de contradictions d'ailleurs, qu'il ne
faudrait pas qu'il y ait de clôtures maillées. C'est un peu
étrange parce que, déjà, l'aéroport de Mirabel, les
5200 acres, est actuellement entouré d'une clôture maillée
(une Frost). On nous dit qu'il ne faudrait pas qu'il y ait de clôtures
électriques pour garder les animaux parce que cela risquerait de faire
de l'interférence. À votre avis, est-ce justifié?
M. Rivest (Pierre): On va se référer à notre
premier document dans lequel on a démontré qu'un peu partout dans
le monde, et surtout en Europe où les terrains sont beaucoup plus
limités qu'ici, l'agriculture ne semble apporter aucune contrainte
puisqu'on fait des travaux agricoles jusque près des pistes. Alors, que
ce soit l'équipement agricole comme tel...
M. Fallu: Mobile ou non.
M. Rivest (Pierre): ... mobile ou non, cela me surprendrait
qu'aujourd'hui ils les fassent avec des chevaux. Je pense que cela apporterait
des contraintes si vraiment c'était cela.
Quant aux clôtures, elles existent à ma connaissance
partout autour des aéroports à l'heure actuelle. On a seulement
à aller à Québec; vous verrez la clôture à
Québec de 200 à 300 mètres d'un seuil de pistes. Autour de
Dorval aussi. Cela existe partout.
Encore une fois, on prétend que ce ne sont pas des arguments qui
justifient ce qui s'est fait. Il faudrait que quelqu'un démontre le
contraire.
M. Fallu: On soutient de la même façon que les
séchoirs à foin, par exemple, un certain nombre de moteurs:
moteurs pour la traite des vaches, moteurs pour la réfrigération,
groupes électrogènes autonomes sur les fermes, pourraient
être un élément perturbateur pour les radars.
M. Rivest (Pierre): Encore une fois, les radars à Dorval
sont à côté de la piste. Un exemple, je me souviens qu'on
nous demandait, quand on s'approchait en hélicoptère, de
s'approcher et de rester stationnaire au-dessus de l'antenne radar
jusqu'à ce que la piste soit libérée pour qu'on puisse
nous permettre de traverser. Alors, si un hélicoptère peut battre
le vent au-dessus de l'antenne radar, et je vous donne l'autorisation exacte
qu'on nous donnait, je ne comprends pas les autres arguments.
M. Fallu: D'accord. Quant aux hauteurs, notamment, par rapport
à l'exploitation des fermes, il y aurait les silos mais vous avez
déjà souligné qu'en bout d'expropriation,
c'est-à-dire à Sainte-Anne-des-Plaines, cela prendrait un silo de
quelque 765 pieds d'altitude pour ne pas être conforme aux lois de
l'aéronautique. Ce n'est pas encore connu ce type de construction au
Québec, que je sache.
M. Rivest (Pierre): Non. Pour être plus précis sur
la question de ces interférences, crest évident que
tout dépend de la distance. Mais, si on veut vraiment se donner toute la
latitude possible, on va se donner un kilomètre, un kilomètre et
demi. C'est Transports Canada même qui le spécifie. Alors,
à l'extérieur de tout cela, il n'y a plus rien qui tienne
tellement.
M. Fallu: D'après vous, tels que connus actuellement, les
modes d'exploitation agricoles n'entreraient d'aucune façon en
interférence avec les équipements aéroportuaires?
M. Rivest (Pierre): Certainement pas à l'extérieur
de la zone opérationnelle de 17 000 acres.
M. Fallu: Merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Alors, il n'y a pas
d'autres questions.
Je vous remercie de vous être présenté à
nouveau devant nous ce matin.
J' inviterais maintenant les représentants du Parti
québécois Laurentides-Lanaudière à prendre place
à la table des témoins. (11 heures)
Bienvenue à la commission. Je vous demanderais de vous identifier
pour les fins du journal des Débats et de nous présenter le
résumé de votre mémoire.
Parti québécois
Laurentides-Lanaudière
M. Boudreau (Ernest): Messieurs et mesdames les membres de la
commission parlementaire, le mémoire que vous allez entendre est le
mémoire de la région de Laurentides-Lanaudière, Parti
québécois. Personnellement, je suis le président de cette
région Laurentides-Lanaudière, je m'appelle Ernest Boudreau, je
suis résident de L'Assomption, comté de L'Assomption.
Je suis accompagné de deux militants du Parti
québécois. À ma droite, M. Denis Lauzon, qui est
président du Parti québécois du comté d'Argenteuil.
Il est aussi un exproprié de Mirabel qui demeure à
Sainte-Scholastique depuis 1964. À ma gauche, M. Daniel Goyer, militant
du Parti québécois du comté de Deux-Montagnes,
résident de Saint-Eustache. On sait que Mirabel faisait partie du
comté de Saint-Eustache jusqu'à 1981.
Ces deux personnes sont très intéressées par le
dossier de Mirabel, en ont fait une étude assez approfondie et se feront
un plaisir de répondre à vos questions, ainsi que moi-même,
après la lecture du mémoire.
La région Laurentides-Lanaudière comprend les dix
comtés suivants: Argenteuil, Deux-Montagnes, Rousseau, Groulx,
Prévost, Labelle, Terrebonne, L'Assomption, Berthier et Joliette.
Comme il se doit, nous voulons vous remercier de nous permettre de vous
exposer notre point de vue sur le dossier tant controversé de Mirabel.
Depuis maintenant plusieurs jours, vous avez entendu plusieurs intervenants.
Après avoir lu et entendu les différents mémoires
déjà présentés, nous pensons qu'il n'est pas
nécessaire de vous lire entièrement les chapitres I et II de
notre mémoire, puisque leur contenu a été largement
abordé. Nous sommes heureux qu'il en soit ainsi, puisque cela
démontre la pertinence de nos propos. En fait, nous vous demandons
d'accepter ce mémoire dans son entier et il nous fera plaisir de
répondre à vos questions sur les deux premiers chapitres, tout
comme sur le reste du mémoire.
Dans le premier chapitre du mémoire, nous parlons du mirage de
Mirabel ou de l'opération dérangement, et de l'agriculture en
attente; dans le deuxième, nous donnons notre perception de la
réalité de Mirabel sur les éléments suivants: la
zone opérationnelle, le PICA, l'autoroute 13, la ville de Mirabel. Nous
passerons très rapidement sur ces deux chapitres pour nous
étendre davantage sur le chapitre III et vous lire en entier le chapitre
IV.
Donc, même si nous croyons qu'à ce stade des travaux de
cette commission il n'est plus nécessaire de démontrer que les
besoins de l'aéroport ne nécessitent pas les 97 000 acres
expropriées et que l'administration fédérale sur les
territoires a nui au développement de l'agriculture, nous
désirons affirmer avec force les sept points suivants qui
résument les chapitres I et II de notre mémoire.
Premièrement, à la page 6 de notre mémoire, nous
affirmons ceci: "Prenant racine dans l'euphorie de l'implantation de cet
aéroport, la planification et les projets ont été
conçus en fonction de cet aéroport sans tenir compte, ou
très peu de l'intégrité du territoire agricole de cette
région et donc de la population qui l'habite.
Page 7. On ne peut même accuser le gouvernement
fédéral d'avoir mal appliqué une politique agricole sur le
territoire, car il n'y en a tout simplement pas eu. Après treize ans de
gestion, le gouvernement fédéral n'est même pas en mesure
de prétendre qu'il a offert un bail qui tient compte de la
réalité agricole.
Page 9. Le territoire de la zone périphérique est, depuis
1969, pris en otage par le gouvernement fédéral dont la gestion
déficiente et l'administration inadéquate pour l'agriculture
équivalent à une mainmise qui conduit à une confrontation
avec les résidents du territoire ainsi qu'à la perte d'une
ressource agricole importante pour le Québec.
Je résume en deux mots de la page 10 à la page 21. Nous
condamnons l'attitude du gouvernement fédéral qui, sous le
couvert d'une expropriation pour un aéroport, a accaparé à
rabais d'une partie du territoire québécois. En comparant ce qui
s'est fait à Pickering, en Ontario, nous pouvons affirmer que le
gouvernement fédéral a agi de façon
délibérée et que cela ressemble beaucoup plus à
l'attitude d'un gouvernement étranger. Toujours en comparant avec
Pickering, le comportement du gouvernement fédéral met en
évidence la politique de deux poids deux mesures de ce gouvernement au
détriment des Québécois par rapport aux Ontariens.
À ceux qui prétendent que l'organisation politique
canadienne avec ses deux gouvernements - fédéral et provincial
-est un gage de réussite et de complémentarité, le dossier
de Mirabel leur prouve le contraire. Force est donc de conclure que le
fédéralisme rentable, ce n'est pas pour les
Québécois et les Québécoises et que, même si
les politiciens fédéraux ne l'admettent pas, le Québec
n'est pas une province comme les autres. Ainsi, ils agissent
différemment lorsqu'une action peut accentuer une plus grande
dépendance du Québec et partant nous asservir en tant que
peuple.
Par son entêtement à vouloir s'occuper d'aménagement
du territoire sur un sol inutile à l'aéroport, le gouvernement
fédéral s'est ingéré dans des juridictions qui ne
sont pas de son ressort. Cette centralisation voulue et contraire au
régime canadien lui-même constitue la condamnation de ce
régime politique.
Pour nous, le dossier de Mirabel est un élément de plus
qui démontre clairement que le développement économique du
Québec, en conformité avec l'Intégrité
territoriale, dépend finalement de sa souveraineté politique. Ces
propos peuvent sembler loin des objectifs de cette commission et pourtant, nous
sommes forcés de reconnaître que l'agriculture avec le projet de
Pickering ne subissait pas le même sort destructeur qu'à Mirabel;
et cela, c'est l'application du système politique canadien en terre
québécoise qui en est le grand responsable. Ne pas
reconnaître cette situation, c'est se mettre la tête dans le
sable.
Je passe à la page 21 de notre mémoire. Au deuxième
paragraphe, l'intervention du gouvernement fédéral: La faillite,
et nous croyons que le mot n'est pas trop fort, du gouvernement du Canada dans
sa gestion du territoire, tant de la zone
opérationnelle que périphérique, nous oblige
à tirer la conclusion qu'il faut limiter le plus possible ces
interventions sur ce territoire. Bien sûr, nous irions jusqu'à
réclamer son retrait entier, mais nous reconnaissons que cela ne sera
possible que le jour où le Québec obtiendra la
souveraineté politique pleine et entière. Pour le moment, la
politique canadienne étant ce qu'elle est, le pouvoir
fédéral a complète juridiction dans le domaine
aéronautique.
Nous considérons donc que son rôle doit se limiter à
cela. Pour nous, il n'est absolument pas question que des
sociétés de la couronne fédérale, comme la SIC,
puissent continuer à gérer le territoire agricole, à
l'aménager selon leur désir - parcs d'interprétation de la
nature, ateliers d'art, mises en valeur de bâtiments appartenant au
patrimoine québécois, etc. En vertu même de la constitution
canadienne, ces actions doivent être considérées comme de
l'ingérence politique et de l'usurpation de pouvoir, de la part du
gouvernement fédéral.
L'aéroport de Mirabel devait, selon le principe même du
gouvernement fédéral, être la porte d'entrée de
l'Est de l'Amérique. Cependant, le gouvernement fédéral a
accordé des permis d'atterrissage à Toronto, pour des compagnies
aériennes étrangères, le consacrant ainsi aéroport
international. Le gouvernement fédéral, par sa propre action, a
trahi son objectif. La conséquence première de ses
décisions est de mettre en doute, pour nous, les besoins futurs de
superficie, selon la planification initiale de l'aéroport.
À la page 22: Ainsi donc, le gouvernement fédéral
devra démontrer au gouvernement du Québec, aux
Québécois et aux Québécoises, par des actions
concrètes, quel rôle l'aéroport de Mirabel sera
appelé à jouer. Il devra aussi faire connaître les nouveaux
besoins de superficie de la zone opérationnelle. Selon nous, 17 000
acres, tel que prévu actuellement, sont beaucoup trop. Mais, laissons la
chance, pour le moment, au gouvernement fédéral, de nous prouver
qu'il croit à Mirabel et que ses besoins sont de cet ordre de grandeur.
Sinon, que l'on rétrocède la partie du territoire non
nécessaire.
Cependant, vu la sous-utilisation actuelle de l'aéroport, il nous
est acquis qu'une ou même deux générations de producteurs
agricoles peuvent mettre en valeur les terrains inutilisés de cette
zone, soit plus ou moins 11 000 acres, puisque l'aéroport n'utilise
actuellement que 6 000 acres de la zone opérationnelle.
Je passe au paragraphe suivant: Au point numéro 2 de son mandat,
la commission s'interroge sur le bien-fondé de conserver un territoire
de 66 000 acres à des fins aéroportuaires. La réponse est
non. Nous pensons que la superficie réservée à des fins
aéroportuaires, donc propriété du gouvernement
fédéral devrait être de 17 000 acres. Ainsi, les
producteurs agricoles locataires se retrouveront uniquement sur ce territoire
de 17 000 acres, en attendant que l'aéroport de Mirabel prenne son
envol.
Si vous voulez passer à la page 24 du mémoire, au milieu
du deuxième paragraphe. Aujourd'hui, il y a cette commission
parlementaire. Nous croyons que c'est le moment privilégié, pour
le gouvernement du Québec, de faire le point sur l'ensemble du dossier
Mirabel. Nous croyons aussi qu'il doit y avoir un lendemain à cette
commission et que des actions concrètes et bien coordonnées
doivent être mises en marche. Pour ce faire, nous croyons que Mirabel
doit être considérée comme zone spéciale
d'intervention pour les différents ministères, puisque leurs
interventions n'auront pas de commune mesure avec leur action dans le reste du
Québec.
Pour bien coordonner les interventions des ministères du
gouvernement du Québec, nous croyons qu'un comité pourrait
être formé, sous la tutelle du ministre
délégué à l'Aménagement et au
Développement régional. Puisque l'intégrité
même du territoire québécois est mise en cause, dans le
dossier Mirabel, nous croyons que, de par sa vocation, ce ministre, de concert
avec les autres ministres sectoriels, est le plus en mesure de mener à
terme un plan de relance du territoire de Mirabel. Toutefois, cette
concertation ne devrait pas, étude après étude, repousser
dans le temps les actions que le gouvernement du Québec doit
entreprendre dans ce dossier. (11 h 15)
Le mandat de ce comité est, premièrement, d'exiger du
gouvernement fédéral la rétrocession complète de la
zone périphérique, soit 80 000 acres (c'est-à-dire 97 000
acres moins les 17 000 acres de la zone opérationnelle);
deuxièmement, d'établir des politiques d'aménagement du
territoire en conformité avec les besoins de l'aéroport et la
vocation du territoire, soit l'agriculture.
Pour mener à bien ce mandat, nous croyons que les
ministères sectoriels suivants devraient être membres dudit
comité: le ministère de la Justice - à la page 25 - dont
le rôle serait d'intenter des poursuites judiciaires nécessaires
contre le gouvernement fédéral si celui-ci ne
rétrocède pas les 80 000 acres, car nous mettons en doute le
droit qu'il avait, en vertu de la Loi sur l'expropriation, en matière
aéronautique, d'exproprier des terres non nécessaires à
l'aéroport. Nous croyons que l'intégrité du territoire
québécois en dépend.
On demande au ministère des Affaires municipales de
procéder à une consultation de la population de Mirabel afin de
trouver la structure municipale la plus appropriée à une
population aussi diversifiée et répartie
sur un territoire aussi vaste. Les collectivités locales voulues
par la population résidente sont nécessaires à la relance
agricole.
Pour le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme,
nous lui voyons le rôle suivant: a) Voir à l'implantation du PICA,
du parc industriel dans la zone opérationnelle afin qu'il soit
près des pistes et des infrastructures aéroportuaires. Cela
permettrait de libérer à des fins agricoles les 2000 acres
réservées à des fins industrielles. b) Exiger du
gouvernement fédéral qu'il adopte des politiques de
développement économique pour rentabiliser les MATAC A et B
situés au nord des pistes et les faire fonctionner à leur pleine
capacité. La prépondérance du Québec dans le
transport des marchandises par avion l'exige.
Le rôle du ministère des Transports serait de modifier le
tracé de l'autoroute 13 afin de le rendre compatible avec l'agriculture.
De plus, rappelons que son tracé actuel proposé est plus long
pour se rendre à Mirabel que celui de l'autoroute 15. Étant
donné le déplacement du PICA, cette autoroute pourrait être
parallèle à l'autoroute 15, comme elle l'est actuellement en
grande partie. Cette prolongation ne sera nécessaire que lorsque
l'autoroute 15 ne pourra plus jouer son rôle d'axe routier rapide
au-delà de Sainte-Thérèse. L'autoroute 13 est donc
tributaire du développement futur de l'aéroport et des industries
du PICA puisque actuellement l'autoroute 15 répond aux besoins routiers.
Ce changement est nécessaire pour ne pas ajouter des pressions
spéculatives sur le territoire agricole non exproprié.
Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, partie prenante de la rétrocession des terres et de la
relance agricole, comme nous le verrons au chapitre IV.
Je passe maintenant au dernier chapitre, à la page 26 du
mémoire. En exergue: Pour un nouveau départ: Rétrocession
est une cession faite à quelqu'un de ce qu'on tient de lui
(définition de rétrocession, Le Petit Robert). A la page 27, la
rétrocession ou la relance agricole. La rétrocession
représente pour nous le retour à la normale des choses, et cela
autant pour la population que pour le respect de l'intégrité du
territoire québécois.
Les modalités d'application de la rétrocession d'un
territoire de 80 000 acres peuvent être fort nombreuses et complexes. Il
n'est pas de notre rôle de les identifier et d'évaluer les plus
profitables. Toutefois, nous considérons que certains principes de base
doivent être établis. Premièrement, cette
rétrocession, quant à nous, doit se faire en tenant compte des
intentions des Québécois et des Québécoises de ce
territoire. Abstraction faite des nouveaux arrivants sur le territoire de
Mirabel, les occupants expropriés, qui ont déjà subi un
grand dérangement par l'expropriation, n'ont pas à payer pour les
erreurs du gouvernement fédéral. Deuxième principe: la
rétrocession doit permettre le retrait entier du gouvernement
fédéral du territoire périphérique de 80 000 acres.
Troisièmement, le gouvernement du Québec n'a pas à
débourser d'argent supplémentaire pour réparer une erreur
de gestion qui n'est pas la sienne. Quatrièmement, la
rétrocession doit privilégier la relance agricole du territoire.
Cinquièmement, par cette rétrocession, le gouvernement
fédéral ne doit pas agir en spéculateur et tirer profit
des ventes.
Selon le premier principe, il faut tenir compte de la volonté de
l'occupant actuel d'un lot exproprié d'acheter ou de louer. Les
modalités de la vente ou de la location pourraient être
étudiées par un comité mixte ou par des
représentants des gouvernements fédéral et du
Québec et par des expropriés occupants, les membres du CIAC, afin
d'établir un consensus sur les modalités. Pour nous, il ne fait
aucun doute que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation est le représentant tout indiqué du gouvernement
du Québec. De plus, selon le premier principe, il faut que les offres de
rachat soient plus avantageuses pour les expropriés et les occupants
actuels que pour le public en général.
Le deuxième principe établit que lorsque la
rétrocession sera effectuée, le gouvernement
fédéral n'aura plus d'emprise sur ce territoire. Lorsque le
travail du comité mixte sera terminé, ainsi que la vente ou la
location, les terres agricoles, qui n'auront pas trouvé preneur, devront
être retournées à la banque des terres du Québec.
L'administration des baux pourrait revenir au MAPAQ et les profits de la
location devraient permettre la mise en valeur des fermes retournées
à la banque des terres.
Selon le troisième principe que nous invoquons, la
rétrocession des terres permettra le retour à la normale,
l'aménagement et la gestion par le Québec d'un territoire non
nécessaire à des fins aéroportuaires. Nous estimons que le
Québec a été lésé dans ses droits. Les
recouvrer ne doit pas engendrer de frais au gouvernement du Québec
puisque la responsabilité de l'erreur, comme nous l'avons dit, n'est pas
la sienne.
Le quatrième principe reconnaissant que le terrritoire doit
servir à des fins agricoles, la Loi du zonage agricole s'y appliquera
dans son entier et les acquéreurs de terres devront donc satisfaire aux
exigences de la définition d'un producteur agricole. D'autre part, ce
principe établit que le territoire exproprié en trop doit faire
l'objet d'un programme de relance intensif.
Le cinquième principe établit que s'il y a vente avec
profits, ces profits devront être redistribués par le gouvernement
fédéral. En termes d'équité, ces montants devraient
être distribués aux expropriés eux-mêmes ou à
leurs descendants.
La relance. La définition même du mot relance prend tout
son sens dans le dossier Mirabel. Alors qu'avant l'expropriation cette
région était l'une des plus prospères en agriculture au
Québec, aujourd'hui, nous devons constater l'échec de la gestion
du gouvernement fédéral en ce qui a trait à une saine
exploitation du territoire, et demander, par une commission parlementaire, de
pouvoir établir les modalités d'un plan de relance. Selon nous,
les responsables de cette situation, en l'occurrence le gouvernement
fédéral, devra s'engager financièrement dans la relance de
l'agriculture sur ce territoire. Bien que la gestion fédérale ait
probablement fait perdre à l'économie du Québec des
millions de dollars, entre autres par le manque à gagner au PNB
intérieur - au produit national brut - par une sous-production du sol,
nous croyons que le gouvernement du Québec doit être partie
prenante de la relance agricole. Nous sommes d'avis que le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est le plus apte
à planifier et à mettre sur pied ce plan de relance. Toutefois,
il serait bon que les orientations de ce plan de relance soient définies
par les citoyens et citoyennes du milieu. Pour ce faire, le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation devra, dans une
première étape, recueillir les propositions d'organismes comme
l'UPA des Laurentides et le CIAC.
Nous pouvons d'ores et déjà soutenir qu'une relance d'un
aussi grand territoire implique une action toute particulière. Nous
pensons que le MAPAQ devrait décréter Mirabel zone
spéciale de développement agricole et en être le
maître d'oeuvre. À cette zone spéciale serait
rattaché un fonds de relance dont dépendra l'application des
différents programmes d'aide du ministère. Nous sommes convaincus
que, pour permettre des interventions intensives et soutenues au niveau des
différents programmes d'aide, une zone spéciale et le fonds de
relance sont des outils nécessaires. Car, lorsque les besoins seront
connus, la demande d'aide se fera beaucoup plus pressante sur ces territoires
qu'ailleurs au Québec et il faudra y répondre
adéquatement. Il faut se rappeler que le climat
d'insécurité a empêché les investissements de
beaucoup de producteurs. Lorsque la situation sera clarifiée, ces
producteurs feront appel aux différents programmes. Ainsi, le
gouvernement du Québec doit s'attendre que la rétrocession des
terres aboutisse sur une relance immédiate et intensive afin de
rattrapper le temps perdu, particulièrement dans l'amélioration
du fonds de terre, comme le drainage souterrain et de surface.
D'autre part, la demande de financement sera elle aussi accrue et il
faudra en tenir compte en fonction des disponibilités financières
de l'Office du crédit agricole. Là aussi, pour des raisons
d'efficacité et de rapidité, l'office devra dépendre du
fonds de relance.
Relance agricole et relève agricole sont, dans notre esprit, un
mariage heureux. Nous croyons que la relance d'un territoire agricole doit
nécessairement s'appuyer sur une relève disponible. Un programme
d'action avec des avantages financiers devra donc privilégier la
relève agricole. Toute l'action déterminante pour la relance
agricole repose sur une volonté d'agir du gouvernement du Québec.
Il est clair pour nous que la pierre d'assise de cette relance est le fonds de
relance. Relance signifie investissements financiers et conditions
particulières de rétrocession et de vente intéressante
afin de rendre le territoire de Mirabel attirant.
En ce qui a trait tout particulièrement à la relance
agricole, nous avons réservé un rôle bien précis au
gouvernement fédéral. Nous attendons de lui qu'il contribue
financièrement puisque le besoin vient de sa gestion déficiente.
Ainsi donc, l'importance de son implication financière dépendra
des investissements supplémentaires exigés par la relance. Le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
pourra certainement évaluer cette participation du gouvernement
fédéral.
Conclusion, à la page 31: Ôtez-vous de là. C'est ici
que l'on déroule les tapis de béton pour le progrès qui
s'en vient sur les ailes d'un bel oiseau d'argent.
C'est un peu la promesse que le gouvernement fédéral nous
avait faite en 1969: une promesse de développement économique
pour toute la région. Treize ans ont passé et la
réalité est toute différente du mirage entretenu par le
gouvernement fédéral. Non seulement le développement se
fait attendre, mais on continue d'assister à un grand dérangement
social et économique. Un dérangement social, parce qu'on a pris
en otage une population qui n'avait rien demandé et qui a du subir une
administration et une gestion contraire au progrès promis.
Dérangement économique aussi, parce que, tout en soutenant que
l'aéroport de Mirabel devait devenir la porte de l'Est, le gouvernement
fédéral consacrait l'aéroport de Toronto comme
véritable aéroport international. (11 h 30)
Soyons, cette fois-ci, assez clairvoyants pour ne plus croire que nous
sommes bien servis par le "French Power" d'Ottawa. Voici une preuve
supplémentaire que ce ne sont pas les autres qui feront le
développement
économique du Québec, même si on a l'impression que
ces gens sont des nôtres. Grand dérangement économique
aussi, parce que avant la venue de la grande promesse cette région
était prospère et que, depuis douze ans, l'élément
essentiel de sa prospérité, l'agriculture, est en attente.
L'agriculture doit donc reprendre sa place légitime, et cela, en
bon voisinage avec un aéroport qui n'attend, lui aussi, qu'à
prendre son envol. Cette fois-ci, exerçons nos droits pour que ce
territoire revive comme nous l'entendons. La tutelle a assez duré.
Nous pouvons maintenant répondre en quelques mots aux quatre
points du mandat de cette commission. Premièrement, maintenir la
propriété fédérale en zone non
opérationnelle: c'est un cul de sac. Deuxièmement, 17 000 acres
de terre à des fins aéroportuaires: c'est amplement suffisant.
Troisièmement, la rétrocession doit se faire pour et par la
population impliquée. Quatrièmement, les leviers de la relance
doivent être entre les mains de notre gouvernement et des gens d'ici.
En conclusion, volontairement, nous avons très peu parlé
de la lutte même des expropriés contre le gouvernement d'Ottawa.
Nous croyons qu'ils l'ont fait bien mieux que nous. Ils vous ont exprimé
leurs sentiments; ils vous ont décrit leur histoire. Néanmoins,
nous sommes solidaires de leur lutte. Nous sommes certains que, pour rendre
hommage à ces hommes et ces femmes, vous allez souscrire à notre
idée de remplacer, lors de la rétrocession, les bureaux du
gouvernement fédéral et de sa société par un
musée relatant l'histoire de leur lutte, puisque cette lutte
menée par des gens de ce coin de pays fait désormais partie de
l'histoire de Mirabel et du Québec.
Mirabel, territoire occupé, pour combien de temps encore?
Messieurs, mesdames, merci de nous avoir écoutés.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Boudreau: J'aimerais apporter seulement une petite
précision.
Le Président (M. Rochefort): Allez-y.
M. Boudreau: Vous avez eu deux exemplaires du mémoire. On
avait rédigé un premier mémoire, qui a été
déposé le 8 octobre; après, il y a une remise de la
commission; et, à la fin de septembre, au début d'octobre, les
élections avaient lieu dans tous les comtés du Parti
québécois. Nous avons consulté les nouveaux
exécutifs, qui avaient été élus en septembre et en
octobre. Ce qui fait que, dans le deuxième mémoire qu'on vous a
présenté, il y a eu quelques changements qui ont
été ajoutés après une nouvelle consultation avec
les nouveaux membres qui étaient en place après des
élections. Merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Garon: Messieurs, je désire vous féliciter,
d'abord, d'être venus présenter vous-mêmes votre
mémoire et, en même temps, répondre aux questions des
députés membres de la commission parlementaire, tant du
gouvernement du Parti québécois que du Parti libéral. Nous
n'avons pas eu l'occasion de faire la même chose du côté des
libéraux ou des organismes fédéraux, qui n'ont pas
jugé opportun de venir nous rencontrer. A ce moment-là, c'est
toujours plus facile, voyez-vous, de... Ce n'est pas fini, mais, M. le
Président, je connais un peu la méthode de fonctionnement.
La semaine dernière, le député d'Argenteuil me
demandait de communiquer avec M. Roméo LeBlanc, avec une insistance un
peu vigoureuse, un peu forte. Je suis un homme un peu soupçonneux de
tempérament; alors, je me suis dit: Peut-être que je suis un peu
soupçonneux pour rien. Je n'ai pas dit un mot.
M. LeBlanc était rempli de bonne volonté, à la
veille de la commission, et le député d'Argenteuil,
lui-même, me demandait: Avez-vous communiqué avec M. LeBlanc? J'ai
répondu: Oui. M. LeBlanc est prêt à me rencontrer et j'en
suis très heureux. Évidemment, quand on a voulu fixer le
rendez-vous, les gens de M. LeBlanc n'étaient plus disponibles. J'y suis
habitué. Il a été même impossible de communiquer
avec eux pendant quelques jours, de sorte que les; gens de chez nous ont
reçu instructions, lorsqu'il s'agit du bureau de M. LeBlanc, de
communiquer le plus souvent par écrit, par télégrammes.
Les documents restent. Hier encore, on a essayé de communiquer avec le
bureau de M. LeBlanc, avec son chef de cabinet, qui avait reçu
d'ailleurs notre télégramme. Il a dit: C'est impossible, M.
LeBlanc n'est plus disponible.
J'aimerais souligner aux gens qui sont ici que, des fois, cela donne
l'impression que le ministre fédéral est très ouvert... Je
l'ai connu antérieurement, dans le secteur des pêches, et je ne
prends pas de risque. Je peux vous dire qu'on a communiqué presque tous
les jours de la semaine dernière et de cette semaine par
téléphone ou par télégrammes; je n'ai pu avoir de
rendez-vous avec M. LeBlanc qui n'est plus disponible. Si le
député d'Argenteuil veut recommuniquer avec lui, peut-être
que, d'ici la fin de la journée, il serait encore disponible pour le
temps de la commission. Mais, j'aimerais le faire savoir au public pour qu'il
n'ait pas l'impression que M. LeBlanc est aussi
disponible qu'il le dit. Quant à moi, j'ai dit, encore une fois,
que j'étais disponible pour le rencontrer à Québec,
à Montréal ou à Ottawa. Mais il n'est pas disponible. Son
chef de cabinet m'a dit que la rencontre pouvait avoir lieu la semaine
prochaine mais qu'il ne pouvait pas encore préciser le moment. Je
m'attends que, la semaine prochaine, ce sera encore un autre moment qu'on ne
peut pas déterminer. C'est la méthode de M. LeBlanc que j'ai
connue dans le secteur des pêches.
C'est pour cela que je n'aimerais pas laisser planer des
ambiguïtés. C'est un peu comme ce matin, on a laissé
entendre que j'étais revenu en avion hier d'Europe, du Salon
international de l'Agriculture, en première classe. Le gouvernement ne
loue jamais de billets en première classe; c'est toujours dans la classe
économique. C'était à l'émission de M. André
Arthur, qui est le fils de M. René Arthur, lequel était le chef
de cabinet de M. Jean Lesage. Voyez-vous, cela paraît toujours bien de
laisser entendre des mensonges pour faire croire aux gens que le gouvernement
gaspille des fonds publics, alors qu'au contraire, j'avais un très
mauvais siège, et c'est quelque chose. C'est le mensonge libéral,
où qu'il se trouve, à la radio... Ou encore, c'est Jean
Pelletier, le fils de... Voyez-vous, c'est toujours le fils de quelqu'un...
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, pourrait-on
en venir aux questions au groupe qui est présentement devant nous, qui a
présenté mémoire. Il est sûrement disponible pour
des questions.
M. Garon: Oui. Je vais poser la première question.
Pensez-vous que le gouvernement du Québec doit subventionner seul les
taux d'intérêt sur les prêts agricoles consentis à
ceux qui rachèteront leur terre? L'Office du crédit agricole du
Québec subventionne les taux d'intérêt et ceux qui, lors de
la rétrocession, auront besoin d'un refinancement, pensez-vous que cela
doit être refinancé entièrement par l'Office du
crédit agricole du Québec ou par le gouvernement
fédéral qui est responsable de la rétrocession? Dans
plusieurs cas, des gens auraient à rembourser de forts montants. Le
gouvernement fédéral ne devrait-il pas lui-même
subventionner ou financer la rétrocession des terres à des taux
d'intérêt correspondant aux taux d'intérêt du
crédit agricole; ou encore, dans le cadre d'une entente, prévoir
les sommes nécessaires aux subventions d'intérêts pour la
rétrocession des terres?
M. Lauzon (Denis): Notre idée est assez claire
là-dessus. En 1969, les cultivateurs ont été
expropriés et il y en a qui ont été payés vers
l'année 1975 à aller jusqu'à environ 1978. Ces gens ont eu
un taux d'intérêt sur les sommes dues variant entre 5%, 6% et 7%
au maximum. Il y avait un taux de 6%, je pense. On se pose la question à
savoir pour quelle raison les gens qui se font enlever tous leurs biens de
façon inutile devraient payer des taux d'intérêt
supérieurs au taux qui leur a été payé quand ils se
sont faits enlever tous leurs biens? Cela devrait être supporté
par le gouvernement qui a enlevé les biens des gens. Je pense que le
gouvernement fédéral est en mesure de supporter les mêmes
taux d'intérêt qu'il a payés à l'époque. Il
doit être en mesure de vraiment supporter cela.
M. Goyer (Daniel): Je voudrais ajouter quelque chose, un
complément de réponse. Ce qu'on dit à la page 30, en fin
de compte, du mémoire, c'est que tout excédent financier ou tout
investissement supplémentaire à cause de la relance est à
la charge du gouvernement fédéral. Plus clairement, à
titre d'exemple, si en 1969, ou en 1970, ou en 1971 le gouvernement du
Québec, par l'Office du crédit agricole, avait fait des
prêts à des taux d'intérêt X et que, aujourd'hui, on
doit faire les mêmes prêts à des taux d'intérêt
plus élevés, donc, c'est une charge financière
supplémentaire pour le gouvernement du Québec, cette charge
supplémentaire est aux frais du gouvernement fédéral. Le
principe de base est que si le gouvernement fédéral
n'était pas intervenu, on n'aurait pas investi ces sommes d'argent.
Donc, aujourd'hui, le supplément doit être à la charge du
gouvernement fédéral.
M. Garon: Dans le financement, actuellement, c'est évident
qu'il y a un financement qui est très différent. Si on regarde le
taux fédéral, actuellement, il est à 15,5%. Alors qu'au
Québec, c'est 4 plus... Je pense que le taux préférentiel
est actuellement à 13,75%? Moins 4, ce qui fait 9,75%, sur 2, un peu
moins de 5, cela veut dire 4 plus 4 7/8%, cela veut dire à peu
près 8 7/8%, le taux d'intérêt au Québec à
l'Office du crédit agricole. Dans les sociétés
fédérales, le taux est à 15,5%. Alors, il y a une
différence importante dans le taux d'intérêt. Si on tient
compte que l'expropriation a coûté 156 000 000 $, en incluant
évidemment les honoraires professionnels d'arpentage,
d'évaluation, des notaires, des enregistrements de titre. C'est le
gouvernement fédéral qui a choisi ces professionnels. Je ne sais
pas s'il a l'intention d'inclure les coûts des honoraires professionnels
dans la rétrocession. Il s'agit de montants importants. Il s'agit de la
différence entre 156 000 000 $ moins les honoraires professionnels, cela
veut dire une somme assez importante, cela peut être entre 130 000 000 $
et 140 000 000 $ ou 145 000 000 $, en parlant seulement de la
rétrocession. À ce moment-là, le crédit
agricole du Québec... M. le Président, pourriez demander au
député de Berthier qu'il se tienne tranquille, s'il n'a rien
à dire ou qu'il aille placoter ailleurs.
M. Houde: ... M. le ministre qui n'a rien à dire aille
ailleurs.
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Berthier. M. le député
de Berthier, si vous voulez la parole, vous la demanderez, cela me fera plaisir
de vous l'accorder. M. le ministre, si vous voulez poursuivre.
M. Garon: Voyez-vous, quand on regarde les crédits
agricoles...
Le Président (M. Rochefort}: À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le ministre.
M. Garon: M. le député de Berthier s'illustre par
la vigueur de sa pensée. C'est connu au Parlement.
M. Houde: Cela fait différent de vous...
M. Garon: 140 000 000 $, quand on regarde le crédit
agricole total, vous allez comprendre le raisonnement, évidemment, on ne
peut pas mettre plus de quatre onces dans un verre de quatre onces, vous allez
comprendre le raisonnement, j'en suis sûr, même s'il n'est pas
accessible au député de Berthier. C'est que si la
rétrocession coûte 140 000 000 $, le crédit agricole total
au Québec, les prêts à long terme et à moyen terme
étant de 500 000 000 $, cela veut dire qu'on utilise le tiers du
crédit agricole, à peu près 30% du crédit agricole,
pour les fins de la rétrocession seulement, non pas de la revente. Cela
veut dire qu'au Québec nous serions obligés de ralentir
considérablement le crédit agricole dans l'ensemble du
Québec si on affectait 140 000 000 $ sur 500 000 000 $ dans le cadre
d'une année, pour les fins de la rétrocession. Voilà
pourquoi c'est une question très importante; il s'agit de sommes
considérables. Je pense qu'il faudrait déterminer qui doit
assumer le financement de cette rétrocession. Quand on parle de
rétrocession, l'expropriation globale est de 156 000 000 $. Si le
fédéral parle de revente, il s'agit peut-être de 400 000
000 $ ou de 500 000 000 $ au prix du marché actuel, je ne le sais pas.
Évidemment, on ne peut pas se baser sur des terres comme celles de Great
Lakes Carbon qui ont été expropriées à 210 $ et qui
ont été revendues à 3500 $ l'arpent; je pense bien que ce
n'est pas le cas de toutes les terres. Mais on peut parler d'un montant de
plusieurs centaines de millions dans le cas de revente. Qui devrait assumer le
refinancement agricole de la rétrocession des terres? Voilà une
question fondamentale, en souhaitant qu'il s'agisse de rétrocession.
M. Lauzon: Quant à votre première question,
concernant toutes les dépenses d'experts pour l'évaluation lors
de 1969 et lors de la revente ou de la rétrocession actuelle, ce n'est
pas aux gens à payer cela. Ce n'est pas de la faute du monde si un
gouvernement a vu trop grand. Ce n'est pas aux gens à payer cela. Ce que
les gens doivent payer, c'est l'évaluation qui a été faite
en 1969, ce qui leur appartenait, le montant réel. Toutes les
dépenses inhérentes à cela, ce n'est pas aux gens à
payer cela. Je pense que c'est clair pour tout le monde. Le gouvernement qui a
fait l'erreur doit assumer ses erreurs financièrement.
La deuxième question: Qui devrait financer la revente? Je pense,
et c'est l'idée de mes collègues aussi, que le gouvernement
fédéral devrait assumer le financement. Le fait que le
gouvernement fédéral soit venu exproprier et décide de
rétrocéder ne devrait pas venir perturber toutes les
activités du crédit agricole au Québec. Le gouvernement
fédéral rentrera beaucoup de fonds dans ses coffres quand il va
décider de revendre l'ensemble des 80 000 acres. Il est en mesure
d'attendre pour se faire payer sur une période de 15 ou 20 ans. Il
rentrera de l'argent à la pochetée. Le gouvernement
fédéral a besoin d'argent actuellement. Donc, pour quelles
raisons viendrait-on perturber tout le système normal du crédit
agricole du Québec parce qu'on a fait une erreur à Mirabel? Le
gouvernement fédéral devrait être capable vraiment de
supporter tout cela.
M. Garon: Selon vous, quelles devraient être les
modalités de la rétrocession? Qui aurait le droit de premier
preneur?
M. Lauzon: II est évident pour tout le monde,
peut-être pas pour certains nouveaux arrivants qui ont des amis dans le
régime, que lorsqu'une personne se fait enlever de façon
illégitime sa terre ou sa maison, la simple décence, c'est de lui
offrir d'abord en priorité, à condition qu'elle désire
venir vivre là et venir exploiter pour ne pas venir déranger
inutilement l'occupant de bonne foi. C'est évident pour tout le monde,
la priorité en ce qui concerne les résidences et les terres
agricoles doit être offerte d'abord à l'ancien
propriétaire, à condition qu'il vienne les exploiter ou y
vivre.
Deuxièmement, s'il n'est pas intéressé, c'est
l'occupant actuel, aux mêmes conditions, parce que l'occupant actuel a
fait preuve qu'il est intéressé à créer une vie
sociale dans le coin et cela fait peut-être cinq, dix ou douze ans qu'il
est là. Il devrait avoir les mêmes conditions d'achat, les
mêmes prix. Ceci concerne la ferme.
Au plan des résidences, c'est un petit
peu différent. L'idée générale
développée dans le coin, c'est que le premier choix va à
l'ancien propriétaire. Pour les fermes, on va jusqu'aux enfants. Parce
que c'est quand même un métier d'administrer une ferme. Donc, on
reconnaît les enfants de l'ancien propriétaire en
priorité.
Je reviens au plan des résidences, où c'est un petit peu
différent. Les enfants de l'ancien exproprié seraient en
troisième place prioritairement. On reconnaît plus l'occupant
actuel. C'est ce qui est discuté chez les résidents,
actuellement. On reconnaît l'ancien propriétaire et son
épouse. S'ils ne sont pas intéressés, ce serait l'occupant
actuel qui serait le deuxième. Si l'occupant actuel n'est pas
intéressé au plan des résidences, cela reviendrait aux
enfants de l'ancien exproprié, qui pourraient acheter la maison de leur
père. Finalement, si tout ce beau monde n'est pas
intéressé, ce serait une banque de terres ou de maisons qui
pourraient servir à ceux qui seraient dérangés par la
venue de l'ancien propriétaire.
C'est un peu ce qui est avancé comme toile de fond. Encore
là, il n'est pas de notre ressort de décider cela. Cela sera au
comité mixte d'émettre toutes les priorités, mais nous
vous disons notre avis sur ce sujet, tout simplement.
M. Garon: II n'est pas inutile de dire des choses
évidentes pour tout le monde. Parce qu'il y a bien des choses qui
apparaissent évidentes pour tout le monde, mais qui ne sont pas
nécessairement évidentes au Parlement. Cela dépend
toujours des intérêts que l'on défend, vous savez.
M. Lauzon: C'est vrai.
M. Garon: Les expropriés dont les terres sont
situées dans la zone opérationnelle... On parle de la zone
opérationnelle de 17 000 acres et, en dehors de ladite zone, entre 17
000 et 96 000 acres. Étant donné que les gens du domaine des
transports disent que les 5000 acres actuelles seraient bonnes pour longtemps,
à l'intérieur des 17 000 acres, entre les 5000 acres
utilisées actuellement et les 17 000 acres, pensez-vous qu'il devrait y
avoir aussi une rétrocession ou une location à long terme pour
ceux qui demeurent dans ce territoire? Ou, encore, un bail
emphytéotique? Est-ce une question que vous avez discutée?
M. Goyer: À la page 22 du mémoire, l'on tente d'y
répondre en disant: 6000 acres semblent amplement suffisantes,
actuellement, pour la zone opérationnelle, c'est-à-dire les
pistes de béton et les aérogares. Donc, la différence doit
retourner à l'agriculture. D'ailleurs, cette zone est à haut
potentiel agricole, si on prend le rang Sainte-Marie de ex-Sainte-Monique. Nous
sommes d'avis qu'une ou deux générations peuvent vivre de
l'agriculture sur ce territoire. À ce moment-là, il faudrait
appliquer les modalités du bail emphytéotique ou du bail à
long terme, afin que ces gens puissent faire de l'agriculture.
Quant à nous, c'est évident que la différence entre
ce qui est opérationnel et ce qui est requis pour cette zone
entière, selon le projet initial des 17 000 acres, cela doit être
utilisé à des fins agricoles. Même le gouvernement
fédéral admet que cette zone a un haut potentiel agricole.
M. Garon: Voyez-vous, hier, j'atterrissais à Mirabel et il
y avait un plafond de 100 pieds. C'est la première fois que
j'atterrissais, avec un plafond de 100 pieds, dans un 747. L'avion s'est repris
par trois fois. Il a atterri seulement à la troisième fois. On a
pensé qu'il n'atterrirait pas. Il est remonté deux fois et, la
troisième fois, il a atterri. Je pensais justement à notre
commission parlementaire. Je n'ai pas eu peur pour les silos, ni pour les
granges, ni pour les vaches...
Une voix: Mais la tour...
M. Garon: Mais je pensais à tout cela, parce que cela ne
m'est pas arrivé. C'est la première fois que cela m'arrive et
deux fois dans la même journée. Cela m'est arrivé à
Québec aussi. Atterrir aux instruments et pas de plafond - 100 pieds, ce
n'est pas un plafond - quand tu vois la piste et qu'on est rendu à 100
pieds, on est déjà rendu sur la piste. La principale chose - je
me rappelle, avec les gens qui en parlaient - dont on a eu peur, c'est de
rentrer dans l'hôtel ou de rentrer dans la tour. Personne n'a eu peur des
champs ou des cultivateurs parce qu'il y avait un brouillard
épouvantable. Au fond c'est peut-être pour cela que les gens qui
travaillent dans le domaine de l'aéronautique disent que les usages les
plus compatibles avec un aéroport sont les usages agricoles parce que
les usages agricoles - même jusqu'au bord des pistes - ne
dérangent pas les avions. Il peut arriver occasionnellement qu'un
cultivateur passe avec son tracteur. Mais encore là, ce n'est pas une
hauteur considérable un cultivateur sur son tracteur, surtout quand on
connaît les heures où il n'y a pas d'atterrissage.
M. Goyer: Si vous permettez, M. le ministre. D'autant plus que
les documents du gouvernement fédéral prévoient des zones
industrielles connexes à l'aéroport dans la zone même
opérationnelle de l'aéroport. Ce n'est pas nous qui disons cela,
c'est le gouvernement fédéral. C'est à partir de là
qu'on dit que le PICA devrait être inclus
dans cette zone pour des raisons de développement de ce fameux
PICA mais aussi pour des raisons logiques. D'ailleurs le MATAC A et le MATAC B
sont dans la zone opérationnelle.
M. Garon: De quels droits, selon vous, devraient jouir les
occupants, c'est-à-dire ceux qui sont locataires actuellement mais qui
n'ont pas été expropriés?
M. Lauzon: Tantôt, dans les priorités, nous avons
parlé de cela. On reconnaît des droits à ceux qui sont
occupants actuellement, qui sont occupants de bonne foi. Il n'y avait pas de
politique. Il y a des gens qui sont partis parce qu'il n'y avait pas de
politique. C'est dans ce sens-là qu'on dit qu'on devrait offrir d'abord
à l'ancien propriétaire de racheter son entreprise. S'il n'est
pas intéressé pour toutes sortes de raisons, c'est l'occupant qui
est là actuellement, de bonne foi, qui aura les mêmes droits que
l'ancien propriétaire. C'est reconnaître ses droits. Je pense que
c'est une logique élémentaire. Par contre, il se peut qu'il y ait
des gens qui ont eu de bons tuyaux, qui soient les amis du régime. Ils
pourraient devenir de bons résidents aussi, à un moment
donné. Une fois qu'ils seront minoritaires dans le coin peut-être
qu'ils partiront de bonne foi aussi, quand ils vont se sentir de trop.
J'habite sur la rue Belle-Rivière à Sainte-Scholastique.
Quand on sort le matin on voit quatre sortes d'individus. On voit des gens qui
sont des anciens expropriés qui habitent encore là. On voit des
gens qui sont des anciens expropriés et qui croient que l'avenir est
peut-être avec une société fédérale - on a
réussi avec tous les achats de conscience à faire croire à
des gens que l'avenir est peut-être là. On rencontre aussi des
gens qui travaillent à la Société immobilière du
Canada et qui n'habitent pas dans le coin. On rencontre des gens qui sont des
fonctionnaires et qui sont voisins de chez nous. Cela fait une drôle de
vie sociale, dans un village. Tout le monde se rencontre. Il y en a qui ne se
regardent pas. Il y en a qui se regardent parce qu'ils ont des liens, des
intérêts communs. C'est une drôle de vie sociale.
Moi-même et bien des gens avons hâte que cela cesse, que les gens
soient chez eux. On a hâte d'avoir une vie normale dans un village.
Actuellement cela n'est pas normal. C'est un village en tutelle, tout
simplement. Je ne sais pas si cela répond à votre question des
droits qu'on reconnaît aux occupants. Les occupants de bonne foi ont leur
place dans les priorités. Il faut respecter d'abord la personne à
qui on a enlevé les biens de façon illégitime. Je pense
que cela est fondamental.
M. Garon: II y a une question que je voudrais vous demander.
Considérez-vous le CIAC comme un organisme représentatif dans le
milieu de Mirabel.
M. Lauzon: Actuellement le CIAC doit avoir environ 900 membres.
Il regroupe trois associations: l'association des locataires et des
commerçants - ce n'est pas la chambre de commerce, c'est une autre
association -tous les agriculteurs qui ont été expropriés
et qui sont résidents. Il y a aussi les anciens expropriés qui
sont partis de Mirabel. Ce sont les trois associations qui se sont
regroupées pour fonder une fédération qui s'appelle le
CIAC. Cela représente toutes les personnes... Ce n'est pas tout le monde
qui est membre; il y en a qui ont des intérêts avec le
régime actuel, donc, ils ne se tiennent pas avec le CIAC. Mais le CIAC
est quand même un organisme de référence, dans le coin, qui
représente les gens. (12 heures)
M. Goyer: Je voudrais demander si la liste des membres du CIAC
est disponible et si les autres organismes qui se disent représentatifs
ont une liste de membres et si elle est disponible et publique? Là, on
pourrait déterminer lequel ou lesquels sont les plus
représentatifs. Si le groupe ALARM prétend qu'il est
représentatif sur le territoire, qu'il dise combien il a de membres et
quels sont ses intérêts par rapport aux gens du CIAC qui ont 800
ou 900 membres et qui représentent l'ensemble. À ce
moment-là, on pourra déterminer lequel ou lesquels parmi les
organismes sont les plus représentatifs. À notre point de vue,
dans le mémoire, on prétend que l'organisme le plus
représentatif du milieu est le CIAC et ses membres.
M. Garon: C'est un peu délicat pour moi de demander les
listes de membres.
Une voix: ... vous n'en avez pas?
M. Garon: Si, éventuellement... j'ai une liste assez
complète des fonctionnaires fédéraux ou de la
Société immobilière du Canada qui sont locataires. Je ne
dis pas que je ne l'utiliserai pas. Mais utiliser les listes de membres des
organismes, c'est un peu délicat.
Une voix: Surtout de les annoter.
M. Garon: C'est parce que certaines gens, qui ne sont pas
très loin de moi à l'heure actuelle, disent parfois que ce sont
plutôt des péquistes qui sont dans le CIAQ.
M. Mathieu: Le CIAC.
M. Garon: Le CIAC, pardon, serait surtout une organisation
péquiste. C'est pourquoi je vous pose la question. Vous,
étant des gens du Parti québécois,
considérez-vous le CIAC comme un organisme représentatif ou
uniquement un organisme politique?
M. Goyer: II est vraiment représentatif et
représente tout le milieu, et tout le milieu ce sont des citoyens
à part entière. Ces citoyens à part entière,
à la dernière élection dans le comté d'Argenteuil,
dans Mirabel, ils ont même voté majoritairement pour le Parti
québécois. Donc, il serait normal que si les gens votent à
48% pour le PQ dans le comté d'Argenteuil, section Mirabel, il y ait une
représentativité de ces électeurs à 48% dans le
groupe du CIAC. Si ce sont les mêmes gens. Mais ça ne veut pas
nécessairement dire qu'ils sont des membres ou des gens du PQ.
M. Garon: Aux élections fédérales, est-ce
qu'ils donnaient une majorité libérale?
M. Goyer: Bien, il faudrait savoir s'il y a une véritable
opposition.
M. Garon: À ce moment-là, voyez-vous...
M. Lauzon: Un petit complément de réponse.
Connaissant beaucoup de membres du CIAC, je dirai qu'on retrouve à
l'intérieur du CIAC les deux allégeances politiques. Ce n'est pas
un organisme péquiste et ce n'est pas un organisme libéral.
D'ailleurs, le CIAC, que je sache, collabore très bien avec M. Ryan dans
ce dossier-là, tout comme il collabore avec le parti au pouvoir
actuellement. Ce que les gens visent, c'est de régler les
problèmes. Ils ne veulent pas faire de la politique; il s'agit de
régler les problèmes et d'être chez nous à long
terme. C'est ça que les gens visent. D'ailleurs, à ma
connaissance, lorsqu'il y a eu décision de la commission parlementaire -
ça date de l'été passé - les deux partis politiques
étaient représentés à cette rencontre-là. Il
n'était pas question de faire de la politique.
M. Garon: Non, mais c'est bon que ce soit dit publiquement pour
que, éventuellement, quand c'est nécessaire, on puisse y
référer aussi. Au nombre de personnes que j'ai vues dans les
salles, je serais bien heureux que toutes aient été
péquistes, mais chaque fois que je suis allé à Mirabel, je
les trouvais très nombreux.
M. Lauzon: Si vous me le permettez, M. Garon, un membre du CIAC
est dans la salle et il vient de me montrer sa carte de membre du Parti
libéral. Donc, s'il y en a qui se posent la question des
allégeances du CIAC, il y a un membre du CIAC dans cette salle dont j'ai
vu la carte de membre du Parti libéral. Il y a des péquistes mais
il y a aussi des libéraux.
M. Garon: J'allais dire que celui-là est quasiment
masochiste. Je vous remercie, monsieur.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je vais vérifier si votre carte est en
règle. La personne qui a envoyé sa carte... Il y en a plusieurs
qui sont en retard dans le coin. Je suis sûr que c'est la même
chose de l'autre côté par les temps qui courent et d'après
les réactions qu'on entend. Cela se peut.
Je pense qu'il faut être tolérant à l'endroit de
l'intervenant précédent. Le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation nous a dit qu'il rentrait de voyage hier.
Par conséquent, il a été absent depuis la dernière
réunion. Il a eu des difficultés d'atterrissage, un peu comme son
gouvernement. Il n'était pas tout à fait en forme ce matin, comme
vous avez pu le constater. On a eu un exercice que je qualifierais
charitablement de "brettage" intellectuel, il est mieux que cela d'habitude. Je
comprends volontiers les circonstances dans lesquelles il est venu nous
rencontrer ce matin. Je pense que c'est bon qu'il soit avec nous. On continuera
l'exercice de la manière la plus consciencieuse possible.
Une voix: Un peu comme André Arthur.
M. Ryan: J'ai bien apprécié ce qui a
été soumis. C'est évidemment un mémoire que je
considère personnellement assez inégal. Il y a des parties qui
sont bonnes, d'autres parties qui sont plutôt discutables ou faibles au
moins au chapitre de la démonstration. Je vais vous adresser un certain
nombre de questions qui vont peut-être nous permettre de clarifier
davantage notre perception de votre point de vue.
Est-ce que j'ai bien compris la présentation tantôt? C'est
seulement pour mon information. M. Boudreau, vous êtes de L'Assomption,
je crois que vous avez présenté tantôt M. Lauzon comme un
exproprié.
M. Boudreau: Oui.
M. Ryan: Est-ce que c'est bien le cas, M. Lauzon?
M. Lauzon: Oui. J'habite à Mirabel, à
Sainte-Scholastique, depuis 1964 et, que je sache, c'est un village
exproprié actuellement.
M. Ryan: Vous étiez propriétaire et vous avez
été exproprié en bonne et due forme?
M. Lauzon: J'étais locataire en 1964. Je me suis
marié en 1964 et j'habite là depuis 1964.
M. Ryan: Vous n'avez pas été exproprié?
M. Lauzon: Je devais bâtir une maison en 1969.
M. Ryan: Mais vous n'avez pas été exproprié,
par conséquent.
M. Lauzon: Je suis un locataire exproprié.
M. Ryan: Très bien, locataire... M. Lauzon:
Oui.
M. Ryan: ... d'une maison qui fut expropriée...
M. Lauzon: C'est cela.
M. Ryan: ... et qui ne vous appartenait pas à ce
moment.
M. Lauzon: Oui.
M. Ryan: Très bien. J'en reviens au mémoire
lui-même. Le premier point qui m'intéresse, ce sont les
considérations que vous apportez sur l'état de l'agriculture a
Mirabel. C'est l'objet premier du travail de la commission, c'est pour cela
qu'elle s'appelle la commission de l'agriculture. Elle est censée se
pencher sur l'état de l'agriculture à Mirabel. Je constate que
c'est un des aspects qui ont peut-être le moins fait l'objet des
délibérations de la commission jusqu'à maintenant. J'ai
regardé votre mémoire avec intérêt en
espérant trouver là-dedans des données
intéressantes et utiles. Je vous dirai franchement que j'ai l'impression
d'avoir trouvé plutôt dans votre mémoire des
considérations générales, de type un peu facile, un peu
moralisateur même sur les bords. Cela ne nous renseigne pas beaucoup sur
l'état de l'agriculture à Mirabel. Je n'en fait pas un reproche,
parce que je ne pense pas qu'un parti politique ait nécessairement tout
ce qu'il faut pour présenter un tableau complet. Mais je voudrais
signaler au ministre à ce sujet que, même dans le document qu'il
nous a soumis au nom du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation, intitulé Le défi de Mirabel, la
présentation des données sur la situation réelle de
l'agriculture à Mirabel laisse beaucoup à désirer.
D'ailleurs, les auteurs le disent eux-mêmes qu'ils disposaient de
données très limitées pour présenter un tableau
complet. On a un beau document de près de 80 pages, mais si vous
cherchez des données précises sur l'état de l'agriculture,
cela se ramène peut-être à quatre, cinq pages
là-dedans. C'est une suggestion que je vous fais, pour une séance
ultérieure de la commission, à supposer que celle-ci continue,
c'est qu'il serait très désirable que nous ayons des experts du
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui
viennent nous présenter avec plus de précision la situation
réelle de l'agriculture à Mirabel. C'est un point qui a fait
défaut jusqu'à maintenant dans nos audiences. Ceux de la
région qui sont ici auront pu le constater autant que moi.
M. Garon: M. le Président... M. Ryan: Et je le
dis...
M. Garon: M. le Président, sur un point de
règlement. Je ne voudrais pas que le député d'Argenteuil
induise les gens en erreur. Le ministère a fait une demande à
Statistique Canada pour avoir les données réservées aux
expropriés; Statistique Canada a dit que les données ne seront
pas disponibles avant huit mois. C'est un peu la raison pour laquelle les
données plus spécifiques... Il n'y a pas de zone de statistiques
particulière aux expropriés de Mirabel faites par le gouvernement
fédéral, qui établit les zones de statistiques. Par
ailleurs, pour les gens qui sont allés sur le territoire et qui
l'observent, il y a un certain nombre de données - je ne dis pas qu'il
n'y a pas de données du tout - qui apparaissent dans le document et
c'est facile de voir que l'agriculture n'est pas en accroissement
accéléré à Mirabel; elle n'est pas très
dynamique, comparée avec ailleurs et à ce qu'elle était
auparavant.
Si vous avez des influences que nous n'avons pas auprès de
Statistique Canada, cela nous fera plaisir de pouvoir bénéficier
des sources d'information du recensement fédéral qui a
été fait, d'ailleurs, en 1981. Ce serait facile de comparer 1961,
1966, 1971, 1976 et 1981, mais les données ne sont pas disponibles
à l'heure actuelle.
M. Ryan: Je voudrais simplement signaler, à l'attention du
ministre, qu'il n'a probablement pas eu le temps d'en prendre connaissance
parce qu'il était pressé, mercredi dernier et, aujourd'hui, il
est fatigué. Je voudrais signaler à son attention qu'on a
déposé, la semaine dernière, des documents de la
Société immobilière du Canada. Il y en a un qui est
intitulé - c'est 47-MA - Profil agricole du territoire sous la
juridiction de la Société immobilière du Canada, et, dans
lequel document, on trouve une quatité assez impressionnante de
données statistiques reposant, justement, sur les éléments
tirés du recensement 1981 de Statistique Canada.
M. Garon: C'est exactement... Je suis content de voir que le
député d'Argenteuil l'ait dit. La Société
immobilière du Canada a eu accès à un document de
Statistique Canada plus que le ministère de l'Agriculture du
Québec. C'est un peu ce que... Vous pouvez le constater vous-même.
Je suis content, j'allais le dire, mais de crainte d'être accusé
de partisanerie, je ne l'ai pas dit.
M. Ryan: Vous n'auriez pas dû.
M. Garon: On venait, justement, de m'en informer, mais j'ai omis
ce bout et je suis content de constater et que vous constatiez vous-même
que la Société immobilière du Canada a eu accès au
document statistique dont le ministère de l'Agriculture, n'a pas pu
disposer de la part de Statistique Canada avec le recensement.
M. Ryan: Le ministre m'étonne en disant qu'il a voulu
s'abstenir de partisanerie parce que c'est tout ce qu'il a fait depuis le
début de la matinée, de la partisanerie.
Les données sont disponibles, on les a dans un document qui a
été déposé ici. Ce n'est pas moi qui l'ai
inventé, j'ai regardé cela, je me suis dit: Tiens, on a toutes
sortes de données. On compare, là-dedans, le développement
de l'agriculture dans la région de Mirabel, à la fois la
région aéroportuaire et la zone périphérique. On
présente des données comparatives avec une autre région
comparable à plusieurs points de vue, la région de Joliette et,
en plus, avec l'ensemble du Québec. Il me semble que cela serait bon si
les experts du ministère de l'Agriculture venaient nous dire, à
une prochaine séance, ce qu'ils pensent de ces données. Comment y
a-t-il lieu de les interpréter, à leur point de vue? Je crois
qu'on est en train de confondre deux problèmes.
Il y a, d'abord, le problème de la qualité, de
l'état de développement de l'agriculture dans le territoire de
Mirabel. Deuxièmement, il y a le problème du statut des
exploitants agricoles. Je vois des personnes qui sourient. J'en connais qui ont
des fermes remarquablement bien exploitées. Cela est une autre question,
mais je crois qu'il faut distinguer très nettement les deux et je pense
que, dans le mémoire que vous avez présenté, il n'y a pas
beaucoup de lumière sur l'état de l'agriculture,
véritablement. Je ne sais pas si vous croyez que je suis injuste en
disant cela; j'aimerais beaucoup que vous me le disiez. (12 h 15)
M. Goyer: Comme vous le dites si bien, il est évident que
le Parti québécois n'a pas les ressources financières ni
le personnel pour faire des recherches approfondies, dans ce sens. C'est
pourquoi on s'est appuyé sur des documents publics, les documents
disponibles. Un des documents publics et disponibles, c'est le document du
ministère de l'Agriculture ou du Comité agricole, dans le temps,
qui a fait une recherche sur le territoire. L'autre document disponible qu'on
avait, c'est le document de recherche de M. Bouvette et de Mme Bergeron. C'est
à partir de ces données, plus le vécu qu'on voit nous
aussi de nos propres yeux, qu'on en est arrivé aux conclusions que vous
avez dans le chapitre 1 lorsqu'on dit que l'agriculture est en attente.
D'après les personnes que je connais, il me semble
qu'effectivement l'agriculture est en attente. Les gens hésitent avant
de faire un investissement sur le fonds de terre qui ne leur appartient pas
parce que, justement, les garanties ne sont pas là, garanties qui
devraient normalement être faites par le gouvernement
fédéral et que ce dernier tarde depuis treize ans à
établir. Je pense que l'étude de Mme Bergeron et de M. Bouvette
dit qu'à un moment donné, il y a une augmentation, il y a une
croissance de la production de céréales ou de foin et une
diminution de l'industrie laitière. Connaissant un peu le milieu
agricole, il me semble que l'industrie laitière est une production
à investissements énormes, ce qui n'est pas nécessairement
le cas pour la culture ou les grandes récoltes.
À titre d'exemple, j'ai même de la parenté qui loue
onze terres sur le territoire agricole exproprié de Mirabel. Cette
personne est partie de l'industrie laitière pour s'adonner à la
culture du foin et des céréales. Son investissement est
très minime. Elle loue des terres, plante la luzerne, le grain et le
blé et en récolte immédiatememt le profit; ce qui n'est
pas le cas pour l'industrie laitière quand on fait un investissement en
drainage souterrain ou en fossés.
M. Ryan: Là-dessus, pourrais-je formuler une demande
à l'endroit du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation? Ce matin, plus tôt, nous avons entendu des experts du
ministère des Transports qui sont venus nous donner leurs impressions et
leurs opinions sur un document du gouvernement fédéral auquel il
avait été fait allusion à une séance
précédente. Je crois qu'il serait très important qu'on
puisse avoir ici la version la plus complète possible des experts du
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sur
la situation à la fois objective et comparative de l'agriculture dans le
territoire. C'est une demande que j'adresse au ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation. Pourrions-nous compter sur une
collaboration comme celle-là de la part de son ministère
peut-être en vue d'une prochaine séance de la commission?
M. Garon: M. le Président, j'aimerais vous donner une
information antérieurement. Si vous remarquez, dans le document de la
Société immobilière du Canada, qui a été
déposé à cette commission par vous-même...
M. Ryan: Quel document? Je ne sais pas de quel document il
s'agit. Je ne peux pas vous répondre.
M. Garon: Celui de la Société immobilière du
Canada. Il y a un document là-dedans, avant les données
statistiques. Vous allez voir à quel point le comportement est
spécial. C'est une lettre de M. Roméo Cinq-Mars, coordonnateur,
recensement de l'agriculture, datée du 27 septembre 1982, et
adressée à M. Alain Gagnon, de la société SORECOM.
C'est quelque chose, la société SORECOM, une
société qui fait des sondages: "Cher monsieur Gagnon, la
présente sert à vous énoncer les raisons qui peuvent
expliquer une divergence apparente entre les données du recensement 1981
et les données administratives que vous possédez quant au nombre
et à la superficie des exploitations dans le territoire de Mirabel",
etc. Il compare ces données du recensement de 1981 avec celles de la
Société immobilière du Canada. C'est le même M.
Cinq-Mars qui a dit que cela prendrait huit mois au ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec pour
obtenir les données.
Si vous trouvez cela normal, comme député d'Argenteuil,
que la société SORECOM ne semble pas avoir de problème et
que la Société immobilière du Canada ne semble pas avoir
de problème avec le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, parce qu'il y a des
ententes sur le plan statistique entre le gouvernement fédéral et
le gouvernement provincial, lui ne devrait pas avoir de statistiques avant huit
mois. De toute façon, je laisse les gens évaluer votre
comportement, mais moi, je considère cela complètement
anormal...
M. Ryan: Je ne suis pas inquiet. M. Garon: ... à ce
point de vue.
M. Ryan: Pourriez-vous répondre à la question?
M. Garon: Oui, j'ai répondu. Vous avez le document que le
ministère a publié avec le mandat de la commission. Je pense
qu'avec les témoignages des gens qui sont venus présenter des
mémoires, lesquels ont été présentés par des
gens du territoire... Le but de la commission était d'interroger les
gens du territoire et non pas d'interroger des gens du ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Le but d'une
commission parlementaire, pas d'une commission administrative, puisque
l'administration relève du gouvernement, est de se renseigner
auprès des intervenants du territoire, auprès de gens
représentatifs du territoire. Je pense que les informations qu'on peut
obtenir des gens du territoire, on ne pourrait pas les obtenir de la même
façon du ministère de l'Agriculture. Qui serait à
même d'avoir les données, alors que le gouvernement
fédéral n'a pas voulu donner des statistiques, qu'elles ne sont
pas encore disponibles pour nous, les données du recensement de 1981?
Tout ce qu'on pourrait avoir, ce sont des impressions; or, cela prend des
compilations statistiques pour avoir de véritables données. Je
pense que le député d'Argenteuil va à la pêche en
eau trouble en essayant de poser une telle question, alors qu'il ne s'est pas
trouvé plus surpris que cela que la Société
immobilière du Canada, comme tous les organismes fédéraux
intéressés, qu'aucun organisme qui a accès directement aux
sources n'ait voulu venir devant la commission. Je ne voudrais tromper personne
toutefois et que la victime devienne l'accusé, c'est un peu le jeu
qu'essaie de jouer le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais vous rappeler, M. le Président, que
c'est moi qui avais la parole, je ne pensais pas que cela prendrait autant de
temps au ministre pour me dire qu'il était incapable de fournir les
renseignements dont nous avons besoin. C'est bon que nous soyons tous
témoins de cela. Il y a beaucoup de perte de temps, ici, mais il me
semble que c'est court de dire: Oui, on va y aller. Quand j'entends le ministre
nous dire qu'ils n'ont pas les données, je trouve cela assez
fantastique. Vous avez des agronomes sur le terrain qui sont très au
courant, M. le ministre, qui pourraient nous apporter une contribution
précieuse ici. Ils connaissent les fermes l'une après l'autre.
Vous le savez comme moi. Ils n'ont peut-être pas les données de
Statistique Canada, ce n'est pas cela qui est le plus important. Les
données de Statistique Canada sont déjà très
éloignées de la réalité à bien des points de
vue. Il me semble que le fait d'avoir le témoignage de ces gens
viendrait compléter le tableau général que vous nous avez
donné et apporter des précisions qui ont fait défaut
jusqu'à maintenant dans les présentations qui ont
été faites ici. Si les gens viennent et nous disent:
Là-dessus, on ne peut pas vous le dire, on comprend qu'ils ne peuvent
pas nous le dire très bien, mais ils peuvent nous apporter bien des
éléments. Je suis un peu étonné de votre
réponse. Je voudrais ajouter deux ou trois points seulement pour
nettoyer cela. D'abord, vous avez laissé entendre tantôt que ce
serait moi qui aurais déposé une lettre en provenance de la
Société immobilière du Canada. C'est faux.
M. Garon: Non, ce n'est pas vous.
M. Ryan: La lettre a été déposée...
Je n'ai jamais reçu de mandat de déposer...
M. Garon: J'ai dit...
M. Ryan: ... des documents ici de la part de la
Société immobilière du Canada. Le document a
été déposé régulièrement. Je crois
que c'est une lettre qui a été adressée au
secrétariat des commissions ou à la présidence qui a
été déposée ici. Je ne voudrais pas que vous
laissiez insinuer des choses comme celle-là, parce que cela fait partie
de l'univers dans lequel vous vous complaisez et qui vous éloigne trop
souvent des réalités au lieu de vous en rapprocher.
M. Garon: M. le Président, je me suis
référé à une lettre qui fait partie...
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Ryan: Qui a la parole, M. le Président?
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que je peux la
prendre. Mais j'allais...
M. Ryan: Je suis prêt à le laisser m'interrompre,
parce que c'est un bon type, au fond.
Le Président (M. Rochefort): Vous aviez terminé
cette partie?
M. Ryan: Oui, oui.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, une
réponse?
M. Ryan: Je n'ai pas terminé, remarquez-bien, j'ai
été interrompu.
M. Garon: Non, je veux tout simplement rectifier...
Le Président (M. Rochefort): Je pensais que vous acceptiez
qu'il vous réponde et que vous étiez pour poursuivre.
M. Ryan: Oui, très bien, mais sur ce point-ci.
M. Garon: Je veux rectifier ce qu'a dit le député.
Je me suis référé à une lettre de M. Cinq-Mars qui
se trouve à l'intérieur de documents de la Société
immobilière du Canada. Je n'ai pas dit que le député avait
déposé la lettre. Je me suis demandé si c'était un
document qu'il avait déposé, parce qu'il y a certains documents
du gouvernement fédéral qui ont été
déposés par le député d'Argenteuil. Je ne l'ai pas
affirmé et j'ai su, par après, que ce n'était pas lui qui
avait déposé le document de la Société
immobilière du Canada. Mais c'est lui qui avait déposé le
document du ministère des Transports du Canada. Or, voyez-vous, à
travers des documents, de temps en temps, les documents du
fédéral sont déposés par le député
d'Argenteuil et, de temps en temps, ce n'est pas lui. Dans ce cas, je voulais
dire que ce n'était pas lui. La lettre à laquelle je me
référais fait partie du document de la Société
immobilière du Canada.
M. Ryan: Cela règle le problème. Très
bien.
Le Président (M. Rochefort): Oui, d'autant plus que je
voudrais vous signaler qu'il reste une trentaine de minutes à la
commission et qu'il y a deux autres intervenants qui ont demandé
à interroger le groupe qui est présentement devant nous.
M. Ryan: Moi, je viens à peine de commencer.
Le Président (M. Rochefort): Oui, exactement.
M. Ryan: Je voudrais seulement apporter une dernière
précision. Le ministre nous dit qu'il a essayé d'obtenir de
Statistique Canada les données relatives à l'agriculture 1981 et
qu'il n'a pas pu les obtenir.
M. Garon: M. le Président, j'ai dit "des fonctionnaires de
mon ministère", je n'ai pas dit "le ministre".
M. Ryan: Est-ce que le ministre pourrait nous produire toute
correspondance qui aurait été échangée à ce
sujet pour faire la preuve de cela de manière irréfutable? Est-ce
qu'il y a des lettres qui ont été envoyées? Est-ce qu'il y
a des demandes formelles qui ont été faites? Est-ce que vous avez
apporté votre appui à ces demandes ou si ce sont toutes des
choses en l'air comme vos conversations avec le ministre
fédéral?
M. Garon: Vous savez, les gens du bureau des études
économiques du ministère de l'Agriculture, M. le
Président, communiquent assez souvent et même
régulièrement, surtout ces temps-ci, ils doivent communiquer de
façon quotidienne avec les gens de Statistique Canada ou les gens de la
statistique au ministère de l'Agriculture du Canada. Il y a de fortes
chances que tout cela soit fait verbalement, et cela se fait
régulièrement. C'est là la façon ambiguë du
député d'Argenteuil de poser des questions. À moins que,
dans tous
les cas, l'on communique avec le gouvernement fédéral, il
faut communiquer par écrit pour en faire la preuve
éventuellement, il est évident que, dans les communications avec
le gouvernement fédéral pour des fins de statistiques, les gens
communiquent régulièrement par téléphone. Je
communique de plus en plus par écrit parce que, ayant connu la
façon d'agir du Parti libéral, provincial et
fédéral, je ne prends plus de chance, je communique de plus en
plus par écrit, pour ces raisons.
M. Houde: Depuis quand?
M. Garon: Depuis quelque temps.
M. Houde: Quelque temps, c'est quoi? Est-ce un mois, deux mois,
un an, quelque temps, c'est vague, il me semble, M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, ce que je comprends mal,
là on préparait une commission parlementaire très
importante, je me rappelle le contexte dans lequel cette idée a
été lancée, cela a été rappelé
tantôt par M. Lauzon, vous avez eu tout le temps voulu pour vous
préparer. Il me semble que les données dont on parle,
c'était capital et cela valait au moins une lettre du ministre, il est
certain, pour appuyer les demandes qui étaient faites par ses
fonctionnaires. Il vient nous dire aujourd'hui: On a demandé, on n'a
rien eu. Nous, on se fait déposer ici un document dans lequel il y a
toutes ces données qui...
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre:
M. Ryan: En tout cas, si le ministre a de la correspondance,
j'aimerais qu'il la dépose. S'il n'en dépose pas, nous pourrons
conclure qu'il n'y en a pas.
Le Président (M. Rochefort): Ceci étant dit, je
voudrais rappeler que le mandat de la commission est d'entendre des organismes,
il y en a un qui est devant nous et qui est prêt à répondre
aux questions qui devraient lui être adressées.
Deuxièmement, je veux vous signaler que, contrairement à
ce que je vous ai dit tantôt, le mandat de la commission est de suspendre
nos travaux à 12 h 30. Il est effectivement 12 h 30. D'autant plus qu'on
m'informe qu'on doit procéder à des aménagements de la
salle où l'on doit accueillir un autre groupe avant que nous reprenions
nos travaux après la période des questions. À moins d'un
consentement qui pourrait peut-être causer des problèmes à
l'équipe qui doit aménager différemment la salle, il
faudrait que nous suspendions nos travaux maintenant jusqu'à cet
après-midi, après la période des questions.
Cela va-t-il?
M. Ryan: M. le Président, si les témoins qui sont
devant nous n'ont pas d'objection...
Le Président (M. Rochefort): Vous pouvez revenir?
M. Ryan: ... on pourra reprendre cela cet après-midi, pour
moi, cela va très bien.
Le Président (M. Rochefort): La commission suspend ses
travaux jusqu'après la période des questions, vers 16 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 28)
(Reprise de la séance à 16 h 51)
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît:
La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux, toujours aux fins d'entendre les personnes
et organismes sur la question des terres expropriées en trop de
Mirabel.
Les membres de la commission pour cette séance sont les suivants:
MM. Baril (Arthabaska), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Beauséjour
(Iberville), Dupré (Saint-Hyacinthe), Gagnon (Champlain), Garon
(Lévis), Houde (Berthier), Dean (Prévost), Ryan (Argenteuil),
Mathieu (Beauce-Sud), Vallières (Richmond).
Les intervenants sont: Mme Bacon (Chomedey), MM. Bisaillon
(Sainte-Marie), Blouin (Rousseau), Fallu (Groulx), Dubois (Huntingdon), Mme
Juneau (Johnson), MM. Lachance (Bellechasse), LeMay (Gaspé), Middlemiss
(Pontiac), Picotte (Maskinongé).
À la suspension de nos travaux, nous en étions à la
période des questions avec les représentants du Parti
québécois de la région Laurentides-Lanaudière. La
parole était au député d'Argenteuil.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de retrouver
les représentants du Parti québécois de la région
Laurentides-Lanaudière. On va continuer dans la veine des questions que
nous avions commencé à aborder ce matin.
À la page 14 de votre mémoire, vous parlez du PICA. Vous
semblez dire que le problème du PICA est uniquement un problème
de déménagement d'emplacement, comme si, en le situant ailleurs,
les choses pourraient mieux aller. Est-ce que vous êtes conscients que le
PICA, finalement, après avoir entraîné des millions de
dollars de dépenses, n'a jamais donné lieu au moindre
investissement? Vous dites justement dans
votre mémoire, d'ailleurs, que cela ne peut être
attribuable seulement au fait que l'autoroute 13 n'a pas été
construite.
J'aimerais savoir comment vous envisagez l'avenir du PICA. Est-ce qu'il
ne serait pas préférable de mettre tout simplement un point final
à cette aventure, quitte à ce que la ville de Mirabel, comme les
autres municipalités, prenne ses responsabilités en
matière de développement industriel ou si vous pensez que cela
doive être maintenu? À quel coût, à ce
moment-là?
M. Goyer: Pour nous, il est évident que sa situation
géographique est un point, comme vous le dites et comme on le dit dans
le mémoire. Il y a peut-être aussi le fait que les terrains n'ont
pas pu être à vendre pour les industriels. Il y a aussi eu
l'autoroute 13, enfin, plusieurs phénomènes. Mais ce que nous
disons dans le mémoire, c'est que le gouvernement fédéral,
par l'entremise de feu le ministère des Affaires urbaines du Canada,
avait identifié une zone industrielle à l'intérieur
même de la zone opérationnelle de Mirabel. C'est, d'ailleurs, la
carte de la page 12 du mémoire. Sur cette carte, vous voyez - je pense
que c'est le symbole no 10 - que même le fédéral
identifiait en 1978 une zone industrielle dans la zone opérationnelle.
On dit que, si le PICA n'a pas vu à son développement pour garder
la prédominance industrielle du Québec au niveau du
transbordement et de la distribution des marchandises par l'aéroport, on
devrait développer cette zone-là, ce qui ne met pas en doute la
possibilité que la ville de Mirabel ait son parc industriel, bien
sûr.
M. Ryan: Là-dessus, M. le Président, si vous me
permettez une suggestion, la semaine dernière, nous avons reçu,
ici à la commission, à titre de courtoisie, le ministre des
Transports, qui est venu donner ses commentaires sur un projet qui avait
été soumis par la ville de Lachute dans le cadre des
préoccupations générales de la commission. Je me demande
s'il serait possible que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation demande à son collègue, le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, de préparer un rapport à
l'intention de cette commission sur l'expérience du PICA, sur les
perspectives d'avenir de cet organisme comme elles sont vues par le
gouvernement. Serait-il possible que le ministre accueille cette demande en vue
de nous permettre un examen complet du dossier? Parce que là nous
n'avons rien sur le PICA. Vous êtes un des premiers organismes à
soulever explicitement ce problème. Encore là, c'est de
manière tout à fait embryonnaire, je pense que vous en
conviendrez.
M. Garon: II faut dire, M. le Président, que la commission
a un mandat. Si vous regardez le mandat de la commission, il a
été mentionné. Si le député d'Argenteuil
veut poser une question comme celle-là, il peut la poser lui-même
au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, je n'y ai aucune
objection, car chaque fois qu'on fournit quelque chose, ce n'est jamais
exactement comme il le souhaite. Alors, j'aime autant qu'il pose ses questions
lui-même au feuilleton ou bien en Chambre. Je suis responsable du
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il
n'y a aucune industrie localisée dans le PICA et plutôt que de
poser une question générale comme celle-là pour avoir des
informations sur le PICA, j'aimerais mieux qu'il inscrive au feuilleton les
questions précises auxquelles il veut avoir des réponses. Il aura
des réponses précises à des questions précises,
mais je pense qu'il est impossible d'avoir un rapport précis avec une
question vague.
M. Ryan: Est-ce que la réponse est terminée?
M. Garon: Oui.
M. Ryan: Si vous me permettez juste une précision, ces
messieurs recommandent que l'espace qui avait été mis de
côté pour le PICA soit rendu à des fins agricoles. Cela
vous regarde directement, M. le ministre.
M. Garon: Oui.
M. Ryan: Alors, je dis que, comme cela avait été
mis de côté pour servir des fins industrielles et commerciales, il
me semble qu'il serait normal, si jamais on est appelé à se
prononcer là-dessus, qu'on sache au moins l'avis du ministère
concerné avant de décider par-dessus sa tête. Il me semble
que cela entre dans les préoccupations de cette commission qui veut, je
pense, d'un commun accord servir au maximum la vocation agricole du
territoire.
M. Garon: M. le Président, le député
d'Argenteuil ne semble pas familier avec les rouages. Il y a eu
déjà une discussion avec la municipalité de Mirabel
lorsqu'on a décidé de protéger le territoire agricole de
Mirabel. Il y avait, à ce moment-là, dans le PICA à peu
près 3000 acres et je me rappelle que le député
d'Argenteuil a fait beaucoup de discours pour dire qu'on avait
réservé au développement industriel environ 300 acres. Le
député d'Argenteuil trouvait qu'on en avait mis en blanc beaucoup
trop avec 300 acres, qu'on aurait dû dézoner les 3000 acres
quasiment au complet parce que c'était un parc industriel. Nous disions:
Quand ils auront occupé les 300 acres en entier -c'est-à-dire que
c'est ce que la Commission
de protection du territoire agricole disait -ils pourront demander d'en
dézoner davantage à des fins industrielles.
Depuis 1969, en 13 ans, il n'y a pas une usine qui est allée s'y
installer. Il y en a une que nous aurions voulu voir s'y installer, Great Lakes
Carbon. Elle est allée à Lachute et on a bien compris que le
député d'Argenteuil souhaitait tout simplement la pousser plus
vers Lachute que vers Mirabel. Nous avions souhaité qu'elle aille dans
le parc industriel de Mirabel, mais l'usine n'a pas voulu. Les
propriétaires de l'usine n'ont pas voulu. Actuellement, ce n'est pas
incohérent, la décision a été prise. La Commission
de protection du territoire agricole a réservé 300 acres pour le
développement industriel approximativement.
M. de Bellefeuille: 365 acres.
M. Garon: 365 acres, me dit le député de
Deux-Montagnes, qui est au courant du dossier parce que c'était dans son
comté à ce moment-là. Le reste a été
gardé dans la zone agricole. Cela peut être utilisé pour
des fins d'agriculture, à la suite de la décison de la
commission, et, avec 365 acres, je pense bien qu'au rythme actuel, on en a pour
quelques années.
M. Mathieu: M. le Président, je voudrais soulever...
M. Garon: Mais je pense aussi que la municipalité devrait
avoir la responsabilité de son territoire.
M. Mathieu: ... une question de règlement.
Le Président (M. Rochefort): Question de règlement,
M. le député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Le ministre a fini?
Le Président (M. Rochefort): Bien, vous soulevez une
question de règlement et je l'interromps pour vous permettre d'exercer
votre droit.
M. Mathieu: Je voudrais attendre qu'il ait terminé ses
propos.
Le Président (M. Rochefort): Bon, parfait! M. le
ministre.
M. Garon: Je voulais dire, tout simplement, que je pense aussi
qu'un parc industriel dans une municipalité doit normalement être
administré par la municipalité. Maintenant, il s'agit de quelque
chose de spécial. Qu'est-ce qu'il y a à la base? Est-ce que le
territoire demeurera la propriété du gouvernement
fédéral qui ne veut pas s'en départir? Alors, est-ce que
la municipalité pourra l'administrer dans le cadre de ces contraintes?
L'administration d'un parc industriel coûte de l'argent. Est-ce qu'elle
souhaite l'administrer dans le cadre de ces contraintes? C'est tout cela qui
est en cause. Il ne faut pas laisser entendre que le gouvernement du
Québec a de la marge de manoeuvre là-dedans; il n'a à peu
près pas de marge de manoeuvre.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Beauce-Sud, sur une question de règlement.
M. Mathieu: Oui, M. le Président, sur une question de
règlement. Je voudrais un peu déplorer l'attitude que prend le
ministre aujourd'hui à cette commission. D'abord, lorsque le
député d'Argenteuil demande de faire entendre des porte-parole du
ministère de l'Agriculture, le ministre se réfugie toujours
derrière le mandat de la commission. Demande-t-on d'entendre des
spécialistes du ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, le mandat ne le permet pas. Le mandat ne le permet jamais, si je
comprends bien, quand cela ne fait pas son affaire, quand ses devoirs ne sont
pas bien préparés. C'est une attitude de bâillon qu'on ne
doit pas tolérer.
M. Fallu: Question de règlement.
M. Mathieu: Je voudrais terminer la mienne, M. le
Président, avec votre permission.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: Je veux m'élever contre cette attitude de
bâillon. Le ministre, quand cela fait son affaire, déroge
amplement. On l'a laissé faire. On voudrait avoir des précisions
pour éclairer cette commission. Ce n'est pas juste un jeu puéril
et stérile, ce qu'on fait ici. D'abord, cela a été bien
amorcé, on a eu des débats intéressants, on a eu des
mémoires intéressants. Franchement, c'était bien
amorcé. Quand on demande d'aller un peu plus loin avec les
spécialistes du ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme du gouvernement du Québec, avec des experts du ministère
de l'Agriculture, des Pêcheries et l'Alimentation, je ne trouve pas
acceptable qu'on se réfugie derrière le mandat de la commission
qui, si on le regarde, se lit comme suit.
M. Fallu: Question de règlement.
Le Président (M. Rochefort):
Brièvement, M. le député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Je le lis: "Entendre les personnes et les organismes
sur la question
des terres expropriées en trop de Mirabel". En quoi le fait
d'entendre des experts du ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation du Québec ou des experts du
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme du Québec ne
cadre-t-il pas avec le mandat de la commission? Je veux une commission
sérieuse et que ce ne soit pas seulement un exercice...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Beauce-Sud, cela va. J'ai compris votre question de règlement. Pour
votre question de règlement, je tiens à vous dire qu'il me semble
que... Je peux répondre à votre question de règlement?
M. Garon: Qu'est-ce qui ne fait pas votre affaire?
M. Houde: Vous avez un président; écoutez,
donc.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Sur votre question de
règlement, je veux vous rappeler, moi aussi, que le mandat de notre
commission, c'est d'entendre les personnes qui en ont fait la demande, selon
les procédures habituellement reconnues dans le fonctionnement de nos
commissions parlementaires. À l'occasion des discussions et des
débats qui ont lieu à l'intérieur de la commission,
à un moment donné, un membre de la commission exprime son
souhait, son intention de convoquer ou d'entendre d'autres organismes; j'en
suis, c'est permis. Il n'y a pas de problème là-dessus.
Toutefois, j'avoue que je considère que nous passons beaucoup de temps
à discuter entre membres de la commission aujourd'hui plutôt que
de remplir le mandat qui nous est confié, qui est d'entendre les gens
qui se présentent devant nous et de les interroger pour améliorer
notre connaissance du dossier. C'est ce pourquoi nous sommes réunis avec
le mandat qui nous a été donné par l'Assemblée
nationale. Je souhaiterais qu'on en revienne rapidement à ce mandat. Il
est 17 h 05. Je conviens qu'on a été retardé par les
travaux de l'Assemblée nationale, mais on en est seulement au
deuxième groupe et on avait prévu en terminer avec lui avant
l'ajournement du dîner.
J'imagine que le ministre a entendu comme moi les demandes
exprimées par le député d'Argenteuil, qui sont
légitimes, mais il me semble qu'il y aurait peut-être lieu que,
entre deux organismes, par exemple, on prenne le temps de présenter une
motion, si cela vous intéresse, exprimant le voeu que la commission
invite des gens à se présenter, comme on l'a déjà
fait, à l'occasion d'autres séances de la commission. Toutefois,
je considère qu'on devrait profiter de la présence des gens qui
sont devant nous, qui ont déjà commencé la
présentation de leur mémoire et la réponse aux questions
des membres de la commission pour en terminer avec eux. Là on souhaite
interrompre cela pour qu'on passe à autre chose; mais il me semble qu'on
devrait revenir à ce mandat qui devrait prendre plus de temps que toute
autre question de notre commission.
M. Mathieu: Je suis d'accord, M. le Président, mais,
lorsqu'on veut de la lumière, on prend les moyens pour en faire.
Merci.
Le Président (M. Rochefort): Oui, mais je vous ai
expliqué dans quel cadre cela devait se faire. Sur ce, M. le
député d'Argenteuil, si vous voulez poursuivre vos questions au
groupe qui est présentement devant nous, vous avez la parole.
M. Ryan: Très bien. Je vous remercie infiniment, M. le
Président. Je vais continuer, en suivant les pages du mémoire; je
crois que c'est la façon la plus simple de traiter des questions
principales qui sont abordées dans le mémoire. À la page
17 et aux pages suivantes, vous avez un chapitre qui s'intitule: Une ville pour
les autres. Si, j'ai bien compris le raisonnement que vous faites dans ces
pages, vous déplorez qu'on ait créé une
municipalité, qui s'appelle maintenant Mirabel, qui regroupe un ensemble
de paroisses, de municipalités qui étaient autrefois des
municipalités autonomes, évidemment.
Dans la première version de votre mémoire, vous demandiez
qu'on procède au démembrement de la ville de Mirabel et qu'on
retourne à l'ancien ordre de choses. Vous avez fait des retouches, dans
la version amendée que vous nous avez présentée pour deux
pages du mémoire. Vous dites: On voudrait plutôt avoir un
référendum. Ce qui me surprend, c'est que je n'ai pas
connaissance d'un mouvement d'opinions à ce sujet sur le territoire
actuellement. Je sais que vous faites mention d'une couple de
municipalités ou d'une paroisse où il y a eu des frustrations.
C'est évident, il y en a toujours dans les cas comme ceux-là. Ne
trouvez-vous pas qu'avant de présenter une recommandation de
référendum au gouvernement du Québec il serait mieux de
développer un mouvement d'opinions à l'échelle municipale,
que c'est une question qui devrait d'abord se travailler à ce
niveau?
Éventuellement, il peut très bien arriver qu'un groupe
fasse campagne à l'occasion d'une élection municipale en disant
que, s'il est élu, il va remettre cela en cause et tenir un
référendum là-dessus. Mais est-ce une bonne façon
de procéder qu'un parti politique vienne demander au gouvernement du
Québec de procéder à un référendum
là-dessus? On ne fait pas un référendum gratuitement.
À moins qu'il n'y ait une demande assez forte, il me semble
que ce n'est pas une bonne façon de procéder. Je ne sais
pas comment vous voyez cela.
M. Boudreau: D'abord, j'aimerais vous expliquer un peu comment ce
changement dans les deux versions est arrivé. Dans la première
version, on demandait effectivement le démantèlement de la ville
de Mirabel et, avec le report de la commission, de notre entente, les
élections ont eu lieu et un nouvel exécutif a été
élu à Argenteuil dans les instances du Parti
québécois, avec M. Lauzon comme président. Vu que nous en
avions le temps avant de revenir à Québec présenter le
mémoire, nous en avons profité pour reconsulter le nouvel
exécutif qui s'est dit en désaccord avec cette position. Il ne
sentait pas le mouvement dont vous parliez tout à l'heure. Eux non plus
ne sentaient pas une chose évidente de la part des citoyens, le
désir de démantèlement de la ville de Mirabel. Par contre,
les auteurs du mémoire, les cinq ou six militants
bénévoles qui avaient travaillé là-dessus,
soutenaient que, d'après leur expérience, il y avait certainement
un mécontentement, surtout de la part des agriculteurs, quant à
la situation actuelle de la ville de Mirabel et aux réponses qu'ils
recevaient à leurs demandes reliées à l'exploitation
agricole.
Alors, on a décidé de proposer autre chose. Au lieu
d'affirmer qu'on avait besoin d'un démantèlement, vu qu'il y
avait division sur cette question parmi nos membres, on a proposé un
référendum, mais, personnellement, votre suggestion me semble
très acceptable que cela soit fait à l'occasion d'une
élection municipale ou que cela soit fait par le gouvernement du
Québec après consultation avec les gens pour savoir s'ils veulent
un référendum. La question, pour nous, est que les gens soient
satisfaits dans leur fonctionnement municipal.
M. Ryan: Très bien.
Une voix: Est-ce que M. Lauzon a quelque chose à
ajouter?
M. Lauzon: Je pense que, là-dedans, il y a une logique
très simple. On a fondé, vers les années 1970 ou 1971, la
ville de Mirabel. On l'a fait de toutes pièces pour faire plaisir,
jusqu'à un certain point, au gouvernement central qui venait d'arriver
dans le coin et on a fusionné quatorze municipalités du jour au
lendemain. On n'a jamais demandé aux gens si cela faisait leur affaire.
Maintenant, cela fait déjà un certain nombre d'années, il
existe une ville. Tous les dirigeants de la ville ont fait beaucoup d'efforts
pour qu'il y ait un sentiment d'appartenance à la ville de Mirabel. Il
existe beaucoup de problèmes sur le plan scolaire, au niveau des
territoires, des MRC.
On a changé de comté les gens de Mirabel, pour certaines
paroisses. On faisait partie du comté de Deux-Montagnes et on nous a
amenés dans le comté d'Argenteuil aux dernières
élections. Il y a des gens qui n'ont pas tellement aimé cela.
Là, on veut que, sur le plan scolaire, une partie de la ville de Mirabel
aille avec la commission scolaire de Saint-Jérôme. Il y a des
sondages qui circulent dans la ville de Mirabel à ce sujet. Il existe
certains problèmes et je pense que vous êtes au courant. Je pense
que cela serait sage, une fois pour toutes, d'aller demander aux gens: Quelle
est la bonne structure municipale que vous désirez sur votre territoire?
On ne leur a jamais demandé. On a toujours imposé cela aux gens.
Cela fait déjà treize ans qu'on impose toutes sortes de choses
aux gens. C'est vraiment légitime d'aller consulter les gens
là-dessus, parce qu'il y a des problèmes. Mais on n'est pas
prêt à conclure à partir de la structure municipale
actuellement. On dit: On va aller consulter les gens, ils vont nous dire ce
qu'ils veulent. Cela fait partie d'une élection municipale,
probablement, comme moyen.
M. Ryan: Vous ne demandez pas, par conséquent, une
intervention d'en haut à ce sujet. C'est une question que vous aimeriez
voir poser, mais par des mécanismes réguliers dans toute la
mesure où c'est possible.
M. Lauzon: II faut respecter le cheminement des gens de Mirabel
et ce qu'ils veulent là-dedans.
M. Ryan: Je me permets seulement une petite régression,
à propos des commissions scolaires dont vous avez parlé, du livre
blanc de M. Laurin et du territoire de Mirabel. D'après ce que je crois
comprendre, actuellement, le territoire de Mirabel est desservi par cinq
commissions scolaires différentes. Il y a Saint-Jérôme,
Sainte-Thérèse, Deux-Montagnes, Long Sault. Il y en a une autre
à part celles-là.
M. Goyer: Deux-Montagnes.
Une voix: II y en a deux anglaises.
M. Ryan: II y a Laurenval et Laurentian. Maintenant, les
représentations qu'on m'a faites là-dessus indiquent que le fait
de déménager certains endroits du côté de
Saint-Jérôme, cela ne serait pas très pratique. Avez-vous
eu le temps de faire un examen de cela? Dans le projet...
M. Lauzon: Ce n'est peut-être pas l'objet de la
commission.
M. Ryan: ... de carte scolaire qui a
suivi la publication du livre blanc, on déménage la
plupart des services scolaires en direction de Saint-Jérôme.
M. Lauzon: Je pense que cette question ferait partie de la
consultation populaire. C'est pour cela qu'on demande d'aller consulter les
gens sur cela avant de procéder à quoi que ce soit.
M. Ryan: Très bien. Je ne m'attarderai pas
là-dessus.
M. Lauzon: Ce n'est pas l'objet de notre commission, je pense,
aujourd'hui.
M. Ryan: Très bien, je ne m'attarderai pas sur cela, non
plus, je ferme la parenthèse.
À la page 21, l'intervention du gouvernement
fédéral, cela, c'est directement dans notre sujet. J'ai lu ce que
vous dites sur cela et il y a une chose qui me surprend, c'est que vous ne
dites rien sur les projets récemment dévoilés et
même mis en route par la Société immobilière du
Canada. Pourriez-vous nous dire si vous avez eu le temps d'examiner comme
groupe, le Parti québécois Laurentides-Lanaudière, par
exemple, le programme de vente d'un certain nombre de terres, 150 terres
à peu près, le programme de vente d'à peu près 550
résidences de village et les autres initiatives qu'a prises la
Société immobilière du Canada au cours de la
dernière année? Pourriez-vous nous donner votre jugement sur les
projets concrets qui ont été annoncés ou mis en route
jusqu'à maintenant par la Société immobilière du
Canada?
M. Boudreau: Notre point de vue sur cette question est le
suivant: Nous ne nous sommes pas arrêtés aux différents
projets mis de l'avant par la SIC. Notre point de vue fondamental, c'est
qu'à la suite de la décision du fédéral de
rétrocéder ou de revendre 30 000 acres, après
étude, nous en sommes arrivés à la conclusion que ce n'est
pas 30 000 acres seulement qu'il devrait rétrocéder, mais bien 80
000 acres. C'est la raison pour laquelle on est ici aujourd'hui et c'est ce
qu'on veut qu'il se fasse le plus rapidement possible. Quels que soient les
projets que le gouvernement fédéral a l'intention de faire sur ce
territoire, pour nous, c'est de l'ingérence politique sur un territoire
dont il n'a plus besoin et on demande qu'il se retire de là, qu'il ne
garde que les 17 000 acres dont il dit avoir besoin pour ses fins
aéroportuaires. On ne peut pas entrer dans ce qu'il fait sur ce
territoire parce que, pour nous, c'est de l'ingérence politique tout
simplement. (17 h 15)
M. Ryan: Vous faites abstraction de tout cela pour vous en tenir
à un jugement général.
M. Boudreau: Nous voulons faire savoir au gouvernement que ce
n'est pas 30 000 acres qu'il doit rétrocéder, c'est 80 000 acres.
Je ne sais pas si mes confrères ont des choses à dire sur
cela.
M. Lauzon: Pour compléter la question, quant aux
différents projets que la Société immobilière du
Canada instaure depuis un an et demi environ, l'avis de mes collègues et
de moi-même, c'est que ce n'est pas son mandat. Cette
société est dans notre région pour organiser toutes sortes
d'activités comme des festivals western et des carnavals; ce n'est pas
son mandat. Elle n'a pas d'affaires dans le décor pour tenir ces
activités. Je pense que ce sont toutes des activités qui servent
jusqu'à un certain point à acheter la conscience des gens qui
vivent là. À notre avis, c'est vraiment clandestin, cela n'a pas
d'affaires dans le portrait.
M. Ryan: Est-ce que vous diriez la même chose, M. Lauzon,
du programme de revente des résidences de village, par exemple? Est-ce
une activité clandestine ou illégitime, ou n'est-ce pas une
activité qui va dans le sens des objectifs généraux qui
sont définis dans votre mémoire?
M. Lauzon: Si cela fait partie de son mandat de revendre le
territoire quand il est prouvé qu'on n'a pas besoin de ce territoire,
nous n'avons absolument rien contre cela. Par contre, dans les modalités
de revente, on devrait davantage consulter et venir écouter un peu ce
que les gens énoncent là-dessus. On ne tient pas du tout compte
de ce que les gens en pensent. C'est une décision unilatérale,
dans toutes leurs priorités. On a même décidé de
vendre à la ville de Lachute un territoire pour son parc industriel,
quand c'étaient des territoires agricoles. Au plan des priorités,
c'est la ville de Lachute qui a eu la priorité. L'ancien cultivateur qui
s'est fait enlever sa terre de façon illégitime n'a même
pas été consulté. On a annoncé cela dans les
journaux il y a quelques semaines.
M. Ryan: Oui, mais vous êtes sans doute au courant, M.
Lauzon, que, dans ce cas-là, on a procédé à une
consultation officielle des deux associations de producteurs agricoles, l'UPA
de langue française et l'UPA de langue anglaise, et ceci en bonne et due
forme. Les deux associations se sont prononcées en faveur de la
décision qui a donné ce terrain pour fins de développement
industriel.
M. Lauzon: Les 1100 acres de terre, la partie qui n'est pas en
jaune dans la région de Lachute, vous m'informez que l'UPA de
Saint-Eustache a été consultée là-dessus et
qu'elle était d'accord avec cela.
M. Ryan: Oui, parce que la commission de protection des terres
agricoles n'aurait pas marché autrement.
M. Lauzon: Ce sera à l'UPA de répondre à
cela, car moi, je ne suis pas au courant.
M. Ryan: C'est ça. Mais vous avez quand même droit
à votre opinion. C'est seulement une partie du dossier que je vous
rappelle, remarquez bien.
M. Goyer: Je voudrais simplement, si vous me le permettez, M.
Ryan, ajouter un fait pour revenir au point de départ. Le point de
départ c'est que le fédéral a exproprié 97 000
acres à des fins aéroportuaires. Si, aujourd'hui, la preuve est
faite qu'il a besoin de seulement 17 000 acres, notre point de vue à
nous, c'est de dire qu'il doit rétrocéder, ce qu'il a pris en
trop car il a exproprié à des fins aéroportuaires. Toute
politique d'aménagement sur le territoire autre que pour la zone
opérationnelle, en vertu même de la constitution canadienne, c'est
un pouvoir uniquement provincial. Partant de là, on dit au
fédéral qu'il n'a pas le droit de faire ce qu'il fait. Que ce
soit bien fait ou mal fait, c'est illégal et illégitime. Quand on
a exproprié ces gens-là, c'était pour faire des pistes de
béton et un aéroport et non pas pour un aménagement de
parc d'interprétation de la nature. À ma connaissance, cela ne
relève pas d'une compétence fédérale. C'est
à ce mandat que nous nous en tenons, lorsque nous parlons d'un
comité mixte qui doit voir à la rétrocession des terres,
si la preuve est faite que c'est 80 000 acres qui doivent être
rétrocédées.
M. Ryan: J'ai votre opinion là-dessus. Plus loin, vous
parlez du rôle du gouvernement québécois. Vous dites assez
bienveillamment que le gouvernement qui présidait aux affaires du
Québec de 1970 à 1976 a joué le rôle qui lui
revenait, c'est-à-dire qu'il s'est trompé avec tout le monde,
dans un certain sens et, en même temps, il a fait ce qui devait
être fait dans la perspective où on pensait agir justement
à ce moment-là. Ensuite, vous parlez du gouvernement qui est en
place depuis 1976. Vous dites une chose pour laquelle je vous
félicite.
M. Goyer: Vous vous faites plaisir.
M. Ryan: Je sais que cela a été dit en toute
impartialité. "Depuis 1976, le gouvernement du Parti
québécois a, pour ainsi dire, regardé passer le train.
Certains énoncés de principe ont été
formulés par le ministre de l'Agriculture, une aide financière a
été accordée à l'Association pour la défense
des expropriés et locataires, des décisions et des remises en
question ont été prises au sujet de la construction de
l'autoroute 13, du réseau express métropolitain, mais les
interventions se limitent à cela ou presque et aujourd'hui, il y a cette
commission parlementaire." Est-ce que vous pourriez expliciter un peu cette
appréciation que vous donnez du rôle qui a été
joué par le gouvernement au cours des six dernières
années? Cela fait déjà six ans, c'est assez long.
M. Boudreau: Pour vous faire plaisir, M. Ryan, je vais
élucider la question. Notre raison d'être ici à
Québec, c'est de réveiller le gouvernement du Parti
québécois.
M. Garon: C'est comme le ministre libéral qui
écrivait à M. Bourassa en 1976 pour lui dire que le gouvernement
Bourassa ne faisait rien.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre!
M. Garon: Cela n'a pas duré.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre!
M. Garon: J'en ai une copie.
Le Président (M. Rochefort): En temps opportun, vous aurez
l'occasion de le faire.
M. Boudreau: La raison pour laquelle on est à
Québec, c'est pour que le dossier débloque. Dans le Parti
québécois, on veut que le gouvernement du Parti
québécois bouge et on veut que tous les intervenants possibles
nous donnent leur appui pour qu'il bouge. On veut que cette justice soit
rétablie et on trouve qu'après six ans il est grand temps - et on
est très heureux qu'une commission parlementaire s'en occupe - que ce
dossier soit réglé. C'est la raison pour laquelle on s'est permis
de dire à notre gouvernement qu'on n'était pas heureux de ce
qu'il avait fait jusqu'ici et qu'il était temps: qu'il bouge.
M. Ryan: Très bien. On va maintenant passer à
l'avenir parce que je ne veux pas monopoliser tout le temps. A propos de la
rétrocession, vous évoquez cinq principes. Je ne voudrais pas
qu'on revienne sur chacun de manière détaillée parce qu'on
pourrait en avoir pour trois heures seulement là-dessus, mais je
voudrais bien clarifier votre opinion sur l'ordre dans lequel les
propriétés devraient être offertes en rétrocession
ou mises en vente éventuellement, selon le cas,
ou en revente. Vous dites que le premier principe, abstraction faite des
nouveaux arrivants sur le territoire de Mirabel, c'est que les occupants
expropriés qui ont déjà subi un grand dérangement
n'ont pas à payer pour les erreurs du gouvernement
fédéral. Quand vous parlez de nouveaux arrivants, qu'est-ce que
cela signifie? Combien d'années de résidence faut-il avoir pour
ne plus être nouveau?
M. Lauzon: Je pense qu'il y aurait lieu de préciser ce
qu'on entend lorsqu'on parle de nouveaux arrivants. Vous m'avez posé une
question avant le dîner, M. Ryan, concernant mon statut. Vous avez
semblé remettre en question le statut d'exproprié qu'on m'avait
donné, parce qu'en 1969 j'étais locataire sur le territoire.
Effectivement, en 1969, les locataires ont été expropriés
autant que les résidents, et c'est la vie sociale des locataires qui a
été expropriée en 1969. Je n'avais pas eu l'occasion de
répondre à cette question ce matin parce qu'on avait
enchaîné sur une autre question.
Pour répondre à la question que vous venez de poser, les
nouveaux arrivants sont les gens qui sont arrivés quand les anciens
propriétaires ont décidé de partir pour toutes sortes de
raisons, tous les nouveaux arrivants qui ont loué soit des terres, soit
des maisons dans le cadre de ce qui faisait leur affaire. C'est ce dont on
parle quand on parle de nouveaux arrivants. Il n'y a pas de date, il n'y a pas
de données comme telles. Ceux qui n'ont pas été
expropriés en 1969, c'est ce qu'on veut dire par nouveaux arrivants.
M. Ryan: II y une chose que j'ai de la difficulté à
comprendre et je l'ai dit souvent, d'ailleurs, à des gens du CIAC en
toute bonne foi. Vous avez eu une expropriation. Il y a eu une transaction qui
a été faite, il y a eu un règlement qui a
été fait. On a dit à celui qui était partie au
règlement, la partie privée: Si tu veux rester là dans ta
maison, tu peux rester à titre de locataire, on va te louer cela. Il
dit: Je préfère m'en aller. Par la suite, un locataire arrive et
s'implante là. D'après notre loi des loyers du Québec, une
fois que vous êtes implanté dans un loyer - vous le savez comme
moi - vous pouvez rester là à demeure. Il faut une raison
très sérieuse pour que le propriétaire puisse vous
évincer. Dans ce cas, j'ai de la difficulté à voir comment
une personne peut encore être qualifiée de nouvel arrivant quand
elle est là depuis cinq, huit ou dix ans. J'ai de la difficulté
sur ce point.
M. Lauzon: Moi, je n'en ai pas du tout. Cela ne me cause pas de
problème. Une personne s'est fait enlever tous ses biens en 1969 pour de
fausses raisons, sous de fausses représentations et une autre personne a
pris sa place parce que l'ancien exproprié est parti pour toutes sortes
de raisons, parce qu'il n'avait pas d'avenir, parce qu'il n'y avait pas de
politique. Un nouvel arrivant, c'est la personne qui a pris sa place. Pour
nous, c'est ça.
M. Ryan: D'accord, c'est votre opinion qu'on veut avoir pour
l'instant. C'est votre opinion bien claire et bien ferme, n'est-ce pas?
M. Boudreau: M. Ryan, pour compléter ça, s'il n'y
avait pas eu expropriation, la plupart de ces cultivateurs n'auraient pas
quitté leur terre, n'auraient pas arrêté de faire de
l'agriculture. S'ils sont partis, c'est parce qu'il étaient
expropriés et voyaient qu'ils ne pouvaient plus continuer leur genre de
vie, mener le genre d'exploitation agricole qu'ils avaient auparavant. Donc,
c'est un peu à cause de l'expropriation s'ils ne sont plus dans le
décor et, pour nous, ça leur donne un droit d'être les
premiers à pouvoir revendiquer, s'il y a revente ou
rétrocession.
M. Ryan: Très bien. Il y a juste un autre principe sur
lequel je veux vous interroger avant de passer au programme de relance. Vous
dites: "Le cinquième principe établit que, s'il y a vente avec
profits, ceux-ci devront être redistribués par le gouvernement
fédéral. En termes d'équité, ces montants devraient
être distribués aux expropriés eux-mêmes ou à
leurs descendants." Là, c'est toute la notion de profit. Qu'est-ce qui
va être un profit dans cette affaire qui a coûté
terriblement cher? À quel moment peut-on commencer à parler de
profit sérieusement? Pour moi, pas avant une génération ou
deux je ne sais pas ce que vous entendez par là. Si on commence à
prendre des unités séparément, on peut toujours trouver
qu'il y a un profit. Mais si on regarde l'ensemble de l'opération - il
me semble que la tâche du gouvernement, c'est de regarder l'ensemble de
l'opération - je ne sais pas comment vous voyez la notion de profit
là-dedans. C'est facile d'écrire ce paragraphe-là, mais,
en pratique, comment le voyez-vous?
M. Goyer: II est, évidemment, difficile de
répondre, sauf que le profit, pour nous, c'est que supposons qu'il a
exproprié une terre à 200 $ l'arpent et qu'il la revend à
250 $, les 50 $ l'arpent constituent un profit. Si l'administration du
gouvernement fédéral a pendant 13 ans coûté 6 000
000 $, c'est une erreur administrative que les citoyens n'ont pas à
payer.
M. Ryan: D'accord, ça marche. Maintenant, vous dites qu'il
faudrait former à Québec - et je vais terminer par une couple de
questions là-dessus - un comité
interministériel dont la direction serait assumée par le
ministre de l'Agriculture étant donné la vocation agricole du
territoire. "Sous la tutelle du ministre délégué à
l'Aménagement", excusez-moi. Cela va m'autoriser à vous poser la
question: Est-ce que vous trouvez que ça va être plus efficace? Le
ministre délégué à l'Aménagement n'a pas
beaucoup de personnel à son service. C'est un ministre, un petit peu, de
papier, qui n'a pas d'établissement derrière lui. Est-ce que ce
ne serait pas plus efficace si vous aviez un ministre bien organisé qui
déciderait une bonne fois d'employer ses ressources pour vraiment faire
marcher l'affaire?
M. Goyer: Le rôle du ministre délégué
à l'Aménagement, tel que nous le voyons ici, est de
présider un comité composé de plusieurs ministres
sectoriels. Si on parle du déplacement de l'autoroute no 13, je crois
que le ministère des Transports est tout désigné pour le
faire. Si on parle du déplacement du PICA, c'est la même chose,
c'est le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Si on
parle de la relance agricole, c'est le ministère de l'Agriculture.
Donc, il s'agit de coordonner les activités de ces
différents ministères sur ce territoire pas pour qu'il n'y ait
pas pas nécessairement d'affrontements, mais pour qu'il y ait un lien,
une coordination des interventions de ces différents ministères.
Et c'est le rôle du ministre délégué à
l'Aménagement de voir à ce que tout soit bien coordonné.
Cela part aussi du principe de fait que l'aménagement est de
compétence provinciale. Ici, non seulement on parle de relance agricole,
mais on parle aussi d'aménagement du territoire; donc, il doit jouer son
plein rôle.
M. Ryan: D'accord, ça va. Une question pratique. Vous
dites: "Le mandat du comité sera double: exiger du gouvernement
fédéral la rétrocession complète de la zone
périphérique et établir des politiques
d'aménagement du territoire en conformité avec les besoins..."
D'abord, il me semble qu'exiger du gouvernement fédéral la
rétrocession complète, cela devrait plutôt relever du chef
du gouvernement, du cabinet lui-même. C'est une démarche politique
au plus haut niveau. Je ne crois pas qu'un comité comme celui-là
pourrait être très efficace dans une telle démarche. Ce
n'est qu'une question d'appréciation stratégique.
La question que je veux vous poser, c'est la suivante. Depuis des
années, le gouvernement de Québec le demande, il peut bien le
demander une fois de plus et on va souhaiter qu'il le demande dans toutes les
formes requises, mais, à supposer que ça ne marche pas de l'autre
côté, j'aimerais que vous nous disiez un peu quel travail vous
attendriez de la part de ce comité interministériel. J'imagine
que vous ne dites pas... À supposer qu'Ottawa dise non, on ne fait rien.
Qu'est-ce que vous attendriez du comité? Encore là, je ne veux
pas du tout vous arracher une approbation pour ce qui se fait actuellement, pas
du tout. Mais à supposer qu'on doive s'en tenir à l'état
de choses qu'on connaît, une société immobilière qui
dit: On disposera de 150 terres, de 550 maisons, qu'est-ce que vous verriez
comme rôle pour ce comité interministériel d'intervention?
(17 h 30)
M. Goyer: C'est le plein rôle qu'on donne au ministre de la
Justice. Sans être expert, on lui demande de voir toutes les
possibilités, les recours possibles et judiciaires pour forcer le
gouvernement fédéral à les rétrocéder si,
effectivement, il n'a pas besoin de ces 80 000 acres. II les a
expropriées en vertu d'une loi sur l'expropriation à des fins
aéronautiques. Si, aujourd'hui, la preuve est faite que ces fins ne sont
plus nécessaires, il doit les remettre. Cela peut aller aussi loin que
de voir les possibilités de recours collectif des citoyens. Cela peut
aller aussi loin qu'une cause type prise en charge par le ministre de la
Justice pour, par les voies de la justice, obtenir justice.
M. Ryan: Maintenant, vous savez que dans ses causes
constitutionnelles, le gouvernement du Québec n'a pas été
trop chanceux depuis quelques années. Il n'en a pas gagné
beaucoup. Est-ce que vous voulez qu'il aille prendre le risque d'en perdre une
de plus? Il faudrait de bons avis juridiques, par exemple. Je n'aurais pas
d'objection, mais à condition qu'il y ait des avis préparatoires
qui me semblent faire défaut actuellement.
M. Garon: Si c'était lui qui nommait les juges de la Cour
suprême plutôt que le gouvernement fédéral.
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ryan: Non, non, mais en tout cas...
M. Goyer: C'est un problème politique, M. Ryan. C'est pour
cela que nous prônons la souveraineté politique du Québec;
on ne serait pas pris avec deux gouvernements.
M. Ryan: Je vais faire le tour des attributions que vous
donneriez à chaque ministère. Le ministère de la Justice:
cela m'apparaît une attribution qui est douteuse au point de vue de son
efficacité possible. Le ministre des Affaires municipales: je pense que
vous conveniez tantôt que, si on
procédait par l'autre approche, il n'aurait pas un rôle
très important à jouer dans l'immédiat. Le
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme: je pense que,
lorsqu'on aura tout le dossier, on verra que songer à l'implanter dans
une autre partie du territoire, ce n'est pas, non plus, une chose qui
présente des perspectives de résultats immédiats
très importants. Pour le ministère des Transports, j'ai une
question à vous poser là-dessus. Je pense que je suis d'accord
avec ce que vous dites sur l'ordonnancement des échéances.
Avez-vous pris connaissance du projet qui a été soumis par la
ville de Lachute à la commission la semaine dernière à
propos d'un tronçon de ce qui équivaudrait à une partie de
l'autoroute 50, entre Lachute et le chemin de Mirabel?
M. Lauzon: Personnellement, j'assistais à la
présentation. Je trouvais que cela entrait dans nos idées de
transfert du PICA. Remettre en question l'autoroute 13, cela faisait partie de
cette ligne de pensée. On n'a pas analysé à fond la
présentation comme telle, mais cela faisait partie de cette
orientation.
M. Goyer: Je pense, M. Ryan, si vous le permettez, que vous
touchez à l'autre point du principe de base du mémoire, qui est
de dire que l'agriculture peut bien vivre sur ce territoire et côtoyer un
aéroport. Si cet aéroport a besoin d'un développement
industriel, que ce développement industriel se fasse dans les meilleures
conditions et au bon endroit. Si le bon endroit est dans la zone
opérationnelle, cela amènera les infrastructures
nécessaires. Nous disons, en nous appuyant sur une étude faite
par le ministère des Affaires urbaines du Canada, que le
développement industriel doit se faire dans la zone
opérationnelle adjacente à la piste B. Partant de là, on
dit que si demain matin on faisait la zone industrielle à cet endroit,
l'autoroute 15 et la voie de contournement sont suffisantes pour
développer ce nouveau parc industriel.
L'autre principe, c'est de dire que cela ne doit pas nuire au
développement de l'agriculture. À notre point de vue, le PICA,
actuellement, nuit au développement de l'agriculture. Il est sur les
meilleures terres de ce territoire, entre autres. Ce n'est pas nous qui le
disons, c'est le ministère des Transports du Canada qui le dit.
M. Lauzon: Un petit complément de réponse.
J'aimerais revenir sur les mandats donnés au ministère de la
Justice. On donnerait au ministère de la Justice le mandat d'intenter
des poursuites judiciaires si jamais il y a un blocage total et qu'on ne veut
plus rien rétrocéder. Il y aurait aussi un autre mandat qui n'est
pas là comme tel. Il y a une rétrocession qui est en train de se
faire actuellement et on fait fi de ce que les gens désirent au niveau
de toutes les modalités. Je pense que le ministère de la Justice
devrait, actuellement, appuyer les gens qui seront lésés par une
décision unilatérale de rétrocéder avec une
série de priorités qui ne sont pas celles que les gens
désirent. C'est un autre mandat qu'on aimerait que le ministère
de la Justice prenne dans le dossier actuel, parce qu'une personne seule ne
peut pas soutenir cela contre tout un gouvernement.
M. Ryan: De la part du ministère de l'Agriculture, vous
attendez deux choses, si j'ai bien compris, d'abord qu'il décrète
que la zone de Mirabel est une zone spéciale et, deuxièmement,
qu'il institue un fonds de financement, un fonds de relance. Pourriez-vous nous
donner des précisions là-dessus? Comment viendrait se situer ce
fonds de relance? Comment serait-il constitué? À quelles fins
servirait-il? Comment cela se rattacherait-il au crédit agricole et tout
cela?
M. Goyer: II y a une crainte. On veut résoudre un
problème, mais on a une crainte. Comme l'a dit M. le ministre Garon
tantôt, l'Office du crédit agricole a une enveloppe de 500 000 000
$; or, seulement là, il y aurait un besoin de 140 000 000 $. Nous, on
dit: Cela va demander une intervention rapide, efficace, et on ne veut pas que
les interventions du ministère de l'Agriculture se limitent aux
enveloppes budgétaires de cette région. Par exemple s'il y a tant
de milliers de dollars d'investis dans le drainage souterrain et que, deux mois
après, parce qu'il y a une immense demande pour le territoire de
Mirabel, les réserves de ce fonds sont épuisées, on va se
faire recevoir de façon négative. Alors, nous, on se dit: Un
fonds de relance qui n'est pas dépendant de crédits de cet ordre
va pouvoir répondre plus efficacement et plus rapidement aux attentes et
aux besoins de ce territoire.
À présent, d'où vient le financement de ce fonds de
relance? On se dit: Si, de 1969 à 1982, le ministère de
l'Agriculture avait dû investir 10 000 000 $ ou 15 000 000 $ sur le
territoire; si la chose était normale, autant pour le crédit
agricole, pour le drainage souterrain et pour des choses du genre et
qu'aujourd'hui il doit en mettre 100 000 000 $, la différence, c'est le
fédéral qui doit la payer, parce que cette attente, ce n'est pas
nous qui l'avons créée, c'est la situation de l'expropriation.
C'est un peu le principe de base de faire en sorte que cela soit rapide et
efficace.
M. Ryan: Est-ce que le fonds servirait pour le rachat des terres
pour des améliorations? Pourquoi est-ce qu'il n'y servirait pas?
Pourquoi est-ce qu'il ne
servirait pas pour des programmes réguliers? On postule qu'il va
être disponible, là comme ailleurs; même, qu'il peut
l'être d'une façon un peu spéciale, là où il
y a du rattrapage à faire. À part cela, pour quelles fins ce
fonds serait-il créé?
M. Goyer: Nous, on pense que la demande va être plus
importante que les fonds réguliers des différents programmes de
drainage, que ce soit la tubulure pour les érablières, que ce
soit le drainage souterrain, que cela soit pour des fossés. On croit
qu'étant donné que, depuis 13 ans, cela s'est fait de
façon moindre qu'ailleurs au Québec, si on parle de relance, il
faut automatiquement amener les programmes de manière plus active.
Pour ce qui est du rachat des terres, cela va dépendre des
demandes des producteurs agricoles par rapport à l'Office du
crédit agricole. Là encore, on dit: S'il est
déterminé qu'il y a 10 000 000 $ ou 20 000 000 $ pour cette
région, la demande, d'après nous, va être plus grande.
C'est pour cela qu'on incorpore dans le fonds de relance l'Office du
crédit agricole pour qu'il ait les crédits nécessaires
pour répondre à la demande qui va être excessive, parce
qu'on parle de 800 fermes qui vont être revendues pour
rétrocéder. Donc, les besoins de crédit de ces producteurs
agricoles vont être là.
M. Ryan: Très bien. Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Comme vous
vous en doutez, je suis heureux de voir devant nous à la commission les
représentants du Parti québécois
Laurentides-Lanaudière. Je désire les féliciter de leur
mémoire qui nous apporte des éléments extrêmement
intéressants dans notre recherche d'une série de solutions aux
nombreux problèmes qui se posent sur le territoire exproprié de
Mirabel.
J'ai été surpris par le fait que le mémoire
représente un effort particulier pour répondre au mandat de la
commission. Le mémoire est bâti de manière à
apporter les réponses aux questions que pose le mandat de la commission.
Vous le soulignez, d'ailleurs, vous-mêmes à la page 31 de votre
mémoire. Je note aussi, comme l'a fait le député
d'Argenteuil, que votre mémoire n'est pas une entreprise de
bénissage du gouvernement du Parti québécois puisqu'il
contient des éléments de critique à l'égard de ce
gouvernement, éléments de critique qui sont peut-être
fondés au moins dans une certaine mesure. Mais vous ne vous contentez
pas de formuler des critiques; vous apportez aussi des propositions pour
corriger et pour combler les lacunes. Aussi, dans votre mémoire - et
cela m'a paru un peu ironique peut-être - à la page 24, lorsque
vous traitez de l'opportunité de créer un comité qui
serait sous la direction du ministre délégué à
l'Aménagement, vous dites: "Toutefois, cette concertation ne devrait
pas, études après études, repousser loin dans le temps les
actions que le gouvernement du Québec doit soutenir." C'est donc un
comité agissant que vous voulez que le gouvernement crée et
agissant à court terme.
Deux mots peuvent peut-être résumer votre mémoire:
rétrocession et relance. Puisque vous dites que vous ne voulez pas que
l'objectif soit repoussé loin dans le temps études après
études, croyez-vous que ce comité aura toutes les études
voulues? Croyez-vous que tous les aspects du dossier de Mirabel ont fait
l'objet de recherches et d'analyses suffisantes pour que ce comité
puisse agir immédiatement sans avoir à étudier quelque
aspect que ce soit du dossier de Mirabel?
M. Lauzon: Je pense qu'après la commission parlementaire
ce sera assez évident. On devrait être en mesure d'avoir une
idée précise des choses à faire dans Mirabel et chacun des
ministères mentionnés devrait entrer en action le plus rapidement
possible et s'associer à la population locale pour toutes les
idées originales qui seraient applicables dans le coin pour effectuer
une relance pour les gens du coin et par les gens du coin. Le comité
peut être assuré de la collaboration de la population du coin. Je
pense qu'avec tous ces éléments on devrait être en mesure
d'aboutir à un règlement final. Les gens vont être chez
eux; ils vont aménager tout leur territoire avec l'aide du gouvernement
qui devrait intervenir dans le coin.
M. Boudreau: J'aimerais ajouter ceci, M. le député.
Il me semble qu'on n'ait pas tellement besoin de longues études pour
arriver à une conclusion rapide. Je dirais même que j'ai peur que
la commission ne se perde dans de longues études. J'écoutais ce
matin les questions et l'altercation entre M. Ryan et M. Garon sur
l'agriculture à Mirabel. Sous le gouvernement fédéral,
l'agriculture a-t-elle été un succès? Est-ce une
agriculture florissante qu'on a à Mirabel ou est-ce une agriculture
dépérissante? J'ai vu comme vous tous le sondage fait par SORECOM
et publié à grand renfort de publicité dans la Presse.
J'ai entendu d'autres questions sur le PICA, des demandes pour faire venir le
ministre de l'Industrie et du Commerce pour nous expliquer ses vues sur le
PICA, etc. J'ai l'impression qu'il y a toutes sortes de grenouillages qui se
font actuellement pour noyer la commission sur le territoire de Mirabel et pour
faire passer les
expropriés de Mirabel pour d'éternels "chialeux". Cela me
fait très peur pour cette commission et j'ai hâte de savoir
finalement où cela va aboutir.
Je pense que le fond de la question n'est pas là. Il n'est pas
nécessaire d'avoir fait de longues études. Le fond de la question
et c'est notre raison d'être ici - c'est, premièrement, une
question de justice vis-à-vis des expropriés de Mirabel. Ces gens
qui sont ici, qui sont revenus encore cette semaine, qui sont là depuis
le début, représentent les expropriés de Mirabel; ils
veulent que ce dossier aboutisse et que la justice soit rétablie. Pas
besoin de longues études pour savoir cela. C'est pour cela qu'ils sont
ici et c'est pour cela que le Parti québécois
Laurentides-Lanaudière est ici. On veut un règlement le plus vite
possible. (17 h 45)
Deuxièmement, c'est une question de fierté nationale et
d'intégrité du territoire québécois. Est-ce qu'on
va tolérer encore longtemps, que nous soyons péquistes ou
libéraux, que le gouvernement fédéral continue à
gérer le territoire québécois, un territoire dont il n'a
pas besoin pour ses fins aéroportuaires? Pour tout
Québécois, il me semble que la réponse est très
claire: Dehors, le gouvernement fédéral, et au plus sacrant, de
terres dont il n'a pas besoin. Nous autres, ce que l'on souhaite, c'est que
tous les intervenants dans le dossier, qu'ils soient libéraux, qu'ils
soient péquistes, qu'ils soient unionistes ou autres, fassent des
pressions sur le gouvernement avec nous pour que ce comité qui sera
formé agisse et apporte une solution rapide à cette question.
C'est une question de justice. C'est une question de droit de tous les
expropriés de Mirabel. On est parti, tout à l'heure du fait que
le fédéral a décidé de rétrocéder 30
000 acres, mais la justice, ce n'est pas seulement pour les expropriés
des 30 000 acres. La justice doit se rétablir pour les expropriés
des 80 000 acres et des 90 000 acres, si, plus tard, on prouve qu'il n'avait
pas besoin de 17 000 acres.
Là-dessus, il me semble qu'on est fondamentalement d'accord avec
ce que M. Ryan a écrit plusieurs fois. On aimerait bien qu'il continue
à défendre ce dossier avec nous. Il écrivait, le 27
octobre, dans L'Argenteuil: "Le régime de tutelle instauré
à Mirabel depuis 1969 contribue à maintenir la population dans un
état d'insécurité, d'indécision et de
dépendance. Il coûte, en outre, très cher; cela n'est bon
ni pour l'économie ni pour l'équilibre de la vie sociale et
politique. Le retour à la normale passe par le rétablissement de
la responsabilité constitutionnelle du Québec sur cette partie
précieuse de son territoire qui fut expropriée en 1969, mais dont
Ottawa n'a pas vraiment besoin pour ses fins aéroportuaires." Sur cette
prise de position de M. Ryan, on est d'accord.
En ce qui concerne proprement l'agriculture - je termine
là-dessus - le comité en question jugera s'il y a eu
dépérissement ou si c'est florissant à Mirabel, jugera
s'il faut créer une zone spéciale, un fonds de relance, mais on
ne veut pas que cela s'enlise dans des rapports qu'on demande et qu'on
entretienne ce sondage SORECOM, tout ce grenouillage qui se fait autour de cela
pour dire que les expropriés de Mirabel, ce sont d'éternels
"chialeux", tout en faisant mine d'essayer de les aider, mais qu'on n'y
arrivera jamais parce que cela prend des études et des études.
Sur la question d'études, votre interrogation me fait craindre qu'on ne
se lance dans les études à n'en plus finir. Je parlais tout
à l'heure à des expropriés et c'est leur crainte
également, ceux qui sont assis ici, à l'arrière.
Merci.
M. de Bellefeuille: Je vous remercie beaucoup, M. Boudreau, M.
Goyer et M. Lauzon.
Le Président (M. Bordeleau:) Merci, M. le
député de Deux-Montagnes.
M. le député de Prévost. Cela va?
M. Dean: Mes questions ont été posées, M. le
Président. Je passe.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, messieurs,
de vous être présentés devant la commission.
J'appelle donc maintenant le groupe suivant, qui est le groupe
Solidarité aux expropriés de Mirabel, représenté
par M. Denis Monière et M. Armand Vaillancourt.
Solidarité aux expropriés de
Mirabel
M. Vaillancourt (Armand): M. le Président, j'avais entendu
dire qu'on devait terminer pour 18 heures. Je trouve que cela serait ridicule
de notre part de ... M. Denis Monière vient justement de partir - son
autobus partait à 18 heures - parce que vous nous avez dit qu'à
18 heures tout se terminait. Je pense qu'on a tout de même un dossier
assez étoffé et on veut donner la chance à chacun de poser
des questions aussi pour pouvoir répondre d'une façon libre. Le
mémoire est très court.
Le Président (M. Bordeleau): Un instant. Si vous voulez
vous identifier, actuellement, il n'y a rien de cela qui est compris dans nos
écritures. Si vous voulez prendre place, on verrait si l'on doit,
à ce moment, continuer ou arrêter.
Je pense que c'est M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Armand): Je suis Armand Vaillancourt. M. Denis
Monière vient
justement de partir - il fallait qu'il prenne son autobus à 18
heures - sur ma recommandation, parce que, tout à l'heure, vous m'avez
dit que la commission devait se terminer pour 18 heures. Plus l'heure
avançait, plus l'autobus était prêt à partir.
Le Président (M. Bordeleau): Remarquez que je viens
d'assumer la présidence de la commission, mais ce qu'on m'a dit, c'est
qu'on pouvait, sur consentement des membres de la commission, continuer
après 18 heures. Cela dépend, bien sûr.
M. Vaillancourt (Armand): Cela va. Pour ma part, j'ai le dossier
de M. Denis Monière, qui a simplement une page et demie.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord.
M. Vaillancourt (Armand): J'aimerais avoir le temps de faire mon
exposé et de répondre aussi à des questions.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: M. le Président, j'aimerais tout de même
qu'on le sache, parce que nous avons des activités prévues ce
soir, nous aussi. Je veux savoir si on terminera à 18 h 15, à 19
heures ou à 20 heures.
Le Président (M. Bordeleau): C'est essentiellement une
question d'entente entre les membres de la commission. Vous êtes les
maîtres.
M. le député de Groulx.
M. Fallu: Nous avons convenu, comme on dit dans notre jargon,
à l'arrière du trône, que, par entente avec un nouveau
président - d'ailleurs, je vous remercie d'avoir accepté de
présider notre commission - peut-être nous pourrions aller jusque
vers 18 h 30. Maintenant, j'aurais une question à poser à M.
Vaillancourt. Est-ce que, pour votre part, vous jugez que vous pouvez faire
votre exposé dans 15 ou 18 minutes, ce qui nous laisserait, à
nous les membres de la commission, quelques minutes pour poser des questions ou
si vous préférez revenir?
M. Vaillancourt (Armand): Est-ce qu'il faut terminer à 18
h 30 absolument? Je ne veux pas étirer la séance pour rien, mais
je voudrais peut-être au moins dire que cela fait six fois que je viens
ici, qu'on me demande de partir de Montréal pour venir en commission.
C'est la sixième fois que je frappe un mur, c'est un peu irritant.
M. Fallu: Mais vous-même, est-ce que vous
préférez revenir ou si, en dedans de 35 minutes...
M. Vaillancourt (Armand): Ça va. Si je savais que j'ai au
moins trois quarts d'heure pour m'exprimer, je pense qu'on peut continuer, au
maximum, une heure.
M. Fallu: Malheureusement, on n'aurait que 35 minutes.
Le Président (M. Bordeleau): Enfin, 35 ou 40 minutes,
est-ce que ce serait suffisant? M. le ministre.
M. Garon: À moins, si vous le préférez, avec
votre groupe, de revenir et d'être le premier sur la liste pour la
prochaine fois?
M. Vaillancourt (Armand): Ce qui arrive avec le groupe, c'est que
M. Gaston Miron devait venir, l'autre semaine. Il était occupé.
Mme Charlotte Boisjoli devait venir l'autre semaine avant, elle est maintenant
occupée. M. Denis Monière n'aura sûrement pas l'occasion de
revenir une autre fois, car il est très très occupé. Il
s'en va en Europe dans les jours qui viennent. Moi, je peux représenter
le groupe; j'aurais aimé avoir des collègues avec moi, mais je
peux faire le travail ici. Je suis assez documenté pour le faire.
Le Président (M. Bordeleau): Je pense que, si on commence
immédiatement, on devrait avoir le temps de vous entendre et de
répondre à des questions.
M. Vaillancourt (Armand): Je vais aller chercher mon dossier.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Juste une petite remarque. Je suis d'accord avec vous
sur cette décision. Il n'y a pas de problème. Je voudrais que
vous compreniez que, si le député de Beauce-Sud doit partir, ce
n'est pas par indifférence, mais plutôt parce qu'il a des
obligations dans son comté. C'est très exceptionnel que le
mercredi soir on continue. C'est d'un commun accord entre les deux partis. Ce
n'est pas que les gens n'ont rien à faire, mais c'est parce qu'il y a
d'autres devoirs que de siéger à cette commission-ci. D'ailleurs,
l'assiduité de mon collègue de Beauce-Sud, depuis le
début, parle par elle-même, je pense, et démontre son
intérêt pour le problème. La même chose s'applique
à mon collègue, le député de Berthier. Mais lui,
j'essaie de le mobiliser pour un peu plus longtemps.
M. Garon: D'accord.
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le ministre, oui.
M. Garon: II faut dire qu'il y a toujours une question de choix
dans ses activités. Moi, je dois aller au Conseil de ministres. Je dois
aussi aller prononcer une allocution au Conseil de l'industrie laitière
et je dois enfin rencontrer un groupe en fin de soirée. Mais je vais
essayer d'être présent ici le plus longtemps possible, parce qu'il
faut penser que c'est aussi important d'être présent ici.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, tout le
monde. J'espère que chacun n'aura pas à justifier sa
présence ou son absence. Je donne la parole immédiatement
à M. Vaillancourt, pour la présentation de son
mémoire.
Une voix: ... Est-ce du vin?
M. Vaillancourt (Armand): Cela a l'air de ça, mais ce
n'est pas ça. C'est du jus de raisin pur qui vient de la France.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!
M. Vaillancourt (Armand): M. le Président, M. le ministre,
messieurs les députés, mesdames et messieurs, au nom de la
Solidarité aux expropriés de Mirabel, je dois dire merci à
la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation qui nous a donné la permission et le privilège de
venir témoigner en faveur des expropriés de Mirabel.
J'ai quelques confessions à faire. La première fois que je
suis venu dans cette enceinte, j'avais six ans, c'était en 1935. Mon
père avait dit: On va aller à Sainte-Anne-de-Beaupré, au
zoo et au parlement. J'ai été bien impressionné. Il y a eu
une bataille à la maison pour savoir qui allait rester sur la ferme et
qui allait traire les vaches. Étant donné que j'étais
parmi les plus jeunes et mes frères un peu plus vieux que moi, nous
sommes partis pour Québec.
Presque tout ce que je suis aujourd'hui, je le dois à la ferme,
à la vie que j'y ai menée avec mon père, ma mère et
mes dix-sept frères et soeurs. Je peux dire que je pense que mon
père a été mené par la main de Dieu, aussi. Toute
cette vie est présente avec force dans mon oeuvre. L'art n'est jamais
dégagé de la réalité sociale. L'idée d'un
art n'est jamais au-dessus de l'ultime justice sociale. Je vous parle de moi
pour mieux vous parler des autres. Comme le dit le poète
américain Walt Whitman je me célèbre moi-même et ce
que je dis de moi vaut pour tous, car chaque parcelle de moi est aussi bien
à vous.
J'ai gardé un profond attachement à la terre où je
suis né et j'ai souvent l'impression, depuis que je les connais, que le
même sang que le mien coule dans les veines des habitants de Mirabel. Je
comprends leur lutte jusqu'au plus creux de moi-même, je la comprends, je
l'endosse et je lutte avec eux. L'autre jour, j'ai dit à Rita Lafond
qu'elle était en train d'écrire une page de l'histoire du
Québec. Elle m'a répondu qu'elle se contenterait bien d'une
demi-page. Cette page qui en devient dix, cent et mille et plus encore devant
cette commission, qu'en fera le gouvernement du Parti québécois?
Un fonctionnaire libéral fédéral m'a dit que le dossier
Mirabel était la plus grande escroquerie faite au Canada par un
gouvernement. Les conservateurs, eux, ont parlé du scandale du
siècle. Qu'en ferons-nous?
Selon Walter Stewart, journaliste de Toronto, ancien directeur de la
revue Maclean, qui connaît le dossier à fond, Trudeau et compagnie
ont pris une chance à Mirabel en croyant que l'opposition
gouvernementale du Québec ne serait pas trop forte et en se disant
peut-être aussi que les Québécois étaient
stupides.
On dirait qu'ils croient encore les mêmes choses. M. Fox a mis en
vente deux villages de Mirabel dont les maisons doivent être vendues
avant le 31 décembre de cette année. Que ferons-nous et que fera
le gouvernement du Parti québécois devant pareille
réalité? Au moment où je vous parle, via le valet-matraque
Jean-Pierre Goyer, le processus de dépossession des résidents de
Sainte-Scholastique se continue donc pour en faire un parc d'amusement, un nid
de patronage, un dossier noir, noir d'injustices, noir de haine, noir de
mensonges et noir d'hypocrisie. La dépossession se continue. J'ai
consulté le Petit Larousse et le Petit Robert. Déposséder,
c'est "dépouiller, dessaisir, frustrer, priver. Exemple:
déposséder de ses biens, de sa charge: II a été
injustement dépossédé de sa place. Évincer,
supplanter. Roi dépossédé." Le contraire serait: "donner,
rendre."
C'est ce que nous voulons, qu'Ottawa rende immédiatement les
terres prises aux habitants de Mirabel, parce qu'il s'agit bien d'agression.
"Agression: attaque non provoquée, injustifiée,
généralement soudaine et brutale." Agressivité: synonyme
de violence. Cette violence s'accumule depuis treize ans et Francis Fox nous
rit en pleine face à la télévision. Il tourne en
dérision le projet de rétrocession des terres des conservateurs.
L'homme heureux est celui qui n'a pas encore appris la nouvelle. Nous, nous ne
pouvons plus être heureux parce que nous avons appris la nouvelle. C'est
une guerre à finir et il faudra bien la finir. Dans le moment, en
réponse à la commission parlementaire, M. Fox est en train de
vendre deux villages de Mirabel; il veut en vendre toutes les maisons avant le
31 décembre de cette année. (18 heures)
Dans ce préambule, le comité SEM veut
rendre hommage à l'ancien ministre des Affaires municipales du
gouvernement de l'Union Nationale, sous M. Jean-Jacques Bertrand, M. Robert
Lussier, qui s'est battu tout seul contre Ottawa dans le dossier Mirabel. Dans
cette lutte où il a laissé sa peau, nous voulons lui dire que
nous nous souvenons de lui.
J'ai été invité à aller travailler et
à aller installer l'une de mes fonderies à l'atelier de
Belle-Rivière, Sainte-Scholastique, Mirabel, province
fédérale d'Ottawa. On m'a fait visiter les lieux. J'ai
refusé de m'inscrire dans ce projet. Je suis allé m'en expliquer
le soir du vernissage, le 18 août 1982.
Notre culture sera québécoise ou elle ne le sera pas. "M.
Jean-Pierre Goyer, président de la Société
immoblière du Canada (Mirabel) Ltée, a le plaisir de vous inviter
à l'inauguration de l'atelier Belle-Rivière et au vernissage de
l'exposition-rencontre de M. Robert Roussil, sculpteur, qui auront lieu sous la
présidence d'honneur de l'honorable Francis Fox, ministre des
Communications, le mercredi 18 août 1982 à Belle-Rivière,
Mirabel. L'atelier de Belle-Rivière se veut un lieu d'exploration
culturelle pour les créateurs et le public. Création et
exposition s'y côtoient; c'est là sa vocation. Un dîner
champêtre sera servi; tenue décontractée. "Tenue
décontractée pour marquer une autre ingérence flagrante du
gouvernement d'Ottawa dans le domaine de la culture québécoise.
Tenue décontractée pour utiliser les artistes du Québec
dans une opération de camouflage afin de faire oublier tous les
habitants dépossédés de Sainte-Scholastique. Tenue
décontractée pour encourager ceux qui encouragent la
dépendance du Québec. Belle tentative pour nous détourner
de leurs incompétences et de leurs irresponsabilités! "Une rumeur
circule depuis un certain temps à l'effet que M. Robert Roussil et
moi-même, Armand Vaillancourt, allons avoir un atelier sur le territoire
fédéral de Mirabel. M. Roussil a ses convictions. Moi, j'ai les
miennes. Je n'ai jamais eu l'intention, ni hier, ni aujourd'hui, ni demain, de
m'installer en territoire occupé. J'ai depuis longtemps mon propre
atelier en territoire québécois. Depuis 1966, je suis
installé à Coteau-du-Lac. "Ottawa occupe illégitimement le
territoire de Mirabel depuis un acte de trahison d'abord signé par M.
Jean Marchand et aujourd'hui endossé devant nous par M. Jean-Pierre
Goyer et M. Francis Fox. Par cette occupation illégitime, ce sont tous
les Québécois et toutes les Québécoises qui sont
trahis. Ce sont les habitants dépossédés de ces
magnifiques terres arables qui sont trahis. Ils se sont fait voler un pays dans
le pays. Cela s'était déjà fait ailleurs. Je pense
à Hull. Je pense à Forillon." On pourrait penser à
beaucoup d'autres dossiers amenés par Ottawa à Québec.
"Notre tenue décontractée, nous la gardons pour des lieux autres
que ceux d'ici, où il nous faut venir pleins et pleines de vigilance
pour dénoncer ce dîner champêtre, parce que nous ne nous
mettrons pas à table quand on nous y sert de la grossière
hypocrisie et du mensonge à tour de bras. Nous ne bouffons pas de
l'éléphant blanc servi à la table de l'expropriation par
les mains sales des traîtres. Nous savons reconnaître les plats
empoisonnés. Nous gardons encore notre goût de la liberté.
Le peuple québécois ne se soumettra jamais ni pour un plat de
sandwichs, ni pour une verre de vin, ni pour un atelier. Le peuple
québécois ne se soumettra jamais, même si vous tentez de
nous utiliser, nous, les artistes, pour masquer vos véritables desseins.
Notre culture sera québécoise ou elle ne le sera pas. Nous vous
résisterons. Nous avons encore plein de courage pour nous opposer
à toutes vos tentatives de séduction mises à jour pour
encadrer et contrôler la culture québécoise, pour coincer
les artistes du Québec entre l'arbre et l'écorce et semer chez
eux la confusion. "Je suis venu ici avec votre carton d'invitation pour mettre
en garde tous les artistes contre vous. Tenue décontractée, non
merci. Vous ne nous direz pas comment nous habiller. Tenue
décontractée pour venir vous voir nous voler nos vies; tenue
décontractée pour venir vous voir nous passer un Québec,
merci bien. "Vive la lutte contre les oppresseurs, qu'ils soient du dehors ou
du dedans! Avec tous les peuples opprimés de la terre, nous nous
battrons encore comme ils se battent. Nous nous battons aujourd'hui. Nous nous
battrons demain. Contre tous les fascismes, les dictatures, les agresseurs et
les régimes militaires dont nous connaissons toutes les formes, contre
toutes les fausses démocraties. Le peuple québécois ne se
soumettra jamais. Il faudra bien que vous finissiez par vous en apercevoir.
Quand nous avons faim et soif, ce n'est pas à vos tables de plats
empoisonnés que nous nous nourrissons. "Quand nous nous approchons de
vous, notre tenue n'est pas décontractée. Nous sommes venus vous
dire encore une fois que ce que nous voulons, c'est un Québec libre.
Libre de vous et ouvert sur le monde. Un jour, nous goûterons à
notre victoire et dans la tenue que nous voudrons. Notre victoire sera celle de
la raison, de l'imagination, de l'intelligence, de la logique et du coeur sur
votre ruse, votre mystification, votre récupération et sur vos
silences coupables. Francis Fox, non merci. Jean-Pierre Goyer, non merci."
Je ne pouvais pas collaborer à l'érection d'un monument
"monumental"
consacrant la défaite de treize ans de lutte des
expropriés de Mirabel. Voyez-vous, je suis fils de fermier. Je suis
moi-même un habitant et je connais le sens profond de l'appartenance
à la terre. Il ne pouvait pas, non plus, pour moi être question de
m'engager dans un tripotage d'Ottawa consacrant la mainmise du
fédéral dans des domaines qui ne lui appartiennent pas. C'est
bien ce dont il s'agit. Roussil dit qu'il veut créer et financer, par la
Société immobilière du Canada, des lieux nouveaux devant
intégrer, sur une surface approximative de 18 480 acres ou 28 milles
carrés, le social, le loisir, le tourisme, l'agriculture, la culture,
l'industrie et l'immobilier. À ce que nous sachions, ce sont là
des domaines de juridiction provinciale. Qu'est-ce qu'Ottawa vient y faire?
À ce sujet, à Québec, la commission parlementaire
de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation siège
aujourd'hui. Cette commission parlementaire peut bouleverser tous les plans
d'Ottawa et donner raison aux expropriés qui ne veulent pas avoir
seulement 30% des terres que leur offre Goyer, mais la totalité des
terres arables non utilisées dans la zone aéroportuaire. Je leur
donne mon appui.
Pour tenter d'accomplir ces exploits, Jean-Pierre Goyer s'est
acoquiné avec un sculpteur. Ils ont enveloppé ce projet de mots
qui ne peuvent impressionner que les ignorants. Roussil parle de
création internationale. L'art international n'existe pas. C'est fort
connu. Disons qu'il existe des peintres flamands, des musiciens allemands, des
danseurs russes, des sculpteurs grecs, des écrivains français qui
ont fait leur marque dans le monde, à une époque, et qui ont
connu une reconnaissance internationale. C'est la connaissance de leurs
créations qui est devenue internationale, mais eux-mêmes et
elles-mêmes n'ont jamais pratiqué un art international.
Si je dénonce le projet de l'atelier Belle-Rivière, c'est
parce que je crois profondément que ce n'est pas le rôle de
l'artiste d'être la Crazy Glue ou la colle contact entre les imposteurs
et les victimes. L'idée d'un art n'est jamais au-dessus de l'ultime
justice sociale. Un artiste n'a jamais le droit de collaborer à une
aberration mentale, telle cette dépossession. Mirabel, dans la
volonté d'Ottawa, c'est bien le déracinement d'un monde agricole
de sa propre terre et de ses propres fonctions. Je dirais que si on est un
habitant on n'a pas envie de devenir un ouvrier agricole au service d'un
seigneur terrien.
En effet, ce grand dérangement de 1969 nous ramène 150 ans
en arrière, au régime seigneurial lui-même pourtant aboli
depuis 1830. Le grand dérangement de 1969, quel est-il? Le
démantèlement de 14 municipalités, la destruction de 12
villages, l'exil de 14 000 personnes, la saisie de 97 000 acres de terre. Sur
les 80 000 acres de terre non requises pour l'aéroport, on a
détruit inutilement 437 résidences, 276 étables, 48
commerces.
Pour votre gouverne, il est intéressant de noter ici qu'au moment
où Ottawa expropriait 97 000 acres pour Mirabel, ailleurs, on se
contentait de 8500 acres pour l'aéroport de Chicago, de 6700 acres pour
l'aéroport Charles-de-Gaulle, de 8000 acres pour l'aéroport
Kennedy, de 17 600 acres pour l'aéroport de Dallas, le plus grand
aéroport au monde, à part les grands projets des Arabes, en
Arabie Saoudite surtout.
Depuis treize ans, les agriculteurs de Mirabel multiplient leur lutte
pour reconquérir leur territoire. On leur a promis, "dépromis",
"repromis" et "dédépromis". En mai dernier, dans un
deuxième mandat confirmé par un arrêté
ministériel qui a comme force de loi, on ne leur offre plus que 30% du
territoire et ce, à 24 fois le prix payé par Ottawa. De partout,
on soudoie pour s'installer à Mirabel. La Great Lakes Carbon
achète 84,4 acres; le projet de Roussil occupe 18 480 acres; Maupel
occupe 10 000 acres et Gérin-Lajoie occupe 2500 acres pour un projet
d'agro-alimentaire.
Pendant tout ce temps, en attendant de vendre à tous et à
chacun, Goyer, qui connaît toutes les ficelles du patronage, tripote des
projets plus ou moins douteux en accaparant toutes les sommes de subventions de
la région. Il retire même les chèques du ministère
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec
adressés aux fermiers: "Signe, mon beau, pis signe, mon christ, pis
donne ton chèque à Goyer."
Quant à la formation du conseil d'administration de la
Société immobilière du Canada, sachons qu'il n'est
composé, en fait, que d'une seule personne favorable aux
expropriés, les autres sont des organisateurs politiques de Fox, un
ancien député fédéral et un gars à qui on a
dit un jour: "Présente-toé pas comme député icitte,
laisse le comté à Fox, tu y perdras pas." Il s'agit donc bien ici
d'un projet global de dépossession de la part de Fox, de Goyer et
d'Ottawa.
Dix jours après l'inauguration de l'atelier de
Belle-Rivière, la grange qui le logeait a flambé. En apprenant la
nouvelle, je me suis dit: "Tiens, un autre coup d'Ottawa." Par quelle
association d'idées? Peut-être à cause du fait que le
répondant responsable de la Société immobilière du
Canada, Jean-Pierre Goyer, est la même personne qui était
Solliciteur général du Canada au moment de l'incendie de la
grange du Petit Québec libre, c'est-à-dire le répondant
responsable de la Gendarmerie royale actuellement en procès pour cet
incendie. C'est une hypothèse émise en me demandant à qui
cet incendie, déclaré criminel par Roussil, pouvait bien
profiter
politiquement ou autrement. En tout cas, ce n'est pas moi qui ai mis le
feu, ni les expropriés de Mirabel qui ont mené franc jeu et sans
aucune bavure leur lutte depuis treize ans afin de reconquérir leur
territoire. Comme le dit Rita Lafond: Nous, on n'est pas des brûleurs de
granges, on est des bâtisseurs."
J'accuse le fédéral et plus particulièrement le
Parti libéral d'Ottawa d'avoir exproprié illégitimement
des milliers de fermiers, d'avoir divisé les occupants entre eux;
d'avoir déstabilisé l'économie de toute une région,
d'avoir rendu des habitants dépendants alors qu'ils étaient
sereins, prospères, fiers et maîtres chez eux; d'avoir
bafoué des êtres nobles, beaux et généreux, d'avoir
mis tout en oeuvre en mentant effrontément pour ne jamais rendre leur
terre aux dépossédés de Mirabel. Je l'accuse aussi d'avoir
semé la confusion dans tous les esprits.
Les expropriés le disent: "Le nouveau propriétaire
n'était pas facile à comprendre. En 13 ans, nous l'avons vu
changer de visage et de politique bien des fois. Nous avons vu défiler
sept - oui, sept - directeurs différents, délégués
par le gouvernement fédéral pour gérer le territoire et
les habitants de la réserve de Mirabel. Un directeur disait ne pas avoir
le pouvoir de prendre des décisions. Un autre se montrait plus
autoritaire. Ce qu'un permettait, l'autre le refusait. Les autorisations
données par l'un n'étaient plus valables pour l'autre.
Tantôt l'on nous fournissait des autorisations écrites,
tantôt on se contentait de permissions verbales. Ou encore,
c'était le silence complaisant et les avis de continuer comme avant. (18
h 15)
Quelqu'un, quelqu'une a-t-il ou a-t-elle jamais compris ou réussi
à démêler les ficelles de l'affaire Mirabel, non seulement
réussis à démêler les fils, mais aussi, comme dit le
poète, réussi à savoir ce qui se passait dans le fuseau ou
la bobine? Il y a un important rappel historique à faire ici. C'est par
l'affaire Mirabel que Trudeau a commencé à s'affirmer
férocement contre les gouvernements du Québec. Il
déclarait, le 1er avril 1969: "L'époque où le gouvernement
canadien se laissait bousculer par la province de Québec est maintenant
révolue". On connaît la suite. Ce n'était pas un poisson
d'avril.
Depuis que je me suis fait ami avec les expropriés de Mirabel, je
fouille des dossiers. Plus je fouille, plus je comprends que ce qu'il y a de
plus clair dans ce dossier, c'est la confusion. On dit de Mirabel que c'est un
éléphant blanc. On parle d'incompétence à tous les
niveaux. Et si c'était aussi un cheval de Troie! Qui se cache dans le
cheval? Cela fait treize ans que les expropriés de Mirabel se posent des
questions entre eux. Et avec les journalistes et avec les éditorialistes
et avec toutes sortes de gens. Tout le monde pose des questions et il n'y a
jamais de réponses raisonnables! S'il n'y a pas de réponses
raisonnables, c'est peut-être que nous n'avons pas posé les bonnes
questions. S'il y a confusion, est-ce que c'est parce qu'Ottawa est maladroit
ou est-ce parce qu'il nous cache quelque chose? Et qu'est-ce qu'il pourrait
bien nous cacher?
Sans les journalistes, on n'aurait rien su, par exemple, du scandale du
gaz naturel, fin des années cinquante. Il n'y aurait pas eu l'affaire
Watergate. On n'aurait pas connu l'histoire des diamants, qui liait Giscard
à Bokassa.
Avec Leclerc du Devoir, je repose donc les questions suivantes: pourquoi
Ottawa va-t-il jouer à l'Île-du-Prince-Édouard dans cette
province au statut particulier qu'est devenu Mirabel, et où il
s'intéresserait soudain à l'agriculture, au tourisme, au loisir,
au développement industriel et à nombre de projets chéris
ne relevant guère de son autorité? Cette filiale
immobilière doit-elle servir de planque à d'anciens ministres,
sous-ministres ou à de futurs députés? Des promoteurs
sont-ils en attente dans les antichambres libérales? L'OTAN aurait-elle
encore des vues sur la zone aéroportuaire?
Nous avons tous les droits de savoir pourquoi le fédéral
ne veut plus remettre que 30% des 92 000 acres qui restent aux
expropriés de Mirabel. Et ce à des prix de spéculateurs
véreux. Veut-il, de fait, réellement remettre ces 30%? Quels sont
les mandats réels de Goyer et de Fox dans cette affaire de patronage et
de graissage?
J'en appelle à tous les artistes, à tous les
intellectuels, à tous les Québécois à toutes les
Québécoises, afin qu'ensemble, avec les expropriés, nous
réclamions la démission de Jean-Pierre Goyer, président de
la Société immobilière du Canada (Mirabel) Ltée, de
son conseil d'administration et de Francis Fox, ministre des Communications
à Ottawa.
Solidarité aux expropriés de Mirabel.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Vaillancourt. M. le
ministre.
M. Garon: M. le Président, permettez-moi, tout d'abord, de
féliciter M. Vaillancourt, de même que les gens qui sont
associés à lui dans son mémoire: le poète Gaston
Miron, la comédienne Charlotte Boisjoli et l'écrivain Denis
Monière, pour leur implication sociale dans ce dossier. Si tous les gens
libres de pensée avaient eu la même conscience sociale au
Québec, j'ai l'impression que le dossier serait depuis longtemps
réglé à l'avantage de la population de Mirabel.
Malheureusement, chacun a ses préoccupations personnelles. D'autres ont
des intérêts à défendre, intérêts
financiers,
parfois intérêts politiques ou intérêts de
quelque nature que cela soit, qui font qu'ils gardent le silence plutôt
que de défendre la justice. C'est pour cette raison particulière
que je voudrais féliciter les auteurs de ce mémoire qui
interviennent davantage sur le principe que sur les modalités.
Il y a quelques allusions, dans le mémoire, que je n'ai pas
saisies; j'aimerais avoir une explication additionnelle. À la page 4, on
dit que la Great Lakes Carbon a acheté 84,4 acres; je suis au courant.
Gérin-Lajoie avait un projet pour 2500 acres. Cela, j'en avais entendu
parler. Et il y avait le projet de Roussil pour 18 480 acres, et le projet de
Maupel qui veut 10 000 acres. Cela, je n'ai pas trop saisi à quoi cela
référait.
M. Vaillancourt (Armand): Bien, on parle de dépossession
et de revente sans autorisation des expropriés. Pour la Great Lakes
Carbon, c'est déjà fait: c'est 84,4 acres qui ont
déjà été vendues. Pour le projet de Roussil, j'ai
fait une petite enquête; je suis allé voir le CIAC et ce sont des
chiffres qu'ils m'ont donnés. On a essayé de compiler un peu les
territoires près de Belle-Rivière et on a calculé que cela
faisait 18 480 acres pour un projet grandiose qu'Ottawa avait proposé
à Robert Roussil. Il faut dire que c'est une espèce de village,
une espèce de ville, enfin, une espèce de parc d'amusement
où une architecture très libre aurait été
érigée sur le site. Donc, c'est un grand rêve pour un
sculpteur comme Roussil, comme n'importe qui, qui aurait voulu faire un grand
projet. Et je pense que c'est par là que Robert Roussil a
pêché le plus. Il a cru voir une manne, un gâteau excellent
et je pense qu'il a manqué de courage et ce n'est pas à son
honneur. Surtout que Robert Roussil, c'est un vieux confrère des
années cinquante. On a fait bouger dans cette période beaucoup de
choses à Montréal. Je n'ai pas à faire le procès de
Robert Roussil ici, mais je trouve cela malheureux qu'on ait voulu s'acoquiner
avec Ottawa, avec des amis comme Jean-Pierre Goyer, pour mener à bien un
dossier aussi scandaleux que celui qu'il voulait mettre sur pied. Justement, on
avait bien commencé avec l'atelier Belle-Rivière. Il y avait
beaucoup de publicité qui se faisait autour de cette chose, le
vernissage. Et on sait la réception qu'ils ont eue. Je suis bien content
de la façon dont cela a tourné. Je pense qu'ils vont y penser
deux fois avant de reprendre un projet comme celui-là.
Pour ce qui est de Maupel, on avait des dossiers qui m'ont
été donnés à la CIAC. C'est une organisation assez
"fofolle", mais je pense que M. Raymond et Mme Lafond sont allés
à une des réunions et il y avait pas mal de gens, apparemment,
qui étaient impliqués dans ce dossier, dont Francis Fox et
Jean-Pierre Goyer et Gérin Lajoie pour un autre dossier. C'est un gros
projet international encore. Quand on pense que ces terres, ce sont parmi les
rares bonnes qu'on a au Québec - on dit le huitième parmi les
plus belles terres agricoles au Québec - je trouve cela scandaleux,
quand il y a à peu près 50 000 personnes qui meurent de faim
à travers le monde par manque de nourriture, qu'on se permette de faire
des parcs d'amusement dans un territoire comme celui-là. Je pense que
c'est une cause qui est noble à défendre non seulement pour les
êtres qui y habitent et pour ramener un sens de la justice, mais aussi et
surtout pour revaloriser les terres là-bas et que la gouverne se fasse
à partir des anciens occupants qui devraient être les rois et
maîtres de cette région, avec l'appui des gouvernements.
M. Garon: Je vous remercie, M. Vaillancourt. Je ne voudrais pas
vous poser d'autres questions; j'en aurais bien d'autres, mais je ne voudrais
pas accaparer tout le temps pour les questions. Alors, laissons aux autres la
possibilité de vous poser des questions.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Armand): J'ai le dossier de Denis Monière
ici, qui est de deux pages. Je ne sais pas si je peux le laisser à la
commission parlementaire ou si vous aimeriez que je le lise. Je m'excuse parce
que j'étais tellement sûr que cela finissait à 6 heures. M.
le Président m'avait dit que c'était très clair, qu'il
n'était pas question de passer 6 heures. J'aurais demandé
à Denis Monière de rester pour sa part du dossier.
Le Président (M. Bordeleau): Si les membres sont d'accord,
on peut facilement procéder à la lecture. Mais auparavant,
peut-être, s'il y a des questions de l'autre côté. M. le
député d'Argenteuil.
M. Vaillancourt (Armand): II y a deux pages.
M. Ryan: Je crois que le texte de M. Monière devrait
être déposé ici. Si M. Monière n'est pas
présent, je pense qu'on est capable de lire le texte comme vous allez le
lire, M. Vaillancourt. On va le lire consciencieusement.
M. Vaillancourt (Armand): Oui.
M. Ryan: Je pense que les quelques minutes qu'on a, il vaut mieux
les consacrer à causer avec vous puisque vous êtes là.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord.
Est-ce que vous avez des questions, M. le député
d'Argenteuil ou les autres? M. le ministre.
M. Garon: On pourrait, par délicatesse, je pense, pour M.
Monière qui pensait que la commission se terminerait à 18 heures,
lui permettre de le lire à une séance ultérieure,
peut-être s'il veut venir lui-même présenter son texte,
parce qu'il s'est déplacé à quelques reprises,
semble-t-il, et il n'avait pas de raison de croire que la commission
continuerait après 18 heures. Je pense que cela serait dans l'ordre des
choses.
M. Ryan: S'il avait consulté les membres de l'Opposition,
il aurait su que nous étions toujours ouverts. Il n'y a pas d'objection
à ce que M. Vaillancourt le lise, si vous voulez qu'il le lise.
M. Vaillancourt (Armand): Cela va prendre exactement deux
minutes; c'est très court. D'accord?
Le Président (M. Bordeleau): Allez-y, M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Armand): Mémoire présenté
devant la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation le 27 octobre, mais on a dépassé cette date.
Comme Québécois, je ne peux que m'associer à la
lutte des expropriés de Mirabel contre la tutelle qu'exerce le
gouvernement fédéral sur cette portion de notre territoire
national. Ce qui est vécu par la population de cette région
correspond au sort qui est fait à l'ensemble de la collectivité
québécoise depuis la fin des années soixante par le
gouvernement fédéral.
En effet, de la création de Mirabel à la nouvelle
constitution, on peut constater que c'est la même logique centralisatrice
qui est à l'oeuvre, c'est le même rouleau compresseur qui
s'attaque aux fermes des cultivateurs et aux droits des Québécois
et des Québécoises. On utilise contre les expropriés les
mêmes tactiques que celles employées contre tout le Québec:
intransigeance, arrogance, mépris, confusion entretenue, chantage,
fausses promesses; toute la panoplie de l'oppression insidieuse est
déployée.
Tout comme on a exproprié les terres des cultivateurs, on nous a
dépossédés avec la nouvelle constitution des pouvoirs
essentiels à la maîtrise de notre destin collectif. Nous sommes en
train de devenir un peuple d'expropriés. Pour cette raison, on ne peut
que soutenir la cause des expropriés de Mirabel, car elle est commune
à celle du peuple québécois, elle participe au même
combat.
Il y a un parallèle évident entre la création de
Mirabel et la façon dont le rapatriement de la constitution a
été fait, ce qui atteste de l'existence d'un dessein politique
précis de la part du gouvernement fédéral. Ainsi, la
création du nouvel aéoroport international en 1969 a
été la première manifestation de la fin du
fédéralisme coopératif, car il s'agissait d'une
décision unilatérale d'Ottawa. Les habitants de la région
de Sainte-Scholastique ont été les premières victimes de
cette doctrine du fédéralisme unilatéral et dominateur
préconisé par le Parti libéral du Canada. D'ailleurs,
à l'occasion du débat public sur le choix de l'emplacement de
l'aéroport, le premier ministre Trudeau avait clairement annoncé
ses intentions en disant que l'époque où le gouvernement canadien
se laissait bousculer par le Québec était révolue (Le
Soleil, 2 avril 1969). Il exposait ainsi sa volonté de mater la
résistance québécoise au mépris des
intérêts économiques du Québec. Jean-Jacques
Bertrand qualifiait déjà à l'époque la
décision du cabinet fédéral "de coup de force d'Ottawa"
(La Presse, avril 1969).
J'ai rappelé ces circonstances et ces déclarations pour
montrer que la question particulière de l'avenir des terres
expropriées en trop de Mirabel fait partie d'une stratégie
politique qui vise à éroder les pouvoirs du Québec et
à nous empêcher d'être maîtres chez nous, qu'il s'agit
donc d'un problème politique et qu'il existe une solution politique.
Celle-ci ne s'imposera que par l'action combinée de la solidarité
collective et de la détermination politique du gouvernement du
Québec. Il faut mettre fin à cette usurpation du pouvoir de la
part du gouvernement fédéral qui s'ingère indûment
dans la gestion territoriale nationale. Le gouvernement du Québec doit
montrer par des engagements concrets que l'aménagement du territoire
relève de son autorité. Le Québec doit faire
prévaloir sa suprématie légitime, législative sur
l'aménagement du territoire en faisant appliquer de façon
rigoureuse la loi dite du zonage agricole afin d'enrayer la spéculation
et de défendre les agriculteurs.
Il faut mettre fin au régime seigneurial imposé par la SIC
et redonner selon des modalités équitables toutes les terres
expropriées en trop aux agriculteurs.
C'est signé, Denis Monière. M. Monière est
professeur en sciences politiques à l'Université de
Montréal. Il vient de terminer un mandat de deux ans à la
Société des écrivains du Québec. (18 h 30)
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Pour les questions, je
donne la parole à M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: D'abord, M. Vaillancourt, je dois vous dire que j'ai
écouté avec intérêt
votre intervention. Il y a des passages dans votre intervention qui sont
d'une inspiration très sincère, je pense bien. Il y en a d'autres
parfois qui ont un ton excessif. Mais c'est une intervention que je
qualifierais d'un peu poétique, pas dans le sens péjoratif du
terme, au contraire, car je pense que vous donnez le fond de vous-même
sur ce problème. Moi aussi, j'apprécie que vous vous soyez
intéressé à ce problème et au problème du
destin du peuple québécois. Je pense que c'est tout à
votre honneur. Même si je ne partage pas votre option politique, je pense
que c'est excellent pour nous tous que vous l'ayez et que vous la formuliez
avec franchise et fermeté, comme vous le faites.
Je me permettrais, vu que vous avez fait allusion à M. Roussil,
avant de vous poser une petite question là-dessus, de faire une mise au
point qui s'impose, je crois. Vous avez fait allusion à l'incendie de la
grange qui avait été transformée en atelier pour le
travail de M. Roussil. J'ai pu entendre une bande enregistrée d'une
émission radiophonique à laquelle avait participé M.
Roussil, à la suite de l'incendie. Dans cette interview qu'il donnait je
pense que c'était à un journaliste de Radio-Canada - M. Roussil a
dit à peu près ceci: II y a eu un incendie, en effet. Il
était déjà parti en Europe et ça n'avait pas l'air
de trop le déranger. Il a dit: Regardez et peut-être que vous
trouverez des filons d'explication. J'ai déjà eu un incident
comme celui-là, autrefois. Il y avait un gars qui était
mêlé au mouvement des ligues du Sacré-Coeur. C'était
lui qui était responsable de cet incident. On a dit: Oui, mais quel est
le rapport avec notre affaire? Eh bien, dit-il, aujourd'hui, il est devenu
député d'Argenteuil. Il a dit: Ça pourrait peut-être
être la même chose.
Je tiens à dire deux choses, puisque cela a été
fait publiquement. D'abord, je tiens à dire que je n'ai jamais
été mêlé au mouvement des ligues du
Sacré-Coeur. C'est une nouvelle, ça. J'ai été
secrétaire général des mouvements d'action catholique,
autrefois, pendant de très nombreuses années. J'en suis
très fier encore aujourd'hui, d'ailleurs, et très reconnaissant.
Mais je n'ai jamais été associé aux ligues du
Sacré-Coeur. Je me souviens que les ligues du Sacré-Coeur avaient
eu un incident avec M. Roussil, dont j'oublie les détails. Moi, je n'ai
absolument rien eu à voir dans cette affaire, ni de près, ni de
loin.
Deuxièmement, quand M. Roussil, partant d'une première
fausseté, vient en laisser supposer une deuxième à propos
de ce qui se serait passé en relation avec l'incendie de son atelier
à Sainte-Scholastique, je trouve qu'il est rendu dans la fiction au
carré. Je le lui ai fait savoir... Pardon?
M. Vaillancourt (Armand): On voit où peut mener la fiction
aussi. Les gens qui ne prennent pas de position politique, qui se disent
apolitiques, on les retrouve toujours ou presque toujours du mauvais
côté, quand c'est le temps de prendre position, enfin où
cela fait le moins mal et où il y a plus à gagner.
L'égocentricité parfois a sa place dans cela.
M. Ryan: Je tiens à vous dire une chose, M. Vaillancourt.
Comme homme public, ce n'était pas le premier mensonge auquel
j'étais soumis. J'ai vécu, baignant là-dedans, depuis que
je suis en politique pratiquement. Je ne pensais pas qu'il y en avait autant.
Mais celui-ci, c'est parce qu'on a l'occasion de le rectifier au passage. Il
peut dormir tranquille, je ne prendrai pas d'action en dommages contre lui. Je
n'ai pas de temps à perdre.
M. Vaillancourt (Armand): Je dois dire que je suis content, M.
Ryan, que vous l'ayez relevé, parce que moi, je n'ai pas compris. J'ai
aussi un enregistrement de cette cassette, mais je n'ai pas compris le rapport
qu'il pouvait bien y avoir entre une chose et l'autre. Je pense qu'il
était sûrement mal informé. Je suis content de savoir que
vous n'êtes pas un incendiaire, pas plus que moi, d'ailleurs.
M. Ryan: En tout cas, ça, c'est très bien. Comme
c'est un de vos amis, si jamais vous le rencontrez, vous lui ferez mon
message.
M. Vaillancourt (Armand): II n'est pas revenu chez moi
depuis.
M. Ryan: Bon, très bien. Je voulais vous demander une
chose à ce sujet-là. Vous dites qu'on vous avait invité
à aller travailler et même à installer une de vos fonderies
à l'atelier de Belle-Rivière. Est-ce indiscret de vous demander
si les conversations avaient été assez loin ou si vous aviez
rejeté cela tout de suite du revers de la main sans même profiter
de l'occasion qui vous était donnée de savoir combien cette
affaire-là coûterait? Avez-vous, au moins, été assez
pratique pour vouloir connaître ce que cela représentait?
M. Vaillancourt (Armand): Robert et moi étions de vieux
camarades. Il m'a invité une fois d'une façon un peu vaporeuse
comme il est à plusieurs occasions. II m'a demandé si je voulais
voir l'atelier qu'il montait à Belle Rivière. C'est de là
que toute mon intervention a commencé, que ma tête a
commencé à fonctionner dans le dossier de Mirabel. Le dossier de
Mirabel, je le connaissais de loin. Je ne dirais pas avec indifférence,
mais on a tellement de batailles
à mener qu'on ne peut pas être en avant sur tous les
fronts.
Je suis allé à Mirabel avec Robert et nous sommes
allés voir cela. Ce qui m'a éveillé le plus, c'est quand
j'ai passé devant les fermiers qui ont une maison juste à
côté de la grange. On est revenus le soir et des fermiers qui
étaient en colère sont sortis. Automatiquement, j'ai voulu sortir
de mon auto pour aller m'excuser et demander ce qui se passait. Robert m'a dit
qu'il n'y avait pas de problème et qu'il réglerait cela. J'ai
compris tout de suite que ce n'était pas un problème qu'on
pouvait régler avec un sourire ou une excuse. C'était, justement,
l'agression de Robert Roussil dans le territoire là-bas qui importunait
ces gens-là. Ce n'était pas l'idée d'avoir un artiste dans
la région, loin de là. Les gens ont senti le besoin, le CIAC, de
m'informer à plusieurs reprises qu'ils n'avaient rien contre les
artistes. Je comprends aussi bien qu'eux qu'ils n'ont rien contre les artistes,
mais, de cette façon-là, cela aurait pu être un plombier
qui serait venu s'installer là dans le territoire avec la connivence
d'Ottawa et ils auraient été en colère. Ce n'était
pas contre l'artiste lui-même. Cela m'a réveillé.
Je suis retourné chez moi et j'ai reçu l'invitation de MM.
Fox et Goyer. Une rumeur circulait déjà avant que j'aille
là, depuis quelques mois, que j'ouvrais un atelier à
Belle-Rivière. Je ne savais même pas ce que c'était
Belle-Rivière. On m'avait dit que c'était sur le territoire de
Mirabel. Je disais non aux gens, mais plus le temps passait plus j'avais
à m'expliquer aux gens que je rencontrais dans la rue. Je me suis dit
que je ne pouvais pas ne pas y aller et ne rien dire. Si j'y allais, je
devenais complice et, si je ne disais rien, j'étais encore plus
complice. Il fallait que je prenne position et j'ai écrit le premier
manifeste à partir de ma tête, car je n'avais aucune documentation
sur les expropriés. J'avais rencontré les expropriés
durant à peu près 30 ou 45 minutes avant. J'étais
arrêté à Sainte-Scholastique en face du dépanneur.
J'ai demandé aux gens ce qui se passait là. Avez-vous un
comité? Je ne savais même pas que cela s'appelait le CIAC et on
m'a répondu, comme par miracle: C'est juste en face à
l'église. J'ai traversé la rue. Je suis rentré et j'ai
rencontré M. Raymond, Mme Lafond, André Bouvette et un autre dont
j'ai oublié le nom, un grand d'environ six pieds. Je leur ai dit que
j'étais invité par la Société immobilière du
Canada à l'ouverture de l'atelier de Belle-Rivière. On m'a
regardé drôlement. Je leur ai dit que j'étais avec eux et
que, de plus, j'avais un dossier dans mon vieux "char" qui était en face
et que j'aimerais le leur lire. J'ai lu le dossier aux trois ou quatre
personnes qui étaient là et elles sont parties. Elles avaient
déjà préparé une revendication. Je suis parti de
mon côté et je suis allé marcher pendant environ 20 minutes
dans la forêt pour me donner un peu l'erre d'aller de ce qui se passait
dans la région, pour sentir la bonne terre. Je me suis habillé un
peu plus proprement en cours de route. Je suis arrivé là-bas avec
mon dossier et l'intervention est arrivée après cela. Il n'y
avait pas de connivence avec le CIAC. Je ne les connaissais pas du tout. Par la
suite, j'ai eu beaucoup de relations avec eux, des téléphones et
des visites.
M. Ryan: À quand remonte votre implication dans le
dossier? Vous avez dit cela tantôt. À quand cela remonte-t-il?
Quand ils vous ont invité et quand ils vous ont parlé
d'implication dans l'atelier, à quand cela remonte à peu
près, à quelle date?
M. Vaillancourt (Armand): Si on retourne à l'inauguration
qui a eu lieu le 18 septembre, je crois, je pense qu'à peu près
un mois avant Robert était venu à Montréal et
tranquillement il m'avait invité. Il m'a dit: tu as des fournaises
là-bas, ton atelier à Vaudreuil tu pourrais les amener
là-bas, les mettre à l'extérieur où ils ont fait
leur "party", l'épluchette de blé d'Inde. J'ai dit: Écoute
Robert, je suis bien installé là-bas, les fournaises sont
prêtes à fonctionner. Si tu veux t'installer, viens chez moi.
C'était d'autant plus difficile pour moi de contrer l'invitation de
Roussil - s'il avait été un étranger, j'aurais dit non -
que je savais qu'en m'impliquant dans Mirabel je perdais un ami. J'ai
calculé après qu'il n'était pas un ami. Quelqu'un qui peut
jouer comme cela dans les pattes du monde comme ils l'ont fait avec les
expropriés, je pense que cela mérite des représailles.
M. Ryan: Avant ça, vous n'aviez pas été
impliqué dans le dossier de Mirabel du tout?
M. Vaillancourt (Armand): Non. M. Ryan: Avant
l'été dernier.
M. Vaillancourt (Armand): J'ai écrit le dossier sous une
espèce d'impulsion. Il faut dire que je milite, M. Ryan, depuis
plusieurs années. Mes premières interventions datent de
très loin. Mon père était fermier; il a été
mineur avant; il a fait bien des choses et il s'est engagé politiquement
dans son jeune âge. Tout à l'heure, je parlais du parlement. Il
aimait beaucoup venir visiter la maison, ici, et il nous a amenés
à des endroits comme Ottawa, au parlement. Je me souviens d'avoir suivi
la session du Parlement en 1949-1950. J'étais étudiant au
collège classique, à l'Université d'Ottawa, dans la
rotonde et, pendant deux ans, j'ai suivi la session au parlement. J'ai vu
Mackenzie King, dans ce temps-là. J'ai vu Louis Saint-
Laurent prendre le pouvoir. J'ai vu M. Drew qui était dans
l'Opposition et j'ai vu les libéraux du Québec ne jamais se
lever.
À cette période-là, j'avais 20 ans, en 1949, et je
me disais: Est-ce que c'est possible que les députés qui
représentent le Québec n'aient jamais rien à dire sur ce
qui se passe au Québec? Jamais personne ne prenait la parole.
C'était comme des moutons. Je n'ai jamais pu comprendre ça. Je
n'avais que 20 ans et déjà j'avais l'intention d'entrer en
politique. La vie en a voulu autrement. À la fin de 1950, mon
père a vendu la ferme et j'ai été expulsé, moi
aussi, bon gré mal gré, avec tous mes frères et mes
soeurs, ceux qui restaient sur la ferme, et j'ai dû prendre la route de
Montréal. Je n'en suis jamais revenu. Cela a toujours été
pénible pour moi. Tous les jours je rêve. Je rêve le jour et
je rêve la nuit aussi, mais les lieux communs auxquels je rêve la
nuit, à peu de chose près, c'est toujours de la ferme. Pendant
cinq ans, j'ai refusé de rêver. De 1951 à 1956, je n'ai
jamais rêvé à la ferme parce que j'étais tellement
triste d'être déraciné de la ferme que j'ai fait comme un
blocage et, après ça, je me suis mis à en rêver et
ça été extraordinaire.
Il y a une période où j'aurais pu, peut-être
aurais-je dû retourner à la ferme pour faire des sculptures
à l'endroit où on avait travaillé tellement dur, tous mes
frères, mes soeurs et mes parents. Cela a été très
dur, mais c'était d'une façon magnifique. Je ne dirais pas que
c'est la vie et la solution pour tout le monde, mais pour moi, ce que je suis
aujourd'hui, ce qui m'a amené à faire de la sculpture, c'est la
grande frustration d'arriver à Montréal, du jour au lendemain, et
de ne pas savoir quoi faire de mes deux bras, de mes deux jambes et de ma
tête. À cette période-là, j'écrivais de la
poésie -quand j'étais sur la ferme - et pendant longtemps j'ai
arrêté d'écrire et je me suis adonné, à
l'École des beaux-arts, à la sculpture avec de la glaise parce
que ça me rappelait encore la ferme.
Mais je n'ai jamais arrêté de militer. Je suis un sculpteur
qui n'a jamais fait que de la sculpture. Depuis 1967, si je puis parler de moi,
je n'ai jamais eu un contrat, ni au Québec, ni au Canada. J'ai une
sculpture à faire au palais de justice, annoncée depuis trois
ans, qui n'est pas encore commencée. J'ai été
complètement refoulé à cause de mes idées
politiques, depuis 1967. D'après les enquêtes qui avaient
été faites, lors de l'Expo 67 - ce n'est pas pour vanter mon
étoile, car, comme je l'ai dit tout à l'heure, ce que je dis de
moi, je peux le dire de n'importe qui, parce qu'on fait partie de l'univers -
j'étais considéré au Canada comme le premier sculpteur.
J'avais eu beaucoup de publicité, j'avais travaillé très
fort et surtout j'avais amené sur la place publique la sculpture
monumentale. Par l'énergie que j'avais accumulée de la ferme et
qui s'était centrée, en tant que sculpteur, j'étais
arrivé à définir un monde qui était
complètement particulier, qui n'avait jamais été reproduit
ailleurs dans le monde, qui était un langage personnel, qui était
le mien, qui a été reconnu par des critiques européens.
J'ai été invité par Zadkine par de grands artites, des
amis de Picasso, pour aller en Europe et je leur disais: Je suis au
Québec et j'ai du travail à faire. Je me voyais mal aller
à Paris pendant deux ans, en revenir en parlant à la
française, comme beaucoup de mes collègues l'ont fait
après. Je me serais senti déraciné. Je suis allé
à San Francisco pendant trois ou quatre ans et je suis rentré
avant la crise d'octobre parce que je n'ai pas été capable de
prendre ça, comme bien du monde, et j'ai travaillé pour sortir de
prison les prisonniers politiques.
J'ai fait beaucoup de travail qui peut être contesté par
certaines personnes. Je me dis que des gens qui se sont battus pour la cause
des Québécois devraient, en justice, avoir les mêmes
critères et, s'ils ont fait leur temps, ils devraient sortir. On ne
devrait pas être rancunier, parce que ce sont des gens qui ont
posé des gestes à une époque où il n'y avait plus
d'autres choses à faire.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Vaillancourt. M. le
député de Groulx. (18 h 45)
M. Fallu: M. le Président, nous assistons à
beaucoup de longs discours à l'Assemblée nationale, mais il est
assez rare que nous assistions, comme ce soir, à de la belle
éloquence. Cette éloquence est au service d'une population, au
service d'une cause. Vous avez inscrit votre oeuvre poétique, cette fois
- je pense qu'il n'y a pas d'autre qualificatif qui lui convienne mieux - pour
une cause des damnés de la terre au Québec. Je voudrais vous en
féliciter.
Je n'ai pas vraiment de question à vous poser parce que je
voudrais surtout vous remercier du témoignage que vous apportez cet
après-midi. Je crois que c'est essentiellement le sens de votre
présence et, par vous, de celle de certains collègues. C'est un
témoignage que vous venez apporter. Il y a dans votre témoignage
un souffle, une langue, c'est un texte haletant et en même temps
exaltant. Quant au fond, il n'y avait peut-être que l'approche
poétique qui pouvait nous rappeler avec autant de brutalité la
réalité historique de Mirabel. Il n'y avait peut-être
qu'à travers un rythme de phrases que vous pouviez évoquer le
drame de Mirabel.
En commission parlementaire, nous parlons de plans de relance agricole,
de planches à égouter, de rétrocession et
d'argent. Lorsque nous parlons de l'histoire, de la dimension de la
catastrophe de Mirabel, nous évoquons très techniquement des
actions politiques, alors que vous, par votre langue, vous nous rappelez que ce
fut le premier coup de force du maître Trudeau sur le Québec.
Combien d'autres allaient suivre! Vous nous rappelez, par votre poésie,
par votre langue, des notions de justice sociale et d'équité dans
la rétrocession et vous nous rappelez aussi, mais toujours d'une
façon poétique, que l'asservissement des gens de Mirabel
équivaut au retour du régime seigneurial.
Je voudrais vous en remercier et je pense que tout à l'heure, par
leurs applaudissements, les expropriés ont su vous manifester leur
accord sur le fond comme sur la forme. Comme membre de l'Assemblée
nationale, je voudrais vous remercier de ce geste éminemment
poétique et littéraire que vous avez bien voulu poser cet
après-midi.
M. Vaillancourt (Armand): Merci beaucoup.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. Tantôt, vous avez
présenté un court mémoire venant de M. Vallières.
C'est bien M. Vallières?
M. Vaillancourt (Armand): Non, M. Denis Monière.
M. Houde: Monière.
M. Vaillancourt (Armand): Je m'excuse, vous ne l'avez pas en
main, mais on vous le remettra tout à l'heure.
M. Houde: Non, ce n'est pas nécessaire. Ce même M.
Monière, qu'est-ce qu'il fait? Est-ce qu'il demeure à Mirabel?
Est-ce qu'il est exproprié? Est-ce qu'il demeure à
Montréal?
M. Vaillancourt (Armand): Non, il habite sur la rue du parc
Lafontaine, pas loin d'une résidence que j'habitais il y a dix ou douze
ans. Je ne connais pas plus ses origines que cela. Je sais qu'il vit à
Montréal et qu'il a été président, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure, pendant deux ans de la
Société des écrivains du Québec. Son mandat vient
de se terminer il y a à peu près deux semaines. Il est
actuellement en année sabbatique. Il s'en ira en Europe sous peu. Il a
été professeur en sciences politiques à
l'Université de Montréal et il a quelques volumes à son
crédit, sur des situations qui ont, évidemment, trait à la
politique, et des gestes de cette dimension-là.
M. Houde: Donc, il n'est jamais demeuré sur les terres qui
ont été expropriées.
M. Vaillancourt (Armand): Je m'excuse, je ne peux pas vous
répondre. On pourra se renseigner et vous donner peut-être une
confirmation s'il y a une nouvelle commission parlementaire sur le dossier de
Mirabel. Je pourrais demander à Mme Lafond, à M. Raymond ou
à quelqu'un d'autre de vous transmettre les détails à ce
sujet.
M. Houde: Merci, M. Vaillancourt.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Ce soir, c'est, selon moi, un peu la fin
d'un premier épisode de l'histoire de Mirabel. On souhaite certainement,
en janvier ou février, les rencontrer pour discuter encore plus à
fond de ce dossier. Certaines personnes ont malheureusement oublié le
sort qu'on a fait subir à des hommes et des femmes de chez vous, qui
étiez chez vous avant que le gouvernement fédéral vienne
s'emparer de vos biens. Déjà treize ans ont passé. Cela a
certainement paru long pour vous, mais je souhaite que le temps ne vienne pas
à bout de vous autres. Ce serait bien dommage.
J'ai manqué seulement une séance depuis le début de
la commission et je vivais un peu les problèmes avec chacun de vous. Je
suis un agriculteur et, lorsque j'étais sur ma ferme, ma plus grande
hantise était la suivante: s'il fallait qu'un jour il m'arrive quelque
chose et que je sois obligé de vendre mes animaux, de vendre ma ferme,
jamais je ne pourrais vivre cela. Chacun d'entre vous l'a vécu. Je suis
venu en politique pour essayer d'aider les agriculteurs et également
pour défendre la cause des Québécois et des
Québécoises. L'été dernier, je suis allé
marcher dans mon champ - souvent, cela fait du bien - et cette crainte, cette
peur que j'avais eue auparavant m'est revenue. Lorsque je suis arrivé
près de mes animaux, ils ont été un peu surpris parce
qu'ils m'ont pris pour un étranger. C'est là que je me suis
aperçu que, déjà, après six ans de vie politique,
je commençais à décrocher de la terre,
involontairement.
Tout ceci pour vous dire d'être assurés que, chaque fois
que l'occasion se présentera, je sensibiliserai les
Québécois au sort qu'on vous a fait. Je pense que c'est ensemble
qu'il faut travailler, solidairement, pour informer la nouvelle
génération d'aujourd'hui sur ce qui s'est passé il y a
déjà treize ans.
Quant à vous, M. Vaillancourt, je tiens à vous
féliciter de la présentation de votre mémoire. Sachez,
vous, les artistes, que ce soient des sculpteurs, des écrivains, des
chanteurs, des poètes, que le peuple
québécois a besoin de vous pour nous motiver dans les
périodes difficiles. Je vous remercie beaucoup d'être venu
présenter ce mémoire et on en tiendra compte.
M. Vaillancourt (Armand): Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le
député d'Arthabaska. M. le député de Rousseau, vous
avez demandé la parole.
M. Blouin: Oui, brièvement.
M. Ryan: M. le Président, je vous souligne seulement une
chose.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: II avait été convenu qu'on terminerait
à 18 h 30. On m'attend à une réunion, à mon bureau,
et on veut continuer à faire des discours. Une convention avait
été faite entre nous.
M. Blouin: Ce n'est pas un discours. C'est une question.
M. Ryan: II est maintenant 18 h 55.
M. Blouin: Me permettez-vous deux minutes?
M. Ryan: Après, ce sera trois et quatre.
M. Baril (Arthabaska): Vous n'avez qu'à partir, si vous
n'êtes pas content.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!
Une voix: Ce n'est pas la question.
M. Ryan: C'est parce qu'un arrangement a été fait
et la parole...
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!
M. Baril (Arthabaska): Chaque fois que nous parlons, vous nous
arrêtez toujours.
M. Ryan: ... dans ces choses-là, M. le Président,
c'est important. Je dois dire que le député de Groulx,
jusqu'à maintenant, a tenu parole quand on a fait des ententes ensemble
et nous aussi.
M. Baril (Arthabaska): Vous êtes déjà parti,
de toute façon, lorsqu'on parlait d'agriculture. Faites la même
chose.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!
M. Ryan: Ça, c'est de la niaiserie.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'on s'entend pour
laisser quelques minutes au député de Rousseau?
M. Blouin: Je vous promets, M. Ryan, que ce ne sera pas long.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: Brièvement. M. Vaillancourt, j'ai d'abord une
remarque préliminaire. Votre témoignage, parmi tous ceux qu'on a
entendus, était éminemment émouvant et, en cela, je crois
qu'il contrastait beaucoup avec le témoignage de la Chambre de commerce
de Mirabel.
Il n'y a qu'une question - en fait, je ne veux pas reprendre ce que les
autres ont dit - que je voudrais vous poser et elle est relative à ce
qui touche le nombre d'acres ou le territoire que vous avez identifié
pour certains projets dont j'ignorais, pour ma part, l'existence. Vous avez
parlé du projet Roussil; on l'a compris. Concernant le projet Maupel,
pourriez-vous nous expliquer rapidement en quoi cela consiste, pour qu'on
termine le plus vite possible, s'il vous plaît?
M. Vaillancourt (Armand): Oui. Pour être plus clair, il
faudrait peut-être demander au CIAC de vous fournir, s'il le veut bien -
car je ne peux pas parler en son nom - toute la littérature sur le
tripotage qui s'est fait autour de ce projet grandiose. Je pourrais demander
à M. Raymond s'il peut se charger de l'obtenir.
M. Blouin: M. Vaillancourt, je crois qu'on pourra le faire
à un autre moment. Je vais terminer, si cela peut vous rassurer ou vous
sécuriser un peu plus, en vous disant que l'invitation à la tenue
décontractée, je l'ai reçue, moi aussi.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Cela termine donc nos
travaux pour aujourd'hui. Je vous remercie, M. Vaillancourt, ainsi que les
autres personnes qui ont présenté des documents devant la
commission. La commission ajourne ses travaux sine die.
M. Vaillancourt (Armand): Merci de m'avoir entendu.
(Fin de la séance à 18 h 56)