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(Dix heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries
et de l'alimentation est donc réunie de nouveau pour étudier la
situation des terres expropriées en trop de Mirabel.
Les membres de la commission, pour aujourd'hui, sont: MM. Baril
(Arthabaska), Beaumier (Nicolet), Beauséjour (Iberville), Dupré
(Saint-Hyacinthe), Gagnon (Champlain), Garon (Lévis), Ryan (Argenteuil),
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lincoln (Nelligan), Mathieu
(Beauce-Sud), Vallières (Richmond).
Les intervenants sont: Mme Bacon (Chomedey), MM. Bisaillon
(Sainte-Marie), Blouin (Rousseau), Boucher (Rivière-du-Loup), Dubois
(Huntingdon), Mme Juneau (Johnson), MM. Lachance (Bellechasse), LeMay
(Gaspé), Middlemiss (Pontiac), Picotte (Maskinongé).
L'ordre du jour. Je vous nomme rapidement les intervenants qui devraient
se présenter dans l'ordre: en premier lieu, M. Richard Desjardins, suivi
de M. Léo Bourgeois, de M. Claude Leclerc, de Mme Louise Graton et de M.
André Graton, de Mme Jeanne d'Arc Bertrand et de M. Claude Bertrand
(pour dépôt seulement), de Mme Sylvie Deschambault, de la MRC de
la région des Laurentides, de M. Claude Vallée (pour
dépôt), de M. le curé Georges Duquette (pour
dépôt), de M. Gilles Dauphinais (pour dépôt) et de M.
Jean-Marc Alarie (pour dépôt).
J'inviterais immédiatement la première personne, soit M.
Richard Desjardins. Il s'agit du mémoire no 17.
M. et Mme Richard Desjardins
Mme Desjardins (Carole): M. le ministre, MM. de la commission
parlementaire, mesdames et messieurs, on a intitulé notre mémoire
Les débats d'un locataire de Mirabel pour survivre.
À la suite de l'expropriation de la ferme de mes parents en 1969,
j'ai dû aller travailler chez un autre agriculteur pendant quatre ans.
Ensuite, j'ai décidé de revenir m'installer sur le territoire
exproprié, après avoir eu des promesses des Travaux publics du
Canada quant à l'aide pour les travaux essentiels à
l'amélioration de la terre et des bâtiments dans le futur.
En décembre 1977. J'ai fait une demande à maintes reprises
pour avoir la permission de construire un deuxième silo. N'ayant eu
aucune réponse finale au bout d'un an, j'ai décidé de le
construire à mes frais. Dans les jours qui suivirent l'installation, les
fonctionnaires sont enfin venus me voir pour me dire qu'ils ne pouvaient rien
faire parce que je l'avais fait installer avant leur réponse.
En 1978. Suite au refus catégorique des Travaux publics de
changer la date du début de mon bail, qui était le 18 juillet
1975, pour le 1er novembre 1975 afin d'avoir droit à l'obtention de la
subvention du crédit agricole de 4000 $ pour les jeunes agriculteurs,
j'ai fait pression en arrêtant de payer mon loyer jusqu'à
concurrence des 4000 $ auxquels j'aurais pu avoir droit. À la suite de
longues démarches, en 1977, auprès de M. de Bellefeuille et de M.
Garon pour demander la rétroactivité de cette loi, j'ai eu le
plaisir de voir la loi amendée et la mise en vigueur de la loi no 100,
article 6a, par M. Garon. J'aurai droit à cette subvention dès
que j'aurai fait faire des travaux mécanisés pour le montant
attribué, soit 4000 $.
En 1979 encore, le gouvernement enlevait "l'octroi" pour les travaux
mécanisés pour les locataires de Mirabel. En 1980, après
avoir loué une terre supplémentaire pendant deux ans à 5 $
l'arpent, je perdis plusieurs récoltes vu l'état lamentable des
champs. Je décidai de faire des travaux mécanisés à
mes frais pour le somme de 12 989 $. Je n'ai pas de bail sur cette terre et
maintenant on me demande un montant de 22 $ l'arpent sans considération
pour les frais mentionnés.
En 1979-1980, à la suite d'une maladie contagieuse de mon
troupeau - c'était le BVD - je fus obligé de construire une
étable pour isoler les veaux et les vaches et, en plus, une remise pour
la machinerie. Je fis une demande aux Travaux publics pour aller couper du bois
pour la construction de la remise. Comme je n'avais toujours pas de
réponse et qu'antérieurement j'avais déjà eu une
permission de ce genre pour une autre bâtisse, je décidai d'aller
en couper le 7 septembre 1980. Ils m'ont ensuite accusé de l'avoir
volé et m'ont envoyé une facture de 60 $. J'ai refusé ce
règlement et je dois comparaître au tribunal le 18 novembre 1982
pour régler cette fausse accusation. J'ai investi personnellement la
somme de 5821 $ pour l'étable à veaux et 2129 $ pour la
remise, sans compter mon temps.
Quand vient le temps de faire un emprunt quelconque, c'est toujours
très difficile de l'obtenir et encore plus de le rembourser. Il ne reste
que trois ans avant la fin de mon bail. Comment voulez-vous améliorer la
machinerie, le troupeau, les terres au prix que cela coûte et en si peu
de temps?
Dernièrement, j'ai demandé un prêt
d'amélioration de ferme pour acheter du quota et un peu de machinerie.
Le syndicat de gestion avait étudié mes revenus et
dépenses et trouvait cet emprunt rentable. Le gérant de caisse a
refusé de faire suivre ma demande au crédit agricole parce que,
disait-il, cela ne valait pas la peine de remplir toutes ces formules - il
n'est pas d'accord avec la politique du gouvernement au sujet des prêts
agricoles - et que je n'arriverais jamais à rembourser en si peu de
temps, parce qu'il faut le rembourser en trois ans. Et, comme réponse
finale, il m'a dit que je n'avais qu'à vendre des vaches, car
j'étais déjà assez important comme cela. Je me suis
défendu, mais il ne voulait rien comprendre. Alors, je suis allé
voir dans une autre caisse et le gérant s'est informé au
crédit agricole et j'ai été accepté.
Ces quelques faits ne sont que quelques-uns parmi plusieurs autres.
C'est toujours de cette façon que se terminent les négociations
entre les locataires de Mirabel et la société immobilière.
Aux yeux des personnes qui ne vivent pas sur le territoire, nous passons pour
des gens chanceux qui ont tout gratuitement et qui ne passent leur temps
qu'à chialer sur tout. J'ai investi un montant de 53 800 $ depuis mon
arrivée en 1975 et la SIC dit que tout lui appartient.
Considérant l'état actuel des négociations pour la revente
des terres expropriées en trop, je demande qu'on les revende, mais en
n'oubliant pas de soustraire nos investissements personnels.
Comme dernier point, j'aimerais vous demander de répondre
à ces deux questions: Que dois-je faire le 18 novembre 1982 -c'est
passé, mais cela a été remis et cela va être encore
la même question - quand j'aurai à répondre à
l'accusation de vol de bois en Cour provinciale? Deuxième question: Dans
quelque temps, quand je devrai leur donner tout le bénéfice de
mes espoirs et de mes travaux de ces huit dernières années,
où j'ai fait tout mon possible pour préparer mon avenir et celui
de ma famille, que devrai-je faire?
Je vous remercie d'apporter appui et attention au cas des locataires de
Mirabel et d'avoir pris beaucoup de votre temps pour que cette commission
parlementaire ait lieu. Merci.
On a des pièces jointes et des preuves à l'appui pour les
demandes de la SIC et les négociations qui ne se passent jamais.
Pour finir, sur le territoire de Mirabel, les personnes qui n'ont pas
d'améliorations à faire pour les bâtisses etc., n'ont pas
à rencontrer la SIC, mais ceux qui veulent aller de l'avant et
améliorer doivent rencontrer la SIC à tout bout de champ et cela
prend une éternité avant d'avoir des réponses. La SIC a un
petit dicton. La SIC dit qu'une personne qui n'est pas d'accord avec elle est
une personne négative et qu'une personne qui est d'accord avec elle est
une bonne personne, une personne positive.
Je veux finir, en tout cas, en vous disant que le soir, quand je me
couche, je suis fière de moi, mais je me demande comment les "Sicois" -
ceux de la SIC - et les gens du gouvernement fédéral peuvent se
regarder et dormir la nuit. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme Desjardins. Y
a-t-il des questions ou des commentaires de la part des membres de la
commission? M. le député de Groulx.
M. Fallu: Aujourd'hui, nous allons entendre plusieurs
témoignages personnels, c'est-à-dire que dans nos travaux, nous
allons un peu reprendre le rythme de départ. Entretemps, on a
peut-être été porté à voir des structures,
à voir des problèmes de nature globale - il fallait le faire -
mais votre présence nous ramène à la vraie dimension, aux
problèmes humains individuels, à des problèmes
économiques individuels, à votre avenir personnel sur une terre,
à vos investissements, à vos efforts et à vos espoirs.
Je voudrais, d'abord, vous remercier de votre témoignage, parce
que cela nous ramène - et j'espère que cela y ramène tout
le monde - dans le vif du sujet. Il y a d'abord, avant tout, un problème
humain.
Vous posez des questions. Évidemment, je ne suis pas juriste; je
suis un peu démuni de ce point de vue. Je connais le droit romain, mais
je ne connais pas la Cour provinciale. Je ne sais pas quoi vous
répondre, mais je pense que, pour nous, il y a une chose qu'on peut vous
répondre, c'est qu'on se doit d'appuyer, par le biais du CIAC, l'action
que vous entreprenez en cour. J'imagine qu'actuellement vous êtes
soutenus par le CIAC dans la cause qui est pendante. On ne vous renvoie pas en
disant: On s'en lave les mains; nullement, sauf que c'est un peu une
répartition de tâches et vous pouvez compter sur nous pour
continuer à le faire.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Brièvement, Mme ou M. Desjardins, est-ce que
votre terre est située dans la zone qui sera revendue?
M. Desjardins (Richard): Non, elle n'est pas située dans
la zone de rétrocession pour revente actuellement.
Mme Desjardins: À l'heure actuelle, non, mais
sûrement que cela va venir, parce qu'on a la dernière terre
expropriée, les voisins ne le sont pas.
M. Mathieu: Si jamais on vous offrait une rétrocession,
j'imagine que vous seriez intéressés.
M. Desjardins: Je suis bien intéressé à
racheter. Pour ce qui est du prix, ce sont les dommages qui nous ont
été causés qui doivent être compensés, parce
que c'est rendu terrible.
M. Mathieu: D'accord, merci.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Merci. M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Oui, une courte question. Je suis
arrivé quelques minutes en retard et, quand je suis arrivé, vous
avez mentionné que vous étiez accusé de vol de bois.
Pourriez-vous m'expliquer brièvement de quoi il retourne?
Peut-être l'avez-vous dit, je regrette.
M. Desjardins: Mon troupeau a été atteint de la
maladie du BVD, le "bovine viral diarrhoea"; c'est une maladie qui attaque les
vaches à lait. Il fallait que je sépare les veaux des vaches,
parce que les veaux venaient au monde le matin et, le soir, ils mouraient. Il a
fallu que je me construise une étable à veaux. J'ai pris un
endroit pour ma machinerie, j'ai construit mon étable à veaux,
mais je n'avais plus de place pour ma machinerie; alors, je me suis bâti
une remise de 63 pieds sur 28 pieds. Le bois que je suis allé chercher,
c'était pour faire des chevrons pour la couverture. Je suis allé
le chercher dans le bois de la société, mais,
antérieurement, j'avais eu la permission pour aller couper ce bois. Je
leur ai demandé et on ne me donnait pas de réponse. La maladie
s'est déclarée au mois de septembre et il me fallait construire
avant l'hiver; alors, je suis allé couper mon bois tout de suite et
c'est là qu'ils m'ont accusé parce que je leur avais volé
du bois et qu'ils ne m'avaient pas donné l'autorisation. En fait,
c'était pour bâtir une bâtisse sur le territoire. Je ne dis
pas si j'avais coupé le bois pour faire du bois de chauffage et le
vendre ou bien faire des arbres de Noël avec, mais c'était pour
faire une bâtisse. J'ai payé tout le restant, la tôle, la
main-d'oeuvre et la planche, excepté pour la couverture et les chevrons.
(10 h 30)
M. Baril (Arthabaska): Vous pouvez évaluer cela à
quoi?
M. Desjardins: Pour le bois que je leur ai pris, ils m'avaient
envoyé une facture de 85 $ et là il y avait eu une erreur,
c'étaient 60 $. Il faut croire que cela pressait plus que mon loyer
parce que cela faisait deux ans et demi que je n'avais pas payé mon
loyer.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le
député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: C'est juste pour une précision. Quand vous
dites: On m'a accusé, est-ce une accusation, une réclamation
qu'ils vous font au civil ou au criminel? Est-ce que c'est une plainte
portée devant les tribunaux?
M. Desjardins: Ils ont envoyé la Sûreté; la
Sûreté est venue chez nous et ils m'avaient accusé d'avoir
volé le bois.
M. Mathieu: Est-ce réglé?
M. Desjardins: Non, ce n'est pas réglé. Ils se sont
trouvés à remettre cela parce qu'on avait mentionné qu'on
avait eu l'autorisation pour aller le couper parce que je l'avais
déjà eue antérieurement. C'est la condition qu'ils
m'avaient donnée après: Si tu ne paies pas ton loyer, on ne peut
pas te donner d'autorisation. En fait, ils retardent toujours quand on fait une
demande, ils retardent les demandes, c'est long effrayant.
M. Mathieu: Est-ce que cela fait longtemps que la
Sûreté est allée vous porter ce document?
Mme Desjardins: On est passé en cour au mois d'octobre,
novembre?
M. Desjardins: Le 18 novembre.
Mme Desjardins: Le 18 novembre, mais là, rendu en cour,
cela a été remis encore et on ne sait pas quand.
M. Mathieu: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le ministre.
M. Garon: Je vous écoutais. Cela me rappelle qu'il y a
plusieurs années un cultivateur m'avait dit: Si tu prends une piastre
pour nourrir ta famille, tu es un voleur; si tu voles 100 000 $ dans le
patronage, tu es un financier. Vous demandez un peu comment les gens qui sont
dans votre situation, souvent, ou d'autres qui l'ont été à
Forillon ou à d'autres endroits pourraient apprendre au gouvernement
à ne pas répéter ce genre de geste. Si les gens qui
sont
victimes de ce genre de geste arrêtaient de voter libéral
au Québec, cela aiderait beaucoup, parce qu'à Forillon, ils ont
voté libéral également à l'élection
suivante. Si les Québécois étaient un peu plus constants
ou consistants dans leurs actions, c'est-à-dire, si, après
s'être fait organiser le portrait, ils arrêtaient de tendre la joue
droite, c'est peut-être un peu moins chrétien, mais, politiquement
parlant, cela aiderait beaucoup. On a le sentiment, au Québec, que le
gouvernement fédéral peut faire n'importe quoi et que les gens
voteront libéral quand même. Si les Québécois
démontraient une fois pour toutes qu'ils peuvent le sacrer dehors, je
vais vous dire une chose: Ce serait peut-être la meilleure leçon
qui pourrait être donnée, politiquement parlant.
Maintenant, je pense bien que le cas que vous avez mentionné,
fait partie des mesures utilisées pour écoeurer les gens, les
écoeurer à un point tel qu'ils se tannent et qu'ils abandonnent.
C'est souvent la façon de faire. Par rapport à nous du
gouvernement du Québec, leur façon de faire, c'est de nous
envoyer au diable; vous, ils vous achalent. C'est une autre façon de
faire. J'ai l'impression que votre meilleure défense, c'est encore de
vous serrer les coudes dans votre groupement des expropriés pour
défendre vos droits ensemble et peut-être entreprendre maintenant
la contestation, comme le mentionnait le CIAC hier. Ce serait peut-être
le temps de commencer à contester les causes de vente aux
fonctionnaires; ce serait peut-être la meilleure façon aussi.
Évidemment, cela occasionne des délais, mais
peut-être qu'à ce moment-ci ce serait une des façons de
montrer que le gouvernement a exproprié sans droit et qu'actuellement,
il ne respecte pas la loi qui était en vigueur au moment de
l'expropriation, c'est-à-dire de vendre des terres aux
expropriés. C'était la loi à ce moment. C'est un peu pour
cela qu'à la Chambre des communes M. Clark a dit qu'on agissait
illégalement, parce qu'à ce moment-là la loi les obligeait
à remettre les terres à ceux qui étaient expropriés
quand l'expropriation était visiblement inutile. Entre-temps, la loi a
été changée mais, moralement, sinon légalement, on
devrait appliquer la loi à laquelle étaient assujettis les gens
qui ont été expropriés au moment où cette loi
était en vigueur.
Hier, des gens du CIAC sont venus nous rencontrer et nous ont
parlé de la contestation judiciaire. Je pense que c'est peut-être
une voie dans laquelle il faudra... En tout cas, je vais en parler au Conseil
des ministres du Québec, parce qu'il y a eu une demande officielle de
contester l'expropriation des 80 000 acres. Le gouvernement du Québec
hésitait beaucoup avant de le faire, parce que des gens impliqués
seraient touchés dans le sens que l'expropriation pourrait retarder
certaines transactions. Peut-être que, dans un cadre comme
celui-là, les gens pourraient trouver justice, en espérant que le
gouvernement fédéral va changer aux prochaines élections
et qu'on pourra en arriver au règlement qui avait déjà
été négocié avec les conservateurs durant la courte
période où ils ont été au pouvoir en 1979 et au
début de 1980.
Cela aussi est un autre espoir, je pense bien. Je ne dis pas qu'on
n'essaiera pas avec les libéraux, on va essayer. Leur crainte de
l'électorat est tellement faible que ça ne joue pas beaucoup,
mais les sondages indiquent actuellement que le Québécois,
même s'il a eu une bastonnade au cours de plusieurs années,
commence à ressentir la douleur. La corne qu'il avait sur le dos
commence à craquer. Si les libéraux ne sont pas capables de
comprendre la crainte de l'électorat, espérons qu'il y aura un
changement de gouvernement aux prochaines élections et qu'on pourra
traiter plus civilement avec le nouveau gouvernement. Là, les
délais sont moins longs puisque l'échéance approche.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je ne veux pas embarquer dans ce délayage
politique. Je ne sais pas si le ministre prépare une éventuelle
entrée sur la scène fédérale, mais on est ici pour
examiner les problèmes précis qui nous sont posés. Je vais
vous poser quelques questions là-dessus. Est-ce que vous êtes dans
la zone aéroportuaire proprement dite?
M. Desjardins: Oui.
M. Ryan: Vous êtes dans la zone aéroportuaire
proprement dite. Alors, finalement, vous êtes dans les 17 000 acres?
M. Desjardins: Non.
M. Ryan: Non. Vous êtes en dehors de cela?
M. Desjardins: En dehors de cela, oui.
M. Ryan: Par conséquent, éventuellement votre
propriété devrait être mise en revente comme les autres qui
ont maintenant été annoncées?
M. Desjardins: Oui, je l'espère.
M. Ryan: Cela provient d'un deuxième mouvement.
Mme Desjardins: Cela aurait dû être dans les 30 000
acres qui sont déjà
rétrocédées.
M. Desjardins: Oui.
M. Ryan: D'accord. Dans votre texte, vous dites que vous avez des
paiements à rencontrer, tel celui de 35 260 $. Quel est-il aujourd'hui?
Est-ce qu'il a augmenté ou bien s'il est toujours du même
montant?
M. Desjardins: C'est encore le même.
M. Ryan: C'est le même. Quelle est la superficie de votre
terre?
M. Desjardins: Chez nous, j'ai 106 arpents.
M. Ryan: Vous avez 106 arpents.
M. Desjardins: J'ai aussi une autre terre à
côté, celle de mon voisin. L'expropriation s'arrête
là. Elle est de 60 arpents. Quand je suis arrivé là, en
fait, il n'y avait plus de fossés. Le cultivateur louait
déjà sa terre depuis trois ans. Il y avait des branches
jusqu'à 30 ou 40 pieds de largeur sur les fossés. Tout a
été enlevé. Actuellement, il ne reste plus un arbre, ni
une branche chez nous.
M. Ryan: Vous cultivez aussi cette terre-là?
M. Desjardins: Oui.
M. Ryan: Quant à celle-là, dites-vous qu'elle n'a
pas été expropriée?
M. Desjardins: Non, l'expropriation arrête juste à
côté.
M. Ryan: Elle est arrêtée.
M. Desjardins: En fait, ils n'avaient besoin que d'une quinzaine
de pieds sur la terre, mais ils l'avaient quand même complètement
expropriée.
M. Ryan: Ah bon! Par conséquent, vous payez un loyer sur
celle-là aussi?
M. Desjardins: Oui.
M. Ryan: Et le loyer pour les deux terres ensemble est celui qui
est mentionné, soit 12 000 $ par année. Est-ce cela qui est
mentionné dans votre mémoire?
M. Desjardins: Non, non. C'est pour une terre où j'ai fait
travailler le bulldozer pendant l'été. Je l'ai semée en
sarrasin. C'est seulement pour une terre où j'ai fait travailler le
bulldozer pour une valeur de 12 000 $ pendant l'été.
M. Ryan: Bon. Quel est le montant de votre loyer pour vos deux
terres?
M. Desjardins: Actuellement, je ne le sais pas, parce que cela
fait quatre ans et demi que je ne paie pas de loyer, parce qu'il n'y a pas
moyen de s'entendre sur le prix. Il y en a un qui dit une chose et un autre qui
dit le contraire de ce que le premier a dit. Alors, on ne peut pas
négocier un loyer de cette façon. Au tout début, je payais
5 $, et on s'était entendu que ce serait eux autres qui paieraient les
travaux du bulldozer. L'autre est arrivé et m'a dit que je payais les
travaux du bulldozer et qu'on me demanderait 22 $ l'arpent. Alors, là,
j'ai tout arrêté. Je ne vais même plus au bureau, cela ne
donne rien. Je ne pense pas repayer mon loyer, à moins qu'ils ne me
mettent en prison pendant une couple d'années parce que je ne suis pas
intéressé à le payer du tout.
M. Ryan: Est-ce que ce sont deux baux séparés que
vous aviez pour chacune des deux terres?
M. Desjardins: Oui.
M. Ryan: À quand remontent ces baux?
M. Desjardins: Cela fait deux ans et demi qu'ils sont finis.
M. Ryan: Ils sont finis depuis deux ans et demi.
M. Desjardins: Chez nous, il n'est pas encore fini. Il reste
encore trois ans sur ce bail-là.
M. Ryan: II reste trois ans pour celui-là.
M. Desjardins: Seulement la ferme et la maison.
M. Ryan: Cela doit être un bail de dix ans?
M. Desjardins: Oui.
M. Ryan: Et le total des investissements que vous avez faits sur
chacune des deux, sur la vôtre et sur l'autre quel serait-il environ?
M. Desjardins: Un montant de 53 800 $.
M. Ryan: Un montant de 53 800 $. M. Desjardins: Oui.
M. Ryan: Et quel est le total de vos arrérages
actuellement?
M. Desjardins: Autour de 15 000 $.
M. Ryan: Si je comprends bien, vous préféreriez
acquérir ces deux terres-là dans des conditions raisonnables.
M. Desjardins: Oui.
M. Ryan: Si vous deveniez propriétaire, vous voudriez que
tout ce que vous avez mis dessus vous soit crédité,
évidemment.
M. Desjardins: Oui.
M. Ryan: Aussi longtemps que vous êtes obligé de
demeurer locataire, vous voulez qu'il soit inclus bien clairement dans votre
bail qu'ils vous donnent crédit et qu'ils reconnaissent votre
propriété pour les améliorations que vous avez faites.
M. Desjardins: C'est cela, oui.
M. Ryan: Cela est bien compris, ce sont des objectifs...
M. Desjardins: Actuellement, je me sens modéré
parce qu'on ne peut plus rien faire. On ne sait pas ce qui va se passer. Je
n'aime pas cela, rester à rien faire.
M. Ryan: Très bien.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie M. et Mme
Desjardins.
Mme Desjardins: Est-ce que je peux dire un petit quelque chose en
finissant?
Le Président (M. Bordeleau): Oui, oui.
Mme Desjardins: Pour répondre à M. Garon au sujet
des votes et du fait que vous ne vous sentez pas appuyés parce qu'on
vote libéral, cela nous a pris bien du temps pour comprendre, mais je
pense qu'on a compris pour bien longtemps. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci beaucoup. J'inviterais
donc immédiatement M. Léo Bourgeois.
Une voix: M. Bourgeois ne semble pas être arrivé.
(10 h 45)
Le Président (M. Bordeleau): On me dit que M. Bourgeois ne
serait pas là. On pourrait passer immédiatement au suivant et
revenir à M. Bourgeois, s'il se présente, un peu plus tard. M.
Claude Leclerc. Est-ce que M. Leclerc est là? On entendra plutôt
Mme Louise Graton et M. André Graton. Vous pouvez immédiatement
procéder à la lecture ou à l'explication de votre
mémoire.
M. et Mme André Graton
M. Graton (André): Bonjour M. le ministre, bonjour M. le
Président et MM. les députés. C'est le
résumé du mémoire d'un fils d'exproprié que je vais
vous exposer. Depuis l'âge de 16 ans, je travaillais avec mon
père. Il me semblait que mon avenir était prometteur. Les projets
commençaient à ronronner dans ma tête. À vingt ans,
mon but était de devenir cultivateur et d'élever une belle
famille. Je pensais déjà à la relève.
Le 29 mars 1969, j'écoute la radio. On annonce un aéroport
à Sainte-Scholastique et, pour cela, on va exproprier 97 000 acres de
terre. Pour un certain temps, tout le monde était de bonne humeur, comme
dans un nuage. Au temps des semences, premier rendez-vous avec MM. les
fonctionnaires. Pas question de "miller" (semer du foin): juste de l'avoine et
du blé d'Inde. On était pour demeurer cinq ans, tout au plus.
À ma première entrevue à la télévision avec
Radio-Canada, la question suivante m'était posée: Qu'est-ce que
tu penses de cette expropriation? Ma réponse: J'ai le cul à
l'eau.
Le 8 août 1970, j'épouse la femme de mes rêves qui
est aussi bouleversée par cette expropriation. On va cultiver une couple
d'années et puis on a tout le temps! Le 1er novembre 1970, je signe donc
un bail de cinq ans au taux de 77 $ par mois. Le premier problème
survient le 11 juillet 1971. La grange-étable est incendiée. Tout
est détruit: garage, silo, laiterie, bâtiments. Dans la semaine
suivante, une rencontre avec le directeur, M. Brunet. On bâtit ou on ne
bâtit pas? On ne le sait pas, me répond-il. Au commencement
d'août, un coup de téléphone de M. Brunet. On bâtit.
Il paie trois ouvriers de base, le ciment et les matériaux de
construction. De mon côté, j'appelle les agriculteurs de mon coin
pour m'aider. On nous donne la permission de débâtir une
grange-étable à six milles de chez moi et on rebâtit chez
moi. Des bénévoles sur une grange du fédéral,
ça fait drôle. Un mois plus tard, arrêt des travaux par M.
le directeur. Cause: coût trop élevé. Tu continueras
à bâtir et on te récompensera. Après
réflexion, je leur réponds non et M. le directeur part en
vacances pour quinze jours. En attendant, nous autres, on attend.
D'abord, nous faisions la traite de 60 vaches dans une étable
à un mille de chez nous, et dans la misère. Mes deux
frères partaient à trois heures de l'après-midi pour
rentrer le premier lot, les traire et les soigner. À cinq heures,
c'était le deuxième lot et j'allais les rejoindre pour finir,
vers huit heures. Le matin, lever à cinq heures et on finissait la
traite à dix heures. Je me rappelle bien, un de ces soirs, avoir vu
pleurer ma femme parce qu'elle n'en pouvait
plus avec un jeune bébé de trois mois en carrosse pour
venir nous aider.
À son retour de vacances, M. le directeur est surpris de voir la
construction dans le même état. Il décide alors de
continuer les travaux après nous avoir fait perdre un mois. On reprend
la construction avec les trois ouvriers de base, mes deux frères, mon
père et moi. Le 11 novembre, nous aménageons dans la nouvelle
bâtisse. Pour récompense, arrêt du paiement des factures
chez le fournisseur de matériaux. Comme je ne le savais pas et que je
continuais à signer des factures, j'ai été obligé
de payer le compte pour ne pas perdre mon nom: 2400 $. En décembre 1971,
mon bail, qui était signé pour cinq ans, est annulé,
sûrement parce que la grange-étable était rebâtie et
que le prix du loyer ne convenait plus. Alors, tous les travaux que ma famille
et les cultivateurs du coin ont fait en bénévoles, je venais de
les perdre même s'il avait été convenu que ces travaux
bénévoles ne devaient pas comporter une augmentation du
loyer.
Le 1er janvier 1972, je m'associe avec mon frère Michel. C'est,
d'ailleurs, pourquoi on nous surnomme les frères Graton. On signe un
nouveau bail de cinq ans au coût de 277 $ par mois en ajoutant une terre
de 60 arpents. Mon frère se marie à son tour le 2 novembre 1974.
On l'installe dans une roulotte sur le terrain en face de chez moi. Il a eu sa
part de problèmes d'expropriation depuis et rien n'est encore
réglé pour sa fameuse roulotte. Ce bail de cinq ans se termine le
31 octobre 1976.
En juin 1977, on rencontre le préposé aux terres
agricoles: aucun arrangement ne survient. On se rencontre de nouveau le 17
décembre 1979. Entre-temps, on continue à payer le même
montant de loyer et on nous propose un premier bail d'une durée de 113
mois, suivi d'un deuxième bail d'une durée de 29 mois pour un
total de 1042 $ par mois, incluant les taxes, plus indexation de 7,5% par
année, et on nous dit: Vous avez jusqu'au 30 janvier pour y penser.
Mais, le 20 janvier 1980, la maison que j'habite est incendiée à
cause d'une défectuosité dans le système de chauffage
central. Le lendemain, je téléphone au préposé aux
terres agricoles pour qu'il nous trouve une autre maison en attendant. Une
semaine plus tard, nous voilà déménagés au 7911
Belle-Rivière, à environ deux milles de la ferme.
Après une couple de rencontres, les Travaux publics nous offrent
de nous bâtir un duplex, au coût de 80 000 $ et plus et plus,
disent-ils, pour mon frère et moi puisque Michel habite cette maison
mobile qui est condamnée par le ministère de la santé et
de l'hygiène. Si vous le permettez, mon épouse va vous lire une
description de la roulotte.
Mme Graton (Louise): C'est une lettre que Michel a envoyée
à la Société immobilière du Canada. Elle est
datée du 14 septembre 1981. "Ce matin, nous recevons notre courrier, il
y avait une belle grande lettre de la Société immobilière
du Canada. Étant très curieux de nature, nous ouvrons et lisons
le contenu immédiatement. En première page, on y voit MM. Goyer
et Marinier enlevant les barricades à une maison et citant: "À
Mirabel, une fenêtre s'ouvre sur l'avenir." Il entreprend même la
rénovation de ce qui est détérioré et
inhabité. En voyant cela, c'est très réjouissant car,
enfin, le village fantôme va reprendre vie. Mais combien cela va-t-il
nous coûter? Car, il ne faut pas se leurrer, rénover, cela
coûte des sous et c'est le locataire qui va payer tout cela. "Plus loin,
on cite que certains locataires sont en retard dans le paiement de leurs
loyers. Messieurs, avez-vous essayé de savoir le pourquoi de cet
arrêt de paiement? Ces gens ont une raison, car une telle décision
ne se prend pas sur un coup de tête. Vous citez le cas des frères
Graton. Quand on lit un journal plein de belles promesses et avec autant
d'initiatives et qu'on arrive à la fin et qu'on voit encore le cas
Graton, c'est à se demander qui dit vrai. Tour à tour, dans les
journaux, nous voyons deux versions différentes, la version Graton et la
version de la société immobilière. Il serait grand temps
de s'arrêter et de faire la mise au point une fois pour toutes. "Nous
sommes entièrement d'accord avec vous qu'un bail se signe et qu'un loyer
se paie en demeurant toujours dans des conditions acceptables. Nous sommes
prêts à payer ce que nous vous devons, tout en essayant de tirer
certains points au clair. Nous pouvons vous résumer notre vie depuis
sept ans. En août 1974, le ministère des Travaux publics nous a
installé une maison mobile. Elle est arrivée en août, mais
l'installation d'égouts et la connection d'eau,
d'électricité s'est terminée fin novembre. Le tout
terminé, la tuyauterie a éclaté; donc, changement au
complet de la plomberie. Ce qui fait que nous avons aménagé au
début de décembre; et c'est là que le cauchemar a
commencé. Cette roulotte fut fabriquée pour le centre des
États-Unis, donc, mauvaise isolation, et, de plus, elle a de
l'âge, ce qui fait que le toit et les fenêtres coulent. Le tout est
dans un état de moisissure et de pourriture, et je n'exagère
rien. Vous êtes-vous déjà levés le matin et voir de
la neige sur le bureau de votre chambre ou encore de vous promener avec des
couvertures en laine sur le dos parce que l'hiver, cela peut descendre
jusqu'à 45 degrés, même en mettant le chauffage au maximum?
Le soir, je couche mes enfants et je prie le ciel pour que le toit tienne le
coup encore une nuit,
parce qu'il est tellement pourri qu'il en plie. Depuis que nos enfants
sont nés, l'hiver nous courons les urgences des hôpitaux parce
qu'ils sont toujours malades. Il y a trois ans, le bureau d'hygiène a
déclaré malsain et inhumain d'habiter un tel endroit. Il en a
fait parvenir une copie au ministère des Travaux publics, disant que
c'était risqué pour notre santé et notre
sécurité d'habiter un tel endroit. Par la suite, nous avons fait
des demandes pour obtenir un permis de construction, avec autorisation toujours
refusée. On nous répondait: Renouvelle ton bail et, si les
conditions ne te plaisent pas, va rester ailleurs, ce qui est inacceptable pour
un cultivateur de s'éloigner de sa ferme. "Vous dites dans votre journal
que vous avez envoyé des mises en demeure et que vos démarches
restaient lettre morte. Je regrette, mais on n'envoie pas un huissier chez un
gars à midi pour lui donner jusqu'à 4 heures de
l'après-midi le même jour pour signer son bail et payer ce qu'il
doit, sinon des procédures judiciaires seront prises. Avant de signer un
bail, on se doit d'en étudier le contenu et certaines
négociations et ententes sont prises entre le locataire et le
propriétaire. Cela demande plus que quatre heures de réflexion.
Ce qui a fait suite à notre saisie. Vous dites qu'une entente verbale a
été convenue entre les deux parties au sujet du bail. C'est vrai,
mais l'entente disait: Un bail d'un mois renouvelable automatiquement de mois
en mois jusqu'à la revente des terres ou un bail à long terme.
Lorsque André et Michel ont été signer ce bail avec un
chèque visé pour les arrérages, ils se sont vu refuser
leur chèque; nous nous sommes fait proposer un bail avec des conditions
des plus inacceptables. Ce bail devenait un bail d'un mois seulement et nous
nous engagions, dans ce même bail, à ce que vous deveniez
propriétaires de nos silos, remises et de tout ce que nous avons
investi. Certaines clauses à notre avantage était rayées
et beaucoup d'autres choses. Nous ne demandons pas mieux que de nous entendre.
Quand on est installé sur une terre, c'est crucial d'avoir un bail
sécurisant et à long terme. Une ferme demande beaucoup
d'investissement pour fonctionner et on ne peut vivre en se demandant, lorsque
le bail sera échu, quelles seront les conditions et le prix. "Messieurs
de la Société immobilière du Canada, vous dites qu'en ce
moment une fenêtre s'ouvre sur l'avenir. Je ne peux m'empêcher que
de crier bravo, mais cela ne doit pas être à nos dépens.
Nous, les expropriés, ne voulons qu'une chose: que la paix et la
sécurité s'installent sur le territoire afin que nous puissions
progresser, car nous ne pouvons aller contre le progrès. "En somme, les
expropriés et vous, messieurs de la Société
immobilière du
Canada, nous voulons tous que Mirabel reprenne vie et ce n'est pas en se
faisant la guerre que nous allons arriver sur un terrain d'entente. Essayez
plutôt d'établir un moyen de communication entre les deux parties
pour vraiment voir où sont les problèmes et les solutionner pour
que nous puissions voir l'avenir avec plus d'optimisme. Michel Graton".
M. Graton (André): Je reprends. Le bail qu'ils veulent
nous faire signer est pour une durée de dix ans, renouvelable pour dix
autres années, avec un loyer mensuel de 1350 $, indexation de 7,5% par
année. Cela comprend le duplex qu'ils voulaient bâtir. Si j'ai
bien compté, après dix ans on leur aurait donné 229 182,95
$. On n'accepte pas l'arrangement offert. Alors, mon frère et moi, on
leur fait une contre-offre; effectuer à nos frais tout l'entretien et la
rénovation des bâtiments et de la terre, défrayer les
coûts d'une assurance incendie, payer les taxes, construire une maison
pour chacun de nous deux et payer un loyer mensuel de 425 $ à partir
d'avril 1980, c'est-à-dire le même loyer qu'on payait
antérieurement.
Le 1er avril 1980, nous arrêtons nos paiements de loyer et,
tanné d'attendre, je fais enterrer les restes de la maison
incendiée. Avec l'appui de l'UPA et du CIAC, j'achète une maison
préfabriquée au coût de 33 500 $ et je prépare une
corvée pour la journée de son arrivée prévue pour
le 2 mai. Entre-temps, le 28 avril 1980, nous recevons une lettre des Travaux
publics nous avisant de ne pas disposer des restes des biens de la couronne
(maison incendiée) et on me rappelait que cette initiative pourrait
entraîner des suites fâcheuses et même dangereuses. En
même temps, ils m'écrivent de ne pas construire une maison sans
leur autorisation.
Je pense que, devant cette situation d'urgence, je n'avais pas d'autre
alternative. C'est que la maison où je restais était
située à deux milles de ma ferme, je devais faire le train, aller
déjeuner, aller dîner, aller souper et parfois ma femme devait
venir me chercher dans le champ car nous avons plusieurs terres. Elle perdait
son temps à se demander où j'étais et parfois je mangeais
mon repas froid.
Le 1er mai 1980, je recevais une autre lettre me disant qu'ils se
dégageaient de toute responsabilité quant aux dommages
résultants d'une corvée qui pouvait avoir lieu. Cette
corvée eut lieu le lendemain, comme prévu, par une journée
radieuse. Quelque 300 personnes y participaient. Cette journée fut
appelée "la relance, c'est parti". Quelques personnages de haute classe
étaient présents pour donner leur appui: le ministre de
l'Agriculture M. Garon, le député du comté de
Deux-Montagnes M. Pierre de Bellefeuille, le maire Jean Laurin, de Mirabel
et quelques conseillers, sans oublier l'UPA et le CIAC.
Considérant cette corvée comme du chantage de notre part, les
Travaux publics refusent alors de m'accorder l'autorisation nécessaire
pour obtenir de la ville un permis de construction. Devant une situation aussi
paradoxale, nous avons décidé de continuer de ne plus payer
loyer, tant qu'on n'aurait pas de négociation de bonne foi pour
protéger nos investissements.
Le 23 avril 1980, je reçois une autre lettre nous avisant des
nouveaux taux de loyer; 916 $ par mois, incluant les taxes municipales et
scolaires, plus 18% d'intérêt sur le loyer dû. L'ensemble
des conditions était inacceptable. Trois semaines plus tard, une lettre
recommandée m'arrive du ministère des Travaux publics. Cette
lettre était signée par leurs avocats cette fois-ci. Ils me
tiennent responsable de l'incendie de la maison vu que, d'après eux,
j'étais insouciant et fautif. Ils me réclament la somme de 30 000
$ pour une maison payée 13 200 $ à l'expropriation. Après
plusieurs négociations, ma compagnie d'assurances règle pour 18
100 $. (11 heures)
Deux jours plus tard, soit le 18 juin 1980, je reçois une autre
lettre me répétant encore une fois de ne pas disposer des biens
de la couronne parce que les deux silos de bois, sur la terre que je loue au
voisin, sont tombés par terre après une nuit de grand vent.
Le reste de l'année a été assez tranquille. Vous
comprenez, avec la rapidité de leurs envois postaux, ils
s'étaient fatigués. Tout recommence le 12 mai 1981 avec une
lettre nous disant que notre nouveau solde était de 12 378 $ plus 18%
d'intérêts. Ils me demandent d'agir en conséquence. Le 12
juin 1981, le huissier arrive à 7 heures du matin pour nous demander si
on voulait lui payer cette somme. Non, fut notre réponse. Ils ont alors
saisi notre troupeau: 180 bêtes enregistrées Holstein, l'auto de
Michel, mon auto et mon ménage de maison. C'est donc le 18 juillet 1981,
avec le CIAC et l'UPA, quelque 200 personnes, une couple de vaches et leurs
veaux, que nous sommes allés au palais de justice de
Saint-Jérôme. Il y est survenu une entente hors cour: nous devrons
payer la somme de 14 232 $ plus des intérêts de 5%. Ils donnent
une mainlevée sur la saisie. Ils reconnaissent les 7275 $
d'améliorations que nous avons faites et ils se désistent de leur
action en instance sans préjudice à tous leurs droits et recours
pour se faire déclarer propriétaires de ma maison, avec toutes
conclusions accessoires d'une telle demande ou pour l'enlèvement et/ou
la démolition de cette maison aux frais du défendeur.
Le mardi suivant, nous nous rendons aux bureaux des Travaux publics avec
un chèque certifié de 14 354,30 $. Et là, plus rien ne
marchait. Ils voulaient nous faire signer un bail d'un an par lequel j'aurais
loué ma propre maison, avec une clause (5.6) du genre: le locataire sera
responsable de l'entretien et des réparations de la maison de ferme
située au 10 194 Côte-des-Anges. Alors, vous comprenez pourquoi je
n'ai pas accepté un tel arrangement. Le 5 août 1981, je
reçois une autre lettre recommandée nous avisant que si notre
bail, toujours le même, n'était pas signé avant 16 heures
ils refuseraient de nous louer la ferme et le terrain que nous occupons
déjà. Par l'intermédiaire de notre avocat, on leur a fait
savoir qu'on était prêt à signer pourvu qu'ils me donnent
droit de propriété sur ma maison. Aucune nouvelle. Onze mois plus
tard, le 28 avril 1982, nous recevons une note de la cour nous disant de nous
présenter le 2 juin prochain à 9 h 30. Entre-temps, il y a eu
remise au mois d'octobre.
Aujourd'hui, le 7 octobre 1982, cinq jours avant la date prévue
pour notre procès, Michel et moi venons de signer une entente avec la
SIC: un bail de deux ans reconnaissant que "ma" maison m'appartient, mais
oubliant les 7000 $ d'investissements et, surtout, laissant Michel et sa
famille dans leur roulotte dangereuse et malsaine parce qu'il a refusé
d'aller rester dans une maison coûtant 350 $ de loyer par mois et
située à deux milles de la ferme. Cela aura pris six ans pour
négocier un bail avec la SIC, six ans d'insécurité, de
maux de ventre, d'insomnie, de perte de temps et d'attente. Qu'adviendra-t-il
de nous dans deux ans? L'atmosphère de négociations sera-t-elle
meilleure? On n'aura même pas eu le temps d'oublier.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Graton. Avez-vous
des commentaires ou des questions? M. le député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): En écoutant ces témoignages,
comme le disait mon collègue de Groulx tout à l'heure, on se
resitue au début de cette commission lorsque chacun des intervenants
nous faisait un peu l'historique de Mirabel. C'est toujours douloureux à
entendre, d'ailleurs. Ce qui est peut-être malheureux c'est que, parce
que cela fait déjà treize ou quatorze ans si la population du
Québec était mieux informée, on s'apercevrait que c'est
encore un autre gros chiard que le gouvernement fédéral a voulu
faire et que c'est encore la population du Québec qui en subit les
conséquences. Là, on est en train de changer de
génération; j'en parlais à mes enfants, il y a treize ans,
ils n'ont même pas entendu parler de cela. J'ai un garçon de 18
ans et, dans le temps, il avait cinq ans. Aujourd'hui, vous savez, la jeune
génération, même nos jeunes agriculteurs d'aujourd'hui ne
se souviennent pas de ce qui s'est passé à Mirabel. C'est
pour cela que je dis que c'est un peu regrettable que l'ensemble de la
population ne soit pas mieux informé. Ce n'est pas un blâme que je
fais à qui que ce soit, de toute façon.
Dans la première page de votre mémoire, vous
écrivez que vous avez signé un bail le 1er novembre 1970 pour
cinq ans au taux de 77 $ par mois. Combien d'acres de terre aviez-vous?
M. Graton (André): II y avait 138 arpents, dont 100 chez
nous.
M. Baril (Arthabaska): Et un peu plus loin, vous en avez 60 de
plus quand vous vous êtes annexé à votre frère.
M. Graton (André): Oui, après avoir annulé
ce bail, ils ont dit: Vu que la grange n'est plus pareille, il faut que cela
remonte. Alors, on a remonté à 277 $ et on a pris une autre terre
de 60 arpents. Mais notre temps pour la grange - nous étions des
bénévoles, moi-même, mon frère, mon père
-nous avons perdu cela. Ils disaient: Bâtissez, on vous donne le droit de
bâtir, vous signerez les factures. On a perdu tout cela dans l'espace
d'un mois parce que le bail a été annulé après.
M. Baril (Arthabaska): De quelle façon avez-vous
été dédommagé lorsqu'on vous a exproprié?
D'abord, cela a pris combien de temps pour régler?
M. Graton (André): C'est mon père qui a
été exproprié.
M. Baril (Arthabaska): Comment?
M. Graton (André): C'est mon père qui a
été exproprié.
M. Baril (Arthabaska): C'est votre père qui a
été exproprié. Cela a pris combien de temps avant qu'il
soit réglé pour l'expropriation?
M. Graton (André): II a réglé quand la
grange a passé au feu. Il n'avait pas le choix, il n'y avait plus de
bâtisse. Il a réglé le 12 juillet 1970 à peu
près.
M. Baril (Arthabaska): En 1970. J'avais une question et je l'ai
oubliée. Vous dites que vous avez été obligé de
déménager à 10 194, Côte-des-Anges. Est-ce loin de
votre ferme ou quoi? Je ne connais pas le territoire.
M. Graton (André): Non. Je reste au 10 194,
Côte-des-Anges.
M. Baril (Arthabaska): Oui.
M. Graton (André): Après cela, la maison a
passé au feu le 20 janvier 1980 et j'ai déménagé au
7911, Belle-Rivière, à peu près à deux milles de la
ferme.
M. Baril (Arthabaska): Ah bon! Est-ce que vous demeurez encore
là?
M. Graton (André): Non, non. Là, je me suis
construit une maison au 10 194. J'étais né pour rester là
et je suis allé là, c'est tout.
M. Baril (Arthabaska): J'ai une question bien simple: Est-ce que
M. Goyer reste sur le territoire?
M. Graton (André): M. Goyer? M. Baril (Arthabaska):
Oui.
M. Graton (André): Ah non! Il ne doit pas rester sur le
territoire.
M. Baril (Arthabaska): Le voyez-vous quelquefois? Est-ce qu'il se
promène sur le territoire? Est-ce qu'il regarde? Est-ce qu'il semble
aller vérifier le dommage, le tort qu'il cause à toutes ces
familles, à ces agriculteurs? Est-ce un homme accessible, inaccessible?
Est-ce un homme invisible?
M. Graton (André): Je ne le connais pas. Il ne fait pas
partie de mes amis.
M. Baril (Arthabaska): Non. Je comprends qu'il ne fasse pas
partie de vos amis, mais souvent, quand un ennemi passe dans le chemin, on le
voit passer, on le voit venir de plus loin qu'un ami; bien des fois, vous
savez, quand il est passé, il y a encore une senteur qui reste. Vous ne
connaissez pas son revenu?
M. Graton (André): De M. Goyer? Non.
M. Baril (Arthabaska): Non. Vous ne vous êtes jamais
informé, non plus?
M. Graton (André): Non.
M. Baril (Arthabaska): C'est bien, quant à moi.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Oui, rapidement. M. le Président, merci. M.
Graton, d'abord, je déplore infiniment le sort incroyable que vous nous
racontez. Si je comprends bien, la ferme que vous avez louée et que vous
exploitez présentement est celle de votre père?
M. Graton (André): Une partie de la
ferme de mon père.
M. Mathieu: Une partie. Dans quelle zone est-elle située?
Dans la zone qui est rétrocédée ou non?
M. Graton (André): Attendez un peu. L'endroit où je
demeure fait partie des 50 000 acres. Mon père avait deux autres terres;
il y a une clôture au bout des pistes où elles se trouvent.
M. Mathieu: Mais est-ce que la ferme que vous exploitez est en
tout ou en partie dans la zone rétrocédée?
M. Graton (André): Non. Il y a une partie dans les 50 000
acres et il y a une partie près des pistes.
M. Mathieu: Ah bon! Quand vous parlez de la partie des pistes,
est-ce qu'elle est dans les 17 000 acres?
M. Graton (André): Elle est dans les 17 000 acres.
M. Mathieu: Alors, vous ne cultivez plus cette partie?
M. Graton (André): Oui, je la cultive encore.
M. Mathieu: Ah! Quand même.
M. Graton (André): Cela ne dérange pas du tout. Il
y a juste une clôture.
M. Mathieu: Ah oui!
M. Graton (André): II n'y a pas de problème.
M. Mathieu: Qu'est-ce qui arrive pour votre bail?
M. Graton (André): Mon bail actuel? M. Mathieu:
Oui.
M. Graton (André): C'est un bail de deux ans qui a
été signé le 12 octobre. Il prend fin le 1er novembre
1984; c'est un bail de deux ans.
M. Mathieu: Ah bon! J'espère qu'il est à
prévoir qu'il y aura une rétrocession sur ce bail, comme
probablement il aurait dû y en avoir une en même temps que la
première tranche.
M. Graton (André): Bien, j'imagine. Je ne sais pas
pourquoi cela n'a pas passé, surtout à CÔte-des-Anges, dans
les 50 000 acres.
M. Mathieu: Seulement une précision. Vous dites que vos
biens ont été saisis; c'est toujours odieux, une saisie, on sait
cela. Avez-vous eu une dépossession ou vous a-t-on laissé une
possession de ces biens?
M. Graton (André): On nous en a laissé la
possession, mais, quand tu es saisi, tu n'es pas capable de vendre un
animal.
M. Mathieu: Non, non. Je suis bien conscient de cela. Ce n'est
pas cela que je vous dis.
M. Graton (André): Vu que tu fais de l'élevage, on
dirait qu'ils font exprès. C'est-à-dire que, tant que tu n'as pas
de bail de signé, tu ne peux pas bâtir, tu ne peux pas avoir de
permission, mais, quand ils te saisissent, tu ne peux pas vendre d'animaux. Vu
qu'on fait de l'élevage, on ne peut pas en vendre et il en rentre tout
le temps. Tu ne peux pas empêcher d'entrer les nouveaux. Il aurait fallu
encore agrandir et ils nous auraient saisis encore plus. Cela n'aurait jamais
eu de fin.
M. Mathieu: À toutes fins utiles, ce que je constate,
c'est que, pour votre maison, au début, vous n'aviez pas de permis de
construire.
M. Graton (André): Oui.
M. Mathieu: Finalement, après coup, vous en avez obtenu
un, si je comprends bien.
M. Graton (André): Non, je n'ai jamais eu de permis.
M. Mathieu: C'est-à-dire que votre maison est là;
elle n'a pas été déménagée.
M. Graton (André): Non, elle est là. M. Mathieu:
Alors, vous avez un bail.
M. Graton (André): Oui. Ils m'ont donné la
possession...
M. Mathieu: Alors, vous avez le droit de la laisser là.
Vous avez un permis de laisser la maison sur les lieux.
M. Graton (André): Oui.
M. Mathieu: C'est la question que je me pose.
M. Graton (André): Ma maison est ma
propriété.
M. Mathieu: Oui, je comprends, mais vous avez eu la permission de
la laisser sur les lieux.
M. Graton (André): Oui.
M. Mathieu: La question que je me pose est: Tant qu'à dire
qu'on accorde après coup le permis, pourquoi ne pas l'accorder
avant?
M. Graton (André): C'est ce que je leur ai dit, mais cela
ne valait pas la peine de...
M. Mathieu: C'est ce que je me demande.
M. Graton (André): ...se chicaner durant deux ans pour la
donner.
M. Mathieu: Très bien, je vous remercie, M. Graton.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: M. Graton, je ne reviendrai pas sur l'histoire de
votre vie des treize dernières années, parce que c'était
assez éloquent, ce que vous avez lu et qui relatait ces
événements. Vous avez dit quelque chose d'intéressant qui
rejoint un peu une préoccupation qu'on a depuis le début, qui est
celle d'être capables de comprendre pourquoi on a exproprié un si
grand territoire. Tout le monde a réussi à devenir presque
obsédé par cette préoccupation au point qu'on a même
fait un consensus, même chez les plus acharnés, pour dire que 80
000 acres devraient être rétrocédées et qu'il y en a
17 000 que le gouvernement fédéral devrait conserver pour
exploiter cet appelons cela un aéroport - aéroport. Ce qui est
intéressant dans ce que vous avez dit tout à l'heure, c'est que
vous exploitez effectivement une terre à l'intérieur de ces
fameuses 17 000 acres psychologiques. Êtes-vous capable de nous expliquer
un peu quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées? Au
moment où vous pénétrez dans les 17 000 acres avec votre
tracteur, que se passe-t-il?
M. Graton (André): II ne se passe rien. C'est un
cul-de-sac. On a la paix. Il atterrit un avion de temps en temps. On n'avait
jamais connu cela, voir un avion atterrir. On n'a pas besoin d'aller à
Dorval; on en voit passer un de temps en temps.
M. Blouin: Oui, madame.
Mme Graton: L'inconvénient, c'est qu'ils ont mis une
clôture au bout de cette terre. C'était une terre qui était
très longue et ils l'ont coupée. C'est cela,
l'inconvénient; c'est qu'ils ont coupé une très belle
terre. C'est une clôture qui est très loin des pistes. On se
demande pourquoi ils ont mis la clôture si loin de la piste. Un tracteur
ne nuit pas.
M. Blouin: Finalement, à l'intérieur de cette
fameuse zone psychologique de 17 000 acres, l'inconvénient, ce sont les
clôtures?
Mme Graton: Oui. Elles ont coupé une si belle terre.
M. Blouin: Vous qui travaillez dans ce secteur, êtes-vous
capable, pour appuyer un peu la position même du CIAC, qui, lui aussi,
s'arrête à ces 17 000 acres sacrées, de lui fournir des
arguments qui feraient en sorte qu'il continue à penser que c'est
peut-être 17 000 acres que cela prend?
M. Graton (André): Je suis capable. Je ne sais pas s'ils
vont m'écouter, mais je suis capable de leur en fournir. Ils n'ont
qu'à venir passer un an avec moi et ils vont s'apercevoir que cela ne
nuit, en aucun temps, à l'histoire de l'aéroport, ni à
nous.
M. Blouin: Donc, autrement dit, ce que vous dites, pas de par les
théories futuristes des fonctionnaires, mais de par le quotidien et le
vécu que vous avez, c'est ceci: Que vous soyez à 17 000 acres, ou
à 20 000 acres, ou à 4000 acres des pistes, ou à
côté, cela ne dérange pas grand-chose.
M. Graton (André): II n'y a aucun problème.
M. Blouin: D'ailleurs, cela rejoint un peu d'autres
théories qui ne viennent pas des fonctionnaires, mais qui viennent de
certains experts internationaux en aéronautique qui prétendent
que, justement, la meilleure activité à implanter autour des
aéroports, c'est effectivement des activités agricoles.
M. Graton (André): Oui.
(11 h 15)
M. Blouin: Vous allez dire que je radote, mais j'ai toujours
été frappé par cette espèce de ligne psychologique
des 17 000 acres. Je pense que vous êtes en train de nous indiquer, par
la pratique et par le vécu que vous avez, que c'est presque un faux
débat et qu'il faudrait laisser tomber cette limite des 17 000 acres qui
ne tient pas debout.
M. Graton (André): Je voudrais aussi vous signaler que
j'ai bâti une maison et que j'ai eu beaucoup de difficultés. Il y
en a un, pas loin de chez nous, qui est plus près des pistes que moi. Il
a eu un permis du fédéral pour bâtir. Il a demandé
son permis et il l'a eu. Moi, je n'ai pas été capable de
l'avoir.
M. Blouin: Cela dépend de votre visage, je pense.
M. Graton (André): Justement. Cela dépend de la
façon dont ils se lèvent le
matin, de la couleur des yeux. Enfin, on a plusieurs
préjugés vis-à-vis d'eux.
M. Blouin: C'est bien compliqué. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Garon: Je ne voudrais pas interrompre le député,
mais j'aimerais connaître la localisation de celui dont vous dites qu'il
est près de la piste, ainsi que la vôtre, sur la carte ici.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: M. Graton, je voudrais avoir quelques
explications. Lors de l'incendie de la grange, votre père était
propriétaire? Il n'avait pas encore été exproprié
à ce moment-là?
M. Graton (André): II avait été
exproprié, mais il n'avait pas été payé.
M. Dupré: Est-ce qu'il y avait une assurance sur cette
grange?
M. Graton (André): Non, il n'y avait pas d'assurance.
À ce moment-là, le ministère des Travaux publics
fédéral disait: On est assez gros, on s'assure tout seuls, nous
autres.
M. Dupré: Maintenant, lors du deuxième incendie,
l'incendie de la maison, est-ce qu'il avait une assurance sur la maison?
M. Graton (André): J'avais une
assurance-responsabilité. Mais la maison elle-même n'était
pas assurée.
M. Dupré: Elle n'était pas assurée, non
plus.
M. Graton (André): Non.
M. Dupré: Maintenant, la maison que vous avez construite,
est-ce que vous avez pu l'assurer, considérant que le terrain ne vous
appartient pas au sens propre, au sens légal?
M. Graton (André): J'ai eu ma maison le 11 juillet 1980.
Je l'ai assurée chez une compagnie d'assurances. Mais cette compagnie ne
me garantissait pas à qui devrait aller le paiement s'il advenait encore
un malheur vu qu'elle ne savait pas qui était le propriétaire de
la maison. Il m'aurait fallu un papier prouvant que j'étais le
propriétaire de ma maison.
M. Dupré: Mais légalement - j'espère qu'il
n'y aura pas un troisième incendie, parce que deux sur la même
ferme, c'est déjà beaucoup - vous savez que, si jamais vous
passez au feu, la maison ne vous appartient pas, même si...
M. Graton (André): Là, j'ai un papier.
M. Dupré: ...légitimement, je suis certain qu'elle
vous appartient. Légalement, ce serait le gouvernement
fédéral, enfin la société qui...
M. Graton (André): J'ai maintenant un papier, depuis le 11
octobre, qui me donne la propriété de ma maison.
M. Dupré: De la part de la SIC?
M. Graton (André): C'est pourquoi nous avions cessé
de payer le loyer. Eux, ils voulaient bâtir un duplex et nous n'en
voulions pas. Nous voulions avoir une maison pour chacun. Ensuite, j'avais
connu leur politique quand nos bâtisses ont passé au feu. Cela a
quasiment pris quatre mois à bâtir la grange. Quatre mois, ce sont
des difficultés. Quand on est propriétaire, on a une assurance.
On reçoit notre chèque le lendemain et on est enthousiaste pour
recommencer les travaux. La grange a passé au feu en 1971 et ils ont
donné leur accord pour rebâtir. Ensuite, ils arrêtent cela
et s'en vont en vacances. Un soir, on vient me dire qu'on arrête les
travaux parce que cela coûte trop cher. Cela n'avait pratiquement rien
coûté, puisque c'étaient des bénévoles et
trois ouvriers de base qui y travaillaient. Quand tu es à traire tes
vaches dans une petite grange, en deux ou trois fois, je vous dis que ce
soir-là, ils nous avaient "débinés" en maudit. Vous savez,
ils m'ont habitué à prendre mes responsabilités tout
seul.
Alors, quand il y a eu l'incendie de la maison, je leur ai dit: Attendez
une minute! Je vais la bâtir, ma maison. Je ne suis pas pour niaiser.
Cela aurait pris encore un an pour savoir si on bâtit, si on ne
bâtit pas! Ils voulaient bâtir un duplex de 80 000 $, tandis qu'une
maison coûte 33 500 $. Un duplex serait censé coûter bien
moins cher, car on a un mur de moins.
M. Dupré: Lors de l'incendie de la grange, est-ce que vous
avez pu en savoir les causes?
M. Graton (André): Non, je n'étais pas chez nous.
J'étais parti.
M. Dupré: Et l'incendie de la maison?
M. Graton (André): L'incendie de la maison...
M. Dupré: Est-ce qu'il y a eu enquête dans le cas de
la grange?
M. Graton (André): Non. M. Dupré: De la
maison?
M. Graton (André): Pour la maison, il y a eu une
enquête. Ils m'ont tenu responsable du feu. J'avais été,
selon eux, négligent et fautif.
M. Dupré: Est-ce qu'il y avait des explications
supplémentaires? Fautif, c'est large.
M. Graton (André): Cela est à discuter.
M. Dupré: Est-ce que c'est un incendie qui a une cause
électrique?
M. Graton (André): C'est le système de chauffage
qui n'a pas fait son travail. Je n'étais pas pour me tenir là. Je
travaille assez. L'huile a monté et le feu a sauté.
M. Dupré: Même les causes d'incendie sont à
négocier, d'après ce que je peux voir.
M. Graton (André): Oui, mais il n'y a pas de
négociation.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Vous avez signé un bail en octobre dernier.
M. Graton (André): Oui.
M. Ryan: Quel est le montant du loyer?
M. Graton (André): 896 $ par mois, à part les
taxes.
M. Ryan: À part les taxes?
M. Graton (André): À part les taxes.
M. Ryan: Avant cela, ils vous avaient demandé aux environs
de 915 $.
M. Graton (André): Avant cela, avec le duplex?
M. Ryan: Quand ils vous avaient demandé un nouveau bail au
début de l'année 1982, ils demandaient 910 $, 915 $, je pense, et
vous avez signé...
M. Graton (André): C'est avec la construction du duplex ou
à part la construction du duplex?
M. Ryan: Vous dites: "Le 23 avril 1980, je reçois une
autre lettre pour nous faire savoir les nouveaux taux de loyer: 916 $ par
mois." C'est à la page 5.
M. Graton (André): Oui, c'est cela.
M. Ryan: Finalement, vous dites que vous avez signé pour
893 $.
M. Graton (André): 896 $.
M. Ryan: 896 $. Les taxes ne sont pas incluses.
M. Graton (André): Oui. M. Ryan: Les taxes à
part? M. Graton (André): Oui.
M. Ryan: Avez-vous reçu votre compte de taxes? Pas encore,
évidemment.
M. Graton (André): Non, on les payait au
fédéral jusqu'au 1er janvier et, depuis le 1er janvier, on les
paie à la municipalité.
M. Ryan: Est-ce que, sur votre compte, le compte de taxes
était séparé, lorsque vous payiez au
fédéral?
M. Graton (André): Oui.
M. Ryan: De combien étaient les taxes de votre
propriété?
M. Graton (André): C'est mon frère qui s'occupe de
cela. C'était environ 200 $ par mois.
M. Ryan: Environ, 200 $ par mois. Je comprends. Les 7000 $...
M. Graton (André): Oui.
M. Ryan: ...avaient été reconnus dans l'entente qui
avait été faite en...
M. Graton (André): En juillet.
M. Ryan: ...juillet 1981.
M. Graton (André): Oui.
M. Ryan: Ils reconnaissaient cela.
M. Graton (André): Oui.
M. Ryan: Et ce n'est pas dans le bail.
M. Graton (André): Ils n'ont pas voulu le mettre dans le
bail.
M. Ryan: Ils n'ont pas voulu le mettre.
M. Graton (André): C'est un investissement. Ces 8000 $
sont attachés à leurs bâtisses. Ce ne sont pas mes
investissements. J'ai travaillé pour cela, mais c'est attaché
à leurs bâtisses.
M. Ryan: Ce sont leurs bâtisses. Ces bâtisses sont
encore la propriété du fédéral. Ce n'est pas la
maison.
M. Graton (André): Oui, un agrandissement de remise, une
réparation d'étable. C'est cela, les 8000 $.
M. Ryan: En quoi ont consisté ces 7000 $? Quelles sortes
de réparations ou d'améliorations cela a-t-il pu être?
M. Graton (André): Ce sont des rallonges de
grange-étable à deux places, une réparation de toit,
l'agrandissement de la remise.
M. Ryan: Avez-vous essayé de négocier pour que cela
diminue le montant que vous leur deviez à ce moment-là?
M. Graton (André): On a essayé pendant un an.
M. Ryan: II n'y a pas eu moyen. Quels arguments vous a-t-on
donnés pour cela?
M. Graton (André): On a négocié le jeudi.
J'étais supposé passer en cour le mardi pour la maison. Ils ont
dit que, si je ne signais pas, on passait en cour.
M. Ryan: Votre bail est pour deux ans. Il va jusqu'au 1er
novembre 1984, n'est-ce pas?
M. Graton (André): Pardon?
M. Ryan: Votre bail va jusqu'au 1er novembre 1984.
M. Graton (André): Oui.
M. Ryan: C'est 896 $ par mois.
M. Graton (André): Oui. Là-dessus, je dois vous
dire que les taxes sont à part et que je suis obligé d'assurer
leurs bâtisses. Je paie pour ma maison, pour mes animaux, ma machinerie -
on a une assurance mutelle dans le coin - 4,80 $ les 1000 $. Étant
donné que je suis obligé d'assurer leurs bâtisses, la
mutuelle ne veut pas prendre cela, c'est bien trop dangereux. Ils ne veulent
pas toucher à cela, une affaire fédérale. J'ai
trouvé une compagnie à Saint-Jérôme qui m'assure
à 16 $ les 1000 $. Cela me coûte 2400 $.
M. Ryan: Si j'ai bien compris, ce sont deux terres que vous
exploitez?
M. Graton (André): C'est plus que deux terres.
M. Ryan: Plus que deux. Combien est- ce?
M. Graton (André): C'est à peu près 600
arpents.
M. Ryan: Pardon?
M. Graton (André): 600 arpents cultivables.
M. Ryan: Et les 896 $, c'est pour tout cela.
M. Graton (André): C'est pour tout cela.
M. Ryan: Est-ce qu'elles sont situées une à
côté de l'autre?
M. Graton (André): Non. Il y en a à
Côte-des-Anges, il y en a sur la rue Belle-Rivière, il y en a
près des pistes; si on change de chemin, il y en a par en
arrière.
M. Ryan: Oui, je comprends. Votre frère est encore dans
la...
M. Graton (André): Mon frère! Lui, il va s'ennuyer
quand il va quitter sa roulotte. Parce que c'est un vrai baromètre cette
roulotte-là! II neige, il neige dans la maison. Il pleut, il pleut dans
la maison. II fait chaud, il fait chaud dans la maison. Il fait froid, il fait
froid dans la maison. Alors, c'est commode, quand il sort dehors, il peut
s'habiller comme il faut.
M. Ryan: Mais, là on lui a offert une maison.
M. Graton (André): Oui.
M. Ryan: À deux milles de là.
M. Graton (André): Oui.
M. Ryan: Et il n'a pas voulu.
M. Graton (André): II n'a pas voulu.
M. Ryan: Qu'est-ce qui...
M. Graton (André): Quand on est entré en
négociations, ils ont dit: Tu pourrais bâtir, mais il faudrait que
tu bâtisses bien loin. Parce que, dans 25 ans, il est supposé y
avoir une grosse autoroute dans la Côte-des-Anges. Ce n'est jamais pour
tout suite avec eux, c'est dans 25 ans. Ils ont exproprié
l'aéroport de Sainte-Scholastique et c'est dans 50 ans que c'est
supposé être bien gros. Ils ont fait de même avec nous
autres. Si on disait cela, on ne travaillerait jamais. On penserait tout de
suite aux enfants...
M. Ryan: Mais, il ne serait pas mieux
de prendre une chose comme cela pour un an ou deux plutôt que de
rester dans cette vieille roulotte-là.
M. Graton (André): Non. Je l'ai fait cela...
M. Ryan: Oui.
M. Graton (André): ...et ce n'est pas serviable parce
qu'il faut que tu sois proche de tes vaches, comme tu es proche de ta femme. Il
faut s'entendre. Moi je me comprends et ma femme aussi. Il faut que tu sois sur
les lieux et c'est tellement plaisant le soir quand tu reviens de veiller - je
ne sors pas souvent, mais quand je sors - tu vas faire un tour à
l'étable. Michel ne connaissait pas cela. Cela le tentait un petit brin
et j'ai dit: N'accepte pas cela.
M. Ryan: Puis, dans la région immédiate, est-ce
qu'il y a des maisons de ferme qui sont occupées par des gens qui ne
sont pas fermiers, qui pourraient éventuellement être disponibles
pas loin? Est-ce qu'il y en a que vous connaissez?
M. Graton (André): Pendant qu'on s'est obstiné,
durant l'année, il y en avait un. Le deuxième voisin de chez
nous, à peu près un demi-mille. Il paraît que c'est un
fonctionnaire qui travaille au bureau qui l'a eue.
M. Ryan: Si elle avait été disponible, est-ce que
votre frère...
M. Graton (André): Elle aurait été
disponible s'il avait voulu, oui.
M. Ryan: Est-ce que votre frère a essayé de
l'avoir?
M. Graton (André): Non.
M. Ryan: II n'a pas essayé.
M. Graton (André): Non. Le temps était trop court
entre le départ d'un locataire et l'arrivée de l'autre.
Mme Graton: Quand les anciens locataires sont partis,
déjà le fonctionnaire, la journée même, arrivait. On
n'a pas eu le temps de s'apercevoir qu'il y avait un
déménagement. Le fonctionnaire l'avait réservée
depuis longtemps. Ils ont vraiment la priorité sur nous. Puis,
justement, cette maison-là est en face d'une ferme qu'on cultive et elle
aurait été parfaite pour Michel, mais c'est le fonctionnaire qui
a eu la priorité sur nous, comme toujours.
M. Ryan: Est-ce que votre frère a fait une demande en
bonne et due forme à la société immobilière pour
avoir accès à une maison de ferme le plus près possible de
chez lui?
M. Graton (André): II a fait une demande. Ils le savent,
il n'a pas besoin de faire une demande. Ils le savent qu'on a besoin d'une
maison. Ils passent souvent dans la Côte-des-Anges et quand il fait bien
froid, la vapeur sort. Alors, ils devraient remarquer. Cela me choque, moi, des
maudites niaiseries comme ça.
M. Ryan: Vous-même, vous n'avez pas de litige financier
actuellement avec la société immobilière? Mis à
part les 7000 $ que vous avez mentionnés, tous les montants que vous
leur deviez ont été payés à l'occasion du
règlement de l'année passée? Vous payez votre loyer
régulièrement, j'imagine?
M. Graton (André): Oui.
M. Ryan: Et vous ne savez pas ce qui va vous arriver en novembre
1984? Vous n'avez pas eu d'indications encore, évidemment, il y a encore
du temps à écouler.
M. Graton (André): Oui.
M. Ryan: Normalement, vous pensez que cela pourrait tomber dans
le programme de revente éventuel?
M. Graton (André): Oui, ça devrait. M. Ryan:
Oui.
M. Graton (André): Ils n'auront pas le choix. Il va
falloir qu'ils revendent.
M. Ryan: Et vous aimeriez pouvoir acheter le plus vite
possible.
M. Graton (André): On travaille seulement pour cela.
M. Ryan: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre.
M. Garon: Bien, vas-y donc.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): C'est juste un commentaire rapide. Quand
vous avez parlé de vos vaches, tout à l'heure - remarquez bien
que je comprends M. Ryan qui n'est pas agriculteur. Ce n'est pas un blâme
que je lui fais - en tant qu'agriculteur, je vous ai compris parce que
l'efficacité d'un bon
agriculteur, souvent, c'est de la façon qu'il fonctionne. Quand
vous avez dit: Quand tu reviens le soir de veiller - ou peu importe -quand tu
vois de la lumière dans l'étable de ton voisin, c'est parce que
c'est un gars qui s'occupe de son affaire. Comme je l'ai souvent dit, peu
importe ce que les gens en pensent, les animaux, c'est pire que des enfants.
Parce qu'un enfant, s'il tombe malade, tu vas le soigner et il va guérir
plus vite qu'une bête. Tandis qu'une bête, si tu es deux heures ou
deux jours en retard, parfois tu vas la perdre. C'était juste ce
commentaire que je voulais faire.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Saint-Hyacinthe. (11 h 30)
M. Dupré: Le député d'Argenteuil vient de
dire que vous n'aviez pas de litige financier avec la SIC, mais je crois que,
en payant à peu près le même montant, une dizaine de mille
dollars, c'est à peu près le prix d'un prêt agricole et il
reste que vous n'avez pas la plus-value. En somme, comme opération,
peut-être que cela a un certain sens pour exploiter, mais il reste que
vous demeurez tout de même locataire et que vous n'êtes pas... Je
pense que c'est une perte considérable, même si, au sens propre du
mot, il n'y a pas de litige financier.
M. Graton (André): Oui, je suis d'accord avec toi, le
montant du loyer que je paie, je pourrais le donner en prêt agricole et,
au bout de 29 ans, ce serait à moi. Je suis d'accord avec cela.
M. Dupré: C'est cela. Je pense qu'il y a un litige
financier et qu'il est d'une extrême importance.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre,
voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Garon: Je peux vous citer seulement un cas que j'avais dans
mon bureau de comté la semaine dernière. Non?
M. Gagnon: M'accordez-vous trente secondes?
Le Président (M. Bordeleau): Cela peut être avant ou
après, mais allez-y, M. le député de Champlain.
M. Gagnon: C'est seulement parce que le ministre aura
probablement l'occasion de répondre. Je voulais lui poser une question.
Tantôt, M. le ministre, vous avez mentionné le fait... Enfin! Vous
nous blâmiez un peu, jusqu'à un certain point, nous tous, les
Québécois, de toujours réélire un gouvernement au
fédéral qui semble... On a un exemple avec Mirabel. C'est assez
extraordinaire, un genre de scandale comme cela et, malgré tout cela, on
est porté à voter de nouveau pour ce parti au
fédéral.
Le député d'Arthabaska a dit aussi qu'il était
malheureux qu'on ne soit pas plus informé de ce scandale à
Mirabel. Je le déplore aussi. J'ai eu l'occasion, depuis le début
de la commission parlementaire où on entend les gens de Mirabel... En
tout cas, pour moi, c'est une révélation. Je suis de la Mauricie.
Je connaissais ces problèmes. On croyait connaître les
problèmes que vous viviez à Mirabel, mais là, avec la
commission parlementaire, d'une journée à l'autre, les
récits sont de plus en plus éloquents. C'est à peu
près incroyable. Je vais reprendre une parole du député de
Beauce-Sud, à Trois-Rivières, au sujet du rapport Gilson, quand
vous avez mentionné que c'est tellement gros qu'on a peine à le
croire si on ne rencontre pas les gens qui vivent les difficultés que
vous avez vécues depuis treize ans.
Tout cela, pour en venir au fait suivant: Comment se fait-il qu'une
commission parlementaire comme celle-ci, qui a tout de même pour but de
faire la lumière et essayer d'éclairer un peu tout le monde au
Québec sur les problèmes que vous avez vécus et aussi de
s'orienter vers une politique pour essayer de s'en sortir... Vous avez une
solidarité, chez vous, qui est assez exemplaire et il faudrait
peut-être que l'ensemble du Québec se joigne à vous pour
qu'en fait on puisse régler ce problème. Mais je pense qu'on
avait une très bonne occasion - et c'est là que je vais vous
poser la question, M. le ministre - d'éclairer les
Québécois sur le problème de Mirabel, ce que j'appelle le
scandale de Mirabel. Depuis deux ou trois ans, on a l'habitude de
téléviser les travaux de l'Assemblée nationale et les
travaux de certaines commissions parlementaires. Si la commission parlementaire
qui se termine aujourd'hui avait été devant les caméras,
j'ai l'impression qu'un bon nombre de Québécois, sinon la
très grande majorité des Québécois, auraient suivi
cette commission un peu comme un roman-feuilleton, si vous voulez, parce qu'on
a beau, nous autres, essayer dans le territoire...
Je me souviens que j'étais le conférencier invité
de la Chambre de commerce du Cap-de-la-Madeleine. Je parlais justement de
Mirabel et les gens, par la suite, après la conférence, venaient
me trouver en me disant: Est-ce vrai, ce que tu viens de nous raconter? J'ai
pris seulement quelques faits comme les vôtres. Je leur racontais cela et
les gens pensaient que je les inventais. En dehors du territoire, on ne peut
pas s'imaginer que cela a été aussi grave et aussi pire que cela.
La question que je vous pose, M. le ministre, est la suivante: Comment se
fait-il qu'on n'a pas pu faire
plus de lumière et se servir de cette commission parlementaire et
la faire sous la lumière, justement, des caméras, de façon
que les Québécois puissent la suivre davantage?
M. Garon: Je dois dire, M. le Président, que...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Garon: ... dès le 24 septembre 1982, j'écrivais
au leader du gouvernement pour que nous puissions siéger dans la
région de Mirabel afin d'éviter aux personnes
intéressées de coûteux et inutiles déplacements vers
Québec. Devant le refus qui m'a été apporté,
puisqu'on m'avait dit que l'Opposition libérale ne voulait pas,
j'étais revenu à la charge en disant: À défaut de
siéger à Mirabel, les débats pourraient être
télévisés, de sorte que les gens de Mirabel et les gens de
l'ensemble du territoire québécois pourraient être au
courant. J'ai soumis l'idée au leader du gouvernement, le 1er
octobre 1982.
Également, au mois d'octobre, j'ai écrit au
président de l'Assemblée nationale, pour le sensibiliser et je
lui disais ceci: "M. le Président, Permettez-moi, par la
présente, de vous exprimer le sentiment de déception que
j'éprouve à la suite de la décision du comité
consultatif sur la radio-télédiffusion des débats sur la
commission paplementaire de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation au sujet des terres expropriées en trop à Mirabel.
Je vous rappelle que ce dossier remonte à 1969. Bien qu'on le
considère, à première vue, comme un simple dossier
régional, une analyse plus approfondie nous permet de constater qu'il
met en cause la capacité de l'appareil gouvernemental d'appliquer les
lois votées par l'Assemblée nationale sur une partie importante
du territoire québécois. Je me permets de vous citer quelques
exemples dont la Loi sur les cités et villes et la Loi sur la protection
du territoire agricole. "Il m'apparaît utile que soient
dévoilés au grand jour tous les inconvénients que
subissent les institutions québécoises en raison du maintien sous
joug fédéral d'une superficie aussi grande. Je crains que la
décision prise le 6 octobre dernier par le comité consultatif de
la radio-télédiffusion des débats ait pour effet
d'empêcher que soient connus de tous les Québécois les
torts subis depuis treize ans par les citoyens de ce territoire, par les
corporations municipales et par les organismes et ministères du
gouvernement du Québec. Pour ces motifs, je demande au comité
consultatif sur la radio-télédiffusion des débats de
reconsidérer sa décision du 6 octobre dernier."
Je peux dire qu'ensuite le conseil des députés du Parti
québécois, le 28 octobre, a fait parvenir une lettre au leader du
gouvernement encore, par l'entremise de Yves Beaumier, qui est président
du conseil et député de Nicolet, pour demander la même
chose.
La journée même, soit le 28 octobre, le leader du
gouvernement a écrit au président de l'Assemblée nationale
pour lui faire part des demandes du conseil des députés du Parti
québécois pour que les débats soient
télédiffusés.
Le 2 novembre, il y a eu un accusé de réception de
l'adjoint au directeur du cabinet du président me disant: "II m'est
agréable de vous informer que votre requête sera à nouveau
soumise aux membres du comité consultatif de la
radio-télédiffusion des débats. Ce dernier doit se
réunir dans les prochains jours. En conséquence, la
décision sera connue avant le 16 novembre 1982."
Le 5 novembre 1982, le président m'écrit pour dire que
cela ne se fera pas, parce qu'il y avait séance de l'Assemblée
nationale, et il donne les raisons. Il dit: "Comme les travaux de
l'Assemblée nationale au salon bleu ont priorité quant à
la télédiffusion, je ne peux, pour cette raison, acquiescer
à votre requête, puisque l'Assemblée nationale et la
commission parlementaire siégeront simultanément."
Le 25 janvier 1983, le directeur du cabinet du leader du gouvernement
écrit encore au président et il dit: "Le leader du gouvernement,
M. Jean-François Bertrand, me prie de vous faire part que le
gouvernement souhaiterait que les travaux de la commission parlementaire de
l'agriculture, qui doivent se tenir les 3 et 4 février 1983 au salon
rouge, puissent être télédiffusés. À cet
effet, je vous saurais gré de convoquer le comité consultatif sur
la télédiffusion des débats, afin qu'il prenne position
relativement à cette demande."
Le 13 janvier 1983, le leader du gouvernement écrit encore et
dit: "M. le Président, le ministre de l'Agriculture a exprimé le
voeu que la commission de l'agriculture, qui se réunit afin
d'étudier la situation de Mirabel, puisse tenir ses dernières
auditions à cet endroit. Étant donné que la
procédure régissant le processus de tenue de commissions
parlementaires à l'extérieur du parlement, en vertu de la loi 90,
reste à définir entièrement, nous vous saurions gré
de vérifier avec l'Opposition officielle afin de savoir si elle aurait
des objections à ce que cette commission se réunisse à
Mirabel. Dans l'éventualité où l'Opposition accepterait
une telle suggestion et où vous donneriez également votre accord,
les auditions se tiendraient à Mirabel les 3 et 4 février 1983.
J'apprécierais que vous vous assuriez du bon déroulement des
travaux de cette commission. Jean-François Bertrand".
Le 1er février 1983, le président répond
qu'il ne veut pas. Mais on sait qu'une des raisons c'est que l'Opposition s'est
toujours opposée à ce qu'on siège soit à Mirabel ou
à ce que ce soit télédiffusé. Le président
souhaite que, dans ces débats, ce soit unanime. Alors comme actuellement
il n'y a pas eu d'unanimité, cela a été la principale
raison pour laquelle les débats n'ont pas eu lieu sur le territoire de
Mirabel ou n'ont pas été télédiffusés.
Maintenant, je sais que le député d'Argenteuil, lui, hier, a dit
qu'il était favorable, mais il n'a pas convaincu son parti. Ou encore,
moi j'aime cela quand le parti libéral parle des deux côtés
de la même façon. Apparemment, au comité, ils ont toujours
été défavorables. C'est le rapport que j'ai eu moi de ceux
qui ont siégé au comité. Si j'avais voulu déposer
ces lettres, j'en ai fait part, des lettres de communications, je pense en
avoir écrit d'autres, mais elles n'ont pas été
retracées. J'ai fait cela vite, hier, et si ma mémoire est bonne,
j'en avais écrit une autre au mois de novembre ou décembre, pour
demander la même chose au président, encore une fois.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.
M. Garon: Mais...
Le Président (M. Bordeleau): Ah, vous n'avez pas
terminé?
M. Garon: C'était...
Le Président (M. Bordeleau): Cela répond à
la question? Je ne voudrais quand même pas qu'on entreprenne un nouveau
débat là-dessus. Je pense que tout le monde a pu s'exprimer,
hier.
M. Gagnon: À la suite de votre réflexion, M. le
Président, c'est qu'il y en a plusieurs qui nous posent la même
question. Je n'ai pas à répéter ce qu'on a dit
tantôt. C'est que la population aimerait savoir et ce n'est pas tout le
monde qui est abonné au journal des Débats. Ce n'est pas tout le
monde qui prend plaisir à lire le journal des Débats. Comme on
voit, il n'y a pas eu une armée de journalistes qui ont suivi cette
commission. Moi, en tout cas, je déplore le fait qu'on avait tous les
moyens physiques pour faire connaître la situation à l'ensemble du
Québec et cela n'a pas été fait.
Le Président (M. Bordeleau): Vous avez le droit, M. le
député de Champlain, que la commission ne soit pas
télédiffusée.
M. Garon: De ce point de vue, le Canada est un peu comme les pays
latins. Les belles chartes des droits de l'homme, mais excepté que dans
la pratique, c'est une autre chose. Dans les pays latins il y a de belles
chartes des droits de l'homme aussi. Il y a des prisons. Je vois que ce n'est
pas pratiqué de la même façon. À Mirabel, il y a de
belles chartes des droits de l'homme au Canada. M. Trudeau, c'était le
champion des droits de l'homme, sauf que cette société
fédérale défend aux gens d'afficher, défend aux
gens de se représenter par des associations, d'assister aux
réunions pour représenter, mais pour mieux les "squeezer"
individuellement, les prendre un par un. Quand on parle, je trouve cela beau le
premier ministre du Canada qui fait des chartes sur papier. Un fils de
millionnaire habituellement aime mieux les chartes sur papier. Dans les faits,
par exemple, c'est que l'association, le CIAC n'a pas rencontré la
Société immobilière du Canada pour parler au nom des
expropriés et on va dire: On va les rencontrer un par un. Cela va contre
la Charte des droits de l'homme.
Il y a un droit d'association qui existe qui est reconnu et ils mettent
dans les contrats... Une société fédérale, qui
interdit aux gens d'afficher! Je vous dirai que M. Trudeau n'avait rien
à enseigner à M. Duplessis. M. Duplessis n'est jamais allé
si loin que cela. Jamais! M. Duplessis était un grand démocrate
comparé à M. Trudeau. M. Trudeau, à ce point de vue,
n'agit pas, je pense, selon les principes pour lesquels il écrivait
quand il était dans l'Opposition. Il ne pratique pas la même chose
à ce point de vue. Je ne vois pas beaucoup de gens qui refusent ce droit
d'être représentés. Cela ne veut pas dire qu'il va vous
entendre et être d'accord et refuser même que le groupe du CIAC
puisse représenter des expropriés dans des rencontres avec la
société immobilière, cela est fort. Ils pourraient dire:
On n'est pas d'accord, mais même refuser que le groupe les
représente, cela est fort et former des comités bidons, des
groupes bidons et dire: Les gens qui représentent le monde, c'est ALARM.
Hitler faisait cela aussi. Ce n'est pas cela la vie démocratique dans
une société. On aura beau dire ce qu'on voudra, faire tout le
charriage, dire que je fais de la politique quand je dis cela, j'énonce
des faits. La vérité - c'est dit dans l'évangile - est
une, il n'y a jamais deux vérités, il y a toujours une
vérité; elle est une la vérité.
M. Ryan: Qu'est-ce que la pape dit, lui?
M. Garon: Le pape dit comme le Seigneur: "Que le coeur parle par
la bouche." Et qu'on écoute son coeur quand on parle et pas ses
intérêts.
M. Ryan: Parfait. (11 h 45)
M. Garon: Maintenant, je reviens aux
propos de M. Graton. La semaine dernière, j'avais dans mon
comté, justement pour donner un exemple concret, quelqu'un, une femme,
son mari n'était pas là, il travaille. Son mari est
passionné d'agriculture, il doit prendre sa retraite assez jeune pour
s'établir. Il ont les bâtiments et une terre, mais pas de maison
sur leur ferme située à plusieurs milles de l'endroit où
ils demeurent; ils demeurent dans mon comté, mais leur ferme n'est pas
dans mon comté. Elle me disait -et je pense que cela se rallie un peu
aux propos dont vous parliez tout à l'heure: Dans le fond, il y a des
animaux, mais on a perdu de l'argent sur cela parce qu'on ne pouvait pas
toujours être là, de sorte, dit-elle, que j'ai perdu mon mari
parce qu'il est toujours rendu avec les animaux pour les surveiller. Alors,
j'ai pensé que la meilleure façon de reprendre mon mari, ce
serait de me rapprocher des animaux. Elle me disait qu'ils voulaient
s'établir sur leur ferme, qu'il y avait eu des pertes d'argent parce
qu'on ne peut pas surveiller les animaux de la même façon quand on
est plus loin, qu'on ne peut pas aller aussi souvent... Quand vous parlez
d'aller faire un tour, au fond, c'est pour cela que je voulais revenir un peu
là-dessus... Les gens qui écoutent cela se disent: Faire un tour?
Il n'a qu'à pas le faire, mais ce n'est pas de faire un tour qu'il
s'agit, c'est d'aller faire un tour pour surveiller, pour voir ce qui se passe,
pour voir s'il y a quelque chose, si l'animal a un comportement
différent, en passant dans la grange. C'est un peu cela aussi, c'est
surtout cela.
Je voulais simplement souligner ce que me disait quelqu'un qui
était dans mon bureau la semaine dernière sur les
inconvévients qu'il pouvait y avoir d'être loin et qui
décidera de se déplacer, même avant que la personne puisse
s'établir de façon définitive, même s'il y avait une
foule d'inconvénients, parce que c'est nécessaire pour avoir une
gestion efficace de la ferme.
Il y a une chose dont vous avez parlé et sur laquelle j'aimerais
avoir une explication additionnelle. Vous dites que votre frère veut
acquérir une maison qui est près de sa ferme ou sur sa ferme et
qu'on l'offre à un fonctionnaire plutôt qu'à l'agriculteur
dans un rang. Pourriez-vous nous préciser cela plus
spécifiquement? C'est un peu exceptionnel que...
M. Graton (André): La deuxième maison voisine de
chez nous, c'est un rentier qui restait là en 1969, avant
l'expropriation. En tout cas, cette maison est devenue libre en 1980 parce que
les occupants ont quitté. Avant de s'apercevoir qu'il y avait quelque
chose de libre, on n'a pas pu faire la demande, puis on a su que c'était
un gars qui travaillait à la SIC qui était rendu là. Cela
se fait vite. Il aurait fallu le savoir, on aurait pu entrer dans la
maison.
M. Garon: Où votre frère a-t-il sa ferme par
rapport à cette maison? Où est-elle située?
M. Graton (André): Mon frère est en
société avec moi, mais on a des animaux sur d'autres fermes
aussi.
M. Garon: Ah! Sur d'autres fermes aussi.
M. Graton (André): Oui. Si elle avait été en
face, cela se serait bien adapté.
M. Garon: Mais où est la terre, où est
localisée cette maison?
M. Graton (André): Elle est juste en face, de l'autre bord
du chemin.
M. Garon: Mais vous n'avez pas une priorité dans les
rangs? N'y a-t-il pas une priorité pour les agriculteurs qui
cultivent?
M. Graton (André): Non. Il n'y a pas de priorité
et, si tu veux avoir telle chose, il faut que tu fonces.
M. Garon: Le fonctionnaire qui l'a acquise était-il de
cette région originairement ou s'il...
M. Graton (André): Non. Je ne peux pas m'avancer. Il
venait d'une région assez éloignée, de Rouyn-Noranda,
d'Abitibi-Témiscamingue, de ces coins-là. C'est un de mes amis
qui l'a déménagé, mais on l'a su trop tard.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va, M. le ministre?
M. Garon: D'accord. Je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je n'entends pas répondre
à tout ce qu'a dit le ministre parce que je ne trouve rien de plus
dégoûtant que de voir des personnes se servir
systématiquement d'une commission parlementaire pour faire de la
politique partisane. Vous avez été témoin; vous porterez
votre propre jugement. Dans toute la mesure où il s'agira de
défendre les intérêts légitimes des gens de Mirabel,
je suis entièrement engagé à le faire, mais je ne ferai
pas le jeu du ministre dans toutes ses divagations de politique partisane que
je déplore profondément.
Je me permettrai de redresser quelques faits, à ce moment-ci, sur
des choses qui ont été vidées hier et sur lesquelles on
est revenu ce matin. Faire perdre le temps de la commission et de nos
concitoyens alors que
le ministre devrait avoir des choses beaucoup plus importantes à
nous dire... Il devrait nous dire ce qu'il entend faire. Il nous a parlé
d'un télégramme qu'il a reçu d'Ottawa, qui traîne
dans ses poches depuis trois jours, d'après ce que j'ai pu comprendre.
Alors, il serait temps qu'il nous en parle. On achève la matinée.
C'est bien plus important que toutes les divagations qu'on a entendues ce
matin. Je voudrais seulement dire, à propos de la
télédiffusion des débats, qu'il avait été
convenu qu'ils seraient télédiffusés et qu'il y a eu un
changement de décision au mois d'octobre. Le ministre nous cite des
lettres du mois de novembre et tout. La première séance de la
commission parlementaire a eu lieu le 26 octobre...
M. Garon: M. le Président...
M. Ryan: M. le Président, pourrais-je terminer?
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!
M. Garon: Question de privilège.
M. Ryan: II n'y a pas de question de privilège ici.
M. Garon: Question de règlement.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît:
M. Ryan: M. le Président, cette commission n'est pas la
propriété du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, question de
règlement...
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Mathieu: M. le Président, il me semble que le
député d'Argenteuil n'a interrompu personne.
Le Président (M. Bordeleau): Vous n'aurez la parole
personne, de toute façon. D'accord? On va arrêter cela. Alors, la
parole est au député d'Argenteuil. J'ai une question de
règlement de la part du ministre; je vais lui laisser l'exprimer, mais
très rapidement, parce qu'il a eu l'occasion de parler tantôt et
je vais laisser la même chance au député d'Argenteuil.
M. Garon: M. le Président, quand j'ai cité des
lettres, c'étaient des lettres du mois de septembre quand cela a
commencé. Le député d'Argenteuil essaie toujours de
détourner les faits et de mentir sur les faits.
Or, les lettres ont commencé le 24 septembre.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je n'ai jamais dit que cela n'avait pas commencé
là, mais je dis que vos lettres du mois de novembre sont bien en retard
par rapport aux événements. La première séance de
la commission a eu lieu le 26 octobre. Nous avions été
consultés par le gouvernement. Nous avions donné notre
consentement à la télédiffusion des débats et un
changement de décision a été fait vers les jours qui ont
précédé, si ce n'est pas le jour même, au
début des audiences de la commission. On a dit: II y a la commission de
l'énergie et des ressources qui doit étudier les projets
d'investissements à long terme d'Hydro-Québec. Il a
été décidé de donner la priorité à la
télédiffusion de ces débats. Aucun d'entre vous,
messieurs, le 26 octobre, n'a même soulevé le problème. La
décision avait été prise de l'autre côté et
elle a été acceptée par les deux côtés, si
mes souvenirs sont bons. Je n'ai pas l'omniscience du ministre pour imputer des
motifs et des raisons à tous ceux qui prennent des décisions dans
cette province. Mais je crois me souvenir que la décision a
été prise au niveau des autorités de la Chambre, sur
proposition du gouvernement et sur l'accord des deux partis. Une fois que nous
étions engagés dans cette voie, nous avons décidé
de rester dans la même voie jusqu'à la fin, quelle que soit la
démagogie qu'on fasse à ce sujet-là. S'il y en a qui
peuvent me contredire là-dessus, si le ministre a des choses à
dire sur ce point précis, je suis prêt à modifier ma
version des faits si je me suis trompé. Mais c'est le souvenir que j'en
garde. J'ai ici le compte rendu des débats du 26 octobre et personne
d'entre nous n'a soulevé ce problème. Pour une raison très
simple, il avait été réglé avec le consentement de
tout le monde dans les jours qui ont précédé. Ce n'est pas
ma faute.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: Je me souviens fort bien, personnellement, au tout
début, d'avoir parlé de l'importance de la
télédiffusion de cette commission. Deuxièmement, je n'ai
accusé personne. Depuis le début, enfin, depuis que je suis ici
que je vous entends déplorer des choses. Alors, on peut aussi
déplorer des choses. Moi aussi, j'ai le droit de déplorer que
cette commission n'ait pas été télédiffusée.
N'étant pas du territoire de Mirabel, j'étais peut-être un
de ceux qui croyaient que c'était plus un dossier régional.
Très vite, on s'est aperçu que c'était un
dossier beaucoup plus important qu'un dossier régional. C'est un
dossier national. On aurait pu réviser cette décision parce que,
vous-mêmes, de l'Opposition, vous vous êtes aperçus vous
aussi de l'importance de ce dossier-là.
Dès l'instant où on a visité le territoire de
Mirabel, je me souviens de la journée que nous avons passée
ensemble. Des informations qu'on nous a données là, tous, nous
étions scandalisés de ce qui se passait sur le territoire. On
aurait pu, ensemble, réviser cette décision.
De toute façon, tantôt, je n'ai blâmé
personne. Je n'ai pas blâmé le député d'Argenteuil.
Je n'ai pas blâmé le Parti libéral. J'ai
déploré le fait qu'on n'ait pas profité, comme
Assemblée nationale, de cette occasion unique qui était
donnée de renseigner l'ensemble des Québécois sur le
scandale de Mirabel.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, si on en était seulement
resté à l'évocation du député de Champlain,
il n'y aurait peut-être pas eu de débat ce matin, mais
après que vous eussiez parlé, d'autres ont parlé et ils
ont fait des accusations précises contre le Parti libéral et ses
représentants à cette commission. Je ne les accepte pas parce
qu'ils font omission de faits très importants que j'ai d'ailleurs
évoqués sans avoir été contredit.
M. Gagnon: Je pense que vous serez d'accord avec moi que, peu
importe la décision qui a été prise au début, nous
aurions pu la réviser. On en a parlé assez souvent pour qu'on
puisse la réviser.
M. Ryan: Non, on nous a parlé de la réviser
récemment et nous avons dit, maintenant que toute cette
affaire-là est en cour, maintenant que plusieurs témoignages
très importants ont déjà été entendus, au
stade où nous en sommes, pour que l'égalité des chances
reste vraiment pour tout le monde, on va rester avec la même discipline
qu'on a établie au début.
M. Gagnon: II n'est pas question de discipline, il est question
de justice pour tout le territoire et pour toute une communauté au
Québec.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît:
M. Ryan: Oui, la démogogie, on en a eu en masse.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! Je
vous ai d'ailleurs mentionné, hier, qu'il y avait une décision de
la présidence que je devais assumer comme président de la
commission parlementaire et c'était à partir du comité
consultatif sur la radio-télédiffusion des débats. Par
contre, ici, nous avons l'honneur d'avoir le leader parlementaire du
gouvernement qui aurait peut-être des informations additionnelles
à nous fournir. Alors, M. le leader.
M. Bertrand (Jean-François): M. le Président, comme
c'est ma responsabilité, à titre de leader parlementaire,
d'écouter à mon bureau ce qui se passe dans les
différentes commissions parlementaires, j'ai entendu effectivement les
échanges de propos relativement à la question de la
télédiffusion des travaux de cette commission parlementaire. Je
voudrais simplement indiquer ceci, pour la bonne information de tout le monde.
En 1982, effectivement, le Conseil des ministres, à la suite d'une
demande faite en ce sens par le ministre de l'Agriculture, avait demandé
que la commission parlementaire qui entendait des personnes, des groupes sur le
dossier Mirabel, puisse être télédiffusée.
À ce moment-là, comme leader parlementaire, j'avais fait
parvenir la demande au président de l'Assemblée nationale, M.
Vaillancourt. Le président, comme dans chacune de ces
circonstances-là, a consulté le comité consultatif sur la
télédiffusion où siègent le whip en chef du Parti
québécois et le whip en chef du Parti libéral. Comme l'une
des deux personnes - en l'occurrence, c'était le whip en chef du Parti
libéral - avait dit non à l'époque, avec des arguments
comme les suivants. Entre autres, tant et aussi longtemps que nous
n'adopterions pas une loi de l'Assemblée nationale permettant de tenir,
par exemple, des commissions parlementaires à l'extérieur de
Québec, tant et aussi longtemps qu'on n'aurait pas défini les
modalités concrètes permettant d'en arriver à
télédiffuser des commissions parlementaires, il n'était
pas question de faire en sorte que celle-ci soit
télédiffusée. Dans les circonstances, comme l'une des deux
parties n'était pas d'accord, c'est le président qui tranchait et
quand il n'y a pas consensus, quand il n'y a pas unanimité des deux
partis, le président, habituellement, prend une décision
prudente.
Ce qu'il faut bien indiquer - c'est cela qui est nouveau - c'est que,
depuis ce temps-là, il y a eu un débat à
l'Assemblée nationale - cela a d'ailleurs été fait devant
les caméras de la télévision - sur la
télédiffusion d'une commission parlementaire à
Schefferville. Je me rappelle très bien, concernant cette commission
parlementaire qui se tiendra à Schefferville, que l'Opposition avait
indiqué qu'elle manifestait son accord pour la tenue de la commission
parlementaire à Schefferville et qu'elle le
faisait en toute bonne foi pour voir si l'expérience serait
concluante et qu'on pourrait, par la suite, adopter une politique qui nous
permettrait de tenir des commissions parlementaires à
l'extérieur.
Je ferai valoir que le ministre de l'Agriculture lui-même avait
demandé que la commission parlementaire sur Mirabel puisse se tenir dans
la région de Mirabel pour que les gens n'aient pas à se
déplacer et qu'ils puissent, sur place, venir devant la commission sans
avoir à débourser des montants d'argent importants. Dieu sait
qu'effectivement cela coûte quelque chose quand on part de régions
assez éloignées de Québec pour venir ici une
journée, deux journées, trois journées.
Dans ce contexte-là je dois dire que, de ce côté-ci,
nous avons toujours été d'accord pour que la commission
parlementaire puisse se tenir ailleurs qu'à Québec, donc, dans
les circonstances, dans la région de Mirabel.
Deuxièmement, sur la télédiffusion des
débats, après avoir essuyé une réponse
négative de l'Opposition à l'automne 1982, le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est revenu à la
charge, au tout début de l'année. Il m'a fait une lettre et j'ai
transmis la demande, à la suite de la décision prise par le
Conseil des ministre, au président de l'Assemblée nationale.
Encore une fois, le whip en chef du gouvernement a donné son accord pour
la télédiffusion. Le whip de l'Opposition a dit non et, dans les
circonstances, nous avons été obligés de nous en remettre
à la décision du président de l'Assemblée nationale
qui a dit: Puisqu'il n'y a pas consensus, je prends la décision de ne
pas télédiffuser les travaux de cette commission. Assez
curieusement, il y a une commission parlementaire qui s'en vient bientôt,
sur la politique énergétique du gouvernement - pardon sur la Loi
sur le cinéma et la vidéo - commission parlementaire qui va
siéger dans une dizaine de jours environ et où le ministre des
Affaires culturelles sera présent; or cette commission sera
télédiffusée parce que l'Opposition a donné son
accord au gouvernement pour qu'elle le soit.
Donc, en dehors des temps de session, en dehors des moments où la
Chambre siège, toute commission parlementaire - au moins
théoriquement - peut être télédiffusée. Dans
ce cas très précis de Mirabel, nous avons acheminé la
demande, l'Opposition a refusé. Nous étions d'accord quant
à nous. Le constat qu'on fait aujourd'hui, c'est que chacun aura ses
explications à donner. Chacun a ses raisons. Elles peuvent être
jugées bonnes, elle peuvent être jugées mauvaises, c'est
à la population, finalement, de se faire une idée sur l'attitude
de l'un et l'autre parti. Quant à nous, nous étions
définitivement totalement d'accord avec cette
télédiffusion des débats.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le leader. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, le leader du gouvernement a-t-il
dit qu'il n'y aurait pas eu de télédiffusion de travaux de
commission l'automne dernier parce qu'il n'y avait pas encore d'entente avec
l'Opposition? (12 heures)
M. Bertrand: Pas sur Mirabel.
M. Ryan: Mais, en général?
M. Bertrand: II y en a eu sur d'autres.
M. Ryan: Sur lesquelles?
M. Bertrand: II y en a eu sur HydroQuébec, si ma
mémoire est bonne.
M. Ryan: À quelle date?
M. Bertrand: Je ne me rappelle pas de la date exactement.
M. Ryan: Si vous voulez vérifier cela, vous allez
découvrir que c'était le 26 octobre, le même jour où
commençaient les travaux de la commission ici. Vous verrez qu'il y a un
accord entre les deux partis pour que ce soit cette commission-là qui
ait la priorité plutôt que Mirabel. Le gouvernement est aussi
solidaire de cette décision-là que l'Opposition.
M. Bertrand: Mais cela, écoutez.
Le Président (M. Bordeleau): M. le leader.
M. Bertrand: Dans la mesure où il y a une
possibilité d'arriver à faire en sorte qu'une commission
parlementaire soit télédiffusée sur Mirabel, c'est
évident que le gouvernement avait donné son accord. L'Opposition
a préféré, elle aussi, que ce soit celle sur
Hydro-Québec. Dans ce contexte des commissions parlementaires, comme
celle-là n'a pas été télédiffusée,
vous me dites: La raison c'est parce qu'il y avait Hydro-Québec, et
quant à faire un choix, on préférait Hydro-Québec
plutôt que le dossier Mirabel. Encore là, la population jugera de
la décision.
Ceci étant dit: Admettons, parce que là je n'ai pas ces
éléments d'information devant moi, que sur cet aspect de
l'automne dernier vous ayez raison; et qu'ensemble on se soit entendu pour que
la commission d'Hydro-Québec soit télédiffusée
à la place de celle de Mirabel, admettons cela; il n'en demeure pas
moins que cette fois-ci il n'y a pas, au moment où cette commission
siège, une autre commission parlementaire qui siège
sur un autre dossier. Donc aujourd'hui, si c'est vrai que nous aurions
fait un choix, et qui était un choix des deux partis, pour
qu'Hydro-Québec soit privilégiée par rapport à
Mirabel, une chose est certaine, c'est qu'en ce moment on ne peut pas
privilégier Mirabel par rapport à une autre commission, puisqu'il
n'y a pas d'autre commission qui siège. On pourrait en ce moment avoir
une télédiffusion des débats de la commission
parlementaire sur Mirabel et là-dessus, effectivement, vous avez dit
non.
M. Ryan: Je suis content de constater, que le ministre, sur la
première partie du récit a reculé beaucoup par rapport
à ce qu'il avait dit...
M. Bertrand: Non, j'ai dit que je retournerais aux informations
exactes. Parce que si ma mémoire est bonne, et ma mémoire peut
flancher...
M. Ryan: La mienne aussi.
M. Bertrand: ...tout être humain que je sois, elle peut
flancher. Mais si ma mémoire est bonne, le choix de tenir une commission
parlementaire télédiffusée sur Hydro est venu après
le refus de l'Opposition de télédiffuser la commission
parlementaire sur Mirabel.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je conteste formellement cette affirmation
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: Je suis convaincu qu'il avait été
décidé par les deux partis de télédiffuser la
commission parlementaire sur Mirabel. Je suis convaincu. Et, à la
dernière minute, notre whip et notre leader nous avaient dit, le
gouvernement nous demande de privilégier celle d'Hydro-Québec
à cause de l'impact provincial. C'est là que nous avions
consenti. On ne pouvait pas télédiffuser deux commissions en
même temps.
Une voix: Même si aujourd'hui, on pourrait...
M. Mathieu: II s'est dit un tas de faussetés et cela a
été vidé hier, cela a encore été vidé
aujourd'hui. Est-ce qu'on va en reparler encore bien longtemps? Cela fait au
moins une heure qu'on perd aujourd'hui, une heure hier pour un tas de choses
qui ne sont pas exactes.
M. Gagnon: Oh!
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! S'il vous plaît!
M. Mathieu: M. le Président, avant d'arriver puis
d'imputer des motifs, et puis dire les libéraux ne veulent pas ceci, ne
veulent pas cela, on l'avait acceptée; et c'est à la demande du
gouvernement qui avait fait valoir qu'Hydro-Québec avait un impact dans
toute la province et il nous demandait de privilégier la
télédiffusion de la commission sur Hydro-Québec.
M. Garon: M. le Président, M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! S'il
vous plaît: S'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre! Je
pense qu'il a eu des explications fournies et que chacun les perçoit
à sa façon. Il n'y a personne d'entre nous qui siège au
comité consultatif. M. le ministre, il faut que ce soit très
court.
M. Garon: Oui. Initialement vérifions les faits. Les deux
commissions ne devaient pas se tenir en même temps, la commission sur
Mirabel et la commission sur Hydro. Elles devaient se tenir à des dates
différentes. C'est parce que les libéraux ne voulaient pas que
soit télédiffusée la commission sur Mirabel, que le
gouvernement a dit: parfait on va mettre Hydro, puis ils ont mis les deux en
même temps, sachant que les libéraux ne voulaient pas que la
commission sur Mirabel soit télédiffusée. Or, cela est
venu après, que la commission sur Hydro fut tenue en même temps
que celle sur Mirabel parce que les libéraux ne voulaient pas que celle
sur Mirabel soit télédiffusée. Si vous regardez tous les
papiers du temps, ce sont des papiers imprimés, vous allez voir vous
que, jusqu'à la dernière minute, les commissions sur Mirabel et
Hydro ne devaient pas être tenues en même temps. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Je pense que tout le monde a
pu s'exprimer là-dessus...
M. Ryan: M. le Président, je regrette, on vient encore
d'être l'objet d'accusations que je ne peux pas laisser sans
réponse.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous avoue que là,
cela commence à...
M. Mathieu: Qui est-ce qui a demandé la pertinence du
débat, M. le Président?
M. Ryan: Vous laissez des accusations se faire et on n'aurait pas
le droit de répondre?
M. Garon: Je n'ai jamais été condamné pour
diffamation moi, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Vous avez pu vous exprimer
tout le monde, je pense, là-dessus, et je pense bien que les deux partis
ne seront jamais d'accord.
M. Ryan: Ce que vient d'affirmer le ministre de l'Agriculture est
complètement faux. Nous avions été prévenus par le
whip de notre parti de nous préparer à une commission dont les
travaux seraient télédiffusés. Nous nous étions
préparés en conséquence et c'est vers les tout derniers
jours que nous avons appris que le gouvernement avait décidé de
convoquer, le même jour, la commission de l'énergie et des
ressources, et c'est le gouvernement qui a l'initiative des décisions en
matière de convocation des commissions.
Le Président (M. Bordeleau):
J'apprécierais beaucoup qu'on revienne à l'objet de notre
commission et, si on a terminé avec les questions à M. et Mme
Graton, je les remercie de s'être présentés devant la
commission. Je m'excuse de vous avoir fait attendre un peu à la table en
avant pendant que nos membres argumentaient sur d'autre chose que ce qui
pouvait vous intéresser. Je vous remercie.
M. Graton (André): Merci beaucoup.
Le Président (M. Bordeleau): Et maintenant, en
cinquième lieu, mémoire no 37, le suivant, qui est celui de Mme
Jeanne d'Arc Bertrand et M. Claude Bertrand, qui est pour dépôt
seulement. Il sera donc déposé.
La personne suivante serait Mme Sylvie Deschambault. Est-ce qu'elle est
ici? Mme Deschambault, je vous invite à nous présenter notre
mémoire.
Mme Sylvie Deschambault
Mme Deschambault (Sylvie): Bonjour, M. le Président, M. le
ministre, MM. les membres de la commission parlementaire.
Témoignage d'une jeune expropriée. Native d'une famille
d'agriculteurs à Sainte-Scholastique, c'est à l'âge de 9
ans que j'ai appris la venue d'un aéroport dans notre paroisse et les
environs. A ce moment, je ne comprenais pas tout ce qui se passait autour de
moi mais je ressentais, par mes proches, qu'une expropriation cela faisait mal,
c'était inquiétant. Les années qui ont suivi se sont
chargées de me l'expliquer: amis, voisins qui déménagent,
fermeture d'une école de Sainte-Scholastique, maisons
abandonnées, passants fouillant l'intimité de notre village,
exercices de feu avec les demeures de nos voisins, journées de
manifestations où j'accompagnais papa, maman, enfin tous les
mécontents. Plus rien ne ressemble aux jours où nous
étions si heureux sur la ferme.
À la cueillette des petites fraises des champs, la chaleur que je
mettais à cueillir un bouquet de pissenlits pour maman, mon tour de
tracteur, le chant des oiseaux, le calme de la nature avaient donné
place à des journées turbulentes. Là, je voyais beaucoup
d'agriculteurs, de résidents, de commerçants acharnés
à défendre la justice, assis dans un wagon de ferme, la pancarte
à la main. Comme mes yeux d'enfant devaient être grands!
Dans un paisible village, une anti-émeute qui voulait calmer sans
pitié l'insatisfaction des gens honnêtes qui ont travaillé
dur pour le patrimoine. Tristesse des personnes dépassées par
l'événement.
Pendant les années 1975, 1976, 1977, j'avais en dedans un
goût très amer de ce qui se passait autour de moi. C'est à
ce moment que je remettais en question l'amour, la haine, la justice, la paix
et l'honnêteté. À l'intérieur de moi, il se passait
un genre de défaite. Les discussions sur l'expropriation me faisaient de
plus en plus mal.
Une consolation: L'avenir est aux jeunes sur le territoire
exproprié. Belles promesses sur les premières pages des journaux.
Que sont-elles devenues? L'avenir a effectivement été aux jeunes
parce que plusieurs n'ont pas eu la force nécessaire pour combattre tout
cela.
Pendant cette période, je me demandais comment affronter la vie
quand on voit des centaines d'agriculteurs, des gens de métier se battre
ensemble pour obtenir justice. Aujourd'hui, je travaille auprès des
personnes âgées. L'objectif premier du gouvernement à leur
égard est aussi le mien: Maintenir à domicile ces personnes.
J'ai connu le grand désespoir des vieillards de
Sainte-Scholastique regroupés autour de leur clocher pour finir leurs
jours et qui ont dû être déracinés. Je veux donc
tenter l'impossible pour éviter leur placement en centres d'accueil. Le
coeur sensible au dossier de l'expropriation, la persévérance, le
courage et la détermination de toutes ces braves gens qui se tiennent
debout avec le groupement CIAC me permettent de croire encore possible l'avenir
de la jeunesse.
Le Président (M. Bordeleau): Merci beaucoup. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Bonjour,
Sylvie. Sylvie et moi sommes voisins parce qu'elle travaille pour les Artisans
de l'aide à Saint-Eustache dont le bureau est à côté
du mien. Qu'est-ce qui vous a fait choisir, Sylvie, cette vocation de vous
occuper comme cela des personnes âgées au sein de ce groupement
des Artisans de l'aide?
Mme Deschambault: Je pense que la
solidarité des gens de Sainte-Scholastique m'a fait croire que
c'était possible, en groupes de personnes âgées ou en
groupes de bénévoles, de s'organiser et de défendre des
choses bien importantes pour les personnes âgées.
M. de Bellefeuille: L'adresse que vous donnez dans votre
mémoire, est-ce l'adresse de la maison familiale?
Mme Deschambault: Oui.
M. de Bellefeuille: Au 11 681, rang Saint-Rémi,
Sainte-Scholastique?
Mme Deschambault: Oui.
M. de Bellefeuille: Est-ce que vos parents sont toujours
là?
Mme Deschambault: Oui, mes parents demeurent toujours
là.
M. de Bellefeuille: Ils sont locataires sur leur propre
ferme?
Mme Deschambault: Oui.
M. de Bellefeuille: Et ils ont l'intention d'y rester?
Mme Deschambault: Mes parents ont l'intention d'y rester le plus
longtemps possible. Je pense que les déménager leur ferait bien
du mal.
M. de Bellefeuille: Est-ce qu'il est question dans leur cas de
rétrocession?
Mme Deschambault: Je ne crois pas. Je ne crois pas que ce soit un
territoire qui fasse partie de la rétrocession.
M. de Bellefeuille: Non, ce n'est pas à l'intérieur
de la zone jaune. Donc, ils sont, en quelque sorte, menacés de rester
là seulement au gré du propriétaire. Quelle sorte de bail
ont-ils?
Mme Deschambault: II y avait un bail... Je ne connais pas
tellement la situation à ce sujet. Je sais qu'ils renouvellent leur
bail, je pense, tous les deux ans...
M. de Bellefeuille: Oui.
Mme Deschambault: ...mais je ne suis pas sûre de cela.
M. de Bellefeuille: Et vous habitez chez eux?
Mme Deschambault: Oui.
M. de Bellefeuille: Est-ce que vous auriez songé
vous-même à faire carrière dans l'agriculture?
Mme Deschambault: Personnellement, non.
M. de Bellefeuille: Vous avez des frères et soeurs?
Mme Deschambault: Oui.
M. de Bellefeuille: Est-ce qu'ils s'établissent sur la
terre?
Mme Deschambault: Mon frère aîné a pris la
ferme en 1973.
M. de Bellefeuille: Oui. C'est votre frère
aîné qui a pris la ferme?
Mme Deschambault: Oui.
M. de Bellefeuille: En société avec votre
père?
Mme Deschambault: Non, mon père est paralysé depuis
1973 et mon frère aîné a pris la relève.
M. de Bellefeuille: Vous terminez votre mémoire par une
note d'optimisme, en quelque sorte, quant à l'avenir des jeunes,
grâce au CIAC, mais il faut sûrement des conditions pour que cela
se réalise, n'est-ce-pas? Pour que les jeunes puissent avoir de l'avenir
sur les territoires expropriés, quelles sont, à votre avis, les
conditions qu'il faudra réaliser, pour que les jeunes aient de
l'avenir?
Mme Deschambault: Je terminais mon mémoire en disant que
le CIAC me faisait croire en l'avenir de la jeunesse. C'est parce que. depuis
janvier 1982, on s'est assis ensemble, un groupe de jeunes et, parmi ces
jeunes-là, il y avait de jeunes chômeurs, de jeunes
assistés sociaux, des jeunes qui travaillaient. Puis, on a
travaillé en groupe pour savoir ce qu'on pourrait mettre sur pied pour
les jeunes, dans la région de Mirabel. Parce que, si on se souvient des
années où Mirabel n'était pas exproprié, en 1969 et
avant, le taux de chômage était peu élevé à
Sainte-Scholastique et à Mirabel parce que souvent les jeunes prenaient
la relève sur la terre de leurs parents. Mais, présentement, vu
qu'il reste presque 250 à 300 fermes d'agriculture, les jeunes se
retrouvent chômeurs assez rapidement.
M. de Bellefeuille: Et quelles sortes de perspectives avez-vous
dégagées dans ces rencontres entre jeunes, quelles sortes de
possibilités entrevoyez-vous?
Mme Deschambault: Présentement, on
en est rendu à se poser de sérieuses questions quant
à une maison de jeunes qui pourrait se trouver soit sur le terrain
exproprié, soit aux alentours; mais on est à développer
cette idée. Présentement, on a un projet pour une maison de
jeunes.
M. de Bellefeuille: Une maison de jeunes qui serait située
dans le territoire?
Mme Deschambault: On n'a pas parlé encore du site. On ne
sait pas où ce serait situé, mais on est à
développer un projet dans ce sens-là.
M. de Bellefeuille: Je vous remercie. Je vous souhaite bonne
chance. Je vous remercie de vous être présentée devant la
commission. (12 h 15)
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Juste brièvement, je comprends que vous
êtes une fille d'exproprié et que vous demeurez sur le territoire
présentement. C'est cela?
Mme Deschambault: Oui.
M. Mathieu: Êtes-vous en location, êtes-vous en loyer
sur le territoire?
Mme Deschambault: Moi, non, mes parents, oui.
M. Mathieu: Vous demeurez chez vos parents ou...?
Mme Deschambault: Je demeure chez mes parents.
M. Mathieu: Vous travaillez auprès des personnes
âgées sur le territoire.
Mme Deschambault: Non. Je ne travaille pas sur le territoire
exproprié auprès des personnes âgées.
M. Mathieu: Ah bon, bon!
Mme Deschambault: Je pense que cela aurait été
difficile de travailler auprès des personnes âgées sur le
territoire exproprié parce qu'il ne reste presque plus de personnes
âgées.
M. Mathieu: C'est bien, merci.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, je n'ai pas d'autres
demandes. Je vous remercie, Mme Deschambault, de vous être
présentée devant notre commission.
Mme Deschambault: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bordeleau): Le groupe suivant est la MRC,
région des Laurentides, représentée par le Dr Robert
Lussier, ainsi que par M. Georges Fillion, maire de Saint-Sauveur. Je vous
inviterais à vous présenter à la table. Effectivement,
c'est écrit MRC, mais ce sont les gens du comité de consultation.
J'ai lu ce qui était écrit là. M. Lussier.
Comité de consultation
pour la formation des MRC
dans la région des Laurentides
M. Lussier (Robert): M. le Président, MM. les membres de
la commission, il me fait plaisir, au nom du comité de consultation pour
la formation des MRC dans la région des Laurentides, de présenter
ce mémoire. Je suis accompagné de M. Georges Fillion, maire de
Saint-Sauveur, lequel faisait partie de ce comité consultatif depuis son
début. L'autre membre, Me Roland Durand, qui représentait l'Union
des municipalités du Québec au comité, nous a
quittés pour siéger à la Cour provinciale et c'est ce qui
explique qu'il ne soit pas présent.
La Loi sur l'aménagement et l'urbanisme a créé
à travers le Québec les MRC qui regroupent les
municipalités urbaines et rurales d'une même région
d'appartenance. La responsabilité première de cette nouvelle
structure en est une d'aménagement du territoire, de définition
des grandes orientations en termes d'occupation du sol.
La MRC a été définie comme devant être une
région d'appartenance pouvant rassembler 30 000 à 40 000
habitants, regroupant 15 à 20 municipalités. Ce territoire devait
avoir des dimensions qui permettent d'y préparer un schéma
d'aménagement et, éventuellement, d'y exercer des fonctions
décentralisées à partir de certains ministères et
organismes gouvernementaux.
Précédant la création des MRC, une consultation a
permis aux élus municipaux, aux organismes constitués et à
la population de participer au découpage du territoire et à la
rédaction des lettres patentes.
Notre comité a procédé à la consultation
dans le territoire des Laurentides selon les critères de
découpage communément acceptés. Il y a un seul secteur
où il a été impossible d'appliquer ces critères,
c'est dans le secteur de la ville de Mirabel. Mirabel est, comme vous le savez
aussi, un problème tout à fait particulier.
L'immensité du territoire de Mirabel représente une
contrainte importante pour tout planificateur et gestionnaire. Cette ville
couvre environ 49 000 hectares; elle s'étend de Lachute à
Saint-Jérôme; elle a une surface plus grande que celle de
l'île de Laval et légèrement plus petite que celle de
Montréal. Mirabel comprend environ 13 000 habitants,
disséminés sur ce grand territoire, une population nettement
insuffisante pour rentabiliser l'implantation de certains services comme une
commission scolaire, ou des services de santé ou autres.
De plus, le territoire de la ville ne représente pas pour cette
population une vraie région d'appartenance. Chaque pâle de la
ville a peu ou pas d'affinités avec l'autre, mais est davantage
lié à des pôles urbains à l'extérieur de la
ville. Par exemple, Saint-Hermas est une municipalité rurale
reliée à la ville de Lachute, mais Saint-Janvier est plutôt
une municipalité urbaine reliée à
Saint-Jérôme. Mirabel a aussi en son centre un aéroport,
superstructure qui constitue une entrave importante à tout effort de
créer des liens entre les différents secteurs de la ville. Toute
la gestion municipale s'articule autour de multiples pôles: trois
pôles de développement urbain et six pôles de services.
La ville de Mirabel a aussi deux fonctions ou deux vocations
prioritaires. Elle a une fonction agricole: 90% de son territoire est
actuellement à vocation agricole et il doit être
protégé et développé comme tel. Elle a aussi une
fonction industrielle et commerciale que lui confère la présence
de l'aéroport international qui doit, pour être rentable,
générer des activités industrielles et commerciales
importantes. Ces activités nécessitent aussi l'implantation de
services importants et la réalisation de lourdes infrastructures.
L'harmonisation de ces deux objectifs ou vocations représente un
défi de taille pour une ville, sachant que ces deux fonctions, l'une
agricole, l'autre industrielle et commerciale, sont souvent en conflit. La
gestion municipale est aussi complexifiée par le fait que la
planification, la programmation et la mise en oeuvre de ces deux objectifs,
développement agricole et aéroportuaire, sont assujetties aux
décisions d'un interlocuteur unique, propriétaire de plus des
trois quarts du territoire de la ville, gestionnaire de l'aéroport, le
gouvernement fédéral. Cette structure de pouvoirs a des
implications, entre autres, sur la marge de manoeuvre réelle de la ville
ainsi que sur la fiscalité municipale.
Les caractéristiques même de la ville de Mirabel,
l'étendue de son territoire (de Saint-Hermas à Saint-Janvier),
peu de population (13 000 habitants), la disparité des régions
d'appartenance (Lachute, Saint-Eustache et Saint-Jérôme), rendent
inapplicables les critères de découpage utilisés dans les
autres parties de notre zone de consultation. Le cas de la ville de Mirabel est
fort complexe et la solution doit respecter les particularités de cette
ville et garantir le développement optimal de ces deux fonctions
essentielles tout en répondant aux objectifs de la loi 125.
Trois hypothèses de découpage ont été
considérées au cours de la consultation sur la loi 125: Mirabel
formant seule une MRC; le rattachement de Mirabel à un pôle
environnant; troisièmement, le démantèlement de Mirabel et
la création d'une zone spéciale correspondant à la zone
opérationnelle aéroportuaire.
Mirabel, une seule MRC: Cette position est fermement soutenue par le
conseil municipal. Elle a été appuyée par la chambre de
commerce locale. Les arguments soutenus par la ville sont: Mirabel est une MRC
avant la lettre, née de la fusion de 14 municipalités ou parties
de municipalités; Mirabel a des objectifs et des problèmes
spécifiques en matière d'aménagement et d'urbanisme;
reconnaissance et utilisation des commissions d'urbanisme de secteur
créées par le SATRA; préservation et mise en valeur de ce
sentiment d'appartenance que la ville a essayé de créer depuis
dix ans.
Deuxième option: Rattacher Mirabel à une MRC voisine. La
loi ne permettant pas qu'une MRC soit constituée d'une seule
municipalité, il a été considéré de
rattacher Mirabel à une MRC périphérique. Cette
hypothèse semble peu souhaitable étant donné la
diversité des pôles d'appartenance de la population dans la ville.
Le rattachement de Mirabel à l'une ou l'autre des MRC voisines (celle de
Lachute, de Saint-Eustache ou de Saint-Jérôme), serait acceptable
pour le seul secteur de la ville situé dans le champ d'attraction de la
MRC choisie, les autres secteurs n'ayant aucune affinité avec cette MRC,
étant déjà rattachés, pour l'ensemble des services,
à un autre pôle de la région.
Le démantèlement: Désenclaver Mirabel. La
population de la ville de Mirabel est liée de façon vitale
à la région environnante. Tant au niveau des services scolaires
et de santé qu'au niveau des relations commerciales et sociales, le
territoire de la ville est partagé en trois pôles. Les commissions
scolaires, les CLSC et les hôpitaux qui desservent le territoire sont
ceux de Lachute, Saint-Eustache et Saint-Jérôme. Les relations
sociales et commerciales sont orientées vers ces mêmes
pôles.
Dans un avenir prévisible, Mirabel ne semble pas devoir devenir
une ville de services à forte croissance autour de l'aéroport. On
peut alors se demander si une superstructure administrative est encore
indiquée et s'il ne serait pas souhaitable d'isoler les activités
aéroportuaires pour les gérer de façon autonome, avec le
dynamisme nécessaire, et de créer autour de cette zone, dans
l'actuel territoire de Mirabel, des villes à caractère rural,
intégrées à leur MRC d'appartenance, tant au niveau des
services que de l'aménagement.
La ville de Mirabel est à 90% agricole.
Nul n'est besoin de répéter qu'il est nécessaire de
protéger et de développer ce potentiel. Le passé a
prouvé qu'il y avait presque toujours conflit entre développement
urbain et rural. Il est difficile de penser qu'un investissement tel que
l'aéroport ne va pas imposer un type de développement et de
services à l'ensemble du territoire de la ville. La gestion municipale
tend à s'identifier à la gestion aéroportuaire.
L'aéroport devient alors une entrave au développement du
dynamisme propre aux territoires agricoles à la périphérie
de la zone opérationnelle.
La création de municipalités rurales à
caractère agricole peut permettre de revaloriser cette fonction au
niveau des conseils municipaux et de revitaliser les centres nécessaires
au développement des activités agricoles. De plus,
l'expérience nous montre que le milieu agricole ne résiste
à la pression urbaine que s'il est concentré et peut former un
groupe homogène.
Nous sommes conscients que la restructuration de Mirabel n'est pas une
panacée à tous les problèmes administratifs et politiques
que celle-ci pourrait rencontrer. La gestion d'un tel territoire pose des
problèmes fort complexes et la solution adoptée pour les
résoudre pourrait avoir un impact important sur le développement
de cette région. Lors de notre consultation, il y avait consensus des
maires des MRC à la périphérie de Mirabel afin de
démanteler cette ville et de joindre les nouvelles villes à leur
pôle d'appartenance. Les premières études fiscales laissent
entrevoir que le démantèlement ne serait pas
nécessairement au désavantage de la population. Toutefois, de
nombreux aspects, tant financiers que sociaux, restent à vérifier
avant d'arrêter un choix définitif.
M. de Bellefeuille: Je suis heureux que les séances de la
commission nous permettent de rencontrer le comité et en particulier son
président, le Dr Lussier, pour examiner, peut-être un peu plus en
profondeur, les hypothèses qui se sont présentées dans
l'application de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme dans la
région de Mirabel. Il y a déjà au moins un groupe qui
s'est présenté devant nous qui a fait état de
l'éventualité d'un démantèlement de Mirabel et qui
a recommandé - si je me souviens bien - une consultation populaire sur
cette question. Je voudrais vous demander d'abord, Dr Lussier, si vous seriez
d'accord sur l'opportunité de consulter formellement la population de
Mirabel - par exemple, au moyen d'un référendum - sur
l'hypothèse d'un démantèlement?
M. Lussier: Évidemment. La dernière phrase de notre
rapport est dans ce sens-là. Je pense qu'on vit actuellement, et depuis
de nombreuses années, le résultat d'une décision
gouvernementale qui a été prise d'une façon
unilatérale et extrêmement autoritaire d'exproprier autant de
territoire pour des besoins qui ne le justifiaient pas. Nous pensons bien que
les éléments de solution que nous pouvons apporter devraient
être vérifiés. Quand on parle au point de vue social, on
devrait consulter ces populations, discuter la raison pour laquelle on propose
telle chose et avoir la chance d'expliquer pourquoi on la propose,
d'élaborer un peu. Ce serait à la population, à mon avis,
de se prévaloir de ce droit de décider ce qu'elle pense de cette
proposition de démantèlement. (12 h 30)
M. de Bellefeuille: C'est un euphémisme de dire, Dr
Lussier, que vous connaissez le dossier de Mirabel. Voulez-vous rappeler
à la commission quelle fonction vous occupiez au moment de
l'expropriation?
M. Lussier: J'étais à l'époque ministre des
Affaires municipales et chargé du dossier de Mirabel.
M. de Bellefeuille: Alors, vous connaissez ce dossier de Mirabel
depuis son tout début et vous l'avez suivi tout au long des
années.
M. Lussier: C'est exact.
M. de Bellefeuille: Puisque votre comité et
vous-même semblez favoriser le démantèlement avec les
réserves ou les conditions que vous exprimez, vous devez avoir
vous-même à l'esprit des réponses aux arguments
avancés par la ville de Mirabel contre le démantèlement.
Par exemple, ce premier argument que vous mentionnez comme quoi Mirabel
était une MRC (municipalité régionale de comté)
avant la lettre, née de la fusion des quatorze muncipalités ou
parties de municipalités, quelle réponse faites-vous à
cela?
M. Lussier: Ah bon! Il faut comprendre exactement ce qu'est une
fusion. Il faut savoir exactement aussi ce qu'est la loi no 125. Tout le monde
sait que, par la fusion, 14 villes deviennent une seule et même ville,
tandis qu'une MRC, c'est un organisme municipal. Maintenant, au lieu
d'être simplement sur le plan local, l'organisme municipal est à
deux paliers. Il y a le palier municipal qui conserve toutes ses
responsabilités et il y a le palier régional à qui on
donne de nouvelles responsabilités, qui est l'aménagement
régional et, évidemment, cela a une influence sur le plan
directeur d'urbanisme local. Excepté que ce n'est pas une fusion. La loi
no 125 ou les organismes régionaux ont été une solution
pour éviter des fusions à l'emporte-pièce ou massivement
dans toute la province, en fait, uniquement
par besoin de certaines régions de fusionner un ou deux services
ou encore de décentraliser. Les MRC, surtout, ont été
faites dans l'esprit, si j'ai bien compris la loi, si je l'ai bien
interprétée pour décentraliser, comme on l'a dit dans
certains textes qu'on nous soumettait ou qu'on soumettait aux gens qu'on
rencontrait, certains pouvoirs de certains ministères, de certains
organismes sur les plans local et régional.
Alors le premier argument ne tient absolument pas. Ce dont ils parlent,
c'est d'une fusion massive, ce qu'ils ont eue. Alors, ce n'est pas une MRC,
c'est une nouvelle ville. Ce n'est absolument pas dans l'esprit de la loi no
125 que la ville de Mirabel a été formée. Alors, ce
n'était pas une MRC, avant la lettre, absolument pas.
M. de Bellefeuille: Le deuxième argument, c'est que
Mirabel a des objectifs et problèmes spécifiques en
matière d'aménagement et d'urbanisme. Ma réaction devant
cet argument, c'est qu'il passe un peu à côté de la
question. Qu'est-ce qui est...
M. Lussier: Au contraire.
M. de Bellefeuille: ...spécifique? C'est la
présence de l'aéroport...
M. Lussier: C'est cela. Et au contraire...
M. de Bellefeuille: Et vous en parlez dans votre mémoire,
oui.
M. Lussier: C'est cela. Au contraire, c'est que Mirabel à
cause de son étendue et parce que les gens aux conseils municipaux
étaient des administrateurs, des fonctionnaires, c'est que, pour eux,
ils développent une espèce de certitude qu'ils sont assis sur une
mine d'or et que - c'est ce que les maires des environs nous
répétaient - ils ne peuvent pas négocier avec eux, ils ne
peuvent pas arriver à des ententes. C'est très long quand il
arrive une entente, et semble-t-il, c'est sur des problèmes mineurs. On
a beaucoup de difficultés parce que les jeunes développent de
plus en plus, semble-t-il, une espèce de mentalité d'insulaire
parce qu'ils pensent posséder beaucoup et ils veulent le garder pour eux
mêmes. Alors, à l'intérieur de cette grande région,
au lieu de participer à l'aménagement et au développement,
ils ont une tendance à rester sur eux-mêmes et à faire
l'aménagement de ce très vaste territoire, même pour une
grande partie de la région, uniquement pour leur bien-être
à eux ou quelque chose de semblable.
M. de Bellefeuille: C'est dans ce sens que...
M. Lussier: Ce qui est absolument impossible parce qu'ils ont des
contraintes physiques, des contraintes géographiques, des contraintes de
route, des contraintes d'aéroport, des contraintes immenses pour essayer
de créer une ville qui se tienne. Ils ont même six comités,
si ma mémoire est bonne, de bibliothèque, six comités
d'incendie et six comités d'une autre chose...
Une voix: ...de loisir.
M. Lussier: ...de loisir.
M. de Bellefeuille: C'est un peu dans ce sens que vous
écrivez dans votre mémoire que l'administration municipale tend
à se confondre avec l'administration aéroportuaire.
M. Lussier: C'est cela. Mon expérience de maire aussi,
c'est qu'une ville se donne une vocation à un moment donné et,
quand une ville gère, c'est toujours cette vocation qu'elle
privilégie. Quand il y en a deux qui sont importantes, l'agriculture
serait extrêmement importante, mais ce n'est pas cela qui devient
important, cela devient même encombrant, cela devient plus que
secondaire. Pourquoi avez-vous été obligé d'adopter une
Loi sur la protection du territoire agricole? C'est parce que des
municipalités avaient tendance à empiéter d'une
façon anarchique sur le territoire agricole. Il y a des villes qui - je
me réfère, disons, à Repentigny que je connais mieux et
où j'ai été maire - croyaient avoir une vocation
d'urbanisation et tout ce que cela apporte: centre commercial, industries, etc.
Alors, les terres agricoles gênent, c'est une contrainte quand on a
fixé un développement urbain pour sa ville. Alors, ce sont deux
buts ou deux vocations qui s'entrechoquent, qui ne se complètent pas en
réalité. C'est évident que, dans une ville, on peut avoir
une petite zone agricole, une zone commerciale, excepté qu'une ville a
sa propre vocation et ses axes administratifs et ses budgets refléteront
cette préoccupation.
C'est dans ce sens qu'on pense qu'au point de vue de la loi no 125, il
serait bon de démanteler cela, mais au point de vue de la revalorisation
et de la revitalisation de l'agriculture, cela irait aussi dans le même
sens que la loi no 125 le demanderait, dans le sens d'un
démantèlement. C'est ce qu'on vient exposer en fait à la
commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.
M. de Bellefeuille: Vous êtes en train de dire que, de la
part des autorités municipales de la ville de Mirabel, même avec
les convictions les plus profondes quant à l'importance de l'agriculture
et même avec les meilleures intentions au monde, la structure, la
situation fait qu'il est difficile
pour cette administration de reconnaître concrètement
l'importance de l'agriculture?
M. Lussier: Je suis d'accord avec cela. On veut dire aussi qu'on
a rencontré les gens de Mirabel, le conseil municipal. Ce sont des gens
qui travaillent extrêmement fort et qui veulent créer un sentiment
d'appartenance. Ils ont beaucoup de mérite parce qu'ils y passent
beaucoup de temps et y mettent beaucoup d'énergie, excepté que
c'est une tâche impossible, une ville impossible en fait. Pour citer
encore des paroles d'évangile, ils ne peuvent pas servir deux
maîtres à la fois. Ils ne peuvent pas penser agriculture et penser
développement et urbanisation, avoir ces deux vocations de pair et les
faire fonctionner. À notre avis, l'expérience prouve le
contraire. C'est presque toujours en conflit, mais, comme je vous le disais,
cela n'exclut pas que, dans une ville, il y ait de l'agriculture, mais il y a
un village, une zone urbaine, il y a ceci, il y a cela. Il y a une vocation
propre à chacune des villes, je pense.
M. de Bellefeuille: Le troisième argument de la ville,
c'est la reconnaissance et l'utilisation des commissions d'urbanisme de secteur
créées par le SATRA. Il faudrait peut-être préciser
que le SATRA est un organisme qui n'existe plus, c'était le Service de
l'aménagement du territoire de la région aéroportuaire.
Comment répondez-vous à cet argument, Dr Lussier?
M. Lussier: Avec l'avènement de la loi no 125, la loi les
exempte d'un certain travail de confection d'un plan de
réaménagement, mais quand même, dans toute cette grande
zone, maintenant, avec la loi no 125, c'est à reprendre. Il y a des
éléments de dossier, des analyses faites qui sont valables
encore, excepté que tout cela est à reprendre. C'est un autre
aspect, actuellement, et, avec les buts que poursuit la loi no 125, Mirabel,
tel que cela a été fait ou conçu, on s'aperçoit,
même le PICA, le ci, le ça, que c'est à repenser. Tout cela
est dans les archives. Ce n'est pas un argument valable pour garder une
grandeur, une enclave de cette nature et l'autre chose, c'est que les nouvelles
structures municipales à deux paliers, c'est bâti pour beaucoup
d'années et les conseils de comté, les municipalités
telles qu'on les connaît, c'est depuis à peu près 1846.
Disons qu'ils ont plus de 100 ans. Les nouvelles structures sont là pour
un bon bout de temps. Je pense bien qu'on ne recommencera pas de sitôt
tout ce qu'on a fait pour la loi 125. Bâtir des MRC sur des
prémisses qui ne se défendent pas, ce n'est pas adéquat.
Je pense qu'il s'agit d'y penser avant de terminer cette phase de
restructuration municipale dans cette zone. Il ne faut pas bâtir quelque
chose qui va durer beaucoup d'années sur des prémisses qui ne
sont pas bonnes.
M. de Bellefeuille: Le quatrième argument de la
municipalité, c'est la préservation et la mise en valeur du
sentiment d'appartenance que la ville a essayé de créer depuis
dix ans.
M. Lussier: Essayer, c'est cela. Ils ne peuvent pas. Que
voulez-vous? Vous avez un aéroport de grande envergure, vous ne passez
rien en dessous, vous ne passez rien en surface, vous ne passez rien
par-dessus; il y a trois commissions scolaires qui vont sur le territoire. Il y
a des services de santé. Ils ont voulu avoir un CLSC; le CRSSS a dit: Ce
n'est pas justifiable. On ne peut pas vous en mettre là. Alors, ils sont
éparpillés. Vous pouvez avoir des professionnels de toute nature.
Ils ne sont pas sur le territoire. Vous passez de l'un à l'autre. De
toute façon, il y a des autoroutes, il y a ci, il y a ça. Il y a
des accidents physiques, géographiques, tout ce que vous voulez, et la
grandeur. À un moment donné, seulement pour savoir ce que
c'était, partir de Lachute pour se rendre jusqu'à
Saint-Jérôme ou de Saint-Hermas à Saint-Janvier, c'est
toute une embardée, monsieur. Cela est une même ville. Comment
voulez-vous que les gens se rencontrent? Ils ont bâti une aréna et
cela a été toute une épopée. Il faut se rendre, en
plus; ils ne peuvent pas créer un sentiment d'appartenance.
M. de Bellefeuille: Ma dernière question, parce que je ne
voudrais pas prendre trop de temps à la commission. Combien de
municipalités envisagez-vous et elles seraient composées, en
gros, de quelles anciennes municipalités?
M. Lussier: Oui, d'accord. L'autre argument peut-être qu'on
n'a pas mis là-dedans et qui n'est pas un argument qui vient du
comité de consultation, c'est qu'il s'agirait aussi de recréer le
tissu agricole, le tissu municipal qui existait dans le temps. Combien de
villes verrait-on là-dedans? Cela peut varier, mais c'est au minimum
trois et au maximum six, parce qu'il y a trois MRC; il y a des
municipalités qui s'en vont normalement à Lachute, d'autres s'en
vont vers Saint-Eustache et d'autres s'en vont naturellement vers
Saint-Jérôme. Il s'agirait - consultation de la population,
étude de dossiers, de ci, de ça - de délimiter cela. On
sait que, dans le plan directeur d'urbanisme de la ville de Mirabel,
actuellement, il y a trois pôles de développement urbain. Je n'ai
jamais vu une ville qui, dans son plan directeur, a trois pôles de
développement urbain. Il y a six conseils ou comités. Je pense
que cela irait entre trois et six, mais on n'a pas voulu déterminer cela
et faire des
études parce qu'il y a une consultation de la population et aussi
d'autres études à faire, je pense.
M. de Bellefeuille: Pourriez-vous situer les trois pôles
dans le schéma de la ville? C'est quoi ces trois pôles?
M. Lussier: Les trois pôles, ce sont des pôles qui se
rattachent à Saint-Eustache...
M. de Bellefeuille: Oui, mais, à l'intérieur de
Mirabel, c'est localisé dans le plan, dans le schéma de
Mirabel?
M. Lussier: Oui, c'est localisé, mais je pense...
M. de Bellefeuille: Saint-Augustin?
M. Fillion (Georges): Nous autres, en tout cas, au moment de la
consultation, ce que les maires nous ont rapporté, en gros, c'est que la
région de Saint-Janvier est définitivement rattachée
à la région de Saint-Jérôme... (12 h 45)
M. de Bellefeuille: Oui.
M. Fillion: ...et celle de Saint-Hermas, du côté de
Lachute, et Saint-Benoît, du côté de Saint-Eustache. Ce qui
a fait en sorte qu'on n'a pas pu créer, en fait, une MRC avec les
mêmes objectifs qu'on avait ailleurs, à savoir une région
d'appartenance. Alors, ces trois pôles, on ne les a pas examinés
à fond. Excepté que les maires et les élus nous ont
rapporté qu'il était impossible de faire une MRC de Mirabel en
prétendant, en tout cas, qu'il y avait une appartenance entre ces trois
pôles là.
M. de Bellefeuille: Bon, je vous remercie beaucoup Dr Lussier et
M. Fillion.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Le comité consultatif, Dr Lussier, quel
était son mandat exact?
M. Lussier: Le premier mandat, la première étape,
c'était des consultations avec les municipalités et les
élus municipaux et aussi la population pour essayer de définir le
mieux possible quelles seraient les limites territoriales ou le
périmètre des futures MRC. Après cela, un rapport
était fait au ministre et, si le découpage était
entériné, par la suite il y avait la deuxième phase qui
était la rédaction des lettres patentes et cette rédaction
se faisait uniquement avec les élus municipaux. On faisait des
rencontres; il y avait certaines décisions à l'intérieur
de ces lettres patentes que ces gens-là devaient prendre et on
s'efforçait, évidemment, que ces décisions soient prises
par consensus. Dès qu'on avait un projet de lettres patentes, on
l'envoyait au gouvernement provincial.
M. Ryan: Est-ce que le comité consultatif est encore en
existence ou s'il a terminé son travail?
M. Lussier: Non, M. le député, nous ne sommes plus
en existence depuis, je pense, la fin novembre ou la fin d'octobre de
l'année passée.
M. Ryan: Alors, là, le comité n'existe plus?
M. Lussier: II n'existe plus.
M. Ryan: Dans le rapport que vous avez soumis au ministre, quelle
était la recommandation précise à propos de Mirabel?
M. Lussier: C'est-à-dire que Mirabel ne pouvait pas former
une MRC par elle-même, pour les raisons que j'ai
énumérées tout à l'heure; il faudrait que la loi
soit changée. Deuxièmement, de la rattacher à une des
trois MRC de la périphérie, ce n'était pas satisfaisant,
ce n'était pas justifiable, cela ne fonctionnerait à peu
près pas ou ce serait très boiteux. À ce qu'on voyait, la
meilleure solution était un démantèlement de la ville de
Mirabel et la création d'une zone spéciale, comme le permet la
loi 125, de la zone aéroportuaire comme telle; aussi, disons que pour
l'administration de cette zone, ce à quoi on pensait c'est à une
administration qui pourrait être sensiblement celle qu'on connaît
dans les villes nouvelles créées en Angleterre.
C'est-à-dire que c'est un conseil nommé qui administre et, au
bout d'un certain temps, ce conseil nommé peut disparaître et
faire place à des élus locaux quand c'est assez organisé
pour cela, quand...
M. Ryan: À quelle date avez-vous remis ce rapport?
M. Lussier: Pardon?
M. Ryan: À quelle date le rapport a-t-il été
remis au ministre?
M. Lussier: Le rapport pour la... Pas celui-là, pas celui
pour la commission parlementaire?
M. Ryan: Non, non, l'autre?
M. Lussier: En novembre, le dernier rapport.
M. Ryan: En novembre 1982? M. Lussier: Je pense. Oui.
M. Ryan: Est-ce qu'il a été rendu public?
M. Lussier: Oui. On l'a expédié... M. Ryan:
Oui, est-ce que...
M. Lussier: On l'a expédié à chacun des
conseils municipaux et des maires.
M. Ryan: Est-ce que vous avez été invités
à aller discuter de Mirabel au conseil de ville de Mirabel?
M. Lussier: Après?
M. Ryan: Oui.
M. Lussier: Non.
M. Ryan: Non.
M. Lussier: Non. Avant.
M. Ryan: Quelle attitude les autorités de la ville de
Mirabel ont-elles prises sur les recommandations que vous avez faites? Est-ce
qu'il y a une opinion dissidente ou minoritaire dans votre rapport ou s'ils ont
souscrit à ce que vous disiez?
M. Lussier: Les résolutions que le conseil municipal a
passées ont toujours soutenu que Mirabel devait être une MRC en
elle-même et que s'il fallait changer la loi, qu'on change la loi, comme
on l'a fait pour la ville de Laval; que Mirabel soit considérée
comme une MRC en elle-même. À un moment donné, on a
passé une résolution précisant que s'il fallait absolument
qu'on soit deux villes pour former une MRC minimum, qu'on le soit avec
Saint-Colomban.
M. Ryan: Oui, il y avait...
M. Lussier: C'était assez ridicule. D'ailleurs,
c'était simplement pour, un moment passé, faire indirectement ce
qu'on ne pouvait pas faire directement.
M. Ryan: On aurait été mieux d'amender la loi une
deuxième fois à ce moment-là. La loi a déjà
été amendée une fois, comme vous le disiez, pour Laval.
C'est dans la loi, d'accord.
M. Lussier: Je pense que c'est l'adoption de la loi qui a
été...
M. Ryan: D'accord. En tout cas, il y a une exception qui est
déjà inscrite dans le texte de la loi.
Est-ce que, dans votre mandat, il était compris de faire des
recommandations sur la structure interne d'une ville ou est-ce une opinion que
vous avez ajoutée là sur la foi de ce que vous avez
constaté? Vous avez peut-être dit: On met cela là.
Était-ce vraiment dans votre mandat de faire une étude sur les
structures de Mirabel?
M. Lussier: Disons que directement, peut-être pas, mais
indirectement, oui, parce que Mirabel existe, c'est une entité, c'est
là et des MRC, on en a besoin dans toute la province, c'est fait pour
tout le territoire de la province de Québec. On ne peut pas ignorer le
cas Mirabel. C'est évidemment un cas particulier sur lequel on devait se
pencher, je pense, et donner certaines indications. Après cela, cela
suivra son petit bonhomme de chemin à un moment donné. Nous
pensons qu'on devait - comme on se penchait sur ce dossier -
inévitablement scruter les arguments de la ville de Mirabel et d'autres
environnements parce qu'on veut faire des développements
régionaux. C'est une entrave au développement et à
l'aménagement régionaux. Je pense qu'il n'y a pas d'erreur de
constater cela.
M. Ryan: Combien y avait-il de maires impliqués?
M. Lussier: Les maires des alentours?
M. Ryan: Oui. Votre région couvrait toutes les
Laurentides, je pense.
M. Lussier: M. Fillion est de la région. Il fait partie du
conseil de comté et je pense qu'il est habilité à
répondre.
M. Fillion: De toutes les MRC qui ont été
constituées en périphérie de Mirabel, on peut dire qu'il y
avait au moins de 30 à 40 maires qui ont été
consultés sur ce cas précisément.
M. Ryan: Vous dites qu'il y avait un consensus de tous ces maires
pour suggérer le démantèlement de Mirabel?
M. Lussier: Oui.
M. Fillion: II en a été question abondamment dans
nos réunions et on a soulevé la question nous mêmes
puisqu'on avait définitivement un problème avec Mirabel. On avait
comme travail de produire un rapport à savoir si Mirabel doit constituer
une MRC en elle-même ou si on doit rattacher Mirabel à une des MRC
en périphérie? Bien entendu il a été impossible,
pour les raisons que le docteur vous a données tout à l'heure...
Il était impensable pour les gens de Saint-Janvier de se voir à
l'intérieur d'une MRC de Saint-Eustache, par exemple, comme cela n'avait
pas plus d'allure pour des gens de Saint-Benoît de faire partie de la MRC
de Saint-Jérôme.
Bien entendu, les maires, comme nous,
ont constaté ce fait, de sorte que la plupart - la grosse
majorité - ont dit que finalement c'était infaisable et que la
solution qui était sur la table, à ce moment-là,
méritait d'être étudiée sérieusement.
D'ailleurs, on ne dit pas que cela doit se faire et qu'il est souhaitable de le
faire à court terme, sauf qu'on dit qu'il devrait au moins y avoir une
étude sur cela et ensuite les gens devraient être consultés
pour voir si cela est faisable. Peut-être qu'à l'analyse on
pourrait arriver à une autre conclusion, mais actuellement il n'a pas
été démontré que c'est infaisable.
Dans un gouvernement local qui serait peut-être moins gros que
Mirabel et qui pourrait peut-être représenter une région
à vocation agricole, peut-être le conseil de ville serait-il plus
attentif aux demandes concernant les problèmes des agriculteurs qui sont
ici aujourd'hui. Ce conseil municipal d'une région pourrait
peut-être mieux supporter les demandes qu'ils font aujourd'hui
vis-à-vis les gouvernements supérieurs, tandis qu'aujourd'hui,
c'est peut-être difficile pour la ville de Mirabel de défendre en
même temps les vocations industrielle et agricole qu'elle veut se donner,
comme le docteur le disait tout à l'heure.
M. Lussier: Si je puis ajouter quelque chose, quand on
était rendu à la phase d'écrire des projets de lettres
patentes, le premier détail était la description du territoire.
À cette occasion, on a demandé à chacune de ces MRC,
surtout en périphérie, d'abord s'il y avait
démantèlement de Mirabel et si c'était sérieux, si
elle voulait attendre avant de décrire son territoire. C'est à
cette occasion qu'on a obtenu ces réponses. Les gens ont dit: Ce qui est
sûr actuellement, c'est que le territoire, c'est celui-là qu'on
s'est donné; alors, on va écrire nos lettres patentes. Dans notre
tête, évidemment, il a été convenu que, s'il y avait
une partie des autres villes qui venait s'ajouter à cette MRC, disons,
Saint-Jérôme, Saint-Eustache et Lachute, ils seraient prêts
à l'accepter et il serait souhaitable que cela vienne s'ajouter. Mais
ils ont écrit leurs lettres patentes et ils ont décrit leur
territoire en fonction qu'éventuellement - ils le pensent et les
décisions qu'ils prennent, c'est censé être aussi dans ce
sens-là - il y ait d'autres villes qui viennent se greffer et qui sont
dans leur région d'appartenance. C'est surtout à cette
occasion-là qu'il fallait discuter, pour répondre à un
autre élément de votre question.
M. Ryan: Dans les consultations que vous avez faites avant
d'écrire votre rapport, est-ce que vous auriez entendu des groupes de
villes ou Mirabel vous faire cette suggestion-là? Quels
seraient-ils?
M. Lussier: Je suis arrivé à une phase de la
consultation où elle était à peu près
terminée. M. Fillion, pour la première phase.
M. Fillion: Au début de la consultation...
M. Ryan: Évidemment, vous comprendrez comme moi que, si
cela vient de gens de l'extérieur... Si cela vient de gens de
l'intérieur, c'est assez différent.
Une voix: Oui.
M. Ryan: J'aimerais savoir s'il y a eu des...
M. Fillion: Au début de la consultation, le comité
de consultation a mis un mécanisme de consultation en marche et on a
sollicité des mémoires de tous les gens, pas uniquement des
conseils municipaux, mais de tous les groupes de citoyens et même des
individus. Pour chacun des territoires, des anciennes corporations de
comté, on a lancé des invitations pour que les gens nous
produisent des rapports. Je me souviens, entre autres, d'avoir
été à Saint-Eustache, un soir, où M. de
Bellefeuille était présent. C'était, à ce
moment-là, au niveau des individus et autres. Il n'a pas
été question, en tout cas, il n'y a pas eu de groupes qui sont
venus manifester leur accord sur un démantèlement comme tel,
excepté...
M. Ryan: Vous n'avez jamais reçu une recommandation en ce
sens-là d'aucun groupe.
M. Lussier: Non. Des citoyens, pas à ma connaissance.
M. Ryan: Bien. Vous autres, vous n'avez pas fait d'étude
approfondie non plus. Vous n'avez pas fait un examen de toute la structure de
services, la structure fiscale de la municipalité, ses problèmes
de communications, etc.
M. Lussier: C'est-à-dire qu'au point de vue des services
de santé, on n'a pas d'étude exhaustive, mais, au point de vue
des commissions scolaires, surtout quand on a consulté la commission
scolaire régionale de Saint-Jérôme, le président du
comité des parents, c'était quelqu'un qui restait à... De
toute façon... Mais on n'a pas fait d'étude très
poussée, non. Mais je pense que tous les témoignages qu'on a pu
recueillir, avec les notions qu'on peut posséder de ces dossiers...
M. Ryan: Mais vous reconnaissez que, n'ayant pas fait une
étude vraiment approfondie, vous émettez une suggestion qui peut
être une hypothèse de travail, mais cela demande à
être vérifié de beaucoup plus près.
M. Lussier: Oui. À première vue, pour nous, cela
semble extrêmement souhaitable qu'il y ait un démantèlement
de Mirabel. Mais, dans la réalité, si on devait le faire, si
c'était si souhaitable, est-ce que c'est réalisable, à
quel coût et, socialement, qu'est-ce que cela veut dire?
Financièrement, d'après les premières études qu'on
a pu faire et qu'on a fait faire au ministère, au contraire, il ne
semble pas y avoir de problèmes au point de vue financier. Mais il
s'agit de compléter et de présenter cela à la population
si jamais on veut aller jusque-là. Mais je pense que c'est une
idée à débattre et que le public devrait s'y
intéresser, surtout les gens de Mirabel.
M. Ryan: Quand vous dites d'après des études qui
auraient été faites au ministère, est-ce que ce sont des
études avancées ou des calculs tout à fait
exploratoires?
M. Lussier: Ce sont des calculs exploratoires. C'est pour voir si
cela vaut la peine d'explorer, d'aller plus loin. Cela vaut la peine d'aller
plus loin dans cette étude.
M. Ryan: Savez-vous si ces études sont à la
disposition des autorités et des citoyens de Mirabel ou si cela reste
seulement pour les membres du club des initiés?
M. Lussier: C'est-à-dire qu'à un moment
donné, avant de présenter cela, on voulait savoir si,
financièrement, c'était, comme on dit, quelque chose où il
y aurait eu une barrière, c'est-à-dire que les gens auraient
été violemment contre. C'est pour cela qu'il fallait explorer un
peu, à savoir si c'était faisable financièrement. Cela a
été uniquement une exploration de ce genre pour voir si on
n'embarquait pas dans une affaire pour se faire dire... (13 heures)
M. Ryan: Est-ce que vous seriez d'accord, MM. Lussier et Fillion,
qu'avant de procéder, si jamais il envisageait d'aller dans cette voie
que vous suggérez, le gouvernement devrait créer un organisme
d'enquête en bonne et due forme qui entendrait tous les points de vue,
qui examinerait l'affaire en profondeur, qui ferait un rapport qu'il pourrait
discuter et dont les conclusions seraient ensuite soumises au jugement des
citoyens? Est-ce que vous trouvez que ce serait une procédure
raisonnable?
M. Lussier: Quelque chose qui ressemblerait à cela. Quant
à la structure de comités, de commissions ou de commissions
d'enquête, je n'ai pas d'idée arrêtée, mais je pense
que, pour nous, dans ce problème, qui est un problème
régional, il faudrait que cette étude soit menée beaucoup
plus en profondeur et qu'une consultation des citoyens ait lieu à la
fin, d'une certaine façon.
M. Ryan: Très bien, cela fait mon affaire. Juste une autre
question. Avez-vous regardé la carte scolaire en même temps que
vous faisiez votre travail ou si cela vous était...
M. Lussier: Oui, monsieur.
M. Ryan: Vous avez regardé cela?
M. Lussier: Oui, c'est un élément important.
M. Ryan: Aviez-vous des suggestions à faire
là-dessus ou si vous n'avez pas touché à cela du tout dans
votre...
M. Lussier: Quand vous parlez aussi de la carte scolaire, vous
parlez de transport scolaire. Il y a aussi un peu de transport dans la
région, alors il y a toute une région qui s'en va à
Saint-Jérôme et...
M. Ryan: Êtes-vous au courant de ce qui arrive pour la
carte scolaire qui est proposée par le gouvernement?
M. Lussier: Non cela est arrivé après.
M. Ryan: C'est vrai que votre mandat est fini. Mais, là,
il propose une carte scolaire - on me contredira si j'ai tort -selon laquelle
les enfants du territoire de Mirabel seraient envoyés surtout à
Saint-Jérôme. Cela veut dire que - vous trouviez
déjà cela loin d'aller de Saint-Benoît à
Sainte-Monique ou à Sainte-Scholastique - là, les enfants s'en
iraient à Saint-Jérôme. Ceux de Saint-Hermas, qui
relèvent actuellement de la Commission scolaire du Long-Sault -laquelle
est à Lachute - seraient envoyés à
Saint-Jérôme également. Je pense qu'il y a un manque de
coordination pas mal grand entre une carte et une autre.
M. Fillion: Quand vous dites la majorité, c'est
qu'actuellement la majorité des enfants de Mirabel vient du secteur
Saint-Janvier, de sorte qu'actuellement la grosse majorité des enfants
va à la Commission scolaire de Saint-Jérôme.
M. Ryan: Actuellement, ils sont servis par six commissions
scolaires différentes. Si vous examinez tout le tableau, ils sont servis
par six commissions scolaires, il y en a qui relèvent de
Sainte-Thérèse, il y en a qui relèvent de Saint-Eustache,
il y en a qui relèvent du Long-Sault, d'autres de
Saint-Jérôme, il y en a qui relèvent du Laurentian School
Board.
M. Lussier: Toujours pour une ville.
M. Ryan: Pardon?
M. Lussier: Toujours uniquement pour une ville.
M. Ryan: Non, ce n'est pas cela, il ne faut pas
exagérer.
M. Lussier: Non.
M. Ryan: C'est que la partie sud de Mirabel est bien plus proche
de Sainte-Thérèse au point de vue scolaire et, que les enfants
aillent là, même si ce n'est pas le même nom, ce n'est pas
une grosse source de scandale. C'est cela que je veux vous dire. Que ceux de
Saint-Hermas soient plutôt reliés à la Commission scolaire
de Lachute, il n'y a pas de scandale là non plus, il y en aurait un
s'ils étaient "shippés" beaucoup plus loin.
M. Fillion: Mais, nous, dans ce qu'on demande...
M. Ryan: Si vous me permettez, ce que je vous demande c'est:
Est-ce que vous avez regardé les liens entre une carte et l'autre et
fait des recommandations ou si vous avez été saisis à
l'occasion, mais ce n'était pas votre domaine?
M. Lussier: Non, il fallait consulter les cartes des commissions
scolaires et, dans la plupart des MRC, c'est sensiblement la carte... On
vérifiait les cartes parce qu'on avait des éléments qu'on
devait vérifier.
M. Ryan: En tout cas, je souligne le problème à
l'attention du gouvernement. D'ailleurs, j'ai écrit abondamment au
ministre de l'Éducation à ce sujet. Il y a des problèmes
spéciaux qui se posent chez nous et je voulais voir si vous en
étiez au courant. Cela fait mon affaire.
M. Lussier: Je ne suis pas au courant, mais quand on a
consulté les cartes des commissions scolaires, c'était un
élément pour essayer de trouver les périmètres de
la nouvelle MRC ou de la MRC future.
M. Ryan: Alors, pour l'instant, il n'y a pas de décision
de prise pour la MRC. Il faut bien finir par cela. Nous avons interrogé
le ministre qui était avec nous, hier après-midi, et il a
dit...
Une voix: II est encore là!
M. Ryan: Oh, excusez-moi. Il faut que je surveille ce que je vais
dire.
Le Président (M. Bordeleau): II est là.
M. Ryan: II n'y a aucun problème, comme vous le voyez,
aucun problème. Trouvez-vous que Mirabel peut continuer longtemps ainsi
sans être située nulle part au point de vue des MRC, alors que
toutes les autres MRC se mettent en marche avec les services auxquels cela
donne accès et les défis qui les amènent à se
définir et tout? Pensez-vous qu'on peut rester longtemps dans cet
état d'indéfinition?
M. Lussier: Je pense qu'on va en arriver à une
décision le plus tôt possible, mais à une décision
bien mûrie, parce que, d'abord, ce n'est pas simplement pour les gens de
la ville de Mirabel eux-mêmes, mais aussi pour toute la région et
toutes les autres MRC, parce que cette région se tient en même
temps. Un voisin qui vit bien, l'autre voisin vit mieux.
M. Ryan: À partir de ce moment-là, la parole est au
ministre, non pas à moi, sur ce sujet précis. Toute
précision qu'il est susceptible de nous apporter nous intéresse
vivement.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre,
avez-vous...
M. Ryan: Je parlais du ministre des Affaires municipales.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, d'accord, mais celui qui
est plus proche de moi m'avait demandé la parole.
M. Ryan: Je n'ai pas d'objection.
Documents sur la télédiffusion des
travaux de la commission
M. Garon: Avant l'ajournement, j'aimerais déposer deux
documents qui confirment les paroles que j'ai dites tantôt qui indiquent
que le député d'Argenteuil a induit la commission parlementaire
en erreur. D'abord, je voudrais déposer le procès-verbal de la
quatorzième réunion du comité consultatif sur la
radio-télédiffusion des Débats tenue le mercredi 6 octobre
1982, au salon du président, où étaient présents le
président de l'Assemblée nationale, M. Claude Vaillancourt, MM.
Antoine Drolet, Raymond Brien et Marc-Yvan Côté. Il y a une note
où on dit que MM. Jacques Brassard et Michel Pagé étaient
représentés par leurs directeurs de cabinet respectifs. On dit,
au paragraphe 2: "Le représentant du whip en chef de l'Opposition
répond négativement à la demande de
télédiffusion de la commission de l'agriculture sur les
expropriés de Mirabel. Le représentant du whip en chef du
gouvernement répond positivement à la même requête."
Je pense que c'est clair.
Une voix: Quelle date avez-vous dit?
M. Garon: Le 6 octobre 1982, et j'ai demandé aussi qu'on
me sorte les procès-verbaux sur la décision qui a
été prise d'aller siéger à Mirabel, pour laquelle
j'avais écrit le 24 septembre et ensuite, c'est seulement après
le refus d'aller siéger à Mirabel que j'ai demandé la
télédiffusion dans une lettre du 1er octobre. Je déposerai
toute la séquence des lettres que j'ai écrites là-dedans
ou des réponses que j'ai eues. Je peux vous dire que j'ai aussi un
procès-verbal de la réunion du 20 octobre où les deux sont
d'accord pour que ce soit la commission parlementaire sur Hydro-Québec,
les 26, 27 et 28, qui soit télédiffusée, mais c'est
uniquement à la suite du refus de l'Opposition du 6 octobre 1982. Et
j'aurai aussi la décision du président, à la suite de ce
procès-verbal, qui est très claire. Le parti de l'Opposition
officielle n'était pas consentant que ce soit
télédiffusé dès le mois d'octobre. M. le
Président, j'espère que le député d'Argenteuil
retirera toutes les accusations qu'il a portées contre le ministre de
l'Agriculture et il verra, à ce moment-là, que le ministre de
l'Agriculture a une mémoire meilleure que la sienne.
Le Président (M. Bordeleau): II n'y a pas de
dépôt de documents comme tels, mais on peut distribuer les copies
aux membres de la commission. Il est passé 13 heures. Cela me prendrait
le consentement pour qu'on ajourne les travaux dans quelques minutes.
M. Mathieu: Je vais prendre 30 secondes.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. le
député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Merci du consentement de mes collègues. C'est
pour m'excuser du fait que, cet après-midi, je ne pourrai pas participer
à cette commission. Je ne voudrais pas me faire taxer
d'indifférence envers cette commission. J'ai suivi les travaux depuis le
début, mais je dois participer à l'enregistrement d'une
émission au sujet de la politique céréalière du
gouvernement du Canada sur les tarifs du Nid-de-Corbeau. J'espère que le
ministre va trouver que c'est une raison suffisante. Je voudrais dire, par
exemple, pour avoir suivi tous les travaux de cette commission, que je suis
content de les avoir suivis. Je ne connaissais rien au problème,
même si je pensais le connaître. J'ai été surtout
édifié de la perspicacité et du travail de recherche
approfondi fait par le député d'Argenteuil. C'est dans son
comté. Il m'a fourni beaucoup de documents également. Quand on a
dit hier qu'il était un agent du fédéral, j'espère
que ce sont des paroles qui ont dépassé la pensée, parce
que je pense que c'est absolument faux.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Comme il reste
d'autres intervenants pour les représentants du comité
consultatif de la MRC des Laurentides, je leur demanderais de revenir à
15 heures. Est-ce possible? J'ai trois autres intervenants et le ministre
m'avait souligné ce matin qu'il ne pourrait pas dépasser
tellement 13 heures à cause d'autres rencontres déjà
prévues à l'heure du dîner.
M. Lussier: Je peux revenir à 15 heures si...
Le Président (M. Bordeleau): Oui? Vous pouvez revenir
à 15 heures?
M. Lussier: Vous voulez que je revienne à 15 heures?
Le Président (M. Bordeleau): Oui... M. Lussier: Je
peux revenir.
Le Président (M. Bordeleau): ... parce qu'il y a d'autres
questions à poser.
La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi,
15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 10)
(Reprise de la séance à 15 h 32)
Comité de consultation (suite)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries
et de l'alimentation reprend donc ses travaux. À la suspension de ce
midi, nous en étions à une période de questions,
d'échanges avec le Dr Lussier ainsi que M. Fillion. Je leur demanderais
de s'approcher. J'ai actuellement, pour des questions, les noms des
députés de Groulx et de Richmond. M. le député de
Groulx.
M. Fallu: M. le Président, si vous le permettez, avant de
toucher le mémoire, j'aimerais profiter de votre présence pour
qu'on rectifie ensemble ce qui est devenu de notoriété courante,
mais qui, à ce que je crois, comme historien - et vous qui l'avez
vécu, j'aimerais que vous en témoigniez - est une erreur
historique très grossière. On a à l'époque
pensé, et c'est resté l'impression de beaucoup, que le
gouvernement dont vous faisiez partie, qui avait certes contesté au
départ l'emplacement de l'aéroport, par la suite, devant ce qui
semblait être l'inévitable, s'était résolu à
participer à l'aménagement du territoire pour que
l'aéroport de Mirabel puisse se faire, l'installation puisse se faire
dans le respect
des juridictions du Québec. Dans ce sens, d'ailleurs, au mois de
décembre 1968, quelque quatre mois avant l'expropriation,
c'est-à-dire avant l'annonce officielle de l'installation de
l'aéroport à Mirabel, votre gouvernement avait introduit et fait
voter une loi d'aménagement. Certes elle était très
brève parce que c'étaient des pouvoirs d'aménagement qui
étaient donnés au Conseil des ministres, des pouvoirs très
larges d'aménagement. Est-ce que vous pourriez nous dire rapidement quel
était le sens que vous aviez donné à cette loi sur
l'aménagement et en quoi elle permettait au gouvernement du
Québec de participer, dans le respect des juridictions provinciales et
fédérales, à l'implantation de l'aéroport
international de Montréal à Mirabel?
M. Lussier: Très bien, merci. À cette
époque, pour le gouvernement fédéral, c'était M.
Hellyer qui s'occupait du dossier. Il y avait évidemment des discussions
au point de vue des juridictions. Le gouvernement provincial admettait que
l'implantation strictement de l'aéroport et de la gare, cela pouvait
être de juridiction fédérale, comme choisir un emplacement,
mais que le fédéral ne pouvait pas exproprier plus que pour ces
fins directement et strictement liées à l'implantation directe de
l'aéroport et que l'aménagement autour de cet aéroport, de
façon plus ou moins éloignée, était de juridiction
provinciale. M. Hellyer avait demandé, par écrit, au gouvernement
dans le temps de bien vouloir présenter une loi qui, en fait, donnait au
Conseil des ministres un pouvoir pour que, aussitôt connu l'emplacement
strictement pour l'implantation de l'aéroport, pour un certain nombre de
milles carrés - si je ne me trompe pas, ce sont 100 milles carrés
aux alentours - par arrêté en conseil immédiat,
aussitôt la décision du fédéral connue, nous gelions
tout ce territoire environnant à l'aéroport strictement comme
tel. Nous avons demandé à l'Assemblée nationale à
l'époque un chèque en blanc pour le Conseil des ministres qui
s'en servirait, évidemment, à bon escient, aussitôt que le
fédéral ferait connaître sa décision au point de vue
strictement de l'emplacement des pistes de ce nouvel aéroport
international. En réalité, on nous a demandé de
présenter cette loi, ce qu'on a fait de bonne foi. Lorsqu'on a
décidé de l'implantation de cet aéroport international et
de toute l'expropriation du terrain, on l'a appris un midi en même temps
que tout le monde. Cela a été dans les médias
d'information, dans les journaux et, en même temps, on nous remettait une
lettre du fédéral nous disant: On vient de faire cela. Tous les
plans avaient été déposés au bureau
d'enregistrement pour l'expropriation, après qu'on l'a su.
M. Léonard: Vous nous dites donc que c'est même
à la demande du gouvernement fédéral que
l'Assemblée nationale avait donné ces pouvoirs.
M. Lussier: C'est à la demande du gouvernement
fédéral, après une entente, que cette loi avait
été présentée à l'Assemblée nationale
et que cela avait été voté à l'unanimité des
deux côtés de la Chambre, cette loi - je le répète -
qui donnait des pouvoirs extraordinaires, un chèque en blanc au Conseil
des ministres pour geler tout le pourtour, les 100 milles carrés aux
environs du territoire, pour arrêter toute spéculation ou toute
mauvaise utilisation de ces terrains, pour donner une chance au gouvernement
provincial et aux municipalités de réagir après avoir pris
connaissance de la décision du fédéral. On a passé
complètement pardessus, on ne s'en est pas servi, mais c'était
à la demande stricte du fédéral, de M. Hellyer, qui
était ministre.
M. Fallu: Donc, en somme, c'est en contradiction avec ses propres
intentions initiales que le gouvernement fédéral a
exproprié inutilement, pour fins d'aménagement, ces 80 000 acres
de terrain.
M. Lussier: C'est exact.
M. Fallu: Merci. Votre mémoire se veut en fait une sorte
de témoignage de ce que vous avez vu et entendu, avec l'émission
d'un certain nombre d'hypothèses. Est-ce que vous pourriez nous dire si,
dans la consultation des municipalités environnantes de la ville de
Mirabel - puisqu'on a fait abondamment référence, ce matin, du
point de vue de la ville de Mirabel - l'une ou l'autre de celles-ci vous
auraient demandé soit le rattachement à leur MRC, le
démantèlement ou, à la limite, la création de
Mirabel comme MRC?
M. Lussier: Quant aux municipalités environnantes, ce qui
est arrivé en particulier pour la MRC de Saint-Jérôme, il y
a une résolution d'adoptée, alors qu'on demandait de rattacher
Mirabel à la MRC de Saint-Jérôme. Pour la MRC de
Saint-Eustache, si je me souviens bien, il n'y a pas eu de résolution
officielle, mais, quand on a rencontré MM. les maires de cette
région, officieusement, on nous a demandé de rattacher la ville
de Mirabel à Saint-Eustache. Mais des résolutions, je ne m'en
souviens pas. En ce qui concerne Lachute, la demande de greffer Mirabel
à Lachute n'a pas été faite même officieusement,
sauf que - je répète la réponse que j'ai faite à M.
Ryan ce matin - lorsqu'on a discuté des MRC, chacune des
municipalités des environs, à notre avis, a admis que rattacher
la ville de Mirabel à une MRC, ce serait très
boiteux. Pour une partie de Mirabel, cela irait très bien, pour
la zone strictement d'appartenance de ces nouveaux quartiers de Mirabel, mais
tout le monde admettait que ce sont simplement certaines parties de la ville de
Mirabel qui, normalement, devraient faire partie de la nouvelle structure des
MRC pour telle et telle région. Il y a eu des résolutions fermes
d'adoptées, il y a des demandes officielles et officieuses et il y a
aussi d'autres municipalités. Tous, à mon avis, ou sensiblement
tout le monde, les maires des municipalités environnantes souhaitent un
certain démembrement de Mirabel pour les fins que j'ai dites ce
matin.
M. Fallu: Je vous remercie de ce témoignage, parce que
certains avaient laissé croire que l'approche du comité
était un peu propre au comité lui-même. Alors, vous
confirmez que cela repose, tout comme votre témoignage, d'abord sur des
éléments, sur une vision d'aménagement, d'une part. Cela
repose aussi - et c'est ce dont vous deviez témoigner au moment de
l'écriture du rapport - sur ce que vous aviez entendu à Mirabel
et dans la région.
M. Lussier: Oui. Avant même qu'on commence à parler
du démantèlement de Mirabel, il y a des municipalités qui
avaient fait la demande que toute la région de Mirabel soit
rattachée à leur MRC.
M. Fallu: Du point de vue de l'aménagement - ce sera ma
dernière question; c'est peut-être une question théorique,
mais j'aimerais avoir au moins votre sentiment - au moment de la naissance de
Mirabel, en 1971 ou 1972, fin de 1971, je crois, du moins au moment de
l'expropriation, les deux tiers des habitants étaient dans la zone
expropriée et un tiers à l'extérieur de la zone. Or,
maintenant, les deux tiers des habitants sont dans la zone qui n'est pas
expropriée, il ne reste plus qu'un tiers, en proportion, dans la zone
expropriée.
Il y a donc eu là, du seul fait de l'expropriation - et on
pourrait quantifier ces chiffres - non pas seulement une déstructuration
du territoire de l'agriculture, des cultures, etc., mais il y a eu aussi une
déstructuration de la population en plus de la déstructuration
municipale ou quoi que ce soit. Quelles seraient les conditions pour que -
quand on dit "normaliser le territoire", c'est vaste comme idée - il y
ait une revitalisation à Mirabel? L'opinion que je vous demande concerne
l'agriculture. Est-ce que, pour qu'il y ait cette revitalisation, à
votre point de vue, la rétrocession des terres est une des conditions
préalables? (15 h 45)
M. Lussier: Oui, d'accord. Nous avons discuté de cette
question au comité. Quand nous proposons un démantèlement,
ce n'est pas la condition unique qui va faire que cela irait mieux. On pense
que c'est tout d'abord la rétrocession des terres qui est
nécessaire, qui est primordiale. Une fois cette rétrocession -
qui est très avancée ou en train de se terminer - faite, on pense
qu'on doit donner la structure municipale qui corresponde le mieux au
caractère de ce pays-là. C'est-à-dire que, si c'est
surtout agricole - sa vocation est agricole - il devrait y avoir une structure
municipale à caractère rural. Après cela, cette nouvelle
ville sera reformée; cela revient au tissu municipal - si on peut
employer ce terme-là - qui est le plus semblable à celui qu'il y
avait auparavant. Après cela, cette ville ira jouer son rôle
à l'intérieur de la MRC de son appartenance.
Disons qu'il faut, premièrement, la restitution de ces terres;
deuxièmement, une structure municipale qui corresponde au
caractère ou à la vocation de ce territoire et, après
cela, je pense qu'ils peuvent facilement faire partie... c'est-à-dire
respecter la loi 125. Quant au territoire aéroportuaire comme tel, je
pense que cela prendrait peut-être une autre structure que la structure
rurale, parce qu'il aurait un autre caractère, évidemment, une
autre vocation.
M. Fallu: II y a donc un préalable et c'est la
rétrocession des terres.
M. Lussier: Oui, nous en sommes convaincus.
M. Fallu: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Richmond.
M. Vallières: M. Lussier, ce matin, vous faisiez allusion,
à la fin de votre mémoire, à des études
préliminaires qui auraient été faites au plan fiscal. Vous
nous avez dit qu'elles avaient été faites par le ministère
des Affaires municipales et qu'elles laissaient entrevoir que le
démantèlement ne se ferait pas nécessairement au
désavantage de la population. Est-ce que ces études, même
si elles sont préliminaires, pourraient être disponibles quelque
part, à votre connaissance?
M. Lussier: Je pense qu'il faudrait le demander au ministre des
Affaires municipales.
M. Vallières: II serait intéressant de
connaître les données qui vous permettent de conclure de cette
façon. Même si elles sont préliminaires, elles seraient de
nature à éclairer certains intéressés.
Quand on parle de démantèlement,
compte tenu de votre expérience dans le monde municipal, si vous
deviez tracer un échéancier, cette question devrait se
régler en combien de mois - on parle de court terme, de moyen terme - de
façon réaliste?
M. Lussier: C'est extrêmement difficile de préciser
une date, d'autant plus que, moi aussi, j'ai été en politique et,
chaque fois que j'ai donné des dates, cela n'a jamais
coïncidé avec les souhaits qu'on faisait. Je pense que ce qui est
important, c'est que les intéressés - le ministère, le
qouvernement -puissent étudier, mûrir très bien ces
problèmes-là, voir si c'est cela. Nous pensons que c'est la
meilleure solution, que tout ce milieu-là chemine et que la grande
majorité des gens soit consciente que ce serait sans doute la meilleure
solution.
C'est la meilleure façon d'agir. Combien de temps cela
prendrait-il? Si cela prend un an, un an et demi ou plus ou moins, ce sont des
structures qui, par expérience, demeureront tellement longtemps qu'il
vaut la peine de prendre le temps nécessaire pour bien mûrir et
avoir le plus de consensus, comme on a voulu le faire avec les MRC, afin que,
quand cela s'ouvrira, il y ait le moins de chicanes possible, ou le moins de
rancoeur, ou le moins de cicatrices, ou le moins de plaies à panser.
M. Vallières: Pour ce qui est de la proposition de former
une seule MRC, est-ce qu'une demande officielle a déjà
été placée dans ce sens-là? Est-ce qu'il y a eu une
réaction? Peut-être que le ministre pourrait compléter son
point de vue là-dessus. Quand on parle d'amender possiblement la loi 125
pour faire un cas d'exception de Mirabel, dans votre mémoire, vous
mentionnez, et j'aimerais que vous le confirmiez, que ce point de vue semble
rallier l'immense majorité des gens, c'est-à-dire que Mirabel
devienne une seule MRC.
M. Lussier: Cela semble rallier...
M. Vallières: Oui, la majorité des gens.
M. Lussier: Le conseil municipal et la chambre de commerce locale
se sont prononcés pour cette proposition, mais je n'en connais pas
beaucoup d'autres qui se sont prononcés.
M. Vallières: Là-dessus, le ministre, tantôt,
pourra peut-être compléter. On peut peut-être essayer de
savoir de sa part ce qu'il pense de la possibilité, dans un cas
exceptionnel, d'amender la loi 125, si c'est nécessaire. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Affaires
municipales, voulez- vous ajouter votre point de vue?
M. Léonard: J'ai une question, à titre
d'information, à M. Lussier. À quelle date la loi créant
la municipalité de Mirabel a-t-elle été
adoptée?
M. Lussier: C'est M. le ministre Tessier qui a adopté
cette loi, cette fusion, en même temps que la ville de Gaspé et
d'autres villes, des fusions importantes.
M. Léonard: Je voudrais simplement dire une chose. Dans le
dossier de Mirabel, chaque fois que le gouvernement du Québec a
été impliqué ou amené à collaborer avec le
fédéral, finalement, cela s'est retourné contre lui par la
suite. Quand on regarde, par exemple, les opérations en ce qui concerne
le cadastre, finalement, aujourd'hui, ce qui a été fait, c'est
drôlement remis en cause et les services du ministère ont
collaboré à ce sujet. Par ailleurs, pour les
municipalités, si on regarde ce dossier - on pourrait peut-être le
détailler tout à l'heure - en fait, on a créé une
seule ville dans la foulée de l'expropriation des terres et on s'est
trouvé à démolir toute une série de conseils
municipaux qui auraient peut-être été les ardents
défenseurs, pour la population, de tout ce territoire. Quoi qu'il en
soit, aujourd'hui, nous avons un territoire, une ville qui s'appelle
Mirabel.
Au cours de la consultation que le comité a menée - j'en
profite pour le féliciter et le remercier de tout le travail qui a
été fait sur tout ce territoire - des choses ont
été avancées, des hypothèses ont été
mises sur la table et il y a eu, je pense, des résultats positifs
à cette consultation, parce qu'il n'y a pas eu de contestation par la
suite. Dans le cas de Mirabel, nous avons soulevé et le comité a
lui-même soulevé l'hypothèse que cela pourrait être
démantelé. Nous avons dit: Oui, pour notre part, nous n'avons pas
d'objection a priori; cela dépend où en est le territoire et ce
qu'en pense la ville, bien qu'au départ, les comités de
consultation n'aient pas pour mandat de diviser le territoire des
municipalités. Chaque fois qu'on faisait le découpage d'une MRC,
cela devait comprendre le territoire de municipalités complètes,
et on ne devait pas en profiter pour modifier les limites territoriales des
municipalités à cette occasion. Cela a été la
règle dans tout le Québec. La consultation a été
menée et je pense que, dans le cas de Mirabel, il était de mise
de poser cette question, compte tenu de la contestation sur la
rétrocession des terres. Quant à nous, au rapport du
comité, nous avons décidé pour le statu quo, dans le sens
où il semblait que la question n'est pas mûre. Peut-être en
tout cas peut-on la décaler pour un bon bout de temps parce que le
territoire de la ville de Mirabel
est bien précis en soi, et on ne pouvait pas, à l'occasion
de cette consultation, décider pour l'une ou l'autre des
hypothèses. La ville de Mirabel, comme la chambre de commerce - mais
surtout la ville de Mirabel - avait une position bien précise sur la
question. Elle voulait rester entière et je pense aussi que ses
habitants, pour l'instant, ont d'autres chats à fouetter, comme l'a dit
hier M. Raymond, président du CIAC, d'autres intérêts en
tête. Je pense que c'est cela qui est urgent à régler parce
que les structures municipales suivent la population et ne la
précèdent pas, généralement en tout cas.
Je pense qu'il est prématuré de statuer là-dessus.
La question peut demeurer posée. Quant à nous, il nous semble que
les travaux de cette commission parlementaire nous permettent d'éclairer
et même d'appuyer la position que nous avons prise à ce moment,
qui était de dire: Nous ne trancherons ni dans un sens ni dans l'autre
pour l'instant. Nous ne démantelons pas Mirabel. Nous n'avons pas
créé une seule MRC non plus. Je comprends qu'on pourrait
peut-être modifier, amender la loi 125, mais, pour l'instant, cela nous
apparaît aussi prématuré. Nous en restons là
où nous en sommes avec l'application de la loi qui a créé
SATRA, à ce moment. Donc, ultérieurement, il me semble que cela
va être beaucoup plus à la population de statuer sur le
modèle de structure municipale qu'elle préférera au moment
où elle récupérera son territoire. C'est une position
qu'on dira peut-être d'attente, mais, à mon sens, compte tenu des
circonstances, il faut que la question de fond se règle à
Mirabel, celle où on va recréer ce territoire, le constituer
comme territoire agricole, s'il est agricole, dans ses parties. On verra,
à ce moment, ce qui en est.
Pour moi, je ne rejette ni l'une ni l'autre des hypothèses. Je
dois quand même savoir gré au comité d'avoir soulevé
la question, parce qu'elle méritait d'être soulevée. Pour
l'instant, je pense qu'il s'agit de rassurer les gens.
Quant aux études dont on a fait mention, je pense qu'il n'y a
aucune étude formelle au ministère à ce sujet. Il y a eu
ces hypothèses de soulevées et, à l'occasion, je sais que
les états financiers de la ville de Mirabel, qui nous sont transmis de
toute façon, ont été examinés, mais sans plus. Il
n'y a pas d'études formelles là-dessus. On ne peut donc pas les
rendre publiques. Je pense même qu'au niveau préliminaire, rien
n'a été écrit, si vous voulez, mais on sait fort bien, par
l'expérience qu'on en a ailleurs, qu'un territoire peut s'administrer
avec de petites municipalités rurales, comme il peut s'administrer avec
de grandes municipalités. Il n'y a rien d'impossible là-dedans.
C'est toute l'expérience du Québec qui est là
présentement. De toute façon, les municipalités qui
étaient là auparavant fonctionnaient normalement dans un contexte
financier correct ou ordinaire. Donc, rien ne s'opposerait en soi à ce
que cela revienne comme c'était si les gens le désiraient.
Je pense que c'est une question qui se posera en temps et lieu. Si les
gens veulent garder la ville de Mirabel telle qu'elle est, ils la garderont.
S'ils veulent, au contraire, former des municipalités rurales ou
à caractère rural, ils ont le choix de le faire aussi. Les
mécanismes sont déjà là.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.
Voulez-vous ajouter quelque chose, M. Lussier?
M. Lussier: Non. Quant à moi, c'est tout.
Le Président (M. Bordeleau): À moins qu'il n'y ait
d'autres questions... Cela va? Je vous remercie, Dr Lussier...
M. Lussier: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): ...de vous être
présenté devant notre commission avec votre mémoire.
Avant d'aller plus loin, je voudrais vous faire part d'un oubli fait ce
matin. J'ai oublié de faire des remplacements au niveau des membres de
la commission. Si j'ai le consentement, je pourrais le faire
immédiatement pour remplacer M. Beaumier (Nicolet) par M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), qui a été membre de la commission
aujourd'hui, et aussi remplacer M. Boucher (Rivière-du-Loup) par M.
Fallu (Groulx). M. le député de Groulx, vous n'étiez pas
officiellement membre de la commission. Avec le consentement, cela pourrait se
faire.
D'autre part, je voudrais tout simplement m'excuser auprès des
gens de la région de Mirabel de ne pouvoir participer à la fin de
leur commission. Comme il y a seulement un vol par jour vers ma région,
il faut pratiquement que je le prenne. C'est le député de
Richmond qui va continuer à présider la commission. Je voudrais
souligner que cela m'a fait plaisir de vous recevoir, en tout cas, à
cette commission, pendant ces deux journées. Y a-t-il d'autres demandes
de droit de parole? Non? Et avant...
M. Léonard: Je peux peut-être
compléter...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Affaires
municipales.
M. Léonard: ...l'intervention que je viens de faire. Sur
la loi 125, il y a quand même une possibilité d'intervention du
gouvernement. Vous savez qu'il y a une disposition dans la loi selon laquelle
le
gouvernement peut créer une zone d'intervention spéciale
sur le territoire du Québec, après les consultations et les
publications d'usage là-dessus. À ce moment-là,
peut-être bien - ceci n'est pas exclus -que nous pourrions intervenir par
cette disposition de la loi 125. Cela ne nous oblige pas - et je pense que nous
ne voulons pas le faire maintenant - à créer une
municipalité régionale de comté tout de suite ou à
demander qu'il y ait des rattachements à d'autres MRC.
Je voudrais aussi dire ceci. La municipalité régionale de
comté est une association de municipalités. Ce n'est pas une
structure par dessus une autre structure. Ce sont des conseils municipaux qui y
siègent et cela a comme objectif de faire un schéma
d'aménagement. Dans le cas de Mirabel, il y a du travail qui est
très avancé, parce que, dans tout le territoire qui était
sous la juridiction de la loi 60 pour SATRA, il y a eu des travaux de faits par
les conseils municipaux et ces travaux ont été suspendus en
attendant que s'applique la loi 125. C'est cela qui, maintenant, prend le
relais en termes de schéma d'aménagement. Cependant, dans le cas
du territoire de la ville de Mirabel, on pourrait intervenir plus
précisément pour certains objectifs précis par la zone
d'intervention spéciale de la loi 125, mais il n'y a pas de
décision de prise à ce sujet au moment où je vous
parle.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le ministre.
M. le député de Groulx, s'il vous plaît.
M. Fallu: Oui, M. le Président. Il y a quatre
mémoires dont nous n'avons pas eu la présentation, les nos 8, 21,
39 et 44, au nom de M. Claude Vallée, de M. le curé Duquet, de M.
Gilles Dauphinais et de M. Jean-Marc Alarie. Pourrions-nous faire motion pour
que ces mémoires soient déposés?
Le Président (M. Vallières): Oui, je pense que nous
pourrions faire motion pour que ces mémoires soient
déposés, de même que les mémoires, qui figurent
à l'ordre du jour d'aujourd'hui, de M. Léo Bourgeois et de M.
Claude Leclerc. S'il y avait consentement, nous pourrions déposer ces
rapports. (16 heures)
M. Fallu: S'il vous plaît. M. le Président, nous
arrivons au terme des travaux de la commission et, tout à l'heure,
ensemble, les membres de la commission feront l'exercice que nous devons faire
en fin de mandat, c'est-à-dire revoir le mandat de la commission et
tirer nos conclusions. Pour des raisons techniques, est-ce que je pourrais vous
demander de suspendre les travaux pendant quelques minutes, le temps de
préparer, notamment, la distribution d'un certain nombre de
documents?
Le Président (M. Vallières): S'il y avait
consentement de part et d'autre pour une suspension de quelques minutes
seulement, nous pourrions procéder.
M. Fallu: Merci. (Suspension de la séance à 16 h
02)
(Reprise de la séance à 16 h 37)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission élue permanente de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation continue ses travaux. La parole est au
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
Conclusions
M. Garon: M. le Président, j'avais dit que je
déposerais un document qui est parvenu hier à mon bureau, pas il
y a trois ou quatre jours, mais seulement hier. Je l'ai d'abord appris par la
greffière, je pense, de la Société immobilière du
Canada qui suivait les dossiers hier. Je ne sais pas si elle est encore ici
aujourd'hui. Le télégramme m'est adressé et il est
signé par M. Roméo LeBlanc, ministre des Travaux Publics du
Canada: "Suite à notre récent entretien au sujet de Mirabel, je
vous propose qu'un groupe fédéral-provincial de fonctionnaires se
réunisse le plus tôt possible dans le but de délimiter une
liste de sujets à être étudiés. Du côté
fédéral, je propose qu'il s'agisse de représentants de la
Société immobilière du Canada, Mirabel Ltée, de
Travaux publics Canada et de Transports Canada, le nombre total des
représentants fédéraux ne devant pas excéder cinq
personnes. De votre côté, je vous laisse libre d'inviter les
ministères que vous voulez, mais j'espère que le nombre de
personnes sera limité et que seuls des fonctionnaires seront
invités. Entre-temps, le programme de vente déjà
annoncé continuera comme prévu. Bien à vous, l'honorable
Roméo LeBlanc, ministre des Travaux Publics du Canada."
Je dois dire que, lorsque M. LeBlanc dit "suite de notre récent
entretien", l'entretien date du début de décembre, de deux mois,
je ne sais pas si on peut appeler cela récent, plus ou moins
récent; il date du début de décembre. La proposition d'une
liste de sujets, j'en ai faite une dans le télex que je lui ai
envoyé à la suite de notre rencontre, le 8 décembre 1982.
Alors, j'en fais part à la commission sans plus. Il y a une proposition
de rencontre avec des fonctionnaires... Je n'ai pas l'intention de refuser;
j'ai l'intention d'accepter que des
fonctionnaires de chez nous rencontrent les fonctionnaires que M.
LeBlanc voudra bien désigner. Par ailleurs, je suis un peu
étonné que le programme de vente déjà
annoncé continuera comme prévu. Je souhaite que le comité
serve à quelque chose.
Maintenant, j'aimerais soumettre à la commission parlementaire un
certain nombre de... Je ne sais pas si on doit faire des propositions, si la
commission parlementaire peut faire des recommandations ou quelle est la forme
que cela doit prendre exactement. J'ai pensé que cela pourrait
être des recommandations de la commission parlementaire de l'agriculture,
des pêcheries et de l'alimentation. Je lui propose un texte: nos
conclusions à la suite des auditions de personnes, de familles et de
groupes que nous avons rencontrés.
Je voudrais en profiter pour, tout d'abord, remercier tous ceux qui se
sont déplacés pour venir nous rencontrer à trois reprises.
D'autant plus que souvent les rencontres ont été retardées
parce que les audiences ont duré plus longtemps qu'il avait
été prévu par le greffier qui convoque ceux qui viennent
présenter des mémoires. Je voudrais souligner aussi que, dans mon
cas, personnellement, et, j'en suis persuadé, dans le cas de tous les
membres de la commission et des personnes de Mirabel qui ont suivi les
débats, avec les dépenses que cela comporte, je voudrais indiquer
que ce n'est pas un dossier qui les laisse indifférents, mais un dossier
dans lequel ils se sentent profondément impliqués. C'est pour
cela que j'aurais aimé que nous puissions siéger à Mirabel
pour permettre aussi à d'autres de suivre ces débats.
Je vous lis le texte: "La commission parlementaire de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation a entendu plusieurs dizaines d'organismes
et d'individus qui ont décrit fidèlement le vécu des
expropriés de Mirabel et les attentes d'une population qui vit une sorte
d'asservissement depuis 14 ans." Quand je dis "asservissement", c'est dans
l'ancienne définition du mot: un serf, celui qui travaille sur une terre
qui ne lui appartient pas. Quand j'emploie le terme "asservissement", ce n'est
pas dans le sens moderne du mot, mais dans son sens ancien où un serf
est un peu dans cette sorte de situation. "La commission parlementaire avait le
mandat d'entendre les intéressés et de soumettre ses
recommandations. Elle a constaté que tous les intervenants jugent que la
situation a assez duré et qu'il est temps d'inciter toutes les parties
à relever le défi de restaurer sur ce territoire un
développement normal de l'agriculture et une vie communautaire
harmonieuse. "Après avoir pris en considération les
recommandations et suggestions qui ont été soumises, la
commission parlementaire pourrait recommander ce qui suit - je pense que c'est
sous forme de proposition...
Le Président (M. Vallières): M. le ministre, je
vais vous interrompre un instant en vous indiquant que, après
consultation, j'ai des doutes sur la façon dont vous procédez
actuellement. Je pense que le mandat de la commission était d'entendre
les personnes. Je vous ai entendu lire tantôt et vous avez ajouté
à ce mandat "de soumettre des recommandations". Ce serait hors du mandat
de la commission, je pense. Il faudrait tout simplement, je crois, reformuler
vos recommandations en indiquant que c'est la position du ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation dans ce dossier et le
tout serait conforme au mandat qui avait été confié
à la commission et que je veux bien vous relire: "Entendre les personnes
et organismes sur la question des terres expropriées en trop de Mirabel,
et en particulier sur quatre points qui ont été
mentionnés", mais il n'était pas question de recommandations
comme telles de la part de la commission. Je pense, cependant, que vous
pourriez quand même procéder à la conclusion sans pour
autant identifier la commission, puisque vous parlez, à ce
moment-là, en votre nom, comme ministre, et non pas au nom de la
commission comme telle.
M. Garon: Quels sont les experts qui vous ont fait ces
suggestions?
Le Président (M. Vallières): Je dois vous dire que
j'agis en tant que président et que j'ai eu l'occasion de tenir des
consultations avec le bureau du président. Maintenant, libre à
vous, si vous...
M. Garon: Non. Je me le suis demandé tout simplement. Ce
sont des consultations qui vous disent que, en droit, une commission
parlementaire ne peut pas faire de recommandations après avoir entendu
des mémoires.
Le Président (M. Vallières): C'est que les
commissions qui siègent, les commissions permanentes élues
reçoivent des mandats et le mandat de cette commission a
été très clairement établi, à mon point de
vue. C'était d'entendre des personnes et des organismes, ce qui a
été fait. Ce qui n'empêche pas les parties de tirer leurs
propres conclusions. Mais je pense qu'elles ne doivent pas le faire au nom de
la commission, mais bien en leur nom.
M. Garon: Très bien. Je vais le faire différemment.
Les membres... (16 h 45)
M. Gagnon: M. le Président, j'aurais besoin
d'éclaircissement, personnellement,
parce que...
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Gagnon: Non, Champlain.
Le Président (M. Vallières): Non, de Champlain.
M. Gagnon: ...j'ai eu l'occasion moi aussi de présider des
commissions. On a ici le mandat de la commission. C'est bien le mandat de la
commission?
Le Président (M. Vallières): Oui.
M. Gagnon: Le troisième alinéa dit: "Les
modalités d'une éventuelle rétrocession desdites terres et
l'implication dans différents niveaux du gouvernement dans cette
opération". Quand on dit dans le mandat de la commission qu'on
étudiera ces modalités, je présume que c'est dans le but
d'en faire des recommandations ou, au moins, d'en tirer des conclusions.
Le Président (M. Vallières): C'est-à-dire
que le troisième alinéa que vous venez de lire s'adresse,
à mon point de vue, aux personnes et organismes qui sont venus
témoigner et qui devaient traiter en particulier de quatre points dont
le troisième que vous venez de mentionner.
M. Blouin: M. le Président, sur cette question de
règlement...
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: ...je dois dire que j'ai nettement l'impression, quand
je vous entends, que j'ai moi-même été induit en erreur
tout au long de cette commission. Parce que, lorsqu'on a le mandat, comme on
l'a fait depuis le début, d'entendre des témoins et des
organismes, d'être saisi de leur situation, il va de soi, me semble-t-il,
et c'est inhérent au mandat de cette commission, qu'on n'est pas
là pour les entendre uniquement pour enregistrer les débats sur
la machine qui est à notre droite. On est là aussi non seulement
pour les entendre, pour les écouter, mais pour tirer les conclusions qui
s'imposent.
J'estime que l'interprétation que vous faites actuellement du
règlement brime les droits de député que j'ai,
c'est-à-dire non seulement d'entendre les gens qui sont venus, mais
ensuite de tirer les conclusions minimales à la suite de ce que j'ai
entendu.
Le Président (M. Vallières): Si le
député de Rousseau veut prendre la parole tantôt afin de
tirer ses conclusions, je la lui donnerai. La parole est...
M. Blouin: Je souhaiterais, M. le Président, que ce droit
que vous venez de m'accorder soit également accordé à tous
les autres parlementaires qui ont siégé à cette commission
et qu'ainsi la procédure que le ministre utilisera... Au fond, qu'on
contourne les tracasseries inutiles et qu'on en arrive aux mêmes
conclusions.
Le Président (M. Vallières): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Après avoir pris en considération les
recommandations et suggestions qui ont été soumises, les membres
du Parti québécois de la commission parlementaire de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation proposent que la
commission parlementaire recommande ce qui suit:
Premièrement, le gouvernement fédéral a
exproprié un territoire démesurément vaste et doit se
départir, dans les plus brefs délais, d'au moins 80 000
acres.
De plus, les membres du Parti québécois proposent que la
commission parlementaire recommande la formation d'un comité technique
pour étudier le mode de tenure le plus favorable à l'utilisation
agricole des 12 000 acres actuellement inutilisées dans la zone dite
opérationnelle. Ce mode de tenure doit s'articuler autour de la
rétrocession ou de baux à long terme ou de baux
emphytéotiques.
Deuxièmement, que la commission parlementaire recommande de plus
au gouvernement fédéral la rétrocession immédiate
de toutes les terres actuellement occupées par des expropriés ou
leurs enfants, selon les modalités de prix énoncées par le
CIAC ou selon toute autre formule de prix jugée plus avantageuse.
Je pense que, selon les termes de l'Union des producteurs agricoles,
ceci pourrait représenter un fort pourcentage, peut-être 80% de
ceux qui sont sur les terres du territoire.
Pour les autres terres occupées par des gens qui n'ont pas subi
l'expropriation, que la commission parlementaire recommande que la situation de
chacun soit analysée par un comité neutre ci-après
décrit avant d'autoriser les rétrocessions ou reventes selon que
l'équité le commandera.
Troisièmement, que la commission parlementaire recommande la
formation d'un comité de fonctionnaires des deux gouvernements afin
d'analyser le cadre réglementaire ou contractuel régissant les
contraintes liées à l'aéronautique ainsi que le
financement des transactions portant sur des exploitations agricoles.
De plus, que la commission
parlementaire recommande que ce comité soit élargi par la
présence de représentants du milieu afin d'examiner, dans un
esprit d'équité, les autres modalités des dispositions des
terres expropriées en trop de Mirabel, notamment, à qui vendre,
la dimension des futures exploitations agricoles et, troisièmement, les
autres éléments de fixation des prix.
Quatrièmement, que la commission parlementaire recommande qu'il y
ait un programme de relance de l'agriculture sur les terres dont la tenure aura
été normalisée. Ce plan devra être discuté
avec les autorités concernées du gouvernement
fédéral et pourra prévoir des modalités plus
avantageuses pour les expropriés et leurs enfants. Nous entrerions en
contact, au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, avec le gouvernement fédéral pour prévoir
une forme d'entente auxiliaire qui pourrait porter sur un programme complet de
relance pour faire une opération de rattrapage, d'abord, pour les
expropriés, parce qu'ils n'ont pas choisi leur situation, mais dont
certains éléments pourraient s'appliquer à ceux qui n'ont
pas été expropriés et qui y sont venus connaissant la
situation. C'est un programme qui pourrait être plus avantageux, dans
certains cas, pour les expropriés qui ont du rattrapage à
faire.
Cinquièmement, que la commission parlementaire recommande au
gouvernement du Québec de fournir un support financier et technique au
CIAC afin de lui permettre de contester l'expropriation des terres acquises en
trop de Mirabel. D'ici la fin de cette démarche juridique, si la voie de
la négociation offre des résultats valables, les
procédures pourront être suspendues à la demande des
intéressés.
Enfin, concernant le financement du CIAC, le passé étant
garant de l'avenir, comme il s'agit d'une proposition au gouvernement, je
soumettrai aux autorités concernées la demande qui lui fut
adressée hier par le Centre d'information et d'animation
communautaire.
Je proposerais, je ferais motion pour que ces propositions des membres
du Parti québécois qui font partie de la commission deviennent
des recommandations de la commission parlementaire.
Le Président (M. Vallières): Si je comprends bien,
M. le ministre, vous en faites une motion. D'abord, je vous indique, comme je
vous le disais au début, que je doute un peu de la recevabilité
de cette motion et, puisque vous en faites motion, je demanderais à un
intervenant de chaque côté de bien vouloir m'éclairer sur
la recevabilité de votre motion comme telle, tout en vous
précisant qu'à moins d'entente de part et d'autre, le but de
cette commission était d'entendre les personnes et organismes sur quatre
points précis.
M. le député de Groulx, s'il vous plaît!
M. Fallu: Voici le premier constat que je vous demanderais de
faire: Après avoir entendu les mémoires, nous avons suspendu nos
travaux. Donc, à la reprise, les travaux de la commission ne sont pas
terminés. Du seul fait que vous ayez accepté lecture de ce qui
est devenu une motion, vous avez déjà, par le fait même,
constaté que les travaux de la commission n'étaient pas
terminés, donc que nous pouvions, comme membres de toute commission,
avant le début des travaux, pendant les travaux, voire même
quelquefois au moment où nous recevons des intervenants devant nous
souvent, on nous en fait grief d'ailleurs, de part et d'autre - avoir le loisir
de faire des motions d'ordre général. La plupart du temps,
néanmoins, la tradition a voulu que ces motions soient faites en
début de commission et votre pratique de la Législature du
Québec des années 1973 à 1976 et depuis 1981 vous a appris
l'abondance de ces motions de nature générale qui
débordent et, quelquefois très largement, le simple mandat d'une
commission d'entendre des mémoires. Donc, déjà nous sommes
réunis en commission. Les travaux se continuent, d'une part. D'autre
part, il est largement établi qu'à l'occasion d'une commission
nous fassions des motions de nature générale.
Troisième argument, si vous me le permettez, M. le
Président, l'audition de mémoires à une commission
parlementaire est souvent l'occasion de longs débats, pendant la
commission parlementaire, sur le sens à donner aux interventions qui
nous sont proposées. Or, vous avez pu constater que cette fois, sans
doute par déférence notamment pour les gens qui étaient
devant nous, nous avons systématiquement... Je crois avoir
été, avec le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, hier, l'un des seuls à tirer un peu les
conséquences du mandat que nous avions reçu par rapport aux
mémoires qui nous étaient présentés alors que
régulièrement, dans toute autre commission, nous tirons au fur et
à mesure, par des déclarations liminaires ou par une analyse
à la suite du dépôt d'un mémoire, les conclusions
opportunes.
Ces conclusions, d'ailleurs, se retrouvent aux procès-verbaux de
nos commissions parlementaires. Ceux-ci sont déposés à
l'Assemblée nationale. Or, cette fois-ci, je crois d'ailleurs que c'est
dans cet esprit de déférence pour les intervenants, nous avons
surtout questionné - il nous est arrivé quelquefois de nous
enguirlander entre nous, mais bien gentiment malgré tout - mais nous
n'avons pas tiré les conclusions de ce que nous avons entendu des
mémoires. Je ne
sache pas que le député d'Argenteuil nous ait fait quelque
proposition. Nous avons senti par quelques réactions son sentiment sur
le plan de relance ou l'expropriation en trop, mais en aucun temps le
député d'Argenteuil n'a eu à formuler devant cette
commission de conclusion à la suite des auditions. Puisque nous ne
l'avons pas fait pendant, il faut au moins le faire par la suite, de toute
nécessité, pour que le journal des Débats garde
témoignage de ce que pensent les partis, de part et d'autre de cette
table, des auditions auxquelles nous avons participé.
Il est donc absolument nécessaire de tirer à ce moment-ci
des conclusions. Sans cela, ni l'un ni l'autre des deux partis formant ici
l'Assemblée nationale par voie de délégation n'aura eu
l'occasion de dire si l'agriculture a bien ou mal fonctionné à
Mirabel depuis 1969 ou s'il était opportun de conserver 66 000 acres
dont personne n'a encore décidé la rétrocession alors que
plusieurs intervenants sont venus nous dire qu'ils avaient été
expropriés en trop. Pardon, pas plusieurs, la totalité. Nous ne
saurions transmettre à l'Assemblée nationale les voeux des partis
politiques sur les modalités éventuelles de rétrocession
pas plus que nous ne ferions de références à un plan de
relance agricole. Cela s'impose par la nature même du déroulement
de nos travaux, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Merci. Est-ce qu'un
membre de l'Opposition voudrait se faire entendre? M. le député
d'Argenteuil, s'il vous plaît.
M. Ryan: M. le Président, au point de vue technique, je
crois qu'on doit dire pour le moins que nous sommes en face d'une façon
de procéder qui est plutôt inusitée. Il m'est arrivé
de siéger à plusieurs commissions parlementaires au cours des
dernières années et c'est la première fois que je suis en
face d'une procédure comme celle-ci, surtout quand une commission a
été formée pour entendre des témoins. (17
heures)
Ce que j'ai observé en général, c'est que le
ministre qui représentait le gouvernement tirait des conclusions. Du
côté de l'Opposition, nous tirions des conclusions
également. C'était généralement à la fin de
l'exercice, à un autre stade. Le gouvernement revenait avec des
propositions sous forme de projets de loi ou parfois c'était sous forme
de résolutions ou de propositions budgétaires. Je pense que c'est
la manière de procéder qui est inhérente à notre
système et je ne sache pas, à moins qu'il s'agisse de
l'étude d'un projet de loi, qu'on force la méthode d'une
commission comme on est en train de le faire. Au point de vue technique, je
réserve mon jugement. Encore une fois, je ne suis pas un expert de la
procédure parlementaire et je ne voudrais pas engager un débat
interminable là-dessus, à ce stade-ci. Je signale que nous sommes
tous à court de ressources. C'est la fin de la semaine. Il est rendu 17
heures. Bien des conseillers qui, normalement, seraient là, ne sont pas
présents et je trouverais déplorable qu'on aille régler
cette question à cette heure particulière sans avoir
soigneusement vérifié toutes les implications. C'est le point de
vue technique.
Au point de vue de l'opportunité, c'est une autre question. On
aura l'occasion de discuter de toutes ces choses au mérite, de toute
manière, tantôt parce que cela va être un débat qui
sera probablement assez long. J'aurai beaucoup de choses à dire sur tout
cela. Au point de vue de l'opportunité, je pense qu'il faut avoir
à l'esprit la réputation de sérieux qui doit entourer le
travail de cette commission. Si on allait retenir comme impression qu'à
la toute fin des travaux, on s'est trouvé pris en face d'un texte qui
n'avait été soumis à personne avant et dont on a pris
connaissance pour la première fois quelques minutes à peine avant
que reprennent les travaux, après la brève suspension de
tantôt, je ne pense pas que cela donnerait une impression de
responsabilité et de sérieux comme on voudrait que ce soit. Que
le ministre, par exemple, tire ses conclusions de son côté avec
l'autorité qui est attenante à sa fonction, je comprends
très bien que des députés membres de la commission
veuillent signifier leur accord là-dessus. Je le comprends très
bien. Moi-même, je donnerai volontiers mon opinion sur chacun des points
qui sont soulevés dans le résumé qu'a fait le ministre des
conclusions qu'il tire. Un conseil que je voudrais donner au gouvernement
serait, avant de nous annoncer qu'il va nous forcer à voter
là-dessus, qu'il nous laisse au moins faire le débat comme on
doit le faire à ce stade-ci. Il y a bien des commissions qui ne le font
pas. Je suis très favorable à ce qu'on le fasse, parce qu'on a
fait un travail sérieux. Il y a plusieurs députés qui ont
suivi le travail avec une assiduité remarquable. On a nos concitoyens
qui sont ici. Si on trouve, après que chacun aura présenté
son opinion de manière responsable, qu'il y a des points qui font
consensus, il me semble qu'on va tous être assez intelligents pour le
constater. Il me semble que cela va être plus fort comme cela que si on
se trouve en face d'un texte qui soulève certaines réserves dans
l'esprit de l'un ou de l'autre et devant lequel, à cause de cela, un
député pourrait être obligé ou se sentir tenu, soit
de voter contre ou soit de s'abstenir; à ce moment-là, on ne
serait pas plus avancé.
Je pense que finalement, ce qui est important, c'est ce que chacun a
à dire là-dessus et non pas la façon dont M. X ou M. Y
pourrait le dire. En temps utile, que le
gouvernement nous présente un projet de loi qui nous
ramène pour un projet précis, je le comprends très bien.
Mais je vous signale qu'on est à un stade avancé des travaux,
à un stade tardif de la journée et de la semaine et que pour un
menu aussi abondant... Moi-même, je peux bien avoir des opinions à
donner. Je vais les donner tantôt. Mais je crois que si on veut faire
avancer l'affaire, il faut qu'on s'assure, chacun de notre côté,
qu'on a un consensus, qu'on tire des gens avec nous. Je suis bien prêt
à faire rapport à mon groupe que j'ai dit telle ou telle chose,
mais je voudrais qu'ils aient la chance de parler là-dessus, qu'ils
aient la chance d'en discuter et jusqu'à maintenant, avec l'abondance
des travaux qui caractérisent la vie parlementaire, ce n'est pas un
sujet, depuis le début des travaux de la commission, sur lequel on a pu
revenir en profondeur, en conseil des députés de notre parti ou
dans les instances de notre formation politique, parce qu'on attendait de voir
comment les choses se développeraient.
Je pense que cela va suffire pour l'instant. C'est l'opinion que
j'émets, à la fois au plan technique et sur le plan de
l'opportunité. Je me réserve évidemment tantôt, une
fois qu'on aura trouvé le cheminement qui est le plus de nature à
rendre service à la cause que nous voulons servir ensemble, le droit
d'intervenir sur le fond, évidemment, d'une manière plus
élaborée.
M. Gagnon: M. le Président, sur une question de
règlement, je voudrais...
Le Président (M. Vallières): Oui, M. le
député de Champlain.
M. Gagnon: Est-ce que vous êtes certain que vous
n'êtes pas en train... En tout cas, il faudrait surveiller pour ne pas
créer un précédent dans la décision que vous aurez
à prendre sur la recevabilité.
J'ai eu l'occasion de présider de nombreuses commissions
parlementaires et on a toujours dit qu'il y a un grand principe en commission
parlementaire, c'est que la commission est maîtresse de ses travaux.
Évidemment, la commission ne peut pas changer le mandat, mais la
commission peut - cela s'est fait, il y a de nombreux précédents
dans ce sens, mais on n'a pas eu le temps de les relever - émettre un
voeu, la commission peut faire une proposition, la commission peut faire des
recommandations pour autant que la commission est d'accord. La commission est
maîtresse de ses travaux et ce principe, à moins que je ne me
trompe, est un principe de base quand on préside une commission
parlementaire.
D'un autre côté, si on applique le règlement
strictement, comme il me semblait qu'on voulait le faire tantôt, est-ce
que, lorsqu'on lit le mandat de la commission et si on doit appliquer le mandat
à la lettre, cela voudrait dire que le président aurait dû
nous déclarer que nous violions le règlement chaque fois que nous
posions des questions aux invités? Parce que le mandat est d'entendre
les personnes et les organismes sur la question des terres expropriées
en trop à Mirabel et, en particulier, sur l'évaluation de
l'impact sur l'agriculture, sur l'opportunité de conserver les 66 000
acres, etc., sur les modalités d'une rétrocession, sur les plans
de relance agricole. Ce qui voudrait dire que, chaque fois, si on est là
juste pour entendre les témoins, qu'on leur a posé des questions,
nous aurions été hors mandat.
On doit se soumettre à la présidence, c'est bien
évident, mais j'ai de la difficulté à penser qu'on doit
interpréter un mandat aussi strictement que cela. En tout cas,
personnellement, si c'est ainsi, chaque fois que j'ai présidé une
commission parlementaire, je n'étais peut-être pas correct. Mais
je pense qu'on s'attend à autre chose et on a fait aussi autre chose; on
a questionné, on a émis des opinions. Aussi, les gens qui sont
ici s'attendent qu'on ait la force, la vigueur nécessaire pour au moins
faire des recommandations au gouvernement. En tout cas, c'est ma position.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le ministre
de l'Agriculture, je vous demanderais peut-être, en terminant, de relire
votre motion, s'il vous plaît.
M. Garon: M. le Président, je vais vous dire très
facilement que je concours à ce qu'a dit le député
d'Argenteuil quand il dit qu'il vient d'avoir le texte, qu'il souhaiterait
pouvoir analyser plus longuement les conclusions qui viennent de lui être
présentées et que chacune peut supposer une certaine discussion
qui peut durer un certain temps; je pense qu'il a parfaitement raison.
Je pense que nous avons, au cours des semaines, les
députés du Parti québécois, les membres de la
commission et moi-même, discuté, à de nombreuses reprises,
des mémoires qui étaient présentés, mais nous
n'avons pas voulu, jusqu'à la fin, en arriver à des conclusions -
avec raison, je pense -parce qu'à mon avis, hier, il y a eu deux
mémoires fondamentaux qui ont été présentés,
mémoires très importants qui ont influencé beaucoup
l'opinion des membres du Parti québécois de la commission, soit
les demandes du Centre d'information et d'animation communautaire, de
même que le mémoire de l'UPA régionale,
particulièrement le témoignage de M. Papin. En tout cas, je me
rappelle très bien qu'il nous a ramenés à des choses assez
concrètes qui ont influencé nos discussions.
Pourquoi? Je pense bien qu'une commission siège pour en arriver
à quelque chose. Souvent, d'ailleurs, le gouvernement
est blâmé de ne pas conclure; je ne voudrais pas que la
commission soit blâmée de tirer des conclusions. Je pense que
c'est plutôt dans l'esprit d'en arriver à des conclusions ou
à des recommandations, pour que les gens de Mirabel, qui ont suivi la
commission pendant toutes ces semaines et qui souhaitent voir les orientations
que propose la commission et qui vont avoir un certain poids par rapport au
gouvernement, constatent qu'ils ont été entendus. C'est dans cet
esprit que nous avons proposé des recommandations qui pourraient
être de la commission parlementaire.
Personnellement, je n'en fais pas une obligation, que ce soit une
recommandation de la commission parlementaire. Si j'étais à la
place du député d'Argenteuil, j'aurais sans doute la même
réflexion d'avoir reçu... Mais on ne pouvait pas conlure
véritablement avant et les gens voudraient qu'on... J'ai même
proposé aux gens qu'on ajourne pour étudier davantage les
conclusions, ils ont dit oui. Mais, un moment donné, les gens seront
désappointés et ils diront que la commission parlementaire
n'accouche pas. C'est beaucoup plus. Je dois dire que le député
d'Argenteuil, dans un article que je lisais hier, mentionnait lui-même
que la commission se traînait les pieds sous ma direction. Je ne voudrais
pas me faire dire cela une autre fois. Mais ce qu'il a dit...
M. Ryan: C'était un bon article.
M. Garon: ... à ce point de vue, je pense qu'il a raison,
il n'a pas été partie aux discussions qui ont eu lieu entre les
membres de la commission du Parti québécois et qu'il pourrait
peut-être arriver aux mêmes conclusions ou peut-être à
des conclusions différentes, mais je ne serais pas d'accord pour faire
violence pour arracher une recommandation de toute la commission parlementaire
dans des circonstances comme celles-là.
Maintenant, il y a peut-être deux voies. Il est quand même
17 h 15; les propositions sont sur la table. Je laisserais le choix,
personnellement. Cela peut être des propositions uniquement des membres
du Parti québécois de la commission ou encore, si on le souhaite,
elles resteront sur la table et on pourrait ajourner la commission. Cela peut
être l'un ou l'autre, mais, comme conclusion, ce serait la vision des
membres du Parti québécois au sein de la commission, qui serait
proposé comme motion à la commission qui pourrait ajourner ses
travaux ou encore que cela demeure uniquement des propositions des membres de
la commission qui sont des gens du Parti québécois et qu'on mette
fin à nos travaux.
Je voudrais bien sentir que là-dedans, je n'aurais pas
l'intention, en aucun moment, de faire allusion à quoi que ce soit
à ce point de vue. Il est exact que... On ne pouvait pas tirer les
conclusions avant. Les témoignages viennent de se terminer. Il fallait
conclure un moment donné, mais je vous laisse libres dans cet esprit,
l'un ou l'autre.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je sais gré au ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation d'avoir reconnu que deux lignes dans un
article peuvent avoir parfois un effet important. Quand j'étais
journaliste, j'avais souvent l'impression d'écrire pour rien, mais
quelquefois, cela avait peut-être plus d'influence qu'on pensait. Mais
blague à part, je pense que la prudence dont semble vouloir convenir le
gouvernement dans cette affaire est une bonne conseillère. Tout à
l'heure, l'un des conseillers techniques de notre groupe parlementaire, que
j'avais consulté plus tôt à ce sujet, m'a apporté un
texte - je donne cela juste pour ajouter au dossier et, encore une fois, sans
aucune prétention de compétence particulière
là-dedans - mais c'est juste pour aider à voir la
complexité de ces choses. C'est un cahier comprenant un
résumé des principales décisions, directives et opinions
préparé à l'intention des présidents de commissions
parlementaires élues qui remontent à mars 1975 cependant. Il y
avait un article là-dedans intitulé les motions irrecevables et
qui se lit comme suit: "Doivent être déclarées irrecevables
toutes les motions qui ne sont pas prévues par le règlement ou
acceptées par la tradition et toutes celles qui, même si elles
sont prévues par le règlement ou la coutume pour certaines
occasions, n'ont pas trait au sujet qui est spécifié dans le
mandat de la commission. En outre, il faut savoir que la commission exerce un
pouvoir délégué par l'assemblée; à ce titre,
elle ne doit rendre compte de son mandat qu'à la Chambre; à ce
titre, également, toutes ses propositions doivent être soumises
à la Chambre elle-même et à aucun autre organisme. Si elle
a le droit, en vertu de son mandat, de faire des recommandations, ces
dernières doivent s'adresser à la Chambre. Ainsi, la commission
propose à la Chambre d'adopter ou de ne pas adopter telle chose qui a
été soumise à son examen. C'est pourquoi, doivent
être rejetées comme irrégulières toutes les motions
qui, en commission, auraient pour effet de recommander à un autre
organisme que la Chambre de faire quelque chose, une motion qui, par exemple,
inviterait le gouvernement fédéral à faire telle chose.
Tout au plus a-t-on accepté, dans le passé, les motions qui
émettaient des voeux pieux à l'endroit de l'Assemblée
nationale, du gouvernement du Québec ou
d'un ministre, invitant respecteusement l'un de ceux-là à
faire quelque chose. C'est à peu près le plus loin qu'une
commission puisse aller dans ses motions à moins qu'elle ait eu un
mandat spécifique d'étudier tel problème et de soumettre
ses recommandations à qui de droit, situation qui ne se présente
pas lors de l'étude d'un projet de loi ou de l'examen des
crédits." (17 h 15)
Encore une fois, je cite à la volée un cahier qu'on m'a
soumis tantôt et je le porte à l'attention du président de
la commission qui pourra trouver utile de le regarder plus à fond. Mais,
comme le ministre n'insiste pas pour qu'on ait, disons, une motion formelle
à ce moment-ci, je pense que ceci fait partie de la documentation sans
plus.
Quant à la suggestion qu'il a faite, je voudrais seulement
émettre une opinion, si vous me le permettez. C'est une opinion à
caractère exploratoire qui n'a rien de définitif. Il a dit, si je
comprends bien, que ce seraient les conclusions des membres de la commission
qui font partie du groupe gouvernemental, du Parti québécois.
Encore là, je ne sais pas s'il y a des précédents d'une
chose comme celle-là. Je ne sais pas s'il y a des cas où cela
s'est déjà présenté comme cela. J'en douterais. Il
arrive couramment, quand on vote sur un article d'un projet de loi en
commission, que cela finisse comme cela. Mais, dans un cas comme celui-ci, cela
fait un petit peu curieux. Je vous souligne cela, M. le ministre, en toute
simplicité. Je me dis: Si le ministre tire ses conclusions et si chacun
des membres de son parti l'approuve, cela revient au même. Je n'ai pas
d'objection à cela réellement, mais je vous préviens
seulement contre une chose: c'est qu'il y a bien des gens qui se sont
impliqués d'une manière très importante dans ce dossier
qui ne sont pas ici aujourd'hui et à qui nous ne devons pas fournir de
prétexte de conclure: Ça, c'est une affaire du Parti
québécois, c'est une affaire partisane. Je pense qu'un des
objectifs qu'on a poursuivis généralement dans l'étude du
dossier, malgré les jeux d'escrime qui ont pu avoir lieu à
certains moments de fatigue plus grande, c'est quand même le service de
ces gens qui sont là.
J'ai bien apprécié l'esprit dans lequel le ministre a
réagi à ce que j'ai dit et je crois que si on peut continuer
pendant quelques minutes au moins de chercher ensemble un mode de cheminement
qui va permettre de traduire cet esprit-là dans ce qui va marquer
l'étape terminale du travail de la commission, cela va être
excellent. Déjà, je me réjouis d'entendre le ministre dire
qu'il entend nuancer la procédure qui avait été
annoncée au départ.
M. Fallu: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Groulx.
M. Fallu: Pour le moins, M. le Président, je voudrais
qu'une chose soit bien claire en cette fin de commission. C'est que peu importe
la procédure qu'on utiliserait, ce qu'on avait souhaité au
départ - je pense d'ailleurs que cela se vit, cela s'est vécu
passablement tout au long des travaux de la commission - c'est qu'il y a une
Assemblée nationale relativement unanime sur le fond des choses dans le
débat des terres expropriées en trop à Mirabel, d'une
part, peu importe comment on l'exprimera tout à l'heure.
D'autre part, je voudrais que l'on retienne que ce texte, tel qu'il est
présenté pourrait faire l'unanimité par le biais d'une
motion unanime de la commission. Il serait donc non partisan. Mais il est
unanime de la part des membres ministériels, particulièrement de
la part de ce qu'on a convenu d'appeler chez nous le "caucus agricole",
c'est-à-dire, l'ensemble des députés représentant
les zones rurales formées notamment de plusieurs producteurs agricoles
et fait également l'unanimité du caucus qu'on appelle
régional, c'est-à-dire Laurentides-Lanaudière. Ce sont
donc des conclusions largement partagées par les membres du parti
ministériel et dont font partie un certain nombre de ministres. Vous
avez pu d'ailleurs remarquer à quelques occasions, notamment hier et
aujourd'hui, la présence de celui que nous appelons dans notre jargon
péquiste notre ministre régional, le ministre des Affaires
municipales, M. Jacques Léonard.
Peu importe ce qui arrivera tout à l'heure au niveau des contenus
ou de l'aventure qui pourrait arriver à cette proposition, je voudrais
qu'il soit bien connu que pour nous, c'est une détermination.
Le Président (M. Vallières): Merci. À ce
moment-ci, je voudrais poser une question de précision au ministre de
l'Agriculture. La première motion qu'il nous avait
présentée ne se lirait plus de la même façon, mais
constituerait bien, de par le texte, les conclusions qu'il a tirées. Ce
seraient là les recommandations des membres du Parti
québécois à cette commission, quitte à ce que,
lorsque la commission sera reconvoquée, s'il y avait lieu, le parti
d'Opposition fasse part de son point de vue à la suite des consultations
qu'il aura menées concernant les diverses recommandations des membres du
Parti québécois à cette commission.
M. Garon: Je ne sais pas si je peux la présenter comme
cela. Je devrais peut-être en changer la formulation pour dire:
Après avoir pris en considération les recommandations et
suggestions qui ont été
soumises, au nom des députés du Parti
québécois, membres de la commission, je fais motion pour que la
commission parlementaire recommande... Je ne pense pas que plusieurs personnes
puissent faire motion. Cela ne prend qu'une personne, des députés
ne peuvent pas faire motion, mais un député peut le faire.
Ce n'est pas en mon nom personnel, c'est après
délibération. Je pense que tout le monde le dit, je l'ai dit
franchement et c'est pour cela que je ne porte pas grief au
député d'Argenteuil. On a discuté entre nous à
plusieurs reprises, on a complété à l'heure du dîner
nos réflexions et nos discussions. Je sais qu'il y a des points
où on a conclu des choses qui n'apparaissent pas dans les conclusions,
parce qu'il y a un temps limité. Je suis conscient que le
député d'Argenteuil émet un certain nombre de conclusions.
On peut faire état de plusieurs longues discussions, mais cela peut
être l'un ou l'autre. Cela peut être les conclusions qu'on a
tirées ensemble, comme députés membres du Parti
québécois à la commission, ou on peut ajourner nos travaux
pour les étudier ensemble à une autre occasion.
Je ne favoriserais pas une chose plus que l'autre mais j'en suis
conscient. Je ne veux pas arracher un consentement et je ne veux pas que le
député d'Argenteuil sente non plus que je veux lui arracher un
consentement.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Dans le même esprit, ce n'est pas de mes affaires,
évidemment, et on pourra me le dire, mais j'aurais peut-être une
suggestion à faire au ministre afin d'accélérer notre
cheminement commun. Si, par exemple, dans l'esprit qu'il a dit, il nous disait:
Voici, à la fois comme ministre de l'Agriculture et au nom des membres
du Parti québécois qui font partie de la commission, je vous fais
part de nos conclusions à la suite de ce que nous avons entendu. Il
suffirait que vous retouchiez légèrement les paragraphes.
Par exemple, je prends le premier. Premièrement, le gouvernement
fera exproprier un territoire, etc. De plus, nous entendons recommander la
formation d'un comité technique chargé... Deuxièmement,
nous entendons recommander que le gouvernement du Québec exige du
gouvernement fédéral la rétrocession immédiate.
Nous entendons recommander la formation d'un comité de fonctionnaires
des deux gouvernements. À ce moment-là, il n'y a aucune
espèce de problèmes. Vous m'amenez à commenter
là-dessus et je vais le faire. Je pense qu'il y a bien des points sur
lesquels, dès maintenant, il y a un certain consensus qui pourra se
dégager. Cela avancera les choses d'autant et le gouvernement a toute la
liberté voulue ensuite pour nous revenir sous maintes formes
différentes avec des propositions d'actions encore plus précises
à n'importe quel moment. Pour aujourd'hui, je pense qu'on sortirait de
cette expérience avec plus d'unité qu'au départ ou
qu'à aucun autre stade pendant le travail. C'est seulement une
suggestion que je fais.
Le Président (M. Vallières): Sur cette propostion
du député d'Argenteuil, M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Le point essentiel, c'est que s'il s'agit de
conclusions des députés du Parti québécois, je
pense qu'à ce moment-là le député d'Argenteuil
formule les siennes ou n'en formule pas. Il n'y a plus de vote là-dessus
à ce moment. Il s'agit tout simplement de conclusions que nous avons
tirées et cela se termine là, à moins que le
député d'Argenteuil ne dise: Mes conclusions seraient que
j'adhère à cela ou je n'en tire pas, de conclusions. Si ce n'est
pas une motion, cela ne peut plus être débattable comme une
motion. Là, il faut faire un choix, je pense.
Le Président (M. Vallières): Oui, je pense qu'ici
nous avons un choix: ou nous discutons de la motion que M. le ministre a
présentée, ou bien nous considérons que ce qu'il nous a
communiqué constitue ses conclusions de même que celles des
membres de son parti à cette commission. Nous pourrons par la suite
entendre - si c'était le voeu de M. le ministre - les conclusions du
député d'Argenteuil qui, comme il l'indiquait, recouperont
probablement certaines des conclusions des autres membres du Parti
québécois.
Par ailleurs je veux vous indiquer qu'il est 17 h 30. Par
conséquent, si nous continuions à discuter de la
procédure, nous devrions possiblement ajourner vers 20 heures.
J'aimerais qu'on essaie de conclure le plus rapidement possible sur la motion.
Je pense que, là-dessus, il appartiendrait au ministre de nous indiquer
si la proposition qui a été faite - en fait celle que j'ai faite
- de considérer ce qu'il nous a donné comme étant ses
conclusions et celles des membres du Parti québécois à
cette commission... pour qu'il ne soit plus à ce moment-ci question de
la motion...
M. Garon: Je pense...
M. Ryan: Pourrais-je seulement faire une remarque avant?
M. Garon: Oui.
M. Ryan: Cela va peut-être vous aider à
synthétiser le tout.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: J'ai fait ces suggestions parce que le texte, dans sa
formulation actuelle, ne serait pas respectueux de tout ce qui vient
d'être dit. C'est uniquement dans cet esprit que j'ai fait certaines
suggestions, non pas du tout dans le but de vous dire comment vous devriez
écrire cela, etc. Comme mes droits sont aussi impliqués et que
toute la discussion porte là-dessus, c'est uniquement par souci de bien
respecter des droits dont tout le monde convient qu'ils doivent l'être,
que je vous ai fait cette observation, pas autre chose... Si cela restait tel
quel, mais ce n'est pas exactement ce dont on discute depuis une
demi-heure.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Groulx.
M. Fallu: M. le Président, pourrais-je demander à
M. le député d'Argenteuil si, pour sa part, il est prêt
à tirer, à ce moment-ci, ses conclusions sur les travaux de la
commission ou si lui-même préférerait que, compte tenu que
nous avons une motion venant de la majorité, nous suspendions nos
travaux pour pouvoir en arriver entre nous à des recommandations qui, je
pense, pour l'ensemble - nous ne nous le sommes pas dit, mais nous l'avons
ressenti pendant nos travaux - pourraient être largement majoritaires,
sinon peut-être même vraiment unanimes?
Le Président (M. Vallières): Vous me permettrez
d'intervenir à ce moment-ci pour vous indiquer que je
préférerais hors de tout doute que nous réglions la
question de la motion avant d'intervenir sur d'autres sujets. Je croyais
pouvoir statuer sur la question de la motion du ministre, s'il la maintient, et
nous pourrions, par la suite, soit passer à la discussion sur la motion
comme telle ou encore passer aux conclusions du député
d'Argenteuil.
Je me dois de poser à nouveau la question à ce moment-ci
au ministre à savoir s'il maintient sa motion originale, puisqu'il nous
en a fait lecture. Si c'était le cas, je devrai la prendre en
délibéré. La décision que je devrai prendre
concernant la recevabilité comme telle de la motion initiale exigera que
je suspende nos travaux environ cinq minutes. M. le député de
Richmond.
M. Blouin: Si j'ai bien compris, vous suggérez qu'on
puisse finalement en arriver à tirer nos conclusions, comme
prévu, et non pas seulement comme vous aviez un peu l'intention de
l'interpréter au début. Maintenant vous semblez avoir un peu le
sentiment que notre mandat ne consistait pas uniquement à entendre les
gens sans leur poser des questions et sans en tirer de conclusions, mais que le
mot "entendre" doit être effectivement entendu dans un sens un peu plus
large. Ce que je comprends, c'est que vous essayez techniquement de trouver la
façon qui permettra effectivement à la commission de tirer les
conclusions auxquelles elle doit en arriver après le cheminement qu'elle
a suivi pendant au-delà de deux mois. (17 h 30)
Le Président (M. Vallières): Je veux ici vous
répéter que je n'ai jamais dit que la commission ne devait pas
tirer de conclusion. J'ai dit que des deux côtés, il y avait la
possibilité de tirer des conclusions, mais qu'il était pour le
moins inusité, assez nouveau -j'ai pu vérifier, c'est nouveau -
que ces conclusions deviennent des recommandations de la part de la commission
au complet. Ce qui n'empêche pas et le ministre et le
député d'Argenteuil, pour leur formation respective, de tirer des
conclusions qui n'ont pas la forme de recommandations au nom de toute la
commission.
M. Blouin: Vous dites que c'est nouveau, M. le Président,
mais est-ce que vous considérez le principe que la commission est
maîtresse de ses travaux?
Le Président (M. Vallières): Comme nous l'avons
indiqué tantôt, un autre député faisait mention du
fait que la commission peut au début... normalement c'est au
début de ses travaux qu'elle décide de la procédure
qu'elle suivra. Par ailleurs, je vous indique que je serais prêt à
prendre en délibéré la motion du ministre s'il la
maintient. Je prendrai une décision sur sa recevabilité dans les
minutes qui vont suivre. Ensuite nous la discuterons, puis nous passerons
à un autre sujet purement et simplement.
M. Gagnon: Sur la même question de règlement que M.
le député de Rousseau. Vous avez dit que la commission est
maîtresse de ses travaux, mais qu'il faut déterminer en fait le
mandat au début de la commission. Je voudrais que vous vérifiiez
cela. La commission, selon moi, est toujours maîtresse de ses travaux
pour autant qu'on est unanime. On peut même changer jusqu'à un
certain point l'ordre du jour pour autant qu'on est unanime, pour autant que
tous les membres de la commission sont d'accord. Ce qu'on fait depuis une
grosse demi-heure, c'est un peu de "procédurite". En tout cas je vais
arrêter d'en faire, mais je voudrais que ce soit bien clair parce qu'il
ne faut pas non plus créer de précédents. La commission
est maîtresse de ses travaux, selon moi, en tout
temps pour autant que nous sommes d'accord, pour autant que tous les
membres de la commission sont d'accord. Ce qui veut dire qu'actuellement, si
tous les membres de la commission étaient d'accord pour qu'on discute et
qu'on tire les conclusions que le ministre a présentées, au nom
de la commission, parce qu'il ne les a pas présentées... Suivant
la formule originale qu'on a, c'est la commission qui prend ces
décisions et non pas le Parti québécois. C'est la
commission. Si la commission était d'accord, si l'Opposition
était d'accord à ce qu'on le fasse, je suis persuadé qu'on
aurait le pouvoir de le faire.
Le Président (M. Vallières): Je vous remercie de
votre intervention. C'est précisément dans le but de ne pas
créer de précédent que j'ai l'intention de prendre en
délibéré la décision sur cette motion. J'ai des
demandes d'intervention des deux côtés. Peut-être que M. le
ministre et ensuite M. le député d'Argenteuil.
M. Garon: Brièvement, il ne faut pas avoir peur de
créer des précédents. Les précédents ont
commencé un jour dans tous les domaines. Ce que je voudrais dire tout
simplement, c'est que les gens ne comprendraient pas, après avoir
entendu tous ces mémoires, si on s'en allait et qu'on disait: Merci,
bonjour, c'est terminé. Les gens ne comprendraient pas. Ils diraient:
Vous avez fait cela pourquoi?
Après avoir entendu ces mémoires et surtout devant le fait
que, le télégramme de M. LeBlanc le démontre, le
gouvernement fédéral veut agir rapidement puisqu'il dit que
même si vous avez un comité, son programme de vente
déjà annoncé continuera comme prévu, il y a un
devoir, je pense, d'agir assez rapidement. C'est un peu dans cet esprit...
Quant à moi c'est évident je souhaite que la commission
parlementaire soit unanime; ce serait encore mieux. Je pense qu'un voeu c'est
une chose. Mais qu'une commission parlementaire se prononce officiellement
après avoir entendu des mémoires et fasse des recommandations, il
y a là un poids certain pour le gouvernement.
C'est évident, comme ministre, si je vais au gouvernement et si
je dis: On a entendu des mémoires, on a entendu des gens et les gens,
unanimement ou pas unanimement, de préférence unanimement, en ont
tiré telle conclusion; ils font des recommandations dans ce sens. Cela
donne beaucoup plus de poids au point de vue action, non seulement pour le
gouvernement du Québec, mais aussi pour le gouvernement
fédéral qui dit qu'il y a là une volonté manifeste
qui vient du Québec. C'est beaucoup plus fort que si on faisait des
voeux en partant, en disant: Bon! Notre ouvrage est terminé, tandis
qu'avec des recommandations, notre ouvrage n'est pas terminé. Quand les
recommandations sont faites, c'est de les mettre en vigueur, d'essayer de les
faire adopter. Notre ouvrage continue. C'est cela, je pense, la
différence qu'il y a dans les choses. C'est pour cette raison que c'est
seulement dans le cas où la motion ne serait pas recevable que je
dirais: Tirons des conclusions comme membres du Parti québécois,
mais je préférerais d'abord que vous vous prononciez sur la
recevabilité, M. le Président, parce que c'est une motion. Le
deuxième point, c'est que je ne veux pas violenter le
député d'Argenteuil. C'est pour cette raison que je suis
complètement d'accord pour qu'on ajourne nos travaux et qu'on trouve la
première journée disponible pour qu'on puisse débattre les
recommandations. Je suis parfaitement d'accord, parce que je pense que,
là-dessus, le député d'Argenteuil a entièrement
raison, mais je suis persuadé, pour le bien des gens de Mirabel, qu'il
est préférable que la commission parlementaire en arrive à
des conclusions qui prennent la forme de recommandations.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le ministre.
M. le député d'Argenteuil. Ce sera la dernière
intervention. Par la suite, je statuerai sur la recevabilité de la
motion.
M. Ryan: D'abord, je suis surpris, parce que j'ai l'impression
qu'on revient un peu en arrière. J'avais l'impression qu'on avait
laissé de côté le débat sur la recevabilité,
qu'on s'était plus ou moins entendus plus tôt dans la discussion
pour éviter ce chemin inconnu contenant des embûches qu'on ne
soupçonne peut-être pas à ce moment-ci. J'avais cru
comprendre que le ministre avait dit tantôt: Je vais soumettre les
conclusions auxquelles j'en viens avec les membres du Parti
québécois qui font partie de la commission. Il était
convenu que je soumettrais la conclusion à laquelle j'en arrive à
ce moment-ci. Évidemment, après, je m'en vais de mon
côté. Je fais part de mes conclusions à mes
collègues et aux gens avec qui je travaille dans le comté
d'Argenteuil, ceux que cela regarde plus immédiatement. On continue
notre travail et, si le gouvernement veut nous convoquer après cela...
Je pense que tout ce qu'il y avait d'essentiel à dire, à ce
moment-là, a été dit. Si le gouvernement veut soumettre
l'affaire à un autre stade, il peut nous arriver avec un projet de loi
à l'Assemblée nationale à n'importe quel temps. Il peut
convoquer la commission de nouveau, mais j'ai l'impression qu'après tout
ce qu'on a fait, chacun devrait tirer ses conclusions essentielles ce soir. On
saurait qu'on a franchi une étape et qu'on n'est pas encore suspendu en
l'air en se disant... Et si le gouvernement veut nous convoquer, il peut nous
convoquer n'importe quand, mais, au
moins, on aura fini cette étape proprement.
On n'a pas créé de précédent dangereux
à ce moment-ci ou chargé d'implications qu'on ne peut pas
deviner. On a fait notre travail honnêtement et les gens savent ce que
chacun pense. Je pense que c'est ce qui est important. Il y a une grosse
différence entre cela et dire: On vous soumet une motion que vous allez
être appelés à discuter et à voter en bonne et due
forme. Cela va engendrer des débats considérables à bien
des échelons de responsabilité. Je ne sais pas dans quels termes
et dans quelles conditions nous nous retrouverons, tandis que nous avons les
matériaux pour conclure. La preuve, c'est que le ministre tire certaines
conclusions de son côté, mais pas comme commission comme telle.
C'est cela que... Il y a là un point sérieux.
C'est le point que je voulais souligner, M. le Président. Je
trouve que, si on vous évitait la charge de la responsabilité de
prendre une position sur la recevabilité à ce moment-ci et que
nous procédions tout de suite à la formulation des conclusions de
chacun, je pense qu'on aurait franchi cette étape de manière
honorable.
Le Président (M. Vallières): À ce moment-ci,
j'ai le goût de demander au ministre de l'Agriculture s'il maintient le
libellé de sa motion originale.
M. Garon: Oui. J'aimerais que vous vous prononciez sur la
recevabilité de la motion et, si elle n'est pas recevable, je n'ai pas
d'objection que cela devienne les voeux des gens du... Mais le point sur lequel
je suis d'accord avec le député d'Argenteuil, c'est que je ne
peux pas... Je sais qu'il vient d'avoir cela. D'ailleurs, on a ajourné
les travaux pour en terminer la rédaction. On ne pouvait pas le faire
avant parce qu'il fallait entendre tous les mémoires avant de se
prononcer de façon finale, si on veut. Faire des conclusions avant
d'entendre les mémoires, c'était impossible. On ne pouvait pas
faire cela en tant que commission.
Ma préférence, c'est d'avoir des recommandations unanimes
de la commission et on ne peut pas avoir des recommandations unanimes s'il n'y
a pas de motion. C'est pourquoi je l'ai présentée sous forme de
motion.
Maintenant, que des discussions amènent des changements dans ces
recommandations ou des amendements, etc., je pense que c'est possible
également. Je ne sais pas quelles sont les conclusions du
député d'Argenteuil, parce que nous n'avons pas eu
véritablement l'occasion d'en discuter ensemble. S'il en a
discuté avec d'autres députés qui en ont tenu compte, je
ne le sais pas.
Je comprends ces aspects, mais je pense que ce travail, au fond, a pour
but d'aider les gens qui sont sur le territoire de
Mirabel. Alors, il faut donner le plus de force possible au travail que
la commission a fait et je pense que la façon de lui donner le plus de
force possible, c'est qu'il y ait une motion qui soit, si possible,
adoptée unanimement. Mais je ne préjuge pas non plus
là-dessus de l'unanimité ou de la non-unanimité. C'est
pour cela que je pense, à ce moment-là, si la motion est
recevable, idéalement, ce serait peut-être - je ne sais pas quelle
est la disponibilité des gens, parce que, normalement, nos travaux vont
jusqu'à dix-huit heures le vendredi...
Le Président (M. Vallières): Oui.
M. Garon: Alors, normalement nous serons appelés à
ajourner nos travaux, et je n'ai pas d'objection à cela non plus
personnellement, mais si la motion n'est pas recevable, à ce
moment-là, ce seront les conclusions d'une partie des membres de la
commission. Mais l'idéal pour tout le monde... Je pense que cela donnera
plus de force quand on va négocier avec le gouvernement
fédéral. Vous savez, le poids des choses unanimes dans un
gouvernement, c'est très fort. Par exemple, quand on regarde le travail
qu'on fait actuellement concernant le rapport Gilson, je pense que le fait que
l'Opposition fasse partie de la coalition, cela donne un poids
considérable à la coalition. Je pense que tout cela aide à
l'intérêt du Québec. C'est pour cela que, quand on regarde
cette façon de faire, je ne dis pas que les conclusions sont parfaites,
mais il serait idéal que nos recommandations soient unanimes.
Le Président (M. Vallières): Merci. La commission
suspend ses travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 43)
(Reprise de la séance à 19 h 10)
Le Président (M. Vallières): La commission
parlementaire élue permanente de l'agriculture, des pêcheries et
de l'alimentation reprend ses travaux.
Je dois d'abord m'excuser du long délai. Je dois également
vous indiquer que c'est parce que, pour la première fois, à la
suite de l'audition d'un mémoire - je pourrais dire que Mirabel a
vraiment fait oeuvre de pionnier dans ce secteur - une motion de la nature de
celle que nous avons devant nous est présentée, qui vise à
ce que la commission recommande une série de propositions. Avant
même de rendre ma décision à ce sujet, je demanderais le
consentement de la commission pour que nous puissions continuer nos travaux,
puisqu'il est plus de 18 heures et il me faut
l'unanimité pour poursuivre. Je vous remercie.
Motion de recommandations jugée
recevable
Je dois vous dire qu'à la suite de consultations, il n'y a aucun
article du règlement qui puisse empêcher la présentation de
la motion que nous avons devant nous. Par ailleurs, si cela s'applique à
ma droite, cela s'applique également à ma gauche. En
conséquence, les deux formations politiques qui sont ici ont
parfaitement le droit, en vertu de notre règlement, de proposer des
motions comme celle que nous avons devant nous qui vise à recommander
que la commission prenne les dispositions requises. Alors, M. le ministre, je
veux, pour la clarté du débat, indiquer que, d'après le
texte que vous nous avez remis, vous mentionnez ce qui suit: "Après
avoir pris en considération des recommandations et suggestions qui ont
été soumises, la commission parlementaire recommande ce qui
suit..." et figurent les recommandations 1, 2, 3, 4 et 5.
Vous m'éviterez de le lire parce que c'est quand même assez
long et je ne voudrais pas reprendre tout ce que le ministre a lu. Je veux vous
indiquer que, à partir de ce moment-ci, en principe, tous les
parlementaires - puisque j'estime que la motion est recevable - autour de cette
table ont un droit de parole de vingt minutes portant sur la motion. Je
voudrais également vous dire qu'il y a eu certaines discussions avant
que je ne rende la décision et j'aimerais, avant de mettre la motion aux
voix, connaître deux points de vue: l'un à ma gauche et l'autre
à ma droite, face à cette décision que je viens de rendre
qui rend la motion débattable et acceptée en principe pour
être débattue. M. le député d'Iberville.
M. Beauséjour: Je voudrais simplement signaler que, sur
votre décision, il n'y a aucune discussion puisque la décision du
président n'est pas discutable.
Le Président (M. Vallières): Vous me permettrez
cependant de dire, compte tenu des échanges qui ont eu lieu avant la
discussion et comme vous l'avez si bien dit, la commission est maîtresse
de ses travaux. J'aimerais quand même entendre de part et d'autre la
réaction des gens parce que j'ai cru comprendre, dans les deux
interventions de part et d'autre, que ce qu'on voulait, c'est rechercher le
maximum de retombées de cette commission à l'endroit des gens de
Mirabel. Je pense que là-dessus, on pourrait entendre le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Une question d'explication.
Vous venez de rendre une décision qui a une grande portée.
D'abord, est-ce que vous comptez l'expliquer par écrit ou si vous nous
faites simplement part d'une décision en quelques mots comme cela?
Deuxièmement, dans l'hypothèse où la décision
serait valide - je pense bien que nous avons toutes les raisons de croire
qu'elle l'est jusqu'à nouvel ordre - est-ce qu'une motion de cette
nature est sujette à amendements et à sous-amendements comme
celles que nous avons à l'Assemblée nationale?
Le Président (M. Vallières): Oui.
Premièrement - je prends cela comme étant une suggestion - je
pense qu'il serait excellent qu'on puisse l'avoir et je me ferai un devoir
d'envoyer aux deux côtés de la Chambre une décision
écrite face à ce qui vient de se produire. Pour ce qui est de la
motion, elle est évidemment débattable et, par conséquent,
elle est amendable comme toutes les motions qui sont présentées
en commission parlementaire. Alors, à moins qu'il y ait des
interventions sur la motion, je vais la mettre aux voix. M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. (19 h 15)
M. Garon: Nous avons eu l'occasion de consulter, à la
suite de votre rencontre avec les gens du bureau du président en vue
d'étudier les aspects juridiques de cette motion. Comme le
député d'Argenteuil a pris connaissance de la motion au moment
où je l'ai présentée et qu'il n'y a pas eu d'avis
antérieur concernant les conclusions auxquelles nous en arrivions en
discussion, un peu comme un caucus des députés du Parti
québécois faisant partie de la commission parlementaire de
l'agriculture réunie aux fins de discuter les mémoires
présentés sur Mirabel par les gens qui sont venus devant nous, je
pense qu'il serait correct que nous ajournions nos travaux sine die pour donner
aux députés de l'Opposition le temps de se faire une opinion sur
les conclusions. Possiblement qu'ils auront eux-mêmes des propositions
à faire ou des amendements à suggérer, ou encore de
discussions à entamer concernant chacun des points qui sont dans les
recommandations auxquelles nous en sommes arrivés.
Quant au fonctionnement de cette commission parlementaire, il est vrai
que c'est un sujet un peu particulier sur lequel les juridictions sont
partagées. Des tierces parties sont impliquées et on ne pouvait
pas en arriver, à mon avis, à un fonctionnement habituel. C'est
peut-être pour cela qu'on arrive à faire peut-être
jurisprudence aujourd'hui. Si l'Opposition le souhaite - je ne voudrais pas
avoir l'air de les engager aussi dans cette voie personnellement - si c'est le
souhait de l'Opposition, je peux dire que, de notre côté, nous
n'aurons pas
d'objection à ce que la commission parlementaire soit
ajournée. Si l'Opposition préfère continuer
immédiatement, nous sommes prêts à le faire. Par ailleurs,
je comprends le député d'Argenteuil et je lui dis à
l'avance que, s'il souhaite un ajournement de la commission, de notre
côté, nous n'aurons pas d'objection.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Tout d'abord, je voudrais vous féliciter, M. le
Président, de la décision que vous venez de rendre. J'entendais
nos concitoyens tantôt s'inquiéter de ce que vous soyez
passé de ce côté-ci, au centre de la place, en ayant l'air
de craindre que la décision serait moins bonne. Encore une fois, c'est
toujours dangereux de voir un gars de son camp dans ces fonctions. Je vous
félicite d'avoir agi avec célérité, avec sagesse et
bon jugement, en faisant toutes les consultations qui étaient
nécessaires et en rendant une décision devant laquelle nous nous
inclinons volontiers. On aura le temps d'en voir les implications, d'ailleurs,
si un certain délai est donné. Je pense que cela ne sera pas
mauvais non plus parce que c'est l'institution parlementaire qui est
concernée. Là-dessus, il n'y a pas de problème.
Quant aux propos que vient de tenir le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, je pense qu'ils sont en conformité
avec ce qui avait été dit antérieurement. Si nous allions
procéder à fond de train, tout de suite, cela voudrait dire que
tout ce que nous avons discuté depuis trois heures aurait
été peine perdue. On a essayé de trouver un mode de
fonctionnement qui répondrait aux exigences d'une méthode de
travail consciencieuse et rigoureuse même.
À ce stade-ci, on a un projet qui est déposé sur
notre table par le ministre qui représente le gouvernement à
cette commission. On va l'étudier consciencieusement et, lorsque nous
serons convoqués de nouveau pour reprendre le travail, nous pourrons
mener tout cela à terme dans des conditions infiniment meilleures. Je
peux annoncer tout de suite que nous aurons, de notre côté, un
certain nombre de propositions à faire qui pourront prendre la forme
d'amendements à ceci ou d'autres formes que nous pourrons examiner d'ici
ce temps-là. Cela me permettra de consulter mes collègues; M. le
député de Beauce-Sud, en particulier. Il n'est pas ici à
ce moment-ci pour des raisons qu'il vous a exposées à la fin de
la matinée. Le député de Richmond sera peut-être
dans une situation plus objective et plus solide pour nous quand on aura
ajourné cette fois-ci. Je pense que cela va nous permettre de retrouver
nos forces ensemble. Il y a des discussions que nous voulons avoir de notre
côté.
Si vous me permettez d'ajouter ceci, je pense que c'est un cheminement
qui est peut-être plus conforme à la nature et à la logique
de l'institution parlementaire. C'est facile quand on est de l'autre
côté de la table de souhaiter l'unanimité. Très
bien. On l'a tous souhaitée à certains moments et on a tous
déploré au Québec, dans certains grands moments, que
l'esprit de parti prenne le dessus sur l'esprit de patriotisme ou de civisme au
sens le plus large du terme. D'autre part, nous ne devons pas oublier que le
système parlementaire dans lequel nous fonctionnons est un
système qui repose sur l'opposition des partis. C'est un système
assez rigide au sujet duquel j'ai bien des réserves, pour être
franc avec vous, parce qu'il oblige chacun à aller au bout d'une
logique, soit ministérielle, soit d'opposition, qui est rarement
conforme à la logique du bon sens tout court. Il faut que, d'un
côté, on fasse valoir toutes les objections, même jusqu'au
point où, parfois, c'est un peu ridicule. Il faut que, de l'autre
côté, on soit solidaire aussi des décisions
gouvernementales, même au point où cela peut paraître un peu
ridicule parfois. On se dit que les excès que cela exige favorisent un
tamisage des points de vue qui permet d'arriver à de meilleures
conclusions, en fin de compte. Ce n'est pas nécessairement parce que les
gens sont butés. C'est la logique du système. Par
conséquent, avant d'y faire des exceptions, il faut y penser comme il
faut. Parfois, ces exceptions sont nécessaires. Il arrive souvent, dans
la durée d'une session, que les députés des deux partis se
retrouvent par-delà les frontières partisanes. C'est très
heureux que cela puisse arriver aussi. Quand arrivent des questions de fond,
c'est plus difficile, parce que chacun est là pour défendre une
certaine conception qui est censée être différente de celle
de l'autre.
Encore une fois, c'est la logique du système parlementaire. Tant
que nous sommes dans ce système, le rôle de chacun, s'il est au
gouvernement ou dans l'Opposition, est d'accomplir la fonction qui est attendue
de lui et de ne pas aller chercher d'abord des applaudissements ou des appuis
faciles et superficiels. Mais ensemble, en procédant comme on le fait,
je pense qu'on va arriver à un stade où chacun donnera sa pleine
mesure. Cela va permettre de garder l'affaire dans l'air pendant encore un
certain temps. C'est le gouvernement qui nous fera des propositions quant
à la date de la prochaine réunion et je serai très
heureux...
J'aurais voulu, ce soir, tirer des conclusions ou résumer mes
observations, mais étant donné la tournure que le débat a
prise à la suite de la décision qui a été
rendue, je crois qu'il serait superflu de le faire tout de suite. Je
pense qu'on est mieux de réserver cela pour un certain temps encore.
Cela va permettre que cela mûrisse de chaque côté et ce sera
peut-être plus solide.
J'émets le voeu, puisqu'on me l'a demandé tantôt,
que pour des raisons de méthode, de sérieux et
d'approfondissement, un certain temps nous soit donné pour approfondir
ceci et pour en discuter à fond à une réunion
ultérieure de la commission.
M. Gagnon: M. le Président...
M. Beauséjour: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Vallières): Oui. M. le
député de...
M. Beauséjour: Iberville.
Le Président (M. Vallières): ...d'Iberville, s'il
vous plaît, oui.
M. Beauséjour: C'est pour notre bonne
compréhension. Si on ajourne à ce moment-là, sur quoi va
porter la motion du ministre, puisque quand le ministre a commencé
à lire sa motion, à la suite de certaines de vas remarques, il en
a modifié certains mots? J'aimerais savoir, pour notre bonne
compréhension, si le ministre - et si vous êtes d'accord -
considère que c'est le texte qui nous a été donné
qui est la motion sur laquelle porte la discussion.
Le Président (M. Vallières): Si le ministre
était d'accord pour enlever toute ambiguïté, on pourrait
peut-être déposer le document qu'il a préparé et
qui...
M. Gagnon: Je m'excuse, mais sur la même question de
règlement, compte tenu qu'il n'y a pas de dépôt en
commission parlementaire...
Le Président (M. Vallières): Oui.
M. Gagnon: ...pour la clarté du journal des Débats,
je pense que ce n'est pas tellement long de la relire. Si vous me laissez la
parole encore 30 secondes, je voudrais d'abord vous féliciter, M. le
Président, pour la décision que vous avez prise. Nous nous
sentons prêts à voter immédiatement, mais le ministre a dit
au député d'Argenteuil que nous étions aussi prêts
à attendre que l'Opposition puisse en discuter et qu'on puisse
revenir.
Par contre, ce que je voudrais, si on suspend les travaux de cette
commission, c'est qu'on se fixe au moins une date pour que cela n'aille pas
trop tard. On peut prendre le temps d'y penser, mais il faudrait
peut-être que la commission siège à nouveau le plus
rapidement possible.
M. Garon: Je pense bien que ce serait assez difficile de fixer
une date...
Le Président (M. Vallières): M. le ministre de
l'Agriculture.
M. Gagnon: Oui.
M. Garon: ...ici même ce soir. Je sais que,
personnellement, j'ai dans ma poche un agenda qui va jusqu'aux 11 et 12
février.
Le Président (M. Vallières): Je veux
immédiatement interrompre M. le ministre sur un point de
règlement. La commission ne peut pas déterminer la date. En vertu
de notre règlement ce sont les deux leaders qui devraient s'entendre
pour convoquer la commission à nouveau. Je pense qu'on peut faire
confiance aux deux leaders...
M. Gagnon: Nous pouvons cependant exprimer le voeu qu'on ne tarde
pas trop à compléter le travail de cette commission.
Le Président (M. Vallières): D'accord. À ce
moment-ci, j'aurais le goût de demander au ministre de nous relire sa
motion, afin que le texte intégral en soit bien inscrit au journal des
Débats. J'aurai ensuite quelques commentaires à formuler avant
l'ajournement. M. le ministre de l'Agriculture.
M. Garon: Je relis donc la motion. "Après avoir pris en
considération les recommandations et les suggestions qui ont
été soumises, au nom des députés du Parti
québécois et en mon nom personnel, je fais motion - on a
travaillé cela ensemble et je ne voudrais pas m'attribuer le
mérite des autres aussi - pour que la commission parlementaire
recommande ce qui suit: "1. le gouvernement fédéral a
exproprié un territoire démesurément vaste et doit se
départir dans les plus brefs délais d'au moins 80 000 acres. De
plus, la commission parlementaire recommande la formation d'un comité
technique chargé d'étudier le mode de tenure le plus favorable
à l'utilisation agricole des 12 000 acres actuellement
inutilisées dans la zone dite opérationnelle. Ce mode de tenure
doit s'articuler autour de la rétrocession ou de la location par baux
à long terme ou par baux emphytéotiques; "2. la commission
parlementaire recommande de plus au gouvernement fédéral la
rétrocession immédiate de toutes les terres actuellement
occupées par des expropriés ou par leurs enfants, selon les
modalités de prix énoncées par le CIAC ou selon toute
autre formule de prix jugée plus avantageuse. Pour les autres terres,
occupées
par des gens qui n'ont pas subi l'expropriation, la commission
parlementaire recommande que la situation de chacun soit analysée par le
comité neutre ci-après décrit, avant d'autoriser la
rétrocession ou la revente, selon que l'équité le
commandera; "3. la commission parlementaire recommande la formation d'un
comité de fonctionnaires des deux gouvernements, afin d'analyser le
cadre réglementaire ou contractuel régissant les contraintes
reliées à l'aéronautique ainsi que le financement des
transactions portant sur les exploitations agricoles. De plus, la commission
parlementaire recommande que ce comité soit élargi par la
présence de représentants du milieu, afin d'examiner, dans un
esprit d'équité, les autres modalités de disposition des
terres expropriées en trop de Mirabel, notamment, à qui les
vendre, deuxièmement, la dimension des futures exploitations agricoles,
troisièmement, les autres éléments de fixation des prix;
(19 h 30) 4. La commission parlementaire recommande qu'il y ait un programme de
relance de l'agriculture sur les terres dont la tenure aura été
normalisée. Ce plan sera discuté avec les autorités
concernées du gouvernement fédéral et pourra
prévoir des modalités plus avantageuses pour les
expropriés et leurs enfants. 5. La commission parlementaire recommande
au gouvernement du Québec de fournir un support financier et technique
au CIAC (Centre d'information et d'animation communautaire) afin de lui
permettre de contester l'expropriation des terres acquises en trop de Mirabel.
D'ici la fin de cette démarche juridique, si la voie de la
négociation offre des résultats valables, les procédures
pourront être suspendues à la demande des
intéressés."
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le ministre.
Je voudrais remercier tous les participants à la commission de
même que les gens qui m'ont aidé à prendre une
décision importante qui fera jurisprudence. Je dois vous dire que,
même si vous avez attendu, vous savez, c'est quelquefois le prix pour que
la démocratie s'exerce à plein, comme on dit, et je pense que
cela en valait le coût. À moins que quelqu'un n'ait autre chose
à ajouter, j'ajournerai les travaux de cette commission. Le
député d'Argenteuil me fait signe qu'il aurait quelques mots
à ajouter.
M. Ryan: Oui. Je voudrais simplement saluer les citoyens du
comté d'Argenteuil qui sont ici depuis un bon bout de temps et qui ont
suivi les travaux de la commission avec une grande fidélité. Je
veux les assurer que le travail continue, qu'on a fait une étape qui a
été laborieuse à bien des points de vue, qui a
été faite dans un esprit de recherche honnête et que cet
esprit de recherche ne doit jamais nous quitter, si on veut aboutir à
des résultats solides. Je pense qu'on a posé des jalons, il y en
a d'autres qui viendront; j'espère qu'on se retrouvera ensemble,
jusqu'à la fin du processus, dans un esprit de collaboration.
Le Président (M. Vallières): La commission ajourne
ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 19 h 33)