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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 3 mai 1984 - Vol. 27 N° 12

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur un partage des responsabilités entre les centres de services sociaux (CSS) et les centres locaux de services communautaires (CLSC)


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des affaires sociales se réunit, selon les dispositions du nouveau règlement, à l'article 161, pour une consultation permettant d'inviter des organismes - et, dans le cas précis, ces organismes sont invités - sur le cadre de référence proposant un partage des responsabilités entre les centres de services sociaux et les centres locaux de services communautaires.

Sont membres de cette commission: Mme Bélanger (Mégantic-Compton), MM. Bissonnet (Jeanne-Mance), Blouin (Rousseau), Bordeleau (Abitibi), Boucher (Rivière-du-Loup), Gravel (Limoilou), Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Leduc (Fabre), Martel (Richelieu), Middlemiss (Pontiac), Paradis (Brome-Missisquoi), Paré (Shefford), Rochefort (Gouin), Sirros (Laurier). Nous avons comme invité le député de Bourget, ministre des Affaires sociales, qui a accepté notre invitation de participer aux audiences. Y a-t-il d'autres modifications, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, comme remplaçant de M. Champagne (Saint-Jacques) nous avons M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) et M. Martel (Richelieu) est remplacé par M. Beaumier (Nicolet).

Objet de la consultation Mme Thérèse Lavoie-Roux

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais rappeler aux membres de la commission que le premier groupe qui sera entendu aura deux heures pour la présentation et les échanges. Chaque membre de la commission aura un droit de parole de dix minutes, c'est-à-dire qu'il pourra intervenir aussi souvent qu'il le désire, mais son temps sera limité à dix minutes. Le temps sera réparti également entre le côté ministériel et le côté de l'Opposition.

Je voudrais prendre juste quelques secondes pour resituer un peu l'objet de cette consultation particulière que la commission des affaires sociales a décidé de tenir. En juillet 1982, le ministère des Affaires sociales donnait un mandat aux conseils régionaux de la santé et des services sociaux de faire des recommandations concernant le transfert des effectifs des départements de santé communautaire et des centres de services sociaux vers les centres locaux de services communautaires en vue du parachèvement du réseau des centres locaux de services communautaires.

Par la suite, les conseils régionaux de la santé et des services sociaux demandaient au ministère des Affaires sociales de clarifier ou d'établir certains critères selon lesquels cette distribution de responsabilités pourrait être effectuée. Le rapport qui fut finalement produit est maintenant connu comme le cadre de référence qui fut rendu public en décembre 1983 et qui, à ce moment, souleva passablement d'inquiétudes et de questions de la part des différents groupes touchés. C'est au moment de l'étude des crédits que nous avons pensé que, pour faire avancer ce débat qui, quand même, peut et, je pense, immobilise jusqu'à un certain point les énergies qui normalement devraient être consacrées à rendre les meilleurs services possible aux bénéficiaires, peut-être une consultation comme celle-ci permettrait de faire avancer ce dossier.

L'esprit dans lequel cette initiative a été prise est le suivant et je tiens à rappeler au point de départ que la commission des affaires sociales ne veut pas ici être un arbitre entre des structures administratives. Elle vise vraiment à assurer que ce débat permettra, quant aux décisions qui seront finalement prises, en présence des transferts qui pourront être faits ou qui seront faits, qu'on se soit bien assuré d'abord qu'au moins une efficacité aussi grande de services soit assurée mais - et c'est encore plus important - qu'on soit également très certain qu'il n'y aura pas de diminution de la qualité des services aux bénéficiaires. C'est strictement sous l'angle de la qualité des services qu'on a la responsabilité d'assurer aux bénéficiaires dans les différents établissements que, je pense, nous voulons examiner aujourd'hui ce problème. Évidemment, on ne peut pas faire abstraction des structures administratives, mais nous ne voulons surtout pas nous en tenir uniquement et surtout à un débat de structures entre organismes.

Auditions

Ceci étant dit, j'inviterais le premier groupe qui a été convoqué, la Conférence

des conseils régionaux de la santé et des services sociaux du Québec, à bien vouloir se présenter à la table.

Je voudrais simplement vous rappeler, messieurs, qu'on vous alloue vingt minutes pour la présentation de votre mémoire, le reste du temps étant partagé à parts égales entre les deux formations politiques. Si vous voulez bien nous donner votre nom.

Conférence des conseils régionaux

de la santé et des services sociaux du Québec (CCRSSSQ)

M. Bélanger (André-Û.): Merci, Mme la Présidente. Mon nom est André-J. Bélanger, président de la Conférence des conseils régionaux de la santé et des services sociaux du Québec (CCRSSSQ). Je suis accompagné de M. Jean-Bernard Guindon qui est le coordonnateur de la conférence. M. Michel Léger viendra probablement se joindre à nous; il n'est pas encore arrivé.

Étant donné que le temps qui nous est accordé n'est pas trop long, je vais immédiatement vous faire lecture de notre mémoire.

Dans les commentaires que la Conférence des conseils régionaux de la santé et des services sociaux du Québec (CCRSSSQ) transmettait au ministère des Affaires sociales en décembre dernier, nous indiquions qu'il fallait les situer dans le contexte de la circulaire numéro 1982-076 en date de juillet 1982 dans laquelle le ministère des Affaires sociales donnait le mandat aux conseils régionaux de la santé et des services sociaux de faire des recommandations concernant le transfert des effectifs des départements de santé communautaire et des centres de services sociaux vers les centres locaux de services communautaires, en vue du parachèvement du réseau des centres locaux de services communautaires.

Nos commentaires, aujourd'hui, doivent être situés dans le contexte où il est impérieux qu'une décision ministérielle soit prise si l'on veut éviter que le climat continue de se détériorer et que les services à la population subissent les contrecoups d'une lutte de structure et d'institutions.

Nous avons demandé au ministère des Affaires sociales à l'automne 1982 de fixer un cadre de référence quant aux activités et aux responsabilités devant être transférées des centres de services sociaux vers les centres locaux de services communautaires afin, notamment, d'éviter que de telles luttes prennent place et se poursuivent dans chaque région du Québec au détriment des services à la population.

Le partage des responsabilités et des activités entre les centres de services sociaux et les centres locaux de services communautaires fait l'objet de discussions et d'échanges depuis plusieurs mois et même quelques années dans certaines régions, sans pour autant que des progrès significatifs, sauf exception, soient réalisés. Trop d'énergie et de temps ont déjà été perdus dans des discussions stériles pour croire que des solutions ou des aménagements régionaux puissent être réalisés sans des orientations précises du ministère des Affaires sociales.

Le cadre relatif au partage des responsabilités CSS-CLSC en matière de services sociaux mis de l'avant par le ministère des Affaires sociales a au moins le mérite de proposer des avenues claires, à défaut de susciter l'unanimité. Nous le commenterons donc dans la perspective d'une décision ministérielle prochaine à son sujet et d'une contribution majeure et essentielle des conseils régionaux de la santé et des services sociaux à sa réalisation.

En guise de commentaires généraux: Issus de la volonté de décentralisation du législateur, les conseils régionaux de la santé et des services sociaux partagent entièrement le principe de rapprocher la prise de décision, concernant les services sociaux, de la population locale, en confiant plus de responsabilités aux centres locaux de services communautaires. De plus, il est évident pour les conseils régionaux que les populations locales doivent être impliquées le plus possible dans la prise en charge de leurs problèmes sociosanitaires.

Nous sommes aussi très conscients que l'état providence a beaucoup de limites, que l'approche institutionnelle des problèmes sociaux nous conduit à un cul-de-sac financier et qu'il est fondamental de supporter, par des pratiques sociales adaptées, les réseaux d'entraide et de groupes volontaires.

La Conférence des conseils régionaux de la santé et des services sociaux du Québec se réjouit donc de la décision du ministère des Affaires sociales de compléter l'implantation des centres locaux de services communautaires au Québec dans l'esprit des rôles et fonctions que leur accordait la commission Castonguay-Nepveu. Bien que cette décision soit un élément important justifiant la nécessité de partager les responsabilités entre les centres de services sociaux et les centres locaux de services communautaires, nous tenons à rappeler que les transferts d'effectifs envisagés ne parviendront que partiellement à compléter le réseau de centres locaux de services communautaires. Ce qui est recherché avant tout, c'est la cohérence dans la dispensation des services sociaux et une présence essentielle et nécessaire des services sociaux dans les centres locaux de services communautaires, dans le cadre d'une approche globale et intégrée des problèmes sociosanitaires. Des montants d'argent nouveaux devront forcément être injectés

dans le développement des services sociaux, si l'on veut atteindre les deux objectifs de partager les responsabilités et de parachever le réseau des centres locaux de services communautaires, tout en maintenant des centres de services sociaux cohérents.

Tel que nous le mentionnions en décembre dernier, la conférence affiche un consensus général sur le contenu des chapitres I et II portant sur le contexte, les objectifs et la définition nouvelle des rôles.

En raison, toutefois, des difficultés d'application des notions de milieu naturel et de milieu substitut qui risquent d'avoir des impacts négatifs pour les bénéficiaires, nous proposons plutôt d'utiliser les critères et principes suivants pour départager les responsabilités des centres de services sociaux et des centres locaux de services communautaires: premièrement, un réseau de services sociaux complémentaires; deuxièmement, une plus grande continuité de l'intervention sociale à l'intérieur du même établissement; troisièmement, une unité d'intervention, c'est-à-dire que le plus souvent possible le service soit rendu au bénéficiaire et à sa famille, soit par le centre local des services communautaires, soit par le centre de services sociaux, mais non pas les deux à la fois; enfin, certaines possibilités d'adaptation régionale.

Quant au cadre lui-même, nos commentaires sont les suivants. D'abord, sur les services sociaux à l'enfance, à la jeunesse et à la famille, d'une manière générale la conférence adhère à l'orientation de fond du cadre de référence voulant que toute personne désireuse d'obtenir des services psychosociaux s'adresse en premier lieu au centre local de services communautaires le plus proche de son domicile. Par contre, s'il advient qu'un jeune soit dans une situation nécessitant l'intervention du Directeur de la protection de la jeunesse, nous sommes d'avis que, dans cette situation, l'ensemble des services susceptibles d'être dispensés à ce jeune ou à sa famille le soit par le centre de services sociaux de sa région.

Ainsi, nous divergeons d'opinion avec le cadre de référence s'appuyant sur le départage des fonctions, en fonction des milieux de vie naturel ou substitut. À cet égard, nous croyons que, pour respecter des principes de continuité et d'unicité d'intervention, le placement d'un jeune dont la famille reçoit des services du centre local de services communautaires devrait être suivi par ce dernier.

Par contre, lorsqu'un jeune reçoit des services en rapport avec la Loi sur la protection de la jeunesse ou celle des jeunes contrevenants, le centre de services sociaux lui offre ainsi qu'à sa famille des services requis par le jeune, qu'il soit maintenu dans son milieu naturel ou que son état nécessite le recours à un milieu substitut. Nous sommes conscients que la situation d'un jeune puisse évoluer durant la prise en charge par l'un ou l'autre des établissements. Nous considérons cependant souhaitable qu'en vertu du principe de continuité de l'intervention le centre de services sociaux poursuive son intervention jusqu'à terme, même si la situation du jeune ne nécessite plus de mesures de protection.

En contrepartie, lorsqu'un jeune et sa famille sont suivis par le centre local de services communautaires, le Directeur de la protection de la jeunesse, sur la base des mêmes principes, devrait envisager la pertinence ou la possibilité de déléguer au centre local de services communautaires la prise en charge d'un jeune lorsque ce dernier requiert des services en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse ou de celle des jeunes contrevenants. Ainsi, c'est en fonction de ce départage des rôles et fonctions que chaque conseil régional, après analyse des données de clientèles, devra quantifier les effectifs devant être transférés du centre de services sociaux vers les centres locaux de services communautaires de la région.

De plus, les centres de services sociaux devront conserver les effectifs nécessaires pour s'acquitter de leurs responsabilités quant au recrutement, à l'évaluation, à la formation et au suivi des familles d'accueil et autres ressources alternatives au placement institutionnel des enfants.

Comité de placement en famille d'accueil. Coordination des admissions en centre d'accueil pour enfants. La conférence reconnaît la volonté ministérielle d'introduire une plus grande rigueur dans la coordination des admissions en confiant au conseil régional de la santé et des services sociaux la responsabilité de la formation des comités d'admission en centre d'accueil et au centre de services sociaux le placement en famille d'accueil.

En vue d'éviter qu'un jeune puisse être référé d'une instance à une autre et afin de favoriser une prise en charge rapide par le réseau, nous sommes d'avis qu'il sera préférable, tant au niveau des règlements à venir sous peu que dans le présent cadre de référence, d'introduire la notion d'un système intégré d'admission unique ouvrant sur une gamme de services en milieu substitut (qu'il s'agisse de famille d'accueil, de centre d'accueil ou de toute autre ressource alternative à l'institutionnalisation). Ce système intégré d'admission devra être sous la responsabilité ultime du conseil régional de la santé et des services sociaux. Les modalités de fonctionnement et de composition devront être déterminées dans chaque région selon des spécificités propres à chacune.

Services sociaux à la Cour supérieure. La conférence partage l'orientation du

ministère, à savoir que l'ensemble des activités à caractère sociojuridique soit maintenu au centre de services sociaux.

Services sociaux aux adultes et aux personnes âgées. Ici encore, la conférence souscrit à l'orientation de fond du document privilégiant l'accessibilité à une gamme de services de santé, sociaux et communautaires dispensés par le centre local des services communautaires aux adultes et aux personnes âgées.

Nous croyons cependant inappropriée la rupture de la continuité de services dans l'éventualité où un adulte ou une personne âgée, après épuisement des services visant le maintien à domicile, requiert un placement en milieu substitut (famille d'accueil ou autre ressource alternative).

Nous estimons de plus que ce type de ressource doit être conçu comme s'approchant le plus possible du milieu de vie naturel dans une perspective de non-institutionnalisation, voire de normalisation. Ainsi, nous croyons que les centres locaux de services communautaires devront être responsables de l'évaluation et de la prise en charge en milieu naturel ou en milieu substitut des adultes et des personnes âgées tant que ces derniers ne nécessitent pas un placement en centre d'accueil ou en centre hospitalier de soins de longue durée.

Le centre de services sociaux, quant à lui, devra se voir confier la responsabilité de fournir une gamme variée de ressources légères d'hébergement et, autant que faire se peut, dans la communauté de ses bénéficiaires. Ces orientations devront, selon nous, être également retenues pour les personnes handicapées et ce, en vertu des principes de normalisation et de non-marginalisation de ces bénéficiaires. Cependant, nous envisageons que l'application concrète de ces orientations puisse devenir difficile à opérationnaliser dans certaines régions en fonction du faible volume des activités dans ces champs d'action. Il appartiendra alors au conseil régional de formuler au ministère toute autre recommandation plus appropriée régionale-ment. (10 h 30)

Concernant la coordination des admissions en centre d'accueil d'hébergement ou en centre hospitalier de soins de longue durée, nous croyons que la nouvelle réglementation apportera une réponse pertinente aux besoins régionaux. La même notion de système intégré d'admission unique ouvrant sur une gamme de services en milieu substitut devra aussi s'appliquer pour les clientèles adultes et âgées.

Services de consultation conjugale. La conférence souscrit au transfert de ces responsabilités des centres de services sociaux vers les centres locaux de services communautaires.

Nous attirons cependant l'attention sur deux éléments: a) il pourrait être inapproprié sans une étude préalable menée sous l'égide des conseils régionaux de transférer globalement tous les effectifs reliés à ce centre d'activité, car les professionnels offrant des services de consultation conjugale reliés à des problématiques de protection de la jeunesse devraient rester au sein des centres de services sociaux; b) il est à prévoir que, dans de nombreuses situations, il y ait transfert de responsabilités vers les centres locaux de services communautaires sans toutefois fournir à ces derniers des effectifs pour rendre ces services.

Services sociaux aux immigrants et aux itinérants, services sociaux aux autochtones et services d'urgences sociales. Tout en acceptant globalement les orientations proposées par le ministère pour chacune de ces catégories de services, la conférence estime qu'il serait préférable que chaque conseil régional recommande au ministère un modèle de distribution de ces services en fonction de particularités régionales et de l'organisation actuelle de ces services.

Services sociaux en milieu scolaire. La conférence reconnaît un certain nombre d'inconvénients que risque d'engendrer le transfert des responsabilités et des effectifs des centres de services sociaux vers les centres locaux de services communautaires, dont: la non-concordance de certains territoires de commission scolaire et de centres locaux de services communautaires; le risque de dilution de l'expertise de ces professionnels; la difficulté accrue de prise en charge de certains cas de protection de la jeunesse. Sans minimiser ces inconvénients, la conférence partage l'orientation ministérielle de transférer les responsabilités et effectifs sociaux en milieu scolaire vers les centres locaux de services communautaires et notre position est fondée sur les motifs suivants: la reconnaissance que l'école est un lieu privilégié d'intervention sociale, préventif et communautaire tant auprès des jeunes, de leur famille et de leurs professeurs, ce qui converge avec les responsabilités reconnues aux centres locaux de services communautaires; la reconnaissance de la pertinence de l'approche globale des problèmes sociaux et de santé auprès des enfants en milieu scolaire et, enfin, la meilleure assurance de la continuité des services sociosanitaires en milieu scolaire dispensés par un même établissement.

Les services sociaux en milieu hospitalier. La conférence partage la position du ministère de ne pas remettre en question, à ce moment-ci, l'orientation par laquelle les services sociaux dispensés en milieu hospitalier sont rattachés professionnellement et administrativement aux centres de services sociaux.

Advenant le cas où cette orientation

était révisée, elle devrait l'être globalement pour l'ensemble des services sociaux en milieu institutionnel, tels que centre d'accueil de réadaptation, centre d'accueil d'hébergement, centre hospitalier, après une analyse des clientèles et des ressources en cause.

Advenant plus spécifiquement que le ministère envisageait une nouvelle répartition des services sociaux hospitaliers, les trois catégories d'établissements, centre de services sociaux, centre local de services communautaires et centre hospitalier, devraient être considérées dans l'analyse des besoins et des ressources. De plus, dans cette éventualité, des conditions devraient être prévues pour assurer le maintien des budgets et la coordination régionale des programmes et des ressources affectés aux services sociaux hospitaliers.

Services de développement communautaire. Services d'aide à domicile. Services d'identification et de référence. La conférence reconnaît dans ces champs d'activité une responsabilité non équivoque des centres locaux de services communautaires. Par ailleurs, pour les services d'identification et de référence, nous comprenons qu'il appartiendra à chaque conseil régional de déterminer les effectifs qui devront rester au centre de services sociaux afin que ce dernier puisse réaliser sa propre mission.

Commentaires à propos du développement des ressources alternatives. Il existe un consensus au sein des intervenants du réseau des affaires sociales - et les orientations du ministère des Affaires sociales en témoignent également - dans le sens qu'il faut diminuer l'institutionnalisation des personnes en perte d'autonomie et favoriser leur maintien en milieu naturel en mettant sur pied diverses ressources dites alternatives à l'institution.

Bien que le cadre de partage soit plutôt muet à ce sujet, la conférence croit que les centres de services sociaux pourraient jouer, en collaboration avec les conseils régionaux, un rôle de premier plan dans la conception, le développement, l'accréditation, la formation et le suivi de telles ressources. Les régions ont besoin de ces ressources et les plans de services qui seront acheminés dans le système intégré d'admission en feront ressortir le besoin de façon aiguë.

Nous excluons toutefois de cette catégorie les foyers de groupe rattachés aux centres d'accueil de réadaptation, de même que les pavillons reliés aux centres d'accueil d'hébergement.

Quelques commentaires à propos de la programmation sociale. Il est inquiétant de constater au Québec le retard et le peu d'efforts consacrés jusqu'à maintenant à la recherche sociale et à l'élaboration de programmes-cadres d'interventions sociales et communautaires. Comparativement au secteur de la santé communautaire où 32 équipes de base exercent principalement ces fonctions, le secteur des services sociaux fait office de parent pauvre.

La conférence croit essentiel qu'un rattrapage rapide soit réalisé pour le secteur des services sociaux, si l'on veut une évolution positive des modes d'interventions sociales et le développement de pratiques sociales préventives. Nous croyons que les centres de services sociaux doivent jouer un rôle primordial à cet égard. Ce rôle du centre de services sociaux devra s'actualiser de concert avec les conseils régionaux et les départements de santé communautaire et en collaboration avec les centres locaux de services communautaires. Nous proposons en conséquence que des sommes d'argent soient dégagées à cette fin, soit à l'intérieur du processus de transfert, soit par la réallocation "santé-social" ou autrement, afin de réaliser cet objectif.

Rôles et fonctions des centres de services sociaux. De la même façon que le ministère définit clairement les rôles et fonctions des centres locaux de services communautaires, nous recommandons qu'il définisse également les rôles et fonctions de centres de services sociaux. Les questions suivantes devraient notamment être considérées: Les responsabilités relatives à l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse, à celle des jeunes contrevenants et à celle de l'adoption; le développement, l'encadrement, la formation et l'évaluation de ressources légères d'hébergement alternatives à l'institutionnalisation; les services sociaux en milieu institutionnel; la clarification du rôle spécifique des centres de services sociaux en matière de santé mentale; la reconnaissance des reponsabilités du centre de services sociaux en matière de recherche, de développement et de programmation des services sociaux.

Conclusion: La Conférence des conseils régionaux de la santé et des services sociaux du Québec désire souligner au ministère des Affaires sociales la nécessité que des échéanciers de réalisation puissent varier d'une région à l'autre, compte tenu des situations différentes qui existent actuellement, notamment quant au réseau des centres locaux de services communautaires plus ou moins complet d'une région à l'autre. D'autres types de différences peuvent aussi contribuer à rendre l'échéancier plus ou moins long: la situation de régions où il existe plus d'un centre de services sociaux en est un exemple, le cas des régions éloignées en est un autre.

La conférence soutient donc qu'il serait opportun de demander aux conseils régionaux, dans un délai de trois mois suivant l'émission officielle du cadre de référence, de produire

son plan général de transfert des effectifs CSS-CLSC en tenant compte des différentes variables de sa région et en exposant notamment son échéancier. Dans ce contexte, il est prévisible que les régions complètement dotées en centres locaux de services communautaires puissent avoir des échéanciers beaucoup plus courts que les régions qui ne le sont pas. L'expérience de transfert de certaines régions pourrait ainsi servir aux autres régions où les échéanciers seraient plus longs.

La conférence accepte l'idée suggérée par le ministère d'un comité conjoint MAS-conseils régionaux pour coordonner le dossier des transferts et faire face aux problèmes que pourraient présenter les conseils régionaux.

La conférence soumet qu'il y aura dans ce transfert d'effectifs une question de ressources à considérer sérieusement. D'une part, il existe des disparités interrégionales en matière de services sociaux soit au niveau des centres de services sociaux ou des centres locaux de services communautaires ou les deux qui devront faire l'objet d'une attention particulière de la part du ministère des Affaires sociales. D'autre part, les conseils régionaux eux-mêmes auront à investir beaucoup de temps et d'énergie dans cette opération et le problème des ressources allouées à cette opération se posera certainement. Il faut donc envisager la possibilité que des ressources additionnelles puissent être allouées aux conseils régionaux pour la réalisation efficace et valable de cette opération.

Le ministère des Affaires sociales devra aussi préciser la marge de manoeuvre des conseils régionaux. Même si la conférence souscrit au fait que ce cadre de référence doit être précis et rigoureux et que tous doivent s'y conformer, les conseils régionaux réclament la possibilité de soumettre certaines modifications régionales dans des secteurs définis, la décision finale appartenant au ministère des Affaires sociales.

Enfin, la conférence insiste de nouveau sur la nécessité de percevoir l'ensemble de ce dossier dans la perspective d'un réseau de services à la population et non d'un réseau d'établissements. Les établissements n'ont de sens qu'en fonction des services qu'ils rendent à la population et c'est à la lumière de la qualité et de l'accessibilité de ces services que leur gestion doit être évaluée et non en fonction de la croissance ou de la décroissance des effectifs et des budgets.

Nous croyons que les intérêts institutionnels ont déjà occupé trop de place dans le débat actuel et qu'une décision finale doit être arrêtée dans les plus brefs délais, dans le meilleur intérêt des services sociaux à la population.

Je voudrais souligner simplement, Mme la Présidente, en terminant, que cette position de la conférence des CRSSS a été adoptée par l'assemblée générale de la conférence à l'unanimité.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M. Bélanger. Je dois vous dire que vous êtes un modèle, vous avez pris exactement 20 minutes.

Je ne ferai pas de commentaires trop généraux sur votre mémoire parce que je pense que le temps est quand même relativement court. Je vais plutôt passer à quelques questions précises.

Quels sont, selon vous ou selon la conférence, les objectifs réels poursuivis par cette remise en question? Dans votre premier paragraphe vous faites allusion à la directive du ministère des Affaires sociales qui parle d'un transfert d'effectifs pour parachever le réseau des centres locaux de services communautaires. Si je prends cela à la lettre, est-ce qu'on pourrait interpréter que, si d'autres ressources avaient pu être affectées aux CLSC, le problème ne se serait pas posé exactement de la même façon?

M. Bélanger: Je ne pense pas qu'on puisse poser le problème, comme vous le faites, sous forme de question. Il est acquis depuis fort longtemps, et je pense que tout le monde le reconnaît, cela a été écrit, cela a été dit, que le réseau des CLSC n'étant pas, à l'origine, je le rappelle, quand la loi 48 a été adoptée, créé encore, il fallait qu'entre-temps les rôles qu'on voulait lui voir jouer, les fonctions qu'on voulait lui voir assumer soient assumées quelque part et par quelqu'un. Je pense qu'il est quand même généralement admis que les CSS, tout comme les DSC, dans le domaine de la santé, jouaient et jouent encore à cet égard un rôle supplétif, c'est-à-dire que, tant et aussi longtemps que le réseau des CLSC n'en était encore qu'à ses premiers balbutiements, qu'il était encore très minoritairement établi dans l'ensemble du territoire québécois, il fallait que certaines structures quelque part assument ces responsabilités que le réseau des CLSC n'était pas en mesure d'assumer. Je pense que l'opération qui est en train de se faire et la question qui se pose aujourd'hui devant cette commission, c'est: Maintenant que ce réseau est près de son parachèvement et substantiellement complété, voyons de quelle façon ces rôles supplétifs qui étaient jusqu'ici assumés dans le domaine social par les CSS seront désormais assumés, comme il se devait et comme c'était prévu, par les CLSC. C'est de cette façon que la question se pose, à notre avis.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Premièrement, est-ce que vous vous êtes penchés, dans la définition des responsabilités

respectives de chacun des organismes, sur les notions de services courants et services spécialisés qui étaient quand même à la base des législations qui ont suivi et de la distribution des responsabilités? Deuxièmement, si on s'en tenait aux recommandations que vous faites qui déplacent vers les CLSC un grand nombre de responsabilités, entre autres même du placement d'enfants, est-ce que vous l'avez examiné à la lumière du chapitre XLVIII et ceci, selon vous, nécessiterait-il des modifications à la loi existante?

M. Bélanger: D'abord, M. Guindon répondra à votre première question.

M. Guindon (Jean-Bernard): Nous avons voulu éviter de tomber dans la fameuse distinction, dont tout le monde a parlé, concernant les services courants et les services spécialisés en matière de services sociaux. Si nous n'en parlons pas ou si nous n'avons pas utilisé ce schème de référence, ce n'est pas par oubli, c'est volontairement, pour éviter de tomber dans un certain modèle médical qui, à venir jusqu'à ce jour, a donné des mauvais résultats pour faire un départage qui soit vraiment pertinent. On a plutôt utilisé des critères qui étaient reliés au niveau local ou régional ou encore, liés à la fréquence de distribution des services ou, au seuil de rentabilité des services. Ce n'est pas explicite dans le mémoire, mais c'est implicite. (10 h 45)

M. Bélanger: Quant à votre deuxième question, à notre avis, la position que nous soumettons ne nécessiterait pas d'amendement à la loi comme telle.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous avez eu un avis juridique là-dessus?

M. Bélanger: Non, je ne pense pas.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parce que, quand vous faites référence, par exemple, à la loi S-5 et que vous regardez la définition des centres locaux de services communautaires et celle des centres de services sociaux, je pense qu'il y a là un déplacement quand même considérable de responsabilités qui iraient de l'un à l'autre. Vous n'avez pas cru nécessaire... Vous pensez que cela ne nécessite pas...

M. Bélanger: Notre souci, c'est de nous assurer que les services rendus à la population sont de la meilleure qualité possible. En fonction de ce critère, nous avons pris la position que nous vous exprimons aujourd'hui. Si cela veut dire et si cela voulait dire des amendements législatifs, je pense que cela ne justifie pas pour autant un recul de notre position. Ce que nous soumettons, c'est ce que nous croyons être la meilleure façon de dispenser les meilleurs services possible avec des notions comme celles que nous apportons aujourd'hui, nouvelles par rapport au cadre de référence, et d'unité de continuité des services.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous avez, soit à la conférence, soit à certains CRSSS, un bilan de fait des services qui sont présentement rendus par les CSS, par les CLSC? Je pense en particulier à une affirmation que l'on retrouve dans le cadre de référence où l'on parle de duplication et de... Tiens, je vais vous le lire, en page 15: L'actuelle disproportion des responsabilités de même que l'absence d'une définition fonctionnelle des rôles et des vocations spécifiques de chacun, en plus d'entraîner des dédoublements coûteux et d'être une source de confusion pour la population favorisent une surutilisation des ressources les plus lourdes. Est-ce que vous avez fait... Il semble que le ministère n'en ait pas fait. La conférence des CRSSS avant de se prononcer a quand même étudié; on a une expérience de dix ans. On avait prévu certaines choses au moment de la réforme, mais il y a eu depuis une pratique, un développement d'expertise, etc. Est-ce qu'on en a tenu compte avant de faire des recommandations?

M. Bélanger: Je dois vous dire que certains conseils régionaux, pas tous cependant, ont fait effectivement des états de situation. Par exemple, chez nous à Montréal, c'est une démarche qui a été entreprise, il y a déjà un an maintenant ou environ, où on a fait dans un premier temps un état de situation et où ce qu'on dit dans le mémoire comme situation finalement, où ce qu'on dénonce comme état de fait a été constaté. Cet état de situation, on l'a entrepris dans le cadre de ce débat qui se fait aujourd'hui, qui est celui d'un cadre de référence, évidemment, à venir, et c'est à la suite de toute la confusion qu'on connaît déjà depuis trop longtemps, à notre avis, d'abord qu'on a décidé de faire ces états de situation et, d'autre part, qu'on arrive aux conclusions que nous vous soumettons aujourd'hui, mais on ne peut pas dire qu'il y a eu de bilan national de fait.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'il y aurait possibilité que ces études soient mises à la disposition de la commission?

M. Bélanger: Elles existent dans les conseils régionaux. Elles ne sont pas entre les mains de la conférence comme telle. C'est chaque conseil régional qui a fait, pour ceux qui l'ont fait, ce genre de démarche.

Je pense qu'en suivant le processus normal ces documents n'ont absolument rien de secret, au contraire. Ils pourraient certainement être remis, mais c'est à chaque conseil régional qui l'a fait qu'il faudrait faire cette demande, bien que la conférence puisse agir comme intermédiaire si la commission le désirait.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que la commission l'apprécierait parce qu'on est en facs d'une absence de bilan et, comme vous dites, s'ils ne sont pas complets, s'ils ont peut-être touché simplement certains aspects, je pense quand même que cela permettrait de juger de certains problèmes. Vous parlez sur le rapatriement -ce ne serait pas un rapatriement - ce serait de renvoyer dans les CLSC les services sociaux scolaires. Votre argumentation me laisse un peu perplexe. Vous dites que vous réalisez que cela susciterait certains problèmes, quelques-uns en regard de la non-concordance de certains territoires, le risque de dilution de l'expertise des professionnels et la difficulté accrue de prise en charge de certains cas de protection de la jeunesse. D'autre part, lorsqu'on met cela en parallèle avec ce qui vous apparaît des avantages, vous invoquez la reconnaissance que l'école est un lieu privilégié d'intervention sociale -je pense que, là-dessus, on peut fort bien s'entendre - la reconnaissance de la pertinence de l'approche globale des problèmes sociaux et de santé auprès des enfants en milieu scolaire et la meilleure assurance de la continuité des services socio-sanitaires en milieu scolaire. D'abord, je me demande si l'un contrebalance vraiment l'autre, d'autant plus que deux des arguments que vous utilisez en page 9... Quand vous parlez de la reconnaissance de la pertinence de l'approche globale des problèmes sociaux et de santé auprès des enfants en milieu scolaire, la problématique en milieu scolaire n'est-elle pas davantage une problématique éducation-service social? Et, évidemment, il y a la dimension santé qui peut intervenir, parce qu'il y a des problèmes de prévention, d'éducation, etc., qui sont pris en charge par l'infirmière avec laquelle, je pense, les gens collaborent. Je me demande si vraiment l'un contrebalance l'autre et pourquoi vous le demandez dans le cas des services sociaux scolaires qui est une pratique de service social en institution et que vous ne le demandez pas dans le cas des hôpitaux, par exemple.

M. Bélanger: Bon.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pourquoi faites-vous une différence entre les deux?

M. Bélanger: En guise d'introduction, je voudrais d'abord dire qu'on n'a pas la prétention d'avoir écrit le cadre de référence, ni d'être arrivé devant vous avec une Bible. Dans ces matières, il faut bien reconnaître que les vérités absolues sont rares et qu'on pourrait mettre sur pied les plus belles structures, si ceux qui y travaillent, ceux qui doivent dispenser les services ne sont pas prêts, ont des attitudes tout à fait corporatistes, égoïstes, il est clair que le plus beau cadre de référence ratera son objectif. C'est dans cet esprit qu'on a abordé ces questions tout en étant bien conscient qu'il n'y a pas de système parfait.

Par ailleurs, je vous rappellerai que, dans le domaine de la santé scolaire, par exemple, le transfert a eu lieu, des DSC vers les CLSC. C'est un peu dans le même esprit que nous avons procédé à l'analyse du domaine du secteur social en ajoutant cependant - c'est une dimension importante de notre mémoire - qu'il y a des réalités régionales différentes, qu'il y a des problématiques régionales différentes. Cela n'exclut pas - je prends par exemple la région de Montréal, puisque je suis peut-être plus à l'aise pour en parler, qui a des caractéristiques démographiques, géographiques, socioculturelles assez particulières -qu'on puisse arriver dans certaines régions à des conclusions différentes à cause de ces problématiques.

Mais ce que nous avons voulu, comme conférence, c'est regarder les principes de fond d'un cadre de référence général qui pourrait ou qui peut souffrir des exceptions. Ce sont des choses qu'il faut bien comprendre dans la position que prend la conférence. Il ne s'agit pas pour nous de vérités absolues qui ne souffriront et ne doivent souffrir aucune exception dans aucune région. Il faut tenir compte des spécificités régionales et ce que nous demandons, effectivement, dans notre mémoire, c'est que les conseils régionaux puissent avoir le fardeau de la preuve dans certains secteurs d'activité donnés, de prouver ou d'établir au ministère que la solution préconisée par le cadre de référence n'est pas nécessairement la plus heureuse dans leur région, quitte à ce que ce soit le ministère qui prenne la décision finale à ce sujet.

Je vais demander à M. Guindon de compléter la réponse que j'ai commencé à vous donner sur cette question.

M. Guindon: Je voudrais simplement vous faire part en toute honnêteté de l'analyse qu'on a faite dans un document de travail préparatoire sur cette question en vous donnant brièvement les avantages et les inconvénients des deux solutions, c'est-à-dire du maintien dans les CSS ou du transfert dans les CLSC.

Concernant les avantages du transfert aux CLSC, nous énumérons les suivants: cohérence d'intervention avec les services de santé scolaire déjà transférés, ce dont M. Bélanger vient de vous parler; pratique des ententes des CLSC avec les commissions scolaires déjà établies. On a beaucoup fait état du fait que ce serait très compliqué d'établir de nouvelles ententes, mais cette pratique est déjà établie à cause des transferts qui existent du côté de la santé. Les territoires des CLSC et des commissions scolaires sont appelés aussi à devenir de plus en plus équivalents, si on se fie à la volonté gouvernementale de faire en sorte que les territoires de MRC deviennent des territoires de base... Et, finalement, l'approche globale de l'enfant en milieu scolaire, c'est-à-dire qu'une approche intégrée de toute la personne incluant les dimensions de santé et de social sera davantage privilégiée. Ce sont des avantages qui sont plus au niveau du fond.

Au niveau du maintien dans le CSS, les avantages, ce sont la possibilité de pallier de façon plus économique le manque de ressources actuel - on ne cachera pas pour autant ce manque de ressources qui est flagrant dans ce secteur - la meilleure qualité possible de l'intervention professionnelle à cause du regroupement régional dû au manque de ressources. Il y a un troisième élément positif aussi, c'est la simplification administrative du processus des ententes avec les commissions scolaires, s'il y a moins de CSS que de CLSC, il faut le reconnaître. Du côté du transfert dans les CLSC: le manque de ressources suffisantes pour chaque CLSC, il est possible qu'on arrive au cul-de-sac où il manquerait même la possibilité d'avoir une personne par CLSC dans certaines régions à cause du manque de ressources au niveau des CSS; la déperdition d'une certaine expertise du travail social en milieu scolaire qui pourrait être palliée par d'autres moyens d'ailleurs et la complication possible dans certains cas, dû au manque de cohérence des territoires ou des problèmes comme ceux que M. Bélanger a évoqués pour certaines régions. Finalement, pour le maintien dans les CSS, les inconvénients: La dimension communautaire et préventive n'est pas privilégiée. On permet de pallier plus longtemps le manque de ressources en le camouflant davantage. L'interchangeabilité avec d'autres praticiens sociaux ne serait pas aussi facile qu'en CLSC. En CLSC, avec le bloc de transfert dont nous faisons la réclame, nous croyons qu'il est possible de rendre les services sociaux scolaires mieux amalgamés avec l'ensemble des services sociaux de base et, à ce moment, de donner un meilleur service.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Je dois céder la parole à mon collègue de Shefford.

M. Paré: Merci, Mme la Présidente. Étant donné que nous n'avons pas beaucoup de temps, je vais passer moi aussi immédiatement à une interrogation que je me pose pour laisser la chance aux autres aussi de poser des questions. On retrouve à la page 3, à la toute fin: "une unité d'intervention, c'est-à-dire que le plus souvent possible le sevice soit rendu au bénéficiaire et à sa famille, soit par le centre local de services communautaires, soit par le centre de services sociaux, mais non par les deux à la fois;". On continue dans le même ordre d'idées un commentaire à propos des nouveaux partages des responsabilités. On dit - il y a divergence d'opinions - que le partage des fonctions ne soit pas en fonction des milieux de vie naturel ou substitut mais pour respecter des principes de continuité et d'unicité d'intervention. Donc, on dit: Si cela commence au CLSC, que cela se poursuive. On va plus loin à la page 5 en disant: En contrepartie, si cela commence au CSS, cela se poursuit. Donc, c'est vraiment la continuité. Voici mon interrogation face à cela: Je suis bien d'accord avec l'esprit de continuité, que ce soit rattaché au jeune ou à l'individu ou au citoyen qui est concerné par le service à donner, mais est-ce que cela n'amène pas une duplication de services ou, plus clairement que cela, est-ce que cela n'amène pas des gens qui remplissent les mêmes rôles, mais à l'intérieur des deux institutions, CLSC et CSS?

M. Bélanger: Je demanderai à M. Léger de répondre à cette question.

M. Léger (Michel): Cela peut comme tel, au niveau de la pratique, faire en sorte que des services qui se ressemblent soient donnés dans les deux institutions; c'est clair. C'est par contre dans une perspective de simplification pour le commun des mortels de faire en sorte que la personne puisse se retrouver de façon simple à l'intérieur de ce réseau complexe. Donc, dans ce sens on dit qu'à partir du moment où on a des services, et pour reprendre les commentaires, des services disons plus courants, par une porte d'entrée des problèmes de tout le monde, à ce moment on s'adresse directement au CLSC. Si, par contre, on a des problèmes en vertu d'une loi telle la loi des jeunes contrevenants ou la loi de la protection de la jeunesse ou même une question d'adoption ou des choses comme cela, à ce moment on se réfère à une autre institution. Maintenant, le fait que ce soient les mêmes professionnels qui puissent intervenir dans les deux milieux, c'est exactement la même chose qu'on retrouve du côté santé, même si on ne voulait pas faire de parallèle tout à l'heure, du fait qu'on retrouve certains

médecins comme tels dans des CLSC ou certains médecins dans les hôpitaux qui font des actes qui se ressemblent, mais c'est le contexte dans lequel ils font ces actes qui est fondamentalement différent. (11 heures)

M. Paré: Si je comprends bien, toujours dans l'esprit de la continuité, sur le principe comme tel, d'accord. Mais, au niveau de la pratique, comme ou demande le partage des responsabilités, des gens vont dépendre du CSS, d'autres du CLSC. Un qui va être pris par le CLSC, par exemple, devra continuer à être pris en charge par des gens qui relèvent du CLSC. Donc, si c'est un spécialiste, cela voudra dire qu'on devra avoir, à l'intérieur du CLSC comme à l'intérieur du CSS, des spécialistes dans tous les domaines, étant donné, comme je le disais tantôt, la duplication. C'est mon interrogation. C'est pour cela que je voudrais que ce soit clair.

M. Léger (Michel); Je vais prendre un exemple comme les services de consultation conjugale. Le fait de donner des services de consultation conjugale est une spécialité comme telle au point de vue de la profession. Maintenant, le fait d'offrir ces services dans le cadre d'une famille dont les jeunes ont besoin de protection, c'est une chose, et le faire dans le cadre de services de familles en difficultés qui rencontrent un moment crucial dans le développement d'un jeune au moment d'une crise d'adolescence ou quelque chose comme cela, des problèmes de couple, etc., ce sont, bien sûr, les mêmes types de spécialisation mais le service comme tel pour les gens est fort différent. L'esprit qu'il y a en dessous, c'est la façon. Il n'y a pas de duplication; on pourrait compter qu'il y a une duplication sur l'aspect de la spécialisation, mais il n'y a pas de duplication par rapport aux services aux clientèles. Ce ne sont pas les mêmes clientèles comme telles.

Je ne sais pas si vous voyez. C'est le même type de professionnels, c'est le même type de spécialisations, d'interventions comme telles, mais la pratique se fait en fonction de la différence des services qui sont offerts. Ce ne sont pas les mêmes clientèles.

M. Paré: Est-ce que je serais correct en disant que ce qui différencie les clientèles sur un même problème, c'est l'origine du problème, finalement?

M. Léger (Michel): C'est une certaine façon de le clarifier. La personne peut s'aiguiller beaucoup mieux à l'intérieur du réseau de cette façon.

M. Paré: D'accord. Je vous remercie. Je pourrai revenir plus tard si, heureusement, il nous reste du temps.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Merci, Mme la Présidente. J'aurais quelques questions très brèves. Tantôt, M. le président de la conférence des CRSSSQ, vous avez mentionné que la position adoptée dans le présent mémoire avait été adoptée à l'unanimité à l'assemblée générale de la conférence des CRSSSQ. Simplement pour mon information et peut-être pour celle d'autres membres de la commission, de qui exactement est composée l'assemblée générale de la conférence des CRSSSQ?

M. Bélanger: L'assemblée générale de la conférence des CRSSSQ est comme le conseil d'administration, c'est la même composition. C'est l'ensemble des présidents et des directeurs généraux.

Il faut bien comprendre que, dans les conseils régionaux, compte tenu de la composition de nos conseils d'administration, c'est d'une tout autre façon que ces problèmes sont abordés parce que nous avons des collèges électoraux, des gens qui sont élus par des collèges électoraux que sont les types d'établissements et c'est difficile de faire abstraction de tout intérêt corporatiste ou de tout intérêt de représenter ce groupe d'établissements, même si cela n'est pas l'esprit de la loi.

M. Paradis: Je prends votre mémoire à la page 13, à la toute fin, c'est le paragraphe de conclusion finalement. Vous dites: "Enfin, la conférence insiste de nouveau sur la nécessité de percevoir l'ensemble de ce dossier dans la perspective d'un réseau de services à la population et non d'un réseau d'établissements." Je pense que c'est un peu un voeu auquel tout le monde concourt. Vous continuez en disant: "Les établissements n'ont de sens qu'en fonction des services qu'ils rendent à la population et c'est à la lumière de la qualité et de l'accessibilité de ces services que leur gestion doit être évaluée et non en fonction de la croissance ou de la décroissance des effectifs et des budgets."

Est-ce que j'ai bien compris tantôt lorsque vous avez répondu à Mme la présidente que, dans le cas du CRSSS de Montréal, Montréal métropolitain, celui que vous présidez vous-même, vous avez déjà dressé un bilan des services rendus par les CLSC et rendus par les CSS et que vous êtes en mesure de vous prononcer comme CRSSS de Montréal? Est-ce que vous pouvez nous indiquer, parce que j'ai senti une zone floue, combien, parmi les dix autres CRSSS au Québec, ont réalisé ce bilan?

M. Bélanger: Tout ce que je peux vous dire là-dessus, c'est qu'il y en aurait, semble-t-il, au moins deux autres qui

auraient fait ce même exercice. Il faut comprendre et, comme je l'ai déjà dit devant cette même commission, que la conférence des CRSSSQ est une structure légère qui a un minimum de ressources et qui n'a pas pour objectif de concentrer toute l'information de chaque conseil régional dans la province et que nous n'avons pas comme pratique effectivement d'aller vérifier ces choses ou de ramasser ce genre de statistiques. On met en commun le fruit de nos expériences. C'est tout.

M. Paradis: Non, je tentais simplement de quantifier ou de qualifier le bilan qui avait été dressé à ce jour et cela explique quand même des réserves que vous avez mises dans votre mémoire concernant plusieurs régions, etc.

Maintenant, si l'on regarde l'ensemble du problème, lorsque cette commission a étudié les crédits du ministère, il y a quelques semaines à peine, on nous a parlé de compléter le réseau des CLSC dans la province de Québec et on a vu les sommes qui ont été mises à la disposition des gens du milieu pour, justement, compléter ce réseau. Une fois complété, on aura environ 160 CLSC dans la province de Québec; à peu près 167, M. le ministre, c'est qu'on nous dit qu'il y en a de complétés à l'heure actuelle et ils ne le sont pas. À Mégantic, entre autres, on a des lettres patentes, pas grand-chose d'autre. Il y en aura 166, pour utiliser le chiffre exact de M. le ministre; on a présentement 16, 17 ou plutôt 14 CS5 dans la province. On prend les effectifs des travailleurs sociaux au niveau de ces 14 CSS ou une partie de ces effectifs, on confie de nouvelles responsabilités aux CLSC, on prend une partie de ces effectifs et on les transfère vers les CLSC. Mais, qu'est-ce qui va rester comme effectifs au niveau des CSS? Est-ce que vous vous êtes posé la question, étant donné les responsabilités qu'on leur laisse? Et qu'est-ce qui va s'en aller dans les CLSC? Un dixième d'un fonctionnaire, un cinquième ou un sixième d'un travailleur social? Présentement, les gens d'une région ont accès sur le plan régional et on parle déjà d'un manque de ressources au niveau de la région. Si l'on divise ce personnel de travailleurs sociaux dans, disons, dix CLSC à l'intérieur d'une région de CSS, de quelle façon, pratiquement, la population comme telle va-t-elle pouvoir avoir un meilleur service? Si on ajoutait ou si on multipliait le nombre de travailleurs sociaux, je comprends que ce serait plus proche des gens, etc, cela irait bien, mais en prenant ce travailleur social et en le divisant, pour fins théoriques, en dix CLSC, de quelle façon aura-t-on amélioré le service à la population?

M. Bélanger: Pour commencer à bien répondre à votre question, il faut peut-être faire un portrait de ce que serait un CSS si l'on acceptait ce que nous avons présenté et, ensuite, on pourra essayer d'aller plus loin. Je demanderais à M. Guindon de tracer ce portrait pour la meilleure compréhension des membres de la commission.

M. Guindon: Tout d'abord j'aimerais préciser, et cela répondra peut-être à la question posée par M. Paré plus tôt, que cet exposé des responsabilités possibles qui feraient le nouveau CSS, ou le CSS renouvelé si vous préférez, se retrouve à la page 11 de notre mémoire. On pourrait les expliciter un peu.

Premièrement, on parle des responsabilités relatives à l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse, à celle des jeunes contrevenants et à celle de l'adoption. Donc, le CSS, et on pourrait ajouter aussi ce qui y est inclus, par exemple, l'expertise à la Cour supérieure... Il y a un axe qui se développe du côté des CSS pour toutes les relations des services sociaux avec le secteur de la justice, avec le secteur de l'application de lois qui ont un impact en-dehors du réseau des affaires sociales lui-même. Et c'est un secteur clé, c'est un secteur majeur, qui ne pourrait pas, d'ailleurs, être facilement décentralisable, du moins à court terme, dans les CLSC parce qu'il y a des complexités administratives et il y a des difficultés d'application qu'on commence à peine à maîtriser dans ce secteur. Et cela, je pense que c'est un axe qui doit rester à la complète maîtrise du CSS. Et j'insiste, parce que la position du mémoire du ministère indiquait un certain partage de ce niveau de responsabilités avec les CLSC, ce avec quoi nous sommes en désaccord.

Le deuxième axe, ce serait le développement, l'encadrement, la formation et l'évaluation de ressources légères d'hébergement alternatives à l'institutionnalisation. On sait qu'actuellement les CSS sont responsables de la question des familles d'accueil. Il y a d'autres types de ressources alternatives qui prennent forme dans les milieux et on croit que l'encadrement professionnel dont ces ressources très légères, qui ne comportent pas de professionnels, doit être fait par les CSS. Ils ont déjà développé un début d'expertise là-dedans qui pourrait être amplifié et c'est un axe nouveau qui pourrait être entrepris. Nous préconisons, par ailleurs, que les clientèles de ces ressources ne seraient pas à la charge du CSS mais à la charge du CLSC, à l'exception, bien sûr, de ce que je viens de dire concernant la Loi sur la protection de la jeunesse et toutes les autres clientèles seraient à la charge et suivies par le CLSC, toujours dans le principe de continuité de services aux

clientèles. Donc, le CSS mettrait un accent pour s'assurer que ces personnes qui entretiennent des ressources légères, qui sont la plupart du temps des citoyens sans plus de formation spécialisée, reçoivent l'encadrement professionnel requis.

On parle aussi des services sociaux en milieu institutionnel comme autre axe, plus particulièrement en milieu hospitalier, quoique nous préconisions que, si ces services doivent être remis en question, une tout autre discussion que celle qui a cours actuellement dans le cadre du présent partage puisse être reprise. Il y a aussi toute une nouvelle politique en santé mentale qui fait qu'on veut impliquer le plus possible les services sociaux, et pas seulement les services de santé. De ce côté-là, il y aurait des clarifications à faire quant au râle futur du CSS en matière de santé mentale.

Finalement, il y a un nouveau rôle qui n'a peut-être pas été aussi exercé dans le passé qu'on l'aurait souhaité, soit la reconnaissance des responsabilités du centre de services sociaux en matière de recherche, développement et programmation des services sociaux. Comme on le sait, les départements de santé communautaire ont joué, à l'égard de la santé, ce genre de rôle, mais les CSS l'ont très peu joué ou, s'ils l'ont joué, c'était de façon très diffuse. Au Québec, c'est très pauvre, actuellement, le genre de travail qui a pu être fait jusqu'à aujourd'hui dans ce domaine ou, s'il l'a été, il a été très discret et nous en sommes peu conscients. On pense que les CSS pourraient renforcer ce rôle et, en étroite collaboration avec les conseils régionaux, comme c'est déjà le cas avec les départements de santé communautaire, consolider toute la dimension recherche, planification et programmation régionale.

M. Bélanger: Je vais demander à M. Léger de répondre de façon plus précise à cette question.

M. Léger (Michel): Très bref. La question dont vous parlez doit peut-être être posée de façon un petit peu différente. Ce à quoi on souscrit, c'est au fait de compléter le réseau de façon complète avec les CSS, les CLSC, etc. Après, par rapport à cela, ce qu'on dit, c'est qu'il faut injecter pour compléter le réseau des CLSC. Il ne faut pas croire que, par le simple acte magique de transférer des ressources des CSS vers les CLSC, on va pouvoir compléter le réseau. C'est bien inscrit à l'intérieur de notre déclaration première. Donc, il faut d'abord compléter le réseau des CLSC. Ce n'est pas strictement par le transfert qu'on va pouvoir, de façon magique, compléter le réseau.

Une fois cela fait, il est important -c'est ce dont on parle aujourd'hui - de répartir les rôles et fonctions de chacune de ces deux catégories d'établissements. C'est seulement après cela qu'on va pouvoir quantifier de façon réelle l'aspect des transferts, du nombre de personnes qui vont pouvoir être transférées. Donc, le fait de dire que c'est par le transfert qu'on va compléter le réseau, si c'était cela et si c'était la fusion de ces deux objectifs, compléter le réseau et faire des transferts, ce serait un peu douteux. L'idée à laquelle on souscrit, c'est de compléter le réseau de CLSC et, après avoir mieux réparti les rôles et fonctions, à ce moment-là, il y a des transferts qui s'imposent.

Au niveau des transferts qui s'imposent, quand vous demandez des chiffres, à savoir combien d'effectifs vont être transférés ou autres, on a vu toutes sortes de pourcentages du nombre de clientèle variant de 18% à 64%. Cela peut être vrai suivant les programmes et suivant les régions qu'il y ait des écarts majeurs d'une région à une autre. C'est dans ce sens que la conférence des CRSSS spécifie très bien qu'avant de mettre des chiffres au bout de la ligne il va falloir que les conseils régionaux, de concert avec les CSS et les CLSC, aillent regarder de façon un petit peu plus précise ce qu'on peut transférer ou pas en fonction des clientèles déjà desservies.

M. Paradis: Si je vous comprends bien, finalement, vous nous dites qu'on ne peut pas penser compléter le réseau des CLSC, comme c'est l'objectif du ministère, strictement à partir d'un transfert de ressources des CSS vers les CLSC. C'est le premier point.

Deuxième point, le ministre me corrigera, je vais citer un chiffre de mémoire que je n'ai pas revu depuis les crédits...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ...connaît bien.

M. Paradis: II y en avait pour plus de 5 000 000 000 $. Je pense que, pour compléter le réseau cette année, c'est un chiffre de 8 000 000 $ qu'on avait au moment des crédits, ce qui n'est pas extraordinaire lorsqu'on parle de compléter le réseau à partir d'à peu près 120 CLSC pour le rendre à 160, pour quelque 40 CLSC. Donc, on a un réseau qui n'a pas les ressources suffisantes présentement pour être complété et à la disposition duquel on ne met que 8 000 000 $ et des possibilités de transfert d'effectifs. On a un réseau de CLSC - comme on l'a également vu au moment de l'étude des crédits - qui pose encore, dans plusieurs régions du Québec, des problèmes de localisation en fonction des MRC. Ce n'est pas finalisé. Est-ce qu'on est en position - suivant la conférence des CRSSS - dans l'ensemble des régions du Québec, de pouvoir penser à un tranfert de

ressources, quelles qu'elles soient, du CSS au CLSC lorsque dans l'ensemble des régions le bilan n'est pas fait, lorsque sur le plan financier on n'a que 8 000 000 $, lorsque sur le plan de la localisation des établissements comme tels on n'est pas encore généralement fixé? Est-ce que c'est pensable? Est-ce que vous pensez, vous, de la conférence des CRSSS, qu'on a présentement les ressources financières ou les ressources humaines nécessaires pour s'engager dans l'application d'un tel cadre de référence? (11 h 15)

M. Bélanger: On commence avec ce qu'on a. Vous venez de nous dire qu'il y a 8 000 000 $ pour le développement cette année pour les CLSC. À ces 8 000 000 $, il faut ajouter - bien qu'on soit incapable aujourd'hui de le quantifier - ce que va signifier en termes financiers le transfert ou les transferts qui devront s'effectuer. On dit dans notre mémoire qu'il y a des régions où le réseau des CLSC est entièrement complété; il y en a d'autres où il est loin de l'être. 0e pense à Montréal où il y en a encore 19 à compléter. Il est clair que, d'une région à l'autre, le délai d'implantation va varier et doit varier compte tenu de ces réalités qui sont différentes d'une région à l'autre. Dans notre mémoire, nous suggérons un délai de trois mois pour que chaque conseil régional fasse connaître, lorsque le cadre de référence aura été décrété, l'échéancier qui, dans sa région, est le plus réaliste compte tenu de toutes ces données qui diffèrent d'une région à l'autre.

Je pense qu'on peut dire que le processus peut s'engager et cela, malgré les contraintes qui sont réelles et que vous venez d'énumérer. C'est un moindre mal par rapport à la situation que nous vivons en région depuis plus d'un an à cause du débat qui s'éternise sur cette question-là. Cela pourrit la situation, cela pourrit la qualité des services; c'est un climat qui est intenable actuellement dans tous les conseils régionaux du Québec.

M. Paradis: Je comprends que le climat soit intenable au niveau des institutions - ce sera ma dernière question, Mme la Présidente, j'ai un peu abusé du temps - au niveau de la guerre institutionnelle ou de la guérilla institutionnelle, si vous me permettez l'expression. On va se replacer dans la perspective où vous nous dites vous être placés pour écrire le mémoire, le service aux usagers. On voit qu'on n'a pas d'augmentation d'effectif des travailleurs sociaux. Qu'on prenne un travailleur social sur la base d'une région - je pourrais parler de la région de M. Guindon, je pourrais parler de la région de l'Estrie, cela aurait l'air moins local pour le député en cause -au niveau du CSS de l'Estrie et qu'on l'affecte, à cause du nouveau cadre de référence, à un CLSC. Qu'arrivera-t-il à cause des distances pour le service à l'usager? Présentement, il se rend à Sherbrooke. Est-ce qu'il ira à Mégantic ou ailleurs? Est-ce qu'on va avoir amélioré le service à la population si on n'ajoute pas -c'est là ma préoccupation principale - les ressources en nombre suffisant?

M. Bélanger: Avant de demander à M. Guindon de répondre ou de compléter, je voudrais dire ceci: le travail ou l'exercice que nous faisons est un partage de responsabilités. Nous ne discutons pas la quantité, ou les budgets, ou les ressources actuellement à la disposition des régions ou des types d'établissements. Cela est une autre question complètement différente qui peut se poser dans un deuxième temps. Nous disons, d'ailleurs, dans notre mémoire que sous certains aspects il y aura nécessairement des budgets de développement et qu'il y a de l'argent impliqué dans une opération comme celle-là, dans une seconde étape. Je demanderais à M. Guindon de répondre plus précisément.

M. Guindon: Je crois qu'on ne peut pas échapper à l'affirmation qu'il faut ajouter des ressources dans les services sociaux. Je pense qu'on sera d'accord. Ce qui est possible, plus facilement à l'intérieur d'un CLSC - et on l'a expérimenté avec les transferts du côté de la santé; il n'y avait pas non plus toutes les ressources requises pour tout faire ce qui devait être fait comme programmes et comme responsabilités - avec la consolidation de l'ensemble des professionnels - ce sont des professionnels de base du côté de la santé - il a pu y avoir des réorganisations et des réaménagements que le volume nouveau, que le volume accru permettait, mais qu'un volume plus réduit n'aurait pas permis.

Du côté des services sociaux, on peut faire le même pari. Si les équipes de services sociaux sont consolidées, avec un plus grand nombre de personnes qui s'ajoutent à celles qui existent dans les CLSC existants comme dans les nouveaux CLSC, là où il peut y avoir des noyaux de base, on aura la possibilité de réaménager les services. Cela ne palliera pas tous les problèmes, nous en sommes bien conscients, mais cela peut améliorer l'interchangeabilité des services au niveau des professionnels. Je pense que, de ce côté-là, l'expérience de la santé déjà réalisée en est un témoignage éloquent.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M. le député de Brome-Missisquoi. M. le ministre des Affaires sociales.

M. Laurin: Merci, Mme la Présidente.

Je veux dire au départ, comme vous l'avez dit, que j'ai souhaité ce débat public qui permet à votre association ainsi qu'aux deux autres spécifiquement intéressées de faire valoir publiquement leur opinion et de se prêter aux échanges avec les membres de la commission qui représentent la population. J'ai pensé que ce débat pouvait éclairer davantage la lanterne de l'exécutif à la veille d'une décision qui nous paraît, par ailleurs, s'imposer. La qualité des échanges que nous avons depuis le début de la commission montre bien que ce souhait était légitime. Je veux aussi vous remercier pour la qualité de votre présentation. J'avais lu votre première intervention présentée au ministère. Elle avait aussi été bien accueillie à cause de sa richesse, mais je vois que depuis trois mois vous avez encore progressé dans votre réflexion et je suis très heureux que vous nous fassiez part de cette richesse accrue de réflexion et, également, en ce qui a trait aux conclusions et recommandations que vous nous faites.

Je veux d'abord dire, Mme la Présidente, en réponse à certaines questions qui ont été posées, que nous avons, au ministère, deux objectifs: le premier est de compléter, de parachever le réseau des CLSC le plus tôt possible. Je ne pense pas que nous puissions compléter ce réseau durant l'année 1984-1985, mais nous ajouterons un certain nombre de CLSC aux 124 qui sont déjà en fonction. Nous nous rapprocherons donc sensiblement de l'objectif. Ce premier objectif découle en droite ligne de la volonté du législateur, telle qu'elle s'est exprimée en 1971 sous le gouvernement précédent, volonté que nous avons reprise à notre compte tellement nous la trouvions justifiée et opportune.

L'autre objectif, qui est véritablement distinct, bien que parallèle, c'est le partage des responsabilités entre les services courants, tel qu'on l'exprimait dans la loi de 1971, et les autres services, que ce soit dans le domaine de la santé ou dans le domaine des services sociaux. Cette volonté du législateur exprimée également en 1963 nous paraît aussi opportune en 1984 qu'en 1971. Il nous paraît important de confier aux CLSC, tel qu'on le disait en 1971, toute la gamme des responsabilités qu'on avait prévues à l'époque. Ceci n'a pu être fait au cours des premières années, évidemment, puisque les CLSC n'existent pas. Il a d'abord fallu les créer. Il a fallu donner un certain temps pour la critique des expérimentations. À partir de 1979-1980, après huit ou neuf ans d'expérimentation, il devenait possible, à la lumière, justement, des premières implantations et des critiques, de compléter, de parachever ce partage des responsabilités dans le sens que le législateur l'avait voulu, mais en tenant compte cependant des leçons de l'expérience et des critiques qui nous avaient été faites. Le premier mouvement a été fait lorsqu'il y a eu ce transfert d'effectifs des DSC vers les CLSC en ce qui concerne la prévention, l'action communautaire en matière de santé. Malgré toutes les réticences ou réserves qui ont été exprimées, à l'époque, à l'endroit de ce transfert, on peut dire que ce transfert a été fait, et avec succès. Ce transfert sera d'ailleurs complété au cours de l'année 1984-1985.

Il restait à le faire du côté des services sociaux. La situation était peut-être plus difficile en ce sens que les services sociaux avaient été assumés en très grande partie par les CSS, en raison du rôle de suppléance que les centres avaient eu, mais je pense que le moment est venu de compléter pour le secteur social ce qui a déjà été entrepris et mené avec succès sur le plan de la santé. Cependant, je pense qu'il est important, avant que nous ne procédions aux décisions, de s'entourer de tous les avis et expertises nécessaires afin d'être sûrs que ce mouvement puisse, lui aussi, se faire en respectant les objectifs de qualité, comme la présidente le disait tout à l'heure, et de services à la population. En ce sens, je salue avec plaisir votre contribution. J'ai noté avec beaucoup de soin les points d'accord avec la position ministérielle, mais aussi les points de désaccord, et peut-être encore plus les nuances que vous apportez sur l'un ou l'autre des divers points qui sont en question. Je peux vous assurer que ces nuances et suggestions d'aménagements nouveaux et différents sont prises en sérieuse considération.

J'aurais deux questions à vous poser. Je note que parmi les points de désaccord il y a celui qui touche aux services reliés à la Loi sur les jeunes contrevenants et à la Loi sur la protection de la jeunesse. Je note que vous favorisez plutôt que les services reliés à l'exécution de ces lois ou à la mise en application de ces lois demeurent presque complètement au CSS, quitte à ce que le CSS délègue au CLSC certaines responsabilités lorsqu'il le jugera opportun. Je voudrais d'abord être bien sûr que j'ai bien compris votre position. Deuxièmement, j'aimerais que vous expliquiez davantage les raisons qui vous amènent à nous faire cette recommandation.

M. Bélanger: Je vais demander à M. Léger de vous répondre.

M. Léger (Michel): D'une façon générale, M. Laurin, vous êtes tout à fait dans la ligne. Il est exact que c'est un désaccord en termes de position avec la position du cadre de référence proposé par le ministère. D'autre part, vous êtes tout à fait dans une bonne compréhension quand vous parlez de l'aspect de la délégation, quand

c'est souhaitable et que cela se peut; il y a certaines situations où ce n'est pas toujours possible. Je pense en particulier à la Loi sur les jeunes contrevenants où il y a des possibilités de délégation qui sont moins facilement évidentes. Donc, c'est dans ce sens que le mémoire stipule dans les cas où c'est souhaitable ou dans les cas où c'est possible. C'est sûr qu'à partir du moment où une famille et des enfants sont pris en charge par un CLSC, si un des jeunes a des déboires ou des démêlés avec la justice, s'il est possible de faire une délégation au niveau du CLSC, c'est une ligne de conduite qu'on privilégie pour les principes de continuité des services et de continuité dans l'unicité de l'intervention auprès d'une famille.

La divergence entre la position de la conférence des CRSSS et la position du ministère tient au fait qu'on met de l'avant l'aspect de la continuité des services, et la porte d'entrée en fonction de la Loi sur la protection de la jeunesse ou de la Loi sur les jeunes contrevenants se trouve être le CSS et le directeur de la protection de la jeunesse. Donc, dans ce sens, selon notre compréhension, on risquerait, si on faisait un partage comme celui proposé par le ministère des Affaires sociales, de faire un va-et-vient entre les deux institutions si on se bornait à délimiter les champs de responsabilités avec le milieu substitut ou le milieu naturel. Donc, c'est vraiment en fonction de valeurs et de principes professionnels qu'on a favorisé la continuité dans ce cas.

M. Laurin: Les arguments que vous invoquez me paraissent très sérieux et c'est la raison pour laquelle j'y prêterai une attention particulière.

J'aimerais aussi vous poser une autre question. Vous préconisez un système intégré d'admission unique. Je n'ai pas compris tout à fait, à l'audition de votre mémoire, si vous préconisez ce système intégré pour tous les types d'admission dans tous les types d'établissements. J'aimerais que vous éclairiez ma lanterne à cet égard. Là aussi, vous mettez des accents en ce qui concerne l'admission à certains types d'établissements par rapport à d'autres. (11 h 30)

Deuxièmement, quelles sont, d'une façon plus complète encore que vous ne l'avez exprimé dans votre mémoire, les raisons qui vous amènent à recommander ce système intégré d'admission qui, si je comprends bien, comprendrait des représentants de tous les divers types d'établissements?

M. Bélanger: M. Léger va y répondre également.

M. Léger (Michel): L'esprit que nous avons voulu mettre de l'avant dans le présent mémoire est baptisé sous le terme "système intégré d'admission". Là encore, c'est beaucoup plus une valeur qu'on veut mettre de l'avant. Dans les règlements qui ne sont pas encore adoptés, on retrouvait la possibilité d'avoir un comité de coordination d'admission et on retrouvait aussi l'aspect du comité de placement en famille d'accueil. C'est sur ces deux aspects que l'on dit qu'il y aurait sûrement intérêt au niveau régional à faire en sorte qu'il y ait une seule instance pour l'aspect du placement et que l'on ne se retrouve pas dans la situation où il y a un risque de ballottement important entre le fait de s'aligner sur un placement en famille d'accueil ou évaluer le fait d'aller dans un centre d'accueil et de présenter les dossiers à différentes places.

En termes de mécanique comme telle, on est très conscient que les différentes régions, de façon régionale et de façon souvent même locale, ou au niveau de la grandeur d'un DSC, tout peut dépendre de chacune des régions; elles peuvent avoir des mécanismes en place déjà fort adéquats. Il ne nous paraît pas pertinent pour l'instant de multiplier les niveaux possibles d'analyse de ces placements. Donc, c'est dans ce sens qu'on parle de système intégré d'admission à être défini de façon régionale avec les partenaires. Quand on met cela sous la responsabilité ultime du CRSSS, cela ne veut pas dire forcément que le CRSSS en est le gérant quotidien. C'est beaucoup plus en termes de la politique et de l'ensemble de la concertation des établissements. On pense que, dans la composition comme telle, dans une perspective de décentralisation, il serait plus approprié que chacune des régions puisse voir, sous l'égide du CRSSS, à la composition éventuelle des différentes instances pour le placement, qui peuvent varier d'une région à une autre ou qui peuvent varier d'une partie de région à une autre, suivant leur composition.

Donc, dans ce sens-là, quand on parle d'un système intégré d'admission, il ne faudrait pas qu'il y ait deux instances possibles où, à un moment donné, on puisse hésiter entre un placement en famille d'accueil ou un placement en institution, etc., et que les dossiers, entre guillemets, soient ballottés d'une place à une autre. C'est donc dans cet esprit que l'on parle de système intégré d'admission.

M. Laurin: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. J'ai trois questions que je désire vous poser. La première concerne la question des coûts

qui a été abordée par mon collègue, le député de Brome-Missisquoi, tantôt. Vous avez dit clairement à plusieurs reprises, notamment à la page 3 de votre mémoire, que de l'argent nouveau devra forcément être injecté dans le développement des services sociaux pour compléter le réseau, etc. Quand je regarde les crédits pour l'année courante, pour les CLSC comme tels, je vois qu'il y a un budget de 300 000 000 $; pour les CSS, un budget presque semblable, soit 284 000 000 $; un petit budget pour vous de 37 000 000 $ -c'est quand même 37 000 000 $ - donc, un total d'environ 600 000 000 $.

J'aimerais savoir si vous avez fait une évaluation pour calculer les coûts de fonctionnement des CLSC et des CSS - les deux ensemble - aujourd'hui, si le cadre de référence a été appliqué sur place, si le réseau des CLSC a été complété et si les changements proposés dans le cadre de référence ont été réalisés. J'imagine que les coûts seront plus élevés que les 597 000 000 $ que l'on voit dans les crédits et j'imagine aussi que vous avez fait une analyse à savoir quels seront les coûts advenant la réalisation de ce projet, sur la base, par exemple, de 80, 85. Est-ce que vous pouvez me donner une indication des coûts ou des crédits qui seront applicables si le cadre de référence était réalisé et que le réseau était complété aujourd'hui?

M. Bélanger: M. Guindon va répondre à la question.

M. Guindon: J'étais prêt à répondre à la première partie de votre question, mais, pour la dernière partie, ce sera un peu plus difficile.

Sur la première partie de votre question, à savoir si une évaluation des coûts a été faite des services sociaux dans les CSS et dans les CLSC, je voulais mentionner -cela m'apparaît assez important dans le débat actuel et cela n'a peut-être pas été non plus soulevé dans notre mémoire - que les coûts de fonctionnement pour la dispensation des services sociaux et même pour l'ensemble des services, sont en général beaucoup plus bas si on prend le ratio des services à la clientèle par rapport au taux d'encadrement. En d'autres mots, on donne plus de services directement à la population et le taux d'encadrement est moins élevé dans les CLSC que dans les CSS. De ce côté-là, il y a un problème: il faut élever ou augmenter le taux d'encadrement dans les CLSC qui, dans bien des cas, peut être de un cadre pour 30 personnes, alors que dans les CSS on retrouve un cadre pour huit à douze personnes.

Sur la question du transfert, on n'a pas pu faire d'évaluation concrète des coûts impliqués, mais une chose est certaine: avec la proposition que nous faisons, le quantum d'argent en cause serait légèrement plus bas que dans la proposition du ministère puisque nous ne souscrivons pas à la proposition du ministère de transférer une partie des effectifs affectés à la Direction de la protection de la jeunesse. Comme c'est le plus gros des effectifs au sein du CSS, il est bien entendu que, s'il n'y a pas de transfert de ce côté-là, il y aura un peu moins de volume de personnes et un peu moins des 60 000 000 $ qui avaient été mentionnés. On n'a cependant pas fait une évaluation détaillée de ce côté-là, étant donné qu'il y a aussi des variables régionales qui pourraient venir changer la situation.

M. Bélanger: Si vous me permettez de compléter, évidemment, on revient toujours avec cela, il y a des spécificités régionales et il y a des réalités aussi qui sont distinctes. Par exemple, une région comme Montréal a trois CSS alors que les autres régions n'en ont qu'un. On a vécu une opération de ce genre-là au niveau de la santé par rapport au DSC. Sauf erreur et sauf exception, d'une façon générale, cela n'a pas nécessairement signifié des sommes nouvelles qu'un transfert de responsabilités, avec les ressources qui existaient dans un DSC qui sont transférées dans un CLSC. C'est une autre question que de mesurer l'ensemble des ressources disponibles dans une région pour rendre tel type de services. On peut bien soutenir qu'on a assez de ressources ou qu'on n'en a pas assez, mais cela a peu d'incidence ou de relation directe, bien que cela puisse en avoir jusqu'à un certain point, mais il n'y a pas de relation directe entre un transfert et la nécessité d'injecter de nouvelles sommes d'argent ou de nouvelles ressources.

M. Scowen: Pour terminer cette première question, le point que je voulais soulever, M. Bélanger, c'était que dans votre texte vous disiez: Des montants d'argent nouveaux devront forcément être injectés si on veut atteindre les deux objectifs de partager les responsabilités et parachever le réseau des CLSC. C'est une déclaration assez claire. Je vous demande combien et, si je comprends bien, la réponse est: Je ne sais pas.

M. Bélanger: La réponse est celle-ci: on a l'expérience déjà de ce que cela coûte que de créer un nouveau CLSC. On n'a pas les chiffres avec nous, mais cela ne se limite pas à un simple transfert de ressources de DSC vers un CLSC et de CSS vers un CLSC pour dire que le lendemain matin on a un CLSC qui a toutes les ressources voulues pour remplir sa vocation. Il y a un encadrement minimal requis, il y a toute une série d'autres nécessités qui sont là lorsqu'on

crée un nouvel établissement. D'une part, il y a cette dimension-là. Donc, chaque fois qu'on crée un CLSC, il est clair qu'il y a un montant d'impliqué, une ressource financière nécessaire.

Par ailleurs, ce qu'on laisse entendre aussi, c'est qu'on ne peut pas affirmer que dans l'ensemble des régions actuellement le secteur social, en termes de ressources sociales - et on voit cela un peu partout dans notre mémoire - soit rendu à son niveau de développement souhaitable et souhaité.

M. Guindon: Est-ce que je pourrais risquer un chiffre pour une région que je connais, qui est celle de Montérégie, où je suis directeur général? Comme on n'a pas le contexte de toutes les régions à la conférence, comme le disait le président tantôt, on n'a pas une grosse permanence, mais je sais que dans la région, chez moi, l'an passé, la réclamation minimale qui a été faite au ministère des Affaires sociales pour des coûts de services sociaux additionnels, indépendamment de tout cadre de partage, a été de l'ordre de 1 500 000 $. En général, au Québec, nous représentons environ 15% du budget total dans la région que je représente. Si vous croyez que cette projection, faite sur l'ensemble du Québec, peut être valable, cela pourrait vous donner un ordre de grandeur.

M. Scowen: Instinctivement, suivant vos expériences dans le milieu, on peut imaginer que, si le budget aujourd'hui est de 600 000 000 $ pour les deux catégories d'établissements, cela pourrait être d'environ 700 000 000 $, si le réseau était complété et les transferts effectués. On parle de 15%.

M. Bélanger: Si on veut faire une projection en y accordant toute la relativité qu'il faut accorder à des chiffres comme ceux-là.

M. Scowen: Je pense que c'est une question extrêmement importante. On propose une grande réforme avec les fonds publics et ce doit être possible d'évaluer les coûts parce qu'on sait déjà combien de CLSC sont prévus et quels sont les transferts. Je soulève ce point parce qu'il me semble que c'est dans le domaine des possibilités.

La deuxième question, M. Bélanger, et je vous réfère de nouveau à la page 3, je n'ai pas été capable de saisir exactement le sens de la dernière partie de la page 3. Si je comprends bien, vous rejetez la définition qui a été utilisée dans le cadre de référence pour essayer de faire le partage entre le milieu naturel et le milieu substitut. C'est au moins quelque chose qui peut être compris par un profane. Vous avez dit, et je comprends déjà quelques petits problèmes, que cela risque d'avoir des impacts négatifs pour les bénéficiaires. Vous rejetez ce critère établi par le cadre de référence et vous proposez plutôt d'autres critères.

Je n'ai pas été capable - quand je lisais les critères que vous avez proposés pour remplacer ceux déjà en place - de saisir exactement de quoi il s'agissait. Les quatre éléments de vos critères sont: premièrement, le réseau des services sociaux complémentaires; cela ne nous aide pas beaucoup à comprendre quelle division vous proposez - je vais revenir au deuxième -troisièmement, une unité d'intervention qui permette qu'il n'y ait pas de dédoublement -on n'est pas encore très loin dans la définition du partage - et, quatrièmement, la possibilité d'adaptations régionales. Cela ne nous mène pas non plus très loin dans la cohérence dans le partage des deux groupes.

On revient au deuxième qui dit: une plus grande continuité de l'intervention sociale. Effectivement, si je comprends toute votre conception de la division, la définition, les règles du jeu qui doivent être utilisées pour définir le partage et les responsabilités respectives tiennent à cette idée d'une plus grande continuité. Pour moi, même si vous avez rejeté le premier élément: le partage, la définition proposée par le cadre de référence, je n'ai pas été capable de comprendre comment la vôtre nous amenait beaucoup plus loin dans une définition. Peut-être que vous pouvez nous expliquer un peu.

M. Bélanger: Si vous montez de deux paragraphes, vous allez voir que, dans le deuxième paragraphe de cette page, nous réaffirmons notre consensus sur les chapitres I et II du cadre de référence. Je vous rappellerai qu'au chapitre II ces notions de milieu naturel, de milieu substitut existaient; c'est là qu'on les mettait de l'avant. Ce que nous faisons, ce n'est pas tellement de rejeter et de remplacer, c'est d'ajouter, à toutes fins utiles. On aurait peut-être pu phraser autrement le texte, mais c'est de dire: cette notion de milieu naturel et de milieu substitut... C'est l'exercice que nous avons fait au cours des derniers moins, c'est l'évolution qu'on a faite depuis décembre dernier. Au-delà de se dire d'accord avec un principe, c'est de voir maintenant, dans le concret, dans nos régions, ce que cela voulait dire quand on arrivait au niveau de l'application et de la faisabilité. (11 h 45)

Ce qu'on a constaté, c'est que cela créait - bien que ce soit, théoriquement, facilement compréhensible; c'est très beau sur papier, ces notions de milieu naturel et de milieu substitut - cela créait, dans l'application, dans le vécu, des problèmes, cela créait des distorsions; cela pouvait même créer des coûts et toucher à la qualité du service. Ce que nous avons

cherché, c'est d'introduire des éléments, des notions ou des critères nouveaux pour pondérer ces distorsions que pouvait créer une notion très simple, qui était celle du milieu naturel par rapport au milieu substitut, en disant: C'est bien beau, on peut être d'accord en principe avec cela, mais il ne faudrait pas pour autant que cela ait pour effet de détruire complètement des principes tout aussi importants que ceux de l'unicité, que ceux de la continuité des services. C'est là qu'on a introduit ces nouveaux éléments. Pour comprendre ce que veulent dire ces trois premiers critères, il faut prendre chacun des secteurs d'activité et voir comment nous les avons appliqués dans chacun des secteurs d'activité. On ne peut pas, en une minute, traduire ce que cela veut dire de façon complète dans le cadre de référence. C'est secteur d'activité par secteur d'activité qu'il faut les regarder et c'est en appliquant ces nouveaux critères que nous ajoutons qu'on a essayé de préserver ces principes qui nous apparaissent tout aussi fondamentaux.

M. Scowen: Merci, M. Bélanger. Mon temps est écoulé. Je serai obligé de revenir avec ma troisième question après que mes collègues auront posé leurs questions, s'ils en ont le temps. Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. Bélanger, un peu comme le député de Brome-Missisquoi, il y a une phrase de votre mémoire, à la page 13, qui m'impressionne. Je vais même la relire tellement elle m'impressionne parce que c'est le fondement même de toute une philosophie à laquelle tout le monde devrait s'arrêter: "Les établissements n'ont de sens qu'en fonction des services qu'ils rendent à la population et c'est à la lumière de la qualité et de l'accessibilité de ces services que leur gestion doit être évaluée et non en fonction de la croissance ou de la décroissance des effectifs et des budgets." En tout cas, de votre mémoire, c'est une phrase à laquelle j'ai bien accroché et, si on pouvait s'entendre sur ce principe fondamental ou cette philosophie fondamentale, je pense qu'on pourrait résoudre une grande partie des problèmes auxquels nous faisons face présentement.

Cela va peut-être être utopique ou irréaliste la question que je vais vous poser, mais, pourtant, je me baserai sur l'expérience vécue qui a été d'intégrer les DSC aux CLSC. Je pense qu'on a amélioré, par le fait même, des services contrairement à ce que certaines personnes pouvaient penser avant l'intégration des DSC aux CLSC. Je suis sûr qu'au niveau de l'économie des services et de l'économie financière et budgétaire, il y a eu des économies de faites de ce côté. Partant de cette expérience, je me demande si c'est une question utopique que d'imaginer la possibilité d'intégrer complètement les CSS aux CLSC. Je peux risquer de me faire tirer des tomates en posant cette question, mais toujours en se raccrochant à la phrase que j'ai lue, en supposant qu'il n'y a pas de guerre intestine ou institutionnelle qui pourrait venir de chacun des groupes qui veulent garder, d'une certaine façon, leur centre, leur maison, le rôle qu'ils jouent dans la société. Je risque en tout cas de poser la question, advienne que pourra. Si cela se faisait, à première vue, pour un profane comme moi, il y aurait sûrement des économies au niveau de la location des bâtisses, par exemple, en intégrant du personnel, en ayant tout le personnel dans une même boîte avec une même direction et une même philosophie de services à donner à la population. On économiserait aussi sur le téléphone, la dactylo et peut-être même sur les effectifs humains parce que vous disiez tout à l'heure, en réponse à d'autres questions, qu'on retrouve de mêmes spécialistes dans les deux services. Vous pouvez avoir, par exemple, une infirmière au CLSC et vous pouvez en avoir une au CSS, des fois deux à une place et une à l'autre. Si on unifiait les deux services, peut-être que deux plutôt que trois, on en aurait assez. Je ne le sais pas, mais ce sont des questions qui, à mon avis, peuvent se poser. Cela m'apparaît, vu par moi, non pas illogique, mais logique de poser la question. Peut-être qu'à la suite de votre réponse, je m'apercevrai que ma question était illogique, je ne le sais pas, mais je la pose tout de même.

M. Bélanger: Je dois vous dire que nous avons tous les trois spontanément le goût de vous répondre. Je vais d'abord demander à M. Guindon.

M. Guindon: Très brièvement, je dois vous dire que votre utopie existe. J'ai eu l'occasion, en visitant la Suède, la Norvège et le Danemark, de le constater. Tous les services sociaux sans exception ne se dispensent qu'au niveau local, incluant les services dits chez nous spécialisés. Donc, cela existe quelque part dans l'univers avec des humains et cela fonctionne. Il semble que les services sont efficaces et d'honnête qualité.

Pour ce qui est du Québec, je ne serais pas porté à faire une transposition aussi rapide que ma réponse première pourrait vous le suggérer en disant: Faisons cela au Québec, puisqu'il semble que c'est faisable ailleurs. Je crois que la complexité des lois en cause interdit à court terme qu'on puisse imaginer une telle réalité, notamment les lois reliées à la protection de la jeunesse et

ce qui s'est ajouté aussi pour les jeunes contrevenants.

Pour répondre indirectement à la question de Mme la présidente, à savoir si notre mémoire implique des modifications législatives, c'est précisément ce qu'on a voulu éviter. On a voulu être vraiment sûr de fonctionner dans le cadre législatif actuel. C'est un tout autre débat que celui de se demander si les CSS doivent continuer d'exister ou non et si les services sociaux ne doivent être dispensés qu'au niveau local, compte tenu, précisément, de ce lourd contexte législatif qui impliquerait un débat beaucoup plus long que celui qu'on peut faire pour le cadre de référence.

M. Bélanger: Pour apporter d'autres nuances tout aussi importantes, je vais demander à M. Léger d'intervenir.

M. Léger (Michel): Je donnerai quelques exemples concrets pour dire que cette utopie n'est pas toujours applicable ou pas forcément souhaitable, même au point de vue professionnel et parfois économique, par exemple, les questions d'adoption? Il n'est pas toujours souhaitable qu'un jeune soit adopté dans le milieu ou dans la communauté dans laquelle il vit. Cela peut être important qu'il y ait une espèce de dissociation entre son milieu d'origine et sa nouvelle famille. Les familles d'accueil: il y a certains milieux où on peut recruter facilement des familles d'accueil; il y a d'autres milieux où on n'en recrute pas. Donc, il est important de pouvoir dépasser ce niveau local d'un territoire de CLSC ou de MRC.

Quant à une certaine coordination des admissions dans des centres d'accueil ou dans des ressources plus lourdes ou institutionnelles, cela obligerait chacun des établissements à aller frapper directement à la porte de la même institution, ce qui entraînerait une importante duplication des énergies pour aller frapper à différentes portes au niveau d'un centre d'accueil de réadaptation pour un jeune, par exemple, ou même, dans certains cas, d'un centre d'hébergement pour personnes âgées.

Au niveau de la protection de la jeunesse: même si, d'une façon très générale, on peut dire qu'il est dans les orientations profondes de maintenir les jeunes dans leur milieu, dans certains cas, il faut les retirer de leur milieu dans leur propre intérêt. Dans ce sens, à partir du moment où on se base sur le principe de cette espèce de milieu communautaire qu'est le territoire des CLSC, on trouve de nombreuses situations où on a intérêt à le faire sur une base plus importante qu'un simple territoire de CLSC. Je pourrais ajouter des exemples, mais je ne veux pas prendre de votre temps.

M. Lavigne: Mme la Présidente, si vous me permettez une autre question, parce qu'il y a une partie de la réponse qui est logée dans le fait que la législation actuelle ne nous permettrait pas de procéder à un tel exercice. Si, toutefois, le législateur, à la suite d'une de vos recommandations, s'il y en avait une qui allait dans ce sens, corrigeait -je comprends que ce serait un autre débat qui pourrait durer plus longtemps - mais si nous devons pratiquer cet exercice pour finalement arriver à vraiment donner toujours en me référant à la phrase que j'ai lue au début - un meilleur service aux citoyens, en faisant des économies de toutes sortes, est-ce qu'il ne vaudrait pas le coup pour nous, législateurs, de modifier les lois pour permettre cet exercice?

M. Bélanger: Je pense, M. le député, que vous avez répondu à la question. Effectivement, cette phrase que vous avez citée est le fondement même de l'attitude que prennent ou qu'essaient de prendre les conseils régionaux et la conférence dans tous les dossiers. Si on faisait la démonstration par A plus B qu'effectivement nous aurions des services de meilleure qualité et à meilleur prix avec une autre forme de structure ou d'organisation, les conseils régionaux seraient sûrement les premiers à y souscrire. Mais, comme vous le dites vous-même, comme vous l'avez admis, c'est quand même une tout autre question que celle qui est débattue ici aujourd'hui et qui pose des problèmes - je pense que M. Léger et M. Guindon en ont pointé du doigt - et des questions très importantes.

À notre avis, il n'y a rien de figé dans le béton, les lois sont faites pour être changées. Les réalités évoluent aussi et la preuve, c'est qu'on en est à faire ce débat aujourd'hui qui est une dimension de la question. Ces questions vont continuer de se poser dans l'avenir et devront - nous le souhaitons - continuer de se poser. C'est le prix qu'il faut payer pour vraiment maintenir le meilleur niveau possible et la meilleure qualité possible de services.

M. Lavigne: Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Mme la Présidente, j'aimerais que vous nous parliez un peu des services sociaux en milieu hospitalier. Dans le partage des responsabilités, le ministre dit simplement qu'il juge que cela n'est pas opportun. Vous, vous dites: Bon, nous partageons l'opinion que ce n'est pas opportun. Pourtant, quand vous choisissez les critères par lesquels vous voulez voir le partage se faire, vous dites: L'unicité des services, vous acceptez aussi le milieu de vie

naturel par rapport au substitut. Dans ces deux situations, il me semble que, si on fait l'analyse, logiquement, la personne qui est temporairement à l'hôpital, son milieu de vie naturel est évidemment son quartier, l'unicité des services plus souvent qu'autrement, les références, après l'hôpital, reviennent au CLSC, qui a en plus le volet médical, qui souvent prend en charge la suite de l'hospitalisation. Je pense particulièrement au milieu hospitalier psychiatrique où il y a un effort de fait de retourner la personne en milieu naturel et, donc, souvent, le CLSC est pris - si on peut parler ainsi - avec la situation de la personne qui revient dans son quartier après avoir été vue en service social, entre autres, en psychiatrie. Je suis un peu étonné de voir que de part et d'autre la situation est plus ou moins... On glisse au-dessus de l'affaire, on n'en parle pas beaucoup, ni dans votre mémoire, ni dans le cadre de partage. On dit simplement qu'on juge que ce n'est pas opportun. Le seul motif que je peux déceler, finalement, c'est une question administrative. Est-ce que j'ai raison? Comment se fait-il qu'on procède... Pouvez-vous expliquer un peu?

M. Bélanger: C'est très simple. D'abord, il faut rappeler, comme vous l'avez dit, que le cadre de référence nous invitait à ne pas trancher cette question immédiatement. On le disait explicitement dans le cadre de référence. Nous nous sommes interrogés pendant un certain temps, à savoir si nous devions à ce stade aller au fond de cette question. Nous en sommes arrivés à la conclusion de nous aligner sur ce que le cadre de référence nous invitait à faire parce que cela mettait en cause d'autres types d'établissements. Cela mettait en cause des questions qui, pour le reste, dans le cadre de référence, ne sont pas présentes. Nous le disons dans notre texte: Si on envisageait une nouvelle répartition, les trois catégories d'établissements: CSS, Centre local de services communautaires, centre hospitalier - certains pourraient même en ajouter d'autres - devraient être considérées dans l'analyse des besoins et des ressources. Cela aurait pu faire l'objet de tout un mémoire en soi, toute cette question. On le sait, on le vit en région aussi ce débat et il commence à se faire actuellement. On a jugé qu'entrer dans cette question aurait pu créer une diversion par rapport à ce qui était vraiment fondamental dans ce cadre de référence. Il ne faut en aucune façon interpréter ce que nous disons aujourd'hui comme une prise de position en faveur du statu quo. Cela n'est pas le sens de notre position. Nous nous sommes simplement alignés sur l'invitation qui était faite dans le cadre de référence de laisser cette question de côté.

M. Sirros: Si je comprends bien, finalement, vous nous dites que la question était trop complexe, et même trop contentieuse dans un certain sens.

M. Bélanger: C'est qu'elle faisait entrer - je vous l'ai mentionné - par exemple, dans le débat d'autres types d'établissements. On a jugé que cela n'était pas opportun à ce stade de le faire; d'autre part, que le cheminement sur cette question n'est pas le même au niveau de l'ensemble des régions actuellement. On a vécu le problème du cadre de référence beaucoup plus que cette simple question depuis un an, un an et demi. On ne s'est finalement pas senti prêt à transmettre une position ou une demande précise sur cela, ce qui ne veut pas dire qu'on n'est pas prêt à continuer et à faire une démarche dans les meilleurs délais sur cela, si on y est invité. M. Guindon pourra compléter.

M. Guindon: M. le député, vous avez énoncé dans votre question certains éléments de réponse à nos propres interrogations, c'est-à-dire que vous avez décrit une situation où, par exemple, en santé mentale, on tend plus vers le milieu naturel. Vous avez décrit une situation où on veut assurer la continuité des services et on pourrait ajouter d'autres éléments. Il y a des travailleurs sociaux qui peuvent oeuvrer en centre d'accueil d'hébergement, en centre d'accueil de réadaptation. Il y en a qui peuvent être actuellement sous la responsabilité de ces centres d'accueil. Il y a des services qui se donnent en milieu hospitalier qui pourraient se donner en milieu de CLSC. Il y a des services qui devraient peut-être rester en milieu hospitalier, auquel cas seraient-ils mieux rattachés au milieu hospitalier ou au CSS? (12 heures)

Enfin, il faudrait regarder la question avec toute l'approche réseau des services en milieu institutionnel à cause de différents paramètres qu'il serait long et difficile d'expliciter aujourd'hui. On pense que ce n'est pas possible de prendre une position définitive d'autant plus que le cadre de partage vise d'abord et avant tout les CLSC et non pas les autres catégories d'établissements. Maintenant, je pense qu'on serait prêt, les conseils régionaux, si nous étions invités à le faire, à approfondir cette question, à l'analyser et à présenter ultérieurement une position beaucoup plus étoffée.

M. Sirros: Je pense que la suite de ma question devrait plutôt s'adresser au ministre dans le sens que, si on est en train d'effectuer un partage des responsabilités qui aura une certaine cohérence et assurera une certaine continuité dans le temps, il est

évident, d'après ce qu'on a entendu et d'après ce qui paraît logique, qu'il va falloir faire face à d'autres situations comme celle-là. Est-ce que vous avez un échéancier? Est-ce qu'il y a eu de la part des CRSSS, par exemple, des études qui ont été mises en oeuvre, ou de la part du ministère, quant à l'ensemble de ce partage? C'est un peu une autre approche étapiste, si je peux utiliser le terme, dans le sens qu'il y aura possiblement des répercusions qu'il faudra considérer dans leur ensemble plutôt que de régler une partie maintenant et une autre partie plus tard au risque, en le faisant comme cela, qu'on se retrouve en fin de compte avec une situation aussi confuse que d'autres qu'on a connues.

M. Laurin: L'invité que je suis ne peut guère répondre à cette question.

M. Sirros: On peut vous inviter à répondre.

M. Laurin: Je peux cependant vous dire que j'accueille avec plaisir toute réflexion ou recommandation que vous pourriez me faire à cet égard.

M. Sirros: J'ai une autre question concernant... Pas au ministre cette fois-ci. Par rapport aux services aux jeunes, ce que vous dites, finalement, c'est que vous laissez la situation plus ou moins comme elle est dans le sens que la prise en charge serait faite selon la porte d'entrée. Si c'est la Loi sur les jeunes contrevenants ou la Loi sur la protection de la jeunesse, cela va être le DPJ, donc, le CSS. Si, par contre, il s'agit d'un travail qui se fait au niveau local avec une famille ou avec un jeune et que dans cette évolution il y a l'entrée en scène du DPJ, cela continuera d'être le CLSC par le biais d'une délégation, et vice versa.

Est-ce que je peux en déduire qu'étant donné que dans les CLSC en général le volet social est plus faible il n'y aura pas vraiment beaucoup de nouveau qui sera fait sans du développement neuf dans le secteur de la jeunesse en particulier? Ne peut-on pas voir cette délégation de la part du DPJ au CLSC comme un genre de surcharge de travail que le CLSC fait par rapport à la jeunesse, qui est déjà limité dans le sens que le DPJ délègue certaines responsabilités qu'il devrait normalement assumer?

M. Bélanger: M. Guindon va répondre à votre question.

M. Guindon: Effectivement. D'abord, la première chose qu'il faut rappeler, je pense que cela n'a pas été clairement dit encore, les motifs qui font que nous privilégions que la majorité des services reliés à l'application de la loi 24 et des jeunes contrevenants demeurent au CSS, c'est que nous croyons que les CLSC ne sont pas prêts à recevoir quelque responsabilité que ce soit dans ce domaine à cause précisément du manque de travailleurs sociaux jusqu'à maintenant et, d'autre part, du fait que l'on constate en pratique que beaucoup de CLSC, pour ne pas dire une majorité, ne disposent pas de programmes reliés à la jeunesse.

Si, de toute façon, on fait des transferts qui leur permettent de recevoir un ensemble de services reliés à la famille, donc, automatiquement, aux problèmes à la jeunesse, et que, petit à petit, des développements se font pour leur permettre d'accueillir graduellement des responsabilités déléguées au niveau de l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse, on peut anticiper une évolution future qui serait dans le sens du cadre de partage déjà proposé par le ministère, mais on croit qu'actuellement les CLSC, qui ont eu des classes difficiles à faire dans les intégrations au niveau de la santé, qui auront des classes difficiles à faire encore dans l'intégration au niveau social, cela fait tout de même des petites entreprises qui progressent très rapidement en très peu de temps et où, en termes de problèmes de gestion et d'organisation, c'est lourd. Les embarquer dès le départ dans une problématique aussi lourde que la protection de la jeunesse, sinon de façon très graduelle et par petits cas, et justement avec des injections légères qui sont effectivement nécessaires, soit par transferts ou autrement, on pense que, éventuellement, ils pourront prendre des responsabilités accrues, mais ce n'est qu'au prix d'une observation très attentive de la situation, d'un contrôle et d'une évaluation en cours d'année.

M. Bélanger: En d'autres termes - si vous me permettez de compléter - notre objection par rapport au cadre de référence n'est pas tellement une objection de fond sur le principe même, mais beaucoup plus en fonction d'une réalité que nous percevons et on ne voit pas - comme vient de le dire M. Guindon - qu'on se ferme à une évolution qu'avec le temps les CLSC puissent assumer davantage. L'analyse de la réalité nous amène à dire sur ce dossier qu'il ne faut pas précipiter les choses. Il vaut mieux, pour l'instant, laisser aux CSS la responsabilité première.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Merci, Mme la Présidente. Au départ, je veux souligner que je partage grandement les préoccupations du député de Laurier quant à la question des services sociaux en milieu hospitalier. Je me permettrai de répondre à l'appel du ministre et, au minimum, de lui faire la suggestion qu'on pourrait mettre un groupe de travail

de la nature de celui qui nous a préparé le projet de cadre de référence, qui pourrait se pencher sur cette question et nous faire une analyse de la situation, des avantages et des inconvénients des deux hypothèses qui pourraient être envisagées et, par la suite, nous faire des recommandations. Une des choses qu'on doit reconnaître tous ensemble, c'est qu'aujourd'hui on pose une question de fond en abordant toute la question du cadre de référence, du partage et des responsabilités entre les CSS et les CLSC, sauf qu'il faut reconnaître, et je crois que la discussion qu'on a depuis l'ouverture de nos travaux ce matin l'illustre, que, pour des raisons qui se justifient sûrement, on refuse d'aborder un certain nombre d'aspects fondamentaux du dossier. Il me semble qu'il faut être conscient qu'un des dangers d'une telle approche, c'est qu'on se retrouve ici tous ensemble dans un an, deux ans ou trois ans à se reposer encore une série de questions importantes par rapport à la dispensation des services sociaux au Québec. Un des constats qu'on risque de faire, c'est que ce qu'on aura franchi à partir du cadre de référence qui est présentement à l'étude, ce seront des étapes intéressantes, mais que pour l'essentiel il restera beaucoup à faire et qu'on aura tout simplement ajouté au retard qu'on aura peut-être accumulé dans la solution qui doit être apportée à une meilleure organisation des services sociaux au Québec.

Une des questions que je voulais aborder avec la fédération des CRSSS a trait aux ressources alternatives. J'avoue que je suis un peu surpris de la façon dont vous en traitez dans votre mémoire, du moins par rapport à l'absence d'allusion au râle qui restera au CLSC par rapport aux ressources alternatives. Je suis assez porté à être d'accord avec un certain nombre de rôles que vous voulez confier au CSS dans le dossier des ressources alternatives au niveau de la conception, du développement, de l'accréditation, un peu ce que vous dites, mais, en même temps, je me demande, et je veux absolument trouver une réponse à ma question, quel sera le rôle qui restera au CLSC dans tout le dossier des ressources alternatives. D'autant plus, comme vous le dites, que c'est une orientation qui est de plus en plus acceptée, qui fait de plus en plus consensus dans l'ensemble du réseau des affaires sociales au Québec et qu'on veut le plus possible proche des citoyens, proche de leur milieu naturel. Quand on pense au rôle que les CLSC exercent par rapport au maintien à domicile, à l'évaluation des personnes âgées quand vient le temps d'envisager le placement, etc., je suis resté un peu sur mon appétit lorsque j'ai lu les trois ou quatre paragraphes où vous traitez de cette question dans votre mémoire, parce que d'aucune façon vous ne faites allusion au rôle, à la fonction que le CLSC conservera et, donc, il me semble qu'il y a une absence de cohérence par rapport aux fonctions dévolues au CLSC ou, en tout cas, qu'on souhaiterait voir dévolues au CLSC sur cette question.

M. Bélanger: M. Léger va vous répondre.

M. Léger (Michel): C'est une excellente question. Je pense qu'on pourrait même l'élargir au niveau d'autres genres d'établissements comme les centres d'accueil, les milieux hospitaliers, le milieu hospitalier de courte durée ou psychiatrique, etc. Dans ce sens-là, la position ou la proposition qu'on met de l'avant, c'est beaucoup plus le rôle du CSS comme plaque tournante, compte tenu de sa position régionale. L'apanage de la créativité n'est pas donné exclusivement à ce genre d'établissement même si on en retrouve beaucoup. Dans ce sens-là, si on revient plus spécifiquement à votre question sur les CLSC, je crois que les CLSC peuvent jouer un rôle éminemment important à l'intérieur de cela en particulier dans le fait de proposer un certain nombre de ressources à développer en fonction de besoins qu'ils auront perçus, mais pour lesquels ils n'auraient pas forcément l'expertise pour les mettre en place ou les supporter de façon technique.

De la même façon, en termes de recrutement comme tel, si on marque l'aspect du recrutement au niveau du CSS et d'une certaine fonction, bien sûr, cela ne veut pas dire que si un CLSC dans son coin connaît une excellente famille d'accueil il ne peut pas la référer au CSS qui, lui, va voir, au niveau de l'évaluation, si cette famille répond effectivement aux normes minimales souhaitées pour tel ou tel genre de service. Donc, dans ce sens-là, les CLSC peuvent jouer un rôle très actif. Ce qu'on essaie de faire dans ce partage de responsabilités, c'est beaucoup plus que des aspects d'évaluation, d'accréditation ou autres soient faits de façon spécifique par le CSS en termes de spécialisation. Cela n'implique pas du tout que dans la mise sur pied ou même le travail dans le quotidien ou autre les CLSC ne soient pas impliqués.

M. Bélanger: Je voudrais ajouter, si vous me le permettez, qu'on connaît dans nos régions... Vous savez qu'à l'intérieur même de nos régions on a quand même des réalités sous-régionales et qu'il existe d'importants déséquilibres dans les ressources entre les mêmes sous-régions. Je pense, par exemple, qu'on pourrait parler de Montréal dans le domaine hospitalier. C'est vrai pour beaucoup d'autres réalités et d'autres aspects.

Il me semble que cette problématique

de ressources alternatives à l'institutionnalisation a une très forte connotation régionale. C'est aussi dans cette optique qu'une structure comme celle du CSS, qui est de dimension régionale, se doit de jouer, à notre point de vue, un rôle important. Comme le disait M. Léger, ce qui n'exclut en aucune façon toute la responsabilité qu'on a toujours reconnue et qu'on continue de reconnaître aux CLSC sous cet aspect.

M. Rochefort: J'avoue qu'on ne peut pas être en désaccord avec la réponse que vous venez tous les deux de nous donner. Toutefois, vous nous dites qu'il y a des responsabilités régionales et il est clair que le CSS étant de niveau régional, c'est à lui à jouer un rôle dans cela. Cela n'exclut pas que le CLSC qui voudra jouer un râle le fasse. Cela me laisse un petit peu insatisfait comme réponse. Je me dis que ce n'est pas la façon dont on doit envisager cette question si on veut vraiment que cela débloque un jour. Il faut dire plus, que s'ils veulent jouer un rôle, on leur permettra de le jouer. On ne leur dira pas: Mêlez-vous de vos affaires puisque cela ne vous regarde pas. Je me dis qu'il faut être très précis, quant à moi, sur ces questions et que les CLSC aient un rôle très clair, très défini. D'autant plus qu'il faut être cohérent par rapport à ce sujet. On dit qu'il faut de moins en moins institutionnaliser les gens. Il faut de plus en plus les maintenir à domicile quitte à avoir un certain nombre de ressources qui sont un petit peu entre les deux. Même quand on dit qu'ils sont un petit peu entre les deux, on les voit beaucoup plus proche du maintien à domicile, si on mettait cela sur un graphique, que de l'institutionnalisation. À cause des fonctions, à cause des rôles qui ont été joués par ces deux organismes jusqu'à maintenant et par rapport à ce qu'on voit dans le projet de cadre de référence, il me semble que le rôle dynamique doit être beaucoup plus au CLSC qu'au CSS quant au vécu quotidien, quant au recrutement des gens qui participeront aux ressources alternatives, quant à la décision de placer les gens en ressources alternatives qu'au niveau du CSS à qui, toutefois, je reconnais un rôle un peu semblable à celui que vous décrivez dans votre mémoire. Il me semble qu'il faut absolument voir cela de façon plus précise.

M. Bélanger: M. Guindon va ajouter à notre réponse, en espérant que cela vous éclairera davantage.

M. Guindon: Sur la question des CLSC, d'abord, il faut savoir qu'actuellement, sans que personne ne leur ait donné un mandat spécifique à cet égard, c'est dans leur rôle intrinsèque sur la dimension communautaire que de s'occuper des ressources alternatives. Je pense que les témoignages nombreux qu'on a pour des ressources reliées aux femmes en difficulté, à la santé mentale et aux jeunes peuvent faire en sorte que, déjà, les CLSC ont le pied dans la porte, et même assez sérieusement, dans ce secteur-là. On ne les accrédite pas, on les soutient, on leur réfère des bénéficiaires. Dans le rôle que nous prévoyons dans notre mémoire, c'est maintenu avec force, d'ailleurs. C'est logique, avec la future réglementation qui viendra confirmer aux CLSC un rôle d'évaluation des bénéficiaires. (12 h 15)

Je pense qu'on concentre tout le rôle du CLSC sur les bénéficiaires eux-mêmes et non pas sur la structure ou la ressource. C'est là qu'est la distinction importante dans ce sens que la décision de référer peut être prise par le CLSC, par le biais des comités d'admission au système qui serait mis en place, à la suite d'une évaluation qui est faite du bénéficiaire. Dans ce sens-là, le départage est très clair: le CLSC s'occupe des bénéficiaires en ressources alternatives, le CSS s'occupe d'accréditer les ressources alternatives. Il n'y a pas de mélange entre les deux comme dans le premier cadre de partage. Cela évite la confusion et assure un rôle vraiment sérieux aux deux et vraiment bien assumé selon nous.

M. Bélanger: II faut ajouter aussi qu'il y a de multiples ressources alternatives qui sont loin d'être de caractère strictement locales et qui dépassent les dimensions qui sont soit sous-régionales, soit proprement régionales. C'est une dimension qui est très importante aussi en termes de ressources alternatives. Dans bien des cas, les plus importantes et les plus efficaces ne sont pas strictement des ressources alternatives locales. Il faut donc tenir compte de cela aussi.

M. Rochefort: Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais vous poser quelques questions pour terminer. On a beaucoup parlé du rôle préventif et communautaire que devaient jouer les CLSC. C'est un peu à partir de la carence de ressources observée qu'on dit qu'il faut donner plus de ressources aux CLSC. On doit procéder à ce qu'on appelle des interventions de première ligne, à des transferts, parce qu'il semble qu'il y a encore des prises en charge par les CSS qui normalement auraient dû revenir aux CLSC dans cet esprit de services de première ligne et aussi, peut-être, pour leur donner plus de marge de manoeuvre pour qu'ils fassent de la prévention et développent l'approche communautaire. Vous parlez d'approche d'entraide, de réseau de soutien. Quand je

regarde la division que vous faites, je suis d'accord avec vous et je pense que là-dessus il semble y avoir consensus - je dis cela sous toute réserve - à savoir que le critère milieu naturel et milieu substitut créait beaucoup de problèmes au point de vue du respect des individus, du respect de la relation d'aide, etc.

J'ai l'impression, par contre, lorsque vous dites qu'on transfère tout ce qui est familial au CLSC, sauf la protection de la jeunesse, tout ce qui est enfance au CLSC, le scolaire au CLSC... Si on écoutait nos deux collègues, on aurait aussi transféré les services hospitaliers aux CLSC.

M. Rochefort: II faudrait poser la question.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est cela. La question reste posée. J'aimerais que vous me disiez si vous vous êtes penchés sur le profil des clientèles qui sont présentement desservies par les CSS par rapport aux clientèles desservies par les CLSC.

Deuxièmement, vous avez fait totalement abstraction, sauf pour ce qui relève de certaines lois, comme la Loi sur la protection de la jeunesse, l'adoption, vous avez transféré presque globalement, mis à part ce dont on discutait tout à l'heure, la création de ressources alternatives, mais ce qui touche vraiment la relation avec les individus qu'on veut aider, mis à part ces lois spéciales, vous transférez tout aux CLSC. Il me semble qu'en faisant ceci d'une façon aussi globale, vous faites abstraction des notions de services de première ligne, ou services courants, et des services spécialisés, quoiqu'il puisse y avoir chevauchement. Dans la définition de services courants - comme en médecine aussi - des hôpitaux spécialisés donnent aussi des services qu'on pourrait appeler courants en d'autres circonstances. Qu'il y ait un certain chevauchement, je le crois, mais j'ai l'impression que vous faites un transfert quasi complet du courant et du spécialisé, mis à part ce que j'ai mentionné tout à l'heure.

Est-ce que ceci permettra aux CLSC d'avoir l'expertise? Lors de la commission parlementaire sur la protection de la jeunesse, il est devenu clair - je pense que cela a été admis par tout le monde qui travaillait des deux côtés de la table - qu'il s'était développé une expertise. Dans le milieu scolaire vis-à-vis des problèmes sérieux de comportement, il s'est développé une expertise. Dans les cas de difficulté profonde en famille, de cas chroniques, il s'est développé une expertise. Je ne veux pas dire que, si vous mettiez des personnes en CLSC, elles ne pourraient pas développer la même expertise. Il ne faut pas oublier qu'il y a aussi un facteur de dilution dans le transfert vis-à-vis d'un plus grand nombre de ressources qui sont limitées au point de départ.

L'autre question, c'est: Dans quelle mesure les CLSC pourront-ils remplir leur mandat qui est, puisqu'on y fait si souvent référence pour justifier des choses ou pour ne pas en justifier d'autres, fondamentalement un mandat d'intervention en première ligne tant sur le plan social que sur le plan médical - avec une partie chevauchement, je l'admets - et surtout développer ce qui m'apparaît encore plus important dans cette philosophie qui... En tout cas, est-ce pour des raisons économiques ou fondamentalement d'idéologie - ce n'est pas dit dans un sens négatif - de développer l'appui de la communauté, l'entraide, etc. Si vous me dites quel est le type de clientèle qu'on va réellement transférer des CSS aux CLSC, est-ce que ce sera encore possible pour le CLSC de réaliser sa mission première, finalement?

M. Léger (Michel): C'est une longue question avec beaucoup de volets.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, je l'admets, mais le temps passe et j'imagine que vous avez réfléchi à cela.

M. Léger (Michel): Peut-être, dans un premier bout, l'aspect préventif et communautaire et l'aspect de la mission propre des CLSC. Il est évident, dans notre esprit, qu'il y a là un pari. La participation de la communauté, c'est beaucoup plus une attitude que, parfois, des techniques différentes d'intervention. C'est beaucoup plus cette espèce d'attitude. Cela ne veut pas dire que les CSS, autrefois, n'avaient pas cette orientation. On a vu des CSS, dans les premières années, qui avaient des services en intervention, en développement communautaire et en prévention. Au fil des années, ces services ont disparu en fonction des diverses compressions budgétaires que le réseau a subies. Dans ce sens, l'aspect de transférer les effectifs ne vient pas ipso facto faire en sorte que des services de type préventif et communautaire vont se développer. Donc, dans ce sens, c'est beaucoup plus le fait d'être dans un milieu -et c'est pourquoi je parlais de pari tout à l'heure - comme le CLSC que des pratiques professionnelles vont évoluer ou que des façons d'intervenir auprès de différentes clientèles cibles vont se modifier au fur et à mesure des années. Il est bien clair que pendant les premières années, à la suite du transfert, ce seront les mêmes personnes, ce sont les mêmes intervenants sociaux avec la même formation de départ qui vont intervenir. Donc, il n'est pas à espérer, dans un premier temps, qu'il y ait une espèce de boom ou une espèce de retour important vers

l'aspect préventif et communautaire. Le pari, c'est de dire que le CLSC avec sa mission, avec la prévention et le volet communautaire, va faire en sorte que les gens immergés, en quelque sorte, dans ce milieu vont commencer à intervenir de façon différente et à se rapprocher d'un esprit préventif et de mise en lien des services sociaux avec la communauté qui les environne. Je pense que c'est important de mettre ces nuances au départ.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Au fond, ce que vous dites, c'est qu'un autre objectif que vous visez et qui n'a peut-être pas été exprimé autour de cette table, c'est celui de modifier la pratique sociale.

M. Léger (Michel): Modifier... Disons lui permettre qu'il y ait un volet additionnel qui se développe, qui revienne ou qui reprenne surface au niveau de la pratique sociale, oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais ce n'est pas le fond de ma question. C'est seulement une partie de la question. Je vous laisse continuer.

M. Léger (Michel): C'étaient les premiers buts. Au niveau des profils de clientèles par rapport à cela, j'aurais besoin d'une précision quant à la question, parce que la question était tellement vaste au niveau des profils de clientèles.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pourquoi vous ai-je posé la question en relation avec le profil de la clientèle, c'est que, si le profil de la clientèle, actuellement, est très différent du point de vue de la lourdeur des cas ou de la gravité des cas entre ce que les CLSC reçoivent et ce que les CSS reçoivent et que toute cette clientèle, demain matin - enfin, demain matin, peu importe - était transférée au CLSC, non seulement vous n'aideriez pas les CLSC à remplir leur mission qui doit être l'aspect préventif et communautaire, mais, en plus de cela, peut-être que cette clientèle gravement touchée ne recevrait pas les mêmes services ou des services d'une même qualité.

M. Léger (Michel): C'est une affirmation qui pourrait faire l'objet d'une évaluation a posteriori. Par contre, ce qu'on peut penser par rapport au transfert, c'est qu'effectivement les transferts se feront en termes de transfert de responsabilités, mais aussi en termes de transfert d'effectifs et, en même temps, de clientèles. C'est un point qui n'a pas encore été abordé comme question pour l'instant. Il y a aussi des questions que l'on peut se poser là-dessus.

Mais, en termes de mise en relation avec d'autres types de services, je pense qu'on peut escompter - là encore, c'est un pari - un lien au niveau de la proximité d'autres types de services. Quand on parle de prévention, cette prévention ne se fait pas in abstracto, au hasard comme cela. Il y a des éléments qui se font à ce niveau-là, mais la prévention se fait souvent à l'occasion d'une maladie. Elle se fait souvent à l'occasion d'une crise au point de vue social. C'est le fait de baigner dans un milieu de type préventif que l'on pourra alors, au cours d'une crise ou d'une maladie, mettre en lien avec un autre professionnel qu'on retrouve dans le CLSC et faire, à ce moment-là, de la prévention.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous écoute et, très honnêtement, d'ailleurs, vous dites, et vous l'avez répété deux ou trois fois, que c'est un pari qu'on fait et qu'on pourra évaluer a posteriori. Je trouve quand même que c'est assez sérieux comme affirmation, mais, d'autre part, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, en supposant que la décision continue dans ce sens-là - enfin, c'est la vôtre, ce n'est pas celle du ministre, je ne sais pas ce que ce sera - de partir sur une base expérimentale et ne pas dire plutôt sur une base générale: On reviendra peut-être à l'étapisme, mais avec certaines étapes avant de dire que c'est généralisé, alors qu'il y a de gros points d'interrogation auxquels on n'a pas répondu? Dans le fond, on a beaucoup parlé ce matin de responsabilités à droite et à gauche, mais ce qui m'intéresse, c'est vraiment le client ou la personne qui reçoit un service. Il faut s'assurer que cette personne ne sera pas pénalisée et que les autres à venir recevront des services qui seront de qualité égale. Vous l'avez soulevé un peu vous-même quand vous avez parlé d'expertise au niveau des services sociaux scolaires. Je pense que cette question d'expertise existe aussi dans d'autres domaines et qu'elle a été développée au cours des années.

On parle des CSS comme d'une expérience d'il y a dix ans, mais on peut parler aussi des agences sociales comme d'une expérience de 75 ans qui a évolué, et fort bien. Ce sont quand même des considérations sérieuses et je voudrais voir dans quelle mesure vous avez examiné ces dimensions-là et dans quelle mesure vous avez consulté, par exemple, la corporation professionnelle, parce que je ne sais pas si on peut décider de changer la pratique professionnelle des médecins aussi facilement que cela.

M. Bélanger: M. Guindon va continuer notre réponse là-dessus, madame.

M. Guindon: Vous savez, vous abordez des points qui, je pense, vont sans doute être repris par d'autres groupes qui vont passer

devant vous, mais j'aimerais clarifier certains concepts. J'ai mentionné plus tôt qu'on n'avait pas utilisé de façon explicite la dimension entre les services courants et les services spécialisés. Les travailleurs sociaux -à moins que je ne le sache - ne sont pas spécialisés au même sens qu'on va le dire en médecine. Et, déjà, quand on parle de spécialisés au niveau des services sociaux, on parle plus d'un secteur dans lequel on a concentré ses activités que d'une formation spécifique pour tel ou tel service.

L'autre chose, c'est que, lorsqu'on parle des clientèles comme vous le faites, on risque de passer à côté du problème de l'ensemble de la pratique sociale face à la population en général et à la population démunie. Dans ce sens, je crois que nous avons une approche qu'on souhaite différente. Au niveau des CSS, la pratique est davantage axée sur justement les clientèles toutes séparées et catégorisées soit par milieu, soit par type de clientèle, et on croit que déjà, parce qu'il se fait dans les CLSC - il s'en fait dans certains CLSC, peut-être pas avec la même intensité - des services sociaux, on croit que l'approche intégrée de la dimension des services sociaux dispensés à des individus, mais aussi de la dimension communautaire, va nous faire perdre le préjugé qu'on a voulu répandre. Je ne dénoncerai pas qui a répandu que la vocation spécifique des CLSC, c'est celle du préventif et du communautaire, et que celle des CSS, c'est celle de la restauration des situations individuelles de ceux qui ont des problèmes majeurs. Je pense que c'est une erreur d'affirmer cela. La vocation des services sociaux est globale, elle est intégrée autant dans ses dimensions et ses interfaces sociales, autant dans ses causes que dans ses effets. Qu'un même établissement s'occupe des services de base selon une pratique renouvelée à l'ensemble de la population, cela nous apparaît plus intéressant, quitte à garder, pour les portes d'entrée qui sont déjà définies par les lois, le CSS dans un rôle spécifique par rapport à ces situations. C'est un peu l'essentiel de notre réflexion qui n'est peut-être pas transcendante dans le mémoire, mais qui est sous-jacente par rapport à des discussions qu'on a eues.

M. Bélanger: Je voudrais ajouter à cela, si vous le permettez, qu'en page 12 de notre mémoire on propose et on demande que les régions soumettent un échéancier et un plan d'implantation qui va varier. On le dit à la dernière phrase d'un sous-paragraphe: "L'expérience de transfert de certaines régions pourra ainsi servir aux autres régions où les échéanciers seront plus longs." Déjà, c'est partiellement une réponse à l'interrogation que vous vous faisiez. Il est clair que l'opération ne se fera pas partout en même temps et au même rythme et que l'expérience des uns va profiter aux autres.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense qu'on va être obligés d'arrêter nos échanges à ce moment. Je veux vous remercier pour votre mémoire et pour toutes les réponses que vous avez apportées.

La commission suspend ses travaux jusqu'à quinze heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

(Reprise de la séance à 16 h 16)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales reprend ses travaux pour continuer sa consultation auprès des organismes touchés par le cadre de référence proposant un partage des responsabilités entre les centres de services sociaux et les centres locaux de services communautaires.

Le prochain organisme que nous entendrons sera la Fédération des centres locaux de services communautaires du Québec. Si vous voulez bien vous présenter, messieurs, et nous faire la présentation de votre mémoire.

Fédération des CLSC du Québec

M. Sénéchal (Marcel): Mon nom est

Marcel Sénéchal, président de la Fédération des CLSC du Québec. Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: M. Jean-Pierre Bélanger, conseiller-cadre à la fédération; M. Yves Léveillé, directeur général du CLSC de Saint-Hubert et membre du conseil d'administration de la fédération; M. Maurice Charlebois, directeur général de la fédération; M. Paul Leguerrier, directeur général du CLSC de Hull et deuxième vice-président de la fédération; M. Jean Moyen, directeur du Centre de santé Basse-Côte-Nord et membre du comité aviseur de la fédération; M. Maurice Arsenault, premier vice-président de la fédération et représentant des usagers; Mme Andrée Bélanger, également membre du comité exécutif de la fédération et représentante des usagers.

Si vous me le permettez, compte tenu du temps qui nous est donné, je vais faire une lecture rapide de notre mémoire.

Au nom de tous les centres locaux de services communautaires du Québec, c'est avec plaisir que nous venons vous faire part du point de vue des CLSC sur le projet du ministère des Affaires sociales d'établir un nouveau partage des responsabilités et des ressources entre les CSS et les CLSC, projet communément connu sous le nom de Cadre

de référence CSS-CL.SC.

Le 21 décembre dernier, nous avons eu l'occasion de remettre à M. Jean-Claude Deschênes, sous-ministre au ministère des Affaires sociales, nos réactions dans le cadre de la consultation qu'il conduisait alors sur ce projet. Outre le fait que nous croyons maintenant que les services aux familles d'accueil devraient être rendus sur une base locale, nous maintenons l'essentiel des positions que nous avons exprimées alors et qui sont contenues dans le document annexé au présent mémoire. Notre intervention devant la commission vise surtout à rappeler la nécessité qu'une action soit prise pour réorganiser le système de distribution des services sociaux pour une décentralisation de ces services dans les CLSC.

Il nous semble opportun, au départ, de rappeler que l'établissement d'un nouveau partage des responsabilités et des ressources entre les CSS et les CLSC n'est pas une question nouvelle, contrairement à ce que certains ont semblé croire lorsque la première version du projet du ministère a été rendue publique en décembre dernier. En fait, c'est une question qui traîne sur le tapis depuis l'amorce de la réforme des services de santé et des services sociaux. Compte tenu du contexte, il n'a jamais semblé pressant jusqu'ici de régler cette question. Historiquement, les CSS ont intégré tous les effectifs des anciennes agences diocésaines même si les CLSC, peu nombreux au départ, auraient dû en principe, selon la vocation que la réforme voulait leur confier, recevoir une partie de ces effectifs. D'ailleurs, un peu partout au Québec, depuis plusieurs années, des CLSC tentent de s'entendre avec leur CSS en vue d'un partage des ressources et ce, parce qu'il était entendu que les CSS assuraient en suppléance les services dits de première ligne à la place des CLSC. Ces discussions ont toujours été vaines et même, dans le cas des auxiliaires familiales qui devaient joindre le programme de services et soins à domicile dans les CLSC, à la suite d'une politique ministérielle, il a fallu un arbitrage du ministère pour compléter le transfert.

C'est pour résoudre ces difficultés qu'à l'hiver et au printemps 1982 il y a eu des rencontres entre l'association des CSS, celle des centres d'accueil et nous-mêmes pour essayer, par voie d'un consensus commun, d'établir un nouveau mode de partage des responsabilités qui aurait pu par la suite être proposé au ministère. Avant donc de nous adresser au ministère pour réclamer un mode de partage des responsabilités plus équitable pour les CLSC, afin qu'ils puissent actualiser leur mission dans le champ socio-communautaire, nous avons d'abord exploré la voie des discussions bilatérales.

À l'été 1982, dans sa directive 1982-076, le ministère demandait aux conseils régionaux de consulter les institutions de leur région dans le but d'élaborer des plans de transferts des effectifs de première ligne des départements de santé communautaire et des CSS vers les CLSC afin d'en parachever le réseau, conformément à la politique de parachèvement rendue publique en avril 1981. Ce processus a été plus difficile à réaliser en matière de services sociaux qu'en matière de santé où il est devenu acquis, depuis déjà quelques années, que l'exécution des programmes doit être confiée aux CLSC.

Devant les difficultés pour actualiser le regroupement des ressources sociales dans les CLSC, conformément à la directive, et pour donner suite aux mandats de nos membres qui s'étaient prononcés sur la question lors d'une assemblée générale tenue en 1979, nous avons adressé, en janvier 1983, soit il y a déjà plus d'un an, un mémoire au ministre des Affaires sociales de l'époque, M. Pierre-Marc Johnson. Dans ce mémoire, nous proposions un nouveau mode d'organisation des services sociaux qui reposait sur l'idée de décentraliser les services afin de les rapprocher des citoyens, d'une part, mais aussi, et surtout, d'amener ces ressources à maximiser le recours aux ressources du milieu. Nous estimions que le fait d'intégrer ces ressources dans les équipes multidisciplinaires des CLSC était une garantie de succès de cette opération et que le transfert de la moitié environ des effectifs des CSS vers les CLSC aurait permis à ceux-ci d'assumer leurs responsabilités de dispensateurs de services socio-communautaires locaux.

Sans le savoir, à ce moment-là, une proposition similaire était en gestation à l'étranger puisqu'en Angleterre la commission Barclay était chargée, à la même époque, d'étudier le système de distribution des services sociaux et de proposer les solutions requises aux problèmes identifiés. Cette commission devait conclure, au printemps 1983, qu'il était devenu impérieux, en Angleterre, de décentraliser les services sociaux afin d'en augmenter la souplesse d'action, mais, surtout, afin de pouvoir mieux utiliser les ressources de la communauté.

En juin 1983, la Fédération des CLSC soumettait un autre mémoire au ministre des Affaires sociales sur la question des services sociaux aux jeunes. Cette intervention de notre part était faite dans le cadre de la révision de la loi 24 et, aussi, de l'amorce, par le ministère, de la préparation d'une politique générale de services aux jeunes. Nous essayions alors de faire la démonstration de l'application du concept de services socio-communautaires locaux auprès d'une clientèle spécifique.

C'est, enfin, en bonne partie pour répondre à ces difficultés d'application de sa directive émise un an et demi auparavant que le ministère soumettait à la consultation

des principaux intéressés la première version de son projet de redéfinition des responsabilités entre CSS et CLSC. Nous avons fait connaître formellement notre position dans un mémoire soumis au sous-ministre le 21 décembre dernier. Il y avait eu aussi consultation informelle des parties impliquées dès novembre.

Il nous semble important, à ce stade-ci, que le ministère et le ministre définissent l'orientation générale qu'il faut donner au système de distribution des services sociaux au Québec et qu'ils en articulent les grands principes d'opération. Cela est important afin de permettre de tracer, dès maintenant, les perspectives qui devront être suivies au cours des prochaines années.

Si nous insistons depuis tant d'années pour que soient redéfinies les responsabilités des CSS et des CLSC et que nous continuons à croire qu'une telle modification est plus que jamais opportune, c'est principalement à cause de deux raisons fondamentales et interreliées. Certains ont déjà véhiculé, à propos du projet de cadre de référence, qu'il avait été élaboré principalement dans l'intention de dégager des ressources des CSS aux seules fins de pouvoir parachever le réseau des CLSC. C'est en partie vrai. Ces ressources, qui seraient transférées des CSS, sont nécessaires numériquement pour rendre viables les nouveaux CLSC qui seraient créés. De même, une partie des CLSC existants, dont surtout ceux qui sont de création récente, sont encore actuellement, principalement, des centres locaux de santé, puisqu'ils ont peu ou pas de ressources sociales. L'addition de telles ressources leur est donc indispensable pour compléter leur vocation. Mais il y a beaucoup plus que cela. C'est la décision même de parachever le réseau des CLSC qui rendait nécessaire un jour une telle remise en question du partage actuel des responsabilités entre CSS et CLSC. Ainsi, au départ - et le projet du ministère y fait éloquemment référence - la réforme des services sociaux supposait, dès 1972, l'instauration de deux paliers de services sociaux, l'un situé au niveau local, l'autre au niveau régional.

Ainsi, la commission Castonguay concluait à la nécessité d'un palier local de services, situé près des gens et des problèmes qu'ils vivent, en même temps qu'il serait fortement axé sur la prévention, et je cite: "...en accordant une priorité à la prévention - dira-t-elle - et en logeant les services le plus près possible des milieux de vie, d'évolution et de tension socioculturelles - à la base et au coeur même des lieux concrets de notre collectivité - il est possible de cerner les sources et les causes potentielles de désintégration et de régression, personnelles et sociales, et d'y apporter des réponses adéquates et adaptées à chaque milieu, tout en poursuivant des fins positives de soutien et de consolidation des liens socioculturels organiques."

La décision de parachever le réseau des CLSC implique donc, dans l'esprit de la réforme, l'insturation d'un palier local de distribution des services sociaux qui soit logé dans les CLSC. Le regroupement des services et des effectifs dits de première ligne dans les CLSC s'impose donc et c'est une des caractéristiques de la réforme que de rationaliser les services par un tel regroupement.

On a parfois dit du projet de cadre de référence qu'il s'agissait, sous le couvert d'une réforme administrative, d'un changement aussi profond que la réforme Castonguay-Nepveu. Au contraire, c'est l'achèvement même de la réforme des affaires sociales qui suppose nécessairement l'instauration d'un nouveau partage des responsabilités entre CSS et CLSC. Ne pas procéder à ces changements et conserver à un niveau régional centralisé l'essentiel des ressources d'interventions sociales constituerait en réalité une contre-réforme des affaires sociales.

Compléter la réforme en matière de services sociaux, c'est aussi, à nos yeux, établir la nécessaire correspondance et interdépendance entre la santé et le social. C'était là un des postulats les plus fondamentaux de la réforme proposée par la commission Castonguay que de proposer une approche multidisciplinaire à des problèmes dont les racines sont tout autant multiples et complexes. Cette orientation que proposait la commission est aussi fondée actuellement qu'elle pouvait l'être à l'époque. Les problèmes de santé de la population - c'est reconnu - relèvent de plus en plus de causes reliées à l'environnement et aux conditions sociales de vie, d'autant plus que les mutations économiques que nous traversons laissent des séquelles: détérioration du tissu social, exclusion des jeunes adultes du marché du travail, chômage chez les plus âgés, situations familiales intenables, éclatement des familles, augmentation de la violence sous toutes ses formes. (16 h 30)

L'autre raison principale qui milite en faveur de l'établissement d'un nouveau partage de responsabilités entre CSS et CLSC réside dans l'orientation de la pratique sociale. Celle-ci doit être tournée vers l'utilisation maximale des ressources et des possibilités du milieu. Déjà, en 1972, la commission Castonguay insistait fortement sur cette dimension, comme on le rappelle dans la dernière version du cadre de référence. Je cite: "II ne s'agit évidemment pas de ressusciter artificiellement des formes sociales désormais caduques. Mais le principe et la nécessité de ce genre de solidarité humaine demeurent. Sans vouloir créer ex nihilo de nouveaux organes, ni y suppléer,

nous croyons qu'il est possible et essentiel d'établir des structures d'encadrement et d'appui, qui permettront aux anciennes solidarités qui subsistent, de se renouveler; à de nouvelles de se créer et de se développer, en laissant une authentique liberté d'action aux personnes, aux groupes et aux collectivités."

Nous identifions généralement dans notre milieu cette nouvelle approche des services que nous croyons nécessaire d'implanter comme étant "communautaire". Ce n'est pas au premier chef une définition théorique puisque les pratiques concrètes des CLSC sont d'abord le fruit d'expériences pratiques, d'essais, d'erreurs, mais aussi de succès plutôt que le résultat d'exercices théoriques. Une partie significative de ce qui constitue aujourd'hui l'essentiel de la vocation spécifique des CLSC est le résultat direct d'une patiente construction par expériences.

Le principe général de réorganisation des services sur une base locale et communautaire, comme nous le proposons, voudrait que toute demande en service social puisse d'abord recevoir une attention suffisante au niveau local. Nous avions déjà essayé de cerner les principaux éléments de cette approche dans le premier mémoire que nous avions soumis en janvier 1983. Il n'est pas inutile de les rappeler brièvement.

Il s'agit, d'une part, de rapprocher les services sociaux des citoyens et de la communauté où ils évoluent, mais aussi de réorienter ces services vers un renforcement et une meilleure utilisation des ressources de la collectivité. De façon générale, on peut essayer d'identifier les éléments suivants de ce nouveau mode d'organisation des services sociaux:

Les services sociaux locaux et communautaires doivent se retrouver dans les CLSC.

Ils doivent être accessibles sur l'ensemble du territoire, ce qui suppose donc le parachèvement du réseau des CLSC.

Ils doivent être, sur un territoire donné, les plus accessibles possible, ce qui suppose une augmentation du nombre d'effectifs sociaux dans les CLSC.

Ils doivent être près des milieux d'appartenance et d'identification des usagers et ce, notamment en référence aux municipalités régionales de comté, avec possibilité de points de services encore plus décentralisés.

Ils doivent être visibles, souples, légers et polyvalents.

Ils doivent véhiculer une approche globale des réponses à apporter aux besoins des usagers et être articulés de façon étroitement complémentaire aux services de santé, d'organisation communautaire et autres qui seront aussi distribués sur une même base.

Ils doivent donc être rendus par des équipes multidisciplinaires dans toute la mesure où c'est nécessaire.

Ils doivent viser à une utilisation la plus rationnelle et la plus économique possible des ressources, notamment en limitant le recours à l'institutionnalisation et aux services spécialisés à ce qui est nécessaire.

Ils doivent être basés sur la distribution de services curatifs et ce, en particulier comme moyen d'ancrage dans la réalité pour développer, à partir de cela, des programmes de prévention ou d'intervention collective pertinents.

Ils doivent être axés de façon équilibrée vers la prévention et l'éducation des usagers, afin de favoriser leur autonomie et leur prise en charge dans toute la mesure du possible.

Ils doivent viser à utiliser de façon maximale toutes les capacités et les ressources du milieu où ils évoluent. Ils doivent chercher à renforcer le tissu social existant dans toute la mesure du possible.

Les services sociaux locaux et communautaires ne rejettent pas la nécessité d'interventions individualisées. Ils cherchent cependant à inscrire ces pratiques thérapeutiques dans une perspective "développementale" qui repose sur la complémentarité entre l'individuel et le collectif et la mise à contribution des complémentarités multidisciplinaires.

Un tel changement d'emphase vers des services locaux implique évidemment que les CLSC acceptent la responsabilité des problématiques dont s'occupent actuellement au niveau régional les effectifs qui leur seraient transférés, mais la mise en branle d'un tel processus suppose inévitablement une redéfinition des approches utilisées dans la perspective de l'approche communautaire que nous avons essayé d'identifier précédemment, car il ne s'agit pas que d'un simple transfert d'effectifs et de "caseload", d'une instance vers une autre. Si c'était le cas, il n'y aurait effectivement pas grand-chose à gagner. Nous croyons au contraire que nous avons globalement tout à gagner en cherchant à mettre en place une approche équilibrée qui vise à développer et à utiliser au maximum les ressources du milieu.

Mais il est aussi fondamental de souligner ici que le fait de prôner le développement d'une approche communautaire n'est en aucune façon un blâme direct ou indirect adressé aux types d'approches développés par les CSS qui, dans un contexte donné, étaient peut-être inévitables. C'est au contraire reconnaître la nécessité d'adapter le système de dispensation des services sociaux dans son ensemble à de nouvelles réalités qui ne sont pas nécessairement propres ni au Québec ni aux CLSC. Un très bon exemple nous en est donné en Angleterre

par les conclusions auxquelles en est arrivé le comité Barclay. L'analyse mérite d'en être brièvement rappelée.

Le comité Barclay devait surtout analyser les rôles et fonctions des travailleurs sociaux. Son mandat consistait d'abord à reconsidérer les rôles et tâches des travailleurs sociaux oeuvrant dans les services sociaux de nature tant publique que privée en Grande-Bretagne. Il devait ensuite identifier, pour le bénéfice du "Secretary of State for Social Services", les recommandations jugées utiles. Ce faisant, le comité était tout à fait conscient qu'il ne pourrait aborder les rôles et tâches des travailleurs sociaux sans aborder, en même temps, tout le système de distribution des services sociaux, le premier objet étant profondément déterminé par le second. L'importance de son rapport tient surtout aux trois contributions majeures qu'il apporte dans la discussion sur les services sociaux.

La première consiste en l'insistance que l'on met sur la nécessité d'un partnership à promouvoir entre les servives sociaux formels et l'ensemble de ce qui est appelé le secteur volontaire. La seconde est constituée d'une présentation particulièrement explicite et éclairante de l'approche communautaire dans le contexte de l'évolution récente des politiques sociales et la troisième consiste en une présentation du rôle des services en relation avec la communauté locale.

Le contexte général est d'abord analysé quant à ses aspects économiques. Le comité prend d'abord note de la croissance qui s'est exercée dans les coûts de l'ensemble des services au cours des dernières années. Il accepte aussi le fait que le volume des ressources publiques pouvant être affectées aux services publics n'est pas illimité. Il accepte donc, en conséquence, que des priorités de dépenses et d'affectations de ressources doivent être établies et que tous les efforts de rationalisation véritable doivent être poursuivis. Le comité rappelle aussi, cependant, que la pression la plus déterminante sur les services sociaux, si elle vient, entre autres, du vieillissement de la population, ne provient pas surtout de facteurs démographiques, mais bien de facteurs sociaux: croissance du nombre de familles monoparentales, éclatement des familles, la violence, etc., auxquels facteurs il faut ajouter les effets dramatiques du chômage et du sous-emploi qu'on commence d'ailleurs à peine à soupçonner et à mesurer. De là, donc, la nécessité de ne pas négliger la relation inverse entre la demande pour les services sociaux et l'état de l'économie. Le comité insistera de plus pour rappeler l'interrelation existant entre les divers secteurs de la vie en société. On fait valoir que la qualité positive ou négative des systèmes tels que la santé, l'éducation, l'habitat, le logement, la protection et la sécurité sociale a nécessairement des effets sur le système de services sociaux et qu'une raréfaction des services dans l'un ou l'autre de ces secteurs ne peut que conduire à un accroissement de la pression sur les services sociaux.

Le comité conclut ses commentaires sur le contexte économique en acceptant la nécessité de la rationalisation des services, faisant valoir qu'à cause de l'interaction de divers secteurs de la vie sociale la priorité d'affectation des ressources ne va pas nécessairement vers les services sociaux. Ceux-ci, cependant, ont la responsabilité d'intervenir pour faire valoir les situations sociales intolérables. Ils doivent aussi réorienter leurs interventions de façon à promouvoir et à utiliser les réseaux naturels d'aide, à les considérer comme des compléments essentiels au processus d'aide.

Il est de l'avis du comité Barclay qu'une nouvelle approche de l'intervention de l'État et des services publics est présentement en gestation: l'approche communautaire. Cette dernière postule que les individus ordinaires ont davantage de potentiel, d'habileté et d'intérêt pour s'aider et se supporter les uns les autres que ne le supposait l'approche de l'État-providence. L'approche communautaire exige, par ailleurs, le rapatriement au niveau des entités locales des pouvoirs et de la décision. Les ressources spécialisées des intervenants sociaux demeureront nécessaires, mais les politiques d'intervention devront d'abord et avant tout viser à équiper et à supporter les réseaux informels, lorsqu'ils existent, à les créer ou à les développer lorsqu'ils sont inexistants ou trop faibles.

La première tâche de l'intervenant social consistera donc à stimuler l'entraide, à motiver et à aider les individus, groupes et communautés locales à occuper leur place dans le système et le processus d'aide. Il est important de signaler ici que dans l'esprit du comité Barclay une telle orientation consiste moins à retourner aux individus, groupes ou collectivités des responsabilités que l'État ne veut plus ou n'a plus les moyens de prendre; il s'agit plutôt de considérer ces acteurs, d'abord, comme naturellement orientés vers de telles responsabilités et, ensuite, comme particulièrement efficaces à s'en acquitter.

Si une telle perception des individus, groupes et collectivités conduit les intervenants du système formel de services à une responsabilité de support à cette tendance naturelle, elle les conduit d'abord et avant tout à éviter tout comportement qui conduirait à handicaper cette même tendance. Une telle perception du rôle des "aidants naturels" dans le processus d'aide prépare la voie à la partie finale du rapport intitulée "Les clients, la communauté et le travail social." Celle-ci traite, entre autres, des attentes des usagers par rapport aux

services et aux intervenants qui y travaillent, de la vision qu'en ont les médias d'information, ainsi que de l'efficacité relative des services sociaux. Y apparaît aussi une discussion sur les divers moyens pouvant être utilisés pour le maintien des standards de pratique et la protection des droits des usagers.

Selon le comité Barclay, la communauté n'est donc pas seulement un système particulièrement dense de relations entre individus ou groupes; c'est aussi, et de loin, le principal fournisseur d'aide et de support à ces mêmes individus ou groupes.

La prise en considération d'une telle réalité fournit la base pour un renouvellement majeur de la réflexion sur le processus d'aide et sur le rôle que doivent y jouer les organisations de services. Elle nous amène à nous interroger sur les responsabilités d'aide aux aidants, sur les attitudes ou comportements qui peuvent handicaper ou saboter un processus d'aide, sur les façons de compenser ou de remplacer un système d'aide vu comme inefficace ou dommageable à l'individu dans le besoin, sur les politiques et programmes sociaux qui, trop souvent, et beaucoup plus souvent qu'on ne le croit, non seulement n'appuient pas les systèmes d'aide déjà en marche, mais les handicapent et même les sabotent, quand ils n'exigent pas tout simplement la soumission et la "déresponsabilité" complète du client avant de s'exercer. Elle nous amène enfin à nous interroger sur les transformations qui deviennent nécessaires dans les structures mêmes des services. Selon ce rapport, en effet, il paraîtrait impossible que les services sociaux soient véritablement communautaires sans être structurellement intégrés aux communautés locales elles-mêmes.

Ce mouvement vers la décentralisation des services à un niveau local et la mise à contribution des ressources de la collectivité locale n'est pas qu'une particularité exceptionnelle de la société anglaise. Au contraire, on peut noter une convergence certaine dans les analyses qui sont faites de l'évolution prévisible des services et dans les nouvelles méthodes d'expérimentation qui sont mises en oeuvre.

Ainsi, dans l'analyse globale qu'il livre dans son volume "La crise de l'État-pro-vidence", Pierre Rosanvallon souligne qu'en France l'avenir de l'Êtat-providence passe par trois propositions majeures: la première, il faut débureaucratiser et rationaliser la gestion des grands équipements et fonctions collectives; c'est la voie d'une socialisastion plus souple.

La deuxième, il faut renouveler et aménager certains services publics pour les rendre plus proches des utilisateurs; c'est la voie de la décentralisation qui vise notamment à accroître les responsabilités locales dans le domaine local, notamment.

La troisième, il faut transférer à des collectivités non publiques, associations, fondations, groupements divers, des tâches de services publics; c'est la voie de l'autonomisation. C'est en partie ce que vise l'approche communautaire que les CLSC veulent développer au Québec.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes rendu à 24 minutes. Je veux bien vous laisser quatre ou cinq minutes pour compléter.

M. Sénéchal: D'accord. Plus près de chez nous, Jacques Grand'Maison ajoutait la semaine dernière à cette analyse, à l'occasion de la semaine du bénévolat: "Rappelons ici que notre système public moderne bâti durant les années '60 avait été conçu comme outil, comme tremplin pour développer des communautés, des milieux capables de se prendre en main et d'engendrer leurs propres dynamismes sociaux, culturels et économiques. Nous sommes loin du compte. Il est temps de déplacer le centre de gravité: de l'échafaudage au pays réel, là où les gens vivent. Un système qui a détruit les communautés peut-il les faire renaître? Il faut renverser la démarche, le mouvement, la pratique sociale et partir désormais des milieux et communauté de vie." Vous verrez, dans les pages qui suivent, d'autres références à des mouvements et à des écoles qui sont plus québécoises.

Je passe à la page 18: Miser sur les CLSC: un choix réaliste. Pourquoi miser sur les CLSC? Les raisons de fond que nous avons évoquées militent en faveur de changements importants afin de parachever le réseau des CLSC et de mofidier l'orientation des pratiques sociales. D'autres arguments vont aussi dans cette direction de confier un rôle plus important aux CLSC en matière de dispensation des services sociaux: les CLSC ont des avantages structurels importants, ils assument déjà une présence significative au niveau de la population et, enfin, ils font déjà montre de la compétence nécessaire pour mener à bien une telle opération.

Des avantages structurels. Les CLSC desservent des populations moins importantes: 33 000 environ, en moyenne. Il leur est donc plus facile d'être accessibles à la population, mais aussi d'être à l'écoute de ses besoins et d'en connaître les ressources et les responsabilités. Les CLSC ont aussi en moyenne moins d'employés: moins de 75 employés en moyenne par CLSC. Les territoires des CLSC sont aussi maintenant définis par les limites des MRC, ce qui rendra encore la concertation plus facile avec les autres intervenants du milieu. Enfin, les CLSC ont aussi un conseil

d'administration local. Cette autonomie leur permet de s'ajuster plus rapidement aux priorités et aux particularités de chacun des milieux.

La présence des CLSC dans leurs milieux. Les quelques données suivantes tirées d'études récentes illustrent la place que les CLSC occupent déjà et celle qu'ils pourraient occuper. Dans un sondage que nous venons de rendre public et qui a été fait par la firme SORECOM, trois Québécois sur dix ont déclaré avoir utilisé les services d'un CLSC au cours de la dernière année ou avoir été rejoints par des activités d'éducation, d'information ou d'animation communautaire. (16 h 45)

Sur les territoires où les CLSC existent depuis 1976 ou avant, et sont donc mieux implantés, c'est un résident sur deux qui a eu recours au moins une fois à son CLSC ou qui a été rejoint par celui-ci au cours de la dernière année. Les CLSC sont donc devenus de centres de référence significatifs pour la population du Québec.

D'autres données tirées d'extrapolations faites à partir d'échantillons représentatifs des CLSC, dont les données sont informatisées, confirment ce que le sondage nous révèle. Ainsi, un groupe de 69 CLSC ont ouvert, depuis leur création, un total de 890 000 dossiers individuels, ce qui représente 37,9% de toute la population qu'ils desservent. Une projection faite à partir d'un groupe représentatif de 33 CLSC permet d'évaluer qu'au cours de l'année 1983-1984 l'ensemble des CLSC en opération aurait distribué 1 800 000 interventions à 530 000 Québécois différents.

Si les CLSC sont devenus des pôles de services significatifs pour les Québécois, ces derniers s'en montrent aussi satisfaits puisque notre sondage démontre que plus de neuf utilisateurs sur dix au cours de la dernière année se sont dits très satisfaits ou satisfaits des services qu'ils y ont reçus.

Les CLSC ont su pénétrer leur milieu sur plusieurs fronts. Notre sondage révèle que, l'an dernier, 6% des visites médicales faites à des médecins omnipraticiens au Québec l'ont été à des médecins oeuvrant dans des CLSC, ce qui correspond à la proportion de médecins omnipraticiens pratiquant dans des CLSC.

Je passe rapidement sur ce chapitre pour reprendre à la page 24: Au-delà des chiffres... une question de compétence. Mais, au-delà de ces chiffres, la confiance des CLSC dans leur capacité d'assumer une plus grande part de responsabilité en matière de dispensation des services sociaux repose aussi sur une pratique qui a été établie concrètement et progressivement et qui confirme l'applicabilité, en règle générale, des propositions contenues dans le cadre de référence.

Sans prétendre faire un inventaire exhaustif de tous les faits qui vont dans cette direction, les suivants méritent d'être rapidement évoqués: certains CLSC appliquent déjà un mode de fonctionnement qui se rapproche beaucoup des dispositions du cadre de référence; c'est le cas au CLSC de la basse-ville. On y trouve un programme d'intervention léger à court terme pour les personnes ayant un problème: relation parent-enfant défectueuse, problèmes de couple, mais où la situation ne s'est pas encore détériorée. L'intervention y a donc un aspect préventif. Les praticiens sociaux reçoivent aussi des délégations de la Direction de la protection de la jeunesse; 15% des dossiers courants, dans le cas, par exemple, où la famille est déjà connue du CLSC. Enfin, environ le quart des dossiers sociaux est constitué de cas à risque social élevé qui demandent un suivi régulier et un appui important: mères célibataires avec des problèmes psychiatriques, suicidaires... Dans la mesure du possible, les intervenants du CLSC auront recours à des ressources de soutien du milieu.

Là où un CLSC existe depuis longtemps et où il dispose d'un minimum de ressources sociales, les usagers qui font face à des problèmes d'ordre social auront tendance à se diriger d'abord vers le CLSC, s'il est plus près. C'est évidemment le cas dans les milieux ruraux où, surtout avec l'effet des compressions, les CSS sont souvent moins présents que le CLSC, mais cela peut aussi être le cas en milieu urbain. Ainsi, le CLSC de Montréal-Nord dessert une population de près de 100 000 personnes. Il existe depuis longtemps et dispose d'un minimum de ressources sociales. Quant à la filiale du CSS qui est responsable de ce territoire, elle est située à l'extérieur des limites du CLSC. Dans une étude récente auprès d'un échantillon statistiquement représentatif de son milieu, 6% des répondants ont déclaré avoir consulté un spécialiste pour eux-mêmes ou quelqu'un de leur entourage à propos d'un problème d'ordre social. Une majorité significative de ces utilisateurs sont allés au CLSC, soit 63%, plutôt qu'au CSS, 11%, ou ailleurs, 23%.

Certains CLSC ont établi d'excellentes collaborations avec le CSS quant à l'opérationnalisation de certains programmes. C'est le cas au CLSC du centre-ville de Montréal où une employée du CSS y est affectée à temps plein pour l'évaluation des personnes âgées. Pourquoi ne pourrait-elle pas être intégrée au CLSC? D'autres CLSC vivent de telles situations. De tels exemples pourraient être multipliés, mais ceux-ci suffisent pour illustrer nos propos.

Quant à l'ampleur d'éventuels transferts, qu'en est-il maintenant de la capacité des CLSC d'accueillir ces nouveaux effectifs? Dans notre mémoire de janvier

1983 sur les services sociaux locaux, nous demandions des transferts qui équivalaient à environ 50% de l'ensemble des praticiens sociaux des CSS. Le tiers de ces transferts devait servir à compenser le sous-équipement relatif des CLSC qui existaient déjà et les deux tiers à équiper en praticiens sociaux les nouveaux CLSC qui seraient créés.

En ce qui a trait au projet de cadre de référence du ministère, nous avons officieusement entendu dire qu'il entraînerait des transferts de l'ordre de 35% des effectifs des CSS. Des proportions d'une telle ampleur peuvent surprendre, mais il faut bien réaliser qu'elles ne feraient que permettre aux CLSC de s'approcher à peine du niveau des CLSC mieux nantis.

Conclusion. Je conclus, madame.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes rendu à 33 minutes.

M. Sénéchal: Conclusion: Depuis que la première version du cadre de référence a été rendue publique en décembre dernier, les réactions ont été nombreuses. Certaines d'entre elles ont eu un caractère plutôt émotif. Nous ne jugeons pas opportun de les relever ici.

Quant à nous, nous avons préféré éviter d'amener le débat sur la place publique et préféré faire valoir le point de vue des CLSC à travers les mécanismes habituels de collaboration avec le ministère. Et les occasions n'ont pas manqué puisque nous en sommes déjà à notre quatrième mémoire sur la question depuis plus d'un an à peine. Nous avons tenté, à travers toutes ces représentations, et encore aujourd'hui, de montrer la nécessité de rapprocher les services des citoyens et de miser sur les forces du milieu.

Dans un article sur le sujet, Mme Huguette Roberge écrivait dans la Presse: "On peut féliciter les CLSC pour l'enthousiasme et le courage qu'ils manifestent à la perspective de cette lourde succession d'effectifs, de budgets ... et de tâches."

Nous pouvons conclure en assurant que nous sommes effectivement prêts à assumer les tâches qui pourraient nous être confiées, avec la mise en application du cadre de référence.

Nous ne nions pas qu'une partie de la clientèle des CSS puisse être détériorée socialement, mais c'est aussi le cas d'une partie de celle des CLSC.

Dans ce contexte, l'adoption d'un projet finalisé de cadre de référence constitue une étape nécessaire qui, quant à nous, comme le titrait M. Jean-Louis Roy du journal Le Devoir dans son éditorial du 28 janvier dernier, ne peut souffrir "Ni délai, ni recul".

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M. Sénéchal. Je vous remercie pour votre mémoire. Je dois vous dire que je l'ai lu avec beaucoup d'attention. J'ai trouvé que c'était un mémoire rempli d'enthousiasme à un point tel que, parfois, il y a des absolus un peu forts à l'égard, par exemple, de la pratique de d'autres professionnels dans les centres de services sociaux. Je pense que c'est naturel: Votre plaidoyer pour le communautaire est fondamentalement votre mission première mais peut-être à un point tel que vous donnez l'impression que vous avez le monopole de l'utilisation du milieu et que d'autres milieux ne l'utilisent peut-être pas, ou enfin, que les autres sont fermés dans un bureau entre quatre murs et apportent beaucoup d'activité en dehors du cabinet clinique, si on peut dire.

Ce qui m'a peut-être le plus fait sourire - et je vous le dis vraiment en taquinerie - c'est une partie de votre conclusion où vous vous félicitez de ne pas être allé sur la place publique et d'avoir joué les règles du jeu. Il faudrait peut-être convenir que c'était assez facile pour vous à qui on donnait possiblement plus que vous demandiez. C'est probablement plus facile d'agir comme vous l'avez fait parce que, si la situation avait été à l'opposé - ce n'est pas une question, mais je me pose la question personnellement - est-ce que les CLSC seraient restés tout à fait muets? Je me permets d'en douter.

Ceci étant dit, je voudrais vous poser quelques questions. On a eu, ce matin, passablement de discussions sur la question des services de première ligne, de la division des responsabilités entre un niveau local et un niveau régional.

La première question: À la page 2 de votre mémoire, vous expliquez, au deuxième paragraphe: Un peu partout à travers le Québec depuis des années, on tente de s'entendre - mais ce n'est pas le point - en vue d'un partage de ressources et ce, parce qu'il était entendu que les CSS assuraient en suppléance les services dits de première ligne, à la place des CLSC. Un peu plus tard, vous revenez encore pour réclamer ce qui - d'ailleurs, vous avez tout à fait raison de le dire - avait été prévu comme étant de votre domaine, les services de première ligne. J'aimerais savoir si c'est ce que vous demandez, que vous soit restitué, d'une certaine façon, tout ce qui touche les services de première ligne qui, présentement, pourraient être assumés par les professionnels des CSS ou par les CSS. Deuxièmement, vous dites, à la page 3, à peu près ceci: II devrait y avoir 50% des effectifs, présentement dans les CSS, qui devraient aller vers les CLSC. Est-ce que je dois en conclure.. D'abord, qu'est-ce que vous réclamez comme retour vers les CLSC? Comment avez-vous établi vos 50%? Est-ce que vous avez fait une étude pour dire que

c'est environ 50%? Je comprends que cela peut être 47% ou 51%; mais vous avez quand même établi un ordre de grandeur de 50%. Sur quoi avez-vous fondé ce chiffre?

Je vais vous poser tout de suite ma troisième question parce qu'elle est dans le même sens: Vous expliquez, un peu plus loin, en pages 5 et 6, longuement votre conception des services sociaux locaux et vous acceptez, selon Castonguay-Nepveu, deux paliers de services sociaux. J'aimerais vous demander quels services directs aux bénéficiaires devraient, selon vous, être dispensés aux niveaux local et régional. Je pense que les trois questions sont courtes.

M. Sénéchal: En réponse à vos commentaires préliminaires, de façon très brève, l'intention... C'est peut-être le débat qui fait qu'on a l'apparence de vouloir monopoliser toute l'intervention communautaire; loin de notre idée de le faire. Tout ce que l'on dit, c'est que les CLSC, de par leur pratique, de par la place qu'ils occupent auprès de la population, ont développé, entre guillemets - on apprendra peut-être plus tard que les expertises, cela se développe partout - "une expertise" dans ce domaine de l'intervention communautaire. D'abord, l'intervention communautaire, je pense qu'elle appartient aux communautés et à la population. Et il y a aussi d'autres établissements du réseau qui ont pu participer à des projets de ce genre.

Quant à se féliciter de ne pas être allés sur la place publique, c'est bien à ce stade-ci du débat qu'on ne l'a pas fait et pour des raisons très précises. De fait, on pense à une période très déterminée, entre janvier et mars, où il y a eu quelques articles dans les journaux. On ne pense pas que cela a été un véritable débat public et ce n'est pas à ce genre de débat public qu'on voulait participer, mais ceux qui revendiquent un débat public apportent aussi comme argument qu'il s'agit là d'une réforme importante du mode d'organisation des services sociaux au Québec. Et ce que nous prétendons, c'est que ces discussions se sont faites depuis longtemps; il y a eu des choix qui ont été faits, qui n'ont jamais été réalisés dans la pratique. Il y a longtemps que ce débat devrait être réglé. Les décisions ont été prises. Il y a une réforme qui a été mise de l'avant mais qui est une réforme inachevée. Ce que nous proposons, tout simplement, c'est que la réforme soit achevée. Donc, il ne s'agit pas d'une contre-réforme; c'est ce que nous avons voulu démontrer dans la première partie de notre mémoire.

En réponse à vos questions, la première en est une belle. Est-ce qu'on revendique le transfert des services de première ligne? Quand nous avons présenté notre mémoire au ministre des Affaires sociales, M. Johnson, en janvier 1983, nous revendiquions plus que les services de première ligne, mais nous sommes assez mal à l'aise avec ces concepts de première ligne et de deuxième ligne. C'est ce que nous avons tenté de démontrer, qu'il s'agit là d'un modèle de distribution de services qui ne résiste pas à l'expérience, ni à l'analyse. Il ne résiste pas à l'analyse parce que les praticiens sociaux qui oeuvrent dans les CLSC ont la même formation que les praticiens sociaux qui oeuvrent dans les CSS. Ce sont des diplômés de collèges et d'universités. Ils ont la même formation. On ne peut pas répéter, dans le domaine social, le même modèle que dans le domaine de la santé, ce qui fait que, si vous êtes accessible dans un quartier donné ou dans une communauté donnée, la personne se présente devant un de vos intervenants et l'intervenant offre à la population toute sa compétence et toute sa formation; en termes de compétence, il est capable d'aller aussi loin dans son intervention que l'intervenant du CSS. (17 heures)

Dans la pratique, c'est cela qui arrivait, c'est-à-dire que ce que disaient les CLSC, c'était: On regarde chez nous, pour des raisons de compressions budgétaires, parce que le CSS a dû concentrer ses ressources dans le cadre de l'application d'une loi, ces gens ne sont plus chez nous, ils ne dispensent plus les services. C'est nous qui les avons assumés avec les quelques compétences et les quelques ressources que nous avions, mais il n'y avait pas un problème de compétence et nous n'offrions plus un service dit de première ligne. Toute la question de la spécialisation dans le domaine des services sociaux nous apparaît, pour beaucoup, un mythe qu'il faut dégrossir - si vous me permettez l'expression.

Nous proposions un tout autre modèle d'organisation des services sociaux. Nous soumettions plutôt l'idée d'avoir dorénavant des services sociaux locaux et des services sociaux régionaux, conservant au niveau régional des services qui avaient avantage à l'être pour, par exemple, des fins et des besoins de coordination, d'autres, parce qu'ils étaient rattachés plus à des lois d'exception et non pas à des lois générales de distribution des services de santé.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Excusez-moi de vous interrompre. Est-ce que je vous comprends bien? Vous avez dit au départ que des gens prétendent que c'est une réforme en profondeur. Vous avez l'air de dire, d'un côté, non, parce que c'est, dans le fond, la mise en application de la commission Castonguay-Nepveu. Un peu plus loin, vous dites: Non, on demande plus que ce la commission Castonguay-Nepveu disait, puisque, vous-même, vous dites dans votre mémoire que c'étaient les services de

première ligne. C'est une autre conception de l'organisation et de la pratique sociales. Vous n'avez pas dit de la pratique sociale, mais c'est dans votre dossier quelque part. À ce moment, ne peut-on pas parler plus que d'une continuation ou plus que terminer la réforme Castonguay-Nepveu et vraiment parler d'une réforme beaucoup plus en profondeur? Il me semble qu'il y ait...

M. Sénéchal: ...pas l'impression d'innover à ce niveau. Nous n'avons pas été les premiers à parler de services sociaux locaux. C'est dans le rapport de la commission Castonguay-Nepveu.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, mais eu égard à la première ligne, les services spécialisés et les services courants.

M. Sénéchal: Ce qui est - et nous essayons de le démontrer dans le mémoire -déjà dans le rapport Castonguay-Nepveu, c'est de rapprocher des citoyens tous les services qui ont avantage à l'être. C'est ce genre de services que nous voulons voir transférer dans les CLSC, de sorte que, si vous me ramenez sur le modèle "services de première ligne, services de deuxième ligne", on est incapable, ni concrètement, ni théoriquement, de fonctionner dans ce genre de services.

Nous avons essayé de faire l'exercice, lors des discussions bilatérales dont nous parlons au début de notre mémoire, et nous avons demandé à l'association des services sociaux de nous expliquer ce qu'étaient les services dits spécialisés, ce qui risquerait de tomber et ce qui était sur nos têtes. C'est quelque chose que nous avons démystifié rapidement à partir de notre expérience.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À ce moment, vous ne retenez pas ce schème de référence de la commission Castonguay-Nepveu?

M. Sénéchal: Non, absolument pas.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon, c'est cela. Dans les 50% des effectifs...

M. Sénéchal: À votre deuxième question... Je voudrais peut-être faire une remarque générale et, ensuite, je donnerai la parole à M. Charlebois.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

M. Sénéchal: Sur la question des 50%, je voudrais faire plus une remarque générale sur l'opérationnalisation du cadre de référence. Je pense qu'on a remis à tous les membres de la commission l'annexe au mémoire. Dans cette annexe, vous avez un dernier chapitre très bref sur l'opérationnalisation.

En juillet 1982, lorsque le ministère a transmis sa directive au conseil régional, nous en étions à une étape d'opérationnali-sation. On demandait des plans de transfert, d'identifier quelles sont les ressources qui devront être transférées dans les CLSC et d'établir un plan de ces choses. Cela n'a pas fonctionné. Cela a bloqué parce que les orientations n'étaient pas suffisamment précises pour permettre aux conseils régionaux de faire leur devoir. Alors, nous sommes revenus en arrière et nous pensons qu'il doit y avoir une première étape fort importante qui est la clarification des orientations et des critères de partage des responsabilités entre les CSS et les CLSC.

La question de l'opérationnalisation est une question tout aussi importante. À cette étape, il faudra étudier tous les problèmes plus liés aux modalités, mais nous en faisons une deuxième étape. Donc, on avait déjà suggéré des chiffres; on parle de 50%, quant à nous. Mais, je voudrais surtout vous dire aujourd'hui que ce n'est pas demain que le transfert en bloc des services sociaux se fera; ce que nous trouvons important de faire maintenant, le plus rapidement possible, c'est qu'on définisse clairement le partage des rôles entre les deux, qu'on arrête les orientations et qu'il y ait tout de suite une deuxième étape où on étudiera toutes les modalités d'application.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vos 5Q%, à partir de quoi les aviez-vous établis?

M. Charlebois (Maurice): C'est sur ce point que je voudrais intervenir. En fait, il s'agit de 53% des cliniciens sociaux. Le chiffre provient des états de situation du ministère des Affaires sociales au 31 mars 1982, pour cinq centres d'activité pour lesquels on suggère qu'ils soient décentralisés au niveau local. Cela donne un total de 1800 postes de cliniciens, ce qui correspond à 53% des effectifs cliniciens.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Les cinq centres d'activité...

M. Charlebois: Les cinq centres d'activité que l'on suggérait en janvier 1983 étaient les services sociaux aux enfants et à la famille, les services sociaux aux adultes, y compris l'évaluation du placement, les services sociaux aux personnes âgées, y compris l'évaluation du placement, les consultations conjugales et les services sociaux scolaires.

C'était en janvier 1983, au moment où on a fait notre représentation au ministre des Affaires sociales, une proposition de décentralisation des services. On suggérait que certains services auraient avantage à

être dispensés au niveau local. On avait suggéré une série de centres d'activité pour lesquels, lorsqu'on identifie les postes selon les états de situation du ministère, on arrive à ce chiffre de 53%.

Je voudrais ajouter quelque chose sur la question que vous avez posée tantôt sur la commission Castonguay, à savoir, si on remet en question les orientations de cette commission. Je pense qu'il faut comprendre qu'au niveau des orientations la commission Castonguay était très claire. Il fallait décentraliser. Je pense que cette préoccupation devrait toujours être présente. Elle est présente dans le cadre de référence et on essaie d'indiquer finalement ou on soutient dans notre mémoire que c'est une préoccupation qui est toujours d'actualité.

La question, c'est le critère. On a tenté, pendant plusieurs années, autour du critère de services de première ligne versus services de deuxième ligne, de faire le partage. Il faut voir combien il y a d'effectifs à partir de ce critère qui pourront être décentralisés vers le niveau local. On s'est rendu compte que ce critère était non opérationnel. C'est pourquoi on a suggéré un autre critère, l'autre critère étant de fonctionner avec d'autres concepts, soit le concept de services sociaux locaux versus les services régionaux. Au niveau régional, les services qui méritaient de demeurer à ce niveau, pour l'essentiel, étaient des services qui avaient besoin de coordination. Quant au reste, cela méritait d'être intégré au niveau local.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Je passe la parole au député de Shefford.

M. Paré: Merci, Mme la Présidente. Je pourrai être plus rapide étant donné qu'on a déjà répondu à une de mes interrogations.

À mesure que vous expliquiez le fonctionnement d'un CLSC, je voyais dérouler ce que j'ai vécu chez nous, soit l'implantation d'un CLSC. Pour ce qui est des avantages, effectivement on les retrouve dans une population plus petite, ajustée à un territoire et à des MRC partout, avec le temps. On retrouve la participation des gens localement avec les conseils d'administration. C'est bien comme cela.

Finalement, la seule chose, c'est le partage des pouvoirs, le service à donner à la clientèle. On l'a retrouvé ce matin, il y a même un député qui l'a spécifié en disant que l'important, c'est la finalité du service, comment les structures, les institutions sont au service des citoyens.

On retrouve également dans votre mémoire que certains CLSC ont établi d'excellentes collaborations avec les CSS quant à l'opérationnalisation des services. C'est parfait.

On retrouvait dans la présentation de la fédération des CRSSS, ce matin, que le service est basé sur la continuité, l'unicité des services donnés pour un problème précis. Lorsqu'on vous écoute, on constate que vous voulez baser le système sur des besoins locaux et des besoins régionaux, si j'ai bien compris.

Le partage est donc au niveau des services, plus près de la population et, ensuite, plus éloigné. Est-ce qu'on ne risque pas... Mon inquiétude, c'est qu'à cause de la continuité et de l'unicité on doive doubler le personnel parce que, dans chacune des institutions, on devra avoir des personnes spécialisées dans chacun des domaines.

Au niveau un peu plus horizontal, c'est-à-dire, des institutions locales et des institutions régionales, est-ce qu'on ne risque pas maintenant, au niveau des utilisateurs, de compliquer la chose? Est-ce qu'on ne risque pas de rendre cela plus complexe au niveau des utilisateurs?

Je ne sais pas si vous comprenez bien le sens. Ce n'est pas l'unicité et la continuité, tel qu'on en parlait ce matin, au niveau de la personne qui est touchée. Si son problème change et évolue et que sa famille est touchée, cela demeure la même responsabilité de l'institution où le problème a été apporté alors que, maintenant, si cela est local et régional, si le problème change, si d'autres personnes de la famille sont touchées par le problème, est-ce qu'on ne risque pas de chevaucher entre le CLSC et le CSS et de rendre cela plus compliqué pour le citoyen qui veut aller chercher le service?

M. Sénéchal: On a l'impression de rendre cela moins compliqué. En rapprochant les services du monde et des citoyens, on s'aperçoit que les gens vont déjà beaucoup dans les CLSC. On donnait des chiffres dans notre mémoire. Le réflexe qu'on a toujours voulu voir se développer chez les citoyens, c'est qu'ils ne se demandent pas quel genre de problème ils ont, s'ils doivent s'adresser à telle institution ou à telle autre institution, etc. Le réflexe qu'on veut développer, c'est, pour n'importe quel problème: Si vous avez des difficultés ou des besoins, adressez-vous à votre CLSC. Ce qu'on propose, c'est que le CLSC en question ait les outils qu'il faut pour pouvoir répondre à différents besoins. Bien sûr, à côté de cela, il y a des lois d'exception. Il y a des services qui, pour des fins d'organisation, ont avantage à être organisés plus sur une base régionale. À ce moment-là, il faudra et il faut référer. Ce que je pense, c'est que ce qui est proposé dans notre mémoire marque beaucoup un grand progrès en termes d'accessibilité. Cela répond déjà à une pratique qui se développe de plus en plus au Québec, quand on dit que le CLSC est devenu une source de référence importante pour les citoyens. Cela veut dire

que, dans la pratique, on est beaucoup plus respectueux du citoyen qui, pour lui, n'a pas un problème qu'il peut taxer ou identifier de façon spécialisée ou de façon particulière. Il connaît une difficulté, il a un mal de vivre, il a besoin de quelqu'un, il s'adresse à son CLSC. Il travaille avec un intervenant du CLSC. Selon la nature de ses besoins, il pourra être, si c'est dans le cadre d'une loi d'exception ou dans des cas très précis, référé à une autre institution sur un plan régional. Mais, cela veut dire en pratique que, pour la majorité de ses besoins, il demeurera au CLSC parce que le CLSC aura justement les outils nécessaires pour répondre à ses besoins.

M. Charlebois: Je voudrais ajouter à ça que ce dont on parle, le critère local et régional, c'est une proposition que la Fédération des CLSC a soumise au ministre en janvier 1983 pour essayer de dénouer l'impasse. On a dit au ministre: Écoutez, on discute depuis longtemps. Je pense que tout le réseau est à la recherche d'un critère et c'est ce qu'on a suggéré. Il y a eu depuis des réflexions qui ont été conduites au sein du ministère et un peu partout dans le réseau et ce dont on parle aujourd'hui, c'est le cadre de référence. Qu'est-ce qu'apporte le cadre de référence? Il apporte un nouveau critère qui n'est pas la première ligne ou la deuxième ligne, qui ne sont pas des services spécialisés ou des services généraux; ce qu'il apporte comme critère, ce sont des services qui méritent d'être rendus dans le milieu de vie versus des services qui sont rendus dans un milieu substitut. Il y a donc un critère qui est différent, qui est nouveau. Finalement, on n'a pas abordé l'annexe à notre mémoire qui était la réaction que nous avons soumise en décembre dernier au sous-ministre, M. Deschênes. Nous sommes d'accord avec ce critère de milieu de vie versus milieu substitut. Ce critère est relativement clair. La population va savoir où s'adresser. Finalement, la population va s'adresser au CLSC. La population s'adresse au CLSC. Lorsqu'il y a un CLSC sur un territoire qui est annoncé, qui existe et qui est implanté depuis un certain temps, la population se tourne vers là. Alors, l'effet du cadre de référence, l'effet de la décentralisation, va faire en sorte qu'au CLSC il y aura les ressources pour répondre à tous ces besoins que la population exprimera. (17 h 15)

M. Paré: Si je comprends bien, l'entrée, le début, l'ouverture que vous proposez, c'est toujours au CLSC. S'il doit y avoir un service d'ajouté ou s'il y a un besoin pour des spécialistes dans d'autres domaines, ils seront dirigés au CSS par le CLSC. C'est exactement cela et cela répond à ma question. Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Mme la Présidente, comme je l'ai demandé à l'organisme qui vous a précédé ce matin, par qui le mémoire a-t-il été adopté? On parle de la conférence des CLSC, de qui s'agit-il?

M. Sénéchal: II y a d'abord une assemblée générale qui est l'assemblée souveraine de la fédération et qui regroupe trois délégués par conseil d'administration de chacun des CLSC qui se réunit une fois l'an. Lors d'au moins deux congrès et deux assemblées générales, cette assemblée générale a adopté unanimement le principe du transfert des services sociaux. Plus loin, il y a un conseil d'administration de la fédération qui adopte ce genre de mémoire; celui-ci est composé d'un représentant des usagers par région du Québec, de représentants du personnel des CLSC et du directeur général de la fédération. Le conseil d'administration de la fédération est composé majoritairement de représentants d'usagers. C'est le conseil d'administration qui a le pouvoir d'adopter un mémoire du genre.

M. Paradis: Je fais référence à votre document qui s'intitule "Un nouveau mode d'organisation du système de distribution des services" de janvier 1983 et je reviens plus spécifiquement à la page 24 dudit mémoire, lorsqu'on parle des services qui seraient transférés des CSS vers les CLSC. Parmi les cinq services que vous mentionnez, le premier, services sociaux aux enfants et à la famille. Ce centre d'activité comprend aussi l'évaluation du placement des enfants. De façon pratique, si on retient le critère que vous suggérez qui est milieu de vie versus milieu substitut, qu'arrive-t-il dans le cas d'un enfant qui a des problèmes et qui est placé en institution et dans le cas d'une famille dont on continue à s'occuper sur le plan local? Est-ce que c'est le CSS qui va suivre l'enfant et le CLSC qui va suivre la famille?

M. Sénéchal: II peut y avoir plusieurs exemples et plusieurs organisations différentes. Il y a sûrement, souvent, du dédoublement juste au plan de l'évaluation des demandes. Quand l'intervenant du CLSC est dans la famille et qu'une telle situation se produit, il y a une évaluation qui est faite par l'intervenant. S'il a besoin d'un placement, il va référer au centre de services sociaux. Souvent, l'évaluation sera reprise par l'intervenant du CSS.

M. Paradis: Je sais qu'il n'est pas facile d'identifier un critère qui va régler tous les cas mais j'essaie d'imaginer des situations d'application. Si l'enfant qui est en

institution est suivi par un travailleur social du CSS et que la famille continue à être suivie par un travailleur social du CLSC parce qu'elle est à domicile, comment cette union, ce joint doit-il se faire? Le but est de ramener l'enfant à domicile. N'est-ce pas plus difficile s'il est suivi par deux professionnels?

M. Charlebois: Les gens peuvent se parler. Les deux professionnels auront à garder les contacts. Je pense que le modèle prévu est celui-là, c'est-à-dire que les services qui sont rendus dans le milieu naturel... Le CLSC suit la famille. Un enfant a un problème et il mérite d'être placé, le CLSC évalue le besoin du placement et, s'il arrive à la décision de placer, il réfère au CSS. Le CSS place; si l'enfant est dans une institution, c'est un professionnel du CSS qui assurerait le suivi. Il ne faut pas oublier que l'enfant est dans une institution où il y a des gens qui vont s'occuper de lui; il n'y aurait pas uniquement le professionnel du CSS, il peut y avoir également les professionnels de cette institution. Pendant tout ce temps-là, le CLSC continue à garder le contact avec la famille, prépare la famille pour un retour parce que c'est là l'objectif. Si l'institution juge à propos de ramener l'enfant, il y a des gens qui vont se parler.

M. Paradis: Ne serait-il pas mieux que ce soit ou bien dans le CLSC ou bien dans le CSS et qu'il n'y ait pas de départage entre l'enfant et la famille, que ce soit le même professionnel, le même travailleur qui suive l'entité? Je ne demande pas si cela doit être fait par le CLSC ou par le CSS, mais est-ce qu'il ne serait pas mieux que ce soit à la même place, car il y a un suivi qui fait en sorte qu'à un moment donné la famille est prête, l'enfant n'est pas prêt, etc? Je veux bien croire qu'il y aura deux professionnels qui se téléphoneront d'une boîte à l'autre, j'imagine ce scénario. Ne serait-il pas souhaitable que cela soit tout dans le CLSC?

M. Sénéchal: Vous faites la distinction entre le souhaitable et le faisable. Pour ce qui est du faisable, ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a l'exemple concret dans le CLSC où je travaille, où, effectivement, c'est un intervenant du CLSC qui s'occupe de l'enfant pendant qu'il est dans sa famille naturelle, lorsqu'il a besoin d'un placement, il communique avec l'intervenant du CSS, la décision est prise de placer l'enfant, pendant que l'enfant est placé, l'intervenant du CLSC continue à s'occuper de la famille et à restaurer et à faire en sorte que les conditions de réinsertion de l'enfant soient restaurées. À un moment donné, entre les deux, il y a une décision pour que l'enfant revienne. C'est donc faisable, ce qui était proposé dans le cadre de référence.

Maintenant, si nous nous demandons ce qui est souhaitable - effectivement, on y a réfléchi - ce que nous proposons, c'est qu'il y ait unicité d'intervention et que la famille d'accueil, puisque les familles d'accueil sont aussi sur des territoires de CLSC et que les CLSC interviennent déjà dans ces familles qui tantôt sont familles naturelles et tantôt familles d'accueil, parce qu'elles reçoivent un enfant, ce que nous proposons, c'est que le CLSC effectivement suive l'enfant également en famille d'accueil, donc, qu'il y ait un seul intervenant.

M. Paradis: Mais là, nous allons sur un plan plus local. À ce moment-là, il y a de plus en plus de cas qui ne sont pas nécessairement dans le même territoire du CLSC, mais avec le cadre qui nous est proposé, sur lequel nous aurons à nous prononcer, est-ce que je dis la vérité lorsque je dis qu'à ce moment-là l'enfant, lorsqu'il sera dans sa famille, sera suivi par le travailleur social du CLSC, lorsqu'il sera placé en institution; il sera suivi par le travailleur social du CSS? L'on sait qu'il y a des enfants qui partent de l'établissement, retournent dans leur milieu familial; est-ce qu'ils vont changer de professionnel comme cela continuellement ou est-ce que l'application pratique que je décris est complètement euphorique?

M. Sénéchal: Si vous parlez de placement en centre d'accueil d'un enfant qui est non pas en famille d'acceuil, mais en centre d'acceuil, effectivement, il y aura l'intervenant du CSS qui exécutera le travail qui se fait en centre d'accueil, et il devra y avoir aussi, à un moment donné, réinsertion de l'enfant en milieu naturel où est le CLSC.

Je ne pense pas que l'on puisse éviter toujours ce genre de problème. Que l'on prenne le modèle d'organisation actuel des services, avant le cadre de référence, que l'on prenne le cadre de référence ou toute autre proposition, je pense que ce que l'on peut prendre comme principe, c'est de faire en sorte que le plus souvent possible il y ait unicité d'intervention, il y ait le même intervenant, mais je ne crois pas que, quel que soit le modèle d'organisation qui sera adopté, ce soit toujours possible. À ce moment-là, cela veut dire que nous sommes dans un réseau, il devra y avoir complémentarité, concertation, communication entre les intervenants des différents établissements.

M. Paradis: Je vais vous le dire comme cela me vient. Mme la Présidente me souligne, et à juste titre, car j'ai eu des témoignages comme tels, que les familles d'accueil nous disent qu'aujourd'hui elles sont

heureuses de faire affaires avec un seul intervenant, finalement, plutôt que d'être véhiculées dans ce sens-là et c'est une des préoccupations qui m'animent.

Maintenant, si nous prenons un autre point, si l'on parle de consultation conjugale...

M. Sénéchal: De quelle façon les familles d'accueil feraient-elles affaires avec plusieurs intervenants dans ce que nous proposons?

M. Paradis: À partir du moment où la famille d'accueil n'est pas dans le territoire du CLSC comme tel, elle va avoir affaire à plusieurs intervenants. C'est souvent le cas.

M. Sénéchal: Moi, je prends l'exemple du placement d'adultes et de personnes âgées à la basse ville. Souvent, les familles d'accueil accréditées par le CSS ne sont pas sur le territoire du CLSC. Il y a une entente entre le CSS et le CLSC afin que l'intervenant du CLSC continue à suivre pendant un certain nombre de mois la personne âgée qui sera placée en famille d'accueil, pour bien s'assurer que l'adaptation à la nouvelle famille se fera bien. Ce sont des choses qui sont possibles.

Nous parlons d'un réseau. Les CLSC, c'est aussi un réseau;. ils peuvent communiquer entre eux. Si la famille d'accueil est sur un autre territoire, il peut y avoir des arrangements entre CLSC afin que, finalement, le bénéficiaire reçoive le meilleur service possible.

M. Paradis: Non, je suis conscient que les CLSC, c'est un réseau comme tel et surtout, lorsque nous aurons 166 CLSC, ce sera un réseau plus complet. C'est préférable d'avoir 166 boîtes près de la population pour rendre des services sociaux que d'en avoir 14 sur un plan régional. Avant d'en arriver là, il y a des étapes. Il faut se poser des questions dans l'intérêt du bénéficiaire. Je posais mes questions dans le sens du jeune enfant qui, si on adopte la proposition telle qu'elle est formulée, va se trouver véhiculé d'un travailleur social à l'autre. Est-ce que c'est bénéfique? Étant donné que vous êtes des experts en la matière, c'est pour cela que je vous avais posé la question.

Quant aux consultations conjugales, ce service sera également transféré.

M. Sénéchal: M. Moyen voulait...

M. Paradis: Mme la Présidente m'indique que c'est ma dernière question. Si je vous laisse répondre... Vous y répondrez en même temps et, là, vous empiéterez sur le temps du prochain intervenant, pas sur le mien. Ce sont les règles du jeu de la commission parlementaire.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, ce ne sont pas les règles du jeu de la commission parlementaire d'empiéter sur le voisin.

M. Paradis: Mme la Présidente, je vous remercie du rappel à l'ordre.

Quant aux consultations conjugales comme telles, vous en faites déjà dans certains CLSC. Est-ce que votre expérience pratique sur le terrain vous démontre que les gens qui sont aux prises avec des problèmes de relations conjugales préfèrent être traités très près de leur milieu ou ne préfèrent-ils pas être traités sur un plan un peu plus régional, c'est-à-dire un peu plus loin de leur milieu? Je vous pose la question parce que j'ai eu à pratiquer le droit pendant un certain nombre d'années et on se rendait compte - et on s'en rend encore compte dans la pratique où il y a des séparations, des divorces, des problèmes matrimoniaux -que les gens choisissent, par instinct, un avocat d'un endroit plus éloigné. Les gens ne semblent pas aimer discuter ce genre de choses avec des professionnels qui habitent dans leur milieu, qu'ils ont fréquentés dans des activités sociales, etc. Ils semblent préférer s'éloigner. Est-ce que c'est votre expérience ou si votre expérience va dans le sens contraire?

M. Sénéchal: Pour ce qui est de la dernière question sur les consultations conjugales, je pense que les gens aiment mieux avoir des services qui sont situés à proximité. Les résultats de notre sondage nous le démontrent, quel que soit le type ou la nature des besoins qu'ils ont. Les problèmes qui sont reliés aux relations conjugales sont également des problèmes qui s'insèrent, la plupart du temps, dans d'autres types de difficultés ou de problèmes. Je pense que, de façon générale, les gens n'aiment pas se promener d'une porte à l'autre dans un système et ils trouvent avantage à avoir des services qui sont près d'eux. Cela répond à notre expérience puisque, plus on a été capable d'offrir en CLSC une gamme variée de services, plus on a retrouvé du monde dans nos CLSC. Plus ceux-ci ont été accessibles, plus les gens les ont utilisés. C'est ce que nous démontre le résultat du sondage qu'on a fait. Il y a M. Moyen qui voulait intervenir pour compléter.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pour compléter. Brièvement.

M. Moyen (Jean): Je vais essayer d'être bref mais je voudrais redevenir très pratique pour tenter de rejoindre à la fois l'intervention du député de Shefford et celle du député de Brome-Missisquoi.

J'ai presque l'impression, à ce moment, qu'on assume au départ que la population est

malade et que, de ce fait, elle sait déjà quelle est sa maladie exacte. J'ai l'impression de revivre la réforme scolaire des années soixante-dix au moment où, effectivement, on avait tellement spécialisé l'école qu'il n'y avait plus personne qui s'occupait, qui était ressource à l'enfant parce que celui-ci devait obligatoirement savoir au départ à quel spécialiste il pouvait référer pour l'aider dans sa démarche. (17 h 30)

Pour revenir à l'intervention du député de Brome-Missisquoi, l'enfant qui a besoin de placement est rendu à une mesure extrême de telle sorte qu'il a vécu et que le travailleur social est intervenu et souhaitons-le, à l'aide de l'éducateur qui est d'abord responsable de lui et de la famille, aussi responsable à l'école, la famille étant le premier responsable. Il est intervenu dans une démarche de relation d'aide au départ et ce n'est qu'en bout de ligne qu'à ce moment-là on pense à des mesures très souvent, hélas, judiciaires. On ouvre un tout autre dossier. C'est comme si tous les gens qui se présentaient à l'hôpital avaient au départ à rencontrer un spécialiste avant de voir l'infirmière, l'omnipraticien, parce qu'à ce moment-là on se réfère de façon spécifique à un problème lorsque l'on parle d'un enfant et que l'on va en milieu spécialisé, qui est le milieu d'un nouveau foyer, comme vous l'avez dit tout à l'heure, dans la mesure du possible avec un objectif de retour. Or, quand vous parlez de communication, elle se fait au plan médical entre omnipraticiens et spécialistes; de la même façon, le travailleur social, durant la démarche de placement, est en communication continue avec le spécialiste responsable du placement, avec un objectif commun de retour, parce que le travailleur social devra continuer d'être en relation d'aide dans son milieu familial et/ou scolaire, si c'est requis.

M. Paradis: Brièvement, Mme la Présidente, si vous permettez, je ne parlais pas d'un transfert d'un spécialiste à un généraliste. Je parlais surtout de transferts de généraliste à généraliste.

M. Moyen: Oui, mais, à ce moment-là...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je dois vous arrêter et donner la parole au ministre des Affaires sociales, à moins qu'il ne veuille que vous continuiez la réponse.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier la fédération pour son mémoire; j'ai lu avec intérêt les autres qui ont précédé. Celui-ci me semble encore apporter des éléments nouveaux, qui vont sûrement éclairer la prise de décision qui devra bien survenir un jour, plus proche que lointain.

J'aimerais vous poser certaines questions, que l'on entend souvent mentionner par rapport à ce partage des responsabilités. La première, on l'a posée ce matin, d'ailleurs. Quel est le profil des clientèles desservies respectivement par les CLSC et les CSS? Je sais que certains CLSC n'ont encore que des services de santé ou de prévention. Mais pour ceux qui sont quand même mieux organisés, qui existent depuis plus longtemps, quelles sont les clientèles qui sont desservies? Est-ce qu'il y a un chevauchement? Est-ce que ce sont parfois les mêmes clientèles? Est-ce qu'il y a des cas lourds parmi des clientèles desservies?

Ma deuxième question, qui découle un peu de la première: On dit souvent: Si certaines clientèles, particulièrement les clientèles lourdes, sont vues aux CLSC, il est douteux que les CLSC, ne serait-ce qu'en vertu de leur jeune âge, de leur inexpérience, soient habilités à dispenser à ces clientèles lourdes des soins de qualité.

Troisième question, qui découle un peu de celle que je viens de poser: Ne risque-ton pas ainsi de se priver de l'expertise accumulée au sein des CSS depuis quinze ou seize ans, en les privant de ces clientèles qu'ils ont appris, en tout cas, à traiter d'une façon plus qualitative, plus adéquate, selon toutes les règles de l'art et en fonction des résultats de recherches qu'ils effectuent?

M. Sénéchal: D'abord, sur le profil des clientèles, il y a un certain discours qui veut que les cas lourds se retrouvent dans les centres de services sociaux et que, ce que l'on retrouve dans les CLSC, ce soient les cas légers. Cela ne correspond pas à notre expérience. Notre expérience nous démontre qu'on retrouve aussi dans les CLSC une clientèle lourde; une clientèle légère, bien sûr, parce que le CLSC va faire un travail plus exclusivement de prévention, par exemple, auprès de personnes âgées qui ont un degré assez élevé d'autonomie, mais aussi une clientèle lourde et pour beaucoup. Je vous en donne un exemple pour un CLSC. Dans la majorité des programmes qui sont dispensés au CLSC de la basse ville, on retrouve des femmes qui sont seules, responsables de famille, avec des enfants, de jeunes adolescentes qui sont enceintes à l'âge de quinze ans, qui ont été victimes d'inceste, qui sont victimes de violence, des jeunes qui s'adonnent à la prostitution, qui s'adonnent au vol, au vandalisme, des adultes seuls qui sont alcooliques, psychiatrisés, ex-détenus, des personnes âgées détériorées et confuses. Je suis presque certain là-dessus que je pourrais prendre le profil de clientèles de centres de services sociaux et que j'y retrouverais, en bonne partie, le même profil que celui de clientèles qui s'adressent aux différents programmes du CLSC car, souvent, dans plusieurs territoires, les CLSC sont à

peu près les seuls à intervenir, toujours en faisant exception des lois, des lois d'exception elles-mêmes et d'autres secteurs de services où on a déjà prévu que, par exemple, les demandes de placement étaient étudiées par les centres de services sociaux et que le placement était décidé à ce niveau.

Quant à la qualité des soins, une expertise s'est développée en CSS; des interventions individuelles ou cliniques qui sont sans doute des interventions de qualité y sont faites. Il y a aussi, dans les CLSC et dans d'autres organismes de support et d'aide, des interventions de qualité qui se sont développées au cours des années par rapport à des clientèles lourdes comme celles que je vous ai mentionnées. Des CLSC ont dû développer une intervention particulière sur la base d'une expertise particulière. Je cite le cas du CLSC de la basse ville; les chambreurs sont une population très lourde; il n'y a pas plus détérioré et démuni, dans notre société, que ce groupe de personnes. Vous en avez entendu parler.

Il a fallu développer, parce que nous étions confrontés à cette clientèle et à ses besoins, ayant dû pénétrer ce quartier, des interventions individuelles et des services de support, s'occuper de déstabiliser un réseau de prêt usuraire et développer un certain nombre de services. Notre qualité de soins ne se définit pas seulement en fonction de l'intervention individuelle qu'on a dû développer, mais aussi en fonction d'une multiplicité d'interventions et d'une mutidisciplinarité.

La qualité d'interventions que nous avons développée en CLSC est fonction d'interventions individuelles et d'animation communautaire qu'on a dû faire pour développer des services et promouvoir aussi des ressources pour cette population.

Pour compléter ma réponse qui est reliée à votre troisième question concernant l'expertise, je dirais que l'expertise n'est pas l'affaire d'un niveau d'intervention. C'est souvent l'affaire de gens, de professionnels ou de non-professionnels, qui s'attaqueront à une clientèle, à un groupe d'âge ou à un problème donné. Si, sur un territoire donné, vous avez un problème d'inceste, vous avez de fortes chances de développer une expertise face aux problèmes de l'inceste. Prenons l'exemple de la Clinique Saint-Jacques à Montréal, de certains CLSC face à des clientèles particulières, que ce soient des femmes en difficulté, des chambreurs ou autres, qui ont développé des expertises du même type que celles qui ont sans doute été développées dans des centres d'accueil ou dans des CSS. L'expertise n'est pas l'affaire d'un établissement. Il s'agit d'être confronté à des besoins d'un groupe ou d'une population donnée pour devoir en développer une, si on se met en position de service et d'aide par rapport à une clientèle.

M. Charlebois: Ce que j'aurais envie d'ajouter...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, allez-y.

M. Charlebois: ...c'est qu'il serait important de dépasser l'anecdote. Cela fait très longtemps qu'on discute du partage entre CSS et CLSC et, effectivement, cette question, à savoir que la clientèle d'un niveau de service serait plus lourde que la clientèle des CLSC, revient sur le tapis depuis longtemps. Ce qui serait intéressant, c'est d'avoir des chiffres, qu'on nous dise de quoi on parle. Les CLSC, à partir de leur système informatique - et on est capable de projeter...

Mais, il faut se rappeler que les CLSC ont quand même un nombre relativement faible d'intervenants sociaux par rapport à l'ensemble de leur personnel. À partir d'une projection qu'on a faite - et c'est inscrit dans notre mémoire - ils auraient rencontré 50 000 usagers différents l'année dernière pour des problèmes sociaux. Est-il concevable que 50 000 personnes se soient présentées, à travers le Québec, dans le réseau des CLSC, sachant toutes au départ que c'est un réseau de services légers et que ces personnes ne se soient présentées qu'avec des problèmes légers? Cela m'apparaît tout à fait invraisemblable. On a là un bassin de population qui a son importance, 50 000 personnes, et il y a toutes les probabilités que dans cet échantillon de personnes on retrouve toute la panoplie des problèmes, du plus léger au plus lourd. On a évoqué dans notre mémoire qu'on a tenu des rencontres entre les associations d'établissements pour essayer de faire une entente sur le partage. On a tenté, à partir d'échantillons un peu plus réduits, de comparer - toujours à partir de notre système d'informations et d'une enquête qui avait été faite dans un CSS -chez les clients qui se sont présentés, pour quatorze CLSC par rapport à un CSS, quels étaient les types de problèmes que les clients présentaient. C'était absolument comparable, c'est-à-dire que les gens qui se pointaient à la porte du CLSC ou qui se pointaient à la porte du CSS avaient, grosso modo, des profils de problèmes semblables.

Je pense que, si on veut mener cette discussion un peu plus loin, il va falloir, à un moment donné, sortir des profils précis et qu'on cesse d'être à un niveau très général et d'affirmer que pour une institution c'est lourd et que pour l'autre institution c'est léger. Les CLSC, depuis longtemps dans cette discussion, ont le sentiment que ce qu'ils reçoivent comme clientèle c'est une clientèle qui a exactement les mêmes caractéristiques que celle qui se présente

ailleurs. Dans plusieurs territoires, le CLSC est le seul à offrir les services sociaux. On l'a affirmé tantôt. Est-ce que, dans ces territoires, les populations n'ont que des problèmes légers? Est-ce qu'ailleurs, s'il y a une succursale de CSS, il y a des problèmes un peu plus lourds et que la population se présente là? Est-ce que la distribution des effectifs des CSS, à travers le Québec, à travers les points de services, a été planifiée en fonction des problèmes plus ou moins lourds qui existaient dans un territoire ou l'autre? Je pense que ce sont ces questions qu'il faut se poser. Il faut atterrir à un moment donné et regarder les faits.

On a fait un sondage récemment, on l'a publié il y a quelques jours. D'après ce sondage il y a 3% de la population qui s'est présenté aux CLSC pour des problèmes sociaux. Est-ce que sur les 3% de la population il s'agissait de gens qui avaient uniquement des problèmes légers? Le même sondage indique que 6% de la population se serait présentée aux CSS pour des problèmes. On joue dans les mêmes ordres de grandeur. Je pense que c'est important, je le répète, d'atterrir et qu'on nous parle de faits, qu'on nous amène des chiffres. Cela fait très longtemps qu'on discute de cette question. On s'est imposé des exercices du côté des CLSC pour essayer de sortir des chiffres et, le plus récent, c'est le bilan qu'on a essayé de faire, il y a quelques jours, sur nos services: Comment rejoint-on la population, pourquoi les gens viennent-ils dans les CLSC? Dans le même sondage on a demandé aux gens, face à neuf situations problématiques, ce qu'ils feraient. Où s'adressent-ils? Est-ce qu'ils s'adressent aux CLSC, aux CSS ou s'ils tentent de régler le problème eux-mêmes ou avec leurs proches? Ce qui ressort, c'est qu'il y a une forte propension, "dans la population à tenter de régler les problèmes par ses propres moyens. Ceci confirme notre hypothèse de travail disant qu'il faut renforcer ces milieux, renforcer les réseaux naturels. Ce qu'indique également ce sondage, ce qu'indiquent également les réponses à cette question, c'est que la population se dirige presque indifféremment aux CSS ou aux CLSC pour régler ses différents problèmes. Pour certaines des situations problématiques, il s'agissait de problèmes spécifiquement reconnus comme responsabilité de CSS.

On a mentionné tantôt que, pour un sondage effectué dans un territoire de CLSC, à Montréal-Nord, un CLSC qui dessert 100 000 de population - c'est une statistique qui correspond aux chiffres qu'on a sortis au niveau national et qui correspond à d'autres projections qu'on a faites - 6% de la population a consulté, l'année dernière pour des problèmes sociaux, 61% des gens se sont dirigés vers le CLSC, seulement 11% vers le CSS.

(17 h 45)

Est-ce qu'il n'y avait que 11% de ces personnes qui avaient des problèmes lourds et qui savaient a priori où se présenter? Cela ne résiste pas. La clientèle se tourne vers l'institution la plus proche. La clientèle se tourne vers l'institution de service qui est à côté de chez elle.

M. Laurin: Une autre question, Mme la Présidente. Nous avons parlé ce matin des services sociaux scolaires. Je sais que les CLSC sont déjà présents dans les écoles, par l'infirmière dont les rôles, d'ailleurs, dépassent la dispensation de soins infirmiers, si j'ai bien compris. Serait-il opportun maintenant d'y faire entrer les travailleurs sociaux sous l'égide du CLSC et, deuxièmement, ne risque-t-on pas ainsi de perdre, encore une fois, l'expertise développée par les travailleurs sociaux qui relèvent des commissions scolaires du fait de leurs longues années de pratique et aussi du fait de l'encadrement dont les travailleuses sociales peuvent disposer, lorsqu'elles relèvent du CSS?

Mes questions sont brèves.

M. Sénéchal: Je serai peut-être en mesure de répondre à cette question-là, mais avant je répondrai par une hypothèse pour compléter ma réponse sur l'expertise qui va aussi pour les services sociaux scolaires.

Au moment où j'étais directeur des services pédagogiques dans un cégep, nous avons eu, à un moment donné, un problème de consommation et de vente de drogues. J'ai réuni tous les professionnels pour étudier cette question. Il y avait à cette réunion l'animateur socioculturel, le conseiller d'orientation, le psychologue, l'aide pédagogigue, etc., ils étaient une dizaine autour de la table. Je voulais régler ce problème. Ce dont je me suis aperçu, c'est que tout le monde se regardait et l'on cherchait le professionnel que nous n'avions pas invité, car il semblait qu'autour de la table il n'y avait personne de compétent pour résoudre cette grave question. Je me suis demandé après quel professionnel j'avais oublié et quel professionnel je devrais engager, quel spécialiste je devrais engager pour régler cette question et j'ai eu l'idée de communiquer avec des gens qui avaient une expérience dans ce domaine, qui étaient des gens qui avaient oeuvré dans l'OPTAT, l'organisme d'alors. Je leur ai expliqué le problème et je me suis dit: aurait-il quelqu'un quelque part, un spécialiste qui est formé pour régler ce genre de problème? La réponse que j'ai eue, qui est venue très rapidement, c'est: Monsieur, vous êtes peut-être capable de le régler, vous êtes peut-être la personne tout indiquée pour le faire. Ce que l'on m'explique, c'est que l'on doit consulter quelqu'un qui est capable d'entrer

en relation avec des jeunes, qui est capable de confronter les jeunes dans les difficultés qu'ils vivent, dans les habitudes qu'ils ont, quelqu'un qui est capable d'une certaine relation chaleureuse, mais en même temps franche.

Donc, j'avais compliqué encore là, dans ma tête, un problème qui est simple. J'ai l'impression que, dans le domaine des services sociaux scolaires, l'on complique beaucoup les problèmes et l'on cherche surtout des solutions très compliquées. Ce sont des problèmes qui sont peut-être compliqués. C'est faux que, par exemple, comme cela a été écrit dans une région par un CSS à la commission scolaire, 36% de nos enfants dans une région ont besoin de services sociaux spécialisés. Nous ne sommes pas si malades que cela. M. Moyen.

M. Moyen: Deux brefs commentaires. Première réaction, c'est que je comprends que, si la responsabilité était transférée au CSLC, dans la pratique, j'ose croire que le professionnel avec son expertise suivra la responsabilité qui a été transférée de telle sorte qu'à ce moment-là l'expertise que le professionnel a développée dans le scolaire demeurera au scolaire, car je crois qu'il serait malvenu d'utiliser dans un autre champ d'activité ce spécialiste.

Dans les faits, comment cela se passe-t-il dans l'école? Tant au niveau primaire que secondaire, il faut comprendre que les commissions scolaires ont leurs services aux étudiants, lesquels regroupent des psychologues et tout autre spécialiste requis selon les besoins et la dimension de la commission scolaire, et ce travailleur social n'est qu'un élément additionnel qui s'ajoute et de plus en plus d'ailleurs au scolaire, l'on favorise l'étude de dossiers à partir du titulaire, car c'est lui la première ressource, ou elle, selon le cas. Votre projet, lorsque vous étiez à l'éducation, je pense, vient enrichir cette approche vers le milieu naturel.

Dans cette optique, l'encadrement et l'expertise - j'ose le croire - ne se dissocieront pas d'un transfert de responsabilités. Cette école est carrément, et tout à côté, intégrée au milieu de vie naturel. Je n'ai pas cette préoccupation de perte d'expertise, compte tenu que ces gens viennent dans les CLSC pour répondre au besoin qui est celui du travailleur social scolaire qui les suivra. Je ne veux pas présumer au départ. Je ne pense pas qu'il soit opportun, à ce moment-ci, de se poser la question: Est-ce qu'on en a assez ou pas? Cela, c'est autre chose. Prenons l'actif qui est là. Dans l'école, actuellement, le travailleur social - il ne faut pas se conter des histoires - vit carrément, 99% de son temps, avec les professionnels de l'école. Son encadrement, plus souvent qu'autrement, c'est de là qu'il relève. Théoriquement, il se réfère à de grands programmes. Cela ressemble aux négociations provinciales: tout le monde est pour la vertu, mais, dans le domaine scolaire, il arrive que le travailleur social vit le scolaire. Il n'est pas au niveau de la commission, il est dans l'école. Heureusement, d'ailleurs, il s'intègre, dans la plupart des cas, très bien.

M. Sénéchal: M. Moyen a travaillé une vingtaine d'années dans une commission scolaire, cela paraît dans sa réponse. Ce que j'ajouterais, c'est que la question de l'expertise est évidemment reliée à la question de l'encadrement. On peut assurer une certaine qualité d'intervention si les intervenants, qui sont, la plupart du temps -je le souhaite, en tout cas - dans les écoles plutôt que dans les CSS, ont besoin de se retrouver, d'échanger avec d'autres intervenants du milieu scolaire dans d'autres CLSC ou sur des territoires connexes. Il y a, à l'intérieur du réseau des CLSC - qui, encore une fois, je le répète, est un réseau -des occasions très fréquentes de rencontres, d'échanges et de réflexions entre intervenants venant de différents CLSC sur des problématiques communes. Par exemple, si vous travaillez dans un CLSC auprès des femmes en difficulté, il y a des rencontres qui sont organisées avec d'autres intervenants, d'autres CLSC, qui travaillent auprès des femmes en difficulté. C'est vrai selon les territoires. Il y a des CLSC qui s'allient - il y a des alliances entre CLSC -parce que les caractéristiques, sur les territoires de ces CLSC, sont communes et commandent le même type d'intervention. Il y a un système d'entraide à ce niveau. M. Leguerrier.

M. Leguerrier (Paul): Si vous me permettez, au niveau du territoire où je travaille, dans la région de l'Outaouais, nous n'avons pas de contrats de services avec les commissions scolaires en ce qui a trait aux services de santé. Nous avons des contrats de services avec les écoles, c'est-à-dire que la commission scolaire, en vertu d'une politique de délégation d'autorité, a délégué cette responsabilité au niveau des écoles et c'est avec les écoles que nous discutons des services à offrir. Donc, à ce niveau, la commission scolaire ne joue pas un rôle d'encadrement. C'est l'école qui joue carrément un rôle d'encadrement des intervenants dans le milieu de l'école. On a 25 écoles à desservir sur le territoire de la ville de Hull et ce sont elles qui ont les responsabilités.

Deuxièmement, les infirmières qui oeuvrent dans les écoles n'ont pas perdu, à mon point de vue, leur expertise en passant de l'unité sanitaire aux CLSC ou du Département de santé communautaire aux

CLSC. Elles ont continué à travailler dans les écoles et elles ont une expertise qui leur est reconnue. D'ailleurs, je suis en mesure de voir régulièrement des collaborations qui se font dans le milieu scolaire entre les infirmières du CLSC et le travailleur social du CSS.

Je prends deux exemples précis: au niveau de certains programmes, de formation en planification des naissances, l'infirmière et le travailleur social interviennent ensemble et viennent chercher l'expertise de l'équipe de planification des naissances: médecin, intervenant psychosocial, infirmière, équipe qui est à l'intérieur du CLSC et non pas dans les écoles; c'est l'équipe du CLSC. Au niveau de toutes les expériences rattachées aux drogues, l'an dernier, il y a eu, chez nous, une expérience qui s'est faite dans une école polyvalente où l'infirmière, le travailleur social, l'agent d'information du CLSC, l'organisateur communautaire du CLSC, des groupes communautaires, un centre d'accueil et la police sont intervenus ensemble. Ils n'avaient pas une expertise plus particulière à ce niveau, c'est-à-dire qu'on a fait une équipe d'intervention sur un problème particulier dans une école avec le milieu, avec les enseignants de l'école.

À mon point de vue, l'expertise va se conserver quel que soit le rattachement dans la structure administrative. Comme le dit M. Sénéchal, au niveau de nos autres intervenants, que ce soient les médecins du CLSC, les nutritionnistes, les ergothéra-peutes, les intervenants auprès des femmes maltraitées, les organisateurs communautaires, tous, dans le cadre d'une région ou d'une sous-région, se rencontrent, se fournissent des supports, de l'expertise mutuelle à ce niveau.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je demanderai le consentement à 18 heures pour qu'on puisse continuer cinq minutes.

M. Scowen: J'aimerais vous poser quelques questions concernant les services en langue anglaise. Je comprends bien et j'accueille votre désir, soit l'idée de base du CLSC qui est de rapprocher le plus possible les services du milieu. Parmi les nombreux problèmes impliqués dans une telle décision, il y a la question des services en langue anglaise. J'imagine qu'en principe - et c'est la première question que je vous pose - une personne au Québec qui désire recevoir les services sociaux ou de santé en langue anglaise doit avoir le droit de les recevoir. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec ce principe dans le cadre de vos objectifs globaux.

Comme on le sait, la langue anglaise et la langue française sont différentes, la culture est différente. Le ministre et moi nous entendons sur ce point. J'aimerais savoir jusqu'où vous êtes allés dans vos réflexions concernant la livraison des services en langue anglaise de la part des personnes de culture anglaise, des anglophones. Dans la région de l'ouest de Montréal où vous avez une forte concentration, dans la région de l'est de Montréal où vous avez un grand nombre de personnes, même si elles sont dispersées un peu partout dans la région, et, troisièmement, dans les milieux ruraux où il y a un tout autre genre de problème, est-ce que vous avez, comme organisation, développé une politique précise concernant la livraison de ces services? Sinon, où en êtes-vous précisément dans les trois cas, dans vos réflexions à ce stade-ci?

M. Sénéchal: M. Charlebois.

M. Charlebois: À la dernière question, à savoir s'il y a une politique précise qui a été élaborée par l'organisation, non, il n'y a pas de politique émanant de la fédération sur les services à rendre en langue anglaise. Il y a effectivement un très fort bassin de population anglophone dans l'ouest de Montréal et le centre-ouest de Montréal. Que je sache, les CLSC, qui sont sur l'axe nord-sud de la rue Saint-Laurent, desservent une population anglophone, mais aussi une population de minorité ethnique dans le secteur de Côte-des-Neiges. Les CLSC rejoignent généralement ces populations par toutes sortes de programmes, forcément, dans plusieurs cas, dans leur langue d'origine, et j'ai envie de dire que votre collègue de droite serait plus à même que moi d'en parler.

Concernant plus spécifiquement l'ouest de Montréal, c'est un secteur où il n'y a pratiquement pas de CLSC de développés encore. La stratégie utilisée, ou le plan d'implantation des CLSC qui a été utilisé par le ministère depuis quelques années a fait que c'est surtout dans les régions périphériques et dans les régions rurales, les régions éloignées, que les CLSC ont été ouverts. Maintenant, on a 124 CLSC d'annoncés sur les 166 possibles, et la région qui serait la moins bien équipée, toutes proportions gardées, par rapport au nombre de CLSC qu'elle doit avoir, c'est justement la région de Montréal, l'ouest de Montréal plus particulièrement. (18 heures)

II reste que dans cette région il y a des projets de CLSC. On est en contact avec différents comités promoteurs de ces CLSC. Plusieurs de ces comités promoteurs sont effectivement des comités composés d'anglophones. Il s'agit donc de groupes anglophones qui sont à la base de la création d'un CLSC et qui vont certainement imprégner à ces CLSC leurs besoins et leur orientation. Il y a des CLSC un peu plus à

l'ouest, comme à Pierrefonds, par exemple, où il y a une population anglophone qui offre des services dans la langue anglaise.

Dans les milieux ruraux, sauf peut-être l'Ouest du Québec... Je ne sais pas s'il y a quelqu'un de l'Outaouais ici qui pourrait apporter quelques précisions, à savoir si la communauté anglophone reçoit les services dans sa langue.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Excusez. Un instant! Avant de continuer, je voudrais demander le consentement des membres de la commission pour que nous poursuivions un quart d'heure, si vous voulez. D'accord?

M. Leguerrier: Effectivement, dans l'Ouest québécois, nous avons aussi un pourcentage de gens qui parlent anglais. Je vous donne un exemple. Au niveau des cours de périnatalité, les anglophones avaient tendance à aller chercher les cours à Ottawa où le service n'est peut-être pas aussi adéquat qu'il l'est du côté du Québec. Alors, cinq CLSC, on a regroupé nos effectifs pour offrir des services en périnatalité aux personnes anglaises qui requièrent ces services. On a regroupé ces services. Je sais également que, par exemple, dans le CLSC d'Aylmer, tout le comté de Pontiac, il y a des intervenants qui sont bilingues, qui parlent anglais. Dans toute la vallée de la Gatineau également, il y a des intervenants qui sont anglophones, de culture anglophone, qui travaillent avec le milieu et qui offrent des services sociaux et de santé.

M. Charlebois: On peut passer d'Ouest en Est, il y a M. Moyen qui est de la Basse-Côte-Nord; 80% de sa clientèle est anglophone, je crois.

M. Moyen: Justement. Je voulais rappeler que la loi 101 prévoit dans ses prescriptions, particulièrement à l'article 113f, si ma mémoire est fidèle, la possibilité pour un établissement d'être reconnu comme devant desservir la clientèle majoritairement dans une langue. En l'occurrence, sur notre territoire, c'est l'anglais; langue seconde, j'entends. De fait, je me sens tout à fait à l'aise de vous dire que le CLSC étant un territoire local, près de la population, il a donc tout avantage à s'adapter à la nature de la clientèle qu'elle dessert. Chez nous, comme nous le disions, nous avons une population de plus de 80% d'anglophones. C'est bien évident que, pour le bénéficiaire, qui en a le droit, d'ailleurs, il est de notre responsabilité de faire en sorte que les intervenants soient non seulement en mesure de leur répondre, mais qu'ils soient en mesure de les comprendre et de comprendre leurs particularités dans leur langue. C'est la même chose pour les Montagnais et toutes les autres nations qui vivent dans cette province. Je pense que les centres locaux de services communautaires sont justement la structure idéale pour ce faire.

M. Scowen: Je vous remercie de vos réponses, qui ne répondent pas exactement à ce que je cherchais. Quand j'ai lu votre document, j'ai remarqué que votre style était imprégné du désir d'établir des principes. C'est un document qui est admirable à ce point de vue. Vous demandez, entre autres, que les principes qui vont guider le partage des pouvoirs entre les CSS et les CLSC soient clairs. Vous avez l'air de gens qui aiment parler de principes. Je vous ai posé des questions sur les principes qui doivent guider le réseau, qui doivent être établis pour que tous les services soient rendus dans la langue anglaise au besoin.

Alors, vous nous avez répondu d'une façon admirablement pragmatique, qui m'a surpris un peu, avec des anecdotes très intéressantes, et je suis certain qu'elles représentent la vérité et une réflexion de la situation dans les cas que vous avez mentionnés. Cependant, je voudrais revenir un moment et vous poser des questions sur les principes, car, lorsqu'on a des principes assez clairs, on peut les appliquer dans les cas des nouveaux CLSC qui verront le jour et dans les CLSC qui vont voir leurs pouvoirs augmenter.

Si je comprends bien, vous n'avez jamais établi les principes qui doivent guider la livraison des services en langue anglaise aux personnes qui désirent ces services en langue anglaise et qui, pour aller un peu plus loin, veulent des services dits non francophones, ou anglophones, si vous voulez, car il y a cet aspect culturel que tous sont capables de reconnaître.

La première question que je vous pose est la suivante: Pensez-vous que ce ne serait pas une bonne idée d'essayer d'établir, dans des délais raisonnables, de tels principes pour guider les décisions et les actions dans le réseau? Deuxièmement, je vous demande si vous êtes d'accord avec moi que, parmi ces principes, toute personne qui veut recevoir des services de santé ou des services sociaux en langue anglaise doit avoir droit à ces services en langue anglaise. Troisièmement, pensez-vous qu'il y a aussi un aspect culturel dans le droit de recevoir les services non seulement dans la langue anglaise, mais aussi des services anglais comme tels qui sont une réflexion de la culture de la société dont la personne est membre? Un tel aspect doit-il aussi faire partie d'une telle déclaration de principe?

M. Charlebois: Bon, vous nous posez toute une série de questions de principe qui, pour certains - j'en ai l'impression - n'ont pas à être réglées par la Fédération des

CLSC.

M. Scowen: ...aux usagers.

M. Charlebois: On peut avoir donné l'impression de vouloir prendre beaucoup de choses, beaucoup d'expansion, mais quand même!

À un premier niveau, le CLSC est un centre local. Chacun des CLSC a son propre conseil d'administration; chacun cherche à rejoindre le mieux possible sa clientèle et ses clientèles prioritaires. À cet égard, je pense qu'il revient - en partie, certainement - à chaque conseil d'administration d'établir ses règles de procédures et, peut-être, ses principes vis-à-vis de sa population. Je pense que chacun des CLSC qui dessert une clientèle anglophone, ou même les autres minorités ethniques, a pris les moyens, effectivement, de rejoindre cette clientèle. Quant à l'autre niveau, je pense que des principes généraux ont été établis par le gouvernement. C'est un peu dans ces principes qu'on inscrit nos actions. C'est dans ces principes et ces directives, dans cette espèce d'encadrement, que les établissements fonctionnent.

On vous a répondu d'une façon pragmatique, parce que je pense que c'est à ce niveau qu'on peut vous répondre. J'ai envie de vous relancer une question: Y a-t-il des problèmes?

M. Scowen: Oui. Je ne veux pas apporter une réponse à votre question, mais je vais vous poser une autre question en guise de réponse.

Une voix: That is how you play tennisl

M. Scowen: II y a un groupe de travail sur les services sociaux dans la langue anglaise...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce...

M. Scowen: Mon temps est écoulé.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ...il est un peu dépassé même.

M. Scowen: Dans ce cas, je vais arrêter. Il n'y a pas de problème.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon, merci. M. le député de Gouin...

M. Rochefort: Pas plus de dix minutes, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, parce qu'il reste huit minutes.

M. Rochefort: La première question que je veux poser à la Fédération des CLSC reprend une affirmation que vous avez faite au début de votre intervention, à la suite de la présentation de son mémoire, un peu sous forme de boutade, mais que je reprends sérieusement. Mme la députée de l'Acadie vous a dit que, finalement, on comprend que vous ne soyez pas trop intervenus sur la place publique parce que le cadre de référence vous donnait beaucoup et peut-être même plus que ce que vous souhaitiez obtenir. Je voudrais vous poser la question sérieusement. Est-ce que vous avez le sentiment que le cadre de référence vous accorde plus que ce que vous ne souhaitiez obtenir? Plus précisément, est-ce que vous avez le sentiment que le cadre de référence vous accorde plus que ce que vous n'auriez obtenu si, au moment de la mise en application du rapport de la commission Castonguay-Nepveu, notamment au niveau des services sociaux, l'ensemble du Québec avait été, dès ce moment, couvert par des CLSC?

M. Charlebois: Je réponds non à cette question.

M. Rochefort: J'aimerais que vous développiez un peu.

M. Charlebois: C'est l'ordre. Je me suis placé au micro avant M. Sénéchal.

M. Rochefort: Sans que cela ne m'empêche de vous poser une deuxième question par la suite.

M. Charlebois: La question, c'est de savoir si on n'est pas intervenu parce que le cadre de référence en donne plus que ce que les CLSC ne demandaient. C'est inexact. Les CLSC ont déposé, en janvier 1983, un mémoire au ministre - on en a parlé un peu plus tôt - dans lequel on indiquait qu'il devrait y avoir plus de 50% des cliniciens -on parle bien des cliniciens - qui doivent passer aux CLSC et on disait qu'il faudrait que les personnels de soutien et d'encadrement soient au prorata.

Le cadre de référence, on le trouve satisfaisant au niveau des principes, au niveau des orientations, au niveau des critères. Dans le cadre de référence, cependant, il y a peu d'indications sur le nombre, sur les effectifs. D'ailleurs, la conférence des conseils régionaux, ce matin, a clairement fait ressortir qu'il y a tout l'aspect opérationalisation qui est à faire, dans un deuxième temps, sauf qu'il y a des chiffres qui ont circulé. Le chiffre qui circule et qu'on n'a jamais reçu officiellement, c'est qu'il y aurait autour de 30% à 35%, peut-être 40%, de transferts. Ce n'est pas ce que la Fédération des CLSC a demandé. Donc, ce n'est pas pour cette

raison, parce que le cadre de référence aurait donné plus que ce que la Fédération des CLSC voulait, qu'on s'est tu. La raison, c'est qu'on considère que toute cette question de réaménagement, de redéploiement des effectifs dans le réseau des affaires sociales est une question strictement administrative. Plusieurs ont dit: Ce n'est pas une question administrative, c'est une question de principe, c'est une question de réorientation de politiques. On soutient que ce n'est pas une question de réorientation de politiques, c'était inscrit dans la loi qu'il fallait décentraliser, qu'il fallait miser sur les communautés. C'était inscrit déjà en 1972 et on est rendu à cette étape. Le simple parachèvement des réseaux des CLSC oblige à une telle décentralisation des effectifs.

M. Rochefort: La deuxième partie de ma question: Si, dès la mise en application des recommandations du rapport de la commission Castonguay-Nepveu en ce qui a trait à la dispensation des services sociaux, on n'avait pas pris un grand nombre des services sociaux pour les confier aux CSS en attendant la mise en place des CLSC, mais s'il y avait eu la création de 166 CLSC en même temps que les quatorze CSS, est-ce que vous avez le sentiment que le résultat, que le partage qui aurait été effectué, à ce moment-là, serait équivalent, inférieur ou supérieur à celui que vous propose le cadre de référence qui est ici à l'étude?

M. Charlebois: J'ai le sentiment qu'il serait supérieur. J'ai le sentiment qu'on aurait placé, au niveau local, les effectifs pour répondre effectivement aux besoins de la population. La question de savoir combien d'effectifs doivent demeurer à un autre niveau, c'est une question qui vient dans un deuxième temps, dans la logique des choses, parce qu'il faut se rappeler qu'au niveau local il s'agit de services généraux, de services de base. La proposition du cadre de référence, c'est que les chiffres, les hypothèses qui ont circulé vont quand même conduire à la situation suivante: c'est qu'il y aurait uniquement 35%, si c'est le cas, des effectifs affectés aux services dits généraux et 65% des effectifs affectés aux services dits spécialisés. Est-ce que ce sont les rapports normaux dans la distribution des effectifs? Quand on pense au domaine médical, par exemple, la proportion des spécialistes par rapport aux généralistes, si jamais on se ramenait à ce modèle... (18 h 15)

M. Sénéchal: Même si nous ne voulons pas, à ce stade-ci, entrer dans des questions d'opérationalisation, j'aimerais ajouter, pour compléter la réponse qui a été donnée sur la demande de janvier, que, lorsque nous parlions de 50% des ressources, nous n'avions pas encore présenté notre mémoire sur la protection de la jeunesse, qui a été présenté en juin 1983, et nous n'avions pas fait cette discussion sur les familles d'accueil. Nous sommes loin de ce qui nous serait présenté dans le cadre de référence.

M. Rochefort: Un deuxième sujet que je voulais aborder, et j'imagine que ce sera le dernier à cause du temps qui court, c'est la question des urgences sociales. J'ai relu tantôt, pendant votre présentation, la partie de votre mémoire qui concerne ce sujet. Je suis allé me référer à ce que l'on retrouve dans le cadre de référence. J'avoue que, moi aussi, j'ai un préjugé favorable quant à l'idée de confier la responsabilité des urgences sociales aux CLSC, même si je crois que, dans une région comme Montréal, cela exigera qu'il y ait une mise en commun des services. Je ne crois pas que ce soit utile, en tout cas, sûrement pas essentiel, que tous les CLSC offrent des services d'urgence sociale 24 heures par jour à Montréal. Il y aura moyen de regrouper un certain nombre de services. Il est clair que, je pense, l'orientation est juste. Toutefois, on maintient dans le cadre de référence un certain nombre de responsabilités au niveau des CSS, notamment celle de mieux préciser quel pourrait être le partage des responsabilités entre le niveau régional et le niveau local quant aux urgences sociales.

Je remarque dans votre mémoire que vous vous inscrivez un peu en opposition à ce mandat que l'on confierait aux CSS et vous demandez plutôt de le confier aux CRSSS. J'aimerais vous entendre un peu pour savoir quelle est votre attitude à vous autres, comme Fédération des CLSC, et donc précisément comme CLSC, quant aux problèmes et aux solutions qui devraient être apportées au problème des urgences sociales. Moi, je pense que là-dessus - je vous le dis comme je le vois - autant, je le répète, je suis favorable à ce que l'orientation relève du niveau local, autant je n'ai pas le sentiment que jusqu'à maintenant les CLSC ont rempli leur mission quant à la possibilité qu'ils avaient de remplir cette mission par rapport aux ressources qui étaient à leur disposition pour ce faire. Donc, pour l'avenir, je pense qu'en termes d'orientation c'est évident que cela devrait être de votre responsabilité. Quand je regarde la façon dont cette responsabilité a été assumée par les CLSC jusqu'à maintenant, j'avoue qu'entre les principes et la pratique j'ai des hésitations.

M. Sénéchal: Sur la pratique, en tout cas, il y a un résultat du sondage qui est fort encourageant. Sur les heures d'accessibilité, lorsque l'on demande aux gens qui ont utilisé les services du CLSC si l'horaire d'accessibilité aux CLSC est

satisfaisant, la majorité des répondants répondent que l'horaire est satisfaisant. C'est dire qu'il y a eu une évolution et que c'est peut-être beaucoup moins vrai aujourd'hui, comme on l'a laissé croire, que les CLSC ont des heures d'accessibilité et de services très restreintes, du 9 à 5. Il y a de plus en plus de formules qui se sont développées dans les CLSC pour rendre leurs services plus accessibles. Cela, c'est une chose.

Ce qu'il faut ajouter, c'est que, souvent, il y a des intervenants de CLSC qui, même s'ils ne sont pas dans les locaux du CLSC, demeurent accessibles en soirée et en fin de semaine, et répondent à des urgences sociales. Je connais aussi des CLSC qui se sont préoccupés de cette question de l'urgence sociale, qui s'en sont préoccupés dans le sens où ils ont fait justement l'inventaire dans leur milieu de ce qui existait comme ressources pour répondre à des urgences sociales dans des temps, par exemple, où le CLSC était fermé, soit la nuit, ou, par exemple, les fins de semaine, sur certains territoires, et qui ont fait un peu le rôle que l'on propose aux CRSSS pour l'ensemble d'une région, pour l'ensemble d'un territoire, mais qui ont sur leur territoire, avec les ressources en place, la police, d'autres ressources d'hébergement, la Maison des femmes, etc., qui se sont assurés qu'il existait sur le territoire du CLSC un réseau de ressources capables de répondre à des urgences sociales. D'autres CLSC ont fait la promotion de ressources d'hébergement ou de ressources de dépannage et d'aide qui fonctionnent 24 heures par jour et 7 jours par semaine. Donc, ce n'est pas vrai que les CLSC ne se sont pas préoccupés de cette question.

Ce que nous avons comme approche, c'est une approche très pragmatique...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Un petit peu plus brièvement parce que...

M. Sénéchal: D'accord.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ...j'ai tenu pour acquis qu'il y avait consentement de la commission. Il y a un autre député qui, depuis le début, a été très patient. Il a demandé une petite question et j'apprécierais que vous alliez...

M. Sénéchal: D'accord. Juste pour dire que, sur cette question, nous avons une approche très pragmatique et voulons tenir compte des ressources qui sont dans le milieu, en demandant qu'on confie aux conseils régionaux le mandat, avec les ressources qui sont là, ressources institutionnelles et non institutionnelles, de mettre en place un réseau efficace de services qui puisse répondre aux urgences sociales.

M. Rochefort: Pour éviter la confusion - je veux qu'on se comprenne bien - je ne veux pas laisser sous-entendre que vous ne vous étiez pas préoccupés des urgences sociales. Ce que j'ai dit, c'est que je considérais que les CLSC n'avaient peut-être pas fait tout ce qui leur était possible dans le cadre des urgences sociales et qu'il y avait nettement place à amélioration de ce côté.

Vous nous avez décrit ce qui était en train de se faire. Vous nous avez également dit que le résultat du sondage indiquait que la population était satisfaite des heures de services. J'ai le goût de vous demander: Est-ce que, vous, vous êtes satisfaits de ce que vous avez fait jusqu'à maintenant au niveau des urgences sociales ou est-ce que vous comptez ajouter substantiellement dans cette voie?

M. Charlebois: Deux choses sur les urgences: si on parle d'urgences sociales, les CLSC ont 10% des effectifs sociaux. Je pense qu'il faut prendre cela en considération. Deuxièmement, le mandat des urgences sociales, à l'heure actuelle, est aux CSS. Si on parle d'urgences, il faut savoir de quoi on parle: est-ce qu'on parle de l'extension des heures d'ouverture ou de l'urgence? Si on parle de l'urgence, actuellement, le mandat est aux CSS. On a un cadre de référence qui indique qu'on veut donner une nouvelle orientation à l'organisation des services. Dans le cadre d'une nouvelle orientation, comment organisera-t-on les services? On a des idées qu'on a mises de l'avant et on pense que c'est au conseil régional de s'attaquer à cette question pour l'ensemble de sa région.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Rivière-du-Loup, qui a été vraiment très patient.

M. Boucher: Mme la Présidente, je vais essayer d'être assez expéditif. J'ai deux petites questions, simplement des remarques.

À la page 1, deuxième paragraphe, vous dites: "Outre le fait que nous croyons maintenant que les services aux familles d'accueil devraient être rendus sur une base locale..." Est-ce que vous voulez dire que vous vous occupez de recruter les familles d'accueil, d'en faire la surveillance, l'évaluation, etc.? Pourquoi dites-vous maintenant? Est-ce que vous avez déjà eu des objections à le faire?

Deuxième petite question: à la page 18, vous dites: "Miser sur les CLSC: un choix réaliste." Vous parlez, à 3,1, des avantages structurels importants. Quand vous dites: les CLSC desservant des populations moins importantes, je présume que ce sont des populations moins importantes que celles des CSS. Par rapport aux zones des CSS, je ne

sais pas, les populations ne seront pas à peu près les mêmes. À la page 19, on peut lire: "Les CLSC ont aussi en moyenne moins d'employés (moins de soixante-quinze 75 employés en moyenne par CLSC), ce qui leur permet une plus grande souplesse de fonctionnement en même temps qu'un fonctionnement moins bureaucratique." Quand vous dites que c'est un avantage structurel, n'avez-vous pas peur qu'en faisant transférer 50% des effectifs des CSS cela ne devienne un petit peu plus lourd?

M. Sénéchal: Sur la question des familles d'accueil, pour répondre de façon très précise et très brève, c'est non. On parle de suivi de l'enfant en famille naturelle et en famille d'accueil. Tout l'aspect administratif qui consiste à recruter les familles d'accueil, à les évaluer, à les accréditer, à les rémunérer demeurerait aux centres de services sociaux.

Lorsqu'on parle de populations moins importantes, il s'agit, bien sûr, du nombre de citoyens rencontrés par les CLSC. De façon générale, au Québec, les territoires de CLSC ont une population moins nombreuse que ceux desservis par les CSS.

M. Boucher: Avez-vous pris ces chiffres en comparant les CSS par rapport aux bureaux de zones, par exemple? Avez-vous pris l'ensemble de la population qu'un CSS régional dessert?

M. Sénéchal: C'est l'ensemble.

M. Boucher: Bien sûr, mais par rapport à une zone?

M. Sénéchal: C'est l'ensemble de la population régionale.

M. Boucher: Un CSS dans une zone donnée peut avoir deux ou trois points de services.

M. Sénéchal: Non. C'est au niveau d'un ensemble, c'est-à-dire qu'on se retrouve dans un établissement où il y a un niveau de décision qui est un conseil d'administration et qui couvre une population donnée. C'est à ce niveau-là qu'on s'est situé.

M. Charlebois: Quant à votre dernière question sur la bureaucratisation, on va faire un petit exercice mathématique. On va diviser 2000 par 166. Il faut se rendre compte de quoi on parle, de combien de personnes vont joindre chacun des CLSC.

M. Sénéchal: 50%, c'est beaucoup, mais, lorsque vous répartissez ces ressources entre 166 CLSC, il n'y a pas de crainte qu'il y ait bureaucratisation.

M. Charlebois: Ils ne verront pas leur personnel doubler. Ce n'est de cela qu'on parle. Évidemment, il y a eu beaucoup de mémoires sur la question, beaucoup de discussions, et nous sommes rendus ici aujourd'hui, mais de quoi parle-t-on? On parle d'un nombres d'effectifs semblable à celui qu'on a déjà transféré des DSC. On parle d'une opération qui est peut-être du même ordre que celle qui est en train de se faire au niveau de la santé et du travail à l'heure actuelle dans les CLSC.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous demandez un peu plus d'encadrement aussi quelque part dans votre mémoire. Non?

M. Charlebois: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Je désire vous remercier. Il y aurait énormément d'autres questions à vous poser. Il a fallu se discipliner pour ne pas le faire. Entre autres, j'aurais voulu commenter tous vos longs commentaires sur le rapport Barclay, lequel n'est pas encore en application. Il ne faut pas oublier que le rapport Castonguay-Nepveu était aussi la suite d'un autre rapport anglais, le rapport SEEBOHM, si je me rappelle bien. Dans le rapport Barclay, on parlait aussi du maintien de services spécialisés. Il ne faudrait pas l'oublier. Également, lorsque vous parlez de la communauté locale, ce avec quoi je suis d'accord, le rapport Barclay fait aussi la différence entre la communauté d'intérêt et la communauté géographique, ce qui justifie, à bien des égards, un palier régional et un palier local.

Ce sont seulement des points sur lesquels j'aurais aimé discuter avec vous, quand vous répondiez au ministre sur la question de l'expertise que vous aviez et que vous pourriez développer, ce n'est pas impossible, sauf que, dans votre page 10, j'ai été assez inquiète de voir que vous ne vouliez pas qu'on vous transfère simplement des effectifs, un "caseload" et une expertise, dois-je en conclure, mais que vous allez développer votre propre approche et des approches différentes. Je pense que ce n'était peut-être pas une réponse exacte au problème posé par le ministre parce que, à ce moment, on parle de deux choses différentes.

Enfin, ceci dit, je vous remercie de votre collaboration. Votre mémoire était fort intéressant. Comme vous avez pu le voir, on pourrait continuer pendant encore une demi-heure. À la prochaine. Merci.

Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures. Nous commencerons à 20 heures, dès qu'il y aura un membre de chaque côté de la table.

(Suspension de la séance à 18 h 28)

(Reprise de la séance à 20 h 13)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il vous plaît'.

La commission des affaires sociales reprend ses travaux pour continuer sa consultation sur le partage des responsabilités entre les CLSC et les centres de services sociaux.

Il nous fait plaisir d'accueillir l'Association des centres de services sociaux du Québec. Si vous voulez vous présenter, vous avez la parole, messieurs, dames.

Association des centres de services sociaux du Québec

M. Thibault (Louis-Philippe): Merci, Mme la Présidente. Dans un premier temps, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent en commençant par mon extrême droite: Mme Céline Morin, du CSS de Québec; M. Jean-Pierre Duplantie, du CSS de l'Estrie; Mme Lise Denis, directrice générale de l'Association des centres de services sociaux du Québec; à partir de mon extrême gauche, Mme Thérèse Johnson, du CSS du Montréal métropolitain et M. André-Gaétan Corneau, du CSS de Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau. Moi-même, Louis-Philippe Thibault, président de l'Association des centres de services sociaux du Québec.

On vous a remis, Mme la Présidente, une copie de notre mémoire. Vous avez sans doute constaté qu'il avait 54 pages. On n'en fera pas la lecture. On tient plutôt à vous le résumer ici ce soir.

Vous me permettrez dans un premier temps de vous remercier d'avoir convoqué la présente commission parlementaire. Il nous semble que, dans le débat qui a cours depuis un certain temps, il y a des enjeux importants au plan des choix collectifs qu'on doit faire dans le domaine des services sociaux. Dans ce sens, je pense qu'une commission parlementaire s'imposait.

Telle que vous l'avez présentée ce matin, l'étude de cette commission se fait sous l'angle de la qualité des services au bénéficiaire. Nous sommes très à l'aise avec cet angle de prise pour étudier le cadre de référence. Notre perception dans ce dossier a toujours été que le bénéficiaire doit être au centre de nos préoccupations de manière à lui garantir les meilleurs services possible. Tous les objectifs que l'on peut poursuivre à l'aide du cadre de référence se doivent, impérativement, d'être subordonnés à ce premier objectif qui est la qualité et la continuité des services au bénéficiaire.

Avant de vous présenter notre proposition, ou notre contre-proposition, vous me permettrez de souligner que ce que l'on va vous présenter a fait l'objet d'un processus très démocratique à l'intérieur des centres de services sociaux. J'ai demandé à

M. André Gaétan Corneau d'accompagner la présente délégation. Il a été associé de près à ce processus pour avoir été désigné par l'ensemble des présidents des CSS pour y jouer un rôle actif. Je demanderais à M. Corneau de situer comment la proposition que nous déposerons a été articulée à l'intérieur des centres de services sociaux.

M. Corneau (André-Gaétan): Mme la Présidente, Mmes et MM. les membres de cette commission parlementaire, mon intervention qui se veut brève a pour objet de situer le rôle que les conseils d'administration, par leurs quatorze présidents, ont été appelés à assumer dans ce dossier. Sans entrer dans toute la chronologie des événements qui ont précédé et qui ont suivi le dépôt de la première version du cadre de référence en décembre 1983, je tiens à souligner que la forme ou, autrement dit, les modes de consultation utilisés ont incité nos conseils d'administration, par leurs présidents, à se joindre à notre association dans cette préoccupation d'obtenir une évaluation la plus objective possible des impacts réels du cadre de référence.

Au cours du mois de janvier 1984, une vaste opération de consultation a été engagée auprès de tous les CSS du Québec. Les travailleurs du champ, notre personnel clinique, nos gestionnaires ont analysé le cadre de référence. Le conseil d'administration de chaque CSS a été appelé pendant cette période à se prononcer individuellement sur l'adéquation des moyens proposés dans le cadre de référence pour assurer un nouveau partage de responsabilités, et ce, en fonction de nos connaissances régionales et locales de la clientèle et de ses besoins, incluant les communautés culturelles et linguistiques.

Ces consultations individuelles réalisées auprès des quatorze CSS du Québec ont, par la suite, été présentées, discutées et ont fait l'objet d'une position unanime endossée par tous les CSS à l'occasion d'une assemblée générale spéciale qui s'est tenue à Montréal dès le 1er février 1984.

Mme la Présidente, les quatorze présidents de tous les CSS que je représente tiennent à vous exprimer que les commentaires et les compromis qui vous seront livrés par le président de notre association ont reçu l'assentiment de tous nos conseils d'administration composés de représentants de toutes les catégories de collèges électoraux prévus à la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ces commentaires et ces compromis tiennent compte également de nos réalités locales et régionales ainsi que des particularités culturelles et linguistiques propres à certaines populations que nous desservons.

De plus, ces commentaires et ces

compromis sont le résultat d'une véritable concertation et consultation tenue dans tout le Québec que nous avons coordonnée dans sa forme et objectivée dans son contenu afin que vous soyez assurés que c'est le bénéficiaire qui est demeuré au centre de nos préoccupations et non la conservation de certains postes dans l'enveloppe de l'effectif de nos établissements. Notre engagement personnel comme bénévole au sein de nos conseils d'administration et notre implication soutenue dans ce dossier constituent d'ailleurs pour les membres de cette commission parlementaire la meilleure caution des intentions que je viens de vous livrer.

Je ne voudrais terminer cette brève présentation sans vous indiquer que des bénévoles membres des conseils d'administration des quatorze C5S du Québec - ils sont tous représentés, il n'en manque aucun - sont ici présents pour écouter, partager et, même, témoigner de nos préoccupations. Le président de notre association, M. Thibault, vous en livrera le contenu.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci.

M. Thibault: Mme la Présidente, je vais vous résumer le mémoire que nous vous avons déposé, à partir de quatre chapitres.

Dans un premier temps, je présenterai sommairement ce qu'est un centre de services sociaux; dans un deuxième temps, je vous livrerai notre opinion sur le cadre du partage des responsabilités; dans un troisième temps, je vous présenterai notre contre-proposition et, en terminant, je soumettrai à l'attention des membres de cette commission une base de réflexion que nous avons développée à ce jour.

Un centre de services sociaux, c'est quoi? Les centres de services sociaux c'est, d'abord, 140 points de services dans toute la province de Québec et, si l'on compte la présence en milieu scolaire et en milieu institutionnel, on peut parler de 2 000 portes d'entrée dans le réseau des CSS avec une structure régionale pour en assurer la coordination. Les centres de services sociaux, c'est une équipe multidisciplinaire composée de travailleurs sociaux, psychologues, criminologues et autres, en connexion directe avec un ensemble de ressources dans la communauté. Ces gens, dans notre réseau, sont au nombre de 3 200. Ces gens donnent des services d'ordre individuel et clinique à des personnes très démunies, vulnérables et en besoin de protection, tout en assurant une coordination régionale des admissions en ressources institutionnelles, et en développant des ressources alternatives. Les centres de services sociaux, c'est 400 000 personnes qui reçoivent des services annuellement, de toutes catégories d'âges: de l'enfance, de la jeunesse, des jeunes adultes, des adultes, des personnes âgées, des personnes handicapées et des familles, dont la caractéristique dominante est leur état de défavorisation sociale; 70% de cette clientèle a une scolarité moyenne inférieure à la moyenne québécoise; 63% a un revenu en dessous du seuil de la pauvreté; les deux tiers des clientèles vivent d'une prestation de l'État et, enfin, les deux tiers de la clientèle font effectivement partie de la population inactive pour des raisons de retraite, de handicap physique, mental, d'invalidité et de garde d'enfants.

En un mot, les CSS, depuis dix ans, sont devenus le lieu unique et original pour développer les connaissances et les pratiques professionnelles, pour apporter une réponse toujours plus adéquate et mieux appropriée aux problèmes de plus en plus complexes et en évolution constante de notre société, tel que le souhaitait d'ailleurs le rapport Castonguay-Nepveu, et tel que l'a repris la Loi sur la protection de la jeunesse.

Notre opinion sur le cadre de référence: le cadre de référence poursuit des objectifs que nous partageons. Le cadre de référence poursuit, entre autres, l'objectif de compléter le réseau des CLSC. Pour nous, compléter le réseau des CLSC, ce n'est pas compléter des structures qui manquent, c'est, d'abord, compléter une gamme de services sociaux, particulièrement les services communautaires et préventifs. Vous me permettez, à ce moment-ci, pour avoir entendu le mémoire de la Fédération des CLSC cet après-midi, de vous dire que nous partageons, dans une large mesure, la vision que les CLSC se sont donnée, de ce que devrait être un réseau de services communautaires et préventifs et, dans ce sens, on se rend compte que l'on est très complémentaires dans notre pensée. J'y reviendrai dans ma conclusion.

Là où le problème se pose, c'est que le moyen qui nous est présenté pour réaliser cet objectif de compléter le réseau et, par là, la gamme de services, c'est qu'on propose un partage de responsabilités. Avant d'entrer dans le contenu du partage, j'attire simplement votre attention sur le fait que le document qui a été diffusé partout dans le réseau, à notre point de vue, inclut une partie d'analyse qui nous apparaît, d'une part, mal fondée et injuste à l'endroit des personnes qui ont oeuvré depuis dix ans à l'amélioration de ces services au Québec.

Afin de pouvoir resituer le tout dans un contexte d'évolution des dix dernières années, vous me permettez, Mme la Présidente, de vous déposer ce soir, au terme de notre présentation, un document intitulé "Vers un bilan". C'est un document qui rappelle un peu les réalisations des centres de services sociaux au cours des dernières années et qui

nous paraît être plus fidèle à l'évolution de ces services au cours des dernières années.

Je reviens donc au cadre de partage qui propose de départager les responsabilités des centres de services sociaux à partir d'un concept dont tout le monde a entendu parler aujourd'hui, le concept de milieu de vie. On veut partager entre plusieurs établissements des responsabilités qui sont présentement assumées par un seul.

Quelles en sont les conséquences? Deux conséquences sont possibles. Une première conséquence, c'est qu'on fait tout simplement une réforme de structure hautement préjudiciable aux bénéficiaires eux-mêmes. Les démonstrations ont été nombreuses pour montrer que le partage basé sur le concept de milieu de vie ne peut que provoquer une multiplication des intervenants, un ballottage de clientèle et une plus grande difficulté à atteindre les objectifs de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, soit les objectifs de continuité et de personnalisation. Ou, encore, on assistera à une deuxième conséquence, celle où les services d'ordre personnel, qui s'adressent à des personnes très vulnérables, disparaîtront pour pouvoir développer des services communautaires.

Pour nous, c'est un choix de société. Cela ne peut pas se faire, comme on dit, en dessous de la table. Si c'est le choix qu'on décide, je pense qu'il faudra, à ce moment-là, en envisager toutes les conséquences.

En terminant j'attire votre attention sur le fait que, quant à nous, la mise en application du cadre de référence déstabilisera le réseau des services sociaux au Québec pour les cinq prochaines années. Le jeu de la chaise musicale qui sera provoqué par l'application de nos conventions collectives aura pour effet, en fin de compte, de transférer 40 000 bénéficiaires des centres de services sociaux vers les CLSC et 110 000 bénéficiaires seront finalement affectés.

La conclusion: Tous ces chambardements pour faire une réforme, tout compte fait, de structure, à moins qu'elle ne cache des coupures de services pour un idéal de réseau auquel nous croyons tous, mais qui ne peut se réaliser au détriment des bénéficiaires que l'État a le devoir de protéger...

Notre contre-proposition: II faut rappeler, dans un premier temps, que la contre-proposition s'est faite dans un contexte très particulier où nous sentions une volonté très ferme de l'État de procéder à des transferts. Dans ce contexte, les centres de services sociaux ont articulé une contre-proposition par laquelle des transferts seront faits au bénéfice des CLSC pour leur permettre d'assumer la fonction de porte d'entrée dans le réseau des services sociaux et d'assumer aussi les cas légers. Les avantages de cette contre-proposition sont relatifs, en ce sens qu'ils constituent un moindre mal pour la clientèle quand on la compare à ce que propose le cadre de référence.

Quant à nous, il s'agit quand même d'une position de compromis puisqu'elle a des limites. Par cette contre-proposition, on fait du CLSC la porte d'entrée du réseau. C'est donc dire qu'on érige en système dans toute la province de Québec une porte d'entrée par laquelle les gens devront passer obligatoirement lorsqu'ils auront besoin des services des centres de services sociaux; donc, l'obligation de passer à deux endroits, de raconter deux fois leur problème et conter deux fois leur vie.

Quant à nous, dans l'effort que nous avons fait pour procéder à un certain départage, c'est peut-être le prix qu'il faudra payer pour pouvoir concilier, d'une part, la volonté de compléter le réseau des CLSC par des transferts de responsabilités et, d'autre part, la nécessité de sauvegarder le plus possible la qualité des services aux bénéficiaires. (20 h 30)

À titre de conclusion: Pour aller vers cet objectif de compléter le réseau des CLSC et, par là, de compléter la gamme des services sociaux, nous croyons qu'il faut reconsidérer le choix de procéder par le transfert des responsabilités tel que proposé. Nous croyons qu'il y aurait lieu d'envisager de réduire possiblement certains services, soit dans le domaine des services sociaux -quoiqu'on puisse y revenir tout à l'heure -ou dans d'autres secteurs, donc, une réallocation de ressources ou, encore, d'envisager de réaliser cet objectif au gré de nos moyens financiers en investissant de nouveaux montants d'argent.

Un problème de taille demeure. Pour réaliser cet objectif, il faut impérativement clarifier les rôles et les fonctions de chacun, non seulement pour éviter des chevauchements éventuels, mais surtout pour se donner les meilleures garanties d'un réseau efficace, complémentaire et harmonieux. La base de discussion que l'on vous soumet est la suivante: Dans le même esprit que la réforme Nepveu-Castonguay le proposait, à savoir de compléter la gamme des services sociaux au Québec, le constat qui a été fait à l'époque est celui-ci: II y avait beaucoup de services que la commission appelait, à ce moment-là, des services d'adaptation personnelle, qui renvoient aujourd'hui aux services que les centres de services sociaux donnaient.

À cet égard, la commission était très claire. Elle avait une recommandation ferme, en ce sens que ces services, qui étaient dispensés par 42 agences dans le Québec, soient regroupés sur une base régionale pour en améliorer l'efficacité, la complémentarité.

C'est ce qui a été réalisé.

Le volet des centres locaux de services communautaires. On fait souvent référence à la réforme. Soit dit en passant, la commission Nepveu-Castonguay n'a jamais parlé de CLSC; elle a parlé de centres de santé, de centres communautaires, faisant référence davantage à un lieu physique où des groupes pouvaient se retrouver, mais il reste que la notion de CLSC est apparue entre le rapport Nepveu-Castonguay et la loi sur les services de santé. C'est donc la loi qui a constitué les centres locaux de services communautaires.

Quant à nous, quand on projette ce que pourrait être le réseau des services sociaux au Québec, à ce moment-ci, on croit que les centres locaux de services communautaires devraient se centrer sur des services d'ordre préventif et des services communautaires, avec une très grande flexibilité, de manière à être imprégnés par leur milieu pour que les communautés auxquelles ces services sont destinés puissent influencer sur les choix des programmes qui seront mis de l'avant. En ce sens, on rejoint beaucoup la philosophie qui a sous-tendu l'apparition ou la mise en place des centres locaux de services communautaires. N'oublions pas que le CLSC, dans sa philosophie, c'est finalement un instrument que la communauté se donne pour se prendre en charge. Si on veut que, un jour, cela s'actualise, il faut que la communauté locale puisse avoir un pouvoir réel sur son CLSC.

Quand on parle, maintenant, du domaine des centres de services sociaux et qu'on regarde la configuration des clientèles et des besoins auxquels on répond, ce dont on se rend compte, c'est que, dans le fond, les services auxquels les CSS répondent, ce sont des besoins fondamentaux de protection et de sécurité pour toutes les clientèles. C'est une responsabilité, tout en reconnaissant que l'État providence ne peut pas tout faire, dont l'État providence ne peut se départir. Dans ce sens-là, les services présentement dispensés dans tout le Québec, dans 140 points de services, coordonnés sur une base régionale, offrent là une infrastructure qui permet de garantir une même qualité de services à tous les citoyens du Québec, avec les mêmes standards.

Un point d'interrogation va encore se soulever. On évacue de notre base de discussion des services d'ordre personnel des CLSC, des services aux individus. Ce qu'on dit à ce sujet: Si on ne peut rendre opérationnels les concepts de première ligne, ou de courants, ou de spécialisés, on vous suggère, pour établir une frontière, de tirer la ligne entre, d'une part, les services préventifs et communautaires et, d'autre part, les services d'ordre personnel et d'établir, pour en assurer la complémentarité, un lien qui pourrait s'appeler la fonction de recherche et de planification dans les centres de services sociaux, qui permettrait d'alimenter les communautés locales qui veulent intervenir dans le domaine de la prévention, au niveau des services communautaires.

En terminant, je voudrais, Mme la Présidente - je suis conscient que j'excède mon temps - simplement rappeler que, pour nous, il ne s'agit pas d'une bataille institutionnelle. Je pense que les propos qu'on a tenus depuis le début, cela a toujours été de faire valoir l'intérêt des clientèles. Je pense que le cadre de référence qui nous est proposé fait très peu de démonstration que l'intérêt des clientèles sera bien servi. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M. Thibault. Vous n'avez même pas pris vos 20 minutes; 18 minutes, plus exactement.

Je vous remercie de votre mémoire et de l'annexe qui y était attachée. Nous prendrons également connaissance avec intérêt de "Vers un bilan", préparé par les centres de services sociaux du Québec. Je ne veux pas m'étendre sur de longs commentaires et je voudrais passer directement aux questions, car le temps alloué à chacun est tellement court qu'il faut tenter d'en profiter le mieux possible.

Cet après-midi, on a beaucoup discuté de la possibilité du transfert de certaines clientèles ou de la prise en charge de clientèles par les CLSC. Plusieurs points d'interrogation se sont posés quant à la question de spécialisation ou de non-spécialisation qui commence, à la fin de la journée, à prendre un sens péjoratif, alors que je pense que cela correspond en fait à une réalité.

J'aimerais que vous me disiez, par exemple, si... On a entendu les CLSC nous dire: Écoutez, on a des cas d'inceste, de violence et d'abus physique et nous pourrons offrir à ces clientèles - je ne les cite pas exactement, parce que je le fais de mémoire, mais je pense que je résume leur pensée - la même qualité d'expertises et de services.

Dans le fond, la question que je me pose - peut-être ont-ils raison - c'est: Y a-t-il vraiment quelque chose qui nécessite une expertise si grande qu'elle ne puisse se donner qu'au niveau des CSS? Elle pourrait fort bien se donner au niveau des CLSC, peut-être? Je pense particulièrement à toutes ces catégories que je vous ai énumérées et je pourrais peut-être en ajouter d'autres: l'enfance abandonnée, des cas de comportements sérieux, des cas d'inceste, de prostitution, etc. Alors, c'est ma première question.

J'aimerais savoir si on va maintenir une qualité semblable de services et si les CLSC

pourraient rendre exactement, à un niveau local plus restreint, les services que vous rendez. Je vais peut-être vous mettre dans une mauvaise position, mais je voudrais que vous m'expliquiez quelles sont vos approches vis-à-vis de ces personnes.

M. Thibault: Non, pas du tout.

Je pense que les centres de services sociaux ont effectivement développé des expertises particulières à l'égard de ces problématiques qui font jour de plus en plus. J'inviterais peut-être Mme Thérèse Johnson à vous dire, à partir des cas concrets que vous avez soumis, comment les centres de services sociaux ont développé ces types d'expertises et en quoi les transferts sont susceptibles de constituer une perte de ces expertises.

Mme Johnson (Thérèse): Après une expérience de cinq ans de protection de la jeunesse maintenant, on découvre que les clientèles d'enfants abusés sexuellement ou physiquement nécessitent des habilités particulières. Par exemple, en inceste, on n'intervient pas uniquement pour protéger l'enfant, on intervient aussi, et de façon très différente, sur la mère, sur le père abuseur et sur l'enfant pour chercher quelle est la meilleure façon de le protéger.

À la suite d'expériences qui ont eu cours aux États-Unis, en Californie, avec Giaretto, expériences qui ont été transposées depuis deux ans à Toronto, on est en train de mettre au point, au Québec également, avec un groupe qui se concerte là-dessus, composé de policiers, de procureurs de la Couronne et d'intervenants sociaux, des méthodes qui nous amèneront à aider la jeune victime et, en même temps possiblement, à traiter l'abuseur. Cette approche nécessite cependant une spécialisation de tous les intervenants, aussi bien dans le domaine social que juridique, pour pouvoir vraiment constituer une équipe multidisciplinaire.

Je pense que ces habilités doivent être quand même concentrées, parce que la masse critique de ces enfants se situe un peu partout; il n'y en a pas plus dans un endroit que dans un autre, mais cela demande vraiment une expertise régionale.

En ce qui concerne la prostitution, comme vous le savez, la prostitution des mineurs est également une problématique très sérieuse qui prend beaucoup d'ampleur depuis les dernières années. Également là, on a cherché et on a essayé d'inventorier les moyens de traiter ces jeunes qui sont abusés par des adultes et qui, en même temps, trouvent dans la prostitution différentes façons de régler des problèmes familiaux ou autres. On trouve également que ces jeunes font de plus en plus partie de réseaux organisés qu'il est très difficile de démanteler et qui couvrent des régions entières qui ne sont pas nécessairement localisées dans des quartiers. On est en train d'essayer de développer, en concertation avec les policiers, les organismes communautaires qui se sont intéressés à la problématique et qui travaillent de façon intensive avec les intervenants sociaux, différentes façons d'aborder la prostitution pour essayer de sortir les jeunes de ces problèmes et en même temps enrayer les réseaux.

En ce qui concerne les enfants abandonnés, cette année, on a effectué, ou on est en voie de le faire, environ 2000 adoptions grâce à la nouvelle loi adoptée il y a environ un an. Ces adoptions ont été rendues possibles par les déclarations judiciaires d'"adoptabilité", mais exigent, évidemment, une évaluation très sérieuse de la situation quant à un retour possible de l'enfant chez ses parents ou quant à la possibilité d'abandon définitif ou quant à l'évaluation des capacités parentales. Je pense que cela requiert aussi des habiletés très précises. Il ne faut pas non plus minimiser l'importance de ne pas trop multiplier le nombre d'intervenants dans ces situations si on veut vraiment en arriver à une évaluation précise et rigoureuse. Cela exige des critères que certains peuvent développer et cela demande également des expertises qui n'ont pas à être multipliées partout.

En ce qui concerne la négligence, c'est une problématique qui est très courante dans nos CSS. C'est une problématique qui couvre ce qu'on appelait probablement antérieurement les familles à problèmes multiples. Dans ces familles, il existe de la négligence et, quelquefois, très proches, des abus physiques ou de la délinquance. Les façons d'intervenir dans ces familles sont complexes. Ce n'est pas seulement l'intervention individuelle qui est requise à ce moment-là. Il devrait y avoir une gamme de supports offerts par différents organismes communautaires ou par différents CLSC. Malheureusement, jusqu'à maintenant ces moyens de concertation qui pourraient vraiment conduire à une façon d'aider les familles n'existent pas. Il n'y a pas tellement de développement dans les cours de prévention ou d'éducation pour les jeunes mères qui élèvent des enfants. Il n'y a pas tellement de groupes non plus dans les quartiers pour aider des femmes en situation monoparentale. Cela exige aussi, en termes d'intervention individuelle, une concentration d'efforts quand existent des problématiques très différentes au sein de la même famille.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que cette expertise que vous avez développée serait possible à développer à l'intérieur des CLSC? J'ai cru comprendre que, dans des cas d'inceste... On espère,

Dieu merci, qu'il n'y a pas, comme vous dites, tellement de cas dans une communauté locale pour qu'on puisse le faire. Mais, parmi ces problématiques, y en a-t-il qui pourraient être développées au sein d'un CLSC?

Mme Johnson: On parlait de prostitution tantôt. Je pense que la prostitution est un phénomène vraiment global. Cela peut couvrir différents endroits dans une même ville ou dans une même région. Je pense qu'il est illusoire de développer des habilités pour chaque problématique dans des CLSC, compte tenu du peu de masse critique qu'ils auraient dans un quartier. Ces intervenants qui travaillent dans ces problématiques ont besoin d'être regroupés. Ils ont besoin d'encadrement. Ils ont aussi besoin de beaucoup de support, parce que c'est très lourd comme situation. Ils ont aussi besoin d'avoir des échanges et une formation qui se donne en même temps qu'ils traitent le cas si on veut vraiment développer l'habileté et si on ne veut pas diluer l'expertise. Si on les dissémine un peu partout, il y a risque de diluer cette expertise.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une dernière question, parce qu'il me reste seulement quelques minutes. On a beaucoup parlé - je pense qu'on en a parlé un peu ce matin avec les CRSSS et avec les CLSC... On a eu des opinions diverses. Je pense que du côté des CRSSS il y avait peut-être selon les régions certaines adaptations auxquelles on aurait dû songer. Les CLSC semblaient dire qu'il n'y avait aucune espèce de problème. Quelles sont les exigences de la pratique sociale dans le domaine scolaire? Je pose cette question d'une façon plus précise à votre groupe parce qu'on a eu un mémoire qui nous a été remis pour dépôt et qui, justement, touchait ce problème-là. J'aimerais avoir votre opinion - nous l'avons eue des deux autres groupes - sur ce point particulier. (20 h 45)

Mme Johnson: Ce que l'on reçoit dans l'écho des différentes écoles où nous sommes présents, c'est que, premièrement, surtout dans les milieux défavorisés, les problèmes de comportement dans les écoles vont en augmentant. Les professeurs ont beaucoup de difficulté à passer l'enseignement quand ils ont en même temps à traiter les problèmes des enfants. Je pense que la pratique en milieu scolaire exige des conditions pour vraiment viser un objectif de succès avec les enfants dans ces milieux.

Premièrement, il faut être capable de composer avec le milieu enseignant, de s'adapter à leurs exigences qui sont très réelles. Il faut aussi être capable de communiquer avec les parents, de fixer avec eux des programmes d'intervention au niveau des enfants et d'être présents lorsqu'il y a des situations de crise dans l'école qui nécessitent une intervention immédiate.

Si les intervenants ne sont pas présents, s'ils sont diffusés un peu partout, il y a risque, au moment où nous avons besoin d'eux, qu'ils n'y soient pas. D'autre part, c'est un contexte de pratique qui est très spécial. Quand je dis qu'il faut s'adapter à la structure de l'école, en connaître les règlements, être capable de composer avec les professeurs, de discuter avec eux, cela ne se développe pas du jour au lendemain. Il y a du "reaching out" qui doit être fait auprès de la clientèle, de la médiation entre professeurs et parents et il y a un travail multidisciplinaire qui est extrêmement important à développer dans l'école avec tous les professionnels concernés. Il y a aussi un encadrement spécial que ces intervenants doivent recevoir. Ils doivent arriver à développer et leur formation et leur expertise pour répondre aux différentes situations qui surgissent.

Je pense que pour les écoles, en tout cas, c'est un besoin d'avoir ces professionnels près d'eux.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Les CLSC nous disaient, cet après-midi, que finalement, s'il y a le rapatriement de travailleurs sociaux dans leur milieu, c'est qu'ils espèrent, non pas avoir un transfert de cas avec un transfert d'effectif, mais développer une pratique nouvelle, qui soit davantage axée sur le communautaire et l'implication du milieu. Est-ce que le type de cas que vous avez là pourrait répondre, selon vous, positivement et réaliser les mêmes progrès - c'est peut-être une question un peu injuste que je vous pose là - avec une approche qui soit strictement à partir des ressources du milieu? J'imagine que, dans certains cas, certainement, mais, dans d'autres cas, je ne le sais pas. C'est cela que je vous demande.

Mme Johnson: Je pense qu'il y a peut être des cas qui répondraient à un tel type d'approche mais, dans les cas que je vous ai décrits tantôt, il y a nécessité de l'intervention individualisée telle qu'elle se fait actuellement. Il ne faut pas s'illusionner, les gens qui sont actuellement pris en charge, ils sont suivis ou encore auront besoin d'être suivis. Il va falloir s'en occuper en même temps que nous recevons les transferts. À ce moment, je ne sais pas comment, mais il y a aussi une chose qu'il faut noter, c'est que nous avons développé au cours des années des critères communs, une philosophie commune au niveau de toute la protection de l'enfance et au niveau de la délinquance; ceci est très important.

Il ne faut diffuser d'un endroit à l'autre la philosophie d'intervention au niveau de la protection qui exige quand même une

pratique en contexte d'autorité. Il faut aussi avoir - et c'est ce que nous avons réussi à faire en cinq ans - des critères communs d'évaluation en termes, par exemple, d'adopter des mesures volontaires ou de saisir le tribunal pour un cas. Nous ne pouvons pas laisser cela au gré et au vent de chaque point de service.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vais être obligée...

Mme Johnson: Je vous remercie. J'ai triché de quelques minutes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, Mme la Présidente. Moi, j'essaie de résumer rapidement votre position. Au départ, vous seriez d'accord avec la demande de la Fédération des CLSC, que les CLSC soient la porte d'entrée. Les CLSC seraient responsables des services de prévention et des services communautaires et les CSS, des services personnels. Globalement, ce serait cela?

M. Thibault: Oui, c'est-à-dire, ce sur quoi nous sommes d'accord avec la Fédération des CLSC du Québec, c'est la vision qu'ils se donnent des services communautaires et préventifs. Là où il y a une difficulté, tant au niveau de l'esprit qu'au niveau de la pratique, c'est quand vient le temps de départager les services dits courants des services dits spécialisés ou de deuxième ligne. C'est là que se présente la grande difficulté. Quand on dit qu'on est d'accord avec le cadre de référence dans ses objectifs de compléter le réseau, c'est qu'on pense que ce qui manque au Québec - c'est ce que la commission Nepveu-Castonguay avait déploré - c'est une gamme complémentaire de services qui s'appellent des services communautaires et préventifs. C'était dans la perspective à l'époque des services à développer.

Or, on sait que la situation économique qu'on a connue fait en sorte qu'on envisage d'autres moyens parce qu'on n'a peut-être plus les moyens de se payer cela. C'est là où on diverge aussi avec la position des CLSC, tout en étant d'accord avec leur philosophie de services, avec la vision du réseau qu'ils ont. On dit que le moyen qu'on se donne de leur confier des responsabilités déjà assumées à l'égard de certaines clientèles est un leurre. C'est un leurre parce qu'il n'est pas vrai qu'ils assumeront ces responsabilités en môme temps qu'à partir de ces effectifs ils vont développer des services communautaires et préventifs. S'ils le font, c'est parce qu'ils auront délaissé ces clientèles et qu'ils ne donneront plus les services.

Dans ce sens-là, si la table de partage était appliquée rigoureusement, c'est-à-dire que s'ils font ce que nous faisons déjà - on parle de toutes les pertes d'expertise possible à cause de la dilution des effectifs - nous n'aurons fait qu'une réforme structurelle parce qu'au lieu d'être un à donner le service on sera maintenant trois ou dix par région. Dans ce sens-là, la proposition de partage sur la table ne rejoint pas l'objectif de compléter la gamme des services sociaux. Est-ce que j'ai bien répondu à votre question?

M. Paré: Oui. Si on accepte ce partage au niveau de la première et de la deuxième ligne, que pensez-vous d'un cheminement de dossiers où la situation ferait en sorte que les deux doivent finalement intervenir? Que pensez-vous de la proposition du CRSSS selon laquelle il y aurait une continuité, une unicité au niveau du cheminement d'une situation bien précise? Êtes-vous d'accord avec une telle proposition du CRSSS?

M. Thibault: Ce que je vais vous dire là-dessus ne peut pas refléter la pensée des centres de services sociaux. C'est une proposition qui vient d'être déposée; c'est une nouvelle proposition. Personnellement, pour en avoir parlé avec quelques collègues, il est bien évident que les principes... D'abord, le fait de ne pas départager sur la base du milieu de vie est certainement mieux, c'est-à-dire qu'il faut rejeter jusqu'à un certain point ce concept-là qui va présenter des inconvénients majeurs pour les bénéficiaires. Je pense que c'est une amélioration dans leur mémoire.

Le fait qu'ils mettent de l'avant certains principes de continuité et d'unité d'action auprès du bénéficiaire, nous y souscrivons. Dans ce sens-là, les principes nous paraissent intéressants. Encore là, malgré qu'on s'inspire de ces principes, on arrive avec une proposition qui nous apparaît une amélioration du partage qui était proposé dans le cadre de référence mais qui va encore créer des problèmes majeurs et qui, jusqu'à un certain point - on pourra le vérifier - va à l'encontre de l'esprit de la réforme Nepveu-Castonguay. C'est une proposition qui, tout compte fait, ne fera qu'une réforme de structures.

M. Paré: Je comprends ce que vous voulez dire. Sur le principe, il est sûr que personne ne voudrait qu'il y ait de rupture. On le retrouve textuellement - j'ai lu quelque chose qui me semble important - il est dit: "L'un des grands principes sur lesquels s'appuie le service social est l'utilisation de la relation du praticien avec le bénéficiaire et le maintien de cette relation dans la poursuite des objectifs de l'intervention. La rupture dans la prise en

charge au moment du placement et le transfert à un autre intervenant constituent une brèche à ce principe." Face à ce principe qui est reconnu spécifiquement dans votre mémoire, que pensez-vous de la proposition qui a été faite par le CRSSS selon laquelle le suivi des personnes placées en famille d'accueil soit fait le praticien du CLSC?

M. Thibault: Bien concrètement, c'est sûr qu'en départageant sur cette base-là on assure auprès du bénéficiaire une meilleure continuité. Je pense que c'est beaucoup mieux que d'exiger un transfert, tel que le voulait le cadre de référence.

Par contre, on va payer un prix pour structurer les services de cette façon. Un des premiers prix qu'on va payer, c'est probablement - et, dans la proposition des CRSS, c'est inclus, vous le remarquerez -que la ressource "famille d'accueil" doit continuer à être accréditée, évaluée par le centre de services sociaux. Pour la famille d'accueil, le centre de services sociaux sera responsable de sa formation, etc. Il y a, à l'égard de la famille d'accueil, une duplication à ce moment-là. Pour le bénéficiaire, peut-être que... Là-dessus, notre analyse est, je dirais, beaucoup trop sommaire; on a pris connaissance - jusqu'à un certain point - très récemment, de cette contre-proposition. On n'en a pas fait une étude approfondie, mais je peux vous dire qu'à première vue je pense qu'elle va à l'encontre de la réforme Castonguay-Nepveu. Ça donne quoi finalement? C'est un autre établissement qui va donner le même service. Ça veut dire quoi, en fin de compte? Un changement de structures là aussi? Effectivement, ce matin, on a posé la question: Est-ce que cela ne va pas, jusqu'à un certain point, à l'encontre de la Loi sur les services de santé et les services sociaux? Je pense que cela devra être examiné par un conseiller juridique. Personnellement, je suis porté à croire que la loi est assez explicite. Le placement est une responsabilité du centre de services sociaux. Cette responsabilité dévolue dans la loi, à mon point de vue, devrait emporter l'obligation de faire les évaluations de placements et les suivis.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. Corneau ayant expliqué, dans son intervention, qui ils avaient consulté, les CSS, cela m'évite une question. Je procéderai donc immédiatement à la deuxième question.

Je remarque que le directeur général du CSS de l'Estrie, M. Duplantie, est à la table.

Après avoir pris connaissance du cadre de référence, M. Duplantie, sur le plan de l'application pratique, du partage des responsabilités qui découle du cadre de référence, suivant votre expérience, est-ce que l'application de ce cadre de référence peut poser, pour les usagers - là, je ne parle pas des structures - des problèmes d'application?

M. Duplantie (Jean-Pierre): Je pense qu'en ce qui concerne les usagers on a voulu expliciter les problèmes qu'ils vont rencontrer. D'abord, on a souligné fortement, dans notre réaction au cadre de référence, le problème du milieu de vie. On est aussi revenu là-dessus aujourd'hui pour dire que, de fait, le bénéficiaire et la famille connaîtront donc deux praticiens, deux catégories d'intervenants, dans la même situation.

Il faut dire que, depuis les années soixante-dix, dans ce domaine très particulier, la pratique sociale a beaucoup évolué. On se rappellera qu'à ce moment-là, au début des années soixante-dix, il y avait, la plupart du temps, deux praticiens dans les cas: un qui suivait l'enfant, l'autre qui suivait la famille. Il faudrait aussi se rappeler qu'on avait, au Québec - si je ne me trompe pas - quelques 40 000 placements d'enfants. Nous étions champions au Canada dans le domaine du placement des enfants.

Dans cette perspective, il y a eu vers 1978, une opération qui a été menée, qui était l'opération 30 000. On en était tellement préoccupés. Dans l'évolution de la pratique sociale, on en est arrivé à chercher les causes de ces nombreux placements d'enfants. Une des choses qui étaient faciles jusqu'à un certain point, c'était, pour le praticien qui ne venait pas à bout d'une situation familiale, de prévoir un placement des enfants qui avaient besoin d'être protégés ou encore qui avaient besoin d'une aide particulière dans un autre milieu. C'est ce qui nous amenait à ces types de placements.

Avec l'évolution de la pratique, nous en sommes arrivés à garder la famille impliquée en ayant un seul travailleur social. Cela voulait dire, de fait, que, non seulement on impliquait l'enfant et la famille dans le choix d'un placement, mais qu'on gardait aussi la famille impliquée tout au long. Au début des années soixante-dix, on ne se permettait pas qu'une famille, même, aille visiter dans une famille d'accueil. Aujourd'hui, c'est chose courante. On encourage les enfants à retourner chez eux sur semaine si c'est possible, ou en fin de semaine. On fait tout ce qui est possible pour réintégrer le plus rapidement possible les enfants dans leur famille. On pense que la meilleure façon c'est d'avoir un seul praticien qui voit à la fois l'évolution de la famille et l'évolution de l'enfant. L'enfant n'est pas placé parce qu'il est puni ou parce

qu'il y a des situations très particulières où il doit porter le blâme de la situation. C'est le contexte dans lequel on a favorisé qu'il y ait un seul travailleur social. (21 heures)

On s'est permis, aujourd'hui, de citer ce qui se passe dans d'autres pays. Il faut bien dire qu'en 1980 le rapport Bianco-Lamy, en France, sur l'aide sociale aux enfants, disait: Autant que faire se peut, il faut avoir un seul travailleur par famille. Si on va voir un peu l'évolution des pratiques sociales autour de nous, au Canada, on s'aperçoit que de fait, ce qu'on favorise c'est un seul travailleur social par famille au niveau de l'aide à l'enfance. C'est une des implications; la duplication qu'on vient créer est un retour en arrière dans ce domaine particulier.

Évidemment, on pose aussi le même problème - on en a déjà parlé - le fait qu'il y a un bris dans la continuité des services à tous les bénéficiaires. On a mentionné tantôt le nombre de bénéficiaires qui allaient être transférés en quelque sorte, et certainement pas avec leur praticien. Il ne faut pas s'imaginer que, parce qu'on a l'idée de dire qu'on va transférer 800 praticiens, c'est exactement leur charge de cas qui s'en va avec eux. C'est un peu plus compliqué que cela de la façon qu'on fonctionne. On a fait un départage par centre d'activité, alors qu'au plan syndical nos gens sont regroupés par unité de travail. Cela signifie, automatiquement, qu'il y aura des choses à régler au plan syndical. Il y a aussi des clientèles qui, alors que le praticien allait dans tel CLSC, se situent dans d'autres CLSC, en termes territoriaux. C'est là certains des problèmes au niveau de l'impact à la clientèle.

M. Paradis: Maintenant, si on parle de la proportion, sur le plan pratique, de cas dont vous avez à vous occuper dans votre CSS. Quelle serait la proportion que vous détermineriez de cas lourds par rapport aux cas légers?

M. Duplantie: Chez nous, dans le contexte du compromis, ce qu'on a proposé en quelque sorte, cela signifie environ 15% de la clientèle qui serait transférée vers les CLSC. Si on applique le cadre de référence, on parle de quelque chose comme 40% de nos clientèles qui seraient transférés vers les CLSC. Maintenant, il faut dire qu'on n'a pas des CLSC partout dans la région. Il y a donc une possibilité de commencer certains transferts, actuellement, là où il y a des CLSC. Il faudra attendre en regard des autres CLSC. Donc, il y aura une période d'instabilité en attendant la mise en place de tous les CLSC.

M. Paradis: Pour la région...

Mme Denis (Lise): Juste pour compléter; quand on regarde au total ce que cela représente au niveau des transferts, au niveau du cadre de référence tel que déposé en décembre, l'évaluation sommaire donne 40 000 cas. Lorsqu'on parle de la contre-proposition qui est sur la table de la part de l'association, on parle d'environ 20 000 cas.

M. Paradis: Dans la région, chez vous, de l'Estrie, si vous aviez à appliquer le cadre de référence tel que proposé présentement, qu'est-ce que cela voudrait dire en termes de personnel, personnel dont vous êtes le directeur général, qui s'en irait dans les CLSC? Quelle est la capacité, présentement, de prises en charge par les CLSC de la région de l'Estrie de ces travailleurs sociaux?

M. Duplantie: Nous avons présentement environ 180 personnes qui travaillent au CSS, donc cela signifie un transfert de 50 à 60 personnes vers les CLSC. Il existe quatre CLSC bien implantés, deux, dont celui de Mégantic, qui sont sur le point d'avoir leur charte et deux autres qui devraient venir dans les prochaines années. Ce que cela signifie, évidemment, c'est qu'une partie des effectifs pourrait être transférée; d'autres devraient attendre que les CLSC soient implantés. Cela signifie une période d'instabilité à l'intérieur même de l'établissement CSS quant à nos structures et quant à notre organisation. C'est pour cela, d'ailleurs, que dans l'ensemble des CSS on se dit, quant à nous, qu'il s'agit de deux, trois ou quatre ans d'instabilité pour les structures mêmes des établissements, donc avec des impacts sur les clientèles et le personnel.

M. Paradis: Dernière question, Mme la Présidente. Quant à vos travailleurs sociaux comme tels, si vous les déplacez, pour ceux et celles qui auront à être déplacés vers les CLSC, est-ce que vous êtes en mesure, avec le bassin de ressources humaines dont vous disposez présentement, d'assurer, sur le plan local, au niveau du CLSC, les services que vous rendez présentement au niveau de la région?

M. Duplantie: Un exemple très simple pour être très concret. Dans le domaine des services aux personnes âgées, qui semble le domaine le plus facilement transférable actuellement, nous avons six travailleurs sociaux offrant des services sur une base externe. Il y a huit CLSC de prévus. Donc, vous pouvez tous facilement comprendre la difficulté de diviser six en huit et d'assurer des services bien rationnels et avec une équipe d'experts.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M. Duplantie. M. le ministre.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier l'Association des centres de services sociaux du Québec pour leur mémoire, que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt. J'avais lu d'ailleurs, auparavant, les autres mémoires que vous nous avez fait parvenir, ainsi que les nombreuses lettres aux journaux que l'un ou l'autre des travailleurs sociaux...

Une voix: II y en avait de bonnes, M. le ministre.

M. Laurin: Oui, il y en avait d'excellentes. Je les ai toutes lues avec beaucoup d'intérêt. Je ne doute pas que toutes ces réflexions non seulement contribueront à enrichir la nôtre, mais à éclairer notre prise de décision.

Je voudrais revenir, en ce qui concerne les questions, à la première question que posait mon collègue de Shefford, pour la pousser un peu plus loin. D'un côté, vous voudriez que les CLSC mettent l'accent, en tant que responsabilités, sur les services préventifs et communautaires. Et on ne sait pas si vous préconisez que les CLSC s'occupent de cas. De toute façon, s'ils doivent s'occuper de cas, cela devrait être de cas courants, légers, qui ne nécessitent pas une très grande expertise.

Je voudrais vous demander comment vous conciliez cette assertion ou cette demande que vous faites avec cette autre position qui apparaît dans votre proposition de compromis, en ce sens que le CLSC devrait quand même devenir la porte d'entrée de tout le système. On sait que, si le CLSC devient la porte d'entrée du système, ceux qui s'y présenteront ne seront pas simplement des cas qui nécessiteront une action communautaire ou de la prévention, mais, comme on l'a vu cet après-midi, d'après le sondage qui nous était révélé, les cas qui se présentent aux CLSC sont souvent des cas lourds. Alors, si tel est la réalité, comment conciliez-vous d'abord ces deux assertions ou affirmations? Deuxièmement, que vous attendez-vous de la part des CLSC avec ces cas lourds qui vont s'adresser à eux, puisque, selon ce que vous préconisez vous-même, ils devraient devenir l'unique porte d'entrée du système?

M. Thibault: Cela paraît contradictoire, effectivement, à première vue. Mais il faut quand même situer notre réflexion dans le temps. On l'a bien présentée, notre contre-proposition, comme étant un compromis. Nous avons examiné l'ensemble des services que les centres de services sociaux dispensent. Et, à l'examen, on s'est inscrit vraiment dans un processus de dire: Est-ce qu'il y a des responsabilités que l'on peut confier à d'autres établissements, ce qui serait de nature à les améliorer en les transférant, par exemple, et en sauvegardant les principes de la pratique professionnelle, de l'ordre, de la continuité, de l'unité d'intervention et d'action? Finalement, on est arrivé à la conclusion, l'ensemble des centres de services sociaux, que, de façon générale -parce qu'il y aura toujours après cela des particularités régionales, socioculturelles, il ne faut surtout pas oublier cela - s'il faut vraiment transférer, c'est la partie de services qui peut être transférée qui va être moins préjudiciable que si on en transfère d'autres. C'est dans ce sens que c'est un compromis.

Ce que l'on dépose dans un deuxième temps en disant comment le réseau devrait être constitué, ce qu'on dit, fondamentalement, c'est que, si l'on n'est pas capable de traduire en termes concrets, opérationnels et clairs pour les bénéficiaires comment se fait le partage entre un type d'établissement et un autre pour des services d'ordre personnel, ce que l'on suggère, à ce moment-là, c'est tirer des lignes différentes. Les services d'ordre plus individuel seront acheminés vers les centres de services sociaux et les services d'ordre communautaire et préventif seront du côté des centres locaux de services communautaires, à moins qu'on parvienne à se donner des critères ou des normes qui font qu'on est capable de distinguer entre ce qu'on peut appeler un cas de première ligne et un cas de deuxième ligne, un cas léger et un cas lourd.

Là-dessus, j'ai été très surpris cet après-midi d'apprendre que les centres locaux de services communautaires avaient des clientèles de la même catégorie que les centres de services sociaux, des clientèles lourdes. Vraiment, avec l'expérience vécue sur le terrain, je pourrais vous citer une multitude d'exemples pour démontrer le contraire. Mais là-dessus, ce matin, on a parlé d'une recherche faite au conseil régional de l'île de Montréal qui arrive exactement à la conclusion contraire. Je vais demander à Mme Lise Denis de vous en lire un extrait.

Mme Denis: Je voudrais simplement attirer l'attention des membres de la commission sur ce qui est dit dans cette étude en termes de commentaires sur les services rendus dans les établissements. On dit: "En ce qui concerne le secteur enfance -famille, 0-18 ans, les duplications interétablissements sont certainement peu nombreuses. En effet, ce secteur constitue un investissement majeur en termes de services et d'effectifs pour les CSS. Dans les CLSC, les enfants de zéro à cinq ans sont surtout rejoints par les services de santé et les six à douze ans sont peu desservis. Les jeunes de 12 à 18 ans bénéficient de plus de services, mais la clientèle rejointe est généralement différente de celle des CSS.

Elle est moins détériorée et les services offerts le reflètent. La clientèle qui peut se retrouver à la fois dans les CSS et dans certains CLSC qui disposent de plus d'effectifs est la clientèle des jeunes ayant des problèmes relationnels avec leurs parents ou dans leurs différents milieux de vie." Je peux poursuivre...

Une voix: Non.

Mme Denis: Je pense que cela donne l'esprit général. On reprend un peu avec la clientèle adulte, la clientèle du troisième âge et un certain nombre de recommandations ensuite.

M. Thibault: Si vous le permettez, Mme la Présidente, je sais que ce matin vous aviez demandé s'il y avait possibilité d'avoir cette recherche. Nous en avons une copie. Si vous nous en donnez la permission, on peut la déposer.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avec plaisir.

M. Thibault: C'est une recherche...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, distribuons cela aux membres. Je ne sais pas si M. Bélanger est encore ici, mais, comme je lui avais parlé en privé après la réunion de ce matin, il m'avait dit qu'il m'en ferait parvenir une copie; alors, je pense que, si elle nous arrive plus vite, il ne m'en voudra pas d'accepter la vôtre et qu'elle soit distribuée aux membres.

M. Thibault: D'accord. Simplement, à titre de complément à cette réponse, dernièrement le CSS juif de l'île de Montréal, dans une discussion qu'il avait avec le CLSC de son territoire, semblait dire qu'il y avait effectivement un dédoublement de services. Le CSS juif, dans un protocole qui liait aussi à la confidentialité, a demandé au CLSC de pouvoir examiner la liste des bénéficiaires. Cet examen, où la liste des bénéficiaires du CLSC et celle du CSS ont été comparées, a donné en substance le résultat suivant: Sur environ 400 cas étudiés, c'est-à-dire à partir de la liste du CLSC où il y avait 400 bénéficiaires, le résultat net est que 22 bénéficiaires reçoivent des services des deux établissements...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse.

M. Thibault: ...22 bénéficiaires, ce qui correspond à environ 5% et qui concorde avec le taux dont parle la recherche du conseil de l'île de Montréal. À l'examen, ils requièrent des services de nature différente de l'un et de l'autre.

M. Laurin: Dois-je comprendre, M. Thibault, de votre réponse que, une fois admis à la porte d'entrée, tous les cas qui demandent une prise en charge individuelle, qu'elle soit légère ou lourde, devraient être acheminés par le CLSC vers le CSS?

M. Thibault: Votre question fait référence à notre compromis ou à la réflexion qu'on vous a soumise comme base de discussion.

M. Laurin: Mais pourriez-vous répondre à cette question que je vous pose? (21 h 15)

M. Thibault: Oui, je vais vous donner deux réponses, selon que je me situe sur une base ou sur l'autre. Dans le sens de notre position de compromis, cela dit concrètement que les gens qui ont des besoins d'ordre psychosocial, des besoins d'aide, s'adressent à leur CLSC. Le CLSC examine la demande d'aide. Si ce cas requiert une orientation vers une ressource appropriée dans le milieu ou qui nécessite une intervention de type consultation, une entrevue ou deux, et que la personne est relativement autonome, qu'elle a besoin de conseils pour régler son problème, on pourrait considérer ce cas comme étant léger, et le CLSC le règle. Si dans la situation qui se présente à ce moment-là, après évaluation, on constate qu'il y a un degré de détérioration du tissu familial, qu'il y a une perte d'autonomie importante, que les parents ne sont plus capables de jouer leur rôle parental à l'endroit des enfants, que les enfants sont négligés ou même maltraités, on se trouve devant une problématique plus complexe pour laquelle les centres de services sociaux ont développé des expertises. On dit que ce type de cas devrait être référé aux centres de services sociaux, mais non sur la base du cadre de référence, c'est-à-dire qu'on transfère l'enfant pour le placer et que le CLSC continue à assurer les services à la famille. On transfère tout le cas. C'est sûr que ce n'est pas l'idéal pour ce client d'être obligé de passer par deux portes. C'est dans ce sens qu'on dit que c'est vraiment un pis-aller, un moindre mal.

Pour ce qui est de la base de discussion, ce qu'on dit là-dessus, c'est qu'on est disposé à considérer la possibilité que les CLSC s'impliquent dans les services d'ordre personnel, sauf qu'on se demande à quel endroit on peut démarquer les clientèles. Quand on dit que cela fait dix ans qu'on en parle, c'est seulement de cet élément qu'on parle. Tout le volet des programmes communautaires et préventifs n'a jamais suscité d'opposition entre les catégories d'établissements. Dans le concret, cela se démarque assez bien avec les types de services que les centres de services sociaux donnent. C'est seulement quand on touche

aux services individuels, où là on fait référence à un degré de détérioration plus ou moins grand, et il faut tirer la ligne quelque part entre ces deux-là. Soit dit en passant, l'avantage en faisant du CLSC...

Quant aux services communautaires, à la mobilisation des ressources, on a 140 points de service qui jouent cette fonction présentement. Dans les cas qui présentent un degré de détérioration peu élevé, qui peuvent s'en sortir avec un conseil ou avec une référence à un organisme du milieu, le travail se fait présentement à l'intérieur des points de service des centres de services sociaux. On dit que, s'il faut transférer, peut-être que cette fonction pourrait être transférée dans les CLSC - s'il faut transférer.

M. Laurin: Vous venez de parler de cas qui se détériorent. Dans votre esprit, il est évident que ces cas devraient être référés aux CSS. Mais, si je me base là-dessus pour aborder maintenant le problème des services sociaux aux écoles, je pense bien qu'on ne peut pas dire que les cas qui se présentent dans les écoles sont des cas majoritairement lourds, à moins que nos écoles ne soient pleines de malades. Je pense donc que les cas que les assistants ou les assistantes sociaux doivent traiter dans les écoles ne sont pas majoritairement lourds. Ne serait-il pas logique, sur la base de votre propre distinction, qu'ils soient plutôt pris en charge par un organisme plus léger comme celui des CLSC?

M. Thibault: Je pense que vous avez tout à fait raison. On ne peut pas dire que les clientèles du réseau scolaire présentent un degré élevé de détérioration, ou du moins elles ne sont pas prises en charge nécessairement par le praticien en milieu scolaire lorsqu'il y a un degré de détérioration très grand. Très souvent, ce sont des cas qui vont être dépistés, orientés, soit à la Direction de la protection de la jeunesse pour faire l'objet d'un signalement, soit à une filiale des centres de services sociaux pour être pris en charge, eux et leur famille. On ne peut pas apparenter les clientèles en milieu scolaire à une clientèle aussi lourde que celle qu'on rencontre dans le domaine de la protection ou dans d'autres domaines.

Par contre, il y a quand même dans le milieu scolaire une expertise qui s'est développée avec le temps. Mme Johnson en a parlé tout à l'heure. Il faut considérer le développement de cette expertise dans le temps. Il faut aussi reconnaître que le rôle qui avait été destiné aux services sociaux scolaires, au départ, était davantage une orientation de type préventif et communautaire. C'était, au départ, une fonction de suppléance, si on peut dire, jusqu'à un certain point, que les CSS assumaient. Je pense qu'il était à l'origine dans les vues du ministère d'orienter éventuellement ces services vers les CLSC, sauf qu'il s'est passé le phénomème suivant au cours des dix dernières années. Les programmes de type communautaire, préventif, d'information préventive en matière de sexualité, de drogue, etc., ce n'est pas ce que le milieu attendait du travailleur social. Quand on rencontre les directeurs d'école, ce à quoi ils s'attendent, c'est qu'à l'égard de cas individuels ce soient les travailleurs sociaux qui s'occupent de ce genre de problèmes. Je dirais que, sous la pression du milieu lui-même, qui voulait avoir ce type de services, les services sociaux scolaires ont pris une orientation de plus en plus d'ordre personnel et de prise en charge, dans certains cas de dépistage.

Pour des cas qui ne sont pas aussi lourds que ceux dont je parlais tout à l'heure.

M. Laurin: D'une façon plus générale, je déduis de toutes vos réponses que vous ne vous opposeriez pas à ce que les CLSC prennent en charge des cas de services sociaux personnels qui découlent d'une approche générale, courante et qui ne nécessiteraient pas une expertise particulière, que ce soit pour les familles, pour les adultes, ou les personnes âgées.

Si je prends votre affirmation comme base, elle provoque en moi un certain nombre de questions. Par exemple, celle-ci: Comment allez-vous faire pour partager entre des services qui nécessiteront une expertise particulière et ceux qui nécessiteront une approche générale?

M. Thibault: Dans le domaine scolaire?

M. Laurin: Non, en général pour les familles, les adultes, les personnes âgées; quel critère allez-vous utiliser pour cela?

M. Thibault: Pour nous, c'est là l'élément de jonction et de complémentarité du réseau. Au départ, il y a un premier écueil à éviter. Il ne faut pas essayer de se donner une définition d'ordre théorique que tout le monde essaiera d'appliquer. Pour nous, la démarcation entre la prise en charge d'un bénéficiaire que l'on peut qualifier de léger par le CLSC et un cas lourd qui serait transféré au centre de services sociaux, c'est à la lumière des ententes qui devront être conclues. Il devra y avoir des ententes entre chaque CLSC et chaque CSS et les critères pourraient varier d'un endroit à l'autre. Certains centres urbains comme Québec et Montréal ont développé des types d'interventions spécialisées, qui ne se sont pas développées en province parce que le volume ou encore la géographie ne le

permettait pas. Un cas qui, ici à Québec -car il y a une expertise particulière -présente tel genre de problème pourrait faire l'objet d'une entente entre le CLSC et le CSS. On dirait: Ces cas-là, nous les référons au CSS. Alors que, dans une autre région, ces cas-là, le CSS n'a peut-être pas plus de moyens que le CLSC pour y faire face; donc, le CLSC les garde. Tout cela devrait faire l'objet d'ententes avec chaque CLSC en tenant compte non seulement des compétences développées dans chacun des types d'établissements, mais aussi en tenant compte des ressources du milieu, de la communauté.

Je suis de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, je sais que le développement des ressources communautaires sur le territoire est inégal. Je ne veux pas tourner le fer dans la plaie, mais dans le secteur de Dolbeau-Mistassini, par exemple, le degré de développement des ressources communautaires est très inférieur au degré de développement dans le secteur d'Alma.

M. Laurin: Mais, s'il n'y a pas entente après deux ou trois ans de discussion, qui va faire le partage?

M. Thibault: C'est une bonne question. Nous disions, tout à l'heure, et on essaie de s'inspirer d'un esprit de réseau, d'un esprit de collaboration. Il faut se parler. Je pense que l'écueil que je mentionnais tout à l'heure, qu'il fallait éviter, me laisse croire qu'il y a des possibilités d'aller beaucoup plus loin que là où nous sommes allés dans le passé. C'est que, dans le passé, lorsque nous tenions le discours sur la démarcation entre la première et la deuxième ligne, c'était toujours un discours d'ordre général, provincial. On essayait d'établir la norme universelle. Or, je pense que, dans la contre-proposition que nous vous soumettons... Soit dit en passant, je ne dirai pas qu'elle a toutes les qualités, elle a ses limites aussi; cela présente quelques difficultés cette question-là. Mais nous pensons que, si la ligne de démarcation des bénéficiaires qui devront relever de l'un ou l'autre fait l'objet d'une entente entre chaque catégorie d'établissements, nous mettons plus de chances de notre côté d'éviter qu'il y ait des clientèles qui restent entre deux chaises ou qui soient ballottées, mais pour autant que l'on veut vraiment de part et d'autre faire un exercice sérieux, travailler en équipe, travailler de façon harmonieuse.

M. Laurin: Dernière question, Mme la Présidente. Dans votre mémoire, vous faites état que tous les services sociaux personnels qui seraient rendus dans le cadre de la Loi sur les jeunes contrevenants et de la Loi sur la protection de la jeunesse devraient être rendus sur la base d'une structure régionale, c'est-à-dire le CSS.

Par ailleurs, cet après-midi, les CLSC sont venus nous dire qu'ils sont très près des ressources communautaires. Les discussions sur la loi 60 ont bien montré que tout le monde désire qu'il y ait une implication de la communauté dans le processus de réinsertion sociale. Les CLSC, cet après-midi, sont venus nous dire, par ailleurs, qu'ils seraient prêts à ce qu'on leur délègue des responsabilités à cet égard. Je suis sûr que vous avez réfléchi au problème. Je voudrais donc vous poser la question: De quelle façon entendez-vous collaborer avec les CLSC pour utiliser au maximum les ressources communautaires dont ils disposent et dont ils sont les plus près pour faciliter la réinsertion sociale des jeunes?

M. Thibault: On parle de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants avec les programmes de mesures de rechange. Au départ, notre position sur cette question a été de dire que dans le domaine de la délinquance il y a une contribution de la communauté, c'est bien évident. Sauf que les clientèles qui sont prises en charge par les praticiens des centres de services sociaux sont très souvent des clientèles qui, dans le domaine de la délinquance, encore là, sont ce qu'on appelle les cas lourds, les cas de délits graves, les cas qui nécessitent un encadrement plus soutenu. Je dirais que la pratique qui s'est développée, particulièrement lors de l'expérience de la loi 24 qui couvrait ce type de clientèle, les anciens articles 40 dont on parlait, les cas qui peuvent être pris en charge par des ressources de la communauté étaient référés.

Je pourrais demander à Jean-Pierre ou à Mme Johnson de vous en entretenir davantage.

Mme Johnson: Quand vous parlez de mesures de rechange, je pense qu'effectivement il n'y aurait personne qui pourrait s'opposer à ce que des CLSC développent des mesures de rechange. Je pense aussi que dans la philosophie de la loi, lorsqu'on parle de l'intérêt de la communauté, d'investissement de tous les citoyens par rapport aux mesures de rechange, des CLSC pourraient en développer, des centres d'accueil pourraient en développer, différentes instances dans une communauté pourraient en développer et cela ne pourrait qu'enrichir ce qui peut être offert aux jeunes contrevenants. On n'a pas d'objections de principe à ce que les CLSC en développent, mais les mesures de rechange ne devraient pas devenir l'apanage d'une seule institution parce que, dans sa philosophie même, il faudrait éviter d'institutionnaliser les mesures de rechange.

M. Laurin: Oui, vous me dites qu'il y a

un accord de principe, mais ma question allait beaucoup plus loin. Comment entendez-vous conscrire les ressources des CLSC pour qu'ils puissent, avec les ressources qu'ils ont, faciliter la réinsertion sociale des jeunes?

Vous êtes d'accord sur le principe, mais avez-vous été plus loin dans votre réflexion? Avez-vous des projets à cet égard, au-delà de l'accord de principe?

Mme Johnson: Au-delà de l'accord de principe, je pense qu'on a sûrement, dans différentes régions du Québec, essayé de travailler avec les CLSC au niveau du développement de certaines mesures de réinsertion pour les jeunes. On a utilisé à plusieurs occasions des ressources du CLSC et dans différentes régions. Suivant l'organisation de ces établissements, on a essayé de développer en concertation des programmes qui pourraient aider les enfants. C'est probablement à ses tout débuts; je ne peux pas vous dire que c'est quelque chose de très avancé. Je pense, par ailleurs, que c'est quelque chose qui serait extrêmement bénéfique aux bénéficaires. C'est clair que l'apport du CLSC, en termes de développement de ressources, en termes de développement de projets, autant pour des jeunes en besoin de protection qu'en délinquance, ne pourrait qu'aider les clientèles et permettre une action encore plus intensive et plus rapide de la part du Directeur de la protection de la jeunesse. Les deux organismes doivent vraiment se complémentariser. Je ne sais pas si cela répond à votre question. (21 h 30)

M. Thibault: Simplement pour compléter. On a eu une conversation similaire avec M. Johnson. Nous, ce qu'on disait au départ, c'est que, plutôt que d'établir une règle de partage qui fait que de façon systématique toutes les clientèles -à l'époque, on parlait des articles 40 de la Loi sur la protection de la jeunesse; maintenant, ce sera celle des jeunes contrevenants - selon qu'elles étaient suivies en milieu naturel ou en milieu substitut s'en allaient dans les CLSC ou dans les CSS, on disait qu'au niveau de ces clientèles il y avait une continuité d'action à maintenir. On proposait que, règle générale, les clientèles qui nécessitent une prise en charge le soient par le centre de services sociaux sans oublier que ces clientèles-là, selon le degré de détérioration ou selon que le client est déjà connu du CLSC, pourrait faire l'objet d'une délégation du Directeur de la protection de la jeunesse. Dans les faits, cela se fait assez régulièrement. C'est l'exception, ce n'est pas le système provincial. On n'oblige pas de façon systématique, même lorsque c'est contre-indiqué, un client à changer d'établissement. Cela devrait être apprécié par le Directeur de la protection de la jeunesse. Sur cette dimension-là, le Directeur de la protection de la jeunesse a un pouvoir discrétionnaire. Il peut aussi confier des responsabilités à des professeurs, à des policiers, à des grands frères, à des grandes soeurs. Tout le domaine des mesures de rechange est nouveau. Je pense qu'on attend les décisions à ce sujet. Je pense que les décisions finales ne sont pas prises quant à savoir qui aura la responsabilité des mesures de rechange.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Mme la présidente est très sévère avec moi et, par conséquent, je suis encore au stade de chercher des réponses à ma troisième question de ce matin. Je vais continuer avec la troisième dans l'espoir qu'on terminera dans le temps alloué pour me permettre de poser la quatrième qui est prête.

Je veux continuer sur le sujet des services à la communauté anglophone et à la communauté juive. Je pense que c'est une question qui, depuis longtemps, n'a pas été adéquatement discutée à l'Assemblée nationale. Quand j'ai posé cet après-midi une question concernant les problèmes subis par les anglophones dans le cadre des services sociaux et de santé, le porte-parole des CLSC m'a indiqué qu'il n'était même pas conscient de l'existence du problème. Il m'a demandé s'il y avait des cas... Il m'a donné la réponse en ce qui concerne les CLSC. J'étais en train de lui demander s'il avait pris connaissance de deux documents; le premier est un document préparé par le groupe de travail sur les services sociaux de la communauté d'expression anglophone qui a été déposé récemment et le deuxième document a été déposé par la communauté juive. Pour ne pas prolonger le débat et pour ne pas se lancer dans les questions de principe, est-ce que vous avez pris connaissance de ces documents?

M. Thibault: Comité des consommateurs? Est-ce cela?

M. Scowen: "Le comité d'expression anglaise et l'avenir des services sociaux au Québec", janvier 1984.

M. Thibault: De mémoire, je ne m'en souviens pas.

M. Scowen: Je vais lire une recommandation. Je pense qu'il s'agit d'un résumé d'une solution proposée pour régler de nombreux problèmes existants et potentiels: "Que le ministre des Affaires sociales affirme par directive ministérielle le statut permanent de la juridiction

socioculturelle du Centre de services sociaux Ville-Marie." Par la suite, on parle de la possibilité de sous-traitance dans les régions et non pas de juridiction. Je suis certain que vous êtes au courant du débat concernant le rôle territorial ou socioculturel du Centre de services sociaux Ville-Marie. C'est la solution proposée. Je vous demande si vous êtes d'accord avec cette recommandation. Je répète: que, par directive ministérielle, on reconnaisse le statut permanent de la juridiction socioculturelle du Centre de services sociaux Ville-Marie. Par la réponse à cette question, on répond à de nombreuses sous-questions que je pourrais poser si j'avais un peu plus de temps.

M. Thibault: La position de l'Association des centres de services sociaux du Québec porte sur un projet de partage des responsabilités. À ce niveau-là, c'est une position qui a été ratifiée par notre assemblée générale, laquelle est: Voici le compromis que l'on dépose. Il faudra tenir compte des particularités régionales et des particularités culturelles et linguistiques, sauf que le cadre général du compromis, c'est ce qu'on vous a présenté. S'il y a lieu d'avoir d'autres particularités - on est conscients qu'il y a des particularités du côté du CSSVM et du CSS juif - elles doivent être considérées et vues au mérite. Si on doit déroger à leur orientation de base, que ce soit vu davantage à titre expérimental. Là, nous sommes dans le dossier du cadre de partage.

La question que vous soulevez est davantage une question que je qualifierais de survivance de l'institution. Je vous avoue qu'officiellement nous n'avons pas de position là-dessus si ce n'est que nous avons toujours reconnu, de fait, ces deux CSS. Il faudrait retourner aux discussions qui ont eu cours antérieurement dans les années 1970, alors que l'Association des centres de services sociaux s'appelait la Fédération des services sociaux à la famille, pour voir s'il n'y a pas eu des opinions ou des prises de position de la Fédération des services sociaux à la famille, qui était quand même partenaire avec le ministère des Affaires sociales dans l'opération qu'on a appelée, à l'époque, l'opération mise en place du réseau des centres de services sociaux. Je me souviens qu'à l'époque - je n'ai pas été étroitement associé à cela à Montréal - il y avait des discussions fort importantes qui avaient cours sur la question de savoir si, à Montréal, on va structurer sur une base sous-territoriale, linguistique ou culturelle. Le résultat a donné ce qu'on a aujourd'hui.

M. Scowen: Oui. Je suis certain que vous, moi et beaucoup d'autres personnes ici ce soir sommes conscients de l'existence de ce débat qui existe depuis longtemps. Ce soir, vous avez parlé, à plusieurs reprises, de la nécessité de desservir la population sur la base d'une masse critique. S'il n'y a pas de masse critique pour justifier les services décentralisés, il vaut mieux les garder à l'intérieur des CSS afin d'éviter les chevauchements, le dédoublement des services.

Si je comprends la position du CSS VM et du CSS de la communauté juive, ils disent à peu près la même chose, et ce n'est pas d'hier, ils le disent depuis longtemps. Ils disent: Nous avons un problème de masse critique. Si nous n'acceptons pas le principe que nous avons une responsabilité, pas territoriale, mais une responsabilité socioculturelle, c'est impossible d'attendre que les unités dispersées ici et là puissent donner un service à notre communauté dans sa langue et sa culture.

C'était un problème il y a un an. C'est devenu un problème plus grave avec le cadre de référence parce que dans celui-ci on propose de diffuser, de disperser les pouvoirs, les responsabilités de ces deux centres de services sociaux vers une série de CLSC qui vont nécessairement devenir des CLSC qui desserviront une population assez hétérogène. La solution idéale qu'ils proposaient et pour laquelle les raisons étaient bien connues - et le sont encore aujourd'hui - était que, dans les deux cas, c'est encore plus important aujourd'hui devant le cadre de référence que cela l'était il y a un an.

La question que je pose aux personnes qui sont à la table: Est-ce que vous êtes d'accord avec ces revendications? La question n'est pas de l'étudier. La problématique est connue depuis longtemps.

M. Thibault: Ce que je peux vous dire, c'est que non seulement le conseil d'administration de l'association, mais également l'assemblée générale ont été sensibilisés à ces dimensions. Ce sont des particularités qu'il faut considérer: il y a un accord de principe à cet effet. Maintenant, concrètement, cela veut dire quoi? Je ne sais pas si Jean-Pierre aurait autre chose à ajouter. On n'a pas pris de position sur le fond, sauf qu'on dit qu'il y a matière à considération effectivement.

M. Duplantie: C'est exact. Je pense que nous sommes préoccupés par la question. Dans ce sens, on voulait que ce soit traité de façon très particulière, d'autant plus, comme vous le dites, que le cadre de référence apporte un problème de dilution. Là-dessus, en tout cas, je peux facilement parler de l'expérience que j'ai chez moi: nous avons une population anglophone à laquelle nous avons beaucoup de difficulté à offrir des services dans la langue, particulièrement au niveau des personnes âgées. Les jeunes arrivent bien à devenir

bilingues, mais les adultes de 45, 50 ou 60 ans et plus ont de sérieuses difficultés de ce côté. Je vous avoue qu'on a de la difficulté à organiser les services pour qu'ils soient satisfaisants, compte tenu des particularités socioculturelles. Dans ce sens, on est très sensible à la demande du CSS Ville-Marie et du CSS juif, donc, au fait que le cadre de référence élargit davantage le problème.

M. Scowen: Si je comprends bien, c'est encore à l'étude. Vous n'avez pas encore pris position. Je peux souhaiter que les deux organisations et leurs représentants vont continuer d'exercer les pressions nécessaires pour vous aider à prendre une décision dans les plus brefs délais. Mme la Présidente, est-ce que j'ai le temps?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez trois minutes, question et réponse. Je vais vous en donner quatre.

M. Scowen: D'accord. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous en donnerai quatre, M. le député de Gouin.

M. Scowen: Ce sera certainement la dernière question et elle n'a rien à voir avec les communautés minoritaires. J'essaie de comprendre ce que vous avez dit ce soir et j'essaie aussi de comprendre un peu ce que les autres ont dit. Nous avons aujourd'hui un système. Chacun fait quelque chose. Un dénommé Castonguay, en 1972, a écrit un document. Il y en a qui prétendent qu'aujourd'hui nous avons une responsabilité envers lui de réaliser ce qu'il a proposé il y a douze ans. Ce n'est pas clair dans mon esprit. Je ne comprends pas pourquoi ce document est devenu une espèce d'évangile que nous sommes tenus de respecter aujourd'hui, mais certains tiennent énormément à ce que cela se réalise. Vous dites, si je comprends bien, que c'est simplement pour respecter les opinions de M. Castonguay de 1972 et, par la suite, de changer un peu les structures sans changer les services. On risque de passer un an ou deux avec un chambardement, un peu comme il a été proposé il n'y a pas longtemps dans le domaine de l'éducation, avec les conséquences qu'on ne va pas améliorer les services. On va simplement passer des après-midi heureux avec les administrateurs dans la restructuration. Si je comprends, vous dites que ce n'est pas prouvé que ce changement va améliorer le service. Votre préoccupation en ce qui concerne les CLSC, c'est que le réseau, qui a été conçu au départ pour les services qui étaient conçus pour les CLSC, les services de prévention et les services communautaires, n'a jamais été complété faute de fric, faute de budgets.

Effectivement, on est en train d'essayer de donner aux CLSC des postes additionnels pour qu'ils puissent réaliser quelque chose avec des crédits additionnels et non avec des crédits qui seront enlevés aux CSS, ce qui risque, dans le processus, de détériorer les services qui sont donnés par les CSS ou par les personnes qui sont dans les CSS. Le problème, aujourd'hui, dans les CLSC n'est pas un problème de structure. On n'a pas respecté le mandat original à cause du manque d'argent nécessaire pour compléter le réseau et respecter le mandat de M. Castonguay. Est-ce que c'est à peu près cela?

M. Thibault: Je pense que dans l'ensemble vous avez très bien compris notre message. Il y aurait peut-être quelques petites nuances à apporter. Le fond du message, c'est cela jusqu'à un certain point. C'est exact, il ne faut pas prendre la commission d'enquête Castonguay-Nepveu comme une bible, sauf qu'elle a quand même fait une étude sérieuse de la situation il y a dix ans. Elle a formulé des recommandations. Aujourd'hui, on peut bien nous citer le rapport Barclay en Angleterre, mais Barclay nous donne à peu près le même message que le message qui nous avait été livré dans le domaine des services sociaux, ici, au Québec, lors de la commission d'enquête Castonguay-Nepveu. Soit dit en passant, la commission elle-même, lors du dépôt de son document sur les services sociaux, disait qu'elle avait beaucoup scruté le domaine de la santé, mais qu'elle n'était pas allée très loin dans le domaine des services sociaux et qu'il fallait poursuivre la réflexion. (21 h 45)

Du rapport de la commission Nepveu-Castonguay, on est passé à une loi et cela a pris la forme de CLSC et de CSS. Le CSS a une connexion directe avec la commission Nepveu-Castonguay en ce sens qu'on disait: II y a des services variés pour répondre à des besoins variés. Les services doivent être de l'ordre de la prévention, du communautaire et de l'adaptation personnelle, pour employer son vocabulaire. Aujourd'hui, on appelle plus cela des services de prise en charge pour des clientèles qui requièrent des services plus personnels, plus soutenus. Sa recommandation était claire, c'était de constituer ces services, pour en améliorer l'efficacité, sur une base régionale. Fondamentalement, aujourd'hui, on remet cela en cause. En voulant transférer une partie de ces responsabilités dans les CLSC, c'est une espèce de bond en arrière de dix ans. On va perdre des acquis importants dans le domaine des services et dans le domaine de l'évolution de la pratique professionnelle.

Je mentionnais tout à l'heure - je le disais dans ces termes - que, dans le fond -la Fédération des CLSC a raison jusqu'à un

certain point - au niveau de la formation, il ne se forme pas, dans le domaine social, des spécialités aussi marquées et démarquées comme dans le domaine de la santé, sauf que la véritable spécialisation se développe sur le terrain présentement. Cela, c'est à partir de masses critiques suffisantes pour pouvoir investiguer davantage, faire de la recherche et développer les connaissances au fur et à mesure que tu rencontres ces clientèles et que tu essaies de les aider; tu les connais mieux et tu développes des habilités. Dans ce sens-là, on peut véritablement parler d'une certaine forme de spécialisation.

Est-ce qu'on est trop spécialisé? Cela est une autre question. Je pense que la question, il ne faut pas la prendre comme cela. Il faut se demander si le genre d'intervention qui se fait dans les centres de services sociaux est adapté aux besoins des bénéficiaires, si c'est efficace. C'est dans ces termes qu'il faut poser la question. Dans ce sens-là, je pense que ce qui était proposé dans le cadre de la référence, pour nous, allait à l'encontre de ce qui était proposé dans la commission Nepveu-Castonguay, parce qu'on ne faisait que changer l'organisation des services d'ordre personnel en en donnant une partie aux CLSC. On disait que c'était un changement de structure, un changement important d'orientation.

La vocation des CLSC, je pense qu'on a eu l'occasion d'en parler entre nous. On a trouvé vivifiante la façon dont les CLSC se projetaient dans l'avenir. On est très près de cette vision. C'est sûr que ce n'est pas demain matin que l'on peut appliquer cela et ce n'est surtout pas en coupant des services à des personnes les plus démunies de la société. Il ne faut pas payer ce prix-là pour avoir des services de cet ordre-là. Cela ne veut pas dire que cela ne les prend pas.

Là-dessus, peut-être que je pourrais demander à mon ami, M. Duplantie, de dire... Non? Excusez-moi, Mme la Présidente, j'ai été long.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense qu'il pourra profiter de la prochaine question pour répondre.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela, on m'attend. Mais, avant de donner la parole au député de Gouin, je voudrais le rassurer: le document qui a été déposé tantôt ne peut pas vous être transmis ce soir; ce doit être la polycopie qui ne fonctionne pas.

M. Rocheforts Allons-nous le recevoir à nos bureaux?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous l'aurez à vos bureaux demain matin. Alors, vous avez la parole, M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Merci, Mme la Présidente. Première question que je voudrais poser à M. Thibault, très sérieusement: j'ai écouté très attentivement votre présentation, ainsi que les échanges que vous avez eus avec les autres membres de la commission qui sont intervenus jusqu'à maintenant. La question qui me vient, lorsque j'écoute votre présentation et vos réponses, c'est: Est-ce que, finalement, ce qui vous accommoderait le mieux, ce qui correspondrait à ce que vous souhaitez profondément, ce ne serait pas de fermer le dossier et de maintenir le statu quo?

M. Thibault: Je pense que de la poser dans ces termes... Quant à nous, elle n'est pas posée de cette façon. Je pense que la question n'est pas de savoir ce qui nous accommode et ce qui ne nous accommode pas. La question est de savoir si on peut, dans la situation où sont les choses - on a fait l'exercice le plus honnêtement possible -souscrire et aller dans le sens de l'objectif de compléter le réseau des CLSC, de clarifier les rôles et les missions en ne perdant jamais de vue que c'est le bénéficiaire qui doit en profiter.

M. Rochefort: Le résultat de cette façon de réfléchir aux problèmes que vous venez d'exposer n'est-il pas pour vous, jusqu'à nouvel ordre, de maintenir le statu quo, quitte à poursuivre les réflexions?

M. Thibault: Ce qu'on a dit sur cette question, c'est que c'est une décision qui revient aux autorités politiques.

M. Rochefort: Écoutez...

M. Thibault: La position de l'association, c'est de dire: Quoi qu'il advienne à court terme, qu'il y ait une décision de transfert ou non... S'il doit y avoir une décision de transfert, on vous dit: Selon la connaissance qu'on a des besoins des bénéficiaires, la position de compromis qu'on dépose nous paraît un moindre mal. Si on veut aller vers un transfert, allons-y sur cette base, mais ne perdons pas de vue qu'il restera quand même - et c'est une demande importante de notre association...

M. Rochefort: Mais, monsieur...

M. Thibault: ...à faire un véritable bilan des services sociaux, non seulement pour regarder ce qui a été fait au cours des dix dernières années, mais surtout, à partir de là, pour projeter vers quoi on veut aller au cours des dix prochaines années. Ce sera beaucoup plus facile de travailler ensemble à

ce moment-là.

M. Rochefort: Je vous repose la question. À la suite de la réponse que vous venez de me fournir, je vous dis ce que je comprends et je veux être certain que je comprends vraiment ce que vous êtes venu nous exprimer ici ce soir. Vous nous dites: Ah! ce n'est pas nous qui allons décider s'il doit y avoir un partage, mais, s'il doit y avoir un partage, on vous dit ce qui pourrait être un moindre mal, un compromis ultime, etc. Dans les faits, souhaitez-vous un nouveau partage entre les responsabilités des CS5 et celles des CLSC, oui ou non?

M. Thibault: Pour répondre bien carrément à votre question...

Une voix: Biron répond...

M. Thibault: Pour répondre bien sincèrement à votre question, je pense que, dans l'état actuel du dossier, en tout cas pour tout ce qu'on a vu comme impact sur le bénéficiaire, à ce moment-ci, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on prend des risques de commencer à chambarder cette gamme de services. Dans ce sens, je pense qu'effectivement il y aurait matière à regarder cela en profondeur. Peut-être direz-vous que c'est cela qui nous accommode? On est toujours au niveau du débat dans lequel on s'est situé dès le départ. Dès le départ, quand le dossier est sorti, je savais très bien que les centres de services sociaux allaient être taxés de défendre leur job. Je voudrais seulement attirer votre attention sur ce qui s'est passé dans les centres de services sociaux en termes de phénomène au cours des derniers mois. Lorsque le cadre de référence est sorti au mois de décembre, les professionnels en général dans les centres de services sociaux ont dit: Nous, travailler dans un CLSC ou dans un CSS, c'est du pareil au même. On l'a entendu effectivement, d'ailleurs. Ils étaient loin de tout cela. Cela ne les dérangeait pas. C'était une guerre de structure; cela regardait d'autres personnes. Après la période des fêtes, lorsqu'ils sont revenus, le discours a changé. D'une phase de désintéressement où ils regardaient leurs intérêts au départ, où ils ont dit: Cela n'a quand même pas de bon sens quand on regarde cela de près, cela veut dire que, demain matin, si tu t'en vas dans le CLSC, moi, je reste ici, moi, je suis l'enfant et toi, tu suis la famille, etc., ils sont passés à une phase beaucoup plus critique et la position développée par l'Association des centres de services sociaux est partie de cette analyse.

M. Rochefort: Ce que je retiens de la réponse que vous venez de me donner, c'est que, pour l'instant, vous préférez le statu quo, quitte à poursuivre les réflexions.

M. Thibault: II nous paraît y avoir des risques importants à prendre une décision prématurée et on est conscient...

M. Rochefort: Et, donc la proposition...

M. Thibault: ...que la situation n'est pas facile à vivre.

M. Rochefort: ...que vous appelez proposition de compromis que vous nous soumettez veut dire qu'à partir du moment où notre décision, notre volonté politique serait irréversible...

M. Thibault: C'est cela.

M. Rochefort: ...de faire un partage, vous nous dites ce qui semble un minimum acceptable pour vous. Dans le fond, ce que vous voulez, c'est qu'on n'y touche pas.

M. Thibault: Un minimum...

M. Rochefort: À la suite de cela, j'ai deux ou trois questions subsidiaires à vous poser.

M. Thibault: Oui.

M. Rochefort: Est-ce que vous reconnaissez qu'à la suite de la réforme, à la fois du rapport de la commission Castonguay-Nepveu et de la loi qu'a mise en place M. Castonguay qui concrétisait cette réforme, on ne peut pas dire que, finalement, il y ait un certain nombre de ressources des services sociaux qui avaient été confiées aux CSS de façon temporaire par définition?

M. Thibault: Au départ?

M. Rochefort: Oui. Est-ce que vous reconnaissez qu'au départ il y avait un peu un rôle de suppléance jusqu'à ce que les ressources des CLSC soient mises en place?

M. Thibault: Je vais vous donner un bout de réponse et je demanderai à M. Duplantie de compléter très rapidement. Effectivement, au point de départ, lorsque les centres de services sociaux ont été créés, il y avait toujours dans l'air qu'il fallait partager la première et la deuxième ligne. Comme il n'y avait pas de CLSC, forcément, par la logique des choses, on déduisait que les CSS donnaient des services de première et de deuxième ligne, qu'ils avaient des effectifs pour donner le service et qu'ils jouaient un rôle de suppléance. Toutefois, avec l'évolution des dix dernières années, beaucoup de lois: la Loi sur la protection de la jeunesse, la loi sur les jeunes délinquants, la loi d'adoption qui a été modifiée, toutes les nouvelles responsabilités confiées aux

centres de services sociaux, les coupures budgétaires qui ont beaucoup restreint ont fait en sorte que l'évolution aujourd'hui... S'il existe encore des cas légers dits de première ligne, il y en a de moins en moins dans les centres de services sociaux. Dans ce sens, on peut affirmer qu'on ne fait plus de rôle de suppléance, exception faite des programmes clairement identifiés au ministère; par exemple, l'aide à domicile, c'est clair. Il y a une décision... Peut-être M. Duplantie veut-il compléter?

M. Duplantie: Pas plus que cela. En tout cas, cela va dans le même sens. C'est le problème fondamental qui est posé. Il y a 3200 professionnels. Si on veut faire un départage, il va falloir se poser la question de la rationalisation de nos ressources. J'ai cité l'exemple tantôt de six praticiens pour huit CLSC. Ce n'est peut-être pas l'exemple à citer pour la région de Montréal, mais c'est très vrai. Qu'on le prenne chez nos personnes handicapées ou dans notre secteur jeunesse-famille et selon même le cadre de référence, chez nous cela n'implique pas plus de dix praticiens, dans le secteur jeunesse-famille, par exemple, selon le cadre de référence tel qu'il est proposé.

Alors, il va falloir être concients que, quand nous avons parlé d'expertises qui se sont développées à partir de bassins de population, nous devrons, en quelque sorte, départager ces quelques ressources. C'était l'une des préoccupations de la commission Castonguay-Nepveu, la rationalisation des ressources sur un plan régional.

M. Rochefort: Une deuxième question subsidiaire et je pense que je vais mettre les trois ensemble: Ne reconnaissez-vous pas toutefois que, à partir du moment où les services sociaux offerts actuellement dans les CSS seraient regroupés avec ceux offerts dans les CLSC, cela nous assurerait une meilleure complémentarité dans bien des cas, dans l'intervention sociale faite par le travailleur social ou l'équipe des travailleurs sociaux? Ne reconnaissez-vous pas que, à partir du moment où ces services seraient dispensés par les CLSC, à cause de la structure de direction des CLSC, les conseils d'administration et le reste, on aurait une plus grande assurance que ces services seraient mieux adaptés aux besoins de la population locale pour qui ils sont prévus? Ne reconnaissez-vous pas aussi que, en même temps, si on les retrouvait dans des CLSC, on favoriserait une plus grande approche multidisciplinaire souhaitée dans tout le réseau des affaires sociales?

M. Thibault: En effet, il y a beaucoup de questions là-dedans. D'abord, dans un premier temps, on dit: Si on envoie tout cela dans les centres locaux de services communautaires, est-ce que cela ne serait pas mieux? Là-dessus, je ferai remarquer que le rapport Castonguay-Nepveu et la loi, par la suite, ont tenu à tirer des lignes de démarcation.

M. Rochefort: Vous avez dit vous-même que, depuis dix ans, cela a beaucoup évolué.

M. Thibault: Non.

M. Rochefort: Alors, concrètement, à l'heure où l'on se parle...

M. Thibault: Non, cela a évolué. Ce n'est pas une Bible. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas le reprendre en considération.

M. Rochefort: Bon, à l'heure où l'on se parle, oublions cela, si cela a beaucoup évolué au point où on ne peut pas en tenir compte, notamment pour la suppléance.

M. Thibault: D'accord. Alors, prenons la situation telle qu'elle se présente aujourd'hui, la manière dont elle se présente. J'ai présenté tout à l'heure le profil et quelques statistiques de clientèles qu'on dessert. Ce qu'on constate de façon générale, c'est que l'évolution nous a amenés, dans le réseau des centres de services sociaux, à centrer de plus en plus nos services sur des clientèles en besoin de protection, dans un degré de vulnérabilité très grand, que ce soit dans le domaine de l'enfance, des familles, des adultes ou des personnes âgées.

Un enfant victime d'inceste à Chibougamau a besoin du même type de services que s'il est à Montréal. Ces services ne doivent pas prendre de couleur locale. C'est une responsabilité de l'État d'assurer la sécurité de ses citoyens, la protection. On pense qu'on est là face à des besoins fondamentaux qui n'ont pas de couleur locale.

Dans ce sens, de décentraliser dans les CLSC ce type de services, on perd, d'une part, des expertises, on fait un retour en arrière, on risque d'avoir des difficultés d'articulation et de coordination dans des services aussi importants que ceux de la protection de la jeunesse, et on parle de plus de la protection des personnes âgées et on connaît leur situation.

Dans ce sens, je pense qu'il ne faut pas envisager cela. C'est impossible. Le CLSC, par des services dits communautaires et préventifs, je dirais même - et dans notre proposition, on ne l'a pas dit de façon explicite - qu'il devrait sortir de l'autorité de l'État. Il devrait être greffé à un pouvoir politique local. C'est là qu'on aura les meilleures garanties que le CLSC développera des programmes adaptés à son milieu. C'est dans cette voie que notre réflexion nous a

menés à ce jour.

Je ne sais pas si je réponds à d'autres questions par le fait même ou si j'en oublie.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avez-vous d'autres questions, M. le député de Gouin? (22 heures)

M. Rochefort: Non, une simple conclusion. Quant à moi, je suis heureux de l'échange qu'on a eu car, à partir de maintenant, mais seulement à partir de maintenant, je connais vraiment votre position. Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais...

Une voix: Il aurait peut-être fallu...

M. Rochefort: Les mémoires et la discussion que nous avons eue, cela fait une différence. Si vous aviez suivi la discussion que nous avons eue, vous auriez peut-être compris cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais poser à nos invités une question sur les personnes âgées.

Nous n'en avons pas parlé de la journée. Comment voyez-vous, dans le cadre de référence ou autrement, la distribution des responsabilités quant à la protection des personnes âgées prise dans son sens le plus large, pas le terme protection nécessairement juste dans le terme de la protection de la jeunesse?

M. Thibault: Je vais inviter Mme Céline Morin à répondre à votre question.

Mme Morin (Céline): En ce qui concerne les personnes âgées, plus que pour beaucoup d'autres clientèles, la dimension de la santé, la dimension de l'incidence, de la présence de maladies est importante, la nécessité, également, d'avoir les services le plus près de chez soi, la possibilité de rester le plus longtemps possible chez soi. Je pense que tout ça milite vraiment en faveur d'une prise en charge qui soit davantage à caractère sociomédical, si l'on veut, et sur une base locale. Nous sommes tous très conscients de cela.

Par contre, au niveau des personnes âgées et de l'approche que nous avons eue jusqu'à présent, on a tellement médicalisé les services que nous leur donnons, que nous avons fini par faire de la vieillesse une véritable maladie. Il y aurait une réflexion importante à faire pour voir si l'on veut reconnaître que les personnes âgées ont également des problèmes psychologiques, des problèmes sociaux, sans que nécessairement il y ait une incidence de maladie ou un caractère médical.

Alors, ce que nous disons, la position de l'ACSS, c'est que la prise en charge de la personne âgée, qu'elle se fasse localement par les CLSC, cela nous paraît une formule fort intéressante. Par contre, nous aurons et nous aurions dû avoir une réflexion beaucoup plus poussée sur la façon dont nous répondrons aux besoins des personnes âgées. Jusqu'à présent, nous répondons à des besoins primaires. Nous répondons à des besoins de soins, de nutrition, d'hébergement quand cela devient absolument indispensable, mais la personne qui souffre de dépression, d'anxiété, la personne qui a des tendances suicidaires, qui est dépouillée de ses biens, qui est évincée de son logis, qui développe une image très négative d'elle-même, qui vit mal des deuils, c'est malheureux, mais nous n'avons pas encore pris le temps de nous en occuper et nous n'avons surtout pas les ressources nécessaires pour le faire. Et ce n'est pas en transférant les quelques ressources disponibles pour les personnes âgées dans les CSS que nous allons répondre à ces besoins-là.

Je pense que, pour les personnes âgées, nous en sommes rendus à un point où, devant l'importance du phénomène, nous devrons faire une réflexion et des choix sociaux. Est-ce que nous voulons, oui ou non, répondre aux besoins des personnes âgées et répondre globalement à ces besoins et non pas seulement à des besoins primaires? Je pense qu'à la fois les CLSC, les CSS et les CRSSS doivent s'interroger et le ministère doit penser à investir davantage, car fondamentalement, au niveau des services sociaux pour les personnes âgées, il y a un manque chronique de ressources. On a investi davantage au niveau du maintien à domicile, et c'est fort heureux. Il y a encore de la place pour du progrès, et on investit également au niveau des ressources d'hébergement. L'on cherche à diversifier les ressources alternatives, l'on cherche à trouver des formules de ressources d'hébergement moins lourdes que le centre d'accueil tel que nous le connaissons, mais je pense qu'au niveau des besoins personnels de la personne âgée nous n'avons pas encore été très loin et il est urgent qu'on le fasse.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Je vais revenir avec une question; avant, je voudrais demander le consentement de la commission pour qu'on puisse continuer au-delà de vingt-deux heures. Cela va? Je comprends qu'il y en a qui manquent... Est-ce qu'il y a quelqu'un qui vous a apporté le résultat de la partie de hockey, M. le député de Brome-Missisquoi?

M. Paradis: S'il vous plaît! S'il vous plaît.

Une voix: 3 à 1.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pour qui? On ne sait pas pour qui, 3 à 1.

Une voix: Les Islanders.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Excusez-moi! Pour revenir à notre sujet, vous dites: Les maigres ressources qui existent présentement dans les CSS et j'ai vu quelque part - et c'est très vague dans mon esprit -qu'il y aurait environ 200 travailleurs sociaux pour l'ensemble du Québec dans les CSS. Par contre, d'une part, vous dites: La prise en charge par les CLSC des personnes âgées nous semble une approche très intéressante, mais il ne faudrait pas, avec le peu de ressources qu'on a, les transférer dans les CLSC. J'ai cru comprendre que ce serait une prise en charge complète, par les CLSC, des personnes âgées. Pourquoi garderiez-vous ce personnel dans les CSS?

Mme Morin: Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas s'imaginer qu'en faisant le transfert on va régler les problèmes des personnes âgées. Il y a si peu de ressources: tout à l'heure M. Duplantie disait: J'en ai six pour huit CLSC; on vit un peu la même situation dans la région de Québec où on peut dire qu'on a un praticien sur un territoire où il y a deux CLSC de prévus, etc. Les ressources sont extrêmement limitées. Actuellement, elles sont utilisées pour répondre aux besoins les plus urgents, les besoins les plus criants. Alors, on fait une évaluation, on assure un maintien à domicile en assurant des services de soins et d'aide à domicile, le minimum qu'on peut donner ou, encore, on oriente vers un placement mais on ne peut pas faire plus. On est rendu à dire que, si une personne âgée vient nous voir parce qu'elle est exploitée par ses enfants ou parce qu'elle vit un deuil tellement mal qu'elle menace de se suicider, etc., on ne peut pas s'en occuper.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'à ce moment-là - je m'excuse de vous interrompre...

Mme Morin: C'est psychosocial.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si je suis votre raisonnement, c'est vrai qu'il n'y a pas suffisamment de ressources; je ne voudrais pas qu'on m'interprète mal, mais dans le fond, le manque de ressources que vous avez aux CSS, c'est le manque de ressources qu'on transférerait aux CLSC.

Mme Morin: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans le fond, au point de départ, vous reconnaisssez que cela pourrait être transféré aux CLSC et ils se retrouveront avec le manque de ressources. Est-ce que c'est ce que vous me dites?

Mme Morin: Ils vont se retrouver avec le manque de ressources. C'est cela. Les choix de société que nous devons faire pour les personnes âgées ne sont pas encore faits. Est-ce que nous voulons vraiment nous en occuper? Si oui, il va falloir investir et cela presse.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a une dernière question que j'aimerais poser, peut-être à M. Thibault ou à Mme Denis. C'est sur les recommandations qui ont été faites ce matin par les CRSSS et qui ont trait à la programmation sociale. On semblait dire qu'il y avait extrêmement peu de recherches qui étaient faites dans les centres de services sociaux. Cet après-midi, quand on a entendu les CLSC et qu'on demandait certaines précisions, eux aussi ont déploré le manque de données. Tout le monde y allait un petit peu par des estimations extrêmement grossières sur une foule de sujets. Est-ce qu'il se fait, dans les centres de services sociaux, des recherches qui aident à améliorer l'intervention ou à définir les problématiques, qui sont des outils pour l'amélioration sociale des citoyens?

M. Thibault: On peut dire que, de façon générale, effectivement, on partage le point de vue des conseils régionaux. De façon générale il se fait peu de recherches. Là-dessus il faut quand même nuancer parce que d'un CSS à l'autre... Je pense que, dans les CSS de plus grosse taille, on a des moyens qu'on n'a pas dans les petits CSS. C'est pour cela qu'il faut tenir compte de cette dimension. Il reste que, lorsqu'on parle du volet de recherches dans les centres de services sociaux, c'est vraiment le pendant qu'on voudrait retrouver dans le domaine des services sociaux de ce qu'on retrouve dans le domaine de la santé avec les départements de santé communautaire. À ce niveau, pour avoir été dans les centres de services sociaux à leur création, je sais que les CSS étaient, en général, équipés de personnel au niveau de la direction des services professionnels pour pouvoir assumer cette fonction de recherches-planification. Malheureusement, ces personnes avaient un statut, dans les circonstances, à l'époque, de conseiller-cadre. On sait qu'historiquement les CSS ont été critiqués d'avoir un peu trop de cadres. Certains ont coupé ces postes en premier lieu. Les coupures sévères au début des années quatre-vingt ont été presque mortelles pour nos équipes, à ce niveau. Ceci fait que les centres de services sociaux se sont centrés de plus en plus vers leur vocation première, qui était la dispensation des services sociaux. Le volet de la recherche n'est pas très développé dans les

centres de services sociaux. Il faudrait voir sur quelle norme on pourrait juger cela.

Je ne sais pas s'il y a lieu d'ajouter...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une dernière question. Ce matin, on a fait allusion au fait - c'est souvent une critique que l'on entend, c'est d'un ordre de préoccupation autre que celui des choses qu'on a discutées ce soir - à l'importance de l'encadrement dans les centres de services sociaux. Est-ce que c'est un mythe, une réalité?

M. Thibault: Je vais demander à Jean-Pierre de vous répondre parce qu'il a fait certaines vérifications dernièrement, sur cette question.

M. Duplantie: II faut poser le problème par rapport à ce qu'on attend de la pratique sociale. On a fait allusion plus tôt à la complexité des problèmes que l'on rencontre ou qu'on demande à nos praticiens d'assumer comme tels.

Il est très clair que cela exige un certain support professionnel, un encadrement particulier. Dans ce sens, chez nous, les statistiques sont - et c'est très récent, de la part du ministère des Affaires sociales - que les CSS auraient un cadre pour environ 8,2, 8,5 praticiens sociaux. Ayant une expérience à l'aide à l'enfance en Ontario, j'ai pris le temps, cette semaine, de vérifier son encadrement. De façon très spécifique, si on n'inclut pas la structure hiérarchique, mais simplement le premier niveau d'encadrement, c'est un pour huit praticiens dans les deux plus grosses agences du Toronto métropolitain. Au niveau de l'aide à l'enfance, je parle bien.

Si on inclut l'encadrement dans un bureau, c'est un pour six praticiens. Alors, cela donne une perspective quand même et des chiffres comparables dans des domaines qu'on vit, alors que très souvent ce qu'on fait ici, c'est de comparer le type de tâche qui se fait aux CLSC avec le type de tâche qui se fait aux centres de services sociaux et on va dire: C'est peut-être un pour quinze, un pour seize, au CLSC, c'est un pour huit au CSS, cela n'a pas de sens. Il faudra regarder vraiment avec quoi l'on compare.

Lorsque, chez nous, on regarde quel était le taux d'encadrement au niveau des auxiliaires familiales, on s'apercevait qu'on avait des taux d'encadrement de un pour quinze, de un pour vingt. Je pense qu'il faut vraiment s'interroger sur quoi nous basons nos normes. C'est tout simplement là qu'est le problème. Est-ce qu'on a une base pour juger des taux d'encadrement? Nous, on le considère approprié.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. S'il n'y a pas d'autres questions... Je veux remercier l'Association des centres de services sociaux. Je suis certaine que sa présentation a éclairé passablement de questions qui avaient été soulevées successivement au cours de la journée.

Je veux également remercier le ministre de s'être joint à nous pour ces travaux, espérant que cela l'aura éclairé et, de la part de la commission, en temps et lieu, nous ferons des recommandations au ministre espérant qu'il aura une lecture attentive des recommandations que nous pourrons lui transmettre.

Je vous remercie. Avant de terminer nos travaux, nous avons reçu un certain nombre de mémoires, dont certains avaient demandé d'être entendus, d'autres pas. Je vais les déposer en totalité: les mémoires de la Fédération des familles d'accueil du Québec, la Fédération des unions de familles Inc., la Communauté d'expression anglaise, le Comité de coordination des institutions juives, le Département de santé communautaire Maisonneuve-Rosemont et la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec.

Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose, M. le ministre?

M. Laurin: Je veux encore remercier l'association de son intéressant mémoire.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. La commission ayant rempli son mandat ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 15)

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