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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le mercredi 24 novembre 1982 - Vol. 26 N° 205

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes au sujet des terres expropriées en trop de Mirabel


Journal des débats

 

(Dix heures seize minutes)

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux aux fins d'entendre les personnes et les organismes sur la question des terres expropriées en trop de Mirabel.

Les membres de la commission aujourd'hui sont les suivants: M. Baril (Arthabaska); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes); M. Beauséjour (Iberville); M. Dupré (Saint-Hyacinthe); M. Gagnon (Champlain); M. Garon (Lévis); M. Houde (Berthier); M. Dean (Prévost); M. Ryan (Argenteuil); M. Mathieu (Beauce-Sud); M. Vallières (Richmond).

Les intervenants sont: Mme Bacon (Chomedey); M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Blouin (Rousseau); M. Fallu (Groulx); M. Dubois (Huntingdon); Mme Juneau (Johnson); M. Lachance (Bellechasse); M. LeMay (Gaspé); M. Middlemiss (Pontiac); M. Picotte (Maskinongé).

À la première séance, nous avions nommé le député de Saint-Hyacinthe comme rapporteur de la commission. Nous avons aujourd'hui, dans l'ordre, les mémoires suivants: le mémoire 40M des Jeunes libéraux de Prévost, qui est un mémoire pour dépôt seulement. Il est déposé aux membres de la commission. Maintenant nous entendrons, dans l'ordre: le ministère des Transports, le Parti québécois de la région Laurentides-Lanaudière et Solidarité aux expropriés de Mirabel. J'inviterais sans plus tarder les représentants du ministère des Transports à prendre place à la table à l'avant. Bienvenue en commission. Je vous demanderais de vous identifier, d'identifier les personnes qui vous accompagnent et de nous présenter brièvement votre annexe au mémoire qui a déjà été présenté en commission lors d'une séance antérieure.

Ministère des Transports

M. Rivest (Pierre): Merci, M. le Président. Je me nomme Pierre Rivest, directeur du transport aérien et je suis accompagné, à partir de mon extrême gauche, de M. André Meloche, de Danielle Mongrain, de Jean-Guy Morel, tous du bureau de la Direction du transport aérien du ministère des Transports. Alors, si je comprends bien, vous voulez plutôt un résumé du document.

Le Président (M. Rochefort): Oui, parce qu'il a une dizaine de pages.

M. Rivest (Pierre): Ce n'est pas tellement pas long à lire.

Le Président (M. Rochefort): Oui, allez- y.

M. Rivest (Pierre): C'est une annexe au mémoire qu'on a déjà entendu. Est-ce que cela va? Les membres de la commission en ont des copies?

M. Rivest (Pierre): Ce n'est pas tellement long à lire.

Le Président (M. Rochefort): Allez-y. Faites en la lecture.

M. Rivest (Pierre): C'est déjà un résumé, alors on aura peut-être une certaine difficulté à faire la relation entre les choses.

Le Président (M. Rochefort): Allons-y.

M. Rivest (Pierre): Alors, l'introduction: Lors des audiences de la commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation sur des terres expropriées en trop à Mirabel, un document officiel de Transports Canada a fait l'objet de diverses questions adressées aux représentants du ministère des Transports du Québec qui n'avaient jamais eu l'occasion d'en prendre connaissance. Le présent texte renferme donc les commentaires du ministère des Transports québécois sur le document déjà cité. Nous rappellerons, dans un premier temps, les principaux éléments du document examiné avant d'aborder ces points saillants un à un afin de les commenter.

L'argumentation de Transports Canada. L'objet principal du document, tel qu'explicité dans sa partie introduction consiste à évaluer à la lumière des plus récentes données de planification les répercussions de l'aéroport sur les terrains périphériques. Les auteurs affirment que la croissance des activités aériennes dans la région de Montréal sera beaucoup plus lente que prévu initialement et qu'en conséquence, de nouveaux aménagements se feront à un rythme assez lent. On souligne, entre autres,

le fait que les deux pistes actuelles devraient suffire au moins jusqu'à l'an 2000, même si l'on consolidait tous les secteurs aérien et commercial à Mirabel qui, soi-dit en passant se trouvent à être le scénario 6 de Transports Canada. De plus, on mentionne que le bruit causé par les avions sera moins gênant que prévu orginalement en raison de technologies nouvelles et d'un volume moins important de trafic.

On mentionne de plus que les terrains expropriés l'ont été, et je cite: "... bien avant que la localisation exacte de l'aérodrome ne soit définitivement décidée et avant que l'orientation précise des pistes ne soit établie." Finalement, l'approche utilisée pour effectuer l'analyse des quatre aspects étudiés est brièvement explicitée. Ces aspects sont: le climat sonore, les plans de zonage et de l'aéronautique civile, les besoins des systèmes de télécommunications et d'électronique, les bancs d'emprunt de matériaux de construction. Il est intéressant de noter que le plan directeur de l'aéroport - six pistes et six aérogares en phase ultime - est utilisé pour l'analyse de trois des quatre aspects, alors qu'en ce qui touche le bruit, un horizon n'allant pas plus loin que l'an 2000 a été choisi.

On termine cette entrée en matière par le rappel que - et je cite: "... caractéristique exclusive à Mirabel..." la zone opérationnelle est protégée par une zone tampon de plus de 70 000 acres ce qui devrait contribuer à éliminer toute entrave à la croissance éventuelle de cet aéroport et ainsi, en garantir un bon fonctionnement. Selon Transports Canada, cette caractéristique permet aussi à l'aéroport de demeurer ouvert 24 heures par jour.

La conclusion globale, qui se dégage de l'analyse, est que diverses contraintes affectent les terrains expropriés, qui sont répartis en trois catégories, selon leur niveau de suggestion; 17 000 acres sont libres de toutes restrictions, 25 000 acres ne sont touchées, que, par une contrainte du zonage aéronautique; alors, que 30 000 acres sont touchées par des restrictions multiples.

En reprenant les quatre aspects un par un: Le climat sonore. Dans les prévisions de bruit établies pour le scénario no VI, Tranports Canada a utilisé, comme unité de base, une journée d'été typique, de 1986 (332 mouvements itinérants) et les deux pistes actuelles.

Au-delà de l'horizon de l'an 2000, trois pistes, et 941 mouvements itinérants quotidiens ont été utilisés. On apprend, que la nuisance maximale due au bruit se produira en 1986, alors, que, par après, la nuisance est de moins en moins grande, en raison des changements technologiques, et de la présence d'une piste additionnelle. Toutefois, la moyenne journalière des cinq dernières années est de 106 mouvements, ce qui rend l'hypothèse de trafic de Transports Canada, peu plausible.

Enfin, le ministère fédéral des Transports a rejeté tous les scénarios qui avaient été examinés et décidé finalement de maintenir le rôle actuel des aéroports de Dorval et de Mirabel en rendant, ainsi, d'autant plus caduque l'hypothèse avancée par Transports Canada, quant au trafic prévisible en 1986. Malgré, ses déficiences, l'examen des résultats présentés aux figures nos 2 et 3 du texte de Transports Canada, nous indiquent, que les courbes de bruit n'affectent aucune zone résidentielle d'importance; l'ajout d'une piste contribue à une meilleure répartition des mouvements d'avion réduisant ainsi les superficies exposées au bruit; le retrait progressif des avions bruyants contribuera de façon significative à la réduction des effets du bruit sur le territoire; la courbe de 30-NEF est presque totalement incluse à l'intérieur de la zone opérationnelle, lorsque l'on utilise trois pistes à pleine capacité.

La figure no 4 - les figures réfèrent au texte, évidemment, de Transports Canada -de ce même texte est le résultat de la superposition des figures nos 2 et 3. On y constate une situation hypothétique, qui ne se produira pas, et, qui induit grandement le lecteur en erreur. En effet, il a été démontré, que l'ajout d'une piste diminuera l'empreinte du bruit plutôt que de l'augmenter, tel que semble le laisser croire la figure no 4.

Tenant compte du fait que le scénario no VI ne se réalisera pas, que le territoire affecté par le bruit a une vocation agricole, et, que tout développement futur (trois pistes et avions moins bruyants) aura tendance à contenir les effets non désirables du bruit à l'intérieur de la zone opérationnelle de 17 000 acres on en conclut, que le bruit sera de moins en moins un facteur contraignant et en aucun cas un facteur limitatif à la rétrocession des terrains périphériques.

Le deuxième aspect: Plans de zonage de l'aéronautique civile. Transports Canada rappelle essentiellement dans cette section les normes qui ont été utilisées lors de la réalisation du plan directeur de l'aéroport de Mirabel.

Dans le cas de la délimitation de la surface horizontale intérieure, deux cercles d'un rayon de 6100 mètres ont été tracés à partir des deux points de référence situés à l'aéroport. Les normes de Transports Canada spécifient qu'un rayon d'au moins 4000 mètres doit être utilisé, sauf dans le cas des pistes semblables à celles que l'on retrouve à Mirabel pour lesquelles le rayon est déterminé par une étude spéciale. Bien que nous ne connaissions pas le contenu de cette étude spéciale en ce qui touche Mirabel, on peut supposer que les surfaces intérieures ont

été tracées pour couvrir les six pistes éventuelles.

Tout changement dans la localisation et dans le nombre de points de référence affecte donc la superficie à protéger. En sachant que les deux pistes actuelles seront suffisantes jusqu'au-delà de l'an 2000, nous sommes d'avis que cet exercice devrait être fait en utilisant des données plus réalistes et ce, dans le cadre de la révision du plan directeur de Mirabel déjà annoncée par Transports Canada.

En ce qui a trait aux corridors d'atterrissage et de décollage, les normes édictées quant aux pentes d'approche limitent par le fait même la hauteur des obstacles sur une distance de plus de quinze kilomètres. Cette réglementation appliquée dans ces corridors suffit donc à protéger ces surfaces et à contrôler toute construction qui pourrait être incompatible avec leur utilisation.

À titre d'exemple, et en vertu de la Loi sur l'aéronautique, Transports Canada a décrété un règlement de zonage aéronautique pour l'aéroport de Saint-Hubert qui interdit toute construction ne respectant pas les normes dans les zones d'approche, les surfaces extérieures et dans les surfaces de transition, sans pour autant procéder à l'expropriation de ces terrains.

Nous croyons que la même procédure pourrait être appliquée à Mirabel et qu'elle contribuerait tout aussi bien à assurer une entière sécurité des activités aériennes, d'autant plus que ce territoire est utilisé principalement à des fins agricoles.

Systèmes de télécommunications et d'électroniques. Dans le mémoire que nous avons soumis à l'attention de la commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, ce sujet n'a pas été abordé car il nous apparaissait évident que ces systèmes, communs à tous les aéroports, ne requéraient que peu d'espace à l'extérieur de la zone opérationnelle.

En fait, tous les aéroports importants sont dotés d'instruments électroniques sophistiqués pour leur permettre d'accueillir les aéronefs en tout temps. Puisque ces aéroports s'étendent sur des superficies relativement petites par rapport à la zone opérationnelle de Mirabel, il nous est permis d'en déduire que ces instruments sont l'objet de moins de contraintes à Mirabel qu'ailleurs.

De plus, ces contraintes sont très souvent dues à des facteurs d'ordre technique beaucoup plus qu'à des facteurs d'ordre naturel. Par exemple, il est intéressant de noter que la Commission sur la sécurité aérienne s'est penchée sur les problèmes des systèmes radar et qu'elle a noté, et je cite: "qu'à l'heure actuelle, l'équipement radar au Canada, en service depuis plus de vingt ans est périmé et, au plan technique, il accuse un retard de vingt ans".

Cette désuétude est d'ailleurs à la source de certains problèmes reliés à l'utilisation du radar à Toronto, dont celui des images fantômes qui proviennent de "... nouveaux bâtiments, plus particulièrement des hangars, CP Air et Air Canada."

Il est bon de se rappeler que ces édifices ont été construits sur les terrains de Transports Canada et avec sa permission et que selon le comité de Transports Canada chargé d'étudier cette question, la solution technique à ces problèmes était connue depuis longtemps.

On ne s'étonnera donc pas de la recommandation du juge Dubin qui a demandé à Transports Canada d'accorder la plus haute priorité au remplacement de son équipement radar fort désuet.

Si l'on revient au document faisant l'objet de nos commentaires, il démontre clairement que la zone opérationnelle de 17 000 acres assurera une protection adéquate à tous les systèmes de télécommunications, les seules exceptions étant les radiophares non directionnels et l'interférence industrielle, scientifique et médicale.

En ce qui a trait aux radiophares non directionnels, ils sont normalement localisés à environ cinq kilomètres du seuil des pistes et sont, par conséquent, érigés à l'extérieur de la zone opérationnelle. En général, une superficie de seulement 10 000 mètres carrés - 100 mètres sur 100 mètres - est requise pour installer et protéger adéquatement ces instruments et on notera d'ailleurs que la plupart des radiophares installés aux aéroports importants au Canada sont situés en milieu urbain. Contrairement à ce que semble indiquer la figure 8 du texte de Transports Canada, ces instruments n'exigent donc pas un entourage physique assimilable au désert pour fonctionner adéquatement.

Quant à l'interférence industrielle, scientifique et médicale, elle pourrait effectivement nuire à l'exploitation des pistes éventuelles, mais non aux pistes actuellement en service. Nous ne pouvons nier les effets nuisibles de ces interférences sur certains systèmes de navigation, mais nous croyons qu'elles seront minimes sinon inexistantes, et ce, pour les raisons suivantes: (10 h 30)

Le territoire étant zone agricole, il n'y aura pas de développement industriel important près de l'aéroport; Les industries qui voudront s'installer pourront le faire dans le parc industriel - PICA - et le type d'industrie permis y sera certainement réglementé; finalement, il est peu probable que toutes les pistes soient un jour construites, spécialement les trois pistes situées près des limites de la zone opérationnelle ultime.

Transports Canada indique d'ailleurs

dans son texte que la prochaine piste qui serait construite serait la 24 droite - 06 gauche.

On remarquera que cette piste se situe profondément à l'intérieur de la zone opérationnelle et qu'en conséquence l'interférence industrielle, scientifique et médicale n'aura aucun effet sur l'utilisation de cette piste ni sur les pistes actuellement en service, et ce, pour des décennies.

En conclusion, nous pouvons affirmer que la zone opérationnelle de 17 000 acres garantit déjà une protection adéquate aux divers systèmes de télécommunications présents et futurs, et ce, même si le système désuet actuel continue d'être utilisé. De plus, l'interférence industrielle, scientifique et médicale ne constitue pas, à notre avis, un facteur déterminant qui justifie l'expropriation qui a été faite.

Finalement, le dernier aspect, bancs d'emprunts de matériaux de construction. Transports Canada exploite une carrière et une sablière pour fins de développement et d'entretien de l'aéroport. Il est pour le moins curieux que ces bancs d'emprunts situés à l'extérieur de la zone opérationnelle soient considérés comme un des aspects limitatifs à la rétrocession des terres. Ce ne sont sûrement pas des contraintes aéronautiques qui forcent Transports Canada à exploiter ces deux sources de matériaux.

Il n'y a, à notre avis, aucune raison qui justifie cet état de fait et les autorités de Transports Canada pourraient facilement s'approvisionner en sable et gravier auprès des entrepreneurs locaux, ce qui contribuerait peut-être à concrétiser les retombées économiques longtemps promises.

En conclusion, à l'analyse du document de Transports Canada, nous ne croyons pas que la preuve a été faite, que toutes les terres expropriées sont toujours nécessaires à l'exploitation actuelle et future de l'aéroport.

Même le titre du document ("Les incidences de l'aéroport de Mirabel sur les terrains périphériques") nous porte à croire que ce sont les intérêts de la collectivité qui priment le développement aéroportuaire alors que la démonstration qui est faite tend plutôt à montrer comment l'utilisation des terrains périphériques pourrait nuire au bon fonctionnement de l'aéroport.

À cet effet, la principale raison invoquée pour justifier la rétention des terres par le gouvernement fédéral est d'assurer le bon fonctionnement de l'aéroport. Or, en aucun moment cette expression n'est définie. Le bon fonctionnement d'un aéroport est-il lié au seul fait d'être ouvert 24 heures par jour ou est-ce plutôt le fait d'assurer une maximisation et une sécurité des activités aériennes? L'aéroport de Chicago, le plus achalandé au monde avec une superficie de 7000 acres - treize fois plus petit que Mirabel - fonctionne-t-il moins bien que

Mirabel?

Quant aux quatre aspects analysés dans le document de Transports Canada, nous reconnaissons que le climat sonore, le zonage aéronautique ainsi que les systèmes de communications et d'électroniques imposent des contraintes que l'on ne peut nier, mais qui ne sont finalement pas aussi limitatives que semble le laisser croire ce document.

En effet, les contraintes sont examinées dans un contexte irréaliste et selon un horizon de planification qui enlève tout réalisme aux arguments invoqués. À l'appui de cette affirmation, nous croyons que la croissance du trafic sera beaucoup plus faible que celle utilisée dans le document de Transports Canada, scénario VI, que la construction d'une troisième piste ne se fera pas dans un avenir prévisible, que le développement ultime de l'aéroport, six pistes et six aérogares, ne peut être situé dans le temps, que les nouvelles technologies tendent à minimiser sinon à éliminer les contraintes décrites et que le contrôle efficace de l'utilisation des terrains périphériques pourrait assurer le bon fonctionnement de l'aéroport pour des décennies.

Les aspects reliés au climat sonore, au zonage aéronautique et aux systèmes de communications et d'électroniques, qui ne sont d'ailleurs pas uniques à l'aéroport de Mirabel, font déjà l'objet de réglementations qui limitent les utilisations des terres à proximité des aéroports. En conséquence, nous croyons que l'expropriation de la zone périphérique à Mirabel a été un moyen excessif de contrôle, alors que l'application des règlements et normes en vigueur aurait assuré un résultat tout à fait adéquat au bon fonctionnement de l'aéroport.

Quant aux bancs d'emprunts de matériaux de construction et d'entretien que Transports Canada juge essentiels au bon fonctionnement de l'aéroport, cet argument nous laisse des doutes quant à la crédibilité à apporter aux autres arguments avancés.

À la suite de l'analyse de l'argumentation soumise par Transports Canada, quant à la nécessité pour le gouvernement fédéral de demeurer propriétaire de la majorité des terrains périphériques, nous soutenons toujours que la propriété de ces terrains n'est pas requise pour des fins de protection aéroportuaire, ni actuellement ni dans l'éventualité d'une expansion.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Garon: Dans votre document, vous parlez des radiophares en vous référant au document de Transports Canada. Pourriez-vous nous indiquer où sont situés les radiophares à Dorval?

M. Rivest (Pierre): À Dorval, les radiophares sont en pleine ville. Comme on l'a indiqué, en général, ils sont à cinq kilomètres. C'est le cas pour Dorval. Si on va du côté ouest, il n'y en a pas à cause du lac Saint-Louis. Du côté est, vous en trouvez dans la ville de Saint-Laurent et un peu partout dans le milieu urbain. Ici, à Québec, vous pouvez en trouver à Charlesbourg, à Sainte-Foy. C'est là que sont localisés les radiophares en général.

M. Garon: On me dit même que, dans certains cas, les radiophares pour Dorval sont situés au-dessus des édifices publics.

M. Rivest (Pierre): Non, ils sont au sol. M. Garon: Toujours au sol? M. Rivest (Pierre): Oui.

M. Garon: Je m'informais, on m'avait déjà dit cela.

Existe-t-il des interférences industrielles, scientifiques et médicales à Dorval, Toronto et Ottawa? À Ottawa, par exemple, l'aéroport est situé à proximité de plusieurs centres de recherche fédéraux. On a pensé qu'on devrait peut-être fermer la piste d'Ottawa et transférer les centres de recherche fédéraux au Québec.

M. Rivest (Pierre): À notre connaissance, on n'a pas fait cette recherche, que je sache. Je ne pourrais pas vous répondre s'il en existe. Mais, comme vous dites, à Ottawa, il y a des centres de recherche. Quant aux centres médicaux ou industriels, théoriquement, selon Transports Canada, si le règlement s'applique, il ne devrait pas y en avoir. C'est à eux de décider de réglementer. Je ne pourrais pas vous répondre, M. le ministre, à savoir s'il en existe autour des autres aéroports.

M. Garon: Avez-vous déjà eu, dans le passé, des cas où le gouvernement fédéral aurait exproprié en trop et où il aurait rétrocédé? Êtes-vous au courant de cela?

M. Rivest (Pierre): Encore là, de mémoire, je n'en connais pas.

M. Garon: Le texte de la loi fédérale sur les expropriations, chapitre E-19, a été modifié. Il a été abrogé et remplacé par une autre loi mais indique que certaines dispositions demeurent en vigueur. Il est intéressant de lire cette loi parce qu'on se rend compte que la règle n'est pas la revente mais la rétrocession. Si on regarde l'article 24, Chapitre E-19, de la Loi concernant la prise de terres par voie d'expropriation dont le titre est: Abandon de terrains superflus, on lit: "Chaque fois qu'à l'occasion ou à tout moment avant le paiement réel de l'indemnité, il est constaté...

M. Ryan: Avant le paiement réel de l'indemnité...

M. Garon: Cela ne fait rien. Cela indique le cadre et l'esprit de la loi, il faut regarder non seulement le texte, mais aussi l'esprit de la loi. "Chaque fois qu'il est constaté, à l'occasion ou à tout moment avant le paiement réel de l'indemnité, qu'un terrain pris pour quelque ouvrage public ou qu'une partie de ce terrain n'est pas nécessaire pour les fins de cet ouvrage ou s'il est constaté qu'il n'est requis qu'un droit de propriété plus restreint ou un moindre intérêt dans ce terrain, le ministre peut, sous son seing, déclarer que le terrain ou partie du terrain n'est pas requis et est abandonné par la couronne ou qu'elle n'a l'intention de retenir dans ce terrain, que le droit de propriété ou l'intérêt limité mentionné dans cet écrit."

Au deuxième paragraphe, il est indiqué: "Par enregistrement de cet écrit au bureau du registrateur pour le comté ou pour la division d'enregistrement où se trouve le terrain, le terrain ainsi déclaré abandonné redevient la propriété de la personne qui en a été expropriée ou de ceux qui sont admis à la réclamer de son chef."

C'est intéressant. Évidemment, on dit que c'est à l'occasion ou à tout moment avant le paiement réel de l'indemnité, mais cela donne quand même l'esprit de la loi. L'esprit de la loi est beaucoup plus la rétrocession que la revente. Même quand on dit: "où l'intérêt...

M. Ryan: Est-ce que je pourrais vous interrompre sur une question de règlement?

M. Garon: Oui.

M. Ryan: M. le Président, nous avons un témoin qui vient nous apporter des précisions techniques sur des aspects précis que nous avons soulevés la dernière fois. Je crois que les questions du ministre sont bien au-delà de cela. Ce n'est pas parce que je ne veux pas les discuter, mais on discutait tantôt... Peut-être pourrions-nous mettre un peu plus de discipline dans nos délibérations de manière à procéder un peu plus efficacement. Je me demande si c'est le moment pour soulever cette question-là et si eux sont des témoins compétents pour répondre à cela.

M. Garon: Bien oui, parce que le ministère des Transports est justement un ministère qui exproprie beaucoup pour fins de transport. C'est pour cela que je demande -évidemment on n'a pas parlé dans le

mémoire directement de cela, mais comme le ministère des Transports est sans doute le ministère au gouvernement du Québec qui exproprie le plus pour des fins de routes ou d'aéroports même - quelle est la règle. Si le témoin n'est pas au courant, il n'est pas au courant; on ne lui demande pas d'être un expert, d'avoir un doctorat global, on ne demande pas cela, mais simplement s'il est au courant, s'il y a une règle dans l'expropriation ou s'il a entendu parler d'une règle, soit au fédéral soit au Québec - la loi fédérale laisse sous-entendre une indication -par laquelle on rétrocède la partie expropriée en trop à celui qui a été exproprié, plutôt que la revendre à n'importe qui.

M. Rivest (Pierre): Je ne suis pas au courant de l'aspect routier dont vous parlez. Du côté aéroport, cependant, ce qui s'est fait jusqu'à maintenant, c'est que nous avons acheté les terres ou les terrains nécessaires ou ils nous sont venus du ministère de l'Énergie et des Ressources. Il n'a jamais été question de rétrocéder ou de revendre par la suite.

M. Garon: Alors, vous n'aviez pas trop exproprié? Donc, vous n'aviez pas le problème.

M. Rivest (Pierre): II ne semble pas.

Le Président (M. Rochefort): Cela va? Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais tout d'abord remercier M. Rivest des réponses qu'il a données à des questions que je lui avais adressées l'autre jour au sujet d'un document du gouvernement fédéral, de Transports Canada, qui est intitulé, comme vous l'avez dit, "Les incidences de l'aéroport de Mirabel sur les terrains périphériques." Je considère personnellement que vous avez apporté une réponse très pertinente aux questions que soulevait ce document.

Évidemment, cela ne rend pas compte du point de vue de l'autre intervenant, qui est le gouvernement fédéral, mais je pense que, en ce qui touche le ministère des Transports du Québec, la réponse que vous apportez est substantielle et pertinente. Elle soulève tous les points qui sont une source de difficultés ou d'interrogations dans le document fédéral et, personnellement, dans l'ensemble j'en suis satisfait.

Maintenant, j'aurais une couple de questions à vous poser pour préciser bien comme il faut la portée exacte de votre réponse et qu'on se comprenne clairement. Dans le document fédéral, on dit substantiellement - si je l'ai mal compris vous apporterez les correctifs qui s'imposent, parce que je veux faire ressortir votre point de vue clairement aussi - que, dans l'ensemble des terrains périphériques, on a déterminé des aires qui sont soit aucunement, soit peu soumises aux restrictions aéroportuaires, soit sujettes à une multitude de restrictions.

Alors, la première aire a une superficie de 7000 hectares, ce qui veut dire à peu près 17 000 acres, et est libre de toutes restrictions. La deuxième aire couvre 25 000 acres, 10 000 hectares, et n'a pas d'autres restrictions que des limites du plan de zonage de l'aéronautique civile. La troisième couvre tout près de 12 000 hectares, 30 000 acres, et comporte une série de restrictions. C'est une superficie totale de 72 000 acres dont, selon le document fédéral, 30 000 acres seraient soumises à des restrictions nombreuses et importantes, de leur point de vue. Vous nous dites, ce matin, dans la réponse que vous apportez à ceci que c'est vrai qu'il y a des restrictions, disons, pour cette partie-là. La partie qui n'est pas discutée, les 17 000 acres qui sont libres de toutes restrictions, on n'en parle pas, c'est clair pour tout le monde. La deuxième partie, 25 000 acres, pas d'autres restrictions que des limites du plan de zonage de l'aéronautique civile, disons qu'on n'en parle pas non plus. Ils semblent concéder là-dedans qu'il n'y aura pas de problèmes majeurs pour ces 42 000 acres.

Il reste une superficie de 30 000 acres qui comporte, d'après eux, une série de restrictions qui sont soit sonores, soit reliées aux systèmes de communications, soit d'ordre sécuritaire, si j'ai bien compris; et, là, vous avez apporté une réponse à chacune de ces considérations. Est-ce que je dois conclure de ce que vous dites que, nonobstant ce document-ci, vous maintenez, finalement, la position que vous souteniez lors de votre rencontre avec la commission, il y a deux semaines. (10 h 45)

M. Rivest (Pierre): Oui, c'est exact, M. Ryan, justement parce que les arguments invoqués pour protéger ces 30 000 acres ne nous apparaissent pas pertinents ou justifiés, que ce soit sur la télécommunication, que ce soit sur le bruit. On a fait une analyse en vertu de ces 30 000 acres et on en revient à dire - c'est notre opinion - que c'est encore trop. On maintient la même position.

M. Ryan: Très bien. Vous parlez d'un autre document fédéral dans votre réponse auquel vous dites n'avoir pas eu accès.

M. Rivest (Pierre): Lequel est-ce?

M. Ryan: Si je ne me trompe pas, c'est à la page 4.

M. Rivest (Pierre): C'est une étude spéciale sur la question des points de référence...

M. Ryan: Oui.

M. Rivest (Pierre): ... en page 4. On réalise que la norme habituellement est de 4000 mètres. Pour Mirabel, on a utilisé 6100 mètres. On suppose - d'ailleurs on le dit bien dans le texte, c'est un peu de l'extrapolation de notre part - que c'est probablement en vue des six pistes, mais on ne sait pas pourquoi, on n'a pas vu le document qui favorise les 6100 mètres au lieu des 4000 mètres.

M. Ryan: Dans la préparation de votre réponse au document fédéral, est-ce que vous avez fait des démarches pour obtenir cette étude?

M. Rivest (Pierre): Pas pour celle-là en particulier; peut-être que le temps nous aurait manqué si on les avait faites.

M. Ryan: II n'y a pas eu d'appels téléphoniques, par conséquent, pour avoir des explications, ni de démarches pour obtenir une copie du document.

M. Rivest (Pierre): Pas pour cela en particulier, non.

M. Ryan: À votre connaissance, ce document est-il public ou confidentiel? Vous ne le savez pas?

M. Rivest (Pierre): On n'en a aucune idée. Je suis obligé d'avouer que même les documents antérieurs qu'on a eus, cela a été à grands renforts de démarches. Ce que j'entends par là, c'est que moi-même j'ai dû me promener à Montréal d'un bord et de l'autre pour essayer d'avoir les volumes. C'est très difficile. La preuve, c'est qu'on n'avait pas le dernier que vous nous avez soumis. Ce document, en particulier, on n'a pas essayé de l'avoir. On ne sait pas s'il est à l'intérieur d'un autre document qu'on n'aurait pas ou s'il était indépendant. On ne sait même pas s'il existe, en fait. C'est une référence qui est faite.

M. Ryan: Très bien. Plus loin dans votre texte, à la page 5, vous dites: "À titre d'exemple et en vertu de la Loi sur l'aéronautique, Transports Canada a décrété un règlement de zonage aéronautique pour l'aéroport de Saint-Hubert qui interdit toute construction ne respectant pas les normes dans les zones d'approche, les surfaces extérieures," etc. Avez-vous la référence précise de ce règlement? Est-ce que vous l'avez, le règlement? Est-ce qu'il y aurait moyen que vous le mettiez à la disposition des membres de la commission?

M. Rivest (Pierre): D'accord.

M. Ryan: Cela va? Vous savez pourquoi je vous demande cela, c'est que si je comprends bien votre raisonnement, vous dites, disons dans la zone des 30 000 acres qui est la plus discutée, il y a des restrictions, il n'y a personne qui en discute, mais vous dites: Elles n'ont pas l'ampleur ni l'extension qui justifieraient un contrôle de la propriété. Le règlement dont vous parlez à propos de Saint-Hubert semble aller dans le sens de votre argumentation. Si on pouvait l'avoir, je pense que ce serait très intéressant.

Pourriez-vous m'expliquer ce qu'il y a en haut de la page 7 de votre document, quand vous dites: "Si l'on revient au document faisant l'objet de nos commentaires, il démontre clairement que la zone opérationnelle de 17 000 acres assurera une protection adéquate à tous les systèmes de télécommunications, les seules exceptions étant les radiophares non directionnels et l'interférence industrielle, scientifique et médicale." Pourriez-vous préciser cela un peu? C'est expliqué dans les paragraphes qui suivent, mais je voudrais que vous nous l'expliquiez peut-être plus clairement.

M. Rivest (Pierre): Alors, on ne nie pas certaines contraintes, surtout du côté industriel, scientifique et médical, comme on l'expliquait, parce que toutes sortes de choses peuvent se produire électroniquement, que ce soit un rayon laser ou autres, et qui pourraient interférer avec les communications. Ce qui diffère un peu, c'est la question des radiophares. Comme on l'expliquait, les radiophares sont localisés en général à l'extérieur des zones opérationnelles, même on pourrait dire en général presque entièrement à l'extérieur des zones opérationnelles des aéroports. Si l'on se réfère à la carte de Transports Canada qui donne l'emplacement des radiophares -c'est la figure 8 dans le document de Transports Canada - vous allez voir des cercles qui justement donnent la localisation des radiophares qui sont dans l'axe des pistes; le rayon ou la surface de ces cercles, il faut y faire attention, parce que c'est la surface aérienne; c'est-à-dire que l'émission d'un radiophare est conique à partir d'un certain angle de sa base et s'écarte avec l'altitude. Même on me dit que c'est trois degrés, précisément. Alors, la superficie que vous. voyez est à une certaine altitude mais n'a rien à faire avec le sol. Comme on le disait, cent mètres sur cent mètres clôturés, la tour du radiophare est à l'intérieur de cela. L'explication, on la trouve à la page 20... De quel document s'agit-il?

Une voix: Je ne le sais pas, je n'ai pas de...

M. Rivest (Pierre): Du document de

Transports Canada qui explique justement le pourquoi de ces superficies. Enfin, ce que nous disons, c'est que c'est vrai qu'il peut y avoir certaines contraintes ou restrictions -elles sont déjà existantes aux autres aéroports dans certains cas - industrielles, scientifiques ou médicales; cela doit être réglementé. Dans le cas de radiophares, il s'agit d'avoir un terrain suffisant de cent mètres sur cent mètres et le reste ne donne pas de contrainte.

M. Ryan: Quelle hauteur peuvent avoir ces installations?

M. Rivest (Pierre): La tour? M. Ryan: Oui.

M. Rivest (Pierre): Cela va varier entre 75 - vous allez m'excuser, je vais être obligé d'y aller en pieds. Enfin, 25 ou 30 mètres peut-être, selon l'antenne.

M. Ryan: Actuellement, dans quel rayon cela va chercher, d'après vous? Est-ce que vous avez fait les calculs?

M. Rivest (Pierre): En altitude? M. Ryan: En surface.

M. Rivest (Pierre): En surface, c'est 100 mètres sur 100 mètres.

M. Ryan: Bon'. Très bien.

M. Rivest (Pierre): Si, j'ai bien compris votre question, c'est au sol.

M. Ryan: C'est cela.

M. Rivest (Pierre): La tour elle-même prend une base très limitée, mais c'est protégé habituellement par une clôture. D'ailleurs, il y a une petite construction pour l'alimentation électrique, et le reste, au centre, de superficie bordée de 100 mètres sur 100 mètres.

Encore une fois, comme on l'expliquait, c'est toujours à l'extérieur. D'ailleurs, on parle ici de cinq kilomètres; vous en trouvez jusqu'à 20 et 25 kilomètres, selon le genre d'approche pour faciliter parfois... ce qui est le cas ici, à Québec, vous en avez jusqu'à Sainte-Anne-de-Beaupré.

M. Ryan: Vous parlez d'une carrière, d'une sablière, qu'exploite Transports Canada pour les fins de l'aéroport. Est-ce que Transports Québec exploite des sablières ou des carrières quelque part au Québec, ou si tous ces besoins, à ce point de vue, sont satisfaits par le recours à des entrepreneurs privés?

M. Rivest (Pierre): Je ne pourrais pas vous dire. Encore une fois, je me retranche un peu derrière notre spécialité ou secteur; mais, pour les fins d'un aéroport, et on en a construit il n'y a pas tellement longtemps encore, oui, on en a besoin. Lorsque cela est terminé, si ce n'est pas à l'intérieur de la zone opérationnelle, cela ne rentre plus en ligne de compte.

M. Ryan: Pour les autres fins du ministère, vous ne le savez pas.

M. Rivest (Pierre): II y en a certainement, mais je ne pourrais pas répondre honnêtement.

M. Ryan: Je crois que cela répond aux questions que j'avais, M. le Président.

Le Président Rochefort): Merci. M. le député de Groulx.

M. Fallu: M. le Président, outre de petits emplacements de quelque cent mètres sur 100 mètres disséminés un peu partout -excusez, je n'ai pas le jargon - sur le territoire, il ne semble pas que l'aéroport de Mirabel en aurait besoin, en dehors des 17 000 de terrain qui lui appartiennent, au sens strict du terme.

M. Rivest (Pierre): Pas à notre avis.

M. Fallu: D'accord. Vous faites référence à ce que vous appelez les interférences industrielles, scientifiques et médicales - j'imagine qu'il faut comprendre par là de grosses constructions, de gros équipements - et vous avez parlé de rayons laser. Est-ce que vous pourriez nous donner quelques exemples de ce type d'interférences?

M. Rivest (Pierre): II peut y avoir de la soudure électrique, entre autres, qui non seulement demande beaucoup de courant mais peut créer des interférences même à l'intérieur des édifices. Alors, soit que le système de l'édifice prévoie ces choses, mais comme je vous le disais il doit être réglementé.

Ce n'est pas nous qui avons apporté ces contraintes; elles étaient dans le document et on ne les nie pas. Quant à vous en donner beaucoup d'exemples, on ne les connaît pas tellement, mais c'est évident que cela peut exister. Il faut les réglementer.

M. Fallu: D'accord. On va prendre la question à l'inverse, si vous voulez, telle qu'elle se pose sur le territoire, du moins telle que certains spécialistes ou, enfin, telle que la rumeur ou certains personnages la véhiculent sur le territoire. On nous dit, par exemple, que la nécessité de l'expropriation,

et voire même de la non-exploitation agricole dans certains cas, est requise pour fins de gestion aéroportuaire. Là, on nous chante par exemple, avec beaucoup de contradictions d'ailleurs, qu'il ne faudrait pas qu'il y ait de clôtures maillées. C'est un peu étrange parce que, déjà, l'aéroport de Mirabel, les 5200 acres, est actuellement entouré d'une clôture maillée (une Frost). On nous dit qu'il ne faudrait pas qu'il y ait de clôtures électriques pour garder les animaux parce que cela risquerait de faire de l'interférence. À votre avis, est-ce justifié?

M. Rivest (Pierre): On va se référer à notre premier document dans lequel on a démontré qu'un peu partout dans le monde, et surtout en Europe où les terrains sont beaucoup plus limités qu'ici, l'agriculture ne semble apporter aucune contrainte puisqu'on fait des travaux agricoles jusque près des pistes. Alors, que ce soit l'équipement agricole comme tel...

M. Fallu: Mobile ou non.

M. Rivest (Pierre): ... mobile ou non, cela me surprendrait qu'aujourd'hui ils les fassent avec des chevaux. Je pense que cela apporterait des contraintes si vraiment c'était cela.

Quant aux clôtures, elles existent à ma connaissance partout autour des aéroports à l'heure actuelle. On a seulement à aller à Québec; vous verrez la clôture à Québec de 200 à 300 mètres d'un seuil de pistes. Autour de Dorval aussi. Cela existe partout.

Encore une fois, on prétend que ce ne sont pas des arguments qui justifient ce qui s'est fait. Il faudrait que quelqu'un démontre le contraire.

M. Fallu: On soutient de la même façon que les séchoirs à foin, par exemple, un certain nombre de moteurs: moteurs pour la traite des vaches, moteurs pour la réfrigération, groupes électrogènes autonomes sur les fermes, pourraient être un élément perturbateur pour les radars.

M. Rivest (Pierre): Encore une fois, les radars à Dorval sont à côté de la piste. Un exemple, je me souviens qu'on nous demandait, quand on s'approchait en hélicoptère, de s'approcher et de rester stationnaire au-dessus de l'antenne radar jusqu'à ce que la piste soit libérée pour qu'on puisse nous permettre de traverser. Alors, si un hélicoptère peut battre le vent au-dessus de l'antenne radar, et je vous donne l'autorisation exacte qu'on nous donnait, je ne comprends pas les autres arguments.

M. Fallu: D'accord. Quant aux hauteurs, notamment, par rapport à l'exploitation des fermes, il y aurait les silos mais vous avez déjà souligné qu'en bout d'expropriation, c'est-à-dire à Sainte-Anne-des-Plaines, cela prendrait un silo de quelque 765 pieds d'altitude pour ne pas être conforme aux lois de l'aéronautique. Ce n'est pas encore connu ce type de construction au Québec, que je sache.

M. Rivest (Pierre): Non. Pour être plus précis sur la question de ces interférences, crest évident que tout dépend de la distance. Mais, si on veut vraiment se donner toute la latitude possible, on va se donner un kilomètre, un kilomètre et demi. C'est Transports Canada même qui le spécifie. Alors, à l'extérieur de tout cela, il n'y a plus rien qui tienne tellement.

M. Fallu: D'après vous, tels que connus actuellement, les modes d'exploitation agricoles n'entreraient d'aucune façon en interférence avec les équipements aéroportuaires?

M. Rivest (Pierre): Certainement pas à l'extérieur de la zone opérationnelle de 17 000 acres.

M. Fallu: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Alors, il n'y a pas d'autres questions.

Je vous remercie de vous être présenté à nouveau devant nous ce matin.

J' inviterais maintenant les représentants du Parti québécois Laurentides-Lanaudière à prendre place à la table des témoins. (11 heures)

Bienvenue à la commission. Je vous demanderais de vous identifier pour les fins du journal des Débats et de nous présenter le résumé de votre mémoire.

Parti québécois Laurentides-Lanaudière

M. Boudreau (Ernest): Messieurs et mesdames les membres de la commission parlementaire, le mémoire que vous allez entendre est le mémoire de la région de Laurentides-Lanaudière, Parti québécois. Personnellement, je suis le président de cette région Laurentides-Lanaudière, je m'appelle Ernest Boudreau, je suis résident de L'Assomption, comté de L'Assomption.

Je suis accompagné de deux militants du Parti québécois. À ma droite, M. Denis Lauzon, qui est président du Parti québécois du comté d'Argenteuil. Il est aussi un exproprié de Mirabel qui demeure à Sainte-Scholastique depuis 1964. À ma gauche, M. Daniel Goyer, militant du Parti québécois du comté de Deux-Montagnes, résident de Saint-Eustache. On sait que Mirabel faisait partie du comté de Saint-Eustache jusqu'à 1981.

Ces deux personnes sont très intéressées par le dossier de Mirabel, en ont fait une étude assez approfondie et se feront un plaisir de répondre à vos questions, ainsi que moi-même, après la lecture du mémoire.

La région Laurentides-Lanaudière comprend les dix comtés suivants: Argenteuil, Deux-Montagnes, Rousseau, Groulx, Prévost, Labelle, Terrebonne, L'Assomption, Berthier et Joliette.

Comme il se doit, nous voulons vous remercier de nous permettre de vous exposer notre point de vue sur le dossier tant controversé de Mirabel. Depuis maintenant plusieurs jours, vous avez entendu plusieurs intervenants. Après avoir lu et entendu les différents mémoires déjà présentés, nous pensons qu'il n'est pas nécessaire de vous lire entièrement les chapitres I et II de notre mémoire, puisque leur contenu a été largement abordé. Nous sommes heureux qu'il en soit ainsi, puisque cela démontre la pertinence de nos propos. En fait, nous vous demandons d'accepter ce mémoire dans son entier et il nous fera plaisir de répondre à vos questions sur les deux premiers chapitres, tout comme sur le reste du mémoire.

Dans le premier chapitre du mémoire, nous parlons du mirage de Mirabel ou de l'opération dérangement, et de l'agriculture en attente; dans le deuxième, nous donnons notre perception de la réalité de Mirabel sur les éléments suivants: la zone opérationnelle, le PICA, l'autoroute 13, la ville de Mirabel. Nous passerons très rapidement sur ces deux chapitres pour nous étendre davantage sur le chapitre III et vous lire en entier le chapitre IV.

Donc, même si nous croyons qu'à ce stade des travaux de cette commission il n'est plus nécessaire de démontrer que les besoins de l'aéroport ne nécessitent pas les 97 000 acres expropriées et que l'administration fédérale sur les territoires a nui au développement de l'agriculture, nous désirons affirmer avec force les sept points suivants qui résument les chapitres I et II de notre mémoire.

Premièrement, à la page 6 de notre mémoire, nous affirmons ceci: "Prenant racine dans l'euphorie de l'implantation de cet aéroport, la planification et les projets ont été conçus en fonction de cet aéroport sans tenir compte, ou très peu de l'intégrité du territoire agricole de cette région et donc de la population qui l'habite.

Page 7. On ne peut même accuser le gouvernement fédéral d'avoir mal appliqué une politique agricole sur le territoire, car il n'y en a tout simplement pas eu. Après treize ans de gestion, le gouvernement fédéral n'est même pas en mesure de prétendre qu'il a offert un bail qui tient compte de la réalité agricole.

Page 9. Le territoire de la zone périphérique est, depuis 1969, pris en otage par le gouvernement fédéral dont la gestion déficiente et l'administration inadéquate pour l'agriculture équivalent à une mainmise qui conduit à une confrontation avec les résidents du territoire ainsi qu'à la perte d'une ressource agricole importante pour le Québec.

Je résume en deux mots de la page 10 à la page 21. Nous condamnons l'attitude du gouvernement fédéral qui, sous le couvert d'une expropriation pour un aéroport, a accaparé à rabais d'une partie du territoire québécois. En comparant ce qui s'est fait à Pickering, en Ontario, nous pouvons affirmer que le gouvernement fédéral a agi de façon délibérée et que cela ressemble beaucoup plus à l'attitude d'un gouvernement étranger. Toujours en comparant avec Pickering, le comportement du gouvernement fédéral met en évidence la politique de deux poids deux mesures de ce gouvernement au détriment des Québécois par rapport aux Ontariens.

À ceux qui prétendent que l'organisation politique canadienne avec ses deux gouvernements - fédéral et provincial -est un gage de réussite et de complémentarité, le dossier de Mirabel leur prouve le contraire. Force est donc de conclure que le fédéralisme rentable, ce n'est pas pour les Québécois et les Québécoises et que, même si les politiciens fédéraux ne l'admettent pas, le Québec n'est pas une province comme les autres. Ainsi, ils agissent différemment lorsqu'une action peut accentuer une plus grande dépendance du Québec et partant nous asservir en tant que peuple.

Par son entêtement à vouloir s'occuper d'aménagement du territoire sur un sol inutile à l'aéroport, le gouvernement fédéral s'est ingéré dans des juridictions qui ne sont pas de son ressort. Cette centralisation voulue et contraire au régime canadien lui-même constitue la condamnation de ce régime politique.

Pour nous, le dossier de Mirabel est un élément de plus qui démontre clairement que le développement économique du Québec, en conformité avec l'Intégrité territoriale, dépend finalement de sa souveraineté politique. Ces propos peuvent sembler loin des objectifs de cette commission et pourtant, nous sommes forcés de reconnaître que l'agriculture avec le projet de Pickering ne subissait pas le même sort destructeur qu'à Mirabel; et cela, c'est l'application du système politique canadien en terre québécoise qui en est le grand responsable. Ne pas reconnaître cette situation, c'est se mettre la tête dans le sable.

Je passe à la page 21 de notre mémoire. Au deuxième paragraphe, l'intervention du gouvernement fédéral: La faillite, et nous croyons que le mot n'est pas trop fort, du gouvernement du Canada dans sa gestion du territoire, tant de la zone

opérationnelle que périphérique, nous oblige à tirer la conclusion qu'il faut limiter le plus possible ces interventions sur ce territoire. Bien sûr, nous irions jusqu'à réclamer son retrait entier, mais nous reconnaissons que cela ne sera possible que le jour où le Québec obtiendra la souveraineté politique pleine et entière. Pour le moment, la politique canadienne étant ce qu'elle est, le pouvoir fédéral a complète juridiction dans le domaine aéronautique.

Nous considérons donc que son rôle doit se limiter à cela. Pour nous, il n'est absolument pas question que des sociétés de la couronne fédérale, comme la SIC, puissent continuer à gérer le territoire agricole, à l'aménager selon leur désir - parcs d'interprétation de la nature, ateliers d'art, mises en valeur de bâtiments appartenant au patrimoine québécois, etc. En vertu même de la constitution canadienne, ces actions doivent être considérées comme de l'ingérence politique et de l'usurpation de pouvoir, de la part du gouvernement fédéral.

L'aéroport de Mirabel devait, selon le principe même du gouvernement fédéral, être la porte d'entrée de l'Est de l'Amérique. Cependant, le gouvernement fédéral a accordé des permis d'atterrissage à Toronto, pour des compagnies aériennes étrangères, le consacrant ainsi aéroport international. Le gouvernement fédéral, par sa propre action, a trahi son objectif. La conséquence première de ses décisions est de mettre en doute, pour nous, les besoins futurs de superficie, selon la planification initiale de l'aéroport.

À la page 22: Ainsi donc, le gouvernement fédéral devra démontrer au gouvernement du Québec, aux Québécois et aux Québécoises, par des actions concrètes, quel rôle l'aéroport de Mirabel sera appelé à jouer. Il devra aussi faire connaître les nouveaux besoins de superficie de la zone opérationnelle. Selon nous, 17 000 acres, tel que prévu actuellement, sont beaucoup trop. Mais, laissons la chance, pour le moment, au gouvernement fédéral, de nous prouver qu'il croit à Mirabel et que ses besoins sont de cet ordre de grandeur. Sinon, que l'on rétrocède la partie du territoire non nécessaire.

Cependant, vu la sous-utilisation actuelle de l'aéroport, il nous est acquis qu'une ou même deux générations de producteurs agricoles peuvent mettre en valeur les terrains inutilisés de cette zone, soit plus ou moins 11 000 acres, puisque l'aéroport n'utilise actuellement que 6 000 acres de la zone opérationnelle.

Je passe au paragraphe suivant: Au point numéro 2 de son mandat, la commission s'interroge sur le bien-fondé de conserver un territoire de 66 000 acres à des fins aéroportuaires. La réponse est non. Nous pensons que la superficie réservée à des fins aéroportuaires, donc propriété du gouvernement fédéral devrait être de 17 000 acres. Ainsi, les producteurs agricoles locataires se retrouveront uniquement sur ce territoire de 17 000 acres, en attendant que l'aéroport de Mirabel prenne son envol.

Si vous voulez passer à la page 24 du mémoire, au milieu du deuxième paragraphe. Aujourd'hui, il y a cette commission parlementaire. Nous croyons que c'est le moment privilégié, pour le gouvernement du Québec, de faire le point sur l'ensemble du dossier Mirabel. Nous croyons aussi qu'il doit y avoir un lendemain à cette commission et que des actions concrètes et bien coordonnées doivent être mises en marche. Pour ce faire, nous croyons que Mirabel doit être considérée comme zone spéciale d'intervention pour les différents ministères, puisque leurs interventions n'auront pas de commune mesure avec leur action dans le reste du Québec.

Pour bien coordonner les interventions des ministères du gouvernement du Québec, nous croyons qu'un comité pourrait être formé, sous la tutelle du ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional. Puisque l'intégrité même du territoire québécois est mise en cause, dans le dossier Mirabel, nous croyons que, de par sa vocation, ce ministre, de concert avec les autres ministres sectoriels, est le plus en mesure de mener à terme un plan de relance du territoire de Mirabel. Toutefois, cette concertation ne devrait pas, étude après étude, repousser dans le temps les actions que le gouvernement du Québec doit entreprendre dans ce dossier. (11 h 15)

Le mandat de ce comité est, premièrement, d'exiger du gouvernement fédéral la rétrocession complète de la zone périphérique, soit 80 000 acres (c'est-à-dire 97 000 acres moins les 17 000 acres de la zone opérationnelle); deuxièmement, d'établir des politiques d'aménagement du territoire en conformité avec les besoins de l'aéroport et la vocation du territoire, soit l'agriculture.

Pour mener à bien ce mandat, nous croyons que les ministères sectoriels suivants devraient être membres dudit comité: le ministère de la Justice - à la page 25 - dont le rôle serait d'intenter des poursuites judiciaires nécessaires contre le gouvernement fédéral si celui-ci ne rétrocède pas les 80 000 acres, car nous mettons en doute le droit qu'il avait, en vertu de la Loi sur l'expropriation, en matière aéronautique, d'exproprier des terres non nécessaires à l'aéroport. Nous croyons que l'intégrité du territoire québécois en dépend.

On demande au ministère des Affaires municipales de procéder à une consultation de la population de Mirabel afin de trouver la structure municipale la plus appropriée à une population aussi diversifiée et répartie

sur un territoire aussi vaste. Les collectivités locales voulues par la population résidente sont nécessaires à la relance agricole.

Pour le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, nous lui voyons le rôle suivant: a) Voir à l'implantation du PICA, du parc industriel dans la zone opérationnelle afin qu'il soit près des pistes et des infrastructures aéroportuaires. Cela permettrait de libérer à des fins agricoles les 2000 acres réservées à des fins industrielles. b) Exiger du gouvernement fédéral qu'il adopte des politiques de développement économique pour rentabiliser les MATAC A et B situés au nord des pistes et les faire fonctionner à leur pleine capacité. La prépondérance du Québec dans le transport des marchandises par avion l'exige.

Le rôle du ministère des Transports serait de modifier le tracé de l'autoroute 13 afin de le rendre compatible avec l'agriculture. De plus, rappelons que son tracé actuel proposé est plus long pour se rendre à Mirabel que celui de l'autoroute 15. Étant donné le déplacement du PICA, cette autoroute pourrait être parallèle à l'autoroute 15, comme elle l'est actuellement en grande partie. Cette prolongation ne sera nécessaire que lorsque l'autoroute 15 ne pourra plus jouer son rôle d'axe routier rapide au-delà de Sainte-Thérèse. L'autoroute 13 est donc tributaire du développement futur de l'aéroport et des industries du PICA puisque actuellement l'autoroute 15 répond aux besoins routiers. Ce changement est nécessaire pour ne pas ajouter des pressions spéculatives sur le territoire agricole non exproprié.

Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, partie prenante de la rétrocession des terres et de la relance agricole, comme nous le verrons au chapitre IV.

Je passe maintenant au dernier chapitre, à la page 26 du mémoire. En exergue: Pour un nouveau départ: Rétrocession est une cession faite à quelqu'un de ce qu'on tient de lui (définition de rétrocession, Le Petit Robert). A la page 27, la rétrocession ou la relance agricole. La rétrocession représente pour nous le retour à la normale des choses, et cela autant pour la population que pour le respect de l'intégrité du territoire québécois.

Les modalités d'application de la rétrocession d'un territoire de 80 000 acres peuvent être fort nombreuses et complexes. Il n'est pas de notre rôle de les identifier et d'évaluer les plus profitables. Toutefois, nous considérons que certains principes de base doivent être établis. Premièrement, cette rétrocession, quant à nous, doit se faire en tenant compte des intentions des Québécois et des Québécoises de ce territoire. Abstraction faite des nouveaux arrivants sur le territoire de Mirabel, les occupants expropriés, qui ont déjà subi un grand dérangement par l'expropriation, n'ont pas à payer pour les erreurs du gouvernement fédéral. Deuxième principe: la rétrocession doit permettre le retrait entier du gouvernement fédéral du territoire périphérique de 80 000 acres. Troisièmement, le gouvernement du Québec n'a pas à débourser d'argent supplémentaire pour réparer une erreur de gestion qui n'est pas la sienne. Quatrièmement, la rétrocession doit privilégier la relance agricole du territoire. Cinquièmement, par cette rétrocession, le gouvernement fédéral ne doit pas agir en spéculateur et tirer profit des ventes.

Selon le premier principe, il faut tenir compte de la volonté de l'occupant actuel d'un lot exproprié d'acheter ou de louer. Les modalités de la vente ou de la location pourraient être étudiées par un comité mixte ou par des représentants des gouvernements fédéral et du Québec et par des expropriés occupants, les membres du CIAC, afin d'établir un consensus sur les modalités. Pour nous, il ne fait aucun doute que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est le représentant tout indiqué du gouvernement du Québec. De plus, selon le premier principe, il faut que les offres de rachat soient plus avantageuses pour les expropriés et les occupants actuels que pour le public en général.

Le deuxième principe établit que lorsque la rétrocession sera effectuée, le gouvernement fédéral n'aura plus d'emprise sur ce territoire. Lorsque le travail du comité mixte sera terminé, ainsi que la vente ou la location, les terres agricoles, qui n'auront pas trouvé preneur, devront être retournées à la banque des terres du Québec. L'administration des baux pourrait revenir au MAPAQ et les profits de la location devraient permettre la mise en valeur des fermes retournées à la banque des terres.

Selon le troisième principe que nous invoquons, la rétrocession des terres permettra le retour à la normale, l'aménagement et la gestion par le Québec d'un territoire non nécessaire à des fins aéroportuaires. Nous estimons que le Québec a été lésé dans ses droits. Les recouvrer ne doit pas engendrer de frais au gouvernement du Québec puisque la responsabilité de l'erreur, comme nous l'avons dit, n'est pas la sienne.

Le quatrième principe reconnaissant que le terrritoire doit servir à des fins agricoles, la Loi du zonage agricole s'y appliquera dans son entier et les acquéreurs de terres devront donc satisfaire aux exigences de la définition d'un producteur agricole. D'autre part, ce principe établit que le territoire exproprié en trop doit faire l'objet d'un programme de relance intensif.

Le cinquième principe établit que s'il y a vente avec profits, ces profits devront être redistribués par le gouvernement fédéral. En termes d'équité, ces montants devraient être distribués aux expropriés eux-mêmes ou à leurs descendants.

La relance. La définition même du mot relance prend tout son sens dans le dossier Mirabel. Alors qu'avant l'expropriation cette région était l'une des plus prospères en agriculture au Québec, aujourd'hui, nous devons constater l'échec de la gestion du gouvernement fédéral en ce qui a trait à une saine exploitation du territoire, et demander, par une commission parlementaire, de pouvoir établir les modalités d'un plan de relance. Selon nous, les responsables de cette situation, en l'occurrence le gouvernement fédéral, devra s'engager financièrement dans la relance de l'agriculture sur ce territoire. Bien que la gestion fédérale ait probablement fait perdre à l'économie du Québec des millions de dollars, entre autres par le manque à gagner au PNB intérieur - au produit national brut - par une sous-production du sol, nous croyons que le gouvernement du Québec doit être partie prenante de la relance agricole. Nous sommes d'avis que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est le plus apte à planifier et à mettre sur pied ce plan de relance. Toutefois, il serait bon que les orientations de ce plan de relance soient définies par les citoyens et citoyennes du milieu. Pour ce faire, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation devra, dans une première étape, recueillir les propositions d'organismes comme l'UPA des Laurentides et le CIAC.

Nous pouvons d'ores et déjà soutenir qu'une relance d'un aussi grand territoire implique une action toute particulière. Nous pensons que le MAPAQ devrait décréter Mirabel zone spéciale de développement agricole et en être le maître d'oeuvre. À cette zone spéciale serait rattaché un fonds de relance dont dépendra l'application des différents programmes d'aide du ministère. Nous sommes convaincus que, pour permettre des interventions intensives et soutenues au niveau des différents programmes d'aide, une zone spéciale et le fonds de relance sont des outils nécessaires. Car, lorsque les besoins seront connus, la demande d'aide se fera beaucoup plus pressante sur ces territoires qu'ailleurs au Québec et il faudra y répondre adéquatement. Il faut se rappeler que le climat d'insécurité a empêché les investissements de beaucoup de producteurs. Lorsque la situation sera clarifiée, ces producteurs feront appel aux différents programmes. Ainsi, le gouvernement du Québec doit s'attendre que la rétrocession des terres aboutisse sur une relance immédiate et intensive afin de rattrapper le temps perdu, particulièrement dans l'amélioration du fonds de terre, comme le drainage souterrain et de surface.

D'autre part, la demande de financement sera elle aussi accrue et il faudra en tenir compte en fonction des disponibilités financières de l'Office du crédit agricole. Là aussi, pour des raisons d'efficacité et de rapidité, l'office devra dépendre du fonds de relance.

Relance agricole et relève agricole sont, dans notre esprit, un mariage heureux. Nous croyons que la relance d'un territoire agricole doit nécessairement s'appuyer sur une relève disponible. Un programme d'action avec des avantages financiers devra donc privilégier la relève agricole. Toute l'action déterminante pour la relance agricole repose sur une volonté d'agir du gouvernement du Québec. Il est clair pour nous que la pierre d'assise de cette relance est le fonds de relance. Relance signifie investissements financiers et conditions particulières de rétrocession et de vente intéressante afin de rendre le territoire de Mirabel attirant.

En ce qui a trait tout particulièrement à la relance agricole, nous avons réservé un rôle bien précis au gouvernement fédéral. Nous attendons de lui qu'il contribue financièrement puisque le besoin vient de sa gestion déficiente. Ainsi donc, l'importance de son implication financière dépendra des investissements supplémentaires exigés par la relance. Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pourra certainement évaluer cette participation du gouvernement fédéral.

Conclusion, à la page 31: Ôtez-vous de là. C'est ici que l'on déroule les tapis de béton pour le progrès qui s'en vient sur les ailes d'un bel oiseau d'argent.

C'est un peu la promesse que le gouvernement fédéral nous avait faite en 1969: une promesse de développement économique pour toute la région. Treize ans ont passé et la réalité est toute différente du mirage entretenu par le gouvernement fédéral. Non seulement le développement se fait attendre, mais on continue d'assister à un grand dérangement social et économique. Un dérangement social, parce qu'on a pris en otage une population qui n'avait rien demandé et qui a du subir une administration et une gestion contraire au progrès promis. Dérangement économique aussi, parce que, tout en soutenant que l'aéroport de Mirabel devait devenir la porte de l'Est, le gouvernement fédéral consacrait l'aéroport de Toronto comme véritable aéroport international. (11 h 30)

Soyons, cette fois-ci, assez clairvoyants pour ne plus croire que nous sommes bien servis par le "French Power" d'Ottawa. Voici une preuve supplémentaire que ce ne sont pas les autres qui feront le développement

économique du Québec, même si on a l'impression que ces gens sont des nôtres. Grand dérangement économique aussi, parce que avant la venue de la grande promesse cette région était prospère et que, depuis douze ans, l'élément essentiel de sa prospérité, l'agriculture, est en attente.

L'agriculture doit donc reprendre sa place légitime, et cela, en bon voisinage avec un aéroport qui n'attend, lui aussi, qu'à prendre son envol. Cette fois-ci, exerçons nos droits pour que ce territoire revive comme nous l'entendons. La tutelle a assez duré.

Nous pouvons maintenant répondre en quelques mots aux quatre points du mandat de cette commission. Premièrement, maintenir la propriété fédérale en zone non opérationnelle: c'est un cul de sac. Deuxièmement, 17 000 acres de terre à des fins aéroportuaires: c'est amplement suffisant. Troisièmement, la rétrocession doit se faire pour et par la population impliquée. Quatrièmement, les leviers de la relance doivent être entre les mains de notre gouvernement et des gens d'ici.

En conclusion, volontairement, nous avons très peu parlé de la lutte même des expropriés contre le gouvernement d'Ottawa. Nous croyons qu'ils l'ont fait bien mieux que nous. Ils vous ont exprimé leurs sentiments; ils vous ont décrit leur histoire. Néanmoins, nous sommes solidaires de leur lutte. Nous sommes certains que, pour rendre hommage à ces hommes et ces femmes, vous allez souscrire à notre idée de remplacer, lors de la rétrocession, les bureaux du gouvernement fédéral et de sa société par un musée relatant l'histoire de leur lutte, puisque cette lutte menée par des gens de ce coin de pays fait désormais partie de l'histoire de Mirabel et du Québec.

Mirabel, territoire occupé, pour combien de temps encore?

Messieurs, mesdames, merci de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Boudreau: J'aimerais apporter seulement une petite précision.

Le Président (M. Rochefort): Allez-y.

M. Boudreau: Vous avez eu deux exemplaires du mémoire. On avait rédigé un premier mémoire, qui a été déposé le 8 octobre; après, il y a une remise de la commission; et, à la fin de septembre, au début d'octobre, les élections avaient lieu dans tous les comtés du Parti québécois. Nous avons consulté les nouveaux exécutifs, qui avaient été élus en septembre et en octobre. Ce qui fait que, dans le deuxième mémoire qu'on vous a présenté, il y a eu quelques changements qui ont été ajoutés après une nouvelle consultation avec les nouveaux membres qui étaient en place après des élections. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Garon: Messieurs, je désire vous féliciter, d'abord, d'être venus présenter vous-mêmes votre mémoire et, en même temps, répondre aux questions des députés membres de la commission parlementaire, tant du gouvernement du Parti québécois que du Parti libéral. Nous n'avons pas eu l'occasion de faire la même chose du côté des libéraux ou des organismes fédéraux, qui n'ont pas jugé opportun de venir nous rencontrer. A ce moment-là, c'est toujours plus facile, voyez-vous, de... Ce n'est pas fini, mais, M. le Président, je connais un peu la méthode de fonctionnement.

La semaine dernière, le député d'Argenteuil me demandait de communiquer avec M. Roméo LeBlanc, avec une insistance un peu vigoureuse, un peu forte. Je suis un homme un peu soupçonneux de tempérament; alors, je me suis dit: Peut-être que je suis un peu soupçonneux pour rien. Je n'ai pas dit un mot.

M. LeBlanc était rempli de bonne volonté, à la veille de la commission, et le député d'Argenteuil, lui-même, me demandait: Avez-vous communiqué avec M. LeBlanc? J'ai répondu: Oui. M. LeBlanc est prêt à me rencontrer et j'en suis très heureux. Évidemment, quand on a voulu fixer le rendez-vous, les gens de M. LeBlanc n'étaient plus disponibles. J'y suis habitué. Il a été même impossible de communiquer avec eux pendant quelques jours, de sorte que les; gens de chez nous ont reçu instructions, lorsqu'il s'agit du bureau de M. LeBlanc, de communiquer le plus souvent par écrit, par télégrammes. Les documents restent. Hier encore, on a essayé de communiquer avec le bureau de M. LeBlanc, avec son chef de cabinet, qui avait reçu d'ailleurs notre télégramme. Il a dit: C'est impossible, M. LeBlanc n'est plus disponible.

J'aimerais souligner aux gens qui sont ici que, des fois, cela donne l'impression que le ministre fédéral est très ouvert... Je l'ai connu antérieurement, dans le secteur des pêches, et je ne prends pas de risque. Je peux vous dire qu'on a communiqué presque tous les jours de la semaine dernière et de cette semaine par téléphone ou par télégrammes; je n'ai pu avoir de rendez-vous avec M. LeBlanc qui n'est plus disponible. Si le député d'Argenteuil veut recommuniquer avec lui, peut-être que, d'ici la fin de la journée, il serait encore disponible pour le temps de la commission. Mais, j'aimerais le faire savoir au public pour qu'il n'ait pas l'impression que M. LeBlanc est aussi

disponible qu'il le dit. Quant à moi, j'ai dit, encore une fois, que j'étais disponible pour le rencontrer à Québec, à Montréal ou à Ottawa. Mais il n'est pas disponible. Son chef de cabinet m'a dit que la rencontre pouvait avoir lieu la semaine prochaine mais qu'il ne pouvait pas encore préciser le moment. Je m'attends que, la semaine prochaine, ce sera encore un autre moment qu'on ne peut pas déterminer. C'est la méthode de M. LeBlanc que j'ai connue dans le secteur des pêches.

C'est pour cela que je n'aimerais pas laisser planer des ambiguïtés. C'est un peu comme ce matin, on a laissé entendre que j'étais revenu en avion hier d'Europe, du Salon international de l'Agriculture, en première classe. Le gouvernement ne loue jamais de billets en première classe; c'est toujours dans la classe économique. C'était à l'émission de M. André Arthur, qui est le fils de M. René Arthur, lequel était le chef de cabinet de M. Jean Lesage. Voyez-vous, cela paraît toujours bien de laisser entendre des mensonges pour faire croire aux gens que le gouvernement gaspille des fonds publics, alors qu'au contraire, j'avais un très mauvais siège, et c'est quelque chose. C'est le mensonge libéral, où qu'il se trouve, à la radio... Ou encore, c'est Jean Pelletier, le fils de... Voyez-vous, c'est toujours le fils de quelqu'un...

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, pourrait-on en venir aux questions au groupe qui est présentement devant nous, qui a présenté mémoire. Il est sûrement disponible pour des questions.

M. Garon: Oui. Je vais poser la première question. Pensez-vous que le gouvernement du Québec doit subventionner seul les taux d'intérêt sur les prêts agricoles consentis à ceux qui rachèteront leur terre? L'Office du crédit agricole du Québec subventionne les taux d'intérêt et ceux qui, lors de la rétrocession, auront besoin d'un refinancement, pensez-vous que cela doit être refinancé entièrement par l'Office du crédit agricole du Québec ou par le gouvernement fédéral qui est responsable de la rétrocession? Dans plusieurs cas, des gens auraient à rembourser de forts montants. Le gouvernement fédéral ne devrait-il pas lui-même subventionner ou financer la rétrocession des terres à des taux d'intérêt correspondant aux taux d'intérêt du crédit agricole; ou encore, dans le cadre d'une entente, prévoir les sommes nécessaires aux subventions d'intérêts pour la rétrocession des terres?

M. Lauzon (Denis): Notre idée est assez claire là-dessus. En 1969, les cultivateurs ont été expropriés et il y en a qui ont été payés vers l'année 1975 à aller jusqu'à environ 1978. Ces gens ont eu un taux d'intérêt sur les sommes dues variant entre 5%, 6% et 7% au maximum. Il y avait un taux de 6%, je pense. On se pose la question à savoir pour quelle raison les gens qui se font enlever tous leurs biens de façon inutile devraient payer des taux d'intérêt supérieurs au taux qui leur a été payé quand ils se sont faits enlever tous leurs biens? Cela devrait être supporté par le gouvernement qui a enlevé les biens des gens. Je pense que le gouvernement fédéral est en mesure de supporter les mêmes taux d'intérêt qu'il a payés à l'époque. Il doit être en mesure de vraiment supporter cela.

M. Goyer (Daniel): Je voudrais ajouter quelque chose, un complément de réponse. Ce qu'on dit à la page 30, en fin de compte, du mémoire, c'est que tout excédent financier ou tout investissement supplémentaire à cause de la relance est à la charge du gouvernement fédéral. Plus clairement, à titre d'exemple, si en 1969, ou en 1970, ou en 1971 le gouvernement du Québec, par l'Office du crédit agricole, avait fait des prêts à des taux d'intérêt X et que, aujourd'hui, on doit faire les mêmes prêts à des taux d'intérêt plus élevés, donc, c'est une charge financière supplémentaire pour le gouvernement du Québec, cette charge supplémentaire est aux frais du gouvernement fédéral. Le principe de base est que si le gouvernement fédéral n'était pas intervenu, on n'aurait pas investi ces sommes d'argent. Donc, aujourd'hui, le supplément doit être à la charge du gouvernement fédéral.

M. Garon: Dans le financement, actuellement, c'est évident qu'il y a un financement qui est très différent. Si on regarde le taux fédéral, actuellement, il est à 15,5%. Alors qu'au Québec, c'est 4 plus... Je pense que le taux préférentiel est actuellement à 13,75%? Moins 4, ce qui fait 9,75%, sur 2, un peu moins de 5, cela veut dire 4 plus 4 7/8%, cela veut dire à peu près 8 7/8%, le taux d'intérêt au Québec à l'Office du crédit agricole. Dans les sociétés fédérales, le taux est à 15,5%. Alors, il y a une différence importante dans le taux d'intérêt. Si on tient compte que l'expropriation a coûté 156 000 000 $, en incluant évidemment les honoraires professionnels d'arpentage, d'évaluation, des notaires, des enregistrements de titre. C'est le gouvernement fédéral qui a choisi ces professionnels. Je ne sais pas s'il a l'intention d'inclure les coûts des honoraires professionnels dans la rétrocession. Il s'agit de montants importants. Il s'agit de la différence entre 156 000 000 $ moins les honoraires professionnels, cela veut dire une somme assez importante, cela peut être entre 130 000 000 $ et 140 000 000 $ ou 145 000 000 $, en parlant seulement de la

rétrocession. À ce moment-là, le crédit agricole du Québec... M. le Président, pourriez demander au député de Berthier qu'il se tienne tranquille, s'il n'a rien à dire ou qu'il aille placoter ailleurs.

M. Houde: ... M. le ministre qui n'a rien à dire aille ailleurs.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Berthier. M. le député de Berthier, si vous voulez la parole, vous la demanderez, cela me fera plaisir de vous l'accorder. M. le ministre, si vous voulez poursuivre.

M. Garon: Voyez-vous, quand on regarde les crédits agricoles...

Le Président (M. Rochefort}: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Garon: M. le député de Berthier s'illustre par la vigueur de sa pensée. C'est connu au Parlement.

M. Houde: Cela fait différent de vous...

M. Garon: 140 000 000 $, quand on regarde le crédit agricole total, vous allez comprendre le raisonnement, évidemment, on ne peut pas mettre plus de quatre onces dans un verre de quatre onces, vous allez comprendre le raisonnement, j'en suis sûr, même s'il n'est pas accessible au député de Berthier. C'est que si la rétrocession coûte 140 000 000 $, le crédit agricole total au Québec, les prêts à long terme et à moyen terme étant de 500 000 000 $, cela veut dire qu'on utilise le tiers du crédit agricole, à peu près 30% du crédit agricole, pour les fins de la rétrocession seulement, non pas de la revente. Cela veut dire qu'au Québec nous serions obligés de ralentir considérablement le crédit agricole dans l'ensemble du Québec si on affectait 140 000 000 $ sur 500 000 000 $ dans le cadre d'une année, pour les fins de la rétrocession. Voilà pourquoi c'est une question très importante; il s'agit de sommes considérables. Je pense qu'il faudrait déterminer qui doit assumer le financement de cette rétrocession. Quand on parle de rétrocession, l'expropriation globale est de 156 000 000 $. Si le fédéral parle de revente, il s'agit peut-être de 400 000 000 $ ou de 500 000 000 $ au prix du marché actuel, je ne le sais pas. Évidemment, on ne peut pas se baser sur des terres comme celles de Great Lakes Carbon qui ont été expropriées à 210 $ et qui ont été revendues à 3500 $ l'arpent; je pense bien que ce n'est pas le cas de toutes les terres. Mais on peut parler d'un montant de plusieurs centaines de millions dans le cas de revente. Qui devrait assumer le refinancement agricole de la rétrocession des terres? Voilà une question fondamentale, en souhaitant qu'il s'agisse de rétrocession.

M. Lauzon: Quant à votre première question, concernant toutes les dépenses d'experts pour l'évaluation lors de 1969 et lors de la revente ou de la rétrocession actuelle, ce n'est pas aux gens à payer cela. Ce n'est pas de la faute du monde si un gouvernement a vu trop grand. Ce n'est pas aux gens à payer cela. Ce que les gens doivent payer, c'est l'évaluation qui a été faite en 1969, ce qui leur appartenait, le montant réel. Toutes les dépenses inhérentes à cela, ce n'est pas aux gens à payer cela. Je pense que c'est clair pour tout le monde. Le gouvernement qui a fait l'erreur doit assumer ses erreurs financièrement.

La deuxième question: Qui devrait financer la revente? Je pense, et c'est l'idée de mes collègues aussi, que le gouvernement fédéral devrait assumer le financement. Le fait que le gouvernement fédéral soit venu exproprier et décide de rétrocéder ne devrait pas venir perturber toutes les activités du crédit agricole au Québec. Le gouvernement fédéral rentrera beaucoup de fonds dans ses coffres quand il va décider de revendre l'ensemble des 80 000 acres. Il est en mesure d'attendre pour se faire payer sur une période de 15 ou 20 ans. Il rentrera de l'argent à la pochetée. Le gouvernement fédéral a besoin d'argent actuellement. Donc, pour quelles raisons viendrait-on perturber tout le système normal du crédit agricole du Québec parce qu'on a fait une erreur à Mirabel? Le gouvernement fédéral devrait être capable vraiment de supporter tout cela.

M. Garon: Selon vous, quelles devraient être les modalités de la rétrocession? Qui aurait le droit de premier preneur?

M. Lauzon: II est évident pour tout le monde, peut-être pas pour certains nouveaux arrivants qui ont des amis dans le régime, que lorsqu'une personne se fait enlever de façon illégitime sa terre ou sa maison, la simple décence, c'est de lui offrir d'abord en priorité, à condition qu'elle désire venir vivre là et venir exploiter pour ne pas venir déranger inutilement l'occupant de bonne foi. C'est évident pour tout le monde, la priorité en ce qui concerne les résidences et les terres agricoles doit être offerte d'abord à l'ancien propriétaire, à condition qu'il vienne les exploiter ou y vivre.

Deuxièmement, s'il n'est pas intéressé, c'est l'occupant actuel, aux mêmes conditions, parce que l'occupant actuel a fait preuve qu'il est intéressé à créer une vie sociale dans le coin et cela fait peut-être cinq, dix ou douze ans qu'il est là. Il devrait avoir les mêmes conditions d'achat, les mêmes prix. Ceci concerne la ferme.

Au plan des résidences, c'est un petit

peu différent. L'idée générale développée dans le coin, c'est que le premier choix va à l'ancien propriétaire. Pour les fermes, on va jusqu'aux enfants. Parce que c'est quand même un métier d'administrer une ferme. Donc, on reconnaît les enfants de l'ancien propriétaire en priorité.

Je reviens au plan des résidences, où c'est un petit peu différent. Les enfants de l'ancien exproprié seraient en troisième place prioritairement. On reconnaît plus l'occupant actuel. C'est ce qui est discuté chez les résidents, actuellement. On reconnaît l'ancien propriétaire et son épouse. S'ils ne sont pas intéressés, ce serait l'occupant actuel qui serait le deuxième. Si l'occupant actuel n'est pas intéressé au plan des résidences, cela reviendrait aux enfants de l'ancien exproprié, qui pourraient acheter la maison de leur père. Finalement, si tout ce beau monde n'est pas intéressé, ce serait une banque de terres ou de maisons qui pourraient servir à ceux qui seraient dérangés par la venue de l'ancien propriétaire.

C'est un peu ce qui est avancé comme toile de fond. Encore là, il n'est pas de notre ressort de décider cela. Cela sera au comité mixte d'émettre toutes les priorités, mais nous vous disons notre avis sur ce sujet, tout simplement.

M. Garon: II n'est pas inutile de dire des choses évidentes pour tout le monde. Parce qu'il y a bien des choses qui apparaissent évidentes pour tout le monde, mais qui ne sont pas nécessairement évidentes au Parlement. Cela dépend toujours des intérêts que l'on défend, vous savez.

M. Lauzon: C'est vrai.

M. Garon: Les expropriés dont les terres sont situées dans la zone opérationnelle... On parle de la zone opérationnelle de 17 000 acres et, en dehors de ladite zone, entre 17 000 et 96 000 acres. Étant donné que les gens du domaine des transports disent que les 5000 acres actuelles seraient bonnes pour longtemps, à l'intérieur des 17 000 acres, entre les 5000 acres utilisées actuellement et les 17 000 acres, pensez-vous qu'il devrait y avoir aussi une rétrocession ou une location à long terme pour ceux qui demeurent dans ce territoire? Ou, encore, un bail emphytéotique? Est-ce une question que vous avez discutée?

M. Goyer: À la page 22 du mémoire, l'on tente d'y répondre en disant: 6000 acres semblent amplement suffisantes, actuellement, pour la zone opérationnelle, c'est-à-dire les pistes de béton et les aérogares. Donc, la différence doit retourner à l'agriculture. D'ailleurs, cette zone est à haut potentiel agricole, si on prend le rang Sainte-Marie de ex-Sainte-Monique. Nous sommes d'avis qu'une ou deux générations peuvent vivre de l'agriculture sur ce territoire. À ce moment-là, il faudrait appliquer les modalités du bail emphytéotique ou du bail à long terme, afin que ces gens puissent faire de l'agriculture.

Quant à nous, c'est évident que la différence entre ce qui est opérationnel et ce qui est requis pour cette zone entière, selon le projet initial des 17 000 acres, cela doit être utilisé à des fins agricoles. Même le gouvernement fédéral admet que cette zone a un haut potentiel agricole.

M. Garon: Voyez-vous, hier, j'atterrissais à Mirabel et il y avait un plafond de 100 pieds. C'est la première fois que j'atterrissais, avec un plafond de 100 pieds, dans un 747. L'avion s'est repris par trois fois. Il a atterri seulement à la troisième fois. On a pensé qu'il n'atterrirait pas. Il est remonté deux fois et, la troisième fois, il a atterri. Je pensais justement à notre commission parlementaire. Je n'ai pas eu peur pour les silos, ni pour les granges, ni pour les vaches...

Une voix: Mais la tour...

M. Garon: Mais je pensais à tout cela, parce que cela ne m'est pas arrivé. C'est la première fois que cela m'arrive et deux fois dans la même journée. Cela m'est arrivé à Québec aussi. Atterrir aux instruments et pas de plafond - 100 pieds, ce n'est pas un plafond - quand tu vois la piste et qu'on est rendu à 100 pieds, on est déjà rendu sur la piste. La principale chose - je me rappelle, avec les gens qui en parlaient - dont on a eu peur, c'est de rentrer dans l'hôtel ou de rentrer dans la tour. Personne n'a eu peur des champs ou des cultivateurs parce qu'il y avait un brouillard épouvantable. Au fond c'est peut-être pour cela que les gens qui travaillent dans le domaine de l'aéronautique disent que les usages les plus compatibles avec un aéroport sont les usages agricoles parce que les usages agricoles - même jusqu'au bord des pistes - ne dérangent pas les avions. Il peut arriver occasionnellement qu'un cultivateur passe avec son tracteur. Mais encore là, ce n'est pas une hauteur considérable un cultivateur sur son tracteur, surtout quand on connaît les heures où il n'y a pas d'atterrissage.

M. Goyer: Si vous permettez, M. le ministre. D'autant plus que les documents du gouvernement fédéral prévoient des zones industrielles connexes à l'aéroport dans la zone même opérationnelle de l'aéroport. Ce n'est pas nous qui disons cela, c'est le gouvernement fédéral. C'est à partir de là qu'on dit que le PICA devrait être inclus

dans cette zone pour des raisons de développement de ce fameux PICA mais aussi pour des raisons logiques. D'ailleurs le MATAC A et le MATAC B sont dans la zone opérationnelle.

M. Garon: De quels droits, selon vous, devraient jouir les occupants, c'est-à-dire ceux qui sont locataires actuellement mais qui n'ont pas été expropriés?

M. Lauzon: Tantôt, dans les priorités, nous avons parlé de cela. On reconnaît des droits à ceux qui sont occupants actuellement, qui sont occupants de bonne foi. Il n'y avait pas de politique. Il y a des gens qui sont partis parce qu'il n'y avait pas de politique. C'est dans ce sens-là qu'on dit qu'on devrait offrir d'abord à l'ancien propriétaire de racheter son entreprise. S'il n'est pas intéressé pour toutes sortes de raisons, c'est l'occupant qui est là actuellement, de bonne foi, qui aura les mêmes droits que l'ancien propriétaire. C'est reconnaître ses droits. Je pense que c'est une logique élémentaire. Par contre, il se peut qu'il y ait des gens qui ont eu de bons tuyaux, qui soient les amis du régime. Ils pourraient devenir de bons résidents aussi, à un moment donné. Une fois qu'ils seront minoritaires dans le coin peut-être qu'ils partiront de bonne foi aussi, quand ils vont se sentir de trop.

J'habite sur la rue Belle-Rivière à Sainte-Scholastique. Quand on sort le matin on voit quatre sortes d'individus. On voit des gens qui sont des anciens expropriés qui habitent encore là. On voit des gens qui sont des anciens expropriés et qui croient que l'avenir est peut-être avec une société fédérale - on a réussi avec tous les achats de conscience à faire croire à des gens que l'avenir est peut-être là. On rencontre aussi des gens qui travaillent à la Société immobilière du Canada et qui n'habitent pas dans le coin. On rencontre des gens qui sont des fonctionnaires et qui sont voisins de chez nous. Cela fait une drôle de vie sociale, dans un village. Tout le monde se rencontre. Il y en a qui ne se regardent pas. Il y en a qui se regardent parce qu'ils ont des liens, des intérêts communs. C'est une drôle de vie sociale. Moi-même et bien des gens avons hâte que cela cesse, que les gens soient chez eux. On a hâte d'avoir une vie normale dans un village. Actuellement cela n'est pas normal. C'est un village en tutelle, tout simplement. Je ne sais pas si cela répond à votre question des droits qu'on reconnaît aux occupants. Les occupants de bonne foi ont leur place dans les priorités. Il faut respecter d'abord la personne à qui on a enlevé les biens de façon illégitime. Je pense que cela est fondamental.

M. Garon: II y a une question que je voudrais vous demander. Considérez-vous le CIAC comme un organisme représentatif dans le milieu de Mirabel.

M. Lauzon: Actuellement le CIAC doit avoir environ 900 membres. Il regroupe trois associations: l'association des locataires et des commerçants - ce n'est pas la chambre de commerce, c'est une autre association -tous les agriculteurs qui ont été expropriés et qui sont résidents. Il y a aussi les anciens expropriés qui sont partis de Mirabel. Ce sont les trois associations qui se sont regroupées pour fonder une fédération qui s'appelle le CIAC. Cela représente toutes les personnes... Ce n'est pas tout le monde qui est membre; il y en a qui ont des intérêts avec le régime actuel, donc, ils ne se tiennent pas avec le CIAC. Mais le CIAC est quand même un organisme de référence, dans le coin, qui représente les gens. (12 heures)

M. Goyer: Je voudrais demander si la liste des membres du CIAC est disponible et si les autres organismes qui se disent représentatifs ont une liste de membres et si elle est disponible et publique? Là, on pourrait déterminer lequel ou lesquels sont les plus représentatifs. Si le groupe ALARM prétend qu'il est représentatif sur le territoire, qu'il dise combien il a de membres et quels sont ses intérêts par rapport aux gens du CIAC qui ont 800 ou 900 membres et qui représentent l'ensemble. À ce moment-là, on pourra déterminer lequel ou lesquels parmi les organismes sont les plus représentatifs. À notre point de vue, dans le mémoire, on prétend que l'organisme le plus représentatif du milieu est le CIAC et ses membres.

M. Garon: C'est un peu délicat pour moi de demander les listes de membres.

Une voix: ... vous n'en avez pas?

M. Garon: Si, éventuellement... j'ai une liste assez complète des fonctionnaires fédéraux ou de la Société immobilière du Canada qui sont locataires. Je ne dis pas que je ne l'utiliserai pas. Mais utiliser les listes de membres des organismes, c'est un peu délicat.

Une voix: Surtout de les annoter.

M. Garon: C'est parce que certaines gens, qui ne sont pas très loin de moi à l'heure actuelle, disent parfois que ce sont plutôt des péquistes qui sont dans le CIAQ.

M. Mathieu: Le CIAC.

M. Garon: Le CIAC, pardon, serait surtout une organisation péquiste. C'est pourquoi je vous pose la question. Vous,

étant des gens du Parti québécois, considérez-vous le CIAC comme un organisme représentatif ou uniquement un organisme politique?

M. Goyer: II est vraiment représentatif et représente tout le milieu, et tout le milieu ce sont des citoyens à part entière. Ces citoyens à part entière, à la dernière élection dans le comté d'Argenteuil, dans Mirabel, ils ont même voté majoritairement pour le Parti québécois. Donc, il serait normal que si les gens votent à 48% pour le PQ dans le comté d'Argenteuil, section Mirabel, il y ait une représentativité de ces électeurs à 48% dans le groupe du CIAC. Si ce sont les mêmes gens. Mais ça ne veut pas nécessairement dire qu'ils sont des membres ou des gens du PQ.

M. Garon: Aux élections fédérales, est-ce qu'ils donnaient une majorité libérale?

M. Goyer: Bien, il faudrait savoir s'il y a une véritable opposition.

M. Garon: À ce moment-là, voyez-vous...

M. Lauzon: Un petit complément de réponse. Connaissant beaucoup de membres du CIAC, je dirai qu'on retrouve à l'intérieur du CIAC les deux allégeances politiques. Ce n'est pas un organisme péquiste et ce n'est pas un organisme libéral. D'ailleurs, le CIAC, que je sache, collabore très bien avec M. Ryan dans ce dossier-là, tout comme il collabore avec le parti au pouvoir actuellement. Ce que les gens visent, c'est de régler les problèmes. Ils ne veulent pas faire de la politique; il s'agit de régler les problèmes et d'être chez nous à long terme. C'est ça que les gens visent. D'ailleurs, à ma connaissance, lorsqu'il y a eu décision de la commission parlementaire - ça date de l'été passé - les deux partis politiques étaient représentés à cette rencontre-là. Il n'était pas question de faire de la politique.

M. Garon: Non, mais c'est bon que ce soit dit publiquement pour que, éventuellement, quand c'est nécessaire, on puisse y référer aussi. Au nombre de personnes que j'ai vues dans les salles, je serais bien heureux que toutes aient été péquistes, mais chaque fois que je suis allé à Mirabel, je les trouvais très nombreux.

M. Lauzon: Si vous me le permettez, M. Garon, un membre du CIAC est dans la salle et il vient de me montrer sa carte de membre du Parti libéral. Donc, s'il y en a qui se posent la question des allégeances du CIAC, il y a un membre du CIAC dans cette salle dont j'ai vu la carte de membre du Parti libéral. Il y a des péquistes mais il y a aussi des libéraux.

M. Garon: J'allais dire que celui-là est quasiment masochiste. Je vous remercie, monsieur.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je vais vérifier si votre carte est en règle. La personne qui a envoyé sa carte... Il y en a plusieurs qui sont en retard dans le coin. Je suis sûr que c'est la même chose de l'autre côté par les temps qui courent et d'après les réactions qu'on entend. Cela se peut.

Je pense qu'il faut être tolérant à l'endroit de l'intervenant précédent. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation nous a dit qu'il rentrait de voyage hier. Par conséquent, il a été absent depuis la dernière réunion. Il a eu des difficultés d'atterrissage, un peu comme son gouvernement. Il n'était pas tout à fait en forme ce matin, comme vous avez pu le constater. On a eu un exercice que je qualifierais charitablement de "brettage" intellectuel, il est mieux que cela d'habitude. Je comprends volontiers les circonstances dans lesquelles il est venu nous rencontrer ce matin. Je pense que c'est bon qu'il soit avec nous. On continuera l'exercice de la manière la plus consciencieuse possible.

Une voix: Un peu comme André Arthur.

M. Ryan: J'ai bien apprécié ce qui a été soumis. C'est évidemment un mémoire que je considère personnellement assez inégal. Il y a des parties qui sont bonnes, d'autres parties qui sont plutôt discutables ou faibles au moins au chapitre de la démonstration. Je vais vous adresser un certain nombre de questions qui vont peut-être nous permettre de clarifier davantage notre perception de votre point de vue.

Est-ce que j'ai bien compris la présentation tantôt? C'est seulement pour mon information. M. Boudreau, vous êtes de L'Assomption, je crois que vous avez présenté tantôt M. Lauzon comme un exproprié.

M. Boudreau: Oui.

M. Ryan: Est-ce que c'est bien le cas, M. Lauzon?

M. Lauzon: Oui. J'habite à Mirabel, à Sainte-Scholastique, depuis 1964 et, que je sache, c'est un village exproprié actuellement.

M. Ryan: Vous étiez propriétaire et vous avez été exproprié en bonne et due forme?

M. Lauzon: J'étais locataire en 1964. Je me suis marié en 1964 et j'habite là depuis 1964.

M. Ryan: Vous n'avez pas été exproprié?

M. Lauzon: Je devais bâtir une maison en 1969.

M. Ryan: Mais vous n'avez pas été exproprié, par conséquent.

M. Lauzon: Je suis un locataire exproprié.

M. Ryan: Très bien, locataire... M. Lauzon: Oui.

M. Ryan: ... d'une maison qui fut expropriée...

M. Lauzon: C'est cela.

M. Ryan: ... et qui ne vous appartenait pas à ce moment.

M. Lauzon: Oui.

M. Ryan: Très bien. J'en reviens au mémoire lui-même. Le premier point qui m'intéresse, ce sont les considérations que vous apportez sur l'état de l'agriculture a Mirabel. C'est l'objet premier du travail de la commission, c'est pour cela qu'elle s'appelle la commission de l'agriculture. Elle est censée se pencher sur l'état de l'agriculture à Mirabel. Je constate que c'est un des aspects qui ont peut-être le moins fait l'objet des délibérations de la commission jusqu'à maintenant. J'ai regardé votre mémoire avec intérêt en espérant trouver là-dedans des données intéressantes et utiles. Je vous dirai franchement que j'ai l'impression d'avoir trouvé plutôt dans votre mémoire des considérations générales, de type un peu facile, un peu moralisateur même sur les bords. Cela ne nous renseigne pas beaucoup sur l'état de l'agriculture à Mirabel. Je n'en fait pas un reproche, parce que je ne pense pas qu'un parti politique ait nécessairement tout ce qu'il faut pour présenter un tableau complet. Mais je voudrais signaler au ministre à ce sujet que, même dans le document qu'il nous a soumis au nom du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, intitulé Le défi de Mirabel, la présentation des données sur la situation réelle de l'agriculture à Mirabel laisse beaucoup à désirer. D'ailleurs, les auteurs le disent eux-mêmes qu'ils disposaient de données très limitées pour présenter un tableau complet. On a un beau document de près de 80 pages, mais si vous cherchez des données précises sur l'état de l'agriculture, cela se ramène peut-être à quatre, cinq pages là-dedans. C'est une suggestion que je vous fais, pour une séance ultérieure de la commission, à supposer que celle-ci continue, c'est qu'il serait très désirable que nous ayons des experts du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui viennent nous présenter avec plus de précision la situation réelle de l'agriculture à Mirabel. C'est un point qui a fait défaut jusqu'à maintenant dans nos audiences. Ceux de la région qui sont ici auront pu le constater autant que moi.

M. Garon: M. le Président... M. Ryan: Et je le dis...

M. Garon: M. le Président, sur un point de règlement. Je ne voudrais pas que le député d'Argenteuil induise les gens en erreur. Le ministère a fait une demande à Statistique Canada pour avoir les données réservées aux expropriés; Statistique Canada a dit que les données ne seront pas disponibles avant huit mois. C'est un peu la raison pour laquelle les données plus spécifiques... Il n'y a pas de zone de statistiques particulière aux expropriés de Mirabel faites par le gouvernement fédéral, qui établit les zones de statistiques. Par ailleurs, pour les gens qui sont allés sur le territoire et qui l'observent, il y a un certain nombre de données - je ne dis pas qu'il n'y a pas de données du tout - qui apparaissent dans le document et c'est facile de voir que l'agriculture n'est pas en accroissement accéléré à Mirabel; elle n'est pas très dynamique, comparée avec ailleurs et à ce qu'elle était auparavant.

Si vous avez des influences que nous n'avons pas auprès de Statistique Canada, cela nous fera plaisir de pouvoir bénéficier des sources d'information du recensement fédéral qui a été fait, d'ailleurs, en 1981. Ce serait facile de comparer 1961, 1966, 1971, 1976 et 1981, mais les données ne sont pas disponibles à l'heure actuelle.

M. Ryan: Je voudrais simplement signaler, à l'attention du ministre, qu'il n'a probablement pas eu le temps d'en prendre connaissance parce qu'il était pressé, mercredi dernier et, aujourd'hui, il est fatigué. Je voudrais signaler à son attention qu'on a déposé, la semaine dernière, des documents de la Société immobilière du Canada. Il y en a un qui est intitulé - c'est 47-MA - Profil agricole du territoire sous la juridiction de la Société immobilière du Canada, et, dans lequel document, on trouve une quatité assez impressionnante de données statistiques reposant, justement, sur les éléments tirés du recensement 1981 de Statistique Canada.

M. Garon: C'est exactement... Je suis content de voir que le député d'Argenteuil l'ait dit. La Société immobilière du Canada a eu accès à un document de Statistique Canada plus que le ministère de l'Agriculture du Québec. C'est un peu ce que... Vous pouvez le constater vous-même. Je suis content, j'allais le dire, mais de crainte d'être accusé de partisanerie, je ne l'ai pas dit.

M. Ryan: Vous n'auriez pas dû.

M. Garon: On venait, justement, de m'en informer, mais j'ai omis ce bout et je suis content de constater et que vous constatiez vous-même que la Société immobilière du Canada a eu accès au document statistique dont le ministère de l'Agriculture, n'a pas pu disposer de la part de Statistique Canada avec le recensement.

M. Ryan: Le ministre m'étonne en disant qu'il a voulu s'abstenir de partisanerie parce que c'est tout ce qu'il a fait depuis le début de la matinée, de la partisanerie.

Les données sont disponibles, on les a dans un document qui a été déposé ici. Ce n'est pas moi qui l'ai inventé, j'ai regardé cela, je me suis dit: Tiens, on a toutes sortes de données. On compare, là-dedans, le développement de l'agriculture dans la région de Mirabel, à la fois la région aéroportuaire et la zone périphérique. On présente des données comparatives avec une autre région comparable à plusieurs points de vue, la région de Joliette et, en plus, avec l'ensemble du Québec. Il me semble que cela serait bon si les experts du ministère de l'Agriculture venaient nous dire, à une prochaine séance, ce qu'ils pensent de ces données. Comment y a-t-il lieu de les interpréter, à leur point de vue? Je crois qu'on est en train de confondre deux problèmes.

Il y a, d'abord, le problème de la qualité, de l'état de développement de l'agriculture dans le territoire de Mirabel. Deuxièmement, il y a le problème du statut des exploitants agricoles. Je vois des personnes qui sourient. J'en connais qui ont des fermes remarquablement bien exploitées. Cela est une autre question, mais je crois qu'il faut distinguer très nettement les deux et je pense que, dans le mémoire que vous avez présenté, il n'y a pas beaucoup de lumière sur l'état de l'agriculture, véritablement. Je ne sais pas si vous croyez que je suis injuste en disant cela; j'aimerais beaucoup que vous me le disiez. (12 h 15)

M. Goyer: Comme vous le dites si bien, il est évident que le Parti québécois n'a pas les ressources financières ni le personnel pour faire des recherches approfondies, dans ce sens. C'est pourquoi on s'est appuyé sur des documents publics, les documents disponibles. Un des documents publics et disponibles, c'est le document du ministère de l'Agriculture ou du Comité agricole, dans le temps, qui a fait une recherche sur le territoire. L'autre document disponible qu'on avait, c'est le document de recherche de M. Bouvette et de Mme Bergeron. C'est à partir de ces données, plus le vécu qu'on voit nous aussi de nos propres yeux, qu'on en est arrivé aux conclusions que vous avez dans le chapitre 1 lorsqu'on dit que l'agriculture est en attente.

D'après les personnes que je connais, il me semble qu'effectivement l'agriculture est en attente. Les gens hésitent avant de faire un investissement sur le fonds de terre qui ne leur appartient pas parce que, justement, les garanties ne sont pas là, garanties qui devraient normalement être faites par le gouvernement fédéral et que ce dernier tarde depuis treize ans à établir. Je pense que l'étude de Mme Bergeron et de M. Bouvette dit qu'à un moment donné, il y a une augmentation, il y a une croissance de la production de céréales ou de foin et une diminution de l'industrie laitière. Connaissant un peu le milieu agricole, il me semble que l'industrie laitière est une production à investissements énormes, ce qui n'est pas nécessairement le cas pour la culture ou les grandes récoltes.

À titre d'exemple, j'ai même de la parenté qui loue onze terres sur le territoire agricole exproprié de Mirabel. Cette personne est partie de l'industrie laitière pour s'adonner à la culture du foin et des céréales. Son investissement est très minime. Elle loue des terres, plante la luzerne, le grain et le blé et en récolte immédiatememt le profit; ce qui n'est pas le cas pour l'industrie laitière quand on fait un investissement en drainage souterrain ou en fossés.

M. Ryan: Là-dessus, pourrais-je formuler une demande à l'endroit du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation? Ce matin, plus tôt, nous avons entendu des experts du ministère des Transports qui sont venus nous donner leurs impressions et leurs opinions sur un document du gouvernement fédéral auquel il avait été fait allusion à une séance précédente. Je crois qu'il serait très important qu'on puisse avoir ici la version la plus complète possible des experts du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sur la situation à la fois objective et comparative de l'agriculture dans le territoire. C'est une demande que j'adresse au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Pourrions-nous compter sur une collaboration comme celle-là de la part de son ministère peut-être en vue d'une prochaine séance de la commission?

M. Garon: M. le Président, j'aimerais vous donner une information antérieurement. Si vous remarquez, dans le document de la Société immobilière du Canada, qui a été déposé à cette commission par vous-même...

M. Ryan: Quel document? Je ne sais pas de quel document il s'agit. Je ne peux pas vous répondre.

M. Garon: Celui de la Société immobilière du Canada. Il y a un document là-dedans, avant les données statistiques. Vous allez voir à quel point le comportement est spécial. C'est une lettre de M. Roméo Cinq-Mars, coordonnateur, recensement de l'agriculture, datée du 27 septembre 1982, et adressée à M. Alain Gagnon, de la société SORECOM. C'est quelque chose, la société SORECOM, une société qui fait des sondages: "Cher monsieur Gagnon, la présente sert à vous énoncer les raisons qui peuvent expliquer une divergence apparente entre les données du recensement 1981 et les données administratives que vous possédez quant au nombre et à la superficie des exploitations dans le territoire de Mirabel", etc. Il compare ces données du recensement de 1981 avec celles de la Société immobilière du Canada. C'est le même M. Cinq-Mars qui a dit que cela prendrait huit mois au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec pour obtenir les données.

Si vous trouvez cela normal, comme député d'Argenteuil, que la société SORECOM ne semble pas avoir de problème et que la Société immobilière du Canada ne semble pas avoir de problème avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, parce qu'il y a des ententes sur le plan statistique entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, lui ne devrait pas avoir de statistiques avant huit mois. De toute façon, je laisse les gens évaluer votre comportement, mais moi, je considère cela complètement anormal...

M. Ryan: Je ne suis pas inquiet. M. Garon: ... à ce point de vue.

M. Ryan: Pourriez-vous répondre à la question?

M. Garon: Oui, j'ai répondu. Vous avez le document que le ministère a publié avec le mandat de la commission. Je pense qu'avec les témoignages des gens qui sont venus présenter des mémoires, lesquels ont été présentés par des gens du territoire... Le but de la commission était d'interroger les gens du territoire et non pas d'interroger des gens du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Le but d'une commission parlementaire, pas d'une commission administrative, puisque l'administration relève du gouvernement, est de se renseigner auprès des intervenants du territoire, auprès de gens représentatifs du territoire. Je pense que les informations qu'on peut obtenir des gens du territoire, on ne pourrait pas les obtenir de la même façon du ministère de l'Agriculture. Qui serait à même d'avoir les données, alors que le gouvernement fédéral n'a pas voulu donner des statistiques, qu'elles ne sont pas encore disponibles pour nous, les données du recensement de 1981? Tout ce qu'on pourrait avoir, ce sont des impressions; or, cela prend des compilations statistiques pour avoir de véritables données. Je pense que le député d'Argenteuil va à la pêche en eau trouble en essayant de poser une telle question, alors qu'il ne s'est pas trouvé plus surpris que cela que la Société immobilière du Canada, comme tous les organismes fédéraux intéressés, qu'aucun organisme qui a accès directement aux sources n'ait voulu venir devant la commission. Je ne voudrais tromper personne toutefois et que la victime devienne l'accusé, c'est un peu le jeu qu'essaie de jouer le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais vous rappeler, M. le Président, que c'est moi qui avais la parole, je ne pensais pas que cela prendrait autant de temps au ministre pour me dire qu'il était incapable de fournir les renseignements dont nous avons besoin. C'est bon que nous soyons tous témoins de cela. Il y a beaucoup de perte de temps, ici, mais il me semble que c'est court de dire: Oui, on va y aller. Quand j'entends le ministre nous dire qu'ils n'ont pas les données, je trouve cela assez fantastique. Vous avez des agronomes sur le terrain qui sont très au courant, M. le ministre, qui pourraient nous apporter une contribution précieuse ici. Ils connaissent les fermes l'une après l'autre. Vous le savez comme moi. Ils n'ont peut-être pas les données de Statistique Canada, ce n'est pas cela qui est le plus important. Les données de Statistique Canada sont déjà très éloignées de la réalité à bien des points de vue. Il me semble que le fait d'avoir le témoignage de ces gens viendrait compléter le tableau général que vous nous avez donné et apporter des précisions qui ont fait défaut jusqu'à maintenant dans les présentations qui ont été faites ici. Si les gens viennent et nous disent: Là-dessus, on ne peut pas vous le dire, on comprend qu'ils ne peuvent pas nous le dire très bien, mais ils peuvent nous apporter bien des éléments. Je suis un peu étonné de votre réponse. Je voudrais ajouter deux ou trois points seulement pour nettoyer cela. D'abord, vous avez laissé entendre tantôt que ce serait moi qui aurais déposé une lettre en provenance de la Société immobilière du Canada. C'est faux.

M. Garon: Non, ce n'est pas vous.

M. Ryan: La lettre a été déposée... Je n'ai jamais reçu de mandat de déposer...

M. Garon: J'ai dit...

M. Ryan: ... des documents ici de la part de la Société immobilière du Canada. Le document a été déposé régulièrement. Je crois que c'est une lettre qui a été adressée au secrétariat des commissions ou à la présidence qui a été déposée ici. Je ne voudrais pas que vous laissiez insinuer des choses comme celle-là, parce que cela fait partie de l'univers dans lequel vous vous complaisez et qui vous éloigne trop souvent des réalités au lieu de vous en rapprocher.

M. Garon: M. le Président, je me suis référé à une lettre qui fait partie...

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Ryan: Qui a la parole, M. le Président?

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que je peux la prendre. Mais j'allais...

M. Ryan: Je suis prêt à le laisser m'interrompre, parce que c'est un bon type, au fond.

Le Président (M. Rochefort): Vous aviez terminé cette partie?

M. Ryan: Oui, oui.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, une réponse?

M. Ryan: Je n'ai pas terminé, remarquez-bien, j'ai été interrompu.

M. Garon: Non, je veux tout simplement rectifier...

Le Président (M. Rochefort): Je pensais que vous acceptiez qu'il vous réponde et que vous étiez pour poursuivre.

M. Ryan: Oui, très bien, mais sur ce point-ci.

M. Garon: Je veux rectifier ce qu'a dit le député. Je me suis référé à une lettre de M. Cinq-Mars qui se trouve à l'intérieur de documents de la Société immobilière du Canada. Je n'ai pas dit que le député avait déposé la lettre. Je me suis demandé si c'était un document qu'il avait déposé, parce qu'il y a certains documents du gouvernement fédéral qui ont été déposés par le député d'Argenteuil. Je ne l'ai pas affirmé et j'ai su, par après, que ce n'était pas lui qui avait déposé le document de la Société immobilière du Canada. Mais c'est lui qui avait déposé le document du ministère des Transports du Canada. Or, voyez-vous, à travers des documents, de temps en temps, les documents du fédéral sont déposés par le député d'Argenteuil et, de temps en temps, ce n'est pas lui. Dans ce cas, je voulais dire que ce n'était pas lui. La lettre à laquelle je me référais fait partie du document de la Société immobilière du Canada.

M. Ryan: Cela règle le problème. Très bien.

Le Président (M. Rochefort): Oui, d'autant plus que je voudrais vous signaler qu'il reste une trentaine de minutes à la commission et qu'il y a deux autres intervenants qui ont demandé à interroger le groupe qui est présentement devant nous.

M. Ryan: Moi, je viens à peine de commencer.

Le Président (M. Rochefort): Oui, exactement.

M. Ryan: Je voudrais seulement apporter une dernière précision. Le ministre nous dit qu'il a essayé d'obtenir de Statistique Canada les données relatives à l'agriculture 1981 et qu'il n'a pas pu les obtenir.

M. Garon: M. le Président, j'ai dit "des fonctionnaires de mon ministère", je n'ai pas dit "le ministre".

M. Ryan: Est-ce que le ministre pourrait nous produire toute correspondance qui aurait été échangée à ce sujet pour faire la preuve de cela de manière irréfutable? Est-ce qu'il y a des lettres qui ont été envoyées? Est-ce qu'il y a des demandes formelles qui ont été faites? Est-ce que vous avez apporté votre appui à ces demandes ou si ce sont toutes des choses en l'air comme vos conversations avec le ministre fédéral?

M. Garon: Vous savez, les gens du bureau des études économiques du ministère de l'Agriculture, M. le Président, communiquent assez souvent et même régulièrement, surtout ces temps-ci, ils doivent communiquer de façon quotidienne avec les gens de Statistique Canada ou les gens de la statistique au ministère de l'Agriculture du Canada. Il y a de fortes chances que tout cela soit fait verbalement, et cela se fait régulièrement. C'est là la façon ambiguë du député d'Argenteuil de poser des questions. À moins que, dans tous

les cas, l'on communique avec le gouvernement fédéral, il faut communiquer par écrit pour en faire la preuve éventuellement, il est évident que, dans les communications avec le gouvernement fédéral pour des fins de statistiques, les gens communiquent régulièrement par téléphone. Je communique de plus en plus par écrit parce que, ayant connu la façon d'agir du Parti libéral, provincial et fédéral, je ne prends plus de chance, je communique de plus en plus par écrit, pour ces raisons.

M. Houde: Depuis quand?

M. Garon: Depuis quelque temps.

M. Houde: Quelque temps, c'est quoi? Est-ce un mois, deux mois, un an, quelque temps, c'est vague, il me semble, M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, ce que je comprends mal, là on préparait une commission parlementaire très importante, je me rappelle le contexte dans lequel cette idée a été lancée, cela a été rappelé tantôt par M. Lauzon, vous avez eu tout le temps voulu pour vous préparer. Il me semble que les données dont on parle, c'était capital et cela valait au moins une lettre du ministre, il est certain, pour appuyer les demandes qui étaient faites par ses fonctionnaires. Il vient nous dire aujourd'hui: On a demandé, on n'a rien eu. Nous, on se fait déposer ici un document dans lequel il y a toutes ces données qui...

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre:

M. Ryan: En tout cas, si le ministre a de la correspondance, j'aimerais qu'il la dépose. S'il n'en dépose pas, nous pourrons conclure qu'il n'y en a pas.

Le Président (M. Rochefort): Ceci étant dit, je voudrais rappeler que le mandat de la commission est d'entendre des organismes, il y en a un qui est devant nous et qui est prêt à répondre aux questions qui devraient lui être adressées.

Deuxièmement, je veux vous signaler que, contrairement à ce que je vous ai dit tantôt, le mandat de la commission est de suspendre nos travaux à 12 h 30. Il est effectivement 12 h 30. D'autant plus qu'on m'informe qu'on doit procéder à des aménagements de la salle où l'on doit accueillir un autre groupe avant que nous reprenions nos travaux après la période des questions. À moins d'un consentement qui pourrait peut-être causer des problèmes à l'équipe qui doit aménager différemment la salle, il faudrait que nous suspendions nos travaux maintenant jusqu'à cet après-midi, après la période des questions.

Cela va-t-il?

M. Ryan: M. le Président, si les témoins qui sont devant nous n'ont pas d'objection...

Le Président (M. Rochefort): Vous pouvez revenir?

M. Ryan: ... on pourra reprendre cela cet après-midi, pour moi, cela va très bien.

Le Président (M. Rochefort): La commission suspend ses travaux jusqu'après la période des questions, vers 16 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

(Reprise de la séance à 16 h 51)

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît:

La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux, toujours aux fins d'entendre les personnes et organismes sur la question des terres expropriées en trop de Mirabel.

Les membres de la commission pour cette séance sont les suivants: MM. Baril (Arthabaska), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Beauséjour (Iberville), Dupré (Saint-Hyacinthe), Gagnon (Champlain), Garon (Lévis), Houde (Berthier), Dean (Prévost), Ryan (Argenteuil), Mathieu (Beauce-Sud), Vallières (Richmond).

Les intervenants sont: Mme Bacon (Chomedey), MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Blouin (Rousseau), Fallu (Groulx), Dubois (Huntingdon), Mme Juneau (Johnson), MM. Lachance (Bellechasse), LeMay (Gaspé), Middlemiss (Pontiac), Picotte (Maskinongé).

À la suspension de nos travaux, nous en étions à la période des questions avec les représentants du Parti québécois de la région Laurentides-Lanaudière. La parole était au député d'Argenteuil.

M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de retrouver les représentants du Parti québécois de la région Laurentides-Lanaudière. On va continuer dans la veine des questions que nous avions commencé à aborder ce matin.

À la page 14 de votre mémoire, vous parlez du PICA. Vous semblez dire que le problème du PICA est uniquement un problème de déménagement d'emplacement, comme si, en le situant ailleurs, les choses pourraient mieux aller. Est-ce que vous êtes conscients que le PICA, finalement, après avoir entraîné des millions de dollars de dépenses, n'a jamais donné lieu au moindre investissement? Vous dites justement dans

votre mémoire, d'ailleurs, que cela ne peut être attribuable seulement au fait que l'autoroute 13 n'a pas été construite.

J'aimerais savoir comment vous envisagez l'avenir du PICA. Est-ce qu'il ne serait pas préférable de mettre tout simplement un point final à cette aventure, quitte à ce que la ville de Mirabel, comme les autres municipalités, prenne ses responsabilités en matière de développement industriel ou si vous pensez que cela doive être maintenu? À quel coût, à ce moment-là?

M. Goyer: Pour nous, il est évident que sa situation géographique est un point, comme vous le dites et comme on le dit dans le mémoire. Il y a peut-être aussi le fait que les terrains n'ont pas pu être à vendre pour les industriels. Il y a aussi eu l'autoroute 13, enfin, plusieurs phénomènes. Mais ce que nous disons dans le mémoire, c'est que le gouvernement fédéral, par l'entremise de feu le ministère des Affaires urbaines du Canada, avait identifié une zone industrielle à l'intérieur même de la zone opérationnelle de Mirabel. C'est, d'ailleurs, la carte de la page 12 du mémoire. Sur cette carte, vous voyez - je pense que c'est le symbole no 10 - que même le fédéral identifiait en 1978 une zone industrielle dans la zone opérationnelle. On dit que, si le PICA n'a pas vu à son développement pour garder la prédominance industrielle du Québec au niveau du transbordement et de la distribution des marchandises par l'aéroport, on devrait développer cette zone-là, ce qui ne met pas en doute la possibilité que la ville de Mirabel ait son parc industriel, bien sûr.

M. Ryan: Là-dessus, M. le Président, si vous me permettez une suggestion, la semaine dernière, nous avons reçu, ici à la commission, à titre de courtoisie, le ministre des Transports, qui est venu donner ses commentaires sur un projet qui avait été soumis par la ville de Lachute dans le cadre des préoccupations générales de la commission. Je me demande s'il serait possible que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation demande à son collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, de préparer un rapport à l'intention de cette commission sur l'expérience du PICA, sur les perspectives d'avenir de cet organisme comme elles sont vues par le gouvernement. Serait-il possible que le ministre accueille cette demande en vue de nous permettre un examen complet du dossier? Parce que là nous n'avons rien sur le PICA. Vous êtes un des premiers organismes à soulever explicitement ce problème. Encore là, c'est de manière tout à fait embryonnaire, je pense que vous en conviendrez.

M. Garon: II faut dire, M. le Président, que la commission a un mandat. Si vous regardez le mandat de la commission, il a été mentionné. Si le député d'Argenteuil veut poser une question comme celle-là, il peut la poser lui-même au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, je n'y ai aucune objection, car chaque fois qu'on fournit quelque chose, ce n'est jamais exactement comme il le souhaite. Alors, j'aime autant qu'il pose ses questions lui-même au feuilleton ou bien en Chambre. Je suis responsable du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il n'y a aucune industrie localisée dans le PICA et plutôt que de poser une question générale comme celle-là pour avoir des informations sur le PICA, j'aimerais mieux qu'il inscrive au feuilleton les questions précises auxquelles il veut avoir des réponses. Il aura des réponses précises à des questions précises, mais je pense qu'il est impossible d'avoir un rapport précis avec une question vague.

M. Ryan: Est-ce que la réponse est terminée?

M. Garon: Oui.

M. Ryan: Si vous me permettez juste une précision, ces messieurs recommandent que l'espace qui avait été mis de côté pour le PICA soit rendu à des fins agricoles. Cela vous regarde directement, M. le ministre.

M. Garon: Oui.

M. Ryan: Alors, je dis que, comme cela avait été mis de côté pour servir des fins industrielles et commerciales, il me semble qu'il serait normal, si jamais on est appelé à se prononcer là-dessus, qu'on sache au moins l'avis du ministère concerné avant de décider par-dessus sa tête. Il me semble que cela entre dans les préoccupations de cette commission qui veut, je pense, d'un commun accord servir au maximum la vocation agricole du territoire.

M. Garon: M. le Président, le député d'Argenteuil ne semble pas familier avec les rouages. Il y a eu déjà une discussion avec la municipalité de Mirabel lorsqu'on a décidé de protéger le territoire agricole de Mirabel. Il y avait, à ce moment-là, dans le PICA à peu près 3000 acres et je me rappelle que le député d'Argenteuil a fait beaucoup de discours pour dire qu'on avait réservé au développement industriel environ 300 acres. Le député d'Argenteuil trouvait qu'on en avait mis en blanc beaucoup trop avec 300 acres, qu'on aurait dû dézoner les 3000 acres quasiment au complet parce que c'était un parc industriel. Nous disions: Quand ils auront occupé les 300 acres en entier -c'est-à-dire que c'est ce que la Commission

de protection du territoire agricole disait -ils pourront demander d'en dézoner davantage à des fins industrielles.

Depuis 1969, en 13 ans, il n'y a pas une usine qui est allée s'y installer. Il y en a une que nous aurions voulu voir s'y installer, Great Lakes Carbon. Elle est allée à Lachute et on a bien compris que le député d'Argenteuil souhaitait tout simplement la pousser plus vers Lachute que vers Mirabel. Nous avions souhaité qu'elle aille dans le parc industriel de Mirabel, mais l'usine n'a pas voulu. Les propriétaires de l'usine n'ont pas voulu. Actuellement, ce n'est pas incohérent, la décision a été prise. La Commission de protection du territoire agricole a réservé 300 acres pour le développement industriel approximativement.

M. de Bellefeuille: 365 acres.

M. Garon: 365 acres, me dit le député de Deux-Montagnes, qui est au courant du dossier parce que c'était dans son comté à ce moment-là. Le reste a été gardé dans la zone agricole. Cela peut être utilisé pour des fins d'agriculture, à la suite de la décison de la commission, et, avec 365 acres, je pense bien qu'au rythme actuel, on en a pour quelques années.

M. Mathieu: M. le Président, je voudrais soulever...

M. Garon: Mais je pense aussi que la municipalité devrait avoir la responsabilité de son territoire.

M. Mathieu: ... une question de règlement.

Le Président (M. Rochefort): Question de règlement, M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Le ministre a fini?

Le Président (M. Rochefort): Bien, vous soulevez une question de règlement et je l'interromps pour vous permettre d'exercer votre droit.

M. Mathieu: Je voudrais attendre qu'il ait terminé ses propos.

Le Président (M. Rochefort): Bon, parfait! M. le ministre.

M. Garon: Je voulais dire, tout simplement, que je pense aussi qu'un parc industriel dans une municipalité doit normalement être administré par la municipalité. Maintenant, il s'agit de quelque chose de spécial. Qu'est-ce qu'il y a à la base? Est-ce que le territoire demeurera la propriété du gouvernement fédéral qui ne veut pas s'en départir? Alors, est-ce que la municipalité pourra l'administrer dans le cadre de ces contraintes? L'administration d'un parc industriel coûte de l'argent. Est-ce qu'elle souhaite l'administrer dans le cadre de ces contraintes? C'est tout cela qui est en cause. Il ne faut pas laisser entendre que le gouvernement du Québec a de la marge de manoeuvre là-dedans; il n'a à peu près pas de marge de manoeuvre.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Beauce-Sud, sur une question de règlement.

M. Mathieu: Oui, M. le Président, sur une question de règlement. Je voudrais un peu déplorer l'attitude que prend le ministre aujourd'hui à cette commission. D'abord, lorsque le député d'Argenteuil demande de faire entendre des porte-parole du ministère de l'Agriculture, le ministre se réfugie toujours derrière le mandat de la commission. Demande-t-on d'entendre des spécialistes du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, le mandat ne le permet pas. Le mandat ne le permet jamais, si je comprends bien, quand cela ne fait pas son affaire, quand ses devoirs ne sont pas bien préparés. C'est une attitude de bâillon qu'on ne doit pas tolérer.

M. Fallu: Question de règlement.

M. Mathieu: Je voudrais terminer la mienne, M. le Président, avec votre permission.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Je veux m'élever contre cette attitude de bâillon. Le ministre, quand cela fait son affaire, déroge amplement. On l'a laissé faire. On voudrait avoir des précisions pour éclairer cette commission. Ce n'est pas juste un jeu puéril et stérile, ce qu'on fait ici. D'abord, cela a été bien amorcé, on a eu des débats intéressants, on a eu des mémoires intéressants. Franchement, c'était bien amorcé. Quand on demande d'aller un peu plus loin avec les spécialistes du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme du gouvernement du Québec, avec des experts du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et l'Alimentation, je ne trouve pas acceptable qu'on se réfugie derrière le mandat de la commission qui, si on le regarde, se lit comme suit.

M. Fallu: Question de règlement.

Le Président (M. Rochefort):

Brièvement, M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Je le lis: "Entendre les personnes et les organismes sur la question

des terres expropriées en trop de Mirabel". En quoi le fait d'entendre des experts du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec ou des experts du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme du Québec ne cadre-t-il pas avec le mandat de la commission? Je veux une commission sérieuse et que ce ne soit pas seulement un exercice...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Beauce-Sud, cela va. J'ai compris votre question de règlement. Pour votre question de règlement, je tiens à vous dire qu'il me semble que... Je peux répondre à votre question de règlement?

M. Garon: Qu'est-ce qui ne fait pas votre affaire?

M. Houde: Vous avez un président; écoutez, donc.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Sur votre question de règlement, je veux vous rappeler, moi aussi, que le mandat de notre commission, c'est d'entendre les personnes qui en ont fait la demande, selon les procédures habituellement reconnues dans le fonctionnement de nos commissions parlementaires. À l'occasion des discussions et des débats qui ont lieu à l'intérieur de la commission, à un moment donné, un membre de la commission exprime son souhait, son intention de convoquer ou d'entendre d'autres organismes; j'en suis, c'est permis. Il n'y a pas de problème là-dessus. Toutefois, j'avoue que je considère que nous passons beaucoup de temps à discuter entre membres de la commission aujourd'hui plutôt que de remplir le mandat qui nous est confié, qui est d'entendre les gens qui se présentent devant nous et de les interroger pour améliorer notre connaissance du dossier. C'est ce pourquoi nous sommes réunis avec le mandat qui nous a été donné par l'Assemblée nationale. Je souhaiterais qu'on en revienne rapidement à ce mandat. Il est 17 h 05. Je conviens qu'on a été retardé par les travaux de l'Assemblée nationale, mais on en est seulement au deuxième groupe et on avait prévu en terminer avec lui avant l'ajournement du dîner.

J'imagine que le ministre a entendu comme moi les demandes exprimées par le député d'Argenteuil, qui sont légitimes, mais il me semble qu'il y aurait peut-être lieu que, entre deux organismes, par exemple, on prenne le temps de présenter une motion, si cela vous intéresse, exprimant le voeu que la commission invite des gens à se présenter, comme on l'a déjà fait, à l'occasion d'autres séances de la commission. Toutefois, je considère qu'on devrait profiter de la présence des gens qui sont devant nous, qui ont déjà commencé la présentation de leur mémoire et la réponse aux questions des membres de la commission pour en terminer avec eux. Là on souhaite interrompre cela pour qu'on passe à autre chose; mais il me semble qu'on devrait revenir à ce mandat qui devrait prendre plus de temps que toute autre question de notre commission.

M. Mathieu: Je suis d'accord, M. le Président, mais, lorsqu'on veut de la lumière, on prend les moyens pour en faire. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Oui, mais je vous ai expliqué dans quel cadre cela devait se faire. Sur ce, M. le député d'Argenteuil, si vous voulez poursuivre vos questions au groupe qui est présentement devant nous, vous avez la parole.

M. Ryan: Très bien. Je vous remercie infiniment, M. le Président. Je vais continuer, en suivant les pages du mémoire; je crois que c'est la façon la plus simple de traiter des questions principales qui sont abordées dans le mémoire. À la page 17 et aux pages suivantes, vous avez un chapitre qui s'intitule: Une ville pour les autres. Si, j'ai bien compris le raisonnement que vous faites dans ces pages, vous déplorez qu'on ait créé une municipalité, qui s'appelle maintenant Mirabel, qui regroupe un ensemble de paroisses, de municipalités qui étaient autrefois des municipalités autonomes, évidemment.

Dans la première version de votre mémoire, vous demandiez qu'on procède au démembrement de la ville de Mirabel et qu'on retourne à l'ancien ordre de choses. Vous avez fait des retouches, dans la version amendée que vous nous avez présentée pour deux pages du mémoire. Vous dites: On voudrait plutôt avoir un référendum. Ce qui me surprend, c'est que je n'ai pas connaissance d'un mouvement d'opinions à ce sujet sur le territoire actuellement. Je sais que vous faites mention d'une couple de municipalités ou d'une paroisse où il y a eu des frustrations. C'est évident, il y en a toujours dans les cas comme ceux-là. Ne trouvez-vous pas qu'avant de présenter une recommandation de référendum au gouvernement du Québec il serait mieux de développer un mouvement d'opinions à l'échelle municipale, que c'est une question qui devrait d'abord se travailler à ce niveau?

Éventuellement, il peut très bien arriver qu'un groupe fasse campagne à l'occasion d'une élection municipale en disant que, s'il est élu, il va remettre cela en cause et tenir un référendum là-dessus. Mais est-ce une bonne façon de procéder qu'un parti politique vienne demander au gouvernement du Québec de procéder à un référendum là-dessus? On ne fait pas un référendum gratuitement. À moins qu'il n'y ait une demande assez forte, il me semble

que ce n'est pas une bonne façon de procéder. Je ne sais pas comment vous voyez cela.

M. Boudreau: D'abord, j'aimerais vous expliquer un peu comment ce changement dans les deux versions est arrivé. Dans la première version, on demandait effectivement le démantèlement de la ville de Mirabel et, avec le report de la commission, de notre entente, les élections ont eu lieu et un nouvel exécutif a été élu à Argenteuil dans les instances du Parti québécois, avec M. Lauzon comme président. Vu que nous en avions le temps avant de revenir à Québec présenter le mémoire, nous en avons profité pour reconsulter le nouvel exécutif qui s'est dit en désaccord avec cette position. Il ne sentait pas le mouvement dont vous parliez tout à l'heure. Eux non plus ne sentaient pas une chose évidente de la part des citoyens, le désir de démantèlement de la ville de Mirabel. Par contre, les auteurs du mémoire, les cinq ou six militants bénévoles qui avaient travaillé là-dessus, soutenaient que, d'après leur expérience, il y avait certainement un mécontentement, surtout de la part des agriculteurs, quant à la situation actuelle de la ville de Mirabel et aux réponses qu'ils recevaient à leurs demandes reliées à l'exploitation agricole.

Alors, on a décidé de proposer autre chose. Au lieu d'affirmer qu'on avait besoin d'un démantèlement, vu qu'il y avait division sur cette question parmi nos membres, on a proposé un référendum, mais, personnellement, votre suggestion me semble très acceptable que cela soit fait à l'occasion d'une élection municipale ou que cela soit fait par le gouvernement du Québec après consultation avec les gens pour savoir s'ils veulent un référendum. La question, pour nous, est que les gens soient satisfaits dans leur fonctionnement municipal.

M. Ryan: Très bien.

Une voix: Est-ce que M. Lauzon a quelque chose à ajouter?

M. Lauzon: Je pense que, là-dedans, il y a une logique très simple. On a fondé, vers les années 1970 ou 1971, la ville de Mirabel. On l'a fait de toutes pièces pour faire plaisir, jusqu'à un certain point, au gouvernement central qui venait d'arriver dans le coin et on a fusionné quatorze municipalités du jour au lendemain. On n'a jamais demandé aux gens si cela faisait leur affaire. Maintenant, cela fait déjà un certain nombre d'années, il existe une ville. Tous les dirigeants de la ville ont fait beaucoup d'efforts pour qu'il y ait un sentiment d'appartenance à la ville de Mirabel. Il existe beaucoup de problèmes sur le plan scolaire, au niveau des territoires, des MRC.

On a changé de comté les gens de Mirabel, pour certaines paroisses. On faisait partie du comté de Deux-Montagnes et on nous a amenés dans le comté d'Argenteuil aux dernières élections. Il y a des gens qui n'ont pas tellement aimé cela. Là, on veut que, sur le plan scolaire, une partie de la ville de Mirabel aille avec la commission scolaire de Saint-Jérôme. Il y a des sondages qui circulent dans la ville de Mirabel à ce sujet. Il existe certains problèmes et je pense que vous êtes au courant. Je pense que cela serait sage, une fois pour toutes, d'aller demander aux gens: Quelle est la bonne structure municipale que vous désirez sur votre territoire? On ne leur a jamais demandé. On a toujours imposé cela aux gens. Cela fait déjà treize ans qu'on impose toutes sortes de choses aux gens. C'est vraiment légitime d'aller consulter les gens là-dessus, parce qu'il y a des problèmes. Mais on n'est pas prêt à conclure à partir de la structure municipale actuellement. On dit: On va aller consulter les gens, ils vont nous dire ce qu'ils veulent. Cela fait partie d'une élection municipale, probablement, comme moyen.

M. Ryan: Vous ne demandez pas, par conséquent, une intervention d'en haut à ce sujet. C'est une question que vous aimeriez voir poser, mais par des mécanismes réguliers dans toute la mesure où c'est possible.

M. Lauzon: II faut respecter le cheminement des gens de Mirabel et ce qu'ils veulent là-dedans.

M. Ryan: Je me permets seulement une petite régression, à propos des commissions scolaires dont vous avez parlé, du livre blanc de M. Laurin et du territoire de Mirabel. D'après ce que je crois comprendre, actuellement, le territoire de Mirabel est desservi par cinq commissions scolaires différentes. Il y a Saint-Jérôme, Sainte-Thérèse, Deux-Montagnes, Long Sault. Il y en a une autre à part celles-là.

M. Goyer: Deux-Montagnes.

Une voix: II y en a deux anglaises.

M. Ryan: II y a Laurenval et Laurentian. Maintenant, les représentations qu'on m'a faites là-dessus indiquent que le fait de déménager certains endroits du côté de Saint-Jérôme, cela ne serait pas très pratique. Avez-vous eu le temps de faire un examen de cela? Dans le projet...

M. Lauzon: Ce n'est peut-être pas l'objet de la commission.

M. Ryan: ... de carte scolaire qui a

suivi la publication du livre blanc, on déménage la plupart des services scolaires en direction de Saint-Jérôme.

M. Lauzon: Je pense que cette question ferait partie de la consultation populaire. C'est pour cela qu'on demande d'aller consulter les gens sur cela avant de procéder à quoi que ce soit.

M. Ryan: Très bien. Je ne m'attarderai pas là-dessus.

M. Lauzon: Ce n'est pas l'objet de notre commission, je pense, aujourd'hui.

M. Ryan: Très bien, je ne m'attarderai pas sur cela, non plus, je ferme la parenthèse.

À la page 21, l'intervention du gouvernement fédéral, cela, c'est directement dans notre sujet. J'ai lu ce que vous dites sur cela et il y a une chose qui me surprend, c'est que vous ne dites rien sur les projets récemment dévoilés et même mis en route par la Société immobilière du Canada. Pourriez-vous nous dire si vous avez eu le temps d'examiner comme groupe, le Parti québécois Laurentides-Lanaudière, par exemple, le programme de vente d'un certain nombre de terres, 150 terres à peu près, le programme de vente d'à peu près 550 résidences de village et les autres initiatives qu'a prises la Société immobilière du Canada au cours de la dernière année? Pourriez-vous nous donner votre jugement sur les projets concrets qui ont été annoncés ou mis en route jusqu'à maintenant par la Société immobilière du Canada?

M. Boudreau: Notre point de vue sur cette question est le suivant: Nous ne nous sommes pas arrêtés aux différents projets mis de l'avant par la SIC. Notre point de vue fondamental, c'est qu'à la suite de la décision du fédéral de rétrocéder ou de revendre 30 000 acres, après étude, nous en sommes arrivés à la conclusion que ce n'est pas 30 000 acres seulement qu'il devrait rétrocéder, mais bien 80 000 acres. C'est la raison pour laquelle on est ici aujourd'hui et c'est ce qu'on veut qu'il se fasse le plus rapidement possible. Quels que soient les projets que le gouvernement fédéral a l'intention de faire sur ce territoire, pour nous, c'est de l'ingérence politique sur un territoire dont il n'a plus besoin et on demande qu'il se retire de là, qu'il ne garde que les 17 000 acres dont il dit avoir besoin pour ses fins aéroportuaires. On ne peut pas entrer dans ce qu'il fait sur ce territoire parce que, pour nous, c'est de l'ingérence politique tout simplement. (17 h 15)

M. Ryan: Vous faites abstraction de tout cela pour vous en tenir à un jugement général.

M. Boudreau: Nous voulons faire savoir au gouvernement que ce n'est pas 30 000 acres qu'il doit rétrocéder, c'est 80 000 acres. Je ne sais pas si mes confrères ont des choses à dire sur cela.

M. Lauzon: Pour compléter la question, quant aux différents projets que la Société immobilière du Canada instaure depuis un an et demi environ, l'avis de mes collègues et de moi-même, c'est que ce n'est pas son mandat. Cette société est dans notre région pour organiser toutes sortes d'activités comme des festivals western et des carnavals; ce n'est pas son mandat. Elle n'a pas d'affaires dans le décor pour tenir ces activités. Je pense que ce sont toutes des activités qui servent jusqu'à un certain point à acheter la conscience des gens qui vivent là. À notre avis, c'est vraiment clandestin, cela n'a pas d'affaires dans le portrait.

M. Ryan: Est-ce que vous diriez la même chose, M. Lauzon, du programme de revente des résidences de village, par exemple? Est-ce une activité clandestine ou illégitime, ou n'est-ce pas une activité qui va dans le sens des objectifs généraux qui sont définis dans votre mémoire?

M. Lauzon: Si cela fait partie de son mandat de revendre le territoire quand il est prouvé qu'on n'a pas besoin de ce territoire, nous n'avons absolument rien contre cela. Par contre, dans les modalités de revente, on devrait davantage consulter et venir écouter un peu ce que les gens énoncent là-dessus. On ne tient pas du tout compte de ce que les gens en pensent. C'est une décision unilatérale, dans toutes leurs priorités. On a même décidé de vendre à la ville de Lachute un territoire pour son parc industriel, quand c'étaient des territoires agricoles. Au plan des priorités, c'est la ville de Lachute qui a eu la priorité. L'ancien cultivateur qui s'est fait enlever sa terre de façon illégitime n'a même pas été consulté. On a annoncé cela dans les journaux il y a quelques semaines.

M. Ryan: Oui, mais vous êtes sans doute au courant, M. Lauzon, que, dans ce cas-là, on a procédé à une consultation officielle des deux associations de producteurs agricoles, l'UPA de langue française et l'UPA de langue anglaise, et ceci en bonne et due forme. Les deux associations se sont prononcées en faveur de la décision qui a donné ce terrain pour fins de développement industriel.

M. Lauzon: Les 1100 acres de terre, la partie qui n'est pas en jaune dans la région de Lachute, vous m'informez que l'UPA de Saint-Eustache a été consultée là-dessus et

qu'elle était d'accord avec cela.

M. Ryan: Oui, parce que la commission de protection des terres agricoles n'aurait pas marché autrement.

M. Lauzon: Ce sera à l'UPA de répondre à cela, car moi, je ne suis pas au courant.

M. Ryan: C'est ça. Mais vous avez quand même droit à votre opinion. C'est seulement une partie du dossier que je vous rappelle, remarquez bien.

M. Goyer: Je voudrais simplement, si vous me le permettez, M. Ryan, ajouter un fait pour revenir au point de départ. Le point de départ c'est que le fédéral a exproprié 97 000 acres à des fins aéroportuaires. Si, aujourd'hui, la preuve est faite qu'il a besoin de seulement 17 000 acres, notre point de vue à nous, c'est de dire qu'il doit rétrocéder, ce qu'il a pris en trop car il a exproprié à des fins aéroportuaires. Toute politique d'aménagement sur le territoire autre que pour la zone opérationnelle, en vertu même de la constitution canadienne, c'est un pouvoir uniquement provincial. Partant de là, on dit au fédéral qu'il n'a pas le droit de faire ce qu'il fait. Que ce soit bien fait ou mal fait, c'est illégal et illégitime. Quand on a exproprié ces gens-là, c'était pour faire des pistes de béton et un aéroport et non pas pour un aménagement de parc d'interprétation de la nature. À ma connaissance, cela ne relève pas d'une compétence fédérale. C'est à ce mandat que nous nous en tenons, lorsque nous parlons d'un comité mixte qui doit voir à la rétrocession des terres, si la preuve est faite que c'est 80 000 acres qui doivent être rétrocédées.

M. Ryan: J'ai votre opinion là-dessus. Plus loin, vous parlez du rôle du gouvernement québécois. Vous dites assez bienveillamment que le gouvernement qui présidait aux affaires du Québec de 1970 à 1976 a joué le rôle qui lui revenait, c'est-à-dire qu'il s'est trompé avec tout le monde, dans un certain sens et, en même temps, il a fait ce qui devait être fait dans la perspective où on pensait agir justement à ce moment-là. Ensuite, vous parlez du gouvernement qui est en place depuis 1976. Vous dites une chose pour laquelle je vous félicite.

M. Goyer: Vous vous faites plaisir.

M. Ryan: Je sais que cela a été dit en toute impartialité. "Depuis 1976, le gouvernement du Parti québécois a, pour ainsi dire, regardé passer le train. Certains énoncés de principe ont été formulés par le ministre de l'Agriculture, une aide financière a été accordée à l'Association pour la défense des expropriés et locataires, des décisions et des remises en question ont été prises au sujet de la construction de l'autoroute 13, du réseau express métropolitain, mais les interventions se limitent à cela ou presque et aujourd'hui, il y a cette commission parlementaire." Est-ce que vous pourriez expliciter un peu cette appréciation que vous donnez du rôle qui a été joué par le gouvernement au cours des six dernières années? Cela fait déjà six ans, c'est assez long.

M. Boudreau: Pour vous faire plaisir, M. Ryan, je vais élucider la question. Notre raison d'être ici à Québec, c'est de réveiller le gouvernement du Parti québécois.

M. Garon: C'est comme le ministre libéral qui écrivait à M. Bourassa en 1976 pour lui dire que le gouvernement Bourassa ne faisait rien.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre!

M. Garon: Cela n'a pas duré.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre!

M. Garon: J'en ai une copie.

Le Président (M. Rochefort): En temps opportun, vous aurez l'occasion de le faire.

M. Boudreau: La raison pour laquelle on est à Québec, c'est pour que le dossier débloque. Dans le Parti québécois, on veut que le gouvernement du Parti québécois bouge et on veut que tous les intervenants possibles nous donnent leur appui pour qu'il bouge. On veut que cette justice soit rétablie et on trouve qu'après six ans il est grand temps - et on est très heureux qu'une commission parlementaire s'en occupe - que ce dossier soit réglé. C'est la raison pour laquelle on s'est permis de dire à notre gouvernement qu'on n'était pas heureux de ce qu'il avait fait jusqu'ici et qu'il était temps: qu'il bouge.

M. Ryan: Très bien. On va maintenant passer à l'avenir parce que je ne veux pas monopoliser tout le temps. A propos de la rétrocession, vous évoquez cinq principes. Je ne voudrais pas qu'on revienne sur chacun de manière détaillée parce qu'on pourrait en avoir pour trois heures seulement là-dessus, mais je voudrais bien clarifier votre opinion sur l'ordre dans lequel les propriétés devraient être offertes en rétrocession ou mises en vente éventuellement, selon le cas,

ou en revente. Vous dites que le premier principe, abstraction faite des nouveaux arrivants sur le territoire de Mirabel, c'est que les occupants expropriés qui ont déjà subi un grand dérangement n'ont pas à payer pour les erreurs du gouvernement fédéral. Quand vous parlez de nouveaux arrivants, qu'est-ce que cela signifie? Combien d'années de résidence faut-il avoir pour ne plus être nouveau?

M. Lauzon: Je pense qu'il y aurait lieu de préciser ce qu'on entend lorsqu'on parle de nouveaux arrivants. Vous m'avez posé une question avant le dîner, M. Ryan, concernant mon statut. Vous avez semblé remettre en question le statut d'exproprié qu'on m'avait donné, parce qu'en 1969 j'étais locataire sur le territoire. Effectivement, en 1969, les locataires ont été expropriés autant que les résidents, et c'est la vie sociale des locataires qui a été expropriée en 1969. Je n'avais pas eu l'occasion de répondre à cette question ce matin parce qu'on avait enchaîné sur une autre question.

Pour répondre à la question que vous venez de poser, les nouveaux arrivants sont les gens qui sont arrivés quand les anciens propriétaires ont décidé de partir pour toutes sortes de raisons, tous les nouveaux arrivants qui ont loué soit des terres, soit des maisons dans le cadre de ce qui faisait leur affaire. C'est ce dont on parle quand on parle de nouveaux arrivants. Il n'y a pas de date, il n'y a pas de données comme telles. Ceux qui n'ont pas été expropriés en 1969, c'est ce qu'on veut dire par nouveaux arrivants.

M. Ryan: II y une chose que j'ai de la difficulté à comprendre et je l'ai dit souvent, d'ailleurs, à des gens du CIAC en toute bonne foi. Vous avez eu une expropriation. Il y a eu une transaction qui a été faite, il y a eu un règlement qui a été fait. On a dit à celui qui était partie au règlement, la partie privée: Si tu veux rester là dans ta maison, tu peux rester à titre de locataire, on va te louer cela. Il dit: Je préfère m'en aller. Par la suite, un locataire arrive et s'implante là. D'après notre loi des loyers du Québec, une fois que vous êtes implanté dans un loyer - vous le savez comme moi - vous pouvez rester là à demeure. Il faut une raison très sérieuse pour que le propriétaire puisse vous évincer. Dans ce cas, j'ai de la difficulté à voir comment une personne peut encore être qualifiée de nouvel arrivant quand elle est là depuis cinq, huit ou dix ans. J'ai de la difficulté sur ce point.

M. Lauzon: Moi, je n'en ai pas du tout. Cela ne me cause pas de problème. Une personne s'est fait enlever tous ses biens en 1969 pour de fausses raisons, sous de fausses représentations et une autre personne a pris sa place parce que l'ancien exproprié est parti pour toutes sortes de raisons, parce qu'il n'avait pas d'avenir, parce qu'il n'y avait pas de politique. Un nouvel arrivant, c'est la personne qui a pris sa place. Pour nous, c'est ça.

M. Ryan: D'accord, c'est votre opinion qu'on veut avoir pour l'instant. C'est votre opinion bien claire et bien ferme, n'est-ce pas?

M. Boudreau: M. Ryan, pour compléter ça, s'il n'y avait pas eu expropriation, la plupart de ces cultivateurs n'auraient pas quitté leur terre, n'auraient pas arrêté de faire de l'agriculture. S'ils sont partis, c'est parce qu'il étaient expropriés et voyaient qu'ils ne pouvaient plus continuer leur genre de vie, mener le genre d'exploitation agricole qu'ils avaient auparavant. Donc, c'est un peu à cause de l'expropriation s'ils ne sont plus dans le décor et, pour nous, ça leur donne un droit d'être les premiers à pouvoir revendiquer, s'il y a revente ou rétrocession.

M. Ryan: Très bien. Il y a juste un autre principe sur lequel je veux vous interroger avant de passer au programme de relance. Vous dites: "Le cinquième principe établit que, s'il y a vente avec profits, ceux-ci devront être redistribués par le gouvernement fédéral. En termes d'équité, ces montants devraient être distribués aux expropriés eux-mêmes ou à leurs descendants." Là, c'est toute la notion de profit. Qu'est-ce qui va être un profit dans cette affaire qui a coûté terriblement cher? À quel moment peut-on commencer à parler de profit sérieusement? Pour moi, pas avant une génération ou deux je ne sais pas ce que vous entendez par là. Si on commence à prendre des unités séparément, on peut toujours trouver qu'il y a un profit. Mais si on regarde l'ensemble de l'opération - il me semble que la tâche du gouvernement, c'est de regarder l'ensemble de l'opération - je ne sais pas comment vous voyez la notion de profit là-dedans. C'est facile d'écrire ce paragraphe-là, mais, en pratique, comment le voyez-vous?

M. Goyer: II est, évidemment, difficile de répondre, sauf que le profit, pour nous, c'est que supposons qu'il a exproprié une terre à 200 $ l'arpent et qu'il la revend à 250 $, les 50 $ l'arpent constituent un profit. Si l'administration du gouvernement fédéral a pendant 13 ans coûté 6 000 000 $, c'est une erreur administrative que les citoyens n'ont pas à payer.

M. Ryan: D'accord, ça marche. Maintenant, vous dites qu'il faudrait former à Québec - et je vais terminer par une couple de questions là-dessus - un comité

interministériel dont la direction serait assumée par le ministre de l'Agriculture étant donné la vocation agricole du territoire. "Sous la tutelle du ministre délégué à l'Aménagement", excusez-moi. Cela va m'autoriser à vous poser la question: Est-ce que vous trouvez que ça va être plus efficace? Le ministre délégué à l'Aménagement n'a pas beaucoup de personnel à son service. C'est un ministre, un petit peu, de papier, qui n'a pas d'établissement derrière lui. Est-ce que ce ne serait pas plus efficace si vous aviez un ministre bien organisé qui déciderait une bonne fois d'employer ses ressources pour vraiment faire marcher l'affaire?

M. Goyer: Le rôle du ministre délégué à l'Aménagement, tel que nous le voyons ici, est de présider un comité composé de plusieurs ministres sectoriels. Si on parle du déplacement de l'autoroute no 13, je crois que le ministère des Transports est tout désigné pour le faire. Si on parle du déplacement du PICA, c'est la même chose, c'est le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Si on parle de la relance agricole, c'est le ministère de l'Agriculture.

Donc, il s'agit de coordonner les activités de ces différents ministères sur ce territoire pas pour qu'il n'y ait pas pas nécessairement d'affrontements, mais pour qu'il y ait un lien, une coordination des interventions de ces différents ministères. Et c'est le rôle du ministre délégué à l'Aménagement de voir à ce que tout soit bien coordonné. Cela part aussi du principe de fait que l'aménagement est de compétence provinciale. Ici, non seulement on parle de relance agricole, mais on parle aussi d'aménagement du territoire; donc, il doit jouer son plein rôle.

M. Ryan: D'accord, ça va. Une question pratique. Vous dites: "Le mandat du comité sera double: exiger du gouvernement fédéral la rétrocession complète de la zone périphérique et établir des politiques d'aménagement du territoire en conformité avec les besoins..." D'abord, il me semble qu'exiger du gouvernement fédéral la rétrocession complète, cela devrait plutôt relever du chef du gouvernement, du cabinet lui-même. C'est une démarche politique au plus haut niveau. Je ne crois pas qu'un comité comme celui-là pourrait être très efficace dans une telle démarche. Ce n'est qu'une question d'appréciation stratégique.

La question que je veux vous poser, c'est la suivante. Depuis des années, le gouvernement de Québec le demande, il peut bien le demander une fois de plus et on va souhaiter qu'il le demande dans toutes les formes requises, mais, à supposer que ça ne marche pas de l'autre côté, j'aimerais que vous nous disiez un peu quel travail vous attendriez de la part de ce comité interministériel. J'imagine que vous ne dites pas... À supposer qu'Ottawa dise non, on ne fait rien. Qu'est-ce que vous attendriez du comité? Encore là, je ne veux pas du tout vous arracher une approbation pour ce qui se fait actuellement, pas du tout. Mais à supposer qu'on doive s'en tenir à l'état de choses qu'on connaît, une société immobilière qui dit: On disposera de 150 terres, de 550 maisons, qu'est-ce que vous verriez comme rôle pour ce comité interministériel d'intervention? (17 h 30)

M. Goyer: C'est le plein rôle qu'on donne au ministre de la Justice. Sans être expert, on lui demande de voir toutes les possibilités, les recours possibles et judiciaires pour forcer le gouvernement fédéral à les rétrocéder si, effectivement, il n'a pas besoin de ces 80 000 acres. II les a expropriées en vertu d'une loi sur l'expropriation à des fins aéronautiques. Si, aujourd'hui, la preuve est faite que ces fins ne sont plus nécessaires, il doit les remettre. Cela peut aller aussi loin que de voir les possibilités de recours collectif des citoyens. Cela peut aller aussi loin qu'une cause type prise en charge par le ministre de la Justice pour, par les voies de la justice, obtenir justice.

M. Ryan: Maintenant, vous savez que dans ses causes constitutionnelles, le gouvernement du Québec n'a pas été trop chanceux depuis quelques années. Il n'en a pas gagné beaucoup. Est-ce que vous voulez qu'il aille prendre le risque d'en perdre une de plus? Il faudrait de bons avis juridiques, par exemple. Je n'aurais pas d'objection, mais à condition qu'il y ait des avis préparatoires qui me semblent faire défaut actuellement.

M. Garon: Si c'était lui qui nommait les juges de la Cour suprême plutôt que le gouvernement fédéral.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: Non, non, mais en tout cas...

M. Goyer: C'est un problème politique, M. Ryan. C'est pour cela que nous prônons la souveraineté politique du Québec; on ne serait pas pris avec deux gouvernements.

M. Ryan: Je vais faire le tour des attributions que vous donneriez à chaque ministère. Le ministère de la Justice: cela m'apparaît une attribution qui est douteuse au point de vue de son efficacité possible. Le ministre des Affaires municipales: je pense que vous conveniez tantôt que, si on

procédait par l'autre approche, il n'aurait pas un rôle très important à jouer dans l'immédiat. Le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme: je pense que, lorsqu'on aura tout le dossier, on verra que songer à l'implanter dans une autre partie du territoire, ce n'est pas, non plus, une chose qui présente des perspectives de résultats immédiats très importants. Pour le ministère des Transports, j'ai une question à vous poser là-dessus. Je pense que je suis d'accord avec ce que vous dites sur l'ordonnancement des échéances. Avez-vous pris connaissance du projet qui a été soumis par la ville de Lachute à la commission la semaine dernière à propos d'un tronçon de ce qui équivaudrait à une partie de l'autoroute 50, entre Lachute et le chemin de Mirabel?

M. Lauzon: Personnellement, j'assistais à la présentation. Je trouvais que cela entrait dans nos idées de transfert du PICA. Remettre en question l'autoroute 13, cela faisait partie de cette ligne de pensée. On n'a pas analysé à fond la présentation comme telle, mais cela faisait partie de cette orientation.

M. Goyer: Je pense, M. Ryan, si vous le permettez, que vous touchez à l'autre point du principe de base du mémoire, qui est de dire que l'agriculture peut bien vivre sur ce territoire et côtoyer un aéroport. Si cet aéroport a besoin d'un développement industriel, que ce développement industriel se fasse dans les meilleures conditions et au bon endroit. Si le bon endroit est dans la zone opérationnelle, cela amènera les infrastructures nécessaires. Nous disons, en nous appuyant sur une étude faite par le ministère des Affaires urbaines du Canada, que le développement industriel doit se faire dans la zone opérationnelle adjacente à la piste B. Partant de là, on dit que si demain matin on faisait la zone industrielle à cet endroit, l'autoroute 15 et la voie de contournement sont suffisantes pour développer ce nouveau parc industriel.

L'autre principe, c'est de dire que cela ne doit pas nuire au développement de l'agriculture. À notre point de vue, le PICA, actuellement, nuit au développement de l'agriculture. Il est sur les meilleures terres de ce territoire, entre autres. Ce n'est pas nous qui le disons, c'est le ministère des Transports du Canada qui le dit.

M. Lauzon: Un petit complément de réponse. J'aimerais revenir sur les mandats donnés au ministère de la Justice. On donnerait au ministère de la Justice le mandat d'intenter des poursuites judiciaires si jamais il y a un blocage total et qu'on ne veut plus rien rétrocéder. Il y aurait aussi un autre mandat qui n'est pas là comme tel. Il y a une rétrocession qui est en train de se faire actuellement et on fait fi de ce que les gens désirent au niveau de toutes les modalités. Je pense que le ministère de la Justice devrait, actuellement, appuyer les gens qui seront lésés par une décision unilatérale de rétrocéder avec une série de priorités qui ne sont pas celles que les gens désirent. C'est un autre mandat qu'on aimerait que le ministère de la Justice prenne dans le dossier actuel, parce qu'une personne seule ne peut pas soutenir cela contre tout un gouvernement.

M. Ryan: De la part du ministère de l'Agriculture, vous attendez deux choses, si j'ai bien compris, d'abord qu'il décrète que la zone de Mirabel est une zone spéciale et, deuxièmement, qu'il institue un fonds de financement, un fonds de relance. Pourriez-vous nous donner des précisions là-dessus? Comment viendrait se situer ce fonds de relance? Comment serait-il constitué? À quelles fins servirait-il? Comment cela se rattacherait-il au crédit agricole et tout cela?

M. Goyer: II y a une crainte. On veut résoudre un problème, mais on a une crainte. Comme l'a dit M. le ministre Garon tantôt, l'Office du crédit agricole a une enveloppe de 500 000 000 $; or, seulement là, il y aurait un besoin de 140 000 000 $. Nous, on dit: Cela va demander une intervention rapide, efficace, et on ne veut pas que les interventions du ministère de l'Agriculture se limitent aux enveloppes budgétaires de cette région. Par exemple s'il y a tant de milliers de dollars d'investis dans le drainage souterrain et que, deux mois après, parce qu'il y a une immense demande pour le territoire de Mirabel, les réserves de ce fonds sont épuisées, on va se faire recevoir de façon négative. Alors, nous, on se dit: Un fonds de relance qui n'est pas dépendant de crédits de cet ordre va pouvoir répondre plus efficacement et plus rapidement aux attentes et aux besoins de ce territoire.

À présent, d'où vient le financement de ce fonds de relance? On se dit: Si, de 1969 à 1982, le ministère de l'Agriculture avait dû investir 10 000 000 $ ou 15 000 000 $ sur le territoire; si la chose était normale, autant pour le crédit agricole, pour le drainage souterrain et pour des choses du genre et qu'aujourd'hui il doit en mettre 100 000 000 $, la différence, c'est le fédéral qui doit la payer, parce que cette attente, ce n'est pas nous qui l'avons créée, c'est la situation de l'expropriation. C'est un peu le principe de base de faire en sorte que cela soit rapide et efficace.

M. Ryan: Est-ce que le fonds servirait pour le rachat des terres pour des améliorations? Pourquoi est-ce qu'il n'y servirait pas? Pourquoi est-ce qu'il ne

servirait pas pour des programmes réguliers? On postule qu'il va être disponible, là comme ailleurs; même, qu'il peut l'être d'une façon un peu spéciale, là où il y a du rattrapage à faire. À part cela, pour quelles fins ce fonds serait-il créé?

M. Goyer: Nous, on pense que la demande va être plus importante que les fonds réguliers des différents programmes de drainage, que ce soit la tubulure pour les érablières, que ce soit le drainage souterrain, que cela soit pour des fossés. On croit qu'étant donné que, depuis 13 ans, cela s'est fait de façon moindre qu'ailleurs au Québec, si on parle de relance, il faut automatiquement amener les programmes de manière plus active.

Pour ce qui est du rachat des terres, cela va dépendre des demandes des producteurs agricoles par rapport à l'Office du crédit agricole. Là encore, on dit: S'il est déterminé qu'il y a 10 000 000 $ ou 20 000 000 $ pour cette région, la demande, d'après nous, va être plus grande. C'est pour cela qu'on incorpore dans le fonds de relance l'Office du crédit agricole pour qu'il ait les crédits nécessaires pour répondre à la demande qui va être excessive, parce qu'on parle de 800 fermes qui vont être revendues pour rétrocéder. Donc, les besoins de crédit de ces producteurs agricoles vont être là.

M. Ryan: Très bien. Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Comme vous vous en doutez, je suis heureux de voir devant nous à la commission les représentants du Parti québécois Laurentides-Lanaudière. Je désire les féliciter de leur mémoire qui nous apporte des éléments extrêmement intéressants dans notre recherche d'une série de solutions aux nombreux problèmes qui se posent sur le territoire exproprié de Mirabel.

J'ai été surpris par le fait que le mémoire représente un effort particulier pour répondre au mandat de la commission. Le mémoire est bâti de manière à apporter les réponses aux questions que pose le mandat de la commission. Vous le soulignez, d'ailleurs, vous-mêmes à la page 31 de votre mémoire. Je note aussi, comme l'a fait le député d'Argenteuil, que votre mémoire n'est pas une entreprise de bénissage du gouvernement du Parti québécois puisqu'il contient des éléments de critique à l'égard de ce gouvernement, éléments de critique qui sont peut-être fondés au moins dans une certaine mesure. Mais vous ne vous contentez pas de formuler des critiques; vous apportez aussi des propositions pour corriger et pour combler les lacunes. Aussi, dans votre mémoire - et cela m'a paru un peu ironique peut-être - à la page 24, lorsque vous traitez de l'opportunité de créer un comité qui serait sous la direction du ministre délégué à l'Aménagement, vous dites: "Toutefois, cette concertation ne devrait pas, études après études, repousser loin dans le temps les actions que le gouvernement du Québec doit soutenir." C'est donc un comité agissant que vous voulez que le gouvernement crée et agissant à court terme.

Deux mots peuvent peut-être résumer votre mémoire: rétrocession et relance. Puisque vous dites que vous ne voulez pas que l'objectif soit repoussé loin dans le temps études après études, croyez-vous que ce comité aura toutes les études voulues? Croyez-vous que tous les aspects du dossier de Mirabel ont fait l'objet de recherches et d'analyses suffisantes pour que ce comité puisse agir immédiatement sans avoir à étudier quelque aspect que ce soit du dossier de Mirabel?

M. Lauzon: Je pense qu'après la commission parlementaire ce sera assez évident. On devrait être en mesure d'avoir une idée précise des choses à faire dans Mirabel et chacun des ministères mentionnés devrait entrer en action le plus rapidement possible et s'associer à la population locale pour toutes les idées originales qui seraient applicables dans le coin pour effectuer une relance pour les gens du coin et par les gens du coin. Le comité peut être assuré de la collaboration de la population du coin. Je pense qu'avec tous ces éléments on devrait être en mesure d'aboutir à un règlement final. Les gens vont être chez eux; ils vont aménager tout leur territoire avec l'aide du gouvernement qui devrait intervenir dans le coin.

M. Boudreau: J'aimerais ajouter ceci, M. le député. Il me semble qu'on n'ait pas tellement besoin de longues études pour arriver à une conclusion rapide. Je dirais même que j'ai peur que la commission ne se perde dans de longues études. J'écoutais ce matin les questions et l'altercation entre M. Ryan et M. Garon sur l'agriculture à Mirabel. Sous le gouvernement fédéral, l'agriculture a-t-elle été un succès? Est-ce une agriculture florissante qu'on a à Mirabel ou est-ce une agriculture dépérissante? J'ai vu comme vous tous le sondage fait par SORECOM et publié à grand renfort de publicité dans la Presse. J'ai entendu d'autres questions sur le PICA, des demandes pour faire venir le ministre de l'Industrie et du Commerce pour nous expliquer ses vues sur le PICA, etc. J'ai l'impression qu'il y a toutes sortes de grenouillages qui se font actuellement pour noyer la commission sur le territoire de Mirabel et pour faire passer les

expropriés de Mirabel pour d'éternels "chialeux". Cela me fait très peur pour cette commission et j'ai hâte de savoir finalement où cela va aboutir.

Je pense que le fond de la question n'est pas là. Il n'est pas nécessaire d'avoir fait de longues études. Le fond de la question et c'est notre raison d'être ici - c'est, premièrement, une question de justice vis-à-vis des expropriés de Mirabel. Ces gens qui sont ici, qui sont revenus encore cette semaine, qui sont là depuis le début, représentent les expropriés de Mirabel; ils veulent que ce dossier aboutisse et que la justice soit rétablie. Pas besoin de longues études pour savoir cela. C'est pour cela qu'ils sont ici et c'est pour cela que le Parti québécois Laurentides-Lanaudière est ici. On veut un règlement le plus vite possible. (17 h 45)

Deuxièmement, c'est une question de fierté nationale et d'intégrité du territoire québécois. Est-ce qu'on va tolérer encore longtemps, que nous soyons péquistes ou libéraux, que le gouvernement fédéral continue à gérer le territoire québécois, un territoire dont il n'a pas besoin pour ses fins aéroportuaires? Pour tout Québécois, il me semble que la réponse est très claire: Dehors, le gouvernement fédéral, et au plus sacrant, de terres dont il n'a pas besoin. Nous autres, ce que l'on souhaite, c'est que tous les intervenants dans le dossier, qu'ils soient libéraux, qu'ils soient péquistes, qu'ils soient unionistes ou autres, fassent des pressions sur le gouvernement avec nous pour que ce comité qui sera formé agisse et apporte une solution rapide à cette question.

C'est une question de justice. C'est une question de droit de tous les expropriés de Mirabel. On est parti, tout à l'heure du fait que le fédéral a décidé de rétrocéder 30 000 acres, mais la justice, ce n'est pas seulement pour les expropriés des 30 000 acres. La justice doit se rétablir pour les expropriés des 80 000 acres et des 90 000 acres, si, plus tard, on prouve qu'il n'avait pas besoin de 17 000 acres.

Là-dessus, il me semble qu'on est fondamentalement d'accord avec ce que M. Ryan a écrit plusieurs fois. On aimerait bien qu'il continue à défendre ce dossier avec nous. Il écrivait, le 27 octobre, dans L'Argenteuil: "Le régime de tutelle instauré à Mirabel depuis 1969 contribue à maintenir la population dans un état d'insécurité, d'indécision et de dépendance. Il coûte, en outre, très cher; cela n'est bon ni pour l'économie ni pour l'équilibre de la vie sociale et politique. Le retour à la normale passe par le rétablissement de la responsabilité constitutionnelle du Québec sur cette partie précieuse de son territoire qui fut expropriée en 1969, mais dont Ottawa n'a pas vraiment besoin pour ses fins aéroportuaires." Sur cette prise de position de M. Ryan, on est d'accord.

En ce qui concerne proprement l'agriculture - je termine là-dessus - le comité en question jugera s'il y a eu dépérissement ou si c'est florissant à Mirabel, jugera s'il faut créer une zone spéciale, un fonds de relance, mais on ne veut pas que cela s'enlise dans des rapports qu'on demande et qu'on entretienne ce sondage SORECOM, tout ce grenouillage qui se fait autour de cela pour dire que les expropriés de Mirabel, ce sont d'éternels "chialeux", tout en faisant mine d'essayer de les aider, mais qu'on n'y arrivera jamais parce que cela prend des études et des études. Sur la question d'études, votre interrogation me fait craindre qu'on ne se lance dans les études à n'en plus finir. Je parlais tout à l'heure à des expropriés et c'est leur crainte également, ceux qui sont assis ici, à l'arrière. Merci.

M. de Bellefeuille: Je vous remercie beaucoup, M. Boudreau, M. Goyer et M. Lauzon.

Le Président (M. Bordeleau:) Merci, M. le député de Deux-Montagnes.

M. le député de Prévost. Cela va?

M. Dean: Mes questions ont été posées, M. le Président. Je passe.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, messieurs, de vous être présentés devant la commission.

J'appelle donc maintenant le groupe suivant, qui est le groupe Solidarité aux expropriés de Mirabel, représenté par M. Denis Monière et M. Armand Vaillancourt.

Solidarité aux expropriés de Mirabel

M. Vaillancourt (Armand): M. le Président, j'avais entendu dire qu'on devait terminer pour 18 heures. Je trouve que cela serait ridicule de notre part de ... M. Denis Monière vient justement de partir - son autobus partait à 18 heures - parce que vous nous avez dit qu'à 18 heures tout se terminait. Je pense qu'on a tout de même un dossier assez étoffé et on veut donner la chance à chacun de poser des questions aussi pour pouvoir répondre d'une façon libre. Le mémoire est très court.

Le Président (M. Bordeleau): Un instant. Si vous voulez vous identifier, actuellement, il n'y a rien de cela qui est compris dans nos écritures. Si vous voulez prendre place, on verrait si l'on doit, à ce moment, continuer ou arrêter.

Je pense que c'est M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Armand): Je suis Armand Vaillancourt. M. Denis Monière vient

justement de partir - il fallait qu'il prenne son autobus à 18 heures - sur ma recommandation, parce que, tout à l'heure, vous m'avez dit que la commission devait se terminer pour 18 heures. Plus l'heure avançait, plus l'autobus était prêt à partir.

Le Président (M. Bordeleau): Remarquez que je viens d'assumer la présidence de la commission, mais ce qu'on m'a dit, c'est qu'on pouvait, sur consentement des membres de la commission, continuer après 18 heures. Cela dépend, bien sûr.

M. Vaillancourt (Armand): Cela va. Pour ma part, j'ai le dossier de M. Denis Monière, qui a simplement une page et demie.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord.

M. Vaillancourt (Armand): J'aimerais avoir le temps de faire mon exposé et de répondre aussi à des questions.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: M. le Président, j'aimerais tout de même qu'on le sache, parce que nous avons des activités prévues ce soir, nous aussi. Je veux savoir si on terminera à 18 h 15, à 19 heures ou à 20 heures.

Le Président (M. Bordeleau): C'est essentiellement une question d'entente entre les membres de la commission. Vous êtes les maîtres.

M. le député de Groulx.

M. Fallu: Nous avons convenu, comme on dit dans notre jargon, à l'arrière du trône, que, par entente avec un nouveau président - d'ailleurs, je vous remercie d'avoir accepté de présider notre commission - peut-être nous pourrions aller jusque vers 18 h 30. Maintenant, j'aurais une question à poser à M. Vaillancourt. Est-ce que, pour votre part, vous jugez que vous pouvez faire votre exposé dans 15 ou 18 minutes, ce qui nous laisserait, à nous les membres de la commission, quelques minutes pour poser des questions ou si vous préférez revenir?

M. Vaillancourt (Armand): Est-ce qu'il faut terminer à 18 h 30 absolument? Je ne veux pas étirer la séance pour rien, mais je voudrais peut-être au moins dire que cela fait six fois que je viens ici, qu'on me demande de partir de Montréal pour venir en commission. C'est la sixième fois que je frappe un mur, c'est un peu irritant.

M. Fallu: Mais vous-même, est-ce que vous préférez revenir ou si, en dedans de 35 minutes...

M. Vaillancourt (Armand): Ça va. Si je savais que j'ai au moins trois quarts d'heure pour m'exprimer, je pense qu'on peut continuer, au maximum, une heure.

M. Fallu: Malheureusement, on n'aurait que 35 minutes.

Le Président (M. Bordeleau): Enfin, 35 ou 40 minutes, est-ce que ce serait suffisant? M. le ministre.

M. Garon: À moins, si vous le préférez, avec votre groupe, de revenir et d'être le premier sur la liste pour la prochaine fois?

M. Vaillancourt (Armand): Ce qui arrive avec le groupe, c'est que M. Gaston Miron devait venir, l'autre semaine. Il était occupé. Mme Charlotte Boisjoli devait venir l'autre semaine avant, elle est maintenant occupée. M. Denis Monière n'aura sûrement pas l'occasion de revenir une autre fois, car il est très très occupé. Il s'en va en Europe dans les jours qui viennent. Moi, je peux représenter le groupe; j'aurais aimé avoir des collègues avec moi, mais je peux faire le travail ici. Je suis assez documenté pour le faire.

Le Président (M. Bordeleau): Je pense que, si on commence immédiatement, on devrait avoir le temps de vous entendre et de répondre à des questions.

M. Vaillancourt (Armand): Je vais aller chercher mon dossier.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Juste une petite remarque. Je suis d'accord avec vous sur cette décision. Il n'y a pas de problème. Je voudrais que vous compreniez que, si le député de Beauce-Sud doit partir, ce n'est pas par indifférence, mais plutôt parce qu'il a des obligations dans son comté. C'est très exceptionnel que le mercredi soir on continue. C'est d'un commun accord entre les deux partis. Ce n'est pas que les gens n'ont rien à faire, mais c'est parce qu'il y a d'autres devoirs que de siéger à cette commission-ci. D'ailleurs, l'assiduité de mon collègue de Beauce-Sud, depuis le début, parle par elle-même, je pense, et démontre son intérêt pour le problème. La même chose s'applique à mon collègue, le député de Berthier. Mais lui, j'essaie de le mobiliser pour un peu plus longtemps.

M. Garon: D'accord.

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, oui.

M. Garon: II faut dire qu'il y a toujours une question de choix dans ses activités. Moi, je dois aller au Conseil de ministres. Je dois aussi aller prononcer une allocution au Conseil de l'industrie laitière et je dois enfin rencontrer un groupe en fin de soirée. Mais je vais essayer d'être présent ici le plus longtemps possible, parce qu'il faut penser que c'est aussi important d'être présent ici.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, tout le monde. J'espère que chacun n'aura pas à justifier sa présence ou son absence. Je donne la parole immédiatement à M. Vaillancourt, pour la présentation de son mémoire.

Une voix: ... Est-ce du vin?

M. Vaillancourt (Armand): Cela a l'air de ça, mais ce n'est pas ça. C'est du jus de raisin pur qui vient de la France.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

M. Vaillancourt (Armand): M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés, mesdames et messieurs, au nom de la Solidarité aux expropriés de Mirabel, je dois dire merci à la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui nous a donné la permission et le privilège de venir témoigner en faveur des expropriés de Mirabel.

J'ai quelques confessions à faire. La première fois que je suis venu dans cette enceinte, j'avais six ans, c'était en 1935. Mon père avait dit: On va aller à Sainte-Anne-de-Beaupré, au zoo et au parlement. J'ai été bien impressionné. Il y a eu une bataille à la maison pour savoir qui allait rester sur la ferme et qui allait traire les vaches. Étant donné que j'étais parmi les plus jeunes et mes frères un peu plus vieux que moi, nous sommes partis pour Québec.

Presque tout ce que je suis aujourd'hui, je le dois à la ferme, à la vie que j'y ai menée avec mon père, ma mère et mes dix-sept frères et soeurs. Je peux dire que je pense que mon père a été mené par la main de Dieu, aussi. Toute cette vie est présente avec force dans mon oeuvre. L'art n'est jamais dégagé de la réalité sociale. L'idée d'un art n'est jamais au-dessus de l'ultime justice sociale. Je vous parle de moi pour mieux vous parler des autres. Comme le dit le poète américain Walt Whitman je me célèbre moi-même et ce que je dis de moi vaut pour tous, car chaque parcelle de moi est aussi bien à vous.

J'ai gardé un profond attachement à la terre où je suis né et j'ai souvent l'impression, depuis que je les connais, que le même sang que le mien coule dans les veines des habitants de Mirabel. Je comprends leur lutte jusqu'au plus creux de moi-même, je la comprends, je l'endosse et je lutte avec eux. L'autre jour, j'ai dit à Rita Lafond qu'elle était en train d'écrire une page de l'histoire du Québec. Elle m'a répondu qu'elle se contenterait bien d'une demi-page. Cette page qui en devient dix, cent et mille et plus encore devant cette commission, qu'en fera le gouvernement du Parti québécois? Un fonctionnaire libéral fédéral m'a dit que le dossier Mirabel était la plus grande escroquerie faite au Canada par un gouvernement. Les conservateurs, eux, ont parlé du scandale du siècle. Qu'en ferons-nous?

Selon Walter Stewart, journaliste de Toronto, ancien directeur de la revue Maclean, qui connaît le dossier à fond, Trudeau et compagnie ont pris une chance à Mirabel en croyant que l'opposition gouvernementale du Québec ne serait pas trop forte et en se disant peut-être aussi que les Québécois étaient stupides.

On dirait qu'ils croient encore les mêmes choses. M. Fox a mis en vente deux villages de Mirabel dont les maisons doivent être vendues avant le 31 décembre de cette année. Que ferons-nous et que fera le gouvernement du Parti québécois devant pareille réalité? Au moment où je vous parle, via le valet-matraque Jean-Pierre Goyer, le processus de dépossession des résidents de Sainte-Scholastique se continue donc pour en faire un parc d'amusement, un nid de patronage, un dossier noir, noir d'injustices, noir de haine, noir de mensonges et noir d'hypocrisie. La dépossession se continue. J'ai consulté le Petit Larousse et le Petit Robert. Déposséder, c'est "dépouiller, dessaisir, frustrer, priver. Exemple: déposséder de ses biens, de sa charge: II a été injustement dépossédé de sa place. Évincer, supplanter. Roi dépossédé." Le contraire serait: "donner, rendre."

C'est ce que nous voulons, qu'Ottawa rende immédiatement les terres prises aux habitants de Mirabel, parce qu'il s'agit bien d'agression. "Agression: attaque non provoquée, injustifiée, généralement soudaine et brutale." Agressivité: synonyme de violence. Cette violence s'accumule depuis treize ans et Francis Fox nous rit en pleine face à la télévision. Il tourne en dérision le projet de rétrocession des terres des conservateurs. L'homme heureux est celui qui n'a pas encore appris la nouvelle. Nous, nous ne pouvons plus être heureux parce que nous avons appris la nouvelle. C'est une guerre à finir et il faudra bien la finir. Dans le moment, en réponse à la commission parlementaire, M. Fox est en train de vendre deux villages de Mirabel; il veut en vendre toutes les maisons avant le 31 décembre de cette année. (18 heures)

Dans ce préambule, le comité SEM veut

rendre hommage à l'ancien ministre des Affaires municipales du gouvernement de l'Union Nationale, sous M. Jean-Jacques Bertrand, M. Robert Lussier, qui s'est battu tout seul contre Ottawa dans le dossier Mirabel. Dans cette lutte où il a laissé sa peau, nous voulons lui dire que nous nous souvenons de lui.

J'ai été invité à aller travailler et à aller installer l'une de mes fonderies à l'atelier de Belle-Rivière, Sainte-Scholastique, Mirabel, province fédérale d'Ottawa. On m'a fait visiter les lieux. J'ai refusé de m'inscrire dans ce projet. Je suis allé m'en expliquer le soir du vernissage, le 18 août 1982.

Notre culture sera québécoise ou elle ne le sera pas. "M. Jean-Pierre Goyer, président de la Société immoblière du Canada (Mirabel) Ltée, a le plaisir de vous inviter à l'inauguration de l'atelier Belle-Rivière et au vernissage de l'exposition-rencontre de M. Robert Roussil, sculpteur, qui auront lieu sous la présidence d'honneur de l'honorable Francis Fox, ministre des Communications, le mercredi 18 août 1982 à Belle-Rivière, Mirabel. L'atelier de Belle-Rivière se veut un lieu d'exploration culturelle pour les créateurs et le public. Création et exposition s'y côtoient; c'est là sa vocation. Un dîner champêtre sera servi; tenue décontractée. "Tenue décontractée pour marquer une autre ingérence flagrante du gouvernement d'Ottawa dans le domaine de la culture québécoise. Tenue décontractée pour utiliser les artistes du Québec dans une opération de camouflage afin de faire oublier tous les habitants dépossédés de Sainte-Scholastique. Tenue décontractée pour encourager ceux qui encouragent la dépendance du Québec. Belle tentative pour nous détourner de leurs incompétences et de leurs irresponsabilités! "Une rumeur circule depuis un certain temps à l'effet que M. Robert Roussil et moi-même, Armand Vaillancourt, allons avoir un atelier sur le territoire fédéral de Mirabel. M. Roussil a ses convictions. Moi, j'ai les miennes. Je n'ai jamais eu l'intention, ni hier, ni aujourd'hui, ni demain, de m'installer en territoire occupé. J'ai depuis longtemps mon propre atelier en territoire québécois. Depuis 1966, je suis installé à Coteau-du-Lac. "Ottawa occupe illégitimement le territoire de Mirabel depuis un acte de trahison d'abord signé par M. Jean Marchand et aujourd'hui endossé devant nous par M. Jean-Pierre Goyer et M. Francis Fox. Par cette occupation illégitime, ce sont tous les Québécois et toutes les Québécoises qui sont trahis. Ce sont les habitants dépossédés de ces magnifiques terres arables qui sont trahis. Ils se sont fait voler un pays dans le pays. Cela s'était déjà fait ailleurs. Je pense à Hull. Je pense à Forillon." On pourrait penser à beaucoup d'autres dossiers amenés par Ottawa à Québec. "Notre tenue décontractée, nous la gardons pour des lieux autres que ceux d'ici, où il nous faut venir pleins et pleines de vigilance pour dénoncer ce dîner champêtre, parce que nous ne nous mettrons pas à table quand on nous y sert de la grossière hypocrisie et du mensonge à tour de bras. Nous ne bouffons pas de l'éléphant blanc servi à la table de l'expropriation par les mains sales des traîtres. Nous savons reconnaître les plats empoisonnés. Nous gardons encore notre goût de la liberté. Le peuple québécois ne se soumettra jamais ni pour un plat de sandwichs, ni pour une verre de vin, ni pour un atelier. Le peuple québécois ne se soumettra jamais, même si vous tentez de nous utiliser, nous, les artistes, pour masquer vos véritables desseins. Notre culture sera québécoise ou elle ne le sera pas. Nous vous résisterons. Nous avons encore plein de courage pour nous opposer à toutes vos tentatives de séduction mises à jour pour encadrer et contrôler la culture québécoise, pour coincer les artistes du Québec entre l'arbre et l'écorce et semer chez eux la confusion. "Je suis venu ici avec votre carton d'invitation pour mettre en garde tous les artistes contre vous. Tenue décontractée, non merci. Vous ne nous direz pas comment nous habiller. Tenue décontractée pour venir vous voir nous voler nos vies; tenue décontractée pour venir vous voir nous passer un Québec, merci bien. "Vive la lutte contre les oppresseurs, qu'ils soient du dehors ou du dedans! Avec tous les peuples opprimés de la terre, nous nous battrons encore comme ils se battent. Nous nous battons aujourd'hui. Nous nous battrons demain. Contre tous les fascismes, les dictatures, les agresseurs et les régimes militaires dont nous connaissons toutes les formes, contre toutes les fausses démocraties. Le peuple québécois ne se soumettra jamais. Il faudra bien que vous finissiez par vous en apercevoir. Quand nous avons faim et soif, ce n'est pas à vos tables de plats empoisonnés que nous nous nourrissons. "Quand nous nous approchons de vous, notre tenue n'est pas décontractée. Nous sommes venus vous dire encore une fois que ce que nous voulons, c'est un Québec libre. Libre de vous et ouvert sur le monde. Un jour, nous goûterons à notre victoire et dans la tenue que nous voudrons. Notre victoire sera celle de la raison, de l'imagination, de l'intelligence, de la logique et du coeur sur votre ruse, votre mystification, votre récupération et sur vos silences coupables. Francis Fox, non merci. Jean-Pierre Goyer, non merci."

Je ne pouvais pas collaborer à l'érection d'un monument "monumental"

consacrant la défaite de treize ans de lutte des expropriés de Mirabel. Voyez-vous, je suis fils de fermier. Je suis moi-même un habitant et je connais le sens profond de l'appartenance à la terre. Il ne pouvait pas, non plus, pour moi être question de m'engager dans un tripotage d'Ottawa consacrant la mainmise du fédéral dans des domaines qui ne lui appartiennent pas. C'est bien ce dont il s'agit. Roussil dit qu'il veut créer et financer, par la Société immobilière du Canada, des lieux nouveaux devant intégrer, sur une surface approximative de 18 480 acres ou 28 milles carrés, le social, le loisir, le tourisme, l'agriculture, la culture, l'industrie et l'immobilier. À ce que nous sachions, ce sont là des domaines de juridiction provinciale. Qu'est-ce qu'Ottawa vient y faire?

À ce sujet, à Québec, la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation siège aujourd'hui. Cette commission parlementaire peut bouleverser tous les plans d'Ottawa et donner raison aux expropriés qui ne veulent pas avoir seulement 30% des terres que leur offre Goyer, mais la totalité des terres arables non utilisées dans la zone aéroportuaire. Je leur donne mon appui.

Pour tenter d'accomplir ces exploits, Jean-Pierre Goyer s'est acoquiné avec un sculpteur. Ils ont enveloppé ce projet de mots qui ne peuvent impressionner que les ignorants. Roussil parle de création internationale. L'art international n'existe pas. C'est fort connu. Disons qu'il existe des peintres flamands, des musiciens allemands, des danseurs russes, des sculpteurs grecs, des écrivains français qui ont fait leur marque dans le monde, à une époque, et qui ont connu une reconnaissance internationale. C'est la connaissance de leurs créations qui est devenue internationale, mais eux-mêmes et elles-mêmes n'ont jamais pratiqué un art international.

Si je dénonce le projet de l'atelier Belle-Rivière, c'est parce que je crois profondément que ce n'est pas le rôle de l'artiste d'être la Crazy Glue ou la colle contact entre les imposteurs et les victimes. L'idée d'un art n'est jamais au-dessus de l'ultime justice sociale. Un artiste n'a jamais le droit de collaborer à une aberration mentale, telle cette dépossession. Mirabel, dans la volonté d'Ottawa, c'est bien le déracinement d'un monde agricole de sa propre terre et de ses propres fonctions. Je dirais que si on est un habitant on n'a pas envie de devenir un ouvrier agricole au service d'un seigneur terrien.

En effet, ce grand dérangement de 1969 nous ramène 150 ans en arrière, au régime seigneurial lui-même pourtant aboli depuis 1830. Le grand dérangement de 1969, quel est-il? Le démantèlement de 14 municipalités, la destruction de 12 villages, l'exil de 14 000 personnes, la saisie de 97 000 acres de terre. Sur les 80 000 acres de terre non requises pour l'aéroport, on a détruit inutilement 437 résidences, 276 étables, 48 commerces.

Pour votre gouverne, il est intéressant de noter ici qu'au moment où Ottawa expropriait 97 000 acres pour Mirabel, ailleurs, on se contentait de 8500 acres pour l'aéroport de Chicago, de 6700 acres pour l'aéroport Charles-de-Gaulle, de 8000 acres pour l'aéroport Kennedy, de 17 600 acres pour l'aéroport de Dallas, le plus grand aéroport au monde, à part les grands projets des Arabes, en Arabie Saoudite surtout.

Depuis treize ans, les agriculteurs de Mirabel multiplient leur lutte pour reconquérir leur territoire. On leur a promis, "dépromis", "repromis" et "dédépromis". En mai dernier, dans un deuxième mandat confirmé par un arrêté ministériel qui a comme force de loi, on ne leur offre plus que 30% du territoire et ce, à 24 fois le prix payé par Ottawa. De partout, on soudoie pour s'installer à Mirabel. La Great Lakes Carbon achète 84,4 acres; le projet de Roussil occupe 18 480 acres; Maupel occupe 10 000 acres et Gérin-Lajoie occupe 2500 acres pour un projet d'agro-alimentaire.

Pendant tout ce temps, en attendant de vendre à tous et à chacun, Goyer, qui connaît toutes les ficelles du patronage, tripote des projets plus ou moins douteux en accaparant toutes les sommes de subventions de la région. Il retire même les chèques du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec adressés aux fermiers: "Signe, mon beau, pis signe, mon christ, pis donne ton chèque à Goyer."

Quant à la formation du conseil d'administration de la Société immobilière du Canada, sachons qu'il n'est composé, en fait, que d'une seule personne favorable aux expropriés, les autres sont des organisateurs politiques de Fox, un ancien député fédéral et un gars à qui on a dit un jour: "Présente-toé pas comme député icitte, laisse le comté à Fox, tu y perdras pas." Il s'agit donc bien ici d'un projet global de dépossession de la part de Fox, de Goyer et d'Ottawa.

Dix jours après l'inauguration de l'atelier de Belle-Rivière, la grange qui le logeait a flambé. En apprenant la nouvelle, je me suis dit: "Tiens, un autre coup d'Ottawa." Par quelle association d'idées? Peut-être à cause du fait que le répondant responsable de la Société immobilière du Canada, Jean-Pierre Goyer, est la même personne qui était Solliciteur général du Canada au moment de l'incendie de la grange du Petit Québec libre, c'est-à-dire le répondant responsable de la Gendarmerie royale actuellement en procès pour cet incendie. C'est une hypothèse émise en me demandant à qui cet incendie, déclaré criminel par Roussil, pouvait bien profiter

politiquement ou autrement. En tout cas, ce n'est pas moi qui ai mis le feu, ni les expropriés de Mirabel qui ont mené franc jeu et sans aucune bavure leur lutte depuis treize ans afin de reconquérir leur territoire. Comme le dit Rita Lafond: Nous, on n'est pas des brûleurs de granges, on est des bâtisseurs."

J'accuse le fédéral et plus particulièrement le Parti libéral d'Ottawa d'avoir exproprié illégitimement des milliers de fermiers, d'avoir divisé les occupants entre eux; d'avoir déstabilisé l'économie de toute une région, d'avoir rendu des habitants dépendants alors qu'ils étaient sereins, prospères, fiers et maîtres chez eux; d'avoir bafoué des êtres nobles, beaux et généreux, d'avoir mis tout en oeuvre en mentant effrontément pour ne jamais rendre leur terre aux dépossédés de Mirabel. Je l'accuse aussi d'avoir semé la confusion dans tous les esprits.

Les expropriés le disent: "Le nouveau propriétaire n'était pas facile à comprendre. En 13 ans, nous l'avons vu changer de visage et de politique bien des fois. Nous avons vu défiler sept - oui, sept - directeurs différents, délégués par le gouvernement fédéral pour gérer le territoire et les habitants de la réserve de Mirabel. Un directeur disait ne pas avoir le pouvoir de prendre des décisions. Un autre se montrait plus autoritaire. Ce qu'un permettait, l'autre le refusait. Les autorisations données par l'un n'étaient plus valables pour l'autre. Tantôt l'on nous fournissait des autorisations écrites, tantôt on se contentait de permissions verbales. Ou encore, c'était le silence complaisant et les avis de continuer comme avant. (18 h 15)

Quelqu'un, quelqu'une a-t-il ou a-t-elle jamais compris ou réussi à démêler les ficelles de l'affaire Mirabel, non seulement réussis à démêler les fils, mais aussi, comme dit le poète, réussi à savoir ce qui se passait dans le fuseau ou la bobine? Il y a un important rappel historique à faire ici. C'est par l'affaire Mirabel que Trudeau a commencé à s'affirmer férocement contre les gouvernements du Québec. Il déclarait, le 1er avril 1969: "L'époque où le gouvernement canadien se laissait bousculer par la province de Québec est maintenant révolue". On connaît la suite. Ce n'était pas un poisson d'avril.

Depuis que je me suis fait ami avec les expropriés de Mirabel, je fouille des dossiers. Plus je fouille, plus je comprends que ce qu'il y a de plus clair dans ce dossier, c'est la confusion. On dit de Mirabel que c'est un éléphant blanc. On parle d'incompétence à tous les niveaux. Et si c'était aussi un cheval de Troie! Qui se cache dans le cheval? Cela fait treize ans que les expropriés de Mirabel se posent des questions entre eux. Et avec les journalistes et avec les éditorialistes et avec toutes sortes de gens. Tout le monde pose des questions et il n'y a jamais de réponses raisonnables! S'il n'y a pas de réponses raisonnables, c'est peut-être que nous n'avons pas posé les bonnes questions. S'il y a confusion, est-ce que c'est parce qu'Ottawa est maladroit ou est-ce parce qu'il nous cache quelque chose? Et qu'est-ce qu'il pourrait bien nous cacher?

Sans les journalistes, on n'aurait rien su, par exemple, du scandale du gaz naturel, fin des années cinquante. Il n'y aurait pas eu l'affaire Watergate. On n'aurait pas connu l'histoire des diamants, qui liait Giscard à Bokassa.

Avec Leclerc du Devoir, je repose donc les questions suivantes: pourquoi Ottawa va-t-il jouer à l'Île-du-Prince-Édouard dans cette province au statut particulier qu'est devenu Mirabel, et où il s'intéresserait soudain à l'agriculture, au tourisme, au loisir, au développement industriel et à nombre de projets chéris ne relevant guère de son autorité? Cette filiale immobilière doit-elle servir de planque à d'anciens ministres, sous-ministres ou à de futurs députés? Des promoteurs sont-ils en attente dans les antichambres libérales? L'OTAN aurait-elle encore des vues sur la zone aéroportuaire?

Nous avons tous les droits de savoir pourquoi le fédéral ne veut plus remettre que 30% des 92 000 acres qui restent aux expropriés de Mirabel. Et ce à des prix de spéculateurs véreux. Veut-il, de fait, réellement remettre ces 30%? Quels sont les mandats réels de Goyer et de Fox dans cette affaire de patronage et de graissage?

J'en appelle à tous les artistes, à tous les intellectuels, à tous les Québécois à toutes les Québécoises, afin qu'ensemble, avec les expropriés, nous réclamions la démission de Jean-Pierre Goyer, président de la Société immobilière du Canada (Mirabel) Ltée, de son conseil d'administration et de Francis Fox, ministre des Communications à Ottawa.

Solidarité aux expropriés de Mirabel.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Vaillancourt. M. le ministre.

M. Garon: M. le Président, permettez-moi, tout d'abord, de féliciter M. Vaillancourt, de même que les gens qui sont associés à lui dans son mémoire: le poète Gaston Miron, la comédienne Charlotte Boisjoli et l'écrivain Denis Monière, pour leur implication sociale dans ce dossier. Si tous les gens libres de pensée avaient eu la même conscience sociale au Québec, j'ai l'impression que le dossier serait depuis longtemps réglé à l'avantage de la population de Mirabel. Malheureusement, chacun a ses préoccupations personnelles. D'autres ont des intérêts à défendre, intérêts financiers,

parfois intérêts politiques ou intérêts de quelque nature que cela soit, qui font qu'ils gardent le silence plutôt que de défendre la justice. C'est pour cette raison particulière que je voudrais féliciter les auteurs de ce mémoire qui interviennent davantage sur le principe que sur les modalités.

Il y a quelques allusions, dans le mémoire, que je n'ai pas saisies; j'aimerais avoir une explication additionnelle. À la page 4, on dit que la Great Lakes Carbon a acheté 84,4 acres; je suis au courant. Gérin-Lajoie avait un projet pour 2500 acres. Cela, j'en avais entendu parler. Et il y avait le projet de Roussil pour 18 480 acres, et le projet de Maupel qui veut 10 000 acres. Cela, je n'ai pas trop saisi à quoi cela référait.

M. Vaillancourt (Armand): Bien, on parle de dépossession et de revente sans autorisation des expropriés. Pour la Great Lakes Carbon, c'est déjà fait: c'est 84,4 acres qui ont déjà été vendues. Pour le projet de Roussil, j'ai fait une petite enquête; je suis allé voir le CIAC et ce sont des chiffres qu'ils m'ont donnés. On a essayé de compiler un peu les territoires près de Belle-Rivière et on a calculé que cela faisait 18 480 acres pour un projet grandiose qu'Ottawa avait proposé à Robert Roussil. Il faut dire que c'est une espèce de village, une espèce de ville, enfin, une espèce de parc d'amusement où une architecture très libre aurait été érigée sur le site. Donc, c'est un grand rêve pour un sculpteur comme Roussil, comme n'importe qui, qui aurait voulu faire un grand projet. Et je pense que c'est par là que Robert Roussil a pêché le plus. Il a cru voir une manne, un gâteau excellent et je pense qu'il a manqué de courage et ce n'est pas à son honneur. Surtout que Robert Roussil, c'est un vieux confrère des années cinquante. On a fait bouger dans cette période beaucoup de choses à Montréal. Je n'ai pas à faire le procès de Robert Roussil ici, mais je trouve cela malheureux qu'on ait voulu s'acoquiner avec Ottawa, avec des amis comme Jean-Pierre Goyer, pour mener à bien un dossier aussi scandaleux que celui qu'il voulait mettre sur pied. Justement, on avait bien commencé avec l'atelier Belle-Rivière. Il y avait beaucoup de publicité qui se faisait autour de cette chose, le vernissage. Et on sait la réception qu'ils ont eue. Je suis bien content de la façon dont cela a tourné. Je pense qu'ils vont y penser deux fois avant de reprendre un projet comme celui-là.

Pour ce qui est de Maupel, on avait des dossiers qui m'ont été donnés à la CIAC. C'est une organisation assez "fofolle", mais je pense que M. Raymond et Mme Lafond sont allés à une des réunions et il y avait pas mal de gens, apparemment, qui étaient impliqués dans ce dossier, dont Francis Fox et Jean-Pierre Goyer et Gérin Lajoie pour un autre dossier. C'est un gros projet international encore. Quand on pense que ces terres, ce sont parmi les rares bonnes qu'on a au Québec - on dit le huitième parmi les plus belles terres agricoles au Québec - je trouve cela scandaleux, quand il y a à peu près 50 000 personnes qui meurent de faim à travers le monde par manque de nourriture, qu'on se permette de faire des parcs d'amusement dans un territoire comme celui-là. Je pense que c'est une cause qui est noble à défendre non seulement pour les êtres qui y habitent et pour ramener un sens de la justice, mais aussi et surtout pour revaloriser les terres là-bas et que la gouverne se fasse à partir des anciens occupants qui devraient être les rois et maîtres de cette région, avec l'appui des gouvernements.

M. Garon: Je vous remercie, M. Vaillancourt. Je ne voudrais pas vous poser d'autres questions; j'en aurais bien d'autres, mais je ne voudrais pas accaparer tout le temps pour les questions. Alors, laissons aux autres la possibilité de vous poser des questions.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Armand): J'ai le dossier de Denis Monière ici, qui est de deux pages. Je ne sais pas si je peux le laisser à la commission parlementaire ou si vous aimeriez que je le lise. Je m'excuse parce que j'étais tellement sûr que cela finissait à 6 heures. M. le Président m'avait dit que c'était très clair, qu'il n'était pas question de passer 6 heures. J'aurais demandé à Denis Monière de rester pour sa part du dossier.

Le Président (M. Bordeleau): Si les membres sont d'accord, on peut facilement procéder à la lecture. Mais auparavant, peut-être, s'il y a des questions de l'autre côté. M. le député d'Argenteuil.

M. Vaillancourt (Armand): II y a deux pages.

M. Ryan: Je crois que le texte de M. Monière devrait être déposé ici. Si M. Monière n'est pas présent, je pense qu'on est capable de lire le texte comme vous allez le lire, M. Vaillancourt. On va le lire consciencieusement.

M. Vaillancourt (Armand): Oui.

M. Ryan: Je pense que les quelques minutes qu'on a, il vaut mieux les consacrer à causer avec vous puisque vous êtes là.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord.

Est-ce que vous avez des questions, M. le député d'Argenteuil ou les autres? M. le ministre.

M. Garon: On pourrait, par délicatesse, je pense, pour M. Monière qui pensait que la commission se terminerait à 18 heures, lui permettre de le lire à une séance ultérieure, peut-être s'il veut venir lui-même présenter son texte, parce qu'il s'est déplacé à quelques reprises, semble-t-il, et il n'avait pas de raison de croire que la commission continuerait après 18 heures. Je pense que cela serait dans l'ordre des choses.

M. Ryan: S'il avait consulté les membres de l'Opposition, il aurait su que nous étions toujours ouverts. Il n'y a pas d'objection à ce que M. Vaillancourt le lise, si vous voulez qu'il le lise.

M. Vaillancourt (Armand): Cela va prendre exactement deux minutes; c'est très court. D'accord?

Le Président (M. Bordeleau): Allez-y, M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Armand): Mémoire présenté devant la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation le 27 octobre, mais on a dépassé cette date.

Comme Québécois, je ne peux que m'associer à la lutte des expropriés de Mirabel contre la tutelle qu'exerce le gouvernement fédéral sur cette portion de notre territoire national. Ce qui est vécu par la population de cette région correspond au sort qui est fait à l'ensemble de la collectivité québécoise depuis la fin des années soixante par le gouvernement fédéral.

En effet, de la création de Mirabel à la nouvelle constitution, on peut constater que c'est la même logique centralisatrice qui est à l'oeuvre, c'est le même rouleau compresseur qui s'attaque aux fermes des cultivateurs et aux droits des Québécois et des Québécoises. On utilise contre les expropriés les mêmes tactiques que celles employées contre tout le Québec: intransigeance, arrogance, mépris, confusion entretenue, chantage, fausses promesses; toute la panoplie de l'oppression insidieuse est déployée.

Tout comme on a exproprié les terres des cultivateurs, on nous a dépossédés avec la nouvelle constitution des pouvoirs essentiels à la maîtrise de notre destin collectif. Nous sommes en train de devenir un peuple d'expropriés. Pour cette raison, on ne peut que soutenir la cause des expropriés de Mirabel, car elle est commune à celle du peuple québécois, elle participe au même combat.

Il y a un parallèle évident entre la création de Mirabel et la façon dont le rapatriement de la constitution a été fait, ce qui atteste de l'existence d'un dessein politique précis de la part du gouvernement fédéral. Ainsi, la création du nouvel aéoroport international en 1969 a été la première manifestation de la fin du fédéralisme coopératif, car il s'agissait d'une décision unilatérale d'Ottawa. Les habitants de la région de Sainte-Scholastique ont été les premières victimes de cette doctrine du fédéralisme unilatéral et dominateur préconisé par le Parti libéral du Canada. D'ailleurs, à l'occasion du débat public sur le choix de l'emplacement de l'aéroport, le premier ministre Trudeau avait clairement annoncé ses intentions en disant que l'époque où le gouvernement canadien se laissait bousculer par le Québec était révolue (Le Soleil, 2 avril 1969). Il exposait ainsi sa volonté de mater la résistance québécoise au mépris des intérêts économiques du Québec. Jean-Jacques Bertrand qualifiait déjà à l'époque la décision du cabinet fédéral "de coup de force d'Ottawa" (La Presse, avril 1969).

J'ai rappelé ces circonstances et ces déclarations pour montrer que la question particulière de l'avenir des terres expropriées en trop de Mirabel fait partie d'une stratégie politique qui vise à éroder les pouvoirs du Québec et à nous empêcher d'être maîtres chez nous, qu'il s'agit donc d'un problème politique et qu'il existe une solution politique. Celle-ci ne s'imposera que par l'action combinée de la solidarité collective et de la détermination politique du gouvernement du Québec. Il faut mettre fin à cette usurpation du pouvoir de la part du gouvernement fédéral qui s'ingère indûment dans la gestion territoriale nationale. Le gouvernement du Québec doit montrer par des engagements concrets que l'aménagement du territoire relève de son autorité. Le Québec doit faire prévaloir sa suprématie légitime, législative sur l'aménagement du territoire en faisant appliquer de façon rigoureuse la loi dite du zonage agricole afin d'enrayer la spéculation et de défendre les agriculteurs.

Il faut mettre fin au régime seigneurial imposé par la SIC et redonner selon des modalités équitables toutes les terres expropriées en trop aux agriculteurs.

C'est signé, Denis Monière. M. Monière est professeur en sciences politiques à l'Université de Montréal. Il vient de terminer un mandat de deux ans à la Société des écrivains du Québec. (18 h 30)

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Pour les questions, je donne la parole à M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: D'abord, M. Vaillancourt, je dois vous dire que j'ai écouté avec intérêt

votre intervention. Il y a des passages dans votre intervention qui sont d'une inspiration très sincère, je pense bien. Il y en a d'autres parfois qui ont un ton excessif. Mais c'est une intervention que je qualifierais d'un peu poétique, pas dans le sens péjoratif du terme, au contraire, car je pense que vous donnez le fond de vous-même sur ce problème. Moi aussi, j'apprécie que vous vous soyez intéressé à ce problème et au problème du destin du peuple québécois. Je pense que c'est tout à votre honneur. Même si je ne partage pas votre option politique, je pense que c'est excellent pour nous tous que vous l'ayez et que vous la formuliez avec franchise et fermeté, comme vous le faites.

Je me permettrais, vu que vous avez fait allusion à M. Roussil, avant de vous poser une petite question là-dessus, de faire une mise au point qui s'impose, je crois. Vous avez fait allusion à l'incendie de la grange qui avait été transformée en atelier pour le travail de M. Roussil. J'ai pu entendre une bande enregistrée d'une émission radiophonique à laquelle avait participé M. Roussil, à la suite de l'incendie. Dans cette interview qu'il donnait je pense que c'était à un journaliste de Radio-Canada - M. Roussil a dit à peu près ceci: II y a eu un incendie, en effet. Il était déjà parti en Europe et ça n'avait pas l'air de trop le déranger. Il a dit: Regardez et peut-être que vous trouverez des filons d'explication. J'ai déjà eu un incident comme celui-là, autrefois. Il y avait un gars qui était mêlé au mouvement des ligues du Sacré-Coeur. C'était lui qui était responsable de cet incident. On a dit: Oui, mais quel est le rapport avec notre affaire? Eh bien, dit-il, aujourd'hui, il est devenu député d'Argenteuil. Il a dit: Ça pourrait peut-être être la même chose.

Je tiens à dire deux choses, puisque cela a été fait publiquement. D'abord, je tiens à dire que je n'ai jamais été mêlé au mouvement des ligues du Sacré-Coeur. C'est une nouvelle, ça. J'ai été secrétaire général des mouvements d'action catholique, autrefois, pendant de très nombreuses années. J'en suis très fier encore aujourd'hui, d'ailleurs, et très reconnaissant. Mais je n'ai jamais été associé aux ligues du Sacré-Coeur. Je me souviens que les ligues du Sacré-Coeur avaient eu un incident avec M. Roussil, dont j'oublie les détails. Moi, je n'ai absolument rien eu à voir dans cette affaire, ni de près, ni de loin.

Deuxièmement, quand M. Roussil, partant d'une première fausseté, vient en laisser supposer une deuxième à propos de ce qui se serait passé en relation avec l'incendie de son atelier à Sainte-Scholastique, je trouve qu'il est rendu dans la fiction au carré. Je le lui ai fait savoir... Pardon?

M. Vaillancourt (Armand): On voit où peut mener la fiction aussi. Les gens qui ne prennent pas de position politique, qui se disent apolitiques, on les retrouve toujours ou presque toujours du mauvais côté, quand c'est le temps de prendre position, enfin où cela fait le moins mal et où il y a plus à gagner. L'égocentricité parfois a sa place dans cela.

M. Ryan: Je tiens à vous dire une chose, M. Vaillancourt. Comme homme public, ce n'était pas le premier mensonge auquel j'étais soumis. J'ai vécu, baignant là-dedans, depuis que je suis en politique pratiquement. Je ne pensais pas qu'il y en avait autant. Mais celui-ci, c'est parce qu'on a l'occasion de le rectifier au passage. Il peut dormir tranquille, je ne prendrai pas d'action en dommages contre lui. Je n'ai pas de temps à perdre.

M. Vaillancourt (Armand): Je dois dire que je suis content, M. Ryan, que vous l'ayez relevé, parce que moi, je n'ai pas compris. J'ai aussi un enregistrement de cette cassette, mais je n'ai pas compris le rapport qu'il pouvait bien y avoir entre une chose et l'autre. Je pense qu'il était sûrement mal informé. Je suis content de savoir que vous n'êtes pas un incendiaire, pas plus que moi, d'ailleurs.

M. Ryan: En tout cas, ça, c'est très bien. Comme c'est un de vos amis, si jamais vous le rencontrez, vous lui ferez mon message.

M. Vaillancourt (Armand): II n'est pas revenu chez moi depuis.

M. Ryan: Bon, très bien. Je voulais vous demander une chose à ce sujet-là. Vous dites qu'on vous avait invité à aller travailler et même à installer une de vos fonderies à l'atelier de Belle-Rivière. Est-ce indiscret de vous demander si les conversations avaient été assez loin ou si vous aviez rejeté cela tout de suite du revers de la main sans même profiter de l'occasion qui vous était donnée de savoir combien cette affaire-là coûterait? Avez-vous, au moins, été assez pratique pour vouloir connaître ce que cela représentait?

M. Vaillancourt (Armand): Robert et moi étions de vieux camarades. Il m'a invité une fois d'une façon un peu vaporeuse comme il est à plusieurs occasions. II m'a demandé si je voulais voir l'atelier qu'il montait à Belle Rivière. C'est de là que toute mon intervention a commencé, que ma tête a commencé à fonctionner dans le dossier de Mirabel. Le dossier de Mirabel, je le connaissais de loin. Je ne dirais pas avec indifférence, mais on a tellement de batailles

à mener qu'on ne peut pas être en avant sur tous les fronts.

Je suis allé à Mirabel avec Robert et nous sommes allés voir cela. Ce qui m'a éveillé le plus, c'est quand j'ai passé devant les fermiers qui ont une maison juste à côté de la grange. On est revenus le soir et des fermiers qui étaient en colère sont sortis. Automatiquement, j'ai voulu sortir de mon auto pour aller m'excuser et demander ce qui se passait. Robert m'a dit qu'il n'y avait pas de problème et qu'il réglerait cela. J'ai compris tout de suite que ce n'était pas un problème qu'on pouvait régler avec un sourire ou une excuse. C'était, justement, l'agression de Robert Roussil dans le territoire là-bas qui importunait ces gens-là. Ce n'était pas l'idée d'avoir un artiste dans la région, loin de là. Les gens ont senti le besoin, le CIAC, de m'informer à plusieurs reprises qu'ils n'avaient rien contre les artistes. Je comprends aussi bien qu'eux qu'ils n'ont rien contre les artistes, mais, de cette façon-là, cela aurait pu être un plombier qui serait venu s'installer là dans le territoire avec la connivence d'Ottawa et ils auraient été en colère. Ce n'était pas contre l'artiste lui-même. Cela m'a réveillé.

Je suis retourné chez moi et j'ai reçu l'invitation de MM. Fox et Goyer. Une rumeur circulait déjà avant que j'aille là, depuis quelques mois, que j'ouvrais un atelier à Belle-Rivière. Je ne savais même pas ce que c'était Belle-Rivière. On m'avait dit que c'était sur le territoire de Mirabel. Je disais non aux gens, mais plus le temps passait plus j'avais à m'expliquer aux gens que je rencontrais dans la rue. Je me suis dit que je ne pouvais pas ne pas y aller et ne rien dire. Si j'y allais, je devenais complice et, si je ne disais rien, j'étais encore plus complice. Il fallait que je prenne position et j'ai écrit le premier manifeste à partir de ma tête, car je n'avais aucune documentation sur les expropriés. J'avais rencontré les expropriés durant à peu près 30 ou 45 minutes avant. J'étais arrêté à Sainte-Scholastique en face du dépanneur. J'ai demandé aux gens ce qui se passait là. Avez-vous un comité? Je ne savais même pas que cela s'appelait le CIAC et on m'a répondu, comme par miracle: C'est juste en face à l'église. J'ai traversé la rue. Je suis rentré et j'ai rencontré M. Raymond, Mme Lafond, André Bouvette et un autre dont j'ai oublié le nom, un grand d'environ six pieds. Je leur ai dit que j'étais invité par la Société immobilière du Canada à l'ouverture de l'atelier de Belle-Rivière. On m'a regardé drôlement. Je leur ai dit que j'étais avec eux et que, de plus, j'avais un dossier dans mon vieux "char" qui était en face et que j'aimerais le leur lire. J'ai lu le dossier aux trois ou quatre personnes qui étaient là et elles sont parties. Elles avaient déjà préparé une revendication. Je suis parti de mon côté et je suis allé marcher pendant environ 20 minutes dans la forêt pour me donner un peu l'erre d'aller de ce qui se passait dans la région, pour sentir la bonne terre. Je me suis habillé un peu plus proprement en cours de route. Je suis arrivé là-bas avec mon dossier et l'intervention est arrivée après cela. Il n'y avait pas de connivence avec le CIAC. Je ne les connaissais pas du tout. Par la suite, j'ai eu beaucoup de relations avec eux, des téléphones et des visites.

M. Ryan: À quand remonte votre implication dans le dossier? Vous avez dit cela tantôt. À quand cela remonte-t-il? Quand ils vous ont invité et quand ils vous ont parlé d'implication dans l'atelier, à quand cela remonte à peu près, à quelle date?

M. Vaillancourt (Armand): Si on retourne à l'inauguration qui a eu lieu le 18 septembre, je crois, je pense qu'à peu près un mois avant Robert était venu à Montréal et tranquillement il m'avait invité. Il m'a dit: tu as des fournaises là-bas, ton atelier à Vaudreuil tu pourrais les amener là-bas, les mettre à l'extérieur où ils ont fait leur "party", l'épluchette de blé d'Inde. J'ai dit: Écoute Robert, je suis bien installé là-bas, les fournaises sont prêtes à fonctionner. Si tu veux t'installer, viens chez moi. C'était d'autant plus difficile pour moi de contrer l'invitation de Roussil - s'il avait été un étranger, j'aurais dit non - que je savais qu'en m'impliquant dans Mirabel je perdais un ami. J'ai calculé après qu'il n'était pas un ami. Quelqu'un qui peut jouer comme cela dans les pattes du monde comme ils l'ont fait avec les expropriés, je pense que cela mérite des représailles.

M. Ryan: Avant ça, vous n'aviez pas été impliqué dans le dossier de Mirabel du tout?

M. Vaillancourt (Armand): Non. M. Ryan: Avant l'été dernier.

M. Vaillancourt (Armand): J'ai écrit le dossier sous une espèce d'impulsion. Il faut dire que je milite, M. Ryan, depuis plusieurs années. Mes premières interventions datent de très loin. Mon père était fermier; il a été mineur avant; il a fait bien des choses et il s'est engagé politiquement dans son jeune âge. Tout à l'heure, je parlais du parlement. Il aimait beaucoup venir visiter la maison, ici, et il nous a amenés à des endroits comme Ottawa, au parlement. Je me souviens d'avoir suivi la session du Parlement en 1949-1950. J'étais étudiant au collège classique, à l'Université d'Ottawa, dans la rotonde et, pendant deux ans, j'ai suivi la session au parlement. J'ai vu Mackenzie King, dans ce temps-là. J'ai vu Louis Saint-

Laurent prendre le pouvoir. J'ai vu M. Drew qui était dans l'Opposition et j'ai vu les libéraux du Québec ne jamais se lever.

À cette période-là, j'avais 20 ans, en 1949, et je me disais: Est-ce que c'est possible que les députés qui représentent le Québec n'aient jamais rien à dire sur ce qui se passe au Québec? Jamais personne ne prenait la parole. C'était comme des moutons. Je n'ai jamais pu comprendre ça. Je n'avais que 20 ans et déjà j'avais l'intention d'entrer en politique. La vie en a voulu autrement. À la fin de 1950, mon père a vendu la ferme et j'ai été expulsé, moi aussi, bon gré mal gré, avec tous mes frères et mes soeurs, ceux qui restaient sur la ferme, et j'ai dû prendre la route de Montréal. Je n'en suis jamais revenu. Cela a toujours été pénible pour moi. Tous les jours je rêve. Je rêve le jour et je rêve la nuit aussi, mais les lieux communs auxquels je rêve la nuit, à peu de chose près, c'est toujours de la ferme. Pendant cinq ans, j'ai refusé de rêver. De 1951 à 1956, je n'ai jamais rêvé à la ferme parce que j'étais tellement triste d'être déraciné de la ferme que j'ai fait comme un blocage et, après ça, je me suis mis à en rêver et ça été extraordinaire.

Il y a une période où j'aurais pu, peut-être aurais-je dû retourner à la ferme pour faire des sculptures à l'endroit où on avait travaillé tellement dur, tous mes frères, mes soeurs et mes parents. Cela a été très dur, mais c'était d'une façon magnifique. Je ne dirais pas que c'est la vie et la solution pour tout le monde, mais pour moi, ce que je suis aujourd'hui, ce qui m'a amené à faire de la sculpture, c'est la grande frustration d'arriver à Montréal, du jour au lendemain, et de ne pas savoir quoi faire de mes deux bras, de mes deux jambes et de ma tête. À cette période-là, j'écrivais de la poésie -quand j'étais sur la ferme - et pendant longtemps j'ai arrêté d'écrire et je me suis adonné, à l'École des beaux-arts, à la sculpture avec de la glaise parce que ça me rappelait encore la ferme.

Mais je n'ai jamais arrêté de militer. Je suis un sculpteur qui n'a jamais fait que de la sculpture. Depuis 1967, si je puis parler de moi, je n'ai jamais eu un contrat, ni au Québec, ni au Canada. J'ai une sculpture à faire au palais de justice, annoncée depuis trois ans, qui n'est pas encore commencée. J'ai été complètement refoulé à cause de mes idées politiques, depuis 1967. D'après les enquêtes qui avaient été faites, lors de l'Expo 67 - ce n'est pas pour vanter mon étoile, car, comme je l'ai dit tout à l'heure, ce que je dis de moi, je peux le dire de n'importe qui, parce qu'on fait partie de l'univers - j'étais considéré au Canada comme le premier sculpteur. J'avais eu beaucoup de publicité, j'avais travaillé très fort et surtout j'avais amené sur la place publique la sculpture monumentale. Par l'énergie que j'avais accumulée de la ferme et qui s'était centrée, en tant que sculpteur, j'étais arrivé à définir un monde qui était complètement particulier, qui n'avait jamais été reproduit ailleurs dans le monde, qui était un langage personnel, qui était le mien, qui a été reconnu par des critiques européens. J'ai été invité par Zadkine par de grands artites, des amis de Picasso, pour aller en Europe et je leur disais: Je suis au Québec et j'ai du travail à faire. Je me voyais mal aller à Paris pendant deux ans, en revenir en parlant à la française, comme beaucoup de mes collègues l'ont fait après. Je me serais senti déraciné. Je suis allé à San Francisco pendant trois ou quatre ans et je suis rentré avant la crise d'octobre parce que je n'ai pas été capable de prendre ça, comme bien du monde, et j'ai travaillé pour sortir de prison les prisonniers politiques.

J'ai fait beaucoup de travail qui peut être contesté par certaines personnes. Je me dis que des gens qui se sont battus pour la cause des Québécois devraient, en justice, avoir les mêmes critères et, s'ils ont fait leur temps, ils devraient sortir. On ne devrait pas être rancunier, parce que ce sont des gens qui ont posé des gestes à une époque où il n'y avait plus d'autres choses à faire.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Vaillancourt. M. le député de Groulx. (18 h 45)

M. Fallu: M. le Président, nous assistons à beaucoup de longs discours à l'Assemblée nationale, mais il est assez rare que nous assistions, comme ce soir, à de la belle éloquence. Cette éloquence est au service d'une population, au service d'une cause. Vous avez inscrit votre oeuvre poétique, cette fois - je pense qu'il n'y a pas d'autre qualificatif qui lui convienne mieux - pour une cause des damnés de la terre au Québec. Je voudrais vous en féliciter.

Je n'ai pas vraiment de question à vous poser parce que je voudrais surtout vous remercier du témoignage que vous apportez cet après-midi. Je crois que c'est essentiellement le sens de votre présence et, par vous, de celle de certains collègues. C'est un témoignage que vous venez apporter. Il y a dans votre témoignage un souffle, une langue, c'est un texte haletant et en même temps exaltant. Quant au fond, il n'y avait peut-être que l'approche poétique qui pouvait nous rappeler avec autant de brutalité la réalité historique de Mirabel. Il n'y avait peut-être qu'à travers un rythme de phrases que vous pouviez évoquer le drame de Mirabel.

En commission parlementaire, nous parlons de plans de relance agricole, de planches à égouter, de rétrocession et

d'argent. Lorsque nous parlons de l'histoire, de la dimension de la catastrophe de Mirabel, nous évoquons très techniquement des actions politiques, alors que vous, par votre langue, vous nous rappelez que ce fut le premier coup de force du maître Trudeau sur le Québec. Combien d'autres allaient suivre! Vous nous rappelez, par votre poésie, par votre langue, des notions de justice sociale et d'équité dans la rétrocession et vous nous rappelez aussi, mais toujours d'une façon poétique, que l'asservissement des gens de Mirabel équivaut au retour du régime seigneurial.

Je voudrais vous en remercier et je pense que tout à l'heure, par leurs applaudissements, les expropriés ont su vous manifester leur accord sur le fond comme sur la forme. Comme membre de l'Assemblée nationale, je voudrais vous remercier de ce geste éminemment poétique et littéraire que vous avez bien voulu poser cet après-midi.

M. Vaillancourt (Armand): Merci beaucoup.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. Tantôt, vous avez présenté un court mémoire venant de M. Vallières. C'est bien M. Vallières?

M. Vaillancourt (Armand): Non, M. Denis Monière.

M. Houde: Monière.

M. Vaillancourt (Armand): Je m'excuse, vous ne l'avez pas en main, mais on vous le remettra tout à l'heure.

M. Houde: Non, ce n'est pas nécessaire. Ce même M. Monière, qu'est-ce qu'il fait? Est-ce qu'il demeure à Mirabel? Est-ce qu'il est exproprié? Est-ce qu'il demeure à Montréal?

M. Vaillancourt (Armand): Non, il habite sur la rue du parc Lafontaine, pas loin d'une résidence que j'habitais il y a dix ou douze ans. Je ne connais pas plus ses origines que cela. Je sais qu'il vit à Montréal et qu'il a été président, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, pendant deux ans de la Société des écrivains du Québec. Son mandat vient de se terminer il y a à peu près deux semaines. Il est actuellement en année sabbatique. Il s'en ira en Europe sous peu. Il a été professeur en sciences politiques à l'Université de Montréal et il a quelques volumes à son crédit, sur des situations qui ont, évidemment, trait à la politique, et des gestes de cette dimension-là.

M. Houde: Donc, il n'est jamais demeuré sur les terres qui ont été expropriées.

M. Vaillancourt (Armand): Je m'excuse, je ne peux pas vous répondre. On pourra se renseigner et vous donner peut-être une confirmation s'il y a une nouvelle commission parlementaire sur le dossier de Mirabel. Je pourrais demander à Mme Lafond, à M. Raymond ou à quelqu'un d'autre de vous transmettre les détails à ce sujet.

M. Houde: Merci, M. Vaillancourt.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Ce soir, c'est, selon moi, un peu la fin d'un premier épisode de l'histoire de Mirabel. On souhaite certainement, en janvier ou février, les rencontrer pour discuter encore plus à fond de ce dossier. Certaines personnes ont malheureusement oublié le sort qu'on a fait subir à des hommes et des femmes de chez vous, qui étiez chez vous avant que le gouvernement fédéral vienne s'emparer de vos biens. Déjà treize ans ont passé. Cela a certainement paru long pour vous, mais je souhaite que le temps ne vienne pas à bout de vous autres. Ce serait bien dommage.

J'ai manqué seulement une séance depuis le début de la commission et je vivais un peu les problèmes avec chacun de vous. Je suis un agriculteur et, lorsque j'étais sur ma ferme, ma plus grande hantise était la suivante: s'il fallait qu'un jour il m'arrive quelque chose et que je sois obligé de vendre mes animaux, de vendre ma ferme, jamais je ne pourrais vivre cela. Chacun d'entre vous l'a vécu. Je suis venu en politique pour essayer d'aider les agriculteurs et également pour défendre la cause des Québécois et des Québécoises. L'été dernier, je suis allé marcher dans mon champ - souvent, cela fait du bien - et cette crainte, cette peur que j'avais eue auparavant m'est revenue. Lorsque je suis arrivé près de mes animaux, ils ont été un peu surpris parce qu'ils m'ont pris pour un étranger. C'est là que je me suis aperçu que, déjà, après six ans de vie politique, je commençais à décrocher de la terre, involontairement.

Tout ceci pour vous dire d'être assurés que, chaque fois que l'occasion se présentera, je sensibiliserai les Québécois au sort qu'on vous a fait. Je pense que c'est ensemble qu'il faut travailler, solidairement, pour informer la nouvelle génération d'aujourd'hui sur ce qui s'est passé il y a déjà treize ans.

Quant à vous, M. Vaillancourt, je tiens à vous féliciter de la présentation de votre mémoire. Sachez, vous, les artistes, que ce soient des sculpteurs, des écrivains, des chanteurs, des poètes, que le peuple

québécois a besoin de vous pour nous motiver dans les périodes difficiles. Je vous remercie beaucoup d'être venu présenter ce mémoire et on en tiendra compte.

M. Vaillancourt (Armand): Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député d'Arthabaska. M. le député de Rousseau, vous avez demandé la parole.

M. Blouin: Oui, brièvement.

M. Ryan: M. le Président, je vous souligne seulement une chose.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: II avait été convenu qu'on terminerait à 18 h 30. On m'attend à une réunion, à mon bureau, et on veut continuer à faire des discours. Une convention avait été faite entre nous.

M. Blouin: Ce n'est pas un discours. C'est une question.

M. Ryan: II est maintenant 18 h 55.

M. Blouin: Me permettez-vous deux minutes?

M. Ryan: Après, ce sera trois et quatre.

M. Baril (Arthabaska): Vous n'avez qu'à partir, si vous n'êtes pas content.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

Une voix: Ce n'est pas la question.

M. Ryan: C'est parce qu'un arrangement a été fait et la parole...

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

M. Baril (Arthabaska): Chaque fois que nous parlons, vous nous arrêtez toujours.

M. Ryan: ... dans ces choses-là, M. le Président, c'est important. Je dois dire que le député de Groulx, jusqu'à maintenant, a tenu parole quand on a fait des ententes ensemble et nous aussi.

M. Baril (Arthabaska): Vous êtes déjà parti, de toute façon, lorsqu'on parlait d'agriculture. Faites la même chose.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

M. Ryan: Ça, c'est de la niaiserie.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'on s'entend pour laisser quelques minutes au député de Rousseau?

M. Blouin: Je vous promets, M. Ryan, que ce ne sera pas long.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Brièvement. M. Vaillancourt, j'ai d'abord une remarque préliminaire. Votre témoignage, parmi tous ceux qu'on a entendus, était éminemment émouvant et, en cela, je crois qu'il contrastait beaucoup avec le témoignage de la Chambre de commerce de Mirabel.

Il n'y a qu'une question - en fait, je ne veux pas reprendre ce que les autres ont dit - que je voudrais vous poser et elle est relative à ce qui touche le nombre d'acres ou le territoire que vous avez identifié pour certains projets dont j'ignorais, pour ma part, l'existence. Vous avez parlé du projet Roussil; on l'a compris. Concernant le projet Maupel, pourriez-vous nous expliquer rapidement en quoi cela consiste, pour qu'on termine le plus vite possible, s'il vous plaît?

M. Vaillancourt (Armand): Oui. Pour être plus clair, il faudrait peut-être demander au CIAC de vous fournir, s'il le veut bien - car je ne peux pas parler en son nom - toute la littérature sur le tripotage qui s'est fait autour de ce projet grandiose. Je pourrais demander à M. Raymond s'il peut se charger de l'obtenir.

M. Blouin: M. Vaillancourt, je crois qu'on pourra le faire à un autre moment. Je vais terminer, si cela peut vous rassurer ou vous sécuriser un peu plus, en vous disant que l'invitation à la tenue décontractée, je l'ai reçue, moi aussi.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Cela termine donc nos travaux pour aujourd'hui. Je vous remercie, M. Vaillancourt, ainsi que les autres personnes qui ont présenté des documents devant la commission. La commission ajourne ses travaux sine die.

M. Vaillancourt (Armand): Merci de m'avoir entendu.

(Fin de la séance à 18 h 56)

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