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(Dix heures cinquante et une minutes)
Le Président (M. Bordeleau): La commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation est réunie ce
matin pour continuer les travaux qui avaient déjà
été entrepris, en novembre dernier, sur l'étude de la
situation des terres expropriées en trop de Mirabel.
Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont:
MM. Baril (Arthabaska), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Beauséjour
(Iberville), Dupré (Saint-Hyacinthe), Gagnon (Champlain), Garon
(Lévis), Ryan (Argenteuil), Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), Lincoln (Nelligan), Mathieu (Beauce-Sud),
Vallières (Richmond).
Les intervenants sont: Mme Bacon (Chomedey), MM. Bisaillon
(Sainte-Marie), Blouin (Rousseau), Fallu (Groulx), Dubois (Huntingdon), Mme
Juneau (Johnson), MM. Lachance (Bellechasse), Dean (Prévost), Middlemiss
(Pontiac), Picotte (Maskinongé).
Comme nous avions déjà un rapporteur pour la commission,
elle se continuera comme telle. Je voudrais simplement rappeler notre ordre du
jour pour aujourd'hui. Nous aurions six groupes à entendre, si tout le
monde se présente. En premier lieu, il y aurait le Centre d'information
et d'animation communautaire, qui avait déjà commencé
à se faire entendre à la dernière séance. En
deuxième lieu, l'Union des producteurs agricoles, ensuite: la
Fédération de l'UPA des Laurentides, le Club des jeunes
agriculteurs de Deux-Montagnes, M. Roméo Lafond et, finalement, la
Société immobilière du Canada à Mirabel, si les
représentants sont là.
Oui, M. le député de Prévost.
La télévision des auditions
M. Dean: M. le Président, je ne suis pas le plus grand
expert dans les règles de procédure de notre Assemblée,
mais je voudrais poser une question au préalable et faire un
commentaire. Je vous demande pourquoi, après une série de
séances de cette commission parlementaire et après la pause des
fêtes, cette séance n'est pas télévisée. Il
me semble que depuis très longtemps, un groupe de citoyens d'une
région qui sont de la partie la plus fondamentale et la plus essentielle
de notre population, c'est-à-dire des agriculteurs, subissent une
profonde injustice de la part du gouvernement depuis treize ans. Je
déplore le fait que la population du Québec ne soit pas encore
assez au courant et, dans bien des cas, soit très peu au courant de
cette injustice criante qui existe maintenant depuis treize ans. Je vous pose
la question: Pourquoi n'a-ton pas réussi à organiser la
télédiffusion de ces débats? Quelle que soit votre
réponse, si elle continue à être négative, je tiens
à déplorer vivement ce fait. La télédiffusion de
nos débats, depuis son acceptation, à mon avis, a
contribué à éclairer et informer les citoyens du
Québec sur les grandes questions de l'heure comme, peut-être, sur
les qualités et les faiblesses de leurs hommes et de leurs femmes
politiques. Mais, à mon avis, cette télévision est un
grand instrument d'information et de sensibilisation sur les questions
publiques et politiques au Québec et sur une question aussi fondamentale
que celle dont on discute devant cette commission. Je déplore vivement
que la télédiffusion ne soit pas faite. Je vous demande
respectueusement de nous dire pourquoi. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous avoue ne pas avoir de
réponse, M. le député de Prévost, pour le moment en
tout cas. Il arrive que des commissions soient télévisées.
C'est arrivé à quelques reprises. C'est la commission de
régie interne qui décide, après entente j'imagine entre
les partis, s'il y a lieu de télédiffuser les débats. Mais
j'aurai une réponse plus précise dans le courant de la
journée. M. le ministre.
M. Garon: M. le Président, j'ai écrit au
président de l'Assemblée nationale, lui demandant comme premier
choix que la commission parlementaire de l'agriculture puisse siéger sur
le territoire de Mirabel et, à défaut, si ce n'était pas
accepté, qu'elle soit télévisée, tout au moins,
pour que les gens puissent prendre connaissance des débats ici. Selon
mes renseignements, on l'a refusé, parce que le Parti libéral
n'était pas d'accord.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Les propos du ministre m'invitent à
réagir. Je pense qu'on va situer le fait dans son contexte
précis. Quand il a été question de cette commission
parlementaire, le gouvernement avait
demandé à l'Opposition qu'elle puisse siéger
à Mirabel. À ce moment-là, il n'y avait aucun
précédent de commission siégeant en dehors de
l'Assemblée nationale. La position qui avait été
adoptée par l'Opposition était qu'aussi longtemps qu'on n'avait
pas revu toutes ces règles, à l'occasion de la réforme
parlementaire qui s'en venait, on était mieux de s'en tenir au statu quo
et de garder le principe. Cela a déjà été
expliqué ici. Avant le début des audiences, à l'automne,
il avait été proposé par le gouvernement et accepté
par l'Opposition que les séances soient télévisées.
Nous avons commencé le travail en pensant qu'elles le seraient. Une
décision a été prise à la dernière minute
par le gouvernement...
M. Garon: M. le Président, le gouvernement ne
décide pas ces questions.
M. Ryan: J'espère que le ministre va accepter
l'autorité du président pour que les débats puissent se
dérouler dans l'ordre.
Le Président (M. Bordeleau): La parole est à vous,
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: S'il veut me corriger ensuite, je serai
complètement disposé à l'écouter.
Il y avait deux commissions qui siégeaient le premier jour de nos
séances, on s'en souvient sûrement chez ceux qui sont autour de la
table. Il y avait la commission de l'énergie et des ressources qui
devait étudier les projets de développement à long terme
d'Hydro-Québec et la nôtre. En dernière minute, du
côté du gouvernement, on a donné la préséance
à l'autre commission. Moi, comme porte-parole de l'Opposition, j'ai
été placé devant le fait accompli. On nous a dit: Vous
allez siéger dans l'autre salle. Vous vous en souvenez très
bien.
Récemment, on est revenu avec une proposition demandant que les
séances soient télévisées. Comme on était
parti sur une voie, nous avons demandé que l'on continue sur la
même voie de manière qu'il n'y ait pas de
déséquilibre dans ces choses-là. C'est le contexte
exact.
M. Garon: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Garon: ...j'aime beaucoup les "on" du député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Juste un point, si vous me le permettez.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!
M. Garon: J'aimerais mieux qu'il emploie des sujets au lieu
d'employer des "on" impersonnels.
Le Président (M. Bordeleau): II faudrait laisser terminer
le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je n'ai pas terminé. Il me reste encore un
élément à ajouter.
Le Président (M. Bordeleau): Oui.
M. Ryan: Une demande a été faite également
pour que la commission siège maintenant à Mirabel plutôt
qu'ici, pour les journées d'aujourd'hui et de demain. Encore là,
nous avons examiné l'affaire à la lumière du contexte
général qui est celui de la réforme de tout le travail de
l'Assemblée nationale et des commissions parlementaires. Une exception a
été faite dans le cas de Schefferville et Sept-Îles. Une
commission parlementaire, par une décision tout à fait
exceptionnelle, siégera ces temps prochains, je pense, du
côté de Schefferville. Moi-même, j'ai demandé qu'on
fasse une nouvelle exception dans le cas de Mirabel, étant donné
surtout l'effort remarquable qui avait été déployé
par les citoyens de la région de Mirabel pour suivre pendant cinq
journées les travaux qui se sont faits ici. Malheureusement, il a
été décidé qu'on s'en tenait strictement à
la règle établie, sauf l'exception de Schefferville,
jusqu'à ce que les nouveaux règlements aient été
établis pour les commissions parlementaires. J'ai été
obligé de me soumettre à la discipline qui existe de ce
côté-là, quoique mon avis aurait été
très favorable à la tenue de ces séances à Mirabel
et que je l'aie fait savoir aux autorités appropriées.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre.
M. Garon: J'aime beaucoup les omissions coupables du
député d'Argenteuil. Il emploie les "on" impersonnels quand il
s'agit de demandes du ministre. Il dit: On a demandé... Il aurait pu
dire: Le ministre de l'Agriculture a demandé... Cela aurait
été plus franc. Il dit: On a refusé... Il aurait pu dire:
Le Parti libéral s'y est opposé et le président n'a pas
tranché favorablement parce que les deux partis n'étaient pas
favorables. Cela aussi aurait été plus franc. (11 heures)
Quant à lui, il peut avoir des opinions personnelles dans son
esprit, mais son parti ne les soutient pas, semble-t-il, au comité de
régie interne qui décide de ces questions. Quant à moi, je
rendrai publiques les lettres qui j'ai écrites dans deux cas au
président de l'Assemblée nationale. Dans le premier cas,
c'était pour que ce soit télévisé et dans le
deuxième cas, pendant la période intérimaire
qui s'est passée avant que cette commission ne siège
aujourd'hui, j'ai écrit personnellement au président de
l'Assemblée nationale, j'ai signé ma lettre. Je ne sais pas si le
député d'Argenteuil a écrit au président de
l'Assemblée nationale et s'il a signé la lettre de sa main. Moi,
j'ai écrit et je peux déposer la lettre dans laquelle je
demandais que la commission siège sur le territoire de Mirabel ou,
à défaut, qu'elle soit télévisée.
Maintenant, c'est un comité et non pas le gouvernement qui
décide de ces questions. C'est faux. Je l'ai dit au député
d'Argenteuil. C'est le président de l'Assemblée nationale qui
décide de ces questions après avoir demandé l'opinion des
deux partis. La demande que j'ai faite était à l'effet qu'on
siège à Mirabel ou, à défaut, que ce soit
télévisé. Cette demande n'a pas été
appuyée par le Parti libéral à la commission de
régie interne, m'a-t-on dit, parce que je ne siège pas à
ce comité. Si le député d'Argenteuil a fait des
représentations écrites, j'aimerais en avoir des copies. Je
déposerai mes lettres devant cette commission.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: D'abord, il ne faut pas confondre. Le ministre serait
bien intéressé à me citer directement, ou
nommément, mais ce ne m'est pas facile parce que je n'ai pas eu
connaissance des lettres que vous avez adressées au président de
l'Assemblée nationale. Deuxièmement, chaque fois que j'appelle
à votre bureau vous ne me rappelez jamais. Je vous ai appelé au
moins trois fois depuis le début de la présente année et
je n'ai jamais eu d'appel de votre part. Il est bon que vous sachiez cela
aussi.
En ce qui touche la commission parlementaire, je rappelle encore une
fois que, au mois d'octobre, nous avions accepté la
télédiffusion de toutes les délibérations de la
commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation sur Mirabel. Nous l'avions accepté au comité de
régie qui décide de ces questions, où je ne siège
pas plus que vous. Là, on est arrivé avec un changement de venue
alors que nous sommes déjà engagés dans une voie et, cette
fois-ci, c'est vrai que les représentants de l'Opposition ont
refusé. J'ai fait moi-même des représentations
auprès d'eux. Mon opinion n'a pas été retenue mais
j'accepte la décision qui a été prise par eux pour notre
groupe politique. Je trouve que dans le contexte, c'est une décision qui
est défendable quoique, personnellement, j'aurais
préféré le contraire. Le ministre sait ce que veut dire la
discipline de parti. Il est obligé d'accepter bien des choses dans son
gouvernement et dans son parti avec lesquelles, j'espère, il n'est pas
d'accord, en particulier au sujet de l'événement qui se passe ces
temps-ci. On comprend cela et je ne pense pas que cela donne quelque chose de
venir accabler une personne ou l'autre. On n'avance pas du tout.
Je vous donne le contexte exact, en toute sincérité et en
toute honnêteté. J'espère qu'on pourra assouplir les
règlements au cours des semaines à venir, à l'occasion des
travaux qui se font de part et d'autre, pour qu'on puisse arriver à un
peu plus de flexibilité quand se présentent des décisions
comme celle-ci.
Encore une fois, si le gouvernement, par la majorité qu'il
détient à la commission de régie, n'avait pas
décidé que ce serait la commission de l'énergie et des
ressources qui passerait avant celle-ci, nos discussions auraient
été télévisées et elles le seraient encore
aujourd'hui.
Le Président (M. Bordeleau): J'espère que cela
clôt le débat. Je ne voudrais pas non plus qu'on retarde
indûment les auditions prévues pour aujourd'hui. Est-ce clair pour
tout le monde?
Je veux simplement ajouter un mot. Comme je ne siège pas non plus
au comité, je n'applique que les décisions qui sont prises par le
comité de députés qui décide, par consentement.
Bien sûr que c'est le président qui décide s'il y a
télédiffusion ou pas, mais il le fait à partir du
consentement des partis. Dans ce cas-là il n'y a pas eu d'entente.
M. le ministre, voulez-vous ajouter quelque chose rapidement?
M. Garon: Je veux dire que d'une façon
générale, contrairement à ce qu'avance le
député d'Argenteuil, il y a quelqu'un à mon bureau qui
répond à ses appels téléphoniques. Il faut dire que
comme il sert souvent de boîte aux lettres au gouvernement
fédéral, dans un sens ou dans l'autre, j'ai moins le goût
de discuter avec lui de certaines questions. D'autant plus quand j'ai vu,
récemment, un télégramme confidentiel que j'ai
envoyé au ministre Roméo LeBlanc se retrouver sur la table de la
Société immobilière du Canada et ensuite sur la table du
député d'Argenteuil. Imaginez-vous le respect la
confidentialité: Des suggestions concrètes et positives, mais par
ailleurs confidentielles parce qu'il y avait des noms de personnes qui
n'avaient pas été contactées sont faites dans un
télégramme que j'ai envoyé à M. Roméo
LeBlanc qui distribue des télégrammes confidentiels. Je pense que
cela marque un manque d'honnêteté et d'éthique
professionnelle de la part d'un ministre fédéral.
Je suis un peu estomaqué que le député d'Argenteuil
se prête à ce jeu. Lui qui aimait beaucoup faire la morale devrait
la pratiquer.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Le député d'Iberville avait levé la
main avant, je ne veux pas lui enlever son droit de parole.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, mais si c'est une
réplique directe au ministre je vous laisse la parole, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Très bien. D'abord, j'ai noté avec
infiniment de regret les propos que vient de tenir le ministre. Il a dit: Quand
c'est le député d'Argenteuil qui téléphone à
son bureau il y a quelqu'un qui lui répond. Je pense que le
député d'Argenteuil mérite mieux que cela de même
que n'importe quel député d'ailleurs. Je veux dire aux membres de
la commission qui sont ici et au président en particulier, que quand je
communique avec le bureau d'autres ministres, en général, c'est
assez facile de parler au ministre. J'espère qu'on pourra s'entendre de
ce côté-là. Il y a peut-être certaines questions que
vous avez de bonnes raisons de ne pas vouloir discuter, parce que vous ne savez
peut-être pas trop quoi dire à ce sujet, mais je veux vous assurer
que je suis toujours à votre disposition, en tout cas. Cela me fera bien
plaisir si je peux vous parler un peu plus directement. Surtout dans les
questions comme celle-ci, cela fera l'affaire de tout le monde, parce qu'on a
des comptes à rendre à des électeurs dont certains sont
ici. Je leur dis des choses et je ne triche personne. Cela m'a
coûté assez cher en politique de ne tricher personne que j'entends
au moins me prévaloir de la liberté que cela donne.
M. Garon: C'est peut-être le contraire. Cela vous a
peut-être coûté trop cher.
M. Ryan: Deuxièmement...
M. Garon: Vous avez triché trop de gens.
M. Ryan: ...en ce qui touche le télégramme auquel
vous faites allusion, je vais être obligé de faire certaines
précisions pour que le dossier soit net. Vous savez ce qui est
arrivé. Les gens du CIAC sont ici et attendent pour témoigner.
À un moment donné, on m'avait demandé si je serais
disposé à accompagner une délégation de l'UPA qui
avait été invitée à rencontrer la
Société immobilière du Canada. On m'avait dit: Vu
l'intérêt que vous portez au dossier, si vous voulez venir avec
nous autres, cela nous intéresserait et cela vous permettrait
d'être au courant. J'ai dit: Volontiers. J'ai dit: Par courtoisie, je
souhaiterais que vous informiez la Société immobilière du
Canada pour ne pas qu'elle pense qu'une conspiration est montée contre
elle. La société a été informée de ceci et a
opposé un veto formel à la présence du
député d'Argenteuil.
Devant cette situation, j'ai appelé le président de la
Société immobilière du Canada et je lui ai dit que
j'aimerais faire un résumé avec lui des événements
qui se sont produits dans le dossier de Mirabel depuis le début des
travaux de la commission parlementaire. Je n'avais pas eu l'occasion de lui
dire mon opinion, récemment, sur le refus qu'elle a exprimé de
venir témoigner ici. Je voulais savoir ce qu'il y avait en dessous de
cela. Alors, je suis allé le rencontrer. D'ailleurs, à la
connaissance des gens de la région, je suis allé dîner avec
lui à Sainte-Scholastique. Tout le monde nous a vus. C'est au cours de
la conversation qu'il m'a mentionné qu'il y avait eu un
télégramme du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation du Québec au ministre responsable du dossier de
Mirabel, à Ottawa. Je suis retourné à son bureau avec lui.
Il y avait une pièce sur le bureau et j'ai cru voir que c'était
cela. J'ai dit que j'aimerais bien avoir ce télégramme, que ce
serait bien utile, parce que le ministre n'a pas cru devoir m'en informer. Il
m'a remis une copie du télégramme. C'est aussi simple que cela et
je pense que le ministre aura l'occasion d'en parler plus longuement
aujourd'hui. Il va nous expliquer ce qu'il y avait derrière cela. Mais
je déplore, encore une fois, que cela ait été fait
dès le début de décembre.
J'ai moi-même eu l'occasion de demander au ministre, ensuite, ce
qui s'était passé dans ses contacts avec M. LeBlanc. Pour moi, il
n'y avait pratiquement rien à dire. Pour le député
d'Argenteuil, cela ne valait peut-être pas la peine qu'on lui en dise
davantage, mais on ne lui disait absolument rien. J'ai saisi cette
pièce. Peut-être victime de mon ancien instinct de journaliste en
vertu duquel je me dis que tout ce qui regarde l'intérêt public
doit être public, j'en ai informé des gens qui étaient
intéressés. Mais c'est bien le moins qu'ils sachent ce que leur
ministre fait pour les aider. Il ne les a pas informés plus que moi,
d'après ce que j'ai compris. Je ne pensais pas que vous alliez en
parler, parce que vous m'aviez demandé tantôt de ne pas faire
allusion à cela avant qu'on en parle. Comme vous y avez fait allusion,
cela me fait bien plaisir. Plus on peut mettre nos cartes sur la table, mieux
cela va être. On va peut-être finir par se retrouver pour le
service de ces gens qui sont ici avec nous autres.
M. Garon: Est-ce que le député d'Argenteuil est
capable de dire la vérité? J'ai dit: J'ai appris que vous aviez
reçu des copies du télégramme, avez-vous l'intention
d'en parler ce matin? Je ne vous ai pas demandé de ne pas en
parler. Je suis un peu estomaqué que vous rapportiez des propos comme
cela. Je ne vous ai jamais demandé de ne pas en parler. Je vous ai
demandé si vous aviez l'intention d'en parler.
M. Ryan: C'est ce que j'ai compris, je regrette. Vous pouvez
finasser tant que vous voudrez.
M. Garon: Ce que j'ai fait, j'en ai fait venir une copie au cas
où vous en parleriez parce que j'ai cru comprendre que vous pourriez en
parler. J'ai dit: Parfait, je vais faire venir une copie du
télégramme pour l'avoir devant les yeux. Quand vous dites: II n'y
a rien à dire sur le ministre des Pêches, des Travaux publics,
maintenant, M. Roméo LeBlanc, je vous dirai une chose: II doit me donner
une réponse depuis le 8 décembre et je l'attends encore. On a
communiqué avec son bureau encore récemment, la semaine
dernière, et sa réponse n'est pas encore prête. Que
voulez-vous que je vous dise? Je ne peux pas vous répondre sur des
réponses que je n'ai pas. M. LeBlanc devait me donner une réponse
dans la semaine qui suivrait m'a rencontre avec lui au début de
décembre. J'ai envoyé un télégramme pour confirmer
ou ajouter certaines choses le 8 décembre. Nous sommes rendus
aujourd'hui au 3 février, presque deux mois plus tard, et je n'ai pas eu
encore de réponse de M. LeBlanc.
Tout ce qu'il semble, c'est que M. LeBlanc souhaite que la commission
parlementaire soit terminée pour qu'ensuite il n'y ait plus de forum au
Québec pour qu'il puisse dire n'importe quoi. Il ne semble pas
pressé de nous dire ces choses. Je vous dirai que, quand je l'ai
rencontré, il n'avait pas grand chose à dire. Après il
semble y avoir des propositions dans les journaux, mais il sait pertinemment
que les propositions qu'il fait dans les journaux ne sont pas
défendables. Quand on est en sa présence, il ne les fait
même pas. J'aimerais un minimum de courtoisie et de franchise dans les
rapports qui peuvent exister.
Maintenant, quand le député d'Argenteuil - j'aimerais
revenir sur un point - dit qu'il n'a pas communiqué avec moi chaque
fois, je regrette, c'est toujours comme ça dans un cabinet, il y a des
centaines d'appels par jour. Il y a des gens de mon cabinet qui lui ont
parlé en mon nom, quand il a appelé au bureau. Maintenant, il
arrive que, la même journée, je rencontre un grand nombre de
personnes et ce n'est pas le seul appel téléphonique que j'ai; ce
n'est pas seulement le député d'Argenteuil qui m'appelle. Alors,
d'autres personnes le contactent pour voir s'il y a des renseignements ou des
choses dont il a besoin ou pour des choses particulières dont il veut me
parler personnellement. Je n'ai pas compris qu'il avait quelque chose de
particulier qu'il voulait me dire personnellement. Quand il a eu à me
parler de choses personnelles, il a pu me rejoindre facilement. Je lui ai
même donné des réponses écrites à ses lettres
également. Alors, là-dessus, je me sens sur du roc. J'aimerais,
par exemple, que le député d'Argenteuil fasse valoir ses opinions
plus souvent par écrit et on aura tous des témoignages. D'abord,
il aime cela écrire; il a gagné sa vie en écrivant. Alors,
j'aimerais cela qu'il fasse plus souvent des textes pour défendre les
gens de Mirabel plutôt que des paroles qui sont
interprétées de différentes façons.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député d'Iberville.
M. Beauséjour: M. le Président, après avoir
entendu des arguments qui ont été évoqués par le
député d'Argenteuil et aussi le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation sur la question de la
télédiffusion de nos débats, je vous laisse juger si c'est
recevable, mais je ferais la proposition suivante: Les membres de la commission
de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation demandent au
président de l'Assemblée nationale de répondre
favorablement à la télédiffusion des débats de la
commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui
entend les personnes et les organismes sur la question des terres
expropriées en trop de Mirabel. Puisqu'il semblait y avoir un accord de
l'autre côté, je ne sais pas si on peut le présenter, mais
au moins, cela pourrait être acheminé.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Iberville, j'aimerais beaucoup pouvoir accepter votre proposition, sauf
qu'à ce moment, comme j'ai à répondre du mandat de la
commission qui est déjà convoquée depuis un certain temps,
ce serait une proposition qu'on ne pourrait pas appliquer immédiatement
de toute façon, parce qu'il faudrait réunir le comité qui
doit s'entendre d'abord et préparer l'équipement
nécessaire. Donc, je dois juger votre proposition comme étant
irrecevable à ce moment parce que la commission a été
convoquée sans télévision et les gens sont là qui
nous attendent. Alors, c'est une proposition qui n'est pas
nécessairement mauvaise, mais qui n'est pas dans le bon temps si vous
voulez.
M. Beauséjour: Pourriez-vous m'indiquer à quel
endroit...?
Le Président (M. Bordeleau):
Directement à la présidence de l'Assemblée
nationale.
M. Beauséjour: ...au cours de nos débats...
Le Président (M. Bordeleau):
Directement à la présidence de l'Assemblée
nationale.
M. Beauséjour: C'est à la commission que je
voudrais que ce soit exprimé.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, mais je vous dis qu'elle
est irrecevable parce qu'elle n'est pas dans le bon temps. Elle aurait dû
être faite auparavant. Si elle avait été faite à un
moment où on aurait pu réunir le comité et décider
de la question, d'accord, cela aurait pu être recevable. Mais dans les
circonstances présentes, je dois la déclarer irrecevable. (11 h
15)
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, sur la
recevabilité...
Le Président (M. Bordeleau): Non, j'ai déjà
tranché, M. le député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Oui, mais j'ai essayé de vous
arrêter avant que vous ne tranchiez.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, mais... M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, j'ai suivi avec
beaucoup d'intérêt l'échange de vues entre le ministre et
le député d'Argenteuil. Je me demande si - cette tournure "je me
demande si", c'est pour ne pas poser directement une question au
député d'Argenteuil, il commentera mon affirmation s'il le
veut... Étant donné qu'il nous a dit qu'à son avis, la
position de ses collègues au comité de régie qui n'ont pas
permis à la commission d'aller siéger sur le territoire de
Mirabel, est défendable, bien que lui-même eut
préféré le contraire, ce que j'aimerais savoir, c'est si
M. Goyer - il s'agit de M. Goyer, je crois, le président de la SIC - l'a
convaincu que son refus - le refus de M. Goyer - de rencontrer l'UPA, si
celle-ci était accompagnée du député d'Argenteuil,
si M. Goyer a convaincu le député d'Argenteuil que cette
position-là était aussi défendable, bien que le
député d'Argenteuil, là encore, eût
préféré le contraire.
Le Président (M. Bordeleau): Si vous voulez
répondre, M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui, certainement.
Le Président (M. Bordeleau): Allez-y.
M. Ryan: D'abord, je voudrais dire au ministre que s'il a
envoyé un télégramme à son homologue d'Ottawa, je
pense que c'est le 8 décembre, et que si nous le savons aujourd'hui,
c'est dû au fait que je l'ai fait savoir, parce que si on attendait
après lui, on attendrait encore. Ce n'était pas assez important
pour qu'on soit informé. C'étaient des petites conversations qui
avaient lieu et des échanges de communications au niveau
supérieur. Nous, nous sommes de vulgaires pékins. On traite avec
nous par des intermédiaires. On nous informe quand cela fait l'affaire.
Mais je dois dire au ministre qu'il devrait me remercier ce matin plutôt
que de me blâmer, d'avoir fait connaître aux
intéressés ces démarches qu'il avait faites auprès
de son collègue d'Ottawa, qui ne sont pas mauvaises et que j'ai
hâte de pouvoir discuter ici d'ailleurs. Ce que je vous reproche, c'est
de ne nous avoir point tenus informés de cela et de m'avoir mis dans la
situation, comme député concerné immédiatement,
où je dépendais d'une visite que j'ai faite pour d'autres raisons
tout à fait légitimes et défendables à la
Société immobilière du Canada pour être
informé de ceci. Je voudrais vous demander qu'à l'avenir, quand
il y aura des communications aussi importantes, vous daigniez avoir la
courtoisie - puisque vous avez employé ce mot tantôt - de nous en
informer, puis on pourra vous aider, on pourra supporter vos démarches.
Si vous étiez un peu plus au courant de ce qui se passe dans le
comté, vous sauriez qu'avec les articles que j'écris chaque
semaine dans les journaux de la région, j'aurais déjà
appuyé depuis longtemps certaines des demandes que vous faisiez à
M. LeBlanc. Mais je ne pouvais pas les appuyer, je n'étais même
pas au courant.
De plus, pour répondre à la question du
député de Deux-Montagnes, évidemment, le président
de la Société immobilière du Canada ne m'a pas convaincu
du bien-fondé de sa décision. C'est tellement vrai que, cette
semaine, je publiais un article dans le journal de Mirabel, que vous avez
probablement lu et dont je vais faire remettre une copie, parce que les
questions de formalité, on ne s'occupe pas trop de cela, aux personnes
intéressées, où j'exprime clairement mon opinion sur cette
question. Je me rappelle avoir dit à M. Goyer à ce moment, et je
n'ai pas d'objection du tout à le rendre public: Ces gens m'ont fait
l'honneur de m'inviter à titre d'observateur; j'avais accepté
volontiers. Vous mettez des obstacles; c'est à eux de décider
s'ils vont vous rencontrer ou non. S'ils décidaient de ne pas vous
rencontrer; je veux que vous sachiez que je serai solidaire d'eux, parce qu'ils
m'ont fait l'honneur de m'inviter. Je ne voudrais pas transiger dans leur dos,
séparément avec vous sur des questions que vous auriez
refusé de discuter avec eux et moi ensemble. C'est ma position bien
claire
là-dessus.
La seule addition que je veux faire, c'est que je ne veux pas mettre de
l'huile sur le feu et dans l'article que je ferai circuler tantôt,
j'essaie encore une fois de rapprocher les parties de manière qu'elles
puissent se rencontrer, parce que c'est très important, qu'elles
puissent causer ensemble avant que la société immobilière,
unilatéralement, mette en marche son programme de vente des terres. Il y
a assez de choses discutables dans la manière dont on le fait. Je serais
le plus peiné et le plus déçu des hommes si ce programme
devait être divulgué et mis en marche avant qu'ait eu lieu la
rencontre qui a avorté la semaine dernière. Par
conséquent, je n'approuve aucunement ce qui a été
décidé. La raison pour laquelle je ne l'approuve pas, c'est que
je considère que c'est une grave entorse au droit d'association.
La Charte des droits et libertés de la personne du Québec
et la Charte canadienne des droits et libertés reconnaissent parmi les
libertés fondamentales le droit des citoyens de s'associer librement en
des associations et des organisations de leur choix. Alors, quand une
organisation, librement formée par des citoyens, rencontre un organisme
public, celui-ci n'a absolument rien à dire sur la manière dont
elle s'organise, sur la manière dont elle forme le groupe qui ira le
rencontrer en son nom. Je pense que la société
immobilière, en se mettant le nez dans une décision de ce genre,
a fait preuve non seulement d'un manque de courtoisie élémentaire
mais aussi d'une incompréhension grave des principes qui sont inscrits
dans la charte fédérale des droits de la personne et dans la
charte québécoise des droits de la personne.
Maintenant, en ce qui touche le député d'Argenteuil
personnellement, il est habitué de recevoir toutes sortes de critiques
et d'actes souvent empreints de courtoisie très limitée, et il
continue son travail comme si de rien n'était. Il essaie de faire un
travail constructif. Je suis à la disposition des personnes qui ont
été brimées dans leur droit par cette décision.
Cela ne m'empêchera pas de donner une opinion constructive à la
société immobilière, si jamais elle se montrait
disposée à l'écouter.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre.
M. Garon: M. le Président, je suis étonné de
voir que le député d'Argenteuil trouve la Société
immobilière du Canada incorrecte quand elle travaille avec lui, mais
toujours correcte quand elle travaille avec le gouvernement du Québec.
Nous avons toujours tort face à la Société
immobilière du Canada, mais, lui a toujours raison face à cette
dernière. C'est elle qui ne le traite pas correctement. Est-ce qu'il
peut s'imaginer que, parfois, nous aussi nous ne sommes pas traités
correctement?
J'aimerais savoir du député d'Argenteuil s'il trouve
normal qu'un ministre fédéral qui reçoit un document
écrit d'un ministre québécois le distribue un peu partout
par lui-même, avant même d'y avoir répondu, alors que dans
ce même document il est même dit qu'il y a des personnes
mentionnées qui n'ont pas été mises au courant et qui sont
proposées pour faire partie d'un comité. Est-ce qu'il trouve
correct que le ministre fédéral se charge lui-même, ou par
l'intermédiaire d'organisme, de rendre ce document public? Et, dans le
travail d'un ministre québécois, d'un genre de consultation sur
un comité éventuel, dois-je informer le public avant que le
gouvernement fédéral ait acquiescé ou non? Est-ce que je
n'aurais pas été traité comme quelqu'un qui fait de la
partisanerie, si j'avais rendu le document public avant d'avoir eu la
réponse du ministre fédéral, en lui donnant la
possibilité de prendre tout le temps qu'il fallait pour y
réfléchir et y répondre? Cela fait déjà deux
mois. J'aimerais donc savoir comment le député voit cela?
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: C'est dommage que le temps soit limité et qu'on
ait des gens qui ont des choses importantes à nous dire et que nous
devons entendre, parce que j'aimerais passer toute la journée à
discuter avec le ministre. Il a une spontanéité. Il a une
faconde. En général, il met les cartes sur la table. Il y a bien
des choses fausses dans ce qu'il dit, mais, au moins, on peut les redresser.
J'aime bien discuter avec lui. Je ne voudrais pas que la brièveté
de ma réponse soit interprétée comme un quelconque
déplaisir devant les questions qu'il m'adresse.
Premièrement, encore une fois, je suis obligé de redresser
les faits. Cela me fait de la peine, mais avec vous, je suis obligé de
faire cela continuellement. J'ai clairement pris position quand la
Société immobilière du Canada a fait des choses, à
l'endroit du Québec, qui n'étaient pas correctes, à mon
point de vue; je l'ai dit publiquement à maintes reprises. Je vais vous
en donner deux exemples.
Quand elle a refusé de venir témoigner devant la
commission parlementaire, ici, je l'ai blâmée à maintes
reprises, à la fois publiquement et privément, parce que je tiens
généralement le même langage, en public et en privé.
De ce point de vue, c'est un exemple que vous connaissez très bien et
qui va tout de suite nuancer votre affirmation de tantôt.
Deuxièmement, encore dans des articles
que j'ai écrits récemment et dans toutes les
déclarations publiques que j'ai faites ici et dans le comté, j'ai
toujours dit que la société immobilière, avant de mettre
en marche toutes ces choses-là, devrait agir en étroite
consultation et concertation avec le gouvernement du Québec. Parce que
l'objectif que je poursuis dans ce dossier est que la responsabilité
normale du territoire revienne au gouvernement du Québec, comme c'est
inscrit dans l'ordre constitutionnel de ce pays, chaque fois que le
gouvernement fédéral, soit par l'intermédiaire d'un
ministre, soit par l'intermédiaire de la Société
immobilière du Canada, agit en oubliant cette exigence, je me fais
toujours un devoir de le lui rappeler. Mais je ne me suis jamais plaint,
contrairement à ce que vous dites, qu'il aurait pu y avoir des insultes
ou des manques de courtoisie à mon endroit. Cela ne m'empêche pas
de vivre. Cela ne m'empêche pas de dormir. Et, franchement - vous le
verrez encore par l'article que je vais faire circuler - je ne fais jamais
porter le débat là-dessus. Je préfère porter
l'odieux de toutes ces choses en me disant que l'opinion jugera; les citoyens
ont du bon sens. Sur ce point-là, je pense que c'est clair. Vous pouvez
compter que je vais continuer d'agir dans ce sens-là pour le plus grand
bien de tout le monde.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Garon: M. le Président, vous n'avez pas répondu
à ma question.
M. Ryan: Oui, le deuxième point. Excusez, si vous voulez
me permettre...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: ...de répondre au deuxième point. D'abord,
encore une fois, j'aurais souhaité que vous nous informiez. Il me semble
que votre télégramme était d'intérêt public,
de toute évidence. Si on l'avait su à ce moment-là, l'UPA,
le CIAC et d'autres organismes de la région auraient pu vous appuyer.
J'aurais pu également appuyer une bonne partie des requêtes que
vous faisiez, mais nous ne le savions pas.
Maintenant, vous me demandez si je trouve normal que le ministre
fédéral qui a reçu votre communication en fasse part
à la Société immobilière du Canada et que celle-ci
en fasse part à une personne comme moi. D'abord, je n'ai pas à
juger le ministre fédéral. Je pense que, si vous avez le
moindrement l'expérience de l'administration publique, vous deviez
deviner que le ministre consulterait la Société
immobilière du Canada avant de vous envoyer une réponse dans ce
domaine. Je pense que c'est une chose normale. Devait-il lui soumettre le texte
intégral de votre télégramme ou non, surtout vu que vous
disiez dans le télégramme que vous ne vouliez pas voir la
société dans le comité conjoint que vous vouliez former?
C'est une question libre, mais je ne m'embarquerai pas là-dedans.
À la place du ministre, je lui aurais donné le
télégramme, je vais vous le dire franchement, mais cela fait
longtemps que je vous aurais répondu. Je voudrais dire bien clairement
ce matin que je déplore que, après deux mois, le ministre
fédéral, M. Roméo LeBlanc, n'ait pas encore donné
de réponse à votre télégramme qui était
substantiel. J'émets le voeu publiquement, aussi fermement que j'en suis
capable, qu'il vous donne une réponse substantielle dans les meilleurs
délais.
Auditions La CIAC
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Alors, est-ce qu'on
peut procéder à l'audition des gens afin de répondre au
mandat que la commission s'est donné? J'appellerais donc, dès
maintenant, le premier groupe, qui semble déjà être
à la table, le Centre d'information et d'animation communautaire, le
CIAC. Je pense que vous avez déjà été entendus, que
vous aviez lu votre mémoire à la dernière séance,
mais vous avez demandé, j'imagine, de pouvoir continuer. M. Raymond.
M. Raymond (Jean-Paul): M. le Président, M. le ministre,
MM. les députés, depuis notre dernière présence
devant la commission, il y a beaucoup d'événements qui se sont
produits: la société a commencé son programme de revente.
Au départ, je voudrais rectifier quelques témoignages que nos
représentants ou nos membres ont faits devant la commission.
D'après les notes sténographiées de la commission, on
s'est rendu compte que, par exemple, les investissements de Maurice
Laframboise, à ce moment-là, n'ont pas été
reconnus. Dans le bail qu'il a signé, la société n'a pas
reconnu les investissements que M. Laframboise pouvait avoir faits. Dans le cas
du règlement de Marcel Daoust - j'ai sa feuille ici - pour le prix du
terrain, le fils de Marcel Daoust avait déclaré que son
père avait réglé pour 310 $ l'arpent. La moyenne est de
217,04 $ l'arpent. 210 $ l'arpent pour le terrain et un peu plus cher pour un
emplacement. Mme Lafond pourrait peut-être continuer pour les autres
rectifications.
Mme Lafond (Rita): D'abord, je tiens à présenter
ceux qui sont à la table. Françoise Monette, permanente au CIAC,
Jean-Paul Raymond, le président, André Bouvette, consultant au
CIAC, et Rita Lafond,
permanente au CIAC. Si vous me permettez de faire quelques petites
remarques, cela fait déjà une heure environ que c'est
commencé et, en venant à la commission parlementaire, on avait un
souhait. On se demande si c'est un souhait naïf. On souhaite encore
ardemment, aujourd'hui, que le parti qui est au pouvoir et le parti de
l'Opposition fassent coalition pour nous aider à nous sortir du bourbier
qui existe à Mirabel. On a l'impression qu'il y a beaucoup de temps
perdu - je ne sais pas si on peut appeler cela comme cela, ce qui nous semble
un peu de la politique - et on souhaiterait qu'il n'y en ait pas dans cela.
Cela fait quatorze ans qu'on essaie de récupérer notre
dignité, qu'on veut reprendre en main notre destinée et on
souhaiterait que le gouvernement du Québec nous apporte un apport
précieux là-dedans. (11 h 30)
L'histoire du télégramme du ministre Garon à M.
Goyer, pour nous autres, c'est simplement un exemple de ce qui se fait depuis
1969. Déjà, au départ, des expropriés avaient fait
des plaintes à leur député fédéral sur tel
fonctionnaire qui méprisait l'exproprié dans sa façon
d'agir, dans sa façon de l'indemniser. L'exproprié retrouvait la
lettre dans le dossier dudit fonctionnaire qui, lui, se chargeait de lui faire
payer durement cette plainte qu'il avait faite au député.
L'an dernier, on avait fait une demande; on avait réussi à
obtenir une rencontre, après plusieurs démarches, avec les
ministres Cosgrove et Fox. La veille de la rencontre, à 14 heures, on
reçoit un appel téléphonique du bureau de M. Cosgrove,
nous disant que la rencontre était contremandée. On appelle le
bureau de M. Fox puisque c'était celui-ci qui avait organisé la
rencontre. M. Fox n'était absolument pas au courant de l'annulation de
la rencontre. Il s'est informé et l'annulation avait bel et bien eu
lieu.
Le lendemain on a décidé d'aller quand même à
Ottawa. On a rencontré seulement les secrétaires parce que
personne n'était présent. La secrétaire s'est
échappée en disant: À l'avenir, ne le dites donc pas
à M. Goyer quand vous venez à Ottawa, c'est lui qui a fait
contremander la rencontre.
On a ces exemples depuis fort longtemps et le télégramme
est simplement pour nous l'exemple de ce qui se fait depuis 1969.
Je veux ajouter aussi que, depuis 1969, on sent le Québec
très absent du dossier. Dès 1969 on a été
isolé. On a eu l'impression, à cause du choix du site, que nous
étions devenus des citoyens méprisables qui avaient
hérité d'un gros lot sur le territoire et que tous les
Québécois pouvaient nous en vouloir. Nous étions devenus
les nouveaux riches. D'ailleurs, on traîne encore cette réputation
et on trouve cela très pénible.
Par le passé il y a eu aussi l'implication du gouvernement du
Québec. Je peux dire que dans les dernières années, le
gouvernement du Québec a cherché un peu à s'impliquer
à Mirabel; mais on essayait par tous les moyens, du côté
d'Ottawa, du côté de l'administration fédérale, de
faire comprendre que si le gouvernement du Québec s'impliquait
là-dedans, on était, à Sainte-Scholastique, le groupe de
citoyens, un groupe de "politicailleux" qui voulait juste faire de la politique
avec le dossier. On a refusé à plusieurs reprises la
présence du gouvernement du Québec à Sainte-Scholastique
parce qu'on ne voulait pas être accusé de faire de la politique.
Aujourd'hui on se rend compte que cela a été une erreur. On
souhaite que le gouvernement du Québec soit présent, très
présent pour mettre fin à ce dossier. Quand on a
écouté, hier soir, l'émission de M. Pierre Brien, je pense
qu'il est plus que temps que le Québec soit présent.
Maintenant, si vous voulez, on passera à notre dossier. Dans les
rectifications, M. Raymond vous a parlé de Maurice Laframboise, de
Marcel Daoust et je voulais vous parler de plusieurs agriculteurs qui ont
défilé à la commission parlementaire et qui, pour la
plupart avaient un bail agricole qui était échu depuis deux,
trois ou quatre ans. Je dois vous dire que depuis la dernière
journée de la commission parlementaire, peut-être une ou deux
journée après la fin de ladite commission, les agriculteurs ont
commencé à recevoir un nouveau bail. On leur donnait jusqu'au 24
novembre pour le renouveler, dans quelques cas. Plusieurs agriculteurs ont
reçu cet avis de renouvellement dans le temps de fêtes. Un l'a
reçu le 23 décembre, il avait jusqu'au 24 décembre pour
répondre et d'autres l'ont reçu après, c'est-à-dire
au mois de janvier et ils avaient jusqu'au 24 décembre pour y
répondre.
On augmentait les baux de 100%, 200% et 300% selon la grille même
d'un communiqué que la société immobilière a fait
paraître. Les augmentations allaient jusqu'à 300%. Le bail
était à prendre ou à laisser. Chaque bail avait la clause
sur les avis et les pancartes. Il est défendu d'afficher quelque
pancarte que ce soit, aussi bien à l'extérieur qu'à
l'intérieur des bâtisses. On n'a donc même pas le droit de
mettre un poster dans notre maison, si on ne demande pas la permission à
la Société immobilière du Canada. Dans le bail que les
gens reçoivent... On en parlera un peu plus longuement tout à
l'heure; on parlera des menaces qui sont assorties à ce bail.
J'aimerais vous parler des ventes de résidences qui se sont
faites. Ce que j'ai fait jusqu'à maintenant, c'est simplement rectifier
ce qui a pu être dit à la commission
parlementaire. Il a pu se glisser d'autres erreurs, mais je pense qu'il
y avait la nervosité des gens. C'était la première fois
que la plupart assistaient à une commission parlementaire. Je suis
convaincue, connaissant les gens qui font partie du groupement, qu'ils ne sont
pas venus ici pour dire des faussetés consciemment, que c'était
vraiment par erreur s'il a pu se glisser des erreurs comme celle de Maurice et
celle de Marcel Daoust.
On avait demandé à Françoise Monette d'apporter
l'évaluation de...
Mme Monette (Françoise): On m'avait demandé, lors
de la déposition de mon mémoire, d'apporter l'évaluation
municipale de la paroisse au moment où le cas de mon père a
été réglé. J'ai appelé à
l'hôtel de ville et on m'a référée à une
personne. J'ai rappelé et on m'a dit que c'était dans les
archives et que ce serait très long à avoir. Ils ne semblaient
pas tout à fait d'accord pour me les donner. Ils ont dit: Essayez donc
de vous arranger autrement. J'ai rappelé une autre fois et on m'a dit:
Rappelez tel jour. Cela semblait assez difficile de les avoir. Je ne sais pas
si, finalement, je vais finir par les avoir, mais cela semblait être
long. Alors, je ne les ai pas avec moi ce matin.
Mme Lafond: Est-ce que tu as été capable de trouver
le prix payé pour la maison?
Mme Monette: Mon père est décédé et
j'ai encore ma mère. Je lui ai demandé des papiers de
règlement. Ma mère ne pouvait pas trouver les papiers. On en
avait quelques-uns, dont le règlement final. J'avais une feuille du
gouvernement sur laquelle c'était marqué 69 500 $, le montant
global des deux propriétés. Ici, on m'avait demandé si le
cas de mon père avait été réglé
séparément ou globalement et je pense que j'ai dit: Un montant
pour la ferme et un montant pour la maison. Mais lorsque j'ai parlé avec
ma mère, elle m'a dit que le montant était global. Mais on n'a
aucun autre papier que ce papier à en-tête, le papier où on
énumère chaque bâtisse et le terrain. Le prix exact, on ne
l'a plus en notre possession. Du moins ma mère dit qu'elle ne l'a jamais
eu. Alors, je ne peux pas le déposer.
M. Raymond: Concernant l'évaluation municipale, c'est
compliqué, parce que, en 1969, c'était la municipalité de
Sainte-Scholastique. Depuis 1970, la ville de Mirabel a été
regroupée et les dossiers des anciennes municipalités sont dans
des archives quelconques. Pour les nouveaux fonctionnaires, ce sont
plutôt les dossiers de Mirabel, la ville actuelle, que les anciens
papiers des municipalités qui sont maintenant regroupées.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Bouvette.
M. Bouvette (André): On ne voudrait pas avoir l'air trop
confus. On s'est aussi fixé un ordre du jour. Je vous le
résumerai pour qu'on se situe bien. On voulait d'abord apporter quelques
rectifications à des cas de gens qui ont comparu devant la commission
parlementaire. On peut peut-être ajouter tout de suite qu'un
comité de citoyens ne peut jamais se permettre de déformer les
faits. Un comité comme celui de Mirabel, qui dure depuis treize ans,
c'est sa franchise qui le caractérise et la solidarité de ses
membres. Les insinuations qui semblent être un élément de
méthodologie privilégié par la SIC n'en sont pas un que
nous employons. Si jamais la SIC venait témoigner et qu'il y avait des
éléments à corriger ou des éléments
d'information qui pourraient paraître différents, d'un groupe
à l'autre, on sera toujours ici pour reprendre ces
éléments à leur valeur. La simple raison, c'est que les
gens se sentaient ici un peu frustrés parce qu'un chiffre qui avait
été avancé n'était pas le bon. Il y a des
détails. C'est un peu la raison pour laquelle on veut rectifier ce
matin.
Maintenant, ce dont on aimerait parler, c'est de ce qui s'est
passé depuis la commission parlementaire, savoir les ventes de
résidences, l'annonce de la vente de terres agricoles et,
également, les demandes que le CIAC aimerait formuler à cette
commission parlementaire. Voilà le résumé de ce qu'on
aimerait présenter ce matin.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Mme Lafond.
Mme Lafond: Si on prend les ventes de résidences, il y a
trois volets. D'abord, il y a la vente aux occupants non expropriés qui
est passée en priorité. Deuxièmement, la vente aux
occupants expropriés. Troisièmement, la vente au grand
public.
Pour ce qui concerne la vente aux occupants non expropriés.
D'abord, en décembre 1980, on avait rencontré le ministre
Cosgrove et, à ce moment, il commençait à être
question de rétrocession. Les gens du territoire se rendaient compte
qu'il pourrait y avoir des problèmes parce qu'on reconnaissait certains
droits aux occupants, mais pas le droit prioritaire. On reconnaissait certains
droits aux occupants et on reconnaissait surtout le droit à
l'exproprié. Quand il a été question de
rétrocession, on s'est aperçu que sur le territoire, il se
faisait beaucoup de changements dans les locations: des terres qui
n'étaient pas louées devenaient louées et des
résidences qui n'étaient pas louées
devenaient louées puisqu'eux autres voulaient donner la
priorité aux occupants.
On a alors demandé au ministre Cosgrove un moratoire sur les
locations. D'ailleurs, on a la copie de notre moratoire ici, ce moratoire qu'on
avait présenté au ministre pour lui demander de cesser de
créer des droits. Le ministre Cosgrove avait acquiescé à
notre demande et il avait dit: Après décembre 1980, il n'y aura
pas de nouveaux droits de créés. S'il arrive des gens sur le
territoire, ils n'auront pas de droits. On se rend compte que les gens qui sont
sur le territoire depuis trois ans ont priorité sur l'exproprié
et même des gens qui n'ont jamais habité la maison, sous
prétexte qu'ils détiennent un bail de location, ce sont eux qui
ont priorité sur l'exproprié. Donc, juste aussi après la
commission parlementaire, ils ont annoncé leur programme de revente. On
se rappelle qu'après que le ministre Fox et que le ministre Cosgrove
eurent annoncé, en mai 1982, le programme de rétrocession, M.
Goyer est allé à la télévision, au programme
Actualité, quelques jours après, pour dire qu'il pouvait
rétrocéder juste 30 000 acres présentement parce qu'il
voulait procéder par étapes. Ce n'est pas juste un gouvernement
qui procède par étapes. Ces 30 000 acres, c'était
déjà beaucoup à rétrocéder - eux autres
appelaient cela revente - et il disait qu'il fallait prendre encore cinq ans
avant de savoir si on allait rétrocéder ou revendre les 50 000
acres qui resteraient.
Tout à coup, en novembre, la société
immobilière annonce son programme de vente et met en vente 560
résidences dont 183 qu'elle dit qu'elle va revendre juste avant les
fêtes. On est déjà au milieu de novembre à ce
moment. Les gens reçoivent une lettre. Ils ont jusqu'au 29 ou 30
novembre, si je me souviens bien, pour répondre à cette lettre.
On leur dit comment envoyer l'évaluateur chez ces gens. C'est toujours
seulement les occupants non expropriés sous prétexte que les
expropriés n'ont pas droit aux 3000 $ de la Société
canadienne d'hypothèques et de logement. L'évaluation se fait
très rapidement, et les gens concluent le marché avant le 31
décembre; on leur promet qu'on va leur envoyer les lettres patentes. On
s'aperçoit que la moyenne des prix faits à ces
résidents... Selon les chiffres même du fédéral, ils
disent que 100% de l'évaluation de ces résidences est 27 000 $ ou
27 100 $, qu'elles ont été payées 26 000 $ aux
expropriés, ce qui est tout à fait faux. Eux entrent les
intérêts dans cela, entrent le dérangement social et
entrent un paquet d'affaires comme cela qui n'est absolument pas
l'indemnité payée, mais les paiements ex gratia et revendent ces
maisons en moyenne 24 000 $ aux occupants du territoire dont six fonctionnaires
de la SIC font partie. On ne parle pas de ceux qui travaillent à
l'aéroport.
(11 h 45)
II faut aussi dire que sur le territoire, quand des expropriés ou
des fils d'expropriés faisaient des demandes de location, très
souvent on leur répondait qu'on avait une liste de demandes très
longue et que cela ne servait à rien de laisser leur nom; on pouvait le
prendre, mais on jetait régulièrement la liste et cela ne
servirait à rien. On leur disait de revenir plus tard. M. Pierre
Marinier lui-même m'a dit que la priorité était
accordée aux fonctionnaires: fonctionnaires de la SIC, fonctionnaires de
l'aéroport et fonctionnaires de la ville de Mirabel; c'étaient
eux qui avaient priorité sur le territoire. On se rendra compte
après cela que c'est assez facile pour les amis de fonctionnaires, les
parents de fonctionnaires d'avoir des maisons sur le territoire. Je pense
à un cas que je connais: un type de la Gendarmerie royale qui a fait une
première demande de résidence et tout de suite on lui a
montré trois maisons. Cela ne faisait pas son affaire, on lui en a
montré une quatrième. Il a choisi dans les quatre maisons, alors
que, pour les expropriés et leurs fils, c'était quelque chose
d'extrêmement difficile de louer une maison.
Maintenant, on vient dire: Les pauvres occupants, on ne veut pas les
exproprier. On sait très bien que les occupants qui venaient sur le
territoire venaient sur un territoire exproprié, supposément pour
un aéroport, et venaient donc à court terme sur le territoire.
Bien entendu, plusieurs occupants étaient de bonne foi lorsqu'ils sont
venus sur le territoire. On n'a absolument rien contre cela. D'ailleurs, il y a
des occupants qui sont dans notre groupement et on s'est toujours promis de
défendre leurs droits. On ne les défendra pas parce qu'ils sont
dans notre groupement, mais parce qu'on reconnaît des droits des
occupants, comme on a reconnu les droits des locataires en 1969.
Si on regarde la politique qui est établie à Pickering,
selon M. Gallagher, le gérant du projet, aucune propriété
n'est louée aux fonctionnaires parce que, disait-il, ils entraient en
conflit d'intérêts, alors que c'est le contraire qui s'est
installé à Mirabel.
Si on revient maintenant aux maisons des expropriés, les
expropriés commencent seulement à avoir les prix qui leur sont
faits. Je veux ajouter aussi que la moyenne des prix auxquels on a vendu avant
les fêtes quelque 160 maisons aux occupants est de 24 000 $. Selon une
étude que je n'ai pas vue, à ce qu'on m'a dit, la maison moyenne,
en 1971, coûtait 17 000 $ et cette même maison, en 1981, je pense,
de mémoire, coûtait 51 000 $. On sait que, parmi les maisons qui
ont été vendues, il y a de très belles maisons. Il y a des
maisons qui ont eu des ménages de 30 000 $ et de 40 000 $. Cela fait la
moyenne de celles qui sont vendues 24 000 $ aujourd'hui.
Maintenant, on arrive aux maisons qui sont vendues aux
expropriés. Les expropriés, comme je vous l'ai dit, commencent
à recevoir les offres sous prétexte qu'étant
expropriés ils n'avaient pas droit aux 3000 $. Il faut vous dire que,
sur les 24 000 $, tous les occupants qui ont acheté avant les
fêtes se sont vu réduire leur maison de 3000 $ par rapport au
programme de la Société canadienne d'hypothèques et de
logement, ce qui fait qu'il y a des occupants qui payaient 244 $ de loyer avant
qui se retrouvent avec un paiement de 190 $. J'ai les notes quelque part. En
tout cas, le loyer est plus élevé que le paiement de
résidence que ces occupants ont à faire présentement.
Certains expropriés qui se retrouvaient avec une maison trop grande
parce que leur famille était élevée ont demandé que
leur droit - pas d'exproprié parce qu'ils n'ont aucun droit - d'occupant
soit transmis à leur fils qui était en train d'élever une
famille pour qu'il puisse bénéficier des 3000 $. Il était
absolument interdit à l'exproprié de céder son droit
à son fils.
Maintenant, la formule que les expropriés vont chercher, quand on
les fait venir et qu'on leur dit qu'ils auront à racheter leur maison et
qu'on va leur faire une évaluation, ils doivent la signer. On leur lit
très rapidement l'évaluation de la maison qui est faite et ils
doivent signer... En tout cas, il y a une formule qui dit qu'ils doivent signer
comme quoi ils ne changeront absolument rien, qu'ils n'ont aucun droit de
négocier le prix que le gouvernement leur fait; que s'ils essaient de
négocier le prix, c'est entendu qu'ils ne pourront pas acheter la
maison; que s'ils n'achètent pas la maison qu'ils habitent - il y en a
que cela fait 79 ans - que si le prix ne leur convient pas, ils n'auront
qu'à quitter cette maison. Si je regarde les prix qui sont faits - on a
quelques prix qui sont sortis, les expropriés sont venus nous dire quels
étaient les prix -j'aimerais savoir quand a été faite
l'évaluation scientifique. A-t-elle été faite en 1969 ou
en janvier 1983? Un exproprié a été payé 17 500 $
en 1969; aujourd'hui, on lui demande 85% de la valeur de l'évaluation:
c'est 27 595 $; un autre a été payé 12 000 $, on lui
demande 20 995 $; un autre a été payé 45 850 $, on lui en
demande 40 375 $. On réalise presque automatiquement que plus tu as
été payé en 1969, moins on te demande aujourd'hui et que
moins tu as été payé en 1969, plus on te demande
aujourd'hui. Par exemple, celui qui a été payé 12 000 $,
on lui demande aujourd'hui 75% de plus; il y en a un qui a été
payé 52 000 $ et on lui demande 25% de moins. Dans ces maisons, la
plupart du temps, c'est l'exproprié qui a fait l'entretien
lui-même. Il n'y a pas eu de réparations majeures dans tous ces
cas dont on parle.
J'ai déjà dit qu'en 1975, il y avait eu la politique de
l'équivalence raisonnable qui avait été accordée.
Cette politique disait que l'indemnité devait être
l'équivalent de la valeur au moment où on paye et non pas au
moment où on exproprie. Surtout, quand il y a des grands regroupements
d'expropriés, cela crée un dommage très grand, donc, il
faut payer la valeur à la date du règlement. On disait aussi
qu'il y a deux grandes expropriations au Canada: Pickering et Sea Island.
J'ajoute que Pickering a 17 000 acres et que Sea Island a 5000 acres. Mirabel,
qui avait 97 000 acres, on ne le mentionnait pas du tout dans ce
communiqué et les expropriations étaient loin d'être
terminées. On est allé à Ottawa et on a demandé au
ministre Fox et au ministre des Travaux publics, à ce moment, pourquoi
on n'avait pas droit à cette politique de l'équivalence
raisonnable. Le ministre Fox et le ministre des Travaux publics nous ont
répondu: On a fait une étude et il n'y a pas eu de hausse de
valeurs à Mirabel sur les propriétés. La valeur en 1975
est la même qu'en 1969. Des gens vont être réglés en
1978. Ils vont toujours avoir la même valeur qu'en 1969. On se pose la
question: quelle est cette différence de prix avec 1969 s'il n'y en a
pas eu de hausse de valeurs?
De plus, pour le grand public, on n'a vu aucune vente se faire
publiquement. Tous les prix sont cachés et il semble que la
priorité que le ministre Fox a donnée au mois de mai 1982,
c'était la priorité à l'occupant. Si l'occupant ne se
prévaut pas de son droit, c'est priorité à
l'exproprié; et si l'exproprié ne se prévaut pas de son
droit, priorité au grand public. Il n'y a aucune annonce nulle part dans
les journaux qu'il y a des propriétés à vendre. Ce sont
pourtant des propriétés du bien public. Il y a des rumeurs et on
a des gros doutes qu'à ce jour, il y a déjà des maisons
qui ont été vendues à des gens du grand public. On se
demande comment il se fait. J'ai une lettre ici d'un exproprié ou de
quelqu'un du grand public, je ne le sais pas, qui a fait une demande pour avoir
une maison. Il donnait trois adresses et il disait: je voudrais avoir une de
ces maisons. On lui a répondu qu'il n'y avait aucune obligation de leur
part, qu'on lui donnait les trois priorités et qu'on retenait sa
demande, mais qu'il n'y avait aucune obligation de leur part de lui offrir la
maison. Ils disaient: premier arrivé, premier servi. Mais comme on ne
saura jamais qui est le premier arrivé et qui est le premier servi, on a
bien l'impression qu'il n'y a pas grand-monde qui va pouvoir se
prévaloir de cette politique de vente de maisons qui peuvent être
offertes au grand public. On se demande, si quelqu'un de l'extérieur du
territoire ou de l'intérieur de ce territoire veut avoir une maison,
comment il peut faire pour l'obtenir.
On écoutait l'émission de M. Pierre
Brien, hier, à la télévision où il disait
que les gens ont quitté volontairement le territoire. Comment peut-on
appeler "quitter volontairement le territoire" quand on a été
exproprié, quand on n'est plus propriétaire, quand on se fait
écoeurer continuellement par les nouvelles politiques
fédérales, par des chinoiseries continuelles? Comment peut-on
dire que l'on quitte volontairement le territoire?
Il disait aussi qu'il a reçu seulement douze demandes
d'expropriés qui ont voulu se prévaloir de leur droit. M. Fox ne
nous a jamais dit qu'il fallait écrire pour se prévaloir de son
droit. Je pense qu'ils ont offert à l'occupant, ils n'ont pas
demandé que l'occupant fasse une demande. Maintenant, ils vont nous
dire, sous prétexte que les expropriés n'ont pas fait de
demande... On attendait que cela nous soit offert, on attendait que les simples
règles de la moralité publique soient respectées dans ce
dossier, et sous ce prétexte que les expropriés n'ont pas fait la
demande, on ne leur offrira pas la maison. On trouverait que cela serait
exagéré. Encore une fois, cela serait à l'exemple de ce
qui s'est fait dans le passé.
Je vais vous lire la lettre qu'on a adressée à quelqu'un
qui demandait une maison: "Monsieur. Par la présente, nous accusons
réception de votre lettre du 24 novembre dernier nous faisant part de
votre désir d'acquérir l'une des propriétés
suivantes. "Nous devons, cependant, vous informer que l'honorable Francis Fox
annonçait, le 28 mai 1982, que les propriétés inscrites au
programme de vente seront offertes d'abord aux occupants actuels, ensuite aux
anciens propriétaires et, en dernier lieu, au grand public. "En ce qui a
trait aux demandes provenant du public en général, groupe dont
vous faites partie, aucune préséance ne peut donc être
accordée tant que la décision finale de l'ancien
propriétaire de la propriété que vous désirez n'est
connue. "Nous regrettons donc de ne pouvoir acquiescer à votre demande
actuellement. Cependant, nous la retenons et le moment venu - et c'est
souligné - sans obligation de notre part, nous recommuniquerons avec
ceux qui nous ont manifesté leur intérêt sur cette
même propriété, sur la base du "premier arrivé,
premier considéré". "Nous sommes, par ailleurs, à votre
disposition, si de plus amples informations vous étaient
nécessaires. Et, c'est signé: Claude Vermette, directeur des
ventes."
En ce qui concerne le volet des ventes résidentielles, je pense
que je peux conclure, à moins que vous ayez des informations à me
demander.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M.
Bouvette.
M. Bouvette: Peut-être une question de procédure. Je
ne sais pas si vous préférez qu'on aborde chaque point et qu'il y
ait une question ensuite après chaque point ou si vous
préférez qu'on aborde le tout et qu'il y ait des questions
à la fin? Nous sommes à votre disposition.
Le Président (M. Bordeleau): Je préférerais,
à moins que les membres de la commission s'y opposent, que vous donniez
les informations que vous voulez nous donner. Il y a toujours une question de
temps aussi. Je ne voudrais pas vous donner de limite mais nous avons d'autres
personnes à entendre. Après, nous pourrions procéder aux
questions venant des deux côtés, des deux partis.
M. Bouvette: Alors, nous continuons.
Mme Lafond: Je continue maintenant pour le volet agricole. On ne
connaît pas les modalités du volet agricole. Il a
été question, au début, d'une rencontre qui devait avoir
lieu avec la société immobilière, le 25 janvier, si je me
souviens bien. C'était supposé être des nouvelles
consultations. Cela aurait été la première fois, si l'on
excepte la rencontre des audiences bidons qui ont eu lieu en septembre 1981,
qu'on pouvait avoir la chance de rencontrer tout le conseil d'administration.
À ces rencontres, la chambre de commerce a été
invitée, le groupe Allan, qui représente un maximum de dix
personnes - mais on n'a jamais été capable de le prouver, parce
qu'ils n'ont jamais rendu leur liste publique et n'ont jamais fait
d'assemblée publique - et, il y avait l'UPA, le syndicat de la
fédération qui avait le droit d'inviter le syndicat local.
C'est-à-dire qu'il devait transmettre l'invitation au syndicat local de
Sainte-Scholastique. Quant au CIAC, il n'était pas invité. (12
heures)
À des journalistes qui ont posé la question, ils ont dit
que c'était parce que le CIAC fait partie de l'UPA. Quand on a
demandé que tout le conseil d'administration de l'UPA soit
présent à cette rencontre, ils ont accepté cette
condition. On a demandé que M. Ryan soit présent à cette
rencontre parce qu'on avait vraiment l'impression que cela allait être
une seconde rencontre bidon et on voulait avoir quelqu'un. Nous autres, quand
on dit quelque chose, ça peut paraître charrier, mais on pensait
que M. Ryan avait suffisamment de crédibilité pour apporter une
note sérieuse dans cette rencontre. Ils ont refusé la
présence de M. Ryan. Les administrateurs de l'UPA ont
décidé de se rendre quand même à la rencontre pour
ne pas avoir l'air d'être de mauvaise foi. Ils ont
eu le malheur de vouloir amener la permanente et le consultant de l'UPA,
M. André Bouvette. Le conseil d'administration, le syndicat local et la
fédération ont refusé de les rencontrer. Donc, la
rencontre qui devait avoir lieu le 25 janvier n'a pas eu lieu.
De toute façon, on avait, au départ, beaucoup de doutes
sur cette rencontre. D'abord, parce que le programme résidentiel
était déjà en partie consommé.
Deuxièmement, parce qu'on avait déjà
commencé à démembrer les fermes dans le territoire
à revendre. Là-dessus, j'aimerais que M. Raymond parle du
démembrement des fermes qui est déjà fait avant la
consultation sur les ventes de fermes.
M. Raymond: Voici...
Le Président (M. Bordeleau): M. Raymond.
M. Raymond: Je voudrais souligner un point de la rencontre qui
devait avoir lieu et qui n'a pas eu lieu à cause du refus d'accepter la
présence de notre permanente et de notre consultant. La
société a envoyé un communiqué aux journaux que
j'ai trouvé particulièrement dégueulasse. Est-ce qu'on a
ce document?
Une voix: Oui.
M. Raymond: Je demanderais que Mme Lafond fasse les commentaires
sur ce communiqué. J'ai trouvé cela épouvantable.
Mme Lafond: Je ne donnerai pas les commentaires, je vais vous
laisser les faire. C'est le communiqué qui a paru après
l'échec de cette rencontre-là qui a été
donné aux journaux: "Consultation sur la vente de
propriétés à Mirabel. Le groupe ALARM et la Chambre de
commerce de Mirabel ont présenté les vues de leurs membres. L'UPA
a préféré se désister de son engagement à
collaborer. "Mirabel, 26 janvier 1983. La Société
immobilière du Canada Mirabel Limitée annonçait, il y a
quelques semaines, qu'elle consulterait les organismes locaux directement
impliqués dans les domaines de l'agriculture et des affaires sur les
modalités des volets agricole et commercial du programme de vente des
propriétés du territoire de Mirabel. Ces rencontres de
consultation, prévues pour les 25 et 26 janvier, viennent effectivement
d'avoir lieu. Ainsi, cinq directeurs de l'Association des locataires
agriculteurs de la région de Mirabel, ALARM, et huit directeurs de la
Chambre de commerce de Mirabel ont pu présenter les vues de leurs
membres dans le domaine les concernant respectivement. Une discussion ouverte
avec les membres du conseil d'administration de la société a
ensuite suivi ces présentations. "Les dirigeants de l'Union des
producteurs agricoles, région des Laurentides et syndicats de base de
Sainte-Scholastique, qui avaient également été
conviés à cette consultation, ont, pour leur part,
décidé de ne pas représenter leurs membres. Leurs 22
directeurs ont en effet préféré boycotter la consultation
pour des raisons de procédure. Alors qu'il avait été
officiellement convenu par cet organisme et la société que la
rencontre aurait lieu entre les membres de leur conseil d'administration
respectif, l'UPA a décidé de ne pas respecter cette entente
préalable en voulant imposer à la dernière minute la
présence d'autres personnes non élues à son conseil. Ces
personnes vivent à l'extérieur du territoire
périphérique de Mirabel et n'exercent pas le métier
d'agriculteur. Comme le but de la rencontre était de consulter les
professionnels de l'agriculture, non des professionnels de l'agitation sociale,
et que la société ne peut accepter la participation de ces
personnes supplémentaires, puisque les mêmes règles du jeu
ont été acceptées et respectées par les autres
groupes invités, l'UPA s'est désistée de son engagement
à collaborer. "La société immobilière avait
déjà rencontré, à plusieurs reprises, les
dirigeants de l'UPA régionale et locale pour obtenir leurs vues sur la
vente en milieu agricole, lors d'une rencontre en septembre 1981, au
siège social même de l'UPA à Saint-Eustache, lors des
audiences publiques sur l'avenir du territoire de la société, que
la société a ensuite tenues en septembre 1981, et lors d'une
autre rencontre subséquente, en octobre 1981, à
Sainte-Scholastique. La société considère toutefois
déplorable que l'UPA ne se soit pas prévalue de cette autre
possibilité qui lui était offerte par la société
à l'effet de faire entendre la voix de ses membres et ce,
particulièrement au moment où le programme de vente en milieu
agricole est sur le point de débuter. Toujours intéressée
à connaître l'opinion de l'UPA à cet effet, la
société a cependant recommuniqué aujourd'hui avec son
président régional, M. Jean-Paul Carpentier, afin de lui
signifier qu'elle était immédiatement prête à
recevoir un document contenant ses recommandations. "En effet, le programme de
vente ne devrait pas être retardé indûment car plusieurs
agriculteurs ont exprimé le souhait d'acquérir leur ferme et la
nécessité de débuter au plus tôt les
démarches, soit avant que l'intensité de l'activité
agricole ne reprenne. Les agriculteurs ne doivent donc pas être
brimés de ce droit. C'est, d'ailleurs, dans cette optique que, suite aux
consultations qui viennent d'avoir lieu, le conseil d'administration de la
société est déjà en train de poursuivre
l'étude des
modalités d'application du programme de vente en milieux agricole
et commercial pour en arriver à des décisions finales
incessamment."
Je reviens sur les points qui ont été exposés,
d'abord sur les consultations précédentes. Quand ils disent que
la société avait déjà rencontré à
plusieurs reprises les dirigeants de l'UPA régionale pour obtenir leurs
vues sur la vente en milieu agricole lors d'une rencontre en septembre 1981, on
parle des audiences de septembre 1981. Pour l'autre, en septembre 1981,
Jean-Pierre Goyer doit se prendre pour la société au complet
parce que celui-ci nous a rencontrés à quelques reprises et
chaque fois pour nous dire qu'il ne voulait pas négocier avec un groupe
mais avec des individus.
Une autre rencontre subséquente en octobre 1981 était pour
nous faire comprendre après les audiences - tous les groupes qui ont
été invités, on a été chanceux de pouvoir se
lever une fois et on s'est fait rasseoir rapidement - que, malgré les
recommandations des audiences de rétrocéder 80 000 acres, la
carte, des contraintes, ainsi que tout ce qu'il pouvait y avoir les
empêchaient de suivre les recommandations faites aux audiences de 1981.
Cela a été les seules rencontres.
Les audiences sont devenues des audiences bidons qui ont
été convoquées à la dernière minute et dont
on n'a pas tenu compte, sauf peut-être des recommandations d'ALARM et
l'autre pour nous dire qu'ils ne pouvaient pas tenir compte de nos
recommandations. Les autres se faisaient avec Jean-Pierre Goyer qui ne faisait
qu'essayer de démolir le groupe chaque fois qu'on le rencontrait.
Je ne sais pas s'il y a des questions là-dessus ou si vous aimez
mieux que je continue?
M. Raymond: On était rendu aux résidences de ferme
et je voulais compléter. M. le Président a manifesté le
désir qu'on continue et que les questions viennent plus tard.
Dans les résidences de ferme, on trouve déplorable que la
société ait appliqué son programme de revente. Dans les
parties revendues ou rétrocédées de Saint-Hermas,
Saint-Benoît et Sainte-Scholastique, il y a des résidences de
ferme qui sont vendues à des gars de la ville, à des gens qui ont
une occupation autre qu'agricole.
Normalement, en milieu rural, quand un ferme se vend, elle se vend avec
la résidence. Si c'est une ferme d'agrandissement, la ferme devient
assez considérable que la résidence peut être
utilisée pour les employés de ferme et, si c'est une telle ferme,
le fils ou les enfants du fermier peuvent occuper la résidence. Cela
veut dire qu'en milieu rural, quand un résidence de ferme devient libre,
c'est par accident, c'est parce que celui qui achète la ferme a des
enfants qui ne sont pas assez âgés pour se marier et occuper la
résidence. Là, elle est louée pendant quelques mois et des
fois quelques années à des gens qui travaillent dans l'industrie
ou ailleurs.
Ce qui est arrivé à Mirabel, c'est qu'on a
exproprié 878 fermes à l'extérieur du territoire
opérationnel et cela a eu comme résultat que pratiquement la
moitié des cultivateurs ont abandonné pour toutes sortes de
raisons. Ils ont acheté d'autres fermes ailleurs et cela a eu comme
résultat que 50% des résidences de ferme ont été
libérées de leur occupants et ce sont des gens de la ville,
peut-être des fonctionnaires... On n'a pas fait toute la classification,
mais ce ne sont absolument pas des gens reliés à
l'agriculture.
On a procédé au programme de revente et ceux qui n'avaient
jamais été propriétaires et qui s'adonnent à
être dans ces résidences de ferme, on est en train de
procéder à la vente de la résidence de ferme. Nous
protestons énergiquement, nous trouvons cela aberrant. Il y a des
résidences entre la grange ou les hangars ou les remises où on
taille un carreau sous prétexte que la Loi sur la protection du
territoire agricole permet de détacher un demi-hectare. Là, on
plante des poteaux, des points de désignation, et on demande à la
ville d'accepter de faire un numéro de cadastre spécial pour
pouvoir les revendre. Nous, comme cultivateurs, on est obligés
d'attendre que le programme de vente des fermes soit mis en place. Il devrait
commencer à la fin de février ou au début de mars. Puis,
on va se ramasser avec des fermes décapitées parce qu'il n'y aura
pas de maisons à vendre; elles auront été vendues.
Cela nous cause un problème énorme. On demande au
gouvernement du Québec d'essayer de faire quelque chose. On est
allés rencontrer les représentants de la ville de Mirabel, mardi
soir, à l'assemblée du conseil. Tous les conseillers ainsi que le
maire se sont prononcés complètement et totalement contre cette
manière de procéder dans la vente des maisons de ferme. À
ce moment-là, des journalistes ont interrogé M. Brien, le
vice-président exécutif de la SIC, et ce dernier a donné
comme réponse - c'est ce que j'ai pu constater dans les journaux -que
c'est pour protéger les fermes qu'ils vendent les résidences. Il
dit que pour un cultivateur qui a trois ou quatre fermes, à ce
moment-là, s'il fallait qu'il garde les maisons sur les fermes, cela
aurait comme résultat de démembrer les unités de
production. Donc, son concept, c'est de vendre les résidences pour
pouvoir protéger les fermes. Je trouve cela absolument aberrant. C'est
dommage qu'on n'ait pu lui parler pour lui dire: Écoutez! Vous
êtes en
train de faire un gâchis.
Il ne faut pas se conter des peurs. Dans une paroisse comme
Saint-Hermas, on a détruit une soixantaine de résidences, soit
dans le village ou dans les rangs. Parmi les maisons qui restent, il y en a la
moitié dans les campagnes qui sont habitées par des gens qui ont
d'autres occupations que celles d'un cultivateur. Alors, il ne nous reste plus
que 50%. Personnellement, j'aurais besoin de maisons pour mes fils. Si on ne
fait pas quelque chose, nos fils vont être obligés d'aller rester
dans les villes et venir travailler sur la ferme. Les gars de la ville vont
être dans les maisons de ferme et ils vont aller travailler en ville. On
est rendus là. Je trouve cela épouvantable. Essayez de nous
protéger, essayez de faire quelque chose. C'est un massacre pour les
générations futures. On va être pris avec un gars - ce peut
être des bons gars...
C'est assez délicat, vous savez. Personnellement, si je vais
engueuler le gars à qui ils vont vendre la maison en lui disant: Tu n'as
pas d'affaire à l'acheter, etc., je vais être poigne pour vivre
avec lui et je vais être obligé de faire le tour de sa
résidence. Ensuite, il y aura plus. Quand on piquette, au point de vue
de l'arpentage, quand on plante des bornes, pour avoir un demi-hectare, on
plante des bornes à sept pieds de la grange. Le gars pourra juste ouvrir
ses portes de grange, mais s'il pose une clôture, il ne pourra pas
rentrer dans la grange ou il faudra qu'il fasse des portes au bout de la
grange. Ensuite, il y a des garages aussi qui sont juste à deux pieds.
Le gars va pouvoir passer à pied à côté de la
clôture pour aller à son garage. Il y a aussi des champs
d'épuration. En tout cas, nous, on appelle cela des puisards. À
ce moment-là - c'est assez grand un demi-hectare - le type se ramasse
avec le puits sur la ferme et le puisard, alors là, à ce moment,
si la chicane "pogne" pour vrai, que c'est bien compté, le gars va
être pris... En tout cas...
M. Bouvette: Est-ce que je peux ajouter une chose
là-dessus?
M. Raymond: Oui, oui.
M. Bouvette: J'ajouterais juste une chose là-dessus, si
vous permettez, M. le Président. C'est que sous prétexte
d'utiliser un article de la loi sur le zonage agricole qui permettait à
ceux qui, avant 1978, avaient construit de pouvoir détacher cette
résidence, sous prétexte d'utiliser cela, le gouvernement
fédéral a fait refaire des arpentages sur un demi-hectare pour
détacher des fermes les résidences. Comme ce demi-hectare n'avait
pas, dans beaucoup de cas, de tracé logique, ils ont refait de nouveaux
tracés qui sont absolument ridicules. Comme le dit M. Raymond, une
partie du champ d'épuration se retrouve chez l'agriculteur, une partie
du puits... à un moment donné, c'était le puits qui
servait de référence. On faisait un tracé d'un
demi-hectare autour du puits. (12 h 15)
Ce qui arrive, c'est que le type avait un jardin jadis à
côté de sa résidence. Maintenant, il n'y a plus de jardin
parce que le demi-hectare ne le lui permet pas d'avoir son puits. C'est une
incohérence totale. Tantôt on invitera l'Assemblée
nationale à prendre position sur une des demandes du CIAC, à nous
aider sur ce point, à empêcher ce démembrement des fermes.
Tout agriculteur ou toute personne qui connaît l'agriculture, ce qui ne
semble pas être le cas de M. Brien, ne peut tolérer un
démembrement semblable des fermes à Mirabel.
M. Raymond: À ce moment-ci, si ce n'était qu'un cas
isolé, on pourrait dire que le CIAC ou l'UPA font du charriage, mais
c'est 50% des fermes qui se trouvent... Seulement dans le rang - j'ai
demandé au directeur de l'UPA - de Saint-Vincent je pense qu'il y a une
vingtaine de résidences de fermes qui se trouvent mises en vente. Dans
un cas, on avait fait un reportage pour une émission de
télévision. Un M. Lalonde veut racheter sa ferme, mais il y a une
personne qui est dans la résidence et là ils sont en train de
vendre la résidence et lui, M. Brien, a dit: II n'aura qu'à se
rebâtir. On va lui revendre sa ferme et il n'aura qu'à se
rebâtir une autre maison. Il va avoir le gars dans les jambes. En tout
cas, je trouve cela épouvantable. S'il y avait quelques cas qui
mériteraient d'être revendus en milieu rural, il faudrait que ce
soit jugé au mérite et il faudrait que ce soit fait d'une
manière très prudente. Je ne voudrais pas insister plus que cela.
Qu'on passe à d'autres...
Mme Lafond: Je reviens à d'autres volets agricoles. Voici
ce qui se fait présentement. Le bail de 23 mois qu'il faut signer,
même si on est dans le territoire à rétrocéder, je
vous ai parlé du délai qu'on avait pour le signer. Il faut le
signer bien des fois plusieurs jours avant de l'avoir reçu. Dans cela,
il n'y a aucune négociation possible. On signe le bail tel qu'on le
reçoit avec la clause des pancartes, avec l'augmentation, avec toutes
les conditions qui sont là, ou on les informe qu'on part. Donc, on les
informe qu'on signe le document ou on les informe qu'on quitte la terre. C'est
la seule chose possible. Plusieurs agriculteurs ont tenté d'aller
négocier. Il est absolument impossible de négocier les conditions
de ce bail. À Mirabel, tous les agriculteurs et tous les
résidents, tous les locataires résidents doivent payer leurs
taxes comme s'ils étaient des propriétaires. Il y a des
agriculteurs qui
ont payé trop cher de taxes, comme celui qui a payé 700 $
de trop en taxes, parce que cela a été une erreur de
réclamation de la part de la société immobilière.
C'est inscrit dans le bas que la société doit 700 $ à
l'agriculteur, mais on lui dit qu'on remboursera les taxes quand il aura
signé le bail. De plus, il est entendu que pour avoir droit au programme
de revente, il faudra être en règle avec la société.
Il y a des menaces écrites; c'est écrit sur certaines lettres
qu'il est bien entendu qu'il faut être en règle avec la
société pour avoir droit d'acheter, et il y a des menaces
verbales qui se font par téléphone, par des fonctionnaires qui
appellent les gens et leur disent: Si vous ne signez pas le bail, vous serez
les derniers à qui on offrira la maison, on ne vous l'offrira pas, ainsi
de suite. Donc, cela est accompagné de menaces.
En même temps, il y a le bail de 25 ans qui est en train de se
préparer, alors que M. Brien annonçait, encore hier soir, que sur
les 50 000 acres, s'il y avait un programme qui était fait par le
provincial sur la protection aéro-portuaire, ils pourraient
rétrocéder, mais leur bail de 25 ans est prêt. Ils nous
consultaient, la semaine passée, pour parler des politiques futures;
leur bail de 25 ans est prêt et ils sont prêts à annoncer
les modalités, c'est ce que M. Pierre Brien disait. C'était cela
leur genre de consultation.
Si on parle de cadastre, on a un exemple ici, il y a 16 pages de
description géodésique pour décrire la ferme que louent
deux frères à Sainte-Scholastique. Il y a 16 pages juste pour
décrire les titres. M. Hermann Mathieu en a demandé une copie, on
vous en laissera une copie. C'est la description géodésique,
qu'ils appellent. C'est aussi leur façon, comme M. Raymond l'a dit, de
démembrer les terres. La priorité étant accordée
à l'occupant, il y a bien des fois un occupant dans la résidence,
un occupant dans la grange, ce qui est différent, et, souvent, deux ou
trois occupants sur la terre qui sont différents. Vous imaginez le beau
chambardement de cadastre qu'on fera. On a une demande très formelle de
revenir à l'ancien cadastre de 1969, lequel a été
étudié et repoli après souvent bien des problèmes
de générations, des chicanes de clôture ou des chicanes de
droit de passage, je pense que le casdastre, en 1969, était un cadastre,
comme partout ailleurs, qui avait été recorrigé au cours
des années. Là, ils sont en train de nous faire un
démembrement qui créera des problèmes pour les
générations futures et qui causera sûrement beaucoup de
procès, beaucoup de chicanes, comme il a pu en exister par le
passé. D'ailleurs, déjà présentement, il y a un
agriculteur à qui on n'a pas loué le boisé, on l'a
loué à un voisin. On a donné le droit de passage à
son voisin; le type passe dans la luzerne, il passe n'importe où, fait
des dommages considérables au terrain de l'agriculteur. L'agriculteur
est chez lui, il a été exproprié inutilement et dans un
territoire qui est dans une extrême limite, il n'y a aucune raison pour
l'avoir exproprié. Il se fait d'ailleurs un développement
résidentiel très proche de cela. Cet agriculteur voit son
boisé qui est en train de disparaître et, un jour, il aura
à racheter ce boisé qui est en train de disparaître, en
subissant tous les dommages que le voisin lui fait.
Si on parle de la présence fédérale de la SIC sur
le territoire... La SIC avait un mandat très clair, soit de consulter la
population pour que la rétrocession se fasse dans l'harmonie. Il n'y a
jamais eu de véritables consultations. Il n'y en a même pas eu du
tout puisque les audiences ont été seulement pour nous expliquer
qu'il fallait rejeter nos recommandations. Je vous ai déjà dit
que la rencontre du 25 janvier n'a pas eu lieu et, de toute façon, on
n'avait absolument pas confiance en cette rencontre. Au départ, le fait
qu'ils n'aient pas invité le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation du Québec qui aura à payer
les frais de cette relance agricole et de cette rétrocession, le fait
qu'ils n'aient pas invité le député du comté et le
CIAC, cela nous expliquait grandement que, s'ils avaient invité l'UPA,
c'est parce qu'il n'y avait vraiment pas moyen de faire autrement et que
c'était seulement pour sauver la face, pour dire qu'il y avait eu des
consultations.
Le dialogue de la SIC, depuis qu'elle est sur le territoire,
était dans les journaux Le Bulletin de la SIC. J'aimerais que quelqu'un
puisse avoir le temps de faire l'analyse de ces journaux. Ce que vous y voyez,
le grand pourcentage de pages, c'est pour dire: On est absolument indispensable
sur le territoire; on est très positif; on fait de l'aménagement,
des pistes de ski; on fait un festival western; on fait des carnavals d'hiver;
on implante des industries. On aimerait que quelqu'un de scientifique -parce
que, si on vous le dit, cela n'a pas l'air scientifique - fasse l'analyse de
ces bulletins pour regarder, d'abord, combien de personnes reviennent
continuellement sur les photos; ce sont toujours les mêmes: ALARM revient
continuellement et, comme ils sont très peu nombreux, cela fait
très peu de personnes; vous avez les gens de la SIC et le
député Robert Gourd; c'est à peu près les personnes
qui reviennent sur cela. J'aimerais aussi qu'on voie, parmi toutes les
entreprises que la SIC a faites sur le territoire, combien ont fait faillite
depuis.
M. Bouvette: M. le Président, vous permettez que j'ajoute
quelque chose sur ce dossier?
Le Président (M. Bordeleau): M.
Bouvette, s'il vous plaît!
M. Bouvette: On vient de faire état du bulletin de la
Société immobilière du Canada qui traite des
réalisations de la société. Un exemple, ici on voit, sur
ce journal Le Bulletin: "Le festival la Mirablière, cela marche en
sirop." C'est bien, c'est une de leurs réalisations: la
Mirablière.
Je vais vous lire autre chose, un document qu'on pourra déposer
devant cette commission. C'est un document qui a été
déposé au greffe de Terrebonne. "La soussignée,
Société immobilière du Canada Mirabel Ltée,
constituée en société en vertu de la Loi sur les
sociétés commerciales canadiennes, certificat no 112401, en date
du 9 avril 1981, ayant son siège social au 9850, rue
Belle-Rivière à Sainte-Scholastique, Mirabel,
représentée par Mme Sylvie Boivin, secrétaire dûment
autorisée aux présentes en vertu d'une résolution du
conseil d'administration adoptée le 17 février 1982, dont copie
certifiée est annexée à la présente
déclaration... ce qui suit est important - ..."certifie, par la
présente, qu'elle entend faire affaires sous les nom et raison sociale
de la Mirablière Enregistrée, à Mirabel, à compter
du 5 février 1982."
Donc, la Société immobilière "entend faire affaires
sous les nom et raison sociale la Mirablière Enr., à Mirabel, en
foi de quoi, la comparante signe à Sainte-Scholastique, le 18
février 1982." Donc, c'est la société immobilière
elle-même qui est la Mirablière. Et là, on s'annonce. "Le
festival de la Mirablière, ça marche en sirop!" Ce sont leurs
réalisations. Ce sont eux-mêmes qui se réalisent.
Mme Lafond: Si je retourne la page du journal, Fertox est en
faillite.
M. Bouvette: Une autre chose. Qu'on passe Fertox une de leurs
réalisations, mais c'est en faillite déjà depuis un
moment.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Raymond.
M. Raymond: Oui, si je peux compléter. Quand ils disent
qu'il y a des groupements positifs, actifs dans une chose, et que nous sommes
négatifs, vous savez, ils emploient cela. Ensuite, ils écrivent
que cela marche en sirop et dans d'autres bulletins aussi, on dit que c'est le
paradis des érables, Sainte-Scholastique-Mirabel. On présente un
bail. Est-ce que vous avez le bail de huit mois? On présente le bail des
érablières, dont la durée est de huit mois. Il commence le
1er mars et il finit le 31 octobre 1982. Si quelqu'un, un locataire qui est
cultivateur se trouve à laisser quelque chose dans la cabane, cela
devient automatiquement la propriété du locateur, de la
société.
Ceux qui sont habitués aux règles courantes de
fonctionnement savent que dans une érablière avec une cabane
à sucre, il y a l'évaporateur, la tubulure, le bois qui doit
être préparé et entreposé... Dans le bulletin, on
nous vante que c'est une affaire épouvantable, comme cela marche et que
les érablières sont belles. D'un autre côté, on a un
bail de huit mois pour fonctionner. S'il n'y en avait qu'un, mais c'est courant
d'offrir des baux de huit mois. Il n'y a personne au monde d'asez insignifiant
pour essayer de fonctionner avec un bail de huit mois dans une
érablière. Pourquoi on nous donne cela? C'est pour essayer de
nous placer dans l'illégalité. Le type qui se trouve à
avoir laissé son bois dans l'érablière, qui a son
évaporateur dans la cabane et sa tubulure, si, au bout de huit mois, il
n'a plus le droit d'y aller parce que le bail est fini; à ce
moment-là on peut confisquer son matériel. Le type va être
obligé de faire des procès pour venir à bout de le sauver.
Je trouve que c'est une pratique très déplorable.
Personnellement, je trouve que c'est du vice, comme cultivateur, de se faire
mettre sous le nez un bail semblable. On peut le déposer pour
consultation. Ensuite, le "paradis de l'érable" pourrait
peut-être, selon les bulletins...
M. Bouvette: Juste un mot là-dessus, si vous me le
permettez encore une fois. C'est que la société
immobilière a une tactique -et si on avait des débats
télévisés, ce serait intéressant que la population
en soit informée d'une façon générale d'information
qui consiste à s'annoncer... Comme le disait M. Brien hier, ils ont
payé un publireportage de 6000 $ dans le Bulletin des agriculteurs.
Ensuite ils ont dit: Comme vous avez pu le lire dans le Bulletin des
agriculteurs, ça va bien à Mirabel. Alors, c'est une des
façons de procéder. On s'annonce et ensuite on dit: Comme vous
avez pu le constater... Ici, c'est la même chose. On annonce. On fait
paraître dans les journaux que la Mirablière est un succès
mirobolant et on apprend que la Mirablière est une
propriété de la Société immobilière du
Canada. C'est une façon de procéder que nous trouvons
déplorable. Ensuite on dit: Le groupe de citoyens, c'est un groupe de
gens négatifs. (12 h 30)
II est bien évident qu'on n'a pas les moyens de s'incorporer
comme ils le font et de se payer, à même les fonds publics, des
pages de 6000 $ de nouvelles. C'est simplement une campagne d'information que
la société immobilière mène et je crois que
n'importe quel citoyen honnête devrait pouvoir aisément, s'il en
avait l'information, détruire.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Garon: Pour bien comprendre, je ne veux pas remettre en
question l'ensemble de votre affaire mais juste une chose. Je n'avais pas
réalisé ce que vous disiez. Vous voulez dire que la
Mirablière...
M. Bouvette: C'est un autre nom...
M. Garon: C'est un autre nom de la Société
immobilière du Canada.
M. Bouvette: C'est cela.
Une voix: C'est une ramification.
M. Garon: C'est le gouvernement fédéral qui fait
concurrence aux propriétaires d'érablières avec ses
fonds.
M. Raymond: C'est cela.
M. Garon: Ils font de la publicité avec leur journal.
M. Bouvette: C'est cela.
M. Garon: Je suis un peu estomaqué.
M. Bouvette: On a réussi à mettre la main sur cette
copie, au greffe. On ne sait pas quelles autres réalisations... On n'a
pas les moyens d'enquête qu'ils peuvent avoir par exemple. Nous avons
trouvé par hasard cette incorporation. Combien d'autres incorporations
peut-il exister sur les oeuvres de la SIC? Il serait intéressant...
Mme Lafond: Le problème là-dessus, c'est qu'il y a
très peu de producteurs qui entrent dans le jeu de la SIC. Il s'est
trouvé qu'il y avait quelques producteurs d'érablières et
je pense qu'on ne les a pas informés que la Mirablière
appartenait à la SIC. Si le groupement de l'UPA et du CIAC était
moins fort à Sainte-Scholastique, si on convainquait quatre ou cinq
producteurs de fraises de produire des fraises et donner des profits à
la SIC, on pourrait faire une "mirafraisière" et la même chose
avec des vaches, on pourrait faire des "miravachières" parce que ce
qu'ils veulent, en fait, c'est d'avoir des profits sur l'agriculture à
Mirabel.
M. Raymond: Je voudrais compléter. Dans le Bulletin des
agriculteurs on a fait paraître un reportage - c'est écrit en
petit dans le coin - et on commande des enquêtes comme celles de SORECOM
où on dit que tout va bien à Mirabel, qu'on a quelque chose de
très intéressant, qu'il y a moins de faillites à Mirabel.
On dit qu'il y a moins de cultivateurs qui ont abandonné l'agriculture
depuis 1976 qu'ailleurs dans la province.
Je sais très bien que lorsque je lis des choses comme cela,
commandées par SORECOM et publiées par la SIC, ce qu'ils disent
est vrai. C'est impossible qu'il y ait moins de départs de cultivateurs
à Mirabel dans certains secteurs parce qu'il n'y en a plus. Vous arrivez
dans la Côté des Saints, il n'y en a plus que 3, il ne peut pas en
partir beaucoup. Vous arrivez dans la Côté Saint-Louis, il n'y en
a que deux ou trois aussi. Il y a moins de cultivateurs qui lâchent et
c'est normal, ils les ont envoyés avant 1976. Ensuite ils nous annoncent
que ça va bien à Mirabel, il n'y a plus de cultivateurs qui
lâchent. Tu ne peux pas mourir deux fois.
M. Bouvette: On dépose le reportage de la SIC sur lequel
ils se basent pour dire: À Mirabel, une agriculture plus saine et plus
prospère qu'on ne le croit.
Mme Lafond: Si je reviens à...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, Mme Lafond.
Mme Lafond: ...la publicité que la société
immobilière veut faire et qui démontre bien quel est son
véritable mandat sur le territoire, c'est de durer le plus longtemps,
c'est de s'infiltrer dans la population. Pour essayer de discréditer la
population, l'accent est mis sur: "La société s'associe aux
agents positifs du milieu". Tout ce qui est avec eux est positif et tout ce qui
est contre eux est négatif. C'est un langage qu'on entend
régulièrement sur le territoire.
Pour que la société arrive à ses fins,
c'est-à-dire de s'implanter pour le plus longtemps possible sur le
territoire, il faut détruire le groupement qui, en passant, devient de
plus en plus fort à cause justement des attitudes de la SIC. On peut
résumer cela par trois pages dans leur bulletin: On fait du
développement sur le territoire. On est des gens positifs et les gens
qui ne s'associent pas avec nous sont négatifs.
En première page vous avez: M. Raymond est à la fois
outré et intéressé. Pourquoi M. Raymond est-il à la
fois outré et intéressé? C'est parce que quand l'annonce
de rétrocession est parue on s'est mis à faire de gros
ménages dans les maisons et M. Raymond a dénoncé le fait
qu'on fasse de gros ménages chez les agriculteurs ou ailleurs et
qu'ensuite les gens ne soient pas capables de racheter les maisons parce que
ça coûte très cher, ça peut être quatre ou
cinq fois le prix de ce que cela coûte quand c'est fait par
l'administration fédérale, les ménages à Mirabel.
M. Raymond demandait qu'on cesse cela et qu'on laisse les gens acheter la
maison telle quelle et faire leur
ménage. M. Raymond est censé être en conflit
d'intérêts parce qu'il a, premièrement,
dénoncé le fait qu'on faisait ces ménages et,
deuxièmement, demandé d'habiter une maison qui était
barricadée sur une terre louée. Là, il dit: "Quand on
prêche contre le système, mais qu'on tente aussi d'en profiter..."
Il y a des lettres qui en disent long. Vous pourrez lire toutes ces lettres. Au
bas, ils disent: "Quand ses propres intérêts passent au-dessus des
intérêts politiques." C'est la deuxième maison d'une terre
louée que M. Raymond demande. Elle lui a toujours été
refusée. Son fils demeure en dehors du territoire et il vient faire de
l'agriculture chez lui et ce n'est pas le seul fils qui fait cela.
Aujourd'hui, le problème, c'est celui de la relève. On est
rendu à la relève. Il y a beaucoup de jeunes qui viennent
à nos assemblées maintenant parce qu'ils sont pris aux tripes,
eux aussi, par ce problème. Ils ne veulent pas hériter de ce que
leurs parents ont eu depuis quatorze ans. Ils exigent de mettre fin à
cette tutelle, mais on fait face à ces problèmes. Quand un fils
d'agriculteur vient à bout d'avoir une maison dans le voisinage - il y
en a un qui a eu un bas; le haut est occupé; il a réussi à
avoir le bas -c'était 300 $ ou 350 $ et, si cela ne fait pas ton
affaire, tu t'en vas. Cela allait bien autrefois, les prix étaient bas.
On pouvait vanter les bas prix des loyers, mais, aujourd'hui, c'est fini.
Le Président (M. Bordeleau): Mme
Lafond.
Mme Lafond: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): Un instant. Je voudrais
simplement vous poser une question. Avez-vous des recommandations à
faire à la commission?
Mme Lafond: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): Je ne veux pas vous enlever
la parole, mais...
Mme Lafond: D'accord.
Le Président (M. Bordeleau): ... on pourrait s'entendre
sur l'heure où on pourra aller dîner tantôt et sur la
période des questions qu'il y aura pour les membres de la
commission.
Mme Lafond: On pourrait parler longuement de la SIC, mais on peut
aussi faire les recommandations tout de suite, si vous voulez. Je peux vous
lire les recommandations qu'on peut faire. On part de plusieurs attendus. S'ils
n'ont pas été clairs, vous pourrez poser des questions. "Attendu
que les études qui ont précédé l'expropriation de
1969 apparaissent insuffisantes pour justifier la nécessité de 97
000 acres pour la construction de l'aéroport de Mirabel; "Attendu que le
ministère des Transports du Québec a fait la preuve technique que
80 000 acres ont été expropriées inutilement et que le
ministère des Transports du Canada n'a pas établi de contre
preuve à cet effet; "Attendu que le gouvernement fédéral
sait, depuis mars 1970 au moins, qu'il a exproprié inutilement un
minimum de 40 000 acres pour la construction de cet aéroport; "Attendu
que le seul motif invoqué par Sa Majesté la reine du chef du
Canada pour justifier cette vaste expropriation du 27 mars 1969 fut, dans les
documents officiels: "pour fins de travaux publics pour la construction du
nouvel aéroport international de Montréal"; "Attendu que cette
expropriation semble aller à l'encontre des droits du Québec par
rapport à l'intégrité de son territoire; "Attendu que
cette expropriation fut faite au détriment d'un des plus riches
territoires agricoles du Québec et que la conservation du potentiel
agricole de notre province demeure la responsabilité première du
Québec; "Attendu que les résultats de la gestion
fédérale démontrent amplement l'incompétence de ce
gouvernement pour gérer ce riche territoire agricole; "Attendu que le
gouvernement du Québec sera concerné de très près
par le prix à payer pour la relance de ce territoire agricole; "Attendu
que la SIC a suffisamment démontré sa mauvaise foi dans le
processus de consultation qui devait précéder la
rétrocession et dans le processus de rétrocession
déjà amorcé; "Attendu que la population concernée
par cette expropriation a largement subi les contrecoups de cette vaste erreur
de 1969; "Attendu que les règles de moralité publique ont
été et demeurent encore absentes dans ce dossier qui traîne
depuis 1969; "Nous demandons que le gouvernement de Québec exige la
tenue d'une enquête publique pour faire la lumière sur la gestion
des biens expropriés depuis 1969 et sur les modalités qui ont
cours dans le processus de vente des biens expropriés; "Nous demandons
que le gouvernement du Québec prenne immédiatement une injonction
pour arrêter le processus de vente des propriétés
expropriées tant qu'on n'aura pas l'assurance que les règles
élémentaires de la moralité publique s'appliqueront
à Mirabel; "Nous demandons que le gouvernement du Québec
participe à la mise sur pied d'un comité neutre qui, à la
suite d'une consultation véritable avec les organismes
représentatifs de la région, sera habilité à
favoriser une rétrocession harmonieuse (le comité pourrait
s'inspirer de la formule présentée par la SNQ lors des audiences
de la commission parlementaire où on demande la transparence); "Nous
demandons que le gouvernement du Québec exige la transparence dans le
processus de rétrocession des propriétés; "Nous demandons
que le gouvernement du Québec exige le retour au cadastre qui avait
cours lors de l'expropriation de façon à éviter la
confusion dans le processus de rétrocession; "Nous demandons que le
gouvernement du Québec, après avoir pris entente avec Travaux
publics Canada, décrète un zonage strict et permanent pour
favoriser la rétrocession des 50 000 acres supplémentaires non
requis pour fins aéroportuaires; "Nous demandons que le gouvernement du
Québec accorde une aide financière au CIAC afin que cet organisme
participe à la relance et à la réfection du tissu social
sur le territoire exproprié; "Nous demandons que le gouvernement du
Québec prenne les dispositions nécessaires, conjointement avec
les expropriés, pour que soit contestée l'expropriation des 80
000 acres qui ne serviront jamais à la construction de l'aéroport
international de Mirabel et que le gouvernement du Québec apporte les
appuis moraux, techniques et financiers qui seront exigés par cette
contestation et les travaux inhérents au processus de
rétrocession; "Nous demandons que les membres de l'Assemblée
nationale s'associent afin que nous assistions, dans les meilleurs
délais, à la fin de la tutelle, à la prise en main de
notre destinée, à la récupération de notre
dignité et à la conjonction de toutes nos énergies pour
que s'amorce une relance véritable du territoire de Mirabel. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme Lafond.
M. Bouvette: Est-ce que je peux déposer à la
commission ces demandes que vous pourrez consulter?
Le Président (M. Bordeleau): Oui, d'accord. On pourra les
distribuer aux membres sur recommandation. On peut procéder aux
questions des membres, M. le ministre? Si vous voulez commencer. Oui, c'est aux
recommandations.
M. Garon: Oui, ce serait peut-être bon, à ce
moment-ci, que je rende public, parce que j'attendais d'abord que M. LeBlanc me
réponde, mais comme M. LeBlanc a jugé bon de diffuser à
ses amis le télégramme que je lui ai envoyé au
début de décembre, je vais le lire et je vais ensuite en
distribuer des copies. J'écrivais, le 8 décembre 1982, à
M. LeBlanc, ministre des Travaux publics du Canada, Ottawa: "M. le ministre,
pour donner suite à notre rencontre de vendredi dernier, permettez-moi
de mieux préciser la nature de la demande que je vous ai formulée
verbalement au sujet des terres expropriées en trop de Mirabel.
Après avoir réexaminé la réglementation de
Transport Canada et en se basant sur l'objectif de remettre le maximum de
terres aux agriculteurs, je vous propose de former un comité de
fonctionnaires, dont le mandat sera d'analyser rapidement les aspects suivants:
Premièrement, le cadre réglementaire ou contractuel
régissant les contraintes reliées à l'aéronautique.
Deuxièmement, la superficie des terres dont le gouvernement
fédéral va se départir. Troisièmement, l'avenir de
certaines superficies de sol déjà affectées à
d'autres fins que l'agriculture sur le territoire exproprié en trop de
Mirabel: le parc industriel et commercial aéroportuaire Pica, le parc
industriel Mirabel sud, le parc industriel de Lachute, les carrières et
sablières. Quatrièmement, le financement des transactions portant
sur des exploitations agricoles. Cinquièmement, l'élaboration
d'un plan de rattrapage du développement de l'agriculture ainsi que la
remise en état du secteur résidentiel. Sixièmement, la
détermination des modalités de dispositions des terres
expropriées en trop: à qui vendre? La dimension des futures
exploitations agricoles. Les éléments de fixation des prix. La
dimension des futures exploitations agricoles. "Les discussions portant sur les
cinq premiers éléments de notre proposition de mandat doivent se
dérouler entre les représentants de Travaux publics Canada et
ceux du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation du Québec, cependant que l'élément 6 -
c'est l'élément à qui vendre, les prix et tout cela
-nécessite une approche basée sur les critères du ministre
et d'éthique pour les raisons que j'ai déjà
évoquées, je ne crois pas opportun que votre gouvernement soit
représenté par la Société immobilière du
Canada Mirabel Limitée. Les représentants du ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec qui
participent aux travaux de ce comité sont: M. Marcel Pelletier,
sous-ministre adjoint. M. Jean-Pierre Gagnon, attaché à mon
cabinet. (12 h 45) "Je propose que l'élément 6 soit
examiné par les membres d'un comité élargi comportant des
représentants du milieu ainsi que la participation de
personnalités qui n'ont aucun intérêt direct à
défendre dans ce dossier. Je propose à cet effet la participation
de Mgr Charles Valois, évêque de Saint-Jérôme, de M.
Paul Couture, ex-
président de la Confédération de l'UPA, de M. Jean
Laurin, maire de la ville de Mirabel, et de M. Paul Raymond, président
du Centre d'information et d'animation communautaire de Mirabel. Aucune de ces
personnalités n'a été informée de ma
démarche." On peut le demander à chacune. À part les
indiscrétions qui ont été commises par M. LeBlanc,
jusqu'à ce jour, je n'avais jamais dit à aucune de ces personnes
que je faisais cette proposition à M. LeBlanc, comme ministre des
Pêcheries. Je pensais que cela pouvait être en discussion entre
nous et, après cela, après entente, la rendre publique. Mais
comme il a jugé bon de commencer à la rendre publique, je
préfère rendre mes documents publics moi-même. "J'ose
espérer que les démarches que nous entreprendrons permettront
d'entrevoir un dénouement heureux aux problèmes des
expropriés de Mirabel. Je vous prie d'agréer, M. le ministre,
l'expression de mes meilleurs sentiments." Dans les circonstances...
Pardon?
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'il y a des
questions?
M. Garon: J'enverrai une copie à chacun. J'ai
présenté le document parce que je pense que les questions sur le
point 6: À qui vendre? La dimension des futures exploitations agricoles
et les éléments de fixation des prix, cela touche des gens. Ce
que j'ai défendu auprès de M. LeBlanc, c'est que ces questions
devraient être décidées de façon éthique, pas
bureaucratique. Je pense qu'il devrait y avoir des règles
d'éthique là-dedans. C'est pour cela que j'ai pensé
proposer pour ce comité des gens qui tiendraient compte des aspects
moraux ou éthiques de la chose. C'est la proposition que j'ai faite
à M. LeBlanc, le 8 décembre.
Le Président (M. Bordeleau): On en fera distribuer des
copies.
M. Garon: Je m'en garderai juste une.
Le Président (M. Bordeleau): Oui. Alors, est-ce qu'il y a
des questions des membres de la commission auprès du groupe qui est ici
devant nous? M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Beilefeuille: M. le Président, je voudrais remercier
les représentants du Centre d'information et d'animation communautaire
des renseignements supplémentaires qu'ils nous apportent aujourd'hui. Il
y a vraiment à boire et à manger dans ce qu'ils nous disent. Cela
trace un tableau assez dramatique quant au comportement de la
Société immobilière du Canada dans le territoire
exproprié. Je voudrais vérifier auprès de Mme Lafond. Si
j'ai bien compris, l'une des choses qu'elle nous a dites, c'est que la SIC
s'emploie, depuis la dernière séance de cette commission
parlementaire, à trouver de nouveaux occupants et que ces nouveaux
occupants se trouvent par conséquent à acquérir de ce fait
une espèce de droit par rapport au programme de revente. Est-ce bien
cela que vous nous avez dit?
Mme Lafond: Ce que j'ai dit, c'est...
Le Président (M. Bordeleau): Mme
Lafond.
Mme Lafond: ...qu'en décembre 1981, il y avait eu une
demande de moratoire, d'arrêter la location, d'arrêter de
créer de nouveaux droits. Il semble qu'on n'ait absolument pas tenu
compte de ce moratoire qui avait été accordé par le
ministre et que beaucoup de nouveaux locataires se soient implantés
depuis cette date. Ce sont des rumeurs, on ne peut pas le prouver. Il y a des
gens qui n'auraient jamais été locataires et qui seraient devenus
propriétaires tout d'un coup de la maison qu'ils n'avaient jamais
habitée. Mais je n'ai pas les noms là-dessus. Il semble que les
rumeurs soient fondées sur des faits assez...
M. de Bellefeuille: Je constate aussi que la SIC a une
très curieuse conception de son rôle par rapport à
l'information du public à partir de ce communiqué de presse
où on fausse les faits de façon grossière par rapport
à la rencontre avortée entre la SIC et l'UPA. C'est absolument
patent que la SIC fait de la distorsion absolument grossière de ce qui
s'est passé. Je trouve cela absolument révoltant. Il y a le
même genre d'attitude de la part de la SIC, dans son bulletin,
lorsqu'elle affirme que la Mirablière... C'est quoi? Cela va en sirop?
Alors que la Mirablière est la même entité juridique que la
SIC, le même tripotage des réalités à partir d'un
publireportage où on cherche à faire croire que tout va bien.
Nous avions déjà constaté, durant les
séances précédentes de la commission, qu'une des bases de
l'action de la SIC est de faire croire que tout va bien. Cette volonté
de faire croire que tout va bien continue de se manifester par des mensonges et
par des distorsions. Je vous avoue que j'ai du mal à réprimer une
horreur particulière de voir que ce sale travail est fait sur le
territoire par des gens qui s'appellent Goyer, Brien, Marinier ou Boivin. Cela
me scandalise profondément de voir qu'il y a des personnes canadiennes
francophones, peut-être des Québécois aussi, en même
temps, qui font ce sale travail pour le compte d'on ne sait trop quel
intérêt. Je me demande qui peut avoir intérêt
à continuer le viol du territoire de Mirabel.
Je me demande quels intérêts sont
servis dans cela. Ce n'est sûrement pas l'intérêt de
la population qui habite dans le territoire. Ce sont des intérêts
sur lesquels il faudra savoir mettre le doigt. Je ne sais pas si la commission
parlementaire est un instrument idoine - M. le député
d'Argenteuil, je choisis mes mots avec soin -approprié pour faire cette
espèce d'enquête, parce qu'il y a sûrement quelqu'un quelque
part qui a un intérêt à cacher et qui fait que cette action
se continue à la face du monde, alors qu'elle a été
maintes fois dénoncée. Mon collègue de Prévost me
demandait, en aparté, comment il se fait que les journalistes ne
dénoncent pas cela. Je lui répondrais que les journalistes ont de
nombreuses fois dénoncé cela depuis quatorze ans et que ce ne
sont pas les journalistes qui s'abstiennent de dénoncer; ce sont les
pouvoirs publics qui s'abstiennent d'agir.
Nous avons finalement décidé d'agir enfin et il y a
toujours Ottawa qui ne réagit pas comme il le faudrait. La SIC continue
à servir ses intérêts cachés, qui trouve avantage
à continuer la destruction du potentiel de production agricole de ce
territoire. Il faudrait que cette enquête se fasse là. Le CIAC
nous demande une enquête publique. Peut-être que cette
enquête publique pourrait effectivement révéler un certain
nombre de choses. D'autre part, le comité conjoint dont le ministre a
proposé à M. Roméo LeBlanc la mise sur pied pourrait aussi
être un instrument qui pourrait peut-être jeter la base d'une
action plus conjointe de la part de tous les intervenants. Mais tant que la SIC
a libre cours, il me paraît clair que cela va continuer comme c'est
lancé. Je trouve cela, je le répète, absolument
scandaleux. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le
député de Deux-Montagnes. M. le ministre, cela va? Alors, M. le
député d'Argenteuil.
M. Garon: Ah bon, seulement...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Garon: Quand le député de Deux-Montagnes a
employé le mot "idoine", le député d'Argenteuil a dit: Le
ministre n'a pas compris. Le député d'Argenteuil fait partie de
ces gens qui pensent qu'un ministre de l'Agriculture est nécessairement
ignorant. Je peux dire au député d'Argenteuil que j'ai
peut-être traîné plus longtemps sur les bancs de
l'université qu'il ne l'a fait.
Le Président (M. Bordeleau): C'est tout? M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: J'ai posé ma question parce que, suivant votre
habitude déplorable, vous aviez interrompu le député de
Deux-Montagnes pendant qu'il parlait. Vous avez semblé demander ce qu'il
demandait...
M. Garon: Ce n'est pas vrai.
M. Ryan: Vous avez fait une remarque...
M. Garon: Pas du tout.
M. Ryan: ...et c'est dans ce sens que je vous en ai
adressé une. Si vous n'êtes même pas capable...
M. Baril (Arthabaska): Question de règlement.
M. Garon: C'est faux. Je lisais des documents.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Qui a posé la question?
Le Président (M. Bordeleau): Question de règlement,
M. le député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je n'aimerais pas
que le député d'Argenteuil accuse le ministre d'une chose. C'est
moi qui ai demandé ce que cela veut dire. Honnêtement, je ne
savais pas ce que cela veut dire. Je pense qu'il n'y a pas de gêne
à ne pas savoir ce que le mot "idoine" veut dire.
M. Ryan: Cela règle le problème. Il n'y a pas de
chicane entre le ministre de l'Agriculture et moi pour une fois.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Garon: Vous auriez dû voir un docteur pour vous
entendre.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! S'il
vous plaît:
M. Ryan: Je connais très bien les
antécédents du ministre de l'Agriculture. Il m'écrivait
des articles quand j'étais directeur du Devoir. J'en ai publié
quelques-uns, mais il y en a d'autres que je ne suis pas sûr d'avoir
publiés.
M. Garon: Jamais: Je n'ai jamais écrit au Devoir, moi.
M. Ryan: Oui. Bien, franchement, vous m'adressiez des articles
quand vous étiez professeur à la faculté de droit.
M. Garon: J'aimerais bien qu'il sorte
ces articles parce que je ne me rappelle pas avoir écrit au
journal Le Devoir, car je lisais le Soleil.
M. Ryan: Alors, vous m'avez envoyé des lettres.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît:
M. Mathieu: Cela manque à votre formation.
M. Ryan: Pas de commentaire.
Le Président (M. Bordeleau): J'aimerais bien qu'on
revienne à notre discussion avec les gens du CIAC.
M. Ryan: Oui, justement à ce sujet... Tout d'abord, je
voudrais faire une mise au point. Est-ce que nous allons suspendre la
séance à 13 heures, M. le Président?
Le Président (M. Bordeleau):
Normalement, nous devrions suspendre à 13 heures et revenir vers
15 heures. Mais nous pourrions toujours continuer quelques minutes après
13 heures si on pouvait terminer les questions avec ce groupe.
M. Ryan: Ce sont des échanges assez longs que je voudrais
avoir avec la délégation du CIAC. Je pense bien qu'avec le peu de
temps que nous avons il n'y a pas grand-chose que l'on puisse faire. Cependant,
il y a une couple de mises au point que je voudrais faire dès
maintenant, si vous me le permettez. Cela réglerait cette partie et nous
pourrions commencer les questions proprement dites cet après-midi.
J'avais mentionné plus tôt que je vous demanderais la
permission de faire circuler un article que j'ai publié dans le journal
de Mirabel cette semaine à propos de la rencontre qui devait avoir lieu
entre l'UPA et la Société immobilière du Canada, rencontre
qui n'a pas eu lieu pour des raisons qui ont été
expliquées tantôt. Je voudrais vous demander la permission de
faire circuler ce document afin que tout le monde en prenne connaissance.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va se faire dans les
prochaines minutes.
M. Ryan: Merci. Deuxièmement, étant donné
que cet incident a été touché dans le témoignage
que nous venons d'entendre, je voudrais faire deux mises au point à
propos d'un communiqué que la Société immobilière
du Canada a publié à la suite de cette rencontre qui n'a pas eu
lieu ou à la suite de l'avortement de la rencontre. De ce
communiqué de la Société immobilière du Canada,
j'ai des copies également que je veux faire circuler pour l'information
des gens. Ce n'est pas parce que je m'en porte solidaire, pour des raisons
qu'on comprendra facilement, mais c'est pour aider à l'information de
tout le monde.
Dans le communiqué, il y a deux choses que je voudrais
déplorer. Tout d'abord, il y en a une que j'ai déjà
mentionnée, je n'y reviendrai point. Quand la Société
immobilière du Canada refuse d'accepter une délégation
sous prétexte qu'il y a deux personnes qui ne répondent pas
à sa définition des personnes qui doivent être là,
je trouve qu'elle commet un abus de pouvoir inadmissible, surtout de la part
d'un organisme gouvernemental. Je déplore profondément ce qui est
arrivé l'autre jour, soit le refus par la Société
immobilière du Canada de rencontrer une délégation de
l'UPA sous prétexte que cette délégation comprenait deux
personnes qui n'étaient pas acceptables au jugement de la
Société immobilière du Canada. Je trouve que l'UPA a fait
preuve d'un sens élémentaire de dignité et de
fierté en refusant de participer à la rencontre dans ces
conditions.
Par conséquent, quand la Société immobilière
du Canada affirme, dans le communiqué, que l'UPA a refusé de
collaborer ou a refusé ceci ou cela, il faut bien comprendre le contexte
qui existait à ce moment-là. Je pense que l'UPA a fait, ce
soir-là, ce que n'importe quel organisme libre, qui se respecte, aurait
fait.
Deuxièmement, la Société immobilière du
Canada, dans son communiqué, a attaqué deux personnes que nous
avons eu le plaisir d'entendre ce matin, Mme Rita Lafond et M. André
Bouvette, les présentant comme n'étant pas des professionnels de
l'agriculture, mais des professionnels de l'agitation sociale. Je
déplore profondément ce genre de description qu'on a faite de ces
deux personnes qui sont très bien connues sur le territoire, qui se
consacrent à la défense des intérêts des
expropriés depuis déjà 13 ans. Que l'on diverge d'opinion
avec ces personnes sur un point ou l'autre, c'est un droit
élémentaire en démocratie que personne ne conteste, mais
qu'un organisme gouvernemental, chargé d'une mission extrêmement
délicate sur le territoire, ait qualifié des personnes de cette
manière, je ne veux pas l'admettre et je me dissocie totalement de ce
genre de qualification. Je veux dire, au contraire... j'ai peut-être, de
ce côté-là, une certaine impartialité que d'autres
auraient plus difficilement, puisque la partie de Mirabel du comté
d'Argenteuil a été ajoutée à ce comté
seulement à l'élection de 1981. Auparavant, je n'avais pas eu
beaucoup de contacts avec ces gens. Je les avais rencontrés au tout
début de l'opération quand j'étais directeur du Devoir.
Mais, par la suite, de nombreuses années se sont écoulées
sans que j'aie aucun contact.
Je veux dire que, suivant les observations que j'ai faites sur le
territoire, ces deux personnes sont des personnes qui travaillent très
sérieusement et sincèrement au bien de leurs concitoyens et
qu'elles ont droit au respect de leurs concitoyens, à plus forte raison,
au respect des organismes gouvernementaux qui sont mandatés pour agir au
nom des citoyens, que ce soit à un palier de gouvernement ou à
l'autre. (13 heures)
Je veux déplorer une troisième chose, c'est le refus
systématique de la part de la Société immobilière
du Canada de reconnaître le CIAC. Le CIAC, ce sont des initiales qui sont
devenues tellement familières que, quand on veut dire exactement ce
qu'elles renferment, il faut faire un petit exercice de mémoire. Vous me
corrigerez si j'ai tort, cela veut dire le Centre d'information et d'action
communautaire.
M. Raymond: D'animation.
M. Ryan: Pardon.
M. Raymond: D'animation.
M. Ryan: D'animation communautaire. Le mot "animation" est
là et je comprends que cela provoque des craintes dans certains milieux.
On a eu ici, depuis le début de la commission parlementaire - je n'ai
pas à reprendre cette partie-là de notre expérience -
beaucoup de témoignages qui sont venus nous informer du caractère
représentatif du CIAC. Je retiens en particulier celui du maire de
Mirabel, M. Jean Laurain. Quand il est venu témoigner ici, il a
été interrogé au sujet du CIAC. Il a dit lui-même
qu'il considérait que c'était un organisme très
représentatif des gens du milieu. Cela ne veut pas dire que ce soit le
seul. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il soit également
représentatif à tous les paliers où il veut agir, mais on
a des témoignages amplement suffisants - et j'ajoute le mien à ce
titre-là - qui nous autorisent et même nous obligent à
considérer que cet organisme a une valeur représentative
certaine.
En conséquence, quand la Société immobilière
du Canada refuse de le reconnaître comme elle l'a fait récemment
en refusant de l'inscrire sur la liste des organismes qui seraient partie aux
rencontres consultatives dont nous avons entendu parler, je pense qu'elle
commet un abus de pouvoir absolument inadmissible et dommageable aux yeux d'une
bonne conception de la démocratie et, personnellement, je voudrais qu'on
sache, avant qu'on commence à discuter, plus tard cet après-midi,
que je ne m'associe en aucune manière à ces attitudes et que, au
contraire, je m'en dissocie.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil, vous préférez aborder les questions cet
après-midi, alors la commission va suspendre ses travaux jusqu'à
quinze heures.
(Suspension de la séance à 13 h 03)
(Reprise de la séance à 15 h 20)
Le Président (M. Bordeleau): Mesdames et messieurs! La
commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation continue donc les auditions de ce matin. Au moment de la
suspension de nos travaux pour le dîner nous en étions aux
questions des membres de la commission. Je donne la parole à M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: J'aurais d'abord un certain nombre de questions à
vous poser à propos d'affirmations qui ont été faites par
vous ce matin. Ensuite, je voudrais en venir à la discussion des
recommandations que vous avez présentées.
Je voudrais commencer par certains points sur lesquels il serait bon
d'obtenir des précisions. Vous avez dit, si j'ai bien compris, qu'en
décembre 1980, vous auriez eu des contacts avec M. Cosgrove à
l'occasion desquels le ministre fédéral de l'époque aurait
dit qu'il instituerait un moratoire visant à ce que cessent de se
créer des droits nouveaux sur les propriétés comprises
dans le territoire exproprié, jusqu'à nouvel ordre.
J'ai deux questions là-dessus. D'abord, est-ce qu'il avait mis
cette décision-là par écrit? Deuxièmement est-ce
qu'il y a eu des suites quelconques ou si cela est tombé dans l'oubli
complètement?
Le Président (M. Bordeleau): Mme
Lafond.
Mme Lafond: Là-dessus, Françoise est en train de
chercher la demande de moratoire qu'on avait faite, les arguments qu'on
apportait par écrit à M. Cosgrove mais qu'on lui remettait en
main propre. M. Cosgrove nous avait dit à ce moment-là: Je vous
accorde le moratoire. Le ministre Francis Fox était présent
aussi. Une lettre avait suivi, dont on n'a pas eu teneur, du ministre Cosgrove
à J. A. Perrier. On a eu copie d'une lettre du sous-ministre à J.
A. Perrier qui fait état d'une lettre du ministre à J. A. Perrier
mais dont on ne connaît pas la teneur et on s'aperçoit que le
moratoire qui nous avait été accordé de vive voix par le
ministre Cosgrove est transformé d'une certaine façon.
M. Ryan: Est-ce que vous avez ces lettres-là?
Mme Lafond: Oui, on peut vous remettre une copie de notre demande
de moratoire et de la lettre de... Voulez-vous que je la lise?
M. Ryan: Si vous pouviez en donner lecture, ce ne serait
peut-être pas une mauvaise chose.
Mme Lafond: "Cher M. Marinier - c'est daté du 10
décembre 1980 -...
M. Raymond: M. Marinier était directeur à ce
moment-là.
Mme Lafond: ...directeur des travaux publics à Mirabel...
"Suite à notre conversation du 3 décembre - c'est
photocopié, c'est peut-être le 5 décembre -concernant les
politiques de gestion des terres périphériques de Mirabel, ainsi
que le contenu d'une lettre du ministre Paul Cosgrove au député
Robert Gourd - c'est cette lettre-là qu'on n'a pas - je tiens à
vous aviser que les politiques suivantes seront en vigueur jusqu'à
nouvel ordre: "1- Entretien et réparations: A. Toute réparation
urgente requise pour protéger les biens de la couronne du genre de celle
qu'un propriétaire ordinaire entreprendrait pour prévenir la
détérioration de sa propriété sera
réalisée et son coût ne sera pas
récupéré au moyen d'une augmentation spéciale des
taux;
B. Toute réparation - mineure, il semble -amélioration et
rénovation - ce peut être mineure ou majeure - autre que ci-dessus
décrite qui doit être récupérée par une
augmentation du loyer sera retardée à moins que le locataire ne
le demande expressément;
C. Tout travail entrepris avant ce jour sera continué et
mené à terme. "Les baux résidentiels. Toute la location
des résidences sera continuée selon des termes annuels et
à des taux ajustés conformément aux politiques
provinciales de contrôle des loyers. "Les baux non résidentiels.
Jusqu'à nouvel ordre, aucune nouvelle location ne sera
négociée pour les propriétés autres que
résidentielles. "Les propositions de bail déjà en voie de
négociation devront être menées à terme. Les
locataires qui ne souhaitent pas renouveler leur bail à long terme
pourront continuer d'occuper leur propriété au moyen de baux
à plus court terme à des taux renégociés". Ce que
le ministre nous avait expliqué, c'est que la location de
résidence, il ne pouvait pas la suspendre, parce que le fait de laisser
des résidences vides pouvait endommager les résidences.
M. Ryan: Vous ne comprenez pas...
Mme Lafond: Je reviens au contenu de la lettre. Quand ils disent
de continuer la location des résidences, c'est marqué "toute la
location des résidences sera continuée." Le ministre nous avait
expliqué qu'il ne pouvait pas suspendre la location des
résidences, mais que, dans les baux, il serait inscrit que cela ne
donnerait aucun droit à celui qui louait la résidence.
D'ailleurs, on a vu des baux contenant cette clause et cela ne leur donnait
aucun droit s'il y avait une rétrocession.
On avait demandé, à ce moment-là, de suspendre
aussi les réparations pour ne pas fausser les prix d'achat par la suite.
Donc, il y a une espèce de politique, mais, à
l'été, il y a eu du changement qui s'est fait entre ce que le
ministre Cosgrove nous avait promis et la lettre qui a suivi, de J. A. Perrier
à Marinier. Puis, ils disent qu'aucune nouvelle location ne sera
négociée pour les propriétés autres que
résidentielles.
Ce qu'on avait demandé, c'était un moratoire pour
arrêter toute location sur le territoire exproprié. "Attendu que
le ministère des Travaux publics ne dispose pas des outils
nécessaires pour administrer les terrains de culture en location ainsi
que les résidences et commerces du territoire aéroportuaire et
qu'en conséquence, cette location s'effectue sur des bases arbitraires;
"Attendu que le choix des locataires ne respecte pas toujours l'orthodoxie
agricole et communautaire de la région; "Attendu que de nouvelles formes
de tenure sont en voie de se réaliser et qu'elles pourraient
recréer des conditions susceptibles de faire revivre le dynamisme
communautaire; "Attendu que de telles conditions pourraient contribuer à
réparer les dommages économiques et sociaux causés
à la collectivité par une trop grande expropriation;
Attendu que la forme de location qui se pratique actuellement pourrait
conférer des droits à de nouveaux occupants qui dans la
réalité n'en détiennent pas;
Attendu qu'il est illogique de négocier des formes de tenures
permanentes, d'une part, pendant que, d'autre part, on s'acharne à faire
signer des baux de dix ans;
Attendu que, sans critères de location, certains individus ou
sociétés peuvent cumuler des propriétés, se
créant de ce fait des droits aux dépens de la
collectivité;
Demande est faite au ministre des Travaux publics qu'un moratoire
s'exerce immédiatement sur toutes les nouvelles locations jusqu'à
ce que des politiques permanentes soient définies et acceptées
par les parties en cause.
Cela avait été présenté au ministre à
ce moment.
M. Ryan: Avez-vous la lettre de M. Perrier?
Mme Lafond: Oui, on peut la déposer.
M. Ryan: Très bien. J'aimerais cela s'il y avait moyen de
me l'envoyer pour que j'en prenne connaissance.
Mme Lafond: On peut déposer notre demande.
M. Ryan: Vous avez dit, dans votre intervention, ce matin, que
vous aviez des raisons sérieuses de croire que non seulement on aurait
ouvert à des fonctionnaires l'accès à l'achat de maisons
au cours des dernières semaines, mais même qu'on aurait
donné une préférence ou une priorité à
certains fonctionnaires.
Mme Lafond: Pour la location, oui. M. Ryan: Pour la
location.
Mme Lafond: Oui, et je peux l'affirmer à partir des
affirmations que Pierre Marinier m'a faites à plusieurs reprises,
à au moins deux reprises.
M. Ryan: Est-ce que ce sont des préférences qui
auraient été données au cours de la dernière
année, dans un passé un peu plus récent ou auparavant?
Mme Lafond: C'était la politique passée et on ne
m'a jamais informée que cette politique avait été
changée. La dernière fois qu'il a pu m'en parler, Pierre
Marinier, c'était vers l'année 1979 à peu près.
M. Ryan: Cela s'appliquerait pour la location, comme vous dites,
et non pas pour les transactions qui ont été faites ces derniers
temps, d'après vos informations.
Mme Lafond: Pour la location, mais, après cela, il y a les
transactions pour acheter la résidence; c'est l'occupant qui l'a, donc,
c'est lui qui avait la priorité pour louer.
M. Ryan: Très bien. Vous avez soulevé un
problème au sujet du prix de vente des résidences.
Mme Lafond: Oui.
M. Ryan: Vous avez semblé dire que les critères
suivis pour la fixation des prix de vente seraient plutôt obscurs et
sembleraient varier considérablement d'un cas à l'autre. Vous
avez cité des cas où des maisons auraient été
vendues moins cher qu'elles auraient été payées par le
gouvernement il y a une douzaine d'années. Est-ce que vous pourriez nous
donner quelques précisions là-dessus et peut-être expliquer
ce que vous aimeriez avoir là-dessus comme renseignements, vous
autres?
Mme Lafond: Ce que nous, on aimerait avoir comme
renseignements?
M. Ryan: Oui.
Mme Lafond: On aimerait, d'abord, que tous les prix qui sont
faits présentement soient rendus publics, la transparence. On aimerait
savoir depuis combien de temps les gens qui achètent sont sur le
territoire, quelle est leur profession. Ce matin, on écoutait
l'enregistrement de l'émission de Pierre Brien, hier soir, et il disait
que c'était fait par une société indépendante. Il
semble que les prix soient faits par la Société centrale
d'hypothèques et de logement. M. Pierre Brien, avant de s'en venir
à la SIC, je crois qu'il avait un poste assez important à la
Société centrale d'hypothèques et de logement. Je ne sais
pas si l'indépendance... Il semble qu'il ne soit pas la seule personne
de la Société centrale d'hypothèques et de logement qui
soit à la société immobilière, mais je ne peux pas
vérifier cela. Je peux vous donner ici des prix: pour une maison
payée - ce sont les prix qu'on a eus, on les marque tous et je peux vous
les donner, on en a onze qui sont sortis jusqu'à maintenant et que les
gens expropriés sont venus nous porter 17 500 $, revendue à 85%
de la valeur, c'est 27 775 $; 29 500 $, elle s'est revendue 36 550 $. Si vous
voulez avoir 100% de la valeur, cela veut dire que...
M. Ryan: Voulez-vous m'excuser juste une seconde? Lorsque vous
dites 7500 $, est-ce que c'est juste le montant qui a été
donné pour l'expropriation sans tenir compte des ex gratia? (15 h
30)
Mme Lafond: ...ex gratia. Il faut bien comprendre que les ex
gratia... Il y avait 3000 $ de dérangement social, ce n'est pas le prix
de la maison, et il y avait les intérêts. Les
intérêts nous sont arrivés comme des ex gratia. Cela veut
dire que si on était payé en 1970 ou en 1978, cela pouvait
changer totalement le prix de la maison. C'étaient des
intérêts simples à 6%, mais après neuf ans, cela
fait 54% de différence sur la maison.
M. Ryan: Alors, le deuxième cas, c'est 29 500 $.
Mme Lafond: 29 500 $ et...
Une voix: Quand on parle de 29 000 $, c'est
l'évaluation.
Mme Lafond: Les 29 000 $ sont pour l'indemnité, 29 500 $.
Les 85%, l'évaluation, c'est de 36 550 $ aujourd'hui. Je peux
déposer le document si vous voulez.
M. Ryan: Oui, ce serait peut-être mieux de le
déposer pour qu'on puisse le regarder à loisir. Il y a bien des
éléments là-dedans...
M. Raymond: Dans les grandes lignes, excusez...
Mme Lafond: II y a...
M. Ryan: II y a l'indemnité au moment de l'expropriation.
Il y a l'évaluation. Il y a le montant qui sera payé
effectivement pour la transaction. Il y a les réparations ou les
améliorations qui, peut-être, ont été
apportées à la propriété, ce qui fait qu'on
regardera ces cas bien attentivement, dans la mesure où on aura
accès aux renseignements évidemment.
Mme Lafond: D'accord. Je dois vous dire qu'il y a un cas
où on a vendu aujourd'hui à 25% en bas de la valeur de
l'indemnité payée en 1969, mais il s'adonne à être
dans le secteur voisin d'un cadre de la société
immobilière qui vient d'acheter une maison. Il semble que les maisons
perdent de la valeur dans ce coin.
M. Ryan: Est-ce que j'ai bien compris? Vous avez parlé
d'un cadre de la société immobilière...
Mme Lafond: Oui, oui, un cadre.
M. Ryan: ...qui viendrait d'acheter une maison?
Mme Lafond: Oui.
M. Ryan: Quelle est la fonction de ce cadre, le savez-vous?
Mme Lafond: II s'appelle - si vous voulez le nom, je peux vous le
dire - Léo Ferland. D'ailleurs, j'ai la réponse de
l'exproprié qui a demandé sa maison, un monsieur Coursol, qui a
demandé à acheter sa maison, on lui a répondu: "J'accuse
réception de la lettre que vous faisiez parvenir à M. Pierre
Pelletier, le 6 janvier 1983, concernant l'immeuble situé au 17702, rue
Victor, à Saint-Janvier, je désire vous informer que cette
résidence a été vendue à l'occupant qui a
priorité d'achat, et ce conformément à la politique de
vente des terrains périphériques de l'aéroport de Mirabel,
approuvée par le gouvernement fédéral et dont notre
société se charge de la mise en application. Par
conséquent, nous regrettons de ne pouvoir acquiescer à votre
demande. Veuillez agréer l'expression de nos salutations
distinguées." C'est signé Claude Vermette, directeur des
ventes.
M. Ryan: Quelle est la fonction de M. Ferland?
Mme Lafond: Directeur du service forestier, je pense.
M. Ryan: D'accord. Vous avez dit tantôt que des ventes
auraient été faites à des membres du grand public,
à des citoyens ordinaires. Pouvez-vous nous apporter des
précisions là-dessus?
Mme Lafond: Je vous ai dit que c'étaient des rumeurs et
qu'on ne pouvait pas encore apporter des preuves. Si on avait eu le temps, on
aurait fait des démarches pour cela parce qu'on savait qu'il y avait des
cas précis et qu'on pouvait aller vérifier, mais on a
manqué de temps.
M. Ryan: Si je comprends bien, la Société
immobilière du Canada a mis en vente 183 résidences de ferme, je
pense.
Mme Lafond: Vous parlez de résidences?
M. Ryan: De ferme.
Mme Lafond: De ferme, non. Eux, ils n'appellent plus
résidences de ferme ce qu'ils ont enlevé à la ferme. Ils
trompent l'opinion publique en disant que ce ne sont pas des résidences
de ferme puisqu'elles étaient louées à des
résidents et qu'ils ont enlevé cela, selon leur cadastre, mais
c'est vraiment la maison qui est à l'intérieur de la cour de la
ferme. Vous avez un programme d'environ 500 maisons à vendre dans les 30
000 acres expropriés. Ils auraient offert 183 maisons parce que, selon
eux, il n'y avait que 183 propriétaires qui pouvaient se
prévaloir des 3000 $. Dans cela, il rentrerait des maisons de ferme, je
crois.
M. Raymond: Pour compléter les comparaisons des maisons,
on dit aux expropriés: Sortez le prix auquel vous avez été
payés, sortez le prix de l'évaluation municipale, sortez le prix
qu'ils vous demandent et on va faire les comparaisons. On sort les papiers et
on les met sur la table. On dit: Tu as été payé 20 000 $
et ils t'en demandent 30 000 $; toi, tu as été payé 18 000
$ et ils t'en demandent 15 000 $. On compare et c'est comme cela qu'on peut
voir... Parmi les locataires qui ont acheté ou qui sont sur le point
d'acheter, il y en a quelques-uns, surtout parmi les fonctionnaires, qui ne
font pas partie de notre groupement. Ils ne mettent pas les papiers sur la
table, eux.
M. Ryan: Une question là-dessus, M. Raymond. Vous
êtes sûrement au courant parce que vous êtes un
résident de Saint-
Hermas. Quand l'évaluation municipale a-t-elle été
faite et comment?
M. Raymond: L'évaluation municipale a été
faite...
M. Ryan: Ont-ils appliqué la loi comme elle s'applique
partout ailleurs, établi la valeur marchande, la valeur
réelle?
M. Raymond: La valeur présente est un pourcentage de la
valeur réelle. Le nouveau rôle devrait être prêt pour
le mois de juillet 1983. Alors, là, on marche avec une valeur
estimée de 1979. Il est aussi question d'une pondération ou d'un
ajustement. La nouvelle évaluation pourrait être
équivalente envers la province au mois de juillet 1983.
M. Ryan: Parce que si on anticipe en fonction de ce qui a pu se
produire ailleurs, il y a une chance que la valeur de l'évaluation de
1983 va être pas mal supérieure à celle qui pouvait exister
en 1979.
M. Raymond: C'est possible. Je ne connais pas la valeur de celle
qui va sortir.
M. Ryan: D'accord. Au sujet de la rencontre qui devait avoir lieu
avec la Société immobilière du Canada, vous, au CIAC - on
va parler avec les gens de l'UPA tantôt - n'avez pas reçu
d'invitation?
Mme Lafond: Aucune, non.
M. Ryan: Aucune. On ne vous a pas dit qu'on voulait vous
consulter, ni sur les ventes de résidences, ni sur les ventes de
fermes?
Mme Lafond: Absolument pas.
M. Ryan: Absolument pas. Est-ce que vous avez demandé
à être reçus, à ce sujet? Récemment, est-ce
que vous avez fait des démarches ou si vous avez tenu cela pour acquis
qu'ils ne voulaient pas vous voir?
Mme Lafond: On a plutôt tenu cela pour acquis parce que les
fois où ils ont été obligés de nous recontrer,
parce qu'ils n'avaient pas le choix de nous refuser, on s'est aperçu de
ce qu'ils ont fait de nos recommandations.
M. Ryan: Très bien. Maintenant, avant de passer à
vos recommandations, j'aurais aimé avoir votre opinion, si vous en avez
une à communiquer à ce moment-ci, au sujet des propositions que
M. le ministre de l'Agriculture avait faites à son homologue
fédéral. Il nous en a donné communication tantôt.
Comment réagissez-vous au contenu de ces propositions? Est-il
intéressant?
Mme Lafond: D'abord, la Société immobilière
du Canada n'a absolument plus aucune confiance. Tant qu'elle sera là,
elle va contribuer à détruire le patrimoine existant à
Mirabel. Il faut qu'elle disparaisse le plus vite possible. Son mandat en est
un pour rester, pour s'incruster, pour s'infiltrer partout dans les organismes
et pour essayer de détruire les initiatives de la communauté. Il
faut qu'elle disparaisse. Selon la suggestion du ministre Garon, l'on pourrait
souhaiter que ce comité soit tellement neutre, composé de
personnes sages et avec un mandat tellement précis que ces gens
comprennent qu'il n'y a absolument aucun intérêt à faire
durer le dossier. Il faudrait que cela soit très clair au départ.
La Société immobilière du Canada, quand elle a
été mise sur pied, quand un journaliste avait demandé en
conférence de presse quelle était la durée du mandat,
quels étaient les salaires, Francis Fox avait répondu: II n'y a
aucune détermination de la durée, mais on s'est aperçu que
c'est un organisme à but lucratif. Ensuite, il n'y a pas de salaire de
déterminé, pas de budget de déterminé. Le seul
mandat qu'on leur a donné, c'est de consulter la population.
On s'est rendu compte qu'avec un tel mandat, tout ce qu'ils faisaient,
c'était s'incruster, s'infiltrer. Ce que nous voulons, c'est un
comité qui comprenne clairement qu'il n'y a aucun intérêt
à faire durer le dossier et qu'il y a intérêt à ce
que ce soit réglé de façon harmonieuse. Je pense que, dans
une chose comme cela, il faut surtout éviter la partisanerie politique.
C'est ce qui s'est fait à Mirabel dans la société
immobilière. Il est assez clair que c'étaient surtout des
organisateurs politiques qui étaient impliqués dans ce dossier et
ils semblent n'avoir aucun intérêt à régler le
dossier.
M. Bouvette: M. le Président, si vous me le permettez?
Le Président (M. Bordeleau): Oui.
M. Bouvette: M. Ryan, pour répondre plus
précisément à cette question du télégramme
et de nos demandes, je retrouve ici quatre points qui ressemblent à nos
demandes. D'abord, lorsqu'on demande au gouvernement du Québec de
déterminer un zonage strict, dans la demande du ministre Garon qu'on
détermine un cadre réglementaire ou contractuel régissant
les contraintes liées à l'aéronautique, il y a un
élément qui rejoint notre demande. Lorsqu'on demande la
transparence et qu'on trouve, au point 4, le financement des transactions
portant sur les exploitations agricoles, il y a un élément.
Lorsqu'on demande un plan de relance agricole qui tienne compte du rattrapage
pour ceux qui ont acheté, le point
5 "élaboration d'un plan de rattrapage" constitue aussi un
élément. Lorsqu'on demande de contester l'expropriation pour
déterminer à qui les propriétés devraient aller, le
point 6 constitue aussi un élément. Sans avoir lu le
télégramme - on l'a reçu à l'heure du dîner -
il y a déjà au moins des points qui ressemblent à nos
demandes.
M. Ryan: Très bien. Puis, l'idée d'un comité
de fonctionnaires conjoints qui auraient à examiner un certain nombre de
points, vous n'avez pas d'objection à cela?
M. Bouvette: Comme fonctionnaire, je vais laisser mes
collègues s'exprimer.
Mme Lafond: On a eu une mauvaise expérience avec les
fonctionnaires à Mirabel. Alors, au départ, cela sonne
drôle dans notre tête quand on entend "fonctionnaires". Ces
préjugés-là, on ne les avait pas avant l'implantation de
l'administration fédérale à Mirabel. Je dois vous dire
qu'au départ on a certains préjugés, mais cela ne veut pas
dire qu'il n'y a pas de fonctionnaires qui pourraient agir avec... En tout cas,
il ne faudrait pas que ce soit des fonctionnaires qui aient à
défendre la durée de leur emploi.
M. Ryan: Le moins que vous souhaiteriez, j'imagine, ce serait
qu'un tel comité travaille en liaison véritable avec le groupe
impartial dont vous parlez de votre côté. Ce ne serait pas des
activités complètement séparées?
Mme Lafond: Non.
M. Ryan: Très bien. Maintenant, je voudrais en venir
à vos recommandations qui me paraissent être le point le plus
important de votre intervention. Le premier point: "Nous demandons que le
gouvernement du Québec exige la tenue d'une enquête publique pour
faire la lumière sur la gestion des biens expropriés depuis 1969
et les modalités qui ont cours dans le processus de vente des biens
expropriés". Quelle sorte d'enquête envisagez-vous? Qui ferait
cette enquête? Est-ce une enquête que le gouvernement du
Québec exigerait du gouvernement fédéral?
Mme Lafond: S'il a l'autorité pour le faire, on le
souhaiterait ardemment. S'il n'y a pas possibilité d'obtenir cela du
gouvernement fédéral, on se demande quelle est la
possibilité du côté du gouvernement du Québec de
faire une telle enquête. On a peut-être charrié; c'est
possible qu'on ait charrié à Mirabel. On est peut-être
énormément impliqués par nos sentiments dans cette
chose-là. On aimerait que quelqu'un de neutre vienne faire la
lumière et vienne expliquer toutes les destructions de maisons, tout le
patronage qui, à notre avis, a pu exister sur le territoire et tout le
gaspillage du patrimoine qui a pu se faire.
M. Ryan: Voulez-vous répéter? Si une telle
enquête ne relève pas de la compétence de Québec,
voudriez-vous que Québec fasse des démarches pour qu'Ottawa la
fasse?
Mme Lafond: On insisterait beaucoup pour cela.
M. Ryan: Deuxième point: "Que le gouvernement du
Québec prenne immédiatement une injonction pour arrêter le
processus de vente des propriétés expropriées tant qu'on
n'aura pas l'assurance que les règles élémentaires de
moralité publique s'appliqueront à Mirabel."
Mme Lafond: On a l'impression que chaque jour qui passe, avec
l'administration fédérale, défigure un peu plus notre
patrimoine. On souhaite ardemment que leur présence à Mirabel
disparaisse et qu'il y ait quelque chose d'intérimaire en attendant.
Qu'il ne vienne pas d'administrations semblables à toutes celles qui ont
pu précéder parce que tout ce qu'elles font, c'est... Il y a
déjà eu un livre dont vous nous avez parlé avant les
fêtes en commission parlementaire, je ne l'ai pas lu, je ne l'ai pas vu
non plus. J'ai juste vu un titre dans le Devoir qui disait: "Mirabel, un
échec et surtout un dur coup pour le fédéralisme
canadien." Je pense que les présences successives des administrations
à Mirabel ne font que consommer le gâchis de l'erreur de 1969.
M. Raymond: Est-ce que je pourrais compléter en disant
que, si le gouvernement ne peut pas prendre directement une injonction, il
pourrait peut-être la prendre au nom d'un exproprié ou trouver la
formule appropriée pour appuyer un individu? Je ne sais pas s'il
pourrait prendre cette formule-là.
M. Ryan: Dans le moment, vous n'avez aucune connaissance du
programme de revente des terres, finalement. Comme la rencontre n'a pas eu lieu
l'autre jour entre l'UPA et la société immobilière, il n'y
a pas de renseignements qui ont filtré sur la manière dont ils
procéderont pour vendre les terres, sur le prix qu'ils demanderont, etc.
Il n'y a rien à votre connaissance actuellement?
Mme Lafond: II y a au moins une connaissance c'est que
priorité est donnée à l'occupant et qu'il faut être
en règle avec la société pour pouvoir acheter. Par contre,
des rumeurs ont circulé et j'aimerais mieux laisser à l'UPA le
soin de parler de ces rumeurs parce qu'elle les connaît mieux que
nous.
M. Ryan: Très bien. On reprendra tout cela tantôt
quand les dirigeants de l'UPA témoigneront. "Que le gouvernement du
Québec participe à la mise sur pied d'un comité neutre
habilité à favoriser une rétrocession harmonieuse." Est-ce
que ce serait un comité qui aurait de l'autorité, qui aurait des
moyens financiers, qui aurait une organisation ou bien si ce serait un
comité de bénévoles qui jetteraient un coup d'oeil sur les
choses, qui donneraient un avis? Comment est-ce que cela fonctionnerait
d'après vous autres? Où se situerait ce comité?
Mme Lafond: C'était, finalement, le comité promis
par le ministre Francis Fox quand on est allé en décembre 1980
rencontrer le ministre Cosgrove. Il nous avait dit: C'est un comité qui
vous consultera pour être certain que ce soit fait de façon
harmonieuse à Mirabel. Je ne me souviens pas des mots exacts. Je sais
qu'on n'a pas été consulté et je sais que le comité
qui a été mis en place était une société de
la couronne. On a entendu parler de scandales sur les sociétés de
la couronne. On n'a pas parlé de celle de Mirabel parce que c'est une
petite société comparée aux centaines, mais nous, à
Mirabel, on ne s'étonne absolument pas des gaspillages qui peuvent se
faire dans les autres quand on a vu les gaspillages qui se font à
Mirabel.
Pour nous, le comité doit avoir les moyens de fonctionner, que ce
ne soit pas du bénévolat. Selon nous, ce sont des personnes
reconnues pour leur intégrité morale au départ et leur bon
jugement qui devraient faire partie de ce comité.
M. Ryan: Est-ce que ce sera une formule concevable pour vous
autres? Je vous avoue que les propositions qui sont ici, ce sont de grosses
commandes.
Mme Lafond: Oui. (15 h 45)
M. Ryan: L'injonction, il faut avoir des raisons très
très solides devant le tribunal pour avoir une chance de l'obtenir dans
un cas comme celui-là. Quant à demander que la SIC disparaisse,
c'est une grosse commande également. Il ne faut pas, non plus, se
nourrir de choses qui ne seraient pas réalisables.
À supposer, par exemple, qu'une proposition qui serait faite en
vertu de laquelle un comité indépendant serait mis sur pied pour
suivre l'action de la SIC; que celle-là serait obligée de le
consulter avant; les avis qui seraient donnés seraient publics, par
exemple. Est-ce que cela pourrait aider?
Mme Lafond: Si c'est juste cela qu'on a à choisir ou la
société telle qu'elle fonctionne, c'est certain qu'on va...
Mais...
M. Bouvette: Si vous me le permettez, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Bouvette.
M. Bouvette: M. Ryan, pour répondre à cette
question de la grosse commande, entre autres, je pense au problème de
l'injonction, il s'agira d'évaluer la commande et le gouvernement du
Québec est bien placé pour le faire. Nous croyons que la
moralité publique est mise en doute lorsqu'on vend à des
fonctionnaires. Le Parti conservateur a allégué le fait que,
selon la loi de l'expropriation, l'article 19 ou 18 n'autorise pas à
vendre à d'autres personnes qu'à l'exproprié. Je pense
qu'il y a des éléments qui permettraient peut-être de faire
au moins une étude pour vérifier cette faisabilité d'une
injonction.
M. Ryan: Vous n'avez pas répondu à la question que
j'avais posée à Mme Lafond. Vous n'êtes pas obligé
non plus...
M. Raymond: Si vous me le permettez. De mon point de vue,
concernant le comité qui pourrait être créé, ce
pourrait être un comité intergouvernemental. D'abord, le
Québec va être obligé de participer financièrement.
Quand les cultivateurs vont acheter, ils vont avoir besoin de prêt
agricole. Ils vont avoir besoin de la présence du Québec sur le
territoire. Donc, il devrait y avoir des gens du gouvernement du Québec
à ce comité. Le fédéral devra en avoir aussi. Si on
avait un comité intergouvernemental qui pouvait établir des
règles du jeu, quitte à ce que les fonctionnaires les appliquent,
sous la surveillance d'un comité neutre, ce serait une solution. Le
fédéral, la société céderait un peu de ses
pouvoirs, parce que, dans le moment, ils sont juge et partie; c'est
l'autorité suprême. À ce moment-là, cela devient
d'une arrogance qui dépasse la simple décence.
Mme Lafond: Là-dessus, si je peux ajouter. Quand vous
dites que c'est une grosse commande, on doit vous dire qu'à Mirabel,
depuis 1969, c'était une grosse commande que de remettre en cause les
règles qui avaient été établies par le gouvernement
fédéral alors qu'on était vraiment isolés, seuls
dans ce dossier.
On doit vous dire qu'il y a une affaire de confiance, une affaire de foi
et une affaire de solidarité, à Mirabel, qui est très
forte. Si, aujourd'hui, 30 000 acres sont rétrocédées, il
faut dire qu'il y a eu beaucoup de confiance dans notre démarche, et on
a encore cette confiance, cette
solidarité qui tient les gens à Mirabel. Si, à
cela, s'ajoute un appui très fort du gouvernement du Québec, on
est convaincu qu'on va gagner.
M. Ryan: Le sens de ma question sur le comité neutre,
c'était ceci. Ce n'est pas nécessairement un comité neutre
ou la société immobilière. Ce peut être un
comité qui va surveiller...
M. Raymond: Intergouvernemental.
M. Ryan: ... le travail qui se fait sans que,
nécessairement, l'autre soit éliminé d'autorité,
parce que c'est cela que je disais être une grosse commande. Vous avez
laissé entrevoir la possibilité, M. Raymond, que ce pourrait
être un comité intergouvernemental. Il y a bien des formules qui
peuvent être envisagées. En somme, vous verriez un comité
qui ne soit pas nécessairement mêlé dans l'opération
quotidienne, mais qui puisse avoir un oeil sur tout, exprimer une opinion qui
aurait de l'autorité, pas simplement des opinions de bonnes intentions
qui n'aboutiraient à rien. J'imagine qu'on va avoir des opinions du
ministre un peu plus tard parce que ce sont des choses qui s'adressent
directement à lui. Mais cela m'intéresse de savoir comment vous
envisagez cela.
Vous dites ensuite que le gouvernement du Québec exige la
transparence dans le processus de rétrocession des
propriétés. Vous l'avez mentionné tantôt, je pense
qu'il n'y a pas lieu de s'étendre sur les faits. Vous dites que tout
cela se fait dans une atmosphère plutôt obscure. J'ai
personnellement été témoin qu'il y a des gens qui sont
convoqués à la société immobilière. Ils ont
leur entrevue particulière et ils retournent avec leur affaire. Il faut
qu'ils signent une formule, apparemment, et, ensuite, ils donnent leur oui ou
leur non. C'est très bien. Vous autres, vous voudriez la transparence.
Qu'est-ce que vous voudriez qui soit transparent là-dedans? Quelles
données devraient être rendues publiques à votre point de
vue et comment?
Mme Lafond: Selon nous, s'il y a des propriétés
à vendre, cela devrait être affiché - nous ne parlons
jamais de revente, on parle de rétrocession - publiquement. Les prix
devraient être publics. Pour les personnes qui achètent, les prix
devraient être publiés. C'est vous qui nous parliez qu'à
Outremont, le maire Desmarais rend publiques toutes les transactions qui sont
faites. S'il n'y a pas de cachette, si ce sont les biens publics, pourquoi ce
ne serait pas rendu public à Mirabel? Qu'on sache la fonction de la
personne qui achète et depuis quand elle est sur le territoire. Mais
cela est au pis aller parce que ce qu'on souhaite, c'est que ce soit
arrêté immédiatement ce processus.
M. Ryan: On m'a fait part d'une difficulté de ce point de
vue. Je la communique au ministre s'il veut bien avoir l'amabilité de
s'enquérir auprès d'un de ses collègues, cela pourrait
nous aider. C'est relié au cadastre dont on va parler ensuite.
Apparemment, les transactions se font comme ceci: c'est la
société immobilière qui vend. Il n'y a pas d'acte qui est
passé en bonne et due forme. Ce sont des lettres patentes qui sont
émises, je pense, par le gouvernement fédéral. On donne
des titres de propriété de cette manière. Mais là
il faut que ce soit approuvé quand même par l'autorité
provinciale parce que c'est un transport de propriété. Il appert
qu'une fois une transaction faite, vous la déposez au bureau du
protonotaire, au bureau d'enregistrement. Là, ils ne pourraient pas la
déposer - et mon collègue de Beauce-Sud pourra me corriger
là-dessus si je fais erreur - parce qu'ils auraient envoyé le
nouveau cadastre, basé sur le facteur géodésique, au
ministère de l'Énergie et des Ressources à Québec,
pour approbation, et l'approbation n'aurait pas encore été
donnée de cela. Et quand cela serait donné, ils prétendent
qu'ils vont faire le dépôt des transactions au bureau
d'enregistrement et à ce moment on peut connaître les
détails, le nom de l'acquéreur, son occupation,
évidemment, le prix de la transaction et tout cela.
Je ne sais pas si le ministre a des renseignements très
récents là-dessus ou s'il veut s'engager à en prendre pour
notre intelligence. C'est comme cela que cela m'apparaît. À ce
moment, si on avait cela, on ne serait pas obligé de faire une
procédure spéciale. Ce que j'ai mentionné pour Outremont,
c'est ceci: chaque mois, dans le bulletin d'information qui est publié
par l'Hôtel de ville, on nous donne toutes les transactions
immobilières qui ont été faites, le prix qui a
été marqué à l'évaluation et le montant de
la transaction. On aboutit - je donne cela pour l'utilité du
gouvernement - à un résultat où, dans 80% des
transactions, le prix de vente est bien inférieur à
l'évaluation, ce qui veut dire qu'on est surévalué, selon
toute évidence. Mais cela est une autre question, je ferme la
parenthèse. Je ne sais pas si le ministre a quelque chose à dire
sur ce point précis. Je suis d'accord avec vous sur la
nécessité de publier ces choses. Cela ne peut pas rester
renfermé comme cela.
Mme Lafond: L'enregistrement des ventes, on serait
entièrement libre de les enregistrer ou pas. On s'est informé
à un notaire par chez nous, M. Herman Mathieu pourrait probablement nous
donner des renseignements là-dessus. Ils nous ont dit que cela ne se
passe pas devant notaire. Ce sont
des lettres patentes qui parviennent d'Ottawa et après cela, il y
a juste les notaires qui sont obligés d'enregistrer selon leur
corporation, je pense. On nous a dit que les actes qui sont passés
devant notaires sont enregistrés alors qu'à Ottawa, un
gouvernement, selon ce que le notaire nous a dit, n'est pas obligé
d'enregistrer les ventes par la suite. Ils ont marqué dans leur bulletin
qu'ils les enregistreraient; mais quand? on ne le sait pas.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: Juste une précision, M. le Président.
L'enregistrement ne donne pas de valeur légale à l'acte. Que le
titre soit une lettre patente ou un acte d'achat, un contrat d'achat, etc.,
l'enregistrement donne seulement la publicité. Maintenant, au plan
technique, si vous arrivez au bureau d'enregistrement pour enregistrer un acte,
il faut que, dans l'index aux immeubles, vous trouviez d'abord le numéro
de votre lot pour l'enregistrer. Donc, si le nouveau cadastre n'est pas
déposé au bureau d'enregistrement, le régistrateur ne peut
pas l'enregistrer. La formalité préalable, c'est qu'il faut que
le cadastre soit d'abord approuvé au ministère de
l'Énergie et des Ressources. Il y a peut-être ce point technique,
mais je le répète, l'enregistrement ne donne pas de droit, il ne
donne que de la publicité et que le titre soit un contrat d'achat ou une
lettre patente, pourvu qu'il soit fait selon les lois, il n'y a pas de
problème.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre, oui,
complément de réponse ou un point technique à ajouter.
M. Garon: La difficulté qu'il peut y avoir un peu, c'est
que, d'après les informations que j'ai, il y a eu une entente entre le
gouvernement libéral Bourassa, le gouvernement du Québec et le
gouvernement fédéral pour qu'il y ait un genre
d'expérience pilote avec un cadastre géodésique à
Mirabel. Alors, quand un gouvernement prend des engagements, le gouvernement
qui le suit ne peut pas casser tous les engagements qui ont été
pris par le gouvernement précédent. Alors, il faudrait voir
quelle forme d'entente a été prise avec le gouvernement
fédéral du temps, en 1974 ou en 1975, qui a autorisé le
gouvernement fédéral à faire sa description
géodésique et si cela peut être cassé ou non. C'est
cela la difficulté. Il semble, selon l'information que j'ai - on en a
déjà parlé dans des réunions antérieures -
qu'il y avait une forme d'entente entre le gouvernement provincial du temps et
le gouvernement fédéral.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va?
M. Garon: II faut dire aussi, lorsqu'on parle des fonctionnaires
que je ne connais pas le statut de la Société immobilière
du Canada, si c'est une corporation où les fonctionnaires sont
engagés selon les normes habituelles, avec des concours, ou s'il s'agit
de fonctionnaires spéciaux. M. Goyer est un ancien député
fédéral, ministre à Ottawa. M. Brien est un ancien
candidat de l'équipe de M. Ryan, en 1981, dans le comté d'Anjou.
Je ne sais pas s'il avait passé le test en dix points. C'est M. Ryan qui
pourra nous dire quel est le caractère de moralité de M. Pierre
Brien, il doit le connaître mieux que nous parce que M. Brien
était un de ses candidats en 1981. M. Marinier est très connu
comme un organisateur politique. Évidemment, ce sont des fonctionnaires
un peu spéciaux; il ne s'agit pas de fonctionnaires habituels.
Habituellement, ce genre de fonctionnaires peut se faire passer des commandes
beaucoup plus facilement que d'autres. Le caractère administratif est
souvent relégué au second plan pour être remplacé
par le caractère politique. Cela fait partie du dossier. Ce n'est pas un
dossier comme un autre. Ce que j'ai demandé à M. LeBlanc, quand
je suis allé à Ottawa, c'est de nommer comme représentant,
si c'était possible, un de ses sous-ministres, M. Perrier, un
fonctionnaire de carrière, qui était là du temps des
conservateurs. C'est lui qui dirigeait le dossier quand on avait
réglé, du temps des conservateurs. Donc, c'est quelqu'un qui peut
regarder un dossier administrativement sans ingérence politique. Alors,
j'ai dit: Pourquoi ne nommeriez-vous M. Perrier qui était là dans
le temps des conservateurs quand on a réglé? C'est encore un
sous-ministre adjoint chez vous, plutôt que la Société
immobilière du Canada dont la crédibilité est assez
brûlée dans l'opinion publique. On le voit à Pickering. Les
Ontariens n'ont pas vendu à des fonctionnaires, tandis qu'à
Québec, ils ne se sont pas gênés devant des fonctionnaires.
C'est tout cela qui fait partie du dossier. Quand on emploie le terme
"fonctionnaire", un fonctionnaire, habituellement, est engagé selon des
règles particulières. Je sais à quel point ceux qui
parlent, nos amis d'en face -je n'ai jamais employé cette expression
-disent que les fonctionnaires doivent être engagés selon des
concours, avec des règles précises, avec tout un ensemble de
démarches à suivre. Je ne pense pas que dans le cas de la
Société immobilière du Canada ce soit ce qui a
été suivi. La Société immobilière du Canada
est une société bien particulière elle aussi; si vous
regardez sa constitution, c'est une société qui avait pour but
d'acheter un terrain pour l'ambassade du Canada à Londres et qui est
aujourd'hui propriétaire de Mirabel, voyez-
vous? C'est tout cela le décor.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Cela a pris beaucoup de temps pour ne rien dire, mais
cela ne fait rien. Il y a une chose qui a été...
M. Garon: ...au député d'Argenteuil.
M. Ryan: Non, cela ne me fait pas mal du tout. Quand M. Brien
était candidat, pour votre information, il ne travaillait pas là
du tout, il était avec le groupe SECOR. On a demandé à
SECOR de faire une expertise; ils l'ont mandaté pour faire cela.
Ensuite, la société l'a demandé pour rester. Ces gens ont
du faire les vérifications qui s'imposent. Je pense que ce n'est pas
notre tâche de commencer à faire des procès in absentia
ici. Cela ne donne absolument rien.
M. Garon: Ceux qui sont absents n'ont qu'à être
présents.
M. Ryan: On vous a posé un problème précis
auquel vous n'avez même pas répondu; c'est une chose que vous
faites souvent d'ailleurs. On a dit: Le nouveau cadastre qui a
été envoyé au ministère de l'Énergie et des
Ressources pour approbation, d'après les renseignements que j'ai
obtenus, la décision devrait être rendue très
prochainement... Vu qu'il y a une demande exigeant le retour au cadastre qui
avait cours lors de l'expropriation, il serait peut-être assez
pressé qu'on s'informe pour savoir où en est le dossier au
ministère de l'Énergie et des Ressources. Tantôt, je vous
ai demandé si vous étiez prêt à faire les
démarches ou si vous aimez mieux qu'on les fasse nous-mêmes.
M. Garon: Ce que j'ai répondu au député
d'Argenteuil...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre. (16
heures)
M. Garon: ...et j'aimerais que le député soit franc
une fois de temps en temps, d'autant plus que les propos sont
enregistrés, c'est cela, on dirait qu'il ne peut pas. J'ai dit qu'il y
avait eu l'expérience pilote qui avait été faite et
approuvée dans le temps par le gouvernement d'alors. J'espère que
le député d'Argenteuil ne nie pas cela; il semble connaître
le dossier. Ce sont des particularités dont il ne parle jamais. Le
gouvernement a-t-il toute la marge de manoeuvre là-dedans? J'ai dit que
je ne le savais pas. S'il a toute la marge de manoeuvre et que les gens
souhaitent un cadastre habituel, c'est évident que je suis favorable
à cela, sauf que je dis: Est-ce que le ministère de
l'Énergie et des Ressources a toute la marge de manoeuvre voulue? S'il a
toute la marge voulue, je suis persuadé qu'on va retourner au cadastre
habituel dans les plus brefs délais.
M. Ryan: J'ajouterai seulement, très brièvement,
que le ministre a eu douze ans pour s'informer de cela et qu'il ne le sait pas
encore. On va prendre des renseignements nous-mêmes au ministère
de l'Énergie et des Ressources et on le saura pour demain. C'est bon
qu'on en vienne à ces choses-là. Je veux seulement terminer en
revenant aux questions qu'on posait tantôt. Vous exigez le retour au
cadastre qui avait cours lors de l'expropriation parce que, évidemment,
vous reliez ceci à ce que vous considérez être les droits
des personnes qui ont été expropriées. Vous trouvez que ce
serait plus facile, sans doute, si ce cheminement était suivi que si on
se ramasse avec un cadastre entièrement nouveau. Avez-vous
regardé de près ce problème ou si c'est une recommandation
que vous faites sur la base de ce que vous avez entendu dire? Avez-vous
d'autres renseignements qui pourraient nous être utiles
là-dessus?
M. Raymond: La semaine passée, nous avons eu une
assemblée. Un type dans la salle s'est levé et a dit qu'il avait
un problème avec les histoires de cadastre. Les lettres patentes
n'étaient pas accordées ou étaient à l'étude
et cela prenait du temps. Il y avait un montant qui était retenu. Une
banque exigeait 200 $ par mois pour avoir l'argent en disponibilité pour
passer le contrat, puis il était obligé de payer son loyer quand
même. Il paie son loyer. Il a pris des informations et on lui a
répondu que les lettres patentes, dans des cas de problèmes
d'enregistrement, pourraient prendre un an et peut-être davantage. C'est
une réalité que les gens sont obligés de vivre. Ses
lettres patentes n'arrivent pas; il fallait qu'il change de banque pour ne pas
être obligé de payer 200 $ pour retenir l'argent. C'est une
chose.
L'autre chose est la description géodésique.
D'après M. LeSieur, de la Société immobilière du
Canada, si quelqu'un a une compétence en électronique et
pèse sur les bons numéros, l'écran cathodique lui donne
instantanément les numéros, etc.
Malheureusement, on n'a pas de machines semblables sur nos fermes et on
n'est pas habitués à travailler avec des numéros; cela
nous embrouille plus. Une désignation cadastrale, c'est pour localiser
un numéro. On connaissait l'ancien cadastre; on était
habitués à travailler avec et cela nous cause des
problèmes très sérieux. Les cultivateurs sont contre le
cadastre "au boutte". Ils ne veulent pas le voir. En tout cas, c'est...
Mme Lafond: Là-dessus, on essaie d'alléger un petit
peu les lenteurs administratives qui peuvent exister et qui sont parfois
très lourdes. Par exemple, si on regarde l'envoi des comptes de taxes
municipales et scolaires aux deux frères dont on vous a parlé
tout à l'heure, il va falloir envoyer 16 grandes feuilles de 8 1/2 x 14
à ceux-ci, chaque fois qu'on aura à communiquer avec eux pour
décrire leurs numéros.
Simplement, si on veut aller vérifier un numéro de
contrat, c'était facile auparavant de savoir si c'était le
numéro 201 de la paroisse Sainte-Scholastique ou de la paroisse
Saint-Canut. Mais, là, quand on va vouloir décrire tel contrat,
il n'y a personne, à part les spécialistes, qui sera capable de
décrire leur numéro de lot, parce que c'est une description qu'on
ne peut absolument pas retenir. Quant à eux, cela leur facilite la
tâche pour démembrer le plus possible les fermes.
M. Ryan: Très bien.
M. Mathieu: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député...
M. Mathieu: Si vous me le permettez, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: Je pense qu'il y a une mauvaise
interprétation. Regardez la désignation géodésique.
Elle contient d'abord le numéro de lot. Je parle du document qu'on nous
a remis ce matin où il est bien écrit: "Description. Un lopin de
terre formé de 14 parcelles, parcelle 1, de forme
irrrégulière..." Je ne crois pas qu'on soit obligé
d'envoyer les 14 feuilles à chaque fois, parce que dans la
procédure normale, un cadastre se révise à tous les 100
ans environ. Il est bien sûr...
Une voix: Pardon?
M. Mathieu: Un cadastre est révisé une fois par
siècle. Il est bien sûr, quand on change le cadastre, on change
les habitudes des gens qui sont habitués d'avoir tel numéro. Et,
à un moment donné, il change de numéro. Mais dans la
pratique notariale, il faut s'habituer à cela. Normalement, un cadastre
change une fois par siècle. Je ne crois pas que cela oblige la personne
à envoyer 14 feuilles à chaque fois qu'elle voudra payer ses
taxes. C'est seulement pour connaître son numéro de lot. Cela va
être plus simplifié que cela. Mais, lorsqu'il est question, par
exemple, de description légale, c'est obligatoire. Pareillement sur nos
lots, souvent on fait des contrats et la désignation légale va
prendre deux feuilles. Une partie comprend tel numéro, tel rang, tel
cadastre avec les mesures et les bornes des parcelles. Mais le gars, quand il
vient nous donner son numéro de lot, il ne nous récite pas deux
pages. Il dit, par exemple, partie 241, rang 7, tel canton, point final. Et le
notaire sait quel est le cadastre. Ce sera pareil pour cela. Il ne faudrait pas
non plus dramatiser. Mais je comprends l'inconvénient que cela comporte
ainsi que certaines frustrations.
Quant à la vérification des cadastres,
généralement, une fois par siècle, il y a un ménage
qui est obligatoire et qui se fait là-dedans. Avec la loi 125, veux,
veux pas, avec le schéma d'aménagement, à chaque fois
qu'il y aura un permis de construction émis ou une transaction
immobilière sur une parcelle de lot, on va réviser le cadastre
à la pièce avec cela. En principe, je ne dis pas que c'est une
mauvaise chose parce qu'un cadastre, il faut qu'il soit révisé.
Au lieu de le réviser en bloc, avec la loi 125, il sera
révisé graduellement, selon les actes qui seront
posés.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Garon: En partie, c'est exact. Au Québec, ce qui est
arrivé, c'est que les gouvernements politiques, au cours des
années antérieures, n'ont pas respecté entièrement
les obligations des codes. Cette révision, qui aurait dû
être faite - je ne me rappelle pas de l'article, peut-être
l'article 2132 ou 2133 du Code civil - on ne l'a pas faite, de sorte qu'il y a
encore plusieurs descriptions par tenants et aboutissants, mais il n'y a pas de
lot. Le lotissement n'a pas été utilisé de sorte qu'en
bien des endroits c'est un fouillis indescriptible. Mais il semble que le
cadastre géodésique est encore plus un fouillis parce que si vous
regardez à la fin des 16 pages, tout cela est fait pour embêter le
monde et cela ne sert rien. Vous voyez qu'on retourne... On dit, "le tout a
été démontré en liséré rouge, sur
deux plans préparés par Raymonde Corbin,
arpenteur-géomètre." Là, on retourne à des
descriptions plus habituelles... Où est-ce que c'est donc? Je le voyais
tantôt.
Des voix: En haut de la page.
M. Garon: En haut de la page. Ah oui! Pardon! "Ces parcelles
décrivent plus ou moins les propriétés anciennes comme
étant les lots P-22, P-23, P-24," etc.
M. Mathieu: M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Juste pour conclure là-dessus, c'est que, dans
les règles de procédure des arpenteurs-géomètres,
que ce soit une expropriation d'Hydro-Québec, que ce soit une
expropriation du ministère des Transports et même du
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
pour creuser un fossé, ce sont toujours des descriptions comme
celle-là qui nous arrivent maintenant. Alors, je pense que ce n'est pas
un cas unique, c'est une procédure qui est en train de s'installer dans
nos moeurs ou dans notre droit.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Seulement deux questions pour l'instant. Les
recommandations que vous faites impliquent des recours assez extrêmes.
Une enquête publique, c'est une grosse affaire, une injonction c'est une
grosse affaire, une contestation judiciaire de toute l'activité, c'est
encore une très grosse affaire. Ce n'est pas que je veuille vous
décourager, mais je voudrais vous poser une question qui est
peut-être intermédiaire. Est-ce que vous ne trouvez pas, ou,
est-ce que vous seriez prêts à considérer que, avant d'en
venir là, il y aurait lieu d'insister de nouveau pour que des
suggestions comme celles qui avaient été faites par M. le
ministre à son homologue fédéral reçoivent une
réponse dans les meilleurs délais? Parce que, si les suggestions
du ministre recevaient une réponse ou devaient se concrétiser,
même sous des formes modifiées, mais qui respecteraient certaines
normes essentielles, est-ce que ce ne serait pas un moyen beaucoup plus
immédiat, un raccourci plus efficace pour arriver à des
résultats concrets, quitte à garder ces idées de recours
extrême en "storage" pour le cas où il faudrait aller jusque
là? Est-ce que...
Mme Lafond: Là-dessus, si on s'en tenait à cela on
sait que, avant qu'on n'en arrive à des résultats, les choses
vont être consommées à Mirabel. La contestation devient
justement un moyen d'arriver à des compromis par la suite. Mais, tant
qu'on ne passera pas par ces moyens-là, il n'y aura rien à faire
à notre avis. Ils détiennent un morceau de gâteau qui les
intéresse trop pour avoir envie de céder quoi que ce soit. Alors,
si on laissait la contestation de côté, il nous apparaît
qu'on n'arrivera à rien. Pour ramener un point concernant le
cadastre...
M. Bouvette: M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Bouvette.
M. Bouvette: M. Ryan, concernant le cadastre et pour couper court
aussi peut-être. Lorsqu'on demande le retour à l'ancien cadastre,
ce n'est pas parce qu'on veut se doter d'une mentalité
réactionnaire face à tout ce progrès que peut amener la
description géodésique. Sauf que, on a été
exproprié, en 1969, en vertu de l'ancien cadastre et l'on
rétrocède maintenant, en 1983. Alors, premièrement, on
devrait tenir compte du cadastre qui a servi à exproprier.
Deuxièmement, on se rend compte que ce nouveau cadastre ne sert
actuellement qu'un intérêt: à démembrer des fermes.
C'est une des raisons pour lesquelles on demande le retour. Parce qu'on s'est
habitués à comprendre beaucoup de choses dans la vie, depuis
1969, et on serait sûrement capables de comprendre des points
géodésiques.
M. Ryan: Dans une autre de vos recommandations, vous demandez
l'aide financière du gouvernement du Québec pour le CIAC.
Pourriez-vous résumer l'aide financière que vous avez
reçue à ce jour, l'aide financière qui a pu vous
être promise, qui n'aurait pas été versée encore et
qui serait à percevoir, la dimension de l'aide fiancière que vous
aimeriez recevoir pour l'avenir et les fins précises auxquelles elle
pourrait servir? J'aimerais que vous nous disiez aussi si vous avez
présenté des demandes à cet effet au gouvernement.
Mme Lafond: À ce jour, l'aide financière qui avait
été promise l'année dernière, au mois de juin, lors
de la rencontre à laquelle vous assistiez, il restait encore une somme
d'environ 26 000 $, mais cela dépendait de nous parce qu'il fallait
aller chercher un dollar et aujourd'hui, on l'a complété, on
l'apporte aujourd'hui. Cela veut dire qu'il fallait avoir eu des cotisations de
13 000 $ et on les apporte aujourd'hui. Je n'ai pas l'impression que le
gouvernement va s'opposer à nous la remettre. Par contre, on sait
très bien qu'une des tactiques de la société
immobilière est de nous épuiser du côté judiciaire.
Les procès se multiplient. On s'attend qu'il y en ait de nouveaux. 11 y
a au moins 50% des agriculteurs qui ont été menacés de
procédures judiciaires contre eux parce qu'ils n'ont pas signé
leur bail et qu'ils posent des pancartes. Alors, s'il y avait une injonction,
il est sûr qu'elle permettrait au moins d'arrêter toutes ces
tracasseries judiciaires. (16 h 15)
Pour nous, je pense qu'il faudrait que l'aide financière soit au
moins de même nature que l'année dernière et qu'on n'ait
pas à payer les frais de la contestation. On trouve que la population a
assez écopé, en a
assez porté sur le dos. On se dit: Est-ce à nous? Il nous
semble que l'intégrité du territoire est en jeu là-dedans.
Il nous semble qu'il y a un paquet de choses qui concernent les
Québécois, que l'agriculture québécoise concerne
les Québécois et il nous semble que ce n'est pas à nous
à porter ces poids technique et financier de la contestation.
M. Ryan: Merci. Peut-être une...
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce sur le même
sujet? C'est parce que j'ai déjà reconnu le député
de Groulx.
M. Ryan: D'accord, par la suite.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Groulx.
M. Fallu: Merci, M. le Président. Nous arrivons
progressivement à la fin des travaux de la commission parlementaire et
il y a, dans le rythme même de nos travaux, une certaine évidence;
c'est que nous tentons tous un peu de tirer maintenant les conclusions qu'il
faut à la suite des audiences. Il reste néanmoins au groupe
important de l'UPA, en ce qui a trait au projet de relance agricole sur le
territoire, à compléter tout à l'heure son
intervention.
Le CIAC apporte aujourd'hui dans son nouveau témoignage des
éléments importants qui vont dans le sens très
précis du mandat de la commission. Rappelons-nous que nous sommes
réunis en vertu d'un mandat de l'Assemblée nationale qui
était très précis, qui portait notamment sur quatre
points.
Sans vouloir faire le bilan des travaux de la commission, j'aimerais
néanmoins dire qu'il est devenu évident pour tous que
l'agriculture ne se porte pas si bien à Mirabel, d'une part. Nonobstant
tous les SORECOM possibles, il y a quand même le vécu. Il y a ce
qu'on peut voir aussi sur le territoire et il y a cette incapacité de
gestion aussi du fait de l'expropriation.
On s'est aussi demandé si les terres avaient été
expropriées en trop. Il semble même maintenant que le ministre
Roméo LeBlanc, discrètement, semble-t-il, jusqu'à
maintenant, reconnaisse qu'au-delà des 30 000 acres, peut-être que
s'il y avait des garanties suffisantes du point de vue de
l'aéronautique, il faudrait élargir bientôt le processus...
Enfin, à deux reprises, que je sache, il semble qu'un ministre
fédéral ait parlé un peu dans ce sens-là. Est-ce
une ouverture pour bientôt? On ne le sait trop, mais il a
été évident de la part de tous ici à cette
commission qu'il y a eu 80 000 acres expropriées en trop.
Pour le reste, vous nous faites des propositions très
concrètes. Il y a un premier bloc sur lequel je voudrais m'arrêter
- c'était d'ailleurs le sujet de la dernière intervention de
notre collègue d'Argenteuil -c'est certaines mesures de rétorsion
qu'on appellera injonction ou contestation devant la Cour suprême portant
sur la constitutionnalité de l'expropriation. On sait d'une part qu'avec
un espoir constant constant et très constant - nous nous sommes un peu
tous refusés d'aller à ces extrêmes, espérant
toujours, envers et contre tous, que le bon sens finirait par
réapparaître sur cette planète, dans notre territoire, et
qu'il y aurait rétrocession.
Je formule le voeu simplement, en sachant par ailleurs, et en ayant la
conviction que, constitutionnellement, le pouvoir fédéral n'avait
pas l'autorité de faire de telles expropriations massives, que le petit
processus enclenché avec 30 000 acres soit pour le moins la
reconnaissance dans les faits d'une erreur historique et, donc, d'un aveu hors
tribunal d'une inconstitutionnalité.
Quant à l'injonction, il faudrait savoir qui y a
intérêt et à quel moment il faudrait l'envisager, s'il faut
l'envisager, parce que, comme je le disais tout à l'heure,
jusqu'à maintenant on s'est tous refusés collectivement à
entreprendre de telles démarches, espérant toujours un
aboutissement logique et rapide au dossier.
Ce matin et cet après-midi, deux documents d'une importance
absolument capitale nous sont arrivés. D'une part, le
télégramme que le ministre de l'Agriculture a envoyé
à son collègue, M. Roméo LeBlanc, ministre des Travaux
publics, qui est une véritable ouverture à un débat de
fond sur, j'allais dire, l'ensemble des mandats de la commission pour
régler le problème de Mirabel une fois pour toutes. D'autre part,
il y a vos suggestions qui s'arriment en grande partie à cette
expression du gouvernement du Québec devant Mirabel. Donc, il y a, entre
vos demandes et celles du ministre Garon, inspirées sans doute de nos
discussions précédentes, un arrimage évident. Dans les
faits, on doit reconnaître, comme membres de la commission, que les
suggestions que vous nous faites en ce qui a trait à une consultation
véritable en vue de favoriser la rétrocession harmonieuse sont
les bienvenues. De la même façon, lorsque vous exigez que
l'ensemble des citoyens puisse voir avec transparence le processus de
rétrocession, on y concourt. On demande même que ce soit fait
à partir de principes d'équité, de morale publique, et
même en étant respectueux des gens qui vivent ou qui ont
vécu sur le territoire.
Quant au cadastre, on l'a expliqué tout à l'heure.
Peut-être faudra-t-il s'y résigner sachant que les notaires nous
donneront toujours, en appendice au moins, une référence à
nos anciens numéros de cadastre. Je n'ai pas de jugement à porter
sur le sujet, par ailleurs.
Vous nous demandez une aide financière. Je pense que, lorsqu'en
mai 1981 nous avions convenu que le CIAC devait vivre et devait continuer la
bataille en toute légalité devant les tribunaux, dans l'opinion
publique, ce gouvernement auquel vous vous identifiez a su répondre.
Sans parler pour le gouvernement, je crois pouvoir au moins dire que le
passé doit être garant de l'avenir.
En ce qui a trait à l'expropriation des 80 000 acres, je pense
que la réponse est déjà donnée. Elle a
été donnée à l'unanimité à cette
commission. Un jugement a été porté par l'ensemble des
Québécois sur le dossier et, j'allais dire, par tout l'univers,
parce que cette expropriation arbitraire, massive et inutile fait actuellement
la risée du mot Canada dans l'univers entier.
Il y a, par ailleurs, une attitude que vous nous demandez d'avoir. C'est
celle de demander, de faire ou de promouvoir une enquête sur la gestion
des terres à Mirabel, entre autres, des biens expropriés depuis
1969. Il arrive qu'à défaut de pouvoir emprisonner sans jugement
sommaire, eh bien, on finit par tourner la page. Jusqu'à maintenant, je
pense que l'attitude que nous avons tous eue au Québec devant un certain
nombre de dossiers contentieux avec ce parti qui forme le gouvernement
usé là-bas, c'est de tourner la page en espérant toujours
qu'on puisse collectivement se débarrasser de ce gouvernement et d'un
certain nombre de ses fonctionnaires qui pourront retourner ailleurs où
ils ne pourraient pas nous nuire collectivement. J'espère toujours qu'on
n'ait pas besoin d'enquête pour démontrer qu'ils ont fait du
patronage. C'est d'évidence publique. Cela prend un jugement politique
sur ce gouvernement. Pour le reste, c'est du même ton que les injonctions
ou les contestations juridiques de l'expropriation. Il me semble que, comme
peuple, on doit s'attendre rapidement à un respect. Il apparaît
évident que l'ensemble du mouvement d'opinion qui s'est fait depuis deux
ans, notamment, une sorte de ressourcement d'opinion publique devant Mirabel,
les cas Gratton et autres, ont maintenant forcé ce gouvernement et cet
empire qui tente de s'incruster actuellement à Mirabel, qui s'appelle la
Société immobilière du Canada, à commencer à
bouger. Néanmoins, je pense qu'il faut ensemble conserver une menace
très directe devant cette société. Il faut qu'elle sache
continuellement que n'importe quand on peut se présenter devant la Cour
suprême du Canada et déclarer cette expropriation
anticonstitutionnelle.
Il faut qu'elle sache qu'à n'importe quel temps, elle puisse
être l'objet d'injonctions pour ses irrégularités. Il faut
qu'elle ait cela en tête constamment. Toutefois, ce n'est pas cela qu'on
veut avoir. Ce n'est pas de même qu'on veut procéder
régulièrement. Ce qu'on veut, c'est participer à la
rétrocession, faire en sorte que les gens aient à nouveau leurs
propriétés bien en main, puissent les exploiter et qu'ensemble on
puisse mettre les fonds qu'il faut pour que Mirabel redevienne un pays normal
au Québec. Il faut que les menaces restent présentes. Il faut
notamment que le CIAC reste là, fort, comme moyen de pression dans le
milieu, comme interprète de la volonté populaire.
Mme Lafond: Là-dessus, M. Fallu, je trouverais regrettable
que la commission parlementaire conclue par de bons souhaits ou que la
contestation, il faut qu'elle se fasse. Je pense qu'on a passé le temps
des menaces et ils ne feront rien. Chaque jour qui s'écoule fait juste,
comme je vous ai dit tout à l'heure, aggraver le dégât qui
s'est déjà fait et là on en a assez. Le CIAC, qu'il soit
fort à un moment donné, c'est qu'on veut avoir le droit de vivre
une vie comme les autres aussi, avoir le droit de cesser de lutter, et pouvoir
vivre notre vie d'agriculteur. On va déjà avoir assez à
réparer quand on va nous permettre de réparer, qu'on mette tout
de suite en branle cette contestation. Une commission d'enquête, on ne
demanderait pas mieux, nous, que de tourner la page. Si c'est le seul moyen qui
les fasse bouger à quelque chose parce qu'il y a un paquet de scandales,
on en est convaincu. Si c'est le seul moyen qui les fait bouger, qu'on
entreprenne cette enquête, mais qu'on ne leur dise pas: peut-être
qu'un jour on va la faire. Il me semble qu'on aurait perdu notre temps si on
était venu en commission parlementaire juste pour qu'on en arrive
à des choses comme cela.
M. Fallu: Une telle enquête, en l'occurrence, est-ce que
vous demandez au gouvernement du Québec de l'instaurer ou que le
Québec demande au fédéral de l'instaurer.
Mme Lafond: Ce qu'on disait tout à l'heure: si vous avez
les moyens d'exiger que le fédéral la fasse, c'est sûr que
c'est au fédéral à la faire, mais s'il n'y a pas moyen,
nous on ne connaît pas assez comment cela peut fonctionner, mais s'il n'y
a pas moyen que le fédéral la sorte, cette enquête, parce
qu'on imagine qu'il peut être dangereux pour le fédéral de
faire cette enquête, que le gouvernement du Québec
l'entreprenne.
M. Fallu: Pensez-vous que l'honorable Pierre Elliott-Trudeau
ferait une enquête publique sur la moralité publique de celui qui
fut pendant près de douze ans l'un de ses ministres et auquel il a
confié le dossier Mirabel? Au moment où il se débarrassait
du personnage devenu odieux dans son propre cabinet, qui est devenu
dérangeant dans son propre cabinet, il a fait une promotion.
Mme Lafond: C'est sûr, mais à ce moment, est-ce que
le gouvernement du Québec peut faire quelque chose? Ce que je vous dis
là, c'est que je ne voudrais pas qu'on retourne avec des gens qui
pleurent sur les épaules des autres, et qui trouvent que c'est
regrettable un dossier de même, que finalement on continue seuls à
se débattre dans cela, on le regretterait.
M. Fallu: Soyez assurés de notre appui. Ce sont des
questions que je me pose à moi-même plus qu'à vous cet
après-midi. Merci. (16 h 3D)
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Richmond.
M. Vallières: Peut-être une question de
précision à M. Raymond qui, ce matin, faisait allusion à
la location d'érablières pour une période de huit mois.
Afin peut-être de circonscrire l'ampleur de ce problème, est-ce
que vous pourriez nous indiquer si vous êtes au fait du nombre de
locations qui ont pu avoir lieu à ce jour? Est-ce qu'il y a des gens qui
acceptent le genre de conditions de location? Sinon, quelles sont les
conséquences sur, par exemple, l'entretien de ces
érablières? Qui s'en occupe? Quelles sont les
conséquences, en termes agricoles, de cette politique qui a
été mise de l'avant par la société
immobilière?
M. Raymond: Au point de vue de la location
d'érablières, j'ai vu cela seulement depuis le printemps
passé. Cela fait un an que le bail de huit mois est
préconisé. Les cultivateurs refusent de signer un bail de huit
mois, ils entaillent pareil et ils reçoivent la visite d'agents de
sécurité ou de policiers leur défendant de fonctionner
dans leur érablière. Cela a comme résultat d'être
assignés, pris, dans des procédures judiciaires. Il y a quelques
cas... Il y a des baux que la société préconisait avant,
c'était l'ancien bail qui était en vigueur. Pour les baux
à venir, c'est ce bail qu'on offre.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: J'ai juste une couple de petites questions, M. le
Président, ce ne sera pas long, je ne veux pas retarder. Je veux
demander à M. Raymond: Ce matin, on a fait lecture d'une
déclaration de raison sociale relativement à la
Mirablière. Est-ce qu'on peut conclure par cela que c'est la SIC
(Société immobilière du Canada) qui exploite
elle-même une érablière?
M. Raymond: Non. C'est confus. La Mirablière donne
à interprétation. Si on regarde le bulletin de près, il y
a un groupement de cultivateurs, producteurs de sucre, qui porte pratiquement
le même nom que les érablières Mirabel ou quelque chose de
semblable. Et puis, la Mirablière est une filiale de la SIC et elle
groupe un certain nombre de producteurs, en leur faisant de la
publicité, en leur facilitant des... C'est surtout de la
publicité et certains autres avantages qu'ils peuvent avoir.
M. Mathieu: C'est que j'avais une inquiétude. J'aurais pu
penser que c'était une filiale de la SIC qui, elle-même, aurait
exploité en concurrence avec l'entreprise privée.
M. Raymond: Elle n'exploite pas les érablières;
elle exploite les gars qui travaillent dans les érablières.
M. Mathieu: Alors, cela me donne l'impression que la
Mirablière serait plutôt une marque de commerce.
Une voix: Un cadre social. M. Raymond: Oui, oui.
M. Mathieu: Chez nous, dans ma région, il y en a des
producteurs qui s'unissent, 10, 20 ou 40 érablières ou n'importe
quoi comme cela pour faciliter les choses, s'ils font une certaine
publicité. Alors, en réalité, cela dissipe mon
inquiétude là-dessus.
Avec votre permission, M. le Président, relativement...
Mme Lafond: Là-dessus, je dois vous dire... Je ne sais pas
comment vos 20 ou 40 producteurs s'associent. Est-ce qu'ils porteront leur
enregistrement? Est-ce que cela appartient au gouvernement ou - je ne sais pas
- à un ministère quelconque? Chez nous, cela appartient à
la société immobilière et les producteurs qui en font
partie doivent donner une certaine cotisation à la Mirablière,
sur chaque entaille, je pense.
M. Mathieu: Chez nous, cela se fait en prélèvement
à la livre de sirop.
Mme Lafond: Et qu'est-ce qui est payé à qui?
M. Mathieu: Mettons une fraction de cent à la livre de
sirop.
Mme Lafond: Et qu'est-ce qui est payé à qui?
M. Mathieu: Ce sont les producteurs qui paient à leur
organisation.
Mme Lafond: À l'association qui leur appartient; alors que
la Mirablière appartient à la société
immobilière.
M. Mathieu: Mais les frais prélevés sont
plutôt mineurs normalement. Normalement, c'est pour payer la
papeterie etc.
Mme Lafond: Ce serait intéressant de faire sortir le
contrat et de demander aux producteurs qui font partie de cette
Mirablière.
M. Mathieu: Je voudrais spécifier que j'étais
plutôt porté à croire cet avant-midi que la SIC exploitait
elle-même. J'aurais trouvé tout à fait indéfendable
que la SIC exploite une érablière faisant de la concurrence
à l'entreprise privée.
M. le Président, si vous permettez, juste pour dissiper un point
obscur, c'est que, relativement au fait que les lettres patentes ou les
contrats ne sont pas enregistrés, j'ai appelé tout à
l'heure au Service du cadastre. On m'a dit que le plan pour la partie
concernée a été préparé le 26 février
1981 et déposé au Service du cadastre au ministère de
l'Énergie et des Ressources le 2 décembre 1982. On me dit qu'il y
a eu des discussions sur certains points de recevabilité. Avant que ce
dépôt soit en vigueur, il faut une proclamation dans la Gazette
officielle. Alors, c'est peut-être une question de jours dans le moment
présent. On me dit que c'est parti; la copie approuvée a
été déposée au bureau d'enregistrement, mais tant
que ce n'est pas publié dans la Gazette officielle, le registrateur ne
peut pas recevoir d'acte contre ces lots. Or, j'imagine que c'est une question
qui est pratiquement réglée. Il reste, d'après ce qu'on me
dit, la publication dans la Gazette officielle. Donc, à partir de ce
moment-là, vous pourrez vérifier l'enregistrement de ces lettres
patentes et avoir les renseignements auxquels vous avez droit.
Mme Lafond: Ce sera fait?
M. Mathieu: C'est-à-dire qu'on a annulé deux
parties de lots pour les remplacer, on me dit dans un cas, par les lots 18
à 67. D'après les dimensions qu'on me donne, cela couvre cette
partie dont il est question.
M. Garon: La nouvelle partie qui est remise en vente actuellement
ou...?
M. Mathieu: Je suis sous l'impression que c'est... D'abord on me
dit que les limites, d'un côté c'est Sainte-Thérèse
et de l'autre côté, ce sont les comtés d'Argenteuil et de
Deux-Montagnes. Ensuite, ce sont Saint-Canut et Saint-Colomban.
M. Garon: Les lots 18 à 67, ce n'est pas gros. C'est
seulement 49 lots.
M. Mathieu: Oui, mais on me dit que...
M. Garon: Ce n'est pas tout le territoire.
M. Mathieu: Toute la piste, c'est le no 1. Il y a autant de
configurations... Un lot peut bien avoir 1000 acres ou 10 000...
M. Garon: Oh non! Si on revient à l'ancien cadastre, cela
ne peut pas être 49 lots.
M. Mathieu: Je n'ai pas demandé une recherche très
exhaustive aux fonctionnaires. Je voulais seulement savoir...
M. Garon: Avez-vous appelé M. Jobidon?
M. Mathieu: Non. J'ai parlé à quelqu'un et je n'ai
pas demandé le nom de l'individu. Je voulais savoir si la
procédure était pour aboutir et on me dit que oui; il reste la
publication dans la Gazette officielle, après quoi, les actes pourront
être enregistrés contre ces numéros.
Je voudrais bien faire remarquer une chose. Pour le praticien, avocat ou
notaire, qui enregistre un acte contre un immeuble, lorsque l'arpenteur a
passé et qui donne un nouveau numéro à notre lot,
lorsqu'on fait le contrat de l'ancien lot, on ne sait pas quel numéro
portera le nouveau cadastre. On le sait une fois que le cadastre est fait et
qu'il est accepté. Alors, des fois cela amène des
corrections.
Le Président (M. Bordeleau): Mme
Lafond.
Mme Lafond: Oui. Là-dessus, je pense qu'il y a quelque
chose que vous ne semblez pas comprendre. Il n'y a pas seulement l'affaire
d'ordinateurs, de points géodésiques et d'azimuts. Il y a plus
que cela. Il y a que l'on va prendre une ferme et là - je ne sais pas si
les agriculteurs, l'UPA, le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation ont été consultés -
s'il y a quatre ou cinq occupants sur la ferme, on va avoir cinq nouveaux lots
et la résidence. Le prix sera sur le lot de la ferme parce que,
présentement, il y a des puits qui sont dans l'allée de la ferme
et la résidence est séparée. On aura un boisé qui
sera au bout de la terre et qui appartiendra à quelqu'un d'autre parce
que c'est un autre occupant. C'est la logique qui s'est faite sur le
territoire. Cela va créer quoi comme problèmes futurs ces
choses-là?
Pour que cela soit bien clair, il y a deux problèmes. Il y en a
un peut-être où on va s'adapter à écrire un paquet
de numéros et à retenir par coeur un paquet de numéros
pour remplacer le no 201 autrefois. Mais, ce n'est pas seulement cela, c'est de
savoir ce qu'ils en ont fait de nos lots. Le 201 porte-
t-il seulement des numéros ou si, maintenant, c'est devenu cinq
lots? C'est cela qui est grave. Pour l'avenir, il y aura des problèmes
pour combien de générations avec tout cela? Il n'y a pas eu de
spécialistes agricoles qui ont travaillé là-dedans. Si
cela s'est fait de la même façon que cela s'est divisé
à Mirabel: un jeune agriculteur demande une ferme; il y a une maison
dessus; il demande pour louer et faire des fraises; on lui accorde la terre. Il
demande la maison; non, on va l'envoyer au village, lui. Cela s'est fait et
cela se fait régulièrement; c'est un résident qui est dans
la résidence et c'est comme cela que cela se concrétisera avec le
nouveau cadastre. C'est ce qui n'est absolument pas acceptable.
M. Mathieu: Je trouve que cela n'a pas de rapport que tel morceau
de terrain porte n'importe quel numéro, cela n'a pas de rapport avec le
cas que le gars demeure dans le rang ou dans le village.
M. Raymond: M. Mathieu, je ne sais pas si je comprends bien, ce
qu'on voulait vous dire, c'est qu'à une période, à un
tournant de la rétrocession des terres, qu'on profite en même
temps pour passer une description géodésique, il y a
déjà assez de confusion sans charger une surcharge de
numéros de lots pour arriver à faire... D'abord, c'est en 1969
que cela a été exproprié et ils avaient leurs
numéros. Cela devrait être rétrocédé avec
l'ancien numéro et mettre tous les gars... Parce que des mutations, dans
une paroisse, dans une municipalité, il peut y en avoir peut-être
cinq par année. Mais nous, si on en a 150 par année... En tout
cas, je vais résumer en vous disant que c'est une chose, un point qui va
créer davantage de confusion. On est déjà assez
mêlé comme cela sans qu'on nous surcharge avec des numéros
géodésiques. C'est dans ce sens qu'on voudrait être
protégés.
M. Mathieu: Pour conclure sur ce point, si j'en suis venu
là, c'était pour répondre à la question de savoir
pourquoi les actes n'étaient pas enregistrés. Parce que dans le
moment, techniquement parlant, on ne le peut pas tant que le nouveau cadastre
ne sera pas proclamé à la Gazette officielle. Mais ce point ne
regarde pas le fédéral.
M. Raymond: Oui, d'accord.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Je ne serai pas long parce qu'on
s'aperçoit que le dossier de Mirabel est un dossier parmi les autres
gros dossiers, car plus on fouille, plus on trouve de choses là-dedans.
J'ai de la difficulté à comprendre quelle sorte de planification
ou de compréhension a la Société immobilière du
Canada comment elle peut planifier et voir à développer
l'agriculture quand, selon ce qu'on nous a dit ce matin, on permet la vente de
maisons qui sont quasiment construites près des étables, etc.
Mais je n'allongerai pas le débat, parce que plus les gens de Mirabel en
disent, comme je le disais moi-même tout à l'heure, moins on
comprend quasiment comment cela peut être possible d'en être rendu
là.
Je ferais une demande au député d'Argenteuil. Puisqu'il a
obtenu la copie du télégramme que le ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec avait envoyé
au ministre des Travaux publics fédéral, à Ottawa, M.
Roméo LeBlanc, puisque le député d'Argenteuil a obtenu
cette copie des permanents de la SIC, pour l'intérêt, pour une
meilleure information de tous les gens qui sont ici, est-ce que le
député pourrait nous dire s'il y a eu une réaction
quelconque ou si les fonctionnaires de la SIC lui ont fait part d'une
réaction quelconque à la demande du ministre de
l'Agriculture?
M. Ryan: Non.
M. Baril (Arthabaska): Ils ne vous ont fait part d'aucune
réaction, d'aucun commentaire. C'est tout ce que j'avais à
demander, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: Très rapidement, je voudrais faire quelques
commentaires sur les propositions que le CIAC suggère au gouvernement du
Québec. Au sujet de la première suggestion qui est la tenue d'une
enquête publique pour faire la lumière sur la gestion des biens
expropriés depuis 1969 et les modalités qui ont cours dans le
processus de vente des biens expropriés, j'ai personnellement le
sentiment que le gouvernement fédéral va se refuser à
collaborer à une pareille enquête. Parce que, évidemment,
le simple journal des Débats qui relate les discussions qu'on a eues au
cours des journées de commission parlementaire, à mon point de
vue, est déjà un document tellement lourd et qui contient des
éléments tellement scandaleux que je ne vois pas ce
qu'apporterait une demande supplémentaire d'enquête pour
convaincre tout le monde que, effectivement, cela n'a pas de maudit bon sens et
qu'il faut que cela arrête.
D'autant plus que vous vous doutez bien que le gouvernement
fédéral va refuser, au nom de la sécurité de
l'État, comme il le fait souvent, de collaborer et de fournir les
documents. Donc, on va se retrouver pas tellement plus avancé qu'on
l'était avant.
Deuxièmement, je crois aussi, et je me rends compte que le
ministre de l'Agriculture du Québec avait déjà fait une
démarche qui rejoint votre suggestion, qu'un comité neutre qui
aurait le respect de tous et dont l'intégrité et la
moralité seraient reconnues de tous pourrait effectivement, je pense,
compte tenu de tout ce qui s'est passé, arriver comme un
élément de neutralité. Cela pourrait être une
façon, pour le gouvernement fédéral - du moins, je le
souhaite - de saisir cette occasion qui lui serait fournie pour tourner la page
sur le livre noir des années passées et essayer de commencer
à recoller les pots cassés. Je pense que c'est une suggestion
très importante dans les recommandations que vous faites. Je
souhaiterais, moi aussi, que le gouvernement du Québec, comme le
ministre l'a déjà fait auprès du ministre
fédéral, M. LeBlanc, continue dans cette voie pour que,
effectivement, ce comité voie le jour, qu'il soit opérationnel
dans les meilleurs délais. (16 h 45)
Ensuite, vous demandez que le gouvernement du Québec exige la
transparence dans le processus de rétrocession des expropriés.
C'est encore la même chose. Comment voulez-vous que le gouvernement du
Québec, dans le système politique et constitutionnel dans lequel
on vit, exige du gouvernement fédéral quelque correction dans ses
agisssements?
Évidemment, on ne devrait même pas avoir besoin de demander
cela, mais dans les circonstances, on sait pertinemment, avec tous les dossiers
qu'on a sous les yeux - non pas seulement celui de Mirabel mais avec les autres
aussi - qu'on peut toujours demander au gouvernement fédéral la
transparence dans ses activités, mais je présume qu'il fera comme
d'habitude et qu'il va simplement nous répondre que cela ne nous regarde
pas.
Le retour au cadastre. Contrairement à toutes les explications
techniques qui ont été données, je crois beaucoup plus
simplement que c'est une autre façon de venir embrouiller les cartes, de
mêler tout le monde, de compliquer encore davantage les dossiers, que ce
soit une difficulté supplémentaire pour les expropriés et
que, quand on aura réussi non seulement à irriter et à
frapper tout le monde mais en plus à les mêler, ce sera un
élément de plus qui leur permettra de faire le ménage
comme ils veulent le faire. La simple logique et le bon sens exigeraient qu'on
procède à la rétrocession des terres avec les mêmes
données qu'on a utilisées pour en faire l'expropriation. Je ne
vois pas pourquoi on vient mêler le monde avec des folies de 16 pages
pour décrire - je n'en reviens pas, 16 pagesl - la localisation d'une
terre quand cela peut se faire en deux paragraphes. Je ne vois pas d'autre
objectif là-dedans que de mêler tout le monde
délibérément pour que personne ne sache vraiment de quoi
il est propriétaire. J'ai essayé de regarder avec mon
collègue d'à côté, tout à l'heure. Je ne sais
pas comment on peut réussir à se situer là-dedans. Je
crois que c'est une opération délibérée pour
compliquer le dossier encore plus et vous faire d'autres embêtements.
Donc, ce ne serait pas difficile. Je pense qu'on ne demande pas
grand-chose au gouvernement fédéral cette fois-là. Ce ne
serait pas difficile de décider que, quand il va faire les
opérations, dorénavant, il va laisser tomber les 16 pages
d'identification pour revenir aux anciens cadastres. Ce ne serait pas
compliqué et il me semble que ce serait un premier geste
élémentaire qu'ils pourraient poser dans les jours qui
viennent.
Pour ce qui est des 50 000 acres de terre supplémentaires, je
vous ai déjà dit et je vous répète que ce n'est pas
50 000. Si vous ajoutez 50 000 aux 30 000, cela fait 80 000 et il y a encore 17
000 ou 18 000 acres de terre que vous laissez là à paître,
qui sont complètement inutiles et qui ne serviront jamais à des
fins aéroportuaires. Ce n'est pas 50 000, mais au moins 60 000 et
peut-être un peu plus qu'il faut exiger. Je pense que ce chiffre serait
à modifier. "Que le gouvernement du Québec accorde une aide au
CIAC." Oui, cela a déjà été fait et, compte tenu
que bon nombre de députés, non seulement ceux de la
région, dont nous sommes, mais également ceux d'autres
régions du Québec - cela s'est parlé beaucoup au Parlement
- ont pris conscience du problème de Mirabel, compte tenu surtout de la
qualité du travail que vous faites, je ne vois pas comment le
gouvernement pourrait vous laisser tomber sur le plan financier.
Enfin, je ne reprendrai pas tous les points parce que le reste, ce sont
des choses qui vont de soi. Tout ce que je peux vous dire, c'est que
j'espère que, dans les jours et dans les semaines qui viennent - et on
aura des discussions entre nous là-dessus - non seulement on se base
d'abord sur les propositions que vous faites, mais qu'on trouve et qu'on
utilise les moyens les plus gros pour faire en sorte que ce dossier se
règle le plus vite possible. Vous devez comprendre, d'autre part, que
vous êtes ici devant une commission parlementaire à
l'Assemblée nationale, que vous adressez des demandes au gouvernement du
Québec et que celui-ci, dans ce dossier-là, est aux prises avec
un autre gouvernement qui, dans ce cas-là, est un gouvernement central
qui a aussi des pouvoirs extrêmement étendus dans notre
régime constitutionnel. La façon dont le gouvernement du
Québec peut se tourner de bord là-dedans, j'espère que
vous êtes conscients que ce n'est pas si simple que ça et que le
gouvernement du Québec a des contraintes là-dedans, des
contraintes constitutionnelles. Il peut faire certaines
choses effectivement, mais à partir du moment où il essaie
de tordre le bras du gouvernerment fédéral un peu trop fort dans
un dossier comme celui-là, il peut simplement se faire répondre,
comme dans une multitude d'autres dossiers que je pourrais évoquer
maintenant, que ça ne le regarde pas et de se mêler de ses
affaires.
Ce que je vous dis, c'est que, quant à moi, j'en étais
convaincu avant la commission parlementaire et je le suis maintenant encore
plus, j'en suis même un peu obsédé et je peux vous dire que
vous avez mon appui moral, évidemment, mais aussi l'appui de tous les
députés. Je pense que c'est vrai aussi de quelque
côté de la table qu'on se situe. Je peux vous dire que, chaque
fois que vous aurez besoin de moi -je suis persuadé que c'est la
même chose pour mes collègues aussi - on sera toujours
disposés à vous donner un coup de main. Je pense que la
commission parlementaire, ce n'est qu'un début et, à partir
d'aujourd'hui, je peux vous assurer que vous n'êtes pas seuls et que je
suis prêt, et tous les autres le sont aussi, à serrer les coudes
avec vous pour que ça cesse au plus vite.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je crois que le ministre des Affaires municipales
voulait dire un mot; je ne suis pas pressé.
Le Président (M. Bordeleau): Oui.
M. Léonard: Est-ce que vous me laissez la parole, M. le
Président?
M. Ryan: Volontiers.
Le Président (M. Bordeleau): Oui. M. le ministre des
Affaires municipales.
M. Léonard: Je voudrais saluer les gens de Mirabel et du
CIAC et les remercier pour l'excellent travail qu'ils font. Je pense qu'on a
fait le tour d'un certain nombre de points ici. Pour ma gouverne personnelle,
parce que je n'ai pas eu l'occasion de suivre tous les travaux de cette
commission, je voudrais vous poser quelques questions.
Nous avons actuellement une commission parlementaire qui a
siégé plusieurs jours maintenant et qui a fait le tour, au moins,
d'un certain nombre de questions, qui, à mon avis, a
éclairé l'opinion publique et attiré l'attention aussi de
l'opinion publique sur toute la question dont on parle maintenant. Vous
demandez une enquête publique à la suite de cela. Je vois bien que
c'est différent, une enquête publique, mais compte tenu de la
preuve qui a déjà été faite ici devant tout le
monde, qu'est-ce que cela ajoutera de plus?
Mme Lafond: Quant à nous, comme je le disais tout à
l'heure, on ne demanderait pas mieux que de tourner la page si on nous
permettait de revivre, mais on ne nous le permet pas. Chez nous, c'est un
territoire à expériences. D'un territoire agricole, un des plus
beaux du Québec, on a expérimenté un aéroport
international; on sait ce que cela donne. D'une quinzaine de paroisses rurales,
on a expérimenté une ville. De nos maisons, on a
expérimenté des incendies et de la dynamite. C'est ce qu'on a
fait chez nous. D'une communauté, on a expérimenté ce que
c'était être administré par du fonctionnarisme. On a
expérimenté une agriculture décrétée par la
bureaucratie. Là, on commence à être fatigués
d'être l'objet d'expériences. La géodésique, etc.,
encore des expériences pilotes. On en a assez de cela. Si ce n'est pas
l'enquête, que la contestation arrive, mais qu'elle arrive le plus vite
possible. On est fatigués à Sainte-Scholastique. On est en train
de nous mener vers la désobéissance civile à plein. Quand
on nous demande ce qu'on fait avec le bail de huit mois, on
désobéit. Quand on nous demande ce qu'on fait avec les pancartes,
on désobéit. Quand on nous demande ce qu'on fait avec le bail qui
nous dit de s'en aller ou de le signer, on désobéit.
Jusqu'où va-t-on aller dans la désobéissance civile?
M. Léonard: J'entends bien et je comprends aussi que vous
soyez exaspérés par toutes les lenteurs après quatorze
ans. À la suite ou dans la foulée de ce qu'a dit mon
collègue de Rousseau, il reste que la commission parlementaire, comme
tout ce que vous avez fait auparavant, a amené le dossier sur la place
publique. Est-ce que l'enquête publique va en ajouter suffisamment pour
faire verser? Je suppose que ce n'est pas la dernière étape que
vous voyez. En fait, on est dans un processus qui a des allures politiques, qui
peut avoir aussi certains impacts ou certains aspects judiciaires. Au fond, il
faut faire changer une décision de fond qui a été prise il
y a quatorze ans. À ce moment-là, à votre avis, est-ce
qu'on a besoin encore de l'enquête publique pour dire devant tout le
monde: Voilà, il faut encore gratter les bobos que tout le monde
connaît et en remettre encore avant qu'ils en arrivent à la
décision de revenir en arrière? Il me semble qu'on est presque
à la dernière étape où une décision
politique doit être prise à Ottawa là-dessus. Est-ce que
l'enquête publique va les forcer définitivement ou si, au seuil de
la commission parlementaire, vous jugez que ce n'est pas encore suffisant?
Mme Lafond: Je suis convaincue que l'enquête publique les
dérangerait, parce que nous vous avons apporté ce qu'on sait. Ce
qu'on ne sait pas - c'est comme la pointe de
l'iceberg - c'est comment il se fait que les maisons ont
été détruites, déménagées, vendues
pour une piastre. On ne sait rien de cela. Qui a mis de l'argent dans ses
poches? Comment se fait-il que nos maisons soient rendues des sous-sols
ailleurs? On ne sait pas cela. On ne tient pas à savoir tous ces
scandales. Ce n'est peut-être pas nécessaire, mais au moins prenez
la contestation. L'enquête, je me dis que c'est un moyen, une pression
pour les faire avancer. Si on se contentait, à la fin, d'un
comité neutre, cela va faire ce que le ministre Garon a fait. Il a
envoyé un télégramme qui est retourné sur le bureau
de Jean-Pierre Goyer. Dans ce télégramme, il était presque
dit que la SIC n'est pas compétente; mettez quelqu'un d'autre. C'est
retourné au bureau de la SIC, comme nous autres, par le passé,
quand on faisait des démarches à Ottawa, cela retournait à
ceux dont on se plaignait. C'est sûr que si on s'en tient juste à
dire: S'il y avait un comité neutre, oui, on serait content. C'est
vraiment un comité neutre. Mais quels moyens de pression avez-vous pour
le créer si ce n'est pas une contestation ou une enquête? Si c'est
la contestation, parfait.
M. Léonard: C'est une enquête qui irait toucher
à des aspects, à l'administration même de la SIC. Au fond,
on va faire la preuve qu'une agence gouvernementale comme celle-là ne
peut pas cultiver des terres, ne peut pas louer des maisons, les
réparer. On revient, finalement, à l'entreprise individuelle ou
privée qui est la mieux placée pour faire de telles choses et non
pas une agence gouvernementale. Je pense qu'on ferait le tour, à ce
moment-là, si je comprends bien, de tous les aléas, des
décisions prises au jour le jour durant treize ou quatorze ans sur ce
territoire. Cela peut prendre assez de temps et cela a une certaine ampleur, en
effet. J'aimerais que cela aboutisse avant qu'on en arrive là.
Votre comité, je suppose que c'est un dispositif très
flexible qu'on pourrait mettre en place immédiatement. Vous en avez
vous-même parlé à la SIC dans la mesure où vous
pouvez avoir des contacts directs avec eux.
Mme Lafond: On n'en a pas du tout.
M. Léonard: Ils n'ont jamais répondu de
façon concrète à cela, ni, évidemment, au ministre
de l'Agriculture, ni à personne sur le territoire.
Mme Lafond: Les représentants de la SIC, on ne les
rencontre pas. Ce n'est pas nous qui ne voulons pas. On le demande depuis deux
ans.
M. Léonard: Ils n'ont rien laissé filtrer. C'est
comme si cette demande n'existait pas.
Mme Lafond: C'est cela. On ne l'a pas fait à eux autres
puisqu'on ne les rencontre pas. On ne peut pas leur faire la demande. (17
heures)
M. Léonard: Sur le plan de l'injonction, pour demander une
injonction, il faut avoir un intérêt. Je suppose que les
agriculteurs eux-mêmes, ceux qui étaient propriétaires
auparavant, qu'on peut retracer maintenant, peuvent justifier leurs
intérêts. Est-ce que le gouvernement du Québec, à
votre avis, peut, lui, justifier un intérêt? Vous nous demander
d'être partie à la demande d'injonction.
M. Bouvette: C'est ce qu'on disait tantôt. Peut-être
que l'exproprié est plus ou mieux habilité que le gouvernement du
Québec pour faire cette demande d'injonction. Les procureurs du
gouvernement seraient mieux en mesure que nous de dire lequel des deux
interlocuteurs est le plus habilité. Déjà, l'idée
est posée ici face à la moralité publique. Il y a des
accrocs, comme la vente à des fonctionnaires, entre autres, et la
non-priorité. Il y a des accrocs. Alors, on fait une demande
d'injonction pour savoir qui est le mieux habilité entre
l'exproprié et le gouvernement du Québec. La demande qui vous est
faite c'est d'avoir une aide pour cette injonction.
M. Léonard: Oui, je comprends ce que vous dites. Si le
propriétaire est le mieux habilité, le gouvernement, en second
lieu, peut le supporter. Je vois bien. La contestation de la Loi sur
l'expropriation elle-même, nous en avons déjà
discuté, vous en avez déjà parlé ici, c'est un
processus qui peut être très long. Il peut prendre cinq ou dix ans
et je sais qu'à l'origine, tout le monde hésitait devant cela
parce qu'on craignait que cela gèle à peu près toutes les
activités et qu'il n'y ait plus rien qui se passe tant que la Cour
suprême n'aurait pas rendu son jugement. Aujourd'hui, vous modifiez un
peu votre pensée là-dessus. J'ai cru comprendre tout à
l'heure que quand on est en processus judiciaire comme cela, cela pouvait aussi
avoir ses impacts du côté politique et donc au point de vue
décisionnel. Je comprends que vous avez modifié votre attitude
par rapport à une contestation juridique.
Mme Lafond: Là-dessus si vous voyez, il y a des demandes
qui semblent contradictoires dans cela. Quand on demande un comité
neutre et qu'on demande la contestation...
M. Léonard: Je ne dirais pas contradictoire, excusez,
complémentaire je suppose.
Mme Lafond: C'est moi qui le dis là que cela pourrait
paraître contradictoire
quand on conteste et qu'on demande en même temps la transparence
dans les ventes, et un comité neutre pour faire la rétrocession
du territoire. Moi je me dis, la contestation doit être là, elle
doit être présente. Tant mieux si elle amenait à la mise
sur pied d'un comité neutre et tant mieux si une partie de la
rétrocession se faisait en même temps que la contestation, et tant
mieux si un autre gouvernement prenait le pouvoir à Ottawa et
rétrocédait tel que la position de M. Phaneuf, tant mieux
à ce moment si on peut fermer le dossier avant, le plus vite possible.
Plus tôt on va le fermer, mieux cela va être.
M. Léonard: Cela veut dire que vous pourriez aller en
contestation juridique comme cela, mais si jamais il y avait une
décision vous retireriez au cours... D'accord.
Sur un autre plan, M. le Président, si vous le permettez, il y a
la loi 60, je crois, qui a créé SATRA du ministère des
Affaires municipales dans le temps avec le ministre Lussier. Selon cette loi il
y a eu des comités qui ont siégé longtemps, qui ont
essayé de dessiner un schéma d'aménagement. En fait, cela
a eu certains impacts sur le territoire. Cela va être ajusté
évidemment à la suite de la loi 125. Est-ce que ceci a
déjà été envisagé par les agriculteurs ou
les producteurs agricoles? Est-ce que, par rapport à une certaine partie
du territoire agricole, il pourrait y avoir des dispositions des schémas
d'aménagement, selon la loi créant SATRA, qui pourraient
satisfaire le fédéral en termes de règlement de zonage, de
tout ce qu'on veut qui pourrait, disons, répondre aux exigences des lois
de l'aéronautique et qui permettraient de cultiver vos terres? Est-ce
que vous avez eu l'occasion de discuter dans le passé là-dessus,
dans tout ce contexte de la loi 60 créant SATRA?
M. Raymond: SATRA, c'était pour être plus
présent par le ministère des Affaires municipales. La ville de
Mirabel avait été créée pour que ce soit plus
facile pour Travaux publics Canada ou le ministère des Transports de
fonctionner avec une seule municipalité. Dans la question, à ce
moment, c'est très difficile l'orientation qu'à ce moment, pas
tellement dans le fond...
M. Léonard: Vous avez été pratiquement
absent des discussions qui ont entouré la mise en place du schéma
d'aménagement, un des premiers éléments.
Complètement.
Mme Lafond: Là-dessus, il semble que d'après le
ministre Roméo LeBlanc, il y en a un zonage à Mirabel. Il y a le
zonage agricole. C'est supposé être permanent, j'imagine. En plus,
si on met dans les contrats que les contrats aéroportuaires doivent
être respectés à vie, en transférant le contrat, en
le revendant, ces contraintes sont toujours là. Je ne vois plus quel
problème... D'ailleurs, les ventes qui se font présentement ont
à peu près toutes des contraintes. Je ne vois pas pourquoi cela
ne suffirait pas.
M. Léonard: Bon, j'entends très bien. Ailleurs,
comme a besoin seulement de quelque 10 000 acres pour faire un aéroport,
sur le reste, à tout le moins, on devrait dégager de toute
contrainte. En fait, je comprends. Mais même pour le reste, cela
permettrait peut-être d'aller chercher 10 000, 13 000 acres
additionnelles, comme le disait le député de Rousseau.
Maintenant, vous savez que dans tout le processus qui a conduit au
découpage du territoire des municipalités régionales de
comté, nous avons laissé le territoire de Mirabel de
côté. Il a été évoqué au cours des
discussions que ce territoire pourrait faire l'objet d'une zone d'intervention
spéciale du Québec au terme de laquelle on pourrait mettre
certaines exigences, mais permettre l'utilisation du sol pour toutes sortes
d'autres usages qui ne seraient pas en contradiction avec la vocation de
Mirabel. Je suppose que vous n'avez pas eu l'occasion de creuser davantage
là-dessus, mais cela pourrait être une façon de traiter
cette question au moins sur le territoire qui serait utilisable pour
l'aéroport directement.
M. Raymond: Oui. Dans les questions qu'on peut se poser... On
parlait de la rétrocession, M. Gouin parlait d'en
rétrocéder plusieurs. On se rend compte que 30 000 acres ont
été rétrocédées, c'est la première
démarche et on veut préconiser un bail de 25 ans.
Sérieusement, si on n'a pas besoin du terrain pour un bail de 25 ans,
cela fait quartorze ans qu'on est exproprié plus 25 ans, cela fait 39
ans. À chaque firme à laquelle on offrira un bail de 25 ans, on
donnera la preuve tangible que cela pourrait être revendu.
Pour les schémas d'aménagement, il y a les pôles
d'attraction dans Mirabel, il y a Saint-Janvier, il y a Saint-Augustin. Les
paroisses foncièrement rurales préféreraient rester
plutôt en campagne qu'en ville, vous savez. Pour les paroisses rurales,
je parle de Saint-Hermas, je parle de Saint-Benoît, je parle de
Saint-Canut.
M. Léonard: M. Raymond, est-ce que vous voulez dire par
là que, quand ce sera rétrocédé, on reviendra
à vivre avec des villages qu'il y avait auparavant, qu'ils soient
désignés comme tels en termes de structure municipale ou qu'ils
soient des parties ou des secteurs de la ville de Mirabel, mais ayant une vie
municipale assez autonome?
M. Raymond: À ce moment, c'est...
M. Léonard: Surtout dans les parties agricoles.
M. Raymond: C'est toute - on dira -une démarche qu'on
devrait... Là, cela brasse assez à Mirabel...
M. Léonard: Je n'ai pas soulevé cela.
M. Raymond: ...sans refaire d'autres partages de paroisses, vous
savez.
M. Lafond: II y a des agitateurs!
M. Raymond: Oui. Nous avons de la misère à suivre
et si on dit: pour les paroisses, bien on déferait la ville ou ce serait
un nouveau découpage! Pour le moment, il faudrait fonctionner
très prudemment et faire la rétrocession. Après cela, la
prochaine étape pourrait être regardée d'une manière
très sérieuse. C'est que conduire sept, huit...
M. Léonard: ...lièvres à la fois, vous en
perdrez quelques-uns.
M. Raymond: Oui, oui. ...de front, ce serait peut-être une
surcharge pour les gens de ce territoire.
M. Léonard: Très bien, M. Raymond, je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Alors,
il y aurait peut-être un petit mot de M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre
des Affaires municipales, M. le Président, étant donné
qu'il s'est avancé le cou?
Le Président (M. Bordeleau): Vous pouvez y aller.
M. Ryan: Est-ce qu'on peut vous demander si vous êtes sur
le point de prendre une décision au sujet de la MRC de Mirabel?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Léonard: Oui, M. le Président, je pense que nous
l'avons laissé de côté, en termes de découpage, en
attendant que cette question de la rétrocession soit
réglée. Nous espérons quand même que le
fédéral prendra des décisions incessamment. Il y a quand
même à une première étape, il y a 30 000 acres qui
sont rétrocédées. Je comprends qu'il y a des
problèmes de fonctionnement qu'on a soulevés ici à la
commission, mais, en réalité, il y a des choses qui doivent se
faire et elles doivent se faire sur 80 000 acres. À ce terme, le statut
de la ville de Mirabel, on y verra. Donc, je pense que cela continue comme
c'est présentement. Cela ne les empêche pas de dormir. Il a dit
qu'il avait beaucoup de lièvres à courir.
M. Ryan: Doit-on comprendre que cela s'applique également
à l'idée de démembrement? C'est qu'il n'y a pas de projet
de démembrement en marche actuellement.
M. Léonard: Non. Il n'y a pas eu de projet de
démembrement. Cela est une hypothèse qui a été
évoquée et elle n'a pas eu de suite. Je pense qu'il faut quand
même régler ce qui est l'essentiel pour les gens qui habitent le
territoire, soit la rétrocession.
M. Ryan: Je voudrais émettre deux opinions en terminant,
en ce qui me touche, la rencontre avec le CIAC. Premièrement, en ce qui
touche le cadastre, si j'ai bien compris les renseignements qu'apportait le
député de Beauce-Sud tantôt, le projet de cadastre a
été soumis aux autorités du ministère de
l'Énergie et des Ressources, il y a déjà un an et demi ou
deux ans. Il a été déposé au début de
décembre 1982. Ce qui veut dire que pour les fins du service du
ministère de l'Énergie et des Ressources, cela a
été approuvé. Il reste seulement la publication. Je ne
sais pas si le ministre a autre chose à dire là-dessus, mais il
me semble que ce sont des choses qui auraient dû être
vérifiées plus tôt dans le processus qu'on suit ensemble
parce que c'est le même gouvernement. Que ce soit les ministères
des Affaires municipales, de l'Énergie et des Ressources, ou de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, c'est le même
gouvernement. Le bras gauche ne doit pas ignorer ce que fait le bras droit et
vice versa. Je pense que ce serait important. Si le ministre veut nous donner
des précisions tantôt, on l'appréciera et s'il y a d'autres
démarches qu'il peut faire en vue de s'assurer que rien de
définitif et d'irredressable soit fait de ce
côté-là, qu'il le fasse. Je pense que c'est une de ses
responsabilités.
Deuxièmement, tantôt, en vous interrogeant, je me suis
abstenu à dessein d'émettre des opinions sur les recommandations
que vous avez présentées au gouvernement, parce que je voulais
entendre toutes les explications qui étaient données. L'opinion
que j'émettrais à ce moment-ci, je vais y penser
sérieusement, je ne veux pas émettre de conclusion qui engage
tout le monde de notre côté, mais je serais enclin à penser
que ce qui est le plus pressé, c'est qu'un mécanisme efficace de
liaison soit établi entre les deux paliers de
gouvernement et entre l'organisme qui agit sur le territoire et les
organismes représentatifs de la population. Là, il y a une
carence considérable. Je ne pense pas qu'on ait apporté assez de
matières à ce moment-ci pour justifier immédiatement un
des recours extrêmes qui ont été mentionnés. C'est
bon qu'il ait été mentionné; je ne fais pas de reproche
là-dessus. Je serais porté à insister
énormément auprès du gouvernement pour qu'il veille
à obtenir qu'un mécanisme efficace de liaison soit trouvé,
comprenant éventuellement, en ce qui regarde les deux gouvernements, un
organisme conjoint, en ce qui regarde la jonction avec la population. Cela peut
être un organisme impartial comme celui dont il a été
question, cela peut être d'autres formes de liaison également. Il
me semble que c'est ce qui fait le plus tragiquement défaut. D'autre
part, je crois qu'il y a un processus d'engagé. C'est facile, si on est
à Québec ici et qu'on n'est pas sur le territoire,
d'échafauder toutes sortes d'hypothèses d'actions. Le lendemain,
ceux qui sont intéressés se retrouvent les deux pieds sur le
territoire et il y a des choses qui sont plus faciles à décider
ici qu'à faire sur le terrain là-bas. Je voudrais être
réaliste pour ne pas qu'on se réveille dans un mois ou deux en se
disant: On avait brassé de bien belles idées et cela n'a rien
donné. C'est dans cet esprit que j'insiste pour qu'on cherche avec
encore beaucoup plus d'intensité à obtenir des mécanismes
de liaison comme ceux qui vont permettre de redresser certaines choses le plus
tôt possible parce que là, il y a des choses qui sont en train de
se faire de toute manière et qui seront irréversibles, à
toutes fins utiles.
Je voudrais insister. Moi-même, j'avais insisté directement
et incessamment pour qu'on donne une suite à ce message qui avait
été envoyé par le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation. Je pense que si d'autres démarches
arrivent et que le ministre daigne nous en informer, on pourra l'appuyer
beaucoup plus vite. Il y a quelque chose là-dedans. On vit dans un
régime fédéral; je ne peux pas décider de commencer
à penser comme si cela n'existait pas. Je pense que dans un
régime fédéral, si on marche continuellement et
systématiquement avec un esprit de confrontation, on n'aboutit pas
à des résultats intéressants pour la population. Un
régime fédéral postule à un esprit de courtoisie
réciproque, de complémentarité, de compréhension et
de collaboration. (17 h 15)
Encore une fois, on pourrait tous faire des procès de ce que l'un
et l'autre ont fait, cela ne donnerait pas grand-chose. Je voudrais dire que je
suis prêt à appuyer très fermement et complètement
les démarches qui peuvent être faites pour qu'on aboutisse
à cela le plus tôt possible; pour que le plus tôt possible
cela se mette en marche.
Après cela, je crois que l'autre, il faudrait l'envisager, mais
on peut bien prendre des décisions radicales et si cela ne donne rien
demain matin, je pense qu'on n'est pas plus avancé personne. Vous avez
fait montre d'une patience exemplaire jusqu'à maintenant; cela fait 13
ans, et je crois que cela n'a pas donné ce que cela aurait dû
donner pour toutes sortes de raisons, dont personne ici n'est exclusivement
responsable. Je pense que c'est encore la voie à suivre. Je suis
sûr que cela va donner de meilleurs résultats qu'avec des choses
catégoriques qui ne seraient pas réalisées de toute
manière.
Le Président (M. Bordeleau): Mme
Lafond.
Mme Lafond: Je reviens à la contestation,
là-dessus. Comme vous dites, M. Ryan, il y a des choses
irréversibles qui sont en train de se faire et qui vont se faire d'ici
très peu de temps. Il y a des résidents qui se trouvent face
à l'éventualité de payer 10 000 $, 15 000 $ de plus qu'ils
ont été payés, après avoir payé le loyer,
qui peut compenser peut-être pour les intérêts qu'ils ont
reçus, mais qu'est-ce que cela leur aura donné à ceux
qu'on a accusés d'être les nouveaux riches? Cela leur aura
donné ou qu'ils vont payer 15 000 $ de plus pour leur maison, ou qu'ils
vont quitter le territoire. Après cela, ils se demandent qu'est-ce
qu'ils font. Ils vont aller signer ce contrat-là? Pour nous, la
contestation est une demande formelle pour aujourd'hui. On y tient. On insiste
et on insistera encore auprès du gouvernement du Québec. On a eu
un comité de conciliation en 1973. Ce comité de conciliation a
fait des recommandations en 1975. Et c'est en 1978 qu'on a fini de
régler les expropriations, en dehors du rapport du comité de
conciliation, parce qu'ils ne l'ont jamais accepté. Ils ont
accepté ce rapport dans un cas. Alors, qu'est-ce qu'on peut se permettre
d'espérer encore avec un comité comme celui-là? On le
souhaiterait, mais on ne peut pas espérer, on n'a plus confiance.
Alors, on demande la contestation, parce qu'il y a justement trop de
choses irréversibles qui sont en train de se faire.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, j'aime beaucoup entendre les
paroles du député d'Argenteuil. Son action ressemble beaucoup
plus à celle d'un agent double qu'à n'importe quoi d'autre. Je
peux vous dire que...
M. Ryan: M. le Président, cela est bien proche d'une
insulte.
M. Garon: Cela en est une. C'est ce que je pense.
M. Ryan: Je pense que cela vous caractérise. Continuezl
Vous me dispensez de répondre, parce qu'on commence à vous
connaître.
M. Garon: Vous savez, quand le député d'Argenteuil
nous dit des belles paroles ici, il écrit, le 25 janvier 1983: "Tandis
qu'à Québec, la commission parlementaire convoquée par M.
Jean Garon se traînait les pieds, la Société
immobilière du Canada mettait en marche, dès la fin de 1982, son
programme de revente de propriétés expropriées en 1969..."
Il laissait entendre que la société immobilière, elle, est
active, tandis que le gouvernement ne fait rien. Je dirai au
député d'Argenteuil que c'est lui qui prenait des engagements sur
les tribunes avec le Parti libéral fédéral au moment du
référendum. C'est lui qui disait que le Québec serait
traité correctement. Face à ces lois actuelles, existantes, la
marge de manoeuvre du gouvernement du Québec est très
réduite. J'aimerais faire remarquer au député d'Argenteuil
que si, aujourd'hui, dans ce dossier-là, on ne peut pas faire ce qu'on
veut, c'est parce qu'il y a des lois fédérales, légales,
et on ne peut pas contester ce qu'on veut. Ce sont des lois qui existent et qui
sont en place, et on ne peut pas faire ce qu'on veut.
Nous, nous aurions voulu changer ce régime. Mais lui, le
député d'Argenteuil, prenait des engagements avec le chef
libéral fédéral pour le maintenir en place. Quand je suis
allé rencontrer le ministre LeBlanc, dans une perspective de
règlement de bonne foi, avec le député Fox - je ne connais
pas le nom de son comté au fédéral - M. Brien, de la
Société immobilière du Canada, M. Perrier, sous-ministre
adjoint, mon chef de cabinet, M. Maurice Tremblay, M. Jean-Pierre Gagnon, aussi
de mon cabinet, c'était dans une perspective de règlement. J'ai
même confirmé et proposé des solutions concrètes,
par écrit. M. Ryan peut bien nous dire, du bout des lèvres, qu'il
nous a appuyés, mais je n'ai pas vu d'écrits de ses appuis. Comme
ses paroles changent selon les auditoires, j'aimerais savoir, par écrit,
ce qu'il a fait au juste. Je ne l'ai pas vu. Mais je peux vous dire que si
j'avais pu compter sur sa collaboration et celle de son parti dans l'affaire de
Mirabel, comme nous pouvons compter sur celle du député de
Beauce-Sud dans l'affaire Gilson, peut-être que le dossier aurait
avancé plus rapidement. Mais il n'a pas eu la grandeur d'esprit et la
vision nécessaires pour qu'on travaille la main dans la main dans ce
dossier. D'ailleurs, les questions mesquines qu'il posait aux gens qui sont
venus lors des différents interrogatoires ici pour essayer de savoir
davantage si c'étaient des voleurs que d'autre chose n'ont pas
échappé à ceux qui sont venus assister à ces
audiences.
Je peux bien demander une enquête publique au gouvernement
fédéral, je peux bien vous appuyer là-dedans, mais je sais
d'avance que ça va être un voeu; que le président de la
Société immobilière du Canada est M. Goyer, ami de M.
Trudeau; que M. Marinier est un organisateur politique connu du coin; que M.
Brien est un ancien candidat libéral, ami de M. Ryan ou candidat quand
il était chef du Parti libéral; que ces gens-là ont
été nommés et je n'ai pas l'impression que le gouvernement
fédéral va vouloir faire une enquête publique.
Ce qui, peut-être, peut être fait, c'est demander aux partis
qui vont se présenter aux prochaines élections
fédérales de prendre l'engagement, eux, d'en faire une. Cela peut
être fait. Le gouvernement du Québec peut faire une enquête
publique. J'ai consulté le ministre de la Justice tantôt. Il m'a
dit: J'aimerais bien avoir tous les pouvoirs qu'il faut, mais quels sont mes
pouvoirs pour aller voir ce qui se passe dans les officines
fédérales? Vous savez, le gouvernement du Québec ne peut
pas faire ce qu'il veut dans cela. Il n'a pas tous les pouvoirs qu'il voudrait
avoir et je pense qu'il y a eu assez de tractations de toutes sortes dans ce
dossier-là que ça mériterait une enquête publique.
Mais à qui la demander, je trouve cela plus compliqué.
Quant à la question de demander une injonction pour arrêter
le processus de vente des propriétés, je pense qu'une injonction
va amener des difficultés juridiques et peut-être qu'une
procédure différente serait de contester la vente d'une
propriété. Il y a peut-être d'autres procédures
juridiques pour contester afin que les ventes ne se fassent pas temporairement,
en attendant, peut-être, que ce soit réglé par un autre
gouvernement. Mais il est clair que, à ce moment-là, dans ces
contestations, on va s'engager dans un processus judiciaire long, avec
première instance, deuxième instance et troisième
instance. Par ailleurs, s'il s'agit de mesures temporaires pour empêcher
la vente des terres des expropriés à d'autres personnes que les
expropriés en attendant qu'une solution soit apportée par un
autre gouvernement, c'est une autre question. Je vous parle aussi franchement
que possible. Je ne tourne pas le coin des murs là. Je parle directement
et c'est ce que je pense. Peut-être que c'est possible.
Si, dans cette perspective de gagner le procès quand même,
mais aussi avec d'autres perspectives peut-être, vous voulez être
aidés financièrement par le gouvernement du Québec, je
serais prêt, personnellement, à recommander qu'on vous aide pour
supporter les frais. Mais je pense bien - les députés qui sont
ici pourront indiquer quels sont leurs
sentiments, je n'ai pas eu le temps de les consulter - que je peux vous
dire que c'est un sentiment d'écoeurement général qui
m'envahit quand je pense au dossier de Mirabel. "Que le gouvernement du
Québec participe à la mise sur pied d'un comité neutre."
C'est ce que j'ai suggéré au ministre LeBlanc. Je pensais qu'on
pourrait traiter ce dossier-là avec équité, ce que je lui
ai demandé. La conversation dans son bureau a été, comme
toujours chaque fois que je l'ai rencontré, très correcte. On a
toujours raison de penser que cela va réussir, mais il n'arrive jamais
rien. Je l'avais connu dans d'autres dossiers et j'avais le même
sentiment, mais il n'arrivait rien, là non plus. C'était toujours
très poli, très aimable: réponse dans les cinq jours qui
suivent ou les sept jours qui suivent. Il n'y avait jamais de réponse
avant des semaines et des mois. Quand il y avait une réponse,
c'était habituellement une action unilatérale.
Le gouvernement du Québec exige la transparence dans le processus
de rétrocession des propriétés. Ce n'est pas facile non
plus parce que la Société immobilière du Canada, complice
du gouvernement fédéral, engage le processus et ils ne nous
envoient pas de photocopie de leurs actions ou de leurs décisions.
Le gouvernement exige le retour au cadastre qui avait cours lors de
l'expropriation de façon à éviter la confusion dans le
processus de rétrocession. J'ai fait venir ici le directeur du cadastre
du ministère de l'Énergie et des Ressources. Il m'a dit que le
cadastre a été changé en 1974 pour faire trois lots. Il y
a eu des demandes, en 1981, pour resubdiviser et je n'étais pas au
courant de cette demande-là. C'est une demande qui était faite
par le propriétaire comme cela se fait couramment au sujet des
subdivisions. Donc, il y a une demande de subdivision mais ce n'est pas une
subdivision originale, c'est une nouvelle subdivision. Il semble que cela ne
soit pas approuvé dans la Gazette officielle. Je ferai vérifier.
Je consulterai des gens au gouvernement pour qu'on voie si nous sommes
obligés de le faire ou si, pour la sécurité des
consommateurs, des clients, il ne serait pas mieux de revenir d'autorité
au cadastre original. Je le dis au directeur du cadastre qui est là; mon
sous-ministre à l'administration au ministère est là; les
députés sont là. Je pense bien que c'est également
leur voeu. Je pense bien me faire l'interprète de leur opinion en disant
cela.
Ensuite, le gouvernement du Québec, après avoir pris
entente avec les Travaux publics, décrète un zonage strict et
permanent pour favoriser la rétrocession des 50 000 acres
supplémentaires non requis pour fins aéroportuaires. J'en ai
parlé au ministre des Affaires municipales ce midi. Il est d'ailleurs
ici et on n'a pas d'objection... Je pense que je peux parler en son nom parce
qu'on a parlé dans ce sens-là. De façon habituelle, dans
tous les autres aéroports au Canada, c'est le zonage en vertu de la Loi
de l'aéronautique. On peut bien parler théoriquement qu'à
Pickering, il y aurait eu telle affaire; il n'y a pas de Pickering, et à
Mirabel il y a un éléphant blanc. Dans tout le reste du Canada,
c'est en vertu de la Loi de l'aéronautique que le gouvernement
fédéral adopte une réglementation.
Nous regarderons avec le ministère des Affaires municipales quels
sont les avantages et les inconvénients des formules pour voir ce qu'il
y a à faire. Là-dedans, si le gouvernement fédéral
voulait dire vraiment -d'ailleurs il faudra qu'il le fasse de toute
façon - ce qu'il veut exactement... Les normes qu'il souhaite avoir
seront-elles différentes à Mirabel, à Toronto, à
Dorval ou ailleurs? À Dorval c'est le gouvernement fédéral
qui a un zonage et partout ailleurs c'est la Loi de l'aéronautique. Il
faudra qu'il puisse nous dire quelles sont ses exigences. Est-ce qu'on sera
plus exigeant à Mirabel qu'ailleurs ou est-ce que ce sera pareil? Il
faudra quand même qu'il dise au gouvernement du Québec ce qu'il
veut. Le dire dans son règlement de l'aéronautique pour passer le
ballon courageusement à un autre gouvernement pour ne pas le faire
lui-même alors qu'il ne le fait nulle part ailleurs, ou faire
l'expérience, au Québec, d'une formule exceptionnelle comme
à Forillon comme à d'autres places où on a
brûlé les maisons quand on avait fait sortir les gens de leurs
maisons, un peu comme Hitler se comportait dans les pays occupés. (17 h
30) .
Encore là, si le gouvernement fédéral dit: Je ne
veux pas appliquer ma Loi de l'aéronautique, c'est une loi du Parlement
fédéral qui est au-dessus du gouvernement fédéral,
qui lui donne le pouvoir d'adopter ses réglementations dans ses
aéroports, mais le gouvernement fédéral libéral ne
veut pas appliquer sa loi. Quand M. LeBlanc dit qu'il veut avoir une
réglementation du Québec, ce serait le premier régime du
genre au Canada. Cela vous donne un peu l'état d'esprit dans lequel
fonctionne ce gouvernement de rapaces.
Le gouvernement du Québec accorde une aide financière au
CIAC afin que cet organisme participe à la relance et à la
réfection du tissu social sur le territoire exproprié. Nous
allons, au gouvernement, au ministère, regarder vos besoins pour le
travail de représentation que vous faites puisque je sais que, de votre
première aide financière, une grande partie a servi à
payer des frais judiciaires, des frais juridiques, à la suite de
procès.
La contestation. Vous demandez que le gouvernement du Québec
prenne des
dispositions nécessaires conjointement avec les expropriés
pour que soit contestée l'expropriation des 80 000 acres qui ne
serviront jamais à la construction de l'aéroport international de
Mirabel et que le gouvernement du Québec apporte les appuis moraux,
techniques et financiers qui seront exigés par cette contestation et les
travaux inhérents au processus de rétrocession. Encore là,
vous savez que nos pouvoirs sont assez limités, mais, pour la
première fois, vous demandez que soit contestée l'expropriation.
Je pense que c'est la première fois que c'est demandé par les
expropriés. Je n'aurais pas voulu le faire jusqu'à maintenant,
parce que cela aurait été... M. Ryan - pardon - le
député d'Argenteuil aurait dit que nous faisons de la politique.
Maintenant, c'est une demande, par votre association, de contestation des 80
000 acres expropriées en trop. Alors, on pourra regarder une demande du
CIAC, qui est l'organisme qui représente le plus les gens du territoire
de Mirabel qui ont été expropriés.
Je vous ferai remarquer également qu'à la commission, du
côté ministériel, il y a des gens du territoire. Cinq
députés sont ici: le député de Rousseau, le
député de Labelle, le député de Prévost, le
député de Deux-Montagnes et le député de
Terrebonne. Pas de Terrebonne, le nouveau nom?
M. Fallu: Groulx.
M. Garon: Groulx. Je vais aussi leur demander de donner leur
opinion au gouvernement pour que ce dossier soit mené avec vous,
conjointement, les expropriés de Mirabel et les députés
régionaux.
Les membres de l'Assemblée nationale s'associent afin que nous
assistions dans les meilleurs délais à la fin de la tutelle,
à la prise en main de notre destinée, à la
récupération de notre dignité et à la conjonction
de toutes nos énergies pour que s'amorce une relance véritable du
territoire de Mirabel. Votre appel se fait aux membres de l'Assemblée
nationale. Cela prendrait une motion en Chambre et, à ce
moment-là, il appartiendra à un député de
présenter une motion en Chambre qui puisse refléter ce que vous
souhaitez, soit un débat à l'Assemblée nationale et que
l'Assemblée nationale se prononce sur cette question.
Je vais vous donner immédiatement une première
réponse. Je sais que je ne parlerai pas, en définitive, dans
chacun des cas, sur les différentes demandes que vous avez
présentées. Demain, on va entendre plusieurs mémoires et
nous aurons d'autres considérations à faire, au cours des
délibérations, sur différents aspects qui ont
été traités au cours de la commission. Il y a sans doute
des aspects sur lesquels je ne suis pas certain que la commission devra se
prononcer et c'est pourquoi j'avais proposé la formation d'un
comité. Mais on pourra en parler davantage demain, après avoir
entendu les différents mémoires.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je serai très bref, M. le Président, mais
le ministre m'a adressé deux qualificatifs tantôt: celui d'agent
double, celui d'être une personne qui tient un langage double suivant les
milieux où il se trouve. Je réprouve profondément ce genre
d'insulte auquel recourent malheureusement trop souvent les membres du
gouvernement dont il fait partie. Je veux lui dire que s'il pense favoriser une
démarche de collaboration en procédant de cette manière,
il se trompe profondément. Il devrait se rendre compte que tout le monde
a le sens de sa dignité. Quand on n'est pas capable d'établir des
choses, quand on procède seulement avec des bouts de phrases sortis du
contexte, comme il l'a fait tantôt. Je trouve cela profondément
déplorable et je tiens à le réprouver très
vivement.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Je vous remercie M.
Raymond, Mme Lafond, Mme Monette, M. Bouvette d'être venus
témoigner devant notre commission. J'appellerais donc
immédiatement le groupe suivant qui est l'Union des producteurs
agricoles.
M. Garon: J'aimerais en profiter également pour
remercier...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Garon: ... les dirigeants du CIAC qui sont venus nous
rencontrer et les féliciter pour le travail qu'ils ont fait au cours des
dernières années. Si le CIAC n'avait pas existé, il y a
beaucoup de gens qui auraient été laissés à
eux-mêmes. Je peux vous dire que dans le dossier de Mirabel, pour avoir
été un de ceux qui au cours des dernières années
ont essayé de vous appuyer le plus possible, imparfaitement, je le sais,
pas autant que j'aurais voulu le faire, parce que comme ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, il y a des centaines
sinon des millions de dossiers... Mais je sais que parce que c'est un dossier
qui remonte à plusieurs années, ce n'est pas toujours facile de
faire réaliser à tous les gens son actualité. Même
le milieu de la presse, c'est à coups d'efforts, voyez-vous, qu'il faut
le sensibiliser. Vous le sensibilisez. Le gouvernement fédéral
compte beaucoup sur cette lassitude de tous les gens, des expropriés
eux-mêmes, du gouvernement du Québec, des journaux, des moyens
de
communication pour pouvoir faire ce qu'il voudra.
C'est pour cela que je veux vous féliciter de tenir le flambeau
face à une injustice profonde qui est commise à Mirabel, un peu
comme celle qu'on se prépare à faire dans le cas du rapport
Gilson. On peut dire qu'il y a beaucoup de similitude entre les deux. Mirabel a
été fait sans étude préliminaire, c'est
démontré aujourd'hui. M. Higgins lui-même disait dans une
revue, un article que je lisais que dans le cas de Mirabel, on lui a
demandé où situer l'aéroport mais qu'on ne lui a jamais
demandé si Mirabel était nécessaire. Il ne semble pas
qu'il existe d'étude dans le cas de Mirabel sur la
nécessité d'avoir Mirabel. À un moment donné, un
projet politique est apparu. C'est souvent le cas des mégaprojets, comme
tous ceux qui ont avorté depuis quelques temps, dont M. Lalonde s'est
fait le spécialiste, sans aucune étude. Ils avortent,
coûtent des sommes épouvantables aux contribuables et font
souffrir beaucoup de personnes qui sont écrasées dans la
manoeuvre.
Je voudrais vous féliciter pour le travail que vous avez fait et
vous dire que je vais essayer de vous donner le meilleur appui possible pour
que vous puissiez continuer votre travail.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.
L'Union des producteurs agricoles qui est représentée, je pense,
par M. Tremblay et M. Côté. Si vous vouliez vous identifier
simplement et procéder avec votre mémoire.
L'Union des producteurs agricoles
M. Tremblay (Bertrand): Bertrand Tremblay, deuxième
vice-président de l'Union des producteurs agricoles.
M. Côté (François): François
Côté, directeur du service d'étude et de recherche de
l'Union des producteurs agricoles.
M. Tremblay (Bertrand): M. le Président, MM. les
ministres, MM. les membres de cette commission, comme c'est l'habitude, nous
allons lire, dans un premier temps, le mémoire que nous avons
présenté à cette commission. Je demanderai à M.
François Côté de lire ce mémoire et je commenterai
par la suite, justement, la position que nous entendons prendre dans ce
dossier.
M. Côté: Nous sommes heureux que le gouvernement du
Québec ait décidé d'accorder une attention à la
situation du territoire exproprié de Mirabel en convoquant une
commission parlementaire sur le sujet. L'expropriation de Mirabel doit
être considérée comme une des plus grandes erreurs qui
aient été commises depuis très longtemps par un des
gouvernements ayant juridiction au Québec.
On peut se demander, aujourd'hui, si Montréal avait besoin d'un
nouvel aéroport. Les prévisions de trafic aérien faites
à l'époque se sont révélées
complètement fausses. La croissance prévue ne s'est jamais
concrétisée, de sorte que ce qui devait être un grand
aéroport international ressemble la plupart du temps à un grand
hangar vide. Mais cette partie du problème n'est pas celle qui concerne
le plus les agriculteurs. Si la décision de construire l'aéroport
constitue sans doute une erreur de taille, la façon dont on s'y est pris
en constitue une plus grande encore.
Dans le but d'empêcher un développement
désordonné autour du nouvel aéroport, les fonctionnaires
et les hommes politiques fédéraux ont décidé qu'il
fallait tout bonnement exproprier un territoire de 95 000 acres, un territoire
immense, aussi grand que l'île Jésus, englobant 12 villages en
tout ou en partie. 10 000 personnes habitaient ce territoire dont 788
agriculteurs.
La décision d'exproprier un territoire aussi grand pour une
raison aussi futile constituait une folie, un abus de pouvoir, un manque de
jugement dont on n'a pas cessé de voir les conséquences au cours
des treize dernières années.
Le territoire de Mirabel est devenu, au cours des années qui ont
suivi l'expropriation, une source d'emploi et un laboratoire de travail pour
planificateurs de toutes sortes généralement bien
intentionnnés. Des montagnes d'études, de recherches, de plans,
de rapports de comité, de projets, de recommandations, se sont
accumulés sur des tablettes au cours des années. Sept directeurs
se sont succédé à l'administration du territoire en treize
ans.
Pendant que tout cela se passait en haut lieu, la vie sociale et
économique du territoire de Mirabel se dégradait. Les
bâtiments se détérioraient, les agriculteurs quittaient.
Peu osaient investir et aller de l'avant dans le climat d'instabilité et
d'insécurité qui régnait. Les terres plus ou moins en
friche se multipliaient. Pendant les années qui ont suivi
l'expropriation, les agriculteurs expropriés menèrent une lutte
farouche au gouvernement fédéral pour corriger les injustices et
les iniquités dans les compensations payées pour
l'expropriation.
Il y eut aussi des luttes incessantes pour obtenir une politique de
location assurant aux agriculteurs une sécurité à long
terme et des conditions qui les auraient mis dans une situation analogue
à celle d'agriculteurs exploitant leur propre ferme ailleurs.
Pendant ce temps, une bureaucratie de petits, moyens et hauts
fonctionnaires tentait
d'administrer tant bien que mal le territoire. Quand une bureaucratie
devient responsable de l'entretien d'un territoire aussi grand, on ne peut
qu'assister à un gaspillage éhonté de temps et d'argent.
Les résidents du territoire pourront décrire aux membres de votre
commission comment une équipe de fonctionnaires s'y prend pour effectuer
la réparation d'un robinet ou quelque travail du même genre.
On pourrait pousser très loin l'étude de ce qui s'est
passé au cours des dernières années à Mirabel.
D'autres intervenants devant votre commission ont été et seront
en mesure de vous décrire comment a évolué le territoire
de Mirabel depuis l'expropriation.
Nous croyons que l'histoire de ces dernières années
à Mirabel doit nous mener à la conclusion suivante: la
propriété privée demeure la base la plus solide sur
laquelle construire le développement social et économique d'une
collectivité agricole. La propriété publique et la gestion
par une bureaucratie ne seront jamais un bon substitut à l'initiative,
l'énergie et l'efficacité que les individus déploient pour
améliorer leur propriété et leur situation personnelle,
particulièrement en agriculture.
Même si on peut, en théorie, imaginer des formules de
location de terres agricoles intéressantes particulièrement pour
la relève agricole, même si certains individus peuvent parvenir
à s'adapter à ce genre radicalement différent
d'agriculture, l'expérience globale vécue à Mirabel
démontre qu'on ne peut pas, en pratique, transformer une
collectivité d'exploitants agricoles propriétaires en une
collectivité d'exploitants locataires.
Devant cela, la voie d'accès est tracée. Il faut
reconnaître l'erreur commise et les torts causés aux agriculteurs
et à l'ensemble des habitants de Mirabel, et, le plus rapidement
possible, mettre fin à la propriété publique du territoire
de Mirabel. Il faut rétrocéder les terres expropriées. Le
gouvernement fédéral a déjà annoncé la
rétrocession de 30 000 acres. La rétrocession devrait porter sur
tout le territoire, sauf la zone dite prioritaire. L'annonce de la
rétrocession ne constitue cependant pas une solution en soi. Tout
dépendra de l'attitude des propriétaires, en l'occurrence le
gouvernement fédéral, des conditions et des mécanismes mis
en place. Si le gouvernement fédéral aborde la
rétrocession comme il a abordé l'expropriation,
c'est-à-dire d'un point de vue complètement mécanique et
technocratique, on continuera d'assister à une perpétuation des
conflits et des luttes entre les agriculteurs et le gouvernement
fédéral avec, en parallèle, une
détérioration de la qualité de l'agriculture
pratiquée sur l'ensemble du territoire. (17 h 45)
Si, au contraire, le gouvernement fédéral aborde la
rétrocession non pas avec l'idée de récupérer le
maximum possible de la valeur des fermes et des montants consacrés
depuis treize ans à l'entretien, mais avec l'idée de corriger une
erreur et un abus qu'il a lui-même commis à l'égard de
citoyens, la rétrocession annoncée pourra constituer le
début d'une solution véritable à Mirabel.
Plus concrètement, nous croyons que le gouvernement
fédéral doit faire des conditions financières
extrêmement avantageuses aux agriculteurs. Si les terres étaient
mises en vente à un prix s'approchant de la valeur marchande, on
pourrait dire alors que le gouvernement fédéral, après
avoir réalisé la plus grande expropriation jamais faite au
Canada, tenterait maintenant la plus vaste opération de
spéculation foncière jamais tentée au Canada. Dans le
reste de l'agriculture, au Québec comme au Canada, les agriculteurs
propriétaires de leur terrain jouissent de la plus-value
foncière. C'est le fonds de retraite des agriculteurs.
Expropriés, les agriculteurs de Mirabel n'ont pas joui de cette
plus-value. Il serait normal que le gouvernement fédéral, par les
conditions de rétrocession, retourne aux anciens propriétaires la
plus-value foncière accumulée au cours des treize
dernières années.
Par ailleurs, un des facteurs qui a le plus contribué à
l'impact négatif de l'expropriation fut l'iniquité dans le
traitement des individus. Certains n'ont pas reçu des compensations
équitables; d'autres en reçurent de très
généreuses. Il faut à tout prix que des mécanismes
soient mis en place pour s'assurer que tous les individus seront traités
sur le même pied. C'est une des conditions essentielles pour que la
rétrocession se réalise dans un climat positif.
Nous croyons qu'il est dans l'intérêt des agriculteurs et
du Québec tout entier que le territoire de Mirabel soit
rétrocédé à des conditions acceptables aux
agriculteurs expropriés et aux exploitants actuels à Mirabel.
Nous croyons que le gouvernement du Québec doit s'impliquer dans ce
dossier, tant au niveau technique que politique, pour que cet objectif se
réalise le plus rapidement et le plus complètement possible.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Côté.
Avez-vous d'autres questions? M. le ministre, avez-vous des commentaires ou des
questions? M. le député de Groulx.
M. Tremblay (Bertrand): M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Tremblay, allez-y.
Excusez-moi, je ne vous avais pas reconnu.
M. Tremblay (Bertrand): On a fait état dans ce
mémoire de la question de la
location. Je pense qu'il n'y avait sûrement pas, à venir
jusqu'à maintenant, de coutumes d'établies et de lois qui
concernaient la location des terres. On sait, par ailleurs, que dans certains
pays d'Europe, c'est pratiqué depuis longtemps et qu'on y a certaine
expérience par rapport à cela. Mais je ne crois pas qu'un tel
système puisse être mis en place et être efficace pour
l'avenir sans une consultation préalable des gens qui sont
concernés. C'est justement ce qui a été fait dans le cas
des expropriés de Mirabel. Il faut voir aussi que nos lois agricoles au
Québec, que nos formes d'aide sont plutôt adaptées à
des formes de propriété agricole. Cela aussi cause certains
problèmes aux agriculteurs. Je crois que cette question devrait
être réglée le plus rapidement possible. Là-dessus,
j'admire le courage des gens qui ont travaillé pendant 14 ans à
maintenir une organisation pour se battre afin d'avoir justement le droit de
vivre de la même façon que les autres producteurs agricoles au
Québec. C'est pour cela que, jusqu'ici, l'UPA a toujours donné
son appui total afin de faire en sorte que la justice soit rétablie. Ne
serait-ce que pour quelques années, parce que si, dans les intentions du
gouvernement fédéral actuel, avec le rapport Gilson, on sait
qu'on en a peut-être pour quelques années encore à pouvoir
vivre de l'agriculture au Québec et à être
compétitifs, je pense qu'il vaut la peine que les producteurs agricoles
du secteur de Mirabel aient au moins cette chance de vivre encore comme les
autres producteurs, pendant quelques années.
Je crois qu'il est grand temps que nos gouvernements s'attaquent
à ce problème. Dans ce sens, je pense qu'il revient maintenant au
gouvernement du Québec de faire des actions pour que la situation se
corrige le plus rapidement possible. Sinon, on verra sûrement des choses
déplorables. Même si c'est une minorité qu'ils ont à
défendre, je trouve, encore une fois, qu'ils ont eu beaucoup de courage
de maintenir un mouvement aussi vivant pendant d'aussi longues
années.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Groulx.
M. Fallu: M. le vice-président, votre témoignage
est important car vous parlez aujourd'hui au nom de quelque 45 000 producteurs
agricoles au Québec. La position de l'UPA est très lourde de
conséquences. Au départ, il y a un jugement que vous rendez:
c'est que cette expropriation massive est une erreur, qu'elle a causé un
tort aux agriculteurs et à l'ensemble des habitants de Mirabel. Vous
concluez, comme d'ailleurs tous les intervenants et je pense, comme à
peu près tout le monde sensé au Québec, qu'il faut
rapidement mettre fin à la propriété publique sur le
territoire, qu'il faut donc rétrocéder, sauf, évidemment,
la zone dite opérationnelle.
Puis, la deuxième partie de votre témoignage est un guide
de rétrocession. En effet, vous suggérez que le gouvernement
fédéral devrait faire des conditions financières
extrêmement avantageuses aux agriculteurs, donc qui retourneraient
notamment aux anciens propriétaires la plus-value foncière
accumulée, dont eux-mêmes n'ont pas pu profiter, entre-temps,
puisque leur fonds agricole ne leur appartenait pas. Donc, c'est sur la base du
prix payé ou de l'évaluation de l'époque. Il reste une
ambiguïté et j'aurai une question précise tout à
l'heure à ce sujet.
Vous faites également le procès de la tenure locative qui
n'est absolument pas dans nos habitudes au Québec, pour laquelle
d'ailleurs même les financiers, les banquiers ne répondent pas,
même pas d'ailleurs souvent pour la construction d'un chalet, alors qu'il
y a tenure locative. Ce n'est vraiment pas dans nos habitudes sociologiques et
même pas dans nos pratiques commerciales. La preuve en est faite.
À la limite, on s'imagine que ce pourrait être accepté
provisoirement, pour une période d'essai en tout cas, en attendant que
la vraie vocation de Mirabel se dessine, d'ici quelques années, dans les
17 000 acres qui forment la zone dite opérationnelle mais qui est
largement excédentaire aux besoins.
Vous dites au gouvernement du Québec qu'il fait bien de
s'impliquer dans le dossier d'un point de vue politique mais aussi d'un point
de vue technique. Vous ne précisez pas quel aspect technique. Or, la
commission parlementaire, dans son mandat, cherche justement à savoir
dans quel domaine technique il faudrait s'impliquer.
Une première question porte donc sur ce principe de
rétrocession par rapport à la valeur à laquelle il
faudrait rétrocéder. Quand vous dites qu'on doit
rétrocéder aux producteurs agricoles, est-ce que, pour vous, il
s'agit de rétrocéder à partir du prix payé en 1969
ou sur la base de l'évaluation de 1969?
Le Président (M. Bordeleau): M.
Tremblay.
M. Tremblay (Bertrand): Sur cette partie-là, je vais
laisser le soin à M. Côté de vous répondre parce
que, même si j'avais des réponses, il est peut-être plus
qualifié que moi pour le faire. M. Côté étant
économiste, normalement, il devrait être en mesure de
s'aventurer.
Le Président (M. Bordeleau): M. Côté.
M. Côté: Je vais m'aventurer parce que moi non plus
je n'ai pas la réponse et personne ne l'a. Ce n'est pas juste un
problème d'économiste. Je pense que cela a
été dit ce matin, c'est un problème éthique, c'est
un problème sociologique, c'est un problème moral. À quel
prix doit-on revendre les terres? Ce qu'on se dit, c'est qu'il y a une chose
qui est claire. Il ne faut pas qu'on tente de vendre à la valeur
marchande -c'est peut-être une évidence, mais elle mérite
d'être dite - pour toutes sortes de raisons. On pourrait donner des
raisons humaines: les conséquences de l'expropriation sur les fermes et
la valeur des fermes. Mais il y a une raison un peu technique que tout le monde
connaît et que tout le monde a vécue comme propriétaire de
maison. Si on a échangé un bien immobilier de quelqu'un en 1969 -
cela aurait été votre maison ou les fermes de Mirabel - vous
donnez de l'argent en échange et on vous dit: Faites fructifier l'argent
au mieux, soyez bon père de famille, et vous reviendriez 13 ans
après pour dire: Je vais vous échanger le produit de ce que je
vous ai donné contre votre propriété, mais il manque de
l'argent. C'est une évidence. Tout le monde l'a vécu; j'ai
vérifié et quelqu'un qui aurait placé de l'argent dans un
placement à long terme sûr en 1969, à ce moment-là
le taux d'intérêt sur les obligations à long terme
était de 7,5%, mais l'inflation des terres a été
supérieure à cela par la suite, elle a été de
l'ordre de 11%. Tout de suite, on n'a pas en main ce qu'il faut pour acheter
les terres, en supposant qu'on n'ait rien dépensé et qu'on ait
réinvesti tous les intérêts. Donc, dans la logique
même de l'évolution du marché foncier, il ne faut pas
chercher à vendre à la valeur marchande parce que les raisons
sont là. Dans le fond, les autres agriculteurs ont cette valeur
marchande et c'est ce qui explique, finalement, l'équilibre dans le
reste de l'agriculture. Il ne faut pas que le gouvernement essaie de
récupérer cette plus-value, c'est un non-sens
économique.
On pourrait ajouter à cela d'autres points de vue. Je ne connais
pas la formule exacte, mais il me semble que la façon dont le CIAC a
présenté le problème, c'est-à-dire le prix
payé à l'époque, plus un intérêt, plus les
investissements, moins les loyers, moins les dommages... Il y a des ajustements
à faire, mais, finalement, s'appuyer comme point de départ sur le
prix payé en 1969 et faire un certain nombre d'ajustements par la suite,
cela me paraît une façon plus logique que de le prendre par une
valeur marchande quelconque en 1982.
M. Fallu: Le fait de la rétrocession qui ramènera
les terres en tenure privée, en tenure familiale notamment,
créera des obligations au gouvernement du Québec. Actuellement,
c'est assez cocasse comme situation, il y a un immense pan du Québec qui
est géré par une autorité gouvernementale. Donc, la
rétrocession les ramènera dans des mains privées, dans la
condition normale de tous.
Est-ce que vous estimez qu'à ce moment-là l'ancien
propriétaire qui a largement négligé sa vocation agricole
au point de vue des équipements agricoles, au point de vue de
l'amendement des sols, etc., a une obligation, au moment où il les
rétrocède, sur ces terres-là? Est-ce que le gouvernement
du Québec, lui aussi, a une nouvelle obligation au moment de la
rétrocession en termes de qualité des sols, d'équipements
de production, notamment?
M. Tremblay (Bertrand): Là-dessus, je pense que le
gouvernement fédéral, parce que c'est quand même lui
l'expropriateur, aura des responsabilités. Je prends un exemple
pratique. Supposons que des terres ont été cultivées
depuis tout ce temps, mais qu'il y en a qui n'ont pas été
cultivées, qui sont maintenant en friche et dont la rétrocession
devrait être faite incessamment. Cela veut dire que pour remettre ces
terres en culture, cela va demander beaucoup d'efforts du producteur agricole
et beaucoup d'argent. C'est pour cette raison que je disais tantôt que le
fédéral a des responsabilités non seulement dans la vente
de la terre, mais aussi pour remettre en valeur les sols qui ont
été expropriés en trop. Parce que du fait que le
producteur était locataire, il n'y a pas eu autant de sols qui ont
été drainés. En tout cas, d'après
l'expérience que j'ai, il n'y a pas tellement eu de drainage de fait
dans ce secteur. Drainer aujourd'hui, cela coûte plus cher que cela
aurait coûté si cela avait été fait dans ce
temps-là. Pour ce qui est de les remettre en valeur, je pense qu'il y a
une responsabilité des expropriateurs. Je pense que c'est une partie
qu'il faudra que le gouvernement fédéral assume parce que ce
serait quand même une injustice par rapport à ce qui a
été fait, non seulement pour le producteur, mais aussi pour
l'ensemble de la population du Québec.
M. Fallu: Comment cela pourrait-il se traduire? On sait que,
pendant l'expropriation ou depuis l'expropriation, il y a eu un certain nombre
de programmes agricoles dont l'ensemble des producteurs qui possédaient
des terres de même qualité ont pu bénéficier. Je
pense, par exemple, au programme de silos à la ferme qui a
été payé à 100% par le fédéral et
administré par Québec. Un très grand nombre de producteurs
agricoles de Mirabel n'ont pu en profiter. De ce point de vue, étant
donné la responsabilité que vous reconnaissez, est-ce que cela
signifierait, entre autres, pour traduire cela concrètement, que le
fédéral devrait, pour les fermiers de Mirabel qui n'ont pu
bénéficier, à l'époque, de ce programme, d'avoir un
programme spécifique
pour eux, par voie de négociation, évidemment, entre les
deux ministères de l'Agriculture? (18 heures)
M. Tremblay (Bertrand): C'est ce que je viens de dire. Je pense
qu'ils ont des responsabilités. Ce secteur, en majorité, n'a pas
suivi nécessairement l'évolution parce que les gens ne savaient
pas si ce seraient eux qui seraient là par la suite. Pour faire le
rattrapage qui doit être fait, je pense que le fédéral a la
responsabilité de remettre les choses comme elles devraient normalement
être, comme elles auraient du être à ce
moment-là.
M. Fallu: Au fur et à mesure des années.
M. Tremblay (Bertrand): Comme les gens n'ont pu participer
à ces politiques, c'est justement là que l'intervention devrait
avoir lieu. Des politiques particulières devraient être mises en
place à ce moment-là, jusqu'à ce que le rattrapage soit
fait.
C'est assez embêtant de dire quelles politiques devront être
mises en place mais je pense que, dans ce sens, pour en avoir parlé un
peu, ce serait juste une question de justice envers tous les autres.
M. Fallu: On demanderait à l'UPA régionale les
solutions concrètes. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: J'ai écouté avec intérêt
l'intervention que vous avez faite MM. Tremblay et Côté. Sur la
dernière question du député de Groulx, j'aurais une petite
question à vous poser: Dans l'hypothèse où il s'agirait de
programmes fédéraux dont des producteurs agricoles de Mirabel
auraient été privés, je pense que le principe que vous
émettez de rétroactivité est un principe
compréhensible, mais dans l'hypothèse où il s'agirait d'un
programme où la contribution fédérale a été
versée au gouvernement du Québec intégralement,
conformément aux normes qui avaient été établies,
où c'est le gouvernement de Québec qui a décidé que
le programme ne s'appliquait pas dans le territoire, disons, pendant deux ans,
est-ce que ce ne serait pas plutôt au gouvernement de Québec qu'il
incomberait de faire sa part? Honnêtement?
Une voix: II n'y en a pas eu de ce programme.
M. Ryan: II y en a eu pendant deux ans.
M. Tremblay (Bertrand): II n'y a pas juste la question des... Je
vais faire juste une petite précision et je laisserai répondre le
ministre là-dessus.
Il n'y a pas que la partie des gouvernements à laquelle il faut
penser. Prenons un exemple pratique: la question du drainage agricole. Tous
ceux qui ont fait du drainage agricole il y a sept ou huit ans, cela
coûtait moins cher que cela coûte aujourd'hui pour le faire. Par
rapport à cela, le producteur en assume une bonne partie et,
éventuellement, il en coûtera plus cher aux producteurs qui
posséderont ces terres. Il n'y a pas juste la partie du gouvernement. Le
producteur lui-même a un coût plus élevé pour
améliorer justement son sol. C'est pour cela que j'ai dit qu'il faudrait
qu'il y ait une intervention.
M. Ryan: Pour revenir à des points de vue plus
larges...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil, juste un instant. Comme il est 18 heures, je voudrais demander
aux membres de la commission si on aurait leur consentement pour continuer.
Comme ces gens-là ont déjà attendu pas mal,
peut-être qu'on pourrait continuer, s'il n'y a pas beaucoup de questions,
pour terminer avant d'aller souper.
Une voix: ... À 19 heures à Montréal.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, je sais, ils vont
être en retard. Cela va? Il y a consentement pour continuer un certain
nombre de minutes.
M. Ryan: On va faire cela de manière concise.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Est-ce que vous excluez totalement, vous, dans le
programme de rétrocession l'idée de location? Je vois que vous
émettez des réserves sérieuses au sujet de cette
idée dans votre texte; vous en avez parlé tantôt
verbalement. D'autre part, suivant des renseignements qui sont publics, il y a
un certain nombre de producteurs de la région de Mirabel qui
souhaiteraient continuer sous un régime de location à long terme
assorti de conditions convenables. Est-ce que vous opposez un refus formel,
catégorique à cette idée ou si vous émettez
simplement un avis de prudence?
M. Tremblay (Bertrand): Non, je pense qu'on devra respecter d'une
certaine façon la volonté des producteurs, mais j'ai
écouté quand même ce que des gens m'ont dit. Ce que je
sais, à ce jour, du débat qui existe quand même depuis
plusieurs années, il me semble que c'est une très infime
minorité
qui veut rester dans un système de location. Je ne pense pas
qu'on exige que ceux qui voudront rester... mais, même ceux qui voudront
rester dans un système de location, ces contrats de location devraient
être négociés entre les parties et ne pas être
nécessairement des choses imposées. C'est ce que je disais tout
à l'heure: on n'a pas tellement d'expérience dans le
système de location en production agricole. Je ne crois pas que la
vérité soit nécessairement seulement d'un
côté là-dedans. Je veux dire que certains fonctionnaires
décideraient à un moment donné d'instaurer un
système de location de terres au Québec et qu'ils auraient
trouvé le système parfait. Dans ce sens-là, je pense que
les producteurs agricoles devraient participer justement à
l'élaboration d'un système de location pour ceux qui voudraient
rester dans ce système-là.
M. Ryan: Alors, vous n'excluez pas totalement l'idée, par
conséquent. Vous trouvez qu'il faudrait tenir compte au besoin de
certaines volontés qui existeraient de ce côté-là
mais que les modalités concrètes devraient faire l'objet de
discussion avec les producteurs agricoles.
Au sujet de l'ordre dans lequel les propriétés devraient
être revendues. Il y a un paragraphe dans votre mémoire qui est un
peu ambivalent. À la fin de la page 4, à l'avant-dernier
paragraphe: "Nous croyons qu'il est dans l'intérêt des
agriculteurs et du Québec tout entier que le territoire de Mirabel soit
rétrocédé à des conditions acceptables aux
agriculteurs expropriés et aux exploitants actuels à Mirabel."
Est-ce que vous pourriez me donner des précisions sur la position de
votre organisme là-dessus?
M. Tremblay (Bertrand): Là-dessus on a cherché
surtout à appuyer les gens qui étaient dans le milieu parce que
c'est plutôt ces derniers qui sont en mesure de nous dire le
problème qu'il y a. C'est pour cela qu'on n'a pas fait
nécessairement une étude très approfondie. D'après
les tractations qu'on avait faites, on a surtout cherché à
appuyer les gens qui ont certainement une bonne idée de quelle
façon cela serait le plus juste que cela se fasse. Il y a eu des
propositions qui ont été faites aujourd'hui d'un comité
qui aurait à juger ces choses. Je pense que cela pourrait être une
bonne solution qui permettrait justement de trouver la solution idéale
là-dedans.
M. Ryan: Quant aux maisons de ferme, est-ce que vous avez fait un
examen particulier de ce problème-là ou si vous en êtes
plutôt à entendre le point de vue des gens de Mirabel? Est-ce que
vous avez des points de vue particuliers à émettre
là-dessus?
M. Tremblay (Bertrand): On ne peut pas faire autrement que
d'appuyer ce que les autres revendiquent là-dessus parce que ce serait
tout à fait aberrant, en tout cas, cela ne se pratique pas beaucoup au
Québec que tu as une ferme et que nécessairement tu ne demeures
pas là. Cela peut créer beaucoup plus d'inconvénients que
d'avantages. Je trouverais cela aberrant que les gens soient obligés
d'acheter des terres et d'investir des sommes énormes pour se
reconstruire une maison alors qu'il y en a déjà une à la
ferme. Je pense que cela devrait aller avec les fermes. On appuie dans ce
sens-là ce qui a été préconisé par eux.
Ce que je ne suis pas en mesure d'assurer, on n'a pas fait
d'étude approfondie là-dessus, c'est qu'on fait état
à un moment donné de 800 agriculteurs qui ont été
expropriés. Aujourd'hui, il faut se reporter en 1969, comme les fermes
ont grossi, pour assurer une vie agricole normale peut-être que ça
n'en prend pas plus de 800. Donc s'il y avait 800 maisons, ce que je ne sais
pas, peut-être qu'il en faudrait moins aujourd'hui. On peut affirmer
d'une façon certaine que normalement la maison devrait aller avec la
ferme.
Par rapport à cela, je crois qu'il y a une très grande
urgence parce que c'est un peu ce qui se passe dans tous les domaines. On
s'aperçoit que ça se fait actuellement. Il y a des ventes qui se
font. Si on n'agit pas rapidement, même si on émet des voeux
très pieux aujourd'hui et qu'on dit que ce sont des choses tout à
fait anormales, on va s'apercevoir rapidement que toute la sauce est
gâtée et ce sera difficile de revenir en arrière. Je pense
qu'il y a une très grande urgence d'agir assez rapidement
là-dedans.
M. Ryan: Est-ce que vous auriez des suggestions à faire
quant aux modalités d'une action urgente, comme vous dites?
M. Tremblay (Bertrand): Je ne sais pas si M. Côté a
des commentaires à faire là-dessus.
M. Côté: Disons que, là encore, je pense, on
n'a pas à se substituer à d'autres. Les gens du CIAC et les gens
de la fédération vous ont proposé des choses
concrètes et il y a déjà eu des discussions. Je pense que
vous êtes plus impliqués que nous pour définir les
modalités exactes, sauf que cela semble assez évident qu'on est
à un tournant dans le dossier de Mirabel. Dans le fond, il se passe
quelque chose actuellement qui est absolument déterminant par rapport
à tout ce qui s'est passé depuis treize ans. Ce qui va se passer
d'ici un mois ou deux est absolument important. À ce moment-là,
si le gouvernement du Québec perçoit cette urgence, cela
s'applique à nous aussi qu'on s'implique avec les expropriés.
Quant aux
moyens, ce qu'on vous suggère, c'est d'être ouverts aux
moyens qui vous ont été suggérés par le CIAC et par
la fédération.
M. Ryan: II y a des opinions contradictoires qui circulent
actuellement sur la situation de l'agriculture sur le territoire
exproprié. D'un côté, on entend dire que c'est très
mauvais. De l'autre, la Société immobilière du Canada fait
circuler les comptes rendus d'une étude qui a été faite
par SORECOM, à partir des données du recensement de 1981,
d'où elle conclut que la situation de l'agriculture à Mirabel,
tout compte fait, serait pratiquement aussi bonne, sinon meilleure, que dans
d'autres régions comparables du Québec ou que dans l'ensemble du
Québec.
Vous, à l'UPA, avez-vous des services de recherche qui colligent
des données sur ces questions-là? Est-ce que vous avez pris
connaissance des textes publiés par la Société
immobilière du Canada à ce sujet? Est-ce que vous avez des
renseignements spéciaux que vous pourriez fournir à la commission
parlementaire là-dessus?
M. Côté: Pas aujourd'hui. J'ai vu aujourd'hui le
document complet fait par une équipe de huit fonctionnaires du
gouvernement fédéral, semble-t-il. Cela donne une idée de
l'ampleur des moyens qui ont été mis en oeuvre pour monter le
dossier avec des chiffres. En le regardant en diagonale - c'est une
première impression -il ne me semblait pas que les chiffres qui
étaient là prouvaient ce qui est affirmé en
réalité. Par exemple, il y a beaucoup de comparaisons où
on compare ce qui se passe actuellement à Mirabel à ce qui se
passe dans d'autres régions entourant Mirabel. Ce n'est pas la
comparaison qu'il faudrait faire. Il faudrait comparer Mirabel aujourd'hui
à Mirabel en 1969, l'évolution qu'il y a eu là et
l'évolution qu'il y a eu sur le territoire avoisinant. C'est vraiment
une première impression. Cela a été discuté. Je
crois qu'on va regarder ce document-là.
Mais ma réponse à cela, tout le monde le dit, il y a des
choses qui se voient à l'oeil. Cela ne se peut pas que tout le monde qui
vit là se trompe; les gens qui voient cela disent que cela s'est
détérioré. Il me semble a priori que c'est une
manipulation de chiffres. Tout le monde ne peut pas se tromper.
M. Tremblay (Bertrand): Là-dessus, la
fédération régionale va être en mesure de vous
répondre tout à l'heure, mais déjà on regardait
cela ce midi et, quand on fait des articles et qu'on met des belles photos, on
met des photos de 1969, cela paraît mieux sur l'article pour dire que
cela ne s'est pas détérioré. En tout cas, la
fédération régionale vous répondra
là-dessus. Je pense qu'elle est plus en mesure, vivant dans le milieu,
de répondre sur ce sujet.
M. Ryan: Et vous, comme organisme à caractère
général qui embrasse tout le territoire, est-ce qu'il vous est
arrivé jusqu'à maintenant de faire des représentations au
gouvernement fédéral à ce sujet?
M. Tremblay (Bertrand): Oui, c'est-à-dire qu'on a toujours
travaillé de concert avec la fédération régionale
et le CIAC. On a toujours appuyé les démarches qui ont
été faites dans ce sens depuis le début, mais, depuis un
an ou deux, on a toujours participé à toutes les actions qui ont
été faites conjointement. (18 h 15)
M. Ryan: Est-ce que vous avez fait des démarches
spéciales vous-mêmes auprès du gouvernement
fédéral pour l'amener à tenir compte des revendications
des gens de Mirabel?
M. Côté: II y a eu énormément de
démarches. La plupart des démarches qu'on a faites ont
été des démarches conjointes avec le syndicat, la
fédération régionale. Souvent cela a été des
démarches pour ouvrir des portes lorsqu'elles ne s'ouvraient pas
à Ottawa, pour forcer M. Fox ou M. Cosgrove à recevoir les gens
de Mirabel. Il s'agissait de contourner la bureaucratie. Cela a beaucoup
été des interventions comme celles-là à
différents moments. On n'en a pas un relevé ici aujourd'hui. Mais
depuis le début du conflit sur les conséquences de
l'expropriation on a été impliqués
régulièrement avec les expropriés dans les
démarches auprès du gouvernement fédéral.
M. Tremblay (Bertrand): Surtout par l'entremise du ministre de
l'Agriculture, on a fait plusieurs revendications et ça n'a pas toujours
apporté les résultats qu'on escomptait. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Garon: Le ministre de l'Agriculture du Canada, voulez-vous
dire.
M. Tremblay (Bertrand): Oui, on parlait de cela aussi. Cela va de
soi.
Le Président (M. Bordeleau): Avez-vous d'autres
commentaires ou questions? Oui. Allez-y.
M. Garon: Moi, je partage l'opinion de M. Côté sur
la forme de dommages qu'il mentionne. Économiquement, si le gars n'avait
pas été exproprié, il aurait une terre, d'abord, où
les paiements auraient été effectués, la capitalisation
serait plus forte, il n'aurait pas payé d'intérêts sur
sa
capitalisation, il n'aurait pas payé d'impôt non plus et
puis il serait propriétaire d'une terre qui serait en bon état,
ou d'une maison ou d'un bien dans son ensemble. Pour les gens qui ont
été expropriés, même si les loyers n'étaient
pas considérables dans certains cas, il y a eu des dommages
considérables au point de vue des désuétudes qui ont
été encourues et de la perte de valeur économique. Ils ont
eu de l'argent, c'est vrai. Mais l'argent qui rapporte 10%, qui est
placé en banque, ou les obligations sur lesquelles on paie des
impôts au taux marginal, qui est le plus élevé, ce n'est
pas un accroissement de capital très fort.
Il faut être prudent dans l'appréciation. J'ai entendu des
fois des gens faire des commentaires, mais ils manquaient de prudence dans
l'appréciation des avantages et des désavantages des
expropriés. Il y en a même parfois qui y voyaient des avantages
parce qu'ils avaient eu un montant d'argent. Si on regarde la valeur des terres
en 1968, l'exemple Great Lakes Carbon c'est peut-être un bon exemple,
c'est peut-être un exemple extrême de terres qui avaient
été expropriées à 200 $ l'acre, à peu
près, et qui ont été revendues à 3500 $ l'acre. Je
pense bien que l'ensemble des terres ne se vendent pas 3500 $ l'acre
aujourd'hui, loin de là. Excepté que l'appréciation du
gain en capital aurait été faite beaucoup plus par la
propriété immobilière des cultivateurs que par le
placement, même à haut taux d'intérêt, de l'argent
qu'ils auraient pu placer, qu'ils ont retiré de l'expropriation. Quand
vous êtes expropriés, vous n'êtes plus chez vous. Vous
êtes obligés de faire des dépenses que vous n'encourez pas
lorsque vous êtes chez vous. Il y a des jouissances de la vie que vous
vous procurez quand vous êtes propriétaires, ce que vous ne pouvez
pas faire lorsque vous êtes locataires sur une ferme, dans une maison ou
dans une grange qui n'est pas la vôtre. Cela veut dire un tas
d'inconvénients qui valent souvent plus cher qu'un taux
d'intérêt sur un montant de quelques milliers de dollars.
Je pense que c'est pour cela que lorsque les gens demandent la formule
de paiement ou de rétrocession des terres, ce qu'ils demandent ne
paraît pas exagéré mais reflète un peu l'ensemble
des circonstances qui ont entouré la question. On oublie aussi de
mentionner que lorsque ces gens ont été expropriés, ils
ont dû rembourser leurs prêts agricoles et leurs
hypothèques. Quand tu avais une terre qui a été
remboursée à tant de milliers de dollars, les gens, quand vous
voyez... je regarde M. Raymond, c'est un homme maintenant plus
âgé. Il était dans la force de l'âge quand il a
été exproprié. La plupart des expropriés
étaient des gens de 30 ans, 35 ans, 40 ans plusieurs, et qui
aujourd'hui, quinze ans plus tard, ont 50 ans, 55 ans et qui ont vécu la
force de l'âge au moment où ils étaient le plus actifs dans
une situation différente d'une situation normale.
Il ne faut pas penser que les gens prenaient l'argent de l'expropriation
et le mettaient dans leurs poches, que c'était "cash", c'était
fini, c'était clair; souvent, c'étaient peut-être des
terres qui étaient hypothéquées à 75% et ils se
retrouvent avec un montant d'argent qui était seulement
l'équité, au fond, qu'ils avaient à ce moment,
c'est-à-dire ce qui était leur avoir propre sur leur terre
à ce moment et qui n'était pas considérable. Aussi, le
gain de capital. Pour les citoyens qui ont une résidence personnelle, un
gain de capital n'est pas taxable. Un gain de capital qui a augmenté
considérablement au cours des quinze dernières années,
alors que l'augmentation des revenus, les revenus du petit montant qu'ils ont
eu pour l'expropriation ne peuvent pas compenser cela.
C'est pour cela que la formule que la CIAC a présentée est
une formule qui me semble refléter les différents aspects. Ce qui
est plus difficile à évaluer dans la formule, c'est les dommages.
Je pense que lorsqu'on a fait des choses pas correctes, ce n'est pas à
celui qui a été la victime de payer pour les dommages, c'est
à celui qui est responsable qu'il y ait une victime. Celui qui est
responsable qu'il y ait eu une victime ne peut pas dire, à ce
moment-là: Oui, il a été payé dans le temps, il n'y
a pas de problème, c'était correct. Je trouve que les gens
sont... Il y a des gens qui, des fois, sont vite juges dans les malheurs des
autres pour passer l'éponge.
Quand j'ai rencontré M. LeBlanc, ce sont les choses que je lui ai
dites dans son bureau ainsi qu'à M. Fox, ainsi qu'à M. Brien, M.
Perrier. Si vous vous trompez dans l'évaluation, vous seriez mieux de
vous tromper en trop, en en donnant trop aux victimes, qu'en n'en donnant pas
assez. Ce serait équitable; puis il n'y a pas de contribuable au Canada
qui se plaindrait du fait que des gens qui ont passé une partie de leur
vie à mettre du temps pour revendiquer leurs droits, quinze ans de leur
vie à le faire, soient rétablis dans leurs droits avec pleine
compensation. Je pense que c'est la position qui doit être
supportée. C'est pour cela que les arguments qu'a apportés M.
Côté, économiste à l'UPA, à mon avis sont
corrects et vont dans le sens d'une solution d'équité au
problème.
Le Président (Bordeleau): Merci. Je vous remercie, MM.
Tremblay et Côté. Nous allons suspendre nos travaux pour le
dîner en vous indiquant, cependant, auparavant, qu'à la suite
d'une entente entre les deux groupes, nous entendrons au retour à 20
heures, d'abord le Club des jeunes agriculteurs de Deux-Montagnes et,
après, la
Fédération de l'UPA des Laurentides. On inversera,
autrement dit, l'audition des deux prochains groupes. Alors, la Commission
parlementaire suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 25)
(Reprise de la séance à 20 h 28)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît, mesdames et messieurs. La commission parlementaire de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux.
À la suspension des travaux, j'avais mentionné que nous
recevrions, à 20 heures, le Club des jeunes agriculteurs de
Deux-Montagnes représenté par MM. Gilbert Bélisle et Louis
Lapierre. C'est bien cela? Une personne additionnelle? De toute façon,
si vous voulez bien vous présenter.
Club des jeunes agriculteurs de Deux-Montagnes
M. Bélisle (Gilbert): Bonjour, M. le ministre. Je voudrais
vous présenter les personnes qui sont à coté de moi,
Ginette Bélisle et Louis Lapierre, membres du Club des jeunes
agriculteurs de Deux-Montagnes. Je m'appelle Gilbert Bélisle et suis
vice-président du club. Avant de commencer, j'aimerais vous dire que le
mémoire a été rédigé en octobre. Donc, nous
apporterons certaines rectifications au cours de la lecture.
Le choix de la relève agricole à Mirabel
présenté par le Club des jeunes agriculteurs de Deux-Montagnes.
La tutelle fédérale imposée à la région de
Deux-Montagnes et principalement au territoire de Mirabel attaque la
rentabilité de la production agricole familiale et la survivance de la
succession, la relève agricole.
L'insécurité et la détérioration du milieu
social auxquels les jeunes producteurs sont confrontés de jour en jour
risquent à court terme de tuer le dynamisme et la volonté de
faire fructifier l'héritage de la terre conservée et
léguée depuis plusieurs générations par nos
parents.
Ce mémoire se veut l'expression de nos inquiétudes, de nos
attentes et espoirs. Nous, la relève agricole, espérons vous
sensibiliser à l'urgence d'une action concrète.
Je vais commencer par vous présenter notre organisme. C'est en
1975 que le Club des jeunes agriculteurs des Deux-Montagnes voit le jour,
grâce à la collaboration du ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation du Québec et de son agronome de
comté, M. Gérald Groulx. Ces pionniers ont
développé la conscience de la nécessité de se
regrouper afin d'assumer la prise en charge des jeunes par les jeunes. Le
Club des jeunes agriculteurs des Deux-Montagnes, le CJADM, regroupe 65
jeunes hommes et femmes âgés entre 15 et 23 ans. Nous vivons dans
les paroisses de Saint-Benoît, Saint-Augustin, Saint-Hermas,
Saint-Placide, Oka, Saint-Joseph-du-Lac, Saint-Eustache, Sainte-Monique,
Sainte-Scholastique et Saint-Canut. La presque totalité de nos membres
sont des fils et filles d'agriculteurs. Des 20% orginaires d'un centre urbain,
c'est-à-dire d'un village ou d'une banlieue, leur intérêt
à la question agricole provient d'une volonté de rapprochement
avec la nature et d'une implication indirecte avec le milieu rural. Le CJADM
vise le développement des responsabilités et
l'épanouissement de la vie sociale de ses membres à
l'intérieur de la communauté agricole. Nous organisons des
activités qui permettent aux membres d'explorer la réalité
géographique, historique, sociologique, économique, culturelle et
récréative. Nous sommes des jeunes exploitants agricoles,
spécialisés dans l'industrie laitière, dont plus de 50%
vivent sur le territoire exproprié. Nos productions, bien que toujours
de type familial, sont devenues, au fil des années, des entreprises
hautement perfectionnées. Le jeune producteur doit assumer un
endettement de près de 70% de la valeur réelle de sa
propriété afin d'assurer cette continuité. Le Club des
jeunes agriculteurs des Deux-Montagnes est un des cercles fondateurs du
Syndicat de la relève agricole des Laurentides-Outaouais. Cet organisme
favorise l'information, la formation et l'expression des revendications des
jeunes en voie d'établissement ou nouvellement établis. D'autre
part, le CJADM participe aux activités de l'Association de la jeunesse
rurale du Québec qui unit 2700 jeunes répartis en 79 cercles. Par
cette collaboration, notre organisme implique ses membres à
l'intérieur de leur milieu ainsi qu'aux recherches de
l'Université Laval, de l'Université McGill, du MAPAQ, de la
Confédération de l'Union des producteurs agricoles, de la
Coopérative fédérée et du Quebec Young Farmers
Provincial Federation. Nos rencontres les plus populaires sont la mise sur pied
de journées champêtres, d'expositions agricoles, de sessions
d'étude, de visites d'exploitations modèles tant chez nous, au
Québec, qu'à l'intérieur du Haut-Canada.
Mme Bélisle (Ginette): Maintenant, M. le ministre, je vais
vous présenter les problèmes dénombrés.
L'insécurité. L'impossibilité d'investissements due
aux politiques de location, la mauvaise planification à long terme du
gouvernement fédéral et la détérioration du milieu
social sont les principales causes des déboires de la relève
agricole à Mirabel.
Les problèmes d'un jeune producteur oeuvrant sur le territoire
exproprié sont cette réalité. Jean Narache,
âgé de 21 ans, nouvellement marié, est fils d'un
exproprié. La ferme ancestrale, dans la famille depuis trois
générations, est maintenant exploitée par son père.
Fraîchement diplômé d'une école d'agriculture
reconnue, l'Institut de technologie agricole et alimentaire de Saint-Hyacinthe,
il veut exploiter la ferme en société ou en compagnie avec son
père. Le père loue du fédéral sa terre et celle de
son ancien voisin dont les bâtiments et la maison sont habités par
un fonctionnaire de la Société immobilière du Canada
Ltée.
Problème no 1: Jean Narache doit vivre à trois milles de
son exploitation.
M. Bélisle: Notons maintenant que le fonctionnaire en
question n'est plus locataire, il s'est porté acquéreur de la
maison en question, en bénéficiant d'une subvention d'achat de
3000 $ et du rabais à 85% de la valeur marchande.
Mme Bélisle: Problème no 2: Son père
possède une année de sécurité sur son ancien bail
daté de 1974. L'insécurité du père, qui a entretenu
la terre et qui s'interroge à savoir s'il doit garder son fils avec lui
pour la succession ou s'il l'établira à l'extérieur du
territoire exproprié.
Jean Narache discute avec Yvon Gagné, un ami établi depuis
sept à huit ans seul sur le territoire fédéral. Yvon
relate les débuts de la tutelle: On nous disait, en assemblée de
cuisine avec des fonctionnaires, que l'on serait très bien, que l'on ne
paierait pas cher de loyer, même nous serions mieux qu'un
propriétaire n'ayant pas de fond de terre à payer et que l'on
serait comme une petite famille. Yvon soutient que la réalité est
tout autre. Après treize années de revendication, les
bâtisses sont maintenant "assurables avec possibilité d'entente".
Les investissements suscités par une rénovation ou à la
suite d'un incendie ne sont pas reconnus. Les baux augmentent annuellement de
6% à 20%. Imaginez dans 25 ans!
C'était le cas d'Yvon l'an dernier. La Société
immobilière du Canada lui avait soumis un projet d'envergure pour
rebâtir son garage. Aujourd'hui, il doit assumer les dettes d'une
mauvaise planification budgétaire et il est obligé de terminer
à ses frais la construction de son garage. Yvon Gagné s'est
même fait offrir, par la suite, d'annuler son vieux bail encore valide
pour deux ans et d'en signer un tout neuf, indexé de 5%, sans se voir
reconnaître sa dette. Cela s'appelle rentabiliser l'agriculture sur le
territoire exproprié de Mirabel!
Problème numéro 3: L'accession au fonds de terre. Vu le
manque de politiques à long terme de la part de la tutelle
fédérale, le père de Jean Narache ainsi que l'ensemble des
agriculteurs n'ont pas suivi l'évolution normale des autres fermes non
expropriées. Plusieurs terres sont en friche à cause de
l'expulsion des agriculteurs; d'autres, à cause de contraintes
aéroportuaires. Il se fait très peu d'amélioration au sol,
de drainage superficiel et souterrain. De plus, un retard dans les travaux
mécanisés pour les fossés et une
détérioration de l'entretien des bâtiments occasionnent une
perte de la valeur de l'ensemble des terres du territoire.
Jean Narache rend visite à une maison de crédit afin de
planifier son établissement avec son père. Il a en main une
année de sursis avec son vieux bail et un autre pour l'exploitation
d'une érablière, qui est renouvelable à tous les huit
mois. Les banques prêtent, en moyenne, pour une durée de quatre
ans, soutenant le principe que pour plus d'années ce n'est pas rentable.
Les remboursements de Jean Narache sont donc très élevés
à cause de la courte durée du prêt et du taux
d'intérêt exorbitant.
Quant à l'Office du crédit agricole, il prête pour
la durée du bail moins six mois. Si la somme nécessaire est trop
élevée pour la capacité de remboursement, tu attends la
fin de ton bail et tu pries pour en avoir un autre de dix ans.
En ce qui concerne la Société du crédit agricole,
c'est bien simple, elle ne prête pas du tout. Elle a peur des politiques
de la Société immobilière du Canada. Sans crédit,
Jean Narache constate qu'il lui est impossible de faire les investissements
nécessaires à la rentabilité de l'entreprise familiale. Il
lui faut donc louer plus grand afin d'éviter une trop grande
détérioration du revenu familial.
En plus de ses difficultés d'emprunt, Jean Narache ne recevra pas
sa subvention à l'établissement. Les modalités des 8000 $
sont applicables en majorité sur l'amélioration du fonds de terre
et le prêt de 50 000 $ sans intérêt pendant cinq ans est
recevable avec un emprunt à long terme. Comme pour alourdir ses
problèmes, Jean Narache doit oeuvrer sans aide suffisante de la part des
professionnels du bureau du ministère de l'Agriculture du comté
et avec l'absence d'un conseiller en relève agricole au bureau
régional de l'Assomption.
Problème no 4: Jean Narache constate les effets négatifs
de l'implantation des structures aéroportuaires et de la tutelle
croissante du fédéral. La société
immobilière agit rapidement dans l'application de sa nouvelle politique
de s'associer aux groupes qui cherchent l'harmonie dans la communauté et
le mieux être de ses citoyens.
Ces multiples réalisations ont suscité sur le territoire
des réactions fort controversées. Ceci à cause du
favoritisme, de l'ingérence dans les associations et du manque de
respect du sens des responsabilités des citoyens, capables de
s'autogérer.
La forte tendance des politiciens et des fonctionnaires à
politiser le dossier sur le dos des résidents du territoire brise tout
le climat social. M. Narache réalise que la plupart des problèmes
se règlent au palais de justice de Saint-Jérôme ou à
coups de lettres d'éviction.
Problème no 5: Une autre inquiétude s'ajoute aux
déboires de Jean Narache. La Société immobilière du
Canada loue maintenant des boisés seuls, 5 $ à 10 $ l'arpent,
à toute personne intéressée à contrer la crise de
l'énergie par l'utilisation du bois de chauffage. Le boisé,
appartenant à la ferme ancestrale est maintenant menacé et en
danger de tomber sous la coupe.
M. Lapierre: Le club présente donc certaines
recommandations. En tout premier lieu: forcer le gouvernement
fédéral à retourner à la propriété
privée tout le territoire agricole, donc 80 000 acres, non
utilisé par la zone opérationnelle de l'aéroport.
Obliger le gouvernement fédéral à respecter la loi
90 du zonage agricole dans la planification des politiques d'aménagement
du territoire exproprié.
La rétrocession des terres doit s'effectuer dans le plus bref
délai, dans moins de deux ans. Il faut cinq années pour remettre
les terres en état de rentabilité. Si l'on considère que
l'établissement d'un jeune exploitant s'effectue sur une période
de dix ans, il ne lui reste plus que trois ans pour stabiliser l'entreprise et
la succession familiale.
Le Club des jeunes agriculteurs de Deux-Montagnes demande donc au
gouvernement québécois: Premièrement, une plus grande
implication en parole et en action, à titre d'arbitre, lors du
début des négociations de la rétrocession des terres. Ce
comité d'arbitrage serait formé d'un spécialiste du
gouvernement québécois, de deux représentants de l'Union
des producteurs agricoles du territoire et d'un représentant de la
relève agricole.
Deuxièmement, l'établissement d'un prix uniforme et
équitable pour tous les agriculteurs sur le territoire.
Troisièmement, le retour sans condition à la subvention
à l'établissement destinée à la relève
agricole.
Quatrièmement, l'engagement immédiat de deux agronomes:
l'un, au niveau local, spécifiquement affecté à la relance
du territoire de Mirabel; le second à titre de conseiller en
relève agricole de la région no 10.
Cinquièmement, considérer, lors de la procédure de
la rétrocession, en premier lieu, l'exproprié de 1969; en
deuxième lieu, le fils ou la fille de l'exproprié; en
troisième lieu, l'occupant actuel et, en quatrième lieu, la
priorité au jeune venant de l'extérieur du territoire.
Sixièmement, favoriser une plus grande flexibilité dans
les politiques des organismes de crédit agricole, tels l'Office du
crédit agricole et les institutions bancaires. Offrir aux nouveaux
propriétaires un taux préférentiel afin de les aider
à repartir.
Septièmement, mettre sur pied des politiques rétroactives
de subventions à l'amélioration du fonds de terre, tels que les
travaux mécanisés, la chaux, le drainage souterrain, etc., afin
de récupérer le retard des treize années de tutelle
fédérale; cela, applicable tant au nouveau propriétaire
qu'au locataire de la région de Mirabel. (20 h 45)
Huitièmement, dans l'éventualité du non-respect de
la part du gouvernement fédéral des droits à la
propriété privée des agriculteurs de Mirabel, le Club des
jeunes agriculteurs de Deux-Montagnes demande au gouvernement
québécois de soumettre cette violation des droits de la personne
à l'Organisation des Nations Unies afin de dénoncer cette
injustice sociale.
En tout dernier lieu, le Club des jeunes agriculteurs de Deux-Montagnes
recommande au gouvernement québécois de prendre conscience que
tout développement industriel suscité par le prolongement de
l'autoroute 13 et de l'autoroute 50 ne peut qu'aggraver la situation
déjà difficile de la relève agricole, surtout lorsqu'il
n'y a aucune consultation avec les agriculteurs impliqués. Par
conséquent, un assouplissement de la loi 90 sur le territoire serait une
entrave majeure à la relance et au maintien de la vocation agricole de
Mirabel.
Le terres qui sont en rétrocession doivent être offertes
à un prix facilitant l'exploitation agricole et non servir à la
spéculation urbaine. Ce n'est pas la Société
immobilière du Canada (Mirabel) Limitée qui vend aux
agriculteurs, mais plutôt les agriculteurs qui reprennent possession de
leur bien.
La relève agricole ne doit pas payer plus que la capacité
de remboursement de sa terre, c'est-à-dire ne pas payer plus que le
terrain peut produire.
Le gouvernement québécois a un choix à faire
à Mirabel: s'obstiner à développer l'implantation de
l'industrie toujours inexistante ou favoriser la relève afin de
respecter la reconnaissance de la vocation agricole du territoire.
La relève agricole exige des actions concrètes et rapides
de la part des gouvernements. Elle réclame d'être appuyée
dans son combat pour l'autonomie de l'agriculture de type familial à
Mirabel.
Nos pères se sont établis sur la terre selon une certaine
tradition et volonté sociale. Nous, la relève agricole, c'est un
libre choix que nous faisons.
Nous exigeons à juste titre l'autogérance de notre future
entreprise et non plus la servitude à un système gouvernemental
fortement bureaucratisé et non conscient des besoins alimentaires
actuels et de l'an 2000.
M. Bélisle: Ont collaboré à
l'élaboration de ce mémoire: moi-même, Gilbert
Bélisle, diplômé, fils d'exproprié, jeune
agriculteur en voie d'établissement sur le territoire toujours en
tutelle; Ginette Bélisle, étudiante, jeune agricultrice, fille
d'exproprié; Michel Frappier, vacher, directeur du SRALO,
désireux de s'établir, non résident sur le territoire
exproprié; Marcel Raymond, fils d'exproprié, jeune agriculteur en
voie d'établissement sur le territoire en revente; Pierre Lalande,
étudiant, fils d'exproprié, désireux de prendre la
succession familiale, établi sur le territoire en revente; Sylvain
Laframboise, étudiant, fils d'exproprié, désireux de
prendre la succession familiale établie sur le territoire en revente;
Louis Lapierre, fils d'exproprié, jeune agriculteur, établi sur
le territoire en revente; Jocelyn Masson, diplômé,
président du Club des jeunes agriculteurs des Deux-Montagnes, fils
d'agriculteur, en voie d'établissement, non résident sur le
territoire exproprié; Yvan et Chantai Thibodeau, diplômé,
fils et fille d'exproprié, jeunes agriculteurs en voie
d'établissement sur le territoire en revente; Mario Raymond, jeune
agriculteur, fils d'exproprié, établi en
copropriété sur le territoire en revente; Réal Proulx,
diplômé, vice-président de l'AJRQ, jeune agriculteur
établi en copropriété, non résidant sur le
territoire exproprié; Normand Viau, fils d'exproprié, jeune
agriculteur établi sur le territoire en revente; Sylvain Viau, vacher,
fils d'exproprié, désireux de s'établir en
copropriété sur le territoire en revente. Denise Proulx,
journaliste, collaboratrice à la rédaction du mémoire.
Tous ces jeunes sont désireux de promouvoir l'agriculture sur le
territoire exproprié de Mirabel. Nous vous remercions d'avoir bien voulu
entendre l'opinion de la relève agricole face à son avenir.
Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci beaucoup. Alors, oui?
Une question, M. le député de Deux-Montagnes?
M. de Bellefeuille: Je voudrais accueillir devant la commission
ces jeunes agriculteurs de Deux-Montagnes. À présent, je ne
voudrais pas abuser d'un malentendu. Je pense que les jeunes agriculteurs qui
sont devant nous ont deux députés, le député
d'Argenteuil et moi-même, puisque leur désignation comme Club des
jeunes agriculteurs de Deux-Montagnes correspond à l'ancien
découpage du comté et comprend, par conséquent, les
paroisses qui sont énumérées dans le mémoire et qui
composent maintenant la municipalité de Mirabel dans le comté
d'Argenteuil. Mais, il y a quand même des jeunes de Saint-Placide, d'Oka,
de Saint-Joseph-du-Lac, de Saint-Eustache dans le comté de
Deux-Montagnes.
Nous nous sommes déjà rencontrés parce que, chaque
été, je me fais un point d'honneur de participer à la
journée agricole organisée dans le comté de Deux-Montagnes
par la Société d'agriculture et, chaque année, votre club
est très présent à cette journée agricole. Vous
organisez des concours et votre participation est toujours très visible
et soulève toujours beaucoup d'enthousiasme. Alors, je suis très
heureux de vous retrouver ce soir - et pardonnez-moi le ton paternaliste - afin
de vous encourager à continuer dans cette bonne voie.
Ceci dit, je note que, dans votre mémoire, vous parlez de terres
en friche. Je suppose que, s'il y a des terres en friche, cela veut dire que
s'il y avait une bonne administration, il y aurait de la place pour la
relève?
M. Bélisle: Oui.
M. de Bellefeuille: Une bonne administration et de bonnes
conditions. Là, il y a encore des terres dont de jeunes agriculteurs
pourraient s'occuper.
M. Bélisle: Oui.
M. de Bellefeuille: Vous mentionez au haut de la page 7:
"plusieurs terres en friche", est-ce qu'il y a des données sur le nombre
de terres en friche, l'étendue des terres en friche?
M. Lapierre: On n'a pas de chiffres exacts. La
fédération des Laurentides va en apporter tout à l'heure;
je crois, on en a discuté. Il y a plusieurs terres en friche.
Évidemment, c'est difficile pour un jeune de partir sur une terre en
friche alors qu'il n'a pas de capacité financière pour commencer.
C'est le moment où ses capacités financières sont les
moindres. La plupart du temps, il ne reste à peu près rien sur
ces terres. Pas de grange, pas de maison, pas de fossés, pas de
drainage.
M. Bélisle: S'il y avait un programme de relance agricole
bien défini et s'il y avait une bonne promotion de l'agriculture, je
pense qu'il y aurait de la place pour plusieurs jeunes.
M. de Bellefeuille: II faudrait un effort spécial pour
remettre ces terres-là en production.
M. Lapierre: Oui.
M. de Bellefeuille: Bon. Je pense que c'est un aspect important
de la relance. Je pense que le CIAC a déjà mentionné, dans
ses mémoires antérieurs, le besoin d'un effort particulier pour
remettre ces terres en production. Il y a quelque chose de très
précis dans votre mémoire, que je signale particulièrement
au ministre. Je suis sûr qu'il l'a déjà remarqué,
c'est quelque chose qui relève directement de lui. C'est à la
page 10 de votre mémoire, au point 4; l'engagement immédiat de
deux agronomes, l'un au niveau local, spécifiquement affecté
à la relance du territoire de Mirabel; le second à titre de
conseiller en relève agricole de la région 10. C'est quelque
chose qui relève directement de M. Garon. Je recommande moi aussi au
ministre d'accorder la plus grande attention à cela. Puisque le
gouvernement ne veut pas augmenter la dimension de l'appareil administratif, il
pourrait peut-être faire des compressions dans ces deux bureaux pour
faire de la place pour les gens qui sont mentionnés là. Il y
avait des gens qui seraient spécialisés, d'un coté, dans
la relance de Mirabel et, de l'autre côté, dans la relève
agricole. Ce serait une amélioration très nette.
M. Bélisle: Je pense que ce serait quasiment indispensable
pour promouvoir l'agriculture sur le territoire.
M. de Bellefeuille: Je suis très heureux que vous ayez
recommandé cela. C'est précis et c'est une chose sur laquelle on
peut agir, j'espère, dans des délais assez brefs. Vous
recommandez à la page 11, en haut, neuvièmement, en tout dernier
lieu au gouvernement québécois de prendre conscience que tout
développement industriel suscité par le prolongement de
l'autoroute 13 ne peut qu'aggraver la situation déjà difficile de
la relève agricole. Le député d'Argenteuil a
distribué aujourd'hui des photocopies d'une chronique qu'il publie dans
un journal qui s'appelle le Mirabel Saint-Eustache. Je pense que, dans le
deuxième cas, l'article de première page de ce journal
c'était pour annoncer que l'autoroute 13 était abandonnée.
Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, M. le député.
M. Bélisle: Oui, je l'ai lu moi-même.
M. de Bellefeuille: Abandonnée ou pas, la situation telle
que je la comprends c'est que, le gouvernement du Québec n'a pas
l'intention de bâtir des autoroutes inutiles. On n'est pas dans une
situation financière qui permettrait de le faire et, dans l'état
actuel des choses...
M. Garon: Même si on avait l'argent... M. de
Bellefeuille: Pardon?
M. Garon: Même si...
M. de Bellefeuille: Même si on avait beaucoup d'argent, on
ne bâtirait pas d'autoroutes inutiles et à l'heure actuelle
l'autoroute 13, là où elle se rend, c'est très bien comme
cela, elle se rend à l'autoroute 640. Aller plus loin pour rejoindre le
fameux PICA inexistant, ce serait vraiment gaspiller les fonds publics.
M. Bélisle: Gaspiller les fonds publics et les terres.
M. de Bellefeuille: Oui et des terres. Je reviendrai sur l'aspect
des terres. Si, plus tard, il arrivait, ce qui n'est pas arrivé
jusqu'ici, qu'il y ait un développement considérable du PICA,
là il faudrait étudier la question à son mérite et
voir dans quelle mesure il faudrait, enfin, compléter le réseau
routier. Mais dans l'état actuel des choses, même si on envisage
par exemple une phase de construction, d'implantation industrielle dans le
PICA, l'accès routier actuel est tout à fait suffisant. Un
accès routier plus rapide, comme le serait la prolongation de
l'autoroute 13, ne deviendrait nécessaire que s'il y avait un tel
développement dans le PICA qu'il y aurait une circulation
considérable. On est très loin de cela. Je pense qu'on peut
considérer que l'autoroute 13 est pour le moment sur la tablette.
Quant à la protection du territoire agricole, c'est
intéressant que vous mentionniez cela parce que le ministère des
Transports a décidé, il y a déjà trois ans, je
crois, de réexaminer le tracé qui était proposé
pour cette éventuelle prolongation de l'autoroute 13. Si jamais on la
bâtit, on va la bâtir non pas selon le tracé qui existait
à ce moment-là, il y a trois ans, mais selon un autre
tracé qui touche un moins grand nombre de terres et qui emprunte, pour
une plus longue partie du tracé, le territoire exproprié. C'est
une amélioration. Si jamais cela se présente, le nouveau
tracé est fondé sur un plus grand respect du territoire
agricole.
De nouveau, je vous remercie de vous être présentés
devant nous et je vous félicite de l'intérêt et de la
qualité de votre mémoire. Je suis sûr qu'on va se revoir
l'été prochain à la Journée agricole. Merci.
M. Bélisle: Vous êtes toujours le bienvenu.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, cela me fait plaisir de recevoir
les membres du Club des jeunes agriculteurs que j'ai eu l'occasion de
rencontrer aussi. Comme l'a dit le député de Deux-Montagnes, il y
a plusieurs
municipalités dont vous faites partie qui sont maintenant
situées dans le comté d'Argenteuil. C'est très
intéressant. Je voudrais vous poser peut-être une couple de
questions sur les problèmes que vous avez soulevés, pour
commencer, avant de vous demander des précisions sur les
recommandations. Je veux parler des problèmes de crédit du jeune
qui veut s'établir. Vous avez dit qu'il n'était pas admissible
aux subventions d'établissement. Pourriez-vous préciser comment
cela se présente pour lui?
M. Bélisle: Les politiques de subvention à
l'établissement de 8000 $ s'appliquent en partie au fonds de terre,
c'est-à-dire au drainage. Je pense que vous savez que le drainage sur le
territoire exproprié a été arrêté pour un bon
bout de temps. Pour ce qui est des 50 000 $, ils s'appliquent sur un emprunt
à long terme. Comme on n'a ni bail, ni politique à long terme, il
n'y a aucune possibilité pour un jeune d'emprunter à long terme.
Donc, il est impossible d'avoir une subvention à l'établissement
comme tout autre prêt. Il est impossible d'avoir un prêt, parce
qu'on ne peut pas donner de garantie. On n'a pas de bail.
M. Ryan: C'est un bail qui est sur le point d'expirer. Il en est
à sa dernière année, si j'ai bien compris.
M. Bélisle: Oui.
M. Ryan: Normalement, s'il était renouvelé, ce
serait pour une période plus longue. C'était quand même un
bail de dix ans.
M. Bélisle: Tout ce qu'ils nous ont proposé
jusqu'à maintenant, ce sont des baux de deux ans. Donc, il n'y a aucune
possibilité d'avoir un prêt.
M. Ryan: Je ne veux pas noircir les choses inutilement, non plus.
Ils veulent laisser une marge pour les revendre, si j'ai bien compris. Ce n'est
peut-être pas la période qui peut être prise le plus comme
illustration de la situation générale. Il y avait quand
même des baux d'une durée plus longue.
M. Bélisle: II y a eu des baux de dix ans.
M. Ryan: Je ne connais pas les orientations du programme de
revente des fermes qui va être mis en oeuvre avant longtemps.
D'après ce qu'on comprend, ils voudraient donner le choix entre
l'acquisition de la ferme ou une location à long terme. À ce
moment-là, il y a bien de ces problèmes qui seraient susceptibles
de solution, en tout cas.
(21 heures)
M. Bélisle: Oui. Il y aurait certains problèmes qui
seraient susceptibles de solution.
M. Ryan: Vous parlez de la Société du crédit
agricole. Le M. Jean Narache en question est allé les voir...
M. Bélisle: Oui.
M. Ryan: ...et ils lui ont dit...
M. Bélisle: II n'en est pas question.
M. Ryan: ...ce que vous dites?
M. Bélisle: Ils ne prêtent pas sur le territoire
exproprié.
M. Lapierre: II faudrait avoir un bail de dix ans,
premièrement, et on n'est pas intéressés à avoir
des baux de dix ans, les jeunes, pour s'établir avec un bail de dix ans
et monter une entreprise rentable, investir sur le territoire exproprié,
en plus de perdre - je peux appeler cela ainsi - du temps, parce que, quand on
va être rendu au bout de notre bail de dix ans, il va falloir encore
recommencer sans savoir ce qui nous attend au bout de cela. Payer du loyer ou
acheter une terre, j'aime autant aller m'acheter une terre, payer des
intérêts à l'Office du crédit agricole et que je
sois enfin propriétaire du terrain. Les investissements que j'aurais mis
sur cette terre seront à moi et la plus-value me reviendra. C'est ce
dont on ne tient pas compte, je trouve. Lorsqu'on parle de la
rétrocession du territoire, la société ne veut pas tenir
compte de la plus-value que les jeunes agriculteurs ont mise sur ce territoire.
Le gouvernement voudrait avoir la plus-value en plus: il veut qu'on entretienne
les terrains, qu'on leur donne la plus-value et en plus il voudrait qu'on paie
cette plus-value.
M. Bélisle: Aussi, ce qui arrive comme problème,
c'est que nous, les jeunes, nous n'osons pas investir. Donc nous essayons de
travailler avec les mêmes instruments que nous avons présentement
et nous régressons par rapport aux autres qui sont en dehors du
territoire et qui continuent d'avancer.
M. Ryan: La plupart de vos membres, d'après ce que j'ai
bien compris, ce sont des jeunes qui travaillent présentement avec leur
père et qui envisagent éventuellement la succession ou qui
seraient intéressés à occuper un lopin de terre pas loin
de là ou dans la région éventuellement.
M. Bélisle: Justement.
M. Lapierre: Dans mon cas je peux dire
que je me suis établi il n'y a pas longtemps, au mois de juin;
j'ai acheté de mon père. Je n'ai aucun bail en avant de moi, j'ai
un mois d'avis d'éviction. C'est mon père qui me finance, je n'ai
eu aucun prêt. J'avais voulu avoir une subvention, aucune subvention.
J'ai mis pour 2000 $ de chaux sur le terrain cet automne et je ne sais pas
où on s'en va. J'aimerais bien avoir la terre de mon père, c'est
la troisième génération et on y tient beaucoup,
mais...
M. Ryan: Pour le moment, le bail achève et on vous offre
un bail de deux ans, c'est cela?
M. Lapierre: Oui, la Société immobilière du
Canada nous offre un bail de deux ans, mais on n'a pas l'intention d'en signer
du tout, on n'en veut pas de bail.
M. Ryan: Est-ce que, pour cette période, elle demande une
grosse augmentation du loyer?
M. Lapierre: Oui, nous avons reçu cette lettre il n'y a
pas longtemps, et c'est au-dessus de 100%.
M. Ryan: Et on ne vous a pas encore approchés pour la
revente éventuelle? On ne vous a pas parlé de cela du tout.
Est-ce qu'on vous a envoyé des évaluateurs prendre...
M. Lapierre: Non. On nous a dit qu'il faudrait que notre terre
soit cadastrée à nouveau. Premièrement, on nous a
envoyé des évaluateurs. Et encore là, faire cadastrer
notre terrain... ce terrain est cadastré: quand nous avons
été expropriés il était cadastré et on va
remettre les mêmes cadastres que lors de l'expropriation. On va nous dire
qu'il faut évaluer notre terre. Nous sommes bien prêts à
faire évaluer ce que la société a mis sur notre terre, sur
les maisons, pas sur notre terrain parce qu'elle n'en a pas mis. Mais quant aux
améliorations qu'on a faites sur notre terrain, les évaluateurs
ne monteront pas sur le terrain pour venir évaluer ce terrain:
l'évaluation est la même qu'en 1969. La plus-value qu'on a mise
depuis 1969, c'est à nous; si on avait mal entretenu la terre et s'il
n'y avait pas eu de plus-value, ce serait de notre faute.
M. Ryan: Vous dites qu'on loue les boisés
séparément maintenant. Pourriez-vous nous expliquer cela un peu,
comment cela se passait et comment cela se passe depuis quelque temps?
M. Bélisle: Ce qui arrive c'est que, sur plusieurs terres,
la maison est louée par une personne, la terre est louée par une
autre personne et le boisé est loué par une tierce personne.
C'est cela le démembrement des terres. Les boisés sont
loués pour une période de huit mois; donc je ne pense pas que ce
soit bien acceptable pour un producteur de sirop d'érable, parce que,
après huit mois, déménager le grément de sucrerie,
c'est pas mal d'ouvrage et je pense que ce n'est pas admissible.
M. Lapierre: C'est un peu tous les amis des fonctionnaires qui
réussissent à avoir une permission pour aller se couper du bois
de chauffage sur les terres. D'abord, les boisés ne sont pas
loués sur le bail. Il n'y a aucun bail de location d'un terrain
agricole. Le boisé ne faisait jamais partie du bail au commencement.
Donc, ils ont toutes les possibilités de louer ces boisés, eux
autres, à n'importe qui, à qui ils veulent; ils donnent des
droits de coupe, si on peut dire, à un peu n'importe qui en dehors du
territoire exproprié aussi bien qu'à l'intérieur, ils se
couperont du bois. Ils donnent une rémunération à la
société immobilière, mais encore là, quand ce sont
nos boisés et qu'ils viennent faire cela jusque chez nous, c'est
effronté ou je ne sais quoi, mais...
M. Ryan: Vous semblez établir une opposition dans votre
mémoire entre la vocation agricole et le développement de
l'industrie dans le territoire. C'est un territoire très grand, nous le
savons tous. Est-ce qu'il ne serait pas possible d'envisager qu'il y ait quand
même des parties importantes de terrains qui soient
réservées pour le développement industriel, tout en
respectant la vocation agricole du territoire? Est-ce qu'on doit faire une
opposition aussi catégorique que celle que vous faites à certains
passages de votre mémoire?
M. Lapierre: On n'est pas totalement contre, mais on aimerait que
la population agricole soit consultée en fonction de cela.
M. Ryan: Mais jusqu'à maintenant - je ne veux pas entrer
dans les détails - en général, les gens sont
consultés. Quand un terrain qui était zoné agricole doit
être dézoné, l'UPA est consultée. Cela fait partie
des...
M. Lapierre: Sur le territoire exproprié, le
fédéral fait pas mal ce qu'il veut. Les lois du zonage agricole
sont appliquées si cela fait bien son affaire, si cela ne fait pas son
affaire, elles ne sont pas appliquées. On a l'exemple de la grange de
Mirabel...
M. Bélisle: Ils font à peu près ce qu'ils
veulent.
M. Ryan: À ma connaissance, il y a eu un investissement
industriel depuis quelques années, c'est celui de la Great Lakes.
Dans
ce cas, on a procédé à toutes les consultations
voulues avant. Tous les groupes de producteurs agricoles qui avaient
été consultés se sont exprimés en faveur du
changement de zonage pour ce cas. Maintenant... Oui.
M. Lapierre: Je ne sais pas si la fédération a
été consultée à ce moment, je ne suis pas au
courant.
M. Ryan: Je ne sais pas s'il y en a qui veulent me contredire
ici, mais je crois qu'elle a été consultée. Il y a un
problème qui se posera. Vous connaissez le terrain du PICA, le parc
industriel et commercial de l'aéroport.
M. Bélisle: Oui, j'ai été le visiter, ils
font du foin dedans.
M. Ryan: Vous avez été le visiter; il y a de beaux
terrains là-dedans.
M. Bélisle: De beaux terrains pour faire du foin.
M. Ryan: J'entendais le député de Deux-Montagnes
tantôt faire allusion à cela. Je pense bien que c'est pas mal
fini. Il n'y a pas de développement industriel au PICA à ma
connaissance. Il n'y en a aucun prévu pour l'instant. La
société immobilière a annoncé un nouvel
investissement. Cela a paru dans la Presse, hier, je pense qu'il s'agit d'une
usine d'eau minérale. Ce ne sera pas dans le PICA, ce sera dans l'une
des... Il y a quelques zones dans le grand territoire qui sont prévues
pour des fins industrielles.
Quant au PICA, si vous vouliez regarder cela et faire des
recommandations, ce serait le bon temps de le faire parce qu'il ne faudrait pas
que cela continue de végéter comme c'est là. Il me semble
qu'il y a quelque chose à faire avec cela.
Aux dernières nouvelles qu'on a eues, il n'y a aucun des deux
gouvernements qui est intéressé à le continuer. Ils
dépensaient de l'argent, cela coûtait de 300 000 $ à 400
000 $ chaque année et cela ne donnait absolument rien. Il y a un
problème, on est rendu à la minute de vérité
là-dedans. C'est de valeur qu'on n'ait pas eu le temps de l'examiner
à la commission ici, mais il y a une grosse décision à
prendre là pour les deux gouvernements.
Encore une fois, je vous dis cela parce que vous avez entendu parler
comme moi que la ville de Mirabel a créé une corporation de
développement industriel. Les citoyens réclament cela. Il y a des
citoyens aussi qui ne sont pas sur les terres, ils veulent avoir des jobs et
ils réclament de l'industrie pour pouvoir travailler et placer leurs
enfants également. Je suis obligé, comme député,
d'être favorable à cela parce que je me dis: II faut bien du
travail pour tout le monde aussi, tout en respectant la vocation agricole du
territoire. C'est le seul point que je voulais souligner à votre
attention, bien amicalement d'ailleurs n'est-ce pas?
Quand vous parlez de subvention pour l'amélioration du sol, vous
dites que vous voudriez que certaines subventions soient même
rétroactives. Pourriez-vous préciser cela un peu?
M. Bélisle: Les politiques de drainage qui ont
été mises en vigueur dans les années passées, on
n'a pas pu en bénéficier. Donc, on aimerait avoir, si le
territoire est à revendre, une politique de drainage, de chaux et
quelques politiques du gouvernement provincial dont les agriculteurs en dehors
du territoire ont pu bénéficier, mais dont on n'a pas pu
bénéficier vu qu'on n'était pas propriétaires.
M. Lapierre: On n'a peut-être pas voulu en
bénéficier à cause de l'insécurité qu'on
avait sur le territoire. Quand tu arrives et que tu dis: J'ai du drainage
à faire, cela coûte 50 000 $, 100 000 $, d'accord, je vais avoir
une belle subvention ou je n'aurai pas de subvention, mais la subvention qu'on
va avoir ne paie pas tout le drainage. Il reste encore une bonne partie du
drainage. Mon père n'a pas été encouragé, il n'a
pas désiré faire l'investissement et profiter des subventions
lorsqu'il y en avait ou lorsqu'il n'y en avait pas, parce qu'il n'y avait
aucune sécurité. On avait du drainage souterrain à faire.
Notre plan a été fait en 1969, avant l'expropriation. Le drainage
souterrain n'est pas encore fait en 1983. Aujourd'hui, si je décidais de
drainer, cela coûterait pas mal cher. Je ne suis pas en capacité
financière de drainer. Mon père l'était à ce
moment.
M. Ryan: Votre recommandation principale, c'est que les terres
soient revendues dans les plus brefs délais; vous dites même en
dedans de deux ans. On comprend cela. Doit-on conclure - vous ne le dites pas
clairement dans votre mémoire -que vous autres, vous
préféreriez que toutes les terres soient revendues plutôt
que de donner le choix entre location et revente?
M. Bélisle: Pas nécessairement. Si un agriculteur
préfère exploiter encore - je pense à un agriculteur qui a
peut-être 50 ans et qui n'a pas de relève agricole - pendant
quatre ou cinq ans avant de vendre, je pense qu'il y aurait possibilité
d'arrangement. Il y a plusieurs agriculteurs qui sont prêts à
acheter, qui veulent acheter et cela presse.
M. Lapierre: Pour la relève, c'est beaucoup plus
intéressant.
M. Bélisle: Pour la relève agricole, c'est
très intéressant d'acheter parce que nous ne pouvons plus
attendre. Je viens de m'établir en coexploitation avec mon père.
Je suis la personne que Mme Lafond citait ce matin, qui paie un loyer de 300 $
dans un bas de maison. Je n'ai pas eu le choix; sinon, j'aurais
été obligé d'aller en ville, moi aussi. Si j'achetais, je
serais peut-être obligé de me bâtir une maison, mais, au
moins, elle serait à moi.
M. Ryan: Quand vous demandez l'établissement d'un prix
uniforme, équitable pour tous les agriculteurs, pourriez-vous expliquer
ce que vous voulez dire par là? Est-ce le même prix à
l'arpent? Que voulez-vous dire exactement?
M. Bélisle: Un prix équitable, c'est-à-dire
qu'il n'y ait pas de favoritisme.
M. Ryan: Et uniforme. Est-ce possible?
M. Bélisle: Uniforme, selon la valeur du terrain. En 1969,
l'expropriation a été faite selon un barème
d'expropriation. Le même barème pourrait se répéter
pour la rétrocession.
M. Ryan: D'accord, c'est ce que vous voulez dire. Il y a une
chose que j'aimerais que vous expliquiez. Vous aimeriez que le gouvernement du
Québec s'implique plus pour tout le processus de revente.
M. Bélisle: De rétrocession?
M. Ryan: Oui. Comment cela pourrait-il fonctionner,
d'après vous autres? Il ne faut pas oublier une chose. Il faut bien se
mettre les pieds à terre aussi. C'est le gouvernement
fédéral qui va revendre ces terres, les vendre ou les
rétrocéder, comme vous voulez. Peut-on imaginer cela pratiquement
que le gouvernement provincial vienne agir comme arbitre là-dedans?
C'est ce que vous proposez, vous autres?
M. Bélisle: Peut-être, mais je pense que la
proposition du ministre Garon que j'ai entendue ce matin, d'après moi,
serait très appropriée.
M. Lapierre: Cela prendrait un organisme neutre, plus neutre
qu'il ne l'est présentement. Avec le gouvernement
québécois et des représentants de certains autres
organismes, ce serait plus neutre que cela ne l'est. (21 h 15)
M. Ryan: Cet organisme, est-ce que ce serait une espèce
d'organisme de surveillance et d'expression d'opinions ou si ce serait un
organisme que vous voudriez substituer à la Société
immobilière du Canada?
M. Bélisle: Substituer.
M. Ryan: Substituer? D'accord.
M. Bélisle: Oui. La Société
immobilière du Canada...
M. Ryan: Qu'en faites-vous de celle-là?
M. Bélisle: Si ce n'était que de moi, cela ferait
longtemps qu'elle serait disparue.
M. Ryan: Très bien, merci.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Garon: II y moyen aux prochaines élections... Il y a
une chose que j'aimerais dire. Tantôt, je faisais allusion aux
restrictions du député d'Argenteuil. Je vous en donnerai un autre
exemple. Je ne trouve vraiment pas cela correct. C'est vrai qu'il n'y a pas une
usine qui s'est établie dans le PICA. Il y a une raison à cela.
Le député d'Argenteuil ne dit pas la raison. Il y a une raison et
elle est simple. Le notaire Mathieu, député de Beauce-Sud, sait
à quel point les gens veulent être propriétaires de leur
terrain. La raison est simple: Le gouvernement fédéral n'a jamais
voulu vendre un terrain dans le PICA. C'est cela l'honnêteté,
c'est de dire la véritable raison. Le gouvernement fédéral
n'a jamais voulu vendre un terrain du parc industriel, du PICA. Comme les
industriels veulent être propriétaires de leur terrain, ils ne
veulent pas s'établir là. La raison est simple; elle n'est pas
compliquée. C'est cela la raison.
M. Lapierre: C'est la même affaire pour les jeunes
agriculteurs. On ne veut pas s'établir sur un terrain qui n'est pas le
nôtre.
M. Garon: Je ne comprends pas quand j'entends le
député d'Argenteuil dire qu'il faut un développement
industriel, alors, qu'il faut dézoner pour établir des
industries, des entreprises. Je ne comprends pas ce raisonnement. Je trouve que
c'est un mauvais raisonnement, un raisonnement fallacieux. Ce qu'il faut, c'est
justement que les entreprises s'établissent dans les parcs industriels.
Un parc industriel, c'est pour que les entreprises s'établissent dans le
parc. Il me semble que cela ne prend pas une 500 watts pour comprendre cela. On
établit un parc industriel pour que les usines viennent s'y
établir et on vend les terrains du parc industriel et les usines sont
là. On ne fait pas un parc industriel où on ne veut pas vendre
des terrains. Le gouvernement fédéral ne veut pas vendre les
terrains et, ensuite, il faudrait dézoner des terres agricoles pour
établir des usines sur des terres agricoles.
Je ne sais pas si le député d'Argenteuil a
déjà vu une usine d'eau minérale. Je vais vous dire ce
qu'est une usine d'eau minérale. D'abord, on ne fabrique pas l'eau. Elle
vient habituellement d'un puits, d'une source; elle vient de la terre. Il n'y a
pas de machines qui fabriquent l'eau. L'eau est embouteillée dans
l'usine. Habituellement, cela ne prend pas une grande usine. On peut
l'embouteiller à bien des places. Habituellement, le mieux, c'est pas
loin de la source. On la transporte par camion après. Je ne comprends
pas trop pourquoi la Great Lakes Carbon n'a pas voulu s'y établir. Je
vais vous dire pourquoi elle n'a pas voulu s'établir dans le PICA. C'est
parce qu'elle s'est dit: C'est un parc industriel près d'un
aéroport; il va y avoir là des grosses usines; il va y avoir des
syndicats. On aimerait mieux être dans un rang tout seul où on
aura moins de syndicats. C'est la principale raison pour laquelle elle n'a pas
voulu s'établir à cet endroit parce que, normalement, la logique
aurait voulu qu'elle soit dans le parc industriel. C'était une raison de
plus. En plus de l'achat du terrain, un grand parc industriel... Elle voulait
être seule pour ne pas avoir l'influence d'autres usines sur son usine.
Elle est venue là pour une simple raison. La Great Lakes Carbon est
venue au Québec parce que son principal client, sinon à peu
près, je n'oserais pas dire le seul, mais je sais que plus de 50% de sa
production totale est achetée par HydroQuébec... Le gouvernement
de Québec a dit à l'entreprise: Si vous voulez qu'on continue
à acheter de vous, vous allez vous bâtir au Québec parce
que, autrement, on va acheter d'une entreprise bâtie au Québec. On
est votre principal client; vous allez venir manufacturer chez nous. Elle s'est
établie à Argenteuil et à Lachute. Je dirais qu'une des
principales raisons qui ont joué, c'est parce que ce n'était pas
trop loin de l'Ontario. Ne nous contons pas d'histoires; c'est cela la
réalité. Ils sont venus devant la commission et ils ont dit les
raisons pour lesquelles ils voulaient aller s'établir là et de
quelle façon cela a joué. Le site a été
trouvé. Et c'est pour cela, ensuite, quand on a voulu développer
un parc industriel autour de Great Lakes Carbon, je ne suis pas convaincu que
c'est ce que la compagnie souhaitait, parce qu'elle voulait être seule
dans son coin pour les raisons que je viens de mentionner.
Maintenant, vous avez dit, à la page 8: "Jean Narache doit
oeuvrer sans aide suffisante de la part des professionnels du bureau du
ministère de l'Agriculture du comté et avec l'absence d'un
conseiller en relève agricole au bureau régional de
l'Assomption." J'ai été étonné d'abord au sujet du
conseiller en relève agricole du bureau régional de l'Assomption,
parce que, habituellement, il y a un conseiller en relève agricole par
bureau régional.
M. Bélisle: Le poste a été fermé, il
y a deux ans, à l'Assomption.
M. Garon: Le poste a été fermé?
M. de Bellefeuille: Ils ont fait les compressions à la
mauvaise place.
M. Garon: Je suis content de savoir cela. Je ne le savais
pas.
M. Bélisle: C'est pourquoi on l'a mentionné, parce
que je pense qu'on en a besoin d'un.
M. Garon: Et quand vous dites que vous n'avez pas une aide
suffisante de la part des professionnels du bureau local du ministère de
l'Agriculture, dans quel sens le dites-vous?
M. Bélisle: En ce sens que l'agronome que nous avons vient
de faire une crise cardiaque. Cela fait quatre mois et nous avons un agronome
qui vient nous visiter une fois de temps en temps. L'agronome que nous avions
n'allait pas voir les agriculteurs et les agriculteurs n'allaient pas le voir
non plus. Il n'y avait pas de contact entre les agriculteurs et l'agronome.
Alors, étant donné qu'il vient de faire une crise cardiaque, on
n'est même pas sûr qu'il reviendra en poste. La
société d'agriculture a fait une demande pour son remplacement ou
une demande d'aide à cet agronome.
M. Garon: Quand il y avait un conseiller en relève
agricole du bureau régional, quels services vous rendait-il?
M. Bélisle: Dans ce temps-là, je n'avais pas besoin
de ces services-là.
M. Garon: Vous étiez trop jeune? M. Bélisle:
J'étais encore aux études.
M. Lapierre: II allait aider les différents clubs à
partir des projets. Au début, lorsqu'il a commencé, il a
été vraiment un pionnier. Comme on l'explique au début, M.
Groulx - on ne veut pas le nommer pour le discréditer non plus - a
été un très bon agronome dans le comté. C'est lui
qui a vraiment parti le mouvement agricole dans le comté. Il a fait de
grands projets. Et là, il va falloir qu'il se retire, si on peut dire,
et cela va nous prendre un nouvel agronome, des nouveaux conseillers. Il me
semble qu'il est urgent que cela arrive.
M. Bélisle: Présentement, on a un agronome. Mais je
pense qu'on en aurait besoin d'un seulement sur le territoire exproprié.
Parce que, avec tout ce qu'il y aura à faire sur le territoire
exproprié, je
pense qu'il y aurait de l'ouvrage pour un agronome.
M. Lapierre: Lors de la rétrocession des terres, il sera
intéressant d'en avoir un.
M. Bélisle: Même si c'était pour une
période temporaire, je pense qu'il serait important d'avoir un agronome
au service des expropriés ainsi qu'un conseiller en relève
agricole. Je pense que si le territoire est à revendre, il va y avoir
beaucoup de relève agricole à établir.
M. Garon: Tantôt, vous avez dit: la société
fédérale ne prête pas du tout dans le coin.
M. Bélisle: Non.
M. Garon: Pas un sou?
M. Bélisle: Pas un sou. Et même...
M. Garon: Oui.
M. Bélisle: ...présentement, vu qu'il n'y a plus
personne qui a un bail, il n'y a personne capable d'avoir du crédit.
M. Lapierre: Nulle part.
M. Garon: À l'office non plus?
M. Bélisle: Ni aux banques, ni à l'office, ni
à la Société du crédit agricole.
M. Garon: À l'office, il n'y a aucun prêt?
M. Lapierre: Aucun prêt, ni à la banque.
M. Garon: Pour ceux qui n'ont pas de bail.
M. Lapierre: Oui.
M. Garon: Mais, celui qui a un bail?
M. Lapierre: II n'y a plus grand monde qui a des baux.
M. Garon: Pardon?
M. Lapierre: II n'y a plus grand monde qui a des baux.
M. Garon: Mais, dans l'ensemble du territoire ou seulement sur le
territoire qui est mis en revente, qui est compris dans les 30 000 acres?
M. Lapierre: Sur tout le territoire. M. Garon:
Pourquoi?
M. Lapierre: Parce que les politiques de la société
immobilière est de présenter des baux indexés et les
agriculteurs - moi le premier - ne sont pas intéressés à
signer de tels baux. On veut acheter et être propriétaire. On ne
veut pas signer des baux indexés à 5%, 6% et 10%.
M. Garon: Où est situé le bureau local que vous
utilisez?
M. Lapierre: À Saint-Eustache. M. Garon: À
Saint-Eustache.
M. Lapierre: Je pense que la société d'agriculture
vient de faire parvenir une demande par écrit pour le remplacement ou du
moins l'aide à cet agronome.
M. Garon: Je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? J'avais d'abord
reconnu M. le député de Rousseau, mais à moins que...
M. Garon: Non, non, allez.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Tantôt, M. le
député de Deux-Montagnes? Alors, M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: Oui, merci. Très rapidement, vous dites que
vous avez un peu plus de la moitié de vos membres qui sont des jeunes
agriculteurs dont les terres - les terres qui ne leur appartiennent pas - sont
situées sur le territoire exproprié. Vous êtes donc en
mesure de comparer la situation des jeunes agriculteurs qui ne sont pas aux
prises avec les problèmes d'expropriation avec les autres. Est-ce que
vous en concluez - vous pourrez peut-être nous dire pourquoi - que le
problème de Mirabel, le problème de l'expropriation bloque
l'entrée des jeunes agriculteurs et, si effectivement cela a cette
conséquence, quelle est la différence entre ceux qui n'ont pas
à vivre ce problème-là et ceux qui y sont
confrontés?
M. Bélisle: Si on considère notre club, le
pourcentage de jeunes qui se sont établis parmi ceux qui sont en dehors
du territoire exproprié est de beaucoup supérieur à ceux
qui se sont établis sur le territoire exproprié. Ceux qui se sont
établis sur le territoire exproprié, c'est avec l'aide... Comme
Louis, c'est avec le financement de son père. Je me suis établi
en coexploitation avec mon père parce qu'il n'y avait pas d'autres
moyens. Je ne peux pas aller emprunter. Tandis qu'à l'extérieur
du territoire exproprié, les jeunes ont pu avoir du crédit
agricole, donc une plus grande flexibilité d'établissement. De ce
fait, il y en a beaucoup plus qui se sont établis à
l'extérieur qu'à l'intérieur du territoire
exproprié.
M. Blouin: Vous constatez donc que dans les territoires non
expropriés, la relève agricole a plus tendance à s'y
installer qu'à s'embarquer dans les problèmes
d'expropriation.
M. Bélisle: Oui.
M. Blouin: On en a discuté souvent et pour qui
connaît un peu l'agriculture, ce qui est intéressant dans
l'exploitation agricole, ce ne sont pas tellement les revenus annuels que
retirent les agriculteurs...
M. Bélisle: La plus-value.
M. Blouin: Les agriculteurs ne s'enrichissent pas avec les
revenus annuels qu'ils retirent. Mais, ce qui devient intéressant, ce
qui leur donne une sécurité à long terme et qui leur
permet d'envisager leur retraite avec un peu d'optimisme, c'est le fait
d'être propriétaire, d'améliorer la situation de ce qui
leur appartient pour ensuite être capables de la passer à d'autres
en vendant et en tirant des profits de cette vente. On vous a demandé si
vous pensez qu'on devait laisser l'hypothèse de location à
côté de celle de l'achat, je pense qu'il y a des gens qui,
à court terme, vont préférer louer, mais c'est un mauvais
service à leur rendre. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je
pense que laisser l'option de location pour des gens qui veulent
s'établir et faire de l'agriculture, c'est leur rendre un très
mauvais service et c'est hypothéquer tout le travail qu'ils vont mettre
là-dedans parce qu'ils ne pourront jamais en profiter.
M. Bélisle: Mais, lorsque j'ai fait cette allusion, je
parlais de personnes âgées de, disons, cinquante ans et qui sont
sur le bord de lâcher et qui ne sont pas intéressées
à acheter. Elles vont être intéressées à
laisser la place à un jeune dans quelques années, mais elles
aimeraient continuer pendant quelques années. (21 h 30)
M. Lapierre: Encore là, ce ne serait pas avantageux pour
ces gens de faire cela, mais c'est leur décision.
M. Blouin: Je pense que ce qui était intéressant
dans votre intervention, c'était de voir effectivement quelle est la
situation des jeunes agriculteurs en dehors du territoire exproprié en
comparaison avec leur situation quand ils sont aux prises avec ces
problèmes. Je vous remercie et je vous félicite de votre
détermination. C'est encourageant.
M. Lapierre: Je voudrais ajouter quelque chose. C'est certain que
ce n'est pas facile même si les jeunes sont à l'extérieur
du territoire. On en a parlé encore à une assemblée il n'y
a pas longtemps. Ce n'est pas facile pour eux, non plus. On est dans des
conditions économiques très difficiles. Ce n'est pas facile. On
en a parlé à plusieurs et ce n'est vraiment pas facile, mais tout
de même, c'est encore mieux que comme on est là. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Je voudrais, tout simplement,
compléter ce que le ministre disait tout à l'heure à
propos des raisons pour lesquelles il n'y a pas eu d'implantation industrielle
dans le PICA. Les gens du fédéral et leurs complices, leurs
porte-voix, ont eu l'habitude au cours des dernières années de
dire à qui voulait les entendre qu'une raison ou la principale raison
pour laquelle il n'y avait pas d'industries dans le PICA, c'était parce
que c'était zoné agricole et que, tant que ce ne serait pas
dézoné, il n'y aurait pas d'implantation industrielle. C'est un
des nombreux mensonges qui ont circulé à propos du dossier de
Mirabel parce que, quand le plan de zonage a été fait à
Mirabel, la Commission de protection du territoire agricole a convenu de
dézoner une étendue de 365 acres. Or, à l'heure actuelle,
il n'y a aucun parc industriel au Québec qui ait une aussi grande
étendue.
Donc, l'argument du zonage, c'est une fabrication, c'est un mensonge, ce
n'est absolument pas vrai. Il y a eu 365 acres de dézonées.
C'était amplement suffisant. D'ailleurs, quiconque comprend la Loi sur
la protection du territoire agricole, sait que si jamais, par impossible, les
365 acres avaient été entièrement occupées ou sur
le point d'être entièrement occupées par des industries, la
commission aurait envisagé de dézoner une nouvelle étendue
à des fins industrielles selon les besoins. Je voulais juste mentionner
qu'il y a cet aspect de la chose aussi. Ce n'est pas du tout à cause du
zonage agricole. C'est en bonne partie, comme l'a indiqué le ministre,
parce que le gouvernement fédéral refusait de céder les
terrains. Il y a peut-être d'autres raisons aussi. Par exemple, le fait
que l'aéroport de Mirabel, comme aéroport, n'a pas du tout eu le
genre de développement qui avait été prévu par les
planificateurs. Cette espèce de léthargie de l'aéroport
s'est reflétée sur le potentiel de développement
industriel du PICA qui n'a pas décollé, quoi, qui est
resté cloué au sol.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je dois intervenir de nouveau. Je m'excuse auprès
de nos jeunes invités
parce que ce ne sera pas directement sur l'échange qu'on a eu
avec eux, mais sur des choses qu'on a entendues ici. Je pense que c'est bon
que, comme le ministre le disait tantôt, la vérité soit
établie, mais pas seulement d'un côté. La
vérité unilatérale, cela conduit ultimement aux
décrets, comme vous le savez. Ce n'est pas cela qu'on veut. Quand le
ministre affirme connaître très bien les intentions et les
motivations de la compagnie Great Lakes Carbon, je trouve qu'il rend un
très mauvais service au développement industriel au Québec
en parlant comme il le fait. L'implantation de cette entreprise s'est faite
à la suite d'une compétition très vive qui impliquait,
d'ailleurs, d'autres régions du Québec. La région de
Lachute a eu l'avantage non pas pour les raisons complètement farfelues
qu'a invoquées le ministre, mais pour des motifs sérieux. Quand
le ministre vient nous dire que la compagnie voulait s'établir dans un
rang agricole pour être à l'abri des ravages du syndicalisme, on
voit qu'il ne connaît pas très bien la région parce que,
comme vous le savez, l'emplacement où est située Great Lakes
Carbon, c'est à peine à trois quarts de mille ou un mille de
Lachute. La contagion syndicale pourrait très facilement se communiquer
si c'était cela, le problème.
Lachute, pour l'information du ministre, est une ville qui a une
tradition syndicale très forte et qui comporte encore aujourd'hui une
main-d'oeuvre assez largement syndiquée. Il y a eu des problèmes
dans le passé. Il y en aura toujours, mais de ce
côté-là, je pense que la région de Lachute n'a pas
de leçon à prendre d'aucune autre région du Québec.
Si la Great Lakes Carbon, par hypothèse tout à fait
irréelle, à mon point de vue, avait prétendu miser sur ce
facteur pour s'implanter à Lachute, je pense qu'elle aura pris un pari
qu'elle sera menacée de perdre. La vraie raison, je l'ai donnée
souvent au ministre, d'après ce que j'ai pu connaître du dossier -
il peut connaître des choses qui m'échappent, mais je suis bien
prêt à ce qu'il complète mes connaissances -c'est que la
qualité du sol où est en train de s'implanter Great Lakes est une
qualité rocailleuse particulièrement propice pour ce genre
d'entreprise, qui a d'ailleurs une autre implantation ailleurs au Québec
où la qualité du sol crée de gros problèmes,
justement. Elle surveillait très particulièrement cet aspect et
l'endroit où elle se trouve, est infiniment supérieur de ce point
de vue à d'autres. Dans la région, tout le monde est très
heureux de cette implantation et je ne voudrais pas que l'impression se
communique, sur la foi des propos du ministre, qu'il peut y avoir des
arrière-pensées là-dessous ou qu'on verse dans le genre de
motivation qui a été donnée.
J'entendais le député de Deux-Montagnes faire l'histoire
du PICA et dire des choses qui sont également inadmissibles au chapitre
des faits. Assez curieusement, j'avais dans ma serviette, en l'écoutant,
le dernier rapport annuel de la Société du parc industriel, la
SPICA, qui est un organisme, comme vous le savez, composé à 60%
de représentants nommés par le gouvernement provincial.
Même si le gouvernement provincial n'investit que 40% des sommes en
capital-actions de la société, il avait, en vertu de l'entente
fédérale-provinciale - qui, celle-là, n'était pas
trop mauvaise, que je comprenne - 60% des voix décisionnelles qui
avaient 40% du capital. Voici ce qu'on lit dans le dernier rapport annuel,
celui de 1981-1982. Les députés l'ont tous reçu, je pense.
On est porté à ne pas le lire, parce qu'on se dit que c'est
déjà une affaire qui avait un peu passé, mais moi, comme
député du comté, j'étais particulièrement
intéressé à le lire. Je vais vous donner un extrait de la
première page: "Malgré l'annonce de propositions de prolongement
de l'autoroute A13 par le ministère des Transports du Québec,
aupune décision de construction n'a été prise et le PICA
reste un parc mal desservi au niveau routier dans ses liaisons avec
l'aéroport et la conurbation montréalaise. À la suite
d'intenses négociations avec le ministère des Travaux publics du
Canada, un projet d'entente a pu être élaboré en vue de
l'acquisition des terrains du PICA par la société. En
dépit de ce déblocage, ce dossier n'a pas connu d'aboutissement
favorable. D'une part, l'acquisition des terrains demeurait sujette à
une garantie de la vocation de l'ensemble du PICA qui nécessitait un
assouplissement du zonage de la Commission de protection du territoire agricole
du Québec, garantie qui n'a pas été fournie. D'autre part,
la création de la Société immobilière du Canada a
entraîné une suspension des négociations avec le
gouvernement fédéral en attendant que le mandat de cette nouvelle
société soit précisé. Le zonage agricole touchant
une grande partie du territoire du PICA a été maintenu,
malgré les interventions de la société auprès de
son ministre de tutelle. Ainsi, à l'issue d'une autre année
d'efforts, le PICA ne rencontre toujours pas les conditions minimales
nécessaires pour l'établissement d'un parc industriel et
commercial aéroportuaire et la société n'est donc plus en
mesure de pouvoir exercer son mandat de promotion et de développement de
ce parc. Cette situation est d'autant plus paradoxale que les décisions
nécessaires pour rendre le PICA opérationnel sont de juridiction
directe des gouvernements du Québec et du Canada qui sont, par ailleurs,
les actionnaires de la société."
Ce que je veux souligner ici, c'est qu'il est bien facile de ronronner
et de divaguer, mais la SPICAM est un organisme du gouvernement dont le
ministre fait partie. Il
y a un principe élémentaire en administration publique,
c'est qu'une administration publique est supposée parler avec la
même voix, dans le même sens. On a vu, cet après-midi,
à propos d'un autre sujet, que les renseignements dataient parfois d'un
siècle d'un ministère à l'autre. Cette fois, vous avez un
autre exemple. Ce n'est pas ma faute. Ce sont des gens qui ont oeuvré
à la SPICAM, nommés par le gouvernement du Québec en
majorité au conseil d'administration et qui nous donnent ce bilan
à la fin du dernier exercice. Je pense que leur voix a peut-être
autant de pertinence et de compétence que celle du député
de Deux-Montagnes ou celle du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation.
Pour l'acquisition des terrains du PICA, il y avait un problème.
On se disait que ce serait une bonne chose que les terrains soient acquis par
le gouvernement du Québec pour qu'il puisse les vendre à des
industries qui voudraient s'implanter là. On avait invoqué cet
argument qui, à mon point de vue, n'est pas aussi décisif qu'on
le prétend, mais prenons-le comme un des arguments qui pouvaient faire
partie du débat. Voici ce qu'on dit ici: "Après d'intenses
négociations avec les représentants du ministère des
Travaux publics du Canada, une entente de transfert a pu être
élaborée à des conditions avantageuses. Cependant, cette
entente exigeait du gouvernement du Québec une garantie de
préservation de la vocation industrielle et commerciale des terrains
réservés au PICA. Avant que cette entente ait pu être
sanctionnée, la création de la Société
immobilière du Canada a entraîné un changement
d'interlocuteur. À la demande de la SIC, les négociations ont
dû être suspendues pour lui donner la chance de faire
préciser son mandat." Après cela on dit qu'on en est toujours aux
limites qui existent: "Pour tenter de résoudre le blocage actuel la
société a élaboré plusieurs choix de zonage pour
exclure du PICA les terrains faisant l'objet d'une mise en valeur agricole
intensive. Cependant aucune décision n'a pu être obtenue en vue de
permettre le maintien de la vocation du PICA et la possibilité d'en
acquérir les terrains."
Alors je me dis: C'est vous qui parlez de cela, on ne peut pas parler
avec deux voix contradictoires. On ne peut pas être à la fois
syndicaliste et matraqueur de syndicat. On ne peut pas être à la
fois la SPICAM et le ministère de l'Agriculture, il faut que vous
coordonniez vos violons entre vous. Ici, c'est le témoignage et c'est
peut-être le testament de la société qui était
chargée de la gestion du PICA, parce que, comme je l'ai dit plus
tôt, je ne pense pas que, sur la base de l'expérience qui a
été faite, le PICA ait un avenir industriel et commercial. Je
pense qu'il va retourner à des fins agricoles. Il va falloir chercher
ailleurs, sur le territoire, des terrains plus propices vers le nord et le sud.
Et je pense que les deux députés, qui connaissent beaucoup plus
le territoire que beaucoup de ceux qui sont ici, seront d'accord avec moi pour
convenir que si on va vers le nord, on aura de bien meilleures facilités
pour le développement industriel. Il y a des places, mais, ici, c'est un
témoignage qu'on ne peut pas récuser; on peut bien faire des
farces avec si on veut, mais c'est écrit et n'importe qui peut le
consulter, c'est le rapport 1981-1982.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je ne comprends pas
pourquoi le philosophe qu'est le député d'Argenteuil utilise un
argument aussi faible que l'argument d'autorité, qui est
généralement reconnu comme le plus faible de tous les arguments.
L'autorité du signataire de ce rapport ne m'impressionne guère.
Je sais que la SPICAM est une société de la couronne
conjointement québécoise et fédérale, mais cela ne
veut pas dire que ce qui est écrit dans le rapport est parole
d'évangile. En lisant ce rapport, M. le député
d'Argenteuil - cela m'arrive à moi aussi de lire des rapports annuels
-j'avais constaté que j'étais partiellement en désaccord
avec ce qu'il disait et ce n'était pas la première fois que
j'étais en désaccord avec des porte-parole de la SPICAM. Je vais
être très précis. Je me souviens, par exemple, d'un
vice-président de la SPICAM, qui s'appelait M. Rostenne et qui, en
plusieurs circonstances, donnait, à droite et à gauche, ici et
là, des conférences, des causeries dans lesquelles il
épousait complètement le point de vue du gouvernement
fédéral et critiquait durement le gouvernement du Québec
de façon absolument injuste. Alors, ce n'est pas la première fois
que j'ai été en désaccord avec la SPICAM ou ses
porte-parole. M. Rostenne, par exemple, disait toujours que la raison pour
laquelle le PICA ne se développait pas, c'était parce qu'il
n'était pas dézoné, parce que la route 13 n'avait pas
été prolongée. M. Rostenne ne faisait jamais état
de la question du refus du fédéral de céder le terrain
à des fins de développement industriel dans le PICA. Aussi M.
Rostenne ne faisait jamais état de l'absence de développement de
l'aéroport de Mirabel, qui a toujours été une des raisons
fondamentales pour laquelle le PICA ne s'est pas développé.
Alors, l'argument d'autorité qu'invoque le député
d'Argenteuil ne m'impressionne pas du tout. D'ailleurs, je me demande si le
député d'Argenteuil a lu attentivement le texte qu'il vient de
nous lire avant de nous le lire, parce que, dans ce texte, l'auteur
reconnaît que le fédéral n'a jamais consenti
à céder les terrains. L'auteur se trouve à être
d'accord avec nous sur le fait que cela a été un obstacle
insurmontable au développement du PICA.
M. Garon: Le député d'Argenteuil demandait si le
ministre de l'Agriculture savait le sens des mots, cet après-midi. Je me
demande s'il comprend le sens des mots qu'il lit. Quand il a parlé de
transfert des terrains, a-t-il lu transfert de la propriété des
terrains?
M. Ryan: C'est ce dont on faisait mention, c'est ce qui
était envisagé dans les discussions. (21 h 45)
M. Garon: Un instant! Relisez le texte.
M. Ryan: Regardez on peut vous le lire...
M. Garon: Oui.
M. Ryan: ...volontiers.
M. Garon: Lisez!
M. Ryan: II faudra que je lise le paragraphe qui
précède pour...
M. Garon: Lisez donc, voir.
M. Ryan: "La solution au dossier prioritaire de la
société - c'est SPICAM -est largement conditionnée par une
décision de transfert des vols de Dorval à Mirabel. Il s'agit
d'une condition essentielle pour un déblocage, étant donné
que l'aéroport de Mirabel connaît une régression de son
trafic et que cette situation entraîne un gel de toute décision
pour les infrastructures qui restent à être
complétées pour assurer la vocation des territoires
réservés à un développement industriel et
commercial."
M. Garon: Ce n'est pas cela que vous avez lu tantôt.
M. Ryan: "Après..." On s'en vient, M. le ministre, si vous
voulez cesser d'interrompre, ce sera la politesse élémentaire.
"Après d'intenses négociations avec les représentants du
ministère des Travaux Publics du Canada une entente de transfert a pu
être élaborée à des conditions avantageuses..."
M. Garon: Ah! Transfert de quoi?
M. Ryan: Transfert de propriétés, de toute
évidence.
M. Garon: Sous quelle forme juridique?
M. Ryan: Bien cela, je ne le sais pas, je n'ai pas les
détails ici.
M. Garon: Ah! Vous devriez peut-être approfondir comme
député du comté d'Argenteuil. Il ne traite justement pas
de transfert de propriétés, mais transfert sous un bail
emphytéotique. C'est justement là qu'était le
problème. Le mandat exigé était le pouvoir de revendre des
terrains et non pas de les louer seulement pour des baux à long terme.
C'était justement le problème. Pouvez-vous continuer à
lire?
M. Ryan: Oui. "Cependant cette entente exigeait du gouvernement
du Québec une garantie de préservation de la vocation
industrielle et commerciale des terrains réservés au PICA. Avant
que cette entente n'ait pu être sanctionnée, la création de
la société immobilière a entraîné un
changement d'interlocuteur."
M. Garon: C'est cela.
M. Ryan: "À la demande de celui-ci, les
négociations ont dû être suspendues pour lui donner
l'opportunité de faire préciser son mandat."
M. Garon: C'est cela. C'est son mandat, c'est cela.
M. Ryan: "Et malgré les pressions découlant du
projet d'entente avec les Travaux publics du Canada, il n'y a pas eu de
développement dans ce dossier. La décision de la commission de
protection etc." Et là, on revient au problème que j'ai
mentionné. Il n'y a pas de contradiction là-dedans.
M. Garon: Non, non.
M. Ryan: Maintenant, je voudrais dire au député de
Deux-Montagnes: d'abord, quand on voit un document, on ne prend pas seulement
les choses qui font son affaire; ou il est bon dans l'ensemble ou il ne l'est
pas...
M. de Bellefeuille: D'accord, d'accord.
M. Ryan: Ah non! non! J'ai cité... Vous pouvez prendre
n'importe quoi de ce que j'ai cité au complet, pas seulement des petits
bouts de phrases coupés du contexte, comme vous faites trop souvent
messieurs. Prenez-le au complet et vous verrez que l'esprit est bien
reflété dans les citations que j'ai données. Je me suis
fait faire cela assez souvent pas vous autres, je ne le laisserai pas passer ce
soir; je regrette infiniment.
Deuxièmement: quand vous attaquez la direction...
M. Gagnon: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): Question de règlement,
M. le député de Champlain.
M. Gagnon: On écoute le député d'Argenteuil
depuis un bon bout de temps, en tout cas depuis que j'ai l'occasion de
siéger à cette commission; aujourd'hui j'ai été un
bout de temps à l'extérieur. Je pense qu'on a des témoins
ici qui sont venus pour exposer leurs problèmes. Le député
d'Argenteuil passe son temps à défendre le gouvernement
fédéral, c'est son choix. Mais je voudrais qu'on en revienne au
but de la commission c'est-à-dire de questionner les témoins et
de savoir ce qui se passe sur le territoire de Mirabel.
M. Ryan: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: C'est complètement faux et mensonger de soutenir
que je défends toujours le gouvernement fédéral. Si vous
aviez été ici toute la journée, vous sauriez que ce que
vous dites n'est pas vrai.
M. Gagnon: J'espère que je me trompe.
M. Ryan: Maintenant, je termine juste ma réponse qui
durera deux minutes, M. le Président.
M. Gagnon: II y a des gens qui étaient ici toute la
journée et ils disent qu'ils peuvent le confirmer.
M. Ryan: Le président de la SPICAM est un M. Champagne qui
a été nommé par vous autres. Ce n'est pas un
héritage d'un ancien régime, c'est vous qui l'avez nommé.
Il signe ce document. Parmi les signataires, il y a également le
sous-ministre adjoint du ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme de Québec et, en plus, le maire de Mirabel. Ce ne sont pas tous
des insignifiants. Peut-être qu'ils ont du bon sens eux aussi.
M. Garon: On ne dit pas que ce sont des insignifiants, c'est que
vous lisez... M. le Président, le député d'Argenteuil lit
un texte dans un sens autre que ce qu'il veut dire.
M. Ryan: C'est faux!
M. Garon: Oui. Quand on parle que la société
immobilière allait chercher un mandat. C'est justement un mandat pour
qu'elle puisse vendre des terrains, pour que les terrains puissent être
vendus et non pas être transférés. Quand on parle de
transfert de terrains, transfert de quoi? Sous quelle forme juridique? Le
problème était justement cela. C'est qu'on ne voulait pas
transférer la propriété. Le député
d'Argenteuil se garde bien, à moins qu'il ne soit pas au courant du
dossier... il a lu "transfert" et il a pensé que c'était le
transfert de la propriété. C'est une autre chose.
Maintenant, je sais aussi qu'il y avait un autre point, c'est qu'on
voulait dézoner les 3000 acres. On a dit: Si vous avez au-dessus de 300
acres et qu'il n'y a pas une usine encore dans les 300 acres, bien
commençons par remplir les 300 acres et, après cela, on en
dézonera plus grand. C'était cela qui était en cause.
Alors, essayer de prendre un prétexte pour vouloir dézoner 3000
acres alors qu'il n'y a pas une usine dans les 300 acres, cela aurait
été du gaspillage. Ce que la Commission de la protection du
territoire agricole a dit: Utilisez d'abord les 300 acres, vous avez 300 acres,
ce sera à peu près - je ne l'ai pas vérifié, mais
le député de Deux-Montagnes...
M. Gagnon: ...365...
M. Garon: ...365, c'est le plus grand parc industriel au
Québec. Quand il y aura des usines en assez grand nombre dans le parc,
on pourra dézoner davantage. C'est évident qu'on peut lire des
textes et induire les gens en erreur, mais ce n'est pas la
vérité. Je suis content que les électeurs du
député d'Argenteuil soient ici et qu'ils puissent voir de quelle
façon il lit les textes. Les gens qui n'ont pas nécessairement
tous les renseignements concernant ces dossiers, c'est facile de les induire en
erreur quand ils ne voient pas tous les arrière-plans, et qu'ils
puissent voir ici que dans des affirmations comme celles-là, la
vérité peut être établie par ceux qui sont davantage
au courant des dossiers.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Je considère
que vous avez répondu aux questions des membres de la commission. Je
remercie le Club des jeunes agriculteurs de Deux-Montagnes, Mlle
Bélisle, M. Bélisle et M. Lapierre.
M. Bélisle: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bordeleau): Je demande donc maintenant
à la Fédération de l'UPA des Laurentides de s'amener. Je
voudrais souligner aux membres de la commission que normalement, on termine
à 22 heures, mais il restera un autre intervenant, M. Roméo
Lafond. Je demanderais à tout le monde d'être le plus concis
possible.
Fédération de l'UPA des
Laurentides
M. Carpentier (Jean-Paul): M. le Président, MM. les
ministres, MM. les députés, je voudrais d'abord vous
présenter mes deux collègues: à ma gauche, M. Denis Papin,
directeur régional de la Fédération de l'UPA des
Laurentides, à l'extrême gauche, M. Michel Raymond, administrateur
à la Fédération de l'UPA des Laurentides.
Nous avons soumis un bref document. Si vous voulez, nous allons en faire
lecture. Je procéderai ensuite à quelques commentaires. M. Papin
va faire la lecture.
Le Président (M. Bordeleau): J'imagine que vous êtes
M. Carpentier.
M. Carpentier: Je m'excuse, Jean-Paul Carpentier,
président à la Fédération de l'UPA des
Laurentides.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. Papin.
M. Papin (Denis): M. le Président, M. le ministre, MM. les
membres de la commission, la Fédération de l'UPA des Laurentides
tient à remercier le gouvernement du Québec pour son excellente
initiative de tenir une commission parlementaire sur le dossier de Mirabel.
Nous espérons très sincèrement que cette commission
permettra au gouvernement du Québec et aux membres de l'Opposition de
porter une attention toute particulière aux expropriés, entre
autres, sur ce vaste territoire de 97 000 acres et d'informer la population sur
l'ampleur de ce problème.
Historique: Le ministère des Transports avait fait un historique
sur tout le dossier de Mirabel. J'ai fait un court historique. En 1969, le
gouvernement fédéral décidait d'implanter sur la rive nord
l'aéroport international des années à venir. Pour ce
faire, le gouvernement fédéral décida d'exproprier 97 000
acres, bouleversant ainsi la vie de 10 000 personnes établies dans 12
villages ou 14 municipalités, dont 788 agriculteurs, soit la plus grande
expropriation jamais faite au Canada, si l'on exclut celle des Indiens.
Selon les experts, cette expropriation d'une superficie aussi grande que
l'île Jésus était nécessaire pour la protection de
l'aéroport à cause des contraintes du bruit, de la
sécurité des années à venir et pour empêcher
une spéculation aux alentours de l'aéroport. Selon ces
mêmes experts, avec la construction qui créera plusieurs milliers
d'emplois, les retombées économiques seront considérables
dans la région et le gouvernement a besoin de cette superficie. Devant
cette décision, 97 000 acres sont expropriées, les producteurs et
résidents se battent pendant plusieurs années pour obtenir un
règlement juste et équitable pour leur propriété
qu'on vient de leur enlever.
Treize ans plus tard, plusieurs se demandent si l'on a besoin de cet
aéroport, si on en juge par le trafic aérien. Les
prévisions faites à l'époque se sont
révélées complètement fausses. L'augmentation du
trafic prévu ne s'est jamais concrétisée. On se retrouve
avec un grand aéroport qui est, nous dit-on, entièrement vide -
cela dépend des heures, mais on peut dire que le trafic aérien
est très minime - avec très peu de trafic. Nous croyons
très sincèrement que le gouvernement fédéral a fait
l'erreur du siècle dans ce dossier et que l'aéroport de Mirabel
est un éléphant blanc. À la suite de cette expropriation,
le gouvernement a déraciné une population qui était
fière de son territoire, de ses fermes, de ses beaux petits villages.
Treize ans plus tard, on démolit maisons et fermes. Lorsque l'on
traverse ce territoire, on voit immédiatement la différence dans
cette belle région de Montréal où l'agriculture et la
population vivaient jadis paisiblement.
Avant 1969, c'est à Saint-Hermas que se produisait le plus de
lait à l'acre au Québec. Maintenant, c'est là où
pousse peut-être le plus de mauvaise herbe et où plusieurs fermes
sont à l'abandon. Environ 50 maisons de ferme ont été
démolies, et plusieurs autres bâtiments de ferme ont
été démolis ou brûlés. On n'a qu'à
passer dans le village de Saint-Hermas, pour ceux qui ont visité, ou
dans d'autres régions du territoire, on voit qu'il y a plusieurs granges
ou plusieurs bâtiments de ferme qui sont à l'abandon. De
très bons agriculteurs ont quitté le territoire avec leur
troupeau et d'autres ont tout simplement vendu leurs biens.
Treize ans plus tard, vous n'avez qu'à passer dans une
municipalité comme Sainte-Scholastique, Saint-Hermas ou Sainte-Monique
pour vous rendre compte qu'elles sont presque devenues fantômes. Si on
enlevait les bureaux de la Société immobilière du Canada
et de la municipalité, ces villages seraient presque vides. Magasins,
banques, caisses, garages, restaurants, hôtels ferment et la vie sociale
se dégrade continuellement, même si la Société
immobilière du Canada met des millions de dollars pour réparer
toutes ces propriétés. Les racines des citoyens sont
coupées et le territoire subit une détérioration
graduelle. Plusieurs commerces et édifices à bureaux sont
à louer, mais très peu de gens semblent intéressés
à s'installer dans ces villages fantômes où il est
impossible de se procurer cigarettes, pétrole, etc., après 9
heures le soir.
Grandeur de Mirabel comparativement aux autres aéroports. Je
tiens, mesdames et messieurs de la commission parlementaire, à prendre
quelques minutes de votre temps pour comparer la grandeur de Mirabel et son
trafic aux autres aéroports internationaux très
importants. Je pense qu'à la lecture de ce tableau, à moins
d'être sourds et aveugles, vous comprendrez les producteurs agricoles qui
sont convaincus d'avoir été expropriés pour rien. Je pense
que vous avez eu l'occasion de prendre connaissance de ces données lors
de la présentation d'autres mémoires. En fait, il y a une
correction: à Dallas, c'est indiqué 2800 acres, mais ce sont 17
000 acres. À la page 4, on dit: II est très facile de comprendre
que Mirabel a une superficie dix fois plus grande que Chicago avec un trafic
quinze fois moins élevé.
Le droit de propriété pour une relance du territoire. Il
est essentiel, pour la relance du territoire, que le citoyen soit
propriétaire du fonds de terre, le gouvernement fédéral
l'ayant lui-même prouvé. La seule industrie qui s'est
implantée sur le territoire de Mirabel, la Great Lakes Carbon Inc., a
exigé l'achat du fonds de terre pour s'installer et le gouvernement
fédéral a accepté de lui vendre. Cependant, il ne l'a pas
cédé dans son parc industriel, mais dans une zone agricole.
Il faut peut-être ouvrir une parenthèse au sujet de la
discussion de tantôt. Il est vrai que les syndicats concernés
avaient, lors de l'implantation de la Great Lakes Carbon Inc., donné
l'autorisation pour qu'on dézone une certaine partie de ce territoire
pour installer cette usine qui, à notre avis, pouvait donner des
retombées économiques importantes; en plus, le site qui a
été pris, en fait, c'est quand même une terre qui est peu
productive. Par contre, j'écoutais la discussion tantôt quand vous
parliez de la question des routes. Je passe là tous les jours, des fois,
deux ou trois fois par jour. Je pense que, si la Great Lakes s'était
implantée à Lachute ou dans le parc industriel, cela va aussi
bien. Les routes sont aussi belles à une place qu'à l'autre.
C'est sûr que la Great Lakes a insisté pour s'installer dans
Argenteuil. On ne s'y est pas opposé; on a même donné notre
autorisation. Mais si on a mis ce fait dans le dossier, je pense que c'est la
preuve que, si on veut relancer le territoire, autant l'agriculture que
d'autres parties de l'économie, il faut que le producteur, l'industriel
ou le commerçant devienne propriétaire du fonds de terre.
Le PICA qui a coûté plusieurs millions de dollars - je n'ai
pas à répéter la discussion qui vient de se faire
concernant le parc industriel - est toujours désert et personne n'est
intéressé à louer du terrain pour construire une
industrie. Je vous donne un exemple qui est quand même très
frappant: le vendeur Massey-Ferguson, M. Lafond, a
déménagé trois milles plus loin; il est à
Saint-Hermas, avant le village et il a quand même négocié
avec la Société immobilière du Canada pour essayer de se
bâtir un garage en sous-location. En fait, M. Lafond a
déménagé trois milles plus loin afin de s'installer sur un
terrain dont il est le propriétaire pour prendre de l'expansion pour
développer son commerce et être maître chez lui. Combien
d'agriculteurs ont déménagé trois, quatre ou cinq milles
plus loin afin d'être propriétaires, de produire avec
sécurité et d'aller chercher le plus de valeur possible pour leur
ferme, ce qui représente souvent le fonds de pension des
agriculteurs.
En plus, le gouvernement fédéral décourage souvent
les bons agriculteurs. Un certain nombre d'entre eux ont été
saisis parce que le fédéral ne voulait pas reconnaître les
investissements de plusieurs milliers de dollars. C'est toujours le gros
débat qu'il y a eu depuis trois, quatre ou cinq ans à Mirabel.
Les producteurs ont investi plusieurs milliers de dollars; vous avez eu des
mémoires de différents producteurs. On prend des photos de
fermes, pour dire qu'à Mirabel cela va bien, que l'agriculture va bien
et que c'est prospère. Mais, si on allait demander l'opinion au
producteur dont on a pris la photo de la ferme et qu'il décrivait dans
le journal ce qu'il y a sur la photo, ce ne serait peut-être pas la
même opinion qu'on nous rapporte. (22 heures)
Je pense que les producteurs qui ont cru en 1969, en 1970, 1971, 1972,
1973 et 1974 dans l'avenir du territoire, qui ont investi sur le territoire, ce
sont eux qui sont actuellement les plus pénalisés. C'est
absolument illogique. On devrait, avec une société de la
couronne, avec une société fédérale, être
capable de s'asseoir et de s'entendre. Vous savez tout le débat qu'il y
a eu concernant la question des loyers qu'on a arrêté de payer
pour essayer de négocier la question de la sécurité des
agriculteurs. Mauditl si on avait obtenu au départ cette
sécurité, on aurait pu travailler beaucoup plus facilement avec
les intervenants. En fait, les gars investissaient 10 000 $, 20 000 $, 30 000
$, 40 000 $, 50 000 $, 100 000 $ et même, il y en a qui ont investi plus
que cela. On montre leurs photographies dans le Bulletin des agriculteurs pour
dire que cela va bien à Mirabel. Les gars sont de bonne humeur. Et le
gars, à l'autre bout, s'il avait un canon, il aurait tiré quelque
part. Il est enragé bleu, parce que, au fond, c'est sûr qu'il a
investi, qu'il a cru en l'avenir, mais il est pris avec un problème
sérieux.
En fait, c'est ce que je disais. On pénalise le producteur qui a
investi en lui enlevant ses investissements, en le menaçant par des avis
d'éviction de fonctionnaires s'il n'écoute pas le
propriétaire. Un clou, une planche, dans les mains d'un producteur, sont
leur propriété, et dès que ce clou sur cette planche est
posée sur une bâtisse c'est la
propriété de la société immobilière.
On ne peut, avec cette mentalité, faire une relance du territoire.
Rôle de la société immobilière: En un mot, le
rôle de la société immobilière est de gérer
le territoire et de rétrocéder des propriétés
expropriées inutilement. Les gens n'ont pas été
expropriés pour que l'on implante des usines sur leurs fermes, pour que
l'on transforme leurs granges en ateliers de sculpture, pour que l'on refasse
de leurs boisés le bois de Belle Rivière pour les visiteurs, pour
que l'on organise des festivals westerns, des chasses à courre, des
foires, mais pour un aéroport. Cependant, si on n'a pas besoin de leurs
propriétés pour cet aéroport, que l'on
rétrocède celles-ci le plus rapidement possible. Par
après, on pourra continuer d'organiser de petites fêtes sans que
le gouvernement fédéral vienne leur montrer à s'amuser sur
leur territoire.
Conclusion: À la lecture de ce court document, il est clair que
les quelque 250 producteurs agricoles qui restent sur leur territoire sont
convaincus de l'abus de pouvoir des députés et des hauts
fonctionnaires du gouvernement fédéral ainsi que de
l'inutilité des 80 000 acres de bonne terre expropriées. Il est
certain que l'on pourrait écrire un livre de plusieurs pages comprenant
les erreurs et l'inexpérience de ces fonctionnaires ainsi que le
changement de politique des sept administrations qui ont passé sur le
territoire. Un directeur disait ne pas avoir le pouvoir de prendre une
décision; un autre se montrait plus autoritaire. Ce qu'un permettait,
l'autre le refusait. Les autorisations données par l'un n'étaient
pas valables pour l'autre. Tantôt l'on nous fournissait des autorisations
écrites, tantôt on se contentait des permissions verbales ou
encore c'était le silence complaisant et les avis de continuer comme
avant.
Il y a eu plusieurs avis de continuer comme avant de vive voix. On
disait aux producteurs, continuez comme avant et cela ira toujours bien et il
n'y aura pas de problème.
Les producteurs n'en peuvent plus de passer pour des cobayes de
fonctionnaires. Ils veulent tout simplement que la tutelle prenne fin, que l'on
rétrocède leur propriété expropriée
inutilement. On espère que le gouvernement du Québec s'impliquera
dans ce dossier et exigera du gouvernement fédéral qu'il
rétrocède les 80 000 acres expropriées en trop." Merci,
messieurs.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Papin. Des
questions? Oui, M. Carpentier.
M. Carpentier: M. le Président, si vous me le permettez,
j'aurais quelques remarques.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, allez- y.
M. Carpentier: D'abord, je voudrais référer
à la fameuse réunion tenue le 25 janvier. Pour emprunter les
termes de M. Ryan, "la réunion avortée du 25 janvier". On n'a pas
permis à nos permanents d'assister à la réunion. Je
n'avais pas compris. J'ai compris au cours de la journée la raison pour
laquelle nos permanents n'ont pas été admis à s'asseoir
à la même table que les fonctionnaires de la SIC. C'est que,
apparamment, il faut avoir des antécédents, il faut avoir
été impliqué en politique. Ce que nos permanents n'ont pas
fait. Alors, c'est sûrement la raison.
Blague à part, je pense que, même si cette consultation
avait eu lieu, cela aurait été une consultation pour la forme. En
effet, l'avis de convocation avait été prévu pour le 25
janvier et M. Pierre Brien, dans une émission
télédiffusée hier soir, a annoncé que, probablement
en fin de semaine, les modalités de la rétrocession seraient
annoncées. Alors, connaissant la lenteur et la lourdeur de la machine
fédérale, il était absolument impossible que, dans une
période d'à peine 10 jours, l'on puisse tenir compte de nos
revendications et de la consultation pour changer quoi que ce soit dans des
décisions qui étaient sûrement, sinon prises, du moins
fermement envisagées à cette date.
Nous ne répéterons pas tout ce qui a été dit
au cours de la journée. Les faits illustrés par les
représentants du CIAC ont tracé un portrait, je pense, assez
éloquent et complet de la situation que subissent les expropriés
de Mirabel. Ils vous ont convaincus, j'espère, de l'urgence de votre
support et de votre appui. C'est sans doute de bonne guerre, certains
députés se sont lancé des flèches de coloration
différente au cours de la journée, mais j'ose espérer que,
de part et d'autre, vous allez vous trouver une paire de gants de même
couleur et vous serrer au moins la main gauche pour travailler ensemble.
J'espère que je ne suis pas naïf quand je souhaite que cela se
produise.
Donc, je répète, nous avons besoin de votre appui. Nous
comptons sur l'appui du gouvernement que vous représentez, quelle que
soit la couleur ou le parti que vous représentez. Si cette commission
n'avait pour effet que de vous sensibiliser davantage aux problèmes que
connaissent les expropriés de Mirabel, j'en serais fort
déçu. J'espère que ça va aller plus loin. Je
pourrais peut-être prendre les termes que M. Garon utilisait en parlant
du ministre Roméo LeBlanc en disant: On rencontre M. LeBlanc, cela va
bien, le climat est bon, mais rien ne se fait. J'espère et j'ai la ferme
conviction que, quand on va retourner dans notre petit bordel de Mirabel, on ne
dira pas, dans les semaines qui suivront la commission
parlementaire, que rien ne se fait. Alors, je vous fais confiance,
messieurs. Je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Carpentier. M. le
ministre.
M. Garon: Je suis content de voir votre mémoire,
particulièrement la page 5, qui est intitulée: Le droit de
propriété pour une relance du territoire. Je pense que les
principes qui y sont énoncés, tant dans le domaine industriel que
dans le domaine agricole, sont des principes fondamentaux et que si on ne sait
pas que cela fonctionne comme cela, on ne connaît pas les
mécanismes du monde industriel ou du monde agricole. Je ne dis pas que
le monde commercial fonctionne de la même façon. Je pense que les
gens qui ont des commerces sont habitués à fonctionner dans des
locations plutôt que dans des propriétés. Je puis vous dire
que, jusqu'à maintenant, j'ai eu l'occasion de travailler dans les trois
secteurs et l'expérience m'a appris que les agriculteurs veulent
être propriétaires. Les industriels veulent aussi être
propriétaires de leurs terrains et de leurs bâtisses. C'est
exceptionnel qu'ils veuillent être en location. Les commerçants
sont moins chatouilleux là-dessus. Ils sont habitués à
louer des espaces. Je suis convaincu qu'une des raisons pour lesquelles le
territoire de Mirabel n'a pas connu d'activité économique, c'est
que les gens n'ont pu acquérir la propriété du
terrain.
Une relance du territoire passe par le droit de propriété
pour ceux qui l'utilisent. Je pense que votre mémoire ne pouvait pas
arriver aussi à point nommé, à un meilleur moment. J'avais
lu votre mémoire, mais je ne me rappelais pas dans lequel exactement on
trouvait tel argument. On a eu une discussion juste avant sur ces
points-là et je suis content de constater que des gens
d'expérience comme vous, qui avez passé votre vie dans le secteur
agricole et qui avez vécu près du secteur industriel, savent que
c'est un point très important pour l'implantation,
l'établissement et le développement d'une entreprise agricole ou
industrielle.
Il y a une chose, par ailleurs, qui doit être dite. C'est
qu'à la base, il est important de toujours se rappeler ici que c'est le
gouvernement fédéral qui a fait l'expropriation, et non pas le
gouvernement du Québec, et que le gouvernement du Québec n'a pas
toute la marge de manoeuvre qu'il voudrait bien avoir dans ce dossier. Aussi,
il est conscient qu'il ne peut pas poser n'importe quel geste qui va affecter
les gens qui sont là, qui ont des problèmes et que si les
gestes... Je me rappelle qu'en 1977, quand j'ai rencontré pour la
première fois les gens de Mirabel, j'ai dit: Je ne veux pas intervenir
dans votre dossier avant que vous ne me le demandiez pour éviter que
vous me disiez plus tard que le dossier de Mirabel a été
utilisé à des fins politiques. Je n'ai pas voulu intervenir au
début, tant que les gens ne me l'ont pas demandé dans une
pétition qui contenait quelques milliers de noms d'ailleurs. Ensuite,
j'ai pensé qu'il y avait certains gestes qui ne pouvaient pas être
posés à moins que les gens d'abord touchés me le demandent
également.
Vous parlez aujourd'hui qu'il y a de la contestation juridique,
judiciaire d'une expropriation. Je peux vous dire que personnellement, je
n'aurais jamais proposé une telle mesure sans que ceux qui sont
touchés, eux-mêmes, nous le demandent parce que, au fond, quand le
gouvernement fournit des fonds pour aider à contester judiciairement
quelque chose, ce n'est pas trop difficile parce que c'est un peu comme gager
sur des boxeurs. C'est moins difficile pour le gageur que pour le boxeur, alors
que dans Mirabel, s'il y a des contestations, et qu'il y a des délais,
les gens qui vont souffrir ou qui vont vivre cet épisode vont être
les gens du territoire. C'est pour cela que, dans ce dossier, j'ai toujours
essayé d'être prudent pour aller au rythme des gens du territoire
eux-mêmes. Je me rappelle, au cours de la période que j'ai
vécue, qu'on a passé des baux à long terme, des baux
emphytéotiques, on est venu aux baux à long terme et à la
propriété du territoire parce qu'on essayait des formules de
différentes façons, à différents moments, et je
n'ai pas voulu défendre autre chose que ce que souhaitaient les gens du
territoire. Je me disais: C'est leur terre, c'est leur chez eux. Je ne peux pas
procéder comme c'était, mais les biens qui étaient en
cause, c'est pour cela que dans ce dossier, on ne peut pas, pour ma part, je
n'ai jamais voulu y aller à fond de train comme si ce sont mes propres
biens qui sont en cause.
Maintenant, le CIAC nous a remis, cet après-midi, certaines
demandes, dont une qui comporte plusieurs volets. C'est pour cela que je disais
certaines demandes au pluriel. Je pense que c'est dans ce cadre que nous devons
fonctionner parce que si les gens qui sont touchés - et moi, dans mon
esprit, c'est clair qu'il y a des gens, des expropriés qui ont
été des victimes - doivent être les premiers aidés.
Ceux qui sont venus par après sont venus en connaissant les conditions.
Ils ont choisi. Les expropriés n'ont pas choisi. Ils n'ont pas choisi
d'être expropriés et ils n'ont pas choisi d'être dans des
conditions comme cela. Il m'apparaît à moi que les premiers droits
sont les droits de ceux qui étaient chez eux, dont la
propriété a été enlevée malgré leur
volonté et c'est seulement dans le cas où les expropriés
ne sont pas intéressés à être
rétrocédés dans leurs droits, il y a des tiers
qui peuvent avoir l'occasion d'occuper ces biens à des conditions
normales. On ne peut pas trancher de la même façon dans un cas
comme dans l'autre, parce que ce n'est pas la même situation dans un cas
comme dans l'autre.
Je pense que cela, ce sont des notions fondamentales qui devraient
être très claires. Je souhaite qu'on puisse - on n'a pas toute la
marge de manoeuvre qu'on voudrait - que les actions que nous allons prendre
vont pouvoir accélérer le dossier, mais je ne me fais pas
d'illusions en même temps et je ne veux pas vous en faire, vous faire des
chimères aussi parce que dans le dossier, je rendrai, demain public le
témoignage de réponse que, comme par hasard, le ministre M.
Roméo LeBlanc nous a fait parvenir - en tout cas, il l'a envoyé
apparemment hier -qu'on vient de recevoir, pour que vous en preniez
connaissance. Vous remarquerez que je lui avais envoyé un
télégramme le 8 décembre. Le sien vient d'être
reçu, ce qui veut dire qu'encore là, cela a été de
le mettre devant un fait accompli. (22 h 15)
J'aurai l'occasion de vous lire et de distribuer les copies de ce
télégramme demain, de sorte que les gens pourront voir s'ils sont
d'accord avec la proposition du ministre LeBlanc concernant le comité
qu'il propose à la place de celui que je proposais. Ils pourront
établir la différence entre le ton de mon
télégramme et le ton de son télégramme. Ils
pourront évaluer mon comportement dans ce dossier et le comportement du
gouvernement fédéral, parce qu'il y a des écrits. Il y a
des faits et des preuves. C'est plus facile que des paroles que l'on prononce,
des appels téléphoniques et des consultations derrière des
portes, dans des chambres d'hôtel, dont personne n'a été
témoin. On peut vérifier ce qui a été dit ou ce qui
a été fait. C'est pour cela que dans le dossier de Mirabel, j'ai
toujours voulu agir au grand jour pour que les gens sentent au moins de la part
du gouvernement du Québec une certaine sécurité dans le
dossier. Je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais tout d'abord saluer les dirigeants de l'UPA
des Laurentides qui sont avec nous. Évidemment, après les
nombreuses journées que nous avons consacrées à
échanger avec différents organismes, il n'y a plus beaucoup
d'idées nouvelles qui peuvent sortir à la fin d'un processus
comme celui-là. Je pense que vous allez comprendre qu'on ne peut pas
repartir la discussion à partir de zéro. Vous-mêmes avez
été témoins aujourd'hui de toute la discussion que nous
avons eue. Je pense bien qu'à ce stade-ci, il s'agit plutôt
d'émettre quelques opinions sur les orientations générales
de votre mémoire qui, d'ailleurs, est resté assez
général.
Sur le principe que vous émettez, la nécessité du
retour à la propriété privée - je pense que c'est
le terme majeur de votre document - je suis d'accord a 100%. Nous l'avons dit,
à maintes reprises, depuis le début des travaux de la commission.
Tout ce qui n'est pas rigoureusement nécessaire pour les fins de
l'aéroport doit être retourné à une vocation normale
sujette à certaines restrictions de zonage qui pourront s'imposer pour
des considérations techniques valables et qui ne doivent pas affecter le
régime de propriété. Par conséquent, sur ce point,
je puis vous assurer que je suis entièrement d'accord avec vous et que
je travaille dans ce sens. D'ailleurs, vous avez pu en avoir connaissance,
à maintes reprises, depuis le début des travaux et des
débats publics sur ces questions. Je regrette énormément
ce qui est arrivé. Vous mentionnez trois exemples de villages qui sont
devenus assez décharnés: Sainte-Scholastique, Sainte-Monique et
Saint-Damase. Évidemment, il y a encore beaucoup de vie dans ces
endroits aussi, mais le paysage extérieur a été
énormément changé par ce qui est arrivé. Quand on
voit qu'une grande ville comme Mirabel est obligée de fonctionner
à partir d'un centre d'activité qui est situé dans un de
ces trois villages, je ne veux pas du tout blâmer l'emplacement, mais ce
n'est pas normal. On voit qu'il y a des choses anormales qui se sont
passées de ce côté et qui devront être
redressées dans les meilleurs délais. Je regrette beaucoup ce qui
est arrivé également au point de vue de tous les investissements
faits par ceux qui louaient des fermes. Vous le soulevez dans votre document.
Cela a entraîné des contestations de toutes sortes. C'est une des
choses qui me frappe avec un propriétaire public. J'étais, samedi
soir dernier, à Saint-Janvier - c'est de valeur qu'on n'ait pas eu
beaucoup de gens de Saint-Janvier depuis le début de la commission, mais
c'est un autre endroit qui est resté très vivant - à une
réunion du club de l'âge d'or. Il y avait beaucoup de gens et il y
avait beaucoup de locataires de résidences. Ils me racontaient combien
cela a été laborieux et pénible d'obtenir une autorisation
de faire ceci ou pour procéder à tels travaux de
réfection, comment cela a été compliqué, alors que
d'ordinaire, dans un régime de propriété privée, ce
sont des choses qui peuvent se régler beaucoup plus
expéditivement, avec beaucoup moins de complications et,
évidemment, avec beaucoup moins de coûts en fin de compte. Je
regrette énormément ce qui est arrivé et je regrette
évidemment qu'il y ait encore de ces choses qui soient devant les
tribunaux, parce qu'il me semble que la transaction revente, vers laquelle on
s'en va, devrait être l'occasion de nettoyer
tout cela et l'initiative principale revient au propriétaire. Ce
serait à lui de prendre l'initiative de dire: On va faire ce qu'on
appelle "clean slate" une ardoise complètement nette, on va effacer tous
les barbots qu'il y avait, on va faire une ardoise nette, on recommence
à écrire comme si rien n'était. C'est malheureux que cela
se soit prolongé comme cela et que, encore aujourd'hui, il y ait
l'incertitude de celui qui est placé dans cette situation. Il y a
d'innombrables retards qui ont été apportés pour le
perfectionnement des installations à cause de ce régime
d'incertitude qui existait. Je souhaite que l'activité qu'on entreprend
aille carrément du côté du retour à la
propriété privée.
J'entendais des jeunes parler et je les trouvais bien admirables pour la
compréhension qu'ils montraient pour les exploitants qui sont rendus
à un certain âge; il y a un problème réel là.
Remarquez qu'ils l'ont fait avec beaucoup de compréhension et de
générosité. Je pense que cela vaut la peine d'être
souligné. Mais, de manière générale, il me semble
que la société devrait s'organiser pour que le régime le
plus répandu, ce soit la revente et non pas la location
indéterminée. Ce que je trouve qu'il faut éliminer du
paysage, c'est le gouvernement fédéral comme propriétaire
foncier - je m'excuse de contredire vos impressions, M. le
député. Si vous avez écouté toute la
journée, vous savez que ce n'est pas la première fois - je ne le
vois pas dans le paysage comme propriétaire foncier indéfini,
là où il n'y a pas besoin de terrains pour des fins
aéroportuaires. Il devrait viser à s'éliminer du paysage
le plus gracieusement possible, dans les meilleurs délais.
Cela étant dit, il y a bien des points techniques qu'on n'a pas
eu le temps d'aborder. Les critères pour la détermination du
prix, le choix de l'ordre de priorité dans lequel le transfert des
propriétés devrait se faire, etc. sont des questions que nous
avons discutées à peu près sous tous les angles depuis le
début des travaux de la commission. Si vous aviez des choses à
ajouter là-dessus, cela me ferait énormément plaisir, mais
je voudrais terminer en disant que j'ai pu constater le travail très
constructif que l'UPA accomplit dans ceci, en particulier les dirigeants de
l'UPA de Sainte-Scholastique, appuyés par la fédération,
évidemment, et j'espère que cela va continuer. Encore une fois,
pour la réalisation des objectifs de fond qui sont contenus dans votre
mémoire, vous pouvez compter sur notre accord profond.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. Papin.
M. Papin: En fait, pour répondre un peu à
l'interrogation de M. Ryan, il y peut-être deux points. Il y a un gros
débat qui se fait dans le champ à savoir si on devrait offrir les
terres à l'exproprié ou à l'occupant. Je pense qu'on se
chicane un peu pour rien, autant d'un côté que de l'autre.
Actuellement, 80% des terres sont occupés par les expropriés.
Donc, qu'on remette les terres aux expropriés ou aux occupants, on
règle 80% des cas. Mais je pense que dans toute législation,
quand on règle 80% des cas problèmes, on règle un grand
nombre de problèmes. Alors, à partir de là, qu'on
défende... Si nous on dit: Je pense que le gars a été
exproprié pour rien et on veut que son terrain soit revendu. À
partir de là, je dis: Le gars qui occupe la terre, c'est sûr que,
s'il a investi 20 000 $, 30 000 $, 40 000 $ ou 50 000 $, l'ancien
exproprié ne peut pas arriver et dire: Ôtez-vous, je viens acheter
ma terre. Mais, dans le fond, ce problème est minime; il y a 20% des
cas. Cela veut dire que, sur 200 agriculteurs, il peut y avoir 40 cas
problèmes, peut-être 35, peut-être 10, peut-être pas
un.
À partir de ces cas problèmes, je pense qu'on peut
s'asseoir et si le gars veut vraiment ravoir sa terre on dira: J'ai mis 50 000
$, j'ai bâti une soue, j'ai arrangé l'étable, j'ai
bâti un silo, etc., payez-les moi et je vais aller acheter une autre
terre à côté. Parce qu'il ne faut se leurrer, qu'on revende
des terres... Seulement dans Saint-Hermas il y a plusieurs terres
abandonnées, elles sont cultivées le long des routes, mais en
arrière ce n'est pas cultivé, cela pousse en branchailles, en
"fardoche" et en cochonneries. Et c'est comme cela dans bien des places sur le
territoire. À partir de là on se chicane et le plus gros
problème, s'il avait fallu que tous les gars au départ aient dit:
On s'en va trois ou quatre milles plus loin, ce seraient des granges qui
auraient tombé à terre et qui seraient démolies, ce serait
affreux. Là, on veut essayer de prendre la plus-value des fermes en
demandant aux occupants... Dans le fond, pour le gouvernement, ce
problème est assez facile à régler. Les bâtiments
ont été évalués en 1969 et ils ont tous
été payés, ils ont été évalués
par des évaluateurs spécialisés qui connaissent
l'évaluation et il y eu une entente avec des évaluateurs des deux
côtés. Je vous donnerai un exemple bien facile: si les
bâtiments sur une ferme sont évalués à 50 000 $,
qu'on continue à appliquer le même principe de
dépréciation sur ces bâtiments, si c'est 2%, 3% ou 5%,
selon la sorte de construction, on arrivera avec ce que vaut le bâtiment,
en autant que le fédéral n'a pas investi, ou
réparé, ou rénové, ou tout changé, ou
rebâti une construction neuve. À partir de cela, on donnera une
valeur à ce bâtiment. Si le producteur l'a tout entretenu, qu'il a
mis de la tôle, qu'il a mis cela, qu'il a mis ceci, l'agriculteur ira
chercher la plus-value.
Pour la partie du terrain - on fait un gros débat - c'est la
même chose. Pour le gouvernement fédéral, si tout le monde
était parti du territoire, cela aurait peut-être été
la solution au départ. On sacre tous notre camp, on laisse cela
là et on s'en va. Cela coûte des millions actuellement à
tous nous autres, à l'État, pour entretenir ces territoires,
faire faucher les mauvaises herbes, faire les fossés, etc. Qu'on prenne
la valeur d'une terre qui est quasi abandonnée, le gars qui l'a
cultivée, qui a fait les fossés, qui a payé le bulldozer,
qui a fait du drainage, c'est lui qui a payé pour cela. On n'a pas
d'affaire à essayer de le réévaluer et à le
comparer avec le gars de Saint-Hermas ou des alentours.
Il y a un autre point que je voulais soulever. Dans le dossier qui a
été... Sur la question des prix, en fait, c'est cela. Je pense
qu'on essaie de faire un grand débat là-dessus, mais dans le
fond, on est à 20% de toute la même chose. On se bat pour 80%,
mais les 80%, c'est le même monde. Qu'on l'offre à l'occupant ou
à l'exproprié, au départ, on l'offre à 80% à
tout le même monde. Quand on a offert les maisons, pourquoi les
producteurs étaient-ils inquiets? Quand on a offert 550 maisons,
c'était illogique qu'on offre 550 maisons à 190 ou 200 personnes,
et il en restait 300 chez les expropriés. Pourquoi n'a-t-on pas offert
550 maisons à 550 personnes, que ce soit un exproprié, que ce
soit un occupant, que ce soit un fonctionnaire? Cela aurait été
égal pour tout le monde. Là on l'a offert aux occupants et aux
fonctionnaires. Ce n'est pas trop correct. Dans le fond, on aurait pu l'offrir
à tout le monde en même temps. À partir de là, tout
le monde aurait dit: Bon, au moins, on nous l'a offert. Là, les
expropriés attendent et se disent: on ne nous a pas offert notre maison,
sous prétexte qu'il y aurait eu 3000 $ de subvention du
fédéral ou du. provincial. Je pense que toute législation,
quand on veut s'organiser ou régler des erreurs, on peut la modifier et
s'entendre. C'est l'autre partie du problème.
Il y a une partie aussi concernant la production. Il y a des
débats, que je dis stériles; ils paient des publireportages, ils
font paraître sur des bulletins que cela va. Je vais vous donner le plus
bel exemple. Les gars qui ont la ferme ici. Ils disent que cela va bien, mais
il y a deux gars qui disent: Ce sont de très bons éleveurs. Mais
ce n'est pas à cause de la société immobilière que
le gars a appris à traire des vaches. Le gars savait "tirer" des vaches
avant que la société n'existe et il a prouvé qu'il
était un bon éleveur et un bon producteur. Le gars qui est
là a plusieurs milliers de dollars d'investissement qui lui
appartiennent. Sur la photo, cela paraît bien, mais il n'a pas
été payé pour les investissements qui sont sur la photo.
Il aimerait bien être payé pour cela.
Dans le fond, c'est...
L'autre partie. Quand M. Brien dit: L'agriculture va bien à
Mirabel, il n'y a pas de problème, il y a des sondages... Prenons les
chiffres réels. Sur la production laitière à Mirabel, le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a
des statistiques dans son document. J'ai vérifié avec tous les
producteurs, selon les adresses et selon le domicile, qu'ils soient
expropriés ou pas. Vous avez dans votre document 172 producteurs
agricoles dans la municipalité de Mirabel, mais ce qu'il est important
de noter, c'est que dans Saint-Benoît, juste à côté,
il y a plus de 40 producteurs qui sont propriétaires, qui sont
comptés dans les statistiques; dans Saint-Augustin, il y en a 17. Au
total, il y a 85 agriculteurs sur les 172 qui sont des producteurs qui sont
propriétaires, qui ont investi et qui ont continué à
progresser. Donc, cela fausse la vérité. Si on prend la
production de la partie expropriée - on l'a compté à la
livre, au bureau, parce qu'on a les quotas de tous les producteurs - il y a 50%
de diminution dans la production laitière. Seulement à
Saint-Hermas, il y a des fonctionnaires qui nous disent que cela n'a pas
changé. Depuis 1980-1982, cela n'a pas changé beaucoup et c'est
vrai. Quand on est passé dans les rangs 68 et 69 à tous les
jours, quand on a vu les fermes qu'il y avait dans ces rangs, il faudrait
comparer la région de Saint-Hermas avec Saint-Hyacinthe; on ne peut pas
comparer cela avec l'ensemble du Québec. Ce ne sont pas les mêmes
terrains et ce ne sont pas les mêmes unités thermiques. Je vous
dis qu'il faut comparer des comparables avec des comparables.
Je vous donnerai un exemple plus frappant. J'ai fait visiter le
territoire de Mirabel à des personnes qui ne connaissaient absolument
rien de Mirabel. Nous étions en autobus. Je ne leur ai pas dit qu'on
entrait dans le territoire exproprié; dans ce temps, il n'y avait pas de
pancarte. C'étaient des gars qui connaissaient l'agriculture. Ils ont
dit: Ici, ce n'est pas comme ailleurs. M. Ryan l'a soulevé, je pense,
à quelques reprises, il y a une différence marquante. On prend
seulement Saint-Hermas, on traverse le village et, sur un bord, c'est le
propriétaire, l'autre, c'est l'exproprié. C'est un désert
sur un bord et du progrès sur l'autre. Il ne faut pas... Je dis qu'on
peut se chicaner à la télévision et dans les journaux et
dire: Cela va bien, cela ne va pas bien, cela va mal. Mais, dans l'ensemble, je
pense que pour relancer le territoire, il faut que les producteurs aient le
droit de propriété. Qu'on l'offre. Je dis que ce serait humain,
que ce serait bien défendable et que ce serait bien honnête qu'on
l'offre en premier aux expropriés. S'il y en avait deux, trois, quatre
ou cinq qui étaient intéressés à revenir... Ce
ne serait qu'une question de bon sens. À partir de là, il
y a 80% des cas qui sont tous réglés. On n'a pas de
problème avec ces gars parce qu'ils sont expropriés et qu'ils
demeurent sur le territoire, ou ce sont leurs enfants qui demeurent sur le
territoire. À partir de là, je dis qu'il y aurait une grosse
partie du problème qui serait réglée et qu'on
arrêterait de se chicaner pour des... (22 h 30)
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Papin.
M. Papin: Sur la banque de sol, on pourrait pousser... Supposons
que je délogerais Jos. Labranche, dans le rang croche, parce que je veux
ravoir ma terre... Il y a des terres, il y a des sols qui ne seront jamais
rachetés. Il y a une autre chose qu'on préconiserait, c'est qu'il
ne faudrait pas que, par la revente, on offre 1000 acres à un
producteur, parce que, dans le fond, on ne veut pas non plus qu'on offre 100
acres. Si on produit sur 300 arpents, 250 acres, qu'on ait une ferme familiale
de 250 acres ou de 300 acres, selon les lots. À partir de là, le
producteur agricole, si on était capable de mettre les bâtiments,
la maison, ses propriétés sur un terrain qui lui appartient, pour
le reste des terres, on va être capable de s'entendre. Ce n'est pas
là qu'il y aura de la grosse chicane. On essaie de nous faire chicaner
entre nous autres, mais ils ne sont même pas capables. On se tient tout
le monde ensemble. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Groulx.
M. Fallu: J'avais deux questions. Je suis heureux de voir que
vous avez répondu à la première sans qu'on la pose. Vous
savez que, depuis le tout début de la commission, nous attendions votre
venue ici, entre autres, pour une question fondamentale... D'ailleurs, le
premier mandat de la commission, c'est l'état de l'agriculture, depuis
1969 jusqu'à aujourd'hui, en propriété
fédérale. Vous savez que cela a été un peu la
chicane un peu partout. C'est très beau à Mirabel, ce n'est pas
beau à Mirabel. Quand on y va, il nous semble que c'est moins beau.
Quand on lit SORECOM, c'est censé être beau, sauf que, dans
SORECOM, on trouve des choses qui sont moins belles, mais qui n'ont pas
été exploitées au niveau de la publicité, par
exemple. Je voulais justement discuter du sondage SORECOM, mais on n'aura pas
la peine de le faire.
Une chose que je voudrais relever et dont ils n'ont jamais parlé
dans leur publicité, c'est que, dans l'unité qu'ils ont
utilisée pour sonder, 49% des fermes ont été
pulvérisées contre les mauvaises herbes. 50%, cela veut dire
qu'il y a des mauvaises herbes à côté. Il y en a qui
essaient de se protéger parce qu'à côté il n'y a
personne qui fait la coupe des mauvaises herbes. C'est comparé aux
unités environnantes. En périphérie, c'est 32%, pas 49%.
Dans l'ensemble du Québec, c'est 32%. Joliette, c'est 32%
également. Donc, la moyenne nationale est de 32%, mais, tout à
coup, on a un phénomène très spécial, c'est
Mirabel. On le voit bien là, même à travers le sondage de
SORECOM qui a été mal fait, d'une part - vous l'avez
signalé - et mal exploité, d'autre part. Ce que vous avez dit a
vraiment bien éclairé la commission à nouveau en ce qui a
trait à la situation de l'agriculture après quinze ans
d'expropriation.
M. Papin: C'est 50%. Dans le sondage de SORECOM, je dis que ce
qu'il y a là-dedans, sans faire de parti pris, ce qui n'est pas
honnête, c'est qu'on compare 1980... Si on avait pris l'agriculture en
1969 et si on la comparait avec 1981, il y aurait une différence
terrible. Je donne un exemple qui est bien frappant. Allez faire une
enquête au village de Val-Jalbert, au Lac-Saint-Jean, cette année
et l'année prochaine, et vous me direz la différence. Il n'y en
aura pas, parce que nous sommes dans une situation où vraiment cela
s'est détérioré. Il n'en reste quasiment plus. Ceux qui
restent sont entêtés à mort. On essaie de les mettre dehors
de toutes les façons et ils restent là quand même. En 1969,
je suis passé dans le territoire, j'y passe tous les jours. Quelqu'un
qui ne voit pas la différence, c'est parce qu'il vient d'une autre
planète ou qu'il arrive, il ne sait plus d'où il vient, parce
qu'il y a une différence terrible. Allez seulement dans la paroisse de
Saint-Benoît, à côté, et traversez les terres; juste
en traversant, vous allez voir la différence, même s'il n'y a pas
de pancarte sur les granges. Vous voyez la différence.
M. Fallu: C'est la même chose du côté de
Sainte-Anne-des-Plaines, d'ailleurs.
M. Papin: C'est la même chose du côté de
Sainte-Anne-des-Plaines ou c'est la même chose le long de l'autoroute et
la même chose dans Sainte-Thérèse. C'est partout pareil.
Quand on nous dit qu'il n'y a pas de changement, c'est parce qu'on est
arrivé l'année passée et l'année d'avant. Si on
était venu en 1969, on aurait dit: II y a une grosse différence.
Ceux qui étaient là le savent.
M. Fallu: À ma deuxième question, on y a
déjà apporté une réponse, notamment le cercle des
jeunes tout à l'heure avait des éléments très
importants dans son mémoire. C'est sur ce qui sera fait pour la relance
agricole, une fois que le territoire aura été normalisé.
Entre nous, on sait qu'au niveau de nos réunions régionales, on
s'était dit
depuis deux ans: II y a une priorité, la priorité des
priorités; ce sont les ruisseaux verbalisés. Il faut faire les
ruisseaux verbalisés. Le message a été ramassé,
cela achève. Parce que, disiez-vous, c'est le maintien de la
qualité du sol qui est le plus important pour la production agricole. Il
reste maintenant ce qu'il faut faire pour la qualité du sol. De votre
point de vue, vous qui représentez les producteurs, qu'est-ce qu'il faut
avoir en tête, devrais-je dire ce à quoi il faut se
préparer, pour un plan de relance agricole?
M. Papin: La principale priorité de toutes est qu'on parle
de revente. C'est sûr qu'il y a un paquet de programmes que les
producteurs n'ont pas pu obtenir parce qu'ils étaient dans une zone
expropriée et qu'il n'y avait pas de baux. Je dis qu'il faut partir de
revente. Le gars qui est exproprié en 1969, les taux de crédit
agricole n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui. Le niveau
d'endettement n'était pas le même qu'aujourd'hui. Je pense que la
journée où le gouvernement parlera de rétrocession et
qu'on prendra nos propriétés, qu'on s'asseye, les
députés de la région, le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et tous les
intervenants pour dire: On devrait privilégier telle, telle ou telle
chose. On est capable de faire cela ensemble et on est capable de
récupérer rapidement le temps perdu. C'est sûr qu'on pourra
donner des subventions sur les silos; on peut donner des subventions sur les
bouvillons parce qu'il y a des facteurs là-dedans. Les gars qui
étaient producteurs de lait en 1969, ne le seront plus ou probablement
plus. Il y a d'autres facteurs; la production a changé. Il faudra
essayer de déterminer de quelle façon on va l'améliorer.
Je dis qu'on ne peut pas tout mettre en plan. Au départ, qu'on donne le
droit de propriété, qu'on rétrocède au producteur.
Ensuite, je pense que les producteurs agricoles avec leurs conseillers et le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, on
est capable de déterminer des politiques à moyen, à long
et à court terme, pour développer et pour prendre le rattrapage.
Je suis convaincu que la journée qu'on va revendre, qu'on va remettre
les propriétés, on n'aura pas besoin de dire aux gars de prendre
la peinture pour peinturer des pancartes pour dire qu'il n'est pas content. Il
va prendre la peinture pour peinturer son étable parce qu'avant
c'était de même. Il n'achetait pas de la peinture pour dire qu'il
n'était pas content de ceci et de cela; il l'achetait pour peinturer
l'étable. Le problème est que si on peinture l'étable, on
la peinture absolument pour rien. Il n'y a rien qui reste au producteur et de
l'autre côté, on augmente notre loyer.
Je trouve qu'on cherche à s'affronter.
Quand on double ou on triple le loyer juste avant de parler de revendre,
je trouve que ce n'est pas correct. On ne devrait pas travailler de même.
C'est vraiment vouloir donner des claques sur la gueule. Vous n'avez pas le
droit de mettre des pancartes sur les granges. Écoutez, les droits et
les libertés de la personne, si on n'a pas le droit de dire ce qu'on
pense. Qu'on soit péquiste, libéral, créditiste ou
n'importe quoi, je pense qu'on a le droit de dire ce qu'on pense. Autant sur la
grange, dans la grange qu'en dehors de la grange. Qu'on arrête de se
chicaner avec cela. C'est du pelletage de nuages. Dans le fond, ils font
exprès pour nous faire choquer. Plus ils vont faire cela et plus les
producteurs vont faire le contraire. Ils sont chanceux dans le fond, on ne
marque jamais de bêtises. Vous avez remarqué nos pancartes. On
pourrait en écrire de bien plus salopes que cela. On a des pancartes
bien polies. Ceux qui disent qu'ils ne savent pas ce qu'on veut; c'est parce
qu'ils ne regardent pas sur les granges. Ils n'ont qu'à regarder, il y
en a partout.
M. Fallu: J'en conviens. Ce seront donc des prochains rendez-vous
qu'on prendra ensemble pour parler de relance agricole. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Merci
également M. Papin, M. Carpentier et M. Raymond.
M. Garon: J'aurais seulement un petit mot à ajouter.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre.
M. Garon: Cela arriverait dans le bon temps parce que le taux
d'intérêt a baissé. Il est à peu près au taux
où il était. S'il baisse encore un peu, il va tomber en bas de
8%.
M. Papin: J'aurais seulement une dernière observation.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Papin.
M. Papin: En fait, je pense que vous avez quand même
reçu une liste d'intervenants qui est imposante. Elle représente
la mentalité, les producteurs, les expropriés, les gens qui
vivent en dedans et en dehors du territoire, tout le monde. Unanimement, si on
regarde tous ceux qui ont présenté leur mémoire,
peut-être à une exception, on est tous d'accord. Même le
Parti libéral provincial est d'accord si on regarde les positions que le
député d'Argenteuil prend dernièrement. On est tous
d'accord et le gouvernement du Québec est d'accord. Si tout le monde, si
on ajoute toute
la liste, la journée que tout le monde voudra la même
chose, s'ils ne nous le donnent pas, il y a quelque chose de pas correct. Il y
a quelques producteurs qui s'appellent ALARM. Ils sont quatre, cinq producteurs
qui veulent continuer d'être locataires toute leur vie dans le territoire
exproprié. C'est leur droit dans le fond. Je dis qu'un gars qui a 60 ans
et qui veut continuer d'être locataire jusqu'à sa pension, qu'on
le laisse finir jusqu'à sa pension au moins, mais qu'on donne le droit
de propriété à tout le monde et celui qui abandonnera la
relève, on sera capable de se financer, on sera capable de fonctionner.
Là, on est tous saturés. Il n'y a plus un crédit agricole;
il n'y a plus rien. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Il nous resterait un
dernier intervenant. Il s'agit de M. Roméo Lafond. On me dit que cela
pourrait être seulement un dépôt de mémoire, mais
remarquez, comme il est inscrit.
M. Lafond (Roméo): Déposer seulement.
Le Président (M. Bordeleau): Vous le déposez
seulement?
M. Lafond: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Il y avait
également la Société immobilière du Canada à
Mirabel qui était inscrite. J'ai l'impression qu'il n'y aura pas de
mémoire.
M. Fallu: Nous pourrions les inviter à nouveau.
Le Président (M. Bordeleau): C'est cela. Nous pourrons
toujours les inviter à nouveau. Alors, la commission ajourne ses travaux
à demain matin, dix heures.
(Fin de la séance à 22 h 41)