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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le vendredi 4 février 1983 - Vol. 26 N° 236

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes au sujet des terres expropriées en trop de Mirabel


Journal des débats

 

(Dix heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation est donc réunie de nouveau pour étudier la situation des terres expropriées en trop de Mirabel.

Les membres de la commission, pour aujourd'hui, sont: MM. Baril (Arthabaska), Beaumier (Nicolet), Beauséjour (Iberville), Dupré (Saint-Hyacinthe), Gagnon (Champlain), Garon (Lévis), Ryan (Argenteuil), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lincoln (Nelligan), Mathieu (Beauce-Sud), Vallières (Richmond).

Les intervenants sont: Mme Bacon (Chomedey), MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Blouin (Rousseau), Boucher (Rivière-du-Loup), Dubois (Huntingdon), Mme Juneau (Johnson), MM. Lachance (Bellechasse), LeMay (Gaspé), Middlemiss (Pontiac), Picotte (Maskinongé).

L'ordre du jour. Je vous nomme rapidement les intervenants qui devraient se présenter dans l'ordre: en premier lieu, M. Richard Desjardins, suivi de M. Léo Bourgeois, de M. Claude Leclerc, de Mme Louise Graton et de M. André Graton, de Mme Jeanne d'Arc Bertrand et de M. Claude Bertrand (pour dépôt seulement), de Mme Sylvie Deschambault, de la MRC de la région des Laurentides, de M. Claude Vallée (pour dépôt), de M. le curé Georges Duquette (pour dépôt), de M. Gilles Dauphinais (pour dépôt) et de M. Jean-Marc Alarie (pour dépôt).

J'inviterais immédiatement la première personne, soit M. Richard Desjardins. Il s'agit du mémoire no 17.

M. et Mme Richard Desjardins

Mme Desjardins (Carole): M. le ministre, MM. de la commission parlementaire, mesdames et messieurs, on a intitulé notre mémoire Les débats d'un locataire de Mirabel pour survivre.

À la suite de l'expropriation de la ferme de mes parents en 1969, j'ai dû aller travailler chez un autre agriculteur pendant quatre ans. Ensuite, j'ai décidé de revenir m'installer sur le territoire exproprié, après avoir eu des promesses des Travaux publics du Canada quant à l'aide pour les travaux essentiels à l'amélioration de la terre et des bâtiments dans le futur.

En décembre 1977. J'ai fait une demande à maintes reprises pour avoir la permission de construire un deuxième silo. N'ayant eu aucune réponse finale au bout d'un an, j'ai décidé de le construire à mes frais. Dans les jours qui suivirent l'installation, les fonctionnaires sont enfin venus me voir pour me dire qu'ils ne pouvaient rien faire parce que je l'avais fait installer avant leur réponse.

En 1978. Suite au refus catégorique des Travaux publics de changer la date du début de mon bail, qui était le 18 juillet 1975, pour le 1er novembre 1975 afin d'avoir droit à l'obtention de la subvention du crédit agricole de 4000 $ pour les jeunes agriculteurs, j'ai fait pression en arrêtant de payer mon loyer jusqu'à concurrence des 4000 $ auxquels j'aurais pu avoir droit. À la suite de longues démarches, en 1977, auprès de M. de Bellefeuille et de M. Garon pour demander la rétroactivité de cette loi, j'ai eu le plaisir de voir la loi amendée et la mise en vigueur de la loi no 100, article 6a, par M. Garon. J'aurai droit à cette subvention dès que j'aurai fait faire des travaux mécanisés pour le montant attribué, soit 4000 $.

En 1979 encore, le gouvernement enlevait "l'octroi" pour les travaux mécanisés pour les locataires de Mirabel. En 1980, après avoir loué une terre supplémentaire pendant deux ans à 5 $ l'arpent, je perdis plusieurs récoltes vu l'état lamentable des champs. Je décidai de faire des travaux mécanisés à mes frais pour le somme de 12 989 $. Je n'ai pas de bail sur cette terre et maintenant on me demande un montant de 22 $ l'arpent sans considération pour les frais mentionnés.

En 1979-1980, à la suite d'une maladie contagieuse de mon troupeau - c'était le BVD - je fus obligé de construire une étable pour isoler les veaux et les vaches et, en plus, une remise pour la machinerie. Je fis une demande aux Travaux publics pour aller couper du bois pour la construction de la remise. Comme je n'avais toujours pas de réponse et qu'antérieurement j'avais déjà eu une permission de ce genre pour une autre bâtisse, je décidai d'aller en couper le 7 septembre 1980. Ils m'ont ensuite accusé de l'avoir volé et m'ont envoyé une facture de 60 $. J'ai refusé ce règlement et je dois comparaître au tribunal le 18 novembre 1982 pour régler cette fausse accusation. J'ai investi personnellement la somme de 5821 $ pour l'étable à veaux et 2129 $ pour la

remise, sans compter mon temps.

Quand vient le temps de faire un emprunt quelconque, c'est toujours très difficile de l'obtenir et encore plus de le rembourser. Il ne reste que trois ans avant la fin de mon bail. Comment voulez-vous améliorer la machinerie, le troupeau, les terres au prix que cela coûte et en si peu de temps?

Dernièrement, j'ai demandé un prêt d'amélioration de ferme pour acheter du quota et un peu de machinerie. Le syndicat de gestion avait étudié mes revenus et dépenses et trouvait cet emprunt rentable. Le gérant de caisse a refusé de faire suivre ma demande au crédit agricole parce que, disait-il, cela ne valait pas la peine de remplir toutes ces formules - il n'est pas d'accord avec la politique du gouvernement au sujet des prêts agricoles - et que je n'arriverais jamais à rembourser en si peu de temps, parce qu'il faut le rembourser en trois ans. Et, comme réponse finale, il m'a dit que je n'avais qu'à vendre des vaches, car j'étais déjà assez important comme cela. Je me suis défendu, mais il ne voulait rien comprendre. Alors, je suis allé voir dans une autre caisse et le gérant s'est informé au crédit agricole et j'ai été accepté.

Ces quelques faits ne sont que quelques-uns parmi plusieurs autres. C'est toujours de cette façon que se terminent les négociations entre les locataires de Mirabel et la société immobilière. Aux yeux des personnes qui ne vivent pas sur le territoire, nous passons pour des gens chanceux qui ont tout gratuitement et qui ne passent leur temps qu'à chialer sur tout. J'ai investi un montant de 53 800 $ depuis mon arrivée en 1975 et la SIC dit que tout lui appartient. Considérant l'état actuel des négociations pour la revente des terres expropriées en trop, je demande qu'on les revende, mais en n'oubliant pas de soustraire nos investissements personnels.

Comme dernier point, j'aimerais vous demander de répondre à ces deux questions: Que dois-je faire le 18 novembre 1982 -c'est passé, mais cela a été remis et cela va être encore la même question - quand j'aurai à répondre à l'accusation de vol de bois en Cour provinciale? Deuxième question: Dans quelque temps, quand je devrai leur donner tout le bénéfice de mes espoirs et de mes travaux de ces huit dernières années, où j'ai fait tout mon possible pour préparer mon avenir et celui de ma famille, que devrai-je faire?

Je vous remercie d'apporter appui et attention au cas des locataires de Mirabel et d'avoir pris beaucoup de votre temps pour que cette commission parlementaire ait lieu. Merci.

On a des pièces jointes et des preuves à l'appui pour les demandes de la SIC et les négociations qui ne se passent jamais.

Pour finir, sur le territoire de Mirabel, les personnes qui n'ont pas d'améliorations à faire pour les bâtisses etc., n'ont pas à rencontrer la SIC, mais ceux qui veulent aller de l'avant et améliorer doivent rencontrer la SIC à tout bout de champ et cela prend une éternité avant d'avoir des réponses. La SIC a un petit dicton. La SIC dit qu'une personne qui n'est pas d'accord avec elle est une personne négative et qu'une personne qui est d'accord avec elle est une bonne personne, une personne positive.

Je veux finir, en tout cas, en vous disant que le soir, quand je me couche, je suis fière de moi, mais je me demande comment les "Sicois" - ceux de la SIC - et les gens du gouvernement fédéral peuvent se regarder et dormir la nuit. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme Desjardins. Y a-t-il des questions ou des commentaires de la part des membres de la commission? M. le député de Groulx.

M. Fallu: Aujourd'hui, nous allons entendre plusieurs témoignages personnels, c'est-à-dire que dans nos travaux, nous allons un peu reprendre le rythme de départ. Entretemps, on a peut-être été porté à voir des structures, à voir des problèmes de nature globale - il fallait le faire - mais votre présence nous ramène à la vraie dimension, aux problèmes humains individuels, à des problèmes économiques individuels, à votre avenir personnel sur une terre, à vos investissements, à vos efforts et à vos espoirs.

Je voudrais, d'abord, vous remercier de votre témoignage, parce que cela nous ramène - et j'espère que cela y ramène tout le monde - dans le vif du sujet. Il y a d'abord, avant tout, un problème humain.

Vous posez des questions. Évidemment, je ne suis pas juriste; je suis un peu démuni de ce point de vue. Je connais le droit romain, mais je ne connais pas la Cour provinciale. Je ne sais pas quoi vous répondre, mais je pense que, pour nous, il y a une chose qu'on peut vous répondre, c'est qu'on se doit d'appuyer, par le biais du CIAC, l'action que vous entreprenez en cour. J'imagine qu'actuellement vous êtes soutenus par le CIAC dans la cause qui est pendante. On ne vous renvoie pas en disant: On s'en lave les mains; nullement, sauf que c'est un peu une répartition de tâches et vous pouvez compter sur nous pour continuer à le faire.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Brièvement, Mme ou M. Desjardins, est-ce que votre terre est située dans la zone qui sera revendue?

M. Desjardins (Richard): Non, elle n'est pas située dans la zone de rétrocession pour revente actuellement.

Mme Desjardins: À l'heure actuelle, non, mais sûrement que cela va venir, parce qu'on a la dernière terre expropriée, les voisins ne le sont pas.

M. Mathieu: Si jamais on vous offrait une rétrocession, j'imagine que vous seriez intéressés.

M. Desjardins: Je suis bien intéressé à racheter. Pour ce qui est du prix, ce sont les dommages qui nous ont été causés qui doivent être compensés, parce que c'est rendu terrible.

M. Mathieu: D'accord, merci.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Merci. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Oui, une courte question. Je suis arrivé quelques minutes en retard et, quand je suis arrivé, vous avez mentionné que vous étiez accusé de vol de bois. Pourriez-vous m'expliquer brièvement de quoi il retourne? Peut-être l'avez-vous dit, je regrette.

M. Desjardins: Mon troupeau a été atteint de la maladie du BVD, le "bovine viral diarrhoea"; c'est une maladie qui attaque les vaches à lait. Il fallait que je sépare les veaux des vaches, parce que les veaux venaient au monde le matin et, le soir, ils mouraient. Il a fallu que je me construise une étable à veaux. J'ai pris un endroit pour ma machinerie, j'ai construit mon étable à veaux, mais je n'avais plus de place pour ma machinerie; alors, je me suis bâti une remise de 63 pieds sur 28 pieds. Le bois que je suis allé chercher, c'était pour faire des chevrons pour la couverture. Je suis allé le chercher dans le bois de la société, mais, antérieurement, j'avais eu la permission pour aller couper ce bois. Je leur ai demandé et on ne me donnait pas de réponse. La maladie s'est déclarée au mois de septembre et il me fallait construire avant l'hiver; alors, je suis allé couper mon bois tout de suite et c'est là qu'ils m'ont accusé parce que je leur avais volé du bois et qu'ils ne m'avaient pas donné l'autorisation. En fait, c'était pour bâtir une bâtisse sur le territoire. Je ne dis pas si j'avais coupé le bois pour faire du bois de chauffage et le vendre ou bien faire des arbres de Noël avec, mais c'était pour faire une bâtisse. J'ai payé tout le restant, la tôle, la main-d'oeuvre et la planche, excepté pour la couverture et les chevrons. (10 h 30)

M. Baril (Arthabaska): Vous pouvez évaluer cela à quoi?

M. Desjardins: Pour le bois que je leur ai pris, ils m'avaient envoyé une facture de 85 $ et là il y avait eu une erreur, c'étaient 60 $. Il faut croire que cela pressait plus que mon loyer parce que cela faisait deux ans et demi que je n'avais pas payé mon loyer.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: C'est juste pour une précision. Quand vous dites: On m'a accusé, est-ce une accusation, une réclamation qu'ils vous font au civil ou au criminel? Est-ce que c'est une plainte portée devant les tribunaux?

M. Desjardins: Ils ont envoyé la Sûreté; la Sûreté est venue chez nous et ils m'avaient accusé d'avoir volé le bois.

M. Mathieu: Est-ce réglé?

M. Desjardins: Non, ce n'est pas réglé. Ils se sont trouvés à remettre cela parce qu'on avait mentionné qu'on avait eu l'autorisation pour aller le couper parce que je l'avais déjà eue antérieurement. C'est la condition qu'ils m'avaient donnée après: Si tu ne paies pas ton loyer, on ne peut pas te donner d'autorisation. En fait, ils retardent toujours quand on fait une demande, ils retardent les demandes, c'est long effrayant.

M. Mathieu: Est-ce que cela fait longtemps que la Sûreté est allée vous porter ce document?

Mme Desjardins: On est passé en cour au mois d'octobre, novembre?

M. Desjardins: Le 18 novembre.

Mme Desjardins: Le 18 novembre, mais là, rendu en cour, cela a été remis encore et on ne sait pas quand.

M. Mathieu: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le ministre.

M. Garon: Je vous écoutais. Cela me rappelle qu'il y a plusieurs années un cultivateur m'avait dit: Si tu prends une piastre pour nourrir ta famille, tu es un voleur; si tu voles 100 000 $ dans le patronage, tu es un financier. Vous demandez un peu comment les gens qui sont dans votre situation, souvent, ou d'autres qui l'ont été à Forillon ou à d'autres endroits pourraient apprendre au gouvernement à ne pas répéter ce genre de geste. Si les gens qui sont

victimes de ce genre de geste arrêtaient de voter libéral au Québec, cela aiderait beaucoup, parce qu'à Forillon, ils ont voté libéral également à l'élection suivante. Si les Québécois étaient un peu plus constants ou consistants dans leurs actions, c'est-à-dire, si, après s'être fait organiser le portrait, ils arrêtaient de tendre la joue droite, c'est peut-être un peu moins chrétien, mais, politiquement parlant, cela aiderait beaucoup. On a le sentiment, au Québec, que le gouvernement fédéral peut faire n'importe quoi et que les gens voteront libéral quand même. Si les Québécois démontraient une fois pour toutes qu'ils peuvent le sacrer dehors, je vais vous dire une chose: Ce serait peut-être la meilleure leçon qui pourrait être donnée, politiquement parlant.

Maintenant, je pense bien que le cas que vous avez mentionné, fait partie des mesures utilisées pour écoeurer les gens, les écoeurer à un point tel qu'ils se tannent et qu'ils abandonnent. C'est souvent la façon de faire. Par rapport à nous du gouvernement du Québec, leur façon de faire, c'est de nous envoyer au diable; vous, ils vous achalent. C'est une autre façon de faire. J'ai l'impression que votre meilleure défense, c'est encore de vous serrer les coudes dans votre groupement des expropriés pour défendre vos droits ensemble et peut-être entreprendre maintenant la contestation, comme le mentionnait le CIAC hier. Ce serait peut-être le temps de commencer à contester les causes de vente aux fonctionnaires; ce serait peut-être la meilleure façon aussi.

Évidemment, cela occasionne des délais, mais peut-être qu'à ce moment-ci ce serait une des façons de montrer que le gouvernement a exproprié sans droit et qu'actuellement, il ne respecte pas la loi qui était en vigueur au moment de l'expropriation, c'est-à-dire de vendre des terres aux expropriés. C'était la loi à ce moment. C'est un peu pour cela qu'à la Chambre des communes M. Clark a dit qu'on agissait illégalement, parce qu'à ce moment-là la loi les obligeait à remettre les terres à ceux qui étaient expropriés quand l'expropriation était visiblement inutile. Entre-temps, la loi a été changée mais, moralement, sinon légalement, on devrait appliquer la loi à laquelle étaient assujettis les gens qui ont été expropriés au moment où cette loi était en vigueur.

Hier, des gens du CIAC sont venus nous rencontrer et nous ont parlé de la contestation judiciaire. Je pense que c'est peut-être une voie dans laquelle il faudra... En tout cas, je vais en parler au Conseil des ministres du Québec, parce qu'il y a eu une demande officielle de contester l'expropriation des 80 000 acres. Le gouvernement du Québec hésitait beaucoup avant de le faire, parce que des gens impliqués seraient touchés dans le sens que l'expropriation pourrait retarder certaines transactions. Peut-être que, dans un cadre comme celui-là, les gens pourraient trouver justice, en espérant que le gouvernement fédéral va changer aux prochaines élections et qu'on pourra en arriver au règlement qui avait déjà été négocié avec les conservateurs durant la courte période où ils ont été au pouvoir en 1979 et au début de 1980.

Cela aussi est un autre espoir, je pense bien. Je ne dis pas qu'on n'essaiera pas avec les libéraux, on va essayer. Leur crainte de l'électorat est tellement faible que ça ne joue pas beaucoup, mais les sondages indiquent actuellement que le Québécois, même s'il a eu une bastonnade au cours de plusieurs années, commence à ressentir la douleur. La corne qu'il avait sur le dos commence à craquer. Si les libéraux ne sont pas capables de comprendre la crainte de l'électorat, espérons qu'il y aura un changement de gouvernement aux prochaines élections et qu'on pourra traiter plus civilement avec le nouveau gouvernement. Là, les délais sont moins longs puisque l'échéance approche.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je ne veux pas embarquer dans ce délayage politique. Je ne sais pas si le ministre prépare une éventuelle entrée sur la scène fédérale, mais on est ici pour examiner les problèmes précis qui nous sont posés. Je vais vous poser quelques questions là-dessus. Est-ce que vous êtes dans la zone aéroportuaire proprement dite?

M. Desjardins: Oui.

M. Ryan: Vous êtes dans la zone aéroportuaire proprement dite. Alors, finalement, vous êtes dans les 17 000 acres?

M. Desjardins: Non.

M. Ryan: Non. Vous êtes en dehors de cela?

M. Desjardins: En dehors de cela, oui.

M. Ryan: Par conséquent, éventuellement votre propriété devrait être mise en revente comme les autres qui ont maintenant été annoncées?

M. Desjardins: Oui, je l'espère.

M. Ryan: Cela provient d'un deuxième mouvement.

Mme Desjardins: Cela aurait dû être dans les 30 000 acres qui sont déjà

rétrocédées.

M. Desjardins: Oui.

M. Ryan: D'accord. Dans votre texte, vous dites que vous avez des paiements à rencontrer, tel celui de 35 260 $. Quel est-il aujourd'hui? Est-ce qu'il a augmenté ou bien s'il est toujours du même montant?

M. Desjardins: C'est encore le même.

M. Ryan: C'est le même. Quelle est la superficie de votre terre?

M. Desjardins: Chez nous, j'ai 106 arpents.

M. Ryan: Vous avez 106 arpents.

M. Desjardins: J'ai aussi une autre terre à côté, celle de mon voisin. L'expropriation s'arrête là. Elle est de 60 arpents. Quand je suis arrivé là, en fait, il n'y avait plus de fossés. Le cultivateur louait déjà sa terre depuis trois ans. Il y avait des branches jusqu'à 30 ou 40 pieds de largeur sur les fossés. Tout a été enlevé. Actuellement, il ne reste plus un arbre, ni une branche chez nous.

M. Ryan: Vous cultivez aussi cette terre-là?

M. Desjardins: Oui.

M. Ryan: Quant à celle-là, dites-vous qu'elle n'a pas été expropriée?

M. Desjardins: Non, l'expropriation arrête juste à côté.

M. Ryan: Elle est arrêtée.

M. Desjardins: En fait, ils n'avaient besoin que d'une quinzaine de pieds sur la terre, mais ils l'avaient quand même complètement expropriée.

M. Ryan: Ah bon! Par conséquent, vous payez un loyer sur celle-là aussi?

M. Desjardins: Oui.

M. Ryan: Et le loyer pour les deux terres ensemble est celui qui est mentionné, soit 12 000 $ par année. Est-ce cela qui est mentionné dans votre mémoire?

M. Desjardins: Non, non. C'est pour une terre où j'ai fait travailler le bulldozer pendant l'été. Je l'ai semée en sarrasin. C'est seulement pour une terre où j'ai fait travailler le bulldozer pour une valeur de 12 000 $ pendant l'été.

M. Ryan: Bon. Quel est le montant de votre loyer pour vos deux terres?

M. Desjardins: Actuellement, je ne le sais pas, parce que cela fait quatre ans et demi que je ne paie pas de loyer, parce qu'il n'y a pas moyen de s'entendre sur le prix. Il y en a un qui dit une chose et un autre qui dit le contraire de ce que le premier a dit. Alors, on ne peut pas négocier un loyer de cette façon. Au tout début, je payais 5 $, et on s'était entendu que ce serait eux autres qui paieraient les travaux du bulldozer. L'autre est arrivé et m'a dit que je payais les travaux du bulldozer et qu'on me demanderait 22 $ l'arpent. Alors, là, j'ai tout arrêté. Je ne vais même plus au bureau, cela ne donne rien. Je ne pense pas repayer mon loyer, à moins qu'ils ne me mettent en prison pendant une couple d'années parce que je ne suis pas intéressé à le payer du tout.

M. Ryan: Est-ce que ce sont deux baux séparés que vous aviez pour chacune des deux terres?

M. Desjardins: Oui.

M. Ryan: À quand remontent ces baux?

M. Desjardins: Cela fait deux ans et demi qu'ils sont finis.

M. Ryan: Ils sont finis depuis deux ans et demi.

M. Desjardins: Chez nous, il n'est pas encore fini. Il reste encore trois ans sur ce bail-là.

M. Ryan: II reste trois ans pour celui-là.

M. Desjardins: Seulement la ferme et la maison.

M. Ryan: Cela doit être un bail de dix ans?

M. Desjardins: Oui.

M. Ryan: Et le total des investissements que vous avez faits sur chacune des deux, sur la vôtre et sur l'autre quel serait-il environ?

M. Desjardins: Un montant de 53 800 $.

M. Ryan: Un montant de 53 800 $. M. Desjardins: Oui.

M. Ryan: Et quel est le total de vos arrérages actuellement?

M. Desjardins: Autour de 15 000 $.

M. Ryan: Si je comprends bien, vous préféreriez acquérir ces deux terres-là dans des conditions raisonnables.

M. Desjardins: Oui.

M. Ryan: Si vous deveniez propriétaire, vous voudriez que tout ce que vous avez mis dessus vous soit crédité, évidemment.

M. Desjardins: Oui.

M. Ryan: Aussi longtemps que vous êtes obligé de demeurer locataire, vous voulez qu'il soit inclus bien clairement dans votre bail qu'ils vous donnent crédit et qu'ils reconnaissent votre propriété pour les améliorations que vous avez faites.

M. Desjardins: C'est cela, oui.

M. Ryan: Cela est bien compris, ce sont des objectifs...

M. Desjardins: Actuellement, je me sens modéré parce qu'on ne peut plus rien faire. On ne sait pas ce qui va se passer. Je n'aime pas cela, rester à rien faire.

M. Ryan: Très bien.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie M. et Mme Desjardins.

Mme Desjardins: Est-ce que je peux dire un petit quelque chose en finissant?

Le Président (M. Bordeleau): Oui, oui.

Mme Desjardins: Pour répondre à M. Garon au sujet des votes et du fait que vous ne vous sentez pas appuyés parce qu'on vote libéral, cela nous a pris bien du temps pour comprendre, mais je pense qu'on a compris pour bien longtemps. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci beaucoup. J'inviterais donc immédiatement M. Léo Bourgeois.

Une voix: M. Bourgeois ne semble pas être arrivé. (10 h 45)

Le Président (M. Bordeleau): On me dit que M. Bourgeois ne serait pas là. On pourrait passer immédiatement au suivant et revenir à M. Bourgeois, s'il se présente, un peu plus tard. M. Claude Leclerc. Est-ce que M. Leclerc est là? On entendra plutôt Mme Louise Graton et M. André Graton. Vous pouvez immédiatement procéder à la lecture ou à l'explication de votre mémoire.

M. et Mme André Graton

M. Graton (André): Bonjour M. le ministre, bonjour M. le Président et MM. les députés. C'est le résumé du mémoire d'un fils d'exproprié que je vais vous exposer. Depuis l'âge de 16 ans, je travaillais avec mon père. Il me semblait que mon avenir était prometteur. Les projets commençaient à ronronner dans ma tête. À vingt ans, mon but était de devenir cultivateur et d'élever une belle famille. Je pensais déjà à la relève.

Le 29 mars 1969, j'écoute la radio. On annonce un aéroport à Sainte-Scholastique et, pour cela, on va exproprier 97 000 acres de terre. Pour un certain temps, tout le monde était de bonne humeur, comme dans un nuage. Au temps des semences, premier rendez-vous avec MM. les fonctionnaires. Pas question de "miller" (semer du foin): juste de l'avoine et du blé d'Inde. On était pour demeurer cinq ans, tout au plus. À ma première entrevue à la télévision avec Radio-Canada, la question suivante m'était posée: Qu'est-ce que tu penses de cette expropriation? Ma réponse: J'ai le cul à l'eau.

Le 8 août 1970, j'épouse la femme de mes rêves qui est aussi bouleversée par cette expropriation. On va cultiver une couple d'années et puis on a tout le temps! Le 1er novembre 1970, je signe donc un bail de cinq ans au taux de 77 $ par mois. Le premier problème survient le 11 juillet 1971. La grange-étable est incendiée. Tout est détruit: garage, silo, laiterie, bâtiments. Dans la semaine suivante, une rencontre avec le directeur, M. Brunet. On bâtit ou on ne bâtit pas? On ne le sait pas, me répond-il. Au commencement d'août, un coup de téléphone de M. Brunet. On bâtit. Il paie trois ouvriers de base, le ciment et les matériaux de construction. De mon côté, j'appelle les agriculteurs de mon coin pour m'aider. On nous donne la permission de débâtir une grange-étable à six milles de chez moi et on rebâtit chez moi. Des bénévoles sur une grange du fédéral, ça fait drôle. Un mois plus tard, arrêt des travaux par M. le directeur. Cause: coût trop élevé. Tu continueras à bâtir et on te récompensera. Après réflexion, je leur réponds non et M. le directeur part en vacances pour quinze jours. En attendant, nous autres, on attend.

D'abord, nous faisions la traite de 60 vaches dans une étable à un mille de chez nous, et dans la misère. Mes deux frères partaient à trois heures de l'après-midi pour rentrer le premier lot, les traire et les soigner. À cinq heures, c'était le deuxième lot et j'allais les rejoindre pour finir, vers huit heures. Le matin, lever à cinq heures et on finissait la traite à dix heures. Je me rappelle bien, un de ces soirs, avoir vu pleurer ma femme parce qu'elle n'en pouvait

plus avec un jeune bébé de trois mois en carrosse pour venir nous aider.

À son retour de vacances, M. le directeur est surpris de voir la construction dans le même état. Il décide alors de continuer les travaux après nous avoir fait perdre un mois. On reprend la construction avec les trois ouvriers de base, mes deux frères, mon père et moi. Le 11 novembre, nous aménageons dans la nouvelle bâtisse. Pour récompense, arrêt du paiement des factures chez le fournisseur de matériaux. Comme je ne le savais pas et que je continuais à signer des factures, j'ai été obligé de payer le compte pour ne pas perdre mon nom: 2400 $. En décembre 1971, mon bail, qui était signé pour cinq ans, est annulé, sûrement parce que la grange-étable était rebâtie et que le prix du loyer ne convenait plus. Alors, tous les travaux que ma famille et les cultivateurs du coin ont fait en bénévoles, je venais de les perdre même s'il avait été convenu que ces travaux bénévoles ne devaient pas comporter une augmentation du loyer.

Le 1er janvier 1972, je m'associe avec mon frère Michel. C'est, d'ailleurs, pourquoi on nous surnomme les frères Graton. On signe un nouveau bail de cinq ans au coût de 277 $ par mois en ajoutant une terre de 60 arpents. Mon frère se marie à son tour le 2 novembre 1974. On l'installe dans une roulotte sur le terrain en face de chez moi. Il a eu sa part de problèmes d'expropriation depuis et rien n'est encore réglé pour sa fameuse roulotte. Ce bail de cinq ans se termine le 31 octobre 1976.

En juin 1977, on rencontre le préposé aux terres agricoles: aucun arrangement ne survient. On se rencontre de nouveau le 17 décembre 1979. Entre-temps, on continue à payer le même montant de loyer et on nous propose un premier bail d'une durée de 113 mois, suivi d'un deuxième bail d'une durée de 29 mois pour un total de 1042 $ par mois, incluant les taxes, plus indexation de 7,5% par année, et on nous dit: Vous avez jusqu'au 30 janvier pour y penser. Mais, le 20 janvier 1980, la maison que j'habite est incendiée à cause d'une défectuosité dans le système de chauffage central. Le lendemain, je téléphone au préposé aux terres agricoles pour qu'il nous trouve une autre maison en attendant. Une semaine plus tard, nous voilà déménagés au 7911 Belle-Rivière, à environ deux milles de la ferme.

Après une couple de rencontres, les Travaux publics nous offrent de nous bâtir un duplex, au coût de 80 000 $ et plus et plus, disent-ils, pour mon frère et moi puisque Michel habite cette maison mobile qui est condamnée par le ministère de la santé et de l'hygiène. Si vous le permettez, mon épouse va vous lire une description de la roulotte.

Mme Graton (Louise): C'est une lettre que Michel a envoyée à la Société immobilière du Canada. Elle est datée du 14 septembre 1981. "Ce matin, nous recevons notre courrier, il y avait une belle grande lettre de la Société immobilière du Canada. Étant très curieux de nature, nous ouvrons et lisons le contenu immédiatement. En première page, on y voit MM. Goyer et Marinier enlevant les barricades à une maison et citant: "À Mirabel, une fenêtre s'ouvre sur l'avenir." Il entreprend même la rénovation de ce qui est détérioré et inhabité. En voyant cela, c'est très réjouissant car, enfin, le village fantôme va reprendre vie. Mais combien cela va-t-il nous coûter? Car, il ne faut pas se leurrer, rénover, cela coûte des sous et c'est le locataire qui va payer tout cela. "Plus loin, on cite que certains locataires sont en retard dans le paiement de leurs loyers. Messieurs, avez-vous essayé de savoir le pourquoi de cet arrêt de paiement? Ces gens ont une raison, car une telle décision ne se prend pas sur un coup de tête. Vous citez le cas des frères Graton. Quand on lit un journal plein de belles promesses et avec autant d'initiatives et qu'on arrive à la fin et qu'on voit encore le cas Graton, c'est à se demander qui dit vrai. Tour à tour, dans les journaux, nous voyons deux versions différentes, la version Graton et la version de la société immobilière. Il serait grand temps de s'arrêter et de faire la mise au point une fois pour toutes. "Nous sommes entièrement d'accord avec vous qu'un bail se signe et qu'un loyer se paie en demeurant toujours dans des conditions acceptables. Nous sommes prêts à payer ce que nous vous devons, tout en essayant de tirer certains points au clair. Nous pouvons vous résumer notre vie depuis sept ans. En août 1974, le ministère des Travaux publics nous a installé une maison mobile. Elle est arrivée en août, mais l'installation d'égouts et la connection d'eau, d'électricité s'est terminée fin novembre. Le tout terminé, la tuyauterie a éclaté; donc, changement au complet de la plomberie. Ce qui fait que nous avons aménagé au début de décembre; et c'est là que le cauchemar a commencé. Cette roulotte fut fabriquée pour le centre des États-Unis, donc, mauvaise isolation, et, de plus, elle a de l'âge, ce qui fait que le toit et les fenêtres coulent. Le tout est dans un état de moisissure et de pourriture, et je n'exagère rien. Vous êtes-vous déjà levés le matin et voir de la neige sur le bureau de votre chambre ou encore de vous promener avec des couvertures en laine sur le dos parce que l'hiver, cela peut descendre jusqu'à 45 degrés, même en mettant le chauffage au maximum? Le soir, je couche mes enfants et je prie le ciel pour que le toit tienne le coup encore une nuit,

parce qu'il est tellement pourri qu'il en plie. Depuis que nos enfants sont nés, l'hiver nous courons les urgences des hôpitaux parce qu'ils sont toujours malades. Il y a trois ans, le bureau d'hygiène a déclaré malsain et inhumain d'habiter un tel endroit. Il en a fait parvenir une copie au ministère des Travaux publics, disant que c'était risqué pour notre santé et notre sécurité d'habiter un tel endroit. Par la suite, nous avons fait des demandes pour obtenir un permis de construction, avec autorisation toujours refusée. On nous répondait: Renouvelle ton bail et, si les conditions ne te plaisent pas, va rester ailleurs, ce qui est inacceptable pour un cultivateur de s'éloigner de sa ferme. "Vous dites dans votre journal que vous avez envoyé des mises en demeure et que vos démarches restaient lettre morte. Je regrette, mais on n'envoie pas un huissier chez un gars à midi pour lui donner jusqu'à 4 heures de l'après-midi le même jour pour signer son bail et payer ce qu'il doit, sinon des procédures judiciaires seront prises. Avant de signer un bail, on se doit d'en étudier le contenu et certaines négociations et ententes sont prises entre le locataire et le propriétaire. Cela demande plus que quatre heures de réflexion. Ce qui a fait suite à notre saisie. Vous dites qu'une entente verbale a été convenue entre les deux parties au sujet du bail. C'est vrai, mais l'entente disait: Un bail d'un mois renouvelable automatiquement de mois en mois jusqu'à la revente des terres ou un bail à long terme. Lorsque André et Michel ont été signer ce bail avec un chèque visé pour les arrérages, ils se sont vu refuser leur chèque; nous nous sommes fait proposer un bail avec des conditions des plus inacceptables. Ce bail devenait un bail d'un mois seulement et nous nous engagions, dans ce même bail, à ce que vous deveniez propriétaires de nos silos, remises et de tout ce que nous avons investi. Certaines clauses à notre avantage était rayées et beaucoup d'autres choses. Nous ne demandons pas mieux que de nous entendre. Quand on est installé sur une terre, c'est crucial d'avoir un bail sécurisant et à long terme. Une ferme demande beaucoup d'investissement pour fonctionner et on ne peut vivre en se demandant, lorsque le bail sera échu, quelles seront les conditions et le prix. "Messieurs de la Société immobilière du Canada, vous dites qu'en ce moment une fenêtre s'ouvre sur l'avenir. Je ne peux m'empêcher que de crier bravo, mais cela ne doit pas être à nos dépens. Nous, les expropriés, ne voulons qu'une chose: que la paix et la sécurité s'installent sur le territoire afin que nous puissions progresser, car nous ne pouvons aller contre le progrès. "En somme, les expropriés et vous, messieurs de la Société immobilière du

Canada, nous voulons tous que Mirabel reprenne vie et ce n'est pas en se faisant la guerre que nous allons arriver sur un terrain d'entente. Essayez plutôt d'établir un moyen de communication entre les deux parties pour vraiment voir où sont les problèmes et les solutionner pour que nous puissions voir l'avenir avec plus d'optimisme. Michel Graton".

M. Graton (André): Je reprends. Le bail qu'ils veulent nous faire signer est pour une durée de dix ans, renouvelable pour dix autres années, avec un loyer mensuel de 1350 $, indexation de 7,5% par année. Cela comprend le duplex qu'ils voulaient bâtir. Si j'ai bien compté, après dix ans on leur aurait donné 229 182,95 $. On n'accepte pas l'arrangement offert. Alors, mon frère et moi, on leur fait une contre-offre; effectuer à nos frais tout l'entretien et la rénovation des bâtiments et de la terre, défrayer les coûts d'une assurance incendie, payer les taxes, construire une maison pour chacun de nous deux et payer un loyer mensuel de 425 $ à partir d'avril 1980, c'est-à-dire le même loyer qu'on payait antérieurement.

Le 1er avril 1980, nous arrêtons nos paiements de loyer et, tanné d'attendre, je fais enterrer les restes de la maison incendiée. Avec l'appui de l'UPA et du CIAC, j'achète une maison préfabriquée au coût de 33 500 $ et je prépare une corvée pour la journée de son arrivée prévue pour le 2 mai. Entre-temps, le 28 avril 1980, nous recevons une lettre des Travaux publics nous avisant de ne pas disposer des restes des biens de la couronne (maison incendiée) et on me rappelait que cette initiative pourrait entraîner des suites fâcheuses et même dangereuses. En même temps, ils m'écrivent de ne pas construire une maison sans leur autorisation.

Je pense que, devant cette situation d'urgence, je n'avais pas d'autre alternative. C'est que la maison où je restais était située à deux milles de ma ferme, je devais faire le train, aller déjeuner, aller dîner, aller souper et parfois ma femme devait venir me chercher dans le champ car nous avons plusieurs terres. Elle perdait son temps à se demander où j'étais et parfois je mangeais mon repas froid.

Le 1er mai 1980, je recevais une autre lettre me disant qu'ils se dégageaient de toute responsabilité quant aux dommages résultants d'une corvée qui pouvait avoir lieu. Cette corvée eut lieu le lendemain, comme prévu, par une journée radieuse. Quelque 300 personnes y participaient. Cette journée fut appelée "la relance, c'est parti". Quelques personnages de haute classe étaient présents pour donner leur appui: le ministre de l'Agriculture M. Garon, le député du comté de Deux-Montagnes M. Pierre de Bellefeuille, le maire Jean Laurin, de Mirabel

et quelques conseillers, sans oublier l'UPA et le CIAC. Considérant cette corvée comme du chantage de notre part, les Travaux publics refusent alors de m'accorder l'autorisation nécessaire pour obtenir de la ville un permis de construction. Devant une situation aussi paradoxale, nous avons décidé de continuer de ne plus payer loyer, tant qu'on n'aurait pas de négociation de bonne foi pour protéger nos investissements.

Le 23 avril 1980, je reçois une autre lettre nous avisant des nouveaux taux de loyer; 916 $ par mois, incluant les taxes municipales et scolaires, plus 18% d'intérêt sur le loyer dû. L'ensemble des conditions était inacceptable. Trois semaines plus tard, une lettre recommandée m'arrive du ministère des Travaux publics. Cette lettre était signée par leurs avocats cette fois-ci. Ils me tiennent responsable de l'incendie de la maison vu que, d'après eux, j'étais insouciant et fautif. Ils me réclament la somme de 30 000 $ pour une maison payée 13 200 $ à l'expropriation. Après plusieurs négociations, ma compagnie d'assurances règle pour 18 100 $. (11 heures)

Deux jours plus tard, soit le 18 juin 1980, je reçois une autre lettre me répétant encore une fois de ne pas disposer des biens de la couronne parce que les deux silos de bois, sur la terre que je loue au voisin, sont tombés par terre après une nuit de grand vent.

Le reste de l'année a été assez tranquille. Vous comprenez, avec la rapidité de leurs envois postaux, ils s'étaient fatigués. Tout recommence le 12 mai 1981 avec une lettre nous disant que notre nouveau solde était de 12 378 $ plus 18% d'intérêts. Ils me demandent d'agir en conséquence. Le 12 juin 1981, le huissier arrive à 7 heures du matin pour nous demander si on voulait lui payer cette somme. Non, fut notre réponse. Ils ont alors saisi notre troupeau: 180 bêtes enregistrées Holstein, l'auto de Michel, mon auto et mon ménage de maison. C'est donc le 18 juillet 1981, avec le CIAC et l'UPA, quelque 200 personnes, une couple de vaches et leurs veaux, que nous sommes allés au palais de justice de Saint-Jérôme. Il y est survenu une entente hors cour: nous devrons payer la somme de 14 232 $ plus des intérêts de 5%. Ils donnent une mainlevée sur la saisie. Ils reconnaissent les 7275 $ d'améliorations que nous avons faites et ils se désistent de leur action en instance sans préjudice à tous leurs droits et recours pour se faire déclarer propriétaires de ma maison, avec toutes conclusions accessoires d'une telle demande ou pour l'enlèvement et/ou la démolition de cette maison aux frais du défendeur.

Le mardi suivant, nous nous rendons aux bureaux des Travaux publics avec un chèque certifié de 14 354,30 $. Et là, plus rien ne marchait. Ils voulaient nous faire signer un bail d'un an par lequel j'aurais loué ma propre maison, avec une clause (5.6) du genre: le locataire sera responsable de l'entretien et des réparations de la maison de ferme située au 10 194 Côte-des-Anges. Alors, vous comprenez pourquoi je n'ai pas accepté un tel arrangement. Le 5 août 1981, je reçois une autre lettre recommandée nous avisant que si notre bail, toujours le même, n'était pas signé avant 16 heures ils refuseraient de nous louer la ferme et le terrain que nous occupons déjà. Par l'intermédiaire de notre avocat, on leur a fait savoir qu'on était prêt à signer pourvu qu'ils me donnent droit de propriété sur ma maison. Aucune nouvelle. Onze mois plus tard, le 28 avril 1982, nous recevons une note de la cour nous disant de nous présenter le 2 juin prochain à 9 h 30. Entre-temps, il y a eu remise au mois d'octobre.

Aujourd'hui, le 7 octobre 1982, cinq jours avant la date prévue pour notre procès, Michel et moi venons de signer une entente avec la SIC: un bail de deux ans reconnaissant que "ma" maison m'appartient, mais oubliant les 7000 $ d'investissements et, surtout, laissant Michel et sa famille dans leur roulotte dangereuse et malsaine parce qu'il a refusé d'aller rester dans une maison coûtant 350 $ de loyer par mois et située à deux milles de la ferme. Cela aura pris six ans pour négocier un bail avec la SIC, six ans d'insécurité, de maux de ventre, d'insomnie, de perte de temps et d'attente. Qu'adviendra-t-il de nous dans deux ans? L'atmosphère de négociations sera-t-elle meilleure? On n'aura même pas eu le temps d'oublier.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Graton. Avez-vous des commentaires ou des questions? M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): En écoutant ces témoignages, comme le disait mon collègue de Groulx tout à l'heure, on se resitue au début de cette commission lorsque chacun des intervenants nous faisait un peu l'historique de Mirabel. C'est toujours douloureux à entendre, d'ailleurs. Ce qui est peut-être malheureux c'est que, parce que cela fait déjà treize ou quatorze ans si la population du Québec était mieux informée, on s'apercevrait que c'est encore un autre gros chiard que le gouvernement fédéral a voulu faire et que c'est encore la population du Québec qui en subit les conséquences. Là, on est en train de changer de génération; j'en parlais à mes enfants, il y a treize ans, ils n'ont même pas entendu parler de cela. J'ai un garçon de 18 ans et, dans le temps, il avait cinq ans. Aujourd'hui, vous savez, la jeune génération, même nos jeunes agriculteurs d'aujourd'hui ne se souviennent pas de ce qui s'est passé à Mirabel. C'est

pour cela que je dis que c'est un peu regrettable que l'ensemble de la population ne soit pas mieux informé. Ce n'est pas un blâme que je fais à qui que ce soit, de toute façon.

Dans la première page de votre mémoire, vous écrivez que vous avez signé un bail le 1er novembre 1970 pour cinq ans au taux de 77 $ par mois. Combien d'acres de terre aviez-vous?

M. Graton (André): II y avait 138 arpents, dont 100 chez nous.

M. Baril (Arthabaska): Et un peu plus loin, vous en avez 60 de plus quand vous vous êtes annexé à votre frère.

M. Graton (André): Oui, après avoir annulé ce bail, ils ont dit: Vu que la grange n'est plus pareille, il faut que cela remonte. Alors, on a remonté à 277 $ et on a pris une autre terre de 60 arpents. Mais notre temps pour la grange - nous étions des bénévoles, moi-même, mon frère, mon père -nous avons perdu cela. Ils disaient: Bâtissez, on vous donne le droit de bâtir, vous signerez les factures. On a perdu tout cela dans l'espace d'un mois parce que le bail a été annulé après.

M. Baril (Arthabaska): De quelle façon avez-vous été dédommagé lorsqu'on vous a exproprié? D'abord, cela a pris combien de temps pour régler?

M. Graton (André): C'est mon père qui a été exproprié.

M. Baril (Arthabaska): Comment?

M. Graton (André): C'est mon père qui a été exproprié.

M. Baril (Arthabaska): C'est votre père qui a été exproprié. Cela a pris combien de temps avant qu'il soit réglé pour l'expropriation?

M. Graton (André): II a réglé quand la grange a passé au feu. Il n'avait pas le choix, il n'y avait plus de bâtisse. Il a réglé le 12 juillet 1970 à peu près.

M. Baril (Arthabaska): En 1970. J'avais une question et je l'ai oubliée. Vous dites que vous avez été obligé de déménager à 10 194, Côte-des-Anges. Est-ce loin de votre ferme ou quoi? Je ne connais pas le territoire.

M. Graton (André): Non. Je reste au 10 194, Côte-des-Anges.

M. Baril (Arthabaska): Oui.

M. Graton (André): Après cela, la maison a passé au feu le 20 janvier 1980 et j'ai déménagé au 7911, Belle-Rivière, à peu près à deux milles de la ferme.

M. Baril (Arthabaska): Ah bon! Est-ce que vous demeurez encore là?

M. Graton (André): Non, non. Là, je me suis construit une maison au 10 194. J'étais né pour rester là et je suis allé là, c'est tout.

M. Baril (Arthabaska): J'ai une question bien simple: Est-ce que M. Goyer reste sur le territoire?

M. Graton (André): M. Goyer? M. Baril (Arthabaska): Oui.

M. Graton (André): Ah non! Il ne doit pas rester sur le territoire.

M. Baril (Arthabaska): Le voyez-vous quelquefois? Est-ce qu'il se promène sur le territoire? Est-ce qu'il regarde? Est-ce qu'il semble aller vérifier le dommage, le tort qu'il cause à toutes ces familles, à ces agriculteurs? Est-ce un homme accessible, inaccessible? Est-ce un homme invisible?

M. Graton (André): Je ne le connais pas. Il ne fait pas partie de mes amis.

M. Baril (Arthabaska): Non. Je comprends qu'il ne fasse pas partie de vos amis, mais souvent, quand un ennemi passe dans le chemin, on le voit passer, on le voit venir de plus loin qu'un ami; bien des fois, vous savez, quand il est passé, il y a encore une senteur qui reste. Vous ne connaissez pas son revenu?

M. Graton (André): De M. Goyer? Non.

M. Baril (Arthabaska): Non. Vous ne vous êtes jamais informé, non plus?

M. Graton (André): Non.

M. Baril (Arthabaska): C'est bien, quant à moi.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Oui, rapidement. M. le Président, merci. M. Graton, d'abord, je déplore infiniment le sort incroyable que vous nous racontez. Si je comprends bien, la ferme que vous avez louée et que vous exploitez présentement est celle de votre père?

M. Graton (André): Une partie de la

ferme de mon père.

M. Mathieu: Une partie. Dans quelle zone est-elle située? Dans la zone qui est rétrocédée ou non?

M. Graton (André): Attendez un peu. L'endroit où je demeure fait partie des 50 000 acres. Mon père avait deux autres terres; il y a une clôture au bout des pistes où elles se trouvent.

M. Mathieu: Mais est-ce que la ferme que vous exploitez est en tout ou en partie dans la zone rétrocédée?

M. Graton (André): Non. Il y a une partie dans les 50 000 acres et il y a une partie près des pistes.

M. Mathieu: Ah bon! Quand vous parlez de la partie des pistes, est-ce qu'elle est dans les 17 000 acres?

M. Graton (André): Elle est dans les 17 000 acres.

M. Mathieu: Alors, vous ne cultivez plus cette partie?

M. Graton (André): Oui, je la cultive encore.

M. Mathieu: Ah! Quand même.

M. Graton (André): Cela ne dérange pas du tout. Il y a juste une clôture.

M. Mathieu: Ah oui!

M. Graton (André): II n'y a pas de problème.

M. Mathieu: Qu'est-ce qui arrive pour votre bail?

M. Graton (André): Mon bail actuel? M. Mathieu: Oui.

M. Graton (André): C'est un bail de deux ans qui a été signé le 12 octobre. Il prend fin le 1er novembre 1984; c'est un bail de deux ans.

M. Mathieu: Ah bon! J'espère qu'il est à prévoir qu'il y aura une rétrocession sur ce bail, comme probablement il aurait dû y en avoir une en même temps que la première tranche.

M. Graton (André): Bien, j'imagine. Je ne sais pas pourquoi cela n'a pas passé, surtout à CÔte-des-Anges, dans les 50 000 acres.

M. Mathieu: Seulement une précision. Vous dites que vos biens ont été saisis; c'est toujours odieux, une saisie, on sait cela. Avez-vous eu une dépossession ou vous a-t-on laissé une possession de ces biens?

M. Graton (André): On nous en a laissé la possession, mais, quand tu es saisi, tu n'es pas capable de vendre un animal.

M. Mathieu: Non, non. Je suis bien conscient de cela. Ce n'est pas cela que je vous dis.

M. Graton (André): Vu que tu fais de l'élevage, on dirait qu'ils font exprès. C'est-à-dire que, tant que tu n'as pas de bail de signé, tu ne peux pas bâtir, tu ne peux pas avoir de permission, mais, quand ils te saisissent, tu ne peux pas vendre d'animaux. Vu qu'on fait de l'élevage, on ne peut pas en vendre et il en rentre tout le temps. Tu ne peux pas empêcher d'entrer les nouveaux. Il aurait fallu encore agrandir et ils nous auraient saisis encore plus. Cela n'aurait jamais eu de fin.

M. Mathieu: À toutes fins utiles, ce que je constate, c'est que, pour votre maison, au début, vous n'aviez pas de permis de construire.

M. Graton (André): Oui.

M. Mathieu: Finalement, après coup, vous en avez obtenu un, si je comprends bien.

M. Graton (André): Non, je n'ai jamais eu de permis.

M. Mathieu: C'est-à-dire que votre maison est là; elle n'a pas été déménagée.

M. Graton (André): Non, elle est là. M. Mathieu: Alors, vous avez un bail.

M. Graton (André): Oui. Ils m'ont donné la possession...

M. Mathieu: Alors, vous avez le droit de la laisser là. Vous avez un permis de laisser la maison sur les lieux.

M. Graton (André): Oui.

M. Mathieu: C'est la question que je me pose.

M. Graton (André): Ma maison est ma propriété.

M. Mathieu: Oui, je comprends, mais vous avez eu la permission de la laisser sur les lieux.

M. Graton (André): Oui.

M. Mathieu: La question que je me pose est: Tant qu'à dire qu'on accorde après coup le permis, pourquoi ne pas l'accorder avant?

M. Graton (André): C'est ce que je leur ai dit, mais cela ne valait pas la peine de...

M. Mathieu: C'est ce que je me demande.

M. Graton (André): ...se chicaner durant deux ans pour la donner.

M. Mathieu: Très bien, je vous remercie, M. Graton.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Rousseau.

M. Blouin: M. Graton, je ne reviendrai pas sur l'histoire de votre vie des treize dernières années, parce que c'était assez éloquent, ce que vous avez lu et qui relatait ces événements. Vous avez dit quelque chose d'intéressant qui rejoint un peu une préoccupation qu'on a depuis le début, qui est celle d'être capables de comprendre pourquoi on a exproprié un si grand territoire. Tout le monde a réussi à devenir presque obsédé par cette préoccupation au point qu'on a même fait un consensus, même chez les plus acharnés, pour dire que 80 000 acres devraient être rétrocédées et qu'il y en a 17 000 que le gouvernement fédéral devrait conserver pour exploiter cet appelons cela un aéroport - aéroport. Ce qui est intéressant dans ce que vous avez dit tout à l'heure, c'est que vous exploitez effectivement une terre à l'intérieur de ces fameuses 17 000 acres psychologiques. Êtes-vous capable de nous expliquer un peu quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées? Au moment où vous pénétrez dans les 17 000 acres avec votre tracteur, que se passe-t-il?

M. Graton (André): II ne se passe rien. C'est un cul-de-sac. On a la paix. Il atterrit un avion de temps en temps. On n'avait jamais connu cela, voir un avion atterrir. On n'a pas besoin d'aller à Dorval; on en voit passer un de temps en temps.

M. Blouin: Oui, madame.

Mme Graton: L'inconvénient, c'est qu'ils ont mis une clôture au bout de cette terre. C'était une terre qui était très longue et ils l'ont coupée. C'est cela, l'inconvénient; c'est qu'ils ont coupé une très belle terre. C'est une clôture qui est très loin des pistes. On se demande pourquoi ils ont mis la clôture si loin de la piste. Un tracteur ne nuit pas.

M. Blouin: Finalement, à l'intérieur de cette fameuse zone psychologique de 17 000 acres, l'inconvénient, ce sont les clôtures?

Mme Graton: Oui. Elles ont coupé une si belle terre.

M. Blouin: Vous qui travaillez dans ce secteur, êtes-vous capable, pour appuyer un peu la position même du CIAC, qui, lui aussi, s'arrête à ces 17 000 acres sacrées, de lui fournir des arguments qui feraient en sorte qu'il continue à penser que c'est peut-être 17 000 acres que cela prend?

M. Graton (André): Je suis capable. Je ne sais pas s'ils vont m'écouter, mais je suis capable de leur en fournir. Ils n'ont qu'à venir passer un an avec moi et ils vont s'apercevoir que cela ne nuit, en aucun temps, à l'histoire de l'aéroport, ni à nous.

M. Blouin: Donc, autrement dit, ce que vous dites, pas de par les théories futuristes des fonctionnaires, mais de par le quotidien et le vécu que vous avez, c'est ceci: Que vous soyez à 17 000 acres, ou à 20 000 acres, ou à 4000 acres des pistes, ou à côté, cela ne dérange pas grand-chose.

M. Graton (André): II n'y a aucun problème.

M. Blouin: D'ailleurs, cela rejoint un peu d'autres théories qui ne viennent pas des fonctionnaires, mais qui viennent de certains experts internationaux en aéronautique qui prétendent que, justement, la meilleure activité à implanter autour des aéroports, c'est effectivement des activités agricoles.

M. Graton (André): Oui.

(11 h 15)

M. Blouin: Vous allez dire que je radote, mais j'ai toujours été frappé par cette espèce de ligne psychologique des 17 000 acres. Je pense que vous êtes en train de nous indiquer, par la pratique et par le vécu que vous avez, que c'est presque un faux débat et qu'il faudrait laisser tomber cette limite des 17 000 acres qui ne tient pas debout.

M. Graton (André): Je voudrais aussi vous signaler que j'ai bâti une maison et que j'ai eu beaucoup de difficultés. Il y en a un, pas loin de chez nous, qui est plus près des pistes que moi. Il a eu un permis du fédéral pour bâtir. Il a demandé son permis et il l'a eu. Moi, je n'ai pas été capable de l'avoir.

M. Blouin: Cela dépend de votre visage, je pense.

M. Graton (André): Justement. Cela dépend de la façon dont ils se lèvent le

matin, de la couleur des yeux. Enfin, on a plusieurs préjugés vis-à-vis d'eux.

M. Blouin: C'est bien compliqué. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Garon: Je ne voudrais pas interrompre le député, mais j'aimerais connaître la localisation de celui dont vous dites qu'il est près de la piste, ainsi que la vôtre, sur la carte ici.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: M. Graton, je voudrais avoir quelques explications. Lors de l'incendie de la grange, votre père était propriétaire? Il n'avait pas encore été exproprié à ce moment-là?

M. Graton (André): II avait été exproprié, mais il n'avait pas été payé.

M. Dupré: Est-ce qu'il y avait une assurance sur cette grange?

M. Graton (André): Non, il n'y avait pas d'assurance. À ce moment-là, le ministère des Travaux publics fédéral disait: On est assez gros, on s'assure tout seuls, nous autres.

M. Dupré: Maintenant, lors du deuxième incendie, l'incendie de la maison, est-ce qu'il avait une assurance sur la maison?

M. Graton (André): J'avais une assurance-responsabilité. Mais la maison elle-même n'était pas assurée.

M. Dupré: Elle n'était pas assurée, non plus.

M. Graton (André): Non.

M. Dupré: Maintenant, la maison que vous avez construite, est-ce que vous avez pu l'assurer, considérant que le terrain ne vous appartient pas au sens propre, au sens légal?

M. Graton (André): J'ai eu ma maison le 11 juillet 1980. Je l'ai assurée chez une compagnie d'assurances. Mais cette compagnie ne me garantissait pas à qui devrait aller le paiement s'il advenait encore un malheur vu qu'elle ne savait pas qui était le propriétaire de la maison. Il m'aurait fallu un papier prouvant que j'étais le propriétaire de ma maison.

M. Dupré: Mais légalement - j'espère qu'il n'y aura pas un troisième incendie, parce que deux sur la même ferme, c'est déjà beaucoup - vous savez que, si jamais vous passez au feu, la maison ne vous appartient pas, même si...

M. Graton (André): Là, j'ai un papier.

M. Dupré: ...légitimement, je suis certain qu'elle vous appartient. Légalement, ce serait le gouvernement fédéral, enfin la société qui...

M. Graton (André): J'ai maintenant un papier, depuis le 11 octobre, qui me donne la propriété de ma maison.

M. Dupré: De la part de la SIC?

M. Graton (André): C'est pourquoi nous avions cessé de payer le loyer. Eux, ils voulaient bâtir un duplex et nous n'en voulions pas. Nous voulions avoir une maison pour chacun. Ensuite, j'avais connu leur politique quand nos bâtisses ont passé au feu. Cela a quasiment pris quatre mois à bâtir la grange. Quatre mois, ce sont des difficultés. Quand on est propriétaire, on a une assurance. On reçoit notre chèque le lendemain et on est enthousiaste pour recommencer les travaux. La grange a passé au feu en 1971 et ils ont donné leur accord pour rebâtir. Ensuite, ils arrêtent cela et s'en vont en vacances. Un soir, on vient me dire qu'on arrête les travaux parce que cela coûte trop cher. Cela n'avait pratiquement rien coûté, puisque c'étaient des bénévoles et trois ouvriers de base qui y travaillaient. Quand tu es à traire tes vaches dans une petite grange, en deux ou trois fois, je vous dis que ce soir-là, ils nous avaient "débinés" en maudit. Vous savez, ils m'ont habitué à prendre mes responsabilités tout seul.

Alors, quand il y a eu l'incendie de la maison, je leur ai dit: Attendez une minute! Je vais la bâtir, ma maison. Je ne suis pas pour niaiser. Cela aurait pris encore un an pour savoir si on bâtit, si on ne bâtit pas! Ils voulaient bâtir un duplex de 80 000 $, tandis qu'une maison coûte 33 500 $. Un duplex serait censé coûter bien moins cher, car on a un mur de moins.

M. Dupré: Lors de l'incendie de la grange, est-ce que vous avez pu en savoir les causes?

M. Graton (André): Non, je n'étais pas chez nous. J'étais parti.

M. Dupré: Et l'incendie de la maison?

M. Graton (André): L'incendie de la maison...

M. Dupré: Est-ce qu'il y a eu enquête dans le cas de la grange?

M. Graton (André): Non. M. Dupré: De la maison?

M. Graton (André): Pour la maison, il y a eu une enquête. Ils m'ont tenu responsable du feu. J'avais été, selon eux, négligent et fautif.

M. Dupré: Est-ce qu'il y avait des explications supplémentaires? Fautif, c'est large.

M. Graton (André): Cela est à discuter.

M. Dupré: Est-ce que c'est un incendie qui a une cause électrique?

M. Graton (André): C'est le système de chauffage qui n'a pas fait son travail. Je n'étais pas pour me tenir là. Je travaille assez. L'huile a monté et le feu a sauté.

M. Dupré: Même les causes d'incendie sont à négocier, d'après ce que je peux voir.

M. Graton (André): Oui, mais il n'y a pas de négociation.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Vous avez signé un bail en octobre dernier.

M. Graton (André): Oui.

M. Ryan: Quel est le montant du loyer?

M. Graton (André): 896 $ par mois, à part les taxes.

M. Ryan: À part les taxes?

M. Graton (André): À part les taxes.

M. Ryan: Avant cela, ils vous avaient demandé aux environs de 915 $.

M. Graton (André): Avant cela, avec le duplex?

M. Ryan: Quand ils vous avaient demandé un nouveau bail au début de l'année 1982, ils demandaient 910 $, 915 $, je pense, et vous avez signé...

M. Graton (André): C'est avec la construction du duplex ou à part la construction du duplex?

M. Ryan: Vous dites: "Le 23 avril 1980, je reçois une autre lettre pour nous faire savoir les nouveaux taux de loyer: 916 $ par mois." C'est à la page 5.

M. Graton (André): Oui, c'est cela.

M. Ryan: Finalement, vous dites que vous avez signé pour 893 $.

M. Graton (André): 896 $.

M. Ryan: 896 $. Les taxes ne sont pas incluses.

M. Graton (André): Oui. M. Ryan: Les taxes à part? M. Graton (André): Oui.

M. Ryan: Avez-vous reçu votre compte de taxes? Pas encore, évidemment.

M. Graton (André): Non, on les payait au fédéral jusqu'au 1er janvier et, depuis le 1er janvier, on les paie à la municipalité.

M. Ryan: Est-ce que, sur votre compte, le compte de taxes était séparé, lorsque vous payiez au fédéral?

M. Graton (André): Oui.

M. Ryan: De combien étaient les taxes de votre propriété?

M. Graton (André): C'est mon frère qui s'occupe de cela. C'était environ 200 $ par mois.

M. Ryan: Environ, 200 $ par mois. Je comprends. Les 7000 $...

M. Graton (André): Oui.

M. Ryan: ...avaient été reconnus dans l'entente qui avait été faite en...

M. Graton (André): En juillet.

M. Ryan: ...juillet 1981.

M. Graton (André): Oui.

M. Ryan: Ils reconnaissaient cela.

M. Graton (André): Oui.

M. Ryan: Et ce n'est pas dans le bail.

M. Graton (André): Ils n'ont pas voulu le mettre dans le bail.

M. Ryan: Ils n'ont pas voulu le mettre.

M. Graton (André): C'est un investissement. Ces 8000 $ sont attachés à leurs bâtisses. Ce ne sont pas mes investissements. J'ai travaillé pour cela, mais c'est attaché à leurs bâtisses.

M. Ryan: Ce sont leurs bâtisses. Ces bâtisses sont encore la propriété du fédéral. Ce n'est pas la maison.

M. Graton (André): Oui, un agrandissement de remise, une réparation d'étable. C'est cela, les 8000 $.

M. Ryan: En quoi ont consisté ces 7000 $? Quelles sortes de réparations ou d'améliorations cela a-t-il pu être?

M. Graton (André): Ce sont des rallonges de grange-étable à deux places, une réparation de toit, l'agrandissement de la remise.

M. Ryan: Avez-vous essayé de négocier pour que cela diminue le montant que vous leur deviez à ce moment-là?

M. Graton (André): On a essayé pendant un an.

M. Ryan: II n'y a pas eu moyen. Quels arguments vous a-t-on donnés pour cela?

M. Graton (André): On a négocié le jeudi. J'étais supposé passer en cour le mardi pour la maison. Ils ont dit que, si je ne signais pas, on passait en cour.

M. Ryan: Votre bail est pour deux ans. Il va jusqu'au 1er novembre 1984, n'est-ce pas?

M. Graton (André): Pardon?

M. Ryan: Votre bail va jusqu'au 1er novembre 1984.

M. Graton (André): Oui.

M. Ryan: C'est 896 $ par mois.

M. Graton (André): Oui. Là-dessus, je dois vous dire que les taxes sont à part et que je suis obligé d'assurer leurs bâtisses. Je paie pour ma maison, pour mes animaux, ma machinerie - on a une assurance mutelle dans le coin - 4,80 $ les 1000 $. Étant donné que je suis obligé d'assurer leurs bâtisses, la mutuelle ne veut pas prendre cela, c'est bien trop dangereux. Ils ne veulent pas toucher à cela, une affaire fédérale. J'ai trouvé une compagnie à Saint-Jérôme qui m'assure à 16 $ les 1000 $. Cela me coûte 2400 $.

M. Ryan: Si j'ai bien compris, ce sont deux terres que vous exploitez?

M. Graton (André): C'est plus que deux terres.

M. Ryan: Plus que deux. Combien est- ce?

M. Graton (André): C'est à peu près 600 arpents.

M. Ryan: Pardon?

M. Graton (André): 600 arpents cultivables.

M. Ryan: Et les 896 $, c'est pour tout cela.

M. Graton (André): C'est pour tout cela.

M. Ryan: Est-ce qu'elles sont situées une à côté de l'autre?

M. Graton (André): Non. Il y en a à Côte-des-Anges, il y en a sur la rue Belle-Rivière, il y en a près des pistes; si on change de chemin, il y en a par en arrière.

M. Ryan: Oui, je comprends. Votre frère est encore dans la...

M. Graton (André): Mon frère! Lui, il va s'ennuyer quand il va quitter sa roulotte. Parce que c'est un vrai baromètre cette roulotte-là! II neige, il neige dans la maison. Il pleut, il pleut dans la maison. II fait chaud, il fait chaud dans la maison. Il fait froid, il fait froid dans la maison. Alors, c'est commode, quand il sort dehors, il peut s'habiller comme il faut.

M. Ryan: Mais, là on lui a offert une maison.

M. Graton (André): Oui.

M. Ryan: À deux milles de là.

M. Graton (André): Oui.

M. Ryan: Et il n'a pas voulu.

M. Graton (André): II n'a pas voulu.

M. Ryan: Qu'est-ce qui...

M. Graton (André): Quand on est entré en négociations, ils ont dit: Tu pourrais bâtir, mais il faudrait que tu bâtisses bien loin. Parce que, dans 25 ans, il est supposé y avoir une grosse autoroute dans la Côte-des-Anges. Ce n'est jamais pour tout suite avec eux, c'est dans 25 ans. Ils ont exproprié l'aéroport de Sainte-Scholastique et c'est dans 50 ans que c'est supposé être bien gros. Ils ont fait de même avec nous autres. Si on disait cela, on ne travaillerait jamais. On penserait tout de suite aux enfants...

M. Ryan: Mais, il ne serait pas mieux

de prendre une chose comme cela pour un an ou deux plutôt que de rester dans cette vieille roulotte-là.

M. Graton (André): Non. Je l'ai fait cela...

M. Ryan: Oui.

M. Graton (André): ...et ce n'est pas serviable parce qu'il faut que tu sois proche de tes vaches, comme tu es proche de ta femme. Il faut s'entendre. Moi je me comprends et ma femme aussi. Il faut que tu sois sur les lieux et c'est tellement plaisant le soir quand tu reviens de veiller - je ne sors pas souvent, mais quand je sors - tu vas faire un tour à l'étable. Michel ne connaissait pas cela. Cela le tentait un petit brin et j'ai dit: N'accepte pas cela.

M. Ryan: Puis, dans la région immédiate, est-ce qu'il y a des maisons de ferme qui sont occupées par des gens qui ne sont pas fermiers, qui pourraient éventuellement être disponibles pas loin? Est-ce qu'il y en a que vous connaissez?

M. Graton (André): Pendant qu'on s'est obstiné, durant l'année, il y en avait un. Le deuxième voisin de chez nous, à peu près un demi-mille. Il paraît que c'est un fonctionnaire qui travaille au bureau qui l'a eue.

M. Ryan: Si elle avait été disponible, est-ce que votre frère...

M. Graton (André): Elle aurait été disponible s'il avait voulu, oui.

M. Ryan: Est-ce que votre frère a essayé de l'avoir?

M. Graton (André): Non.

M. Ryan: II n'a pas essayé.

M. Graton (André): Non. Le temps était trop court entre le départ d'un locataire et l'arrivée de l'autre.

Mme Graton: Quand les anciens locataires sont partis, déjà le fonctionnaire, la journée même, arrivait. On n'a pas eu le temps de s'apercevoir qu'il y avait un déménagement. Le fonctionnaire l'avait réservée depuis longtemps. Ils ont vraiment la priorité sur nous. Puis, justement, cette maison-là est en face d'une ferme qu'on cultive et elle aurait été parfaite pour Michel, mais c'est le fonctionnaire qui a eu la priorité sur nous, comme toujours.

M. Ryan: Est-ce que votre frère a fait une demande en bonne et due forme à la société immobilière pour avoir accès à une maison de ferme le plus près possible de chez lui?

M. Graton (André): II a fait une demande. Ils le savent, il n'a pas besoin de faire une demande. Ils le savent qu'on a besoin d'une maison. Ils passent souvent dans la Côte-des-Anges et quand il fait bien froid, la vapeur sort. Alors, ils devraient remarquer. Cela me choque, moi, des maudites niaiseries comme ça.

M. Ryan: Vous-même, vous n'avez pas de litige financier actuellement avec la société immobilière? Mis à part les 7000 $ que vous avez mentionnés, tous les montants que vous leur deviez ont été payés à l'occasion du règlement de l'année passée? Vous payez votre loyer régulièrement, j'imagine?

M. Graton (André): Oui.

M. Ryan: Et vous ne savez pas ce qui va vous arriver en novembre 1984? Vous n'avez pas eu d'indications encore, évidemment, il y a encore du temps à écouler.

M. Graton (André): Oui.

M. Ryan: Normalement, vous pensez que cela pourrait tomber dans le programme de revente éventuel?

M. Graton (André): Oui, ça devrait. M. Ryan: Oui.

M. Graton (André): Ils n'auront pas le choix. Il va falloir qu'ils revendent.

M. Ryan: Et vous aimeriez pouvoir acheter le plus vite possible.

M. Graton (André): On travaille seulement pour cela.

M. Ryan: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre.

M. Garon: Bien, vas-y donc.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): C'est juste un commentaire rapide. Quand vous avez parlé de vos vaches, tout à l'heure - remarquez bien que je comprends M. Ryan qui n'est pas agriculteur. Ce n'est pas un blâme que je lui fais - en tant qu'agriculteur, je vous ai compris parce que l'efficacité d'un bon

agriculteur, souvent, c'est de la façon qu'il fonctionne. Quand vous avez dit: Quand tu reviens le soir de veiller - ou peu importe -quand tu vois de la lumière dans l'étable de ton voisin, c'est parce que c'est un gars qui s'occupe de son affaire. Comme je l'ai souvent dit, peu importe ce que les gens en pensent, les animaux, c'est pire que des enfants. Parce qu'un enfant, s'il tombe malade, tu vas le soigner et il va guérir plus vite qu'une bête. Tandis qu'une bête, si tu es deux heures ou deux jours en retard, parfois tu vas la perdre. C'était juste ce commentaire que je voulais faire.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe. (11 h 30)

M. Dupré: Le député d'Argenteuil vient de dire que vous n'aviez pas de litige financier avec la SIC, mais je crois que, en payant à peu près le même montant, une dizaine de mille dollars, c'est à peu près le prix d'un prêt agricole et il reste que vous n'avez pas la plus-value. En somme, comme opération, peut-être que cela a un certain sens pour exploiter, mais il reste que vous demeurez tout de même locataire et que vous n'êtes pas... Je pense que c'est une perte considérable, même si, au sens propre du mot, il n'y a pas de litige financier.

M. Graton (André): Oui, je suis d'accord avec toi, le montant du loyer que je paie, je pourrais le donner en prêt agricole et, au bout de 29 ans, ce serait à moi. Je suis d'accord avec cela.

M. Dupré: C'est cela. Je pense qu'il y a un litige financier et qu'il est d'une extrême importance.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Garon: Je peux vous citer seulement un cas que j'avais dans mon bureau de comté la semaine dernière. Non?

M. Gagnon: M'accordez-vous trente secondes?

Le Président (M. Bordeleau): Cela peut être avant ou après, mais allez-y, M. le député de Champlain.

M. Gagnon: C'est seulement parce que le ministre aura probablement l'occasion de répondre. Je voulais lui poser une question. Tantôt, M. le ministre, vous avez mentionné le fait... Enfin! Vous nous blâmiez un peu, jusqu'à un certain point, nous tous, les Québécois, de toujours réélire un gouvernement au fédéral qui semble... On a un exemple avec Mirabel. C'est assez extraordinaire, un genre de scandale comme cela et, malgré tout cela, on est porté à voter de nouveau pour ce parti au fédéral.

Le député d'Arthabaska a dit aussi qu'il était malheureux qu'on ne soit pas plus informé de ce scandale à Mirabel. Je le déplore aussi. J'ai eu l'occasion, depuis le début de la commission parlementaire où on entend les gens de Mirabel... En tout cas, pour moi, c'est une révélation. Je suis de la Mauricie. Je connaissais ces problèmes. On croyait connaître les problèmes que vous viviez à Mirabel, mais là, avec la commission parlementaire, d'une journée à l'autre, les récits sont de plus en plus éloquents. C'est à peu près incroyable. Je vais reprendre une parole du député de Beauce-Sud, à Trois-Rivières, au sujet du rapport Gilson, quand vous avez mentionné que c'est tellement gros qu'on a peine à le croire si on ne rencontre pas les gens qui vivent les difficultés que vous avez vécues depuis treize ans.

Tout cela, pour en venir au fait suivant: Comment se fait-il qu'une commission parlementaire comme celle-ci, qui a tout de même pour but de faire la lumière et essayer d'éclairer un peu tout le monde au Québec sur les problèmes que vous avez vécus et aussi de s'orienter vers une politique pour essayer de s'en sortir... Vous avez une solidarité, chez vous, qui est assez exemplaire et il faudrait peut-être que l'ensemble du Québec se joigne à vous pour qu'en fait on puisse régler ce problème. Mais je pense qu'on avait une très bonne occasion - et c'est là que je vais vous poser la question, M. le ministre - d'éclairer les Québécois sur le problème de Mirabel, ce que j'appelle le scandale de Mirabel. Depuis deux ou trois ans, on a l'habitude de téléviser les travaux de l'Assemblée nationale et les travaux de certaines commissions parlementaires. Si la commission parlementaire qui se termine aujourd'hui avait été devant les caméras, j'ai l'impression qu'un bon nombre de Québécois, sinon la très grande majorité des Québécois, auraient suivi cette commission un peu comme un roman-feuilleton, si vous voulez, parce qu'on a beau, nous autres, essayer dans le territoire...

Je me souviens que j'étais le conférencier invité de la Chambre de commerce du Cap-de-la-Madeleine. Je parlais justement de Mirabel et les gens, par la suite, après la conférence, venaient me trouver en me disant: Est-ce vrai, ce que tu viens de nous raconter? J'ai pris seulement quelques faits comme les vôtres. Je leur racontais cela et les gens pensaient que je les inventais. En dehors du territoire, on ne peut pas s'imaginer que cela a été aussi grave et aussi pire que cela. La question que je vous pose, M. le ministre, est la suivante: Comment se fait-il qu'on n'a pas pu faire

plus de lumière et se servir de cette commission parlementaire et la faire sous la lumière, justement, des caméras, de façon que les Québécois puissent la suivre davantage?

M. Garon: Je dois dire, M. le Président, que...

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Garon: ... dès le 24 septembre 1982, j'écrivais au leader du gouvernement pour que nous puissions siéger dans la région de Mirabel afin d'éviter aux personnes intéressées de coûteux et inutiles déplacements vers Québec. Devant le refus qui m'a été apporté, puisqu'on m'avait dit que l'Opposition libérale ne voulait pas, j'étais revenu à la charge en disant: À défaut de siéger à Mirabel, les débats pourraient être télévisés, de sorte que les gens de Mirabel et les gens de l'ensemble du territoire québécois pourraient être au courant. J'ai soumis l'idée au leader du gouvernement, le 1er octobre 1982.

Également, au mois d'octobre, j'ai écrit au président de l'Assemblée nationale, pour le sensibiliser et je lui disais ceci: "M. le Président, Permettez-moi, par la présente, de vous exprimer le sentiment de déception que j'éprouve à la suite de la décision du comité consultatif sur la radio-télédiffusion des débats sur la commission paplementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation au sujet des terres expropriées en trop à Mirabel. Je vous rappelle que ce dossier remonte à 1969. Bien qu'on le considère, à première vue, comme un simple dossier régional, une analyse plus approfondie nous permet de constater qu'il met en cause la capacité de l'appareil gouvernemental d'appliquer les lois votées par l'Assemblée nationale sur une partie importante du territoire québécois. Je me permets de vous citer quelques exemples dont la Loi sur les cités et villes et la Loi sur la protection du territoire agricole. "Il m'apparaît utile que soient dévoilés au grand jour tous les inconvénients que subissent les institutions québécoises en raison du maintien sous joug fédéral d'une superficie aussi grande. Je crains que la décision prise le 6 octobre dernier par le comité consultatif de la radio-télédiffusion des débats ait pour effet d'empêcher que soient connus de tous les Québécois les torts subis depuis treize ans par les citoyens de ce territoire, par les corporations municipales et par les organismes et ministères du gouvernement du Québec. Pour ces motifs, je demande au comité consultatif sur la radio-télédiffusion des débats de reconsidérer sa décision du 6 octobre dernier."

Je peux dire qu'ensuite le conseil des députés du Parti québécois, le 28 octobre, a fait parvenir une lettre au leader du gouvernement encore, par l'entremise de Yves Beaumier, qui est président du conseil et député de Nicolet, pour demander la même chose.

La journée même, soit le 28 octobre, le leader du gouvernement a écrit au président de l'Assemblée nationale pour lui faire part des demandes du conseil des députés du Parti québécois pour que les débats soient télédiffusés.

Le 2 novembre, il y a eu un accusé de réception de l'adjoint au directeur du cabinet du président me disant: "II m'est agréable de vous informer que votre requête sera à nouveau soumise aux membres du comité consultatif de la radio-télédiffusion des débats. Ce dernier doit se réunir dans les prochains jours. En conséquence, la décision sera connue avant le 16 novembre 1982."

Le 5 novembre 1982, le président m'écrit pour dire que cela ne se fera pas, parce qu'il y avait séance de l'Assemblée nationale, et il donne les raisons. Il dit: "Comme les travaux de l'Assemblée nationale au salon bleu ont priorité quant à la télédiffusion, je ne peux, pour cette raison, acquiescer à votre requête, puisque l'Assemblée nationale et la commission parlementaire siégeront simultanément."

Le 25 janvier 1983, le directeur du cabinet du leader du gouvernement écrit encore au président et il dit: "Le leader du gouvernement, M. Jean-François Bertrand, me prie de vous faire part que le gouvernement souhaiterait que les travaux de la commission parlementaire de l'agriculture, qui doivent se tenir les 3 et 4 février 1983 au salon rouge, puissent être télédiffusés. À cet effet, je vous saurais gré de convoquer le comité consultatif sur la télédiffusion des débats, afin qu'il prenne position relativement à cette demande."

Le 13 janvier 1983, le leader du gouvernement écrit encore et dit: "M. le Président, le ministre de l'Agriculture a exprimé le voeu que la commission de l'agriculture, qui se réunit afin d'étudier la situation de Mirabel, puisse tenir ses dernières auditions à cet endroit. Étant donné que la procédure régissant le processus de tenue de commissions parlementaires à l'extérieur du parlement, en vertu de la loi 90, reste à définir entièrement, nous vous saurions gré de vérifier avec l'Opposition officielle afin de savoir si elle aurait des objections à ce que cette commission se réunisse à Mirabel. Dans l'éventualité où l'Opposition accepterait une telle suggestion et où vous donneriez également votre accord, les auditions se tiendraient à Mirabel les 3 et 4 février 1983. J'apprécierais que vous vous assuriez du bon déroulement des travaux de cette commission. Jean-François Bertrand".

Le 1er février 1983, le président répond qu'il ne veut pas. Mais on sait qu'une des raisons c'est que l'Opposition s'est toujours opposée à ce qu'on siège soit à Mirabel ou à ce que ce soit télédiffusé. Le président souhaite que, dans ces débats, ce soit unanime. Alors comme actuellement il n'y a pas eu d'unanimité, cela a été la principale raison pour laquelle les débats n'ont pas eu lieu sur le territoire de Mirabel ou n'ont pas été télédiffusés. Maintenant, je sais que le député d'Argenteuil, lui, hier, a dit qu'il était favorable, mais il n'a pas convaincu son parti. Ou encore, moi j'aime cela quand le parti libéral parle des deux côtés de la même façon. Apparemment, au comité, ils ont toujours été défavorables. C'est le rapport que j'ai eu moi de ceux qui ont siégé au comité. Si j'avais voulu déposer ces lettres, j'en ai fait part, des lettres de communications, je pense en avoir écrit d'autres, mais elles n'ont pas été retracées. J'ai fait cela vite, hier, et si ma mémoire est bonne, j'en avais écrit une autre au mois de novembre ou décembre, pour demander la même chose au président, encore une fois.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.

M. Garon: Mais...

Le Président (M. Bordeleau): Ah, vous n'avez pas terminé?

M. Garon: C'était...

Le Président (M. Bordeleau): Cela répond à la question? Je ne voudrais quand même pas qu'on entreprenne un nouveau débat là-dessus. Je pense que tout le monde a pu s'exprimer, hier.

M. Gagnon: À la suite de votre réflexion, M. le Président, c'est qu'il y en a plusieurs qui nous posent la même question. Je n'ai pas à répéter ce qu'on a dit tantôt. C'est que la population aimerait savoir et ce n'est pas tout le monde qui est abonné au journal des Débats. Ce n'est pas tout le monde qui prend plaisir à lire le journal des Débats. Comme on voit, il n'y a pas eu une armée de journalistes qui ont suivi cette commission. Moi, en tout cas, je déplore le fait qu'on avait tous les moyens physiques pour faire connaître la situation à l'ensemble du Québec et cela n'a pas été fait.

Le Président (M. Bordeleau): Vous avez le droit, M. le député de Champlain, que la commission ne soit pas télédiffusée.

M. Garon: De ce point de vue, le Canada est un peu comme les pays latins. Les belles chartes des droits de l'homme, mais excepté que dans la pratique, c'est une autre chose. Dans les pays latins il y a de belles chartes des droits de l'homme aussi. Il y a des prisons. Je vois que ce n'est pas pratiqué de la même façon. À Mirabel, il y a de belles chartes des droits de l'homme au Canada. M. Trudeau, c'était le champion des droits de l'homme, sauf que cette société fédérale défend aux gens d'afficher, défend aux gens de se représenter par des associations, d'assister aux réunions pour représenter, mais pour mieux les "squeezer" individuellement, les prendre un par un. Quand on parle, je trouve cela beau le premier ministre du Canada qui fait des chartes sur papier. Un fils de millionnaire habituellement aime mieux les chartes sur papier. Dans les faits, par exemple, c'est que l'association, le CIAC n'a pas rencontré la Société immobilière du Canada pour parler au nom des expropriés et on va dire: On va les rencontrer un par un. Cela va contre la Charte des droits de l'homme.

Il y a un droit d'association qui existe qui est reconnu et ils mettent dans les contrats... Une société fédérale, qui interdit aux gens d'afficher! Je vous dirai que M. Trudeau n'avait rien à enseigner à M. Duplessis. M. Duplessis n'est jamais allé si loin que cela. Jamais! M. Duplessis était un grand démocrate comparé à M. Trudeau. M. Trudeau, à ce point de vue, n'agit pas, je pense, selon les principes pour lesquels il écrivait quand il était dans l'Opposition. Il ne pratique pas la même chose à ce point de vue. Je ne vois pas beaucoup de gens qui refusent ce droit d'être représentés. Cela ne veut pas dire qu'il va vous entendre et être d'accord et refuser même que le groupe du CIAC puisse représenter des expropriés dans des rencontres avec la société immobilière, cela est fort. Ils pourraient dire: On n'est pas d'accord, mais même refuser que le groupe les représente, cela est fort et former des comités bidons, des groupes bidons et dire: Les gens qui représentent le monde, c'est ALARM. Hitler faisait cela aussi. Ce n'est pas cela la vie démocratique dans une société. On aura beau dire ce qu'on voudra, faire tout le charriage, dire que je fais de la politique quand je dis cela, j'énonce des faits. La vérité - c'est dit dans l'évangile - est une, il n'y a jamais deux vérités, il y a toujours une vérité; elle est une la vérité.

M. Ryan: Qu'est-ce que la pape dit, lui?

M. Garon: Le pape dit comme le Seigneur: "Que le coeur parle par la bouche." Et qu'on écoute son coeur quand on parle et pas ses intérêts.

M. Ryan: Parfait. (11 h 45)

M. Garon: Maintenant, je reviens aux

propos de M. Graton. La semaine dernière, j'avais dans mon comté, justement pour donner un exemple concret, quelqu'un, une femme, son mari n'était pas là, il travaille. Son mari est passionné d'agriculture, il doit prendre sa retraite assez jeune pour s'établir. Il ont les bâtiments et une terre, mais pas de maison sur leur ferme située à plusieurs milles de l'endroit où ils demeurent; ils demeurent dans mon comté, mais leur ferme n'est pas dans mon comté. Elle me disait -et je pense que cela se rallie un peu aux propos dont vous parliez tout à l'heure: Dans le fond, il y a des animaux, mais on a perdu de l'argent sur cela parce qu'on ne pouvait pas toujours être là, de sorte, dit-elle, que j'ai perdu mon mari parce qu'il est toujours rendu avec les animaux pour les surveiller. Alors, j'ai pensé que la meilleure façon de reprendre mon mari, ce serait de me rapprocher des animaux. Elle me disait qu'ils voulaient s'établir sur leur ferme, qu'il y avait eu des pertes d'argent parce qu'on ne peut pas surveiller les animaux de la même façon quand on est plus loin, qu'on ne peut pas aller aussi souvent... Quand vous parlez d'aller faire un tour, au fond, c'est pour cela que je voulais revenir un peu là-dessus... Les gens qui écoutent cela se disent: Faire un tour? Il n'a qu'à pas le faire, mais ce n'est pas de faire un tour qu'il s'agit, c'est d'aller faire un tour pour surveiller, pour voir ce qui se passe, pour voir s'il y a quelque chose, si l'animal a un comportement différent, en passant dans la grange. C'est un peu cela aussi, c'est surtout cela.

Je voulais simplement souligner ce que me disait quelqu'un qui était dans mon bureau la semaine dernière sur les inconvévients qu'il pouvait y avoir d'être loin et qui décidera de se déplacer, même avant que la personne puisse s'établir de façon définitive, même s'il y avait une foule d'inconvénients, parce que c'est nécessaire pour avoir une gestion efficace de la ferme.

Il y a une chose dont vous avez parlé et sur laquelle j'aimerais avoir une explication additionnelle. Vous dites que votre frère veut acquérir une maison qui est près de sa ferme ou sur sa ferme et qu'on l'offre à un fonctionnaire plutôt qu'à l'agriculteur dans un rang. Pourriez-vous nous préciser cela plus spécifiquement? C'est un peu exceptionnel que...

M. Graton (André): La deuxième maison voisine de chez nous, c'est un rentier qui restait là en 1969, avant l'expropriation. En tout cas, cette maison est devenue libre en 1980 parce que les occupants ont quitté. Avant de s'apercevoir qu'il y avait quelque chose de libre, on n'a pas pu faire la demande, puis on a su que c'était un gars qui travaillait à la SIC qui était rendu là. Cela se fait vite. Il aurait fallu le savoir, on aurait pu entrer dans la maison.

M. Garon: Où votre frère a-t-il sa ferme par rapport à cette maison? Où est-elle située?

M. Graton (André): Mon frère est en société avec moi, mais on a des animaux sur d'autres fermes aussi.

M. Garon: Ah! Sur d'autres fermes aussi.

M. Graton (André): Oui. Si elle avait été en face, cela se serait bien adapté.

M. Garon: Mais où est la terre, où est localisée cette maison?

M. Graton (André): Elle est juste en face, de l'autre bord du chemin.

M. Garon: Mais vous n'avez pas une priorité dans les rangs? N'y a-t-il pas une priorité pour les agriculteurs qui cultivent?

M. Graton (André): Non. Il n'y a pas de priorité et, si tu veux avoir telle chose, il faut que tu fonces.

M. Garon: Le fonctionnaire qui l'a acquise était-il de cette région originairement ou s'il...

M. Graton (André): Non. Je ne peux pas m'avancer. Il venait d'une région assez éloignée, de Rouyn-Noranda, d'Abitibi-Témiscamingue, de ces coins-là. C'est un de mes amis qui l'a déménagé, mais on l'a su trop tard.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va, M. le ministre?

M. Garon: D'accord. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je n'entends pas répondre à tout ce qu'a dit le ministre parce que je ne trouve rien de plus dégoûtant que de voir des personnes se servir systématiquement d'une commission parlementaire pour faire de la politique partisane. Vous avez été témoin; vous porterez votre propre jugement. Dans toute la mesure où il s'agira de défendre les intérêts légitimes des gens de Mirabel, je suis entièrement engagé à le faire, mais je ne ferai pas le jeu du ministre dans toutes ses divagations de politique partisane que je déplore profondément.

Je me permettrai de redresser quelques faits, à ce moment-ci, sur des choses qui ont été vidées hier et sur lesquelles on est revenu ce matin. Faire perdre le temps de la commission et de nos concitoyens alors que

le ministre devrait avoir des choses beaucoup plus importantes à nous dire... Il devrait nous dire ce qu'il entend faire. Il nous a parlé d'un télégramme qu'il a reçu d'Ottawa, qui traîne dans ses poches depuis trois jours, d'après ce que j'ai pu comprendre. Alors, il serait temps qu'il nous en parle. On achève la matinée. C'est bien plus important que toutes les divagations qu'on a entendues ce matin. Je voudrais seulement dire, à propos de la télédiffusion des débats, qu'il avait été convenu qu'ils seraient télédiffusés et qu'il y a eu un changement de décision au mois d'octobre. Le ministre nous cite des lettres du mois de novembre et tout. La première séance de la commission parlementaire a eu lieu le 26 octobre...

M. Garon: M. le Président...

M. Ryan: M. le Président, pourrais-je terminer?

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

M. Garon: Question de privilège.

M. Ryan: II n'y a pas de question de privilège ici.

M. Garon: Question de règlement.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît:

M. Ryan: M. le Président, cette commission n'est pas la propriété du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, question de règlement...

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Mathieu: M. le Président, il me semble que le député d'Argenteuil n'a interrompu personne.

Le Président (M. Bordeleau): Vous n'aurez la parole personne, de toute façon. D'accord? On va arrêter cela. Alors, la parole est au député d'Argenteuil. J'ai une question de règlement de la part du ministre; je vais lui laisser l'exprimer, mais très rapidement, parce qu'il a eu l'occasion de parler tantôt et je vais laisser la même chance au député d'Argenteuil.

M. Garon: M. le Président, quand j'ai cité des lettres, c'étaient des lettres du mois de septembre quand cela a commencé. Le député d'Argenteuil essaie toujours de détourner les faits et de mentir sur les faits.

Or, les lettres ont commencé le 24 septembre.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je n'ai jamais dit que cela n'avait pas commencé là, mais je dis que vos lettres du mois de novembre sont bien en retard par rapport aux événements. La première séance de la commission a eu lieu le 26 octobre. Nous avions été consultés par le gouvernement. Nous avions donné notre consentement à la télédiffusion des débats et un changement de décision a été fait vers les jours qui ont précédé, si ce n'est pas le jour même, au début des audiences de la commission. On a dit: II y a la commission de l'énergie et des ressources qui doit étudier les projets d'investissements à long terme d'Hydro-Québec. Il a été décidé de donner la priorité à la télédiffusion de ces débats. Aucun d'entre vous, messieurs, le 26 octobre, n'a même soulevé le problème. La décision avait été prise de l'autre côté et elle a été acceptée par les deux côtés, si mes souvenirs sont bons. Je n'ai pas l'omniscience du ministre pour imputer des motifs et des raisons à tous ceux qui prennent des décisions dans cette province. Mais je crois me souvenir que la décision a été prise au niveau des autorités de la Chambre, sur proposition du gouvernement et sur l'accord des deux partis. Une fois que nous étions engagés dans cette voie, nous avons décidé de rester dans la même voie jusqu'à la fin, quelle que soit la démagogie qu'on fasse à ce sujet-là. S'il y en a qui peuvent me contredire là-dessus, si le ministre a des choses à dire sur ce point précis, je suis prêt à modifier ma version des faits si je me suis trompé. Mais c'est le souvenir que j'en garde. J'ai ici le compte rendu des débats du 26 octobre et personne d'entre nous n'a soulevé ce problème. Pour une raison très simple, il avait été réglé avec le consentement de tout le monde dans les jours qui ont précédé. Ce n'est pas ma faute.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Je me souviens fort bien, personnellement, au tout début, d'avoir parlé de l'importance de la télédiffusion de cette commission. Deuxièmement, je n'ai accusé personne. Depuis le début, enfin, depuis que je suis ici que je vous entends déplorer des choses. Alors, on peut aussi déplorer des choses. Moi aussi, j'ai le droit de déplorer que cette commission n'ait pas été télédiffusée. N'étant pas du territoire de Mirabel, j'étais peut-être un de ceux qui croyaient que c'était plus un dossier régional. Très vite, on s'est aperçu que c'était un

dossier beaucoup plus important qu'un dossier régional. C'est un dossier national. On aurait pu réviser cette décision parce que, vous-mêmes, de l'Opposition, vous vous êtes aperçus vous aussi de l'importance de ce dossier-là.

Dès l'instant où on a visité le territoire de Mirabel, je me souviens de la journée que nous avons passée ensemble. Des informations qu'on nous a données là, tous, nous étions scandalisés de ce qui se passait sur le territoire. On aurait pu, ensemble, réviser cette décision.

De toute façon, tantôt, je n'ai blâmé personne. Je n'ai pas blâmé le député d'Argenteuil. Je n'ai pas blâmé le Parti libéral. J'ai déploré le fait qu'on n'ait pas profité, comme Assemblée nationale, de cette occasion unique qui était donnée de renseigner l'ensemble des Québécois sur le scandale de Mirabel.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, si on en était seulement resté à l'évocation du député de Champlain, il n'y aurait peut-être pas eu de débat ce matin, mais après que vous eussiez parlé, d'autres ont parlé et ils ont fait des accusations précises contre le Parti libéral et ses représentants à cette commission. Je ne les accepte pas parce qu'ils font omission de faits très importants que j'ai d'ailleurs évoqués sans avoir été contredit.

M. Gagnon: Je pense que vous serez d'accord avec moi que, peu importe la décision qui a été prise au début, nous aurions pu la réviser. On en a parlé assez souvent pour qu'on puisse la réviser.

M. Ryan: Non, on nous a parlé de la réviser récemment et nous avons dit, maintenant que toute cette affaire-là est en cour, maintenant que plusieurs témoignages très importants ont déjà été entendus, au stade où nous en sommes, pour que l'égalité des chances reste vraiment pour tout le monde, on va rester avec la même discipline qu'on a établie au début.

M. Gagnon: II n'est pas question de discipline, il est question de justice pour tout le territoire et pour toute une communauté au Québec.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît:

M. Ryan: Oui, la démogogie, on en a eu en masse.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! Je vous ai d'ailleurs mentionné, hier, qu'il y avait une décision de la présidence que je devais assumer comme président de la commission parlementaire et c'était à partir du comité consultatif sur la radio-télédiffusion des débats. Par contre, ici, nous avons l'honneur d'avoir le leader parlementaire du gouvernement qui aurait peut-être des informations additionnelles à nous fournir. Alors, M. le leader.

M. Bertrand (Jean-François): M. le Président, comme c'est ma responsabilité, à titre de leader parlementaire, d'écouter à mon bureau ce qui se passe dans les différentes commissions parlementaires, j'ai entendu effectivement les échanges de propos relativement à la question de la télédiffusion des travaux de cette commission parlementaire. Je voudrais simplement indiquer ceci, pour la bonne information de tout le monde. En 1982, effectivement, le Conseil des ministres, à la suite d'une demande faite en ce sens par le ministre de l'Agriculture, avait demandé que la commission parlementaire qui entendait des personnes, des groupes sur le dossier Mirabel, puisse être télédiffusée.

À ce moment-là, comme leader parlementaire, j'avais fait parvenir la demande au président de l'Assemblée nationale, M. Vaillancourt. Le président, comme dans chacune de ces circonstances-là, a consulté le comité consultatif sur la télédiffusion où siègent le whip en chef du Parti québécois et le whip en chef du Parti libéral. Comme l'une des deux personnes - en l'occurrence, c'était le whip en chef du Parti libéral - avait dit non à l'époque, avec des arguments comme les suivants. Entre autres, tant et aussi longtemps que nous n'adopterions pas une loi de l'Assemblée nationale permettant de tenir, par exemple, des commissions parlementaires à l'extérieur de Québec, tant et aussi longtemps qu'on n'aurait pas défini les modalités concrètes permettant d'en arriver à télédiffuser des commissions parlementaires, il n'était pas question de faire en sorte que celle-ci soit télédiffusée. Dans les circonstances, comme l'une des deux parties n'était pas d'accord, c'est le président qui tranchait et quand il n'y a pas consensus, quand il n'y a pas unanimité des deux partis, le président, habituellement, prend une décision prudente.

Ce qu'il faut bien indiquer - c'est cela qui est nouveau - c'est que, depuis ce temps-là, il y a eu un débat à l'Assemblée nationale - cela a d'ailleurs été fait devant les caméras de la télévision - sur la télédiffusion d'une commission parlementaire à Schefferville. Je me rappelle très bien, concernant cette commission parlementaire qui se tiendra à Schefferville, que l'Opposition avait indiqué qu'elle manifestait son accord pour la tenue de la commission parlementaire à Schefferville et qu'elle le

faisait en toute bonne foi pour voir si l'expérience serait concluante et qu'on pourrait, par la suite, adopter une politique qui nous permettrait de tenir des commissions parlementaires à l'extérieur.

Je ferai valoir que le ministre de l'Agriculture lui-même avait demandé que la commission parlementaire sur Mirabel puisse se tenir dans la région de Mirabel pour que les gens n'aient pas à se déplacer et qu'ils puissent, sur place, venir devant la commission sans avoir à débourser des montants d'argent importants. Dieu sait qu'effectivement cela coûte quelque chose quand on part de régions assez éloignées de Québec pour venir ici une journée, deux journées, trois journées.

Dans ce contexte-là je dois dire que, de ce côté-ci, nous avons toujours été d'accord pour que la commission parlementaire puisse se tenir ailleurs qu'à Québec, donc, dans les circonstances, dans la région de Mirabel.

Deuxièmement, sur la télédiffusion des débats, après avoir essuyé une réponse négative de l'Opposition à l'automne 1982, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est revenu à la charge, au tout début de l'année. Il m'a fait une lettre et j'ai transmis la demande, à la suite de la décision prise par le Conseil des ministre, au président de l'Assemblée nationale. Encore une fois, le whip en chef du gouvernement a donné son accord pour la télédiffusion. Le whip de l'Opposition a dit non et, dans les circonstances, nous avons été obligés de nous en remettre à la décision du président de l'Assemblée nationale qui a dit: Puisqu'il n'y a pas consensus, je prends la décision de ne pas télédiffuser les travaux de cette commission. Assez curieusement, il y a une commission parlementaire qui s'en vient bientôt, sur la politique énergétique du gouvernement - pardon sur la Loi sur le cinéma et la vidéo - commission parlementaire qui va siéger dans une dizaine de jours environ et où le ministre des Affaires culturelles sera présent; or cette commission sera télédiffusée parce que l'Opposition a donné son accord au gouvernement pour qu'elle le soit.

Donc, en dehors des temps de session, en dehors des moments où la Chambre siège, toute commission parlementaire - au moins théoriquement - peut être télédiffusée. Dans ce cas très précis de Mirabel, nous avons acheminé la demande, l'Opposition a refusé. Nous étions d'accord quant à nous. Le constat qu'on fait aujourd'hui, c'est que chacun aura ses explications à donner. Chacun a ses raisons. Elles peuvent être jugées bonnes, elle peuvent être jugées mauvaises, c'est à la population, finalement, de se faire une idée sur l'attitude de l'un et l'autre parti. Quant à nous, nous étions définitivement totalement d'accord avec cette télédiffusion des débats.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le leader. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, le leader du gouvernement a-t-il dit qu'il n'y aurait pas eu de télédiffusion de travaux de commission l'automne dernier parce qu'il n'y avait pas encore d'entente avec l'Opposition? (12 heures)

M. Bertrand: Pas sur Mirabel.

M. Ryan: Mais, en général?

M. Bertrand: II y en a eu sur d'autres.

M. Ryan: Sur lesquelles?

M. Bertrand: II y en a eu sur HydroQuébec, si ma mémoire est bonne.

M. Ryan: À quelle date?

M. Bertrand: Je ne me rappelle pas de la date exactement.

M. Ryan: Si vous voulez vérifier cela, vous allez découvrir que c'était le 26 octobre, le même jour où commençaient les travaux de la commission ici. Vous verrez qu'il y a un accord entre les deux partis pour que ce soit cette commission-là qui ait la priorité plutôt que Mirabel. Le gouvernement est aussi solidaire de cette décision-là que l'Opposition.

M. Bertrand: Mais cela, écoutez.

Le Président (M. Bordeleau): M. le leader.

M. Bertrand: Dans la mesure où il y a une possibilité d'arriver à faire en sorte qu'une commission parlementaire soit télédiffusée sur Mirabel, c'est évident que le gouvernement avait donné son accord. L'Opposition a préféré, elle aussi, que ce soit celle sur Hydro-Québec. Dans ce contexte des commissions parlementaires, comme celle-là n'a pas été télédiffusée, vous me dites: La raison c'est parce qu'il y avait Hydro-Québec, et quant à faire un choix, on préférait Hydro-Québec plutôt que le dossier Mirabel. Encore là, la population jugera de la décision.

Ceci étant dit: Admettons, parce que là je n'ai pas ces éléments d'information devant moi, que sur cet aspect de l'automne dernier vous ayez raison; et qu'ensemble on se soit entendu pour que la commission d'Hydro-Québec soit télédiffusée à la place de celle de Mirabel, admettons cela; il n'en demeure pas moins que cette fois-ci il n'y a pas, au moment où cette commission siège, une autre commission parlementaire qui siège

sur un autre dossier. Donc aujourd'hui, si c'est vrai que nous aurions fait un choix, et qui était un choix des deux partis, pour qu'Hydro-Québec soit privilégiée par rapport à Mirabel, une chose est certaine, c'est qu'en ce moment on ne peut pas privilégier Mirabel par rapport à une autre commission, puisqu'il n'y a pas d'autre commission qui siège. On pourrait en ce moment avoir une télédiffusion des débats de la commission parlementaire sur Mirabel et là-dessus, effectivement, vous avez dit non.

M. Ryan: Je suis content de constater, que le ministre, sur la première partie du récit a reculé beaucoup par rapport à ce qu'il avait dit...

M. Bertrand: Non, j'ai dit que je retournerais aux informations exactes. Parce que si ma mémoire est bonne, et ma mémoire peut flancher...

M. Ryan: La mienne aussi.

M. Bertrand: ...tout être humain que je sois, elle peut flancher. Mais si ma mémoire est bonne, le choix de tenir une commission parlementaire télédiffusée sur Hydro est venu après le refus de l'Opposition de télédiffuser la commission parlementaire sur Mirabel.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je conteste formellement cette affirmation

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Je suis convaincu qu'il avait été décidé par les deux partis de télédiffuser la commission parlementaire sur Mirabel. Je suis convaincu. Et, à la dernière minute, notre whip et notre leader nous avaient dit, le gouvernement nous demande de privilégier celle d'Hydro-Québec à cause de l'impact provincial. C'est là que nous avions consenti. On ne pouvait pas télédiffuser deux commissions en même temps.

Une voix: Même si aujourd'hui, on pourrait...

M. Mathieu: II s'est dit un tas de faussetés et cela a été vidé hier, cela a encore été vidé aujourd'hui. Est-ce qu'on va en reparler encore bien longtemps? Cela fait au moins une heure qu'on perd aujourd'hui, une heure hier pour un tas de choses qui ne sont pas exactes.

M. Gagnon: Oh!

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Mathieu: M. le Président, avant d'arriver puis d'imputer des motifs, et puis dire les libéraux ne veulent pas ceci, ne veulent pas cela, on l'avait acceptée; et c'est à la demande du gouvernement qui avait fait valoir qu'Hydro-Québec avait un impact dans toute la province et il nous demandait de privilégier la télédiffusion de la commission sur Hydro-Québec.

M. Garon: M. le Président, M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! S'il vous plaît: S'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre! Je pense qu'il a eu des explications fournies et que chacun les perçoit à sa façon. Il n'y a personne d'entre nous qui siège au comité consultatif. M. le ministre, il faut que ce soit très court.

M. Garon: Oui. Initialement vérifions les faits. Les deux commissions ne devaient pas se tenir en même temps, la commission sur Mirabel et la commission sur Hydro. Elles devaient se tenir à des dates différentes. C'est parce que les libéraux ne voulaient pas que soit télédiffusée la commission sur Mirabel, que le gouvernement a dit: parfait on va mettre Hydro, puis ils ont mis les deux en même temps, sachant que les libéraux ne voulaient pas que la commission sur Mirabel soit télédiffusée. Or, cela est venu après, que la commission sur Hydro fut tenue en même temps que celle sur Mirabel parce que les libéraux ne voulaient pas que celle sur Mirabel soit télédiffusée. Si vous regardez tous les papiers du temps, ce sont des papiers imprimés, vous allez voir vous que, jusqu'à la dernière minute, les commissions sur Mirabel et Hydro ne devaient pas être tenues en même temps. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Je pense que tout le monde a pu s'exprimer là-dessus...

M. Ryan: M. le Président, je regrette, on vient encore d'être l'objet d'accusations que je ne peux pas laisser sans réponse.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous avoue que là, cela commence à...

M. Mathieu: Qui est-ce qui a demandé la pertinence du débat, M. le Président?

M. Ryan: Vous laissez des accusations se faire et on n'aurait pas le droit de répondre?

M. Garon: Je n'ai jamais été condamné pour diffamation moi, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Vous avez pu vous exprimer tout le monde, je pense, là-dessus, et je pense bien que les deux partis ne seront jamais d'accord.

M. Ryan: Ce que vient d'affirmer le ministre de l'Agriculture est complètement faux. Nous avions été prévenus par le whip de notre parti de nous préparer à une commission dont les travaux seraient télédiffusés. Nous nous étions préparés en conséquence et c'est vers les tout derniers jours que nous avons appris que le gouvernement avait décidé de convoquer, le même jour, la commission de l'énergie et des ressources, et c'est le gouvernement qui a l'initiative des décisions en matière de convocation des commissions.

Le Président (M. Bordeleau):

J'apprécierais beaucoup qu'on revienne à l'objet de notre commission et, si on a terminé avec les questions à M. et Mme Graton, je les remercie de s'être présentés devant la commission. Je m'excuse de vous avoir fait attendre un peu à la table en avant pendant que nos membres argumentaient sur d'autre chose que ce qui pouvait vous intéresser. Je vous remercie.

M. Graton (André): Merci beaucoup.

Le Président (M. Bordeleau): Et maintenant, en cinquième lieu, mémoire no 37, le suivant, qui est celui de Mme Jeanne d'Arc Bertrand et M. Claude Bertrand, qui est pour dépôt seulement. Il sera donc déposé.

La personne suivante serait Mme Sylvie Deschambault. Est-ce qu'elle est ici? Mme Deschambault, je vous invite à nous présenter notre mémoire.

Mme Sylvie Deschambault

Mme Deschambault (Sylvie): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire.

Témoignage d'une jeune expropriée. Native d'une famille d'agriculteurs à Sainte-Scholastique, c'est à l'âge de 9 ans que j'ai appris la venue d'un aéroport dans notre paroisse et les environs. A ce moment, je ne comprenais pas tout ce qui se passait autour de moi mais je ressentais, par mes proches, qu'une expropriation cela faisait mal, c'était inquiétant. Les années qui ont suivi se sont chargées de me l'expliquer: amis, voisins qui déménagent, fermeture d'une école de Sainte-Scholastique, maisons abandonnées, passants fouillant l'intimité de notre village, exercices de feu avec les demeures de nos voisins, journées de manifestations où j'accompagnais papa, maman, enfin tous les mécontents. Plus rien ne ressemble aux jours où nous étions si heureux sur la ferme.

À la cueillette des petites fraises des champs, la chaleur que je mettais à cueillir un bouquet de pissenlits pour maman, mon tour de tracteur, le chant des oiseaux, le calme de la nature avaient donné place à des journées turbulentes. Là, je voyais beaucoup d'agriculteurs, de résidents, de commerçants acharnés à défendre la justice, assis dans un wagon de ferme, la pancarte à la main. Comme mes yeux d'enfant devaient être grands!

Dans un paisible village, une anti-émeute qui voulait calmer sans pitié l'insatisfaction des gens honnêtes qui ont travaillé dur pour le patrimoine. Tristesse des personnes dépassées par l'événement.

Pendant les années 1975, 1976, 1977, j'avais en dedans un goût très amer de ce qui se passait autour de moi. C'est à ce moment que je remettais en question l'amour, la haine, la justice, la paix et l'honnêteté. À l'intérieur de moi, il se passait un genre de défaite. Les discussions sur l'expropriation me faisaient de plus en plus mal.

Une consolation: L'avenir est aux jeunes sur le territoire exproprié. Belles promesses sur les premières pages des journaux. Que sont-elles devenues? L'avenir a effectivement été aux jeunes parce que plusieurs n'ont pas eu la force nécessaire pour combattre tout cela.

Pendant cette période, je me demandais comment affronter la vie quand on voit des centaines d'agriculteurs, des gens de métier se battre ensemble pour obtenir justice. Aujourd'hui, je travaille auprès des personnes âgées. L'objectif premier du gouvernement à leur égard est aussi le mien: Maintenir à domicile ces personnes.

J'ai connu le grand désespoir des vieillards de Sainte-Scholastique regroupés autour de leur clocher pour finir leurs jours et qui ont dû être déracinés. Je veux donc tenter l'impossible pour éviter leur placement en centres d'accueil. Le coeur sensible au dossier de l'expropriation, la persévérance, le courage et la détermination de toutes ces braves gens qui se tiennent debout avec le groupement CIAC me permettent de croire encore possible l'avenir de la jeunesse.

Le Président (M. Bordeleau): Merci beaucoup. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Bonjour, Sylvie. Sylvie et moi sommes voisins parce qu'elle travaille pour les Artisans de l'aide à Saint-Eustache dont le bureau est à côté du mien. Qu'est-ce qui vous a fait choisir, Sylvie, cette vocation de vous occuper comme cela des personnes âgées au sein de ce groupement des Artisans de l'aide?

Mme Deschambault: Je pense que la

solidarité des gens de Sainte-Scholastique m'a fait croire que c'était possible, en groupes de personnes âgées ou en groupes de bénévoles, de s'organiser et de défendre des choses bien importantes pour les personnes âgées.

M. de Bellefeuille: L'adresse que vous donnez dans votre mémoire, est-ce l'adresse de la maison familiale?

Mme Deschambault: Oui.

M. de Bellefeuille: Au 11 681, rang Saint-Rémi, Sainte-Scholastique?

Mme Deschambault: Oui.

M. de Bellefeuille: Est-ce que vos parents sont toujours là?

Mme Deschambault: Oui, mes parents demeurent toujours là.

M. de Bellefeuille: Ils sont locataires sur leur propre ferme?

Mme Deschambault: Oui.

M. de Bellefeuille: Et ils ont l'intention d'y rester?

Mme Deschambault: Mes parents ont l'intention d'y rester le plus longtemps possible. Je pense que les déménager leur ferait bien du mal.

M. de Bellefeuille: Est-ce qu'il est question dans leur cas de rétrocession?

Mme Deschambault: Je ne crois pas. Je ne crois pas que ce soit un territoire qui fasse partie de la rétrocession.

M. de Bellefeuille: Non, ce n'est pas à l'intérieur de la zone jaune. Donc, ils sont, en quelque sorte, menacés de rester là seulement au gré du propriétaire. Quelle sorte de bail ont-ils?

Mme Deschambault: II y avait un bail... Je ne connais pas tellement la situation à ce sujet. Je sais qu'ils renouvellent leur bail, je pense, tous les deux ans...

M. de Bellefeuille: Oui.

Mme Deschambault: ...mais je ne suis pas sûre de cela.

M. de Bellefeuille: Et vous habitez chez eux?

Mme Deschambault: Oui.

M. de Bellefeuille: Est-ce que vous auriez songé vous-même à faire carrière dans l'agriculture?

Mme Deschambault: Personnellement, non.

M. de Bellefeuille: Vous avez des frères et soeurs?

Mme Deschambault: Oui.

M. de Bellefeuille: Est-ce qu'ils s'établissent sur la terre?

Mme Deschambault: Mon frère aîné a pris la ferme en 1973.

M. de Bellefeuille: Oui. C'est votre frère aîné qui a pris la ferme?

Mme Deschambault: Oui.

M. de Bellefeuille: En société avec votre père?

Mme Deschambault: Non, mon père est paralysé depuis 1973 et mon frère aîné a pris la relève.

M. de Bellefeuille: Vous terminez votre mémoire par une note d'optimisme, en quelque sorte, quant à l'avenir des jeunes, grâce au CIAC, mais il faut sûrement des conditions pour que cela se réalise, n'est-ce-pas? Pour que les jeunes puissent avoir de l'avenir sur les territoires expropriés, quelles sont, à votre avis, les conditions qu'il faudra réaliser, pour que les jeunes aient de l'avenir?

Mme Deschambault: Je terminais mon mémoire en disant que le CIAC me faisait croire en l'avenir de la jeunesse. C'est parce que. depuis janvier 1982, on s'est assis ensemble, un groupe de jeunes et, parmi ces jeunes-là, il y avait de jeunes chômeurs, de jeunes assistés sociaux, des jeunes qui travaillaient. Puis, on a travaillé en groupe pour savoir ce qu'on pourrait mettre sur pied pour les jeunes, dans la région de Mirabel. Parce que, si on se souvient des années où Mirabel n'était pas exproprié, en 1969 et avant, le taux de chômage était peu élevé à Sainte-Scholastique et à Mirabel parce que souvent les jeunes prenaient la relève sur la terre de leurs parents. Mais, présentement, vu qu'il reste presque 250 à 300 fermes d'agriculture, les jeunes se retrouvent chômeurs assez rapidement.

M. de Bellefeuille: Et quelles sortes de perspectives avez-vous dégagées dans ces rencontres entre jeunes, quelles sortes de possibilités entrevoyez-vous?

Mme Deschambault: Présentement, on

en est rendu à se poser de sérieuses questions quant à une maison de jeunes qui pourrait se trouver soit sur le terrain exproprié, soit aux alentours; mais on est à développer cette idée. Présentement, on a un projet pour une maison de jeunes.

M. de Bellefeuille: Une maison de jeunes qui serait située dans le territoire?

Mme Deschambault: On n'a pas parlé encore du site. On ne sait pas où ce serait situé, mais on est à développer un projet dans ce sens-là.

M. de Bellefeuille: Je vous remercie. Je vous souhaite bonne chance. Je vous remercie de vous être présentée devant la commission. (12 h 15)

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Juste brièvement, je comprends que vous êtes une fille d'exproprié et que vous demeurez sur le territoire présentement. C'est cela?

Mme Deschambault: Oui.

M. Mathieu: Êtes-vous en location, êtes-vous en loyer sur le territoire?

Mme Deschambault: Moi, non, mes parents, oui.

M. Mathieu: Vous demeurez chez vos parents ou...?

Mme Deschambault: Je demeure chez mes parents.

M. Mathieu: Vous travaillez auprès des personnes âgées sur le territoire.

Mme Deschambault: Non. Je ne travaille pas sur le territoire exproprié auprès des personnes âgées.

M. Mathieu: Ah bon, bon!

Mme Deschambault: Je pense que cela aurait été difficile de travailler auprès des personnes âgées sur le territoire exproprié parce qu'il ne reste presque plus de personnes âgées.

M. Mathieu: C'est bien, merci.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, je n'ai pas d'autres demandes. Je vous remercie, Mme Deschambault, de vous être présentée devant notre commission.

Mme Deschambault: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bordeleau): Le groupe suivant est la MRC, région des Laurentides, représentée par le Dr Robert Lussier, ainsi que par M. Georges Fillion, maire de Saint-Sauveur. Je vous inviterais à vous présenter à la table. Effectivement, c'est écrit MRC, mais ce sont les gens du comité de consultation. J'ai lu ce qui était écrit là. M. Lussier.

Comité de consultation

pour la formation des MRC

dans la région des Laurentides

M. Lussier (Robert): M. le Président, MM. les membres de la commission, il me fait plaisir, au nom du comité de consultation pour la formation des MRC dans la région des Laurentides, de présenter ce mémoire. Je suis accompagné de M. Georges Fillion, maire de Saint-Sauveur, lequel faisait partie de ce comité consultatif depuis son début. L'autre membre, Me Roland Durand, qui représentait l'Union des municipalités du Québec au comité, nous a quittés pour siéger à la Cour provinciale et c'est ce qui explique qu'il ne soit pas présent.

La Loi sur l'aménagement et l'urbanisme a créé à travers le Québec les MRC qui regroupent les municipalités urbaines et rurales d'une même région d'appartenance. La responsabilité première de cette nouvelle structure en est une d'aménagement du territoire, de définition des grandes orientations en termes d'occupation du sol.

La MRC a été définie comme devant être une région d'appartenance pouvant rassembler 30 000 à 40 000 habitants, regroupant 15 à 20 municipalités. Ce territoire devait avoir des dimensions qui permettent d'y préparer un schéma d'aménagement et, éventuellement, d'y exercer des fonctions décentralisées à partir de certains ministères et organismes gouvernementaux.

Précédant la création des MRC, une consultation a permis aux élus municipaux, aux organismes constitués et à la population de participer au découpage du territoire et à la rédaction des lettres patentes.

Notre comité a procédé à la consultation dans le territoire des Laurentides selon les critères de découpage communément acceptés. Il y a un seul secteur où il a été impossible d'appliquer ces critères, c'est dans le secteur de la ville de Mirabel. Mirabel est, comme vous le savez aussi, un problème tout à fait particulier.

L'immensité du territoire de Mirabel représente une contrainte importante pour tout planificateur et gestionnaire. Cette ville couvre environ 49 000 hectares; elle s'étend de Lachute à Saint-Jérôme; elle a une surface plus grande que celle de l'île de Laval et légèrement plus petite que celle de

Montréal. Mirabel comprend environ 13 000 habitants, disséminés sur ce grand territoire, une population nettement insuffisante pour rentabiliser l'implantation de certains services comme une commission scolaire, ou des services de santé ou autres.

De plus, le territoire de la ville ne représente pas pour cette population une vraie région d'appartenance. Chaque pâle de la ville a peu ou pas d'affinités avec l'autre, mais est davantage lié à des pôles urbains à l'extérieur de la ville. Par exemple, Saint-Hermas est une municipalité rurale reliée à la ville de Lachute, mais Saint-Janvier est plutôt une municipalité urbaine reliée à Saint-Jérôme. Mirabel a aussi en son centre un aéroport, superstructure qui constitue une entrave importante à tout effort de créer des liens entre les différents secteurs de la ville. Toute la gestion municipale s'articule autour de multiples pôles: trois pôles de développement urbain et six pôles de services.

La ville de Mirabel a aussi deux fonctions ou deux vocations prioritaires. Elle a une fonction agricole: 90% de son territoire est actuellement à vocation agricole et il doit être protégé et développé comme tel. Elle a aussi une fonction industrielle et commerciale que lui confère la présence de l'aéroport international qui doit, pour être rentable, générer des activités industrielles et commerciales importantes. Ces activités nécessitent aussi l'implantation de services importants et la réalisation de lourdes infrastructures.

L'harmonisation de ces deux objectifs ou vocations représente un défi de taille pour une ville, sachant que ces deux fonctions, l'une agricole, l'autre industrielle et commerciale, sont souvent en conflit. La gestion municipale est aussi complexifiée par le fait que la planification, la programmation et la mise en oeuvre de ces deux objectifs, développement agricole et aéroportuaire, sont assujetties aux décisions d'un interlocuteur unique, propriétaire de plus des trois quarts du territoire de la ville, gestionnaire de l'aéroport, le gouvernement fédéral. Cette structure de pouvoirs a des implications, entre autres, sur la marge de manoeuvre réelle de la ville ainsi que sur la fiscalité municipale.

Les caractéristiques même de la ville de Mirabel, l'étendue de son territoire (de Saint-Hermas à Saint-Janvier), peu de population (13 000 habitants), la disparité des régions d'appartenance (Lachute, Saint-Eustache et Saint-Jérôme), rendent inapplicables les critères de découpage utilisés dans les autres parties de notre zone de consultation. Le cas de la ville de Mirabel est fort complexe et la solution doit respecter les particularités de cette ville et garantir le développement optimal de ces deux fonctions essentielles tout en répondant aux objectifs de la loi 125.

Trois hypothèses de découpage ont été considérées au cours de la consultation sur la loi 125: Mirabel formant seule une MRC; le rattachement de Mirabel à un pôle environnant; troisièmement, le démantèlement de Mirabel et la création d'une zone spéciale correspondant à la zone opérationnelle aéroportuaire.

Mirabel, une seule MRC: Cette position est fermement soutenue par le conseil municipal. Elle a été appuyée par la chambre de commerce locale. Les arguments soutenus par la ville sont: Mirabel est une MRC avant la lettre, née de la fusion de 14 municipalités ou parties de municipalités; Mirabel a des objectifs et des problèmes spécifiques en matière d'aménagement et d'urbanisme; reconnaissance et utilisation des commissions d'urbanisme de secteur créées par le SATRA; préservation et mise en valeur de ce sentiment d'appartenance que la ville a essayé de créer depuis dix ans.

Deuxième option: Rattacher Mirabel à une MRC voisine. La loi ne permettant pas qu'une MRC soit constituée d'une seule municipalité, il a été considéré de rattacher Mirabel à une MRC périphérique. Cette hypothèse semble peu souhaitable étant donné la diversité des pôles d'appartenance de la population dans la ville. Le rattachement de Mirabel à l'une ou l'autre des MRC voisines (celle de Lachute, de Saint-Eustache ou de Saint-Jérôme), serait acceptable pour le seul secteur de la ville situé dans le champ d'attraction de la MRC choisie, les autres secteurs n'ayant aucune affinité avec cette MRC, étant déjà rattachés, pour l'ensemble des services, à un autre pôle de la région.

Le démantèlement: Désenclaver Mirabel. La population de la ville de Mirabel est liée de façon vitale à la région environnante. Tant au niveau des services scolaires et de santé qu'au niveau des relations commerciales et sociales, le territoire de la ville est partagé en trois pôles. Les commissions scolaires, les CLSC et les hôpitaux qui desservent le territoire sont ceux de Lachute, Saint-Eustache et Saint-Jérôme. Les relations sociales et commerciales sont orientées vers ces mêmes pôles.

Dans un avenir prévisible, Mirabel ne semble pas devoir devenir une ville de services à forte croissance autour de l'aéroport. On peut alors se demander si une superstructure administrative est encore indiquée et s'il ne serait pas souhaitable d'isoler les activités aéroportuaires pour les gérer de façon autonome, avec le dynamisme nécessaire, et de créer autour de cette zone, dans l'actuel territoire de Mirabel, des villes à caractère rural, intégrées à leur MRC d'appartenance, tant au niveau des services que de l'aménagement.

La ville de Mirabel est à 90% agricole.

Nul n'est besoin de répéter qu'il est nécessaire de protéger et de développer ce potentiel. Le passé a prouvé qu'il y avait presque toujours conflit entre développement urbain et rural. Il est difficile de penser qu'un investissement tel que l'aéroport ne va pas imposer un type de développement et de services à l'ensemble du territoire de la ville. La gestion municipale tend à s'identifier à la gestion aéroportuaire. L'aéroport devient alors une entrave au développement du dynamisme propre aux territoires agricoles à la périphérie de la zone opérationnelle.

La création de municipalités rurales à caractère agricole peut permettre de revaloriser cette fonction au niveau des conseils municipaux et de revitaliser les centres nécessaires au développement des activités agricoles. De plus, l'expérience nous montre que le milieu agricole ne résiste à la pression urbaine que s'il est concentré et peut former un groupe homogène.

Nous sommes conscients que la restructuration de Mirabel n'est pas une panacée à tous les problèmes administratifs et politiques que celle-ci pourrait rencontrer. La gestion d'un tel territoire pose des problèmes fort complexes et la solution adoptée pour les résoudre pourrait avoir un impact important sur le développement de cette région. Lors de notre consultation, il y avait consensus des maires des MRC à la périphérie de Mirabel afin de démanteler cette ville et de joindre les nouvelles villes à leur pôle d'appartenance. Les premières études fiscales laissent entrevoir que le démantèlement ne serait pas nécessairement au désavantage de la population. Toutefois, de nombreux aspects, tant financiers que sociaux, restent à vérifier avant d'arrêter un choix définitif.

M. de Bellefeuille: Je suis heureux que les séances de la commission nous permettent de rencontrer le comité et en particulier son président, le Dr Lussier, pour examiner, peut-être un peu plus en profondeur, les hypothèses qui se sont présentées dans l'application de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme dans la région de Mirabel. Il y a déjà au moins un groupe qui s'est présenté devant nous qui a fait état de l'éventualité d'un démantèlement de Mirabel et qui a recommandé - si je me souviens bien - une consultation populaire sur cette question. Je voudrais vous demander d'abord, Dr Lussier, si vous seriez d'accord sur l'opportunité de consulter formellement la population de Mirabel - par exemple, au moyen d'un référendum - sur l'hypothèse d'un démantèlement?

M. Lussier: Évidemment. La dernière phrase de notre rapport est dans ce sens-là. Je pense qu'on vit actuellement, et depuis de nombreuses années, le résultat d'une décision gouvernementale qui a été prise d'une façon unilatérale et extrêmement autoritaire d'exproprier autant de territoire pour des besoins qui ne le justifiaient pas. Nous pensons bien que les éléments de solution que nous pouvons apporter devraient être vérifiés. Quand on parle au point de vue social, on devrait consulter ces populations, discuter la raison pour laquelle on propose telle chose et avoir la chance d'expliquer pourquoi on la propose, d'élaborer un peu. Ce serait à la population, à mon avis, de se prévaloir de ce droit de décider ce qu'elle pense de cette proposition de démantèlement. (12 h 30)

M. de Bellefeuille: C'est un euphémisme de dire, Dr Lussier, que vous connaissez le dossier de Mirabel. Voulez-vous rappeler à la commission quelle fonction vous occupiez au moment de l'expropriation?

M. Lussier: J'étais à l'époque ministre des Affaires municipales et chargé du dossier de Mirabel.

M. de Bellefeuille: Alors, vous connaissez ce dossier de Mirabel depuis son tout début et vous l'avez suivi tout au long des années.

M. Lussier: C'est exact.

M. de Bellefeuille: Puisque votre comité et vous-même semblez favoriser le démantèlement avec les réserves ou les conditions que vous exprimez, vous devez avoir vous-même à l'esprit des réponses aux arguments avancés par la ville de Mirabel contre le démantèlement. Par exemple, ce premier argument que vous mentionnez comme quoi Mirabel était une MRC (municipalité régionale de comté) avant la lettre, née de la fusion des quatorze muncipalités ou parties de municipalités, quelle réponse faites-vous à cela?

M. Lussier: Ah bon! Il faut comprendre exactement ce qu'est une fusion. Il faut savoir exactement aussi ce qu'est la loi no 125. Tout le monde sait que, par la fusion, 14 villes deviennent une seule et même ville, tandis qu'une MRC, c'est un organisme municipal. Maintenant, au lieu d'être simplement sur le plan local, l'organisme municipal est à deux paliers. Il y a le palier municipal qui conserve toutes ses responsabilités et il y a le palier régional à qui on donne de nouvelles responsabilités, qui est l'aménagement régional et, évidemment, cela a une influence sur le plan directeur d'urbanisme local. Excepté que ce n'est pas une fusion. La loi no 125 ou les organismes régionaux ont été une solution pour éviter des fusions à l'emporte-pièce ou massivement dans toute la province, en fait, uniquement

par besoin de certaines régions de fusionner un ou deux services ou encore de décentraliser. Les MRC, surtout, ont été faites dans l'esprit, si j'ai bien compris la loi, si je l'ai bien interprétée pour décentraliser, comme on l'a dit dans certains textes qu'on nous soumettait ou qu'on soumettait aux gens qu'on rencontrait, certains pouvoirs de certains ministères, de certains organismes sur les plans local et régional.

Alors le premier argument ne tient absolument pas. Ce dont ils parlent, c'est d'une fusion massive, ce qu'ils ont eue. Alors, ce n'est pas une MRC, c'est une nouvelle ville. Ce n'est absolument pas dans l'esprit de la loi no 125 que la ville de Mirabel a été formée. Alors, ce n'était pas une MRC, avant la lettre, absolument pas.

M. de Bellefeuille: Le deuxième argument, c'est que Mirabel a des objectifs et problèmes spécifiques en matière d'aménagement et d'urbanisme. Ma réaction devant cet argument, c'est qu'il passe un peu à côté de la question. Qu'est-ce qui est...

M. Lussier: Au contraire.

M. de Bellefeuille: ...spécifique? C'est la présence de l'aéroport...

M. Lussier: C'est cela. Et au contraire...

M. de Bellefeuille: Et vous en parlez dans votre mémoire, oui.

M. Lussier: C'est cela. Au contraire, c'est que Mirabel à cause de son étendue et parce que les gens aux conseils municipaux étaient des administrateurs, des fonctionnaires, c'est que, pour eux, ils développent une espèce de certitude qu'ils sont assis sur une mine d'or et que - c'est ce que les maires des environs nous répétaient - ils ne peuvent pas négocier avec eux, ils ne peuvent pas arriver à des ententes. C'est très long quand il arrive une entente, et semble-t-il, c'est sur des problèmes mineurs. On a beaucoup de difficultés parce que les jeunes développent de plus en plus, semble-t-il, une espèce de mentalité d'insulaire parce qu'ils pensent posséder beaucoup et ils veulent le garder pour eux mêmes. Alors, à l'intérieur de cette grande région, au lieu de participer à l'aménagement et au développement, ils ont une tendance à rester sur eux-mêmes et à faire l'aménagement de ce très vaste territoire, même pour une grande partie de la région, uniquement pour leur bien-être à eux ou quelque chose de semblable.

M. de Bellefeuille: C'est dans ce sens que...

M. Lussier: Ce qui est absolument impossible parce qu'ils ont des contraintes physiques, des contraintes géographiques, des contraintes de route, des contraintes d'aéroport, des contraintes immenses pour essayer de créer une ville qui se tienne. Ils ont même six comités, si ma mémoire est bonne, de bibliothèque, six comités d'incendie et six comités d'une autre chose...

Une voix: ...de loisir.

M. Lussier: ...de loisir.

M. de Bellefeuille: C'est un peu dans ce sens que vous écrivez dans votre mémoire que l'administration municipale tend à se confondre avec l'administration aéroportuaire.

M. Lussier: C'est cela. Mon expérience de maire aussi, c'est qu'une ville se donne une vocation à un moment donné et, quand une ville gère, c'est toujours cette vocation qu'elle privilégie. Quand il y en a deux qui sont importantes, l'agriculture serait extrêmement importante, mais ce n'est pas cela qui devient important, cela devient même encombrant, cela devient plus que secondaire. Pourquoi avez-vous été obligé d'adopter une Loi sur la protection du territoire agricole? C'est parce que des municipalités avaient tendance à empiéter d'une façon anarchique sur le territoire agricole. Il y a des villes qui - je me réfère, disons, à Repentigny que je connais mieux et où j'ai été maire - croyaient avoir une vocation d'urbanisation et tout ce que cela apporte: centre commercial, industries, etc. Alors, les terres agricoles gênent, c'est une contrainte quand on a fixé un développement urbain pour sa ville. Alors, ce sont deux buts ou deux vocations qui s'entrechoquent, qui ne se complètent pas en réalité. C'est évident que, dans une ville, on peut avoir une petite zone agricole, une zone commerciale, excepté qu'une ville a sa propre vocation et ses axes administratifs et ses budgets refléteront cette préoccupation.

C'est dans ce sens qu'on pense qu'au point de vue de la loi no 125, il serait bon de démanteler cela, mais au point de vue de la revalorisation et de la revitalisation de l'agriculture, cela irait aussi dans le même sens que la loi no 125 le demanderait, dans le sens d'un démantèlement. C'est ce qu'on vient exposer en fait à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.

M. de Bellefeuille: Vous êtes en train de dire que, de la part des autorités municipales de la ville de Mirabel, même avec les convictions les plus profondes quant à l'importance de l'agriculture et même avec les meilleures intentions au monde, la structure, la situation fait qu'il est difficile

pour cette administration de reconnaître concrètement l'importance de l'agriculture?

M. Lussier: Je suis d'accord avec cela. On veut dire aussi qu'on a rencontré les gens de Mirabel, le conseil municipal. Ce sont des gens qui travaillent extrêmement fort et qui veulent créer un sentiment d'appartenance. Ils ont beaucoup de mérite parce qu'ils y passent beaucoup de temps et y mettent beaucoup d'énergie, excepté que c'est une tâche impossible, une ville impossible en fait. Pour citer encore des paroles d'évangile, ils ne peuvent pas servir deux maîtres à la fois. Ils ne peuvent pas penser agriculture et penser développement et urbanisation, avoir ces deux vocations de pair et les faire fonctionner. À notre avis, l'expérience prouve le contraire. C'est presque toujours en conflit, mais, comme je vous le disais, cela n'exclut pas que, dans une ville, il y ait de l'agriculture, mais il y a un village, une zone urbaine, il y a ceci, il y a cela. Il y a une vocation propre à chacune des villes, je pense.

M. de Bellefeuille: Le troisième argument de la ville, c'est la reconnaissance et l'utilisation des commissions d'urbanisme de secteur créées par le SATRA. Il faudrait peut-être préciser que le SATRA est un organisme qui n'existe plus, c'était le Service de l'aménagement du territoire de la région aéroportuaire. Comment répondez-vous à cet argument, Dr Lussier?

M. Lussier: Avec l'avènement de la loi no 125, la loi les exempte d'un certain travail de confection d'un plan de réaménagement, mais quand même, dans toute cette grande zone, maintenant, avec la loi no 125, c'est à reprendre. Il y a des éléments de dossier, des analyses faites qui sont valables encore, excepté que tout cela est à reprendre. C'est un autre aspect, actuellement, et, avec les buts que poursuit la loi no 125, Mirabel, tel que cela a été fait ou conçu, on s'aperçoit, même le PICA, le ci, le ça, que c'est à repenser. Tout cela est dans les archives. Ce n'est pas un argument valable pour garder une grandeur, une enclave de cette nature et l'autre chose, c'est que les nouvelles structures municipales à deux paliers, c'est bâti pour beaucoup d'années et les conseils de comté, les municipalités telles qu'on les connaît, c'est depuis à peu près 1846. Disons qu'ils ont plus de 100 ans. Les nouvelles structures sont là pour un bon bout de temps. Je pense bien qu'on ne recommencera pas de sitôt tout ce qu'on a fait pour la loi 125. Bâtir des MRC sur des prémisses qui ne se défendent pas, ce n'est pas adéquat. Je pense qu'il s'agit d'y penser avant de terminer cette phase de restructuration municipale dans cette zone. Il ne faut pas bâtir quelque chose qui va durer beaucoup d'années sur des prémisses qui ne sont pas bonnes.

M. de Bellefeuille: Le quatrième argument de la municipalité, c'est la préservation et la mise en valeur du sentiment d'appartenance que la ville a essayé de créer depuis dix ans.

M. Lussier: Essayer, c'est cela. Ils ne peuvent pas. Que voulez-vous? Vous avez un aéroport de grande envergure, vous ne passez rien en dessous, vous ne passez rien en surface, vous ne passez rien par-dessus; il y a trois commissions scolaires qui vont sur le territoire. Il y a des services de santé. Ils ont voulu avoir un CLSC; le CRSSS a dit: Ce n'est pas justifiable. On ne peut pas vous en mettre là. Alors, ils sont éparpillés. Vous pouvez avoir des professionnels de toute nature. Ils ne sont pas sur le territoire. Vous passez de l'un à l'autre. De toute façon, il y a des autoroutes, il y a ci, il y a ça. Il y a des accidents physiques, géographiques, tout ce que vous voulez, et la grandeur. À un moment donné, seulement pour savoir ce que c'était, partir de Lachute pour se rendre jusqu'à Saint-Jérôme ou de Saint-Hermas à Saint-Janvier, c'est toute une embardée, monsieur. Cela est une même ville. Comment voulez-vous que les gens se rencontrent? Ils ont bâti une aréna et cela a été toute une épopée. Il faut se rendre, en plus; ils ne peuvent pas créer un sentiment d'appartenance.

M. de Bellefeuille: Ma dernière question, parce que je ne voudrais pas prendre trop de temps à la commission. Combien de municipalités envisagez-vous et elles seraient composées, en gros, de quelles anciennes municipalités?

M. Lussier: Oui, d'accord. L'autre argument peut-être qu'on n'a pas mis là-dedans et qui n'est pas un argument qui vient du comité de consultation, c'est qu'il s'agirait aussi de recréer le tissu agricole, le tissu municipal qui existait dans le temps. Combien de villes verrait-on là-dedans? Cela peut varier, mais c'est au minimum trois et au maximum six, parce qu'il y a trois MRC; il y a des municipalités qui s'en vont normalement à Lachute, d'autres s'en vont vers Saint-Eustache et d'autres s'en vont naturellement vers Saint-Jérôme. Il s'agirait - consultation de la population, étude de dossiers, de ci, de ça - de délimiter cela. On sait que, dans le plan directeur d'urbanisme de la ville de Mirabel, actuellement, il y a trois pôles de développement urbain. Je n'ai jamais vu une ville qui, dans son plan directeur, a trois pôles de développement urbain. Il y a six conseils ou comités. Je pense que cela irait entre trois et six, mais on n'a pas voulu déterminer cela et faire des

études parce qu'il y a une consultation de la population et aussi d'autres études à faire, je pense.

M. de Bellefeuille: Pourriez-vous situer les trois pôles dans le schéma de la ville? C'est quoi ces trois pôles?

M. Lussier: Les trois pôles, ce sont des pôles qui se rattachent à Saint-Eustache...

M. de Bellefeuille: Oui, mais, à l'intérieur de Mirabel, c'est localisé dans le plan, dans le schéma de Mirabel?

M. Lussier: Oui, c'est localisé, mais je pense...

M. de Bellefeuille: Saint-Augustin?

M. Fillion (Georges): Nous autres, en tout cas, au moment de la consultation, ce que les maires nous ont rapporté, en gros, c'est que la région de Saint-Janvier est définitivement rattachée à la région de Saint-Jérôme... (12 h 45)

M. de Bellefeuille: Oui.

M. Fillion: ...et celle de Saint-Hermas, du côté de Lachute, et Saint-Benoît, du côté de Saint-Eustache. Ce qui a fait en sorte qu'on n'a pas pu créer, en fait, une MRC avec les mêmes objectifs qu'on avait ailleurs, à savoir une région d'appartenance. Alors, ces trois pôles, on ne les a pas examinés à fond. Excepté que les maires et les élus nous ont rapporté qu'il était impossible de faire une MRC de Mirabel en prétendant, en tout cas, qu'il y avait une appartenance entre ces trois pôles là.

M. de Bellefeuille: Bon, je vous remercie beaucoup Dr Lussier et M. Fillion.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Le comité consultatif, Dr Lussier, quel était son mandat exact?

M. Lussier: Le premier mandat, la première étape, c'était des consultations avec les municipalités et les élus municipaux et aussi la population pour essayer de définir le mieux possible quelles seraient les limites territoriales ou le périmètre des futures MRC. Après cela, un rapport était fait au ministre et, si le découpage était entériné, par la suite il y avait la deuxième phase qui était la rédaction des lettres patentes et cette rédaction se faisait uniquement avec les élus municipaux. On faisait des rencontres; il y avait certaines décisions à l'intérieur de ces lettres patentes que ces gens-là devaient prendre et on s'efforçait, évidemment, que ces décisions soient prises par consensus. Dès qu'on avait un projet de lettres patentes, on l'envoyait au gouvernement provincial.

M. Ryan: Est-ce que le comité consultatif est encore en existence ou s'il a terminé son travail?

M. Lussier: Non, M. le député, nous ne sommes plus en existence depuis, je pense, la fin novembre ou la fin d'octobre de l'année passée.

M. Ryan: Alors, là, le comité n'existe plus?

M. Lussier: II n'existe plus.

M. Ryan: Dans le rapport que vous avez soumis au ministre, quelle était la recommandation précise à propos de Mirabel?

M. Lussier: C'est-à-dire que Mirabel ne pouvait pas former une MRC par elle-même, pour les raisons que j'ai énumérées tout à l'heure; il faudrait que la loi soit changée. Deuxièmement, de la rattacher à une des trois MRC de la périphérie, ce n'était pas satisfaisant, ce n'était pas justifiable, cela ne fonctionnerait à peu près pas ou ce serait très boiteux. À ce qu'on voyait, la meilleure solution était un démantèlement de la ville de Mirabel et la création d'une zone spéciale, comme le permet la loi 125, de la zone aéroportuaire comme telle; aussi, disons que pour l'administration de cette zone, ce à quoi on pensait c'est à une administration qui pourrait être sensiblement celle qu'on connaît dans les villes nouvelles créées en Angleterre. C'est-à-dire que c'est un conseil nommé qui administre et, au bout d'un certain temps, ce conseil nommé peut disparaître et faire place à des élus locaux quand c'est assez organisé pour cela, quand...

M. Ryan: À quelle date avez-vous remis ce rapport?

M. Lussier: Pardon?

M. Ryan: À quelle date le rapport a-t-il été remis au ministre?

M. Lussier: Le rapport pour la... Pas celui-là, pas celui pour la commission parlementaire?

M. Ryan: Non, non, l'autre?

M. Lussier: En novembre, le dernier rapport.

M. Ryan: En novembre 1982? M. Lussier: Je pense. Oui.

M. Ryan: Est-ce qu'il a été rendu public?

M. Lussier: Oui. On l'a expédié... M. Ryan: Oui, est-ce que...

M. Lussier: On l'a expédié à chacun des conseils municipaux et des maires.

M. Ryan: Est-ce que vous avez été invités à aller discuter de Mirabel au conseil de ville de Mirabel?

M. Lussier: Après?

M. Ryan: Oui.

M. Lussier: Non.

M. Ryan: Non.

M. Lussier: Non. Avant.

M. Ryan: Quelle attitude les autorités de la ville de Mirabel ont-elles prises sur les recommandations que vous avez faites? Est-ce qu'il y a une opinion dissidente ou minoritaire dans votre rapport ou s'ils ont souscrit à ce que vous disiez?

M. Lussier: Les résolutions que le conseil municipal a passées ont toujours soutenu que Mirabel devait être une MRC en elle-même et que s'il fallait changer la loi, qu'on change la loi, comme on l'a fait pour la ville de Laval; que Mirabel soit considérée comme une MRC en elle-même. À un moment donné, on a passé une résolution précisant que s'il fallait absolument qu'on soit deux villes pour former une MRC minimum, qu'on le soit avec Saint-Colomban.

M. Ryan: Oui, il y avait...

M. Lussier: C'était assez ridicule. D'ailleurs, c'était simplement pour, un moment passé, faire indirectement ce qu'on ne pouvait pas faire directement.

M. Ryan: On aurait été mieux d'amender la loi une deuxième fois à ce moment-là. La loi a déjà été amendée une fois, comme vous le disiez, pour Laval. C'est dans la loi, d'accord.

M. Lussier: Je pense que c'est l'adoption de la loi qui a été...

M. Ryan: D'accord. En tout cas, il y a une exception qui est déjà inscrite dans le texte de la loi.

Est-ce que, dans votre mandat, il était compris de faire des recommandations sur la structure interne d'une ville ou est-ce une opinion que vous avez ajoutée là sur la foi de ce que vous avez constaté? Vous avez peut-être dit: On met cela là. Était-ce vraiment dans votre mandat de faire une étude sur les structures de Mirabel?

M. Lussier: Disons que directement, peut-être pas, mais indirectement, oui, parce que Mirabel existe, c'est une entité, c'est là et des MRC, on en a besoin dans toute la province, c'est fait pour tout le territoire de la province de Québec. On ne peut pas ignorer le cas Mirabel. C'est évidemment un cas particulier sur lequel on devait se pencher, je pense, et donner certaines indications. Après cela, cela suivra son petit bonhomme de chemin à un moment donné. Nous pensons qu'on devait - comme on se penchait sur ce dossier - inévitablement scruter les arguments de la ville de Mirabel et d'autres environnements parce qu'on veut faire des développements régionaux. C'est une entrave au développement et à l'aménagement régionaux. Je pense qu'il n'y a pas d'erreur de constater cela.

M. Ryan: Combien y avait-il de maires impliqués?

M. Lussier: Les maires des alentours?

M. Ryan: Oui. Votre région couvrait toutes les Laurentides, je pense.

M. Lussier: M. Fillion est de la région. Il fait partie du conseil de comté et je pense qu'il est habilité à répondre.

M. Fillion: De toutes les MRC qui ont été constituées en périphérie de Mirabel, on peut dire qu'il y avait au moins de 30 à 40 maires qui ont été consultés sur ce cas précisément.

M. Ryan: Vous dites qu'il y avait un consensus de tous ces maires pour suggérer le démantèlement de Mirabel?

M. Lussier: Oui.

M. Fillion: II en a été question abondamment dans nos réunions et on a soulevé la question nous mêmes puisqu'on avait définitivement un problème avec Mirabel. On avait comme travail de produire un rapport à savoir si Mirabel doit constituer une MRC en elle-même ou si on doit rattacher Mirabel à une des MRC en périphérie? Bien entendu il a été impossible, pour les raisons que le docteur vous a données tout à l'heure... Il était impensable pour les gens de Saint-Janvier de se voir à l'intérieur d'une MRC de Saint-Eustache, par exemple, comme cela n'avait pas plus d'allure pour des gens de Saint-Benoît de faire partie de la MRC de Saint-Jérôme.

Bien entendu, les maires, comme nous,

ont constaté ce fait, de sorte que la plupart - la grosse majorité - ont dit que finalement c'était infaisable et que la solution qui était sur la table, à ce moment-là, méritait d'être étudiée sérieusement. D'ailleurs, on ne dit pas que cela doit se faire et qu'il est souhaitable de le faire à court terme, sauf qu'on dit qu'il devrait au moins y avoir une étude sur cela et ensuite les gens devraient être consultés pour voir si cela est faisable. Peut-être qu'à l'analyse on pourrait arriver à une autre conclusion, mais actuellement il n'a pas été démontré que c'est infaisable.

Dans un gouvernement local qui serait peut-être moins gros que Mirabel et qui pourrait peut-être représenter une région à vocation agricole, peut-être le conseil de ville serait-il plus attentif aux demandes concernant les problèmes des agriculteurs qui sont ici aujourd'hui. Ce conseil municipal d'une région pourrait peut-être mieux supporter les demandes qu'ils font aujourd'hui vis-à-vis les gouvernements supérieurs, tandis qu'aujourd'hui, c'est peut-être difficile pour la ville de Mirabel de défendre en même temps les vocations industrielle et agricole qu'elle veut se donner, comme le docteur le disait tout à l'heure.

M. Lussier: Si je puis ajouter quelque chose, quand on était rendu à la phase d'écrire des projets de lettres patentes, le premier détail était la description du territoire. À cette occasion, on a demandé à chacune de ces MRC, surtout en périphérie, d'abord s'il y avait démantèlement de Mirabel et si c'était sérieux, si elle voulait attendre avant de décrire son territoire. C'est à cette occasion qu'on a obtenu ces réponses. Les gens ont dit: Ce qui est sûr actuellement, c'est que le territoire, c'est celui-là qu'on s'est donné; alors, on va écrire nos lettres patentes. Dans notre tête, évidemment, il a été convenu que, s'il y avait une partie des autres villes qui venait s'ajouter à cette MRC, disons, Saint-Jérôme, Saint-Eustache et Lachute, ils seraient prêts à l'accepter et il serait souhaitable que cela vienne s'ajouter. Mais ils ont écrit leurs lettres patentes et ils ont décrit leur territoire en fonction qu'éventuellement - ils le pensent et les décisions qu'ils prennent, c'est censé être aussi dans ce sens-là - il y ait d'autres villes qui viennent se greffer et qui sont dans leur région d'appartenance. C'est surtout à cette occasion-là qu'il fallait discuter, pour répondre à un autre élément de votre question.

M. Ryan: Dans les consultations que vous avez faites avant d'écrire votre rapport, est-ce que vous auriez entendu des groupes de villes ou Mirabel vous faire cette suggestion-là? Quels seraient-ils?

M. Lussier: Je suis arrivé à une phase de la consultation où elle était à peu près terminée. M. Fillion, pour la première phase.

M. Fillion: Au début de la consultation...

M. Ryan: Évidemment, vous comprendrez comme moi que, si cela vient de gens de l'extérieur... Si cela vient de gens de l'intérieur, c'est assez différent.

Une voix: Oui.

M. Ryan: J'aimerais savoir s'il y a eu des...

M. Fillion: Au début de la consultation, le comité de consultation a mis un mécanisme de consultation en marche et on a sollicité des mémoires de tous les gens, pas uniquement des conseils municipaux, mais de tous les groupes de citoyens et même des individus. Pour chacun des territoires, des anciennes corporations de comté, on a lancé des invitations pour que les gens nous produisent des rapports. Je me souviens, entre autres, d'avoir été à Saint-Eustache, un soir, où M. de Bellefeuille était présent. C'était, à ce moment-là, au niveau des individus et autres. Il n'a pas été question, en tout cas, il n'y a pas eu de groupes qui sont venus manifester leur accord sur un démantèlement comme tel, excepté...

M. Ryan: Vous n'avez jamais reçu une recommandation en ce sens-là d'aucun groupe.

M. Lussier: Non. Des citoyens, pas à ma connaissance.

M. Ryan: Bien. Vous autres, vous n'avez pas fait d'étude approfondie non plus. Vous n'avez pas fait un examen de toute la structure de services, la structure fiscale de la municipalité, ses problèmes de communications, etc.

M. Lussier: C'est-à-dire qu'au point de vue des services de santé, on n'a pas d'étude exhaustive, mais, au point de vue des commissions scolaires, surtout quand on a consulté la commission scolaire régionale de Saint-Jérôme, le président du comité des parents, c'était quelqu'un qui restait à... De toute façon... Mais on n'a pas fait d'étude très poussée, non. Mais je pense que tous les témoignages qu'on a pu recueillir, avec les notions qu'on peut posséder de ces dossiers...

M. Ryan: Mais vous reconnaissez que, n'ayant pas fait une étude vraiment approfondie, vous émettez une suggestion qui peut être une hypothèse de travail, mais cela demande à être vérifié de beaucoup plus près.

M. Lussier: Oui. À première vue, pour nous, cela semble extrêmement souhaitable qu'il y ait un démantèlement de Mirabel. Mais, dans la réalité, si on devait le faire, si c'était si souhaitable, est-ce que c'est réalisable, à quel coût et, socialement, qu'est-ce que cela veut dire? Financièrement, d'après les premières études qu'on a pu faire et qu'on a fait faire au ministère, au contraire, il ne semble pas y avoir de problèmes au point de vue financier. Mais il s'agit de compléter et de présenter cela à la population si jamais on veut aller jusque-là. Mais je pense que c'est une idée à débattre et que le public devrait s'y intéresser, surtout les gens de Mirabel.

M. Ryan: Quand vous dites d'après des études qui auraient été faites au ministère, est-ce que ce sont des études avancées ou des calculs tout à fait exploratoires?

M. Lussier: Ce sont des calculs exploratoires. C'est pour voir si cela vaut la peine d'explorer, d'aller plus loin. Cela vaut la peine d'aller plus loin dans cette étude.

M. Ryan: Savez-vous si ces études sont à la disposition des autorités et des citoyens de Mirabel ou si cela reste seulement pour les membres du club des initiés?

M. Lussier: C'est-à-dire qu'à un moment donné, avant de présenter cela, on voulait savoir si, financièrement, c'était, comme on dit, quelque chose où il y aurait eu une barrière, c'est-à-dire que les gens auraient été violemment contre. C'est pour cela qu'il fallait explorer un peu, à savoir si c'était faisable financièrement. Cela a été uniquement une exploration de ce genre pour voir si on n'embarquait pas dans une affaire pour se faire dire... (13 heures)

M. Ryan: Est-ce que vous seriez d'accord, MM. Lussier et Fillion, qu'avant de procéder, si jamais il envisageait d'aller dans cette voie que vous suggérez, le gouvernement devrait créer un organisme d'enquête en bonne et due forme qui entendrait tous les points de vue, qui examinerait l'affaire en profondeur, qui ferait un rapport qu'il pourrait discuter et dont les conclusions seraient ensuite soumises au jugement des citoyens? Est-ce que vous trouvez que ce serait une procédure raisonnable?

M. Lussier: Quelque chose qui ressemblerait à cela. Quant à la structure de comités, de commissions ou de commissions d'enquête, je n'ai pas d'idée arrêtée, mais je pense que, pour nous, dans ce problème, qui est un problème régional, il faudrait que cette étude soit menée beaucoup plus en profondeur et qu'une consultation des citoyens ait lieu à la fin, d'une certaine façon.

M. Ryan: Très bien, cela fait mon affaire. Juste une autre question. Avez-vous regardé la carte scolaire en même temps que vous faisiez votre travail ou si cela vous était...

M. Lussier: Oui, monsieur.

M. Ryan: Vous avez regardé cela?

M. Lussier: Oui, c'est un élément important.

M. Ryan: Aviez-vous des suggestions à faire là-dessus ou si vous n'avez pas touché à cela du tout dans votre...

M. Lussier: Quand vous parlez aussi de la carte scolaire, vous parlez de transport scolaire. Il y a aussi un peu de transport dans la région, alors il y a toute une région qui s'en va à Saint-Jérôme et...

M. Ryan: Êtes-vous au courant de ce qui arrive pour la carte scolaire qui est proposée par le gouvernement?

M. Lussier: Non cela est arrivé après.

M. Ryan: C'est vrai que votre mandat est fini. Mais, là, il propose une carte scolaire - on me contredira si j'ai tort -selon laquelle les enfants du territoire de Mirabel seraient envoyés surtout à Saint-Jérôme. Cela veut dire que - vous trouviez déjà cela loin d'aller de Saint-Benoît à Sainte-Monique ou à Sainte-Scholastique - là, les enfants s'en iraient à Saint-Jérôme. Ceux de Saint-Hermas, qui relèvent actuellement de la Commission scolaire du Long-Sault -laquelle est à Lachute - seraient envoyés à Saint-Jérôme également. Je pense qu'il y a un manque de coordination pas mal grand entre une carte et une autre.

M. Fillion: Quand vous dites la majorité, c'est qu'actuellement la majorité des enfants de Mirabel vient du secteur Saint-Janvier, de sorte qu'actuellement la grosse majorité des enfants va à la Commission scolaire de Saint-Jérôme.

M. Ryan: Actuellement, ils sont servis par six commissions scolaires différentes. Si vous examinez tout le tableau, ils sont servis par six commissions scolaires, il y en a qui relèvent de Sainte-Thérèse, il y en a qui relèvent de Saint-Eustache, il y en a qui relèvent du Long-Sault, d'autres de Saint-Jérôme, il y en a qui relèvent du Laurentian School Board.

M. Lussier: Toujours pour une ville.

M. Ryan: Pardon?

M. Lussier: Toujours uniquement pour une ville.

M. Ryan: Non, ce n'est pas cela, il ne faut pas exagérer.

M. Lussier: Non.

M. Ryan: C'est que la partie sud de Mirabel est bien plus proche de Sainte-Thérèse au point de vue scolaire et, que les enfants aillent là, même si ce n'est pas le même nom, ce n'est pas une grosse source de scandale. C'est cela que je veux vous dire. Que ceux de Saint-Hermas soient plutôt reliés à la Commission scolaire de Lachute, il n'y a pas de scandale là non plus, il y en aurait un s'ils étaient "shippés" beaucoup plus loin.

M. Fillion: Mais, nous, dans ce qu'on demande...

M. Ryan: Si vous me permettez, ce que je vous demande c'est: Est-ce que vous avez regardé les liens entre une carte et l'autre et fait des recommandations ou si vous avez été saisis à l'occasion, mais ce n'était pas votre domaine?

M. Lussier: Non, il fallait consulter les cartes des commissions scolaires et, dans la plupart des MRC, c'est sensiblement la carte... On vérifiait les cartes parce qu'on avait des éléments qu'on devait vérifier.

M. Ryan: En tout cas, je souligne le problème à l'attention du gouvernement. D'ailleurs, j'ai écrit abondamment au ministre de l'Éducation à ce sujet. Il y a des problèmes spéciaux qui se posent chez nous et je voulais voir si vous en étiez au courant. Cela fait mon affaire.

M. Lussier: Je ne suis pas au courant, mais quand on a consulté les cartes des commissions scolaires, c'était un élément pour essayer de trouver les périmètres de la nouvelle MRC ou de la MRC future.

M. Ryan: Alors, pour l'instant, il n'y a pas de décision de prise pour la MRC. Il faut bien finir par cela. Nous avons interrogé le ministre qui était avec nous, hier après-midi, et il a dit...

Une voix: II est encore là!

M. Ryan: Oh, excusez-moi. Il faut que je surveille ce que je vais dire.

Le Président (M. Bordeleau): II est là.

M. Ryan: II n'y a aucun problème, comme vous le voyez, aucun problème. Trouvez-vous que Mirabel peut continuer longtemps ainsi sans être située nulle part au point de vue des MRC, alors que toutes les autres MRC se mettent en marche avec les services auxquels cela donne accès et les défis qui les amènent à se définir et tout? Pensez-vous qu'on peut rester longtemps dans cet état d'indéfinition?

M. Lussier: Je pense qu'on va en arriver à une décision le plus tôt possible, mais à une décision bien mûrie, parce que, d'abord, ce n'est pas simplement pour les gens de la ville de Mirabel eux-mêmes, mais aussi pour toute la région et toutes les autres MRC, parce que cette région se tient en même temps. Un voisin qui vit bien, l'autre voisin vit mieux.

M. Ryan: À partir de ce moment-là, la parole est au ministre, non pas à moi, sur ce sujet précis. Toute précision qu'il est susceptible de nous apporter nous intéresse vivement.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre, avez-vous...

M. Ryan: Je parlais du ministre des Affaires municipales.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, d'accord, mais celui qui est plus proche de moi m'avait demandé la parole.

M. Ryan: Je n'ai pas d'objection.

Documents sur la télédiffusion des travaux de la commission

M. Garon: Avant l'ajournement, j'aimerais déposer deux documents qui confirment les paroles que j'ai dites tantôt qui indiquent que le député d'Argenteuil a induit la commission parlementaire en erreur. D'abord, je voudrais déposer le procès-verbal de la quatorzième réunion du comité consultatif sur la radio-télédiffusion des Débats tenue le mercredi 6 octobre 1982, au salon du président, où étaient présents le président de l'Assemblée nationale, M. Claude Vaillancourt, MM. Antoine Drolet, Raymond Brien et Marc-Yvan Côté. Il y a une note où on dit que MM. Jacques Brassard et Michel Pagé étaient représentés par leurs directeurs de cabinet respectifs. On dit, au paragraphe 2: "Le représentant du whip en chef de l'Opposition répond négativement à la demande de télédiffusion de la commission de l'agriculture sur les expropriés de Mirabel. Le représentant du whip en chef du gouvernement répond positivement à la même requête." Je pense que c'est clair.

Une voix: Quelle date avez-vous dit?

M. Garon: Le 6 octobre 1982, et j'ai demandé aussi qu'on me sorte les procès-verbaux sur la décision qui a été prise d'aller siéger à Mirabel, pour laquelle j'avais écrit le 24 septembre et ensuite, c'est seulement après le refus d'aller siéger à Mirabel que j'ai demandé la télédiffusion dans une lettre du 1er octobre. Je déposerai toute la séquence des lettres que j'ai écrites là-dedans ou des réponses que j'ai eues. Je peux vous dire que j'ai aussi un procès-verbal de la réunion du 20 octobre où les deux sont d'accord pour que ce soit la commission parlementaire sur Hydro-Québec, les 26, 27 et 28, qui soit télédiffusée, mais c'est uniquement à la suite du refus de l'Opposition du 6 octobre 1982. Et j'aurai aussi la décision du président, à la suite de ce procès-verbal, qui est très claire. Le parti de l'Opposition officielle n'était pas consentant que ce soit télédiffusé dès le mois d'octobre. M. le Président, j'espère que le député d'Argenteuil retirera toutes les accusations qu'il a portées contre le ministre de l'Agriculture et il verra, à ce moment-là, que le ministre de l'Agriculture a une mémoire meilleure que la sienne.

Le Président (M. Bordeleau): II n'y a pas de dépôt de documents comme tels, mais on peut distribuer les copies aux membres de la commission. Il est passé 13 heures. Cela me prendrait le consentement pour qu'on ajourne les travaux dans quelques minutes.

M. Mathieu: Je vais prendre 30 secondes.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Merci du consentement de mes collègues. C'est pour m'excuser du fait que, cet après-midi, je ne pourrai pas participer à cette commission. Je ne voudrais pas me faire taxer d'indifférence envers cette commission. J'ai suivi les travaux depuis le début, mais je dois participer à l'enregistrement d'une émission au sujet de la politique céréalière du gouvernement du Canada sur les tarifs du Nid-de-Corbeau. J'espère que le ministre va trouver que c'est une raison suffisante. Je voudrais dire, par exemple, pour avoir suivi tous les travaux de cette commission, que je suis content de les avoir suivis. Je ne connaissais rien au problème, même si je pensais le connaître. J'ai été surtout édifié de la perspicacité et du travail de recherche approfondi fait par le député d'Argenteuil. C'est dans son comté. Il m'a fourni beaucoup de documents également. Quand on a dit hier qu'il était un agent du fédéral, j'espère que ce sont des paroles qui ont dépassé la pensée, parce que je pense que c'est absolument faux.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Comme il reste d'autres intervenants pour les représentants du comité consultatif de la MRC des Laurentides, je leur demanderais de revenir à 15 heures. Est-ce possible? J'ai trois autres intervenants et le ministre m'avait souligné ce matin qu'il ne pourrait pas dépasser tellement 13 heures à cause d'autres rencontres déjà prévues à l'heure du dîner.

M. Lussier: Je peux revenir à 15 heures si...

Le Président (M. Bordeleau): Oui? Vous pouvez revenir à 15 heures?

M. Lussier: Vous voulez que je revienne à 15 heures?

Le Président (M. Bordeleau): Oui... M. Lussier: Je peux revenir.

Le Président (M. Bordeleau): ... parce qu'il y a d'autres questions à poser.

La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 10)

(Reprise de la séance à 15 h 32)

Comité de consultation (suite)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend donc ses travaux. À la suspension de ce midi, nous en étions à une période de questions, d'échanges avec le Dr Lussier ainsi que M. Fillion. Je leur demanderais de s'approcher. J'ai actuellement, pour des questions, les noms des députés de Groulx et de Richmond. M. le député de Groulx.

M. Fallu: M. le Président, si vous le permettez, avant de toucher le mémoire, j'aimerais profiter de votre présence pour qu'on rectifie ensemble ce qui est devenu de notoriété courante, mais qui, à ce que je crois, comme historien - et vous qui l'avez vécu, j'aimerais que vous en témoigniez - est une erreur historique très grossière. On a à l'époque pensé, et c'est resté l'impression de beaucoup, que le gouvernement dont vous faisiez partie, qui avait certes contesté au départ l'emplacement de l'aéroport, par la suite, devant ce qui semblait être l'inévitable, s'était résolu à participer à l'aménagement du territoire pour que l'aéroport de Mirabel puisse se faire, l'installation puisse se faire dans le respect

des juridictions du Québec. Dans ce sens, d'ailleurs, au mois de décembre 1968, quelque quatre mois avant l'expropriation, c'est-à-dire avant l'annonce officielle de l'installation de l'aéroport à Mirabel, votre gouvernement avait introduit et fait voter une loi d'aménagement. Certes elle était très brève parce que c'étaient des pouvoirs d'aménagement qui étaient donnés au Conseil des ministres, des pouvoirs très larges d'aménagement. Est-ce que vous pourriez nous dire rapidement quel était le sens que vous aviez donné à cette loi sur l'aménagement et en quoi elle permettait au gouvernement du Québec de participer, dans le respect des juridictions provinciales et fédérales, à l'implantation de l'aéroport international de Montréal à Mirabel?

M. Lussier: Très bien, merci. À cette époque, pour le gouvernement fédéral, c'était M. Hellyer qui s'occupait du dossier. Il y avait évidemment des discussions au point de vue des juridictions. Le gouvernement provincial admettait que l'implantation strictement de l'aéroport et de la gare, cela pouvait être de juridiction fédérale, comme choisir un emplacement, mais que le fédéral ne pouvait pas exproprier plus que pour ces fins directement et strictement liées à l'implantation directe de l'aéroport et que l'aménagement autour de cet aéroport, de façon plus ou moins éloignée, était de juridiction provinciale. M. Hellyer avait demandé, par écrit, au gouvernement dans le temps de bien vouloir présenter une loi qui, en fait, donnait au Conseil des ministres un pouvoir pour que, aussitôt connu l'emplacement strictement pour l'implantation de l'aéroport, pour un certain nombre de milles carrés - si je ne me trompe pas, ce sont 100 milles carrés aux alentours - par arrêté en conseil immédiat, aussitôt la décision du fédéral connue, nous gelions tout ce territoire environnant à l'aéroport strictement comme tel. Nous avons demandé à l'Assemblée nationale à l'époque un chèque en blanc pour le Conseil des ministres qui s'en servirait, évidemment, à bon escient, aussitôt que le fédéral ferait connaître sa décision au point de vue strictement de l'emplacement des pistes de ce nouvel aéroport international. En réalité, on nous a demandé de présenter cette loi, ce qu'on a fait de bonne foi. Lorsqu'on a décidé de l'implantation de cet aéroport international et de toute l'expropriation du terrain, on l'a appris un midi en même temps que tout le monde. Cela a été dans les médias d'information, dans les journaux et, en même temps, on nous remettait une lettre du fédéral nous disant: On vient de faire cela. Tous les plans avaient été déposés au bureau d'enregistrement pour l'expropriation, après qu'on l'a su.

M. Léonard: Vous nous dites donc que c'est même à la demande du gouvernement fédéral que l'Assemblée nationale avait donné ces pouvoirs.

M. Lussier: C'est à la demande du gouvernement fédéral, après une entente, que cette loi avait été présentée à l'Assemblée nationale et que cela avait été voté à l'unanimité des deux côtés de la Chambre, cette loi - je le répète - qui donnait des pouvoirs extraordinaires, un chèque en blanc au Conseil des ministres pour geler tout le pourtour, les 100 milles carrés aux environs du territoire, pour arrêter toute spéculation ou toute mauvaise utilisation de ces terrains, pour donner une chance au gouvernement provincial et aux municipalités de réagir après avoir pris connaissance de la décision du fédéral. On a passé complètement pardessus, on ne s'en est pas servi, mais c'était à la demande stricte du fédéral, de M. Hellyer, qui était ministre.

M. Fallu: Donc, en somme, c'est en contradiction avec ses propres intentions initiales que le gouvernement fédéral a exproprié inutilement, pour fins d'aménagement, ces 80 000 acres de terrain.

M. Lussier: C'est exact.

M. Fallu: Merci. Votre mémoire se veut en fait une sorte de témoignage de ce que vous avez vu et entendu, avec l'émission d'un certain nombre d'hypothèses. Est-ce que vous pourriez nous dire si, dans la consultation des municipalités environnantes de la ville de Mirabel - puisqu'on a fait abondamment référence, ce matin, du point de vue de la ville de Mirabel - l'une ou l'autre de celles-ci vous auraient demandé soit le rattachement à leur MRC, le démantèlement ou, à la limite, la création de Mirabel comme MRC?

M. Lussier: Quant aux municipalités environnantes, ce qui est arrivé en particulier pour la MRC de Saint-Jérôme, il y a une résolution d'adoptée, alors qu'on demandait de rattacher Mirabel à la MRC de Saint-Jérôme. Pour la MRC de Saint-Eustache, si je me souviens bien, il n'y a pas eu de résolution officielle, mais, quand on a rencontré MM. les maires de cette région, officieusement, on nous a demandé de rattacher la ville de Mirabel à Saint-Eustache. Mais des résolutions, je ne m'en souviens pas. En ce qui concerne Lachute, la demande de greffer Mirabel à Lachute n'a pas été faite même officieusement, sauf que - je répète la réponse que j'ai faite à M. Ryan ce matin - lorsqu'on a discuté des MRC, chacune des municipalités des environs, à notre avis, a admis que rattacher la ville de Mirabel à une MRC, ce serait très

boiteux. Pour une partie de Mirabel, cela irait très bien, pour la zone strictement d'appartenance de ces nouveaux quartiers de Mirabel, mais tout le monde admettait que ce sont simplement certaines parties de la ville de Mirabel qui, normalement, devraient faire partie de la nouvelle structure des MRC pour telle et telle région. Il y a eu des résolutions fermes d'adoptées, il y a des demandes officielles et officieuses et il y a aussi d'autres municipalités. Tous, à mon avis, ou sensiblement tout le monde, les maires des municipalités environnantes souhaitent un certain démembrement de Mirabel pour les fins que j'ai dites ce matin.

M. Fallu: Je vous remercie de ce témoignage, parce que certains avaient laissé croire que l'approche du comité était un peu propre au comité lui-même. Alors, vous confirmez que cela repose, tout comme votre témoignage, d'abord sur des éléments, sur une vision d'aménagement, d'une part. Cela repose aussi - et c'est ce dont vous deviez témoigner au moment de l'écriture du rapport - sur ce que vous aviez entendu à Mirabel et dans la région.

M. Lussier: Oui. Avant même qu'on commence à parler du démantèlement de Mirabel, il y a des municipalités qui avaient fait la demande que toute la région de Mirabel soit rattachée à leur MRC.

M. Fallu: Du point de vue de l'aménagement - ce sera ma dernière question; c'est peut-être une question théorique, mais j'aimerais avoir au moins votre sentiment - au moment de la naissance de Mirabel, en 1971 ou 1972, fin de 1971, je crois, du moins au moment de l'expropriation, les deux tiers des habitants étaient dans la zone expropriée et un tiers à l'extérieur de la zone. Or, maintenant, les deux tiers des habitants sont dans la zone qui n'est pas expropriée, il ne reste plus qu'un tiers, en proportion, dans la zone expropriée.

Il y a donc eu là, du seul fait de l'expropriation - et on pourrait quantifier ces chiffres - non pas seulement une déstructuration du territoire de l'agriculture, des cultures, etc., mais il y a eu aussi une déstructuration de la population en plus de la déstructuration municipale ou quoi que ce soit. Quelles seraient les conditions pour que - quand on dit "normaliser le territoire", c'est vaste comme idée - il y ait une revitalisation à Mirabel? L'opinion que je vous demande concerne l'agriculture. Est-ce que, pour qu'il y ait cette revitalisation, à votre point de vue, la rétrocession des terres est une des conditions préalables? (15 h 45)

M. Lussier: Oui, d'accord. Nous avons discuté de cette question au comité. Quand nous proposons un démantèlement, ce n'est pas la condition unique qui va faire que cela irait mieux. On pense que c'est tout d'abord la rétrocession des terres qui est nécessaire, qui est primordiale. Une fois cette rétrocession - qui est très avancée ou en train de se terminer - faite, on pense qu'on doit donner la structure municipale qui corresponde le mieux au caractère de ce pays-là. C'est-à-dire que, si c'est surtout agricole - sa vocation est agricole - il devrait y avoir une structure municipale à caractère rural. Après cela, cette nouvelle ville sera reformée; cela revient au tissu municipal - si on peut employer ce terme-là - qui est le plus semblable à celui qu'il y avait auparavant. Après cela, cette ville ira jouer son rôle à l'intérieur de la MRC de son appartenance.

Disons qu'il faut, premièrement, la restitution de ces terres; deuxièmement, une structure municipale qui corresponde au caractère ou à la vocation de ce territoire et, après cela, je pense qu'ils peuvent facilement faire partie... c'est-à-dire respecter la loi 125. Quant au territoire aéroportuaire comme tel, je pense que cela prendrait peut-être une autre structure que la structure rurale, parce qu'il aurait un autre caractère, évidemment, une autre vocation.

M. Fallu: II y a donc un préalable et c'est la rétrocession des terres.

M. Lussier: Oui, nous en sommes convaincus.

M. Fallu: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. Lussier, ce matin, vous faisiez allusion, à la fin de votre mémoire, à des études préliminaires qui auraient été faites au plan fiscal. Vous nous avez dit qu'elles avaient été faites par le ministère des Affaires municipales et qu'elles laissaient entrevoir que le démantèlement ne se ferait pas nécessairement au désavantage de la population. Est-ce que ces études, même si elles sont préliminaires, pourraient être disponibles quelque part, à votre connaissance?

M. Lussier: Je pense qu'il faudrait le demander au ministre des Affaires municipales.

M. Vallières: II serait intéressant de connaître les données qui vous permettent de conclure de cette façon. Même si elles sont préliminaires, elles seraient de nature à éclairer certains intéressés.

Quand on parle de démantèlement,

compte tenu de votre expérience dans le monde municipal, si vous deviez tracer un échéancier, cette question devrait se régler en combien de mois - on parle de court terme, de moyen terme - de façon réaliste?

M. Lussier: C'est extrêmement difficile de préciser une date, d'autant plus que, moi aussi, j'ai été en politique et, chaque fois que j'ai donné des dates, cela n'a jamais coïncidé avec les souhaits qu'on faisait. Je pense que ce qui est important, c'est que les intéressés - le ministère, le qouvernement -puissent étudier, mûrir très bien ces problèmes-là, voir si c'est cela. Nous pensons que c'est la meilleure solution, que tout ce milieu-là chemine et que la grande majorité des gens soit consciente que ce serait sans doute la meilleure solution.

C'est la meilleure façon d'agir. Combien de temps cela prendrait-il? Si cela prend un an, un an et demi ou plus ou moins, ce sont des structures qui, par expérience, demeureront tellement longtemps qu'il vaut la peine de prendre le temps nécessaire pour bien mûrir et avoir le plus de consensus, comme on a voulu le faire avec les MRC, afin que, quand cela s'ouvrira, il y ait le moins de chicanes possible, ou le moins de rancoeur, ou le moins de cicatrices, ou le moins de plaies à panser.

M. Vallières: Pour ce qui est de la proposition de former une seule MRC, est-ce qu'une demande officielle a déjà été placée dans ce sens-là? Est-ce qu'il y a eu une réaction? Peut-être que le ministre pourrait compléter son point de vue là-dessus. Quand on parle d'amender possiblement la loi 125 pour faire un cas d'exception de Mirabel, dans votre mémoire, vous mentionnez, et j'aimerais que vous le confirmiez, que ce point de vue semble rallier l'immense majorité des gens, c'est-à-dire que Mirabel devienne une seule MRC.

M. Lussier: Cela semble rallier...

M. Vallières: Oui, la majorité des gens.

M. Lussier: Le conseil municipal et la chambre de commerce locale se sont prononcés pour cette proposition, mais je n'en connais pas beaucoup d'autres qui se sont prononcés.

M. Vallières: Là-dessus, le ministre, tantôt, pourra peut-être compléter. On peut peut-être essayer de savoir de sa part ce qu'il pense de la possibilité, dans un cas exceptionnel, d'amender la loi 125, si c'est nécessaire. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Affaires municipales, voulez- vous ajouter votre point de vue?

M. Léonard: J'ai une question, à titre d'information, à M. Lussier. À quelle date la loi créant la municipalité de Mirabel a-t-elle été adoptée?

M. Lussier: C'est M. le ministre Tessier qui a adopté cette loi, cette fusion, en même temps que la ville de Gaspé et d'autres villes, des fusions importantes.

M. Léonard: Je voudrais simplement dire une chose. Dans le dossier de Mirabel, chaque fois que le gouvernement du Québec a été impliqué ou amené à collaborer avec le fédéral, finalement, cela s'est retourné contre lui par la suite. Quand on regarde, par exemple, les opérations en ce qui concerne le cadastre, finalement, aujourd'hui, ce qui a été fait, c'est drôlement remis en cause et les services du ministère ont collaboré à ce sujet. Par ailleurs, pour les municipalités, si on regarde ce dossier - on pourrait peut-être le détailler tout à l'heure - en fait, on a créé une seule ville dans la foulée de l'expropriation des terres et on s'est trouvé à démolir toute une série de conseils municipaux qui auraient peut-être été les ardents défenseurs, pour la population, de tout ce territoire. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, nous avons un territoire, une ville qui s'appelle Mirabel.

Au cours de la consultation que le comité a menée - j'en profite pour le féliciter et le remercier de tout le travail qui a été fait sur tout ce territoire - des choses ont été avancées, des hypothèses ont été mises sur la table et il y a eu, je pense, des résultats positifs à cette consultation, parce qu'il n'y a pas eu de contestation par la suite. Dans le cas de Mirabel, nous avons soulevé et le comité a lui-même soulevé l'hypothèse que cela pourrait être démantelé. Nous avons dit: Oui, pour notre part, nous n'avons pas d'objection a priori; cela dépend où en est le territoire et ce qu'en pense la ville, bien qu'au départ, les comités de consultation n'aient pas pour mandat de diviser le territoire des municipalités. Chaque fois qu'on faisait le découpage d'une MRC, cela devait comprendre le territoire de municipalités complètes, et on ne devait pas en profiter pour modifier les limites territoriales des municipalités à cette occasion. Cela a été la règle dans tout le Québec. La consultation a été menée et je pense que, dans le cas de Mirabel, il était de mise de poser cette question, compte tenu de la contestation sur la rétrocession des terres. Quant à nous, au rapport du comité, nous avons décidé pour le statu quo, dans le sens où il semblait que la question n'est pas mûre. Peut-être en tout cas peut-on la décaler pour un bon bout de temps parce que le territoire de la ville de Mirabel

est bien précis en soi, et on ne pouvait pas, à l'occasion de cette consultation, décider pour l'une ou l'autre des hypothèses. La ville de Mirabel, comme la chambre de commerce - mais surtout la ville de Mirabel - avait une position bien précise sur la question. Elle voulait rester entière et je pense aussi que ses habitants, pour l'instant, ont d'autres chats à fouetter, comme l'a dit hier M. Raymond, président du CIAC, d'autres intérêts en tête. Je pense que c'est cela qui est urgent à régler parce que les structures municipales suivent la population et ne la précèdent pas, généralement en tout cas.

Je pense qu'il est prématuré de statuer là-dessus. La question peut demeurer posée. Quant à nous, il nous semble que les travaux de cette commission parlementaire nous permettent d'éclairer et même d'appuyer la position que nous avons prise à ce moment, qui était de dire: Nous ne trancherons ni dans un sens ni dans l'autre pour l'instant. Nous ne démantelons pas Mirabel. Nous n'avons pas créé une seule MRC non plus. Je comprends qu'on pourrait peut-être modifier, amender la loi 125, mais, pour l'instant, cela nous apparaît aussi prématuré. Nous en restons là où nous en sommes avec l'application de la loi qui a créé SATRA, à ce moment. Donc, ultérieurement, il me semble que cela va être beaucoup plus à la population de statuer sur le modèle de structure municipale qu'elle préférera au moment où elle récupérera son territoire. C'est une position qu'on dira peut-être d'attente, mais, à mon sens, compte tenu des circonstances, il faut que la question de fond se règle à Mirabel, celle où on va recréer ce territoire, le constituer comme territoire agricole, s'il est agricole, dans ses parties. On verra, à ce moment, ce qui en est.

Pour moi, je ne rejette ni l'une ni l'autre des hypothèses. Je dois quand même savoir gré au comité d'avoir soulevé la question, parce qu'elle méritait d'être soulevée. Pour l'instant, je pense qu'il s'agit de rassurer les gens.

Quant aux études dont on a fait mention, je pense qu'il n'y a aucune étude formelle au ministère à ce sujet. Il y a eu ces hypothèses de soulevées et, à l'occasion, je sais que les états financiers de la ville de Mirabel, qui nous sont transmis de toute façon, ont été examinés, mais sans plus. Il n'y a pas d'études formelles là-dessus. On ne peut donc pas les rendre publiques. Je pense même qu'au niveau préliminaire, rien n'a été écrit, si vous voulez, mais on sait fort bien, par l'expérience qu'on en a ailleurs, qu'un territoire peut s'administrer avec de petites municipalités rurales, comme il peut s'administrer avec de grandes municipalités. Il n'y a rien d'impossible là-dedans. C'est toute l'expérience du Québec qui est là présentement. De toute façon, les municipalités qui étaient là auparavant fonctionnaient normalement dans un contexte financier correct ou ordinaire. Donc, rien ne s'opposerait en soi à ce que cela revienne comme c'était si les gens le désiraient.

Je pense que c'est une question qui se posera en temps et lieu. Si les gens veulent garder la ville de Mirabel telle qu'elle est, ils la garderont. S'ils veulent, au contraire, former des municipalités rurales ou à caractère rural, ils ont le choix de le faire aussi. Les mécanismes sont déjà là.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Voulez-vous ajouter quelque chose, M. Lussier?

M. Lussier: Non. Quant à moi, c'est tout.

Le Président (M. Bordeleau): À moins qu'il n'y ait d'autres questions... Cela va? Je vous remercie, Dr Lussier...

M. Lussier: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): ...de vous être présenté devant notre commission avec votre mémoire.

Avant d'aller plus loin, je voudrais vous faire part d'un oubli fait ce matin. J'ai oublié de faire des remplacements au niveau des membres de la commission. Si j'ai le consentement, je pourrais le faire immédiatement pour remplacer M. Beaumier (Nicolet) par M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), qui a été membre de la commission aujourd'hui, et aussi remplacer M. Boucher (Rivière-du-Loup) par M. Fallu (Groulx). M. le député de Groulx, vous n'étiez pas officiellement membre de la commission. Avec le consentement, cela pourrait se faire.

D'autre part, je voudrais tout simplement m'excuser auprès des gens de la région de Mirabel de ne pouvoir participer à la fin de leur commission. Comme il y a seulement un vol par jour vers ma région, il faut pratiquement que je le prenne. C'est le député de Richmond qui va continuer à présider la commission. Je voudrais souligner que cela m'a fait plaisir de vous recevoir, en tout cas, à cette commission, pendant ces deux journées. Y a-t-il d'autres demandes de droit de parole? Non? Et avant...

M. Léonard: Je peux peut-être compléter...

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Affaires municipales.

M. Léonard: ...l'intervention que je viens de faire. Sur la loi 125, il y a quand même une possibilité d'intervention du gouvernement. Vous savez qu'il y a une disposition dans la loi selon laquelle le

gouvernement peut créer une zone d'intervention spéciale sur le territoire du Québec, après les consultations et les publications d'usage là-dessus. À ce moment-là, peut-être bien - ceci n'est pas exclus -que nous pourrions intervenir par cette disposition de la loi 125. Cela ne nous oblige pas - et je pense que nous ne voulons pas le faire maintenant - à créer une municipalité régionale de comté tout de suite ou à demander qu'il y ait des rattachements à d'autres MRC.

Je voudrais aussi dire ceci. La municipalité régionale de comté est une association de municipalités. Ce n'est pas une structure par dessus une autre structure. Ce sont des conseils municipaux qui y siègent et cela a comme objectif de faire un schéma d'aménagement. Dans le cas de Mirabel, il y a du travail qui est très avancé, parce que, dans tout le territoire qui était sous la juridiction de la loi 60 pour SATRA, il y a eu des travaux de faits par les conseils municipaux et ces travaux ont été suspendus en attendant que s'applique la loi 125. C'est cela qui, maintenant, prend le relais en termes de schéma d'aménagement. Cependant, dans le cas du territoire de la ville de Mirabel, on pourrait intervenir plus précisément pour certains objectifs précis par la zone d'intervention spéciale de la loi 125, mais il n'y a pas de décision de prise à ce sujet au moment où je vous parle.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le ministre. M. le député de Groulx, s'il vous plaît.

M. Fallu: Oui, M. le Président. Il y a quatre mémoires dont nous n'avons pas eu la présentation, les nos 8, 21, 39 et 44, au nom de M. Claude Vallée, de M. le curé Duquet, de M. Gilles Dauphinais et de M. Jean-Marc Alarie. Pourrions-nous faire motion pour que ces mémoires soient déposés?

Le Président (M. Vallières): Oui, je pense que nous pourrions faire motion pour que ces mémoires soient déposés, de même que les mémoires, qui figurent à l'ordre du jour d'aujourd'hui, de M. Léo Bourgeois et de M. Claude Leclerc. S'il y avait consentement, nous pourrions déposer ces rapports. (16 heures)

M. Fallu: S'il vous plaît. M. le Président, nous arrivons au terme des travaux de la commission et, tout à l'heure, ensemble, les membres de la commission feront l'exercice que nous devons faire en fin de mandat, c'est-à-dire revoir le mandat de la commission et tirer nos conclusions. Pour des raisons techniques, est-ce que je pourrais vous demander de suspendre les travaux pendant quelques minutes, le temps de préparer, notamment, la distribution d'un certain nombre de documents?

Le Président (M. Vallières): S'il y avait consentement de part et d'autre pour une suspension de quelques minutes seulement, nous pourrions procéder.

M. Fallu: Merci. (Suspension de la séance à 16 h 02)

(Reprise de la séance à 16 h 37)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation continue ses travaux. La parole est au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Conclusions

M. Garon: M. le Président, j'avais dit que je déposerais un document qui est parvenu hier à mon bureau, pas il y a trois ou quatre jours, mais seulement hier. Je l'ai d'abord appris par la greffière, je pense, de la Société immobilière du Canada qui suivait les dossiers hier. Je ne sais pas si elle est encore ici aujourd'hui. Le télégramme m'est adressé et il est signé par M. Roméo LeBlanc, ministre des Travaux Publics du Canada: "Suite à notre récent entretien au sujet de Mirabel, je vous propose qu'un groupe fédéral-provincial de fonctionnaires se réunisse le plus tôt possible dans le but de délimiter une liste de sujets à être étudiés. Du côté fédéral, je propose qu'il s'agisse de représentants de la Société immobilière du Canada, Mirabel Ltée, de Travaux publics Canada et de Transports Canada, le nombre total des représentants fédéraux ne devant pas excéder cinq personnes. De votre côté, je vous laisse libre d'inviter les ministères que vous voulez, mais j'espère que le nombre de personnes sera limité et que seuls des fonctionnaires seront invités. Entre-temps, le programme de vente déjà annoncé continuera comme prévu. Bien à vous, l'honorable Roméo LeBlanc, ministre des Travaux Publics du Canada."

Je dois dire que, lorsque M. LeBlanc dit "suite de notre récent entretien", l'entretien date du début de décembre, de deux mois, je ne sais pas si on peut appeler cela récent, plus ou moins récent; il date du début de décembre. La proposition d'une liste de sujets, j'en ai faite une dans le télex que je lui ai envoyé à la suite de notre rencontre, le 8 décembre 1982. Alors, j'en fais part à la commission sans plus. Il y a une proposition de rencontre avec des fonctionnaires... Je n'ai pas l'intention de refuser; j'ai l'intention d'accepter que des

fonctionnaires de chez nous rencontrent les fonctionnaires que M. LeBlanc voudra bien désigner. Par ailleurs, je suis un peu étonné que le programme de vente déjà annoncé continuera comme prévu. Je souhaite que le comité serve à quelque chose.

Maintenant, j'aimerais soumettre à la commission parlementaire un certain nombre de... Je ne sais pas si on doit faire des propositions, si la commission parlementaire peut faire des recommandations ou quelle est la forme que cela doit prendre exactement. J'ai pensé que cela pourrait être des recommandations de la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. Je lui propose un texte: nos conclusions à la suite des auditions de personnes, de familles et de groupes que nous avons rencontrés.

Je voudrais en profiter pour, tout d'abord, remercier tous ceux qui se sont déplacés pour venir nous rencontrer à trois reprises. D'autant plus que souvent les rencontres ont été retardées parce que les audiences ont duré plus longtemps qu'il avait été prévu par le greffier qui convoque ceux qui viennent présenter des mémoires. Je voudrais souligner aussi que, dans mon cas, personnellement, et, j'en suis persuadé, dans le cas de tous les membres de la commission et des personnes de Mirabel qui ont suivi les débats, avec les dépenses que cela comporte, je voudrais indiquer que ce n'est pas un dossier qui les laisse indifférents, mais un dossier dans lequel ils se sentent profondément impliqués. C'est pour cela que j'aurais aimé que nous puissions siéger à Mirabel pour permettre aussi à d'autres de suivre ces débats.

Je vous lis le texte: "La commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation a entendu plusieurs dizaines d'organismes et d'individus qui ont décrit fidèlement le vécu des expropriés de Mirabel et les attentes d'une population qui vit une sorte d'asservissement depuis 14 ans." Quand je dis "asservissement", c'est dans l'ancienne définition du mot: un serf, celui qui travaille sur une terre qui ne lui appartient pas. Quand j'emploie le terme "asservissement", ce n'est pas dans le sens moderne du mot, mais dans son sens ancien où un serf est un peu dans cette sorte de situation. "La commission parlementaire avait le mandat d'entendre les intéressés et de soumettre ses recommandations. Elle a constaté que tous les intervenants jugent que la situation a assez duré et qu'il est temps d'inciter toutes les parties à relever le défi de restaurer sur ce territoire un développement normal de l'agriculture et une vie communautaire harmonieuse. "Après avoir pris en considération les recommandations et suggestions qui ont été soumises, la commission parlementaire pourrait recommander ce qui suit - je pense que c'est sous forme de proposition...

Le Président (M. Vallières): M. le ministre, je vais vous interrompre un instant en vous indiquant que, après consultation, j'ai des doutes sur la façon dont vous procédez actuellement. Je pense que le mandat de la commission était d'entendre les personnes. Je vous ai entendu lire tantôt et vous avez ajouté à ce mandat "de soumettre des recommandations". Ce serait hors du mandat de la commission, je pense. Il faudrait tout simplement, je crois, reformuler vos recommandations en indiquant que c'est la position du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation dans ce dossier et le tout serait conforme au mandat qui avait été confié à la commission et que je veux bien vous relire: "Entendre les personnes et organismes sur la question des terres expropriées en trop de Mirabel, et en particulier sur quatre points qui ont été mentionnés", mais il n'était pas question de recommandations comme telles de la part de la commission. Je pense, cependant, que vous pourriez quand même procéder à la conclusion sans pour autant identifier la commission, puisque vous parlez, à ce moment-là, en votre nom, comme ministre, et non pas au nom de la commission comme telle.

M. Garon: Quels sont les experts qui vous ont fait ces suggestions?

Le Président (M. Vallières): Je dois vous dire que j'agis en tant que président et que j'ai eu l'occasion de tenir des consultations avec le bureau du président. Maintenant, libre à vous, si vous...

M. Garon: Non. Je me le suis demandé tout simplement. Ce sont des consultations qui vous disent que, en droit, une commission parlementaire ne peut pas faire de recommandations après avoir entendu des mémoires.

Le Président (M. Vallières): C'est que les commissions qui siègent, les commissions permanentes élues reçoivent des mandats et le mandat de cette commission a été très clairement établi, à mon point de vue. C'était d'entendre des personnes et des organismes, ce qui a été fait. Ce qui n'empêche pas les parties de tirer leurs propres conclusions. Mais je pense qu'elles ne doivent pas le faire au nom de la commission, mais bien en leur nom.

M. Garon: Très bien. Je vais le faire différemment. Les membres... (16 h 45)

M. Gagnon: M. le Président, j'aurais besoin d'éclaircissement, personnellement,

parce que...

Le Président (M. Vallières): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Gagnon: Non, Champlain.

Le Président (M. Vallières): Non, de Champlain.

M. Gagnon: ...j'ai eu l'occasion moi aussi de présider des commissions. On a ici le mandat de la commission. C'est bien le mandat de la commission?

Le Président (M. Vallières): Oui.

M. Gagnon: Le troisième alinéa dit: "Les modalités d'une éventuelle rétrocession desdites terres et l'implication dans différents niveaux du gouvernement dans cette opération". Quand on dit dans le mandat de la commission qu'on étudiera ces modalités, je présume que c'est dans le but d'en faire des recommandations ou, au moins, d'en tirer des conclusions.

Le Président (M. Vallières): C'est-à-dire que le troisième alinéa que vous venez de lire s'adresse, à mon point de vue, aux personnes et organismes qui sont venus témoigner et qui devaient traiter en particulier de quatre points dont le troisième que vous venez de mentionner.

M. Blouin: M. le Président, sur cette question de règlement...

Le Président (M. Vallières): M. le député de Rousseau.

M. Blouin: ...je dois dire que j'ai nettement l'impression, quand je vous entends, que j'ai moi-même été induit en erreur tout au long de cette commission. Parce que, lorsqu'on a le mandat, comme on l'a fait depuis le début, d'entendre des témoins et des organismes, d'être saisi de leur situation, il va de soi, me semble-t-il, et c'est inhérent au mandat de cette commission, qu'on n'est pas là pour les entendre uniquement pour enregistrer les débats sur la machine qui est à notre droite. On est là aussi non seulement pour les entendre, pour les écouter, mais pour tirer les conclusions qui s'imposent.

J'estime que l'interprétation que vous faites actuellement du règlement brime les droits de député que j'ai, c'est-à-dire non seulement d'entendre les gens qui sont venus, mais ensuite de tirer les conclusions minimales à la suite de ce que j'ai entendu.

Le Président (M. Vallières): Si le député de Rousseau veut prendre la parole tantôt afin de tirer ses conclusions, je la lui donnerai. La parole est...

M. Blouin: Je souhaiterais, M. le Président, que ce droit que vous venez de m'accorder soit également accordé à tous les autres parlementaires qui ont siégé à cette commission et qu'ainsi la procédure que le ministre utilisera... Au fond, qu'on contourne les tracasseries inutiles et qu'on en arrive aux mêmes conclusions.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Après avoir pris en considération les recommandations et suggestions qui ont été soumises, les membres du Parti québécois de la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation proposent que la commission parlementaire recommande ce qui suit:

Premièrement, le gouvernement fédéral a exproprié un territoire démesurément vaste et doit se départir, dans les plus brefs délais, d'au moins 80 000 acres.

De plus, les membres du Parti québécois proposent que la commission parlementaire recommande la formation d'un comité technique pour étudier le mode de tenure le plus favorable à l'utilisation agricole des 12 000 acres actuellement inutilisées dans la zone dite opérationnelle. Ce mode de tenure doit s'articuler autour de la rétrocession ou de baux à long terme ou de baux emphytéotiques.

Deuxièmement, que la commission parlementaire recommande de plus au gouvernement fédéral la rétrocession immédiate de toutes les terres actuellement occupées par des expropriés ou leurs enfants, selon les modalités de prix énoncées par le CIAC ou selon toute autre formule de prix jugée plus avantageuse.

Je pense que, selon les termes de l'Union des producteurs agricoles, ceci pourrait représenter un fort pourcentage, peut-être 80% de ceux qui sont sur les terres du territoire.

Pour les autres terres occupées par des gens qui n'ont pas subi l'expropriation, que la commission parlementaire recommande que la situation de chacun soit analysée par un comité neutre ci-après décrit avant d'autoriser les rétrocessions ou reventes selon que l'équité le commandera.

Troisièmement, que la commission parlementaire recommande la formation d'un comité de fonctionnaires des deux gouvernements afin d'analyser le cadre réglementaire ou contractuel régissant les contraintes liées à l'aéronautique ainsi que le financement des transactions portant sur des exploitations agricoles.

De plus, que la commission

parlementaire recommande que ce comité soit élargi par la présence de représentants du milieu afin d'examiner, dans un esprit d'équité, les autres modalités des dispositions des terres expropriées en trop de Mirabel, notamment, à qui vendre, la dimension des futures exploitations agricoles et, troisièmement, les autres éléments de fixation des prix.

Quatrièmement, que la commission parlementaire recommande qu'il y ait un programme de relance de l'agriculture sur les terres dont la tenure aura été normalisée. Ce plan devra être discuté avec les autorités concernées du gouvernement fédéral et pourra prévoir des modalités plus avantageuses pour les expropriés et leurs enfants. Nous entrerions en contact, au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, avec le gouvernement fédéral pour prévoir une forme d'entente auxiliaire qui pourrait porter sur un programme complet de relance pour faire une opération de rattrapage, d'abord, pour les expropriés, parce qu'ils n'ont pas choisi leur situation, mais dont certains éléments pourraient s'appliquer à ceux qui n'ont pas été expropriés et qui y sont venus connaissant la situation. C'est un programme qui pourrait être plus avantageux, dans certains cas, pour les expropriés qui ont du rattrapage à faire.

Cinquièmement, que la commission parlementaire recommande au gouvernement du Québec de fournir un support financier et technique au CIAC afin de lui permettre de contester l'expropriation des terres acquises en trop de Mirabel. D'ici la fin de cette démarche juridique, si la voie de la négociation offre des résultats valables, les procédures pourront être suspendues à la demande des intéressés.

Enfin, concernant le financement du CIAC, le passé étant garant de l'avenir, comme il s'agit d'une proposition au gouvernement, je soumettrai aux autorités concernées la demande qui lui fut adressée hier par le Centre d'information et d'animation communautaire.

Je proposerais, je ferais motion pour que ces propositions des membres du Parti québécois qui font partie de la commission deviennent des recommandations de la commission parlementaire.

Le Président (M. Vallières): Si je comprends bien, M. le ministre, vous en faites une motion. D'abord, je vous indique, comme je vous le disais au début, que je doute un peu de la recevabilité de cette motion et, puisque vous en faites motion, je demanderais à un intervenant de chaque côté de bien vouloir m'éclairer sur la recevabilité de votre motion comme telle, tout en vous précisant qu'à moins d'entente de part et d'autre, le but de cette commission était d'entendre les personnes et organismes sur quatre points précis.

M. le député de Groulx, s'il vous plaît!

M. Fallu: Voici le premier constat que je vous demanderais de faire: Après avoir entendu les mémoires, nous avons suspendu nos travaux. Donc, à la reprise, les travaux de la commission ne sont pas terminés. Du seul fait que vous ayez accepté lecture de ce qui est devenu une motion, vous avez déjà, par le fait même, constaté que les travaux de la commission n'étaient pas terminés, donc que nous pouvions, comme membres de toute commission, avant le début des travaux, pendant les travaux, voire même quelquefois au moment où nous recevons des intervenants devant nous souvent, on nous en fait grief d'ailleurs, de part et d'autre - avoir le loisir de faire des motions d'ordre général. La plupart du temps, néanmoins, la tradition a voulu que ces motions soient faites en début de commission et votre pratique de la Législature du Québec des années 1973 à 1976 et depuis 1981 vous a appris l'abondance de ces motions de nature générale qui débordent et, quelquefois très largement, le simple mandat d'une commission d'entendre des mémoires. Donc, déjà nous sommes réunis en commission. Les travaux se continuent, d'une part. D'autre part, il est largement établi qu'à l'occasion d'une commission nous fassions des motions de nature générale.

Troisième argument, si vous me le permettez, M. le Président, l'audition de mémoires à une commission parlementaire est souvent l'occasion de longs débats, pendant la commission parlementaire, sur le sens à donner aux interventions qui nous sont proposées. Or, vous avez pu constater que cette fois, sans doute par déférence notamment pour les gens qui étaient devant nous, nous avons systématiquement... Je crois avoir été, avec le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, hier, l'un des seuls à tirer un peu les conséquences du mandat que nous avions reçu par rapport aux mémoires qui nous étaient présentés alors que régulièrement, dans toute autre commission, nous tirons au fur et à mesure, par des déclarations liminaires ou par une analyse à la suite du dépôt d'un mémoire, les conclusions opportunes.

Ces conclusions, d'ailleurs, se retrouvent aux procès-verbaux de nos commissions parlementaires. Ceux-ci sont déposés à l'Assemblée nationale. Or, cette fois-ci, je crois d'ailleurs que c'est dans cet esprit de déférence pour les intervenants, nous avons surtout questionné - il nous est arrivé quelquefois de nous enguirlander entre nous, mais bien gentiment malgré tout - mais nous n'avons pas tiré les conclusions de ce que nous avons entendu des mémoires. Je ne

sache pas que le député d'Argenteuil nous ait fait quelque proposition. Nous avons senti par quelques réactions son sentiment sur le plan de relance ou l'expropriation en trop, mais en aucun temps le député d'Argenteuil n'a eu à formuler devant cette commission de conclusion à la suite des auditions. Puisque nous ne l'avons pas fait pendant, il faut au moins le faire par la suite, de toute nécessité, pour que le journal des Débats garde témoignage de ce que pensent les partis, de part et d'autre de cette table, des auditions auxquelles nous avons participé.

Il est donc absolument nécessaire de tirer à ce moment-ci des conclusions. Sans cela, ni l'un ni l'autre des deux partis formant ici l'Assemblée nationale par voie de délégation n'aura eu l'occasion de dire si l'agriculture a bien ou mal fonctionné à Mirabel depuis 1969 ou s'il était opportun de conserver 66 000 acres dont personne n'a encore décidé la rétrocession alors que plusieurs intervenants sont venus nous dire qu'ils avaient été expropriés en trop. Pardon, pas plusieurs, la totalité. Nous ne saurions transmettre à l'Assemblée nationale les voeux des partis politiques sur les modalités éventuelles de rétrocession pas plus que nous ne ferions de références à un plan de relance agricole. Cela s'impose par la nature même du déroulement de nos travaux, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Merci. Est-ce qu'un membre de l'Opposition voudrait se faire entendre? M. le député d'Argenteuil, s'il vous plaît.

M. Ryan: M. le Président, au point de vue technique, je crois qu'on doit dire pour le moins que nous sommes en face d'une façon de procéder qui est plutôt inusitée. Il m'est arrivé de siéger à plusieurs commissions parlementaires au cours des dernières années et c'est la première fois que je suis en face d'une procédure comme celle-ci, surtout quand une commission a été formée pour entendre des témoins. (17 heures)

Ce que j'ai observé en général, c'est que le ministre qui représentait le gouvernement tirait des conclusions. Du côté de l'Opposition, nous tirions des conclusions également. C'était généralement à la fin de l'exercice, à un autre stade. Le gouvernement revenait avec des propositions sous forme de projets de loi ou parfois c'était sous forme de résolutions ou de propositions budgétaires. Je pense que c'est la manière de procéder qui est inhérente à notre système et je ne sache pas, à moins qu'il s'agisse de l'étude d'un projet de loi, qu'on force la méthode d'une commission comme on est en train de le faire. Au point de vue technique, je réserve mon jugement. Encore une fois, je ne suis pas un expert de la procédure parlementaire et je ne voudrais pas engager un débat interminable là-dessus, à ce stade-ci. Je signale que nous sommes tous à court de ressources. C'est la fin de la semaine. Il est rendu 17 heures. Bien des conseillers qui, normalement, seraient là, ne sont pas présents et je trouverais déplorable qu'on aille régler cette question à cette heure particulière sans avoir soigneusement vérifié toutes les implications. C'est le point de vue technique.

Au point de vue de l'opportunité, c'est une autre question. On aura l'occasion de discuter de toutes ces choses au mérite, de toute manière, tantôt parce que cela va être un débat qui sera probablement assez long. J'aurai beaucoup de choses à dire sur tout cela. Au point de vue de l'opportunité, je pense qu'il faut avoir à l'esprit la réputation de sérieux qui doit entourer le travail de cette commission. Si on allait retenir comme impression qu'à la toute fin des travaux, on s'est trouvé pris en face d'un texte qui n'avait été soumis à personne avant et dont on a pris connaissance pour la première fois quelques minutes à peine avant que reprennent les travaux, après la brève suspension de tantôt, je ne pense pas que cela donnerait une impression de responsabilité et de sérieux comme on voudrait que ce soit. Que le ministre, par exemple, tire ses conclusions de son côté avec l'autorité qui est attenante à sa fonction, je comprends très bien que des députés membres de la commission veuillent signifier leur accord là-dessus. Je le comprends très bien. Moi-même, je donnerai volontiers mon opinion sur chacun des points qui sont soulevés dans le résumé qu'a fait le ministre des conclusions qu'il tire. Un conseil que je voudrais donner au gouvernement serait, avant de nous annoncer qu'il va nous forcer à voter là-dessus, qu'il nous laisse au moins faire le débat comme on doit le faire à ce stade-ci. Il y a bien des commissions qui ne le font pas. Je suis très favorable à ce qu'on le fasse, parce qu'on a fait un travail sérieux. Il y a plusieurs députés qui ont suivi le travail avec une assiduité remarquable. On a nos concitoyens qui sont ici. Si on trouve, après que chacun aura présenté son opinion de manière responsable, qu'il y a des points qui font consensus, il me semble qu'on va tous être assez intelligents pour le constater. Il me semble que cela va être plus fort comme cela que si on se trouve en face d'un texte qui soulève certaines réserves dans l'esprit de l'un ou de l'autre et devant lequel, à cause de cela, un député pourrait être obligé ou se sentir tenu, soit de voter contre ou soit de s'abstenir; à ce moment-là, on ne serait pas plus avancé.

Je pense que finalement, ce qui est important, c'est ce que chacun a à dire là-dessus et non pas la façon dont M. X ou M. Y pourrait le dire. En temps utile, que le

gouvernement nous présente un projet de loi qui nous ramène pour un projet précis, je le comprends très bien. Mais je vous signale qu'on est à un stade avancé des travaux, à un stade tardif de la journée et de la semaine et que pour un menu aussi abondant... Moi-même, je peux bien avoir des opinions à donner. Je vais les donner tantôt. Mais je crois que si on veut faire avancer l'affaire, il faut qu'on s'assure, chacun de notre côté, qu'on a un consensus, qu'on tire des gens avec nous. Je suis bien prêt à faire rapport à mon groupe que j'ai dit telle ou telle chose, mais je voudrais qu'ils aient la chance de parler là-dessus, qu'ils aient la chance d'en discuter et jusqu'à maintenant, avec l'abondance des travaux qui caractérisent la vie parlementaire, ce n'est pas un sujet, depuis le début des travaux de la commission, sur lequel on a pu revenir en profondeur, en conseil des députés de notre parti ou dans les instances de notre formation politique, parce qu'on attendait de voir comment les choses se développeraient.

Je pense que cela va suffire pour l'instant. C'est l'opinion que j'émets, à la fois au plan technique et sur le plan de l'opportunité. Je me réserve évidemment tantôt, une fois qu'on aura trouvé le cheminement qui est le plus de nature à rendre service à la cause que nous voulons servir ensemble, le droit d'intervenir sur le fond, évidemment, d'une manière plus élaborée.

M. Gagnon: M. le Président, sur une question de règlement, je voudrais...

Le Président (M. Vallières): Oui, M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Est-ce que vous êtes certain que vous n'êtes pas en train... En tout cas, il faudrait surveiller pour ne pas créer un précédent dans la décision que vous aurez à prendre sur la recevabilité.

J'ai eu l'occasion de présider de nombreuses commissions parlementaires et on a toujours dit qu'il y a un grand principe en commission parlementaire, c'est que la commission est maîtresse de ses travaux.

Évidemment, la commission ne peut pas changer le mandat, mais la commission peut - cela s'est fait, il y a de nombreux précédents dans ce sens, mais on n'a pas eu le temps de les relever - émettre un voeu, la commission peut faire une proposition, la commission peut faire des recommandations pour autant que la commission est d'accord. La commission est maîtresse de ses travaux et ce principe, à moins que je ne me trompe, est un principe de base quand on préside une commission parlementaire.

D'un autre côté, si on applique le règlement strictement, comme il me semblait qu'on voulait le faire tantôt, est-ce que, lorsqu'on lit le mandat de la commission et si on doit appliquer le mandat à la lettre, cela voudrait dire que le président aurait dû nous déclarer que nous violions le règlement chaque fois que nous posions des questions aux invités? Parce que le mandat est d'entendre les personnes et les organismes sur la question des terres expropriées en trop à Mirabel et, en particulier, sur l'évaluation de l'impact sur l'agriculture, sur l'opportunité de conserver les 66 000 acres, etc., sur les modalités d'une rétrocession, sur les plans de relance agricole. Ce qui voudrait dire que, chaque fois, si on est là juste pour entendre les témoins, qu'on leur a posé des questions, nous aurions été hors mandat.

On doit se soumettre à la présidence, c'est bien évident, mais j'ai de la difficulté à penser qu'on doit interpréter un mandat aussi strictement que cela. En tout cas, personnellement, si c'est ainsi, chaque fois que j'ai présidé une commission parlementaire, je n'étais peut-être pas correct. Mais je pense qu'on s'attend à autre chose et on a fait aussi autre chose; on a questionné, on a émis des opinions. Aussi, les gens qui sont ici s'attendent qu'on ait la force, la vigueur nécessaire pour au moins faire des recommandations au gouvernement. En tout cas, c'est ma position.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le ministre de l'Agriculture, je vous demanderais peut-être, en terminant, de relire votre motion, s'il vous plaît.

M. Garon: M. le Président, je vais vous dire très facilement que je concours à ce qu'a dit le député d'Argenteuil quand il dit qu'il vient d'avoir le texte, qu'il souhaiterait pouvoir analyser plus longuement les conclusions qui viennent de lui être présentées et que chacune peut supposer une certaine discussion qui peut durer un certain temps; je pense qu'il a parfaitement raison.

Je pense que nous avons, au cours des semaines, les députés du Parti québécois, les membres de la commission et moi-même, discuté, à de nombreuses reprises, des mémoires qui étaient présentés, mais nous n'avons pas voulu, jusqu'à la fin, en arriver à des conclusions - avec raison, je pense -parce qu'à mon avis, hier, il y a eu deux mémoires fondamentaux qui ont été présentés, mémoires très importants qui ont influencé beaucoup l'opinion des membres du Parti québécois de la commission, soit les demandes du Centre d'information et d'animation communautaire, de même que le mémoire de l'UPA régionale, particulièrement le témoignage de M. Papin. En tout cas, je me rappelle très bien qu'il nous a ramenés à des choses assez concrètes qui ont influencé nos discussions.

Pourquoi? Je pense bien qu'une commission siège pour en arriver à quelque chose. Souvent, d'ailleurs, le gouvernement

est blâmé de ne pas conclure; je ne voudrais pas que la commission soit blâmée de tirer des conclusions. Je pense que c'est plutôt dans l'esprit d'en arriver à des conclusions ou à des recommandations, pour que les gens de Mirabel, qui ont suivi la commission pendant toutes ces semaines et qui souhaitent voir les orientations que propose la commission et qui vont avoir un certain poids par rapport au gouvernement, constatent qu'ils ont été entendus. C'est dans cet esprit que nous avons proposé des recommandations qui pourraient être de la commission parlementaire.

Personnellement, je n'en fais pas une obligation, que ce soit une recommandation de la commission parlementaire. Si j'étais à la place du député d'Argenteuil, j'aurais sans doute la même réflexion d'avoir reçu... Mais on ne pouvait pas conlure véritablement avant et les gens voudraient qu'on... J'ai même proposé aux gens qu'on ajourne pour étudier davantage les conclusions, ils ont dit oui. Mais, un moment donné, les gens seront désappointés et ils diront que la commission parlementaire n'accouche pas. C'est beaucoup plus. Je dois dire que le député d'Argenteuil, dans un article que je lisais hier, mentionnait lui-même que la commission se traînait les pieds sous ma direction. Je ne voudrais pas me faire dire cela une autre fois. Mais ce qu'il a dit...

M. Ryan: C'était un bon article.

M. Garon: ... à ce point de vue, je pense qu'il a raison, il n'a pas été partie aux discussions qui ont eu lieu entre les membres de la commission du Parti québécois et qu'il pourrait peut-être arriver aux mêmes conclusions ou peut-être à des conclusions différentes, mais je ne serais pas d'accord pour faire violence pour arracher une recommandation de toute la commission parlementaire dans des circonstances comme celles-là.

Maintenant, il y a peut-être deux voies. Il est quand même 17 h 15; les propositions sont sur la table. Je laisserais le choix, personnellement. Cela peut être des propositions uniquement des membres du Parti québécois de la commission ou encore, si on le souhaite, elles resteront sur la table et on pourrait ajourner la commission. Cela peut être l'un ou l'autre, mais, comme conclusion, ce serait la vision des membres du Parti québécois au sein de la commission, qui serait proposé comme motion à la commission qui pourrait ajourner ses travaux ou encore que cela demeure uniquement des propositions des membres de la commission qui sont des gens du Parti québécois et qu'on mette fin à nos travaux.

Je voudrais bien sentir que là-dedans, je n'aurais pas l'intention, en aucun moment, de faire allusion à quoi que ce soit à ce point de vue. Il est exact que... On ne pouvait pas tirer les conclusions avant. Les témoignages viennent de se terminer. Il fallait conclure un moment donné, mais je vous laisse libres dans cet esprit, l'un ou l'autre.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je sais gré au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation d'avoir reconnu que deux lignes dans un article peuvent avoir parfois un effet important. Quand j'étais journaliste, j'avais souvent l'impression d'écrire pour rien, mais quelquefois, cela avait peut-être plus d'influence qu'on pensait. Mais blague à part, je pense que la prudence dont semble vouloir convenir le gouvernement dans cette affaire est une bonne conseillère. Tout à l'heure, l'un des conseillers techniques de notre groupe parlementaire, que j'avais consulté plus tôt à ce sujet, m'a apporté un texte - je donne cela juste pour ajouter au dossier et, encore une fois, sans aucune prétention de compétence particulière là-dedans - mais c'est juste pour aider à voir la complexité de ces choses. C'est un cahier comprenant un résumé des principales décisions, directives et opinions préparé à l'intention des présidents de commissions parlementaires élues qui remontent à mars 1975 cependant. Il y avait un article là-dedans intitulé les motions irrecevables et qui se lit comme suit: "Doivent être déclarées irrecevables toutes les motions qui ne sont pas prévues par le règlement ou acceptées par la tradition et toutes celles qui, même si elles sont prévues par le règlement ou la coutume pour certaines occasions, n'ont pas trait au sujet qui est spécifié dans le mandat de la commission. En outre, il faut savoir que la commission exerce un pouvoir délégué par l'assemblée; à ce titre, elle ne doit rendre compte de son mandat qu'à la Chambre; à ce titre, également, toutes ses propositions doivent être soumises à la Chambre elle-même et à aucun autre organisme. Si elle a le droit, en vertu de son mandat, de faire des recommandations, ces dernières doivent s'adresser à la Chambre. Ainsi, la commission propose à la Chambre d'adopter ou de ne pas adopter telle chose qui a été soumise à son examen. C'est pourquoi, doivent être rejetées comme irrégulières toutes les motions qui, en commission, auraient pour effet de recommander à un autre organisme que la Chambre de faire quelque chose, une motion qui, par exemple, inviterait le gouvernement fédéral à faire telle chose. Tout au plus a-t-on accepté, dans le passé, les motions qui émettaient des voeux pieux à l'endroit de l'Assemblée nationale, du gouvernement du Québec ou

d'un ministre, invitant respecteusement l'un de ceux-là à faire quelque chose. C'est à peu près le plus loin qu'une commission puisse aller dans ses motions à moins qu'elle ait eu un mandat spécifique d'étudier tel problème et de soumettre ses recommandations à qui de droit, situation qui ne se présente pas lors de l'étude d'un projet de loi ou de l'examen des crédits." (17 h 15)

Encore une fois, je cite à la volée un cahier qu'on m'a soumis tantôt et je le porte à l'attention du président de la commission qui pourra trouver utile de le regarder plus à fond. Mais, comme le ministre n'insiste pas pour qu'on ait, disons, une motion formelle à ce moment-ci, je pense que ceci fait partie de la documentation sans plus.

Quant à la suggestion qu'il a faite, je voudrais seulement émettre une opinion, si vous me le permettez. C'est une opinion à caractère exploratoire qui n'a rien de définitif. Il a dit, si je comprends bien, que ce seraient les conclusions des membres de la commission qui font partie du groupe gouvernemental, du Parti québécois. Encore là, je ne sais pas s'il y a des précédents d'une chose comme celle-là. Je ne sais pas s'il y a des cas où cela s'est déjà présenté comme cela. J'en douterais. Il arrive couramment, quand on vote sur un article d'un projet de loi en commission, que cela finisse comme cela. Mais, dans un cas comme celui-ci, cela fait un petit peu curieux. Je vous souligne cela, M. le ministre, en toute simplicité. Je me dis: Si le ministre tire ses conclusions et si chacun des membres de son parti l'approuve, cela revient au même. Je n'ai pas d'objection à cela réellement, mais je vous préviens seulement contre une chose: c'est qu'il y a bien des gens qui se sont impliqués d'une manière très importante dans ce dossier qui ne sont pas ici aujourd'hui et à qui nous ne devons pas fournir de prétexte de conclure: Ça, c'est une affaire du Parti québécois, c'est une affaire partisane. Je pense qu'un des objectifs qu'on a poursuivis généralement dans l'étude du dossier, malgré les jeux d'escrime qui ont pu avoir lieu à certains moments de fatigue plus grande, c'est quand même le service de ces gens qui sont là.

J'ai bien apprécié l'esprit dans lequel le ministre a réagi à ce que j'ai dit et je crois que si on peut continuer pendant quelques minutes au moins de chercher ensemble un mode de cheminement qui va permettre de traduire cet esprit-là dans ce qui va marquer l'étape terminale du travail de la commission, cela va être excellent. Déjà, je me réjouis d'entendre le ministre dire qu'il entend nuancer la procédure qui avait été annoncée au départ.

M. Fallu: M. le Président.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Groulx.

M. Fallu: Pour le moins, M. le Président, je voudrais qu'une chose soit bien claire en cette fin de commission. C'est que peu importe la procédure qu'on utiliserait, ce qu'on avait souhaité au départ - je pense d'ailleurs que cela se vit, cela s'est vécu passablement tout au long des travaux de la commission - c'est qu'il y a une Assemblée nationale relativement unanime sur le fond des choses dans le débat des terres expropriées en trop à Mirabel, d'une part, peu importe comment on l'exprimera tout à l'heure.

D'autre part, je voudrais que l'on retienne que ce texte, tel qu'il est présenté pourrait faire l'unanimité par le biais d'une motion unanime de la commission. Il serait donc non partisan. Mais il est unanime de la part des membres ministériels, particulièrement de la part de ce qu'on a convenu d'appeler chez nous le "caucus agricole", c'est-à-dire, l'ensemble des députés représentant les zones rurales formées notamment de plusieurs producteurs agricoles et fait également l'unanimité du caucus qu'on appelle régional, c'est-à-dire Laurentides-Lanaudière. Ce sont donc des conclusions largement partagées par les membres du parti ministériel et dont font partie un certain nombre de ministres. Vous avez pu d'ailleurs remarquer à quelques occasions, notamment hier et aujourd'hui, la présence de celui que nous appelons dans notre jargon péquiste notre ministre régional, le ministre des Affaires municipales, M. Jacques Léonard.

Peu importe ce qui arrivera tout à l'heure au niveau des contenus ou de l'aventure qui pourrait arriver à cette proposition, je voudrais qu'il soit bien connu que pour nous, c'est une détermination.

Le Président (M. Vallières): Merci. À ce moment-ci, je voudrais poser une question de précision au ministre de l'Agriculture. La première motion qu'il nous avait présentée ne se lirait plus de la même façon, mais constituerait bien, de par le texte, les conclusions qu'il a tirées. Ce seraient là les recommandations des membres du Parti québécois à cette commission, quitte à ce que, lorsque la commission sera reconvoquée, s'il y avait lieu, le parti d'Opposition fasse part de son point de vue à la suite des consultations qu'il aura menées concernant les diverses recommandations des membres du Parti québécois à cette commission.

M. Garon: Je ne sais pas si je peux la présenter comme cela. Je devrais peut-être en changer la formulation pour dire: Après avoir pris en considération les recommandations et suggestions qui ont été

soumises, au nom des députés du Parti québécois, membres de la commission, je fais motion pour que la commission parlementaire recommande... Je ne pense pas que plusieurs personnes puissent faire motion. Cela ne prend qu'une personne, des députés ne peuvent pas faire motion, mais un député peut le faire.

Ce n'est pas en mon nom personnel, c'est après délibération. Je pense que tout le monde le dit, je l'ai dit franchement et c'est pour cela que je ne porte pas grief au député d'Argenteuil. On a discuté entre nous à plusieurs reprises, on a complété à l'heure du dîner nos réflexions et nos discussions. Je sais qu'il y a des points où on a conclu des choses qui n'apparaissent pas dans les conclusions, parce qu'il y a un temps limité. Je suis conscient que le député d'Argenteuil émet un certain nombre de conclusions. On peut faire état de plusieurs longues discussions, mais cela peut être l'un ou l'autre. Cela peut être les conclusions qu'on a tirées ensemble, comme députés membres du Parti québécois à la commission, ou on peut ajourner nos travaux pour les étudier ensemble à une autre occasion.

Je ne favoriserais pas une chose plus que l'autre mais j'en suis conscient. Je ne veux pas arracher un consentement et je ne veux pas que le député d'Argenteuil sente non plus que je veux lui arracher un consentement.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Dans le même esprit, ce n'est pas de mes affaires, évidemment, et on pourra me le dire, mais j'aurais peut-être une suggestion à faire au ministre afin d'accélérer notre cheminement commun. Si, par exemple, dans l'esprit qu'il a dit, il nous disait: Voici, à la fois comme ministre de l'Agriculture et au nom des membres du Parti québécois qui font partie de la commission, je vous fais part de nos conclusions à la suite de ce que nous avons entendu. Il suffirait que vous retouchiez légèrement les paragraphes.

Par exemple, je prends le premier. Premièrement, le gouvernement fera exproprier un territoire, etc. De plus, nous entendons recommander la formation d'un comité technique chargé... Deuxièmement, nous entendons recommander que le gouvernement du Québec exige du gouvernement fédéral la rétrocession immédiate. Nous entendons recommander la formation d'un comité de fonctionnaires des deux gouvernements. À ce moment-là, il n'y a aucune espèce de problèmes. Vous m'amenez à commenter là-dessus et je vais le faire. Je pense qu'il y a bien des points sur lesquels, dès maintenant, il y a un certain consensus qui pourra se dégager. Cela avancera les choses d'autant et le gouvernement a toute la liberté voulue ensuite pour nous revenir sous maintes formes différentes avec des propositions d'actions encore plus précises à n'importe quel moment. Pour aujourd'hui, je pense qu'on sortirait de cette expérience avec plus d'unité qu'au départ ou qu'à aucun autre stade pendant le travail. C'est seulement une suggestion que je fais.

Le Président (M. Vallières): Sur cette propostion du député d'Argenteuil, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Le point essentiel, c'est que s'il s'agit de conclusions des députés du Parti québécois, je pense qu'à ce moment-là le député d'Argenteuil formule les siennes ou n'en formule pas. Il n'y a plus de vote là-dessus à ce moment. Il s'agit tout simplement de conclusions que nous avons tirées et cela se termine là, à moins que le député d'Argenteuil ne dise: Mes conclusions seraient que j'adhère à cela ou je n'en tire pas, de conclusions. Si ce n'est pas une motion, cela ne peut plus être débattable comme une motion. Là, il faut faire un choix, je pense.

Le Président (M. Vallières): Oui, je pense qu'ici nous avons un choix: ou nous discutons de la motion que M. le ministre a présentée, ou bien nous considérons que ce qu'il nous a communiqué constitue ses conclusions de même que celles des membres de son parti à cette commission. Nous pourrons par la suite entendre - si c'était le voeu de M. le ministre - les conclusions du député d'Argenteuil qui, comme il l'indiquait, recouperont probablement certaines des conclusions des autres membres du Parti québécois.

Par ailleurs je veux vous indiquer qu'il est 17 h 30. Par conséquent, si nous continuions à discuter de la procédure, nous devrions possiblement ajourner vers 20 heures. J'aimerais qu'on essaie de conclure le plus rapidement possible sur la motion. Je pense que, là-dessus, il appartiendrait au ministre de nous indiquer si la proposition qui a été faite - en fait celle que j'ai faite - de considérer ce qu'il nous a donné comme étant ses conclusions et celles des membres du Parti québécois à cette commission... pour qu'il ne soit plus à ce moment-ci question de la motion...

M. Garon: Je pense...

M. Ryan: Pourrais-je seulement faire une remarque avant?

M. Garon: Oui.

M. Ryan: Cela va peut-être vous aider à synthétiser le tout.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: J'ai fait ces suggestions parce que le texte, dans sa formulation actuelle, ne serait pas respectueux de tout ce qui vient d'être dit. C'est uniquement dans cet esprit que j'ai fait certaines suggestions, non pas du tout dans le but de vous dire comment vous devriez écrire cela, etc. Comme mes droits sont aussi impliqués et que toute la discussion porte là-dessus, c'est uniquement par souci de bien respecter des droits dont tout le monde convient qu'ils doivent l'être, que je vous ai fait cette observation, pas autre chose... Si cela restait tel quel, mais ce n'est pas exactement ce dont on discute depuis une demi-heure.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Groulx.

M. Fallu: M. le Président, pourrais-je demander à M. le député d'Argenteuil si, pour sa part, il est prêt à tirer, à ce moment-ci, ses conclusions sur les travaux de la commission ou si lui-même préférerait que, compte tenu que nous avons une motion venant de la majorité, nous suspendions nos travaux pour pouvoir en arriver entre nous à des recommandations qui, je pense, pour l'ensemble - nous ne nous le sommes pas dit, mais nous l'avons ressenti pendant nos travaux - pourraient être largement majoritaires, sinon peut-être même vraiment unanimes?

Le Président (M. Vallières): Vous me permettrez d'intervenir à ce moment-ci pour vous indiquer que je préférerais hors de tout doute que nous réglions la question de la motion avant d'intervenir sur d'autres sujets. Je croyais pouvoir statuer sur la question de la motion du ministre, s'il la maintient, et nous pourrions, par la suite, soit passer à la discussion sur la motion comme telle ou encore passer aux conclusions du député d'Argenteuil.

Je me dois de poser à nouveau la question à ce moment-ci au ministre à savoir s'il maintient sa motion originale, puisqu'il nous en a fait lecture. Si c'était le cas, je devrai la prendre en délibéré. La décision que je devrai prendre concernant la recevabilité comme telle de la motion initiale exigera que je suspende nos travaux environ cinq minutes. M. le député de Richmond.

M. Blouin: Si j'ai bien compris, vous suggérez qu'on puisse finalement en arriver à tirer nos conclusions, comme prévu, et non pas seulement comme vous aviez un peu l'intention de l'interpréter au début. Maintenant vous semblez avoir un peu le sentiment que notre mandat ne consistait pas uniquement à entendre les gens sans leur poser des questions et sans en tirer de conclusions, mais que le mot "entendre" doit être effectivement entendu dans un sens un peu plus large. Ce que je comprends, c'est que vous essayez techniquement de trouver la façon qui permettra effectivement à la commission de tirer les conclusions auxquelles elle doit en arriver après le cheminement qu'elle a suivi pendant au-delà de deux mois. (17 h 30)

Le Président (M. Vallières): Je veux ici vous répéter que je n'ai jamais dit que la commission ne devait pas tirer de conclusion. J'ai dit que des deux côtés, il y avait la possibilité de tirer des conclusions, mais qu'il était pour le moins inusité, assez nouveau -j'ai pu vérifier, c'est nouveau - que ces conclusions deviennent des recommandations de la part de la commission au complet. Ce qui n'empêche pas et le ministre et le député d'Argenteuil, pour leur formation respective, de tirer des conclusions qui n'ont pas la forme de recommandations au nom de toute la commission.

M. Blouin: Vous dites que c'est nouveau, M. le Président, mais est-ce que vous considérez le principe que la commission est maîtresse de ses travaux?

Le Président (M. Vallières): Comme nous l'avons indiqué tantôt, un autre député faisait mention du fait que la commission peut au début... normalement c'est au début de ses travaux qu'elle décide de la procédure qu'elle suivra. Par ailleurs, je vous indique que je serais prêt à prendre en délibéré la motion du ministre s'il la maintient. Je prendrai une décision sur sa recevabilité dans les minutes qui vont suivre. Ensuite nous la discuterons, puis nous passerons à un autre sujet purement et simplement.

M. Gagnon: Sur la même question de règlement que M. le député de Rousseau. Vous avez dit que la commission est maîtresse de ses travaux, mais qu'il faut déterminer en fait le mandat au début de la commission. Je voudrais que vous vérifiiez cela. La commission, selon moi, est toujours maîtresse de ses travaux pour autant qu'on est unanime. On peut même changer jusqu'à un certain point l'ordre du jour pour autant qu'on est unanime, pour autant que tous les membres de la commission sont d'accord. Ce qu'on fait depuis une grosse demi-heure, c'est un peu de "procédurite". En tout cas je vais arrêter d'en faire, mais je voudrais que ce soit bien clair parce qu'il ne faut pas non plus créer de précédents. La commission est maîtresse de ses travaux, selon moi, en tout

temps pour autant que nous sommes d'accord, pour autant que tous les membres de la commission sont d'accord. Ce qui veut dire qu'actuellement, si tous les membres de la commission étaient d'accord pour qu'on discute et qu'on tire les conclusions que le ministre a présentées, au nom de la commission, parce qu'il ne les a pas présentées... Suivant la formule originale qu'on a, c'est la commission qui prend ces décisions et non pas le Parti québécois. C'est la commission. Si la commission était d'accord, si l'Opposition était d'accord à ce qu'on le fasse, je suis persuadé qu'on aurait le pouvoir de le faire.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie de votre intervention. C'est précisément dans le but de ne pas créer de précédent que j'ai l'intention de prendre en délibéré la décision sur cette motion. J'ai des demandes d'intervention des deux côtés. Peut-être que M. le ministre et ensuite M. le député d'Argenteuil.

M. Garon: Brièvement, il ne faut pas avoir peur de créer des précédents. Les précédents ont commencé un jour dans tous les domaines. Ce que je voudrais dire tout simplement, c'est que les gens ne comprendraient pas, après avoir entendu tous ces mémoires, si on s'en allait et qu'on disait: Merci, bonjour, c'est terminé. Les gens ne comprendraient pas. Ils diraient: Vous avez fait cela pourquoi?

Après avoir entendu ces mémoires et surtout devant le fait que, le télégramme de M. LeBlanc le démontre, le gouvernement fédéral veut agir rapidement puisqu'il dit que même si vous avez un comité, son programme de vente déjà annoncé continuera comme prévu, il y a un devoir, je pense, d'agir assez rapidement. C'est un peu dans cet esprit... Quant à moi c'est évident je souhaite que la commission parlementaire soit unanime; ce serait encore mieux. Je pense qu'un voeu c'est une chose. Mais qu'une commission parlementaire se prononce officiellement après avoir entendu des mémoires et fasse des recommandations, il y a là un poids certain pour le gouvernement.

C'est évident, comme ministre, si je vais au gouvernement et si je dis: On a entendu des mémoires, on a entendu des gens et les gens, unanimement ou pas unanimement, de préférence unanimement, en ont tiré telle conclusion; ils font des recommandations dans ce sens. Cela donne beaucoup plus de poids au point de vue action, non seulement pour le gouvernement du Québec, mais aussi pour le gouvernement fédéral qui dit qu'il y a là une volonté manifeste qui vient du Québec. C'est beaucoup plus fort que si on faisait des voeux en partant, en disant: Bon! Notre ouvrage est terminé, tandis qu'avec des recommandations, notre ouvrage n'est pas terminé. Quand les recommandations sont faites, c'est de les mettre en vigueur, d'essayer de les faire adopter. Notre ouvrage continue. C'est cela, je pense, la différence qu'il y a dans les choses. C'est pour cette raison que c'est seulement dans le cas où la motion ne serait pas recevable que je dirais: Tirons des conclusions comme membres du Parti québécois, mais je préférerais d'abord que vous vous prononciez sur la recevabilité, M. le Président, parce que c'est une motion. Le deuxième point, c'est que je ne veux pas violenter le député d'Argenteuil. C'est pour cette raison que je suis complètement d'accord pour qu'on ajourne nos travaux et qu'on trouve la première journée disponible pour qu'on puisse débattre les recommandations. Je suis parfaitement d'accord, parce que je pense que, là-dessus, le député d'Argenteuil a entièrement raison, mais je suis persuadé, pour le bien des gens de Mirabel, qu'il est préférable que la commission parlementaire en arrive à des conclusions qui prennent la forme de recommandations.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil. Ce sera la dernière intervention. Par la suite, je statuerai sur la recevabilité de la motion.

M. Ryan: D'abord, je suis surpris, parce que j'ai l'impression qu'on revient un peu en arrière. J'avais l'impression qu'on avait laissé de côté le débat sur la recevabilité, qu'on s'était plus ou moins entendus plus tôt dans la discussion pour éviter ce chemin inconnu contenant des embûches qu'on ne soupçonne peut-être pas à ce moment-ci. J'avais cru comprendre que le ministre avait dit tantôt: Je vais soumettre les conclusions auxquelles j'en viens avec les membres du Parti québécois qui font partie de la commission. Il était convenu que je soumettrais la conclusion à laquelle j'en arrive à ce moment-ci. Évidemment, après, je m'en vais de mon côté. Je fais part de mes conclusions à mes collègues et aux gens avec qui je travaille dans le comté d'Argenteuil, ceux que cela regarde plus immédiatement. On continue notre travail et, si le gouvernement veut nous convoquer après cela... Je pense que tout ce qu'il y avait d'essentiel à dire, à ce moment-là, a été dit. Si le gouvernement veut soumettre l'affaire à un autre stade, il peut nous arriver avec un projet de loi à l'Assemblée nationale à n'importe quel temps. Il peut convoquer la commission de nouveau, mais j'ai l'impression qu'après tout ce qu'on a fait, chacun devrait tirer ses conclusions essentielles ce soir. On saurait qu'on a franchi une étape et qu'on n'est pas encore suspendu en l'air en se disant... Et si le gouvernement veut nous convoquer, il peut nous convoquer n'importe quand, mais, au

moins, on aura fini cette étape proprement.

On n'a pas créé de précédent dangereux à ce moment-ci ou chargé d'implications qu'on ne peut pas deviner. On a fait notre travail honnêtement et les gens savent ce que chacun pense. Je pense que c'est ce qui est important. Il y a une grosse différence entre cela et dire: On vous soumet une motion que vous allez être appelés à discuter et à voter en bonne et due forme. Cela va engendrer des débats considérables à bien des échelons de responsabilité. Je ne sais pas dans quels termes et dans quelles conditions nous nous retrouverons, tandis que nous avons les matériaux pour conclure. La preuve, c'est que le ministre tire certaines conclusions de son côté, mais pas comme commission comme telle. C'est cela que... Il y a là un point sérieux.

C'est le point que je voulais souligner, M. le Président. Je trouve que, si on vous évitait la charge de la responsabilité de prendre une position sur la recevabilité à ce moment-ci et que nous procédions tout de suite à la formulation des conclusions de chacun, je pense qu'on aurait franchi cette étape de manière honorable.

Le Président (M. Vallières): À ce moment-ci, j'ai le goût de demander au ministre de l'Agriculture s'il maintient le libellé de sa motion originale.

M. Garon: Oui. J'aimerais que vous vous prononciez sur la recevabilité de la motion et, si elle n'est pas recevable, je n'ai pas d'objection que cela devienne les voeux des gens du... Mais le point sur lequel je suis d'accord avec le député d'Argenteuil, c'est que je ne peux pas... Je sais qu'il vient d'avoir cela. D'ailleurs, on a ajourné les travaux pour en terminer la rédaction. On ne pouvait pas le faire avant parce qu'il fallait entendre tous les mémoires avant de se prononcer de façon finale, si on veut. Faire des conclusions avant d'entendre les mémoires, c'était impossible. On ne pouvait pas faire cela en tant que commission.

Ma préférence, c'est d'avoir des recommandations unanimes de la commission et on ne peut pas avoir des recommandations unanimes s'il n'y a pas de motion. C'est pourquoi je l'ai présentée sous forme de motion.

Maintenant, que des discussions amènent des changements dans ces recommandations ou des amendements, etc., je pense que c'est possible également. Je ne sais pas quelles sont les conclusions du député d'Argenteuil, parce que nous n'avons pas eu véritablement l'occasion d'en discuter ensemble. S'il en a discuté avec d'autres députés qui en ont tenu compte, je ne le sais pas.

Je comprends ces aspects, mais je pense que ce travail, au fond, a pour but d'aider les gens qui sont sur le territoire de

Mirabel. Alors, il faut donner le plus de force possible au travail que la commission a fait et je pense que la façon de lui donner le plus de force possible, c'est qu'il y ait une motion qui soit, si possible, adoptée unanimement. Mais je ne préjuge pas non plus là-dessus de l'unanimité ou de la non-unanimité. C'est pour cela que je pense, à ce moment-là, si la motion est recevable, idéalement, ce serait peut-être - je ne sais pas quelle est la disponibilité des gens, parce que, normalement, nos travaux vont jusqu'à dix-huit heures le vendredi...

Le Président (M. Vallières): Oui.

M. Garon: Alors, normalement nous serons appelés à ajourner nos travaux, et je n'ai pas d'objection à cela non plus personnellement, mais si la motion n'est pas recevable, à ce moment-là, ce seront les conclusions d'une partie des membres de la commission. Mais l'idéal pour tout le monde... Je pense que cela donnera plus de force quand on va négocier avec le gouvernement fédéral. Vous savez, le poids des choses unanimes dans un gouvernement, c'est très fort. Par exemple, quand on regarde le travail qu'on fait actuellement concernant le rapport Gilson, je pense que le fait que l'Opposition fasse partie de la coalition, cela donne un poids considérable à la coalition. Je pense que tout cela aide à l'intérêt du Québec. C'est pour cela que, quand on regarde cette façon de faire, je ne dis pas que les conclusions sont parfaites, mais il serait idéal que nos recommandations soient unanimes.

Le Président (M. Vallières): Merci. La commission suspend ses travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 43)

(Reprise de la séance à 19 h 10)

Le Président (M. Vallières): La commission parlementaire élue permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux.

Je dois d'abord m'excuser du long délai. Je dois également vous indiquer que c'est parce que, pour la première fois, à la suite de l'audition d'un mémoire - je pourrais dire que Mirabel a vraiment fait oeuvre de pionnier dans ce secteur - une motion de la nature de celle que nous avons devant nous est présentée, qui vise à ce que la commission recommande une série de propositions. Avant même de rendre ma décision à ce sujet, je demanderais le consentement de la commission pour que nous puissions continuer nos travaux, puisqu'il est plus de 18 heures et il me faut

l'unanimité pour poursuivre. Je vous remercie.

Motion de recommandations jugée recevable

Je dois vous dire qu'à la suite de consultations, il n'y a aucun article du règlement qui puisse empêcher la présentation de la motion que nous avons devant nous. Par ailleurs, si cela s'applique à ma droite, cela s'applique également à ma gauche. En conséquence, les deux formations politiques qui sont ici ont parfaitement le droit, en vertu de notre règlement, de proposer des motions comme celle que nous avons devant nous qui vise à recommander que la commission prenne les dispositions requises. Alors, M. le ministre, je veux, pour la clarté du débat, indiquer que, d'après le texte que vous nous avez remis, vous mentionnez ce qui suit: "Après avoir pris en considération des recommandations et suggestions qui ont été soumises, la commission parlementaire recommande ce qui suit..." et figurent les recommandations 1, 2, 3, 4 et 5.

Vous m'éviterez de le lire parce que c'est quand même assez long et je ne voudrais pas reprendre tout ce que le ministre a lu. Je veux vous indiquer que, à partir de ce moment-ci, en principe, tous les parlementaires - puisque j'estime que la motion est recevable - autour de cette table ont un droit de parole de vingt minutes portant sur la motion. Je voudrais également vous dire qu'il y a eu certaines discussions avant que je ne rende la décision et j'aimerais, avant de mettre la motion aux voix, connaître deux points de vue: l'un à ma gauche et l'autre à ma droite, face à cette décision que je viens de rendre qui rend la motion débattable et acceptée en principe pour être débattue. M. le député d'Iberville.

M. Beauséjour: Je voudrais simplement signaler que, sur votre décision, il n'y a aucune discussion puisque la décision du président n'est pas discutable.

Le Président (M. Vallières): Vous me permettrez cependant de dire, compte tenu des échanges qui ont eu lieu avant la discussion et comme vous l'avez si bien dit, la commission est maîtresse de ses travaux. J'aimerais quand même entendre de part et d'autre la réaction des gens parce que j'ai cru comprendre, dans les deux interventions de part et d'autre, que ce qu'on voulait, c'est rechercher le maximum de retombées de cette commission à l'endroit des gens de Mirabel. Je pense que là-dessus, on pourrait entendre le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Une question d'explication.

Vous venez de rendre une décision qui a une grande portée. D'abord, est-ce que vous comptez l'expliquer par écrit ou si vous nous faites simplement part d'une décision en quelques mots comme cela? Deuxièmement, dans l'hypothèse où la décision serait valide - je pense bien que nous avons toutes les raisons de croire qu'elle l'est jusqu'à nouvel ordre - est-ce qu'une motion de cette nature est sujette à amendements et à sous-amendements comme celles que nous avons à l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Vallières): Oui. Premièrement - je prends cela comme étant une suggestion - je pense qu'il serait excellent qu'on puisse l'avoir et je me ferai un devoir d'envoyer aux deux côtés de la Chambre une décision écrite face à ce qui vient de se produire. Pour ce qui est de la motion, elle est évidemment débattable et, par conséquent, elle est amendable comme toutes les motions qui sont présentées en commission parlementaire. Alors, à moins qu'il y ait des interventions sur la motion, je vais la mettre aux voix. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. (19 h 15)

M. Garon: Nous avons eu l'occasion de consulter, à la suite de votre rencontre avec les gens du bureau du président en vue d'étudier les aspects juridiques de cette motion. Comme le député d'Argenteuil a pris connaissance de la motion au moment où je l'ai présentée et qu'il n'y a pas eu d'avis antérieur concernant les conclusions auxquelles nous en arrivions en discussion, un peu comme un caucus des députés du Parti québécois faisant partie de la commission parlementaire de l'agriculture réunie aux fins de discuter les mémoires présentés sur Mirabel par les gens qui sont venus devant nous, je pense qu'il serait correct que nous ajournions nos travaux sine die pour donner aux députés de l'Opposition le temps de se faire une opinion sur les conclusions. Possiblement qu'ils auront eux-mêmes des propositions à faire ou des amendements à suggérer, ou encore de discussions à entamer concernant chacun des points qui sont dans les recommandations auxquelles nous en sommes arrivés.

Quant au fonctionnement de cette commission parlementaire, il est vrai que c'est un sujet un peu particulier sur lequel les juridictions sont partagées. Des tierces parties sont impliquées et on ne pouvait pas en arriver, à mon avis, à un fonctionnement habituel. C'est peut-être pour cela qu'on arrive à faire peut-être jurisprudence aujourd'hui. Si l'Opposition le souhaite - je ne voudrais pas avoir l'air de les engager aussi dans cette voie personnellement - si c'est le souhait de l'Opposition, je peux dire que, de notre côté, nous n'aurons pas

d'objection à ce que la commission parlementaire soit ajournée. Si l'Opposition préfère continuer immédiatement, nous sommes prêts à le faire. Par ailleurs, je comprends le député d'Argenteuil et je lui dis à l'avance que, s'il souhaite un ajournement de la commission, de notre côté, nous n'aurons pas d'objection.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Tout d'abord, je voudrais vous féliciter, M. le Président, de la décision que vous venez de rendre. J'entendais nos concitoyens tantôt s'inquiéter de ce que vous soyez passé de ce côté-ci, au centre de la place, en ayant l'air de craindre que la décision serait moins bonne. Encore une fois, c'est toujours dangereux de voir un gars de son camp dans ces fonctions. Je vous félicite d'avoir agi avec célérité, avec sagesse et bon jugement, en faisant toutes les consultations qui étaient nécessaires et en rendant une décision devant laquelle nous nous inclinons volontiers. On aura le temps d'en voir les implications, d'ailleurs, si un certain délai est donné. Je pense que cela ne sera pas mauvais non plus parce que c'est l'institution parlementaire qui est concernée. Là-dessus, il n'y a pas de problème.

Quant aux propos que vient de tenir le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, je pense qu'ils sont en conformité avec ce qui avait été dit antérieurement. Si nous allions procéder à fond de train, tout de suite, cela voudrait dire que tout ce que nous avons discuté depuis trois heures aurait été peine perdue. On a essayé de trouver un mode de fonctionnement qui répondrait aux exigences d'une méthode de travail consciencieuse et rigoureuse même.

À ce stade-ci, on a un projet qui est déposé sur notre table par le ministre qui représente le gouvernement à cette commission. On va l'étudier consciencieusement et, lorsque nous serons convoqués de nouveau pour reprendre le travail, nous pourrons mener tout cela à terme dans des conditions infiniment meilleures. Je peux annoncer tout de suite que nous aurons, de notre côté, un certain nombre de propositions à faire qui pourront prendre la forme d'amendements à ceci ou d'autres formes que nous pourrons examiner d'ici ce temps-là. Cela me permettra de consulter mes collègues; M. le député de Beauce-Sud, en particulier. Il n'est pas ici à ce moment-ci pour des raisons qu'il vous a exposées à la fin de la matinée. Le député de Richmond sera peut-être dans une situation plus objective et plus solide pour nous quand on aura ajourné cette fois-ci. Je pense que cela va nous permettre de retrouver nos forces ensemble. Il y a des discussions que nous voulons avoir de notre côté.

Si vous me permettez d'ajouter ceci, je pense que c'est un cheminement qui est peut-être plus conforme à la nature et à la logique de l'institution parlementaire. C'est facile quand on est de l'autre côté de la table de souhaiter l'unanimité. Très bien. On l'a tous souhaitée à certains moments et on a tous déploré au Québec, dans certains grands moments, que l'esprit de parti prenne le dessus sur l'esprit de patriotisme ou de civisme au sens le plus large du terme. D'autre part, nous ne devons pas oublier que le système parlementaire dans lequel nous fonctionnons est un système qui repose sur l'opposition des partis. C'est un système assez rigide au sujet duquel j'ai bien des réserves, pour être franc avec vous, parce qu'il oblige chacun à aller au bout d'une logique, soit ministérielle, soit d'opposition, qui est rarement conforme à la logique du bon sens tout court. Il faut que, d'un côté, on fasse valoir toutes les objections, même jusqu'au point où, parfois, c'est un peu ridicule. Il faut que, de l'autre côté, on soit solidaire aussi des décisions gouvernementales, même au point où cela peut paraître un peu ridicule parfois. On se dit que les excès que cela exige favorisent un tamisage des points de vue qui permet d'arriver à de meilleures conclusions, en fin de compte. Ce n'est pas nécessairement parce que les gens sont butés. C'est la logique du système. Par conséquent, avant d'y faire des exceptions, il faut y penser comme il faut. Parfois, ces exceptions sont nécessaires. Il arrive souvent, dans la durée d'une session, que les députés des deux partis se retrouvent par-delà les frontières partisanes. C'est très heureux que cela puisse arriver aussi. Quand arrivent des questions de fond, c'est plus difficile, parce que chacun est là pour défendre une certaine conception qui est censée être différente de celle de l'autre.

Encore une fois, c'est la logique du système parlementaire. Tant que nous sommes dans ce système, le rôle de chacun, s'il est au gouvernement ou dans l'Opposition, est d'accomplir la fonction qui est attendue de lui et de ne pas aller chercher d'abord des applaudissements ou des appuis faciles et superficiels. Mais ensemble, en procédant comme on le fait, je pense qu'on va arriver à un stade où chacun donnera sa pleine mesure. Cela va permettre de garder l'affaire dans l'air pendant encore un certain temps. C'est le gouvernement qui nous fera des propositions quant à la date de la prochaine réunion et je serai très heureux...

J'aurais voulu, ce soir, tirer des conclusions ou résumer mes observations, mais étant donné la tournure que le débat a prise à la suite de la décision qui a été

rendue, je crois qu'il serait superflu de le faire tout de suite. Je pense qu'on est mieux de réserver cela pour un certain temps encore. Cela va permettre que cela mûrisse de chaque côté et ce sera peut-être plus solide.

J'émets le voeu, puisqu'on me l'a demandé tantôt, que pour des raisons de méthode, de sérieux et d'approfondissement, un certain temps nous soit donné pour approfondir ceci et pour en discuter à fond à une réunion ultérieure de la commission.

M. Gagnon: M. le Président...

M. Beauséjour: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Vallières): Oui. M. le député de...

M. Beauséjour: Iberville.

Le Président (M. Vallières): ...d'Iberville, s'il vous plaît, oui.

M. Beauséjour: C'est pour notre bonne compréhension. Si on ajourne à ce moment-là, sur quoi va porter la motion du ministre, puisque quand le ministre a commencé à lire sa motion, à la suite de certaines de vas remarques, il en a modifié certains mots? J'aimerais savoir, pour notre bonne compréhension, si le ministre - et si vous êtes d'accord - considère que c'est le texte qui nous a été donné qui est la motion sur laquelle porte la discussion.

Le Président (M. Vallières): Si le ministre était d'accord pour enlever toute ambiguïté, on pourrait peut-être déposer le document qu'il a préparé et qui...

M. Gagnon: Je m'excuse, mais sur la même question de règlement, compte tenu qu'il n'y a pas de dépôt en commission parlementaire...

Le Président (M. Vallières): Oui.

M. Gagnon: ...pour la clarté du journal des Débats, je pense que ce n'est pas tellement long de la relire. Si vous me laissez la parole encore 30 secondes, je voudrais d'abord vous féliciter, M. le Président, pour la décision que vous avez prise. Nous nous sentons prêts à voter immédiatement, mais le ministre a dit au député d'Argenteuil que nous étions aussi prêts à attendre que l'Opposition puisse en discuter et qu'on puisse revenir.

Par contre, ce que je voudrais, si on suspend les travaux de cette commission, c'est qu'on se fixe au moins une date pour que cela n'aille pas trop tard. On peut prendre le temps d'y penser, mais il faudrait peut-être que la commission siège à nouveau le plus rapidement possible.

M. Garon: Je pense bien que ce serait assez difficile de fixer une date...

Le Président (M. Vallières): M. le ministre de l'Agriculture.

M. Gagnon: Oui.

M. Garon: ...ici même ce soir. Je sais que, personnellement, j'ai dans ma poche un agenda qui va jusqu'aux 11 et 12 février.

Le Président (M. Vallières): Je veux immédiatement interrompre M. le ministre sur un point de règlement. La commission ne peut pas déterminer la date. En vertu de notre règlement ce sont les deux leaders qui devraient s'entendre pour convoquer la commission à nouveau. Je pense qu'on peut faire confiance aux deux leaders...

M. Gagnon: Nous pouvons cependant exprimer le voeu qu'on ne tarde pas trop à compléter le travail de cette commission.

Le Président (M. Vallières): D'accord. À ce moment-ci, j'aurais le goût de demander au ministre de nous relire sa motion, afin que le texte intégral en soit bien inscrit au journal des Débats. J'aurai ensuite quelques commentaires à formuler avant l'ajournement. M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Je relis donc la motion. "Après avoir pris en considération les recommandations et les suggestions qui ont été soumises, au nom des députés du Parti québécois et en mon nom personnel, je fais motion - on a travaillé cela ensemble et je ne voudrais pas m'attribuer le mérite des autres aussi - pour que la commission parlementaire recommande ce qui suit: "1. le gouvernement fédéral a exproprié un territoire démesurément vaste et doit se départir dans les plus brefs délais d'au moins 80 000 acres. De plus, la commission parlementaire recommande la formation d'un comité technique chargé d'étudier le mode de tenure le plus favorable à l'utilisation agricole des 12 000 acres actuellement inutilisées dans la zone dite opérationnelle. Ce mode de tenure doit s'articuler autour de la rétrocession ou de la location par baux à long terme ou par baux emphytéotiques; "2. la commission parlementaire recommande de plus au gouvernement fédéral la rétrocession immédiate de toutes les terres actuellement occupées par des expropriés ou par leurs enfants, selon les modalités de prix énoncées par le CIAC ou selon toute autre formule de prix jugée plus avantageuse. Pour les autres terres, occupées

par des gens qui n'ont pas subi l'expropriation, la commission parlementaire recommande que la situation de chacun soit analysée par le comité neutre ci-après décrit, avant d'autoriser la rétrocession ou la revente, selon que l'équité le commandera; "3. la commission parlementaire recommande la formation d'un comité de fonctionnaires des deux gouvernements, afin d'analyser le cadre réglementaire ou contractuel régissant les contraintes reliées à l'aéronautique ainsi que le financement des transactions portant sur les exploitations agricoles. De plus, la commission parlementaire recommande que ce comité soit élargi par la présence de représentants du milieu, afin d'examiner, dans un esprit d'équité, les autres modalités de disposition des terres expropriées en trop de Mirabel, notamment, à qui les vendre, deuxièmement, la dimension des futures exploitations agricoles, troisièmement, les autres éléments de fixation des prix; (19 h 30) 4. La commission parlementaire recommande qu'il y ait un programme de relance de l'agriculture sur les terres dont la tenure aura été normalisée. Ce plan sera discuté avec les autorités concernées du gouvernement fédéral et pourra prévoir des modalités plus avantageuses pour les expropriés et leurs enfants. 5. La commission parlementaire recommande au gouvernement du Québec de fournir un support financier et technique au CIAC (Centre d'information et d'animation communautaire) afin de lui permettre de contester l'expropriation des terres acquises en trop de Mirabel. D'ici la fin de cette démarche juridique, si la voie de la négociation offre des résultats valables, les procédures pourront être suspendues à la demande des intéressés."

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le ministre. Je voudrais remercier tous les participants à la commission de même que les gens qui m'ont aidé à prendre une décision importante qui fera jurisprudence. Je dois vous dire que, même si vous avez attendu, vous savez, c'est quelquefois le prix pour que la démocratie s'exerce à plein, comme on dit, et je pense que cela en valait le coût. À moins que quelqu'un n'ait autre chose à ajouter, j'ajournerai les travaux de cette commission. Le député d'Argenteuil me fait signe qu'il aurait quelques mots à ajouter.

M. Ryan: Oui. Je voudrais simplement saluer les citoyens du comté d'Argenteuil qui sont ici depuis un bon bout de temps et qui ont suivi les travaux de la commission avec une grande fidélité. Je veux les assurer que le travail continue, qu'on a fait une étape qui a été laborieuse à bien des points de vue, qui a été faite dans un esprit de recherche honnête et que cet esprit de recherche ne doit jamais nous quitter, si on veut aboutir à des résultats solides. Je pense qu'on a posé des jalons, il y en a d'autres qui viendront; j'espère qu'on se retrouvera ensemble, jusqu'à la fin du processus, dans un esprit de collaboration.

Le Président (M. Vallières): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 19 h 33)

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