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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le jeudi 11 mars 1993 - Vol. 32 N° 34

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur les thérapies alternatives


Journal des débats

 

(Neuf heures quatorze minutes)

Le Président (M. Joly): Bonjour tout le monde. Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette commission. J'apprécierais avoir votre collaboration et peut-être que quelqu'un pourrait fermer la porte en arrière, s'il vous plaît. Merci beaucoup. On me fait mention que c'est parce qu'on tient à vous, on ne veut pas que vous vous sauviez. Alors, je vous rappelle que la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur les thérapies alternatives et, à cette fin, d'examiner la reconnaissance professionnelle de certains thérapeutes alternatifs et les mécanismes de reconnaissance des thérapeutes non éligibles à un statut professionnel au sens de la loi, l'information au public et la contribution du réseau de la santé et des services sociaux pour qu'il favorise la liberté des choix thérapeutiques.

Mme la secrétaire, avons-nous des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Juneau (Johnson) est remplacée par Mme Caron (Terrebonne).

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Je vous rappelle qu'aujourd'hui la commission entendra: la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, la Corporation professionnelle des médecins du Québec, l'Ordre des pharmaciens du Québec, le Regroupement des centres de santé des femmes du Québec, la Fédération des CLSC du Québec, l'Association des hôpitaux du Québec, la Confédération des syndicats nationaux, l'Association coopérative d'économie familiale du centre de Montréal (ACEF-Centre), la Corporation professionnelle des physiothérapeutes du Québec et Info-Secte.

Alors, je vois que, déjà, le groupe représentant la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec a pris place. Alors, j'apprécierais que Mme Lavallée, présidente, nous introduise les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Fédération des infirmières et infirmiers du Québec (FIIQ)

Mme Lavallée (Diane): Oui. Bonjour. Je tiens à vous remercier de l'invitation qui nous est faite de pouvoir s'exprimer devant vous à cette commission parlementaire. Avec moi est présente Lina Bonamie, qui est responsable politique du dossier santé à la Fédération, et Lucie Mercier, qui est conseillère syndicale au secteur santé.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie. Je vous rappelle que vous avez une dizaine de minutes pour votre mémoire et, par après, la balance du temps...

Mme Lavallée: C'est ça. On tenait à préciser aussi que vous nous aviez dit qu'on devait partager notre heure de présentation avec l'Ordre des infirmières.

Le Président (M. Joly): L'Ordre des infirmières, c'est ça.

Mme Lavallée: Et on s'est entendu, effectivement, que, nous, on présentait en premier, on pourrait répondre à vos questions et, par après, il y aurait leur présentation.

Le Président (M. Joly): Par après, l'échange sera favorisé entre vous et les parlementaires.

Mme Lavallée: C'est ça.

Le Président (M. Joly): Alors, je vous reconnais, Mme Lavallée.

Mme Lavallée: Bon. Eh bien, d'entrée de jeu, on ne peut que se réjouir de la tenue de cette commission parlementaire que M. le ministre Marc-Yvan Côté avait promise lors de la sortie du livre blanc «Une réforme axée sur le citoyen» qui est sorti en décembre 1991. Il s'agit d'une commission qui est d'autant plus importante qu'elle pourrait faire sortir, en fait, de l'illégalité, bon nombre de thérapeutes qui, à ce jour, ne peuvent exercer leur pratique sans craindre le pire.

Ce n'est pas la première fois que la FIIQ démontre son intérêt, en fait, pour les thérapies alternatives. Il est à se rappeler que nous avons déjà pris position en faveur aussi de la reconnaissance des sages-femmes. De plus, nous travaillons à l'intégration aussi des sages-femmes au réseau de la santé au Québec. Et, à titre d'exemple, on a réalisé, l'automne dernier, une tournée de consultations auprès de nos infirmières qui oeuvrent en périnatalité et en obstétrique dans les centres hospitaliers et dans les CLSC à travers tout le Québec. À cette occasion, les infirmières ont pu se prononcer sur la nature de la collaboration qu'elles souhaitent établir d'ailleurs avec les sages-femmes.

D'une façon plus large, la FIIQ prend position en faveur des thérapies alternatives parce qu'elle considère qu'elles peuvent contribuer à l'amélioration des services de santé à la population et, partant, contribuer à l'amélioration de la santé de chacun et de chacune. En fait, loin de constituer un engouement passager, on considère qu'il s'agit plutôt d'un mouvement social qui est durable et qui correspond à une nouvelle approche de la santé

qui se veut globale, qui se veut intégrale et qui vise à responsabiliser aussi l'individu face à sa santé. Celle-ci s'insère dans la recherche d'un processus qui est dynamique. Bon, est-ce qu'il en a toujours été ainsi?

Je pense qu'on peut répondre à cette question en regardant peut-être la perspective historique dans le secteur de la santé. Celle-ci nous démontre que le triomphe de la médecine allopathique, donc la médecine qu'on connaît, traditionnelle, ou de la médecine officielle sur les autres médecines est vraiment lié à la régression des infections à la fin du XIXe siècle avec l'avènement, bien sûr, des antibiothérapies. Or, l'industrialisation, qui était en plein essor, faisait apparaître, à mesure que régressait la tuberculose, de nouvelles maladies, tant et si bien que le XXe siècle se caractérise par l'importance de maladies qu'on dit plus chroniques, entre autres comme l'arthrite et les maux de dos. On croit le moment venu de réfléchir aussi à la possible cohabitation de la médecine officielle et des médecines traditionnelles ou les médecines alternatives et, à cet égard, les objectifs qui sont énoncés par l'Organisation mondiale de la santé nous apparaissent correspondre à une réalité sociale qui est devenue maintenant incontournable. C'est pourquoi on formule les deux premières recommandations suivantes, qui sont: Que le gouvernement reconnaisse la pertinence des approches traditionnelles en regard de la maladie; que le gouvernement s'engage dans la voie qui favorisera à long terme la fusion de la médecine traditionnelle et de la médecine officielle dans l'optique de la position prise par l'OMS.

Notre troisième recommandation est basée, elle, sur la notion de liberté de choix. Même si la Loi médicale était conforme aux chartes canadienne et québécoise en matière de libertés, il n'en demeure pas moins que, selon nous, cette loi ne correspond plus nécessairement à la réalité sociale du moment, et c'est dans ce sens qu'on recommande que le gouvernement reconnaisse aux citoyennes et aux citoyens la liberté de choix de la thérapie et du thérapeute et, pour ce faire, qu'il lève l'illégalité dont sont l'objet les thérapies et les techniques alternatives et, par le fait même, les praticiens de ces approches alternatives. (9 h 20)

Maintenant, s'il faut reconnaître ces thérapies, le Code des professions détermine présentement cinq critères pour évaluer le caractère professionnel d'un domaine. Ce sont: les connaissances requises pour exercer des activités professionnelles; le degré d'autonomie des membres dans la corporation et la difficulté de porter un jugement pour les gens qui ne possèdent pas cette formation et cette qualification; le caractère personnel des rapports entre le membre et la personne ayant recours à ses services, en raison du lien de confiance qui s'établit entre eux; la gravité du préjudice ou des dommages qui pourraient être subis par les utilisateurs des services et, en dernier lieu, le caractère confidentiel des renseignements qui sont échangés. Donc, c'est à la lumière de ces cinq critères de l'Office des professions que ce même Office a conclu, dans un avis au ministre, que l'homéo- pathie et l'ostéopathie répondent aux cinq critères du Code des professions. De plus, l'acupuncture et la pratique des sages-femmes ont pu faire la même démonstration et c'est pourquoi, à notre avis, ces domaines de pratique doivent être constitués en corporations.

Et, lorsqu'on parle de corporations, quelles sont donc nos intentions? Est-ce qu'on doit aller vers une corporation commune, est-ce qu'on souhaite des corporations indépendantes, un regroupement ou une corporation parapluie? Eh bien, c'est sûr que ces questions se posent. Et, en fonction de l'autonomie, comme, en fin de compte, de la viabilité des thérapies alternatives existantes, on devra se pencher sur cette question et on souhaite que surtout la suite du débat à ce sujet se fasse quant à l'autonomie et la volonté des parties impliquées et suite à un consensus réel de ces parties afin qu'il soit respecté.

Quant aux techniques alternatives, maintenant — parce qu'on a quand même fait la distinction entre les médecines alternatives et les techniques alternatives, donc, qui ne sont pas du même ordre — ça demande une formation qui, à notre avis, est plus limitée. Celles-ci doivent être évaluées sur la base de leur utilité et de leur efficacité. Elles devraient pouvoir être pratiquées tant par des thérapeutes qui ont démontré leurs compétences que par des professionnelles et des professionnels qui ont une formation dans ces domaines. À cet égard, nombre de ces techniques sont utilisées par les infirmières déjà, pour augmenter le confort et le bien-être des bénéficiaires ou bien diminuer ou éviter certaines médications.

Selon nous, un office des techniques alternatives pourrait être créé, dont les fonctions intégreraient notamment la reconnaissance de la compétence, la formation, l'information et la protection du public. Donc, on formule les recommandations qui suivent, qui sont:

Que le gouvernement crée une ou des corporations professionnelles pour les homéopathes, ostéopathes, acupuncteurs et sages-femmes; que le gouvernement crée un office des techniques alternatives afin que puissent être reconnus les thérapeutes, d'une part, et afin d'assurer la protection du public, d'autre part; que cet office des techniques alternatives puisse aussi émettre des permis de pratique aux professionnels qui désirent exercer des techniques particulières et qui sont en mesure de démontrer leur compétence.

Brièvement, à propos de l'information, on souligne, outre le fait qu'on doive informer, bien sûr, largement sur les thérapies alternatives l'ensemble de la population, il revient, à notre avis, aux structures à être mises en place de fournir la documentation qui est destinée au public et aux professionnels de la santé. Cette documentation pourra ensuite circuler dans les établissements du réseau, ce qui, à notre avis, est une très bonne façon de diffuser l'information à travers, déjà, les établissements du réseau de la santé. Dans cette optique, on formule donc la recommandation:

Que le gouvernement utilise les établissements du réseau pour faire connaître les thérapies alternatives qui

doivent être reconnues; que le personnel du réseau ait aussi, bien sûr, une connaissance générale des thérapies et des techniques alternatives pour être en mesure de mieux informer les patients sur les thérapies et les techniques qui sont les plus susceptibles de répondre à leurs besoins de santé et de bien-être.

Quant à l'accessibilité de ces approches, nous croyons que toute médecine alternative reconnue devrait être rendue disponible et gratuite aux clients et clientes des établissements du réseau public de santé au Québec. Leur recours, selon nous, diminuera la médicalisation; elle constitue une approche moins coûteuse aussi que certaines interventions connues de la médecine actuelle. Donc, dans cette optique, on recommande que les médecines alternatives qui ont fait l'objet d'une reconnaissance professionnelle soient disponibles gratuitement dans le réseau de santé public.

Donc, en terminant, nous souhaitons que le gouvernement donne suite à cette consultation publique en reconnaissant de nouvelles et de nouveaux professionnels, d'une part, et en permettant, d'autre part, que soit reconnu un champ d'intervention encore non occupé. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie, Mme Lavallée.

M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président.

Alors, c'est toujours avec grand plaisir qu'on se retrouve dans ce genre d'exercice à échanger sur des moyens qu'on peut mettre à la disposition du public pour davantage humaniser les soins. Je pense que c'est toujours un thème qui est là depuis trois ans et demi; il était là auparavant aussi, il ne faut pas s'en attribuer uniquement le mérite. Ça a commencé, à l'époque, en décembre 1989, par une commission parlementaire sur les sages-femmes et un projet de loi qui a suivi et, depuis ce temps-là, on a tenté d'y aller par la voie douce d'échanges et de négociations pour faire en sorte qu'on puisse implanter des projets-pilotes de sages-femmes au Québec. On s'est, en cours d'exercice, tantôt levé, un bon matin, avec de l'optimisme, en fin de journée il y en avait moins, dépendant des rencontres que nous avions, et il y a eu volonté d'un certain nombre de personnes, y compris du corps médical, de tenter de franchir le cap et d'y arriver. On finit toujours par étirer le temps. Dans le cas des sages-femmes, c'est patent. On aura l'occasion d'en discuter au cours de l'avant-midi avec d'autres intervenants. Une chose est certaine, c'est que, dans ce cas-là, la loi est là, et, pour répondre à votre communiqué, elle sera respectée et elle sera appliquée.

Je ferme ma parenthèse au niveau des sages-femmes pour revenir à une proposition que vous faites, qui est la création d'une corporation pour les homéopathes, ostéopathes, acupuncteurs et on inclut les sages-femmes. Autant en profiter à ce moment-ci. Il y a un courant qui se dégage depuis le début de la commission, qui est le suivant. Je ne dis pas que c'est le courant qui est à retenir, mais qui est un courant assez évident. Des gens sont venus nous dire: Oui, aux thérapies alternatives, en autant que la formation de base soit là, et assez exigeante, merci. Ce courant qui se dégage est celui, sur le plan d'une reconnaissance professionnelle, de l'homéopathie et de l'ostéopathie qui devraient être pratiquées par des gens qui sont d'abord docteurs, de vrais docteurs, et que ces gens-là pourraient pratiquer l'homéopathie et l'ostéopathie. Disons que c'est peut-être le courant un peu plus américain, parce qu'on parfait notre éducation, dans ce genre de commission là. Est-ce que vous êtes — puis je laisse de côté l'acupuncture et les sages-femmes pour me consacrer à ces deux-là, compte tenu du fait que l'Office a aussi progressé passablement à ce niveau-là — de l'avis qu'il faut nécessairement, obligatoirement être un vrai médecin pour pratiquer l'homéopathie et l'ostéopathie?

Mme Lavallée: Eh bien non, notre position ne va pas dans ce sens-là. On pense que la formation et l'approche qui sont utilisées par ces types de médecine sont assez différentes de l'approche et de la formation que connaissent nos médecins de médecine allopathique. Et, dans ce sens-là, on pense que cette formation-là peut être accessible à qui que ce soit qui est intéressé par la santé de la population et à aller chercher une formation spécifique dans ces champs d'intervention là. Donc, pour nous, ça ne devrait pas être un champ qui est réservé exclusivement à des médecins pour avoir accès à cette pratique de ce type de médecine là.

M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, moi, de cette démarche, c'est — là, j'interprète, puis ça m'arrive souvent d'interpréter tout croche, mais on va tenter d'éclairer mes lanternes afin qu'on puisse progresser — qu'il y a, au niveau du corps médical, une volonté d'aller plus loin que la médecine traditionnelle. Et qu'il y ait cette ouverture-là au niveau de l'homéopathie, de l'ostéopathie et d'autres — parce que ce n'est pas limité uniquement à cela, et on l'a vu avec l'association des médecins holistiques du Québec, hier, il y en a quand même un certain nombre — de vouloir ajouter, donc, des compléments à cette formation de base pour tenter d'avoir un respect plus global de la personne me semble être un progrès assez important qui nous permet de franchir un pas dans ces techniques-là. Mais, vous, vous nous dites: Ça peut être cela, mais ça ne doit pas uniquement être cela. Et ça doit être accessible à d'autres personnes...

Mme Lavallée: On se réjouit beaucoup de voir que les médecins ont cette ouverture-là et reconnaissent suffisamment ces approches-là pour pouvoir les intégrer et même faire les traitements des patients au Québec avec ces approches-là au même titre qu'ils reconnaissent quand même les acupuncteurs qui ne sont pas nécessairement des acupuncteurs qui ont une formation médicale. Ils ont même reconnu, en faisant passer les examens, ces dernières années, des gens qui viennent d'autres

écoles qui ne sont pas des écoles médicales, pour pouvoir pratiquer l'acupuncture de façon légale. Donc, ils ont quand même reconnu que ce n'est pas exclusif aux médecins, ces champs d'intervention là. (9 h 30)

On pense, nous, que déjà les gens qui exercent dans le secteur de la santé, que ce soient des physiothé-rapeutes, des infirmières, des gens qui ont déjà une formation médicale, qui connaissent très bien l'aspect biopsychosocial d'un individu et qui sont intéressés par ce type d'approche, peuvent aller se chercher la formation spécifique. Il y a des critères, il devrait y avoir des exigences comme pour avoir accès à toute formation. Et on pense qu'une personne qui vient de sortir aussi des sciences de la santé, au cégep, pourrait très bien être intéressée à aller chercher une formation très spécifique en homéopathie ou ostéopathie et pourrait très bien se...

M. Côté (Charlesbourg): Je trouve votre proposition intéressante, de faire une distinction entre les deux, dans un certain nombre de thérapies alternatives dont les connaissances sont rendues suffisamment loin et qui peuvent démontrer des choses, donc un bien-être, pour éviter et éliminer les charlatans. Je pense que tout le monde souhaite ça pour la protection du public. C'est pour ça que je veux pousser un petit peu plus loin parce que, si ce n'est pas quelqu'un qui a une formation de médecine de base, alors quelle serait, à ce moment-là, la différence entre ceux qui auraient une technique, donc l'Office et la Corporation? Parce que ça doit être assez près. Disons, par exemple, un D.E.C. de base. Qu'est-ce qu'on ajoute, par la suite, pour que des gens en homéopathie puissent être reconnus comme professionnels, alors que d'autres seront reconnus comme des techniciens?

Mme La vallée: O.K. Nous, on a fait la différence entre les techniques alternatives... On compare les techniques alternatives aux outils complémentaires de soins qui est une autre appellation qui est utilisée, entre autres, par l'Ordre des infirmières. On parle d'outils complémentaires de soins pour des exemples comme la massothérapie, la réflexologie, qui, à notre avis, à l'heure actuelle, n'a pas fait ses preuves au même titre que l'ostéopathie, l'homéopathie ou l'acupuncture pour ce qui est d'établir les diagnostics et le traitement d'une maladie. Dans ce sens-là, on les distingue.

Il y aura peut-être lieu, un jour, que ces approches-là puissent faire l'objet de corporations parce qu'elles auront fait la preuve qu'elles sont en mesure de traiter de façon plus globale un individu. À date, on ne pense pas que c'a été fait. Et c'est dans ce sens-là qu'on divise très bien, à l'heure actuelle, qu'il y ait des corporations et qu'on détermine que les approches alternatives, qu'on appelle thérapies alternatives ou médecines alternatives, soient reconnues au sein de corporations. Et, pour ce qui est des massothérapeutes, et il y a presque une centaine de réflexologues — bon, il y a les irrigations du côlon, on peut en mettre — que ça fasse l'objet de techniques alternatives et qu'elles puissent être utilisées, par contre, à l'intérieur du réseau par des gens qui exercent déjà, soit les infirmières, des physiothéra-peutes ou autres, mais que ça puisse être des outils complémentaires de soins à la formation actuelle, déjà, des gens qui oeuvrent dans le réseau.

M. Côté (Charlesbourg): Lorsque vous faites état d'homéopathie, d'ostéopathie, acupuncteurs et sages-femmes, quant à la reconnaissance éventuelle d'une ou de corporations professionnelles, est-ce que c'est limité à ces thérapies-là ou si, dans votre esprit, il y en a d'autres qui pourraient entrer dans ces catégories-là?

Mme Lavallée: À date, nous, on pense qu'on pourrait limiter l'accès à des corporations professionnelles à ces quatres approches alternatives là, comme faisant partie de corporations professionnelles.

M. Côté (Charlesbourg): On me signale qu'il me reste deux minutes. Donc, ça passe très vite. Vous avez évoqué, tantôt, le fait que des infirmières, à l'occasion — je ne sais pas si j'ai bien entendu «à l'occasion» — utilisaient des techniques sur le plan des thérapies alternatives pour soulager le bénéficiaire. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus sur le niveau. Est-ce que c'est bien répandu? On parle de quelles techniques, en règle générale?

Mme Lavallée: Bien, écoutez, il y a beaucoup d'infirmières qui vont chercher de la formation en médecine qu'on appelle «holistique», avec des approches comme la visualisation, le massage, la réflexologie, et qui peuvent l'utiliser à même une friction d'un patient ou le soir, avec les bénéficiaires, pour permettre une meilleure relaxation, pour permettre aux gens de dormir sans avoir nécessairement accès à des somnifères. Donc, ce sont des techniques qui soulagent à la fois la douleur et qui permettent la relaxation mais qui ne font pas de traitement spécifique. C'est de ces techniques complémentaire là de soins qu'on parle à l'heure actuelle.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que c'est très répandu?

Mme Lavallée: Nous, on n'a pas de données statistiques là-dessus. On sait aussi qu'à l'heure actuelle les gens vont les chercher sur des bases volontaires. On ne le sait pas, peut-être qu'au niveau de la Corporation il y aurait peut-être des statistiques à vous présenter là-dessus. En ce qui nous concerne, on n'a pas de relevés statistiques, mais on sait quand même que ça devient de plus en plus répandu. Le nombre exact d'infirmières qui vont chercher l'information dans ce milieu-là est quand même assez important.

M. Côté (Charlesbourg): Je ne peux pas laisser passer...

Le Président (M. Joly): Allez-y, M. le ministre. On débordera sur l'autre.

M. Côté (Charlesbourg): ...la dernière recommandation qui est celle de l'intégration de ces professionnels-là au réseau. Par le fait même, piastres et sous, vous en savez quelque chose, ça signifie plusieurs dollars en termes budgétaires. Est-ce que vous pensez que le système est capable d'autofinancer ça et comment on ferait ça?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lavallée: Surtout comment. Nous, on pense qu'à partir du moment où on considère que ces thérapies-là ont une efficacité certaine sur le bien-être, la santé de la population, on ne voit pas pourquoi elles ne seraient disponibles, donc exclusives, qu'à une partie de la population qui a les moyens de se permettre d'y avoir accès et on pense que ces approches-là sont souvent moins interventionnistes que les approches utilisées dans la médecine qu'on connaît et sûrement moins coûteuses. Elles sont basées aussi sur une approche qui favorise beaucoup la prévention, la prise en charge de la santé par l'individu et, à notre avis, ça rejoint très bien les objectifs que vous avez mis de l'avant dans votre politique de santé qui font en sorte qu'on doit miser davantage sur la prévention. À court terme, il est clair que d'insérer dans le réseau de nouveaux thérapeutes, ça a des coûts, mais, à moyen ou à long terme, je pense — et c'est aussi dans ce cadre-là que vous faites vos planifications — qu'on y serait peut-être gagnant. Ce serait quelque chose qui, à notre avis, serait bénéfique.

M. Côté (Charlesbourg): J'essaie de voir le lien direct des économies, où on va les prendre, parce que je ne doute pas que l'introduction d'un certain nombre de ces thérapies-là va apporter du bien-être aux individus et que ça peut faire en sorte que, sur le plan préventif, des gens aient à subir moins d'interventions plus lourdes.

Mme Lavallée: Mais c'est une diminution directe des coûts de santé, à ce moment-là. Si on évite des chirurgies, par le biais de l'acupuncture ou de l'ostéopathie, c'est des coûts importants du réseau, des frais d'hospitalisation en moins, des frais d'intervention chirurgicale en moins.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais je ne suis pas convaincu que, automatiquement, on va voir apparaître ça comme une diminution dans les budgets des centres hospitaliers ni de la rémunération des médecins. C'est toujours la difficulté, parce que c'est des économies possibles mais qui, sur le plan budgétaire, ne se réalisent pas toujours.

Mme Lavallée: À partir du moment où on considère que c'est essentiel ou que c'est bien pour la santé de la population, on comprend mal, par question d'équité, que, pour l'ensemble de la population, on ne permettrait pas l'insertion de ces médecines-là dans le réseau de la santé. On les reconnaît comme étant efficaces, donc on s'attend à ce qu'elles soient accessibles à l'en- semble de la population, et on sait très bien qu'à l'heure actuelle seuls les gens qui en ont les moyens...

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

Mme Lavallée: ...peuvent se les permettre, ou les gens qui ont très peu de moyens, mais qui grugent des fois sur des budgets d'alimentation, de vêtements ou quoi que ce soit pour être en mesure de se payer de l'acupuncture ou autres. On le sait qu'à l'heure actuelle c'est une réalité au Québec.

M. Côté (Charlesbourg): Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci, M. le Président.

Mme la présidente et mesdames, c'est toujours un plaisir de vous accueillir en commission parlementaire. On a des rendez-vous qui sont périodiques pour examiner un certain nombre de réalités de notre système de santé et l'organisation de la distribution des services en matière de santé et de services sociaux. Comme d'habitude, vous nous arrivez toujours avec des suggestions, oui, rafraîchissantes, surtout eu égard aux questions qui nous sont posées et au secteur d'activité que nous examinons depuis quelques jours parce que vous êtes, je pense, au Québec, non seulement les personnes qui êtes les plus près des personnes qui souffrent et qui sont aux prises avec la maladie quotidiennement, mais aussi vous êtes les spécialistes de la cohabitation. Vous êtes les personnes qui cohabitez depuis le plus grand nombre d'années avec les médecins, en particulier. Et c'est là-dessus que je voudrais d'abord vous interroger parce qu'une commission parlementaire, en tout cas dans mon livre à moi, et je pense bien que c'est le cas de la majorité des parlementaires aussi, ce n'est pas pour regarder en arrière, c'est pour regarder en avant. Qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus pour dispenser de meilleurs services aux citoyens et aux citoyennes du Québec pour la prise en charge au niveau de la santé et du mieux-être de la population? (9 h 40)

Vous dites, au début de votre mémoire: On est rendu à une étape où il faut examiner la possible cohabitation de la médecine officielle et des médecines traditionnelles. Dans le contexte du débat que nous vivons actuellement, non seulement au niveau de la reconnaissance des thérapies alternatives, mais d'une alternative en particulier, les sages-femmes, la possible cohabitation, ce n'est pas évident, ce n'est pas tout à fait évident. Et, comme la Loi médicale du Québec confère indéniablement le monopole à une corporation et à une catégorie de professionnels sur la santé, quels sont les facteurs qui vous amènent à dire qu'il y a une possible cohabitation des thérapies alternatives au Québec avec la médecine officielle? Evidemment, aussi, la question suivante: Quels sont les éléments que nous devons faire

apparaître pour faire devenir réalité cette cohabitation de la médecine dite scientifique avec un certain nombre de thérapies, un certain nombre d'approches, de techniques — on va revenir là-dessus aussi — qui fassent en sorte que ça corresponde davantage aux besoins de la population et qu'on sorte de cette espèce de carcan monopolistique d'un groupe de professionnels qui tiennent, en quelque sorte, le cas échéant, ici, les femmes en otage au plan d'un acte naturel qui s'appelle l'accouchement? Comment on va y arriver et qu'est-ce qui vous fait dire, actuellement, que la cohabitation est possible?

Mme Lavallée: Moi, je pense que la cohabitation est possible. Elle est surtout souhaitable, à l'heure actuelle. Le possible viendra après. Elle est souhaitable dans le sens qu'on considère que les médecines telles que l'acupuncture, l'homéopathie, l'ostéopathie ont déjà fait leurs preuves ailleurs qu'au Québec; et même au Québec, parce qu'on ne peut pas se leurrer, il y a quand même des cliniques qui existent de ce type de médecine là et une bonne proportion de la population y va et est prête, même, à payer pour y aller. Et ça a son efficacité. Donc, à notre avis, il y va du bien-être de la population de pouvoir y avoir accès et de faire en sorte qu'on puisse, comme c'est le cas dans d'autres pays, permettre que ces médecines-là cohabitent sans qu'il y ait nécessairement des chicanes corporatistes entre les différents thérapeutes.

C'est clair que c'est ce qui est souhaitable. Maintenant, pour que ce soit possible, il est clair qu'il va falloir être en mesure de faire des changements à certaines législations qui, à l'heure actuelle, ne permettent qu'aux médecins, entre autres, d'établir des diagnostics et de faire des traitements. Et, bien sûr, si on ouvre la possibilité, on ouvre la porte à d'autres thérapeutes d'être en mesure d'exercer leur profession en étant capables à la fois d'établir des diagnostics et, aussi, de faire des traitements. À l'heure actuelle, il faudra regarder de quelle façon on pourra permettre à d'autres que, actuellement, seulement les médecins, d'avoir accès à ces actes ou à ces exercices-là.

Il est clair qu'à notre avis ça va passer par une législation qui, selon nous, ne devrait pas attendre, qui a suffisamment été attendue, notamment en ce qui concerne les sages-femmes. Je pense que c'est une demande qui est faite de la part de la population, de l'ensemble des femmes au Québec, ce besoin d'avoir des thérapeutes qui les assistent tout au long de leur grossesse et à l'accouchement avec une approche qui est différente de celle de la médecine actuelle. Et, dans ce sens-là, je pense qu'on devrait permettre aux femmes du Québec d'avoir accès à ce type de professionnelles lors du suivi de la grossesse et de l'accouchement, et, effectivement, pour permettre légalement que ça puisse se produire, ce phénomène, il faut modifier les législations actuelles dans ce sens.

M. Trudel: Comment vous situez-vous par rapport au discours actuel à l'intérieur des thérapies alternatives qui se présentent à partir des deux pôles sui- vants... La médecine scientifique, les progrès scientifiques et techniques de la médecine nord-américaine occidentale nous ont permis, au Québec, d'atteindre les plus bas taux de mortalité infantile, un des meilleurs niveaux au monde en termes de réduction du taux de mortalité infantile au Québec. Donc, les progrès techniques et scientifiques nous ont amenés à des résultats, sur le plan de la vie, qui sont assez exceptionnels. Et, compte tenu de cela, pourquoi changer les choses? Pourquoi amener d'autres techniques?

Dans votre secteur d'activité professionnelle, vous avez une formation de niveau supérieur, vous avez une connaissance des phénomènes de la santé, tant aux points de vue social, psychologique que biologique, qui est de niveau supérieur. Mais vous apportez un certain nombre de soins aux personnes avec une dose d'humanisme certaine. Qu'est-ce qui fait qu'actuellement on semble incapable de réconcilier progrès scientifiques et techniques de la médecine officielle avec une humanisation des soins ou des approches, par exemple, à travers cette technique et cette approche — parce que c'est plus qu'une technique — des sages-femmes? Qu'est-ce qui nous a amenés à cette situation-là? Et, encore là, qu'est-ce qu'il va falloir changer pour sortir de ce carcan que «hors du scientifique, point de salut» et «hors du scientifique, point d'humanisme, point d'approche humaniste pour les femmes du Québec en matière d'accouchement», par exemple? Qu'est-ce qui fait qu'on va être capable de sortir de ce cercle-là?

Mme Lavallée: Écoutez, moi, je pense qu'au Québec — il faut être large, je ne me ferai pas d'amis aujourd'hui — il y a un monopole qui existe, un monopole médical, et je pense que la plus grande réticence vient effectivement des médecins, à l'heure actuelle, pour l'avènement et la légalisation d'autres types de médecines. Et, à partir du moment où on veut légaliser ces médecines-là, on veut tenter de se les accaparer au sein du corps médical, je pense qu'il est clair qu'à partir du moment où on a un certain pouvoir, pour ne pas dire un pouvoir certain, on tient à le garder. Et ce n'est pas de gaieté de coeur qu'on laisse se partager une assiette que l'on partage entre nous, gens du corps médical, avec d'autres qui viendraient se greffer. Tantôt, vous faisiez référence à la diminution de la mortalité infantile, et tout ça. Je pense qu'il ne faut pas l'associer qu'au corps médical. Certes, il faut reconnaître aux médecins et à la médecine comme telle l'apport important quant à l'amélioration et l'accroissement de la santé de la population et à certaines diminutions de mortalité infantile, mais ce n'est pas le facteur principal. Je pense que beaucoup d'études démontrent que c'est davantage l'amélioration de la vie en général, l'amélioration des conditions de vie en général, qui a une incidence directe sur la santé de la population, plutôt que de multiplier le nombre d'intervenants avec des approches très scientifiques. Je pense que c'a été démontré aussi par plusieurs sociologues de la santé et même plusieurs médecins, qu'on a tout avantage à intervenir sur les déterminants de la santé pour maintenir une population en santé que

d'accroître le nombre de médecins.

Et je pense qu'on a tout intérêt aussi à voir peut-être s'accroître le nombre de professionnels dans le réseau de la santé qui vont avoir une approche préventive et qui vont être des multiplicateurs ou des formateurs pour que les gens apprennent à se prendre en main et à ne pas être dépendants du corps médical. Et je pense qu'à ce moment-là la population en général y sera gagnante. À la fois, on risque de se retrouver davantage avec une population en meilleure santé et qui se traite avec, souvent, une approche qui est beaucoup moins coûteuse que ce qu'on connaît. Donc, à la fois, les gens préoccupés par les budgets et l'économie pourraient y être gagnants et la population en général aussi, par le maintien ou l'accroissement de leur état de santé.

M. Trudel: Si vous voulez, je conclus parce que j'ai comme l'impression que M. le président va me rappeler à l'ordre.

Le Président (M. Joly): Je n'ai pas d'objection à déborder. Alors, je vais administrer le temps de la façon que vous le jugez, selon l'importance des questions que vous avez.

M. Trudel: J'apprécie votre humanisme, M. le Président, au-delà de la règle stricte qui est appliquée.

Le Président (M. Joly): Vous me connaissez. J'ai toujours été flexible avec la logique.

M. Trudel: Écoutez, c'est parce qu'il y a des éléments qui sont extrêmement intéressants dans ce mémoire. C'est la première fois que nous est présentée cette espèce de gradation dans la reconnaissance des intervenants dans le domaine des thérapies alternatives, en disant: II y a des corporations professionnelles qui devraient être reconnues pour un certain nombre de ces professionnels-là, ostéopathes, homéopathes, etc., mais, pour d'autres, un office des techniques, dans le sens où vous assimilez plus ces interventions à des approches, à des façons d'être, à des façons d'intervenir auprès du public, auprès des Québécois et des Québécoises.

Un des éléments importants, évidemment, de la dynamique générale d'une corporation professionnelle, c'est la protection du public. Bon. Et je pense que vous savez que c'est un lieu commun de dire que le public, en général, il ne se sent pas très, très protégé par la mécanique de la réception et du traitement des plaintes. On peut se conter des histoires entre nous, là, mais, Gravel, de La Presse, disait, il y a 15 jours: II y a à peu près juste les corporations professionnelles qui pensent que les plaintes sont traitées avec équité. Le public, il ne croit pas à ça cinq minutes. Il n'y a pas rien que la justice, il y a aussi l'apparence de la justice. (9 h 50)

Si nous avions un office des techniques alternatives, est-ce que vous pensez qu'il serait possible d'introduire un mécanisme d'accueil et de traitement des plaintes qui soit beaucoup plus externe que ce que nous avons actuellement dans le système des corporations professionnelles? Ce serait beaucoup trop long de rediscuter de la question du traitement des plaintes et des comités de discipline — il y a eu une commission parlementaire là-dessus, d'ailleurs — au niveau des corporations professionnelles, mais je m'attache à l'avenir. Est-ce que vous pensez, donc, que nous pourrions avoir un mécanisme externe de traitement des plaintes, qui ferait appel à des gens de l'extérieur, des techniciens des thérapies concernées, pour recevoir, traiter et donner suite aux plaintes du public? Est-ce que ça vous apparaît possible, ça?

Mme Lavallée: Dans un premier temps, il faut dire que je connais peu comment se fait le traitement des plaintes dans les multiples corporations existantes, mais, de ce que je connais, à l'heure actuelle, la corporation des infirmières semble être une corporation qui traite, de façon très importante, les plaintes qui lui sont acheminées et assume, à mon avis, son rôle de protection du public. Pour ce qui est des autres, ça pourrait peut-être être discutable, d'autres semblent davantage protéger leurs membres que la population.

Mais, pour ce qui est de l'office des techniques alternatives, pour nous, ce serait un office qui pourrait jouer ce rôle de recevoir les plaintes. Il n'est pas exclu qu'on puisse à la fois permettre à ce qu'il y ait des citoyens qui puissent siéger à ces comités-là, pour être en mesure d'avoir un oeil extérieur à celui des professionnels qui oeuvrent dans ces techniques-là, pour être en mesure de recevoir les plaintes, faire les évaluations et imposer, à ce moment-là, les sanctions qui vont s'imposer ou toute autre décision. Non, je pense qu'on a une très grande ouverture à cet effet-là.

M. Trudel: Alors, merci de votre contribution, au nom de l'Opposition, et nous retenons en particulier aussi cette suggestion, que les membres du réseau, les personnels du réseau deviennent des sources d'information sur les thérapies alternatives; c'est une suggestion extrêmement intéressante quant à nous. Merci beaucoup de votre contribution.

Le Président (M. Joly): M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Il y a, à mon point de vue, beaucoup de réalisme dans la présentation et certaines mises en garde quant à l'aventure aussi; du fait qu'on en identifie un certain nombre et qu'on en exclut d'autres, je pense que c'est de la sagesse et c'est ça que ça prend, à ce moment-ci, pour être capable de franchir une étape importante. Et il faut le faire en collaboration avec le corps médical. Je l'ai toujours dit, on passe toujours, à l'occasion, pour des gens qui sont «anti», mais il faut que ça se fasse en collaboration avec le corps médical; ils sont encore ceux qui sont capables aussi de soigner et de soulager. On verra ça, dans la prochaine heure, comment on peut créer cette ouverture, cette alternative, parce que, me dit-on, ce matin, la Corporation professionnelle nous a

envoyé l'alternative! Merci.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup aux gens de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec.

Maintenant, j'invite l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, s'il vous plaît, à bien vouloir prendre place. Bonjour, mesdames. Il me fait plaisir de vous accueillir. Alors, Mme Desrosiers...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Oui, moi-même.

Le Président (M. Joly): ...si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ)

Mme Desrosiers: Certainement, M. le Président. Je suis accompagnée, à ma gauche, par Mme Andrée Duplantie, qui est conseillère en services professionnels, à ma droite immédiate, par Mme Odile Larose, qui est directrice des services professionnels, et par Mme Diane St-Julien, qui est conseillère à l'inspection professionnelle.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie. Alors, nous avons environ une demi-heure ensemble. Alors, vous avez une dizaine de minutes pour votre mémoire et la balance du temps, disons, sera répartie entre les deux formations.

Mme Desrosiers: M. le Président, merci. M. le ministre, membres de la commission, nous vous remercions de l'opportunité que vous nous accordez de pouvoir faire entendre notre point de vue sur un sujet éminemment important parce qu'il concerne, au premier titre, la protection du public.

Alors, d'entrée de jeu, nous signalons qu'il faut aborder la question quand même avec une certaine ouverture d'esprit — tout en reconnaissant les acquis de notre système de santé, peut-être, malgré tout, qu'il présente certaines limites — et qu'il faut aborder la question avec un certain concept de globalité et un certain changement de paradigme. Alors, comme ça a été signalé, le phénomène des pratiques alternatives suscite beaucoup d'engouement au niveau de la population et ça a également gagné la faveur des professionnels, et les infirmières n'ont pas fait exception à la règle au niveau de cet engouement.

Nous avons tout près de 64 000 infirmières membres de l'Ordre des infirmières. Lors d'un sondage que nous avons effectué en 1990, sur 36 000 infirmières qui ont répondu, tout près de 3000 ont déclaré utiliser une ou plusieurs approches alternatives. Donc, nos professionnels sont un groupe important à cet égard.

La relaxation et les massages furent les techniques les plus souvent déclarées lors de ce sondage. En outre, de nombreux écrits et des recherches cliniques sur le sujet témoignent de l'intérêt particulier des infirmières pour ces approches.

C'est un peu dans cette perspective que déjà, dès 1987, l'Ordre des infirmières prenait position en regard de certaines approches complémentaires de soins que nous avions appelées à l'époque «des outils complémentaires de soins». Nous profitons donc de l'occasion aujourd'hui pour réitérer notre position à l'effet que le toucher thérapeutique, les techniques de massage, les techniques de relaxation, les techniques de visualisation, le biofeedback sont des outils complémentaires de soins que les infirmières peuvent décider d'utiliser de façon autonome, quel que soit leur lieu de travail et compte tenu de leur formation.

Vous savez que l'approche holistique de la santé et les valeurs qu'elle sous-tend, ce n'est pas quelque chose de nouveau pour les infirmières. L'infirmière n'aborde jamais un problème de santé de façon isolée ou selon une seule dimension. À la fois scientifique et humaniste dans son approche, l'infirmière reconnaît le bien-fondé et les limites inhérentes aux diverses pratiques des soins traditionnels et non traditionnels qui permettent de promouvoir et préserver le mieux-être des personnes.

Par exemple, il n'y a pas une seule façon de soulager la douleur ni un seul moyen de favoriser la détente au sommeil ni encore une seule ligne de conduite pour gérer le stress ou l'anxiété. Plusieurs moyens peuvent être envisagés. Alors, le défi, pour l'infirmière, c'est d'aider la personne à choisir le moyen qui corresponde le mieux à ses aspirations, ses valeurs, sa culture, son mode de vie.

À l'hôpital Saint-Luc, par exemple, de Montréal, sur le département de désintoxication, les infirmières utilisent diverses approches de relaxation pour pallier à la souffrance physique et morale qu'engendre le sevrage des drogues. Les résultats sont concluants. On note une baisse importante; une diminution de la prise de médicaments, un meilleur contrôle de la douleur, un sommeil plus paisible, bref une meilleure prise en charge de la santé.

J'ai un autre exemple. À l'hôpital de Drummondville, sur une unité de soins palliatifs, les infirmières utilisent depuis plusieurs années le massage réflexe des pieds pour contrôler les nausées et susciter la détente.

Un autre exemple. Au CLSC dans la région de Lanaudière, les personnes qui sont aux prises avec de graves problèmes d'insomnie et de dépendance médicamenteuse ont réussi, à l'aide d'une infirmière, à résoudre leurs problèmes grâce à l'utilisation du massage, de la relaxation et de la visualisation. Voilà plusieurs exemples.

Alors, en matière de protection du public, les infirmières, les professionnels, en particulier les infirmières mais également l'ensemble des professionnels qui utilisent des pratiques complémentaires, sont déjà sujets aux mécanismes de contrôle des corporations et il nous apparaît, à notre avis, que la protection du public est bien entre bonnes mains quand les professionnels utilisent ces techniques-là. Il ne nous apparaît pas nécessaire

de créer de nouveaux mécanismes de contrôle pour ces professionnels concernés.

Alors, on fait un cas particulier, malgré tout, de l'homéopathie et de l'ostéopathie. Ces domaines mériteraient vraiment une analyse plus poussée étant donné le cadre de connaissances plus élaborées qu'ils requièrent et également une possibilité de certains préjudices. Alors, il nous apparaît prématuré aujourd'hui de se prononcer de façon définitive sur les mécanismes de reconnaissance, mais, d'emblée, nous vous disons que nous ne sommes pas d'accord avec la recommandation de l'Office des professions qui serait à l'effet de réserver ces titres-là à l'usage strictement des médecins, par exemple, des pharmaciens, dentistes, vétérinaires. Nous avons des infirmières homéopathes ou ostéopathes et il faudrait aller plus vers une modalité de titres réservés selon certains règlements dont on pourrait convenir avec l'Office des professions.

Par ailleurs, pour ce qui est de tous les non-professionnels de la santé, l'Ordre recommande de ne pas créer de nouvelles corporations professionnelles pour régir les praticiens qui, à notre avis, offrent des services de mieux-être à la population. On ne pense pas non plus que ce soit nécessaire de les assujettir au contrôle et à la surveillance de corporations existantes. On pense qu'il y a déjà suffisamment de corporations professionnelles au Québec, pour ne pas dire qu'il y en a peut-être même trop. Alors, le fait de constituer de nouvelles corporations, ça pourrait augmenter de façon indue la fragmentation des soins, le cloisonnement des services et semer la confusion dans la différence entre les praticiens déjà professionnels et ceux qui sont non professionnels. (10 heures)

On pense qu'il faudrait instaurer, pour les non-professionnels de la santé, un programme d'enregistrement pour régir le commerce des services de mieux-être et de modifier en conséquence la Loi sur la protection du consommateur. La population qui désirerait consulter ces praticiens mérite que des mécanismes lui assurent malgré tout un minimum d'encadrement quant à la vente de ces services et la qualité des soins offerts. Alors, à l'instar du Bureau d'éthique commerciale et, par exemple, de l'Association pour la protection des automobilistes qui fournissent des renseignements sur les commerçants, l'Office de la protection du consommateur pourrait établir un fichier de renseignements sur les pratiques de mieux-être et sur ces praticiens et déterminer des modes de règlement des litiges ou des règles de conduite, comme il le fait pour d'autres secteurs d'activité.

Alors, concernant l'assiette de services assurés, l'Ordre recommande, dans le réseau public actuellement, de laisser les professionnels qui sont déjà en place utiliser de façon autonome des outils complémentaires de soins, tout en respectant les principes en matière de gestion et d'organisation des centres de santé et en tenant compte des ressources disponibles et des objectifs poursuivis. Écoutez, il n'en coûte pas plus cher à l'État lorsque, dans un centre hospitalier, les infirmières intègrent à leur pratique les exercices ou les outils complé- mentaires dont j'ai parlé précédemment. Les infirmières, par exemple, sur une unité de médecine-chirurgie qui utilise le massage réflexe pour susciter les mictions spontanées, par exemple — je rentre dans certaines technicalités — lorsqu'on retire une sonde vésicale, ça donne des résultats positifs et ça ne coûte pas plus cher à l'État. Par ailleurs, dans les centres d'hébergement qui sont d'abord et avant tout un milieu de vie pour les personnes âgées ou qui souffrent d'affection chronique, on pense que déjà dans le moment ils assument les coûts pour certains services, que ce soit d'esthétique, de coiffure. Alors, dans ces milieux de vie, les centres d'hébergement devraient faciliter l'accès aux résidents à certains types de services, s'ils veulent avoir leurs propres acupuncteurs ou leurs propres massothérapeutes, en autant qu'ils en assumeraient les coûts.

Enfin, il nous apparaîtrait intéressant, dans les centres de santé, de procéder non pas à des projets-pilotes, mais bien à des projets de recherche evaluative ou à des essais cliniques contrôlés avec les professionnels en place. On pense qu'au sein de ces projets on pourrait intégrer, au sein des équipes multidisciplinaires, des massothérapeutes, des acupuncteurs, des ostéopathes, pour faire des essais cliniques contrôlés.

Alors, en conclusion, Mme la Présidente, membres de la commission, il nous apparaît que, de manière générale, les thérapies dites alternatives devraient davantage être considérées comme des pratiques complémentaires de soins que les professionnels peuvent utiliser pour améliorer la santé et la qualité de vie de la population. Et, à notre avis, il ne s'agit plus d'opposer diverses thérapies ou pratiques à la médecine, ni de les comparer, mais bien de saisir leurs aspects complémentaires et leurs limites respectives. Il nous semble qu'en continuant à mettre l'accent sur l'aspect alternatif — quand on parle d'alternative, ça veut dire en lieu et place de — on pense qu'on fausse le débat dès le départ et qu'on crée d'emblée un climat de confrontation inutile qui ne sert pas de façon positive l'évolution des pratiques au sein du système de santé.

Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci, Mme Desrosiers. Vous êtes bien arrivée dans votre temps.

Alors, je cède la parole à M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci bien. Tout d'abord, vous me permettrez très certainement comme, si je ne m'abuse, c'est la première présence de Mme Desrosiers à titre de présidente depuis son élection, de la féliciter pour son élection...

Mme Desrosiers: Merci.

M. Côté (Charlesbourg): ...et de vous souhaiter la bienvenue dans notre club public. Comment?

M. Trudel: Achetez vos tickets, ça en prend plusieurs.

M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha! Statistique intéressante qui a une base très réaliste, au-delà de 30 000 infirmières et infirmiers répondent à un questionnaire; au-delà de 3000 sont en contact avec des thérapies alternatives. On va finir par s'ajuster, peut-être des thérapies complémentaires, si on veut s'ajuster au langage que vous souhaitez. Donc, 3000, c'est beaucoup de personnes. Beaucoup, beaucoup de personnes. Qu'est-ce que vous tirez d'autre comme enseignement de cette recherche? Parce que c'était un sondage-recherche, ça permettait de mieux éclairer sur ce qui se passe en réalité et peut-être aussi de savoir ce que des bénéficiaires souhaitent. Qu'est-ce qu'on retire d'autre de cette enquête au niveau de la présence... Est-ce qu'on retrouve ça davantage dans des milieux hospitaliers — puisque vous sentez le besoin, dans votre mémoire, de parler de mieux-être et j'y reviendrai tantôt — par rapport aux soins au niveau des centres hospitaliers de soins de longue durée ou de centres d'accueil? Est-ce qu'on retrouve davantage la présence dans des centres hospitaliers, en termes de réponse?

Mme Desrosiers: Ah oui! Bien, écoutez, la très grande majorité de nos infirmières pratiquent d'abord en milieu institutionnel, alors les statistiques vont dans le même sens. Disons, dans ce sondage-là, il y en avait au-dessus de 1150 qui disaient utiliser ces techniques-là principalement en milieu hospitalier, mais on en avait quand même 842 qui avaient déclaré l'utiliser en pratique privée. Par contre, quand on parle de pratique privée, celles qui sont enregistrées à l'inscription au tableau, on en a un maximum de 250 qui ne font que ça en cabinet privé, c'est-à-dire qui ont des cabinets privés et qui ne font que de la pratique privée.

Alors, on avait un petit problème de concordance des chiffres, alors probablement que certaines infirmières, qui n'ont pas nommément de cabinet privé, peut-être à temps partiel pratiquent, dans des cliniques de centres de santé, certaines approches alternatives. Mais elles les utilisent, il faut quand même le signaler, principalement en milieu hospitalier, tel que je l'ai signalé tantôt, à titre complémentaire de soins.

M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est qu'au-delà du vocabulaire, alternatif ou complémentaire, le bénéficiaire, lui, il voit une amélioration de son bien-être. Alors, bien sûr qu'en cours de route, avant d'y arriver, on peut bien se chicaner pendant longtemps sur les termes, mais, comme on fait ça pour le citoyen, le citoyen en arrive à conclure que ça lui procure un bien-être. Je suis profondément convaincu que, sur le plan des médecins, ils pensent la même chose, parce que, de plus en plus, sur un certain nombre de médecines alternatives ou complémentaires, probablement qu'eux parleront davantage de complémentaires, ce qu'on a eu hier, ça procure du bien-être à des individus.

Mais, au niveau de l'Ordre, comme vous êtes chargés de protéger le public et que vous avez commencé par ça, en termes de présentation, donc protection du public, quels sont les mécanismes que vous avez en place pour vous assurer que ceux et celles qui pratiquent cette complémentarité puissent le faire en toute protection du public? Est-ce qu'il y a des mécanismes qui sont en place?

Mme Desrosiers: Oui, effectivement, il y a les mécanismes déjà actuels de notre corporation. Alors, nous avons un code de déontologie qui fait en sorte qu'une infirmière, avant d'utiliser quelque technique que Ce soit, que ce soit une technique plus traditionnelle ou une technique nouvelle... Vous savez comme moi, c'est vrai pour toutes les corporations, je ne vous dis pas qu'à tous les jours il s'invente un nouveau moyen, mais on en teste, les pratiques évoluent. Alors, une infirmière, avant d'offrir à un patient un massage réflexe des pieds pour soulager sa nausée ou un problème quelconque, doit, en vertu de notre code de déontologie, avoir les connaissances nécessaires. Donc, elle ne pourrait pas l'utiliser sans effectivement être allée chercher un programme de formation complémentaire.

Par ailleurs, c'est sans préjudice. Il faut comprendre quand même que ces techniques-là sont sans préjudice: au mieux, ça fait du bien; au pire, ça ne fait rien. Mais il demeure quand même que les infirmières sont suffisamment professionnelles pour les utiliser de façon judicieuse et selon les règles de l'art.

Bon! En pratique privée, la situation se pose différemment. Nous sommes en train de terminer un protocole de visite des infirmières en pratique privée et, là, ce sera sujet à des règles particulières. Si ça vous intéresse, je pourrai demander à Mme St-Julien de vous en parler de façon particulière, mais nous procédons, comme toutes les corporations professionnelles, avec des règles très strictes en vertu du Code des professions et de notre loi particulière au niveau de l'inspection.

Par ailleurs, je vous dis, les règles, on a un petit problème parce que toute infirmière en pratique privée qui exerce d'abord les soins infirmiers, la profession d'infirmière, et qui, en plus, utilise certaines pratiques dites complémentaires est malgré tout susceptible, éventuellement, de poursuites pour exercice illégal — vous le savez comme moi — de la médecine, par exemple. On a eu un cas d'infirmière. Vous allez dire que ce n'est pas beaucoup, mais, quand même, c'est parce qu'à un moment donné, en pratique privée, il peut toujours se développer des zones grises, où commence l'identification du problème de santé et où commence le diagnostic médical. Alors, là, c'est...

M. Côté (Charlesbourg): Votre expertise m'ap-paraît très importante, et de la faire connaître au public à ce moment-ci, parce qu'on se dit toujours que c'est une question de connaissances — vous le dites vous-même dans votre code — et d'aptitudes, et on parle beaucoup de formation. Donc, ce qu'on souhaite, c'est que les gens qui pratiquent ces thérapies aient la connaissance et la formation qu'il faut pour le faire, le but ultime étant la protection du public. On est donc dans une situation, ici, où des gens, chez vous, pratiquent des techniques qui procurent du mieux-être, si je

veux bien suivre la distinction que vous faites entre mieux-être et soins. J'aimerais peut-être vous entendre vous-même davantage encore sur la distinction très nette entre soins et mieux-être que vous évoquez au niveau du mémoire, parce qu'elle semble être la base de ce qui est professionnel ou pourrait, éventuellement, être professionnel par rapport à des techniques qui, elles, relèveraient davantage, ai-je compris, de la protection du consommateur. (10 h 10)

Mme Desrosiers: Oui. À vrai dire, on est parti du point de vue que, quand une professionnelle de la santé exerce — en ce qui nous concerne, nous, notre champ d'exercice, ce sont les soins infirmiers — elle exerce à l'intérieur de son champ d'exercice et elle peut utiliser, en fait, toutes les connaissances qu'elle a apprises dans le cadre de sa formation de base d'infirmière. On a des infirmières qui ont jusqu'à des Ph.D. Alors, vous comprenez qu'on a un large éventail d'infirmières, mais qui, de la formation de base jusqu'à des formations très poussées, ont toutes les connaissances professionnelles qu'il faut pour élargir et aller chercher ce qu'on appelle des outils complémentaires qu'on qualifie de soins parce que, quand elles les utilisent en tant qu'infirmières, c'est en prolongement de leur pratique infirmière.

Pour les autres, qui ne sont pas des professionnels de la santé et qui ouvrent un cabinet strictement de massage — ils ne font pas de soins infirmiers, ils font du massage, ils ne font que ça — à ce moment-là, on vous dit que c'est une vente de services, de mieux-être qu'ils offrent à la population, la possibilité d'avoir des massages, ou telle ou telle autre pratique. À ce moment-là, ça ne nous apparaît pas des pratiques complémentaires de soins, mais strictement une vente de services de mieux-être auxquels la population peut avoir accès directement. Et, à ce moment-là, le préjudice, il est moins... Vous parlez de connaissances. Si vous allez vous faire faire un massage puis que vous ne vous sentez pas relaxé après, le préjudice, il n'est pas très grand. Une autre fois, vous irez en voir un autre. Enfin, il n'y a pas de préjudice de santé. Mais, quand une professionnelle de la santé s'identifie comme infirmière, elle doit, à ce moment-là, utiliser toutes les règles de l'art de sa profession et utiliser de façon judicieuse des outils complémentaires.

M. Côté (Charlesbourg): On me signale déjà que mon temps s'écoule et s'en va. Hier, j'ai tenté de faire passer un message en disant que je trouvais qu'on en mettait pas mal large sur le dos de la protection du consommateur. Lorsqu'on dit: Transférons à la protection du consommateur... Certains ont pris l'exemple d'un électricien...

Mme Desrosiers: Excusez. D'un électricien? Bon.

M. Côté (Charlesbourg): Un électricien, ça a un permis et c'est soumis à un code, un certain code. Et, dans la mesure où il va à rencontre du code ou du contrat, il y a toujours possibilité de faire une plainte à la protection du consommateur qui, elle, doit analyser, enquêter, et ainsi de suite. Je me suis inquiété un peu d'une responsabilité additionnelle à l'Office de la protection du consommateur. Je ne suis pas parfaitement convaincu qu'il a tout ce qu'il faut pour reconnaître les compétences — parce que ça va nécessairement prendre des compétences — pour les connaître, la surveillance puis faire les enquêtes. Est-ce que vous ne trouvez pas, dans ce transfert de responsabilités à l'Office de la protection du consommateur, qu'on lui en met pas mal sur le dos?

Mme Desrosiers: Ce n'est pas tout à fait notre optique. Ce qu'on vous dit, c'est qu'il pourrait y avoir une réglementation quelconque au niveau de l'Office plus en termes, par exemple, de réglementer la publici té. Est-ce que quelqu'un peut ouvrir un cabinet et afficher grand comme ça: Traitement de... Vous savez, il pourrait y avoir une réglementation en termes d'affichage, de publicité, de... Justement, vous parliez de charlatanisme dans une présentation précédente. C'est plus en termes de réglementation de la vente de ces services-là et sûrement pas pour se substituer à un mécanisme d'inspection qui...

M. Côté (Charlesbourg): Mais, à ce moment-là, qui le ferait? Parce que là, on est dans le niveau de l'information, donc de l'information du public pour souhaiter que celui qui s'affiche et qui offre ses services ait au moins le minimum requis pour offrir des services.

Mme Desrosiers: Écoutez...

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je m'excuse, M. le ministre, ça serait en conclusion. Allez-y.

Mme Desrosiers: Bien écoutez, c'est parce que, dès qu'on commence à présumer qu'il y a un minimum requis pour offrir des services, c'est qu'on sous-entend qu'il y a un préjudice. Alors, le préjudice, il peut être à caractère de santé ou un préjudice à caractère économique. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'excluant le cas particulier de l'homéopathie et de l'ostéopathie, selon les études de l'Office des professions et selon nos propres recherches, il n'y a pas de préjudice de santé. Alors, écoutez, il ne faut quand même pas s'embarquer dans de l'inspection puis est-ce que ça prend 45 heures avant d'être capable de donner un massage ou 500, et ceci et cela. Ce sont les lois du marché qui vont jouer. Mais il pourrait y avoir, malgré tout, une certaine réglementation, comme pour toutes sortes d'autres ventes. Par exemple, tous les commerces qui existent au Québec sont régis par certaines réglementations. Ce serait plus de la nature d'une réglementation sur la vente de services. J'imagine qu'en termes de litige sur les préjudices économiques il pourrait y avoir un système plutôt d'enregistrement de plaintes, de telle sorte que, si un consommateur veut se plaindre, ce n'est pas tellement en termes de préjudice de santé mais plus en termes de pratique commerciale.

M. Côté (Charlesbourg): Je conclus là-dessus, Mme la Présidente. Je ne suis pas sûr, je ne suis pas sûr du tout du jugement de l'Office sur certaines thérapies alternatives qui, au mieux, peuvent procurer du bien-être, puis, au pire, rien. Il y a la consommation de certaines plantes qui peut avoir des conséquences au niveau de certains individus. Et ça, je me rappelle, l'Ordre des pharmaciens nous avait fait état de cela au moment où on a eu notre commission parlementaire. Alors, c'est un petit peu pour ça que je questionne, au niveau de l'Office. On va continuer avec les groupes qui viennent. Comme l'Ordre des pharmaciens vient ultérieurement, on va tenter de fouiller un petit peu plus à ce niveau-là. Parce que, si on était dans une situation uniquement de bien-être ajouté...

Mme Desrosiers: Je vous dirais là-dessus, M. le ministre, que les pharmacies sont pleines de médicaments dangereux et probablement beaucoup plus dangereux que les plantes. Ils sont en vente libre. Alors, vous voyez qu'on peut rentrer dans un débat assez complet.

M. Côté (Charlesbourg): Non. Je ne veux pas opposer là médecine chimique par rapport aux plantes. Je suis convaincu de tout ça parce qu'il y a aussi des plantes qui peuvent procurer du bien-être. Je pense qu'on a un pharmacien à côté de nous.

Mme Desrosiers: II y a des choses dangereuses qui sont en vente libre. Prenez les salons de bronzage, par exemple. Alors, quand on commence là-dessus...

M. Côté (Charlesbourg): Ça va. Merci.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci beaucoup.

J'invite le critique de l'Opposition.

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente.

Bienvenue, Mme Desrosiers. Bravo aussi pour votre élection à la direction de l'Ordre. Je suis convaincu, uniquement avec ce qu'on vient d'entendre, que vous allez avoir une carrière aussi longue que Mme Pelland, ce qui n'est pas peu dire, et je souhaite que vous ayez une longue carrière, effectivement, à la direction de l'Ordre des infirmières.

Ça se complète, effectivement, votre présentation, avec ce que les infirmières nous disaient, il y a quelques moments, au niveau du syndicat, au niveau du regroupement, de l'association, c'est-à-dire que vous placez les choses dans une certaine relativité en disant: II ne faut pas dramatiser avec cela; en matière de thérapies alternatives, on est plus en matière d'approche de techniques d'amélioration du bien-être. Et vous vous rapprochez de la partie de l'avis de l'Office des professions qui dit: Bon, comme il n'y a rien de dangereux pour le public en général là-dedans, eh bien, allons-y doucement aussi sur la bureaucratie et sur l'environnement de contrôle. Demeurons dans le doux et demeurons dans l'alternatif. Et vous dites, à cet égard-là... et moi je veux question- ner un peu, quand même, sur toute la mécanique — vous avez employé — de l'enregistrement. Alors, vous disiez, tantôt, dans votre présentation: Donc, on n'invente pas une nouvelle corporation professionnelle, on ne soumet pas ces thérapeutes, ces praticiens à l'énorme mécanique du contrôle professionnel, au sens des corporations professionnelles. Cependant, mettons au point une approche d'enregistrement. Comment ça se passerait, là, très concrètement, de dire: À partir du moment où on reconnaît les thérapies alternatives, la reconnaissance, elle passe par un mécanisme d'enregistrement? Comment ça va se passer concrètement, cette phase-là? (10 h 20)

Mme Desrosiers: Bien, je vais revenir sur ce que j'exposais à M. le ministre, tantôt. À vrai dire, on a vraiment scindé notre présentation à partir de... On fait deux classes, la distinction suivante: Pour ceux qui sont non professionnels de la santé et qui pratiquent, pour les sortir de l'underground, si vous voulez, qu'ils aient un peu une place au soleil, il pourrait y avoir un mécanisme d'enregistrement sujet à la Loi sur la protection du consommateur. En fait, de vendre le service, ça pourrait être réglementé en termes de pratique commerciale. C'est ce qu'on dit. On ne parle pas de reconnaissance professionnelle aucune, là. Je me trouve à réitérer ce que je disais tantôt.

Pour ce qui est des professionnels de la santé qui veulent utiliser ou pratiquer de façon particulière ou, à la limite, qui voudraient, en cabinet privé, pratiquer de façon particulière une approche alternative de façon presque continuelle ou, enfin, à temps complet, on dit qu'ils sont sujets déjà à tous les mécanismes de surveillance de leur propre corporation. À ce moment-là, on pense que c'est suffisant, à l'exception, peut-être, de l'homéopathie et l'ostéopathie qui exigent un cadre de connaissances très particulier, beaucoup plus développé et pour lesquelles il faudrait peut-être envisager l'émission de titres réservés qui pourraient être émis selon des règles qu'il resterait à définir, parce que, vraiment, on amorce la discussion là-dessus. Alors, une infirmière qui voudrait, en plus, utiliser un titre d'homéopathe, par exemple, selon des règles qui auraient été édictées par l'Office de professions, par exemple, un minimum de tant d'heures de formation dans telle école reconnue, ceci, ceci, cela, pourrait obtenir le titre qui serait émis par sa propre corporation, cependant, et elle serait sujette à toutes les règles de contrôle de la corporation.

M. Trudel: Mais, au niveau d'un possible mécanisme d'enregistrement, est-ce que tout cela serait accompagné de normes, c'est-à-dire que pourrait s'enregistrer, par exemple, moi, je ne le sais pas, comme «phytothérapiste», celui ou celle qui a un tel niveau de formation en phytothérapie? Est-ce que c'est ça...

Mme Desrosiers: Non. Parce que, dès que vous commencez...

M. Trudel: Non?

Mme Desrosiers: ...par ça, vous entrez dans des mécanismes de quasi-reconnaissance professionnelle. Nous autres, c'était strictement d'envisager une réglementation des pratiques commerciales dans ce secteur-là, notamment pour que, à la limite, il puisse, par exemple en matière de publicité, annoncer «phytothérapeute»; il pourrait y avoir une définition de ce que c'est, que ça soit réglementé. À ce moment-là, il ne pourrait qu'annoncer «phytothérapeute» et non pas «traitement de la douleur de ci, traitement de ça» et laisser prétendre qu'il traite de façon équivalente ou alternative à la médecine. Ce serait plutôt ça, c'est plus un encadrement de cette nature-là auquel on pense pour ce qu'on appelle des pratiques de mieux-être et qui... Finalement, il faut pas faire des demi-reconnaissances professionnelles ou des demi-mesures là-dedans. Vous savez, le Code des professions est très bien balisé. Il y a des critères de préjudice pour la santé de la population qui peuvent mériter d'aller vers une reconnaissance professionnelle et, là, il n'y a plus de demi-mesures, c'est tout le mécanisme de discipline, d'inspection, d'émission du titre, de conditions supplémentaires; c'est un mécanisme complexe et très lourd.

M. Trudel: Cependant, plusieurs, ici, nous ont soumis que, ne serait-ce que l'utilisation, par exemple, des «pathes» et des «peutes», naturopathes, les suffixes, thérapeute, et «pathie», sont déjà de nature à donner une indication au public. À cet égard-là, il y a une carence certaine au plan de l'information auprès du public. D'abord, est-ce que l'État devrait se soucier de cette question de l'information à propos des thérapies alternatives pour le grand public? Et, si oui, quel serait le moyen, je dirais, le plus léger, par définition le moins lourd, par lequel on devrait aborder cette définition, cette information nécessaire au public? Parce que, écoutez, il en apparaît quasiment à tous les matins, je dirais, de ces nouvelles approches et, loin de moi, évidemment, de porter un jugement ou de vouloir porter un jugement, de prétendre avoir la capacité de porter un jugement sur l'une ou l'autre des approches, mais il faut qu'en quelque part il y ait une source d'information sur ces nouvelles approches. Ce serait quoi, le moyen que nous devrions utiliser?

Mme Desrosiers: Ça revient à ce que je disais tantôt. Premièrement, il faut présumer que la population a quand même un certain jugement éclairé. Alors, en partant, ils vont à un cabinet de massage ou ils vont essayer des plantes; si ça ne donne absolument rien, ils n'en rachèteront plus. Vous savez, déjà, il y a ça.

Par ailleurs, de manière générale, nous autres, on a exposé dans notre mémoire — et je reviens encore à la réglementation quant à la publicité — effectivement, peut-être que la publicité dans le domaine de certaines thérapies alternatives devrait exclure la possibilité — c'est un exemple — de l'usage du terme «thérapeute», parce que, effectivement, ça crée un biais et c'est là qu'on pense que l'Office de la protection du consommateur doit réglementer. Éventuellement, il pourrait y avoir certains renseignements pour informer la population qui seraient donnés là, comme ils le font pour toutes sortes d'autres ventes de services. Ils donnent accès à des dépliants, ils ont un magazine. Enfin, vous savez, il y a déjà des mécanismes là-dessus qui sont prévus, et qu'ils les élargissent à ce secteur-là, évidemment, peut-être avec une recommandation du ministère de la Santé quant au balisage au niveau de la terminologie, évidemment, parce que le «know-how» n'est peut-être pas de ce côté-là.

M. Trudel: Je termine en essayant d'examiner toute la question de la pratique en établissement. Bon, vous dites: Somme toute, on n'a pas trop de problèmes du côté des soins infirmiers, du côté des infirmiers et des infirmières, à faire un certain nombre d'interventions auprès des usagers qui sont en établissement. On a d'ailleurs des mécaniques et des mécanismes à l'intérieur de la Corporation pour regarder cela.

Mais, pour l'usager et l'usagère qui veulent obtenir ce service, disons, de l'externe, se procurer ce service lorsqu'on est en établissement, et là je ne parle pas de la rémunération et de toute la question du fric là-dedans, mais se procurer ce service externe à l'établissement, est-ce que ça vous apparaît quelque chose qu'il va falloir aussi favoriser dans les années à venir? Et quels seraient les mécanismes d'encadrement pour permettre l'utilisation de ces services de source externe et non pas du personnel du réseau, de quelque catégorie que ce soit? Et même encore là, par le biais de cette question, si vous voulez nous faire quelques observations sur les services qui sont procurés par l'interne quand ils sont chez vous, quand ils sont procurés par des membres, ils sont donnés par des membres chez vous. Ça ne semble pas, encore une fois, poser de très grands problèmes. Mais, si d'autres catégories de personnel voulaient donner des soins complémentaires, comment on va encadrer tout ça, la thérapie alternative ou l'approche alternative en établissement de source externe ou de source interne par les catégories de personnel?

Mme Desrosiers: C'est une très bonne question. C'est une question qui serait assez longue à répondre. C'est qu'il faut quand même... Ça dépend si vous émettez l'hypothèse qu'on change les règles du jeu quant à la mission des centres hospitaliers. Cette mission-là est déjà campée, déjà extrêmement balisée, et réfère d'abord et avant tout aux traitements médicaux autour desquels gravitent également les professionnels de la santé. Nous, nous utilisons des approches alternatives dans le cadre de notre exercice infirmier à nous, en lieu et place d'une technique qui serait plus traditionnelle. Donc, ça ne pose pas de problème. On est déjà là. On soigne. Tel patient est nauséeux. Je me suis intéressée depuis plusieurs années au massage réflexe. Je lui offre: Monsieur, plutôt que de vous donner tel médicament qui est prescrit au besoin... Il dit: Oui. On utilise la technique et il est soulagé. Bravo! Alors là, nous autres, c'est vraiment en prolongement de notre exercice et ça peut être pareil pour des physiothérapeutes ou d'autres pro-

fessionnels.

Si vous concevez qu'on n'a pas présumé que les règles du jeu du secteur de soins aigus seraient changées, il nous apparaîtrait difficile, à l'intérieur des règles actuelles de la mission hospitalière, d'aller vers des... L'accès, par exemple, à un acupuncteur, vous voyez très bien que le patient est admis dans un hôpital au nom d'un médecin traitant. Il dirait: M. le médecin, voyez-vous, pour deux jours, je préférerais ne plus avoir accès à vos services et je préférerais un acupuncteur à la place. Alors là, ça changerait complètement l'économie générale du système, les règles du jeu. (10 h 30)

Alors, nous ne les avons pas remises en cause et nous vous disons qu'à l'intérieur des règles du jeu actuelles ce ne serait pas possible. Par ailleurs, pour les patients hospitalisés en soins à long terme, qui est un milieu d'hébergement, qui est un milieu de vie, déjà, ils se procurent à leurs frais les services d'esthétique ou toutes sortes d'autres services et on pense que, lorsqu'un patient demande à avoir accès à un massothérapeute, il devrait avoir accès à ces services-là. Donc, on met plus en cause l'accessibilité en soins de longue durée. Finalement, en CLSC, il y a déjà une intégration qui est faite de certaines thérapies alternatives, compte tenu du fait qu'il n'y a pas de médecin traitant et que ça ne met pas en cause le leadership médical.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je dois vous interrompre. Merci, M. le député de Rouyn-No-randa—Témiscamingue.

Et merci à l'Ordre, au nom de ma formation, au nom de la commission et des deux partis. Je vous invite maintenant à vous retirer.

Maintenant, j'invite la Corporation professionnelle des médecins du Québec à se présenter devant nous. J'invite le porte-parole à s'identifier.

Corporation professionnelle des médecins du Québec

M. Folot (François): Merci. Comme le disait si bien le ministre tantôt, nous sommes l'alternative. François Folot, avocat. Je vais vous faire part de la position de la Corporation professionnelle des médecins du Québec. Je suis accompagné du Dr Jacques Frenette, qui est professeur titulaire de médecine familiale à l'Université Laval; il travaille à l'urgence et à l'unité de médecine familiale à l'hôpital Laval, de Sainte-Foy; il est membre du jury de l'examen de la CPMQ quant à l'obtention du permis d'exercice en médecine familiale.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Avant que vous débutiez, M. Folot, je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour votre présentation et que 40 minutes seront pour les échanges. Merci.

M. Folot: D'accord. Avant de vous faire part de la position de la Corporation, je suis convaincu que vous auriez aimé que le Dr Roy soit ici.

M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est un secret pour personne.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Folot: Je peux vous dire qu'il aurait aimé, lui aussi, être ici.

M. Côté (Charlesbourg): On le connaît. On le connaît.

M. Folot: Ce qui est arrivé, c'est que, lorsque les auditions ont été reportées de trois semaines, ça coïncidait avec des vacances planifiées à l'avance pour lui à l'extérieur du pays et, étant donné ces circonstances, il me prie de vous demander d'excuser son absence.

La Corporation professionnelle des médecins du Québec tient d'abord à vous remercier de l'avoir invitée à présenter sa position et elle reconnaît l'utilité de cette commission parlementaire dans la mesure où elle permet l'ouverture d'un dialogue et des échanges constructifs. Elle croit cependant qu'il serait plus juste et équitable pour la société en général qu'un groupe d'étude ou un comité d'experts indépendants soit investi d'un mandat précis qui serait celui de rechercher, de façon objective, les aspects valables de l'une ou l'autre de ce qu'on a qualifié de thérapies alternatives. À notre avis, seul un groupe d'étude ou un comité d'experts indépendants saurait adéquatement favoriser l'exploration scientifique desdites thérapies, l'exigence d'une formation adéquate dans le domaine et le maintien de l'esprit critique. Ceci éviterait de créer des espoirs injustifiés.

Une analyse véritable, donc, de ces thérapies alternatives est, à notre avis, un prérequis à toute démarche législative à leur endroit. Le groupe d'étude, dont on a mentionné tantôt la possibilité ou la suggestion, ou le comité d'experts indépendants pourrait être composé, à titre d'exemple, de cliniciens, d'épidémiolo-gistes, de praticiens de ces différentes thérapies alternatives et de scientifiques ayant reçu le mandat d'étudier les diverses pratiques et de faire, s'il y a lieu, ultérieurement, les recommandations appropriées afin d'éviter de cautionner par une législation hâtive des thérapies qui répondent mal, pas du tout ou faussement aux questions posées par la maladie.

Il importe donc qu'avant de les reconnaître, les sanctionner, ces thérapies alternatives là, on les interroge, même si l'intérêt qui leur est manifesté dans certains milieux n'est pas totalement dénué de signification. Que certaines gens se prévalent de thérapies ou de soins de thérapeutes discutables est sans doute une réalité, mais que, sans les connaître réellement, le gouvernement les cautionne par une activité législative est, à notre avis, autrement chargé de sens ou de danger. Les thérapies alternatives exigent qu'on les entende, c'est leur droit, nous sommes d'accord, mais la question qui se pose, c'est: Doit-on les croire sur parole?

Aussi, en nous basant sur les statistiques produites par les différents sondages de 1987 à aujourd'hui, qui révèlent quand même la relative marginalité des recours

aux thérapies alternatives qui n'ont pas déjà été reconnues ou réglementées — et là je parle de l'acupuncture et de la chiropractie qui, elles, sont déjà réglementées et reconnues — nous nous interrogeons sérieusement sur F à-propos de la tenue de cette commission parlementaire avant que des groupes d'experts se soient prononcés sur la valeur des thérapies que l'on pourrait, un jour, possiblement vouloir reconnaître. l'on nous parle de l'ampleur du phénomène des thérapies dites alternatives. certainement que le phénomène n'est pas négligeable, mais il faut faire bien attention de ne pas exagérer. la commission rochon avait commandé, en 1987, un sondage. on y concluait alors que 28,5 % des québécois avaient expérimenté ce que l'on appelait les médecines douces. mais, si on examinait attentivement les conclusions du sondage, l'on se rendait compte, sous le titre «taux de recours à des thérapeutes alternatifs», que seulement 14,1 % des gens questionnés admettaient avoir eu recours à des thérapies alternatives et que, sur ces 14,1 %, 7,8 % des utilisateurs avaient eu recours à la chiropractie alors que 3,2 % avaient eu recours à l'acupuncture, qui sont toutes deux, je vous le rappelle, actuellement réglementées, si bien que le pourcentage d'utilisateurs ayant eu recours à des thérapies ou à des thérapeutes, plutôt, alternatifs non reconnus ou non réglementés était très faible. ceci est d'ailleurs confirmé à la page 272 du document de recherche no 6, article 14, qui se lit comme suit: «si l'on fait exception de la chiropractie et de l'acupuncture — ça apparaissait au rapport — les pratiques alternatives au réseau demeurent relativement marginales.» le groupe léger & léger, quant à lui, effectuait un autre sondage à la fin de 1991 et, à la question: «avez-vous consulté dernièrement un praticien des médecines douces?», 88,2 % disaient: «n'ont pas consulté un praticien des médecines douces», donc 11,8 % — si, évidemment, on fait le calcul mathématique qui s'impose — auraient consulté. il faut quand même exclure ceux qui ont dit qu'ils ne savaient pas ou qui refusaient de répondre. on arrive à un total de 11,2 %. et l'on peut présumer que ce sondage incluait également, encore une fois, la chiropractie et l'acupuncture dans la liste des thérapies alternatives. en 1990-1991, selon le sondage de l'office des professions, c'est 14,1 % des adultes québécois qui ont consulté en médecines douces, et non le tiers d'entre eux, comme le laisseraient entendre certains débats publics. ici encore, les chiropraticiens, 4,4 %, et les acupuncteurs, 3,2 %, sont les praticiens les plus fréquemment consultés. ils se partagent plus de la moitié des visites en médecines douces. il s'agit donc, à notre avis, et nous le répétons, d'un phénomène quand même relativement marginal, bien qu'en constante évolution. quant au sondage du ministère de la santé et des services sociaux, qui nous a été accessible hier, à la page 10, on y lit que, de toutes les thérapies alternatives, ce sont la chiropractie et l'acupuncture de loin les plus populaires, deux thérapies réglementées.

Un sondage de 1990 aux États-Unis, publié le 28 janvier 1993, tout récemment, dans le new england journal of medicine, fournit les données suivantes. en anglais: «one in three respondents — alors, un sur trois, 34 % — reported using at least one unconventional therapy in the past year.» ce chiffre-là peut sembler impressionnant, comme d'autres chiffres de tantôt. mais, encore une fois, si on étudie attentivement les résultats, on se rend compte que 10 % des réponses positives ont utilisé la chiropractie, 1 % le massage et, tenez-vous bien, 26 % l'exercice, 25 % la prière, 4 % ce qu'on a appelé «commercial weight-loss programs», des programmes de perte de poids; 72 % des réponses positives sont comprises dans le massage, la chiropractie, l'exercice, la prière et la perte de poids. alors, si on soustrait 72 % des 34 %, on en arrive à 24,48 % qui doivent être soustraits des 34 %, on arrive à 9 % ou moins de 10 % de réponses positives au sondage. et l'on se rend compte que près des trois quarts des thérapies rapportées utilisées sont soit réglementées et reconnues actuellement au québec ou, telles que la prière et l'exercice, ne font pas l'objet du présent débat. en plus, si on exclut les répondants qui ont fait appel à des techniques de relaxation, 13 % des 34 %, on en arrive à 4,6 % pour toutes les autres thérapies auxquelles on aurait fait appel. (10 h 40)

Ainsi, après un examen des sondages rapportés précédemment, il est, à notre avis, indéniable que le recours des citoyens à ces thérapies dispensées par des thérapeutes alternatifs est toujours quand même relativement marginal, quoique, comme on l'a dit tantôt, en évolution. Alors, d'où vient la précipitation? Nous nous interrogeons. Se peut-il que ce soit exclusivement le résultat de certains groupes de pression? Il est certain que gouverner aujourd'hui n'est pas une chose facile et que, souvent, les politiciens doivent faire des compromis. Mais, soumettons-nous, il faudrait quand même en arriver à une législation édictée pour satisfaire la majorité de la population et non pas sa constituante la plus bruyante.

Vous savez, les groupes de pression, ce n'est pas un phénomène nouveau réservé au Québec. Aux États-Unis, en 1992, nous vous référons à un livre publié par un auteur du nom de Kurt Butler, qui s'intitule: «A consumer's guide to alternative medicine». On vous réfère particulièrement à l'introduction. Je vais vous la lire en anglais parce que le texte est en anglais. «...Health fraud, especially nutrition fraud, seems to enjoy a privileged status in our society. Americans are generally well protected from such scams as counterfeit money, stock swindles, and fake jewelry. But there is almost no protection from fake cancer cures, bogus arthritis remedies, miracle diets, and scores of other snake oils that are worthless, dangerous, or both. These items aren't sold in dark alleys but in modern shops, elegant malls, and professional offices. «The health-fraud industry is large, entrenched, and institutionalized. Large and growing guilds of fringe practitioners are pressuring legislators for more recognition and privileges...»

Ici comme ailleurs, il ne faut pas en douter, les groupes de pression sont aussi bien en place, bien organisés, structurés et très tenaces. Il incombe donc au législateur, malgré l'influence de ces groupes de pression, de donner au public l'information dont il a besoin afin qu'il puisse faire un choix éclairé devant cet éventail de thérapies.

En 1984, le Congrès américain a publié une étude intitulée: «Quackery, A $10 billion scandal» by the «Subcommittee on Health and long-term care» of the «Select Committee on aging House of Representatives». Nous vous référons ci-dessous à deux paragraphes significatifs de cet ouvrage. «As this report details, quackery has traveled far from the day of the pitchman and covered wagon to emerge as big business. Those who orchestrate and profit from the sale and promotion of these useless and often harmful "health" products are no longer quaint and comical figures. They are well organized, sophisticated and persistent. «Quackery is a complex and evolving matter. The reliance on unproven health methods is as old as man, spawned in pain and desperation. When pain is intense and prolonged, the temptation to "try anything" is almost irresistible.»

En 1985, Douglas Stalker, Ph.D., professeur agrégé au département de philosophie de l'Université de Delaware, et Clark Glymour, Ph.D., chef du département de philosophie de l'Université Carnegie-Mellon, publiaient un livre intitulé: «Examining holistic medicine», dont les extraits, à notre avis, les extraits suivants, expriment un point de vue intéressant. «Holistic medicine is not any particular kind of therapy, or any particular therapeutic philosophy. It is a social movement that ties together an odd jumble of people. «The shared aims that tie so many diverse people together are to institutionalize holistic medical practices, and furthermore, to loosen the demands of evidence that we, as a society, impose on those who claim to cure or prevent disease. The first aim requires the second. As the essays in this volume show, only by abandoning the usual criteria of scientific evidence, and even the usual demands of rational thinking, can the claims of holistic medicants be established and made legitimate. «In the second place, the holistic movement is surprisingly well-organized and influential.»

Toujours aux États-Unis, en 1992, dans le même livre que tantôt, «A consumer's guide to alternative medicine», on écrit: «Unfortunately for the general public, an army of true believers accepts the logic of the quacks and demands, in the name of "health freedom", the right to be lied to, cheated, sickened, and killed by all manner of fringe practitioners and snake-oil peddlers. The quackery industry and many of its clients comprise a large and aggressive lobby capable of blocking legislation that would treat health fraud for what it is: theft by deception, combined with assault, battery, and an occasional murder. «Throughout the book, the word "alternative" appears in quotation marks because the methods it characterizes are not true alternatives. A true alternative to an effective health care method is another method that has been proven effective. The methods described herein are ineffective, unproven, or both.»

Nous vous référons également à un article intitulé: «Les exigences de l'objectivité», paru dans la revue Science et Vie de mars 1985, et rédigé par le Dr Yves Pelicier, professeur à la Faculté de médecine de Paris, qui conclut de la façon suivante: «En fait, la santé est un bien très précieux. La thérapeutique ne s'improvise pas. Il n'y a pas de méthode miracle. Il n'y a que des méthodes vérifiables, répétables, testables. Le reste est du domaine de la croyance personnelle.»

Pour bien situer le débat et le recours du citoyen malade, nous croyons qu'il ne faut pas examiner à la légère cette question des thérapies alternatives pour les raisons ci-dessous mentionnées.

D'abord, une personne malade n'est pas toujours en mesure de réfléchir et de réagir d'une façon aussi rationnelle que ne le ferait une personne en bonne santé. La fameuse expression: «Qu'est-ce que tu as à perdre en l'essayant?», surtout lorsqu'on y ajoute: «Ça a marché pour moi», ne donne pas un choix éclairé au malade. Le citoyen peut également, dans ces circonstances, devenir involontairement un cobaye.

Très souvent, la personne malade prétend avoir été condamnée par la médecine officielle, donc elle est prête à s'accrocher à des intervenants qui lui feront une promesse de guérison ou d'amélioration. Aussi, pour bien mener cette incursion dans les médecines alternatives, ce patient pourrait, en fait, consulter peut-être un grand nombre de thérapeutes de peur de manquer la thérapie qui pourrait lui être salutaire.

Il y a aussi la promesse de guérison ou de soulagement de la part du guérisseur ou thérapeute. Le patient en besoin s'accrochera à tout espoir, d'où qu'il provienne.

De plus, il ne faudrait pas sous-estimer la création de regroupements et d'associations de thérapeutes alternatifs ou autres qui, grâce à des annonces et à l'influence médiatique, peuvent faire miroiter la valeur de leurs méthodes, les rendre en apparence crédibles, et même populaires.

Il ne faudrait pas, non plus, sous-estimer la caution réelle que le législateur pourrait donner à des thérapies non éprouvées, en les reconnaissant ou en en reconnaissant l'exercice.

Enfin, il y a aussi le risque d'évaluer la qualité d'une thérapie par son succès commercial ou son simple achalandage. Il ne faudrait pas que la seule loi de l'offre et de la demande soit appelée à donner le critère de sélection pour la population. Elle ne doit pas remplacer, à notre avis, la légitimité scientifique et l'esprit critique. Ainsi, les connaissances et le mérite des thérapies alternatives doivent être vérifiés avant que le législateur ne les cautionne. (10 h 50)

Maintenant, un mot sur la corporation parapluie.

Certains groupes de pression précisent qu'ils veulent se diriger vers un système de thérapeutique holistique et naturelle en instituant une corporation parapluie. Ils souhaitent que la législation se fasse dans un cadre plus élargi que les articles 25 et 26 du Code des professions. Une première mise en garde, à notre avis, s'impose. La prolifération desdites thérapies alternatives et desdits thérapeutes peut être sans bornes. La proposition d'une corporation professionnelle parapluie risque d'être l'objet rêvé pour quiconque voudra vêtir l'habit de l'une ou l'autre de ces thérapies non approuvées, à moins qu'elle ne se limite à n'englober que les thérapies qu'un comité d'experts jugera acceptables et qu'on lui applique la structure juridique professionnelle existante que l'on retrouve au Code des professions.

Aussi, il faut se rappeler que le terme «holistique» est en soi quelque peu ambigu et, si l'on parle d'une corporation parapluie regroupant tous les thérapeutes ayant une approche holistique, ceci, à notre avis, peut être dangereux, car ceci risquerait de placer d'une façon ou d'une autre tous les thérapeutes et thérapies alternatives dans une situation possiblement abusivement privilégiée, puisque, sous le couvert de leur approche holistique, par des moyens dits naturels, ils pourraient se voir conférer un champ d'exercice plus qu'exclusif, un champ d'exercice presque sans limites. Ceci risquerait d'accréditer auprès du public l'idée qu'ils sont capables de résoudre tous les problèmes de santé. La population, s'attendra naturellement alors à ce qu'ils tiennent leurs engagements avec toutes les conséquences que cela représente, alors qu'en pratique on risque fort que ces thérapeutes soient incapables de déceler à temps des maladies graves ou que, les ayant soupçonnées, ils s'entêtent à tenter de les guérir selon leurs propres croyances.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. Fo- lot...

M. Folot: Oui.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): ...je vous inviterais maintenant à conclure parce que votre temps est presque écoulé.

M. Folot: Alors, la commission parlementaire a un certain rôle à jouer, un rôle important, dans la mesure où elle ouvre le dialogue, permet les échanges, mais, à notre avis, n'ayant pas la compétence scientifique pour évaluer une thérapie alternative, il serait nécessaire, et je répète ce que je vous ai dit au début, à notre avis, de voir à la création d'un groupe d'étude ou d'un comité d'experts indépendants pour étudier, dans le cas de chacune d'elles, sa validité, son acceptabilité et son efficacité. Merci.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci, Me Folot.

Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Prési- dente.

C'est très certainement l'un des témoignages qui, à cette commission, était attendu, compte tenu de l'ouverture de la commission. Lorsqu'on fait appel à l'ouverture, il faut aussi en démontrer, parce que l'ouverture ne peut pas être à sens unique.

D'abord, Mme la Présidente, vous me permettrez de confirmer ce que disait M. Folot. Évidemment, on voit les caméras, on ne les voit pas toujours, mais, comme ils s'attendaient à avoir la visite d'Augustin, on voyait une bonne bagarre en perspective compte tenu de l'histoire, alors, c'est presque un show manqué, parce que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas parce que je ne vous donne pas de la valeur, mais, au moins, à tout le moins confirmer ce que vous avez dit. J'ai eu des entretiens personnels avec le Dr Roy, à l'époque, et on avait fixé une date qui était différente, et il avait organisé ses vacances en fonction des dates qui étaient préalablement établies. Donc, je comprends très bien son absence ce matin. Donc, c'est vous autres qui allez transmettre le message à Augustin, qu'on va vous livrer comme si c'était Augustin. Comme il est le porte-parole de votre corporation depuis de nombreuses années, évidemment, on va vous livrer le même message pareil. Même si je reconnais en vous, Dr Frenette, un personnage très bien, je comprends que vous représentez aujourd'hui la Corporation et non pas l'enseignant et le médecin de l'hôpital Laval qui dispense des bons soins.

Ces distinctions étant faites, vous m'étonnez pas mal. Je ne pensais pas que vous seriez capables de m'étonner comme ça, ce matin, avec votre mémoire. Vous parlez de précipitation, alors que les chiros nous rappelaient hier qu'il y a 30 ans il y avait une commission royale d'enquête qui parlait de thérapies alternatives, qui parlait d'ostéopathie, qui parlait de chiro. Trente ans, si c'est de la précipitation, dans ce cas-là on s'en reparlera dans 100 ans. Si c'est ça, l'objectif, vous aurez réussi à tout enterrer et vous en réentendrez seulement parler, il n'y aura jamais de gestes de posés. La légitimité du Parlement est toujours là, et de la commission parlementaire qui veut s'éclairer sur différentes possibilités. Je pense que c'est un forum qui est idéal pour cela, et on le fait avec une ouverture d'esprit, une très grande ouverture d'esprit, qui correspond à une volonté populaire. Elle est là, elle est présente quotidiennement. Des infirmières nous disaient tantôt qu'elle est présente dans les établissements. Elle est présente partout. Et une question qu'il faut se poser aujourd'hui, et je reviendrai aux sondages tantôt... Elle est présente dans le public. C'est vrai. Si elle est présente, c'est probablement parce que, au fil des années, la médecine traditionnelle n'a pas réussi à s'adapter à ce que souhaitait le citoyen consommateur, davantage d'humanisation dans les soins. Ça aussi, c'est une réalité qu'il faut se rappeler aujourd'hui, et, si la pression vient de groupes de pression, ils ne se créent pas juste par le fait de la

volonté de se trouver un groupe à quelque part et de se trouver quelque chose à faire. Ça doit correspondre à une certaine réalité terrain. Et, s'il y a 3000 infirmières qui répondent, à un sondage, qu'à un moment ou l'autre elles pratiquent une technique dite alternative ou complémentaire, c'est qu'il doit y avoir une certaine réalité sur le terrain.

Donc, quant à moi, je ne pense pas qu'il y ait précipitation. Il y aurait précipitation si on posait des gestes sur le plan législatif qui ne seraient pas inspirés par ce qu'on entend depuis le début de la semaine et ce qui est communiqué au public. Donc, chaque chose viendra en son temps, et je reviendrai sur le fond tantôt.

Quant au sondage, vous m'étonnez aussi, dans la manière de le décortiquer, le sondage, et de tenter d'amenuiser sa portée. Il ne faut pas avoir peur de la réalité. Et vous réussissez le tour de force d'amenuiser la portée du sondage, ou des sondages, en isolant ce que vous avez combattu pendant plusieurs années, l'acupuncture et la chiropractie. Vous nous dites: Ça ne vaut pas cher; il n'y a pas grand monde qui les pratique, parce que, en sortant acupuncture et chiropractie, c'est marginal après ça, là. Mais c'est la marginalité que vous reconnaissiez à ces deux techniques-là auparavant pendant 30 ans. Ils auront dû mener un combat pendant 30 ans pour faire reconnaître les valeurs scientifiques que vous reconnaissez aujourd'hui et que vous voulez même avoir sous votre chapeau. Est-ce qu'on ne serait pas en droit de penser qu'il puisse peut-être y avoir d'autres thérapies complémentaires, comme l'homéopathie, l'ostéopathie et même l'orthothérapie à laquelle vous envoyez des patients? On a vu l'exemple qui nous a été démontré hier de manière très nette. Est-ce qu'on ne serait pas en droit de penser qu'on est après faire la même chose à quelques autres thérapies alternatives qui, sur le plan scientifique, ne demandent pas mieux que de démontrer leur valeur scientifique?

Alors, c'est pour ça que je trouve la manoeuvre un peu inappropriée à ce moment-ci et de très mauvais goût. Je préfère vous le dire à ce moment-ci pour que les règles soient très claires au moment où on va aborder des questions davantage de fond. Et le courant qui se développe aux États-Unis... Je n'ai pas pu vous suivre au complet parce que mon bilinguisme éprouve certaines difficultés. Mais, de temps en temps, quand j'ai le temps de lire, ça va mieux en lisant qu'en essayant de vous écouter. Quand on fait référence aux États-Unis, l'homéopathie, elle est reconnue aux États-Unis; on forme, mais comme thérapie complémentaire à la médecine. Donc, la science elle-même doit avoir certains mérites à ce niveau-là, au niveau de cette technique, si elle est pratiquée. Et vous le dites même dans votre mémoire.

Oui, mais il faudrait que ce soit pratiqué par un médecin. Bon. Au moins là, il y a une chose sur laquelle on peut peut-être faire un bout de chemin. C'est qu'au niveau de l'homéopathie elle a quand même certaines valeurs scientifiques si des médecins souhaitent la pratiquer de manière complémentaire. Il me semble que ça me paraît logique. Et, à partir du moment où cette science de l'homéopathie ou encore de l'ostéopathie, qui, elle, attend toujours depuis 30 ans, parce qu'elle faisait partie, elle aussi, de la commission d'il y a 30 ans il y a une valeur, si ça peut être pratiqué par des médecins, c'est parce qu'il y a une valeur scientifique qu'on lui reconnaît.

La question qui se pose après ça: Est-ce que ça doit être pratiqué de manière exclusive par des médecins? Là, ça nous permettrait de faire évoluer le débat et probablement que vous auriez raison, peut-être, mais vous nous en ferez la démonstration que ça doit être pratiqué uniquement par des médecins. (11 heures)

Donc, ceci étant dit, vous craignez une précipitation tout en souhaitant une ouverture, et je pense qu'il faut le reconnaître au niveau du mémoire, en autant que ce ne soit pas un piège. On va se le dire tout de suite là. J'en ai vécu un piège au niveau des sages-femmes. J'en ai vécu un. Ça fait deux ans et demi qu'on discute, qu'on échange pour tenter de régler le problème, en démontrant beaucoup de bonne foi, et là où on est rendus aujourd'hui, je dois vous l'avouer très candidement, ce n'est peut-être pas tellement plus loin que le 16 janvier 1990 au moment où j'ai convié les gens. Donc, à partir de ça, s'il y a ouverture dans un comité pour être capables d'explorer davantage, pour que la connaissance, pour que la valeur scientifique soit démontrée, je suis d'accord avec ça. On n'a jamais dit qu'on voulait, tous azimuts, reconnaître les thérapies alternatives ou complémentaires. On n'a jamais dit ça — et, d'ailleurs, on a toujours pris soin de mettre les gens en garde — vous avez raison de le dire, mais il faut qu'il y ait une démonstration scientifique de la valeur et du bien-être et du mieux-être qu'on peut procurer aux personnes. On est tous d'accord avec ça.

Si, aujourd'hui, vous nous dites: On a une ouverture d'esprit et on veut collaborer sur une démarche additionnelle avant même la reconnaissance, je vais vous demander d'entrée de jeu ce que vous pensez de la proposition de l'association des médecins holistiques du Québec qui, eux, nous ont proposé, hier, un moyen d'intervenir qui, à sa face même, paraît vouloir régler des choses de manière graduelle, avec la protection du public. Et ça, ce n'est pas Marc-Yvan Côté, professeur d'histoire et de géographie, c'est des médecins reconnus par votre corporation qui le proposent. J'aimerais, à ce moment-ci, avoir votre opinion sur leur proposition.

M. Folot: La proposition, si je comprends bien, c'est un moratoire de cinq ans. Est-ce que c'est ça que j'ai... Particulièrement avec les créations de groupes d'étude.

M. Côté (Charlesbourg): Je vais juste vous la répéter très rapidement.

M. Folot: C'est juste pour le bénéfice du docteur. ..

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je vais juste vous

la répéter très rapidement, par étapes, pour être capables de cheminer et d'amener le consensus autour d'un certain nombre de choses. Donc, un moratoire de cinq ans. Vous savez sur quoi, le moratoire de cinq ans? Quand on parle d'un moratoire, c'est d'arrêter de poursuivre. C'est ça que ça signifie, que la Corporation arrête de poursuivre des homéopathes — c'est ce que j'ai compris, à tout le moins — ou d'autres ostéopathes, mais dans des domaines qu'on va reconnaître d'abord.

La FIIQ et l'Ordre des infirmières nous disaient tantôt: II y en a un certain nombre qu'on peut considérer de la catégorie professionnelle et d'autres d'ordre technique. Parlons d'abord de ce qui pourrait devenir d'ordre professionnel. Les corporations et les chapeaux, je pense qu'on aura le temps, dans ce temps-là, d'être capables de les examiner.

Dans un premier temps, c'est pour colliger de l'information, pour faire la recherche qu'il faut, pour nous assurer que, sur le plan scientifique, il y a un mieux-être qui peut être procuré à des gens et, deuxièmement, peut-être accepter qu'on puisse faire des projets-pilotes, donc d'expérimentation, pour ne pas qu'on en arrive au bout des 5 ans en disant: Bien, on a gagné 5 ans; comme ça ne vaut pas de la «chnoutte» et qu'on avait cette conclusion-là avant même de commencer l'expérience de 5 ans, au bout de la ligne on va en regagner un autre 10 de manière à ce que ce pattern-là soit très clair.

Ça me paraît un processus intéressant et, au bout de la ligne, souhaité, un consensus. Et le consensus amènerait, lui, des amendements à la loi qui permettraient, effectivement, que, dans 5 ans, on puisse légaliser ce qui est «légal isable», et qui auraient subi le test de cette proposition-là, et, par le fait même, inclure des scientifiques, comme vous le souhaitez. Là, après ça, il ne faudrait pas se chicaner, si jamais c'était une solution qui était retenue, pour savoir c'est qui qui domine, c'est qui qui a la majorité, de façon à pouvoir influencer, à la fin, la décision. Si c'est scientifique, c'est scientifique.

C'est elle, la proposition, et je veux vous entendre là-dessus.

M. Frenette (Jacques): Je pense que, de fait, les gens poursuivis pour pratique illégale de la médecine ont été peu nombreux, en tout cas dans les dernières années. Il y a pratiquement un moratoire de fait. Les gens qui ont été poursuivis, c'est des gens pour qui il y a eu plainte. Par exemple, quelqu'un se disait massothé-rapeute, voyait deux patients aux 15 minutes, massait par-dessus le linge et disait: En sortant, achète donc ça dans ma boutique. Ce n'est pas tout à fait... Hein! Vous êtes d'accord avec moi que ce genre de personne là, vous ne voulez pas qu'on arrête, pendant cinq ans, de les poursuivre.

M. Côté (Charlesbourg): Non, non. M. Frenette: On s'entend là-dessus. M. Côté (Charlesbourg): Je n'ai même pas parlé tantôt de massothérapie.

M. Frenette: Non, mais...

M. Côté (Charlesbourg): O.K.? Il faut bien se comprendre, et on est d'accord tous les deux.

M. Frenette: On est d'accord là-dessus. O.K.

M. Côté (Charlesbourg): On essaiera de trouver d'autres moyens pour être capables de faire en sorte que le public soit protégé contre ces individus-là.

M. Frenette: C'est ça.

M. Côté (Charlesbourg): Mais restons dans notre catégorie supérieure qui peut permettre de faire avancer les choses.

M. Frenette: À titre d'exemple, l'assemblée générale annuelle de la Corporation, cette année, a porté sur les médecines douces. Ça a été l'assemblée où il y a eu le plus de monde depuis une dizaine d'années. Il y avait beaucoup de jeunes médecins, notamment le groupe des médecins... Pardon?

M. Trudel: Contrairement à ce que les sondages démontrent, il y avait beaucoup de monde.

M. Frenette: Oui. Bien, peut-être que les 100 médecins membres du groupe de médecine holistique étaient là, plus les gens qui viennent habituellement. Effectivement, c'est un domaine qui nous préoccupe, qui préoccupe aussi dans les facultés, et où on se dit: Quel processus devrait-on suivre pour intégrer ces pratiques-là dans la pratique médicale si c'est bon? Je ne sais pas si mon collègue, le Dr Drouin, vous a parlé de ça hier, mais on a même fait, dans notre département... l'équipe qui est au CHUL a fait une étude sur l'homéopathie dans le cas des verrues plantaires, pour arriver à la conclusion qu'il n'y a pas d'évidence que ça améliore le devenir de la verrue plantaire et que c'est moins bon que des traitements, qui ne sont pas parfaits, bien sûr, mais qu'on utilise traditionnellement sur les verrues plantaires. Je pense que, là-dessus, on s'entend, il faut s'assurer...

C'est un petit peu inquiétant pour nous. Ça fait longtemps que ça existe, l'ostéopathie, mais ils n'ont jamais été capables d'écrire un article publiable dans le New England qui dit que ça marche. Par exemple, la thalidomide, si on a été protégés au Québec et au Canada contre ce qui est arrivé, c'est parce qu'on a des règles strictes de surveillance. Ce n'est pas parce que c'est bon en France, ce n'est pas parce que beaucoup de Français utilisent un produit que c'est certain que c'est bon pour nous autres. Il y a des mécanismes, et ça nous a protégés contre des désastres. Peut-être que vous les trouvez trop difficiles, mais, nous, on pense que le... Le rôle de la Corporation, c'est de protéger le public des choses sérieuses.

Dans le mieux-être, moi, je suis bien d'accord avec vous. Et je me demande pourquoi les coiffeurs du Québec ne sont pas ici, parce que ça fait longtemps, pour ceux qui sont familiers avec le travail des coiffeurs, que plusieurs d'entre eux, qui sont des aidants naturels, font des massages. On se détend chez les coiffeurs. Us nous parlent. Ils sont au courant de la famille des gens. Ils nous consolent quand on est tristes. Ils nous encouragent quand on est heureux. C'est des thérapeutes au sens d'un aidant naturel. Mais il y en a plein de ça. C'est ça. Je pense qu'il y a une place, il y a une ligne où on dit: Quelqu'un fait profession de soigner, et une autre ligne où on dit: II y a quelqu'un qui contribue au mieux-être des gens. C'est cette ligne-là qu'il faut s'entendre pour tracer.

M. Côté (Charlesbourg): Mais ce que je comprends de votre propos, c'est que la Corporation a senti le besoin, cette année, d'avoir un colloque sur l'intégration des médecines douces comme corporations. C'est très certainement dû à une existence réelle, sur le terrain, de ces préoccupations ou de cette problématique, parce que j'imagine que la Corporation ne doit pas tenir une séance comme celle-là pour le simple plaisir de la tenir. Vous nous dites, et c'est là-dessus que je veux en venir: Au cours des dernières années, la Corporation n'a pas beaucoup poursuivi pour pratique illégale de la médecine. Est-ce que vous avez des statistiques à ce niveau-là, au cours des cinq dernières années, par exemple, au niveau des poursuites intentées? Parce qu'il y en a eu. On en entend parler à l'occasion. Je ne vous parlerai pas de l'enquête ou du piégeage du pharmacien de Shawinigan-Sud, parce que vous ne connaissez peut-être pas le dossier, mais c'était précisément un cas d'homéopathie avec quelqu'un de la Corporation qui y est allé. Ça, c'est dans les journaux. C'est clair. Donc, il y a quand même une certaine activité à ce niveau-là. Mais on peut toujours dire que c'est sous le couvert de la protection du public, et ça, c'est votre rôle, et ce n'est pas moi qui vais vous en tenir grief. J'aimerais ça savoir, au cours des cinq dernières années, combien de causes et, en passant, vous m'ajouterez là-dessus combien de sages-femmes ont été poursuivies pour pratique illégale de la médecine, si jamais c'est possible de me dire ça. (11 h 10)

M. Folot: Les chiffres que j'ai, les poursuites: en 1987-1988, ii y en aurait eu 137; en 1988-1989, 76; en 1989-1990, 111; en 1990-1991, 30 et, en 1991-1992, 47. Ça fluctue, vous savez, et ça fluctue dépendant des plaintes que la Corporation reçoit. Pourquoi elle en reçoit plus une année et pourquoi moins une autre année? On n'est pas à même de vous dire pourquoi. Mais c'est dépendant du nombre de plaintes, on investigue les plaintes, ensuite de ça, si on se rend compte qu'effectivement il y a matière à poursuite, on va poursuivre. La Corporation ne fait pas le tour des officines pour vérifier ce que tout le monde fait. Elle se contente de donner suite aux plaintes du public, et c'est ce qu'elle fait.

Alors, c'est ça, les chiffres que je vous donne.

Les poursuites ne sont pas nombreuses. Vous savez, dans tous les actes qui sont posés, ces cas-là, c'est des cas où soit la victime s'est plainte ou un proche de la victime s'est plaint, parce que, des fois, même la victime n'ose pas le faire elle-même. Alors, ce sont les chiffres. Il y a, si vous voulez, comme l'a dit si bien le docteur, un moratoire de fait. On poursuit les cas où les gens viennent nous dire: Écoutez, ça n'a pas de bon sens; mon père va voir tel thérapeute, puis il charge 150 $, puis il vend des produits, puis ça fait 12, 14 mois que cette personne-là l'exploite. C'est des cas comme ça.

M. Côté (Charlesbourg): II faut bien se comprendre. L'objectif du gouvernement, ni de l'Opposition non plus, dans tout ce que j'ai entendu, ce n'est pas de dire: Demain matin, on arrête de poursuivre les charlatans. Il faut être bien clair dans la démarche. Notre démarche, c'est de dire: II y a un certain nombre de thérapies complémentaires ou alternatives qui ont fait du progrès au fil des années, qui, ailleurs, aux États-Unis ou en Europe, peuvent être reconnues. Il y a au moins une base là. J'imagine que la formation médicale en Europe et la formation médicale en Amérique du Nord, même si elle a des différences, il y a certainement des similitudes ou des points qui se comparent.

À partir de ça, si l'homéopathie est pratiquée par des médecins en Hollande, si elle l'est aux États-Unis par des médecins, elle doit avoir quelque valeur. Je prends toujours cet exemple-là, et on en a parlé abondamment en commission depuis le début de la semaine. À partir de ça, je me dis: II y en a un certain nombre qu'on pourrait définitivement identifier, et dire: C'est celles-là qui font partie du moratoire qu'on s'impose. Et, si on veut être honnêtes vis-à-vis de tout le monde, à partir du moment où il y a un moratoire, ça nous permet de travailler consciencieusement, d'avoir réponses aux questions qu'on se pose, que vous vous posez, que vous avez le droit de vous poser quant à la protection du public, et, nous aussi, c'est notre responsabilité, et de cheminer quant à une éventuelle reconnaissance ou aux balises qu'il faut quant à la reconnaissance.

Quant aux autres, il y en a probablement un certain nombre d'autres qui peuvent être apparentées à des techniques. Tantôt, quelqu'un me disait — parce que j'ai pris l'exemple de l'électricien: «C'est-u» parce que, quand il reçoit un patient, il est en état de choc? J'ai dit: Non, c'est parce qu'il transmet de l'énergie. Bon. Je pense qu'il y a moyen de faire un certain nombre de distinctions. Puis il y en a d'autres, mais on n'y pensera même pas. Il y en a d'autres, mais il ne faut même pas y penser. Donc, il faut constater que c'est des choses qui existent, et pas tenter de les diminuer, comme dans le cas des sages-femmes. Dans le cas des sages-femmes, l'objectif du gouvernement est de s'assurer de la sécurité de la mère et de l'enfant et, aujourd'hui, peut-être du fait que la Corporation n'a jamais poursuivi une sage-femme pour pratique illégale, c'est qu'elle constate que ça se fait en sécurité. Sinon, qu'est-ce qu'elle fait? Qu'est-ce qu'elle attend pour poursuivre si ça ne se fait

pas en toute sécurité? Donc, si on l'applique au niveau de ce principe des sages-femmes, il faut aussi, sur le plan de la sécurité publique — c'est ça, notre objectif — s'assurer qu'on puisse cheminer ensemble, parce que cheminer en parallèle, ça n'a pas de bon sens. Vous voulez protéger le citoyen, vous voulez servir et améliorer les conditions des citoyens. Nous aussi. Il n'y a pas de raison pour qu'on ne trouve pas un cheminement ensemble.

Est-ce que je dois comprendre, dans une question très solennelle que je vous pose et que j'adresse à la Corporation, que vous seriez ouverts à un processus tel que défini par l'association des médecins holistiques du Québec et qu'à ce moment-là on pourrait être dans une situation, avoir un moratoire clair qui protège aussi le public?

M. Folot: La seule hésitation, la seule difficulté, à notre avis, c'est sur le moratoire. Il y a un moratoire de fait et le danger d'un moratoire, à moins qu'on ne comprenne pas, le danger du moratoire, c'est que vous allez vous retrouver, à notre avis, dans une situation où il y aura une profusion peut-être de gens qui profiteront du moratoire. Il y aura aussi les cas d'abus de gens qui pourront s'intituler comme ils le voudront, mais qui feront autre chose que ce qu'ils doivent faire. Et ça, là, c'est ça, la difficulté du moratoire. Ce que je vous dis, c'est qu'avec le nombre de poursuites qu'on fait et le fait qu'on ne les fasse que sur les plaintes du public il y a déjà, si vous voulez, un moratoire.

M. Côté (Charlesbourg): Vous êtes ouverts à en entendre parler, à travailler sur les balises qu'il faudrait mettre pour être capables de l'exercer. Je comprends. S'il y a cette ouverture-là, ça peut être une solution, une voie. Je ne dis pas que c'est celle qu'on va retenir, mais ça peut être une solution intéressante et, de par votre expérience, vous pourriez être très utiles quant aux balises à mettre, sans faire en sorte que ce soit une course à obstacles de 30 ans. Il faut bien se comprendre. Alors, s'il y a cette ouverture, la commission nous permettra au moins ça, et on verra par la suite quelles sont les conclusions qu'il faut tirer de la commission et de l'ouverture des uns et des autres. Merci.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci beaucoup, M. le ministre.

J'invite maintenant le député de l'Opposition.

M. Trudel: Au nom de l'Opposition, je voudrais également souhaiter la bienvenue au Dr Frenette et à Me Folot. C'est parce qu'on se demande toujours, en étant en présence de professionnels... Quand c'est la Corporation des médecins, qu'on s'attend de voir le Dr Roy et qu'on arrive avec la batterie juridique d'abord, on se demande à quelle sorte de situation on s'adresse. Alors, ça nous fait plaisir de vous accueillir aujourd'hui pour que nous ayons, je le souhaite vivement, un dialogue franc et direct sur un certain nombre de questions qui causent un certain traumatisme, disons-le, actuellement dans notre société, en particulier autour de la reconnaissance des sages-femmes. C'est le dossier qui nous amène un peu à examiner l'ensemble de la situation à travers cette lunette de la reconnaissance des sages-femmes au Québec.

On est toujours un peu surpris, je dois vous le dire... en tout cas, pour ma part, je suis toujours un peu surpris d'un certain nombre de visions que la Corporation professionnelle des médecins nous véhicule au plan officiel, par exemple toute cette notion de «hors des experts, point de salut». À cet égard, je n'ai pas de doctorat en sciences politiques et, à cet égard, le député de Charlesbourg n'a pas non plus, et beaucoup de membres de ce Parlement n'ont pas leur diplôme, ne sont pas des politiciens patentés par les universités. Nous prétendons, par ailleurs, avoir un certain nombre de mérites pour transporter, véhiculer les préoccupations du public et répondre à un certain nombre d'attentes, avec l'aide, oui, j'en conviens, d'un certain nombre de spécialistes. Mais c'est une vision — je dois vous le dire aussi — que je peux difficilement accepter, comme cette autre affirmation qu'il faut s'en remettre à la science parce que la science, elle est neutre. Je regrette; dans ma conception, la science n'est pas neutre. De nombreux travaux en philosophie des sciences et en sociologie des sciences nous démontrent que la science, comme la société, a des orientations et a des directions précises qu'elle adopte.

Par ailleurs, comme introduction à ma première question, je vais vous dire franchement qu'on se retrouve dans une situation difficile en matière de santé au Québec et en matière de soins médicaux lorsqu'on a affaire à un certain intégrisme de la part des médecins. Si bien qu'aujourd'hui il est en train de se dresser au Québec comme une espèce d'opposition entre progrès scientifique, technique indéniable du côté médical et de la thérapeutique médicale et, par ailleurs, humanisation des soins. On ne semble pas se rapprocher, franchement, on ne semble pas se rapprocher, mais plutôt s'éloigner. Science et humanisme, traitement et prise en considération de la personne, de l'être humain, au Québec, ça semble s'éloigner par une conception, mais très étanche, j'ose le dire, par un corporatisme qui nous semble, mais d'une rigidité absolument extraordinaire. Par ailleurs, il faut bien reconnaître l'immense contribution au mieux-être, évidemment, de la médecine, de la médecine dite scientifique, non seulement en Occident, mais dans le monde entier. (11 h 20)

Vous allez me dire, essayez de nous dire comment il se fait que nous nous éloignons davantage du type de réponse recherchée par un grand nombre de personnes en termes de mieux-être au Québec, de par un phénomène d'opposition de la médecine scientifique? Comment ça se fait qu'on s'éloigne, que le «creusé» se fosse. .. que le fossé se creuse — pardon, vous voyez?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: ...que le fossé se creuse et qu'on en

arrive à une situation, mais absolument, quant à moi, inacceptable dans une société, d'assister à un certain travail ou à un certain reflet public de la dévalorisation — il faut le dire — du travail de nos spécialistes en médecine? Comment ça se fait que ça se produit? Et quels sont les facteurs qu'il va falloir changer ou faire apparaître pour assister à ce rapprochement et pour en arriver à une meilleure réponse qui corresponde davantage à la vision qu'ont les citoyens de la prise en charge de leur santé, de leur mieux-être, et de la contribution de la médecine scientifique à cet égard?

M. Frenette: Écoutez, je ne suis pas surpris du point que vous soulevez, à savoir l'opposition apparente de l'aspect scientifique et de l'art de la médecine. Au niveau de la Corporation, c'est une préoccupation. Au cours de la dernière année, moi, j'ai fait, avec des médecins spécialistes et omnipraticiens, 25 ateliers sur, justement, l'approche globale: des vidéos, des discussions, pour s'apercevoir que... C'est probablement vrai en politique; ton député, c'est toujours le meilleur gars du monde; les députés en général, ça «score» moins bien; ton médecin, c'est le meilleur gars du monde; les docteurs en général, ça «score» moins bien. Qu'est-ce que vous voulez? c'est ça, la vie, hein? On vit comme ça. je peux vous dire que les facultés de médecine et la corporation ont un intérêt majeur là-dedans. depuis 1976, moi, à l'université laval, je suis impliqué tant au niveau du prégradué qu'au niveau du programme de résidence, et on porte une attention, je dirais... certains étudiants disent «trop», à l'aspect relationnel, pour s'assurer que, quand le patient vient consulter un médecin et que l'entrevue commence, que la vraie problématique, ce qui inquiète vraiment le patient est mis sur la table. ce n'est pas automatique, ça ne roule pas... il faut s'assurer que l'entrevue est bien montée, qu'on s'intéresse à ce qui inquiète le patient, à ce qu'il souhaiterait, qu'on ne va pas le dénigrer parce qu'il dit: ouais! vous dites que je fais de l'hypothyroïdie, pensez-vous que l'homéopathie pourrait m'aider? on est capable d'entendre ça. on est capable d'entendre ça et de dire au patient: écoutez, dites-moi ce que vous recherchez dans une méthode alternative, quelles sont vos craintes par rapport à cette méthode-là, combien d'argent vous pensez que ça peut vous coûter. et, si le patient décide qu'il l'essaie, c'est de garder une ouverture pour dire: eh bien! écoutez, vous êtes toujours bienvenu chez moi, vous pouvez revenir et, si vous voulez tenter ça quelque temps, je ne vous jugerai pas. assez qu'au niveau des examens je peux vous assurer que, dans les examens qui mènent au permis d'exercice — il y a, bien sûr, toute une journée de questions très spécifiques sur la pratique de la médecine, il y a aussi cinq patients simulés où on juge la capacité relationnelle du médecin — il y a des médecins qui «scorent» 78 % dans les connaissances, 48 % dans l'entrevue et qui sont retournés étudier six mois, avec des vidéos, et des interactions, et des causes qui leur disent: écoute, fais attention à l'humain qu'il y a en avant de toi. donc, et la corporation et les facultés de médecine s'intéressent à ça, travaillent là-dessus.

M. Trudel: Mais, de façon plus précise, parce que vous me parlez des efforts et on les constate, d'ailleurs, dans les programmes de formation et, je pense qu'on peut le dire, chez une jeune génération de médecins qui se retrouvent partout dans le système, la résultante de ça... Mais là, je vais un petit peu plus loin, pas seulement à l'intérieur de la profession, mais je prends ça au niveau de l'ensemble des approches à la santé et qui va au-delà de la pratique médicale du professionnel de la médecine. On a peut-être trop souvent l'impression que, hors de la médecine officielle, scientifique, corpo-rativement protégée, point de salut, que toute autre approche n'a pas son mérite, même si le public, au niveau de son mieux-être, d'évidence, les utilise. Là, on ne commencera pas à se tirailler sur le pourcentage d'utilisation, mais, d'évidence, ces thérapies alternatives font l'objet d'une attention croissante du public. C'est plutôt cette situation-là. Qu'est-ce qui va permettre, quels sont les facteurs qu'il faudrait mettre en place pour rapprocher, en quelque sorte, ces deux mondes qui, actuellement, sont plus vus comme deux mondes qui s'égarent et qui s'éloignent, et qui sont en train de distinguer entre science et humanisne, ce qui est un faux débat, à mon avis? Quels sont les facteurs qu'on va devoir mettre en place pour faire le rapprochement? Écoutez, on peut poser cette question-là aussi en étant bien plus concrets que cela.

Écoutez, une majorité de femmes au Québec reconnaissent les apports inestimables de la médecine en matière d'obstétrique, en matière du phénomène naturel que constitue la naissance. Elles reconnaissent les progrès scientifiques, et la preuve de cela, c'est notre faible taux de mortalité infantile. Pourtant, une grande majorité, un grand nombre de femmes réclament que l'on reconnaisse les sages-femmes. Quels facteurs va-t-il falloir introduire pour qu'il y ait un rapprochement entre la protection... l'aide médicale à l'acte naturel de l'accouchement et l'acte naturel de donner la vie chez une femme, et qui est réclamé par les femmes, à l'aide d'une autre personne qui s'appelle la sage-femme? C'est un océan qui nous sépare. Qu'est-ce qu'on va faire pour se rapprocher là-dessus?

M. Frenette: Écoutez, ce n'était pas le sujet du débat de ce matin, les sages-femmes.

M. Trudel: Non, c'est parce que c'est l'incarnation. ..

M. Frenette: Je ne peux pas être le porte-parole...

M. Trudel: ...du débat de ce matin.

M. Frenette: Non, je ne peux pas être le porte-parole de la Corporation sur ce thème-là, malheureusement. Moi, je voudrais vous répondre sur l'aspect opposition scientifique et humanisme. Un des problèmes qu'on a, c'est que... Nos étudiants, on les choisit parmi ceux qui sont capables d'apprendre pas mal. Us appren-

nent beaucoup. Ils étudient beaucoup. Et, dans leurs études, il faut essayer, nous autres, d'intégrer et de leur faire comprendre que l'approche dite scientifique qui se mesure et l'approche humaine doivent être combinées tout le temps. Ce n'est pas moins scientifique de demander à une grand-mère fatiguée comment vont ses enfants que de lui faire une prise de sang. O.K.? Tu as plus de chances de frapper sûr en lui demandant comment vont ses enfants qu'en vérifiant l'hémoglobine. Probablement qu'il faut faire les deux.

Dans ces approches-là, c'est un peu ça, à l'assemblée annuelle, qu'on a vérifié, c'est de dire: Écoutez, êtes-vous capables de faire avancer une méthode alternative en l'examinant sur des bases scientifiques? Qu'est-ce que vous voulez? Nous, on a cette qualité-là, je pense, de vérifier les choses, faire des publications, se critiquer entre nous. Ce n'est pas juste les médecins qui critiquent les thérapies alternatives; les médecins entre eux se critiquent, vérifient: Est-ce que c'est reproductible? Un médecin untel fait tel type d'intervention à tel endroit, publie; les collègues essaient de refaire le même genre d'expertise, ils lui disent: Ça ne marche pas, ton affaire; ce n'est pas correct. On voudrait voir chez les gens qui prétendent poser des gestes qui font quelque chose, qu'ils soient en mesure de prouver qu'ils font quelque chose. C'est notre seule demande.

Ce matin, c'est l'essentiel de notre présentation, une approche scientifique. Quand tu prétends quelque chose, il faut que tu... Si, moi, je prétends que j'ai un enduit pour protéger contre la rouille, il y a quelqu'un, au Québec, au bout de quelque temps, qui va me dire: Dr Frenette, votre produit miracle pour la rouille, vous allez arrêter de vendre ça parce que ce n'est pas vrai. Il faudrait que ceux qui vendent des algues soient soumis au même niveau de contrôle que ceux qui posent de l'antirouille. (11 h 30)

M. Trudel: Mais, compte tenu du niveau de connaissances et de compétences, compte tenu de la formation des membres du corps médical au Québec, est-ce qu'on peut compter sur la contribution du corps médical constitué et formé pour être les critiques, c'est-à-dire soumettre, oui, effectivement, les thérapies alternatives, le cas échéant, à la même dynamique scientifique de la critique par les pairs de la santé — je ne parle pas des pairs de la médecine, des pairs de la santé? À cet égard, est-ce- qu'on peut compter sur la contribution des médecins du Québec et des scientifiques sur le plan médical pour faire jouer cette dynamique, pas pour la bloquer, pour faire jouer la dynamique de l'évolution au niveau de la reconnaissance quant aux effets? Parce que vous avez absolument raison sous certains aspects. C'est-à-dire que, si on met de l'avant un tel protocole x, un protocole thérapeutique, encore faut-il être capable d'en évaluer les conséquences, d'en évaluer le résultat. C'est comme ça qu'on travaille au plan scientifique. Vous dites, par rapport à certaines thérapies: Ils n'ont jamais été capables de publier dans telle publication, dans telle revue scientifique, parce qu'ils sont incapables de répondre aux canons. Mais est-ce qu'on peut compter sur les scientifiques du monde médical pour apporter une contribution positive à l'évaluation, à la critique des thérapies et, ainsi, contribuer, au niveau du public, à cette mise en garde, à cette reconnaissance, mais à une reconnaissance critique sur les effets de certaines thérapies alternatives tout en ne les bloquant pas au départ en disant: Puisque ça ne répond pas à nos canons, vous ne devez pas exister?

M. Frenette: Écoutez, je vous ai dit tantôt que c'est déjà commencé. Des collègues intéressés à l'homéopathie tentent des projets exactement sur les mêmes approches qu'on vérifie des médicaments. Alors, si c'est un médicament, on dit: Bon, c'est un médicament, on va faire une approche scientifique et on va essayer de prouver, au même titre qu'un nouveau médicament qui dit: Moi, je veux soigner l'arthrite... Bien, on le compare avec l'aspirine ou un autre anti-inflammatoire et on dit: Est-ce que c'est meilleur? Est-ce que c'est moins bon? Est-ce que c'est pareil? Est-ce qu'il se passe quelque chose? Alors, c'est commencé. Je pense que les médecins qui font de la recherche en général se retrouvent dans les universités et il y a des gens déjà intéressés, entre autres, par l'homéopathie et qui font des projets de recherche. Jusqu'ici, ça n'a pas démontré d'efficacité, mais on peut faire d'autres projets pour voir si ça en montre sur autre chose.

M. Trudel: En tout cas, à ce chapitre-là, le minimum que l'on puisse dire, c'est qu'il semble y avoir une évolution beaucoup plus évolutive et certaine, comme diraient d'autres, chez les membres de la Corporation professionnelle des médecins que chez la corporation professionnelle.... C'est une perception, hein? Alors, je ne sais pas si c'est la réalité, c'est une perception. Comme on dit souvent, on ne peut pas protéger le public, on ne peut pas en donner plus que le client en demande, mais on a l'impression que ça va plus vite chez les membres que dans la structure.

Maintenant, j'aurais d'autres questions pour maître, sur le plan légal.

M. Folot: Je vous écoute.

M. Trudel: Puisque vous êtes là, alors on va profiter de votre expertise. Est-ce que vous avez eu, Me Folot, l'occasion d'examiner la nouvelle loi 43 de l'Ontario en matière de, excusez l'anglicisme, «régulation» des actes relatifs à la santé dans la province voisine?

M. Folot: Je l'ai vérifiée hier. Je ne l'ai pas étudiée à fond, mais je l'ai examinée quelque peu hier. De là à vous dire que je la connais, ce serait vraiment... je suis vraiment loin de ça, mais je l'ai vérifiée hier.

M. Trudel: Est-ce que vous pensez que la dynamique générale de la loi qui a été introduite en Ontario et qui vise à réserver un certain nombre d'actes à des catégories de professionnels avec une formation, la formation idoine, la formation nécessaire, est une dyna-

mique dans laquelle nous pourrions nous engager au Québec sans mettre en danger, on va appeler ça l'intégrité du système, du champ réservé de la santé aux médecins du Québec? Parce que, dans ce projet de loi, l'économie générale, c'est qu'on passe du champ de compétence à des actes réservés. Est-ce que vous pensez que c'est une dynamique générale qui peut très bien se vivre, de démonopoliser, en quelque sorte, les actes relatifs à la santé de la part du monde médical au Québec par rapport à l'approche de l'Ontario?

M. Folot: Moi, je vais vous dire, j'aurais beaucoup de difficultés à recommander une législation qui s'apparenterait même à celle de l'Ontario, et je vais vous dire pourquoi. Parce que mon impression — et peut-être que je l'ai mal lue et, comme je vous ai dit, je n'ai pas eu le bénéfice de l'étudier à fond d'aucune façon, je l'ai lue très rapidement, j'ai lu quelques articles, les articles m'apparaissaient pertinents hier. Mais il me semble que la prémisse de cette législation-là, et c'est là qu'on erre, à mon avis, la prémisse, c'est qu'il n'y a pas de danger, il n'y a pas de danger, effectivement, à autoriser des gens à donner des soins de santé. Le danger, c'est uniquement lorsqu'ils commencent à poser des diagnostics, et certains actes aussi qui sont à je ne me souviens plus quel article, certains actes, là, qui...

M. Trudel: 13 actes...

M. Folot: II y a certains actes aussi, comme l'administration de substances par injection, ou l'immobilisation plâtrée de fractures, ou l'introduction d'un instrument, main, doigt au-delà d'un conduit auditif, etc. Mais ce qu'on dit, dans le fond, dans cette loi-là, c'est: Si vous ne posez pas de diagnostic, si vous ne posez pas ces actes-là, à ce moment-là, on vous laisse faire, parce que — et je présume que c'est ça qu'on pense, on doit penser — il n'y a pas de danger pour le public. Bien, moi, je regrette, il y en a un sérieux danger pour le public, vous savez. Si je la lis comme il faut, la législation, tous les cas, par exemple, tous les cas de guérisseurs — et il ne faut pas se leurrer, il y en a des gens qui y croient, à ces cas-là... On a eu des cas il y a quelques années, des cas pathétiques. On a eu un cas pathétique d'une mère qui est venue se plaindre; elle avait confié son enfant aux soins d'une guérisseuse, son enfant était atteint de leucémie, et elle a cru la guérisseuse qui lui disait: Laisse tomber les médicaments. Parce que, elle, évidemment, c'était sa façon de voir les choses. Elle a cru la guérisseuse, elle a laissé tomber les médicaments, l'enfant est décédé dans des souffrances atroces, et elle s'en voulait — elle s'en veut probablement encore aujourd'hui. Elle est venue voir la Corporation en disant: Qu'est-ce que j'ai fait? Je me suis laissé avoir. Elle est venue se plaindre chez nous. Vous savez, il me semble qu'il ne faudrait toujours bien pas permettre ce genre d'activité là. C'est le danger que vous avez avec une législation comme celle-là. Ça, c'est un premier danger, vous savez.

L'autre danger, c'est qu'à partir du moment où on dit: C'est inoffensif — parce que c'est ça qu'on implique un peu... L'autre danger, évidemment, c'est le phénomène de la personne qui retarde son traitement. Vous savez, si la personne choisit d'aller voir quelqu'un qui lui donne un traitement inoffensif en soi, ce n'est peut-être pas très grave, sauf si elle a une condition sérieuse qu'elle ignore et que le thérapeute n'est pas en mesure de le voir. Là, à ce moment-là, vous savez, elle peut se causer un préjudice énorme. Alors, ça, c'est un autre cas qui n'est pas prévu, si vous voulez, à mon avis, par la loi.

Il y a toujours, évidemment, toute la question du préjudice économique qu'on ignore, en disant: Bien oui, on va les laisser faire, ces gens-là. Le préjudice économique, c'est important, vous savez. Quand quelqu'un va voir un charlatan, qui ne lui fait peut-être pas de mal, mais qui lui soutire 100 $, 125 $ à chaque visite, et qui le traîne pendant 13 mois, ou quelque chose comme ça, en lui disant à chaque semaine: Reviens, tu as encore besoin de traitements, ça va s'améliorer, prends tel produit, et il lui vend des produits qui sont peut-être inoffensifs, mais, économiquement, ça a son importance aussi. Alors, il y a tout ça.

Il y a aussi un autre argument qui m'apparaît peut-être moins important, c'est que cette façon de légiférer, si vous voulez, c'est le style anglais. On avance, si vous voulez, de multiples applications plutôt que de légiférer comme on l'a fait, nous, avec le style français, où on avance une règle générale. Je préfère de beaucoup notre style à nous. Le style anglais, vous le voyez, lisez les règles fiscales, par exemple; il n'y a plus rien à y comprendre, à un moment donné, c'est tellement complexe, et, à cause de ça, il y a des échappatoires continuellement, parce qu'on ne suit pas le style français, qui est le style de règle générale, si vous voulez, ou d'énoncé général. Alors, ça, ce sont tous des arguments, à mon avis, qui vont à l'encontre d'une législation comme celle-là. (11 h 40)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): En conclusion, Me Folot. C'est terminé.

M. Folot: Je pense que je viens de conclure, oui.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci. Alors, je cède la parole à M. le ministre, pour terminer.

M. Côté (Charlesbourg): Je veux vous remercier et vous dire que c'est un échange qu'on devra obligatoirement poursuivre avec l'ouverture de part et d'autre, et j'en avais oublié une petite dans mon introduction, que j'aurais dû vous passer. J'en ai une autre bonne que j'ai trouvée. C'est parce que vous faites allusion que peut-être que cette commission se tient sous l'effet de groupes de pression. Évidemment, s'il y a peut-être quelqu'un qui peut vous dire qu'on est habitué de vivre avec les groupes de pression, c'est celui qui a fait face aux médecins. À un certain moment donné, je trouvais que vous étiez pas mal bien organisés, comme groupe de

pression, et que probablement que tous ceux qui défendent des thérapies alternatives valables auraient intérêt à vous copier.

Une voix: À suivre votre modèle.

M. Côté (Charlesbourg): Mais ils n'ont pas les mêmes moyens que vous autres. Merci.

M. Trudel: Au nom de l'Opposition, on vous remercie également de votre contribution, et je veux dire au ministre qu'il a quelquefois un optimisme qui est débridé puisqu'il espère encore qu'au cours des cinq prochaines années la collaboration viendrait par elle-même. Il serait peut-être à noter ici que cette collaboration est souhaitable et qu'on peut l'espérer, compte tenu de ce que nous avons dit ce matin. On pourrait aussi dire: à défaut dans cinq ans, voilà ce qui va s'appliquer. Ça peut forcer le débat, quelquefois. Merci.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci. Au nom de la commission et en mon nom personnel, je vous remercie, Dr Frenette et Me Folot. Je vous remercie de votre contribution à cette commission.

Alors, j'invite les autres participants à prendre place, c'est-à-dire l'Ordre des pharmaciens du Québec.

J'inviterais maintenant le porte-parole de l'Ordre des pharmaciens à se présenter.

Ordre des pharmaciens du Québec

M. Lafontaine (Claude): Mme la Présidente, M. le ministre. Je suis Claude Lafontaine, président de l'Ordre des pharmaciens du Québec. J'aimerais vous présenter les gens qui m'accompagnent.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): S'il vous plaît.

M. Lafontaine: À l'extrême droite, Mme Catherine Saint-Jacques, qui est adjointe au directeur général et secrétaire; à ma droite, M. Alain Boisvert, qui est directeur général et secrétaire de la corporation, et, à ma gauche, M. Pierre Ducharme, qui est directeur des services professionnels.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et de 40 minutes pour échange avec la commission. Merci.

M. Lafontaine: Merci, Mme la Présidente.

L'Ordre des pharmaciens du Québec tient à remercier la commission des affaires sociales de l'opportunité qui lui est offerte de présenter ses observations, analyses et recommandations sur les thérapies alternatives.

Le phénomène des thérapies alternatives n'est pas nouveau en soi. L'histoire de la médecine démontre, en effet, que la plupart de ces thérapies nouvelles, supposé- ment nouvelles, ne le sont pas vraiment. Certaines sont même millénaires, comme la phytothérapie ou l'acupuncture. Ce qui est plus nouveau aujourd'hui, c'est que la spiritualité ne joue plus qu'un rôle très secondaire, que la maladie et la souffrance n'ont plus aucun sens, alors que c'est la santé qui fait nettement figure de valeur suprême, d'où les attentes irréalistes que certaines personnes peuvent avoir face à la guérison. C'est donc dans ce contexte que s'inscrit le phénomène des thérapies alternatives et il relève, selon nous, en grande partie, d'un refus d'acceptation des limites de la médecine et de la pharmacothérapie, malgré les progrès fabuleux de ces deux sciences au cours des 50 dernières années. D'ici à ce que la population québécoise prenne conscience, en temps et lieu, des limites des thérapies alternatives, il nous paraît plutôt incongru que n'importe qui, au Québec, puisse offrir ses services de thérapeute alternatif sans égard à la nature de ces services, sans égard à la faiblesse des fondements scientifiques sur lesquels ils reposent et sans égard à la vulnérabilité de la clientèle.

Voyons d'abord les fondements scientifiques des thérapies alternatives. Malgré ses limites, la méthode scientifique demeure le meilleur garde-fou dont on puisse disposer dans l'étude des méthodes thérapeutiques. La plupart des études sont unanimes à conclure que les thérapies alternatives sont dénuées de fondements scientifiques, à l'exception peut-être de l'acupuncture dans le traitement de la douleur. Pour le scientifique, ces disciplines constituent présentement des recueils d'anecdotes et des hypothèses de recherche attendant confirmation ou infïrmation. Il faut donc être prudent quant à la reconnaissance conférée aux thérapies alternatives sous peine de leur conférer trop légèrement une crédibilité qu'elles n'ont pas encore acquise.

Par ailleurs, il faut tenir compte, dans le traitement des malades, de facteurs autres que physique ou biologique et, pour cette raison, il n'y a pas lieu de prescrire ces approches qui peuvent être d'une utilité limitée, ne serait-ce qu'à titre de soutien psychologique du malade.

Ceci nous mène à aborder directement les questions qui sont à l'origine de la tenue de cette consultation publique. Plus spécifiquement, nous nous sommes questionnés sur la reconnaissance professionnelle des thérapeutes alternatifs, sur le problème de l'information véhiculée auprès du public et sur l'éventuelle place de ces thérapies au sein du réseau québécois de la santé et des services sociaux.

Les thérapeutes alternatifs méritent-ils la reconnaissance professionnelle? Nous ne pouvons à l'heure actuelle concevoir la constitution en corporation professionnelle d'exercice exclusif ou à titre réservé d'aucune des disciplines alternatives y prétendant, à l'exception possiblement des acupuncteurs, et avec la réserve qu'impose le débat en cours à ce sujet. Il manque, en effet, à tous les autres groupes désirant cette reconnaissance un des éléments essentiels prévus à l'article 25 du Code des professions, soit l'existence d'un corpus de connaissances s'appuyant sur des bases solides et validées par un

processus de formation fiable. Leur formation n'est, dans aucun cas, d'un niveau suffisant, soit universitaire ou collégial. Elle ne provient pas, non plus, d'institutions fiables dont l'objectivité ou la qualité pédagogique soit démontrable.

Dans ce contexte, la reconnaissance professionnelle des thérapeutes alternatifs ne peut donc être envisagée à l'heure actuelle sous peine de compromettre gravement la protection du public et de créer de sérieuses injustices envers les corps professionnels déjà constitués qui ont eu à rencontrer les exigences très élevées du Code des professions au niveau de l'admission à la pratique.

Par ailleurs, des formes d'encadrement professionnel différentes existent ailleurs au monde et permettent une certaine reconnaissance d'un statut professionnel limité à des individus offrant des services au public, ainsi que des règles de formation, de compétence et de conduite, sans pour autant leur conférer l'exercice exclusif ou un titre réservé. Il s'agit de la formule des licences professionnelles, «professional licensing», utilisée dans certains États américains. Cette formule, que nous n'avons pas évaluée en profondeur, mériterait cependant de l'être. C'est pourquoi nous recommandons que le gouvernement mandate le ministre responsable de l'application des lois professionnelles de procéder à cette évaluation. Celle-ci cadrerait d'ailleurs très bien avec le contexte de réforme du Code des professions qui prévaut actuellement.

Voyons maintenant la question de l'information au public. L'information au public, c'est ce qui modèle les perceptions et les attitudes de millions de Québécois vis-à-vis non seulement des médecines dites douces, mais aussi face à la santé en général. C'est à ce niveau qu'une action gouvernementale nous paraît la plus urgente. Le Québécois moyen ne dispose pas, à l'heure actuelle, d'une information fiable et objective au moment de choisir entre la médecine classique et son alternative. On lui offre, d'une part, un message modulé par la rigueur scientifique et déontologique et, en contrepartie, un message qui relève, la plupart du temps, de contes de fées. Il y a, dans la correction de cette situation, un rôle essentiel pour l'État. Il n'est plus acceptable que la population n'ait pas accès à une information équilibrée sur un sujet aussi important que la santé. Plus spécifiquement, nous croyons que ce rôle d'information et d'éducation revient à l'Office de la protection du consommateur. (11 h 50)

Notre troisième questionnement porte sur la contribution du réseau de la santé. En toute concordance avec les propos que nous avons préalablement tenus, nous ne voyons pas comment le réseau de la santé et des services sociaux pourrait être mis à contribution actuellement quant à la prestation de services alternatifs. L'absence de reconnaissance des thérapeutes visés, le questionnement profond qui subsiste quant aux fondements mêmes des disciplines dont ils se réclament, l'anarchie qui règne au niveau de leur formation et le biais de l'information disponible constituent autant d'obstacles à l'intégration de ces disciplines dans le réseau. Voilà pourquoi la suggestion de mettre le réseau de la santé et des services sociaux à contribution afin qu'il favorise la liberté des choix thérapeutiques nous paraît relever d'un principe dangereux. En effet, la mission de ce réseau public n'est pas de garantir l'exercice de la liberté de choix thérapeutique. Elle est, selon nous, d'offrir aux Québécois et aux Québécoises des services de santé et des services sociaux nécessaires à leur bien-être et dont la valeur intrinsèque et le degré de nécessité sont adéquatement démontrés.

Maintenant, Mme la Présidente... M. le Président, je m'excuse, nous désirons aborder ici un problème relatif à l'exercice des thérapies alternatives qui touche de plus près à l'expertise spécifique des pharmaciens. Il s'agit de l'utilisation de «biens assimilables à des médicaments» dans le contexte de la pratique des thérapies alternatives. Par biens assimilables à des médicaments, nous entendons, selon la définition légale d'un médicament, et je cite: L'ensemble des produits ou substances qui, sans posséder une nature médicamenteuse reconnue de façon incontestable, s'y assimilent en ce sens qu'ils servent «au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique ou psychique anormal, ou de leurs symptômes, chez l'homme ou l'animal; ou en vue de restaurer, corriger ou modifier les fonctions organiques chez l'homme ou chez les animaux».

Comme on peut le voir, cette définition légale de «médicament», qu'on retrouve dans la Loi sur la pharmacie et la Loi fédérale sur les aliments et drogues, est très large et peut englober des substances anodines dont l'usage ne nécessite pas toujours la supervision professionnelle d'un pharmacien. C'est ce qui fait que le législateur a toujours tenu, dans les lois relatives à l'exercice de la pharmacie, à exempter de l'application de ces lois certaines substances dénuées de toxicité ou ne présentant pas de risques élevés d'être utilisées à la place de traitements médicalement requis.

Or, certaines thérapies alternatives font appel à des substances qui se situent dans cette zone limitrophe de la définition de «médicament». Nous les englobons dans la notion de «biens assimilables à des médicaments». Il s'agit plus spécifiquement des produits homéopathiques, des oligo-éléments, des produits de phytothérapie, des produits de vitaminothérapie ou de mega-vitaminothérapie et des produits servant à l'aromathéra-pie. Aucun de ces produits n'a été démontré efficace par des études scientifiques. Toutefois, très peu d'entre eux, à l'exception de certains produits de phytothérapie, n'ont de toxicité démontrable. En revanche, la publicité et les indications préconisées par les thérapeutes alternatifs qui en font la promotion sont souvent discutables et peuvent induire le consommateur en erreur. Le principal risque, selon nous, qui soit associé à leur emploi est qu'ils peuvent être substitués à un traitement médicalement requis.

À l'heure actuelle, les conditions et modalités de la vente de ces biens assimilables à des médicaments n'ont pas été définies. Pourtant, la protection de la santé

publique commande de déterminer lesquels, parmi les biens assimilables aux médicaments et vendus par les thérapeutes alternatifs, sont réellement anodins. Cet exercice considérable requiert des experts et dépasse, évidemment, le cadre de cette commission. Fort heureusement, un mécanisme réglementaire a récemment été mis sur pied par le gouvernement, qui permettrait à cet exercice d'être réalisé d'une façon adéquate. Il s'agit de l'élaboration, par l'Office des professions du Québec, en vertu de l'article 37.1 de la Loi sur la pharmacie, du règlement sur les conditions et modalités de vente des médicaments. Ce processus prévoit que l'Office établisse, après consultation avec la Corporation professionnelle des médecins, la Corporation professionnelle des médecins vétérinaires, l'Ordre des pharmaciens et le Conseil consultatif de pharmacologie, des catégories de médicaments et détermine par qui et selon quelles conditions et modalités leur vente sera possible. L'Office s'est acquitté de ce mandat et le règlement qui en résulte, assorti d'annexés délimitant précisément à quels produits il s'applique, sera bientôt soumis au gouvernement pour approbation. Outre les organismes mentionnés ci-haut, l'Office a consulté divers autres intervenants, dont les naturopathes.

La retombée la plus bénéfique de ce projet de règlement sera de préciser, parmi les médicaments ne nécessitant pas d'ordonnance, ceux qui peuvent être vendus hors pharmacie. Il s'agira ici de substances jugées anodines par les experts consultés par l'Office et ne nécessitant pas la supervision d'un pharmacien. Par ailleurs, le règlement imposera des interventions professionnelles au pharmacien lors de la vente des produits devant être vendus en pharmacie seulement. Il en résultera une catégorisation des substances basée sur le risque relatif pour le public, et l'assortiment à ces catégories de conditions de vente tenant compte de ces risques.

Le projet de règlement qui résulte de cet exercice ne touche cependant pas les biens assimilables aux médicaments. Il a en effet été jugé prioritaire de s'attaquer, dans un premier temps, aux médicaments reconnus et de reporter l'étude et la classification de catégories comme les produits homéopathiques, les oligo-éléments et les produits de phytothérapie à plus tard. Quant aux vitamines, il a été convenu de ne pas les soumettre à quelque restriction que ce soit, sauf dans le cas des mégadoses de certaines d'entre elles, qui doivent déjà être vendues en pharmacie seulement, et sur ordonnance, en vertu de la loi fédérale sur les aliments et drogues.

Notre ordre est satisfait du processus mis en place par le gouvernement pour encadrer la vente des produits nécessitant un contrôle professionnel. Confié à l'Office, ce processus est impartial. Il donne à tous une chance égale d'être entendus. Il fait en outre appel à des expertises scientifiques, notamment à celle du Conseil consultatif de pharmacologie. Ce processus nous paraît, de plus, susceptible d'aider le gouvernement à encadrer de façon similaire d'autres catégories de substances assimilables à des médicaments.

En conséquence, l'Ordre des pharmaciens recommande que le gouvernement adopte le Règlement sur les conditions et modalités de vente des médicaments que lui soumettra sous peu l'Office des professions et que le gouvernement mandate, à la suite de cette adoption, l'Office d'entreprendre l'étude d'une mise sous contrôle éventuelle de ceux, parmi les biens assimilables à des médicaments et vendus par des thérapeutes alternatifs, qui peuvent présenter des risques significatifs pour le public. Cette mise sous contrôle devrait s'effectuer selon le mécanisme décrit à l'article 37.1 de la Loi sur la pharmacie, et la priorité devrait être accordée aux produits homéopathiques et phytothérapeutiques. Ces recommandations permettront, selon nous, de mettre fin à l'anarchie qui règne à ce niveau et qui nuit à la protection du public québécois.

Notons au passage que les produits homéopathiques sont déjà reconnus par le gouvernement fédéral comme des médicaments au sens de la loi. Notre ordre pourrait déjà poursuivre les non-pharmaciens qui en font le commerce pour exercice illégal de la pharmacie. Nous désirons cependant que cette question soit d'abord soumise à un processus d'évaluation rationnel, fiable et impartial. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement de mandater l'Office à cette fin puisque cet exercice n'a pas été fait, ayant été relégué à une date ultérieure, lors de l'élaboration du règlement dont il est question.

Quelques mots, en terminant, sur la situation actuelle de l'homéopathie en pharmacie. Elle est certes la plus populaire des thérapies dites alternatives au Québec. Cette popularité a créé en pharmacie une demande considérable, beaucoup de patients préférant obtenir ces médicaments et les services professionnels qui y sont afférents chez un pharmacien plutôt que chez un thérapeute non reconnu. En dépit de l'absence de preuves scientifiques de l'efficacité des médicaments homéopathiques, notre corporation a dû normaliser l'intervention des pharmaciens en homéopathie afin de tenir compte de la réalité vécue sur le terrain par ses membres et d'assurer la protection du public.

Le 18 février 1992, le bureau de notre corporation adoptait formellement une norme sur les services reliés à la distribution de médicaments homéopathiques, dont les faits saillants sont les obligations, pour le pharmacien: premièrement, d'informer le patient sur le bon usage de ce médicament et de procéder à l'étude de son dossier pharmacologique lors de la vente; de ne distribuer que des produits conformes aux normes canadiennes de pureté, de qualité et de fabrication; de référer à un médecin tout patient dont l'état ne se prête pas à l'autotraitement et d'inciter le patient à ne pas abandonner un traitement médicalement requis au profit d'un médicament d'homéopathie sans l'autorisation de son médecin.

La supervision de l'application de cette norme a été confiée au comité d'inspection professionnelle de notre corporation. Ces mesures permettent, en dépit des doutes qui continuent d'être évoqués quant à l'efficacité de ces produits, d'assurer le public qu'ils seront utilisés de façon responsable. Elles confèrent également à la vente en pharmacie de ces produits une sécurité que l'on

ne retrouve pas ailleurs, notamment à propos des trois dernières obligations faites aux pharmaciens. Nous croyons qu'il s'agit là d'un exemple d'intervention qui pourra servir à guider le gouvernement dans l'encadrement à venir des pratiques alternatives.

En résumé, M. le Président, l'ampleur du phénomène des approches thérapeutiques dites douces, alternatives ou complémentaires commande des actions législatives permettant d'assurer une meilleure protection du public. L'Ordre des pharmaciens s'oppose à ce que les disciplines alternatives soient regroupées en corporations professionnelles et suggère que le gouvernement procède à l'évaluation de la formule des licences professionnelles telle qu'utilisée dans certains États américains. (12 heures)

D'autre part, l'action la plus urgente demeure, selon nous, la question de l'information au public. Notre corporation recommande de confier à l'Office de la protection du consommateur le mandat de contrôler le matériel d'information et d'éducation relatif aux thérapies alternatives afin que la population ait accès à une information équilibrée sur ce sujet en particulier, de même que sur le sujet de la santé en général.

Quant à l'idée de l'intégration des thérapies alternatives à l'intérieur du réseau de la santé et des services sociaux, l'Ordre y est totalement opposé. La mission du réseau public n'est pas de garantir l'exercice de la liberté de choix thérapeutique. Elle consiste à offrir aux Québécois et Québécoises des services de santé et des services sociaux nécessaires à leur bien-être et dont la valeur intrinsèque et le degré de nécessité ont été adéquatement démontrés. Cette démonstration reste à faire.

Enfin, les thérapies alternatives font usage de biens assimilables à des médicaments. Le principal risque associé à leur emploi est leur substitution à un traitement médicalement requis. La protection de la santé publique commande donc de déterminer lesquels, parmi ces produits, sont réellement anodins. L'Ordre recommande que l'Office des professions entreprenne une étude de ces produits et mette sous contrôle ceux qui peuvent présenter des risques significatifs pour le public. Merci.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie, M. Lafontaine.

M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président.

Licences professionnelles: il y a une préoccupation là qui est très largement exprimée, c'est valeur scientifique, protection du public et connaissances, et ainsi de suite. Je pense que c'est une voie qui est sage et que l'on doit explorer. D'ailleurs, je vous entendais tantôt parler du règlement sur les conditions de vente avec l'Office, auquel le ministère a été associé aussi, et je pense que tout le monde s'est bien entendu et que c'est un processus qui est hautement scientifique et qui va permettre, je l'espère bien, de régler un certain nombre de problèmes.

Lorsque vous évoquez des expériences américai- nes de licences professionnelles, j'aimerais vous entendre davantage, même si vous nous avez dit: On ne l'a pas fouillé, fouillé, fouillé, fouillé, là. J'aimerais au moins en savoir un petit peu plus que de piquer notre intérêt, davantage au niveau des licences professionnelles ou pour examiner si ça ne peut pas être une avenue plus qu'intéressante.

M. Lafontaine: Nous ne l'avons pas examiné en profondeur. Nous savons que ça existe, nous savons aussi que, dans le domaine de l'homéopathie, en France, seuls les médecins ont le droit de prescrire des médicaments homéopathiques et seuls les pharmaciens ont le droit de les vendre. Alors, je pense que, dans une étude globale, si on prend les thérapies dites alternatives, il faut regarder un peu ce qui se passe ailleurs. On a donné ces exemples, mais je ne sais pas, peut-être qu'en Suède aussi il y a un processus tout à fait différent, peut-être qu'en Hollande il y a un processus différent. Mais je pense qu'il faudrait l'étudier très sérieusement puis essayer de faire une synthèse de ce qui est bon dans les différents systèmes puis de rejeter ce qui n'est pas bon.

M. Côté (Charlesbourg): Vous êtes fin renard parce qu'il y avait une question qui suivait celle-là et qui était celle de l'homéopathie aux États-Unis en particulier, où on nous a fait la démonstration qu'aux États-Unis il y a quand même passablement de monde — 33 000, si ma mémoire est fidèle, médecins — qui pratique l'homéopathie. Donc, si 33 000 médecins aux États-Unis pratiquent l'homéopathie, j'imagine que, scientifiquement, ça ne leur fait pas trop mal et qu'il doit y avoir certaines vertus à la pratique, pas uniquement du fait qu'elle est pratiquée par un médecin. Ce n'est pas du fait qu'elle est pratiquée par un médecin de médecine qu'elle a des vertus. Et ça, scientifiquement, c'a dû être prouvé si les médecins l'utilisent. J'aimerais être un petit peu démêlé dans tout ça parce que, je dois vous dire, je suis un peu mêlé.

M. Lafontaine: Pour ce qui est de l'homéopathie, disons que, d'abord, quand le Dr Hahnemann, en Allemagne, a commencé à faire ce qu'il a appelé l'homéopathie, il a tout simplement tenté de démontrer que des substances à doses infinitésimales pouvaient avoir des effets pharmacologiques. Scientifiquement, il n'a pas pu le démontrer. Mais lui reconnaît, par des résultats qu'il a colligés, que ces résultats étaient obtenus. Il y a eu un engouement pour ces pratiques aux États-Unis et, d'ailleurs, il existe une pharmacopée américaine des produits homéopathiques. Il y a déjà eu, à Montréal, un hôpital strictement réservé à traiter des malades avec des préparations homéopathiques. Qu'est-ce qui est arrivé? Je ne sais pas si c'est la pénicilline en 1945, puis les substances chimiques qui sont apparues sur le marché à partir des années 1945, après la guerre, mais c'a été mis de côté.

Hahnemann n'a pas développé une nouvelle médecine. Il a développé, par exemple, une nouvelle boîte à

outils de produits ayant des effets thérapeutiques. Je pense que les médecins du Québec devraient faire comme les médecins français, s'intéresser davantage à ces outils-là. Il y a déjà toute l'Association de médecine holistique qui utilise, maintenant, différentes thérapies, et je pense qu'ils ont raison d'utiliser différentes thérapies. Ce sont les gens qui sont les mieux en mesure de savoir quelle thérapie est préférable dans tel cas plutôt que telle autre thérapie. Ce sont les seuls qui sont autorisés, au Québec, à poser des diagnostics, donc à examiner des malades — on ne peut pas poser des diagnostics sans examiner des malades — et à traiter les maladies ou les déficiences physiques.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, logique de base, diagnostic. C'est pour ça que ça peut être complémentaire à la formation médicale, en termes de boîte à outils, comme vous l'expliquiez facilement, le choix des moyens à l'intérieur pour être capable de soulager l'individu qui est devant vous. La base étant le diagnostic, si je comprends.

M. Lafontaine: La base est le diagnostic. Quand le médecin recommande de la physiothérapie, c'est à la suite d'un diagnostic.

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Lafontaine: Si le médecin recommande de la radiothérapie, s'il recommande des médicaments homéopathiques, ou s'il recommande des antibiotiques, ou s'il recommande un autre médicament, c'est lui qui a fait le diagnostic.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, pas de possibilité de pratique de l'homéopathie autrement que par des gens qui ont des qualités ou des qualifications reconnues pour poser un diagnostic. C'est ça que ça veut dire?

M. Lafontaine: Je trouve que ce serait difficile. C'est là qu'on dit à nos membres: Assurez-vous que les gens ne sont pas en train de substituer des thérapies médicalement requises et des médicaments prouvés scientifiquement par des médicaments dont on n'a pas fait la preuve scientifique, sans, au moins, qu'ils aient obtenu l'autorisation du médecin traitant.

M. Côté (Charlesbourg): O.K. Je pense que monsieur voulait peut-être ajouter. Je reviendrai avec...

M. Boisvert (Alain): Oui, peut-être sur la question...

Le Président (M. Joly): M. Boisvert.

M. Boisvert: ...de la place de la méthodologie scientifique dans l'évaluation des thérapeutiques. Nous ne prétendons pas que la science doit être omniprésente dans l'exercice de la médecine ou de la pharmacie ou dans le monde de la santé. Je pense que le compromis que nous suggérons au gouvernement entre l'approche scientifique à outrance et l'abandon total de la science est un juste équilibre entre ces deux valeurs-là. La science, comme nous l'avons dit dans notre mémoire, c'est notre meilleure méthode d'évaluation. C'est un peu notre garde-fou. Elle a ses limites. Elle crée aussi des problèmes. Je pense que la déshumanisation des soins, à laquelle on a souvent fait allusion au cours de cette... en tout cas, de la partie de cette commission parlementaire à laquelle j'ai assisté, provient, en partie, de la rigueur scientifique lorsqu'on tente de l'appliquer au monde médical. Donc, il ne faut pas être dogmatique dans l'utilisation de la science.

Le fait que des professionnels reconnus utilisent des médicaments homéopathiques dont l'efficacité n'est pas démontrée par les méthodes scientifiques ne leur donne pas de valeur scientifique. Par contre, leur utilisation par des professionnels de la santé qui sont habilités à poser des diagnostics, à poser un regard un peu plus global sur l'état de santé du patient, un regard qui n'est pas dicté, en tout cas on l'espère, strictement par leur approche thérapeutique, constitue, selon nous, une façon de protéger le public. Alors, il faut bien comprendre cette nuance-là parce que ça peut sembler une antithèse un peu, pour des professions scientifiques, de relever le fait que l'homéopathie n'est pas une discipline scientifiquement prouvée et, en même temps, d'essayer de l'intégrer à l'intérieur de leurs rangs. J'espère que cette nuance-là est comprise.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je pense que c'était peut-être le moment pour le faire ou, du moins, tenter de le faire. Évidemment, mes questions ne portaient, moi, que là-dessus, et je veux continuer dans ce sens-là parce que, inévitablement, le questionnement dans le public, c'est: Si ce n'est pas bon ou pas prouvé scientifiquement, pourquoi se retrouve-t-on dans des situations où les pharmaciens ont dans leur officine des produits homéopathiques? Je pense que vous avez parfaitement raison de le dire et je pense qu'il faut s'organiser pour que ce soit très clair, si ce n'est pas scientifiquement prouvé... Des gens sont venus, hier soir, en homéopathie, nous parler d'otite, avec certaines possibilités, sans que ce soit scientifiquement prouvé, qui semblent procurer un certain bien-être. Moi, je ne suis pas habilité à porter un jugement là-dessus, mais je me dis: Qu'est-ce que vous faites, vous autres, sur le plan de la formation de vos gens, face à ça et, dans le suivi, comme protection du public, qu'est-ce qui est fait pour protéger le public auprès de vos pharmaciens? (12 h 10)

M. Boisvert: Deux choses là-dessus. D'abord, au niveau de la formation, et c'est peut-être là que nos actions sont encore un peu lacunaires, il n'y a pas de processus de formation qui nous satisfasse à l'heure actuelle en matière d'homéopathie. Malgré les mérites du programme que le CEDH et d'autres groupes offrent présentement, nous avons certaines réserves. Une de ces réserves, M. le ministre, vous l'avez soulevé hier, est le fait que ces programmes-là soient associés de très près à

des fabricants. Alors, en partie, ça nous paraît receler la possibilité qu'il y ait un certain biais ou qu'il y ait un certain manque d'impartialité au niveau d'un processus de formation.

Ceci étant dit, c'est la seule source de formation actuelle. Et c'est pour cette raison-là que, à son corps défendant, l'Ordre des pharmaciens a accepté d'octroyer des crédits de formation continue à ceux de ses membres qui acceptaient de participer à ces programmes-là. Nous voulions susciter chez nos membres un intérêt à se documenter sur l'homéopathie pour être capables de répondre, sans égard à notre opinion sur l'homéopathie, aux questions du public. Même si on ne croit pas à l'homéopathie, il n'en demeure pas moins que le public entre dans les pharmacies et attend des pharmaciens des réponses à ses questions. Le pharmacien doit donc, sans nécessairement reconnaître la valeur thérapeutique des médicaments homéopathiques, être assez sensibilisé à cette discipline-là pour être capable de répondre à ces questions-là du public. C'est pourquoi nous encourageons les pharmaciens à suivre ces cours-là et nous octroyons des crédits de formation continue. Nous avons été critiqués pour le faire, mais ça nous paraît être la voie la plus sage.

D'autre part, nous avons normalisé la pratique des pharmaciens eu égard à l'homéopathie. Nous avons donné, dans le mémoire, les grandes lignes de cette norme-là. On veut que, si un pharmacien s'engage dans la pratique de l'homéopathie, ce soit fait d'une façon responsable, d'une façon qui est respectueuse du droit du public à avoir accès à ces produits-là, mais aussi du droit du public à avoir, en contrepartie, des services sécuritaires, une information adéquate, des mises en garde là où c'est approprié d'en donner et des recommandations de consultation médicale lorsque la consultation médicale est requise.

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, M. le ministre, mais, déjà, je pense que je déborde un peu, là. Je vais être obligé de reconnaître M. le député de Rouyn-Noranda—Témiscamingue. S'il vous plaît.

M. Trudel: Merci, M. le Président.

Parfois, il n'est pas nécessaire, souvent, peut-être, il n'est pas nécessaire de toujours prendre beaucoup de temps pour exprimer des positions très claires. C'est le mérite de votre mémoire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: C'est assez clair. J'apprécie d'autant plus la dernière intervention. Franchement, j'ai trouvé votre mémoire comme étant très carré et avec un très grand mérite. Je vous le dis tout de suite parce que c'est une réalité qui existe. On est sur une gamme d'actions ou de réactions dans la société québécoise, et vous véhiculez ici une position, dans le texte en tout cas, extrêmement carrée qui, somme toute, disait, en tout cas, au niveau de l'écrit «Hors de la science, point de salut, puis tout le restant, c'est du charlatanisme puis c'est de l'abus. Bon. On vient de nuancer sérieusement la position de l'Ordre des pharmaciens. Je constate, dans le fond, que, même si le fossé est encore très large, il y a donc un certain nombre de professionnels, en particulier dans le monde de la pharmacie, qui sont prêts à mettre leurs connaissances à la disposition du public pour aider à faire la discrimination entre ce qui peut être nuisible pour le public et qui peut s'apparenter à de l'abus de confiance, ou à de l'abus, et que vous pouvez apporter une contribution dans ce sens-là.

Parmi les jugements qui me surprennent quand même, celui à travers la reconnaissance ou la non-reconnaissance, ou l'existence ou la non-existence des thérapies alternatives, il y a ce que vous soulevez, à la page 9, en matière de discipline. Ça m'apparaît sévère, un jugement global qui ne souffre pas de différence ou de nuance. Vous doutez «de la volonté réelle d'autodiscipline des thérapeutes alternatifs. Ceux d'entre eux qui se sont regroupés l'ont fait au sein d'organisations à caractère purement syndical, quand ils ne se sont pas carrément affiliés à de grandes centrales comme la CSN. De tels organismes sont certes éminemment préparés à jouer un rôle de protection des intérêts de leurs membres. Ils sont cependant encore très loin des attitudes et de l'expertise requises d'une corporation professionnelle par son mandat de protection du public.»

Comment pouvez-vous en arriver à reconnaître un certain nombre de techniques et que l'on puisse socialement les critiquer, les observer et les contrôler en dehors de la formule des corporations professionnelles? Je vous avertis tout de suite, je vais revenir aussi sur le travail de type corporation professionnelle.

M. Boisvert: Là-dessus, écoutez, c'est vrai que notre jugement est peut-être très sévère. J'espère que nous nous trompons, d'ailleurs, mais nous n'avons pas vu, dans les agissements des groupes, des promoteurs des thérapies alternatives, jusqu'à maintenant, d'actes concrets qui auraient été possibles en dehors de l'incorporation en bonne et du forme, en vertu du Code des professions, d'actes concrets donc qui auraient permis de séparer l'ivraie du bon grain.

On s'est souvent fait dire par les thérapeutes alternatifs: Oui, il y a des charlatans chez nous, mais ce n'est pas vrai de l'ensemble de nos membres. Je suis tout à fait d'accord avec ça. Je le sais par expérience qu'il y a des gens chez les thérapeutes non reconnus qui ont une déontologie personnelle comparable à celle des professionnels reconnus. Sauf qu'il y a des responsabilités institutionnelles aussi au sein des regroupements de thérapeutes alternatifs. Force est de constater qu'à l'intérieur de ce mouvement-là on n'a pas tenté de séparer les charlatans des gens qui pouvaient apporter une contribution. Il aurait été possible d'exclure de ces regroupements-là certains individus dont les pratiques sont douteuses. Ça pourrait se faire sur une base volontaire. Les massothérapeutes l'ont fait; ils se sont séparés de ceux parmi les leurs qui avaient des pratiques plus douteuses. Ça aurait pu être fait au niveau d'autres regroupements. Ça ne s'est pas fait. C'est pour cette raison-là que nous

posons un jugement un petit peu sévère et qui, je l'espère, est erroné. Mais nous nous devons de nous en tenir aux faits.

M. Trudel: Mais qu'est-ce que vous voulez dire, par ailleurs, dans votre mémoire, lorsque vous dites qu'on ne doit pas reconnaître les thérapies alternatives parce que ça risque de créer de sérieuses injustices envers les corps professionnels déjà constitués?

M. Boisvert: Tout ce qu'on veut dire par là, c'est que, s'il doit y avoir une reconnaissance professionnelle, les règles doivent être les mêmes pour tout le monde. Nous croyons que le système professionnel québécois, malgré les critiques parfois justifiées dont il est l'objet, est un système valable et qui offre les éléments qu'il faut pour protéger le public. On se devrait donc de partir de ce système professionnel pour y incorporer éventuellement d'autres professions de la santé, mais à condition qu'on réponde aux exigences rigoureuses, je le conçois, de ce système professionnel, notamment au niveau de la formation.

M. Trudel: Et vous dites: On ne devrait pas les reconnaître non plus, sous peine de compromettre gravement la protection du public. Vous différez donc profondément d'opinions avec l'Office des professions qui dit qu'en matière de thérapies alternatives il n'y a pas de danger, le degré de danger pour le public n'est pas élevé, qu'on est vraiment en termes de médecines douces. Vous ne partagez pas cette opinion. Vous dites: Non, il y a des dangers très graves que le public court...

M. Boisvert: II existe certains dangers préoccupants. Je dois dire que, sur la question de la reconnaissance, nous nous sommes bornés à répondre à la question telle qu'elle était formulée. Notre position doit être interprétée comme telle. Encore ici, c'est une nuance que le texte ne nous permettait pas de faire, mais que peut-être l'échange verbal nous permettra de mieux faire. Nous nous prononçons sur la reconnaissance des thérapies alternatives dans l'état où elles sont présentement au Québec, c'est-à-dire avec, entre autres choses, une formation très souvent inadéquate, très lacunaire lorsqu'on la compare au champ de pratique qui est brigué par ces thérapies-là.

Quant aux conclusions de l'Office, avec tout le respect que je dois au processus qui a servi de prélude à ces conclusions-là, il nous est apparu en effet qu'on tentait d'évacuer un petit peu la question. Si, dans l'état actuel des choses, nous ne pouvons pas concevoir la reconnaissance professionnelle des thérapeutes alternatifs, il n'est pas dit que, si un effort d'autodiscipline était fait par ces thérapeutes-là, notamment au niveau de la formation, si on rehaussait la formation dans certaines de ces disciplines-là à un niveau adéquat, comme semble s'en dégager l'idée au niveau de certaines autres présentations, notre position serait immuable. Mais il faudrait attendre d'avoir des propositions plus...

M. Trudel: Est-ce que vous pouvez nous donner un, deux, trois exemples de dangers que le public court avec les thérapies alternatives ou l'utilisation de produits dans le réseau des thérapies alternatives, des dangers graves, eu égard, évidemment, à votre expertise, à votre secteur d'activité, la pharmacologie? (12 h 20)

M. Lafontaine: Bien, par exemple, en homéopathie, on utilise... on peut utiliser des produits pour les otites. Bon. À un moment donné, il pourrait arriver que le produit n'agisse pas et que la personne se présente chez un médecin et lui dise: Bien, écoutez, votre enfant, madame, il commence à être sourd; si vous aviez utilisé les produits qu'on utilise généralement pour guérir les otites, eh bien, il n'aurait pas atteint un degré de surdité comme il vient d'atteindre. Alors, il y a des limites aux produits d'homéopathie, et, d'ailleurs, ils ont un langage pour ça, ils disent que le médicament s'épuise. Je ne suis pas certain que le médicament s'épuise, par exemple. C'est peut-être que l'organisme réagit toujours au médicament extérieur et que lui a développé un mécanisme de réaction qui fait que le médicament n'est pas utile, est moins efficace. Alors, cette prévention qui peut être faite au niveau de la pharmacie, c'est de dire: Bien, écoutez, c'est des otites, l'enfant fait de la fièvre; avant de traiter avec des médicaments homéopathiques, ce serait peut-être bon d'aller voir un médecin et de le faire regarder, faire diagnostiquer la gravité de l'état. Et des thérapeutes qui ne peuvent pas examiner des gens, poser des diagnostics précis, au besoin, les faire confirmer par des examens de laboratoire. Et là on parle de diabète, d'hypertension, et tout ça, je pense que ce n'est pas tellement sécuritaire pour le public.

M. Boisvert: Peut-être d'autres exemples...

M. Trudel: Bien, ce n'est pas... Je m'excuse, juste... Est-ce que c'est beaucoup plus dangereux que les 10 % d'hospitalisation qui seraient dus à une mauvaise, une surconsommation de médicaments, tel qu'on le disait dans une publication officielle du ministère, l'an passé, lorsqu'on a examiné le financement des systèmes de santé et services sociaux? En termes de degré, entre guillemets, de dangerosité, est-ce qu'on n'est pas, là, en termes de l'exercice de la liberté pour un individu qui. À ce compte-là, vous ne contrôlez pas la quantité de cognac que quelqu'un peut aller s'acheter à la Société des alcools, et c'est un abus s'il en prend 30 onces, hein?

M. Lafontaine: Non, non. Si vous utilisez cet exemple-là, on va mettre tous les médicaments en vente libre partout, là.

M. Trudel: Tous les médicaments, c'est ça.

M. Lafontaine: Ça, c'est bien évident. Mais je pense qu'il y a un certain rôle de protection à jouer. Quand des gens font des études universitaires — dans le cas des médecins, je ne sais plus combien d'années

c'est, si c'est rendu à six ou sept, et, dans le cas des pharmaciens, c'est quatre années — pour, justement, être spécialistes dans le domaine des médicaments, pour être capable de voir à ce que les médicaments soients bien utilisés par les gens, pour prévenir les interactions médicamenteuses, pour prévenir l'administration de médicaments qui sont contre-indiqués, et toutes ces choses, moi, je pense qu'à ce moment-là le pharmacien peut jouer un rôle, même dans des médicaments aussi simples que des médicaments d'homéopathie. Parce que l'homéopathie comme telle, ça n'existe pas. Enlevez les produits d'homéopathie et il n'y a plus rien qui tient, l'édifice s'écroule. Enlevez certains médicaments, les médecins continuent à faire de la médecine. Enlevez des médicaments pour le traitement du glaucome, vous pouvez aller le traiter avec le laser aujourd'hui. Ça tient encore. Mais enlevez les médicaments d'homéopathie, il n'y a plus rien qui tient. Ça s'écroule.

M. Boisvert: Peut-être de façon plus spécifique...

Le Président (M. Joly): Très brièvement, M. Boisvert, s'il vous plaît.

M. Boisvert: Oui, rapidement. Les deux risques qu'on craint... Je n'essaierai pas de disculper les médicaments, on est les premiers à mettre la population en garde contre les risques d'abus de médicaments. Ceci étant dit, ce n'est pas parce qu'on ne réussit pas, comme société, à bien gérer nos médicaments, ou, en tout cas, à les gérer d'une manière optimale, que l'alternative va nécessairement être meilleure. Dans le cas de la phytothérapie, il y a un petit nombre de produits qui peuvent présenter des risques. La très grande majorité de ces produits-là sont inoffensifs, je le conçois. Par contre, il n'y a pas de réglementation ferme au niveau fédéral sur la mise en marché de ces produits-là, et certaines substances très toxiques peuvent se glisser là-dedans. Le principal risque qu'on voit également dans une situation totalement déréglementée de ces pratiques, c'est qu'on évite de faire ce que, nous, on impose aux pharmaciens lorsqu'ils pratiquent l'homéopathie, c'est-à-dire de référer les cas où c'est médicalement requis, les cas graves, donc, à un médecin pour un bon diagnostic. Il y a des cas qui ne se prêtent pas à l'automédication, et ça, le citoyen, malgré tout son gros bon sens, ce qui est bien développé chez les Québécois, ne peut pas, sans aide, être capable de faire la part des choses.

Le Président (M. Joly): Merci.

M. le député, s'il vous plaît. Malheureusement...

M. Trudel: Pour remercier?

Le Président (M. Joly): Oui, s'il vous plaît.

M. Trudel: Alors, on va vous remercier de vos sages conseils, comme le font toujours les pharmaciens, en vous disant que je crains moins les naturistes que la vente libre du tabac et la vente libre des boissons alcooliques, pour la santé publique, que les magasins naturistes. Je veux dire qu'en termes de danger, là...

M. Boisvert: Vous savez qu'on s'est prononcés sur le tabac.

Des voix: Ha, ha, ha! M. Trudel: Oui. Ha, ha, ha! Merci. Le Président (M. Joly): M. le ministre. M. Trudel: Merci de votre contribution.

M. Lafontaine: D'ailleurs, M. le ministre nous a dit qu'il allait nous aider très bientôt.

Le Président (M. Joly): M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): C'est vrai, M. le Président, M. Lafontaine a parfaitement raison, mais je suis un parmi tant.

M. Lafontaine: J'avais compris.

M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup.

M. Trudel: Merci.

M. Lafontaine: Merci.

Le Président (M. Joly): Merci. Alors, au nom des membres de cette commission, je tiens à remercier l'Ordre des pharmaciens du Québec. Merci beaucoup.

Je demanderais maintenant aux gens du Regroupement des centres de santé des femmes du Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Merci beaucoup.

Alors, bonjour, mesdames. Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue.

Une voix: Bonjour.

Le Président (M. Joly): Alors, je tiens à vous dire que nous avons déjà reçu votre mémoire. Ça a déjà été lu, ça a déjà été analysé, alors, d'une façon peut-être succincte reprendre une partie de votre mémoire. Les membres de la commission sont prêts à vous entendre et, après ça, à échanger avec vous. Alors, j'apprécierais que la personne responsable puisse s'identifier et aussi nous identifier les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Regroupement des centres de santé des femmes du Québec

Mme Lamontagne (Lise): Merci. Je remercie la commission de nous permettre de vous présenter le

point de vue des centres de santé ici. Je vais vous présenter les personnes: à ma gauche, c'est Diane Carie, qui est à l'origine du Centre de santé des femmes de la Mauricie, qui est encore travailleuse là, donc, depuis 11 ans maintenant; ici, c'est Raymonde Morin, qui est membre du C.A. du Centre de santé des femmes de Sherbrooke et qui est aussi animatrice pour des ateliers collectifs, et, au bout complètement, Johanne Marcotte, du Centre de santé des femmes de Montréal, qui a été huit ans militante et travailleuse au Centre. Moi-même, je suis Lise Lamontagne, je suis la coordonnatrice du Regroupement.

Le Président (M. Joly): La parole est à vous, madame.

Mme Lamontagne (Lise): Merci. Je voulais vous souligner que ce mémoire est appuyé par la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, pour commencer. On va se partager le tour de parole, ça fait que... Bon.

Les thérapies ou les pratiques alternatives regroupent différentes disciplines, telles l'homéopathie, l'acupuncture, la massothérapie, etc. Ces disciplines ne font pas partie, actuellement, du réseau public et méritent qu'on s'attarde sur le rôle et la place qu'on doit leur accorder. En général, les thérapies alternatives offrent plus de choix aux femmes et nous trouvons l'ouverture qu'on donne à ces thérapies ici même très intéressante. Particulièrement, nous tenons à souligner notre accord avec la pratique des sages-femmes qui travaillent aussi, comme nous, à l'humanisation des soins. Il y a d'autres alternatives que l'homéopathie, et tout ça, qui travaillent en marge du réseau. Ce ne sont pas des thérapies alternatives, ce sont plutôt des pratiques alternatives, et les organismes communautaires sont dans ce domaine; les centres de santé font partie des organismes communautaires. Les organismes communautaires, c'est tout un secteur qui a su se distinguer du réseau public par ses pratiques novatrices et alternatives, et les centres de santé des femmes, depuis plusieurs années, sont donc au coeur de la vie des femmes et implantés dans la communauté. Le ministère de la Santé et des Services sociaux a choisi d'encourager cet apport féministe et original de la santé, et on va voir ensemble le rôle et la place qu'ont ces groupes avec les femmes. On va mettre en lumière le rôle et la place et, aussi, on va indiquer comment le ministère peut permettre aux femmes d'avoir plus accès à des choix thérapeutiques.

On va faire juste un peu l'historique, parce que c'est important de voir comment les centres de santé se sont implantés. Us sont nés des lacunes du système de santé public. Le réseau ne répondait pas non plus toujours aux besoins exprimés par les femmes, des besoins spécifiques. Lorsqu'il s'agit de retrouver des services et conseils adaptés aux besoins des femmes, les centres hospitaliers, les CLSC et les cliniques médicales sont souvent et malheureusement peu organisés ou spécialisés. Ils les réfèrent d'ailleurs régulièrement dans les centres de santé des femmes.

Les centres de santé sont des organismes communautaires qui se sont implantés par la mise en commun du besoin de plusieurs femmes dans des régions. Les femmes se sont mobilisées pour créer des lieux d'appartenance, bâtir des réseaux d'aide et d'appui et offrir des services dans le domaine de la santé et des services sociaux qui répondaient à leurs besoins. Toute femme qui est intéressée a pu s'impliquer et peut toujours s'impliquer dans la définition, dans les services, les orientations des centres de santé. (12 h 30)

Nos objectifs. Bien, le plus grand, je pense, c'est de remettre aux femmes le pouvoir qu'elles ont par rapport à leur santé et remettre à sa place le pouvoir médical. On trouve que la surmédicalisation des étapes de vie, la spécialisation et la professionnalisation des services de santé publics n'ont, au fil des années, qu'amené les femmes à une plus grande dépendance face au milieu médical. Alors, les intervenantes des centres de santé ont dénoncé l'absence d'information critique, les thérapeutiques abusives qu'il y avait dans le réseau public, la discrimination sexiste exercée sur le corps des femmes. Ces injustices ont amené les femmes à instaurer des pratiques alternatives fondées sur la reconnaissance de la problématique spécifique de santé des femmes.

Chaque centre est une solution alternative au réseau traditionnel. Il s'en distingue par son enracinement dans la communauté, une vision globale de la santé et du bien-être de la société, une approche différente, une capacité d'innover, une action axée sur l'autonomie et par la prise en charge des femmes, une conception égalitaire des rapports intervenant-intervenante et usagères et un fonctionnement démocratique. Toutes ces affaires-là sont bien démontrées dans le mémoire, on ne va pas y revenir comme tel, mais on veut aussi expliquer que notre vision du service est une vision autre que ce qu'il y a actuellement dans le réseau. Ça se propose de mieux répondre aux besoins des femmes et de leur offrir des services et un suivi plus appropriés.

Le Président (M. Joly): Mme Morin, s'il vous plaît.

Mme Morin (Raymonde): M. le Président, M. le ministre, M. Trudel, je suis particulièrement ravie de me retrouver pour une deuxième fois ici en moins d'un mois. De toute façon, je vais poursuivre le discours de ma collègue. Les centres de santé des femmes ont développé une intervention alternative par le questionnement du système de santé, des pratiques médicales qui limitent ou ignorent le pouvoir et l'autonomie des femmes sur leur santé. Ils ont développé une multitude d'initiatives pour répondre adéquatement à des besoins nouveaux. Ils cherchent à répondre à ces besoins en développant des pratiques nouvelles, d'où l'importance accordée à la souplesse, à la capacité d'adaptation et à l'innovation. Autrement dit, on parle de qualité de vie et de santé, et non de maladie.

Notre orientation est precise: démédicaliser, dé-sexiser les approches en santé des femmes dans une perspective féministe. Exemple: en santé mentale, une femme agressive est anormale, alors qu'un homme agressif est tout ce qu'il y a de plus sain. En clinique ménopause, le démon du midi s'empare des hommes grisonnants, alors que les femmes du même âge cessent d'être des femmes sexuées, et c'est totalement faux, en plus de leur faire croire que la ménopause est une maladie au lieu d'une étape de leur vie. Et j'en passe.

Je pourrais dire que dans le réseau formel, on ne nous dit rien sur tout ce qui concerne les étapes de notre vie les menstruations, la grossesse... Exemple: la grossesse en réseau formel, c'est mathématique. C'est ta pression, c'est ton poids, c'est tes mois, c'est la grosseur de ton utérus, et j'en passe. Tout ce qu'on ressent, on ne nous parle pas de ça, et encore bien moins en ménopause. Il semble bien que les médecins sont très gênés de parler de préménopause et on va leur attitrer des maladies quand c'est juste des manifestations de ménopause et que ça pourrait être une étape grandissante de notre vie.

La pratique des centres de santé des femmes du Québec tente de retrouver la valeur de certaines techniques anciennes et cherche à développer de nouvelles techniques qui peuvent être sûres et saines. Notre pratique repose donc sur de la recherche, de l'expérimentation, des structures et des médecines adaptées aux besoins et réalités de santé définies par elles-mêmes.

Les centres de santé des femmes répondent à un besoin réel dans la population féminine. Les femmes qui font appel aux ressources des centres viennent bien évidemment chercher de l'information ou des services, mais surtout un type d'intervention qu'elles ne retrouvent pas toujours ailleurs. Elles veulent avoir le temps d'exposer leurs difficultés, leur questionnement. Elles veulent surtout comprendre dans quelle situation elles se retrouvent.

Les centres de santé des femmes favorisent le cheminement des femmes vers la mise à contribution de leurs capacités propres à résoudre leurs difficultés et à modifier leurs conditions de vie. Les centres de santé des femmes visent une démarche d'autonomie qui peut être individuelle ou collective et qui appelle les femmes concernées à devenir des citoyennes actives, responsables et critiques au sein de leur société.

Les centres de santé des femmes s'appliquent à véhiculer dans leur pratique une conception des rapports entre intervenantes et participantes axée sur un principe de collaboration qui responsabilise autant l'intervenante que la participante dans la démarche suivie. Ainsi, le pouvoir et le savoir qui en découlent habituellement font l'objet d'un partage plus égalitaire.

La participation des femmes à la définition de la mission, des orientations et des modes de fonctionnement des centres de santé des femmes contribue à accroître le degré d'appartenance des femmes à l'égard des centres de santé des femmes. Ce contrôle par les participantes, de même que l'implication active des travailleuses aux prises de décision et la responsabilisa- tion collective des membres constituent un des objectifs majeurs pour les centres de santé des femmes. Cette vie associative implique que les centres de santé des femmes y consacrent temps, énergie et ressources financières.

Les centres de santé des femmes donnent des services; par ailleurs, le service n'est pas une fin en soi. Les centres de santé des femmes sont importants dans la mesure où ils prônent des alternatives sociopolitiques et où ils remettent en question les politiques sociales et de santé et ils dénoncent des pratiques discriminatoires. Les services offerts dans les centres de santé des femmes visent à informer les femmes, mais surtout à les encourager à devenir plus autonomes face aux décisions qui touchent leur santé. À ce propos, j'ai envie de vous dire qu'on vous a devancé un peu, qu'on a devancé un peu la réforme.

Pour terminer, je veux dire que la réforme est axée sur le citoyen. La pratique des centres de santé des femmes est axée sur la citoyenne et je souhaite qu'on fasse un couple harmonieux. Je passe à ma collègue...

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Morin. Mme Carie, s'il vous plaît.

Mme Carie (Diane): Les centres de santé des femmes, une nécessité. La preuve est faite pour nous, pour les femmes, pour les groupes du milieu et pour les intervenants et intervenantes du réseau qui nous réfèrent de plus en plus de femmes. Il reste maintenant au gouvernement à reconnaître cette nécessité, à soutenir les initiatives des femmes pour répondre à leurs besoins et à permettre ainsi aux femmes le choix d'une alternative en santé des femmes.

Pour qu'on sache vraiment ce que les centres de santé font exactement, je vais faire quand même la liste des services. Alors, les services qu'on peut trouver dans les centres de santé, c'est de l'écoute téléphonique, de l'accueil, de la référence, des ateliers collectifs en santé des femmes, des ateliers échanges et groupes de soutien en santé mentale, un service de recherche, de production et de documentation en santé des femmes, des cliniques gynécologiques, cliniques pour adolescentes, cliniques d'avortement et services de thérapie.

Le Regroupement des centres de santé des femmes et les trois centres de santé des femmes du Québec — Montréal, Sherbrooke et Trois-Rivières — répondent à 50 000 femmes annuellement, et ce, depuis 17 ans pour Montréal, 12 ans pour Sherbrooke et 11 ans pour Trois-Rivières. Le Regroupement est là depuis 8 ans. Pour l'ensemble de leurs services, les centres reçoivent, du ministère de la Santé et des Services sociaux, entre 25 000 $ et 45 000 $ par an, subventions qui ne sont pas récurrentes et qui sont souvent remises en question. J'ai essayé de faire un petit pourcentage de ce que ça représentait, par exemple, pour le cas de Trois-Rivières, que je connais mieux. Le pourcentage de la subvention de MSSS sur le budget total, c'est 15 %. Alors, si on ajoute à ça la contribution des femmes et ce que donne la Régie de l'assurance-maladie, par le biais des cliniques, ça fait un pourcentage de 45 %. Il reste quand

même 55 % qu'on doit, annuellement, aller chercher par d'autres subventions qui ne sont pas, elles non plus, récurrentes. et, aussi, le pourcentage peut même être plus élevé dans les centres ou il y a moins de services cliniques. (12 h 40)

Alors, au fond, c'est quoi, les autres alternatives? C'est les programmes d'emploi, promotion de la santé, Secrétariat d'État, OVEP, Centraide, et j'en passe. Le fait qu'on doive redemander, à la pièce et chaque année, le gros des budgets de fonctionnement, avec tout ce que ça comporte et le peu de résultats, au fond, qu'on obtient en bout de ligne, est responsable du sous-financement des centres de santé. Les conséquences de ce sous-financement sont nombreuses: perte d'autonomie dans le développement qui est conditionné par les objectifs des programmes des bailleurs de fonds et par les priorités régionales, difficulté de planifier un développement à long terme et même à moyen terme, impossibilité de répondre à tous les besoins exprimés par les femmes qui, par exemple, voudraient avoir des cliniques ménopause, qui voudraient, par exemple, qu'on fasse des cliniques sur le syndrome prémenstruel, qui prend de plus en plus de place dans la santé des femmes — et là, j'en passe, évidemment. Ce que ça empêche aussi, c'est de développer le réseau des centres de santé des femmes. On sait que, dans la région de Baie-Comeau, Chicoutimi et Chambly, des femmes seraient intéressées à ouvrir des centres de santé, mais la perspective n'est pas très, très propice en ce moment.

L'investissement, aussi, qui est très important, lié à l'utilisation des programmes de développement de l'emploi et la formation et l'encadrement de bénévoles. Trop grand roulement des travailleuses et des bénévoles dû aux fins de projets et aux conditions de travail à rabais dans les centres de santé des femmes. L'accessibilité, aussi, limitée de certains services pour les femmes à faibles revenus. Entre autres, par exemple, les ateliers où on demande une contribution aux femmes, et le service avortement où on demande entre 125 $ et 145 $ aux femmes. En résumé, trop de temps passé à chercher des fonds au lieu de répondre aux besoins des femmes. Pour corriger la situation, on demande au gouvernement d'établir une politique de financement des centres de santé qui assurerait le fonctionnement de base qu'on évalue à 90 000 $ à peu près pour chaque centre, et ce, annuellement.

Le Président (M. Joly): Mme Lamontagne, s'il vous plaît, brièvement.

Mme Lamontagne (Lise): Oui. Parce que, dans le mémoire, on ne parlait pas du Regroupement des centres de santé, puis je pense qu'il est encore temps d'en parler. Le Regroupement existe depuis huit ans et je vais parler un petit peu de son rôle parce que je pense qu'il est méconnu ou pas assez bien reconnu. C'est sûr que, quand on parle d'un regroupement de centres de santé, on s'attend à ce que le regroupement donne des services à ses membres, soutienne ses membres, et c'est en partie le travail que le Regroupement des centres de santé fait. Mais, depuis huit ans, le Regroupement a un rôle beaucoup plus large qui s'adresse à la population en général, au gouvernement, aux femmes.

Je vais vous dire ce qu'on a fait cette année, ça va vous donner une bonne idée de ce qu'on fait depuis huit ans. Pour ce qui est de sensibiliser la population et dénoncer des pratiques discriminatoires, au Regroupement, on a mis en place un bulletin d'information qui est distribué... Le dernier bulletin a été distribué à 2000 copies, c'est un bulletin qui s'adresse à toutes les femmes. Ensuite, on représente les intérêts des femmes en diffusant des alternatives sociopolitiques prônées dans les centres de santé. Le travail que l'on fait au sujet de la réforme depuis deux ans, deux ans et demi, maintenant, avec la Table des regroupements provinciaux en est un bon exemple. Nous autres, on est vraiment là pour parler de la place des femmes dans le système de santé et comment la réforme peut affecter les services qu'elles auront. On diffuse aussi les remises en question des politiques sociales et de santé, alors c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui. Vous nous entendez assez régulièrement et c'est, je pense, tant mieux. Vous nous avez aussi entendues parce que, cet automne, on vous a présenté nos commentaires sur les orientations en planning sexualité. Alors, à chaque fois qu'on en a l'occasion, on présente notre point de vue, donc on présente nos remises en question.

Le Regroupement, aussi, travaille à susciter la reconnaissance de la problématique de la santé des femmes et à mobiliser des personnes et des groupes autour de cette question. La question de la santé, ce n'est pas une question qui est très, très à la mode. Je pense que l'économie, ça parle plus. 11 reste que, pour la santé des femmes, nous sommes le regroupement au coeur de ce qui est la santé globale des femmes. On n'a pas une spécialisation, on touche à un plus large éventail. C'est nous qui nous assurons de la reconnaissance du rapport des femmes à leur corps, qui nous assurons de la place spécifique que les femmes occupent dans la reproduction, qui nous assurons aussi qu'on pense et qu'on parle des cycles qui jalonnent la vie des femmes, et c'est à nous que revient le mandat de dénoncer quand ces points de vue là ne sont pas bien repris. Et je pense à la politique santé et bien-être. Je l'ai lue et je l'ai étudiée vivement, et la vision globale de la santé des femmes n'est pas là, et ça sera dans nos mandats des prochains mois de faire connaître comment la place de la femme aurait pu être au coeur et non pas compartimentée. Alors, ça...

Le Président (M. Joly): Mme Lamontagne, j'apprécierais si vous pouviez conclure, s'il vous plaît, de façon à ce qu'il nous reste un petit peu de temps pour échanger avec vous.

Mme Lamontagne (Lise): Oui. En fait, ce que je voulais dire, c'est que, pour l'ensemble des activités du Regroupement depuis huit ans, le Regroupement n'a rien reçu du ministère de la Santé et des Services so-

ciaux, bien qu'il travaille directement dans son secteur. Je pense que c'est quelque chose qui doit être établi le plus tôt possible pour nous permettre de continuer notre travail.

Pour ce qui est de la conclusion, vous avez eu l'occasion de la lire. En fait, il faut vraiment que le gouvernement reconnaisse ce que les intervenants, ce que les femmes, ce que le réseau a reconnu. C'est maintenant au tour du gouvernement de le reconnaître. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, madame.

M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président.

Disons que c'est un mémoire qui profite de la commission pour faire état d'une situation vécue, qui est très certainement réelle, et emploie «solution alternative»... On aurait pu facilement, je pense, dire: II y a d'autres mémoires qu'on veut entendre sur les thérapies alternatives. À la demande de l'Opposition — je pense qu'il faut rendre à César ce qui appartient à César — nous avons décidé de vous entendre, et je ne suis pas étonné du message que vous nous passez, et surtout le sous-titre, «Une nécessité sous-financée», ayant été moi-même celui qui a peut-être été le plus dur avec les centres de santé sur le plan du financement, à l'intérieur du programme SOC. Ceci étant dit, vous comprendrez que je ne suis pas étonné que vous nous vantiez les vertus des centres de santé des femmes au Québec et que vous souhaitiez avoir une meilleure reconnaissance sur le plan du financement. Donc, pour que tout le monde soit bien à l'aise, dire que, tant de votre côté que de mon côté à moi, c'est une réalité qui est là et que j'ai voulue.

Ce qui, à l'époque, m'a fait questionner, ce n'est pas sur le bien-fondé des centres de santé — dans mon esprit à moi, c'a toujours été clair — c'est: Est-ce que c'est l'affaire du ministère uniquement, du ministère de la Santé et des Services sociaux à l'intérieur de son programme SOC, que de financer les centres de santé des femmes? C'était ça la question à l'époque.

L'autre question que ça m'amenait, c'est que de vous reconnaître encore davantage c'est aussi reconnaître que l'institutionnel ne fait pas son travail. C'est ça. Si on veut parler de la vraie «game» puis de la vraie situation, c'est celle-là. Bon. Alors, à partir de ça, et à ce moment-là, la question qui se pose au-delà de: Font-ils ou ne font-ils pas leur travail... Parce que j'ai entendu une nomenclature de domaines ou de champs dans lesquels vous exercez qui m'ont tout de suite frappé de plein front en disant: II y a quelque part duplication.

Lorsque vous parlez de santé mentale... Non, non. Je vais vous donner la chance, là, parce que, comme vous le voyez, c'est très ouvert. Et vous m'invitez presqu'à un mariage. Alors, il faut savoir qu'est-ce que je devrai mettre comme dot, pour être capable de passer à travers. Mais, lorsque j'ai entendu, tantôt, «santé mentale», il y a des PROS en santé mentale qui existent et qui ont été faits par le milieu; bon, qui ne sont pas parfaits. J'ai suffisamment échangé avec Mme Guay pour savoir qu'il n'y a pas une totale satisfaction. Donc, à partir de ce moment-là, il y a à quelque part risque ou duplication. Et c'est exactement ce que la réforme voulait régler. Au-delà du citoyen au centre, avec l'argent qu'on a, il faut éviter la duplication, et j'aimerais davantage vous entendre là-dessus, sachant qu'évidemment ce n'est pas le but principal de la commission. Mais, comme vous êtes là puis qu'on a accepté de vous entendre, au moins vous donner la chance de le faire inscrire puis de plaider votre cause. Après ça, on verra.

Le Président (M. Joly): Mme Carie.

Mme Carie: Moi, je pourrais parler pour ce qui est de la santé mentale. Au fond, la duplication, en tout cas, nous, dans notre région, on est incapable de la voir parce que ce qu'on offre en santé mentale, c'est des ateliers collectifs où les femmes viennent, à partir d'une même problématique, échanger entre elles et essayer de se donner des outils pour passer à travers, pour avoir une meilleure qualité de vie. Ça ne se fait pas par le réseau. Alors, on ne duplique pas. S'ils en font, demain, des ateliers collectifs, ils nous dupliquerons. Mais, pour l'instant, ils n'en font pas. Et, de toute façon, ils nous réfèrent les... Ils voient des femmes en individuel et ils voient que ces femmes-là auraient besoin d'un groupe, alors ils disent: Va au centre de santé; eux autres, ils font du groupe.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Sauf que, là, il y a un problème dans le PROS. S'ils ne le font pas, c'est qu'il y a un problème à quelque part au niveau du plan régional d'organisation de services en santé mentale et qui devrait être couvert. On n'a jamais exclu le monde communautaire des PROS en santé mentale, au contraire. Et Dieu sait que ces exercices-là ont été les premiers, puis qu'il faut les bonifier dans le futur, mais on est dans une situation où, moi, je me dis: Je ne cautionnerai pas la duplication. Et, si l'institutionnel ne fait pas son travail, il va falloir dire à l'institutionnel: C'est votre responsabilité et vous devrez faire votre travail au lieu de dépenser des sommes additionnelles dans de la duplication. (12 h 50)

Mme Carie: Ici, l'autre dimension, je pense, qui est bien, bien importante face à la santé mentale, c'est: Ce qui est fait dans le réseau, c'est plus du curatif. Quand tu es bien, bien poqué, on te ramasse et on essaie de faire quelque chose. Nous, on ne touche pas vraiment au curatif. Ce qu'on fait, nous autres, c'est de la prévention. Avant que les femmes fassent des dépressions, qu'elles consomment de la médication et qu'elles soient hospitalisées en psychiatrie, on s'occupe d'elles. Au fond, ce qu'on fait, nous autres, ce qu'on dit qu'on fait, c'est qu'on essaie que les femmes entretiennent leur santé. Pas qu'elles soignent leurs maladies, qu'elles entretiennent leur santé. Notre but premier, c'est ça. De

donner des soins, ça peut arriver, mais ce n'est pas ça notre job, ce n'est pas ça qu'on dit qu'on veut faire. Donc, en ce moment, dans les PROS en santé mentale, ce n'est pas évident qu'il y a de la place vraiment pour des gens qui font de la prévention. Alors, nous, on n'a rien contre ça. On est bien intégrés au niveau de la régie régionale, mais on ne trouve pas que la place de la prévention est vraiment... qu'il y en a une. On dirait qu'il y a trop de besoins au niveau du curatif, ça fait que c'est bien beau mais...

M. Côté (Charlesbourg): Ou peut-être trop dominé par ceux qui font du curatif sur le plan de l'élaboration du PROS en santé mentale?

Mme Carie: Oui, effectivement.

M. Côté (Charlesbourg): II y a ça aussi, parce que, si on voulait, à l'intérieur d'une enveloppe générale, dire: On réserve 10 % ou 15 % de l'enveloppe...

Mme Carie: Oui, oui, effectivement.

M. Côté (Charlesbourg): ...à de la prévention, c'est possible aussi. Mais, évidemment, c'est une question de volonté du milieu, de la majorité du milieu.

Mme Carie: C'est ça.

M. Côté (Charlesbourg): II faut bien s'entendre. S'il est dominé par l'institutionnel, c'est clair que... Qui on coupe dans l'institutionnel pour faire de la prévention dans la... Ce n'est pas toujours évident.

Le Président (M. Joly): Mme Lamontagne, vous vouliez rajouter quelque chose brièvement.

Mme Lamontagne (Lise): Oui. Au sujet de la prévention, il y a aussi l'approche qui est différente. Quand, nous, on travaille, on travaille avec des femmes en santé d'abord. Je pense que le ministère de la Santé, c'est peut-être plus souvent le ministère de la maladie et des problèmes sociaux. Mais je pense que les centres de santé, c'est vrai, les femmes qui viennent nous voir sont en santé. Et, quand on fait de la prévention, on s'adresse à toutes les femmes, ce qui est différent du ministère et du réseau parce que, pour nous, toutes les femmes ont les mêmes droits et ont des besoins similaires. Alors, on va s'adresser à elles toutes.

Quand on entend le ministère parler, par exemple, sur la question des bébés de petit poids en ciblant, ciblant, ciblant la femme qui va donner naissance au bébé de petit poids: II faut qu'elle soit jeune, monoparentale, fumeuse, sur le BS, et c'est elle qu'on va aider... Et ça, on appelle ça de la prévention. Ou quand on pense aux mammographies, on parle des femmes qui ont 50 ans et plus, pour parler de prévention précoce du cancer du sein. Ça, ça n'a rien à voir avec ce qui se fait dans les centres de santé des femmes. Les centres de santé accueillent toutes les femmes qui le veulent et c'est à elles toutes qu'on donne des services.

Pour ce qui est de la duplication des services, je voudrais ajouter quelque chose. Je l'ai déjà dit, mais au cas que quelqu'un ne l'ait pas bien compris. La duplication des services, cette idée-là vient parce qu'on pense qu'il y a un abus de services. Et, s'il y a un abus de services, c'est parce qu'on pense que les femmes, que la population probablement en général, mais que les femmes surconsomment des services. Moi, ce que je vois, ce n'est pas ça. Les femmes s'adressent aux services et vont arrêter quand elles trouvent le service qui leur convient. Elles arrêtent quand elles ont réponse à leurs besoins. Si, dans une région, il y a trois ressources d'avortement, est-ce qu'on parle de duplication de services ou on parle que la femme a le choix de choisir la ressource qui lui convient le mieux? Est-ce que la femme va aller se faire avorter trois fois parce qu'il y a trois ressources avortement?

Le Président (M. Joly): Merci, madame. M. le ministre, malheureusement, il n'y a pas beaucoup de temps.

M. Côté (Charlesbourg): De toute façon, je veux tout simplement vous dire que vos cas feront l'objet d'une étude dans le budget qui s'en vient, comme à chaque année. Je ne sais pas si j'ai entendu, mais j'ai à tout le moins écouté le message. Le niveau d'entente se verra lorsque le budget sortira. Ça va. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Je vous remercie de votre présentation également. Écoutez, vous savez bien qu'il faut répéter souvent le même message pour être entendu. Alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: ...c'était de se donner une autre occasion. Dans l'Opposition, on est habitués à cette médecine...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: ...de répéter, et je dois vous dire que, quelquefois, on réussit à guérir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Quelquefois. Ce n'est pas inutile, donc, que vous nous rappeliez ce que vous êtes dans le réseau. On n'en a jamais trop d'information à cet égard, même si, oui, on peut se dire que, par rapport à la problématique, aux questions qui sont soumises à cette commission, on était sur le bord, hein, on était sur la bordure des questions auxquelles nous cherchons à obtenir des réponses pour les années à venir.

J'aimerais ça faire un petit bout avec vous dans cette direction-là en reprenant cette piste. Vous existez et vous êtes là parce que le traditionnel, l'institutionnel, le formel ne fait pas son travail de la façon dont les usagères voudraient qu'il soit fait dans le système de santé. Est-ce que vous avez assisté tout l'avant-midi aux témoignages? Bon. Vous y avez assisté. Vous devez avoir un certain nombre de réflexions; on pourra revenir plus tard là-dessus. Est-ce que, dans les centres de femmes, actuellement, on utilise ce qui est généralement connu sous le nom de thérapies alternatives? Est-ce qu'on fait de la référence, est-ce qu'on recommande, est-ce que les femmes qui sont chez vous sont des utilisatrices de ces services alternatifs de santé, les réclament?

Regardez, je vais juste terminer en disant que ce que vous donniez, madame, comme exemple tantôt en disant: Nous, comme femmes, quant à notre réalité de femmes, chez le médecin, on est mathématiques; on est mathématiques sur la pression, sur le poids, sur la réaction... On n'est pas sensitives, on n'est pas psycho, on est une mécanique humaine qui doit avoir tel type de réaction. C'est à partir de ça que je pose ma question.

Mme Carie: Moi, je dirais que les femmes sont de plus en plus sensibles à toutes ces nouvelles thérapies là. Sauf qu'il y a un hic très important dans le cas des femmes, qui est aussi le hic même pour utiliser les services du centre de santé, parce qu'on disait tantôt que l'accès était limité pour certains services où on doit demander des contributions. La même chose pour les thérapies. C'est les femmes, au fond, qui ont des revenus suffisants. Puis, ce qu'on sait, c'est que les femmes sont de plus en plus pauvres. Alors, effectivement, ce n'est pas utilisé comme ça pourrait être parce que les femmes n'ont pas d'argent pour consulter. Alors, la même chose en psycho. Des fois, elles auraient besoin de suivi individuel, mais elles n'ont pas l'argent, puis des services dans le réseau, il n'y en a pas. On revient toujours à la même chose: Les femmes n'ont pas d'argent. C'est pour ça qu'on dit: Est-ce qu'il pourrait y avoir des alternatives et est-ce que ça pourrait être socialement qu'on partage ces frais-là, pas seulement les gens qui ont de l'argent, quoi?

Le Président (M. Joly): Mme Morin, vous aimeriez ajouter quelque chose?

Mme Morin: Oui. Si je peux. Moi, je veux dire, de mon expérience, ça fait 10 ans que j'anime des ateliers sur la ménopause. Des techniques alternatives, j'en ai utilisé énormément. Ce n'est pas «at large», mais, à l'intérieur de mes ateliers, j'amène les femmes à se connecter à leur propre corps. Si tu es fatiguée, pourquoi tu es fatiguée? As-tu trop d'ouvrage? As-tu mal dormi avec ton chum? Toutes ces choses-là, vous savez. C'est la globalité. Ça, c'en est de l'alternatif, ça. C'est autre chose que de prescrire une pilule.

Moi, je vais vous dire, je l'ai l'expérience. J'ai eu huit enfants. Je sais ce que c'est que d'être accouchée par un médecin et de me faire soigner par un médecin. J'ai travaillé dans un CLSC sept ans. Le premier atelier que le Centre de santé des femmes de Sherbrooke a mis sur la ménopause, je l'ai suivi. J'ai eu un choc. J'ai eu l'impression d'avoir été piégée toute ma vie et je me suis rendu compte qu'il y avait d'autres femmes pour qui c'avait été la même chose. On ne nous dit rien.

Donc, pour répondre à votre question, j'ai l'expérience que l'alternative, ça m'a fait du bien, moi, et je transmets ça à mes... Puis, je ne fais pas ce que je ne suis pas capable de faire. Je ne joue pas au médecin, mais je vais leur proposer des moyens moins coûteux.

Le Président (M. Joly): Mme Lamontagne, s'il vous plaît. (13 heures)

Mme Lamontagne (Lise): Pour ce qui est du rôle des institutions, des établissements, quand vous disiez: Ça ne doit, pas répondre aux besoins des femmes, c'est sûr qu'on pourrait vous sortir la liste des histoires pas roses qu'on entend. À toutes les semaines ça sonne au téléphone avec des choses qui se sont passées dans tel ou tel établissement. Ce qu'on retient quand même, c'est que les femmes viennent dans les centres de santé, hein? Ce n'est pas nous autres qui forçons personne à venir. Les femmes viennent, viennent nombreuses, appellent, vont chez le médecin, se font prescrire telle affaire, téléphonent au centre pour savoir: Coudon, là, il vient de me prescrire ce traitement-là. Qu'est-ce que vous en pensez, avez-vous de la documentation? J'aurais besoin de réfléchir. C'est la même chose pour les opérations. On est vraiment un point de référence pour les centres, que ce soit par téléphone... Parce que, évidemment, on répond à beaucoup de demandes directement au téléphone. Sans rendez-vous, la même chose, les femmes se présentent; on répond à leurs demandes.

Ça fait que, que le réseau ne soit pas parfait, ça existe. Avant que le réseau soit féministe, je pense que je vais mourir, ça fait que je ne m'attends pas à ça du réseau. Les femmes s'attendent à de meilleurs services à l'intérieur du réseau, c'est certain, mais on ne s'attend pas à ce que l'approche dans les centres de santé soit complètement reprise dans le réseau, mais on s'attend que, quand on va au Centre de santé des femmes, ah bien là, cette approche-là est là et c'est pour ça qu'on la choisit, et c'est pour ça que le réseau nous réfère tant de femmes. Parce que ça, il ne faut pas l'oublier, non plus. Les médecins vont dire à madame: Bon, vous avez besoin d'une hystérectomie; allez voir au centre de santé, ils vont vous l'expliquer. Ce n'est pas de la science-fiction, là. Ça, on le vit quotidiennement. Ça fait que le réseau ne soit pas parfait, c'est une chose, je pense qu'il peut s'améliorer grandement, mais il ne sera jamais féministe et il n'y aura jamais cette approche-là qu'il y a dans les centres de santé et qui répond aux besoins des femmes.

Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître Mme Marcotte et brièvement, par après, Mme Morin, parce que le temps, là, nous échappe pas mal.

Mme Marcotte (Johanne): Je voulais continuer, par un exemple, ce que Lise Lamontagne vient de dire. Quand on parle du réseau, nous, au Centre, on a une pratique qui s'appelle la cape cervicale. Pour ceux et celles qui ne connaissent pas ça, c'est une méthode de contraception comparable au diaphragme. Évidemment, plusieurs intervenants en santé, quand on pense aux sexologues, aux infirmières, aux médecins, plusieurs personnes ne connaissent pas cette méthode, et ceux et celles qui la connaissent... Souvent, quand les femmes vont... Parce qu'il y a certaines femmes qui en entendent parler, la publicité de ce moyen-là... Ça fait neuf ans qu'on le pratique au Centre de santé des femmes et qu'on mesure la cape cervicale. Ceux qui connaissent ce moyen, c'est beaucoup de bouche à oreille et, quand les intervenants sont au courant, ils nous réfèrent les femmes au Centre de santé pour, justement, qu'on prenne la mesure et qu'on explique aux femmes les questions, nous, qu'on se pose. Les questions, oui et les hypothèses qu'on émet.

Évidemment, la cape cervicale, c'est un moyen qui est très peu coûteux dans la vie d'une femme. Ça coûte 40 $ à l'achat, ça dure sept, huit ans. Je pense que les pharmaciens, l'industrie pharmaceutique n'a pas été très portée à populariser, à universaliser ce moyen-là. Il y a eu d'ailleurs, là-dessus — vous pouvez vous référer aux États-Unis — plusieurs débats par rapport à la cape cervicale: des saisies de bateaux, des ci, des ça. Nous, on les fait venir encore d'Angleterre, d'ailleurs. Ça, c'est une chose. Il y a aussi, par rapport à la cape cervicale, une femme qui vient chez nous, pour bien lui expliquer comment se servir de ce moyen-là, ça prend une heure. On peut penser que, dans notre système de santé, avec la carte, une heure, ce n'est pas très payant, les médecins, pour 13,85 $ de l'acte. C'est ce que la Régie donne actuellement pour un examen gynécologique ordinaire. Et évidemment que le réseau nous les envoie, ces femmes-là. Nous, on le fait pour 15 $ de l'heure, puis on passe quatre heures avec les femmes. Je veux dire, il faut voir, aussi, les enjeux. Ça fait que, quand vous parliez de duplication, à mon avis, ces services-là, ils ne sont pas présents dans le réseau, il n'y a pas duplication.

Le Président (M. Joly): Merci, madame.

Mme Marcotte: C'était pour compléter l'exemple.

Le Président (M. Joly): Mme Morin, s'il vous plaît.

Mme Morin: Ça ne sera pas long. Quand vous parlez que le réseau institutionnel n'est pas adéquat ou est incomplet, quelque part, moi, je suis encore étonnée, en automne 1992, de m'entendre dire par une femme que son médecin lui a dit: Bon, bien écoute, si tu es fatiguée d'être menstruée, je peux t'enlever ton utérus; d'une autre part, d'entendre dire qu'un médecin a prescrit des hormones à une madame que ça ne fait pas un an qu'elle est ménopausée. Bien, tu sais, ça me heurte énormément. Puis Dieu sait si ça cause des séquelles, ça, vous savez, prescrire des hormones à une madame qui n'est pas encore... Ce n'est pas le temps de les prescrire. Ça, vous savez, ça peut en être, de la duplication. Moi, je lui dis: Retourne voir ton médecin, puis dis-lui ça, ça et ça. Ça fait qu'elle a fait deux visites au médecin, tu sais, qui coûtent combien? Puis on pourrait en nommer, ça. Mais ça, c'est aujourd'hui, ça.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Morin.

M. Trudel: Mme Lamontagne, vous dites que vous avez votre musée des horreurs au niveau de ce qui se passe sur le plan institutionnel. Est-ce que vous avez un musée des horreurs sur les thérapies alternatives? C'est-à-dire, est-ce qu'on aboutit chez vous, puis on vous fait... Est-ce qu'on étale, de façon assez large, les abus dont les femmes auraient été victimes dans le réseau des thérapies alternatives, des abus de confiance, des abus de pouvoir, des lésions, des inquiétudes? Est-ce que vous avez votre musée des horreurs en rapport avec les thérapies alternatives aussi?

Mme Lamontagne (Lise): Bon, pour l'instant, non. Ce qu'on a dit tantôt, c'est que les femmes, quand même, ont peu accès à ces thérapies-là étant donné les coûts que ça engendre. Ça, je pense que c'est un des obstacles. Ce n'est pas encore documenté. Je ne dis pas qu'il n'y en aura pas, je ne dis pas qu'il y en aura. Je pense qu'en général les femmes, ce qu'on entend, c'est qu'elles reçoivent une réponse peut-être plus adéquate dans ces thérapies-là que dans le réseau institutionnel, peut-être parce que là aussi, comme chez nous, on parle de globalité de la personne; on essaie de voir plus largement le contexte de cette femme-là. Je parle de femmes.

Chez nous, par contre, on est ici pour nos pratiques alternatives. On ne parle pas de thérapies, chez nous, on parle de pratiques. On préconise certaines méthodes alternatives, si vous voulez, bon, entre autres pour le traitement des infections vaginales. Il y a eu un petit dépliant qui a été produit par le centre de santé de Montréal qui propose des alternatives avant d'en venir à ce qu'on a habituellement en pharmacie.

Bon, ça, c'est des choses qui existent, et, aussi, quand on traite la personne de façon globale, c'est rare qu'on arrive avec une solution pharmaceutique au bout. On va essayer de voir son environnement. On va essayer de comprendre sa situation. Et, souvent, on est capable, par des moyens très simples, de prévenir que sa santé se détériore ou...

Le Président (M. Joly): Merci, madame. Un dernier mot à Mme Marcotte, 30 secondes.

Mme Marcotte: Bien, c'est pour compléter sur le musée des horreurs en alternatif. Chez nous non plus, on n'a pas eu encore d'élaboration d'horreurs par rapport à l'alternatif. Ce que je voulais soulever, c'est aussi quand on était, nous, chez nous... On a déjà été illé-

gal — c'est maintenant officiel -- au niveau de l'avorte-ttient, quand on faisait des avortements sur demande et que la loi imposait les comités thérapeutiques. Évidemment qu'on était en situation illégale au niveau officiel.

Au niveau de la pratique, évidemment, c'était supervisé par des médecins. Nôtre degré de stérilisation comparé à plusieurs institutions, évidemment, il était excellent. On n'avait pas les moyens, avec le pouvoir médical existant, de passer à côté et de faire une bévue. Je pense que les sages-femmes — autre exemple, les sages-femmes — sont un peu dans la même situation. Quand on suit une sage-femme, qu'on regarde lés services qu'elle rend aux femmes, la qualité des services, comparativement à certains gynécologues et à certains omnipraticiens, laisse souvent peu à désirer, justement parce qu'elles ne sont pas officialisées. On prévient aussi, je veux dire, puis, d'aileurs, on est intéressées à travailler dans des conditions saines. On n'a pas le goût de risquer la santé des femmes. Puis, je pense que c'est vrai pour plusieurs pratiques alternatives aussi.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, madame.

M. Trudel: Merci beaucoup.

M. Côté (Charlesbourg): Merci de ce témoignage, il va très certainement enrichir nos mémoires, en espérant que notre mémoire n'oublie pas.

Mme Morin: Et, si vous avez besoin de plus d'informations, on est disponibles.

Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de Cette commission, je tiens à vous remercier aussi.

Alors, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Suspension de la séance à 13 h 9)

(Reprise à 15 h 23)

Le Président (M. Joly): Bonjour. La commission reprend ses travaux.

Il me fait plaisir d'accueillir la Fédération des CLSC du Québec. Alors, M. Payette, j'apprécierais que vous nous présentiez les gentilles dames qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Fédération des CLSC du Québec

M. Payette (Maurice): Bonjour. Alors, à ma droite, Mme Jeanne d'Arc Vaillant, directrice générale de la Fédération des CLSC; à ma gauche Mme Lucille Rocheleau, qui est conseillère cadre et particulièrement responsable du dossier des thérapies alternatives.

Le Président (M. Joly): Nous avons à peu près une vingtaine de minutes pour vous écouter sur votre mémoire.

M. Payette: Vingt minutes, certainement. D'accord.

Le Président (M. Joly): Par après, bien, les parlementaires vont échanger avec vous. Merci.

M. Payette: En guise d'introduction, je veux juste rappeler que nous sommes dans l'an 1 de la réforme de la santé et des services sociaux. Dans cette réforme, les CLSC — oui, la pyramide, ha, ha, ha! — ont été confirmés comme établissements publics de première ligne et ont confirmé leur mission préventive et curative, mission aussi de réadaptation, de réinsertion. Et nous sommes particulièrement interpellés par les thérapies alternatives pour trois raisons, je dirais.

D'abord, sur le terrain, les professionnels des CLSC ont déjà, on pourrait dire, un coffre d'outils en vertu de leur compétence clinique, mais les thérapies alternatives pourraient être un outil supplémentaire qui pourrait enrichir ce coffre d'outils.

Deuxièmement, nous avons aussi un certain nombre d'usagers qui viennent au CLSC et qui demandent de l'information pour des thérapies alternatives, savoir où aller. On a besoin de balises.

Troisièmement, je dirais aussi, avec la politique de santé et de bien-être qui fait un virage vers des objectifs plutôt que vers des services, on pense que les thérapies alternatives sont un moyen d'implanter cette politique de poursuivre les grands objectifs et aussi d'utiliser certaines stratégies, particulièrement la stratégie qui concerne le développement du potentiel des personnes.

Alors, je vais laisser à Mme Vaillant le soin de faire une synthèse de notre présentation et on pourra ensuite répondre à vos questions.

Le Président (M. Joly): Mme Vaillant, s'il vous plaît.

Mme Vaillant (Jeanne d'Arc): D'accord. Donc, on va aborder avec vous la difficile reconnaissance professionnelle de certaines thérapies. On vous le dit d'entrée de jeu, nous ne sommes pas des experts. Comme le dit notte président, c'est actuellement une question d'intérêt public à cause de l'utilisation que les citoyens en font. Et, en CLSC, il y a des intervenants qui, également, pourraient ajouter ça à leur pratique comme telle.

Donc, on va aborder cette reconnaissance des thérapies alternatives sous trois angles: le caractère alternatif de certaines thérapies, le caractère contraignant de la loi médicale — je dirais qu'il est plus que contraignant, il est monopolistique — et également les modalités de reconnaissance légale de ces thérapies. Et ce que nous croyons, au niveau de la commission, c'est que la question qui doit être posée est en fonction de la protection du public, c'est une question d'intérêt public. Ce n'est pas une question corporatiste, c'est une question

d'intérêt public et, en ce sens-là, c'est le droit à l'information pour la population et la protection du public. Et un autre élément, c'est que, contrairement à d'autres organismes ou corporations, nous croyons que nous nous en allons vers le XXIe siècle et que le XXIe siècle, il y a une certaine évolution et qu'il faut regarder. C'est un phénomène social et on ne peut pas le passer sous le tapis. Ça fait partie d'un mouvement et il faut qu'on puisse l'examiner. Si on regarde le caractère alternatif de certaines thérapies, pourquoi c'est alternatif? Que ce soit l'ostéopathie, l'homéopathie, l'acupuncture et autres, elles sont alternatives parce qu'elles ne cadrent pas avec la médecine telle que nous la connaissons depuis 150 ans et telle que nous la connaissons actuellement. Chacune de ces thérapies-là... Puis là je vais passer rapidement. On va en aborder trois. On a pris ces trois-là, elles sont très connues.

L'ostéopathie a été mise au point par un médecin britannique, un médecin chirurgien qui a constaté l'impuissance de la médecine à son époque et qui s'est mis à la recherche d'une nouvelle façon de voir la santé et la maladie. Et, en fonction de ça, il a articulé une logique et des stratégies thérapeutiques autour de quatre niveaux de réalité chez l'être humain: le physique, le mental, l'émotion profonde et l'esprit. Et l'ostéopathie, au moment où on se parle, elle est enseignée dans plusieurs facultés de médecine, en France, aux États-Unis, en Belgique, un peu partout en Europe. Donc, c'est quelque chose de bien reconnu, de bien assis. Au Québec, c'est malheureusement encore en marge. (15 h 30)

Au niveau de l'homéopathie, qui a été très utilisée depuis le Moyen Âge, elle a été mise au point également par un médecin allemand, le Dr Hahnemann, qui a articulé ce savoir en un système clinique cohérent qui répertorie plus de 800 substances naturelles dans leurs effets physiologiques et psychologiques. Et il a articulé des principes cliniques d'utilisation, des principes actifs de ces substances. Également, l'homéopathie est une thérapie alternative qui est enseignée en Europe, qui est enseignée aux États-Unis, qui est reconnue.

Le troisième exemple qu'on peut citer, c'est l'acupuncture. L'acupuncture date également de très longtemps et c'est également une technique, une thérapie qui, au Québec, par ailleurs, contrairement aux autres, a donné lieu à une législation spécifique et qui est reconnue. Mais, dans les faits, cette pratique-là continue toujours de faire un débat et on parlera plus tard d'une autre loi qui continue de faire un débat.

Donc, les trois thérapies alternatives ont un point commun, elles découlent d'une compréhension du fonctionnement de la santé et de la maladie qui diffère singulièrement de notre pensée courante et intègrent dans leur pratique des dimensions de la réalité qui s'avèrent importantes à la santé et au bien-être. Donc, elles présentent un aspect complémentaire à ce qui existe déjà et peuvent enrichir nos outils thérapeutiques. Nous n'avons cité que ces trois-là, à titre d'exemples. Il y en a beaucoup, phytothérapie et autres. On n'a pas voulu, n'étant pas des experts, s'avancer trop dans la description des différentes thérapies.

Ce qui nous apparaît fondamental, par ailleurs, de souligner — et ça, c'est un signe des temps — quand on parle de science, on voudrait juste se référer à quelque chose qui s'appelle de la recherche fondamentale en physique et en chimie. Si ça ce n'est pas scientifique, je ne sais pas c'est quoi la science. Donc, il y a des recherches, actuellement, en physique et en chimie de la relativité et de la mécanique quantique qui peuvent aider à expliquer certains mécanismes opératoires en thérapies alternatives. Il y a de nombreux chercheurs. C'est des recherches très poussées au niveau de la matière, dans l'infiniment petit et dans l'infiniment grand. Il y a beaucoup de publications à ce niveau-là, et ça remet en cause la conception qu'on se fait de la matière et des mécanismes. Donc, ça pourrait amener un changement de paradigme. Si je fais une comparaison, c'est comme au Moyen Âge, quand Christophe Colomb ou un autre a découvert que la terre était ronde.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vaillant: Ça a eu des conséquences énormes.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vaillant: Ceux qui ne pensaient pas comme ça étaient hors de l'Église.

Une voix: ...italien! Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vaillant: Donc, on ne fait que mettre ça sur la table, on n'est pas du tout des experts là-dedans, mais on dit: Un instant! Il y a des recherches extrêmement poussées qui vont être traduites de façon plus concrète dans la décennie qui vient, nous l'espérons.

Donc, au niveau des questions que le législateur doit se poser sur la valeur de certaines thérapies alternatives, on propose une certaine grille d'analyse, en toute modestie. On dit ceci: Dans les questions à se poser pour la reconnaissance des thérapies alternatives, est-ce qu'il y a un corpus de connaissances? Ce n'est pas de la fantaisie, ce n'est pas de la manipulation, ce n'est pas de la fumisterie. Est-ce qu'il y a un corpus de connaissances cohérent au-delà des idéologies particulières? Est-ce qu'il y a un corpus? Il y en a un en ostéo, il y en a un en homéo. Première question.

La deuxième. Est-ce qu'il y a une cohérence interne et une validité externe dans le savoir propre de cette thérapie? Ça veut dire: Est-ce que cette thérapie-là, dans son savoir, c'est articulé logiquement, et est-ce qu'on a des éléments qui permettent de l'évaluer? Donc, est-ce qu'on peut l'évaluer? Est-ce que c'est cohérent par rapport aux principes de base qui sont mis de l'avant? Est-ce qu'il y a une gamme bien répertoriée de stratégies thérapeutiques qui font partie des moyens d'intervention de la thérapie? On va vous donner un

exemple entre l'ostéopathie, l'homéopathie ou l'irrigation du côlon. L'irrigation du côlon, c'est une technique. Donc, c'est une technique. Il n'y a pas un corpus, ça ne s'inscrit pas dans un ensemble de stratégies thérapeutiques.

La quatrième question: Est-ce qu'il y a des méthodes cliniques bien définies qui permettent à des thérapeutes alternatifs d'une même approche de partager une même évaluation de la condition d'une personne? C'est-à-dire, par exemple, pour plusieurs homéopathes ou plusieurs ostéopathes, est-ce que le savoir est suffisamment articulé, au niveau des principes cliniques, pour que chaque thérapeute évalue la condition d'une personne avec des critères qui sont semblables, que ce ne soit pas d'après, encore une fois, l'humeur, des impressions, que c'est à partir d'un savoir qui est articulé et qui fait que les intervenants, les thérapeutes utilisent ce savoir-là, et que ça permette une certaine homogénéité?

L'autre critère: Est-ce qu'il y a nécessité d'apprendre, d'être formé, supervisé pour maîtriser ce savoir et ces techniques? C'est sûr qu'il ne suffit pas d'aller se brancher en quelque part et le savoir descend; ce n'est pas ça du tout. C'est-à-dire qu'il y a un savoir, il y a de l'information, il y a de la formation qui doivent être donnés.

Et, le dernier point, ça prend des mécanismes et des protocoles d'évaluation de la valeur thérapeutique de ces approches. Ça, c'est fondamental. Et, dans la situation actuelle, est-ce que les fonds de recherche, que ce soit le Fonds de la recherche en santé ou le CQRS, est-ce qu'il y en a des évaluations? On ne les reconnaît pas pour plein de raisons. Si on ne les reconnaît pas, il y en a qui existent. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de les évaluer en quelque part, sur une base scientifique? Et est-ce qu'il n'y a pas moyen de rendre disponibles certains fonds de recherche pour ça? Donc, ça, c'est les éléments qui nous apparaissent importants.

Le deuxième point, c'est le caractère contraignant des lois professionnelles, on dirait monopolistiques. Là-dessus, ce qu'on dit très brièvement... Je vous réfère ici aussi à la commission Rochon qui, dans ce secteur-là, recommandait d'abandonner la notion de champ exclusif au niveau de la Loi médicale pour se diriger vers des actes ou des catégories d'actes exclusifs. Ce qu'on dit, nous, en clair... Dans la Loi médicale, il y a deux articles, l'article 31 et l'article 43. On dit: II faut qu'ils soient amendés. Parce que, de la façon dont c'est interprété actuellement, et on en a des exemples, ça crée plus qu'un monopole. C'est comme si c'était la «propriété de», c'est comme si c'était une religion, et hors de ça, point de salut. Donc, il y a là une situation qui nous apparaît contraire à l'intérêt public. Je ne détaillerai pas l'article 31, l'article 43. Pour nous, écoutez, il faut que ce soit amendé, sinon ça ne fait aucun sens. Là-dessus, on vous réfère à la jurisprudence. La jurisprudence, en toute déférence pour les juges, n'est-ce pas, c'est que les juges interprètent les lois telles qu'elles sont votées, et l'interprétation...

Une voix: ...

Mme Vaillant: Oui, de temps en temps. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vaillant: Ça dépend. Us peuvent errer. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vaillant: On ne se référera pas à aucun dossier.

M. Côté (Charlesbourg): En général, ce sont des avocats, donc ils peuvent errer.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vaillant: Là, je me sens dans une situation très inconfortable.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: ...Louis-H.-Lafontaine. C'est ça que vous voulez dire?

Mme Vaillant: Oui. M. Trudel: Ah bon!

Mme Vaillant: Donc, au niveau de la jurisprudence. ..

M. Côté (Charlesbourg): Ce que j'ai compris ce matin, c'est que la Corporation professionnelle des médecins s'est fait représenter par un avocat.

Mme Vaillant: Ah bon! Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: Pour ne pas errer. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vaillant: Donc, au niveau de la jurisprudence, ce qui ressort de l'ensemble de la jurisprudence — l'Ordre des infirmières, dans un document qu'il produisait, le faisait ressortir fort bien — il y avait, en 1986, 800 cas recensés, et on ne considère absolument pas, dans la preuve devant les tribunaux, pour ceux qui sont accusés de pratique illégale de la médecine, ni la compétence, ni le savoir-faire, ni l'éthique, ni la qualité thérapeutique des gestes qui sont posés par le thérapeu-the. Le thérapeuthe pourrait... Ça pourrait être démontré scientifiquement que la personne a été complètement guérie, et il serait condamné quand même pour exercice illégal de la médecine, ce qui fait que cette interprétation de la jurisprudence nous amène encore... c'est un point supplémentaire pour demander une modification de l'article 31 et de l'article 43. (15 h 40)

En fait, ce qu'on dit rapidement, c'est qu'il y a deux choses. L'article 31 et l'article 43 de la Loi médicale doivent couvrir finalement les catégories d'actes exclusifs que posent les médecins, et il doit y avoir un autre cadre juridique pour les thérapies alternatives. On doit absolument sortir de la Loi médicale tout ce qui touche les thérapies alternatives; c'est deux choses différentes. Il y a un cadre juridique pour l'exercice de la profession médicale avec des catégories d'actes exclusifs, non pas un champ exclusif, et il y a, au niveau des thérapies alternatives, nécessité d'un cadre juridique pour la protection du public et pour l'information également du public. Au niveau du champ d'exercice pour les pratiques alternatives, ce serait beaucoup plus clair et plus facile.

Donc, au niveau des autres actes exclusifs en santé, on réfère ici à 10 autres champs professionnels qui touchent les pharmaciens, les optométristes, les dentistes, les chiropraticiens et les infirmières. Ce qu'on dit là-dessus, c'est que ce sont des outils complémentaires de soins qui devraient s'ajouter à la compétence, à la formation clinique de base en «nursing», par exemple. Donc, il y a lieu que des thérapies alternatives puissent être intégrées à la pratique des professionnels de la santé selon leur champ de pratique, cela s'insérant dans les mécanismes actuels de reconnaissance et d'évaluation de la compétence professionnelle.

Donc, quelles sont les modalités — on a parlé du cadre juridique — de reconnaissance professionnelle? On réfère ici à l'Office des professions qui a mené plusieurs études à propos des thérapies alternatives, et on souscrit à plusieurs de ces recommandations. On ne pense pas que ce soit nécessaire de créer des corporations professionnelles dans le domaine des médecines douces, ça c'est le premier point, non plus de chercher à rendre illégales les pratiques du massage de détente, naturopa-thie, phytothérapie ou des approches...

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, Mme Vaillant.

Mme Vaillant: Oui.

Le Président (M. Joly): Je vous inviterais peut-être à conclure, s'il vous plaît.

Mme Vaillant: Je vais essayer d'être...

Le Président OML Joly): On peut déborder un peu?

M. Côté (Charlesbourg): On se limitera sur nos questions.

Mme Vaillant: Bon, je vais accélérer.

M. Côté (Charlesbourg): Ça va vous permettre de livrer votre message. Allez, allez.

Le Président (M. Joly): Allez, madame.

Mme Vaillant: Donc, au niveau des... De ne plus rendre illégales ces pratiques-là; d'exclure du champ des actes exclusivement réservés aux membres d'une corporation professionnelle la pratique de massage et le fait de prodiguer des conseils d'hygiène en vue du mieux-être de la personne; ensuite d'assujettir le contrat entre l'intervenant et le citoyen ou l'usager à la Loi sur la protection du consommateur; de départager, parmi les associations de praticiens en thérapies alternatives, celles qui démontrent une indépendance par rapport aux écoles de formation, qui ont des exigences minima de formation de leurs membres ou qui ont adopté un code de déontologie applicable. Et, à ça, on ajouterait ceci, qui n'est pas dans notre mémoire, mais on pense à une commission des thérapies alternatives qui pourrait assurer l'information du public, qui pourrait assurer un encadrement de l'ensemble des thérapies non couvertes par les corporations, qui pourrait être un excellent instrument rattaché au ministre de la Santé et des Services sociaux. Donc, pour nous, en révisant, on s'est aperçu qu'il y avait une lacune à ce niveau-là et que ce serait intéressant d'avoir une commission.

Donc, l'information et la protection du public, j'en ai parlé tantôt, un nouveau cadre juridique qui est important, des mécanismes de régulation de certaines thérapies et, rapidement, au niveau des CLSC, les CLSC et les thérapies alternatives, notre position, elle est très simple. Je vais vous la résumer en quelques mots. Nous, on dit: À cause de l'équipe multidiscipli-naire en CLSC, les thérapies alternatives font partie d'un coffre à outils, et, s'ils peuvent servir à améliorer la qualité des services pour le citoyen, c'est ça qui est l'objectif. On ne demande en aucune façon d'ajouter des services, des programmes ou des postes dans ce champ-là; ça, c'est très clair, ça, c'est un élément pour nous. Et, d'autre part, nous pensons que les thérapies alternatives qui existent dans le secteur privé doivent demeurer dans ce secteur-là, balisées par un cadre juridique, balisées par une commission des thérapies alternatives.

Donc, on ne demande pas que tout ça soit intégré dans le secteur public. Ce qu'on se dit, juste un petit peu avec humour, c'est que de ces thérapies-là, il y en a un certain nombre qui sont excellentes. Pourquoi ne seraient-elles pas utilisées dans le secteur public pour améliorer la qualité du service qui est dispensé? On est convaincu que ça permettrait, comme l'a dit M. Payette tantôt, d'améliorer et d'atteindre les objectifs de la politique de santé et bien-être. C'est comme si on découvrait un nouveau vaccin miracle et qu'on se disait: On va juste le laisser dans le secteur privé, on ne le donnera pas dans le secteur public. Il y a comme un non-sens là-dedans. Il y a des thérapies qui sont des outils complémentaires aux professionnels de la santé oeuvrant dans notre réseau et elles devraient être utilisées.

En terminant, on ne peut pas passer sous silence un autre élément. Pour nous, la pratique des sages-femmes n'est pas... On ne peut pas ne pas l'aborder actuellement. La pratique des sages-femmes, nous n'en avons pas parlé de façon précise, spécifique là-dedans

parce que, pour nous, ce n'est pas une pratique, une thérapie alternative. Dans 200 pays au monde, ça fait partie de la pratique normale et régulière.

M. Côté (Charlesbourg): Ça a mis au monde des médecins.

Mme Vaillant: Ça a mis au monde des médecins, effectivement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vaillant: Effectivement. Et, dans ce sens-là, on ne pouvait pas ne pas en parler. On ne l'a pas mis dans le mémoire parce qu'on se dit: II y a un bout à tout, ce n'est pas alternatif, ça doit faire partie du réseau comme tel, et on voit les difficultés que nous rencontrons. Et, là-dessus, je vais laisser notre président, qui est un citoyen, vous faire part de sa position comme citoyen.

Le Président (M. Joly): M. Payette, s*il vous plaît.

M, Payette: Ce que je dirais, dans le débat actuel, les citoyens, particulièrement un citoyen décideur, ont cru et continuent de croire à la réforme. On a demandé que la pyramide s'inverse et de devenir au centre de cette pyramide-là. On sait que la commission Rochon avait fait un diagnostic sévère à l'effet qu'au fond les citoyens étaient en otage par rapport à toutes les luttes corporatives et les groupes d'intérêts. (15 h 50)

Les citoyens décideurs, quand ils regardent ce qui se passe dans ce débat-là, sont en train de se poser bien des questions, à savoir: Est-ce qu'on est vraiment au centre? Est-ce que ce n'est pas le pouvoir médical qui, au fond, continue d'être au centre de tout ce système de santé là? Et on se pose des questions concernant, je dirais, vraiment cette lutte de pouvoir là, on se sent impuissant et on se demande, au fond, qui mène. Et ce que j'aimerais dire à M. le ministre, c'est que les décisions qui vont être prises sur ce sujet-là auront une valeur importante, un signe qui sera donné aux citoyens décideurs comme quoi la tendance qu'on veut inverser, elle est en train de s'inverser.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Payette. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président.

Je suis très, très heureux, à nouveau, de vous revoir dans ce genre d'exercice là. Vous avez fait état de votre pyramide tantôt, c'est ce qui avait marqué une certaine commission à l'époque, et, d'entrée de jeu, M. le Président, vous me permettrez d'être hors sujet, mais de remercier d'une manière publique les CLSC et aussi, d'une certaine manière, l'AHQ, avec tes départements de santé communautaire, pour l'opération Méningite, qui est une première au monde, et qui a été une réussite assez exceptionnelle, et qui fait la démonstration que, lorsqu'on veut et qu'on s'y met, la complémentarité, ça peut s'installer dans le réseau, et ça, au bénéfice de la prévention. C'est toute notre jeunesse qui y a gagné et, en ce sens-là, je veux vous remercier publiquement, parce que c'est la première occasion qu'on a de le faire. Comme l'opération est pratiquement terminée, on n'en entend presque pas parler. Ce qui va bien, à l'occasion, on n'en parle pas; on entend beaucoup parler de ce qui va mal. Un message pour la presse en même temps. Ça pourrait aller.

Donc, si j'ai bien saisi la présentation et le document, et en cela j'imagine que les médecins vont reconnaître que les CLSC de manière globale ont évolué, vous dites oui aux thérapies alternatives, pas n'importe lesquelles, pas n'importe qui, pas n'importe comment. Et, dans ce sens-là, on peut déjà déterminer un certain nombre de thérapies alternatives ou complémentaires, parce que là je pense qu'on verse aussi dans le complémentaire par rapport au coffre à outils. Il y en a un certain nombre. Vous avez parlé d'homéopathie, d'ostéopathie, de l'acupuncture qui ont fait un certain nombre de preuves; peut-être pas autant et de manière suffisante, mais pour être dans une catégorie à part d'un certain nombre d'autres thérapies qui peuvent être considérées davantage dans le domaine des techniques.

Si je comprends, on doit avoir, donc, une connaissance presque à toute épreuve des effets bénéfiques pour le citoyen consommateur, mais que, dans ce sens-là, vous dites: II faut y aller parce que la société de manière générale va y gagner; le citoyen va y gagner, mais dans une offre de services complémentaires et pas en parallèle. C'est un discours qui est quand même bien... Se recentrer tout en reconnaissant les mérites de ces thérapies.

Je n'en nomme pas d'autres. On pourrait peut-être en aborder d'autres, mais ça me paraît être le noyau dur sur lequel il faut progresser. Il reste donc toutes les autres qui, à votre point de vue, ne sont pas rendues à un niveau de connaissances suffisamment bien mesuré pour qu'on puisse les mettre dans la même catégorie que les précédentes, que, dans ce sens-là, on parle davantage de techniques et d'aller plus loin sur le plan de l'expérimentation, sans vouloir toutes les nommer. Est-ce que j'ai bien compris? On est à une démarche qui se situerait principalement à deux niveaux de reconnaissance, s'il y avait reconnaissance.

Mme Rocheleau (Lucille): Je ne suis pas certaine d'avoir très bien compris.

M. Côté (Charlesbourg): À un premier niveau, homéopathie, ostéopathie...

Mme Rocheleau: Ceux qui sont clairs. M. Côté (Charlesbourg): ...acupuncture.

Mme Rocheleau: Et l'autre niveau, ceux qu'on ne sait pas trop.

M. Côté (Charlesbourg): L'autre, ceux qu'on ne sait pas trop. J'ai rais ça dans la catégorie «techniques». Donc, qu'on ne sait pas trop. C'a l'air que ça prend un permis d'électricien, à ce qu'on a compris depuis deux jours...

Mme Rocheleau: C'est ça.

M. Côté (Charlesbourg): Un permis d'électricien pour être capable de les appliquer.

Mme Rocheleau: C'est ça. Je pense que le message qu'on voulait dire, il y a des thérapies qui sont claires, qui sont reconnues comme ayant des effets importants, et celles-là, on se dit: II faut qu'on s'organise pour qu'elles soient accessibles facilement. Les autres, je pense que le message qu'on veut passer, on ne veut pas faire en sorte d'avoir un système tellement rigide et structuré qu'il n'y aurait plus de possibilités pour l'alternatif en dehors de ce qui est déjà connu. Il faut rester souple. Ce qui est important par rapport à ces thérapies-là, c'est qu'il y ait un certain encadrement qui permette au public de s'y retrouver, et je pense que, par rapport à ça, c'est ce qui est important, que les gens sachent qu'est-ce qui est clairement défini, qu'est-ce qui est clairement montré que ça peut donner des effets intéressants, les possibilités et les limites de ces thérapies-là. Et celles pour lesquelles on connaît peu de choses, on ne peut pas dire qu'elles ne sont pas bonnes, on ne les connaît pas, on ne le sait pas. Mais ce qui est important, c'est que le public sache que c'est là qu'on est rendu dans la connaissance. À ce moment-là, ce sera au public de décider si oui ou non il veut aller quelque part.

Et l'autre élément, c'est de savoir qui est reconnu, qui a une formation par rapport à certains éléments. Je pense que c'est ça...

M. Côté (Charlesbourg): Ça, c'est à la deuxième étape. À partir du moment où on identifie et on tente de classifier ce qui est rendu suffisamment loin pour être capable de donner accès à une certaine pratique légalisée parce que cette science-là peut procurer du bien-être, il faut se poser la question: C'est qui? Quand on parle d'homéopathie et d'ostéopathie, ce que j'ai entendu depuis deux jours, même trois, on parle beaucoup de ces sciences-là, mais pratiquées par des médecins. On a beaucoup entendu parler de ça, ostéopathie, homéopathie; on parle beaucoup que ça ferait partie du coffre à outils des médecins comme un élément additionnel de leur coffre à outils, donc complémentaire à ce qu'ils ont déjà, pour être capable d'informer et de donner du bien-être à la globalité de la personne. Est-ce que vous êtes de cet avis-là ou si quelqu'un d'autre qu'un médecin pourrait pratiquer ou dispenser ces vertus bénéfiques?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vaillant: Je vous dirais, hors de tout doute raisonnable, qu'il ne faut absolument pas que ça entre dans l'exclusivité. On va renforcer un monopole qui existe déjà et on est fondamentalement convaincus qu'au niveau d'autres types d'intervenants, comme les infirmières, par exemple, c'est un élément important, une pratique importante qui bonifierait les interventions qui sont faites, par exemple, au niveau de la périnatalité, dans le programme de périnatalité en CLSC. Pour nous, c'est sûr que l'ostéopathie, comme l'homéopathie, peut être pratiquée par plusieurs intervenants en santé.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, pas d'exclus. Mme Vaillant: Pas d'exclusivité.

M. Côté (Charlesbourg): Pas d'exclusivité, mais pas d'exclus non plus.

Mme Vaillant: Non.

M. Côté (Charlesbourg): Dans le sens qu'on n'exclut pas les médecins non plus.

Mme Vaillant: Non, non. C'est un ensemble, parce qu'on parle de santé et de bien-être; c'est un ensemble.

M. Côté (Charlesbourg): Je pense que vous avez bien défini, et je les reverrai à la lecture des documents, les critères qu'il faut respecter. Je pense que c'est de nature à rassurer un certain nombre de personnes sur les intentions de la Fédération des CLSC et des CLSC aussi quant aux cotes qu'elle-même pourrait se donner à suivre pour l'ensemble des intervenants au niveau des CLSC.

Comme le temps n'est pas toujours très, très important, ce qui nous reste, ce matin, des infirmières sont venues nous dire qu'il y avait plus ou moins, au Québec, 3000 infirmières et infirmiers qui, d'une manière ou d'une autre, dispensaient des soins ou des services de mieux-être à des citoyens et qu'on parlait de thérapies alternatives. On dit: On voit ça dans un centre d'accueil, on voit ça dans des centres hospitaliers. Elles nous ont dit ça ce matin, 800, si ma mémoire est fidèle, au niveau des centres hospitaliers, sur les 3000 qui ont répondu qu'ils utilisaient des thérapies alternatives, et aussi des gens de l'extérieur. Est-ce que, dans ce que vous connaissez de ce qui se fait actuellement au niveau des CLSC, il y a des pratiques de certaines thérapies alternatives et est-ce que le phénomène est bien répandu?

Le Président (M. Joly): Mme Rocheleau, s'il vous plaît.

Mme Rocheleau: Je ne dirais pas que le phénomène est très répandu. Je pense que les infirmières qui font partie de l'Ordre des infirmières vont appliquer certaines thérapies alternatives comme outils complémentaires de soins. On peut penser, par exemple, à des massages, à la visualisation, à du feed-back, quand elles

sont formées pour le faire. Ce qu'on voit souvent, c'est beaucoup de professionnels en CLSC qui sont formés mais qui vont pratiquer la thérapie alternative en privé, c'est-à-dire que, pendant le temps qu'ils travaillent au CLSC, ils n'utilisent pas, par exemple, l'homéopathie, l'acupuncture, mais ils vont donner un service en privé à l'extérieur de leurs heures de travail. C'est plus ça qu'on va rencontrer en CLSC actuellement.

M. Côté (Charlesbourg): Et est-ce que c'est un phénomène qui est bien répandu? Ce n'est pas les vases communicants, non?

Mme Rocheleau: Non, non, il n'y a pas de vases communicants là-dedans. Je ne peux pas vous dire l'ampleur, le nombre de personnes qui ont une formation là-dedans. Je n'ai pas de chiffres.

M. Côté (Charlesbourg): O.K.

Mme Rocheleau: Mais je sais qu'il y a, à différents endroits, plusieurs intervenants qui sont formés dans ce domaine là. (16 heures)

M. Côté (Charlesbourg): Vous avez parlé beaucoup, donc, de critères dans votre présentation, donc d'exigence de connaissances de base, d'éviter d'être aux mains de charlatans, vous avez parlé de l'Office de la protection du consommateur, et je pense que tout le monde convient que, dans la mesure où on ferait un pas additionnel vers cette reconnaissance pour un certain nombre, il y a obligation de faire des évaluations. L'association des médecins holistiques du Québec nous a proposé, hier, un modèle, en disant: Bon, au moins pour un certain nombre, faisons un moratoire de cinq ans. Prenons la prochaine année pour être capable de se parler, de mettre tout le monde autour de la table, de s'entendre sur un modèle qui nous mènerait à une recherche de connaissances, recherche qui peut être très scientifique, et ainsi de suite, et qui permettrait, pendant ce temps-là, de vérifier l'aspect scientifique de certaines de ces thérapies alternatives et, en parallèle, d'aller même jusqu'à faire — je prends leur présentation — des projets-pilotes, qui seront probablement plus faciles à accoucher, ceux-là, parce que j'imagine que, quand on parle d'homéopathie, d'ostéopathie et qu'il y a autant de monde qui les pratique, y compris dans le corps médical, on aura moins de résistance. Donc, aussi, en même temps, des projets-pilotes pour nous permettre d'expérimenter et d'aller là où on veut et, au bout des cinq ans, tirer un consensus et apporter les amendements qu'il faut dans une loi qui permettrait, finalement, de les régulariser sur le plan légal et qu'il y ait un certain consensus, au niveau de la société, voulu, souhaité, peut-être pas par la totalité des gens, mais au moins une majorité qui se sera concertée pendant cette période de cinq ans.

Est-ce que ça vous apparaît une proposition qui est applicable, à ce moment-ci, compte tenu de ce qu'on a vécu dans les projets-pilotes des sages-femmes —j'ai bien dit ce qu'on a vécu — et, deuxièmement, est-ce que les CLSC seraient prêts à participer à une opération comme celle-là, de la même manière que d'être accueillants quant à des projets permettant l'évaluation de certaines de ces thérapies alternatives?

Mme Vaillant: Là-dessus, M. le ministre, bon, dans un premier temps, c'est sûr qu'on a, je pense, beaucoup de difficultés à parler de projets-pilotes sans y donner aucune connotation. Mais, ce qui nous apparaît clair, que ce soit sous forme de projets-pilotes ou via une commission des thérapies alternatives qui ferait de l'encadrement, si on veut, il faut qu'il se passe quelque chose, il faut qu'il y ait un cadre minimal, que ça prenne la forme de projets-pilotes d'une durée x, avec évaluation ou que ça prenne une autre forme, qu'on fasse une évaluation dans un champ donné et qu'à partir de ces évaluations on aille plus loin.

Il y a des expériences ailleurs dans le monde; le Québec peut s'en inspirer. Pour moi, l'ostéopathie, c'est clair; l'homéopathie, c'est clair. Je vois mal — je vous dis ce que je pense vraiment — des projets-pilotes là où, dans plusieurs pays, c'est reconnu. On peut aller vérifier, on peut aller valider si c'est fait de façon rigoureuse ou pas. Mais, pour moi, comme vous le disiez tantôt, il y a des niveaux différents, au niveau du savoir, au niveau de l'avancement.

Dans les domaines qui sont plus mous, plus flous, O.K., où le corpus n'est pas encore très clair, je pense que ça prend de l'évaluation, et c'est pour ça qu'on parlait du fonds de recherche tantôt. Je suis certaine qu'il y a un certain nombre de CLSC qui seraient ouverts sans aucun problème soit à devenir des projets-pilotes ou à participer.

M. Côté (Charlesbourg): Je veux en avoir une petite dernière, parce qu'on me signifie qu'il me reste une minute, je la pose très vite. Disons qu'homéopathie, ostéopathie, acupuncture, ce n'est pas sûr qu'on est suffisamment avancé pour dire qu'on les reconnaît demain matin de manière très claire, compte tenu de ce qui se passe en Europe, aux États-Unis, ainsi de suite. Admettons qu'il reste encore un peu de travail à faire sur le plan de la démonstration scientifique, mais que c'est des thérapies qui sont quand même très près, il restera quand même toutes les autres, et c'est probablement là-dedans qu'il y a le plus de charlatans et qu'il faut protéger le public. C'est notre intérêt premier, de protéger le public. Donc, à partir de cela, c'est pour ça que votre commission de thérapies alternatives, je me demandais si ce n'était pas ça qu'elle devait aller récupérer, et elle dépendrait de qui? Vous avez dit: Du ministre de la Santé et des Services sociaux. Je suis très flatté, mais, au-delà de ça, elle ferait quoi? Elle émettrait un permis, comme on émet un permis à un travailleur de la construction? Qui régirait quoi? Le contrat qui intervient entre l'individu... Ça, j'aimerais savoir ça. Parce que, ça, il y a aussi l'Office de la protection du consommateur qui pourrait faire ce genre d'exercice là.

Mme Vaillant: La commission, ce qu'elle pourrait faire, bon, information du public, encadrement. Ce qu'elle pourrait faire, il y a plusieurs choses dans le secteur mou — j'appelle «secteur mou» les thérapies alternatives. Elle pourrait, en quelque sorte, gérer des protocoles pour faire en sorte que, dans tel champ, on utilise des projets-pilotes, qu'il y ait un protocole d'évaluation et de recherche. Ça pourrait être encadré de cette façon-là. C'est-à-dire que vous auriez un organisme qui, en quelque sorte, assurerait une façon, gérerait un processus qui permettrait la reconnaissance, l'information du public des thérapies alternatives. Et ça ne se ferait pas à la pièce, ça se ferait de façon cohérente, et, au fur et à mesure qu'il y aurait un avancement au niveau du savoir, cette commission-là pourrait fournir des avis et faire des recommandations ou dire: Dans tel champ, c'est du charlatanisme, et émettre un avis au public à l'effet de: Attention, il y a eu une étude sur ces questions. Elle pourrait faire des études, et tout ça.

M. Côté (Charlesbourg): Autrement dit, c'est de s'assurer que le raisin devienne un bon raisin.

Mme Vaillant: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Et pas un raisin avec lequel tu ne peux pas faire de vin.

Une voix: Ça va prendre des grappes aussi.

M. Côté (Charlesbourg): C'est ça, faire mûrir la grappe.

M. Payette: Séparer l'ivraie et le bon grain.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci, M. le Président. On va s'assurer que ça ne tournera pas au vinaigre. Souhaiter la bienvenue à la Fédération des CLSC. On passe toujours trop vite, effectivement, sur les bonnes contributions. C'est comme dans d'autres secteurs, on s'accroche plus à ce qui est divergent qu'autrement. Mais il faut souligner encore une fois que vous nous présentez un mémoire qui est d'une cohérence, par rapport à ce que vous faites dans le réseau de la santé et des services sociaux et par rapport à la problématique que l'on affronte, qui couvre l'ensemble de la problématique pour déboucher sur le citoyen qui, d'évidence — on n'a pas besoin d'un gros dictionnaire pour comprendre ça — utilise des thérapies autres que les techniques médicales largement utilisées, qui ont contribué, par ailleurs — ces techniques médicales là — à l'amélioration de la qualité de notre vie de façon indéniable. C'est remarquable les progrès scientifiques et techniques qu'a faits la médecine, qu'a faits le pouvoir médical au cours du dernier siècle. Il ne faut pas nier ça, ça va de soi.

Par ailleurs, je pense que vous nous présentez une série de mesures et surtout une façon de voir, un paradigme en soi. Parce que — et ça sera ma première question — il ne faut jamais oublier, donc, en matière de thérapies alternatives, que — et l'Office des professions nous l'a bien dit, lorsqu'il a témoigné au début de ces audiences — l'Office n'est pas là pour reconnaître, il est là pour fournir un encadrement de type professionnel défini à l'intérieur d'une loi. Et l'article 25 du Code des professions ne fournit pas de critères pour reconnaître ou pas. C'est la première fois devant cette commission que nous sont présentés des éléments de repère, des critères qui pourraient nous permettre de dire oui ou non à des thérapies alternatives, enfin un ensemble de données qu'il faudrait être capable de vérifier avant de les reconnaître.

Est-ce que vous pensez, dans ce sens-là — et vous l'illustrez un peu dans votre mémoire — que l'économie générale du système ontarien, qui va être appliqué à partir de juin, c'est-à-dire des actes réservés à des catégories de professionnels qui doivent avoir tel type de qualifications, des titres réservés et tout le restant possible, mais couvert quand même par les lois générales, par le Code criminel et l'Office de la protection du consommateur, est-ce que vous pensez que, dans le contexte québécois, cette dynamique générale du système, ça peut se vivre ici, ça peut s'appliquer? (16 h 10)

Mme Vaillant: Moi, je suis, avec toutes réserves, parce que je n'ai pas étudié à fond, au fait moyennement. Je vous dirais là-dessus que, en cette matière-là, je pense qu'il ne faut pas être aussi rigide. Il faut que les thérapies alternatives, en ayant un encadrement comme on en a parlé, un cadre juridique pour protéger l'intérêt du public... Est-ce que, dans toutes les thérapies, il faut aller aussi loin que de réserver ça à tel type de professionnels? Personnellement, j'ai quelques réserves par rapport à ça. Je pense qu'il y a un bout qui se fait dans le secteur privé, actuellement, qui doit continuer à se faire, mais avec un cadre juridique général et des mécanismes d'évaluation pour la reconnaissance.

J'ai l'impression qu'au Québec on y va un petit peu plus doucement et je n'importerais pas ça tout de go. Mais je vous le dis, je n'ai pas étudié ça du tout à fond, j'en ai une impression générale. Moi, j'ai l'impression qu'au Québec la conviction que nous avons, c'est qu'il y a une insertion qui doit se faire au niveau des professionnels du réseau admis et qu'il y a un cadre juridique qui doit être adopté pour les thérapies qui ne font pas partie, qui ne relèveraient pas de corporations professionnelles, avec une commission des thérapies alternatives et un cadre juridique. Et il va sûrement y avoir d'autres travaux scientifiques qui vont venir mieux asseoir un certain nombre de ces thérapies-là et qui vont en permettre une reconnaissance encore plus facilement.

M. Trudel: Abordons la question de tout le volet de l'information. Ça, je pense que c'est un aspect intéressant de ce que vous nous présentez pour le futur. Vous êtes présents partout dans l'ensemble du territoire

du Québec. Vous occupez vraiment la première ligne en matière de... Est-ce que vous vous sentez instrumentés actuellement pour donner de l'information sur les thérapies alternatives? Parce qu'une des dimensions essentielles de la problématique, me semble-t-il, c'est cette dimension de l'information à laquelle le public n'a pas accès nulle part, il n'a pas où se référer pour se faire un jugement. Est-ce que vous vous sentez instrumentés? Et qu'est-ce qu'il faudrait instituer pour que vous vous sentiez instrumentés, si tel n'est pas le cas, pour être cet élément de référence par rapport aux thérapies alternatives?

Mme Vaillant: C'est une très bonne question. On n'est pas instrumentés actuellement parce que tout est de même niveau, que ce soit l'ostéopathie, ou que ce soit les champs d'énergie, ou la phytothérapie, ou tout ça, il n'y a pas d'information. On ne peut pas en donner. Et c'est pour ça que nous sommes venus en commission parlementaire. Il nous apparaît qu'il faut, d'une part, qu'au niveau du ministère ou au niveau du gouvernement on donne un cadre, qu'il y ait un cadre et qu'il y ait un endroit où l'information est colligée. D'où elle va nous venir, cette information-là sur les différents... Qui va l'organiser, cette information-là que nous allons transmettre? On vous l'a dit, on n'est pas des experts là-dedans. On est des experts en première ligne, par exemple. Comment est-ce qu'on va organiser cette information-là pour la diffuser et la diffuser la plus correctement possible?

M. Trudel: Est-ce que c'est à ça que vous faisiez allusion quand vous parliez de votre commission des thérapies alternatives, votre CTA?

Mme Vaillant: Oui, c'est un lieu, c'est un carrefour, un endroit où on devrait savoir qu'est-ce qui se fait en thérapies alternatives au Québec, c'est quoi l'information, quelle sorte de thérapie, est-ce que ça a été évalué ou ça n'a pas été évalué, la liste. Il devrait y avoir, là, un centre de documentation, une banque de références sur les thérapies alternatives, un endroit où on peut se référer. Nous, comme établissement de première ligne, cette information-là, on la diffuserait dans le cadre de la référence qu'on doit faire, qui est dans le cadre de notre mission. Mais on ne pense pas que c'est à nous. On ne se mettra pas là-dedans, nous, pas du tout, à colliger — inquiétez-vous pas — l'information sur les thérapies, tout ça. Ce n'est pas notre boulot et il faut un lieu pour...

M. Trudel: Vous venez de sauver une couple de millions.

Mme Vaillant: Oui, mais il faut un lieu. On n'a pas très bien expliqué la commission des thérapies alternatives, mais on pense que ça prend, comme dans n'importe quoi, du monde responsable, un endroit, un lieu, un carrefour où on peut avoir l'information, et où ça serait colligé, et qui nous permettrait à nous et à d'au- tres d'avoir une référence et de diffuser cette information-là.

M. Trudel: Parce que, écoutez, une question et un commentaire en même temps, à partir du moment où on établit assez largement qu'on n'est pas en matière de préjudice grave quant à l'exercice d'un grand nombre de thérapies alternatives, oui, effectivement, quant à moi, ne montons pas une super-démocratie contrôlante et «corporatisante», si vous me permettez l'expression, pour contrôler un phénomène qui demande tout simplement, pour une grande majorité des cas, à tout simplement être documenté.

Je vais vous dire, il y a cette approche qui se dégage, que le ministre dégage depuis quelques jours à partir de la présentation de l'association des médecins holistiques, et je dois vous dire que j'ai des craintes sur l'évaluation aussi. Franchement, j'ai des craintes sur l'évaluation, parce qu'il y a quelqu'un qui nous a dit ce matin que la science était neutre. Moi, la neutralité de la science... Je regarde toujours celui qui la pratique, hein, toujours celui qui pratique la science. Il y a un sens commun qui est établi, mais, sur l'information, ça, ce n'est pas réalisé. Il n'y a personne qui est en mesure de vous informer sur qu'est-ce qu'est cette technique ou cette approche. Quelle est la formation des personnes qui la pratique? Est-ce qu'il y a une association professionnelle entre guillemets? Quels sont les taux généralement observés dans telle pratique et quels sont les effets généralement obtenus? On peut donner de l'information sans prononcer une reconnaissance, sans porter un jugement sur la qualité de la thérapie ou de la pratique concernée. Est-ce que ça vous apparaît comme étant de nature à solutionner une bonne partie de ce qu'on appelle la reconnaissance des thérapies alternatives?

Mme Vaillant: C'est sûr que l'information est un élément important, mais le problème, la situation au niveau des thérapies alternatives, c'est que ça couvre des champs qui sont extrêmement vastes et il nous apparaît qu'il ne faut pas introduire un cadre très rigide, et c'est clair. Et il y a des affaires là-dedans... L'Office des professions dit: II y a des affaires qui relèvent, je ne dirais pas... Comment je dirais ça, donc?

M. Trudel: Du rôle de père et de mère de famille.

Mme Vaillant: Qui relèvent, finalement, du choix de l'individu qui croit à ça, comme des gens, vous me permettez, vont aller prier à l'Oratoire Saint-Joseph, si vous me permettez ça comme image. Il y a de ça aussi. Je veux dire, il y a des choses qui relèvent d'une croyance et on doit respecter ça pourvu qu'il y ait une protection. Et je pense qu'il ne faut pas s'immiscer dans ces affaires-là. Ça relève de la liberté et il y a de tout ça, là, dans les médecines douces et les thérapies. C'est pour ça que, quand on parle d'information, encore là, il va falloir cerner ce sur quoi on donne de l'information. C'est un fourre-tout, les médecines douces. On met de

tout là-dedans, tout ce qui touche, que ce soit la polarité, le toucher thérapeutique. On introduit tout sous le même vocable. (16 h 20)

M. Trudel: Oui, effectivement. Mais quant à moi, là, il ne faut pas chercher à tout aseptiser, à tout rendre parfaitement objectif, qu'on n'aurait plus à prononcer des jugements subjectifs. La vie, c'est ça, là. La vie, c'est ça. En psychologie, là, il y a quelqu'un qui a inventé une approche très scientifique qui s'appelle le behaviorisme, notre ami B. F. Skinner. Puis là, c'était tout, on avait tout compris l'affaire; il suffisait de contrôler le stimulus, puis on avait la réponse automatique, la société parfaite. Tu n'avais rien qu'à contrôler tous les stimulus que tu donnais au monde, puis tu contrôlais la réponse. Ça n'a pas marché dans les pays de l'Est. Ça n'a pas marché, essayer de contrôler, parce qu'il y a un problème entre les deux, ce sont des êtres humains qui pensent. C'est ça. Il n'est pas nécessaire de toujours chercher le jugement de type scientifique qui, lui, n'aurait aucune subjectivité et aucune couleur. Je pense qu'on s'entend bien là-dessus. Et là il y a une telle concordance de vues qu'il faut quand même se poser une couple de questions difficiles, là, plus difficiles que celle-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Et ce serait ma dernière.

Le Président (M. Joly): Je vous inviterais peut-être à poser la plus difficile...

M. Trudel: La plus difficile, c'est: Est-ce que, par ailleurs...

Le Président (M. Joly): Autrement, j'aurai la difficulté de vous arrêter.

M. Trudel: ...un élargissement sensible, une reconnaissance et un élargissement sensible de la pratique des thérapies alternatives pourraient nous amener à remplacer le projet médical en CLSG?

Mme Vaillant: C'est une bonne question, une bonne question. Je vous dirais que non, parce qu'il y a... Comme on l'a dit tantôt, vous l'avez dit vous-même, la vie, on ne l'enferme pas dans une catégorie. La vie, c'est un mouvement. Et, de la même façon qu'on a besoin de médecins, on a besoin d'un nouveau mode de pratique de médecins, la médecine familiale qui se pratique en CLSC, et, moi, je pense que les médecins de CLSC, comme les autres intervenants, vont ajouter à leur coffre à outils des éléments comme l'homéopathie ou l'ostéopathie pour enrichir leur pratique médicale, comme c'est le cas pour les infirmières. Je pense que ça ne se substituera pas; ça va ajouter au coffre à outils des intervenants. Parce que les médecins en CLSC font de la médecine, mais une médecine qui est plus de type familiale.

Le Président (M. Joly): Merci, madame. M. Trudel: Merci.

Le Président (M. Joly): M. le député, merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Vous avez été éclairants. Ça nous permet de progresser dans nos réflexions. Disons que ça alimente notre banque de données. Merci bien.

M. Trudel: Merci beaucoup pour votre contribution.

Le Président (M. Joly): Alors, à vous, Mme Vaillant, Mme Rocheleau, M. Payette, merci beaucoup. Au plaisir.

J'inviterais maintenant l'Association des hôpitaux du Québec à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.

Ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue. Je vois que nous ne sommes pas dans un monde étranger. Des gens qu'on reconnaît bien. Alors, j'apprécierais que la personne responsable puisse s'identifier et aussi identifier les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Association des hôpitaux du Québec (AHQ)

M. Gagnon (Marcel R.): M. le Président, Mmes, MM. les commissaires. Je me présente, d'abord. Marcel Gagnon, membre du conseil d'administration de l'Association des hôpitaux du Québec. Et, au nom de notre association, je désire vous remercier de nous recevoir aujourd'hui, nous donnant ainsi l'occasion de livrer notre position sur quelques points relatifs aux thérapies alternatives. Permettez-moi d'abord de vous présenter les personnes qui m'accompagnent, et d'abord le Dr Paul Landry, adjoint au vice-président exécutif à l'Association des hôpitaux.

M. Côté (Charlesbourg): Bien connu à cette commission.

M. Gagnon: Sûrement, oui. Mme Huguette Blouin, qui est conseillère, et Me Pierre Bourbonnais, conseiller juridique, tous les deux également de l'Association des hôpitaux.

Pour vous situer davantage, je vous mentionne que notre association regroupe — je sais que vous le savez, M. le ministre, mais je vais le mentionner quand même — 200 centres hospitaliers et centres d'hébergement et de soins de longue durée ainsi qu'une trentaine d'établissements et d'organisations reliés au domaine de la santé et des services sociaux. L'AHQ a comme mission d'assister ses membres dans la réalisation optimale de leurs mandats individuels et collectifs par des interventions de représentation et le développement des services appropriés. La présente commission parlementaire s'inscrit donc dans une étape dans la réalisation

d'un engagement pris dans le cadre de la réforme de notre système. En effet, il avait été annoncé qu'un débat public aurait lieu sur la reconnaissance des thérapies alternatives et sur les mécanismes à mettre en place pour s'assurer de la compétence des praticiens. Il s'agissait ainsi, dans le cadre de la commission parlementaire annoncée, de définir le rôle et la place des thérapies alternatives au sein du réseau des services. Ce moment-ci était donc attendu par plusieurs associations ou regroupements de praticiens en thérapies alternatives, forts de l'appui que leur apporte la population en ayant recours de façon importante à leurs services. L'Association des hôpitaux du Québec est heureuse d'apporter sa contribution à ce débat. La commission parlementaire fut l'occasion, pour l'AHQ, d'amorcer une réflexion sur le phénomène de l'introduction des thérapies alternatives dans les milieux de soins médicaux spécialisés dans nos hôpitaux. Nous avons également considéré la question dans le contexte différent de l'institutionnalisation des centres d'hébergement et de soins de longue durée.

Les délais qui nous ont été impartis pour répondre à la commission parlementaire ne nous ont pas permis de procéder à une analyse exhaustive sur la place qu'occupent les thérapies alternatives dans nos milieux hospitaliers et d'hébergement. Nous avons cependant développé notre position avec un groupe représentatif de nos membres parmi ceux qui ont introduit des pratiques alternatives et complémentaires à leurs soins et services. Cet exercice nous a permis de dégager certains constats quant à la situation actuelle et de projeter, en termes de perspective, les intentions des établissements que nous représentons. Ainsi, bien que la percée soit marginale et plutôt prudente pour le moment, nous pouvons affirmer, d'ores et déjà, que les thérapies alternatives font leur chemin dans les centres hospitaliers et les centres d'hébergement.

Pour vous en parler davantage, et sans plus tarder, je laisserai la parole au Dr Paul Landry qui fera état de la réflexion qui a été menée par nos membres ainsi que des propositions que l'Association des hôpitaux du Québec avance pour répondre aux objets et questions à l'origine même de la commission parlementaire.

Le Président (M. Joly): M. Landry.

M. Landry (Paul): M. le Président, d'entrée de jeu, je voudrais m'excuser d'être un docteur. Pas vraiment, là, mais...

M. Côté (Charlesbourg): Ça progresse, ça progresse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Pas vraiment m'excuser, c'est-à-dire... Parce que je demeure membre de ma corporation, n'est-ce pas, mais c'est essentiellement en tant qu'administrateur du monde hospitalier puis en tant que porte-parole, un peu, des administrateurs hospitaliers que je me présente devant cette commission.

Un autre point que je voudrais... Je voudrais éviter aussi de lire notre mémoire qui est, somme toute, assez léger. On pourrait le faire, parce que c'est... Il ne se voulait pas épais, il se voulait léger, il se voulait simple. Mais je vais plutôt essayer de vous le résumer point par point, en faisant référence aussi à la page 15, aux différentes recommandations qui sortent. J'ai l'impression qu'avec ça on va couvrir l'ensemble du matériel.

Un commentaire préliminaire, c'est celui que nos membres, finalement... Puis, là, on a souvent tendance à être critique, des fois, de la bureaucratisation, des réformes, etc., mais nos membres souscrivent profondément — puis, ça, on est en mesure de le mesurer — à l'esprit de base de cette réforme, qui est celui de mettre le citoyen, le client, le patient, le malade — appelons-le comme vous voulez — l'usager au centre des préoccupations des hôpitaux puis de tout le système. Je pense qu'on parle aussi de le mettre au sommet de la pyramide comme preneur de décision, mais, ça, ça va. Puis la première recommandation — puis ça va dans ce sens-là — dit que les centres hospitaliers et les centres d'hébergement et de soins de longue durée, que nous représentons, en accord avec le principe fondamental de la réforme qui les invite à placer l'usager au centre, fassent preuve d'ouverture vis-à-vis des attentes de leurs usagers pour de nouvelles approches thérapeutiques. Alors, c'est la première recommandation qui est issue de nos membres. (16 h 30)

Concrètement, ce dont je voudrais vous entretenir dans les 15 ou 12 prochaines minutes, c'est des trois points suivants. Je vais adresser d'abord la question — puis très brièvement, pour éviter les redondances, parce que je sais qu'il s'est dit déjà beaucoup de choses dans les trois jours précédents — de la reconnaissance et de la protection du public. Et, en deuxième point, j'aimerais parler de ce qui se fait actuellement en milieu hospitalier concernant les médecines douces, ou les médecines alternatives, ou les thérapies alternatives, et ce qui pourrait éventuellement se faire. Et, en toile de fond pour ce deuxième point là, un autre qui m'apparaît bien important, c'est: Comment concilier le respect des droits de la personne, qui nous semble essentiel, sa liberté de choix, avec les exigences professionnelles, les exigences organisationnelles d'un milieu tel que l'hôpital, compte tenu de sa mission. Alors, c'est les trois points que je voudrais développer rapidement et faire ressortir les recommandations en cours de route, de sorte qu'on ne vous ennuiera pas avec le texte qui est déjà là; on va aller tout de suite à l'essentiel.

Concernant la reconnaissance des thérapies alternatives, on doit vous dire que notre réflexion s'est appuyée sur deux pistes. La première, c'est celle des recommandations de la commission Rochon, qui a réellement guidé notre ^proche. Rochon disait clairement — et là je cite un autre petit bout, là, parce que je cite M. Rochon dans son rapport — qu'«un acte doit être réservé à une corporation ou partagé par quelques

corporations lorsque son exécution comporte des risques pour la santé et le bien-être — ça va de soi — lorsque ses conséquences ne sont pas facilement réversibles — autrement dit, si on ne peut pas corriger ça — lorsqu'il exige une expertise démontrée et lorsqu'il est posé de façon autonome». Vous voyez que ça rencontre un petit peu, ça rejoint les critères de la Fédération des CLSC de tantôt; il y a moyen d'aller plus loin aussi dans cette réflexion-là.

L'autre élément sur lequel notre réflexion a porté et qui a fait consensus, c'est essentiellement la position de l'Office des professions, il y a quelque temps, à l'effet que, plutôt que de multiplier à l'infini les corporations professionnelles pour protéger le public, il y aurait lieu, probablement, d'intégrer à l'intérieur des corporations existantes — et ça, c'a été dit ce matin par l'Ordre des infirmières, et ça va vous être dit, sûrement, ce soir par la Corporation professionnelle des physiothé-rapeutes, etc. — d'intégrer ça à l'intérieur des champs, des domaines des corporations existantes. Alors, si je fais le point entre ces deux bases de réflexion là et mes recommandations — les recommandations de la page 15, là, toujours dans notre document — on dit: Que la solution qui a été mise de l'avant par l'Office des professions soit retenue, à savoir d'intégrer les thérapies — on ne les appelle pas «alternatives», on aime mieux les appeler «complémentaires», et vous voyez un peu ce qui est à la base de notre réflexion — complémentaires au champ de pratique des corporations professionnelles plutôt que d'en créer des nouvelles.

La troisième recommandation — et là on fait le point avec la discussion que vous venez d'avoir: Que l'Office de la protection du consommateur reçoive des mandats spécifiques pour assurer l'information et la protection du public en ce qui a trait aux thérapies alternatives qui ne seront pas intégrées dans le champ des pratiques. Autrement dit, on distingue l'univers en deux camps: il y a ceux des thérapies qui sont sérieuses, qui méritent d'être évaluées, qui méritent d'être dispensées et pratiquées, et il y a les autres, là, comme la thérapie par l'urine, la thérapie par le vin, la thérapie par le chocolat — et je pourrais en nommer une liste; je pense qu'il y en a autour de 200, ou pas loin de 200, que l'OMS énumère — celles-là, là, on pense que ce n'est peut-être pas nécessaire d'avoir une commission d'évaluation des technologies alternatives — parce qu'on pourrait l'appeler comme ça — ou un conseil supérieur d'évaluation des technologies alternatives. On ne pense pas que ce soit nécessaire. On pense que l'Office de la protection, en élargissant un peu son mandat, pourrait agir. Notre préoccupation là-dedans, c'est que probablement que le principal danger vis-à-vis de ces choses-là est un danger d'être dupé sur le plan de son budget et de son portefeuille, beaucoup plus que des effets sur la santé ou des effets qui porteraient atteinte à l'intégrité.

Finalement — et celle-là est importante — on dit: Que soient considérées — c'est notre quatrième recommandation — les recommandations de la commission Rochon — si vous voulez, la commission d'enquête sur les services de santé — à l'effet de revoir certaines dispositions du Code des professions pour redéfinir les critères d'incorporation et préciser les notions d'acte réservé, exclusif ou partagé, pour assurer la protection du public. Je suis sûr que mes collègues de la Corporation professionnelle des médecins ne seraient pas d'accord avec ça, mais nos membres pensent qu'il faudrait revoir ça et qu'il faudrait probablement, comme dans la discussion que vous avez eue ce matin, s'inspirer, ou regarder, ou aller voir ce qui se fait chez nos voisins de l'Ontario et penser s'il n'y aurait pas lieu d'aller chercher des bonnes choses là. Et notre conseiller juridique, Me Bourbonnais, est prêt à aller plus loin là-dedans s'il y a des questions que vous désirez nous poser. Ça, ça fait le tour un peu, à mon sens, de cette question de reconnaissance.

Revenons maintenant à la contribution du réseau hospitalier. Qu'est-ce qui se fait en milieu hospitalier? Mme Desrosiers en a parlé brièvement ce matin en faisant état de son sondage de 1990. Malheureusement, comme notre président vous le disait, on n'a pas eu le temps de faire un sondage et une étude sérieuse pour mesurer ça, mais on est à l'écoute de notre monde. On les a réunis, on sait ce qui se fait et on sait pertinemment qu'il se pratique, dans plusieurs milieux hospitaliers du Québec, des approches alternatives qui sont surtout des choses comme la réflexologie, des massages, des touchers thérapeutiques, des approches plutôt douces. Mais il y a même la médecine de l'Ayurreda qui se pratique dans certains hôpitaux bien cotés, pas les moindres, là, de la région de Québec, et même des hôpitaux universitaires — le CHUL, pour ne pas le nommer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Universitaires ou dits universitaires.

M. Landry: Bien, enfin...

M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha!

M. Landry: Je m'excuse, M. le ministre. C'est un bon point.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Ce qui arrive, et ça aussi, ça s'est dit depuis trois jours, c'est qu'on commence de plus en plus à prendre conscience des limites de la médecine officielle — je veux dire la médecine traditionnelle, la médecine officielle. En plus, on ne guérit pas les cancers encore, on ne guérit pas de façon suffisante; on n'est même pas capable de guérir le rhume banal. On a beaucoup de difficultés avec les maladies chroniques; pour l'arthrite, par exemple, qu'est-ce qu'on peut faire, finalement, avec notre médecine officielle? Et les praticiens, médecins, infirmières, physiothérapeutes, reconnaissent qu'on a des limites et qu'il y a peut-être quelque chose d'autre à faire. En plus, ils sont un peu tannés d'avoir une approche dépersonnalisée, déshumanisée, limitée

dans le temps. Us commencent à avoir le goût de regarder toute la personne, de l'écouter, de regarder ses problèmes. Quand je dis «ils», là, moi, je dirais que de plus en plus de nos professionnels commencent à voir ça, et c'est ça qui inspire la réalité de cette pratique dans plusieurs de nos milieux. Parce que, dans le fond, les professionnels de la santé, les médecins, les infirmières, comme les députés, je pense, la majorité des députés et des ministres aussi, bien sûr, on a une idéologie de servir, d'aider le monde. Autrement, on ne serait pas dans ce business-là. On serait probablement dans un domaine scientifique de recherche, enfin, différent.

Tout ça pour vous dire que, oui, ça existe; ça existe dans les unités de soins palliatifs. Mme Desrosiers en a parlé un peu ce matin; les membres avec qui on a travaillé quand on a préparé le mémoire nous ont parlé de leurs expériences avec des patients souffrants, où la douleur est importante et où des approches beaucoup plus douces que la morphine à haute dose ont donné des meilleurs résultats pour soulager leur douleur. Dans les soins de longue durée aussi; en pédiatrie, étrangement, ça fonctionne; en obstétrique bien sûr. Dans les services de réadaptation, il y a toute une série de nos professionnels qui utilisent des techniques de shiatsu, des techniques de massages, des techniques de relaxation pour améliorer l'état. Donc, finalement, ça existe, ça se fait. Ça ne se fait pas sur une grande échelle, c'est encore timide, et beaucoup dépend de la crédibilité, de la qualité des personnes qui dispensent ou qui pratiquent ces affaires-là dans différents milieux. C'est ce qui fait que ça marche.

Les perspectives qu'on a dans notre réseau actuellement, c'est que ça va se développer. Ça va se développer parce que la demande de la population est là, et on a fait la preuve, je pense, dans les hôpitaux, qu'on était capable de s'ajuster à la demande de la population. Je ne veux pas m'engager longuement dans le débat sur la périnatalité et l'obstétrique, mais il y a eu, à partir des années quatre-vingt, des changements considérables dans le sens de l'humanisation, des chambres de naissance qui se sont développées partout, et des approches beaucoup plus humanisées, dans nos hôpitaux, qui se sont faites. Ce n'est pas parfait, il y a peut-être moyen de faire mieux et d'aller plus loin, mais c'est déjà amorcé.

Donc, oui, il y a une demande là. Par ailleurs, on était en commission parlementaire il n'y a pas tellement longtemps, M. le Président, et le ministre était absent cette journée-là, peut-être à l'hôpital ou je ne sais pas...

M. Côté (Charlesbourg): Exactement. (16 h 40)

M. Landry: Bon. Mais on a parlé longuement de la crise des finances publiques, du contexte où il faut vivre selon nos moyens, et on est conscient que ça ne sera pas le Pérou demain matin et qu'on n'aura pas tous les crédits possibles pour commencer à avoir une armée de thérapeutes alternatifs qui vont aller faire des massages ou donner des traitements alternatifs à nos patients dans les hôpitaux demain matin. Je pense que ça serait illusoire de le faire.

Actuellement, les thérapeutes qui pratiquent le font à l'intérieur de leurs activités. Ils sont payés par l'hôpital pour le faire. Ils prennent 10, 15 minutes de temps normal pour dispenser des traitements différents aux patients qui le veulent, puis aussi aux patients dont les médecins consentent, parce qu'à l'hôpital, comme vous le savez, il y a un certain monopole de la médecine; il faut un médecin traitant et, le médecin traitant, c'est lui qui décide, normalement, ce que le patient devrait avoir ou ne pas avoir. Donc, ça, c'est une réalité.

L'autre, le dernier point que je voulais faire ressortir, finalement, et je vais revenir tantôt avec mes recommandations, c'est celui de la liberté de choix. Comment on fait pour concilier cette liberté de choix du patient qui veut avoir de l'acupuncture à l'intérieur de la pratique hospitalière? Ce n'est pas facile, ça. On pense qu'il va falloir, autant que possible, avoir une approche où les médecins sont impliqués, et on pense aussi qu'il va falloir se centrer de plus en plus, pour les thérapies alternatives comme pour les autres, sur ce qu'on appelle des résultats.

Vous en avez parlé beaucoup dans le projet de réforme. Il y a un mouvement, non seulement au Québec mais au Canada et dans tous les pays de l'OCDE, qui va vers la recherche de l'efficacité. On s'interroge sérieusement, et vous le savez, sur l'efficacité de la médecine officielle traditionnelle. On remet en question des choses que l'on fait depuis des années. On sait qu'on n'a pas évalué tout ce qu'on aurait pu évaluer scientifiquement et adéquatement, des choses que l'on fait à l'intérieur des hôpitaux et de la médecine traditionnelle. Donc, on pense qu'il va falloir, là aussi, au niveau des approches alternatives, avoir ce souci de résultat en termes d'efficacité, en termes d'efficience, en termes de coûts-bénéfices du temps consacré et en termes de satisfaction de la population.

Un dernier point là-dessus, c'est que — et là je le réitère — c'est évident qu'à l'intérieur de l'hôpital, les approches thérapeutiques alternatives, ça ne sera pas un substitut à la médecine officielle, ça va être un complément. Autrement dit, on n'arrêtera pas de traiter le cancer de quelqu'un avec les méthodes scientifiques reconnues parce qu'on va substituer un traitement homéopathique ou autre, mais on peut avoir un traitement homéopathique en complément d'un traitement médical plus traditionnel.

Je reviens à un point, c'est les centres d'hébergement et de soins de longue durée. Vous savez, M. le Président, que... Ça achève, hein. Je commence à manquer de temps. Merci. J'ai compris votre signal. J'achève moi aussi. Vous savez qu'on représente aussi encore, et on espère les représenter longtemps...

M. Côté (Charlesbourg): Vous travaillez fort pour ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Bien sûr, bien sûr. Il le faut. On

représente aussi les centres d'hébergement et de soins de longue durée. Là, c'est un petit peu plus compliqué, parce que les malades sont là en bout de piste, ils ne sont pas là par choix. Ils sont là parce que c'est nécessaire. Et, comme on veut que ce soient des milieux de vie en plus d'être des milieux de soins, il faudrait avoir un petit peu plus de souplesse, là, pour être capable de permettre au patient d'exercer sa liberté de choix. D'autre part, comme il y en a plusieurs qui sont un peu avec des facultés affaiblies ou des problèmes cognitifs, encore là, on pense qu'il faudrait être vigilant pour éviter des abus par des gens qui pourraient abuser de ces personnes-là. D'où la nécessité d'impliquer les personnes.

Là, je suis à la veille de conclure, mais je voudrais revenir, avant de conclure, à mes cinq dernières recommandations qui découlent un peu de ce que je viens de vous dire: Que, dans le contexte actuel de rareté de ressources, l'exercice des thérapies alternatives en milieu hospitalier et d'hébergement soit réservé aux professionnels de la santé qui y oeuvrent déjà plutôt que d'ajouter de nouvelles catégories d'intervenants venant de l'extérieur. Là, il y aurait peut-être lieu, comme on le disait, de faire une exception pour les établissements de longue durée. Il faudrait avoir de la souplesse, là.

La sixième recommandation: Que chaque milieu institutionnel — ça, ça vient des membres qui en ont; il y a des milieux qui ont déjà eu cette approche-là; Sainte-Justine, par exemple, il y a un comité interdisciplinaire — réceptif à l'idée d'introduire des thérapies se dote d'un groupe de travail interdisciplinaire pour convenir des modalités relatives à l'exercice des thérapies retenues, incluant un mécanisme d'évaluation de l'efficacité de ces approches et de la satisfaction des clientèles. Ça rejoint les propos que je vous disais tantôt.

Le septième, qui est un corollaire de celui-là: Que les organismes qui subventionnent la recherche soient invités à financer des projets de recherche evaluative concernant les thérapies alternatives dans différents milieux, les hôpitaux, les CLSC. Dans différents milieux.

Finalement — celui-là, il est spécial: Que, dès le début de leur formation, les professionnels de la santé soient sensibilisés aux différentes approches culturelles ou ethniques face à la santé et à la maladie. Là, je touche sans l'aborder toute la question des autochtones, toutes les communautés ethniques à Montréal, asiatiques et autres, qui ont des pratiques de médecine traditionnelle chinoise, des pratiques d'acupuncture ou des pratiques alternatives auxquelles elles croient et qui sont intégrées dans leur culture depuis longtemps. Alors, nous, on pense que les médecins, les professionnels, les étudiants devraient être sensibilisés à cette question-là le plus tôt possible.

En conclusion, écoutez, c'est sûr que, compte tenu de la mission que vous nous avez consentie, de peine et de misère, en commission parlementaire, enfin...

M. Côté (Charlesbourg): Que vous avez eue de peine et de misère.

M. Landry: Oui, qu'on a eue de peine et de misère.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Écoutez, c'est sûr qu'en vertu...

M. Trudel: Vous venez de dire: Depuis longtemps consentie.

M. Landry: ...de cette mission-là, je pense que l'hôpital va demeurer pendant encore un bon moment le château fort, pour ne pas dire le dernier bastion — moi, j'espère que ce ne sera pas le dernier bastion — de la médecine que l'on dit scientifique moderne, qui est issue de ce à quoi M. Trudel faisait allusion tantôt, les progrès scientifiques importants au cours du XXe siècle.

D'autre part, on n'a pas peur que ce soit une boîte de Pandore, les pratiques alternatives, et on pense qu'il faut s'ouvrir à ça. L'Association des hôpitaux est d'avis que, pour permettre à nos patients d'exercer leur choix ou pour offrir une gamme de choix plus large, il faut s'ouvrir à ça, sans penser que ça va être une panacée pour guérir tous les problèmes, mais on pense qu'il y a là un créneau à exploiter, qui va permettre d'améliorer la qualité des services que nos hôpitaux rendent à la population du Québec.

Alors, je pense que j'ai un peu fait le tour, puis je pense qu'on a des personnes ici pour...

Le Président (M. Joly): Sûrement que, lors de la période de questions, si on peut se permettre de qualifier ça comme ça, vous allez avoir la chance, peut-être, d'élaborer davantage sur des points que vous pouvez peut-être avoir oubliés.

Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président.

C'est rafraîchissant et c'est toujours un plaisir de vous entendre. Plus je vous écoutais, plus j'aurais eu envie de vous donner du temps encore pour continuer, parce que c'est marqué au coin d'une ouverture et d'un réalisme par rapport à ce qui se passe sur le terrain, tout en souhaitant protéger le public, donc le public consommateur. Je pense que c'est tout à votre honneur, et soyez sûrs d'une chose, c'est que j'ai regretté amèrement d'avoir été obligé de faire un choix alternatif à la commission, au moment où vous êtes venus, sur le financement du réseau.

Est-ce que je me trompe en pensant que, au niveau de l'AHQ, il y a une évolution par rapport à ce qu'on a connu dans le passé? Et c'est une évolution qui est quand même assez récente. Il y a un virage qui se prend, et qui est marqué au coin de davantage humaniser. Vous avez fait référence tantôt, en péri, aux expériences qui ont été tentées à gauche et à droite sur le plan des chambres des naissances, et ainsi de suite, qui voulaient répondre à un besoin de la population. J'ima-

gine que c'est aussi ces demandes-là, exprimées par les bénéficiaires qui sont dans les lits, qui font qu'il y a un changement. Est-ce que je me trompe, ou si c'est une volonté qui vient? Parce que, ce que j'ai compris de la Corporation professionnelle des médecins — et je ne veux pas vous opposer à eux autres, d'aucune manière — ce matin, c'est que c'était quand même très marginal, ce phénomène-là de volonté ou de souhait populaire. Mais je comprends que l'Association des hôpitaux du Québec a amorcé un virage et reconnaît cette réalité-là, y compris, même, au niveau de ses praticiens.

M. Landry: Écoutez, nous, on est conscients que l'utilisation par la population des approches alternatives est encore un phénomène relativement restreint; ce n'est pas un engouement ni un phénomène particulièrement... Mais on est conscients que c'est un phénomène qui correspond à l'évolution de la société du Québec. Et d'ailleurs, en cette fin de siècle, c'est un phénomène qui va aller en augmentant. D'où la réceptivité de nos membres et l'ouverture dont nos membres ont fait part de s'ajuster aux besoins. Parce que, ce qui fait la force des hôpitaux au Québec, c'est d'être capables, justement, de s'ajuster progressivement aux besoins changeants de la population et aux attentes de la population. On est de plus en plus conscient que, si on ne fait pas ça, bien, on ne survivra pas et on va avoir des problèmes. (16 h 50)

M. Côté (Charlesbourg): Vous avez vous-même évoqué tantôt, dans votre présentation, une distinction presque de deux camps. Donc, des thérapies alternatives qui sont davantage dans un peloton de tête, où on reconnaît, à tout le moins, un certain nombre de valeurs. Dans votre esprit à vous, de l'AHQ, quelles sont ces thérapies alternatives qui seraient dans ce premier bloc?

M. Landry: Écoutez, on n'a pas fait d'études particulières pour déterminer l'ensemble. On a revu, comme la plupart des personnes qui ont sûrement participé à votre commission, l'ensemble de la littérature disponible, les nombreux mémoires préparés sur la question depuis plusieurs années. C'est sûr que l'ostéopathie a des mérites. La chiropractie est déjà reconnue, à toutes fins pratiques; il y a 20 ans, c'était une pratique dite alternative, ça ne l'est peut-être plus; l'acupuncture, la même chose. Je pense que vous faisiez allusion, ce matin, à la longue querelle des médecins vis-à-vis de l'acupuncture, mais, finalement, là, ils disent que ce n'est même plus une pratique alternative, c'est une pratique... Tout ça pour dire que, effectivement, il y en a qui semblent avoir des effets plus reconnus, plus évidents, et il y en a d'autres qui sont nettement farfelues. Il n'y a personne qui va remettre en cause la réalité de l'hypnose, par exemple, qui peut être utilisée comme une approche alternative, et tout ce qui en dérive, en termes de thérapies de suggestion. Je pense que c'est des approches à la fois intéressantes et dangereuses. Il faudrait, là, regarder l'ensemble de l'univers de ces thérapies avant de classifier ou de déterminer lesquelles sont utiles ou non.

En milieu hospitalier, actuellement, les infirmières utilisent la réflexologie. C'est une technique un peu spéciale. Moi, je ne connais pas tellement ça, mais il semble qu'on masse le pied pour arriver à produire, chez le patient, des effets très profitables et utiles que les patients, spontanément, reconnaissent. Alors, ça semble être une technique à évaluer. Les massages aussi, possiblement. Le toucher thérapeutique, c'est un petit peu plus délicat, c'est une technique énergétique un petit peu plus discutable, mais enfin.

M. Côté (Charlesbourg): II y a donc possibilité d'identifier...

M. Landry: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): ...les deux camps dont on parle, évidemment, par une bonne évaluation scientifique aussi, quant aux bénéfices à tirer de ces thérapies...

M. Landry: Tout à fait.

M. Côté (Charlesbourg): ...par rapport à toute une série d'autres qui, disait-on, au mieux, peuvent procurer du bien-être, au pire, rien du tout sauf soulager votre portefeuille.

M. Landry: C'est ça.

M. Côté (Charlesbourg): Ça m'amène donc à aller directement, parce que je l'avais remarquée, la 4; dans cette logique, ça nous amène à votre recommandation 4. Vous nous l'avez relue tantôt, et j'aimerais vous entendre davantage là-dessus. Comment est-ce que ça procéderait et qu'est-ce qu'on vise exactement avec une proposition comme celle-là? Donc: «...redéfinir les critères d'incorporation et préciser les notions d'actes réservés, exclusifs ou partagés»; ce que je comprends, c'est que, demain matin, même si on est dans une situation de complémentarité au niveau de l'ostéopathie, de l'homéopathie, évidemment, il y a des gens qui vont les pratiquer et il va falloir que ça se retrouve quelque part, dans des techniques. Et là ça fait appel à des champs qui sont tantôt exclusifs ou peut-être à titre réservé, mais c'est à ça qu'on fait allusion.

M. Landry: Tout à fait.

M. Côté (Charlesbourg): J'aimerais vous entendre davantage là-dessus.

M. Bourbonnais (Pierre): D'une part, j'aimerais peut-être préciser que, pour ce qui est des professionnels qui sont déjà dans nos milieux, on ne voit pas tellement de difficultés à ce qu'ils aillent chercher cette boîte à outils nouvelle. Ceci étant dit, ce qu'on croit, c'est que, pour s'ouvrir à des praticiens non reconnus, il me semble que, à la lumière des dispositions actuelles du droit professionnel que l'on connaît, il y a une difficulté.

Lorsque j'ai commencé à m'intéresser au droit professionnel, il y a quelques années, il y avait une orientation qui avait été donnée par la Cour suprême du Canada, extrêmement intéressante, et qui disait que tout ce qui n'est pas expressément défendu par ces associations professionnelles peut être fait impunément par qui que ce soit. Et je me disais, à cette époque: Fort probablement que ça va avoir une orientation certaine dans l'interprétation que nos tribunaux auront à faire, et ça permettra une certaine souplesse dans nos lois professionnelles. Il semble — et je n'ai pas fait une étude exhaustive de la question — que l'interprétation des tribunaux, par la suite, s'est un peu plus orientée vers une volonté, à juste titre, de protéger le public et donc d'étendre la portée de la définition, notamment... Je dis bien «notamment», parce qu'on sait qu'il y a d'autres exercices exclusifs, mais particulièrement l'article 31 de la Loi médicale. Et, ce faisant, nous avons donc un univers relativement bien clôturé pour toute nouvelle activité pratique qui s'apparente à l'article 31 de la Loi médicale qui, somme toute, est formulée en termes très englobants: la prévention, le fait de diagnostiquer et de traiter toute déficience de la santé de l'être humain, c'est une portée extrêmement large. Et nos tribunaux, sem-ble-t-il, ont été dans ce sens-là, ce qui fait que ça «inconforte» drôlement de nouvelles pratiques qui pourraient s'apparenter à la portée donnée par l'article 31. Et, dans ce sens-là, je pense que c'est un petit peu la portée de la recommandation. On remet en question notre économie du droit professionnel: exercice exclusif et titre réservé. Et là on peut s'inspirer, d'une part, de ce qui a été avancé par la commission Rochon. Le Dr Landry en a parlé tout à l'heure; on a parlé, à un moment donné, d'actes plus précis, de la nécessité de formuler des actes beaucoup plus précis, ce qui informerait beaucoup plus, et, en termes de protection du public, qui seraient interdits, sauf aux membres de la corporation médicale ou à quelque autre.

Ça m'amène à l'expérience. J'ai été à même de prendre connaissance de la nouvelle législation, de la loi de l'Ontario — cette semaine, pour ne pas le cacher — qui a, que je sache, revu l'ensemble de son système professionnel et qui, dans un premier temps, effectivement, semble avoir fait l'exercice d'identifier 13 actes qui, en quelque sorte, sont, au départ, interdits, mais éventuellement seront autorisés à un certain nombre de professions réglementées de par la législation ontarienne.

Dans un second temps, 21 professions sont reconnues, nouvellement créées ou reconnues en Ontario, notamment, bien sûr, la profession médicale, les professions de massothérapie, de sage-femme, de chiropractie, et j'en passe. Il y a une analyse qu'on peut faire de cette loi-là, mais je pense qu'il faut la prendre comme un tout. Et ce qui est intéressant dans cette loi-là, c'est que, d'une part, effectivement, elle identifie des actes et, d'autre part, elle semble se fonder uniquement sur le titre réservé. Chaque loi particulière vient réserver le titre. Mais elle va un petit peu plus loin. Et c'est là que je me dis qu'il faut faire attention quand on regarde ce type de législation. Il faudra probablement, si tant est qu'on veut remettre en question l'ensemble de notre système professionnel, bien s'assurer qu'il s'intègre à notre système. Et, dans le sens suivant, c'est que non seulement on rend le titre réservé mais également on s'assure — et il y a une disposition à cet effet dans chacune des lois professionnelles en question — qu'est interdit... En quelque sorte, toute personne qui pourra se présenter comme ayant des qualifications reconnues à une profession réglementée commettra un acte interdit. Et là la réflexion que je me faisais lorsque je lisais cette disposition, c'est que, dans le fond — et on est en 1993 — est-ce que, dans l'avenir, on ne verra pas, indirectement, également s'échafauder une certaine forme d'exclusivité à l'intérieur du système onta-rien? (17 heures)

Tout ça pour vous dire que je crois que, dans la mesure où on pose la question de la place que l'on veut faire aux pratiques alternatives, aux praticiens alternatifs, il y a lieu, bien sûr, de s'inspirer de la législation ontarienne, notamment, et probablement d'autres types de législation. Mais peut-être qu'il y a d'autres mécanismes aussi, en termes de voie d'exception à des champs d'exercice, que l'on perçoit à ce jour comme étant trop, je dirais, réservés aux membres d'une corporation donnée ou à des membres de corporations.

M. Côté (Charlesbourg): Trop exclusif. C'est intéressant, parce que c'est une analyse de la loi ontarienne qu'on n'a pas encore eue jusqu'à maintenant. Et je la trouve intéressante, quoique ce ne soit pas dans l'espace de 5 minutes ou de 10 minutes qu'on pourrait le faire. On se réservera le droit d'avoir des contacts ultérieurs à ce niveau-là, à moins que mon collègue ne veuille continuer dans ce sens-là.

Il y a un point — parce qu'il me reste une dernière question — que je trouve intéressant, qui, à mon point de vue, traduit bien l'esprit d'ouverture de l'AHQ, c'est votre recommandation 8. Et, ça, c'est s'ouvrir à la réalité québécoise et à la société québécoise qui est en mutation. Et on ne peut pas avoir accepté autant d'immigrants, d'étrangers qui deviennent des Québécois... Je ne veux pas partir le débat de souche ou pas, ils deviennent des Québécois. Et que vous ayez senti le besoin de l'inscrire comme une des recommandations, c'est la réalité terrain, qui est probablement beaucoup plus évidente dans la région montréalaise qu'ailleurs en province, mais qui, elle aussi, est quand même porteuse de ses expériences. Et la médecine chinoise, disons qu'elle concerne aussi un certain nombre de personnes en Chine, et bien avant nous; et, dans ce sens-là, je pense qu'elle a aussi ses mérites.

Ce point-là est aussi nouveau au niveau de l'AHQ, et j'aimerais peut-être en entendre un petit peu plus, si c'est possible. On connaît un certain nombre de thérapies alternatives qui nous viennent de Chine, de l'ensemble des pays asiatiques. J'ai l'impression que cette recommandation-là est directement inspirée par ce phénomène-là.

M. Landry: Écoutez, je ne sais pas s'ils viennent de le rajouter, mais ça venait essentiellement d'un membre de notre comité de réflexion qui travaillait dans un milieu montréalais, Sainte-Justine, pour ne pas le nommer, qui est entouré littéralement d'une communauté vietnamienne, et cambodgienne, et asiatique considérable. Et ce médecin-là, entre autres, était estomaqué par la complexité de traiter ces patients-là quand ils se présentent à l'urgence ou sur une unité de soins et de la nécessité d'être sensible à leurs valeurs, à leur culture, à leur manière d'envisager la maladie et la santé pour être en mesure d'aider ces enfants-là et leur famille adéquatement.

Et je pense que le comité était tout à fait sensible à cette intervention-là et trouvait pertinent d'amener la recommandation. Et je pense qu'il y aurait lieu, peut-être, de creuser davantage, et de faire des études, et aussi de communiquer avec les facultés de médecine pour aller plus loin dans ce domaine-là.

M. Côté (Charlesbourg): Merci. D'autre part, aussi, je pense qu'il faut se le dire carrément, dans les personnes qui sont acceptées au niveau des facultés de médecine, aujourd'hui et au cours des dernières années, il y en a un nombre de plus en plus important d'origine asiatique qui sont dans les facultés de médecine et qui véhiculent aussi leur culture. Et ça aussi, c'est un phénomène avec lequel on devra vivre au cours de prochaines années, y compris dans la dispensation de la médecine un peu partout à travers le Québec. 11 s'agit d'aller dans les régions du Québec pour s'apercevoir que les noms que portent les médecins en spécialité, dans les régions du Québec, sont de plus en plus des noms qui ont une consonance asiatique et qui desservent les régions du Québec. Et, à l'occasion, heureusement qu'on a ces gens-là. Un petit message en passant, aussi.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer les gens de l'Association des hôpitaux du Québec. Nous avons des rendez-vous périodiques à l'intérieur de l'enceinte parlementaire, et, je dirais, aujourd'hui, que de choses rafraîchissantes entendons-nous de l'Association des hôpitaux du Québec! Que de choses rafraîchissantes, et particulièrement véhiculées par le Dr Landry, ça prend une saveur particulière. Je comprends que votre rôle ici est au nom des établissements hospitaliers du Québec; cependant, je pense qu'il faut apprécier — comme, d'ailleurs, de la part de beaucoup de membres de la profession médicale — des témoignages d'ouverture qui ne sont pas nécessairement les signes que nous avons vus, ou peut-être que nous n'avons pas vus, chez les structures plus formelles. Mais on ne fera le procès de personne ici. Il faut uniquement noter, donc, cette ouverture et la nécessité de prendre en compte les attentes des citoyens qui sont consomma- teurs. Et, à cet égard-là, si l'objectif terminal, c'est le bien-être, oui, et pourquoi pas? Et, encore une fois, que toutes les choses soient classées définitivement avec leurs petites cases, avec un commencement et une fin, ce n'est pas principalement les principaux attributs de la nature humaine d'avoir très strictement un début et très strictement une fin. Il y a de ces phénomènes, et c'est ce qui est agréable dans la vie, et c'est ce qui est agréable dans le développement, sur lesquels on peut travailler, et on peut améliorer ces approches-là, toujours en vue du mieux-être.

Je reviens donc sur les explications de votre avocat-conseil, si vous le permettez — il y aura d'autres aspects qu'on touchera tantôt, bien sûr — en disant: Dans l'optique, donc, de l'Association des hôpitaux du Québec, pour vous, ça vous semble une bonne dynamique générale que d'aborder l'exercice des actes dans le domaine de la santé par une définition plus serrée des actes qui requièrent un certain nombre de qualités, et qu'en dehors de cela une plus grande liberté ne nous conduira pas à des risques très élevés dans notre société. Est-ce que c'est juste, ce que je dis là?

M. Bourbonnais: Je dirais oui. Je pense qu'on évoque cette idée d'identification d'actes le plus précisément possible, qui, pour la protection du public, ont besoin d'être interdits, n'ont pas besoin d'être réglementés, et tout le reste est permis; il m'apparaît que c'est extrêmement intéressant comme approche. Ceci étant dit, quand on regarde et quand on examine — on est à un premier coup d'oeil — la législation de l'Ontario, il y a des questions qui se soulèvent à l'égard de cette approche-là comme étant un modèle d'application, dans le sens qu'on pourrait se retrouver éventuellement, compte tenu que les 21 lois définissent chacune des professions... Eu égard à la disposition, l'obligation, l'interdiction de faire des représentations à quiconque n'est pas membre de la profession réglementée, est-ce qu'on ne se retrouvera pas avec une interprétation — et on en reparlera dans quelques années — des tribunaux qui viendra, finalement, je dirais — de la même façon qu'en 1970 on pensait qu'on avait adopté une législation très souple — encarcaner autant que notre législation actuelle? Alors, comme principe, oui au niveau de la législation ontarienne, et on verra la lecture qu'on pourra en faire.

M. Trudel: En autant qu'il faudra probablement creuser, effectivement, assez rapidement cette nouvelle loi, parce que de façon assez... Enfin, ce que j'en ai vu aussi, le temps que nous avons eu pour l'étudier, ce n'est pas les 21 corporations créées pour autant de champs de pratique qui incluent précisément des champs de pratique. De façon assez curieuse, on va définir pour un certain nombre de corporations qu'elles regroupent les «professionnels de», mais on ne définit pas de champ de pratique. Bon. Enfin. On précisera cela.

M. Bourbonnais: D'accord. (17 h 10)

M. Trudel: Moi, ce que je voudrais examiner également, du point de vue juridique, c'est votre avis sur le fait de... Supposons que nous allions vers cette dynamique, qui serait chargé de faire respecter la réalisation des actes — excusez l'anglicisme — des actes contrôlés? Actuellement, c'est, si vous permettez une analogie, la banque qui se fait voler qui poursuit le voleur. C'est la corporation qui poursuit. Qui serait le dépositaire, dans cette dynamique-là, des poursuites à intenter pour avoir réalisé un acte interdit? Et est-ce que ça vous apparaît souhaitable de sortir le fait d'intenter une poursuite de la cour de la victime?

Une voix: On ne peut pas aller jusque-là.

M. Bourbonnais: Vous bouleversez ma compréhension du droit professionnel, puis je pense qu'on est ici pour ça. On change de paradis et, comme on s'adresse au législateur, bien, pourquoi pas? C'est parce que tout est possible, d'une certaine façon, à partir du moment où on remet en cause le droit professionnel, le Code des professions, tel qu'on l'a connu, à l'égard des professions. Qui pourrait le faire? Ça pourrait être un organisme du gouvernement, extérieur aux corporations professionnelles. Je vous dis ça, mais ce n'est pas l'économie, actuellement, du droit professionnel, qui veut que c'est la prise en charge des professionnels par eux-mêmes, l'évaluation des pairs et, finalement, le contrôle de la profession et, donc, des exclus, et le respect du champ d'exercice.

M. Trudel: Mais, sur le plan strict du droit, vous qui êtes un expert, qui êtes un patenté du domaine, est-ce que ça vous apparaît souhaitable que ça soit un organisme ou une personne extérieure à l'infraction, si vous me permettez l'expression, qui intente les poursuites?

M. Bourbonnais: Ça pourrait relever du Procureur général.

M. Trudel: Oui.

M. Bourbonnais: Ce n'est pas absolument...

M. Trudel: Parce que, écoutez...

M. Bourbonnais: Et, actuellement, c'est réservé aux corporations professionnelles. Dans notre droit habituel, normalement, ce serait réservé au Procureur général.

M. Trudel: Comme dirait l'autre, c'était un peu cette phrase-là que je voulais obtenir comme réponse.

M. Bourbonnais: La voilà!

M. Trudel: Vous savez pourquoi, maître, pourquoi je voulais vous l'extirper un peu? Le ministre précise depuis le matin qu'il se dégage une certaine piste qui pourrait être une espèce de moratoire. Un moratoi- re, s'entend, il le précisait cet après-midi, sur les poursuites. Il m'apparaît qu'il y a aussi des dimensions dangereuses là-dedans. Si on dit: Pour les cinq prochaines années, «free-for-all», il n'y a plus personne qui est susceptible d'être poursuivi, il y a comme un vide quelque part, à moins que nous ne sortions, pour une période déterminée, la responsabilité d'engager la poursuite de la corporation professionnelle pour la remettre au responsable, au Procureur général du Québec.

M. Bourbonnais: Et que des modifications à la loi soient apportées dans ce sens-là.

M. Trudel: Évidemment, évidemment, que la modification soit apportée.

M. Bourbonnais: II m'apparaît également assez surprenant qu'on établisse un moratoire sur une action possible qui — fondamentalement, l'esprit de la loi va dans ce sens-là — a pour but de protéger le public et de faire en sorte que des charlatans ne mettent pas en péril la vie et la santé de citoyens.

M. Trudel: On va laisser le monde juridique un peu. On a eu un bon éclairage, et je trouve que votre contribution à cette commission, personnellement, en tout cas, ça va nous permettre d'avancer encore sur le plan de l'examen des possibilités. Et je suis—je le répète — moi aussi très heureux de lire les phrases de l'Association des hôpitaux du Québec — et vous êtes leur conseiller juridique, je note — qui disent qu'il faut donc redéfinir les critères d'incorporation et préciser les notions d'acte réservé, exclusif ou partagé pour assurer la protection du public. J'en suis heureux.

Madame, qui êtes responsable, donc, des programmes et de la recherche...

Mme Blouin (Huguette): Oui.

M. Trudel: ...est-ce que c'est imaginable qu'on puisse demander à des organismes subventionnaires des commandites et de dire, obligatoirement, par exemple, au Fonds de la recherche en santé du Québec: Vous allez consacrer 500 000 $ cette année à nous produire une évaluation de telle ou telle thérapie alternative? Est-ce que, dans le monde de la recherche commanditée, ça vous apparaît comme quelque chose qui peut se réaliser et, d'autre part, qui serait souhaitable à l'intérieur de vos recommandations d'évaluation?

Mme Blouin: Je pense qu'on le dit de façon assez générale qu'on souhaiterait qu'il y ait plus d'évaluation pour certaines thérapies alternatives. Il y en a qui ont déjà des travaux de faits à cet effet-là. Je ne vois pas pourquoi les organismes subventionnaires ne pourraient pas répondre favorablement et élaborer un devis de recherche. À partir du moment où on s'entend sur un devis, les chercheurs et les experts s'entendent, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas y avoir quelques fonds qui seraient alloués à la recherche sur certaines

thérapies.

M. Trudel: Est-ce que vous pensez que c'est là qu'on devrait essentiellement aller chercher, donc — parce que ça prend du fric quelque part — les sommes d'argent nécessaires pour l'évaluation de cette... Évaluation, et, moi, je précise — pas pour porter des jugements, évaluation des résultats de l'application d'un certain nombre de pratiques. Est-ce que c'est essentiellement dans ces conseils-là qu'il faudrait aller chercher ou dans ces fonds-là qu'il faudrait aller chercher les fonds d'évaluation?

Mme Blouin: Probablement qu'il y a d'autres sources de recherche qu'il serait possible de regarder. À un moment donné, il y avait d'autres fonds de recherche — je ne sais pas s'ils existent encore — au niveau de la santé communautaire. Il y avait des budgets de recherche à cet effet-là. Tout dépend de la nature du devis de recherche qu'on veut faire. Mais aussi, ce qui serait intéressant, c'est que les établissements aient des outils qui leur permettent de faire aussi, dans leur propre milieu, des recherches évaluatives, et des recherches qualitatives aussi, sur la satisfaction de la clientèle. Alors, il peut y avoir différents niveaux de recherche, mais ça serait intéressant que les établissements qui mettent un comité, qui font une réflexion sur l'introduction de thérapies alternatives dans leur milieu puissent avoir quelques outils pour, eux autres aussi, participer, aux plans clinique et pratique, à des recherches d'autre envergure qui pourraient se réaliser moyennant des fonds.

M. Trudel: Merci. Je vais y aller rapidement. Il y a ma collègue de Terrebonne, ici, qui est spécialisée, je dirais, dans les questions de consommation.

M. Landry: Spécifiquement sur la question de la recherche, vous l'avez déjà fait. Vous avez dit, par exemple, dans le domaine de la santé mentale, qu'on devrait investir 18 % ou 19 %, l'équivalent du budget qu'on met là-dedans au niveau de la recherche. Dieu sait qu'on en a besoin! Alors, si le phénomène des médecines, ou des approches, ou des thérapies alternatives — je ne sais pas quel mot — ou complémentaires est important puis significatif, je pense qu'il devrait y avoir une proportion adéquate de budget de recherche consacrée à ces approches-là. Je veux dire, autant qu'ailleurs.

M. Trudel: Ma collègue de Terrebonne...

Le Président (M. Joly): Mme la députée de Terrebonne, je vous accorde 60 secondes, et pour la question et pour la réponse. Malheureusement, on a déjà un gros, gros retard. Je ne sais pas si vous aviez... Oui, je vous comprends, mais, votre collègue, il comprend ça, la cédule de temps, lui, là. À moi, vous me demandez quasiment l'impossible.

Mme Caron: Non. Pour 60 secondes, je vais laisser mon collègue terminer.

M. Trudel: Là-dessus, j'aurais aimé, en tout cas, qu'on puisse... Parce que vous avez une recommandation en matière de protection des consommateurs, en rapport avec l'Office. Je comprends qu'il y a des dimensions contractuelles qui sont questionnables ou qui doivent être questionnées lorsqu'on parle des thérapies alternatives, mais j'hésiterais à épouser la totalité de votre recommandation en ce qui concerne le fait de confier l'ensemble de la responsabilité d'information à l'Office de la protection du consommateur, parce que la dimension contenu des thérapies, ça m'apparaît difficilement conciliable avec votre recommandation. Une question d'observation, si vous avez de l'observation là-dessus.

M. Landry: Nous, on pense que plusieurs des thérapies qui ne présentent pas de risques pour la population pourraient être gérées par des structures existantes légères. On veut surtout éviter de créer des nouvelles bureaucraties. Dieu sait qu'on en a assez dans notre système. Par exemple, l'Office de la protection du consommateur s'occupe des studios de santé. Vous saviez ça, hein? Puis on a vu ce matin qu'aux États-Unis ils considéraient ça comme des thérapies alternatives. Alors, je ne vois pas en quoi... Il y en a plusieurs, approches. Le massage, par exemple, la massothérapie, ce n'est pas tellement différent des studios de santé. Je pense qu'il y aurait moyen, relativement facilement, à peu de coûts, de demander ou de développer, soit à l'Office ou à quelque chose qui y ressemble, une approche pour informer adéquatement et contrôler les contrats, aussi, qui se donnent, et contrôler ces différentes pratiques là. (17 h 20)

Le Président (M. Joly): Alors...

M. Trudel: Alors, merci beaucoup...

Le Président (M. Joly): ...merci beaucoup.

M. Trudel: ...quant à nous, de l'Opposition, de ce mémoire, de cette présentation, et surtout des pistes de travail sur lesquelles vous nous engagez. Je pense qu'il y a du développement et des possibilités qui sont ouvertes quant aux solutions à apporter.

Le Président (M. Joly): M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Double merci à l'AHQ et aux médecins. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): Alors, à vous, de l'AHQ, merci beaucoup d'avoir été présents.

Alors, j'inviterais maintenant la Confédération des syndicats nationaux à bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît.

Alors, bonjour. Bienvenue à cette commission.

D'entrée de jeu, j'aimerais juste vous dire que nous sommes un petit peu serrés dans le temps. Nous reprenons la commmission à 20 heures. Pour terminer à 19 heures, tantôt, il nous reste vous, et il nous reste aussi un autre groupe à recevoir. Sur votre mémoire, je vous alloue le temps qu'il faut; sur la période des questions, je me devrai de couper. J'apprécierais que tout le monde puisse coopérer à ce niveau-là. Alors, si vous prévoyez que c'est préférable d'avoir plus de temps au niveau de la période des questions ou des échanges, c'est à vous, disons, de vous limiter dans le temps au niveau de votre mémoire. Je vous laisse ça comme choix. Alors, vous savez que, normalement, on vous accorde une vingtaine de minutes. Alors, c'est à vous d'y aller. J'apprécierais que Mme Lamontagne, je pense... C'est ça, vous êtes la responsable?

Mme Lamontagne (Céline): Oui.

Le Président (M. Joly): Alors, j'apprécierais...

Mme Lamontagne (Céline): Alors...

Le Président (M. Joly): ...que vous puissiez, peut-être, introduire les gens qui vous accompagnent, au tout début.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Lamontagne (Céline): Alors, merci, M. le Président. Je vais vous présenter d'abord, effectivement, les gens qui m'accompagnent. Alors, à ma gauche, M. Ghislain Tremblay, qui est du Syndicat professionnel des homéopathes du Québec, qui est affilié à la CSN, là; ce n'est pas un syndicat au sens du Code, mais ils sont membres de la CSN.

Le Président (M. Joly): Monsieur.

Mme Lamontagne (Céline): Mme Hélène Cho-quette, qui est conseillère syndicale du service de recherche. ..

Le Président (M. Joly): Madame.

Mme Lamontagne (Céline): ...qui a travaillé avec Benoît Allard, qui est en arrière, sur le contenu du mémoire, et Mme Ginette Bourque, qui est du Syndicat des acupuncteurs et acupunctrices du Québec, aussi membre de la CSN. Et aussi avec nous — la table n'est pas très longue, on avait une longue représentation...

Le Président (M. Joly): Ah! vous étiez huit enregistrés.

Mme Lamontagne (Céline): ...il y a Mme Fran-cine Lévesque, vice-présidente de la Fédération des affaires sociales; M. Serge Labrie, secrétaire de la Fédération des professionnels salariés et cadres, ainsi que Me Serge Lavergne, qui a travaillé aussi sur le dossier et qui était impliqué dans certaines poursuites, comme avocat — on en parlait tout à l'heure, des poursuites — alors qu'il a défendu de nos membres.

Bon. Alors, je pense que je vais essayer d'être brève sur la présentation, mais ce n'est pas simple non plus; on a des grosses propositions. D'abord, je pense qu'on a choisi d'intervenir aujourd'hui pour deux raisons: d'une part, parce qu'on a, comme je viens de le dire, des membres qui sont homéopathes et acupuncteurs et acupunctrices, mais aussi parce que tout ce qui est question de la réforme de la santé nous a toujours préoccupés et intéressés. Et on a essayé de faire des propositions, non pas seulement pour régler à court terme le problème de la reconnaissance des acupunctrices ou des homéopathes, mais aussi pour avoir un peu une vision d'avenir.

Ce qui nous frappe, comme beaucoup d'autres intervenants à cette commission, c'est, d'une part, et les enquêtes le prouvent, l'utilisation accrue des médecines ou des thérapies alternatives. Et ce que, nous, on a remarqué aussi, qui était de façon plus précise et plus pointue, c'est que le gouvernement, implicitement, reconnaît ces thérapies-là dans les contrats d'assurance, autant au niveau des affaires sociales que de l'éducation, parce qu'il est cosignataire. Donc, on sait que, maintenant, les contrats d'assurance privés prévoient un remboursement pour certaines médecines. Et, comme beaucoup d'autres aussi, on est très, très préoccupés de l'absence de règles légales qui fait en sorte que le public est mal protégé, peu protégé. On constate aussi que, sauf pour l'acupuncture et les sages-femmes qui sont sous la tutelle de la Corporation professionnelle des médecins, tout le reste des thérapies, c'est, à toutes fins pratiques, illégal. Et aussi, on en a parlé tantôt dans les travaux, c'est que le public est très mal informé sur ce que sont réellement les thérapies alternatives, et la multitude de types, de noms qu'on utilise crée aussi une confusion. J'ai vu la liste de la Corporation professionnelle des médecins. Sur ce qu'ils appellent les thérapies alternatives, disons qu'il y aurait lieu à débat, parce qu'on a tendance aussi à appeler peut-être n'importe quoi des thérapies alternatives. Donc, ça aussi, ça crée la confusion et ça empêche une meilleure protection du public.

Alors, avant d'aborder les recommandations, je vais demander à mes collègues, Mme Bourque et M. Tremblay, de faire un peu, rapidement, ce qu'est le problème particulier de l'acupuncture et de l'homéopathie. Alors, Ghislain.

M. Tremblay (Ghislain): Lorsqu'on a fondé le Syndicat professionnel des homéopathes en 1989, on s'est adressé à la CSN parce qu'on avait besoin de leur expertise. Ils avaient déjà travaillé avec les acupuncteurs. À cette époque-là, la situation de l'homéopathie au Québec était presque entièrement sous la responsabilité des compagnies qui faisaient la diffusion des produits homéopathiques. Alors, il y avait certaines écoles de formation qui existaient. La plupart des gens qui s'inscrivaient aux cours étaient déjà dans le système

officiel de santé ou encore étaient déjà dans les thérapies alternatives plus connues. Alors, on retrouvait beaucoup d'acupuncteurs, beaucoup de massothérapeutes qui s'intéressaient à l'homéopathie. On n'avait rien contre le fait que les produits homéopathiques soient utilisés par des médecins ou par d'autres professionnels de la santé. C'était souvent une approche qui était une alternative, justement, à certains médicaments ou à certaines réactions de la clientèle face à des effets secondaires.

Mais, à ce moment-là, on commençait à songer que la profession d'homéopathe perdait aussi là-dedans, parce que la plupart des personnes récupéraient l'homéopathie, qui est particulièrement efficace, pour en faire une forme de traitement complémentaire à ce qui se faisait déjà, alors que, lorsqu'on regardait la tradition ailleurs, on réalisait qu'être homéopathe, ça existe et que c'est possible d'avoir une formation qui nous permette d'intervenir à différentes étapes de l'état de santé des individus, que ce soit en urgence ou lorsque les problèmes sont devenus chroniques. Alors, à ce moment-là, on a fondé le Syndicat. On a fait appel, d'abord, à 200 personnes qu'on savait intéressées à l'homéopathie et au développement de l'homéopathie. On a eu une réponse considérable. On avait plus que 100 membres, 100 personnes intéressées sur ces 200. Depuis la fondation du Syndicat, on ne perd jamais de membres, on est toujours en augmentation.

Et les buts du Syndicat, le premier but qui a été voté à la première assemblée générale, c'était de veiller à l'établissement d'une homéopathie de qualité au Québec. Alors, pour ce faire, on a, depuis notre fondation, regardé toutes les possibilités dans ce sens-là et on est arrivé récemment avec une suggestion de programme de formation qui compte 1200 heures, en excluant, déjà, le programme d'anatomie-physiologie-pathologie qui serait un prérequis pour que les gens puissent dire qu'ils sont homéopathes.

Alors, notre but n'est pas d'exclure les gens qui sont déjà dans des pratiques, dans des professions et qui utilisent l'homéopathie. On trouve que c'est tout à fait louable, mais on pense aussi que devraient exister des homéopathes, c'est-à-dire des individus dont l'intérêt principal et la pratique principale est véritablement l'homéopathie. On pense que cette connaissance est suffisamment structurée, existe depuis suffisamment longtemps. Et, malgré le fait qu'on nous dit toujours que nous ne sommes pas scientifiques... C'est aussi une des choses, un des défauts, peut-être, qu'on se trouve parfois: on procède surtout par empirisme, mais c'est un empirisme qui, lui aussi, fait ses preuves, et il y aurait peut-être moyen de vérifier, justement, l'efficacité de l'homéopathie en acceptant que ça passe par un certain empirisme. (17 h 30)

Alors, pour nous, ce qu'on attend de la commission c'est... Bon, tout le monde semble être prêt à une ouverture, mais aussi, nous, on voudrait que l'ouverture existe jusqu'au point où on puisse reconnaître l'existence d'homéopathes à part entière.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Tremblay. Mme Bourque.

Mme Bourque (Ginette): Oui. Depuis quelques années, l'acupuncture a fait des pas de géant, et cela est dû au fait que le SPAAQ, le Syndicat professionnel des acupuncteurs et acupunctrices du Québec, a permis à tous les acupuncteurs de différentes écoles de s'unir et de voir exactement ce qu'ils voulaient. Alors, on veut une profession de qualité. On veut une bonne formation. Et, comme nous sommes sous la tutelle de la corporation médicale et que nous voulons notre propre corporation, nous avons lutté très fort là-dessus. À ce moment-là, l'Office des professions a étudié ça et, effectivement, nous aurons une corporation professionnelle, théoriquement, le 1er janvier 1994. Alors, on en est très heureux.

Cependant, nous voulons, à travers une corporation professionnelle, pas seulement avoir le nom pour protéger le public, mais on veut, en plus de ça, aller plus loin que ça. C'est-à-dire que, présentement, la formation est au cégep de Rosemont. Ce n'est pas qu'on trouve que la formation n'est pas bonne, sauf qu'elle est insuffisante présentement. Parce que nous sommes une médecine de première ligne, il faut une maturité pour poser un jugement, pour poser un diagnostic. Alors, à ce moment-là, nous croyons qu'il faut vraiment une formation de qualité et qu'il faut une formation universitaire. D'ailleurs, vous regarderez partout, dans le monde entier, l'acupuncture, lorsqu'elle est acceptée par le Parlement, et tout ça, à ce moment-là, c'est une formation de haut niveau.

Alors, l'Office des professions a fait un avis sauf que, nous, on trouve que cet avis-là est très restrictif au niveau de la définition des actes que nous avons à poser et, nous, on trouve que c'est vraiment technique. Or, si on veut vraiment protéger le public, je pense qu'on doit aller plus loin que ça, et les acupuncteurs au Québec, de plus en plus, sont unis; ils font la force là-dessus. On veut une médecine de qualité. Et, en plus de ça, je pense que, présentement, c'est la seule médecine alternative qui est agréée par la corporation médicale. Parce que la corporation médicale a signé un protocole d'entente avec nous, nous disant que, lorsque nous aurons une corporation professionnelle autonome, elle nous laissera vraiment le champ, et elle est d'accord que ce soit une formation universitaire et que nous sommes une médecine de première ligne.

Mme Lamontage (Céline): Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, madame.

Mme Lamontagne (Céline): Alors, je vais continuer maintenant, rapidement, sur les recommandations. Je disais, je pense, que c'est des recommandations un peu costaudes, la première étant qu'on propose des amendements à la Loi médicale. L'objectif de ces amendements-là est de légaliser la pratique des thérapies alternatives, mais c'est surtout de sortir — et c'est valable aussi pour d'autres professions de la santé — de la

tutelle d'une corporation, qui s'appelle la Corporation professionnelle des médecins, la pratique d'autres professionnels de la santé, d'autres thérapeutes.

Alors, nous, on n'a pas une proposition ferme sur ce que ça devrait être, mais l'hypothèse — et on reprend, dans ce sens-là, non pas une hypothèse ontarien-ne, parce que ça s'est dit tantôt — qu'on met de l'avant, c'est un peu ce dont le rapport Rochon aussi avait parlé, c'est de modifier les concepts et ne plus parler de champ d'exercice exclusif mais plutôt d'avoir le concept d'acte exclusif.

Pourquoi ça? Parce que, actuellement, tout ce qui est santé, médical, c'est théoriquement seulement les médecins qui ont le droit de toucher à ça. Ils y tiennent beaucoup, et ça fait en sorte que les thérapeutes peuvent se faire poursuivre pour pratique illégale de la médecine. Et, nous, on préfère dire: Qu'on définisse mieux les actes et que chaque profession, finalement, soit autonome. On est conscient que c'est un long travail. Et aussi, nous, à notre avis, ça devrait s'accompagner d'une réflexion en profondeur sur les corporations, parce qu'il y a lieu, là, après plusieurs années d'existence, de se demander: Est-ce que c'est uniquement les corporations qui sont la clé de voûte pour protéger le public?

Bon, Mme Ginette Bourque l'a dit, on recommande aussi la création de corporations professionnelles autonomes pour les acupuncteurs et acupunctrices ainsi que pour les sages-femmes. Et il y a aussi une différence avec ce que propose l'Office des professions. On a eu l'occasion d'en parler avec eux en ce qui concerne les acupuncteurs. C'est que, nous, on considère que l'acupuncture est de niveau universitaire et non pas de niveau collégial et que, finalement, la proposition du décret qui est sur la table n'est pas complètement satisfaisante. On veut vraiment une autonomie par rapport à la Corporation professionnelle des médecins.

L'autre proposition, vous en avez parlé tout à l'heure. On a été heureux de constater qu'il y a déjà des adhésions à notre proposition sur la commission des thérapies alternatives. Effectivement, Mme Vaillant m'a confirmé ça tout à l'heure, ils ont fait du repiquage. Bon. Alors, c'est bien, parce qu'ils appuient notre proposition. Donc, nous, on propose une commission des thérapies alternatives qui aura un mandat général d'encadrement s'exerçant à l'endroit de toute thérapie non constituée en corporation professionnelle autonome ainsi qu'un mandat d'information au public. Nous, on pense que ce n'est peut-être pas la voie d'avenir de dire: On va créer des corporations pour chaque thérapie alternative. Je l'ai dit tout à l'heure, il y a une réflexion à faire sur le système de corporation.

Par ailleurs, on est conscient qu'il faut protéger le public. Alors, on pense qu'une commission légère qui dépendrait du ministère de la Santé et qui ne serait pas trop lourde en termes bureaucratiques pourrait permettre de contrôler l'accès au registre des thérapeutes reconnus, de réglementer les thérapies, de déterminer la formation, d'assurer un respect des normes déontologiques de même que d'assurer le traitement des plaintes du public; elle pourrait aussi informer le public de la valeur thérapeutique des thérapies alternatives de même que de leurs limites. Donc, on pense que c'est peut-être mieux que de confier ça à l'Office des professions. Et, contrairement à ce que l'Office dit, nous allons demander aux corporations existantes de regarder ça, quelles thérapies elles pourraient reconnaître. Je pense que ça, ça n'avancera pas beaucoup. Je n'ai pas entendu ce matin la Corporation professionnelle des médecins, mais on me dit qu'elle n'a pas une très grande ouverture.

L'autre aspect, c'est toute la question, qui est une question importante, de l'intégration au réseau. C'est sûr que, si on veut permettre un libre choix, il faut réfléchir aussi à l'intégration au réseau. Nous, on dit que c'est une réflexion qu'il faut faire. Il faut procéder à une étude terrain, identifier les points du réseau les plus susceptibles d'offrir des services et des thérapies alternatives, toujours aussi selon des règles, évidemment, et des objectifs d'efficience et d'efficacité, puis aussi regarder ce qui fait double emploi avec les médecines conventionnelles. Beaucoup parlent de complémentarité. Nous, c'est plus que ça qu'on dit, parce qu'il peut y avoir des traitements ou des thérapies qui vantent une alternative à la médecine conventionnelle et qui donnent des résultats. Alors, nous, on pense que, pour avoir une bonne intégration dans le réseau, il faut d'abord faire des études de terrain, et peut-être que ça va se conclure par des projets-pilotes. Espérons qu'ils auront plus de succès que d'autres projets-pilotes. Et il faudrait qu'il y ait un débat public une fois l'étude terrain faite.

D'entrée de jeu, on dit que, pour éviter d'autres problèmes qu'on connaît, ça devrait être rémunéré à salaire et non à l'acte.

L'autre aspect important — je termine; j'ai juste une petite proposition — c'est toute la formation. Ça, c'est un élément essentiel de la protection du public, parce que les personnes ordinaires, la première chose qu'elles se demandent, ce n'est pas: Sont-ils membres d'une corporation ou non, mais quelle formation ont-ils pour faire leur travail, quelle compétence ont-ils? Alors, nous, on pense qu'il faut étudier les modalités de la création d'un département des thérapies alternatives au niveau universitaire pour certaines thérapies qui auraient un tronc commun de connaissances et, pour d'autres thérapies qui sont peut-être de niveau technique, ouvrir des programmes dans les institutions publiques d'enseignement, c'est-à-dire les cégeps.

Je vous remercie. J'arrête sur ça.

Le Président (M. Joly): Madame, vous êtes bien disciplinée. Je vous remercie beaucoup.

M. le ministre, s'il vous plaît. (17 h 40)

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président.

Je pense que Mme Lamontagne avait raison de souligner que la CSN a suivi de très près l'évolution et a accompagné aussi la réforme qui est en cours, avec ses hauts et ses bas, pilote ou pas. Et on comprend que c'est des choix qui ne sont pas toujours faciles, mais la CSN a toujours été là, et assez ouverte, et, à certains égards,1 avant-gardiste aussi. Je pense qu'il faut le dire à

l'occasion, même si, sur d'autres points de vue, on peut être d'opinion différente.

Je pense que l'originalité — au-delà des propositions, et on y reviendra — de votre présence ici à ce moment-ci... On est dans une situation où l'acupuncture a fait, à travers les ans, un bout de chemin et elle touche presque au but. Une belle démonstration de ça, c'est que vous avez évoqué le 1er janvier 1994. On dit: Ce n'est pas suffisant, mais on y arrive, là. On aurait probablement souhaité davantage, mais il y a au moins une étape très importante qui est là, et vous le reconnaissez. Et il y a aussi l'homéopathie. On s'en est abondamment servi depuis trois jours pour questionner et pour tenter de faire progresser les choses.

Je commencerai donc par l'homéopathie parce que, ce que je crois déceler dans les différentes interventions, c'est que c'est une thérapie alternative qui est moins contestée que d'autres. On lui reconnaît, au minimum, un certain nombre de vertus, pas toujours, dit-on, prouvées scientifiquement, mais un certain nombre de vertus. Et je pense qu'on est quand même prêt à dire: Bon, bien, peut-être qu'elle n'est pas encore dans le cénacle, mais, pratiquée par des médecins, c'est acceptable. Disons qu'on voit qu'il y a quelque chose là.

Vous avez dit tantôt, dans votre présentation: C'est efficace. Je me suis pris une petite note, je me suis dépêché, parce que... C'est efficace. Il ne faut pas que ça soit considéré comme nécessairement un traitement complémentaire ou exclusivement un traitement complémentaire. Bon, c'est une grosse affirmation par rapport à ce qu'on a entendu. Plus tard, vous avez dit: Ce n'est pas nécessairement prouvé scientifiquement. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus, parce que tout chemine vers un pas additionnel, et qu'il faut en arriver à une évaluation, semble-t-il, scientifique pour permettre d'accéder au cénacle.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Alors, j'aimerais vous entendre davantage là-dessus, parce que votre préoccupation, d'entrée de jeu vous l'avez dit, Mme Lamonta-gne, était celle de la protection du public, tout en offrant des alternatives — jouons sur les mots, là — et des services complémentaires. On va réussir à rejoindre tout le monde avec ça. Je ne dis pas que c'est ce que vous avez dit, là.

Mme Lamontagne (Céline): Non.

M. Côté (Charlesbourg): Quand je cesserai de rejoindre tout le monde... Je veux dire, vous parlez, vous, d'alternative, d'alternatif, d'autres parlent de complémentaire. On parle de la même chose. On parle de la même thérapie alternative, pour bien se comprendre. Certains, probablement, dans leur cheminement, sont rendus à complémentaire, d'autres sont dans l'alternatif, mais on parle de la même chose, au bout de la ligne. On parle de la même thérapie alternative: l'homéopathie. Alors, c'est pour ça, d'ailleurs, que j'ai toujours dit: Si c'est bon pour des médecins aux États-Unis, si c'est bon pour des médecins en Europe et qu'ils la pratiquent, probablement qu'on ne se chicanera pas longtemps sur certaines vertus qui ne sont pas prouvées scientifiquement, mais ces vertus-là sont là.

Bon. Qu'est-ce qu'on peut faire au-delà de la recherche? Parce qu'il faudra faire de la recherche, il faudra faire ces évaluations-là. Et qu'est-ce que vous pouvez nous apporter de neuf, à cette commission-là, pour dire: Oui, il y a un peu plus que ça qui est fait? Des exemples précis. Hier, on parlait des otites, mais ça en prend, des exemples comme ça, et davantage, pour dire: Oui, effectivement, il y a du bien-être, il y a du mieux-être qui est procuré aux gens par l'homéopathie.

Le Président (M. Joly): M. Tremblay, s'il vous plaît.

M. Tremblay (Ghislain): Oui. Bon. Quand on parle d'un manque de preuves scientifiques au niveau de l'homéopathie, il y a eu énormément d'expériences scientifiques qui ont été faites sur certains remèdes homéopathiques, et il existe des travaux, des communiqués de recherche, autant en Europe qu'aux États-Unis, là-dessus.

On a actuellement, au niveau du syndicat, une cause type qui est en cour, et on a eu deux médecins américains qui pratiquent l'homéopathie qui sont venus dire de façon spécifique qu'effectivement il n'était pas absolument nécessaire d'être médecin pour pratiquer l'homéopathie. Et un des deux témoins-experts est même allé jusqu'à dire que, parfois, être médecin, c'était presque un obstacle à la compréhension du processus homéopathique.

L'efficacité de l'homéopathie dépend aussi des connaissances de l'homéopathe. Et, comme on le sait, en homéopathie, il y a différentes tendances de pratique. Alors, c'est certain qu'avec quelqu'un qui va pratiquer avec des complexes, ou quelqu'un qui va pratiquer avec une technique comme le pluralisme qui requiert plusieurs remèdes homéopathiques, ou l'uniciste qui, lui, recherche un effet à partir d'un seul remède, on va avoir des résultats très différents selon le niveau de connaissances de l'homéopathe.

C'est pour ça qu'on en arrive à proposer un programme de formation de 1200 heures parce que, généralement, ce qui nous est proposé, ce sont des connaissances très superficielles, qui vont justement s'arrêter à quoi faire lorsqu'il y a une otite. Tandis que, si vous êtes en pratique homéopathique, on peut se rendre compte qu'on a d'excellents résultats avec l'herpès, avec les migraines, avec une foule de problèmes qui sont jugés chroniques — le syndrome prémenstruel, par exemple, qui est souvent très complexe — mais où l'homéopathie apporte d'excellentes réponses. Alors, il y a aussi le soulagement dans certains cas. L'homéopathie peut servir de complément lorsqu'une personne est en chimiothérapie. On a vu des cas où une partie des effets secondaires de la chimiothérapie ont été évités parce qu'on donnait des remèdes homéopathiques en

même temps.

Donc, on découvre constamment de nouvelles applications à l'homéopathie. Mais il faut bien comprendre que, pour un homéopathe, c'est le rapport avec son client qui fait toute la différence. Alors, c'est beau d'informer des gens sur la valeur d'un remède homéopathique, mais, si le praticien n'a pas de technique de relation d'aide ou de technique de communication, il ne sera jamais un homéopathe très efficace. Ça aussi, ça joue beaucoup.

M. Côté (Charlesbourg): J'ai sursauté un petit peu en vous entendant tantôt presque exclure le médecin. C'était presque un handicap que d'être médecin pour pratiquer l'homéopathie. Mais...

M. Tremblay (Ghislain): Dans certains cas.

M. Côté (Charlesbourg): C'est pour ça que je me suis dépêché d'aller voir votre recommandation 7. Bon, regardez, dans le tronc commun, on parle de PUQTR à 7 et on dit: «Ces divers programmes pourraient bénéficier d'un tronc commun de connaissances en anatomie, physiologie, pathologie». Les médecins se retrouvent pas mal là-dedans. Disons que la relation d'aide, ça peut s'améliorer, mais une chose est certaine, c'est que c'est des choses qui procèdent au niveau du tronc commun.

J'ai un petit peu de difficultés à m'associer à cette vision-là. Moi, je dis: Tant mieux si un médecin va chercher ce complément-là. Je pense que ça me paraît être un complément heureux pour soigner davantage la globalité de la personne. Ce que je comprends, c'est qu'il reste encore un peu de travail à faire. Je dois vous dire honnêtement que ce qui me console dans votre présentation, par rapport à d'autres qui viennent nous faire des présentations et qui veulent une reconnaissance, c'est les exigences que vous mettez au niveau de la formation. Vous ne lésinez pas, là: 1200 heures au-delà du tronc commun, exiger une formation universitaire, je pense qu'on commence à être dans les ligues majeures un peu, là, à ce niveau-là. Et je vous le dis tel que je le pense, ça donne du sérieux à l'intervention. Mais, fermons pour l'homéopathie. L'acupuncture, ce que je comprends, c'est presque fermé au-delà d'exigences additionnelles que vous pourriez avoir, mais on a là deux thérapies alternatives qui risquent, je pense, de faire des progrès assez importants au cours des prochaines années.

Et quelles autres, dans ce camp? Et ça, je pense qu'il faut tenter d'en identifier d'autres. On a parlé beaucoup d'ostéopathie depuis le début. Mais il est bien évident qu'on n'en reconnaîtra pas 200 si jamais on devait en reconnaître 200. Il faut y aller avec un certain nombre. Si on allait dans la proposition, par exemple, de l'association des médecins holistiques du Québec, d'expérimentation... Je pense qu'il va falloir y aller avec les choses qui sont les plus avancées.

On parle d'homéopathie, d'ostéopathie, on parle de... L'acupuncture, c'est réglé, donc c'est réglé. Est-ce qu'il y en a d'autres, à votre point de vue, parmi les thérapies alternatives, qui seraient dans ce camp?

Mme Lamontagne (Céline): Non, il n'y en a pas d'autres. Ce serait parler un peu à travers notre chapeau que d'en faire une longue liste. On a identifié, nous aussi, l'ostéopathie, mais on ne l'a pas développé dans notre mémoire, donc on n'est pas en mesure de le dire. Il y en a sûrement d'autres, mais on n'est pas en mesure de répondre aussi précisément à la question que pour les autres médecines, les autres thérapies. Je ne sais pas si... (17 h 50)

M. Côté (Charlesbourg): C'est parce qu'on a beaucoup entendu parler de ces deux camps et des autres thérapies alternatives. Vous réglez votre problème par votre commission. Ce que j'ai compris, c'est que la paternité vous revient, ou la maternité.

Mme Lamontagne (Céline): Oui, et la Fédération des CLSC est d'accord pour reconnaître ça.

M. Côté (Charlesbourg): Bon. Alors, cette commission des thérapies alternatives, ce qu'elle vise, finalement, c'est de l'information au public, c'est ça. Et pas uniquement de l'information, mais de la protection du public, qui irait jusqu'où? Parce que l'information, c'est une chose, et la protection, à l'occasion, ça peut aller beaucoup plus loin que ça. Et qu'est-ce qu'il faut pour être reconnu? Et est-ce qu'on a ces prérequis-là pour être reconnu? Et, finalement, sur le plan contractuel, un individu qui va voir un thérapeute ou un technicien s'attend à tel genre de services pour tel prix. C'est un peu ça. Mais, au-delà de l'information, qu'est-ce que ça prendrait, qu'est-ce que ça ferait, la commission?

Mme Lamontagne (Céline): Bien, on allait plus loin que ça, parce que ça pouvait même entendre les plaintes ou recevoir les plaintes du public. Alors, ça, c'est un aspect.

M. Côté (Charlesbourg): Mais c'est des plaintes sur le prix, sur le contrat intervenu entre deux ou sur la qualité de ce qui est dispensé?

Mme Lamontagne (Céline): Ça peut être... Là, on n'est pas allé jusqu'à spécifier que le titre... D'abord, la première chose, nous autres, on croit, que devrait faire cette commission, c'est un peu de déterminer c'est quoi les thérapies, distinguer ce que sont les thérapies et ce qu'est une technique de gymnastique, par exemple, ou un nouveau régime alimentaire révolutionnaire. Il y a des distinctions, quand même, à faire. Donc, d'analyser c'est quoi, les thérapies. Ensuite, une fois ça fait, c'est de les définir par leur titre. Et aussi, nous, on parle de faire un registre des thérapeutes reconnus, puis, à partir de ça, de déterminer la formation de base qui serait nécessaire avec les ministères concernés. Et, à partir de ça, pour ces thérapies-là, il pourrait y avoir aussi un mécanisme de plaintes qui pourrait être

sur la fausse représentation. Si on dit: Homéopathe, c'est un titre, ça fait ça, on informe le public de ça, puis il y a des gens qui n'ont pas la formation nécessaire et qui se prétendent homéopathes, c'est un type de plainte qui pourrait être enregistré par la commission. Je ne sais pas si c'est plus clair, là?

M. Côté (Charlesbourg): Ça mérite d'être défini encore davantage. Puis je comprends qu'on est dans l'expression d'opinions et de propositions qui devront être davantage fouillées. Mais ça va plus loin que ce que j'avais pensé ou ce que j'avais entendu parce que, dans le cas des CLSC, j'avais davantage saisi que ça servirait à de l'information du public.

Mme Lamontagne (Céline): Oui, de banque de données. Mais ce n'est pas...

M. Côté (Charlesbourg): De banque de données. Mais ce que j'ai compris, c'est que c'était une pâle copie de votre idée d'origine.

Mme Lamontagne (Céline): Oui. Mais, pour en revenir à... C'est parce qu'on n'a pas grand choix. Il y a l'Office des professions. Est-ce qu'on va créer des corporations à tous ceux qui en demandent? Ça n'a pas de bon sens. Il y a l'Office de la protection du consommateur qui a un type de service mais qui n'a pas l'expertise en médical ou l'expertise de thérapie. Donc, si on veut une vraie reconnaissance, il faut créer peut-être autre chose, léger, pas trop bureaucratique, qui va au moins avoir... Peut-être qu'il va y en avoir cinq, six, au début, qui vont être reconnues comme tel, mais on tient aussi beaucoup à ce que ce soit sous l'égide du ministère de la Santé, parce qu'il y a un aspect santé, service au public, etc. Alors, il n'y a pas grand voie. On a essayé de les exploiter toutes, puis on dit: Ça prend quelque chose de particulier. Puis ça existe ailleurs sous différentes formes.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le ministre. Madame...

M. Côté (Charlesbourg): On aura l'occasion de... Parce qu'on est dans un moratoire de cinq ans. Donc, on va avoir le temps de s'en reparler, ou vous aurez le temps de vous en reparler.

Le Président (M. Joly): Merci. Je reconnais maintenant Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Je vous donne beaucoup plus de temps, Mme la députée.

Mme Caron: Mme Lamontagne, je vous remercie de votre présentation, ceux qui vous accompagnent aussi. Je pense que, contrairement à mon habitude de prendre surtout du temps pour questionner, je vais commencer par faire un petit peu le point, puisque c'est ma première participation ici, et dire à quel point il faut qu'il y ait concertation, vous l'avez dit, des ministères concernés.

Au même moment où nous travaillons à cette commission parlementaire, nous nous retrouvons, depuis deux semaines, en commission, en audiences sur l'avant-projet de loi de la réforme du Code des professions. Tout au long de ces audiences, nous avons parlé régulièrement des thérapies alternatives puisque, effectivement, on se demandait si, au niveau du Code des professions, il devait y avoir une troisième voie, cette voie-là au niveau des actes exclusifs. Et on se retrouve, au niveau de la protection du public, vous l'avez bien dit, avec trois chapeaux.

L'Office de la protection du consommateur, qui relève du ministère de la Justice et qui touche surtout au niveau des biens. Quand on se parlait tantôt au niveau des régimes alimentaires, et tout ça, c'est déjà couvert par l'Office de la protection du consommateur.

On se retrouve avec l'Office des professions, avec 41 corporations professionnelles, avec un ministre responsable de l'application des lois professionnelles et avec 41 corporations de deux types: des corporations à exercice exclusif, dont tous les professionnels sont obligés d'être membres, et des corporations à titre réservé qui touchent aussi la santé. On va penser, par exemple, à titre réservé, aux psychologues, aux travailleurs sociaux qui, eux, se retrouvant à titre réservé, ne sont pas obligés d'être membres de leur corporation professionnelle. Et, lorsqu'ils ne sont pas membres de leur corporation professionnelle, ils ne sont pas soumis au système disciplinaire des corporations professionnelles. Il y a là une grande lacune. Et on se parle de 60 000 professionnels membres de ces corporations à titre réservé sur les 240 000 et d'un bassin du même nombre de 60 000 qui ne sont membres d'aucune corporation et qui exercent en changeant le titre, c'est-à-dire: clinique de psychologie, psychothérapeute, thérapeute de la psychologie. Le public n'est absolument pas protégé pour ces corporations professionnelles là.

Et, évidemment, tout ce qui touche les thérapies alternatives. Certaines ont réussi à traverser. Les chiro-praticiens sont maintenant une corporation professionnelle; l'acupuncture, en 1994. J'ai apprécié que vous fassiez une différence entre les thérapies, finalement, qui nécessitent une formation, ce qui est extrêmement différent. Si on se parle d'homéopathie, si on se parle d'ostéopathie, si on se parle d'acupuncture, c'est extrêmement différent que de se parler de réflexologie, de massage. Ce n'est pas du tout la même chose. Il va falloir arriver à faire ces distinctions-là. Et je pense que, pour apporter cette solution-là, il va falloir absolument qu'il y ait concertation entre les ministères concernés parce que, là, on a trois ministères qui touchent à cette même protection du public, et de manière extrêmement différente. Dans vos recommandations, vous avez ajouté aussi les sages-femmes, au niveau d'une formation, et je pense qu'il va falloir en tenir compte, ça aussi, de cet élément-là.

S'il y a moratoire durant cinq ans, qu'est-ce que vous souhaitez dans l'attente — parce que cinq ans, c'est quand même assez long — au niveau de la protection du public? Quelles seraient les mesures immédiates qu'il faudrait appliquer pour, au moins, assurer la protection du public durant cette période d'attente d'un système peut-être plus global, qui engloberait les trois protections du public différentes? Quelles seraient les mesures, selon vous, qui devraient être appliquées à brève échéance?

Le Président (M. Houde): Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne (Céline): Je veux revenir à la même recommandation qu'on fait: il faudrait mettre sur pied la commission des thérapies alternatives qui aurait comme mandat, rapidement, comme ça a été dit à l'émission «Droit de parole», de séparer le bon grain de l'ivraie parce que, s'il y a un moratoire... C'est sûr, on connaît ça; on en a eu, de nos membres, qui ont eu des poursuites pour pratique illégale, etc., ou des poursuites aussi au niveau de la ville de Montréal. Donc, il faut avoir une voie de sortie. Actuellement, c'est par le biais de la Loi médicale qu'il y a des poursuites. Donc, il faut avoir une voie de sortie.

Nous, la voie de sortie qu'on propose, c'est la commission; elle devrait se mettre rapidement sur pied. S'il y avait un moratoire de cinq ans, effectivement, elle aurait le temps de faire tout le travail qu'on lui demande et, après ça, de faire qu'on adopte les législations nécessaires et les réglementations nécessaires pour la reconnaissance des diverses thérapies alternatives. C'est, je pense, la seule voie qu'il peut y avoir parce que, après le moratoire, on retourne à la Loi médicale telle qu'elle est, et il n'y a pas d'autre alternative. Ça ne règle pas le problème pour l'avenir. (18 heures)

Mme Caron: Est-ce que, dans l'attente des conclusions de la commission et du moratoire, il y aurait lieu que l'Office de la protection du consommateur puisse sévir, puisse recevoir des plaintes au niveau des thérapies alternatives?

Mme Lamontagne (Céline): Bien, il pourrait toujours, sauf que, nous, on pense qu'il n'a pas l'expertise complète pour faire ça. Et, s'il y a un moratoire et, après ça, c'est l'Office qui dépose d'autres plaintes, je ne sais pas où on s'en va, là. Je ne sais pas si, Hélène, tu peux ajouter.

Mme Choquette (Hélène): Oui, alors...

Le Président (M. Houde): Mme Choquette, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Choquette: Très rapidement.

Le Président (M. Houde): Allez, allez.

Mme Choquette: II me semble difficile de soute- nir à la fois, comme on le fait dans notre mémoire, qu'un des problèmes importants avec les thérapies alternatives qu'il faut au plus vite régler, c'est la question de l'information et de la protection du public, de soutenir ça, d'une part, et de soutenir, d'autre part, qu'il y aurait un moratoire de cinq ans, sans rien prévoir d'autre. Il nous apparaît qu'à ce moment-là la seule voie qui va rester, si ça devait être le scénario, ce sera celle de remonter des dossiers pour obtenir des reconnaissances de corporations professionnelles.

Alors, comme il nous apparaît que, par ailleurs, dans un autre champ, on devrait repenser ça, nous, on pense qu'il faut, s'il y a moratoire, en même temps, avancer sur le reste du dossier, débroussailler les informations, débroussailler les titres qui doivent se jumeler au ministère de la Santé parce qu'ils relèvent de la santé des gens, par rapport à d'autres qui pourraient être davantage du domaine des loisirs, ou quoi que ce soit, mais il nous faut donc avancer sur ce terrain-là.

Autrement, je veux dire, on se trouverait tout à fait à contredire ce qu'on a énoncé comme principe de base, c'est-à-dire que l'élément essentiel qui fait qu'on intervient, c'est, bien sûr, que nous représentons des praticiens. Et ces praticiens, eux aussi, ont le souci du ménage dans les thérapies, du ménage dans les prétentions également. Alors, il faut qu'on mène les deux dossiers de front, autrement, ça va être inévitablement la voie d'un dossier monté devant l'Office des professions. Il ne reste rien que ça.

Mme Caron: Oui, je pense que vous avez parfaitement raison parce que, s'il y a moratoire du côté des thérapies alternatives, du côté de la réforme du Code des professions il n'y a pas moratoire. La réforme, elle est sur la table et elle va se poursuivre au cours des mois prochains. Donc, au niveau des thérapies alternatives qui sont à formation universitaire ou à formation collégiale, si le dossier n'est pas présenté, n'est pas monté au moment où la réforme du Code des professions se fait, il y a peut-être un risque que ces futures corporations professionnelles, finalement, manquent le bateau et n'assurent pas la protection du public.

Et, Mme Lamontagne, puisque nous n'aurons pas la chance de vous entendre au niveau du Code des professions, au niveau des titres réservés et — ce à quoi je faisais mention tantôt — au niveau des psychologues, au niveau des travailleurs sociaux qui ne sont pas obligés d'être membres des corporations professionnelles, est-ce que vous avez réfléchi sur ce problème-là? Et comment on peut assurer une protection du public pour les professionnels qui sont à titre réservé et qui ne sont pas obligés d'être membres de ces corporations?

Mme Lamontagne (Céline): Bon, on n'a pas été... Oui, on a déposé un mémoire, on n'a pas été en auditions. Je vais vous dire deux ou trois remarques sur la question des autres professionnels. Prenons l'exemple des travailleurs sociaux. Ceux qui sont dans la santé ou dans le secteur public, ils sont obligés d'être membres de leur corporation. Je pense que, d'abord, dans certains

cas, oui, c'est demandé. Deuxièmement, un des gages de compétence, c'est aussi la formation qu'ils ont reçue. Qu'ils soient membres de la corporation ou non, ils ont reçu une formation de niveau universitaire. Troisièmement — et ça, on faisait une distinction, dans notre mémoire, sur l'Office des professions — c'est que plusieurs professionnels sont des salariés, ce qui n'est pas vrai des docteurs qui ne sont pas des salariés, qui sont rémunérés à l'acte. Alors, ceux qui sont salariés, il y a, en soi, déjà un système de protection du public, parce qu'il y a un employeur, donc l'employeur peut sévir. Il y a des dispositions dans les conventions collectives et, en plus, dans le secteur de la santé et des services sociaux, il y a un autre mécanisme qu'on développe actuellement, c'est le code d'éthique. Alors, avec tous ceux qui sont salariés, même s'il y a des professionnels non membres d'une corporation et ceux qui sont salariés dans le secteur public et parapublic, moi, je crois que le public est protégé, même s'ils ne sont pas membres d'une corporation, parce qu'il y a plein d'autres mécanismes de protection du public.

Sur la question de ceux qui sont dans la pratique privée et qui s'ouvrent un bureau, puis qui changent le nom — ils ne s'appellent pas psychologue— j'avoue qu'on n'a pas réfléchi en profondeur à cette question. Nous, on compte faire une réflexion, comme je l'ai dit tout à l'heure, plus en profondeur sur tout le système des corporations, mais ce n'est pas terminé, là. On avait commencé un peu dans le cadre de la commission Rochon, mais ce n'est pas terminé; et il y a plusieurs professionnels qu'on représente, qui sont membres des corporations, donc il y a une réflexion à faire avec elles et avec eux.

Le Président (M. Houde): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Je vous remercie beaucoup de votre contribution.

Mme Lamontagne (Céline): Je vous en prie. Le Président (M. Houde): Vous avez terminé? Mme Lamontagne (Céline): Oui.

Le Président (M. Houde): Merci beaucoup, là, de... Oui? Allez, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci. Et on retient que la commission des thérapies alternatives, son origine vient de chez vous et que vous souhaitez qu'on puisse travailler ensemble pour l'améliorer, dans la mesure où ça deviendra une réalité. Mais je retiens que l'intérêt du public est placé très haut dans vos préoccupations par le biais de davantage d'exigences au niveau de la formation et que, dans ce sens-là, les évaluations, ça ne fait pas peur. En souhaitant que, si ce sont des projets-pilotes, ça puisse se matérialiser plus rapidement que les sages-femmes, mais en s'inspirant de ce qui se sera passé chez les sages-femmes.

Mme Lamontagne (Céline): Juste deux remarques: C'est sûr qu'on est prêt à travailler sur la commission des thérapies alternatives, là; ça, c'est sûr qu'on est prêt à faire ça. Deuxièmement... Ah! j'ai oublié mon document. Ça va.

Le Président (M. Houde): Mme la députée de Terrebonne, à vous.

Mme Caron: Alors, je remercie beaucoup les représentants de la Confédération des syndicats nationaux pour leur participation. Je pense que votre mémoire est extrêmement éclairant, et les réponses nous amènent à une réflexion beaucoup plus grande. Et, moi aussi, je retiens, au niveau de la formation... Je pense que c'est l'élément déterminant pour assurer la protection du public parce que, même si on a un système de plaintes qui peut être efficace, un système disciplinaire, je pense que l'objectif visé, ce n'est pas d'avoir beaucoup de plaintes mais d'avoir des professionnels bien formés.

Mme Lamontagne (Céline): Merci beaucoup.

Le Président (M. Houde): Merci beaucoup, Mme la députée de Terrebonne, et merci beaucoup à la Confédération des syndicats nationaux.

J'appellerais maintenant l'Association coopérative d'économie familiale du centre de Montréal à prendre place. Comme vous le savez, nous avons environ 50 minutes. Vous pouvez aller jusqu'à 20 minutes pour expliquer votre mémoire. J'aimerais que vous présentiez les personnes qui sont avec vous.

Association coopérative d'économie familiale du centre de Montréal (ACEF-Centre)

Mme Rozon (Louise): Merci, M. le Président.

Alors, je me présente, Louise Rozon. Je suis directrice de l'ACEF-Centre. À ma droite, Mme Chantai Doray, qui est responsable du dossier sur les cours de croissance personnelle à notre association et, à ma gauche, M. Louis Lepage, qui a réalisé pour nous, à l'été 1992, une enquête terrain en suivant personnellement quatre cours de croissance personnelle en vue d'évaluer les différentes méthodes d'intervention qui sont utilisées. (18 h 10)

Alors, nous tenons, dans un premier temps, à vous remercier de nous avoir invités à vous rencontrer aujourd'hui pour vous faire part de notre point de vue sur le phénomène des thérapies alternatives et, plus précisément, concernant la protection du public. Notre intervention est un peu particulière, parce qu'on ne touche pas nécessairement les thérapies alternatives qui concernent les médecines douces, mais davantage les cours de croissance personnelle qui constituent plutôt des psychothérapies.

Alors, l'ACEF-Centre est une association de consommateurs qui est vouée principalement à la protection du public. On s'intéresse au phénomène des cours de croissance personnelle depuis plus de 10 ans, et nous avons reçu jusqu'à présent 10 000 demandes d'information du public et plaintes, dont plus de 1000 plaintes en bonne et due forme. Nous avons recensé près de 450 organismes différents qui vendent des cours, des sessions ou des ateliers de croissance personnelle, qui coûtent en moyenne 350 $ chacun. Ces différents cours sont généralement offerts lors de fins de semaine qu'on appelle «marathons» et accueillent en moyenne entre 10 et 150 participants. Nous avons réalisé un sondage par l'entremise de la maison CROP, en janvier 1993, et ce sondage révèle que plus de 22 % de la population a suivi, depuis les cinq dernières années, de tels cours de croissance personnelle, ce qui représente quand même un nombre considérable de citoyens. À l'aide de ces données, on évalue le chiffre d'affaires annuel de ce marché à près de 70 000 000 $. Il s'agit donc d'une industrie importante et très prospère.

Actuellement, comme c'a déjà été souligné devant la commission, il n'y a pratiquement aucune réglementation à l'égard de ce marché, sauf la Loi sur la protection du consommateur. Donc, n'importe qui peut, du jour au lendemain, se prétendre psychothérapeute ou, encore, animateur de cours de croissance. De plus, il n'y a aucun organisme qui n'édicte quelque norme que ce soit concernant la formation, les pratiques, les activités des promoteurs et des intervenants du milieu de la croissance personnelle, pas plus qu'il n'existe de mécanisme de réception et de traitement des plaintes. Les consommateurs sont donc laissés à eux-mêmes, sans protection, dans un dédale d'approches de toutes sortes.

Les plaintes que nous avons reçues et les enquêtes terrain qu'on a réalisées ces dernières années nous ont amenés à identifier plusieurs problèmes. Je vais vous énumérer ceux qui nous semblent les plus importants. on a remarqué que plusieurs organisations se dégagent de leurs responsabilités face aux conséquences négatives éventuelles de leurs cours. donc, on retrouve souvent ces clauses d'exonération dans les contrats qu'on offre aux consommateurs. on exerce parfois des pressions indues pour favoriser l'inscription; ces pressions briment, à notre avis, le consentement libre et éclairé. souvent, ça se fait en culpabilisant le futur participant, en utilisant des confidences sur leur vie personnelle et surtout des témoignages extrêmement positifs d'anciens participants. on ne donne pas, non plus, des informations objectives et complètes sur les activités qui seront offertes, les buts et les objectifs poursuivis par l'organisation. les explications sont donc souvent très vagues, et on nous sert souvent cette expression, c'est-à-dire: mon cours, c'est comme une pomme, il faut y goûter pour l'apprécier. donc, on n'a pas l'information pour vraiment faire un choix éclairé. de plus, on procède très rarement à une sélection des participants, et certaines études démontrent que les gens qui sont plus vulnérables peuvent être très affectés en suivant un cours intensif de croissance personnelle.

Certains animateurs utilisent, par ailleurs, des méthodes d'intervention parfois très éprouvantes, et un style d'animation intrusif qui ne tolère aucune opinion divergente. Dans le cadre des enquêtes qu'on a... En fait, dans le cadre des cours qu'on a suivis, à titre de participants observateurs, on a pu prendre connaissance des différents styles d'animation. On va vous donner un exemple d'un échange qui a eu lieu dans un cours — «Le forum» — qu'on a suivi à l'automne 1992. Alors, il y a une jeune fille qui se lève; elle avait déjà parlé, le premier soir de l'atelier, de ses habitudes alimentaires boulimiques, de ses évasions dans la musique et des abus sexuels perpétrés par son frère plus âgé et ses amis. Lors de cette deuxième intervention, qui s'est faite devant plus de 140 personnes, elle explique qu'elle éprouve des difficultés dans ses relations avec les hommes. L'animateur rétorque: «Puis après?» et ajoute: «As-tu pensé aux filles, ou encore aux animaux?»

L'interaction se poursuit ainsi de longs moments. L'animateur lui demande si son père avait abusé d'elle. Elle répond: «Non». Il réplique: «Pas par ton père? Tu n'as pas été capable de séduire ton père? Tu n'as pas été capable d'avoir ton père?» en se montrant très indigné. Alors, cette discussion s'est passée devant 150 personnes, et peu de temps après, la dame s'est évidemment assise, et on ne sait pas exactement quelles ont pu être les conséquences qu'elle a rencontrées, sauf qu'il s'agit d'une intervention qui peut être, à tout le moins, de l'extérieur, très douteuse.

Comme autre problème, nous avons observé des conditions et des règles très strictes, dans certains cours, qui favorisent l'épuisement psychologique et physique des participants. Par exemple, dans le cadre du cours «Le forum», les journées sont très longues. Elles peuvent durer de 14 à 15 heures, avec une pause de 30 minutes pour dîner et une pause d'une heure pour souper. La journée se termine à 23 heures, et ce, pendant trois jours consécutifs. Alors, ce sont des fins de semaine qui peuvent être extrêmement éprouvantes pour les gens.

M. Côté (Charlesbourg): C'est presque notre commission.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Rozon: Oui, j'en conviens. Il n'y a peut-être pas des exercices aussi éprouvants, par contre. Nous avons également observé d'autres problèmes, tels que l'absence de suivi après les cours, la dépendance des participants vis-à-vis de l'organisation et, surtout, l'existence de certains conflits d'intérêts. Certains animateurs profitent de leur relation de pouvoir avec les participants, de la confiance également que ces participants ont envers eux, en occupant des rôles qui, à notre avis, sont inconciliables avec leur rôle d'intervenant. Selon les cas dont nous avons eu connaissance, l'animateur est l'associé d'affaire qui sollicite des sommes d'argent auprès des participants pour investir dans des projets,: le partenaire amoureux qui encourage l'intimité

sexuelle ou le guide qui s'ingère dans les affaires personnelles des participants. il y a également un problème à l'égard de la formation des animateurs et des promoteurs de cours de croissance personnelle. en 1990, nous avons réalisé une étude pour l'office des professions du québec et, sur un échantillon de 310 responsables d'organisme, 70 % avaient une formation dispensée dans un établissement non reconnu par le ministère de l'éducation et seulement 7 % étaient membres d'une corporation professionnelle. en ce qui concerne les animateurs de ces cours, c'est 86 % qui n'avaient pas de formation reconnue par le ministère.

Certes, tous ces problèmes ne sont pas présents dans tous les cours de croissance personnelle, mais le grand nombre de plaintes et de témoignages négatifs que nous avons reçus depuis 10 ans confirme l'existence d'abus, que ce soit d'ordre physique, psychologique, moral, financier ou encore sexuel. L'Office des professions a d'ailleurs reconnu, dans son avis qui a été présenté au ministère, l'existence de ces abus-là. Il y a une étude américaine qui, elle, évalue à près de 10 % le nombre de participants qui auraient subi des dommages psychologiques, tels que des épisodes psychotiques graves, une dépression, de l'anxiété, un manque d'estime de soi important ou une détérioration de leurs relations interpersonnelles.

Lors du cours «Le forum», qui est donné par l'organisme qui semble avoir le style d'intervention qui est le plus problématique, qu'on a suivi, comme je le mentionnais tantôt, à l'automne 1992, il y a un participant qui a très mal réagi suite à un exercice très éprouvant. Il avait les dents et les mâchoires figées et les yeux convulsés. Ça a pris environ une heure avant que la personne ne s'en remette. À la lumière des informations qu'on a, il est fort probable que cette personne ait fait un épisode psychotique. Face à ce type de préjudice et au manque de réglementation criant, qui prévaut dans ce domaine, l'ACEF-Centre invite donc le gouvernement du Québec à intervenir dans le domaine des psychothérapies, et plus particulièrement dans le domaine des cours de croissance personnelle.

Alors, nous recommandons la création d'un organisme gouvernemental, qui pourrait s'appeler aussi une commission des thérapies alternatives, qui serait distinct des corporations professionnelles existantes. Cet organisme aurait comme principal mandat la protection des usagers. Il pourrait, entre autres, tenir un registre de tous les intervenants dans ce secteur, éduquer et informer la population, maintenir et développer un volet recherche, définir également des normes déontologiques relatives à la pratique des intervenants, sensibiliser le milieu de la croissance au respect de ces normes, mettre en place également un système disciplinaire et un service de conciliation des différends, organiser et diriger un comité de travail qui veillerait à lui faire des recommandations appropriées, notamment à l'égard de la formation qui serait requise.

Pour conclure, les recommandations de l'ACEF-Centre visent avant tout à assurer la protection du pu- blic, plus que de reconnaître les diverses méthodes d'intervention qui sont utilisées dans le domaine de la croissance personnelle. Puisqu'elles sont extrêmement diversifiées, il serait difficile de reconnaître la validité de ces différentes approches, mais la protection du public exige que le gouvernement intervienne. Nous vous remercions de votre attention, et sommes maintenant disposés à répondre à toutes vos questions. (18 h 20)

Le Président (M. Houde): Merci, Mme Rozon.

La parole est maintenant au ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président.

Mon collègue de Rouyn-Noranda—Témiscamingue avait pris soin, à l'ouverture de la commission, de citer un passage de votre mémoire, parce que ça l'avait frappé, et je pense que c'était pour démontrer jusqu'où ça pouvait aller.

C'est un mémoire qui, je dirais, ne répond pas totalement à ce que souhaitait la commission, mais c'est un mémoire de qualité, qui veut saisir la commission et, j'imagine, le public en général d'une situation d'abus dans un domaine précis, mais qui n'exclut pas que ces situations d'abus se retrouvent ailleurs dans d'autres thérapies alternatives. Je pense que c'est un témoignage qui mérite très certainement d'être souligné, compte tenu du travail terrain et de recherche qui a été fait. Donc, pour cela, je vous remercie. 10 000 demandes d'information sur 10 ans, ai-je compris?

Mme Rozon: C'est bien ça, oui.

M. Côté (Charlesbourg): 1000 plaintes. Ça fait une centaine de plaintes par année pour un organisme comme le vôtre. Est-ce que ces plaintes sont limitées à la région de Montréal ou si ça déborde la région de Montréal? Lorsqu'on parle d'ACEF-Centre, évidemment, c'est ACEF-Centre, mais j'imagine que vous n'êtes pas fermés à répondre à d'autres.

Mme Doray (Chantai): Non, effectivement. M. le ministre, je vous dirais que, principalement, il y a plusieurs témoignages qui se font dans la région de Montréal parce que nos interventions dans les médias sont peut-être plus localisées dans les médias montréalais. Par contre, il y a quand même une étendue, une expansion qui se fait ailleurs au Québec, et on a également de ces types de plaintes là qui concernent des localités plus éloignées.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que ces plaintes-là concernent uniquement la croissance personnelle, ou si vous avez aussi des plaintes sur d'autres thérapies alternatives?

Mme Doray: Oui, effectivement, nous avons reçu, parmi la multitude de plaintes que nous recevons, des plaintes qui concernent des volets autres que la croissance personnelle, systématiquement, étant donné que le consommateur, étant laissé à lui-même, ne sait

pas où s'adresser spécifiquement.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'on pourrait savoir dans quel autre domaine et quels sont les types de plaintes? Est-ce que c'est quant à la formation des thérapeutes ou le coût? On se plaint de quoi, précisément?

Mme Doray: Par rapport aux médecines douces, plus spécifiquement, on reçoit des plaintes dans le cas où les médecines douces et la croissance personnelle se chevauchent particulièrement parce que, lorsqu'on parle de médecine douce, on parle d'une médecine holistique, qui prend en considération le corps et l'esprit. Donc, on ne peut pas diminuer ces deux aspects-là, ils sont forcément en interrelation. On va recevoir des plaintes de type, par exemple, soit en homéopathie, en naturopathie ou dans d'autres approches qui sont moins connues, où, par exemple, la personne va nous dire... Je peux vous donner un type d'exemple, où elle est allée voir un naturopathe qui, tout à coup, a commencé à lui parler de sa vie, la faire parler de ses relations amoureuses, la faire parler de ses relations de travail. Suite à ça, il a dégagé un champ énergétique autour d'elle et il lui a dit: Tiens, toi, tu manques de vitamine E, de vitamine C, de vitamine unetelle. Il lui a donc fait une prescription suite à ça.

Donc, on pense qu'il y a des chevauchements qui sont faits parce que la personne va se rendre dans une institution de santé pour régler un problème de santé et, à ce moment-là, on se met à la faire parler de sa vie personnelle. Ce type de chevauchement peut conduire à des abus, effectivement.

M. Côté (Charlesbourg): Vous n'avez pas poussé l'analyse jusqu'à peut-être trouver qu'il était lui-même vendeur de la prescription qu'il avait donnée à la personne qu'il voyait.

Mme Doray: Je vous dirais que, comme notre étude et nos interventions ont porté principalement sur le champ de la croissance personnelle, on a vu qu'il y avait des liens qui étaient plus larges que ça, effectivement.

M. Côté (Charlesbourg): Et quoi d'autre? C'est un champ qui est très vaste, effectivement, mais je trouve bon que vous fournissiez l'exemple de l'homéopathe, à ce moment-ci, ou du naturopathe. Ça illustre très, très bien les inquiétudes qui ont été véhiculées à cette commission-là, au niveau des charlatans qui sont là et qu'il nous faut protéger le public contre ces charlatans. Est-ce qu'il y a d'autres domaines?

Mme Doray: Je dirais que ce type d'intervention là se remarque plus dans les médecines douces, qui vont justement être propices à des chevauchements, comme je l'ai souligné, c'est-à-dire qu'on va recevoir moins de plaintes par rapport à des techniques comme la masso-thérapie, à ce moment-là, peut-être parce qu'il y a aussi une association qui est peut-être l'une de celles qui sont les plus structurées. On a pu recevoir aussi des plaintes, par exemple, face à des approches encore méconnues et parfois douteuses, pour certaines organismes, comme l'irrigation du côlon, où une personne, justement, ressentait des blocages, que ce soit dans son enfance ou des problèmes de travail. À ce moment-là, on lui proposait la technique de l'irrigation du côlon pour enfin pouvoir débloquer ses énergies latentes qui sont là. Alors, ça peut être un exemple.

Des voix: Ha, ha ha!

M. Trudel: C'est bon pour les gouvernements, ça. Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): J'allais presque vous dire: Pas si «colon» que ça! Bon! Pourquoi ne pas faire plus de place à l'Office de la protection du consommateur dans la protection du public? Ça ne me semble pas être présent. Est-ce que c'est parce qu'ils n'ont pas les ressources nécessaires, l'expertise? Il me semble qu'il y aurait des domaines, parce que, à peu près tout le monde qui est passé ici nous a parlé de verser un certain nombre de dossiers à l'Office de la protection du consommateur. Je pense que vous êtes dans ce domaine-là assez crédibles pour nous dire ce qui va et ce qui ne va pas.

Mme Doray: Par rapport à l'Office de la protection du consommateur, c'est qu'il y a déjà des dispositions qui réglementent les cours de croissance personnelle. Il y a toutes les dispositions concernant les contrats à exécution successive. Ce qu'on s'est rendu compte, entre autres, dans le cadre des enquêtes qu'on a faites, c'est qu'il y a plusieurs organisations qui ne respectent même pas ces dispositions-là. Le public n'est pas toujours informé, il ne porte pas plainte parce que l'organisation a un contrat qui est non conforme à la loi, mais plutôt parce qu'il a été abusé et que le dommage qu'il a subi est beaucoup plus important, à ce point de vue là, que parce que l'organisation n'avait pas de contrat conforme à la loi.

Je pense que c'est une question d'expertise. L'Office de la protection du consommateur a beaucoup de compétence à l'égard des problèmes, au plan contractuel, mais je pense que le domaine des psychothérapies alternatives et des médecines douces nécessite une certaine expertise qu'on croit que peut-être l'Office de la protection du consommateur n'a pas pour intervenir. On trouve déplorable que, même, par rapport aux dispositions que les organisations devraient respecter, l'Office n'est pas tellement agressif pour s'assurer du respect de sa loi actuelle, à ce niveau-là.

M. Côté (Charlesbourg): C'est ce qui vous amène à joindre le clan de ceux qui parlent d'une commission de thérapies alternatives, à moins que vous nous appreniez que c'est votre idée à vous. Ha, ha, ha!

Mme Doray: Ha, ha, ha! Ça doit être une idée

partagée.

M. Côté (Charlesbourg): Partagée. Est-ce que, dans votre cas, vous souhaiteriez, dans la mesure où il y a une commission des thérapies alternatives, qu'elle dépasse le niveau de l'information ou niveau de bibliothèque?

Mme Doray: Oui. Ce qui est sûr, c'est que l'information est un aspect extrêmement important, parce que c'est un manque qui existe présentement. Les gens ne savent pas à qui s'adresser, autant en ce qui concerne les médecines douces que les psychothérapies alternatives, mais il y a un besoin qui est plus important encore, qui est la protection du public. Il faut qu'il y ait un lieu où les gens peuvent porter plainte et signaler les abus qui existent, parce que, à l'heure actuelle, il y a certaines organisations comme la nôtre, et il y en a sûrement d'autres, qui recueillent les plaintes du public, mais où il n'y a pas nécessairement une connaissance que l'État a de ces problèmes-là et où il y aurait une importance d'intervenir par la suite pour que cessent définitivement ces abus-là.

Donc, à ce niveau-là, il y aurait un besoin d'information mais aussi un besoin de protection, de recueillir les plaintes du public et d'établir, pour certains secteurs, des codes de déontologie. Le secteur des psychothérapies est particulier. Il y aurait lieu d'établir un code de déontologie général qui s'appliquerait à ce secteur-là, et la commission ou l'organisme de protection aurait également le mandat de s'assurer que ce code est respecté par les différents intervenants.

M. Côté (Charlesbourg): Qu'est-ce qu'on peut apprendre de plus de monsieur qui est allé lui-même vivre des expériences sur le terrain...

Mme Doray: II est en bonne santé.

M. Côté (Charlesbourg): ...qui peuvent difficilement être contestées, je pense, à ce que j'ai compris?

M. Lepage (Louis): Pardon?

M. Côté (Charlesbourg): Qui peuvent difficilement être contestées, en termes d'expérience terrain. On a dit pendant trois jours — c'est la troisième journée ou la quatrième — qu'il nous fallait aller faire des expériences terrain, et on a un témoin. (18 h 30)

Le Président (M. Houde): M. Lepage, à vous la parole. Oui, M. Lepage.

M. Lepage: C'est ça. Bon, moi, j'ai été dans quatre cours de croissance et on pense que, souvent... En tout cas, l'idée que, moi, j'avais et qui est peut-être un peu partagée, c'est que ce sont des cours où on va parler de ses problèmes. Il y a un réseau d'amitié, on peut discuter, c'est très chaleureux, et tout. Il y a ce volet-là qui existe, mais il y a aussi des cours de crois- sance sous des couverts, où on s'annonce pour dire: On va vous aider à régler certains problèmes. Souvent, les buts sont très utopiques, en passant, et ils ont des pratiques assez difficiles, assez éprouvantes pour les gens. Donc, c'est ça aussi, et il y a tout ce halo de mystère qui les entoure. Quand vous allez à une soirée d'information, il n'est pas possible d'avoir de l'information. On vous demande de payer 400 $ comme ça. Il y a des techniques d'influence, des modes de pression. Les gens déboursent, ils vont là et, dans le fond, ils ne savent pas du tout dans quoi ils s'embarquent. Donc, il y a des gens qui peuvent être extrêmement déçus, et il y a des exercices qui sont extrêmement violents.

Je me rappelle, dans un cours, entre autres... Imaginez ici qu'on ferme les lumières, qu'il fait très noir. Vous ne voyez pas, et là il y a un animateur, en avant, qui commence à crier très fort, dans un micro, que vous avez peur, parce que, l'exercice, c'est d'affronter la peur de votre vie. Imaginez ça. Vous entendez des gens crier, pleurer, il y a des gens qui vomissent. C'est un exercice qui peut être extrêmement bouleversant. Et ça, ça dure de 15 à 20 minutes. Ensuite, l'animateur dit: Bon, voilà, vous venez de dépasser votre peur. Ce qui est dommageable, ce qui risque d'être dommageable dans ces cours-là, c'est que ce sont des exercices qui vont stimuler des émotions. Si on ferme les lumières ici, on risque de vivre des choses, nous, d'avoir peur ou de penser à des choses qui nous font peur ou qui nous énervent. Ensuite, c'est terminé, il n'y a pas de retour sur ça. Donc, il n'y a pas d'analyse, il n'y a pas de travail qui est fait pour demander aux participants: Qu'est-ce qui s'est passé?

Contrairement à ce qui peut se passer dans une intervention psychologique, si quelqu'un vit des choses, on va essayer de travailler là-dessus pour comprendre ce qui en est, alors que, dans ces cours-là, ce sont beaucoup des exercices qui vont soulever des émotions, mais sur lesquelles il n'y a pas de travail réel qui est fait. C'est ça qui risque d'être le plus dommageable dans ces cours-là. Les gens peuvent être confrontés à des exercices qui sont très violents et, parfois, avec la pression du groupe, avec la pression des animateurs, on ne peut pas dire comme ça: Moi, je refuse de faire l'exercice. Il y a ça aussi: c'est quoi, le consentement de la personne, dans ce contexte-là? Ça devient questionnable.

M. Côté (Charlesbourg): Quel est le moyen de régler? Ce n'est pas uniquement par une commission des thérapies alternatives, avec un registre des thérapeutes, avec les noms qui seraient publiés et même avec les contrats qu'on pourrait régler cette problématique-là, parce qu'on va quand même se retrouver avec des gens qui, malgré tout ça, vont se retrouver là, avec la même technique.

M. Lepage: Oui. C'est-à-dire que les cours de croissance n'ont pas le monopole des pratiques douteuses, là. Ça, c'est une chose qu'il faut comprendre. Je crois que, dans toutes les disciplines, même officielles, il y en a. Ça, c'est une chose. Mais ce qu'on remarque,

en tout cas, ce que plusieurs études américaines tendent à prouver... Bon, première des choses, l'idée de tenir un registre, c'est que la première fonction serait au moins d'informer les gens. Actuellement, c'est quasiment impossible, dans certains cas, d'obtenir une information neutre et crédible sur un certain nombre de cours. On va vous dire: Le cours, je ne peux pas te le décrire, parce qu'il se vit seulement dans le cours. Donc, il y a toujours cette idée d'une information. Dans le fond, un registre ou un organisme qui pourrait informer les gens de façon plus neutre, où il n'y a pas un intérêt mercantile derrière ça, c'est démontré que, dans le fond, ça permettrait une autosélection. L'autosélection serait donc le premier moyen, en tout cas, de réduire les conséquences négatives. Si on dit aux gens exactement: Écoutez, il va y avoir un exercice violent où on ferme les lumières et où vous pouvez avoir très peur, tu dis: Moi, je décide de ne pas y aller. Bon, parfait, la personne le sait et elle fait un choix, là. L'idée de cet organisme-là, ce serait une information crédible et neutre qui permettrait au moins une autosélection des gens, à défaut qu'il y ait une sélection qui soit faite par ces promoteurs-là, parce que, souvent, dans ces groupes-là, il y a 140 personnes. Imaginez comment ils pourraient faire la sélection. En plus, les gens n'ont pas nécessairement la formation pour évaluer et sélectionner les gens. Ça, c'est une chose.

L'autre chose aussi: Qu'est-ce qui arrive quand il y a des dommages, que des gens sortent de là très po-qués et très bouleversés — et c'est ça le deuxième volet? Il n'y a aucun recours possible. Ces gens-là, qui sont n'importe qui, comme Louise le disait tantôt, peuvent s'instituer animateurs de cours de croissance. Donc, on s'imagine que les gens, des fois, ont une éthique très douteuse. Us ne savent pas exactement ce qu'ils font. Ils ne savent même pas à qui ils ont affaire. On peut fermer les lumières ici, mais, si quelqu'un a déjà fait un épisode psychotique, est-ce que c'est souhaitable qu'il soit dans la salle avec nous? Bon, ils ne le savent même pas. Ça, c'est une chose qu'il faut voir aussi, qu'il y ait une meilleure éthique, qu'ils voient la répercussion de leurs gestes. Mais que les gens aient un certain mécanisme pour être informés, d'une part — donc, l'idée d'autosélection — mais, en même temps, dans les cas graves d'abus, qu'ils soient de toutes sortes, sexuels, physiques, psychologiques, et tout, bien, qu'il y ait un mécanisme, un recours quelconque, parce que, là, les gens sont laissés complètement en plan avec le système actuel.

Le Président (M. Houdé): Merci. À présent, je passe la parole au député de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

M. Trudel: Première partie?

Le Président (M. Houde): Oui, allez, allez.

M. Trudel: Bien, j'aimerais vous redire la bienvenue à cette commission parlementaire. Oui, vous nous apportez des témoignages importants, si tant est qu'on veuille intervenir dans ce secteur, parce que, là, c'est la première fois, dans tout le travail de la commission, que l'on intervient ou que l'on entend des interventions eu égard à tout le secteur des psychothérapies. C'est énorme, tout le restant des thérapies alternatives, mais, en soi, le secteur des psychothérapies constitue un pan de travail et un champ d'intervention immense. On retrouve, dans ce champ spécifique des psychothérapies, mon Dieu, presque autant d'écoles de pensée et de pratique qu'il y en a, au total, dans les autres disciplines des thérapies alternatives généralement identifiées. S'il y a un secteur dans lequel on est submergé par le subjectif, bien, c'est dans le domaine des psychothérapies. Parce qu'on n'est pas dans le monde de l'observable et du mesurable, ça augmente le coefficient de difficulté pour dresser ou tirer une ligne entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas — vous allez entendre le mot éthique — entre ce qui est de la thérapie et ce qui est de l'exploitation pure et simple, ce qui, enfin, tombe dans l'abus, dans l'exploitation. Alors, c'est important, les témoignages que vous nous apportez là-dessus.

Est-ce que vous pensez qu'en matière d'évaluation et de connaissance de ces différentes psychothérapies on ne pourrait pas confier des mandats d'étude d'analyse et d'évaluation — je ne parle pas de jugement — de ces différentes approches à différents groupes spécialisés, au lieu de demander à un groupe, à une commission, à un organisme de porter une évaluation et un jugement sur la valeur? Est-ce que vous pensez qu'on ne devrait pas faire appel à des ressources qui existent dans un certain nombre de départements, dans un certain nombre d'universités, dans certains organismes spécialisés, par exemple, qui ont une crédibilité reconnue pour nous permettre de non seulement dégager des évaluations, mais aussi, d'expliquer un certain nombre de techniques ou d'approches? L'information au consommateur, à mon avis, doit inclure également l'explication de la pratique. La technique de la noirceur dans la salle... Voyez-vous, il doit y avoir quelqu'un, quelque part, qui a inventé une explication extraordinaire à propos de cette technique, et ça doit avoir des fruits, ça, probablement des retombées non moins extraordinaires. Il faudrait peut-être comprendre, se faire expliquer et être capable d'avoir l'explication du phénomène simple qui se passe et, de là, si c'est un geste qui va plus vers l'abus de la confiance, qui va vers l'exploitation, que vers une technique visant à dégager un mieux-être chez la personne. Qu'est-ce que vous pensez de cette approche, de confier à des spécialistes en évaluation l'efficience, et non pas seulement l'efficacité, de ces techniques?

Le Président (M. Houde): M. Lepage. Si vous voulez. (18 h 40)

M. Lepage: Bon. Je dois dire, d'une part, que la question de mesurer l'efficacité, d'évaluer l'efficacité et l'efficience des différentes thérapies psychologiques, je veux dire, c'est extrêmement complexe et ça soulève déjà beaucoup de choses en soi. Il y a un certain nom-

bre d'études, que je pourrai évoquer tantôt, qui l'ont fait, en ce qui concerne les cours de croissance. J'aimerais juste apporter une précision. C'est que l'organisme dont on recommande la création n'a pas pour rôle, en soi, d'évaluer les promoteurs de cours de croissance. C'est un organisme où on demanderait au promoteur de s'inscrire, de fournir une information complète, et d'adhérer à un code de déontologie, et d'être conséquent avec ce code-là. Ce qui arrive dans le domaine, aussi, c'est qu'on dit qu'au Québec il y a au-delà de 400 groupes de croissance. Vous vous imaginez le foisonnement ou la multiplicité des approches que chacun peut évoquer. Donc, une question d'évaluation devient extrêmement complexe, à ce niveau-là, car chacun veut avoir une approche pour dire que c'est la meilleure, et tout. L'organisme n'a donc pas nécessairement pour but d'évaluer.

L'autre chose que je veux dire, au-delà des différentes approches derrière lesquelles les promoteurs pourraient se cacher, c'est la question des pratiques qui se passent dans les cours. C'est toute la question de quelles pratiques deviennent difficiles et quelles pratiques sont acceptables ou non. Ce que j'évoquais tantôt, c'est que ce n'est pas tant une pratique en soi qui soulève un problème, c'est le contexte dans lequel cette pratique-là est insérée. Si on ferme les lumières ici, si on fait juste ça, ça peut soulever des émotions et être très problématique. S'il y a un certain nombre de mises en garde, un certain nombre d'explications et qu'ensuite on fait un retour dans le groupe sur ce qu'on a vécu, déjà là, la même technique peut prendre un sens complètement différent pour les mêmes personnes. Donc, c'est toujours dans... Ce n'est pas nécessairement que les cours de croissance ont des techniques si particulières par rapport à d'autres approches psychologiques, c'est souvent la façon dont elles sont utilisées qui soulève des problèmes. Comme je vous le disais tantôt, il y a plusieurs études qui sont d'accord là-dessus, de soulever des émotions pendant deux, trois jours sans qu'il n'y ait un réel travail fait avec ça... Vous allez dans un cours et vous faites des exercices, vous dessinez, vous criez, vous fermez les lumières, vous faites plein de choses. Si vous faites ça trois jours, la probabilité est que vous en sortirez bouleversé plus que d'autre chose ou, à tout le moins, qu'il ne se sera rien passé de très thérapeutique chez vous, là-dessus. C'est toujours une question de contexte, là-dessus.

Il y a aussi l'autre chose, la dernière chose que je peux ajouter. Il peut y avoir des luttes là-dedans, à savoir: Est-ce que les psychologues sont habilités ou est-ce que les psychiatres sont habilités à évaluer ce qui se passe dans les cours de croissance, quand on sait que les membres des corporations professionnelles ne sont pas tellement dans ce domaine-là? Là, ça soulève aussi une série de problèmes. Qui est le mieux habilité pour ça, et pour le faire de façon, comme vous le disiez à juste titre, à évaluer et non pas à juger? Quand on est d'un point de vue de psychologie scientifique ou de psychiatrie, on peut dire que tout ça, c'est de la foutaise. Nous, on ne croit pas que tout ça c'est de la foutaise. Il y a sans doute des choses valables, mais il y a beaucoup de pratiques qui sont très douteuses, et qui peuvent être dommageables aussi.

Mme Rozon: J'aimerais peut-être juste rajouter une chose. C'est évident que l'organisme éventuel qui pourrait être créé, s'il a le mandat d'informer le public, il se doit de faire également des recherches. Peut-être pas nécessairement pour évaluer les techniques comme telles, mais, à tout le moins, pour être en mesure de bien les décrire. Il y a plusieurs techniques qui sont utilisées, comme le «rebirth» par exemple, bon, eh bien, ça serait important que la commission puisse être en mesure d'expliquer au public c'est quoi le «rebirth» et, pour ce faire, il y a peut-être un besoin de faire des recherches. Il n'y a aucun problème à ce que ces recherches-là soient réalisées par des organismes plus spécialisés en recherche, qui seraient extérieurs, pour décrire d'une façon bien précise les différentes techniques qui sont utilisées dans le domaine des psychothérapies.

M. Trudel: C'est pensable, de la part de l'État, au lieu de créer une commission et tout un appareillage, de confier un tel travail? On va prendre un cas au hasard, mais complètement au hasard, là. Est-ce que c'est possible de confier ce travail de surveillance, d'aide et de support aux consommateurs à des organismes du type ACEF-Centre, par exemple? Est-ce que c'est possible d'imaginer ça?

Mme Rozon: Non.

M. Trudel: Qu'au lieu de le créer...

Mme Rozon: Ha, ha, ha!

M. Trudel: ...qu'on puisse confier ce mandat à des «advocacy groups», à des groupes d'intervention en matière de consommation, un mandat bien précis avec les ressources nécessaires? Ça vous apparaît possible?

Mme Rozon: Non. Je pense que ce n'est pas vraiment possible parce qu'on deviendrait, par le fait même, un organisme parapublic, et je pense que ça ne serait pas nécessairement une bonne chose. On doit garder une certaine indépendance, et je pense que ça serait nécessaire que cet organisme-là soit un organisme gouvernemental plutôt qu'un organisme privé.

M. Trudel: Merci.

Le Président (M. Houde): Mme la députée de Terrebonne, à vous la parole.

Mme Caron: Merci, M. le Président.

Alors, je vous remercie, Mme Rozon. Je vous remercie de la participation de l'ACEF-Centre, qui est toujours extrêmement profitable aux membres des commissions, et je pense que vous nous apportez toujours des éléments de réflexion dans les différentes commis-

sions parlementaires. Vous n'avez pas chômé au cours des dernières semaines.

Mme Rozon: Ha, ha, ha! Non.

Mme Caron: le dossier que vous apportez, je sais que c'est un dossier que vous travaillez depuis très, très longtemps. vous nous parlez des recherches depuis 10 ans, de l'importance de la formation des animateurs, évidemment, qui est très inégale, mais aussi, au niveau de la clientèle, vous nous dites que 22 % de la population, finalement, aurait déjà suivi des cours de croissance personnelle. je ne sais pas si vous avez poussé un petit peu plus loin la recherche. c'est évident que des personnes qui n'ont pas de problème réel au niveau de la personnalité, ou qui ont un certain équilibre, qui participent à des cours de croissance personnelle, même s'ils ne sont pas d'une qualité extraordinaire, elles risquent de s'en tirer à meilleur compte.

Mais j'ai l'impression — là, j'aimerais, si vous avez des chiffres — que ces cours-là attirent très souvent une clientèle plus vulnérable, qui a donc, à ce moment-là, certaines difficultés, et que les risques sont donc encore plus grands au niveau des conséquences.

M. Lepage: bon, pour ce qui est des caractéristiques de la clientèle, on a très peu de données là-dessus. dans le sondage qui montrait qu'il y avait 22 % des québécois adultes qui avaient fréquenté un cours dans les cinq dernières années, il y avait un genre de portrait sociodémographique: autant des hommes que des femmes, que ce soient des gens qui sont assez scolarisés, qui ont des revenus moyens et élevés. donc, il y a ça.

Maintenant, nous, on n'a pas vraiment investigué du côté de la clientèle qui va là. Il y a des études américaines qui démontrent, par ailleurs, que les gens qui fréquentent ce cours-là — qui ne vont pas voir, effectivement, un psychologue ou un psychiatre, par exemple — souffrent de détresse psychologique plus que les autres. Par rapport à la population en général, ce sont des gens qui sont en majorité plus divorcés, plus séparés. Effectivement, on peut croire, à partir de là, que les gens qui vont là formulent une demande d'aide. Il y a réellement quelque chose d'une demande d'aide, en tout cas d'une quête de sens, si on ne veut pas verser dans le psychologique, et ces gens-là, en partie, donc, une partie de la clientèle est sûrement vulnérable.

Une autre chose aussi, c'est que ce sont des gens... Les études démontrent que les gens qui souffrent le plus des conséquences négatives de ça, ce sont ceux qui ont des attentes élevées par rapport aux objectifs, au but de ce cours-là. Donc, c'est ça qui arrive aussi. Il y a toute une interaction entre la clientèle et la façon dont on fait la publicité. Il y a plusieurs promoteurs qui annoncent des buts vraiment irréalistes ou utopiques, qu'on va changer les schemes de notre personnalité en trois jours, qu'on va se soulager de problèmes psychologiques en deux jours et demi, ta, ta, ta. Donc, ça, ça risque effectivement d'attirer des gens vulnérables, et ça risque d'augmenter les attentes ou les espoirs de ces gens-là.

Comme je vous le disais tantôt, les études démontrent que c'est surtout ces gens-là qui ressortent de là avec des complications, justement. Si on dit à quelqu'un: Écoute, on passe trois jours ensemble, tu vas peut-être comprendre un peu plus les relations interpersonnelles avec les autres, et tout, bon, ça ça paraît peut-être un objectif qui est louable. Mais, si on dit qu'on va t'aider à régler tous tes problèmes psychologiques et physiques, et qu'il y a des gens, à cause d'un état de vulnérabilité, parce qu'ils sont allés cogner à des portes de psychologue, de médecin ou de thérapeute alternatif, et qui, pour x raison, se retrouvent là, eux risquent d'avoir des attentes irréalistes.

Mme Caron: Je pense que, souvent, au niveau de ces cours de croissance personnelle, on peut toucher aussi des sectes. Je pense qu'Info-Secte avait fait une excellente recherche au niveau de l'Église de Scientologie, en particulier, où on utilisait ces cours de croissance personnelle pour essayer d'endoctriner des personnes aussi.

Je vais vous poser une question très, très, très... Au niveau des lois, finalement, les cours de croissance professionnelle relevaient du ministère de l'Éducation. À la demande, suite à des pressions d'associations de consommateurs, ça relève maintenant, depuis la loi 41, de l'Office de la protection du consommateur. Lorsque je vous écoutais, tantôt, M. Lepage, vous parliez d'un code d'éthique. On sait que la loi 11, qui relève du ministre de la Justice, responsable de la protection du consommateur, a ajouté un élément en vertu duquel on peut, lorsqu'il y a des secteurs de consommation qui posent problème — je pense, par exemple, aux préarrangements funéraires; alors, ça pourrait être un type de problème de consommation — faire signer un engagement volontaire, qui est un code d'éthique en soi. Si ceux qui offrent ces services refusent de signer l'engagement volontaire, il peut y avoir décret pour soumettre l'ensemble de ceux qui offrent ce type de service à un engagement volontaire. Est-ce que ça pourrait être une voie qui pourrait être utilisée afin de ne pas ajouter une nouvelle structure dans le système? (18 h 50)

Le Président (M. Houde): Madame.

Mme Rozon: Je pense que ça peut être extrêmement difficile d'utiliser cette voie-là, parce que, là, on parle vraiment de code d'éthique, d'un code de déontologie, avec des normes très générales à respecter, alors que les engagements volontaires qui sont le plus souvent signés entre les entreprises et l'Office de la protection du consommateur, c'est des engagements qui concernent les délais d'annulation des contrats...

Mme Caron: Non, je faisais référence au nouveau type d'engagement volontaire, là, comme celui qui va être signé avec les maisons funéraires, et qui est vraiment un code d'éthique, un code de déontologie précis au niveau des pratiques, là.

Le Président (M. Houde): Mme Rozon.

Mme Rozon: Bien, c'est ça. En fait, ce qu'on se dit par rapport au travail que l'Office de la protection du consommateur pourrait faire dans ce dossier-là, c'est qu'il n'a peut-être pas nécessairement l'expertise pour s'occuper des questions qui touchent la déontologie dans le domaine des psychothérapies. C'est très différent des techniques qui peuvent être employées pour faire de la vente sous pression de préarrangements funéraires. C'est comme un domaine qui exige une certaine expertise, et on croit que ça devrait relever d'un autre organisme que l'Office de la protection du consommateur. C'est uniquement pour une question de compétence et d'expertise dans ce domaine-là.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Houde): Donc, il reste seulement à faire les remerciements, vous deux. Allez-y.

M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup, je pense...

Mme Rozon: Ça nous fait plaisir.

M. Côté (Charlesbourg): ...que c'est un éclairage que nous n'avions pas dans les autres mémoires — c'est tout à votre honneur, je pense — et qui lève un certain voile sur certaines pratiques douteuses. Je pense que c'est très utile sur le plan de la communication publique, et, comme c'est une expérience terrain, personne ne peut la contester de manière très claire. Donc, ça c'est scientifique, c'est ce qu'on recherche depuis le début.

M. Trudel: Si j'ai bien compris, vous n'êtes pas sorti tellement plus grand de vos expériences de croissance personnelle, si j'ai bien compris.

M. Lepage: Oui, effectivement, c'est-à-dire que j'ai des sérieuses réserves sur le mode de fonctionnement de ces groupes-là.

M. Trudel: Et vous n'avez pas eu besoin de beaucoup d'assistance pour porter votre jugement, je comprends ça aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Je vous remercie beaucoup.

M. Côté (Charlesbourg): ...un peu plus peur de ces méthodes, je pense.

M. Lepage: Bien, je les connais mieux. J'ai plus peur, mais je les connais mieux, ça fait que...

M. Côté (Charlesbourg): Alors, éteignez les lumières.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Éteignez les lumières, ha, ha, ha! Alors, merci beaucoup pour votre contribution, c'est apprécié.

Le Président (M. Houde): Je voudrais remercier l'Association coopérative d'économie familiale, et vous trois, d'avoir si bien exposé votre mémoire. Merci beaucoup. On suspend les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 53)

(Reprise à 20 h 11)

Le Président (M. Joly): Alors, la commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir d'accueillir la Corporation professionnelle des physiothérapeutes du Québec. Bonsoir, mesdames, ça me fait plaisir. Alors, Mme Hétu. C'est bien ça?

Corporation professionnelle des physiothérapeutes du Québec (CPPQ)

Mme Hétu (France): Oui.

Le Président (M. Joly): Pourriez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

Mme Hétu: M. le Président, mesdames, messieurs, je suis France Hétu, présidente de la Corporation professionnelle des physiothérapeutes du Québec. M'accompagnent, à ma gauche, France Hamel, qui est phy-siothérapeute, responsable du développement professionnel à la Corporation et, à ma droite, Johanne Tardif, qui est physiothérapeute au Centre hospitalier de l'Université Laval, chargée d'enseignement au Département de physiothérapie de l'Université Laval et pour notre programme de formation continue à la Corporation.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, madame. J'imagine que vous connaissez un peu la procédure. Vous avez une quinzaine de minutes — 15, 20 minutes — pour nous présenter votre mémoire. Par après, le temps est réparti entre les deux formations pour s'imbiber de questions.

Mme Hétu: Parfait.

Le Président (M. Joly): Je vous laisse la parole, madame.

Mme Hétu: Merci. Alors, je vous remercie de nous donner l'opportunité de vous présenter les commentaires de la Corporation des physiothérapeutes sur les thérapies alternatives. Nous espérons, par notre présence, vous convaincre de notre ferme volonté de contribuer à trouver des solutions profitables pour l'en-

semble de la population et le système de santé.

Notre corporation, de par son rôle de protection du public, a tenu à présenter un bref mémoire aux membres de cette commission, compte tenu de la nature même du travail des physiothérapeutes et de leur champ de pratique. Ainsi, nos commentaires se limiteront au secteur des thérapies alternatives en lien avec notre profession, soit les thérapies manuelles et le massage, selon la classification de l'Office des professions.

Afin de mieux situer le contexte dans lequel nous présenterons nos commentaires, nous aborderons les points suivants: une brève description de la pratique des physiothérapeutes et des commentaires sur les caractéristiques des thérapies alternatives; les physiothérapeutes et les thérapies alternatives; un troisième point, qui est la reconnaissance des thérapies alternatives et, en conclusion, quelques avenues à explorer.

Brève description des physiothérapeutes. Notre corporation figure, comme vous le savez, au nombre des 41 corporations professionnelles, dont plus de la moitié sont du secteur de la santé. Nous sommes régis par le Code des professions. Nous devons avoir des mécanismes obligatoires pour assurer la protection du public dont, vous savez, la discipline, l'inspection professionnelle, la formation continue, le contrôle de l'inscription des normes et standards de pratique. J'aborde ce point, puisque, plus tard, on fera référence à la question de l'ostéopathie. Nous comptons plus de 2500 membres au Québec. Notre champ de pratique est défini comme suit — juste pour vous mettre dans l'ambiance — c'est de poser tout acte thérapeutique qui a pour objet d'obtenir le rendement physique fonctionnel maximum d'une personne par des exercices physiques, par la thérapie manuelle ou par l'utilisation de moyens physiques tels que l'électrothérapie ou l'hydrothérapie. Ainsi, avec cette définition, vous voyez pourquoi nous sommes ici ce soir.

Quelques petites informations de base. Au Québec, trois universités offrent le programme pour devenir physiothérapeute. On parle de l'Université de Montréal, l'Université McGill et l'Université Laval, à Québec. C'est une formation scientifique de base qu'acquièrent les quelque 180 étudiants qui finissent annuellement, et les physiothérapeutes doivent avoir complété 1200 heures clinique dans des milieux de stages agréés. L'intervention, comme on le mentionnait dans la définition, vise le rétablissement physique et fonctionnel optimal de la personne dans sa globalité, une globalité, souvent, dont les thérapies alternatives — je ne dirais pas revendiquent ou s'approprient — font la promotion. Alors, à maints égards, la pratique du physiothérapeute englobe des caractéristiques qu'on retrouve dans le livre que vous connaissez sans doute, «Attention Santé», de Me Paul Martel. même si les physiothérapeutes oeuvrent dans le système dit traditionnel, 65 % sont dans les établissements du réseau de la santé et 35 % dans des cabinets privés. les approches utilisées par le physiothérapeute sont souvent associées à la médecine dite douce, parce qu'elles sont non invasives et non traumatisantes, et il n'y a pas d'utilisation de médicaments. il est intéressant de noter que, selon un sondage effectué par le groupe léger & léger, et qui avait été commandé par notre groupe, en juin dernier, 54 % de la population associe la physiothérapie aux médecines douces. il faut dire qu'en fait la définition de «médecine douce», «thérapie alternative» ou tous les différents mots qu'on peut utiliser, ce n'est pas tout à fait clair dans la tête des gens. en fait, nous faisons partie, comme je le disais, de la médecine dite traditionnelle de par la formation de base et aussi du lieu de pratique où nous sommes, mais on nous associe à «douce», compte tenu, comme je le disais, de l'intervention qui est non invasive et sans médicaments.

Par contre, chez notre «membership», plusieurs physiothérapeutes, pour ne pas dire un grand nombre, intègrent à leur pratique des thérapies dites manuelles dans le cadre de leur champ de pratique. En 1992, à titre d'information, sont inscrits à notre tableau des membres environ 440 physiothérapeutes qui utilisent une approche ostéopathique ou des techniques ostéopathi-ques; entre 70 et 100 physiothérapeutes utilisent des techniques d'acupuncture pour des fins symptomatiques, c'est-à-dire soulager la douleur localement; 205 environ utilisent la gymnastique douce et plus de 500 utilisent des approches posturales globales. Il y en a un certain nombre aussi qui utilisent des approches comme le Feldenkrais, dont vous avez peut-être entendu parler au cours de ces auditions.

Alors, loin de rejeter du revers de la main les thérapies alternatives, notre corporation a été collaboratrice, en 1985, pour ceux qui s'en souviennent, du premier colloque sur les approches alternatives, qui s'était tenu au Mont-Orford, au Centre d'art d'Orford, pardon. Nous avons toujours voulu sortir de l'ombre les vraies thérapies alternatives et aider au nettoyage, en fait, du charlatanisme. Ainsi, notre présence ne vise nullement à créer un débat corporatiste, mais bien, plutôt, à mettre en lumière certaines préoccupations et répondre à vos questions.

Le nombre important d'études et de sondages... Parce que, sûrement, au cours des dernières journées, vous avez été inondés de chiffres. Il y a eu sûrement des débats; malheureusement, je n'ai pas pu y assister, mais on m'en a parlé. Alors, compte tenu de ces différents chiffres, ça nous a permis, nous aussi, de constater qu'il y avait une diversité et qu'il y avait une inégalité dans les données recueillies, mais on ne veut pas recommencer le débat ce soir. Ainsi, l'absence d'uniformité, par contre, dans la cueillette des données rend difficile la comparaison de ces études-là et de ces chiffres. Ça devient difficile de définir clairement et objectivement les thérapeutes alternatifs ou les thérapies alternatives. Alors que certains vont même englober la physiothérapie, dépendant des études, d'autres excluront les physiothérapeutes, en incluant toutefois les chiropraticiens et les acupuncteurs, déjà réglementés par des corporations professionnelles. Alors, comment définit-on une thérapie alternative? C'est sûr que c'est une tâche ardue, mais elle devient maintenant essentielle si on veut, en fait,

légiférer ou faire le ménage dans ce domaine. Ainsi, comment pouvoir déterminer avec rigueur qui sont ces thérapeutes alternatifs et surtout — je pense que c'est un point important — leur nombre? Qui plus est, l'absence d'une définition claire et objective ou d'une uniformité dans la terminologie employée pour tous — alors, on peut on nommer plusieurs: médecine officielle, alternative, traditionnelle, approche holistique, thérapies parallèles, douces, etc. — rend encore plus difficile une compréhension sans équivoque à l'égard des thérapies alternatives.

Les physiothérapeutes et les thérapies alternatives. Le physiothérapeute est un intervenant de première ligne. Ainsi, le public peut recourir, dans le secteur privé, à ses services sans référence médicale, comme c'est le cas aussi pour les thérapeutes alternatifs qui reçoivent directement des clients. Comme je le mentionnais, plus de 35 % des physiothérapeutes sont en cabinet privé au Québec.

Les mécanismes de protection du public de la Corporation. Comme vous le savez, nous avons des mécanismes, entre autres, au niveau de l'inspection. Le secteur de la surveillance de l'exercice professionnel visite 300 physiothérapeutes chaque année. Nous avons des enquêtes particulières et nous avons un mécanisme disciplinaire. Au cours des dernières années, je dirais depuis 1985, nous avons axé particulièrement au niveau des approches alternatives, c'est-à-dire de définir, d'avoir des prises de position sur la pratique, entre autres, de l'approche ostéopathique et des techniques d'acupuncture dans le cadre du champ de la physiothérapie. Aussi, il y a eu des inspections qui ont été faites, qui ont été amorcées l'année dernière, dans des secteurs — entre autres, l'approche ostéopathique — pour s'assurer que les gens rencontrent les normes et les standards de la pratique du physiothérapeute. (20 h 20)

Les thérapies alternatives nécessitent-elles d'être réglementées? À notre avis, la première question à se poser: Le public est-il réellement en danger?

Le deuxième point. Il est urgent, avant même de penser à légiférer, de définir les termes «alternatif», «thérapies alternatives», comme je le mentionnais plus tôt, et de faire une distinction entre les thérapies préventives et les thérapies curatives. À notre avis, les thérapies dites préventives ne mettent aucunement la santé du public en danger, et la Loi sur la protection du consommateur nous semble encore le moyen à privilégier pour ce type d'intervention.

Le troisième point. Les thérapies identifiées comme pouvant causer préjudice devraient faire l'objet d'une étude par un groupe — pas nécessairement du domaine médical, des médecins en tant que tels; on parle de groupes d'experts — une étude plus approfondie, pour s'assurer que nous ne faisons pas face à une mode passagère, ou ce qu'on appelle un «fade», qui disparaît en peu de temps. Il faut penser que le système devra vivre avec les décisions qui seront prises en termes de reconnaissance.

Il semble qu'on s'inquiète de la méconnaissance des thérapies alternatives par la population en général. ce phénomène n'est certainement pas unique aux thérapies alternatives. en tant que corporations professionnelles, en tant que professionnels, plusieurs professions déjà sur le marché sont méconnues ou, en tout cas, mal connues du public. à notre avis, il revient à chacun de promouvoir son secteur, de le faire connaître, et il ne revient pas à l'état d'en absorber les coûts. de plus, le consommateur a un rôle actif à y jouer. il doit s'informer. quand on achète un produit ou un service, évidemment, on s'informe. selon notre sondage — on vérifiait comment les gens choisissaient leurs professionnels, et pas uniquement le physiothérapeute — dans la majorité des cas — on parle de 80 % — c'est par le bouche à oreille que les gens font confiance et non les «pages jaunes», puis pas nécessairement son médecin. ils utilisent beaucoup le bouche à oreille pour la référence.

Reconnaissance d'une corporation professionnelle ou de corporations professionnelles pour les approches alternatives. Plusieurs de ces groupes ont revendiqué un statut de corporation professionnelle. À notre avis, il faut, premièrement, se poser la question sur la notion de préjudice, parce qu'en fin de compte c'est ça. Est-ce qu'effectivement il y a un danger? S'il n'y en a pas, soumettons-les à la loi du marché et à la libre concurrence. La protection du consommateur devrait régir tout ça. Par contre, s'il y a une notion de préjudice, il faut vraiment penser, évidemment, à protéger le public. un autre point. il faut penser que, si on veut une corporation professionnelle, il y a cinq critères. je ne les énumère pas, les critères, mais, entre autres, il faut s'assurer que la corporation, les membres, pourront s'assurer qu'ils ont un nombre suffisant pour rencontrer les obligations du code. on parle de mécanismes disciplinaires, d'un code de déontologie, de réglementation, etc., et, à ce moment-là, c'est un nombre qui devrait le justifier. on parle d'un nombre d'environ 6000, 7000 ou 8000 thérapeutes alternatifs. en tout cas, que ce soit 6000 ou 8000, on sait qu'un grand nombre de thérapeutes, de ces thérapeutes-là font déjà partie de corporations professionnelles. je peux prendre l'exemple de l'ostéopathie où, effectivement, en physiothérapie, on va retrouver plusieurs physiothérapeutes. donc, à la lumière de ces données ou des différents pourcentages que vous avez eus au cours de la semaine — et je ne vous reviendrai pas avec les 14 %, les 22 %, les 45 % — à la lumière des données, on sait qu'un grand nombre de thérapeutes alternatifs pratiquant des thérapies alternatives susceptibles de causer préjudice à la santé publique font partie de corporations professionnelles dûment constituées. je fais référence, entre autres, aux chiropra-ticiens, médecins, physiothérapeutes, infirmières, acupuncteurs, pharmaciens. je pense qu'il y en a sept qui ont été identifiées au cours de la semaine.

À notre avis, afin de ne pas créer de structures lourdes, inutiles et redondantes, on préconise certaines recommandations ou certaines suggestions, devrais-je dire. La première: Définir «thérapies alternatives» et distinguer entre une nature préventive ou curative. Alors, déjà, quand on aura fait cette étape-là, on pourra

savoir à qui, quel secteur doit être effectivement réglementé. La deuxième suggestion: Ne pas créer de nouvelles corporations professionnelles pour les thérapeutes alternatifs. La troisième: Que les membres de corporations professionnelles existantes pratiquant des thérapies alternatives soient soumis aux règles et lois de leur corporation et que les corporations professionnelles concernées et identifiées au niveau des thérapies alternatives établissent des normes de pratique et précisent les règles applicables en termes de formation, tenue de dossier, etc., à leurs membres qui veulent les utiliser. Nous, on a déjà amorcé, à ce niveau-là, certaines démarches avec une autre corporation pour, justement, s'assurer qu'il y aura uniformité dans les critères de formation. Je fais référence, évidemment, aux approches ostéopathiques, à l'ostéopathie.

Un autre point aussi, c'est qu'au niveau des thérapies alternatives qui seraient identifiées comme préventives qu'on les confie, en fait, à l'Office de la protection du consommateur, vu que ça devient... En fait, on parle de la loi du libre marché. Par contre, pour les informations au niveau du public, il n'empêche rien que ces thérapeutes, au niveau préventif, puissent se regrouper en association et diffuser l'information à la population, comme les corporations le font ou d'autres associations de consommateurs le font également. Je pense que c'est à chacun que revient le rôle de se faire connaître.

Un autre, un dernier point, c'est... Vous avez sûrement entendu parler de la question, en Ontario, des actes partagés. Je n'avance pas que c'est la solution, ça peut être une piste intéressante, puisqu'on fait référence à une liste d'actes qui seraient préjudiciables à la santé des gens, qu'on a clairement identifiés, et qui pourraient être partagés entre plusieurs groupes qui ont la formation nécessaire. On vient ici, en fait, avec les actes partagés, ça ne veut pas dire exactement ce qui a été identifié en Ontario, mais on vient un peu diviser, je dirais, des monopoles qui existent. On empêche, ce qu'on appelle, à l'occasion, le corporatisme dont nous sommes accusés.

Enfin, pour éviter la confusion, sûrement que, certains d'entre vous, quand vous entendez parler de thérapeute, ça vous dit curatif. Si on veut faire la distinction entre le curatif et le préventif, à notre avis, le titre de thérapeute ne devrait pas être utilisé par des groupes qui disent faire une intervention préventive, pour ne pas utiliser des termes comme «praticien», qui existent dans le secteur. Au niveau de la contribution du réseau des affaires sociales, nous, c'est de favoriser l'accès à des services privés donnés par certains thérapeutes alternatifs, comme c'est le cas au niveau des massothérapeutes, dans les établissements du réseau, tels que centres d'hébergement, soins de longue durée, aux frais du client ou de l'assurance personnelle, qui couvre de plus en plus, de toute façon, ces différents services.

Nous sommes prêts à répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, madame. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président.

Donc, 400 physiothérapeutes qui utilisent certaines techniques, une certaine approche «ostéopathe». J'aimerais en savoir davantage, compte tenu du fait que vous avez évoqué ces chiffres-là et qu'on parle beaucoup d'ostéopathie, d'homéopathie dans les thérapies alternatives qui sont proches d'accéder au cénacle de la reconnaissance dite scientifique, en tout cas avec un peu de recherche, semble-t-il. J'aimerais en savoir davantage. Est-ce que ce sont des physiothérapeutes qui ont suivi des cours complémentaires ou alternatifs — je vous laisse le choix du terme — dans leur formation, et, si oui, où est-ce que c'est suivi? Comme vous avez dit que vous êtes une corporation professionnelle responsable — j'ai bien compris ça tantôt, j'en ai déduit ça — si vous sentez le besoin de faire...

Mme Hétu: L'inspection.

M. Côté (Charlesbourg): ...une visite auprès de 300 par année, y compris ceux-là, c'est que vous êtes responsable et que vous voulez savoir ce qui se passe chez vous. Alors, j'aimerais savoir, au niveau de la formation, comment ça se passe en réalité et la vérification qui découle de tout ça.

Mme Hétu: Je vais commencer, et mes collègues pourront compléter. Alors, le nombre de 440, 420, 450, en tout cas, c'est un chiffre qui est là, on n'exige pas de nos gens qu'ils aient 200 heures, 300 heures, 800 heures faites en formation. Il y a une raison, c'est que, dans notre réglementation, la seule exigence que nous pouvons avoir envers nos membres, pour la formation, c'est le bac, le baccalauréat en physiothérapie. Donc, on ne peut pas exiger qu'ils aient fait tant d'heures pour dire qu'ils font une approche ostéopathique. Nous, notre préoccupation, c'était de bien s'assurer que les gens qui vont faire de la formation... Vous avez sûrement entendu parler du Collège d'études ostéopathiques. Il existe le ROQ; il existe le COQ. Il y en a plusieurs et, évidemment, il y en a qui vont aux États-Unis. La formation n'est pas identifiée comme étant une approche ostéopathique, mais elle s'enseigne dans le cadre de thérapies manuelles. Alors, on parle, au niveau canadien, en physiothérapie, des cours qui sont offerts par notre programme, mais qui ne sont pas uniquement axés sur les approches ostéopathiques. Alors, il n'y a pas de formation minimale exigée pour qu'ils puissent s'afficher ou l'utiliser. (20 h 30)

Par contre, dans le code de déontologie qui existe, les gens qui utilisent une approche, qui utilisent une intervention ou quand ils lisent la littérature sur les nouvelles, comme le laser qui est sorti, qui n'a pas été enseigné à l'université, et qu'ensuite ils apprennent, ils doivent s'assurer que, si jamais il y avait une poursuite, ces gens-là doivent prouver qu'ils ont la formation adéquate pour utiliser ces approches, et ça, à maintes reprises. Que ce soit pour les techniques d'acupuncture, que ce soit pour l'approche ostéopathique ou de nouvel-

les approches en électrothérapie, ils sont traités tous de la même façon, c'est qu'ils doivent s'assurer qu'ils ont la formation, s'ils ont utilisé telle approche. C'est clair que, quand ils utilisent l'approche ostéopathique, c'est dans le cadre du champ que je vous ai évoqué tantôt: rendement fonctionnel physique du client. Alors, il y a des choses sur lesquelles, présentement, on dit: Ça ne fait pas partie du champ de la physiothérapie.

M. Côté (Charlesbourg): Cette approche de physiothérapeute ostéopathique, pour 420, 440, est-ce qu'on la retrouve principalement dans le réseau de la Santé et des Services sociaux, ou si on la retrouve dans le réseau privé?

Mme Hétu: Je vais faire une petite gradation dans le type de... Alors, les gens qui commencent, qui ont fait, je ne sais pas, mettons 25 heures, ils ont certaines connaissances. Ils utilisent comme modalité... En physiothérapie — peut-être que vous êtes déjà allé en physiothérapie — il y a différentes modalités...

M. Côté (Charlesbourg): J'ai été très bien traité. Mme Hétu: Bon.

M. Côté (Charlesbourg): Quand il n'en pouvait plus, il m'a envoyé voir un médecin...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Hétu: Puis, il vous a retourné en physiothérapie.

M. Côté (Charlesbourg): C'est lui qui me l'a enlevé.

Mme Hétu: O.K.

M. Côté (Charlesbourg): Alors, c'est pour ça que je n'ai plus de problème, ils l'ont enlevé.

Mme Hétu: Alors, il y a différents traitements. Il y a des modalités qu'on appelle... Alors, ce n'est pas juste un type d'intervention qui est fait. Les physiothéra-peutes peuvent utiliser une approche ostéopathique dans le cadre d'autres interventions ou décider que leur pratique va se concentrer presque exclusivement sur une approche ostéopathique.

M. Côté (Charlesbourg): O.K, mais donnez-moi un exemple. Je vais vérifier avec mon cas, là.

Mme Hétu: O.K. Exemple de dos.

M. Côté (Charlesbourg): Peut-être que j'ai été...

Mme Hétu: C'est un bon cas.

M. Côté (Charlesbourg): C'est en plein ça.

Mme Hétu: Alors, exemple de dos. En physiothérapie, il peut y avoir, évidemment, au début, pour relaxer au niveau musculaire, etc., application de chaleur. Il peut y avoir une traction, dépendant du type de problème. Il va y avoir enseignement d'exercices, bascule du bassin, etc.. Il peut y avoir mobilisation au niveau de la colonne vertébrale, pour améliorer la mobilité des facettes articulaires, etc. Alors, on parle de différentes interventions qui peuvent être combinées, séparées et que le physiothérapeute dit conventionnel va utiliser.

En ostéopathie, on va avoir une approche... On vous a parlé des approches au niveau crânien, ostéosa-cré, et on utilise tous les systèmes — digestifs, respiratoires — qui vont regarder, je ne dirais pas plus globalement, mais au niveau même des systèmes internes que les physiothérapeutes n'utilisent pas. Peut-être que ma collègue peut compléter à ce niveau-là.

Mme Hamel (France): C'est exact. Les personnes qui ont des hauts diplômes en ostéopathie ont une portion de leur pratique qui peut se distinguer de la pratique courante du physiothérapeute. Elles peuvent traiter des problèmes, peut-être, que les physiothérapeutes, en majorité, ne traitent pas, ou poser des actes qui ne sont pas posés généralement par les physiothérapeutes, même s'ils font des techniques ostéopathiques. À ce moment-là, ces personnes-là devraient s'asseoir ensemble, déterminer quels sont ces problèmes-là et s'entendre pour établir des nonnes et la formation requise. Ils pourraient être agréés à ce moment-là, mais les autres incluent des approches ou techniques dans leur pratique courante.

M. Côté (Charlesbourg): Là, je veux revenir à ma question de tantôt, parce que je n'ai pas été victime de ce traitement-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, tout ça dit sous le sceau de l'humour, parce que, je vous le répète, j'ai eu affaire à des professionnels. Alors, tantôt, je vous ai demandé comme question: Est-ce qu'on retrouve davantage dans le privé ou dans l'institutionnel...

Mme Hétu: Alors, j'avais fait les deux différences. Celui qui va faire une pratique exclusivement ostéopathique — tous les systèmes, et tout ça — on va le retrouver plus fréquemment dans le privé. Par ailleurs, ce qu'on appelle les approches ostéopathiques, ou comme une modalité, sont couramment utilisées par ceux, évidemment, qui ont la formation dans le réseau.

M. Côté (Charlesbourg): Dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Mme Hétu: Oui. Ce n'est pas, je dirais, à part... M. Côté (Charlesbourg): Disons que c'est...

Mme Hétu: ...ça fait partie, ces gens-là l'utilisent dans le cadre de leur pratique.

M. Côté (Charlesbourg): Ce que je dirais, c'est que, lorsqu'on a appris ce langage, ça fait partie de la boîte à outils d'un physiothérapeute...

Mme Hétu: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): ...et, c'est possible. Si tu ne l'as pas, tu ne l'as pas, mais, si tu l'as, ça peut être complémentaire à ta formation et t'aider à résoudre des problèmes qu'autrement tu aurais peut-être plus de difficulté à résoudre.

Mme Hétu: Puis, dans certains milieux, il ne faut pas se cacher qu'il y a aussi, je ne dirais pas des croyances, mais, si un milieu dit: Moi, je considère que ça ne vaut pas la peine, que ce n'est pas utile, je n'y crois pas, alors ce ne sera pas utilisé.

M. Côté (Charlesbourg): Je ferme la parenthèse. Mme Hétu: Ça répond?

M. Côté (Charlesbourg): Oui, ça me... Et vous tenez compte de ça lorsque vous faites l'évaluation?

Mme Hétu: Quand on va faire l'inspection... M. Côté (Charlesbourg): L'inspection.

Mme Hétu: ...il y a la tenue de dossier et, sur place, on regarde ce qui se passe, comment les gens...

M. Côté (Charlesbourg): Vous avez beaucoup parlé de curatif, de préventif et vous dites qu'il faudrait faire une distinction entre des thérapies alternatives qui visent le curatif et les autres, qui visent le préventif. Comment est-ce qu'on fait pour faire la distinction entre les deux, au-delà de ce que vous m'avez déjà dit?

Mme Hétu: Les intervenants eux-mêmes, pour plusieurs, en tout cas... Il y avait justement une émission, «Droit de parole», il n'y a pas tellement longtemps, où on parlait des thérapies alternatives, et plusieurs groupes disaient: Non, nous, on fait du préventif. Là où ça devient problématique, c'est de tracer la ligne, effectivement, parce que l'humain étant ce qu'il est, il lit, il est autodidacte, il apprend, il connaît plus de choses, il est capable de reconnaître certains symptômes, mais, à un moment donné, la ligne est mince, et de tomber dans le curatif, quand on s'identifiait comme du préventif, c'est là qu'est le problème. Mais, pour moi, le curatif, c'est, en fait, quand on commence à faire de l'évaluation. Quand on évalue, on est capable d'établir, je ne dirais pas un diagnostic différentiel, mais de reconnaître des symptômes qui pourraient laisser croire à certains problèmes. Alors, l'évaluation. Quand on parle de thérapie, de traitement, de soigner un problème, c'est-à-dire que je ne suis pas capable de marcher, j'ai vraiment des problèmes physiques qui m'empêchent de fonctionner.

M. Côté (Charlesbourg): D'où être davantage exigeant vis-à-vis des thérapies curatives par rapport aux thérapies préventives. Votre libre marché, dont vous faisiez état tout à l'heure, s'applique davantage aux thérapies...

Mme Hétu: Préventives.

M. Côté (Charlesbourg): ...préventives, donc par l'Office de la protection du consommateur, donc, information et relations contractuelles entre un individu dispensateur de services et un autre, consommateur. Alors, c'est comme ça que vous faites les distinctions, à ce moment-ci.

Mme Hétu: Oui. Bon, la thalassothérapie, etc., qui sont, en fait, préventives, excellentes, qui sont très bien, mais, en fin de compte, le lien se fait avec le... Au niveau de l'Office de la protection du consommateur, c'est un service qui est dispensé.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président.

Mme Tardif (Johanne): Je pourrais peut-être ajouter quelque chose là-dessus.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le ministre. Oh... Excusez, madame. Mme Tardif, s'il vous plaît.

Mme Tardif: J'aimerais juste ajouter un élément. Si on regarde — on en avait discuté — par rapport au champ de pratique des gens qui sont, par exemple, dans le curatif, il peut également y avoir un groupe d'experts qui se penchent sur les modalités d'intervention de ces gens-là. Il y a des modalités qui sont connues comme ayant peu ou pas de contre-indications ou précautions, tandis que, si je prends un exemple direct, pour en citer un, dans le document de l'Office des professions, les tractions, c'est une intervention où il y a des contre-indications qui sont bien reconnues, des précautions. Il y a des gens qui sont dans les approches alternatives et qui utilisent ce type de modalités. À mon avis, il devrait y avoir un comité qui régirait le type d'interventions qui sont reconnues comme ayant des contre-indications ou précautions.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, madame.

M. le député de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Au nom de l'Opposition officielle, je vais saluer la présence de la Corporation professionnelle des physiothérapeutes. Il y a toute une série de groupes comme le vôtre qui sont passés depuis deux jours et que

l'on revoit dans le processus d'analyse d'un certain nombre de problèmes reliés à l'organisation des soins de santé et de services sociaux. C'est avec plaisir qu'on vous revoit, et on reconnaît, encore une fois, le caractère très pratique et l'approche pratique des physiothéra-peutes dans leurs recommandations. Puisque, évidemment, on tient ces consultations avec l'objectif de présenter des modifications au système actuel et, possiblement, je le souhaite en tout cas, encadrer les thérapies alternatives...

Vous évoquez que toute la question de la reconnaissance d'un certain nombre de thérapies alternatives, ça doit être mesuré quant au degré de préjudices qui peuvent être causés à l'individu, au citoyen ou à la citoyenne. Est-ce que, en général... Vous autres, vous portez le jugement de ce que vous connaissez, et par rapport à l'expérience du secteur que vous avez, est-ce que vous affirmez que les thérapies alternatives, généralement connues et reconnues au Québec, il n'y a pas là matière à préjudice grave chez les citoyens et citoyennes qui vont s'adresser à ce service-là, ou qui reçoivent des services de ces thérapeutes alternatifs? (20 h 40)

Mme Hétu: ce qu'on dit, c'est que des thérapeutes alternatifs identifiés, qui pourraient causer, justement, un préjudice, sont déjà en majorité membres de corporations existantes. alors, on parlait des chiroprati-ciens... puis, les chiffres le démontrent, sûrement que ça... tout le monde était d'accord avec certains chiffres de consultation, je pense que c'est 32 % de la population qui consulte les chiropraticiens. ensuite, il y a les acupuncteurs. ils sont déjà réglementés par des corporations professionnelles. on pense aux infirmières, on pense, chez nous, les physiothérapeutes... et le nombre, évidemment, l'indique. il y a les pharmaciens, pas au niveau de la thérapie manuelle, mais au niveau de l'homéopathie. alors, la majorité sont déjà membres de corporations professionnelles, ce qui nous laisse un petit nombre ou peu de gens, en fait, qui seraient préjudiciables à la santé du public.

M. Trudel: Mais il demeure probablement, cependant, que ce deuxième groupe, tel que vous le définissez, c'est là où on retrouve le plus de problèmes susceptibles de se présenter en matière de préjudices au public, puisque, là, on est dans la... Enfin, selon un bon nombre de personnes, on est tous azimuts, dans toutes les directions et, en matière de préjudices, dit-on, il y aurait des dangers.

Mme Hétu: Le problème, c'est qu'on n'a pas vraiment de nombre parce que les études sont tellement différentes et qu'on inclut des groupes différents. C'est difficile de cerner à qui exactement on fait référence. On parle de 100, on parle de 5000? Pas 5000, mais... C'est très difficile de cerner un nombre, un, qui seraient préjudiciables et, deux, l'autre critère, qui sont membres d'une corporation professionnelle. Alors, en ayant ces deux-là, l'intersection où les gens ne sont ni membres de corporations professionnelles, ni préjudiciables, à notre avis, ce n'est pas énorme. Là, je peux juste vous parler par rapport, entre autres, à l'ostéopathie, où on dit que les critères d'admission — et mes collègues pourront me corriger — sont... je pense que c'est un baccalauréat dans le domaine de la santé. À ce que je sache, un baccalauréat dans le domaine de la santé, on parle encore de ceux qui sont réglementés par les corporations professionnelles. Alors, c'est là, pour nous, que le nombre, on dit qu'il est mince, qu'il est petit.

M. Trudel: Mais vous dites, par exemple, dans le cas des ostéopathes... La formation requise pour être admis à quoi?

Mme Hétu: On parle de médecins, on parle d'infirmières, on parle de physio, on parle d'ergothérapeu-tes. Alors, ces gens-là sont...

M. Trudel: Non, mais, est-ce qu'il y a... Est-ce que, vous, vous considérez qu'il y a des critères établis pour tous ceux et celles qui ne sont pas déjà à l'intérieur d'une corporation reconnue par la loi? Les exigences sont tellement vagues, parce que l'ostéopathe, je dirais, qui n'est pas membre d'une corporation, lui, enfin, c'est à la va-comme-je-te-pousse, le critère de sélection.

Mme Hétu: Mais c'est ça. Est-ce qu'on souhaite avoir une espèce de système d'éducation en parallèle? C'est-à-dire qu'il existe des universités québécoises, il y a les collèges d'enseignement. Est-ce qu'on décide d'avoir un système parallèle, qui va dire: On va avoir des maisons privées, comme il en existe en Europe? Il y a des écoles, des universités privées qui donnent de la formation et on va reconnaître. Ça, je pense que c'est un choix, à un moment donné, de dire: Oui, on va accepter un système parallèle, puis...

M. Trudel: C'est parce que, là, on dit la même chose.

Mme Hétu: O.K.

M. Trudel: Ce que vous dites, là, c'est: II faut que ce soit contrôlé quelque part.

Mme Hétu: Oui.

M. Trudel: C'est ce que vous dites. On ne peut pas laisser ça...

Mme Hétu: Oui. Puis, ce que je disais, c'est qu'en fin de compte la question de ceux qui sont entre deux, comment ça se fait que ces «entre-deux» ont pu passer dans ces maisons d'enseignement, qui ne sont pas des maisons d'enseignement, je veux dire, de l'État, c'est-à-dire les collèges ou les universités? Évidemment, il y a des failles qui se sont glissées. Moi, je parle pour des cas d'ostéopathie.

M. Trudel: C'est parce que, actuellement, le

mécanisme de contrôle pour porter le titre d'ostéopathe ne relève d'aucune réglementation, d'aucune législation. C'est bona fide que des associations, que le groupe professionnel concerné décide de fixer sa limite inférieure de formation pour porter le titre ou être admissible au groupe concerné.

Mme Hétu: Mais, à notre avis, il faut que, si on est sept corporations — je ne sais pas quel est le nombre, je pense que c'est sept auxquelles on fait référence — il faut que ces sept-là établissent une... On ne peut pas avoir... que les physio décident que ça va être une formation de tant d'heures de tel collège, puis que les ergos décident que c'est autre chose, puis que les médecins, c'est autre chose. Il va falloir que les médecins, les physios, les ergos décident que c'est une formation, puis qu'il y a des actes ou, en tout cas, des choses d'écrites et que ce soit semblable. Sinon, on ne s'en sort pas, là.

M. Trudel: Par ailleurs, pris de l'autre bout de la lorgnette, je dirais, de tous ces thérapeutes qui ne sont pas couverts parce qu'ils ne sont pas membres d'une corporation professionnelle, ils réclament d'être reconnus. C'est le terme le plus généralement employé, d'être reconnus. Ce que vous dites, à cet égard-là, si je comprends bien, c'est: Bien, laissons des organismes, comme La Coalition — Réseau alternatif de santé du Québec, établir les normes minimales et la reconnaissance des programmes pour les thérapeutes. Ce que vous dites, c'est qu'ils s'organisent en associations, qu'ils se définissent des normes, qu'ils organisent leur vie interne et que l'État ne s'en mêle pas. Est-ce que c'est ça?

Mme Hétu: Au niveau des thérapeutes alternatifs, au niveau préventif, oh oui! Mais je comprends que... Vous faites référence à ceux qui sont entre deux. Alors ceux qui ne sont pas au niveau préventif, c'est-à-dire qui sont dans le curatif, puis qui ne sont pas membres d'une corporation, on ne sait pas le nombre, mais, eux, ils sont assis entre deux chaises.

M. Trudel: Oui, c'est-à-dire... C'est parce que, là, on a une double entrée. Il y a les intervenants, les thérapeutes alternatifs qui sont déjà membres d'une corporation professionnelle et, en plus, vous dites: curatif ou préventif. Je ne distingue pas s'ils sont dans le curatif ou dans le préventif. Je dis tout simplement ceci: Lorsqu'une personne n'est pas membre d'une corporation professionnelle et qu'elle pratique une thérapie alternative, comment on la reconnaît au Québec? Je dis cela, à partir de la réclamation générale de ces gens qui disent: Nous voulons être reconnus au Québec. Je n'ai pas fait de définition quand j'ai dit ça, là. Ils disent: On veut être reconnus. Comment on fait ça?

Mme Hétu: Alors, il y a une première réponse au niveau de... On veut être reconnus, mais pour être reconnus... Reconnus au niveau... Est-ce que vous me parlez d'une corporation professionnelle? Est-ce que c'est ça la reconnaissance à laquelle vous faites référence? Pas nécessairement?

M. Trudel: Pas nécessairement.

Mme Hétu: Ah! O.K., parce que ce n'est pas la même chose. On peut être reconnus par une association, par l'Office de la protection du consommateur. Il peut y avoir des reconnaissances autres. Si on parle d'une corporation professionnelle, à mon avis, c'est différent, parce qu'il doit y avoir un préjudice pour ces choses-là qui sont en ligne de compte. Ça, je pense qu'on l'a réglé. Si c'est une reconnaissance... qu'ils sont membres d'une association, puis qu'ils se sont donné des normes minimales pour, eux, respecter, pour pouvoir, je ne dirais pas vendre, mais pour, en fin de compte, dire que, oui, ils ont des gens qui ont une formation minimale... Oui, à l'association.

M. Trudel: Mais vous laissez ça à l'association professionnelle concernée?

Mme Hétu: Bien oui! Je ne vois pas pourquoi l'État...

M. Trudel: Non, mais, c'est parce que l'on tourne un peu en rond, je dois dire, avec cela, parce que c'est la situation actuelle. Ce que vous dites là-dessus, c'est qu'il n'y a pas lieu d'intervenir, il n'y a pas lieu...

Mme Hétu: C'est parce que je pense que la reconnaissance à laquelle vous faites référence, à mon avis, c'est la reconnaissance d'une corporation professionnelle. Si c'est une reconnaissance de corporation professionnelle, si l'objet c'est la question... Évidemment, une corporation, ce n'est pas une question de protection du public — et je reviens avec la notion que la santé du client peut être en danger — mais, s'ils ne répondent pas à ces critères-là, je me dis: Est-ce qu'on va mettre une structure en place pour ça?

M. Trudel: C'est parce que certains, par exemple, suggèrent l'approche de l'enregistrement, qui en est une façon de reconnaître, l'enregistrement. C'est une des définitions, parce que être reconnu comporte effectivement plusieurs définitions, mais d'obliger à l'enregistrement, c'est une forme de reconnaissance, parce qu'il faut que tu correspondes à des critères pour avoir le droit de t'inscrire, d'être dans un registre. C'est une forme de reconnaissance qui, éventuellement, par exemple, permet à un organisme — et je le cite tout à fait par hasard — à l'Office de la protection du consommateur, tel que vous le dites, de donner de l'information au public subséquemment, en disant: Monsieur, madame est enregistré à tel registre.

Mme Hétu: On parlait tantôt de la loi du marché. À moins que je ne me trompe, dans les villes, il y a des permis qui sont donnés pour ceux qui ouvrent des com-

merces — en fin de compte, ce sont des commerces, c'est lucratif — c'en est une forme d'enregistrement, et il y a des normes que les gens doivent rencontrer. Moi, je le vois à ce niveau-là. (20 h 50)

Mme Hamel: Je pense qu'on pourrait légiférer également en ce qui concerne la publicité. Qu'on donne une publicité complète et entière sur les thérapies qu'on considère utiles, pas les thérapies nécessairement, mais les thérapies préventives que l'on considère utiles et efficaces, qu'on dise qui les donne, la formation de ceux qui les donnent, pourquoi on les donne, qu'est-ce qu'on devrait avoir comme attentes et les effets non désirés, également. Ça fait qu'à ce moment-là on pourrait aller magasiner, je pense, comme citoyens.

M. Trudel: En fait, c'en est une forme de reconnaissance qui pourrait exister.

Mme Hamel: Oui.

M. Trudel: En ce qui concerne les plaintes — pas, encore une fois, pour ceux et celles qui sont membres d'une corporation professionnelle — c'est à l'Office de la protection du consommateur que vous confieriez la mission d'accueillir, de traiter les plaintes et, évidemment, d'administrer le résultat, en matière de thérapies alternatives?

Mme Hétu: Je ne connais pas la structure de l'Office de la protection du consommateur, mais j'imagine qu'ils n'ont pas tous les mécanismes. Nous, on voyait, effectivement, vu qu'on parlait de libre marché, etc., que la question de permis devrait être acheminée à ce niveau-là, mais que les membres de corporations professionnelles ne puissent pas s'éclipser, c'est-à-dire passer à côté, que ces personnes soient obligées d'être membres de leurs corporations professionnelles. Si on parle, de toute façon, de titre réservé, on parle d'ostéopathes agréés ou de choses comme ça.

M. Trudel: Merci de ces précisions. Merci de vous être présentées ce soir. Je pense que vos recommandations vont être utiles à la commission.

Mme Hétu: Merci bien.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Je demanderais maintenant aux gens d'Info-Secte de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Info-Secte

Bonsoir. Ça me fait plaisir de vous accueillir. Vous êtes M. de Grandpré?

M. de Grandpré (Guy): C'est ça.

Le Président (M. Joly): J'apprécierais si vous pouviez nous présenter les gens qui sont avec vous, s'il vous plaît.

M. de Grandpré: Alors, à ma gauche, M. Yves Casgrain, qui est directeur de la recherche à Info-Secte et qui est également l'auteur du mémoire, et, à ma droite, Mme Lucie Arcand, qui est une ex-cliente de ce que nous avons appelé, dans notre mémoire, un gourou thérapeute.

Le Président (M. Joly): Merci. Vous savez comment ça procède, comment on répartit le temps. Vous avez entre 15 et 20 minutes pour nous présenter votre mémoire. Par après, les parlementaires, eh bien, nécessairement, se permettent de vous poser quelques questions. Merci. S'il vous plaît.

M. de Grandpré: M. le Président, nous sommes heureux et fiers de participer aux travaux de cette commission, qui se penche sur la place des thérapies alternatives en se questionnant, notamment, sur les mécanismes de reconnaissance éventuelle à mettre en place à l'égard de certaines thérapies alternatives, sur l'information, également, donnée au public à cet égard et sur la contribution du réseau public aux approches alternatives.

Comme vous avez déjà pu le constater en lisant notre mémoire, nous n'aborderons pas le sujet à partir de considérations ou d'aspects scientifiques. On pense qu'il y a des corporations, des associations compétentes, avant nous, qui l'ont fait. Nous préférons aborder le sujet sous l'angle de la consommation, à partir d'un postulat qui a déjà été évoqué ici, le postulat à l'effet qu'il existe bel et bien un marché des thérapies alternatives — c'est un nouveau phénomène social — et que ce marché présente certaines disfonctions qui commandent, à tout le moins, l'attention du gouvernement.

Info-Secte est un centre de documentation et de consultation sur la pensée sectaire. C'est un organisme à but non lucratif qui a été créé il y a maintenant 13 ans et qui a pour objectif, justement, d'informer la population sur le phénomène des sectes et d'offrir du support aux individus et aux familles qui auraient connu des difficultés avec ces sectes. Notre organisme a mis sur pied une imposante bibliothèque, un des centres de documentation, dans le domaine, qui est le plus reconnu à l'échelle du Québec et du Canada. Nous possédons des livres, des revues, des documents de tous les coins de la planète. Nous sommes devenus, je pense, depuis 13 ans qu'on existe, une ressource largement utilisée tant par les citoyens eux-mêmes que par des professionnels de la santé et des services sociaux, du monde de la consommation, de différents corps publics, également, et même d'entreprises qui font appel à nos services.

Simplement sur le plan des appels, nous en avons reçu plus de 700 l'an dernier, et ça ne comprend pas les visites à notre bureau. Une majorité de ces appels-là provenaient de familles et d'individus aux prises avec des difficultés qu'eux-mêmes ou des proches ont connues avec ce que nous avons appelé et ce que nous appelons des sectes. C'est ainsi qu'Info-Secte en est venu, au fil des témoignages recueillis et de la documen-

tation colligée, à constater qu'une grande proportion des adeptes ou des ex-adeptes de sectes ne savaient pas qu'ils joignaient des mouvements de cette nature, soit parce qu'ils étaient amenés à y adhérer sous de fausses représentations ou soit qu'ils le faisaient à un moment où des difficultés de nature psychologique, physique ou émotive les empêchaient de se comporter en consommateurs avertis.

Voilà posée, en ce qui nous concerne, la toile de fond de notre intervention. Il appert en effet, à notre avis, que nous sommes en face d'une situation nouvelle, celle de la prolifération des groupes de croissance, des nouvelles religions ou des thérapies dites alternatives, qui n'est pas sans rappeler, à notre avis, celle qui prévalait avant que des lois et règlements ne viennent discipliner le marché des biens de consommation. Aujourd'hui, d'ailleurs, il semble que les gens magasinent davantage pour s'acheter un réfrigérateur ou une voiture que pour se trouver une thérapie alternative. C'est qu'ils ne possèdent pas, en la matière, ni les repères, ni les avis, ni l'information qui puissent éclairer leur choix, pas plus que les recours en cas d'insatisfaction, à moins d'avoir signé au préalable un contrat en bonne et due forme. et pourtant, le phénomène est connu; le marché est là, qui évolue sous nos yeux, avec ses moyens de communication de masse, des chroniques et des rubriques dans des quotidiens, trois magazines spécialisés, et j'en passe. les citoyens, nous croyons, sont à la merci de charlatans dès lors que le marché n'est pas réglementé, et, comme le révèle le sondage que le document émis par le secrétariat des commissions publie, 65 % des citoyens craignent, d'ailleurs, les charlatans.

Plus qu'une simple mode, l'engouement nouveau de la population à l'égard des thérapies alternatives illustre une nouvelle tendance sociale en matière de santé. L'enquête Multi-Reso, dont faisait justement état le document produit par la commission, témoigne bien du fait que les Québécois veulent prendre en main leur santé physique, psychologique et spirituelle, qu'ils sont de plus en plus nombreux à ne plus accepter d'être cantonnés à certaines thérapies officiellement reconnues, qu'ils souhaitent pouvoir, en ce domaine, exercer leur liberté de choix. Voilà, a priori, une excellente chose, d'autant plus que le concept de santé et de bien-être a évolué, pour inclure aujourd'hui une vision plus holis-te — parce que c'est une expression couramment utilisée — plus globale de l'être humain, une conception à laquelle adhèrent un nombre croissant de citoyens, et dont se réclament la plupart des thérapies alternatives. Cette conception globale de l'être humain appelle des façons nouvelles de guérir les maladies. Pour guérir le corps malade, les thérapeutes alternatifs n'utiliseront guère les moyens thérapeutiques utilisés par les médecins; ils feront appel à toute une variété de thérapies physiques, et/ou psychologiques, et/ou spirituelles, qui sollicitent les émotions du client et l'énergie qui circule dans son corps. Les médicaments seront remplacés par des plantes, des tisanes, des huiles essentielles, ou tout autre produit dit naturel. L'intervention chirurgicale sera réduite à son minimum et sera remplacée par des techni- ques jugées compatibles avec la vision holistique de la santé.

Lorsque l'approche holistique est récupérée par des charlatans ou des gens peu vertueux, elle ouvre la porte à la manipulation psychologique du client par le thérapeute. Cette possibilité est augmentée lorsqu'il s'agit d'une psychothérapie. Lorsque le thérapeute holistique ajoute un aspect spirituel à sa thérapie, l'ouverture à la manipulation est béante. L'intervenant, s'il ne respecte pas une forme élémentaire d'éthique, peut facilement devenir ce que nous appelons un gourou thérapeute. Profitant au maximum de la vision holistique de la santé, le gourou thérapeute est en possession d'informations intimes qui lui permettent de contrôler son client, son adepte. Au surplus, le thérapeute gourou possède la totale confiance de son adepte. Ce dernier s'est peu à peu totalement abandonné entre ses mains. Le client qui consulte un thérapeute pour guérir est habituellement dans un état de vulnérabilité physique, psychologique ou émotive. Que le client en soit conscient ou non, cet état psychologique facilite grandement la tâche de tout thérapeute qui voudrait abuser du client, et cela se produit malheureusement trop souvent. Nous, à Info-Secte, le constatons tous les jours. (21 heures) comme le suggère le document publié par le secrétariat des commissions, 65 % des personnes interrogées, avons-nous dit, lors d'un sondage réalisé en mars 1992, croient qu'il y a trop de charlatans parmi les thérapeutes alternatifs. toujours selon le sondage réalisé par le ministère de la santé et des services sociaux, 58 % des québécois trouvent qu'il y a peu de moyens de s'assurer de la qualité de la formation des praticiens. ces statistiques, croyons-nous, parlent d'elles-mêmes. malgré la présence de plus en plus visible des thérapies alternatives au québec, l'information objective, capable de renseigner le public sur les méthodes employées par un thérapeute et sur ses antécédents, est presque inexistante. cette lacune est extrêmement grave, puisqu'elle ouvre la porte à tous les abus.

Parmi les sept droits généralement reconnus au consommateur se trouve le droit à l'information, qui signifie que le consommateur peut obtenir les renseignements nécessaires afin de lui permettre de faire un choix en toute connaissance de cause et de se prémunir contre toute information trompeuse ou biaisée. Puis, il y a aussi le droit à la sécurité; il y a aussi le droit à la réparation. À défaut de pouvoir réglementer le marché des thérapies alternatives, il semble bien que le consommateur soit laissé à lui-même et ne puisse bénéficier de ses droits. On accepte de lui donner accès à ce qui ressemble à une jungle de thérapies alternatives, mais on n'a pas encore cru bon de le doter d'une boussole et de lui en montrer le fonctionnement.

Cette approche est dangereuse, surtout à une époque où la pensée magique fait des ravages. Devant des situations pénibles, voire désespérées, de plus en plus de citoyens recherchent la panacée qui réglerait définitivement tous leurs problèmes et qui les soulagerait de la difficile responsabilité d'exercer quotidiennement

leur esprit critique.

La reconnaissance par le gouvernement des thérapies alternatives doit donc nécessairement s'accompagner, à notre avis, de la mise sur pied de mécanismes de protection pour les utilisateurs de ce genre de service. C'est pourquoi, M. le Président, Info-Secte a émis quelques recommandations, précisément dans le but de protéger le public contre les abus causés par une minorité de thérapeutes alternatifs, mais une minorité déjà trop grande, et par des charlatans. Info-Secte recommande donc au gouvernement de mettre sur pied un organisme de surveillance des thérapies alternatives. Cet organisme de surveillance, qui serait indépendant ou incorporé à l'intérieur d'une structure déjà existante, aurait notamment comme tâche de fournir de l'information objective sur l'ensemble des thérapies alternatives, de définir la formation des thérapeutes alternatifs, de recevoir et de traiter les plaintes des usagers des thérapies alternatives et de créer un code de déontologie que serait tenu de respecter l'ensemble des thérapeutes alternatifs. Ce code de déontologie pourrait s'inspirer de ceux en vigueur chez les corporations et les regroupements de thérapies alternatives. Le code de déontologie stipulerait, entre autres choses, qu'il est interdit de se servir de toute thérapeutique pour faire du recrutement ou pour imposer ses croyances au client.

Nous avons aussi recommandé que l'Office de la protection du consommateur accorde aux consommateurs des thérapies alternatives et des nouvelles religions les mêmes droits que ceux généralement reconnus aux consommateurs de biens et services, à savoir le droit à la sécurité, le droit à l'information et le droit à la réparation, tels que définis par l'Organisation internationale des unions de consommateurs.

Nous avons enfin demandé que soit favorisée et promue l'éducation à la pensée critique dans les écoles, entendu que la génération de demain évoluera dans une société de plus en plus pluraliste et qui offrira une gamme encore plus étendue de thérapies alternatives.

Voilà ce que nous avons voulu faire, en bref, par cette présentation qu'on voulait complémentaire à notre mémoire. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie, M. de Grandpré.

M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président.

On aurait voulu choisir pour vous une journée, peut-être, mémorable, avec les événements de la semaine. Je pense que ça donne la chance à tout le monde d'explorer ce monde mystérieux, qui attire l'intérêt, même à 22 heures le soir, de notre commission parlementaire.

Vous proposez un organisme de surveillance, qui a, d'après vous, un mandat qui va jusqu'à la formation, on parle jusque de formation. On a vu, au cours de la semaine, en parlant de thérapies alternatives, qu'il y en a toute une variété. On a tenté de cerner les thérapies alternatives qui, aujourd'hui, répondent à un certain questionnement scientifique, comme l'homéopathie, l'ostéopathie — on répète là — l'acupuncture, et ainsi de suite, pour tenter de cerner là où on peut progresser, demain, par rapport à d'autres thérapies alternatives qui font appel, pour les uns, à du préventif, pour d'autres, comme l'ACEF l'a démontré en fin d'après-midi et vous rejoint passablement sur le plan des appréhensions et des craintes par rapport à du vécu — même eux l'ont expérimenté sur le terrain à plusieurs reprises... La formation est donc un élément de base, au niveau des thérapeutes, qui est essentiel. Donc, une bonne formation, et, ce que je comprends ici, c'est que vous souhaitez qu'il y ait des exigences sur le plan de la formation. Mais j'imagine qu'on ne peut pas être aussi exigeant dans des thérapies alternatives dites naturelles, préventives par rapport à des thérapies qui vont plus dans le curatif, et on vient d'en avoir un exemple avec les physiothérapeu-tes.

Comment distinguez-vous les thérapies alternatives qui vont procurer du bien-être à un individu — par soit le curatif ou, même, le préventif — par rapport à d'autres thérapies alternatives qui ne sont pas de même niveau? Comment est-ce qu'on fait pour distinguer tout ça? Et on ira plus loin, tantôt, parce que j'ai l'impression que, dans ce que vous évoquez au niveau d'Info-Secte, quand on parle de charlatans, effectivement, il y en a un bon nombre. Les gens le craignent, comme vous l'avez dit. Le sondage est assez clair là-dessus. Il faut tenter de les éliminer. C'est un peu ça qu'on veut faire. Mais, si on veut éliminer les charlatans, c'est une question de formation, c'est une question de connaissances, c'est une question d'information du public. Je pense que vous le relevez bien. Mais, sur le plan de la formation, comment est-ce qu'on fait ça? Qu'est-ce qu'on exige? De qui, et de quelles thérapies alternatives? Et, s'il se présente un gourou à quelque part, évidemment, qui réussit à enrôler le monde, même si on exige des formations de base, j'ai toujours compris, quand ils nous en présentent quelques-uns à la télévision qui avaient réussi à enrôler du monde, c'était toujours des diplômes bien... Puis, règle générale, des diplômes qui viennent d'Europe. C'est encore plus impressionnant.

M. de Grandpré: De Genève.

Écoutez, M. le ministre, il y a deux aspects, peut-être, à votre question que j'aimerais aborder. Il y a celui, d'abord, de la méthode de livraison de la thérapie, donc la publicité au préalable, et des moyens utilisés pour livrer la thérapie, qu'elle soit curative ou préventive. C'est un petit peu ce qu'on a voulu aborder, nous, à Info-Secte, en parlant de fausses représentations. Je pense que, dans un premier temps, il faudrait s'assurer qu'il n'y a pas des charlatans — puisque l'expression est lancée — qui utilisent le paravent de thérapies alternatives parce que c'est rendu «politically correct» — comme l'environnement l'est et d'autres — pour masquer d'autres visées.

Vous comprendrez que nous, à Info-Secte, on est un peu spécialisés là-dedans. On en a plein. M. Cas-

grain, tantôt, pourra sûrement en parler davantage, mais on en a quotidiennement, des cas de gens qui ont été floués, d'une certaine façon, par des gens qui se disaient des thérapeutes alternatifs, avaient une approche globale de l'être humain, condamnaient la médecine traditionnelle pour offrir quelque chose qui devait guérir un cancer, par exemple. Ces gens-là se sont rendu compte par la suite, après avoir subi des dommages parfois irréparables, qu'ils avaient été floués sur le plan de la représentation ou de la publicité.

Donc, il y a cet aspect-là qui s'appellerait plutôt la livraison de la marchandise. Qu'on ait eu une bonne formation ou non, ce problème-là subsistera.

Le problème de la formation, je pense qu'il sera réglé par les gens très sérieux qui évoluent dans le domaine même des thérapies alternatives et qui, probablement, sans que j'aie suivi les travaux de cette commission-ci, ont évoqué, eux aussi, le besoin de se structurer sur le plan de la reconnaissance et, probablement, de la formation. Formation qu'ils dispenseraient eux-mêmes ou que le monde de l'éducation formelle assumerait, ça, c'est à voir, on n'est pas compétents en la matière. Mais il n'y a pas de doute que vous trouverez dans le milieu des thérapies alternatives et le véhicule... Il y a même un editorial dans un magazine connu qui s'appelle le Guide Ressources, qui est une revue fort respectable, qui, justement, recommande qu'on fasse, au plus vite, le ménage là-dedans pour éviter que les charlatans, qui, effectivement, occupent le terrain, puissent proliférer.

En matière d'éducation, il faut voir s'il y aura une passerelle de faite avec l'éducation formelle ou non. C'est un des objectifs de notre société, d'établir des passerelles entre le monde de l'éducation et le marché du travail. Pourquoi ne pas tenter de la faire aussi dans le domaine de la médecine alternative ou des thérapies alternatives, à défaut de quoi on pourrait remettre à ceux qui se réclament de cette mouvance-là de l'assumer, à partir, bien sûr, de codes de déontologie qu'une de nos recommandations propose de mettre en place? Et, à cet effet-là, on propose un organisme de surveillance du respect du code de déontologie qui serait un code parapluie, à notre point de vue. (21 h 10)

M. Côté (Charlesbourg): À partir du moment où on a des exigences sur le plan de la formation, on peut présumer que ceux qui sont sérieux vont aller chercher la formation qu'il faut pour dispenser les thérapies alternatives. Donc, notre problème de formation est réglé. On peut être devant une situation où, effectivement, il y a un gourou qui a cette formation-là. Deuxième possibilité, c'est celle de l'information du public. Donc, davantage mettre en place des mécanismes qui vont permettre d'informer le public sur des situations possibles, réelles dans certains cas, parce que, évidemment, il y a tellement d'exemples qu'on voit maintenant que c'est réel, mais l'information doit quand même avoir ses limites. Et, au-delà de ça, même si on imposait un code de déontologie, qu'est-ce qui nous dit qu'on va éliminer le genre de situations qu'on retrouve cette semaine, par exemple, en pleine actualité?

On ne peut pas être plus d'actualité que ce qui se passe cette semaine. Parce qu'on peut toujours continuer de bien informer le public, ce n'est pas la première, au niveau du Québec. On en a eu d'autres où les gourous sont rendus en Ontario après avoir fait un séjour dans l'Estrie, et je me rappelle — comme je suis originaire de la Gaspésie — de Moïse, et lui aussi était là. Donc, on a informé le public, on a mis en garde le public, c'est largement médiatisé. Qu'est-ce qu'un code de déontologie permettrait de régler dans un cas comme celui-là? Et je pense que le but que vous poursuivez est un but extraordinaire, et d'éviter que les gens soient victimes d'abus dans ces situations-là... Mais qu'est-ce que le code, en plus de la formation, en plus de l'information, pourrait nous permettre de régler? Jusqu'où on peut aller là-dedans, au-delà de l'information publique?

M. de Grandpré: Je vais laisser M. Casgrain répondre et je vais faire un préalable à sa réponse. Je pense que, nous, notre préoccupation, c'est le consommateur et de l'outiller au mieux pour qu'il puisse faire des choix éclairés, des outils qu'il ne possède pas en ce moment. Si, une fois que le consommateur est bien outillé, bien informé, il fait quand même des choix qui, a posteriori, apparaissent mauvais, au moins, on pourra se dire collectivement que nous avons mis les paramètres et les balises en place. Il y a bien des cas de ce genre, en tout cas nous on le voit quotidiennement à Info-Secte, qui nous disent que, s'ils avaient été bien informés, s'ils avaient eu des recours, s'ils avaient eu accès à un code de déontologie largement publicise, parce qu'il ne s'agit pas de le mettre sur une tablette, probablement qu'ils n'auraient pas fait ce même choix.

M. Casgrain, peut-être, pourrait compléter.

M. Casgrain (Yves): C'est ça. Pour poursuivre la réponse, c'est que, quand on a un code de déontologie qui est publicise, ça permet de... Autrement dit, un code de déontologie, c'est comme une espèce de balise qui permet, pour le public, pour le consommateur, de savoir ce qui est permis, ce qui n'est pas permis de faire. C'est sûr que ce n'est pas... Je dis souvent qu'Info-Secte n'a pas de solutions miracle et qu'il y aura toujours des charlatans, il y en aura tout le temps. Mais, s'il y a un domaine où c'est flou, c'est bien les thérapies alternatives, y compris les sectes, et tout ça. Alors, le fait d'avoir des balises claires, précises, un code de déontologie qui serait publicise, c'est sûr que ça ne réglerait pas le problème. Il y en aura toujours, des charlatans, sauf que ça mettrait entre les mains du public un autre outil pour exercer, justement, un meilleur choix et avoir un esprit critique, et de savoir reconnaître les abus. Parce que, souvent, des abus ça se fait... La manipulation se fait étape par étape, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Alors, le client, même avant de choisir son thérapeute, pourrait être prémuni et dire: Bon — comme une espèce de boussole — maintenant je sais ce que le thérapeute peut faire et ce qu'il ne doit pas faire avec moi. Et, dès qu'il va s'apercevoir qu'il y a une amorce

vers quelque chose qui n'est pas permis, il pourra s'en apercevoir beaucoup plus vite et, donc, éviter d'avoir à subir toutes les conséquences négatives. C'est sûr que ce n'est pas, comme je le répète, une solution miracle. Les codes de déontologie, les thérapeutes peuvent ne pas les respecter, on a déjà vu ça dans d'autres professions, mais, au moins, c'est là, et ça permet, encore une fois, à l'utilisateur de savoir ce qui est permis et ce qui n'est pas permis.

M. Côté (Charlesbourg): Ça a une valeur éducative de la population et ça donne, à tout le moins, des opportunités de mieux la protéger. Si je vais dans vos propositions, vous parlez du droit à la réparation, bon, droit à la sécurité, droit à la réparation. Qu'est-ce que c'est que ce droit à la réparation, et quand ce droit à la réparation s'applique-t-il? Par exemple, quelqu'un qui aurait été bien informé d'un code de déontologie, en poussant à l'extrême, mais sur le plan de l'information, et qui décide, malgré tout cela, d'aller dans une secte et, au bout de x temps, est victime d'un certain nombre de choses, est-ce que, par exemple, cet individu-là pourrait avoir le droit à la réparation, et comment ça fonctionnerait dans ces cas-là, et qui, à ce moment-là, en assume les frais?

M. de Grandpré: Les frais... Écoutez, je pense que, ce qu'il faut souhaiter, c'est que le code de déontologie stipule notamment qu'une entente contracturelle doit s'établir entre le thérapeute et le client, éventuellement. Dès l'instant où il y a un lien légal qui s'établit entre deux citoyens, tous les recours déjà en place sont dès lors possibles. La réparation, dans ce sens-là, n'est pas tellement différente de ce que l'Office de la protection du consommateur publicise pour les consommateurs de biens matériels quand ils sont soit victimes de fausse publicité ou qu'ils voient qu'une garantie qu'on leur avait promise d'une durée x meurt après un temps y.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, est-ce qu'on ne risque pas d'être dans un droit illusoire? Prenons un exemple qui est du passé: Dans la mesure où Moïse de la Gaspésie aurait eu à faire face à des poursuites, compte tenu du lien contractuel qu'il avait avec des gens qui se retrouvaient avec lui en Gaspésie, sur le mont — je ne me rappelle plus trop du nom — même si la société avait saisi des camps en bois rond qu'il y avait là, on n'aurait pas pu en tirer grand-chose, finalement, pour payer la réparation. Je comprends le principe, parce qu'on a vu, au cours de la semaine, des bâtisses, si elles sont payées, qui peuvent avoir une certaine valeur et le permettre, effectivement, sur le plan financier. Mais ce n'est pas toujours ça qui est recherché sur le plan de la réparation, je pense, et surtout, l'aspect que vous abordez qui est sous l'angle du consommateur, dans la manipulation psychologique avec toutes les conséquences que les individus peuvent subir. Donc, est-ce qu'un droit à la réparation ne serait pas autre chose que du financier, par exemple? (21 h 20)

M. de Grandpré: Absolument. Oui, bien sûr, mais c'est une des conséquences d'un contrat mal tenu que de subir des sévices, qu'ils soient physiques, matériels ou psychologiques.

M. Côté (Charlesbourg): Mais, à ce moment-là, est-ce que ce n'est pas l'État, tout simplement, qui devrait en faire les frais? Parce que bien sûr que la plupart de ces gens-là se retrouvent quelque part — quand on les retrouve. Si on les retrouve, ils sont plus souvent qu'autrement en prison. Si on ne les retrouve pas, ils sont à l'étranger où il n'y a aucune possibilité d'aller les poigner comme il faut et de dire: Bon, vous allez maintenant vous assurer que la réparation se fait. Donc, c'est l'État.

M. de Grandpré: Bien, je ne le sais pas. Ce n'est sûrement pas la victime.

M. Côté (Charlesbourg): Non, j'espère.

M. de Grandpré: Alors donc, je pense qu'un des risques à assumer la vie en collectivité, effectivement, c'est de voir qu'il y a de la déviance. Je pense qu'il faut limiter la déviance à son strict minimum et mettre les moyens en place pour s'assurer que la déviance se résume à sa partie la plus congrue.

Oui, Yves.

M. Casgrain: Au niveau des thérapies alternatives, le client qui se ferait manipuler, il pourrait y avoir, dans certains cas du moins... On sait que c'est très payant. Dans certains cas, les séances, enfin — je suis bien placé pour le savoir — les personnes qui viennent me consulter déboursent des sommes d'argent assez fortes. Donc, pour certains thérapeutes gourous, comme j'ai dit dans le mémoire, c'est qu'ils ne sont pas tous à la tête de grandes organisations, et tout ça. Certains vont se contenter, tout simplement, d'avoir une clientèle et de fixer rendez-vous après rendez-vous, jusqu'à temps que le client s'aperçoive qu'il est manipulé, et bon, il s'en va. Et c'est justement là, le problème, lorsqu'il s'aperçoit qu'il est manipulé, lorsqu'il s'aperçoit, en fin de compte, que le thérapeute n'a pas respecté l'éthique professionnelle, enfin l'éthique qu'il devrait respecter normalement. Et, s'il y avait un moyen de faire en sorte que le thérapeute devrait obligatoirement rembourser tout l'argent que le client lui a donné, à ce moment-là, ce serait une forme de réparation qui serait possible. Comme mon collègue essayait de le dire tout à l'heure, ce serait comme l'Office de la protection du consommateur. Et il y a parfois possibilité de remboursement, parfois pas. Si la compagnie décide de faire faillite, c'est fini. Sauf que, en ce moment, ça ne se fait pas. Alors, ça pourrait se faire, et ce serait déjà un plus.

M. de Grandpré: Je pense qu'il y aurait lieu de compléter, M. le ministre, de peut-être faire un calcul de ce que ça coûte, présentement, à la société de ne pas réglementer les thérapies alternatives. Nous, il nous

semble qu'il y a là certainement... Il y aurait peut-être moyen de vérifier ou de s'assurer qu'il n'y a pas des fuites fiscales trop importantes. Nous croyons qu'il y en a, d'après notre expérience. Il y a énormément d'argent qui se transite dans des thérapies dites alternatives, où il n'y a pas de lien contractuel, où il n'y a pas de balises. C'est de l'argent perdu pour l'État.

La protection des renseignements personnels dans ces domaines-là — je sais que ça a été le sujet d'une des commissions parlementaires ici aussi — est extrêment problématique. Ça entraîne des coûts sociaux importants aussi pour l'État. Vous saisissez un petit peu la dimension? C'est-à-dire qu'il faut faire le calcul, là aussi, du pour et du contre.

M. Côté (Charlesbourg): Ce n'était pas... Il ne fallait pas le prendre comme un reproche que de penser que ça puisse être la société. Il faudrait se le dire dès maintenant, pour ne pas qu'on ait de surprises au moment où ça pourrait arriver éventuellement. Alors, ça me précise... C'est un droit à l'individu, finalement, de réparation d'un préjudice causé, parce que la société n'a pas été assez exigeante ou prudente quant aux exigences qu'elle devait imposer à des gens qui pratiquent des thérapies dites alternatives. Mais évidemment, on a dit tantôt que c'étaient des charlatans, dans la plupart des cas.

Ça va, merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre.

M. le député de Rouyn-Noranda—Témiscamingue. Je crois comprendre aussi que... Je pense, que M. le député de Shefford aimerait peut-être intervenir aussi.

M. Paré: Non.

Le Président (M. Joly): Non? Parfait. Merci. M. le député, s'il vous plaît.

M. Trudel: Alors, merci, M. le Président.

Nous allons aussi souhaiter la bienvenue aux gens d'Info-Secte. On connaît, en général, votre travail au Québec, vos interventions, et vous oeuvrez dans un domaine de consommation qui est probablement le domaine le plus délicat qui puisse exister parce qu'on est à la frontière de la technique, de la croyance, des idées, ce que d'aucuns appellent, dans le domaine des sectes... On est plutôt en matière du «trust de la foi». Comme disait Denis Monière, lorsqu'il était à l'Université d'Ottawa: II y a là une organisation, et ce que ça représente sur le plan financier n'est pas négligeable.

Compte tenu de ce que vous nous avez exposé, des réponses que vous donniez au ministre sur les éventuels mécanismes de protection qu'il faudrait instituer, j'aimerais ça avoir les réflexions de Mme Arcand.

Mme Arcand, vous vous présentez à nous, ce soir, comme une ex-adepte. Vous êtes — vous avez été, en tout cas — une victime de ces sectes ou, enfin, de groupes similaires. J'aimerais ça que vous nous disiez en quelques mots, d'abord, c'est quoi, votre expérience et surtout qu'est-ce qui, à votre avis, aurait pu prévenir le fait d'être la victime d'une secte. Quand vous vous regardez, donc, uniquement comme consommatrice, comme victime, encore une fois, qu'est-ce que vous eussiez espéré qui aurait été en place pour ne pas, aujourd'hui, être avec nous comme victime?

Le Président (M. Joly): Mme Arcand, s'il vous plaît.

Mme Arcand (Lucie): Merci. Ce qui aurait été bien, c'est l'information. Je n'avais pas d'information. Beaucoup de gens...

M. Trudel: Voulez-vous nous dire brièvement, si ça se dit, de quel truc ou de quelle secte...

Mme Arcand: Ah! O.K.

M. Trudel: ...avez-vous été la victime?

Mme Arcand: O.K. Je m'excuse. Je recommence. Moi, je faisais une psychothérapie, quelqu'un qui avait une très bonne réputation, et cette personne-là, petit à petit, m'a convaincue de rencontrer des médiums guérisseurs. J'ai refusé. Au bout de deux ans... J'ai refusé en 1989. En 1992, je suis retournée la voir, cette psychothérapeute-là, parce que j'avais un problème, j'avais de la difficulté à prendre des décisions. J'avais un problème émotif, donc. Et j'avais des problèmes physiques aussi. Je mentionne «physiques» parce que, quand notre corps est atteint dans la maladie, le moral descend aussi. Donc, en plus de mes problèmes émotionnels, j'étais vraiment à plat.

Je suis allée la revoir parce que j'avais confiance en elle, plus qu'en quiconque, et elle m'a suggéré encore d'aller voir des médiums guérisseurs, et, cette fois-là, j'ai accepté. C'est comme ça que j'ai été en contact avec les médiums guérisseurs. J'ai rencontré les médiums guérisseurs cinq fois. Je suis sortie de là parce que je pense qu'on avait essayé de me bourrer trop vite. Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire. Mais je suis sortie de là meurtrie parce que j'ai vécu des peurs, je me sentais honteuse d'avoir succombé à ma psychothérapeute. Moi qui était forte dans mes résolutions de ne jamais aller là, j'y ai été quand même. Émo-tivement, psychologiquement, ça m'a déstabilisée. Mais, moi, j'ai été chanceuse d'une certaine façon, parce que, en septembre, je commençais des cours à l'université en psycho sociale, et, dans mon premier cours, on parlait justement de la conformité, tout ce qui est les sectes, le sectarisme, et tout ça. Et ça m'a aidée. Mon professeur me donnait l'information qui me manquait pour comprendre ce qui m'était arrivé, et je me dis, avec ça, si j'avais eu ce cours-là avant, je n'aurais même pas accepté un rendez-vous. J'aurais peut-être fait autre chose, je ne sais pas quoi, mais c'est certain que je n'aurais pas été là. Mais là, ça m'a aidée à m'accepter, et tout ça. Quand j'ai su qu'il y avait des victimes beaucoup plus graves, : qu'il y avait eu même des décès, c'est là que

j'ai commencé à m'impliquer avec les gens, à faire une ligne ouverte, et tout ça.

Est-ce que ça répond à votre question?

M. Trudel: Oui, tout à fait. D'où votre conclusion de dire: En pareille matière, la prévention s'appelle information.

Mme Arcand: Oui. Absolument.

M. Trudel: Et, comme citoyenne, vous n'aviez pas les instruments, en tout cas vous n'aviez pas de perception quant à l'endroit, quant au groupe, à quelque part où vous pouviez aller vous renseigner. Vous ne sentiez pas qu'il y avait un endroit de référence, un point de référence à quelque part, en pareille matière.

Mme Arcand: Non.

M. Trudel: Et, à Info-Secte, de votre côté, est-ce que vous êtes capables de dire aussi qu'en plus de l'information — compte tenu de la nature des situations que vous avez rencontrées ou des problèmes que vous rencontrez — il y a également une mission d'accompagnement des consommateurs? J'explique un peu ma question de la façon suivante. On est en présence, surtout dans le monde des sectes, on est probablement en présence des personnes qui présentent le plus grand degré de vulnérabilité en matière d'exploitation, si bien qu'on a souvent l'impression que l'information ne suffit même pas. Ça prend un mécanisme d'accompagnement pour être capable de sortir ces gens d'un ensemble de croyances qui se sont transformées en des techniques manipula-toires. Est-ce exact de décrire ce phénomène-là de cette façon-là? (21 h 30)

M. Casgrain: Nous, à Info-Secte, l'accompagnement se fait nécessairement par les proches, avec les proches de membres de thérapie alternative qui a tourné en secte ou, encore, de sectes religieuses comme telles, et c'est sûr que... Évidemment, c'est très dur, c'est très difficile parce qu'on ne traite pas avec la personne qui est concernée, on traite avec la famille et les proches, et notre méthode — et notre but, non plus — ce n'est pas de faire en sorte de sortir l'individu de force du mouvement. Donc, il faut respecter, quand même, son choix, enfin son choix relatif, là; on ne peut pas l'enlever de force non plus, à l'intérieur. Donc, ça se fait à travers la famille. Donc, ce qu'on fait, c'est qu'on montre aux gens comment faire pour entrer en contact, entrer en dialogue avec une personne qui est donc un proche, qui est donc dans un mouvement qui est fermé, qui est sectaire et qui n'aime pas, justement, l'extérieur et la société, habituellement. Donc, on leur donne des moyens, des méthodes, pour essayer de faire en sorte que l'esprit critique de l'individu — qui est toujours là, mais qui est comme endormi, qui est comme gelé, là — d'essayer de le réanimer, cet esprit critique là. Mais ça, à Info-Secte, ce qu'on a pu constater, c'est que c'est long, c'est très difficile, et, parfois, ça ne donne pas de résultats, et il faut — il faudrait, en fait — plus, plus de monde, en fait, qui pourrait accompagner ces gens-là, ces familles-là. Et, comme, à Info-Secte, on est vraiment un tout petit organisme, on ne peut absolument pas répondre à cette mission-là, et c'est pour ça qu'on aime davantage miser, évidemment, sur la prévention, et on essaie de réparer les pots cassés, mais ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile, parce qu'on n'est pas soutenus dans cette mission-là. Ça, c'est difficile, mais on essaie quand même de le faire, avec les moyens du bord.

M. de Grandpré: Effectivement, l'étape entre la prévention et la réparation des pots cassés, là, il y a un manque qu'on n'assume pas; ce n'est pas notre mission. Un complément d'information, c'est que nous sommes en étroite collaboration, nous travaillons en étroite collaboration avec des praticiens du domaine de la santé. Nous n'intervenons pas, parce que nous n'avons pas les compétences, là, auprès des individus, quant à l'accompagnement plus spécialisé; alors, la Corporation professionnelle, des psychologues du Québec, les travailleurs sociaux, aussi, la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec, et d'autres corporations travaillent étroitement avec nous. Alors, nous pouvons référer, là, des cas de gens qui veulent de l'accompagnement — parce qu'ils le manifestent — à ces corporations-là. Mais effectivement, là, il y a un problème d'accompagnement des gens vulnérables, là, qui cheminent sur un terrain glissant, là, un accompagnement qu'on ne peut pas assumer.

M. Trudel: Vous parlez, donc, de la création d'un organisme de surveillance — vous dites qu'il serait indépendant ou incorporé à l'intérieur d'une structure déjà existante — qui aurait comme tâche de fournir l'information, de définir la formation, etc. Vous dites quoi, là? Incorporé à l'intérieur d'une structure déjà existante: Vous voulez nous dire à quelle structure vous faites référence? Éclairez-nous ça un peu, là.

M. de Grandpré: Bien, dans le fond, ce que nous disons, d'une part, on est conscients des limites, là, des finances publiques aussi, là; je ne crois pas qu'il faut nécessairement créer des nouvelles structures pour le plaisir d'en créer, compte tenu du fait qu'il y a des coûts reliés à ça, mais il est peut-être possible d'utiliser des structures déjà existantes, que ce soit l'Office de la protection du consommateur ou l'ordre des professions, s'il élargissait son mandat, ou d'autres structures qui pourraient voir leur mandat augmenté. C'est une possibilité qu'il faut envisager.

M. Trudel: Je veux revenir un peu sur le volet réparation, auquel vous faisiez allusion il y a quelques minutes, et pour lequel le ministre disait: Bien, il s'agit peut-être d'un droit. Même si on l'incluait dans la loi de la protection du consommateur, ça serait peut-être un droit illusoire, puisqu'on a affaire, souvent, à des gens qui n'ont pas ou peu de biens; et, par ailleurs, nous

avons toujours un objectif, en général, au niveau des thérapies alternatives, d'éliminer le charlatanisme. Est-ce que vous pensez que la technique d'obliger celui ou celle qui porte le nom de thérapeute, de l'obliger à avoir une assurance-responsabilité serait de nature, soit à faire le ménage ou à concrétiser, aussi, à concrétiser la réparation comme étant possible pour le citoyen et la citoyenne qui est lésé, mais que... Est-ce que ça pourrait nous aider à faire le ménage, l'obligation de détenir une assurance-responsabilité lorsqu'on s'affiche thérapeute?

M. de Grandpré: Voilà certainement une idée qui pourrait répondre à ce besoin-là de réparation, une assurance-responsabilité civile qui permettrait au thérapeute d'être protégé aussi, en même temps, contre les risques inhérents à la profession même, mais qui permettrait quand même à l'usager ou au client d'obtenir réparation par le biais d'une action, en évoquant ses droits qui ont été violés, par exemple. C'est une idée qui est déjà utilisée par bien des corporations professionnelles. Dieu sait que ça coûte cher à certains avocats, comptables et autres pour se payer une assurance-responsabilité civile, mais l'expérience leur a prouvé que c'était un outil extrêmement utile. Et probablement que cette expérience-là pourrait être adaptée de façon fort favorable à la problématique qui nous intéresse aujourd'hui.

M. Trudel: Et ça pourrait probablement nous permettre, dans bien des cas, de séparer l'ivraie du bon grain, n'est-ce pas? J'imagine, quelque part, parce que, évidemment, l'entreprise privée qui fournirait une assurance-responsabilité va aller vérifier la formation et le degré de capacité d'administrer la technique et d'en contrôler les effets, et de quelle technique il s'agit, effectivement.

Une toute dernière question en disant que, bon, par ailleurs, je pense qu'on pourrait mettre au monde, évidemment, la meilleure gamme ou la plus grande gamme de mesures législatives pour protéger le citoyen et la citoyenne contre ces sectes ou ces croyances, il n'en demeure pas moins effectivement, donc, qu'on a tous la responsabilité d'exercer le jugement critique et que, quelque part, il faut aussi fournir des évaluations subjectives. Qu'est-ce que vous voulez, dans ce bas monde, tout n'est pas mesurable à la même aune. Est-ce que vous pensez qu'on devrait augmenter substantiellement l'aide pour l'évaluation de ces différentes approches et qu'on puisse rendre ces évaluations publiques de façon à aider le citoyen et la citoyenne à porter un jugement?

M. de Grandpré: Écoutez, c'était une de nos recommandations. C'était, en quelque sorte, de permettre au citoyen d'être bien informé et de trouver les mécanismes et les moyens les plus efficaces, de lui donner cette information-là, donc de se munir de mécanismes de recherche, de documentation objective que pourraient utiliser les citoyens désireux d'utiliser des thérapies alternatives, en tout cas des informations qui pourraient les aider à faire un choix plus judicieux.

Nous sommes à une époque, je crois, de reconnaissance de plus en plus grande que ces expertises-là existent ailleurs, nécessairement, que dans l'État. De toute façon, ces expertises-là, si elles existent et si elles ont fait leurs preuves, devraient être encouragées et appuyées. Vous me permettrez, M. le député, de prétendre que nous constituons certainement un des groupes qui, depuis 13 ans, a fait ses preuves à cet égard. Il y en a d'autres. Et il n'y a pas de doute que ce serait un moyen fort efficace, économique et, je pense, fort accepté d'aider des groupes déjà compétents à mieux faire et à mieux réaliser leur mission — une mission qui s'impose — et de l'information qui est, je pense, absolument nécessaire quand on considère les effets néfastes sur les citoyens qu'a la présence de certains de ces groupes indésirables dans notre société.

M. Trudel: Je pense aussi qu'on peut ajouter qu'un bon nombre de corporations professionnelles, par ailleurs, recèlent de ressources qui pourraient être utiles en matière de fournir des critiques ou des évaluations, tout comme les universités québécoises peuvent fournir un grand nombre de ressources pour l'évaluation d'un certain nombre de ces thérapies, l'évaluation au sens d'une description evaluative, pas pour porter un jugement sur le fait que ce soit bon ou pas bon, que ce soit acceptable ou non acceptable, parce que là on tombe dans le domaine des valeurs. Mais on peut, je pense, retrouver, dans les établissements d'enseignement et de recherche du Québec, un bon nombre de ressources qui, pour peu qu'on se soucie de leur placer la commande, pourraient procéder à ces évaluations pour nous aider à porter jugement et pour faire en sorte aussi que, pour les citoyens et les citoyennes, on puisse, en général, dire: Bien, le truc qui vous est présenté, c'est carrément de la manipulation, il y a du danger, il y a eu des victimes, et ça peut avoir des conséquences plus ou moins graves ou l'inverse aussi. Il s'agit effectivement, dans d'autres cas, disons, de thérapies alternatives plus douces, dont les effets... Certains ont dit aujourd'hui: Au mieux, elles vont vous faire du bien; au pire, ça ne vous fera rien.

Merci de votre présentation. (21 h 40)

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup.

Compte tenu du temps, là, je pense qu'on peut se permettre encore quelques questions. Je sais qu'il y a M. le ministre qui aurait une question et M. le député de Matapédia. Et, moi-même, j'aurais une courte question.

Alors, je reconnais M. le député de Matapédia.

M. Paradis (Matapédia): Oui, rapidement.

Mme Arcand, la personne à qui vous avez fait confiance, là, la première que vous avez consultée, c'est une psychologue, une psychothérapeute?

Mme Arcand: La personne que j'ai consultée la première, c'était ma psychothérapeute. Je l'ai...

M. Paradis (Matapédia): Elle avait le titre de psychothérapeute ou de psychologue? Est-ce qu'elle était...

Mme Arcand: Je l'ai connue en tant que profes-seure. La première fois que je l'ai vue, j'ai pris un cours de transition au travail, moi.

M. Paradis (Matapédia): O.K.

Mme Arcand: O.K.? C'est un petit cours d'orientation en même temps, là. On se cherche un peu, tout ça. Je l'ai connue là.

M. Paradis (Matapédia): O.K. Puis ce n'est pas ça ma vraie question.

Mme Arcand: O.K.

M. Paradis (Matapédia): J'y arrive. De quelle information auriez-vous eu besoin, compte tenu que c'était une professionnelle — avec un code de déontologie tout bien chromé, là, tout bien correct — et que c'est elle qui vous référait à un tiers, finalement, qui était, en tout cas, le thérapeute alternatif, entre guillemets, là, et lorsque vous étiez dans un état de vulnérabilité et que vous faisiez entièrement confiance à ce professionnel-là reconnu? De quelle information? Parce que, tout à l'heure, vous avez dit: La conclusion de mon expérience, c'est de l'information.

Mme Arcand: Oui.

M. Paradis (Matapédia): Mais quelle information, puisque c'est une professionnelle reconnue qui vous l'a recommandé?

Mme Arcand: O.K. Je comprends un peu, là, qu'est-ce que...

M. Paradis (Matapédia): Bien, je peux poser la question à M. le président aussi, là. Je ne trouve pas de réponse parce que c'est une professionnelle reconnue.

Le Président (M. Joly): Mme Arcand, s'il vous plaît.

Mme Arcand: C'est qu'elle n'est pas reconnue. O.K.? J'ai commencé ma thérapie avec elle en pensant qu'elle était reconnue...

M. Paradis (Matapédia): Ah bon! Mme Arcand: ...et, au cours des mois... M. Paradis (Matapédia): O.K.

Mme Arcand: ...j'ai su qu'elle n'était pas reconnue. Je suis tombée des nues. J'ai dit: Ah! Comment ça?

M. Paradis (Matapédia): O.K.

Mme Arcand: Bon, là, elle m'a expliqué son affaire. Mais, moi, mon processus était enclenché.

M. Paradis (Matapédia): O.K.

M. de Grandpré: Mais c'est là le coeur de notre démonstration. Vous comprenez bien que...

M. Paradis (Matapédia): Ah oui!

M. de Grandpré: Bien, de toute façon, c'est exposé depuis deux jours ici, le problème de la reconnaissance. Qu'est-ce qu'un thérapeute? En tout cas, Mme Arcand a vécu ça, là.

M. Paradis (Matapédia): On se donne un titre puis, par la suite, on utilise, finalement, la vulnérabilité des gens pour les manipuler, jusqu'à un certain point.

Mme Arcand: Est-ce que je peux ajouter quelque chose?

Le Président (M. Joly): Oui, Mme Arcand, allez, s'il vous plaît.

Mme Arcand: O.K. Merci beaucoup. C'est que ma psychothérapeute, dans ma région, c'était une personne qui avait une réputation d'honorabilité extrême. Elle a enseigné, elle était la psychothérapeute attitrée d'un centre X. Donc, sa réputation était sans tache, elle était admirée de tous. O.K.? C'est un agent d'influence extraordinaire, à ce moment-là.

Le Président (M. Joly): M. le ministre, est-ce que...

M. Côté (Charlesbourg): Ça va.

Le Président (M. Joly): Moi-même... C'est un drôle d'adon...

M. Côté (Charlesbourg): On est trois sur la même question, là.

Le Président (M. Joly): Je suis un peu dans la même veine que mon collègue, ici. Non, mais ma première question, c'était: Dans quelle région demeuriez-vous? Parce que, dans le fond, je voulais savoir si vous demeuriez dans une grande région comme Montréal, où, à ce moment-là, ça devenait un petit peu difficile. Non, mais c'est que... Je reviens avec ce qui ressort d'à peu près tout le monde qui s'est présenté ici, où on a dit que la publicité d'à peu près tous les thérapeutes se concentrait strictement dans le bouche à oreille. Donc, j'imagine que, vous aussi, vous avez dû être référée par le bouche à oreille ou par l'influence de la bonne réputation qui était déjà faite ou surfaite à cette thérapeute-là. Mais, si vous faites de la publicité de bouche à oreille

dans le positif, quand ça fonctionne bien, est-ce que, quand ça ne fonctionne pas bien, vous refaites la même publicité de bouche à oreille?

Mme Arcand: Je pense que les gens ont peur. Moi-même, j'avais honte. O.K.? C'est ça, là. Mon point à moi, c'est, avant d'avoir eu l'information, à l'école, que c'était normal, ma réaction, comme, après des manipulations, la-la-la... Ne pas avoir su que c'était normal, je n'aurais jamais parlé, je n'aurais jamais rien dit. Je ne sais pas si vous pouvez comprendre la honte...

Le Président (M. Joly): II y a eu un abus de confiance, madame.

Mme Arcand: Oui.

Le Président (M. Joly): Bon. Moi, j'en suis au point que...

Mme Arcand: Oui.

Le Président (M. Joly): ...si on bâtit des réputations...

Mme Arcand: Oui.

Le Président (M. Joly): ...est-ce qu'on peut aussi débâtir des réputations...

Mme Arcand: Ah bien, oui!

Le Président (M. Joly): ...et est-ce que le rôle, aussi, de Info-Secte est de dénoncer ces gens-là, aussi? Ça, c'est la question, moi, qui me...

M. de Grandpré: Bien écoutez, là, là-dessus... Bien, Yves, tu peux peut-être essayer de répondre. Vous savez, un organisme petit comme le nôtre, qui se sentirait, quand même, appuyé dans sa mission, pourrait aller...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. de Grandpré: ...au fond des choses, pourrait, à ce moment-là, être beaucoup plus proactif, un peu comme l'Office de la protection du consommateur ose le faire à l'égard de grosses compagnies qui ont les reins solides. Alors, si vous souhaitez qu'on puisse dénoncer, dans la population, des abus dont on est témoin, on ne demande pas mieux, mais vous comprenez que, à ce moment-ci, on doit aussi — puis c'est un peu mon rôle en tant que président du conseil d'administration de cet organisme-là — tenter, là, d'assurer la survie de l'organisme, notamment en ne se mesurant pas constamment à des adversaires qui n'apprécieront pas qu'on les dénonce, si vous me suivez.

Le Président (M. Joly): Moi, je vous remercie. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Juste vous remercier pour votre contribution, et j'ai senti, à travers votre présentation, un appel, aussi, subliminal...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): À peine voilé.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, à peine voilé, compte tenu de ce qui a déjà été publié et du peu de reconnaissance qu'a le ministère de la Santé et des Services sociaux vis-à-vis d'Info-Secte, avec tout ce qui a pu circuler à l'époque. J'ai aussi senti cet appel-là. Je l'ai entendu, et on verra ce qu'on peut faire pour tenter de vous supporter. Il est bien évident que, avec les budgets que vous avez, vous ne pouvez pas faire une multitude de choses et que vous avez décidé de vous concentrer sur un certain nombre d'objectifs que vous faites très bien. Il s'agira de voir si on peut avoir l'ouverture qu'il faut pour tenter de vous aider en respectant la mission qui est celle de mon ministère.

Merci.

Le Président (M. Joly): Avec l'accord des membres de cette commission, j'aimerais peut-être reconnaître M. le député de Shefford, qui me démontre qu'il a une petite question à poser. Alors, j'imagine qu'il y a consentement. Merci.

M. Paré: Oui. Alors, merci beaucoup.

Très rapidement, par rapport à ce qu'on vient de dire, que de dénoncer ça pourrait faire cesser, finalement, la pratique, est-ce que, dans la région qui vous concerne, le fait d'avoir dénoncé, le fait qu'il y ait eu une telle publicité là-dessus, à votre connaissance, le mouvement continue ou s'il est défait et il n'y a plus de victimes — ou ils vont recommencer ailleurs, ou ils vont recommencer à zéro — mais que, pour le moment, c'est comme interrompu, l'activité de la secte dont on vient de parler et qui vous concerne directement?

Mme Arcand: O.K. Non. Leurs activités ne sont pas interrompues. Par contre, à la ligne téléphonique qu'on a mis sur pied, ma soeur et moi, on a eu des appels de gens d'autres sectes. Bon. Les gens perdent des sous, perdent leur santé, tout ça. Sectes ou médiums guérisseurs, là, qui ont des dons spontanés qui leur tombent du ciel, là, puis... Nous, on fait notre possible, comme on dit. On est même allé rencontrer des gens. Nous, on est de Cowansville et on est allé rencontrer des gens à Lotbinière. On ne peut pas donner vraiment ce qu'on voudrait donner, là, comme... Parce que, si quelqu'un veut sortir de ça, veut se retirer, il faut qu'il soit vraiment soutenu par quelqu'un. Moi, je ne peux pas toujours prendre ma voiture, puis aller vers les gens, faire des longues distances. Moi, je reste dans Saint-Ignace-de-Stanbridge, c'est gros de même, puis, moi, quand je fais un appel, c'est des longues distances partout, assez que, en tout cas, j'ai eu des problèmes à ce niveau-là. Mais, avoir eu, je ne sais pas, moi,

1-800, la-la-la, oui, j'aurais pu aider plus les gens, puis probablement que d'autres se seraient greffés à nous, aussi, pour appeler, continuer l'écoute, faire un suivi bénévolement, tu sais, mais c'est long avant que quelqu'un décroche vraiment. Il faut qu'elle se rende compte, puis, la personne, il faut qu'elle fasse le processus inverse, elle aussi, dire: Ah! j'ai été trompée. C'est difficile à accepter, avoir honte d'avoir, comme... Moi, je me mets à la place de ma psychothérapeute, des fois. Je me dis: Mon Dieu! la journée où elle va réaliser! Elle a amené toute sa clientèle, elle, là. Tu sais, ça va être dur de rebrousser chemin, parce qu'on ne se prend pas, à nos propres yeux, alors, bon, c'est long, mais c'est faisable, je pense. J'y crois, moi.

M. Paré: Merci beaucoup, au nom de la commission, de votre présentation, aussi. Merci, madame, en particulier, de ce témoignage à visage découvert. Ce n'est probablement pas facile. Il faut en entendre, ici, pour être en mesure, je pense, de prendre des décisions qui nous amèneraient à une meilleure protection dans les années à venir. Je le souhaite.

Merci beaucoup. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, au nom des membres de cette commission. Bien apprécié. Merci.

Donc, la commission ajourne ses travaux à demain, 9 heures, dans cette même salle.

Merci. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 21 h 50)

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