L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des affaires sociales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des affaires sociales

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 13 février 1997 - Vol. 35 N° 56

Consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu : un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi»


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Diane Barbeau, présidente suppléante
M. André Gaulin, président suppléant
Mme Louise Harel
Mme Nicole Loiselle
M. Henri-François Gautrin
M. Russell Copeman
M. Jean Garon
Mme Marie Malavoy
Mme Margaret F. Delisle
Mme Solange Charest
M. Russell Williams
M. Yvon Charbonneau
M. Mario Dumont
* M. Michel Philibert jr, CPJ
* M. Marc-André Dowd, idem
* Mme Martine Bouchard, idem
* M. René Simard, idem
* Mme Françoise David, FFQ
* Mme Françoise Jutras, idem
* Mme Huguette Labrecque-Marcoux, idem
* Mme Nathalie Thibault, JOC
* Mme Josée Desrosiers, idem
* Mme Josée Belleau, L'R des centres de femmes du Québec
* Mme Ginette Bergevin, idem
* Mme Chantal Provencher, idem
* Mme Francyne Ducharme, idem
* M. Richard Ouellet, CNJ
* Mme Isabelle Dubois, idem
* Mme Isabelle Bouchard, idem
* Mme Mélanie Presseault, CJPL
* M. Frank Mariage, idem
* M. Sylvain Frenette, Commission des jeunes de l'Action démocratique du Québec
* M. Jean-François Tétrault, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, chacune et chacun d'entre vous. Nous recommençons nos travaux. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a quorum?

La Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le livre vert intitulé La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi .

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Marsan (Robert-Baldwin) sera remplacé par Mme Delisle (Jean-Talon); M. Parent (Sauvé) par M. Charbonneau (Bourassa); Mme Signori (Blainville) par Mme Simard (La Prairie); Mme Vaive (Chapleau) par M. LeSage (Hull); et M. Williams (Nelligan) par M. Gautrin (Verdun). Voilà.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, madame.

Vous avez tous reçu l'ordre du jour. Si je comprends bien, l'ordre du jour est adopté tel que présenté. Alors, nous recevons comme premier groupe le Conseil permanent de la jeunesse.

Une voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il y a beaucoup de discipline, M. le député, à cette commission.

Je reçois le Conseil permanent de la jeunesse, je vous salue et je vous invite, M. Philibert, à présenter les gens qui vous accompagnent.


Auditions


Conseil permanent de la jeunesse (CPJ)

M. Philibert (Michel jr): Bien, je vous remercie de nous avoir invités à participer à cette importante commission.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): D'autant plus qu'on vient d'apprendre que, pour tous vos autres, je pense que c'est la dernière fois.

M. Philibert (Michel jr): Attendez donc, là. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On apprécie beaucoup votre présentation d'avance.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Philibert (Michel jr): Vous vendez mes punchs. Bon. Je vais vous présenter ceux qui m'accompagnent: René Simard, qui est agent de recherche au Conseil permanent de la jeunesse; Marc-André Dowd, qui est vice-président du Conseil; Martine Bouchard, qui est membre du Conseil et qui est directrice d'un SEMO-Jeunes, donc en relation directe avec le terrain.

Donc, oui, j'aimerais vous signaler aussi que c'est notre... ça risque, en tout cas, d'être notre dernière présentation, du moins en commission parlementaire, c'est la dernière du troisième Conseil permanent de la jeunesse parce que nos mandats sont déjà terminés depuis une semaine. Mais sans aucun doute vous allez avoir l'occasion de vous pencher sur la loi du Conseil qui va permettre une nomination de nouveaux membres du Conseil permanent de la jeunesse. Alors, il nous fait davantage plaisir de vous saluer comme c'est la dernière fois.

Donc, disons d'abord que le Conseil attendait impatiemment ce projet de réforme de la sécurité du revenu. Sachant que les jeunes adultes prennent malheureusement une place importante dans l'effectif des personnes assistées sociales, nous avions donc hâte de savoir comment le ministère allait s'adapter aux besoins et aux attentes de ces jeunes qui, en très grande majorité, vous allez le constater, sont en fait des chômeurs et des chômeuses qui sont en train de gaspiller leurs énergies. Nous étions aussi inquiets devant les rumeurs persistantes alimentées par la mise en place des mesures AGIR et Options et des dernières recommandations des rapports Fortin et Bouchard à l'effet de diminuer l'accès de ces jeunes à l'aide de dernier recours. Or, nous sommes comblés. Nous sommes à la fois heureux de constater que l'on veuille s'occuper des jeunes sans emploi et inquiets parce que des irritants majeurs qui risquent de contribuer à l'échec de la réforme sont maintenus ou introduits inutilement, du point de vue des jeunes évidemment, mais aussi de nombreux participants à cette commission.

Avant d'aborder ces irritants en question, je trouve quand même important de signaler que nous sommes d'accord avec la priorité accordée aux jeunes et aux responsables de familles monoparentales. Nous sommes aussi en accord avec l'instauration des parcours individualisés qui permettra, nous le souhaitons vivement, de sortir l'individu des ornières tracées par les mesures d'employabilité inadéquates et inefficaces. Nous sommes d'accord avec le regroupement des services d'aide à l'emploi à l'intérieur des centres locaux d'emploi et la séparation des fonctions liées à l'aide à l'emploi et l'aide financière. Nous considérons aussi important que l'on cherche à être plus équitables envers les travailleurs et travailleuses à faibles revenus. Et, finalement, nous trouvons prometteur l'introduction du caractère local et régional dans le fonctionnement des centres locaux d'emploi. Ces orientations-là ont déjà été recommandées par le Conseil à travers différents avis et mémoires et ces orientations-là auraient dû être adoptées depuis déjà un certain temps, mais il semble qu'il ne soit jamais trop tard. Mais, même s'il n'est pas trop tard, il faut reconnaître qu'il se fait déjà très tard. Les jeunes adultes ont besoin d'aide plus que jamais.

Dans notre avis sur la pauvreté des jeunes, en 1993, nous trouvions intolérables les taux de pauvreté affectant les jeunes Québécois et Québécoises pour l'année 1990, et nous demandions au gouvernement d'agir rapidement pour améliorer cette situation. Or, ces taux de pauvreté des jeunes n'ont cessé d'augmenter. Aujourd'hui, nous demandons donc non seulement au ministère de la Sécurité du revenu, mais au gouvernement dans son ensemble de passer à l'action, de faire de la place aux jeunes adultes, et, bien sûr, pour améliorer leurs conditions de vie, mais aussi pour empêcher que la situation sociale devienne explosive. Car, devant de telles disparités et la marginalisation d'une grande partie de la jeunesse, il y a risque de problèmes sociaux graves.

Ce n'est pas vrai que, dans votre temps, c'était comme ça. Le taux de chômage n'était pas constamment si élevé. Un jeune avec une bonne formation, et puis même sans formation, se faisait offrir des emplois plus que décents. L'État et les grandes entreprises étaient en pleine expansion. On mettait en place toutes les infrastructures dans les régions. Les jeunes étaient nombreux, influents, beaucoup mieux formés que leurs prédécesseurs; ils pouvaient constituer une famille et entrer dans le monde de la consommation rapidement, et le Québec n'était pas reconnu comme étant la province affichant les plus haut taux de pauvreté du Canada. Aujourd'hui, la situation des jeunes adultes est devenue un problème social qui révèle notre incapacité collective à solutionner les très graves problèmes du manque d'emploi et du partage de la richesse. Vous le constatez, s'il y a du bon dans cette réforme-là, c'est qu'elle invite à s'interroger sur les conditions de vie des jeunes adultes qui sont méconnues.

Maintenant, nous aimerions aborder les propositions du projet de réforme qui posent problème au Conseil et aux jeunes adultes assistés sociaux et à ceux et celles qui n'auront d'autre choix que de le devenir.

D'abord, l'aide financière. Nous rappelons que la prestation de base actuelle offerte par la sécurité du revenu correspond environ à 39 % du revenu sous lequel on est réputé vivre dans la pauvreté. Considérer que la prestation de base actuelle de 500 $ par mois pour une personne seule est si largement généreuse qu'elle ne mérite même pas d'être indexée annuellement encourage le travail au noir, la fraude, la prostitution et d'autres formes de criminalité. Les jeunes assistés sociaux doivent intégrer le marché du travail le plus rapidement possible de façon à éviter de sombrer dans la pauvreté chronique. Ils doivent donc avoir la possibilité de se chercher activement un emploi ou de participer à un cheminement visant à les intégrer à l'emploi. À cet égard, nous remarquons que les prestations qui leur sont accordées ne satisfont pas leurs besoins essentiels. Ainsi, bon nombre de jeunes assistés sociaux sont beaucoup plus préoccupés par leurs besoins relatifs à l'alimentation et au logement qu'à l'emploi. Ils doivent donc bénéficier d'une aide financière accrue de façon à pouvoir subvenir à leurs besoins: nourriture, logement, transport, habillement, loisirs, garderie, etc., et ainsi pouvoir investir plus d'énergie dans un cheminement d'intégration professionnelle. Le Conseil suggère donc au ministère de la Sécurité du revenu de réévaluer ses méthodologies servant à déterminer le montant permettant de répondre aux besoins essentiels et lui recommande de hausser les prestations de base au moins jusqu'à ce que la prestation québécoise moyenne atteigne la prestation canadienne moyenne qui offre environ 100 $ de plus mensuellement.

(10 h 20)

Nous entrevoyons deux problèmes dans la proposition du projet de réforme à l'égard des familles monoparentales. Tout en étant d'accord pour que le ministère cherche à engager des responsables de familles monoparentales dans un parcours le plus rapidement possible, nous ne voyons pas encore une fois d'intérêt à les obliger à le faire et à diminuer leurs prestations mensuelles du même coup. Tant pour les jeunes en général que pour ces personnes en particulier, le ministère ne peut pas, en raison de l'inefficacité dont il a fait preuve jusqu'à maintenant dans l'offre de services d'emploi, imposer à qui que ce soit une participation dans un parcours. Ces personnes participeraient volontiers au parcours si la preuve de leur utilité et de leur efficacité avait été faite et reconnue. Tant mieux si on réussit à élargir l'accès aux services de garde et améliorer la qualité. Mais peut-on obliger quelqu'un à aller sur un marché du travail comblé, offrant des emplois précaires et mal payés? L'État peut-il légitimement imposer un choix de vie aux parents? Peut-il s'ingérer à ce point dans la relation intime qui lie parent et enfant? Conséquemment, le Conseil recommande au ministère de la Sécurité du revenu d'abandonner son intention de rendre obligatoire la participation à un parcours pour les responsables de familles monoparentales. Il recommande aussi de réviser à la hausse l'aide financière offerte, sans conditions, aux responsables de familles monoparentales prestataires de l'aide sociale et à leurs enfants.

D'autre part, les rapports et les études que nous avons récemment consultés recommandent unanimement l'abolition de la clause permettant de réduire de 104 $ par mois la prestation de quelqu'un qui partage son logement. Nous trouvons inacceptable que le projet de réforme ne tienne pas compte de cet avis. En fait, il est universellement reconnu que vivre seul accentue les risques de pauvreté durable et de dépendance sociale. Il est universellement reconnu également que l'intégration sociale et professionnelle passe par l'entraide, la solidarité, la débrouillardise et le soutien de l'entourage. Les coupures pour partage du logement sont injustifiables sur les plans individuel et social et tout à fait non rentables sur le point de vue économique puisqu'elles favorisent l'allongement de la dépendance sociale. Il faut, au contraire, encourager les jeunes prestataires qui vivent seuls à partager leur logement dans le but d'améliorer un tant soit peu leurs conditions de vie et leurs chances de s'intégrer. Le Conseil permanent de la jeunesse reprend donc ses recommandations formulées en 1993 et demande à nouveau au ministère de la Sécurité du revenu d'abolir les clauses permettant d'imposer des coupures en cas de partage du logement.

M. Dowd (Marc-André): Je vais maintenant aborder avec vous les questions relatives au parcours. Il ne faut pas se tromper, nous sommes d'accord pour que le ministère de la Sécurité du revenu considère les jeunes comme une clientèle prioritaire. En fait, on l'a déjà demandé en toutes lettres, que ce statut soit accordé aux personnes assistées sociales âgées de moins de 30 ans. Mais la réciprocité à laquelle s'attendent les jeunes assistés sociaux doit se concrétiser par la lutte contre la pauvreté et la création d'emplois, et d'emplois qui permettent de vivre décemment. C'est à cette seule condition qu'ils accepteront le contrat que leur propose le projet de réforme. Pour l'instant, rien de tout cela n'est offert. De plus, le parcours individualisé n'est pas une panacée. Il peut se révéler tout à fait inefficace ou, disons, aussi efficace que le système actuel si sa mise en oeuvre est trop rapide, comme on l'a vu pour les mesures AGIR et Options, ou si on ignore des éléments majeurs dans le processus d'intégration sociale et professionnelle des jeunes, parce que c'est bien de ça dont il est question, l'intégration sociale et professionnelle des jeunes.

Or, il y a un élément qui peut compromettre l'atteinte de cet objectif du projet de réforme et c'est le caractère obligatoire et discriminatoire de l'inscription à un parcours qui est imposée aux jeunes prestataires aptes et disponibles de 24 ans et moins. Au cours de nos consultations, on n'a jamais rencontré un intervenant ou une intervenante, dont le travail est d'aider les jeunes assistés sociaux à intégrer le marché du travail, qui prônait quelque forme de discrimination ou l'obligation de participer à ce genre de démarche, que cet intervenant travaille dans le milieu institutionnel ou communautaire. Les personnes qui aident les jeunes sont même d'avis que le volontariat est l'un des facteurs de réussite d'une démarche visant l'intégration. Leur expérience enseigne que quelqu'un qui n'est pas intimement prêt à s'engager dans des activités qui exigeront assiduité, détermination et patience ne le sera pas plus si on l'oblige à le faire, d'autant plus si cela est fait sous la menace.

À titre indicatif, les jeunes assistés sociaux qu'on a récemment rencontrés ont aussi leur idée sur le caractère obligatoire du parcours. Plusieurs jeunes âgés de 24 ans et moins, et donc directement concernés par la nouvelle mesure, nous ont dit être déjà assez incités à quitter l'aide sociale sans être davantage à la merci d'un conseiller et des coupures de prestations qu'il peut imposer. Ceux et celles qui ont entre 25 et 30 ans – on en a rencontré aussi – tout en étant contre l'obligation telle que présentée dans le projet de réforme, s'inquiètent en plus de voir toutes les ressources d'aide à l'emploi orientées vers les 18-24 ans, les laissant ainsi seuls avec leur chèque de 500 $ par mois et leur petit bonheur.

Entre ici en ligne de compte une autre considération. Le Conseil, les jeunes et les intervenants qu'on a consultés, tout le monde est d'avis que le ministère et son réseau renouvelé de services d'aide à l'emploi ne pourront offrir l'aide adéquate et les activités d'insertion non seulement aux prestataires qui voudront s'en prévaloir, mais aussi à tous ceux et celles qui devront le faire. Après de nombreuses années de pratique et la multiplication des appellations des mesures d'employabilité, ce réseau n'a jamais pu faire face à la demande tant du côté de la quantité des activités de formation et d'insertion que du côté de la qualité des activités et de l'encadrement. Rien ne permet de croire que cela va changer radicalement dans les six prochains mois. De plus, les organismes communautaires, sur lesquels le ministère dit pouvoir compter, sont déjà ensevelis de demandes et croulent sous le manque de ressources. En fait, avant d'obliger qui que ce soit à participer à un parcours, le ministère de la Sécurité du revenu et son réseau doivent avant tout s'obliger eux-mêmes à offrir à tout prestataire qui le veut les services adéquats et les activités requises à son insertion sociale et professionnelle. Nous recommandons donc au ministère de la Sécurité du revenu d'abandonner le caractère obligatoire et discriminatoire associé au parcours des jeunes prestataires de 24 ans et moins.

De plus, constatant les nombreuses lacunes qui affectent l'actuelle offre de services d'emploi, nous recommandons au ministère de la Sécurité du revenu d'aller de l'avant dès maintenant et sans tarder en ce qui concerne la formation des personnes qui seront appelées à agir à titre de conseiller en emploi et de s'assurer que cette formation comporte des volets qui sont liés à la connaissance des besoins et des réalités et des capacités des jeunes adultes, la connaissance des entreprises privées, des institutions et des organismes communautaires locaux, des connaissances sur l'orientation professionnelle, la psychologie et sur l'état du marché du travail local et national.

De même, nous recommandons au ministère de procéder à une sérieuse évaluation de la pénurie de ressources humaines disponibles dans les réseaux de services d'aide à l'emploi. On incite le ministère à prendre rapidement les dispositions visant à combler cette lacune qui prive les personnes sans emploi des services requis et qui accule déjà à l'échec cette réforme de la sécurité du revenu. À cet effet, nous recommandons au ministère non seulement de hausser la qualité du réseau institutionnel, mais aussi de consolider et même d'améliorer le réseau communautaire d'aide à l'intégration sociale et professionnelle des jeunes.

Évidemment, on peut présumer que la pénurie de ressources, le manque d'engagement concret des milieux de travail et les coupures dans le secteur de l'éducation expliquent en grande partie pourquoi il sera impossible de procurer un parcours à toutes les personnes qui le voudront. Ce problème existe déjà. Toutefois, il existe une autre difficulté. Le parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi semble exclure l'offre d'activités liées à l'intégration sociale. Le prestataire et son conseiller d'aide à l'emploi vont convenir ensemble d'un parcours à partir du moment où ce prestataire ne connaîtra que des problèmes de compétence ou d'ordre professionnel. Le projet de réforme annonce qu'il faudra prévoir des activités de développement favorisant l'intégration sociale et des démarches préalables à l'intégration socioéconomique pour les personnes aux prises avec des problèmes familiaux, psychosociaux, de toxicomanie ou autres, mais il reste très vague à ce chapitre et c'est dommage. Pour les jeunes, cette exclusion est particulièrement significative. Dans leur cas et justement parce qu'ils sont jeunes, l'intégration sociale est intimement liée à l'intégration professionnelle.

La jeunesse, c'est un continuum, non seulement sur le plan professionnel, mais aussi sur le plan des habilités personnelles et sociales. Or, la situation vécue par un bon nombre de jeunes assistés sociaux est d'autant plus difficile qu'ils sont pauvres, très souvent sous-scolarisés et venant de familles en difficulté elles-mêmes, dépendantes de l'aide sociale. Il est bien évident que ces jeunes ont besoin de se construire eux-mêmes et de régler leurs plus urgents problèmes de survie avant de s'engager pleinement dans une démarche vers l'emploi. Ces activités d'intégration sociale peuvent prendre diverses formes, comme une cure de désintoxication ou des ateliers de budgétisation, par exemple.

Aussi, puisque le projet de réforme reconnaît déjà, à juste titre, le caractère personnel du parcours, nous recommandons au ministère d'élargir la notion de parcours en faisant en sorte que les personnes ayant des contraintes temporaires à l'emploi et celles n'ayant apparemment aucune contrainte, mais éprouvant tout de même des difficultés personnelles importantes puissent faire les activités appropriées à l'intérieur de leur parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi, un sens très large, donc, au parcours, qui inclut aussi les activités d'intégration sociale.

(10 h 30)

Cela implique évidemment que le conseiller d'aide à l'emploi, qui est la personne-ressource déterminante pour le jeune, soit appuyé par d'autres conseillers ayant la formation voulue au moment de son accueil. Évidemment, cela suppose que le CLE devra fonctionner en étroite relation, idéalement établie à l'intérieur d'une entente-cadre, avec les institutions locales compétentes en matière de santé, de services sociaux et aussi en matière de logement.

D'autre part et pour terminer sur la question du parcours, le Conseil invite les commissaires et le ministère à s'interroger sur la question des subventions salariales et des gains de travail permis. Nous y voyons là deux avenues à explorer plus adéquatement pour l'intégration professionnelle des jeunes.

Mme Bouchard (Martine): Enfin, nos dernières remarques portent sur la structure des services et la démocratisation du réseau de partenariat qui sera instauré. Ainsi, nous sommes d'avis que le projet de réforme doit renforcer le caractère démocratique associé au mandat des centres locaux d'emploi. Un nouveau partenariat doit être créé et inclure les représentants et les représentantes des personnes et des organisations directement touchées par les problèmes abordés et les services offerts. Nous insistons donc pour que les jeunes et leurs organisations oeuvrant dans le secteur de l'aide à l'emploi aient une présence importante au sein du Conseil local des partenaires. Deux raisons principales sont en faveur de leur participation directe.

Premièrement, les jeunes adultes ont déjà démontré leur aptitude à collaborer efficacement avec des partenaires locaux. L'expérience du projet Action emploi jeunesse, qui s'est tenu en 1995 sous la responsabilité conjointe du Forum pour l'emploi et du Secrétariat à la concertation, a démontré clairement que les organisations locales les plus actives et performantes sont celles qui ont accordé une place importante aux jeunes dans leur processus décisionnel. Au contraire, celles qui ne se sont pas souciées de faire de la place aux jeunes ont participé sans conviction au projet. Il est à noter que cette participation active et importante des jeunes a été rendue possible en partie parce que le Conseil bénéficie d'un siège au Forum pour l'emploi. Il n'est pas certain que les seuls partenaires traditionnels du marché du travail auraient recommandé aux organisations locales de favoriser la participation des jeunes aux prises de décisions.

Deuxièmement, il serait inconcevable de maintenir les jeunes prestataires de l'aide sociale comme la clientèle prioritaire du nouveau régime de la sécurité du revenu tout en les excluant de l'exercice de concertation à la base de la politique active du marché du travail, une incohérence manifeste à éviter, d'autant plus que le ministère se targue de vouloir mieux concrétiser le principe de réciprocité.

Le Conseil recommande donc d'introduire la présence de jeunes ou d'organisations jeunesse d'aide à l'intégration sociale et professionnelle à l'intérieur des conseils locaux des partenaires.

Par ailleurs, il y a lieu de s'interroger sur la place qu'occuperont les organismes communautaires sur le nouvel échiquier du développement à l'emploi. Déjà, le temps et les ressources de ces organismes sont exagérément sollicités par la recherche de financement au détriment des services à offrir aux jeunes. Or, il se peut que le projet de réforme dégrade cette situation. En effet, en mettant l'accent de façon exclusive sur l'intégration professionnelle, des CLE et les conseillers qui y travaillent ne reconnaîtront pas plus qu'aujourd'hui la valeur des activités liées à l'intégration sociale. À cet égard, cela peut compliquer singulièrement la consolidation ou le développement du réseau de services externes de main-d'oeuvre, les SEMO-Jeunes. Pourtant, ces organismes qui font de l'intervention de deuxième ligne en s'adressant à une clientèle difficile ayant besoin de services spécialisés qui tiennent compte des dimensions sociales et professionnelles sont reconnus pour leurs performances et leur rentabilité. Leur expertise et leur façon de faire seront toujours relégués à l'arrière-plan et, évidemment, n'entreront pas en ligne de compte lors de l'établissement des contrats de services. Il est indispensable de ne pas mettre en danger ces organismes pour les jeunes démunis.

Devenus des partenaires obligés des institutions publiques depuis le début des années 1980, les organismes communautaires auraient mérité de devenir des partenaires privilégiés. Or, rien dans le projet de réforme ne vient améliorer leur situation sur les plans du financement, de la reconnaissance de leurs particularités et de leurs modes d'intervention, de la simplification des démarches et contraintes administratives et de leur participation aux consultations et aux prises de décisions des conseils locaux des partenaires. De plus, le financement et l'établissement des contrats entre les CLE et les organismes situés en milieu urbain, notamment à Montréal, posent problème. En effet, dans la majorité des cas, il sera difficile de faire correspondre les territoires des CLE et les organismes, les CLE desservant un ou quelques arrondissements, alors que les organismes s'adressent à l'ensemble des jeunes de la municipalité.

Le Conseil est d'avis que le projet de réforme ne peut pas, d'un côté, accorder la priorité aux jeunes assistés sociaux sans, de l'autre, faire une place plus importante aux organismes communautaires et en particulier aux SEMO-Jeunes. Ces organismes sont souvent les seuls à aider vraiment les jeunes démunis, et ce, à un coût bien moindre que celui du réseau institutionnel. Ils sont plongés dans la réalité des jeunes démunis et leur philosophie d'intervention basée sur l'ouverture, la souplesse et l'adaptation est davantage aidante pour les jeunes. Conséquemment, il serait important d'améliorer leur situation et non l'inverse.

Le Conseil recommande donc au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires à la consolidation, voire au développement du réseau des organismes communautaires d'aide à l'emploi, dont les SEMO, offrant des services aux jeunes.

Finalement, deux derniers points. Nous trouvons essentiel de mettre sur pied des comités d'usagers. Le Conseil souhaite toutefois que le MSR précise leur rôle et leur composition puisque la proposition actuelle est fort mince. Il invite aussi à résister à l'envie d'y placer tous les partenaires du marché du travail qu'il jugerait de second ordre par rapport aux partenaires traditionnels qui, eux, auraient leur siège en bonne et due forme aux conseils locaux des partenaires.

Cela dit, le comité des usagers doit remplir d'autres tâches que celle de conseiller le Conseil. Il devrait sûrement avoir un rôle à jouer dans le traitement des plaintes des prestataires. Il pourrait aussi être le maître d'oeuvre de l'évaluation des CLE et des résultats du Plan local d'action concerté pour l'emploi. Bref, nous sommes d'avis que le projet de réforme doit mettre les représentants et les représentantes des usagers des CLE davantage à contribution. Le ministère détient là une clé lui permettant d'être constamment en contact avec les personnes qui vivent les changements introduits par la réforme. Enfin, le Conseil considère qu'il est inacceptable que le projet de réforme n'instaure pas de mécanisme selon lequel un prestataire qui se sent lésé peut faire valoir son point de vue à quelqu'un d'autre que son conseiller d'aide à l'emploi. Car tout n'est pas toujours au beau fixe entre les personnes assistées sociales et le personnel des centres Travail-Québec. Et, bien que le ministère prévoit former adéquatement les nouveaux conseillers, ces derniers peuvent quand même être sujets, compte tenu de leur charge de travail, à commettre des erreurs.

Le Conseil recommande donc au ministère d'instaurer, dès l'entrée en vigueur de la réforme, un mécanisme formel d'appel. Ainsi, toute personne qui fera appel aux services d'un CLE pourra présenter et défendre son point de vue dans le but de faire réviser une décision qui la concerne. Merci beaucoup pour votre attention.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, c'est terminé. Mme la ministre. Merci.

Mme Harel: Oui. Merci pour ce mémoire et bienvenue. Bienvenue, M. Philibert et les personnes qui vous accompagnent, M. Dowd, Mme Bouchard, M. Simard. Je comprends que, si c'est peut-être la dernière contribution à titre de président ou membres de l'équipe dirigeante du Conseil permanent de la jeunesse, ce ne le sera sans doute pas à titre de citoyens ou, éventuellement, de responsables du nouveau comité aviseur Jeunes mis en place à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Alors, je vais peut-être aller directement, étant donné le peu de temps malgré tout qu'on a à notre disposition, sur les questions de fond sur lesquelles on doit échanger. Peut-être juste un mot. Vous parliez des consultations que vous aviez menées. Vous avez certainement eu copie de ce sondage qui a été réalisé, selon les méthodologies et respectant toutes les règles de l'art, autant auprès des prestataires qu'auprès de la population. Les questions posées l'étaient le plus directement possible pour ne pas donner une sorte de biais qui aurait permis toutes sortes d'interprétations autres que celle que la population ou les prestataires avaient. Et la question concernant les jeunes l'a été. Je vais vous la relire, il s'agissait d'une question très directe qui disait: «Le gouvernement propose que les démarches vers l'emploi soient obligatoires pour les jeunes assistés sociaux aptes au travail de 18 à 24 ans. Par rapport à cette proposition, vous diriez-vous: fortement d'accord, plutôt en accord, plutôt en désaccord, fortement en désaccord?»

Ça m'a vraiment surprise comme résultat, non pas qu'il y ait une majorité qui se dise en accord dans la population, pas seulement qu'il y ait une majorité qui se dise en accord chez les prestataires; cette démarche obligatoire pour les 18-24 ans allait chercher 95 % fortement ou plutôt d'accord dans l'opinion publique et 92 % fortement ou plutôt d'accord chez les prestataires. Mais, chez les prestataires de 18-24 ans à qui, finalement, la mesure obligatoire s'appliquait, le taux de fortement d'accord était encore plus élevé, il frisait quasiment le 100 %.

(10 h 40)

Et j'avais vraiment voulu qu'on aille à fond sur ces questions en n'évitant pas de poser même celles qui pouvaient apparaître, disons, contraires, si vous voulez, à ce qui était proposé. Et j'avais même fait ajouter une question qui se lisait comme suit, la question 15: «Si on doit obliger un jeune assisté social apte au travail à se former et à se chercher un emploi, même si on ne peut lui garantir un emploi après ses démarches, dans quelle mesure êtes-vous d'accord avec cette proposition?» C'était pour aller vérifier que ce parcours, finalement, vers la formation ou vers l'emploi, même sans garantie absolue d'emploi... devait-il quand même être obligatoire? Et vous voyez, à cette question 15, c'était 90 % qui étaient fortement ou plutôt d'accord dans la population et 84 % fortement ou plutôt d'accord chez les prestataires.

Je vous le dis simplement pour que vous sachiez qu'il y a cette espèce de volonté très, très affichée chez les jeunes eux-mêmes qui disent: Dites-nous quoi faire puis, d'une certaine façon, obligez-nous à le faire, puis on va le faire. Vous, vous dites: Il faut que ce soit à partir du volontariat. Je vous remercie, en passant, juste un mot, pour les bons mots que vous avez eus sur certaines grandes orientations de la réforme. Je les apprécie. Je les relirai, soyez-en convaincus. Je suis certaine de ne pas les retrouver dans les médias, alors je vais les relire par-devers moi.

Mais vous dites aussi dans votre mémoire, à la page 32: «Le projet d'établir un parcours individualisé respectant les besoins, les champs d'intérêt et les aptitudes de la personne tout en tenant compte de la réalité économique locale s'imposait de lui-même depuis longtemps. Le Conseil se réjouit donc que l'une des plus importantes recommandations de son Avis sur la pauvreté des jeunes puisse se concrétiser.» L'idée du parcours, elle vient, dans le fond, de cette vaste consultation que vous aviez menée auprès des jeunes et portant sur la pauvreté. Mais vous ajoutez aussi que ce parcours doit se faire sur une base volontaire, et vous citez le rapport Bouchard, donc un des co-auteurs de l'étude sur la réforme.

Et pourtant, vous savez, dans le rapport Bouchard, il y avait autre chose. À la page 224, on y retrouve toutes les recommandations, et vous voyez la recommandation sur cette question, c'est une recommandation très précise qui se lit comme suit: «de fixer un montant de 6 000 $ par année, dont 2 000 $ seront conditionnés par la participation à une démarche d'insertion sociale et économique». En d'autres termes, ce qui était recommandé, c'était, pour les 16-24 ans, un montant de base de 4 000 $ – vous voyez, 4 000 $, là, c'est bien en deçà de la prestation actuelle – et puis, conditionnelle à la participation, la pleine prestation. Bon, je comprends que cette recommandation-là... je ne l'invente pas, là, vous savez, puis elle a été déposée au mois de mars et on s'en est inspirés. Alors, cette recommandation était à l'effet de rendre conditionnelle une partie de la prestation à la réalisation, finalement, d'un parcours d'insertion sociale et économique.

Bon. Ceci dit, moi, j'aimerais vous entendre sur la question, entre autres, de la contribution parentale à l'égard des prêts-bourses. Vous savez que la contribution parentale, elle existe aussi dans les prêts et bourses. Et vous êtes assez au fait de toutes ces questions-là pour savoir qu'un des grands enjeux qui nous est présenté, c'est de ne pas avoir un effet de désincitation aux études en finançant, finalement, des jeunes d'une façon plus substantielle, financièrement, s'ils sont sur l'aide sociale que s'ils étudient. Alors, vous allez me dire peut-être que la meilleure façon de faire, c'est d'augmenter tout le monde. Mais, dans le contexte des finances publiques que vous connaissez aussi, est-ce que vous êtes, disons, sensibilisés à cette question de désincitation aux études qui pourrait être introduite par des régimes qui demandent plus d'efforts quand on est étudiants et qui en demanderaient moins quand on est, finalement, sur l'aide sociale? Ça, ce serait peut-être la première question.

Et j'aimerais aussi beaucoup vous entendre sur les ressources actuellement mises à la disposition des jeunes. Je pense, entre autres, aux carrefours jeunesse-emploi, et c'est déjà 49 carrefours jeunesse-emploi qui sont mis en place. Vous savez que, de par la mission que ces carrefours ont, ils s'adressent à tous les jeunes, indépendamment de leur étiquette. Vous savez, parce que vous l'avez dit d'entrée de jeu, puis je l'apprécie, que la plus grande lacune du régime actuel, c'est de marginaliser en dehors de la main-d'oeuvre les chômeurs qui sont sur l'aide sociale et que ça, c'est finalement le régime actuel qui exclut, y compris les jeunes, mais les chômeurs en général, qui les exclut d'une politique de main-d'oeuvre. C'est un cloisonnement dans des mesures d'employabilité. Puis, en vous écoutant, je me disais: Finalement, c'est plus le procès de ce qui existe présentement, donc de ce qu'il faut changer que vous faites. Parce que vous parlez du ministère de la Sécurité du revenu, vous parlez des mesures d'employabilité, vous parlez finalement de ce qui n'existera plus avec la réforme. Il s'agira du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, il s'agira aussi d'une intégration de l'ensemble des ressources qui sont actuellement cloisonnées, dépendamment de l'étiquette que vous portez dans le front, avec une situation qui s'est beaucoup aggravée pour ceux qu'on appelle les sans-chèque, donc qui n'appartiennent ni à l'assurance-emploi ni à l'aide sociale.

Je termine sur cette question-là en vous invitant peut-être à commenter le tableau qui se retrouve à la page 93 du livre vert, un tableau qui, pour moi en tout cas, s'est révélé extrêmement significatif de la situation que vivent les jeunes chômeurs présentement. Dans ce tableau, vous retrouvez pour les 18-24 ans, en 20 ans, un renversement complet de la situation. En 1975, les jeunes étaient à 11,3 %, dans l'année, sur l'assurance-chômage et autour de 4 % à l'aide sociale. Et voyez, il y a eu un renversement en 20 ans qui est vraiment très alarmant. Les jeunes n'ont plus accès, 20 ans plus tard, à l'assurance-emploi même s'ils cotisent. Et, dans le fond, ils sont plus nombreux maintenant qui se retrouvent à l'aide sociale à cause des critères resserrés à l'assurance-chômage. C'est un renversement complet de tendance en 20 ans. Ce qui est grave là-dedans, c'est qu'au moins l'assurance-chômage les retenait à proximité de l'ouvrage, alors que le danger de la chronicité à l'aide sociale, vous le connaissez, ce danger-là, vous le savez, est beaucoup, beaucoup, beaucoup plus important. Alors, j'aimerais que vous commentiez, finalement, cette nouvelle réalité des jeunes qui, dans le fond, les isole du marché de l'emploi.

M. Philibert (Michel jr): Bon. Je vais essayer de tout commenter, de répondre à toutes vos interrogations. Premièrement, sur le sondage, Mme Harel, nous, la donnée qui nous a inquiétés dans ce sondage-là, c'est que 28 % de la population qui a été interrogée était au courant des effets de la réforme, ils étaient au courant qu'il allait y avoir une réforme et un peu des paramètres de la réforme. Moi, je vais vous dire que, quand on a fait justement nos consultations avec des jeunes qui vivaient d'aide sociale, quand on leur expliquait en détail la réforme, moi, je vais vous dire que le taux de 90 % qui approuvaient la réforme, bien, il s'inversait et puis là ça devenait une quasi-unanimité contre le projet de réforme quand on parlait du barème ou de l'allocation du 120 $ qui allait disparaître – ça, vous allez pouvoir nous informer sur ce point-là, parce que c'est une question que je vais vous poser. Mais tout ça, quand on parlait vraiment avec eux, ils nous disaient qu'ils étaient finalement assez mécontents de la réforme.

Le critère du volontariat pour participer au parcours, c'était... en tout cas, pour nous, c'est le facteur de réussite. Quand les gens, et Martine va pouvoir en témoigner tout à l'heure, quand les gens arrivent dans des services pour intégrer l'emploi, quand ils sont obligés de le faire, ça ne sert à rien, parce que ces gens-là ne sont pas motivés, ils vont participer d'une manière nonchalante et puis on n'aidera pas à leur intégration à l'emploi en les obligeant à faire quoi que ce soit.

Puis vous avez parlé de M. Bouchard, de la recommandation de M. Bouchard. M. Bouchard, quand il faisait sa recommandation, c'était dans un autre contexte de la réforme, dans le contexte de son mémoire à lui où il n'y avait pas de problème avec le 120 $ du barème de participation, où il y avait d'autres éléments qui venaient un peu bonifier ou qui venaient un peu moduler tout ça. Et puis, même j'étais ici quand M. Bouchard a présenté son mémoire et M. Bouchard n'était plus d'accord avec cette recommandation-là dans le contexte actuel de la réforme. Donc, si M. Bouchard n'est plus d'accord avec sa propre recommandation, je ne pense pas que, nous, on ne peut pas... en tout cas, on va se ranger derrière son avis.

(10 h 50)

Quant à la clause parentale, et Marc-André pourra aussi me seconder là-dessus, c'est un effet pervers du régime. Premièrement, ça nie le statut d'adulte. Quand on a 18 ans, on devrait, dans des situations de dernier recours, avoir accès à notre régime de dernier recours parce que l'aide sociale, après ça, il n'y a plus rien, là. Donc, ça nie le statut d'adulte et tatatata... ca nie le statut d'adulte, la contribution parentale. Et puis, nous, on sépare vraiment le régime des prêts-bourses, l'aide financière aux étudiants et l'aide sociale, parce que c'est deux régimes qui sont séparés. D'un côté, c'est un régime de dernier recours; d'un autre côté, c'est un investissement qu'on fait pour son avenir. Bon.

Ensuite, carrefours jeunesse-emploi, vous avez parlé des carrefours jeunesse-emploi, et j'aimerais ça que vous puissiez nous éclairer là-dessus. On désirerait savoir quel est le lien? Ça va être quoi le lien en région entre les carrefours jeunesse-emploi et les CLE que vous allez instaurer? Parce que, là, on crée finalement deux guichets uniques pour l'intégration des jeunes en emploi, et ça, ça nous pose une sérieuse question. Donc, Marc-André, si tu veux compléter.

M. Dowd (Marc-André): Oui, je vais compléter sur certains points. D'abord, sur le volontariat. On en a rencontré, des jeunes, et on en a rencontré quand même pas mal, on en a fait rencontrer aux députés aussi, des jeunes qui sont sur l'aide sociale. Et, moi, ma compréhension puis ma conviction, c'est qu'il y a une grande majorité des jeunes qui sont sur l'aide sociale, puis je dis une grande majorité, une très grande majorité, ils veulent s'en sortir et ils vont volontairement participer à des parcours lorsqu'ils vont être convaincus que ça va les faire avancer, ces parcours-là. Le problème, pour une petite minorité qui n'est pas prête, c'est que les ressources sont tellement rares aujourd'hui qu'il ne faudrait pas investir des ressources en pure perte. Et tous les intervenants nous l'ont dit, puis c'est bien documenté par la recherche aussi, quand une personne n'est pas prête à s'investir dans un parcours, les investissements qu'on fait pour cette personne-là, ils ne rapportent pas. Donc, si on avait tant d'investissements que ça, tant de ressources que ça, là on pourrait se poser la question, mais on se dit: Les ressources sont limitées; pourquoi ne pas tourner les ressources vers les gens qui sont prêts à embarquer dans un parcours? Et, moi, je suis certain qu'il y a tellement de gens qui sont prêts à embarquer dans un parcours individualisé qui va répondre à leurs besoins qu'on va pouvoir occuper toutes les ressources du réseau jusqu'en 2050, Mme Harel.

Deuxièmement, en ce qui concerne la question de la contribution parentale, vous avez fait état de la distinction. Nous, la distinction très fondamentale qu'on fait, Michel l'a dit, c'est que c'est un régime de dernier recours, l'aide sociale, ce qui n'est pas le cas des prêts et bourses. Mais il y a une autre distinction très importante, c'est que le test de la contribution parentale à l'aide sociale, il fait fi du phénomène d'appauvrissement des familles, il ne regarde pas du tout le phénomène d'appauvrissement des familles qu'on a connu dans les dernières années et qui touche particulièrement les parents des jeunes qui vont faire des demandes d'aide sociale. C'est parce que c'est ça qu'il faut regarder aussi en quelque part. Ce n'est pas les mêmes familles, les jeunes qui vont faire des demandes de prêts et bourses, des jeunes qui vont faire des demandes d'aide sociale en général.

D'autre part, on s'est intéressé aussi sur l'effet financier qu'aurait l'abolition du test de contribution parentale et, moi, j'ai été très surpris de considérer que l'effet financier de l'abolition de ce test-là serait mineur, dans le sens où il y a 6 000 personnes qui ont été réputées dépendantes, seulement 6 000, et, sur ces 6 000 là, elles reçoivent quand même en moyenne 360 $ d'aide par mois. Alors, vous voyez un peu, l'idée d'abolir le test de contribution parentale qui nie, selon nous, vraiment le statut d'adulte... Écoutez, à 18 ans, on est considéré comme un adulte ou non. C'est ça, la question fondamentale. Est-ce qu'on a droit à la couverture de nos besoins essentiels? Parce que ça touche des situations vraiment problématiques. Quand on s'entend dans la famille, il n'y a pas de problème; spontanément, solidairement, les familles vont s'entraider. Mais, lorsqu'on s'est sauvé de sa famille parce qu'on a été battu ou lorsqu'on est en rupture avec sa famille, il n'est pas question de revenir vers la famille pour aller chercher de l'aide. C'est ça, ces situations-là qui sont pénibles.

J'aimerais simplement terminer en disant aussi... Il y a quelque chose que vous avez dit qui me questionne beaucoup. Vous dites que notre critique est tournée vers le passé, vers les mesures d'employabilité, vers le ministère de la Sécurité du revenu. Je veux bien comprendre que le ministère de la Sécurité du revenu va devenir le ministère de l'Emploi et que les mesures d'employabilité vont devenir des parcours, mais il reste que c'est les mêmes personnes qui sont en poste actuellement qui vont changer de chapeau. L'optique va changer en quelque part: oui, on va regarder plus les besoins et les capacités de chaque prestataire, et ça, on appuie ça. Mais on vous fait remarquer que les personnes qui vont avoir à agir comme conseiller à l'emploi, il va falloir qu'elles aient une très bonne formation parce qu'il y a des choses qui doivent changer. Je pense que votre projet de réforme ne fait pas table rase de tout ce qui s'est fait puisque c'est le même argent et les mêmes personnes qui vont avoir à appliquer les nouvelles mesures, les nouveaux parcours. Alors, en quelque part, je pense que notre critique de ce qui se faisait avant est tout à fait pertinente pour voir ce qu'on doit faire maintenant. On vous met en garde sur les besoins de formation qui sont, d'après nous, majeurs, puis on l'a bien illustré dans notre mémoire.

Mme Bouchard (Martine): Moi, je suis ici pour vous apporter une expérience un peu plus terrain parce que j'ai été conseillère à l'emploi et, maintenant, directrice d'un service externe de main-d'oeuvre. De mon temps de conseillère, j'en ai eu, des participants – nous, on les appelle les participants – qui ne venaient pas nécessairement... on disait des semi-volontaires, parce que leur agent les envoyait, ils n'avaient pas vraiment le choix, ils venaient. Il y avait une participation physique qui se faisait. C'est sûr qu'ils étaient là, ils étaient assis dans la salle tous les matins. Pour nous, ça nous crève le coeur, à quelque part, de voir que l'argent est investi de cette façon-là, alors qu'il y a des jeunes qui voudraient, qui veulent s'en sortir, qui auraient une participation de 150 % et qui n'ont pas de place. Donc, on considère que c'est de l'argent qui ne serait pas nécessairement bien investi en obligeant les jeunes.

C'est sûr que, pour les statistiques, on va en passer des jeunes, par année, dans nos ressources, on va en admettre; ils vont ressortir après leur temps de participation, puis on va rendre notre mandat. Par contre, si on veut y aller au niveau qualitatif, au niveau de la réelle intégration des jeunes à l'emploi, avec un réel changement de comportement et d'attitude et avec une réelle préparation par rapport à l'emploi – il y a des degrés, ce n'est pas tous les jeunes qui sont prêts à intégrer le marché du travail de façon permanente – ça prend un minimum de volontariat et ça prend des ressources qui sont équipées pour le faire.

Deuxièmement, par rapport à la contribution parentale, la notion de famille n'est pas nécessairement un lien qui est économique. Moi, j'ai vu des enfants de milieux très démunis dont les parents auraient eu 10 $ et auraient voulu en donner 15 $, par exemple, et j'ai vu aussi l'inverse, des parents qui avaient des sous puis qui ne voulaient pas en donner à leurs enfants. On voit aussi des jeunes qui vivent l'inceste, qui vivent la violence et qui, pour d'autres raisons qui ne sont pas économiques, doivent quitter le milieu familial et doivent subvenir à leurs besoins. On peut penser aussi aux jeunes mères qui font des bébés parce que, bon, c'est une forme d'autonomie. Donc, il y a un danger dans tout ça de maintenir les jeunes avec des liens familiaux seulement de façon économique.

Par rapport aux carrefours jeunesse-emploi, on l'a dit, l'arrimage avec les CLE ne nous semble pas nécessairement évident. Nous, les petites ressources qui admettent moins de participants par rapport aux gros centres locaux intégrés, ce dont on a peur, c'est de l'expertise plus en profondeur du service de deuxième ligne, c'est-à-dire les services qui s'adressent à des clientèles qui ont besoin d'une attention un peu plus particulière, dont on doit faire l'intégration sociale et professionnelle et, souvent, le social avant le professionnel. Ce dont on a peur, c'est que les carrefours ou les centres locaux d'emploi soient plus un petit peu de placer des jeunes dans des mesures sans aller moins en profondeur. On a peur un peu des gros clubs-entrepôts, on se sent un peu comme des petits commerçants face aux grosses chaînes qui arrivent, au niveau du service à la clientèle, si on veut. Donc, c'est à peu près ça.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme Harel, une minute, si vous avez un petit mot à dire, parce que le temps est presque terminé.

Mme Harel: Bon. Écoutez, vous parliez de places qui étaient occupées par des jeunes démotivés puis qui auraient pu l'être par d'autres. En fait, c'est des places sur des mesures d'employabilité. Moi, ce dont je vous parle, c'est d'un parcours. un parcours où le jeune va finalement pouvoir corriger ou remédier, si vous voulez, à la pénalité en choisissant de faire un parcours. Un parcours, ça ne veut pas dire une mesure plus qu'une autre en particulier. Un parcours, ça veut dire que le jeune, il se dit... il ne trouve pas ça normal d'être sur l'aide sociale quand il n'a pas d'enfant, pas de handicap, puis qu'il n'étudie pas puis qu'il ne travaille pas. Je dois vous dire que... vraiment, je vous le dis, je vous mets au défi de me trouver une société démocratique, présentement industrialisée, mais celle qui vit vraiment des relations démocratiques, qui donne de l'aide inconditionnelle indépendamment de l'âge. En tout cas, moi, j'ai essayé d'en trouver, puis, non, il n'en existe pas.

(11 heures)

Quand vous invoquez, brandissez l'aide de dernier recours, une aide de dernier recours, ça suppose que le chômage est involontaire, puis c'est des chômeurs qu'il faut aider. Mais, à partir du moment où il y a un accompagnement justement pour s'en sortir et que la personne refuse cet accompagnement – je ne vous dis pas une place, là, je vous dis un accompagnement – dans une démarche qui s'appelle un parcours individualisé, à ce moment-là on ne peut plus parler de chômage involontaire.

Dans tous les régimes que j'ai regardés de près, il y a finalement de l'assistance-chômage pour les personnes qui sont des chômeurs, qui n'ont pas accès, par exemple, à l'assurance. Mais l'aide sociale n'est pas fournie de manière inconditionnelle et indépendamment du reste. Je n'en connais pas.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme la ministre...

Mme Harel: Et peut-être en terminant sur les mêmes conseillers, ce ne sera pas tout à fait les mêmes conseillers. Il faut quand même convenir que, présentement, les réseaux sont complètement isolés les uns des autres. Alors, vous avez trois réseaux, imaginez-vous, au Québec: vous avez le réseau des chômeurs à l'aide sociale, le réseau des chômeurs à l'assurance-emploi et le réseau des travailleurs en emploi à la SQDM. Vous avez trois réseaux, trois cultures, et, finalement, l'idée, c'est de transformer ça de manière à n'avoir qu'un seul service public d'emploi puis qui va traiter les gens plus également.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, Mme la ministre. Je dois maintenant passer la parole à la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, Mme la Présidente. Bonjour et bienvenue. Écoutez, à date, parce qu'on a l'impression, à entendre la ministre, que tout le monde a tort, mais, à date, tous les groupes, sauf trois, qu'on a rencontrés en commission parlementaire sont venus nous dire que le caractère obligatoire avec pénalités, c'est contre-productif. Ce que ça va faire, au lieu d'avoir un climat de confiance, ça va créer un climat de méfiance et de menace. Tous les groupes sont venus nous le dire, tous les groupes le disent, et M. Bouchard, même hier encore dans les médias: «Le gouvernement fait fausse route. Avec ses pénalités prévues, la réforme envisagée court vers l'échec.» Il dit: «De l'avis unanime de nombreux experts en stratégie organisationnelle et en comportement humain, si le gouvernement va dans le sens qu'il parle actuellement, il y a des désavantages, et c'est voué à l'échec, sa réforme.» Toutes les études, le Conseil québécois de la recherche sociale, nous ont dit la même chose: Cette réforme-là, avec pénalités, c'est voué à l'échec, c'est contre-productif.

À un moment donné, il va falloir que le message entre quelque part, parce que j'ai l'impression que tous les gens qui se présentent devant nous ont comme tort face à la réaction du gouvernement. Même la ministre, cette semaine, nous disait qu'elle trouvait qu'on parle beaucoup trop des pénalités depuis qu'on est ici. Mais, quand on pénalise... Pour elle, l'essentiel, c'est parler plus du parcours. Mais, pour moi, l'essentiel, c'est de penser aux gens en chair et en os qui, avec les pénalités, vont se retrouver beaucoup plus que là où ils se retrouvent actuellement, sous le seuil de la pauvreté, vont basculer dans la misère. Parce que les pénalités...

Mme Harel: Les pénalités, c'est depuis huit ans.

Mme Loiselle: Mme la Présidente, on ne commencera pas, là...

Mme Harel: Non, mais quand même, Mme la Présidente...

Mme Loiselle: La ministre...

La Présidente (Mme Barbeau): Écoutez, là...

Mme Loiselle: ...elle interrompt tout le temps notre droit de parole.

La Présidente (Mme Barbeau): ...c'est moi qui préside. J'étais pour la remettre à l'ordre. Alors, c'est moi qui préside. La parole, s'il vous plaît, est à l'opposition. Allez, Mme la députée.

Mme Loiselle: Merci, Mme la Présidente. Il y avait des pénalités avant, c'est vrai, en refus d'emploi. C'est le gouvernement actuel qui a élargi les pénalités, qui les a doublées dans les mesures d'employabilité. Il faut faire la différence actuellement.

Il faut regarder tout le caractère de... Tout le monde nous le dit, s'il n'y a pas un climat de confiance, d'entraide, ça ne pourra jamais fonctionner. Tout le monde nous dit aussi que, si ce n'est pas, sa réforme, attaché à une politique de création d'emplois, ça ne peut pas être voué à une réussite. Parce qu'on dit aux gens: Vous vous en allez en parcours individualisé puis, en bout de piste, si vous n'avez pas d'emploi, vous retournez au point A, à la case départ.

Alors, moi, j'aimerais vous entendre davantage, parce que, vous, vous dites que, bon, le gouvernement priorise les 18-24, mais vous avez parlé avec des gens, les 25-30 ans, ils ont des inquiétudes, parce qu'ils se disent que, finalement, on priorise les 18-24, mais eux sont comme laissés pour compte. J'aimerais vous entendre davantage. Ce que vous dites au gouvernement: un, sur une base volontaire, mais peut-être prioriser, finalement, les 18-30?

M. Simard (René): Bon, je pourrais tenter de répondre à cette question ou commenter. C'est qu'en fait, nous, on considère que le danger d'obliger les 24 ans et moins à s'inscrire dans un parcours, considérant le manque de places à l'heure actuelle dans l'ensemble des mesures d'employabilité, on considère que c'est un danger pour la clientèle qui a 25 ans et plus, parce que, si on met toutes les ressources chez les 24 ans et moins, bien, ça peut créer des difficultés pour les autres, et les autres ont aussi besoin de services pour intégrer le marché du travail. Et on s'appuie sur la performance actuelle des mesures d'employabilité parce que, de toute façon, dans les parcours individualisés, il va être question de formation professionnelle, il va être question de stages en milieu de travail, il va être question de formation générale, d'alphabétisation. Ce sont toutes des choses qui existent à l'heure actuelle et qui portent des noms associés aux mesures d'employabilité. Donc, on n'a pas le choix de se référer à ce qui existe actuellement pour dire qu'il va manquer de places, finalement.

M. Dowd (Marc-André): Je voudrais peut-être juste ajouter aussi. C'est qu'en introduisant la logique des pénalités, on vient saper des grands principes mêmes qui sont introduits par la réforme. Je vais donner un exemple qui est, à mon avis, très clair. On applaudit à l'idée de séparer l'aide financière et l'aide à l'emploi, on trouve que c'est une excellente idée dans le projet de réforme, sauf qu'en introduisant la pénalité de 150 $ on vient couper cette séparation-là parce que c'est le conseiller d'aide à l'emploi qui, ultimement, va être celui qui va décider ou non de la pénalité. Alors, il se retrouve automatiquement avec les deux chapeaux. Alors, c'est comme si on introduit un principe, mais que, dans les faits, on l'évacue tout de suite. Alors, ça, ça nous questionne.

Aussi, ce qui nous interroge beaucoup, c'est... Parce qu'on parle que tout serait beau, que les prestataires vont être dirigés dans un parcours qui va vraiment convenir à leurs besoins, mais la question du pouvoir de négociation du prestataire face au parcours qu'on va lui proposer, alors si ça ne répond pas à ses besoins, s'il a l'intime conviction que ce qu'on lui propose ça ne répond pas à ses besoins pour plein de raisons qui peuvent être excellentes, il n'y a même pas de mécanisme d'appel qui est prévu dans le projet de réforme, si le prestataire se dit: Écoutez, ce que vous me proposez, je ne pense pas que c'est une bonne chose pour moi de le faire pour x, x, x raisons. Il ne peut pas aller le dire ailleurs qu'à son conseiller d'aide à l'emploi, à l'heure actuelle.

Alors, ça, c'est un message important qu'on veut passer aussi – Martine en a parlé. Mais l'idée absolue d'ériger un mécanisme d'appel fort qui permette au prestataire de dire: Écoutez, ça, ça ne répond pas à mes besoins puis je ne veux pas être coupé parce que je refuse de m'engager dans cette voie-là... ça, j'aimerais...

Mme Loiselle: Vous parlez des pénalités. Encore une fois, la majorité des groupes ont parlé qu'il y avait des mesures d'appauvrissement dans cette réforme-là. Tantôt, M. Philibert, vous avez posé une question au niveau du barème de participation. À date, on nous dit que... Parce que tous les groupes, finalement, après avoir fait la lecture du livre vert, constataient qu'il y avait la disparition du barème de participation. La ministre a dit qu'elle conservait le barème du 120 $. Mais ce n'est pas encore clair. Moi, en tout cas, je ne vais être rassurée que quand je vais voir dans le projet de loi, dans le tableau des barèmes, que c'est bien marqué: barème de participant à 620 $.

Une voix: ...

Mme Loiselle: 620 $. Parce que, si on s'en va avec une allocation de... Suivez-moi bien, là. L'allocation de participation à 120 $, gérée par les CLE dans un budget fermé, parce que les CLE pourraient modifier avec une directive administrative, si ce n'est pas dans la loi, on peut faire ce qu'on veut avec cette allocation-là. On peut, après un certain temps d'implantation, dire: Bon, dans la moyenne nationale, c'est 70 $ de frais de participation; on change la directive, et l'allocation de participation tomberait à 70 $, 60 $. Vous comprenez que, si ce n'est pas marqué dans le tableau des barèmes que c'est un barème de participation à 620 $ qui, à ce moment-là, couvre les besoins essentiels – avec le 620 $, tu peux payer ton loyer, tu peux te nourrir plus convenablement... Mais, si ce n'est pas un barème de participant à 620 $ qu'on... c'est l'allocation de participation pour des frais de participation, ce n'est plus la même chose, parce que tu prends cet argent-là pour, finalement, défrayer les frais que ta participation te coûte; tu ne peux pas t'en servir pour tes besoins essentiels. Alors, je me demande: Avez-vous encore, vous, des préoccupations sur ça ou c'est clair pour vous que c'est un barème de participation à 620 $?

M. Philibert (Michel jr): Bien... En tout cas, ce n'est pas encore très clair, là, si c'est un barème ou une allocation. En réfléchissant à tout ça, ça nous est venu à l'idée que, si c'est un barème, étant donné que ce seraient juste les jeunes qui pourraient participer, qui seraient obligés de participer aux mesures, donc si on a un barème de participation, il faut constater qu'il y a à peu près juste les jeunes qui vont avoir droit au barème de participation de 120 $, donc il va y avoir juste les jeunes qui vont avoir 620 $ par mois, le reste de la clientèle va être à 500 $.

Donc, ça nous interroge, ça, la différence entre le barème et l'allocation. Donc, si c'est un barème, il y a juste les jeunes qui vont l'avoir. Aussi, si vous êtes jeunes et on a un barème de participation, maintenant on va avoir juste trois financements possibles pour les jeunes: le 620 $, parce que les jeunes seraient obligés de participer; le 350 $, parce qu'on a refusé une première fois; et le 200 $, parce qu'on a refusé deux fois. Donc, ce n'est pas tout à fait clair. C'est une question que je voulais poser à Mme la ministre et on n'a pas eu le temps. Mais, pour nous, ce n'est pas très clair, compte tenu que seulement les jeunes pourraient toucher le barème de participation.

(11 h 10)

Mme Loiselle: Vous savez, ce n'est même plus 500 $ parce qu'on a enlevé l'impôt foncier récemment. Ça tombe à 487 $, la prestation, avec les nouvelles modifications.

J'aimerais, parce qu'on n'en a pas beaucoup parlé... La proposition du gouvernement pour les loyers non payés. Vous êtes en désaccord, et plusieurs groupes... La proposition du pouvoir... le pouvoir d'ordonnance à la Régie du logement pour aller récupérer la composante logement. Il y a l'Association des juristes en droit social, cette semaine, qui sont venus nous rencontrer, puis ils nous ont dit que tout le principe de saisir la composante logement va à l'encontre finalement du Code de procédure civile. Nous, on regardait aussi dans les documents qu'on avait, il y avait des opinions juridiques qui disaient aussi que ça allait à l'encontre de l'article 10 de la Charte québécoise et de l'article 15 de la Charte canadienne. J'aimerais vous entendre davantage sur le pourquoi vous vous opposez à cette possibilité-là pour les gens qui ne paient pas, finalement, leur loyer.

M. Philibert (Michel jr): Premièrement, nous, on est surpris que... bien, c'est un phénomène qui est assez important, mais on est surpris que ce ne soit pas plus important que ça, le phénomène du non-paiement des loyers, parce que les prestations, étant donné qu'elles sont très faibles, je pense que c'est... Et puis les jeunes nous l'ont dit, c'est toute une affaire d'arriver avec la prestation d'aide sociale.

D'un autre côté, il y a des ACEF qui font un excellent boulot. Nous, au lieu d'obliger, faire la perception automatique, on aimerait mieux que les ACEF ou les gens puissent avoir un cours ou une aide pour la budgétisation, pour bien gérer leur budget dans l'enveloppe qui leur est allouée. Et puis, nous, on a peur aussi que, là... Bien, si on commence avec le paiement automatique du loyer, qu'est-ce que ça va être après? Ça «va-tu» être un paiement préautorisé pour l'électricité, pour le téléphone, puis tout ça? Je pense que c'est une perte d'autonomie puis c'est une perte à la dignité humaine.

M. Dowd (Marc-André): Je voudrais peut-être juste ajouter aussi que ça masque un problème qu'on a en termes de logement social et que c'est peut-être une autre façon de regarder le problème de dire: Bien, il faut regarder le développement du logement social au Québec. C'est une autre façon de répondre à ce problème-là.

Mme Loiselle: ...coupé dans l'allocation-logement. On maintient la promesse électorale maintes fois répétée au niveau de la coupure pour le partage du logement. Alors, c'est sûr qu'à ce niveau-là aussi il y a un appauvrissement pour les personnes, il y a un manque à gagner pour pouvoir se loger convenablement. Oui?

M. Simard (René): Je vous répondrai simplement en disant que l'aide à la budgétisation, justement, puis comment gérer le loyer et tout, ça pourrait être une très bonne activité d'intégration sociale pour les jeunes qui ferait partie du parcours au lieu de tout de suite tomber sur une pénalité.

Mme Loiselle: Oui, c'est une suggestion que, moi, je trouve, en tout cas, fort intéressante.

Mme Bouchard, je pense, vous avez dit tantôt que vous êtes directrice d'un SEMO.

Mme Bouchard (Martine): Oui.

Mme Loiselle: J'aimerais revenir sur ça parce qu'il y a des groupes communautaires qui sont très, très inquiets, puis j'imagine que c'est la même chose pour les SEMO, au niveau du rôle que l'on retrouve pour eux dans la nouvelle réforme. Il y a certains groupes même, des organismes communautaires, qui ont peur de disparaître, d'autres qui ont peur de perdre leur autonomie, surtout ceux qui font de l'intégration sociale, d'autres qui disent: Bien, nous, on ne veut pas devenir les contrôleurs, finalement, du gouvernement. Alors, j'aimerais, au niveau des SEMO... C'est quoi vos préoccupations face à ce qu'on vous offre comme rôle dans la réforme?

Mme Bouchard (Martine): En fait, c'est les mêmes que vous avez mentionnées. Nous, ce qu'on préconise, c'est qu'on existe depuis une quinzaine d'années parce qu'on fait de l'intervention de plus longue durée avec des prestataires qui ont vraiment besoin d'une intervention beaucoup plus approfondie, qui n'ont pas besoin d'une petite tape dans le dos puis qu'on les intègre en emploi. Par contre, on compare souvent des pommes avec des oranges, parce que, nous, notre mode d'évaluation pour que le participant qui passe chez nous soit une réussite, c'est un trois mois à l'emploi. Donc, on peut travailler six mois, le jeune fait 12 semaines en emploi, puis il se perd au niveau statistique. Donc, on n'est pas évalués sur les mêmes barèmes quand on fait de l'intervention plus approfondie que quand on passe massivement des jeunes, qu'on fait un c.v. puis qu'on les envoie en emploi ou dans d'autres ressources.

Donc, nous, ce qu'on a peur, c'est que cette expertise-là qui s'adresse plus à un besoin social de jeunes qui sont plus fortement en difficulté, qui sont pris avec des difficultés plus multiples, c'est-à-dire, ça peut être de la consommation, ça peut être... bon, toutes les difficultés qui peuvent être autres que l'intégration à l'emploi, on a peur que cette expertise-là se perde dans des espèces de supermarchés de l'emploi, comme je disais tout à l'heure. Donc, c'est un petit peu notre préoccupation et c'est aussi: Quelle va être la place des petites organisations comme les nôtres dans des structures comme celles-là?

Puis – ça, c'est une autre question – en fait, quand on parle de parcours, et je reviens sur ce qu'on disait tout à l'heure aussi avec les CJE, c'est tellement confus dans notre tête de voir que le jeune va arriver au CLE, va se faire établir un parcours d'insertion, le CLE va le référer au CJE, puis le CJE va le référer à un organisme, donc le jeune, il va être avec qui? Quel conseiller va le suivre? Ça va être quoi? Le plan va être établi par trois spécialistes. On parle qu'on ne veut pas dédoubler les services. Nous, on voit là un dédoublement, au contraire. Nos interrogations sont plus à ce niveau-là, en fait.

Mme Loiselle: Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Vous avez insisté dans votre document, et je partage votre point de vue, sur l'importance du volontariat dans la réussite d'un parcours de formation et d'insertion à l'emploi. Autrement dit, ce que vous nous dites: Ce n'est pas tout de gaver quelqu'un, il faut qu'il soit en mesure de digérer la nourriture qu'on lui donne; ce n'est pas tout d'obliger la personne à absorber une nourriture, si elle n'est pas capable de la digérer, ça ne sert absolument à rien. Et c'est la crainte que vous soulevez par rapport au projet du gouvernement, c'est qu'on va forcer les gens dans des parcours de formation sans nécessairement faire en sorte... il n'y aura pas... de volontariat qui leur permettra d'absorber et d'utiliser cette formation d'une manière profitable.

Ma question va toucher ce qui se passe dans d'autres pays ou d'autres provinces. Est-ce que vous connaissez des exemples de situations où il y a eu, dans ces parcours d'insertion à l'emploi ou ces parcours de formation, une obligation pour les jeunes de moins de 24 ans de participer à ces programmes de formation? Et quel succès, si succès il y a, il y a eu, ou, s'il y a eu, parce que j'imagine... puisque vous avez eu à les regarder, quel insuccès a connu ce type de formation?

M. Simard (René): Je dois vous répondre que, malheureusement, le temps alloué à la recherche pour préparer ce mémoire n'a pas permis de fouiller les expériences étrangères. Malgré ça, on sait que, par le biais des missions locales en France, les parcours qui s'adressent aux jeunes portent à la fois sur l'intégration professionnelle et l'intégration sociale et, nous, on aurait souhaité que le projet de réforme porte là-dessus, en tout cas préconise ce genre d'intervention auprès des jeunes. Par exemple, il est question... quand un jeune se présente à une mission locale en France, on l'aide à la fois à se trouver un logement puis à la fois à choisir le bon programme de formation qui lui convient. Donc, nous, on aurait préféré que la réforme s'adresse comme ça pour les jeunes.

M. Gautrin: Je me suis laissé dire qu'aux États-Unis le gouvernement fédéral avait voulu mettre sur pied des projets d'insertion sociale à caractère obligatoire, laissant la gestion aux États, et que les États avaient tenté l'expérience et l'avaient retirée dans les cas où ça s'était fait, et un certain nombre d'États, la majeure partie des États ne l'avaient pas appliquée. Est-ce que vous êtes au courant de ce type d'expérience? Non? Si vous aviez – parce que vous avez une documentation plus importante que celle à laquelle je peux avoir accès – accès à ce type d'information qu'on a eue, j'aimerais ça si vous pouviez nous la faire parvenir, parce que je crois que l'information est exacte mais je n'ai pas pu la vérifier moi-même. Je vous remercie, Mme la Présidente.

Mme Bouchard (Martine): ...que, sur le terrain, on n'a jamais vu, dans nos ressources, des jeunes qui venaient et qui étaient non volontaires et qu'il y avait des résultats avec ces jeunes-là. On peut aller interroger les gens qui travaillent dans ce domaine-là, et je suis sûre qu'ils vont vous dire tous la même réponse que je vous dis aujourd'hui, sans qu'il y ait une étude exhaustive.

M. Gautrin: J'en suis conscient, parce qu'il y a un côté... Lorsqu'on veut bénéficier d'un programme de formation, il est clair qu'il y a un côté de vouloir faire le choix de participer à un programme de formation, autrement on s'assit sur une chaise et on regarde un professeur ou un programme parler et ça ne sert absolument à rien, ça défile devant notre tête sans rien.

Mme Bouchard (Martine): C'est ça.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme la députée, il reste à peu près trois minutes.

Mme Loiselle: Vous avez tantôt abordé le fait qu'il n'y avait pas de mécanisme d'appel. C'est important, je pense, que le gouvernement fasse une réflexion à ce niveau-là parce que c'est comme un droit fondamental d'avoir recours à un appel quand une décision... on ne s'en va pas à l'encontre de nos besoins.

Pour le comité des usagers, il y a un groupe qui nous a fait une suggestion de peut-être reconnaître politiquement et financièrement les organismes qui travaillent et qui défendent les groupes, les prestataires d'assistés sociaux, pour qu'il soit, le comité des usagers, et qu'il puisse aussi avoir un siège dans les CLE, une place bien spécifique, ainsi que dans les conseils locaux des partenaires. J'aimerais vous entendre sur cette proposition-là.

(11 h 20)

M. Simard (René): Bien, ce qu'on peut dire, d'après notre interprétation du centre local d'emploi, du Conseil local des partenaires, et tout ça, c'est qu'il y a des clientèles qui ne sont pas représentées par des groupes de défense des droits. C'est sûr que les groupes de défense des droits travaillent davantage avec les personnes assistées sociales, peut-être, et les chômeurs. Mais, éventuellement, les centres locaux d'emploi vont s'adresser aussi à d'autres clientèles, notamment les «sans-chèque», notamment les employeurs qui sont à la recherche de programmes de formation ou d'aide technique pour la formation. Donc, nous, on considère important que, sur le comité des usagers, il y ait toutes ces clientèles-là.

Par contre, on ne voudrait pas que des groupes qui sont clairement ciblés par le projet de réforme et le PLACE, le Plan local d'action concerté pour l'emploi, que des groupes soient exclus du Conseil local des partenaires. Parce que, nous, ce qu'on voit, c'est que c'est l'endroit clé où vont se prendre les décisions. Et on pense que ces groupes-là, notamment les jeunes parce qu'ils sont clairement ciblés, les familles monoparentales, bien, qu'au moins eux, on s'assure qu'ils aient une place sur le Conseil local des partenaires.

Nous autres, notre réflexion porte surtout là-dessus, c'est-à-dire que le comité des usagers a certainement un rôle à jouer, notamment en ce qui a trait à l'évaluation de la réforme, mais il ne faut pas oublier que c'est au Conseil local des partenaires que tout va se décider.

Mme Loiselle: Alors, vous demandez au gouvernement une place spécifique pour les jeunes au sein des conseils locaux des partenaires. Ça, c'est votre priorité.

M. Simard (René): Oui.

M. Dowd (Marc-André): Oui.

Mme Loiselle: Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, c'est ce qui met fin à l'entretien. En terminant, j'aimerais vous remercier et vous féliciter pour votre bon travail au Conseil permanent de la jeunesse et pour la présentation de votre mémoire aujourd'hui. Alors, merci beaucoup.

Alors, je demanderais à la Fédération des femmes de prendre place le plus rapidement possible, s'il vous plaît.

Alors, je vous demanderais de reprendre vos places, s'il vous plaît, le plus rapidement possible.

À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous demanderais, Mme David – on vous connaît – de présenter vos collègues qui sont avec vous, s'il vous plaît, et de commencer votre exposé.


Fédération des femmes (FFQ)

Mme David (Françoise): Bonjour. Je suis Françoise David, présidente de la Fédération des femmes du Québec. Les personnes qui m'accompagnent: à ma droite, Mme Françoise Jutras, qui est coordonnatrice d'un groupe bien connu dans la région de Québec, ROSE du nord, le Regroupement des femmes sans emploi du nord de Québec; et Mme Huguette Labrecque-Marcoux, qui est la présidente de l'AFEAS.

Compte tenu de nos milieux d'appartenance et des mandats que nous avons, vous ne serez pas surpris, j'imagine, que nous parlions principalement des préoccupations spécifiques aux femmes. Alors, nous allons d'abord vous dire un mot des femmes prestataires de l'aide sociale. Nous allons ensuite vous parler de la réforme, de ses aspects positifs, et surtout des problèmes qu'elle présente. Nous allons, dans nos présentations, nous axer surtout sur le retour des femmes monoparentales au travail et sur les compressions à l'aide sociale. Nous allons terminer avec les recommandations.

D'abord, qui sont les femmes à l'aide sociale? Quelques chiffres: 52,2 % des adultes prestataires sont des femmes, elles sont surtout des personnes seules ou des mères seules; 60 % des femmes prestataires sont responsables d'enfants contre 24 % des hommes; 17 % des femmes prestataires sont à l'aide sociale à cause de la perte d'un conjoint contre 3 % des hommes; et les deux tiers des enfants à l'aide sociale viennent de familles monoparentales dirigées neuf fois sur 10 par une femme.

Maintenant, ce que les chiffres ne disent pas, c'est la difficulté de vivre à l'aide sociale, ce dont Mme Jutras va vous parler.

Mme Jutras (Françoise): Mme la Présidente, Mme Louise Harel. ROSE du nord est un lieu d'implication d'entraide et de solidarité pour les femmes sans emploi dont la majorité sont chefs de famille monoparentale ayant un revenu d'aide sociale. Depuis 14 ans, nous travaillons avec elles à l'amélioration de leur condition de vie. Elles viennent partager des réalités communes découlant de leur situation de pauvreté. Elles cherchent ensemble des solutions pour se sortir de cette situation qu'elles n'ont pas choisie. Au contraire, elles ont été victimes de circonstances qui peuvent être reliées au divorce ou séparation, grossesse ou maternité souvent assumée seules, ou des problèmes de santé physique ou mentale, etc. Nous venons ici apporter un éclairage sur les réalités quotidiennes des femmes assistées sociales, dénoncer l'impact sur leur condition de vie et mettre en lumière leurs attentes et leurs espoirs pour l'avenir.

Les femmes chefs de famille monoparentale sont déjà dépassées par la surcharge de travail, de responsabilités, d'organisation et de difficultés qu'engendre leur situation de pauvreté. Plusieurs d'entre elles sont prises dans des démarches juridiques pénibles et chargées d'émotion. Toutes ces femmes voient leur santé physique ou mentale se détériorer de jour en jour.

Nous sommes aussi témoins des efforts déployés par des chefs de famille monoparentale ayant des enfants en bas âge qui ont tôt fait de démontrer leur volonté d'entreprendre sur une base volontaire des démarches vers l'insertion, la formation et l'emploi. Nombreuses se sont fait répondre de rester à la maison et de s'occuper de leurs enfants ou encore d'entreprendre à leurs frais leurs démarches avec leurs maigres revenus. En retour, la société leur offre une panoplie de préjugés, des coupures dans leur maigres prestations qui, déjà, ne suffisent pas à répondre à leurs besoins et à ceux de leurs enfants.

Quand tous les efforts déployés n'ont fait qu'engendrer des pénalités, lorsque le désir de s'en sortir a été étouffé par ceux-là même qui devaient les aider, leurs agents d'aide sociale, quand, après avoir essayé différents parcours vers l'insertion sociale et au marché du travail, les femmes se retrouvent toujours au même point de départ, encore plus pauvres, n'est-il pas normal qu'un sentiment de colère et d'injustice nous habite, surtout lorsque nos dirigeants, conscients qu'ils ne peuvent offrir un emploi à toutes et à tous, laissent croire que les familles ayant des enfants en bas âge bénéficient de privilèges?

Quand elles arrivent à ROSE du nord, elles ont tout essayé. Dans un dernier élan d'espoir, elles cherchent chez nous des solutions ou des réponses, mais nous en avons de moins en moins. On se demande quoi leur offrir, quel espoir leur donner dans l'avenir, sinon le combat collectif pour lutter contre la pauvreté.

(11 h 30)

Nous nous soulevons aussi avec indignation devant le sort que le projet de réforme réserve aux femmes entre 55 et 59 ans. Une majorité de ces femmes ont grandi en se préparant aux rôles que leur désignait notre bonne vieille société, soit ceux d'épouse et de mère. L'âge venu, elles ont assumé tant bien que mal les rôles qui leur étaient réservés. Plusieurs d'entre elles ont porté le blâme d'un échec dans le premier rôle et ont continué à assurer leur second rôle seule et dans la pauvreté. Elles ont fait face à diverses intempéries, souvent dans des conditions moralement et physiquement difficiles, pour mener à bien leur rôle de mère, et cela, au prix de leur santé.

D'autres ont passé une grande partie de leur vie à faire un travail sous-payé et aux conditions de travail peu enviables. Ces femmes ont dû laisser leur travail pour des raisons de santé ou tout simplement elles ont été remerciées de leurs services, tout comme on jette une vieille chaussette usée. Ces femmes, qui ont laissé leur santé derrière elles, doivent maintenant assumer des dépenses sur leurs médicaments avec leurs revenus insuffisants. Elles doivent malgré elles déroger aux prescriptions de leur médecin afin de rencontrer les autres obligations qui leur assurent les besoins essentiels.

Toutes ces femmes à l'aube de 55 ans méritent-elles le sort que leur réserve le projet de réforme avec très peu de possibilité d'améliorer leurs conditions de vie?

Ces dernières années, les femmes ayant des diplômes de niveau collégial et/ou universitaire viennent nous partager leur désespoir, désespoir de se trouver un emploi qui leur permettrait de faire face à leur endettement dû aux études, désespoir parce qu'aucune mesure d'employabilité ne répond à leur réalité. Elles entreprennent donc des démarches pour créer leur propre emploi dans le cadre du programme Soutien à l'emploi autonome. Elles déploient leurs énergies à suivre les exigences du programme. Quand plus rien n'accroche, elles se font dire qu'il n'y a plus d'argent alloué dans le cadre du programme. Pour celles qui ont passé cette dernière étape, le soutien devient un cauchemar et elles doivent malheureusement annoncer faillite dès les premières années.

Que peuvent-elles attendre de plus de la réforme proposée? Beaucoup de femmes ayant un revenu d'aide sociale participent de façon volontaire, bénévole, au bon fonctionnement de l'ensemble de la société, selon leur rythme, leur réalité, leur capacité et leurs besoins. Il ne faut pas oublier ici que c'est le ministère qui décide qui sont les aptes au travail. Et, surtout, c'est quoi, un travail? Les femmes assistées sociales veulent que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité reconnaisse leur rythme, leur réalité et leur capacité. Qu'il reconnaisse aussi les autres formes de contributions familiale, sociale et communautaire de notre société. Enfin, qu'il donne la possibilité d'entreprendre, sur une base volontaire, un parcours individualisé vers l'insertion sociale, la formation et l'emploi avec un soutien correspondant à leur réalité. Et je rappelle à Mme Harel que ces réalités, il faut prendre le temps de les connaître avant de parler d'obligation, car ces femmes ne sont pas à l'aide sociale par choix. Elles n'ont pas décidé d'avoir un congé de maternité prolongé ou de prendre une retraite anticipée.

Je passe la parole à Mme Huguette Marcoux pour la réforme, ce qu'on en pense.

Mme Labrecque-Marcoux (Huguette): Mme la Présidente, Mme Harel, des avancées intéressantes en regard de la réforme proposée. Enfin, on admet que les personnes assistées sociales n'ont pas choisi cette vie de pauvreté. Le fait de concentrer en un même lien l'ensemble des services d'aide à l'emploi pour toutes les personnes qui en ont besoin, c'est positif. On insiste davantage sur une approche individualisée redonnant un peu de dignité à tous ceux et celles qui ont la malchance de se retrouver prestataires de la sécurité du revenu.

L'allocation unifiée pour enfants, au niveau du principe. Le fait de laisser les parents gardiens conserver une partie de leur pension alimentaire; le développement des services de garde répondant à certains besoins des familles, surtout celles qui ont un revenu modeste; et une légère hausse des montants que peuvent gagner les prestataires de l'aide sociale avant que leur prestation soit revue.

Maintenant, des emplois, où ça? Tout d'abord, une clientèle qui aura passé au travers d'un parcours d'insertion retrouvera quel type d'emplois et où ça? Tant que cette fameuse politique active du marché du travail n'est pas mise en place et que nous n'en voyons pas les résultats, comment croire à l'efficacité des mesures d'insertion? Surtout, comment peut-on justifier les énormes pénalités prévues pour ceux et celles qui refuseraient de s'inscrire en ne voyant pas où cela les mène? Et, ces mesures, quelles sont-elles? Combien de places en apprentissage, en formation professionnelle? Qu'est-ce qu'on attend, au juste, des organismes communautaires? Qu'ils deviennent des groupes d'insertion? Beaucoup d'organismes communautaires ne veulent pas devenir gestionnaires de la pauvreté.

En second lieu, nous nous élevons avec vigueur contre l'obligation qui est faite aux prestataires de suivre un parcours d'insertion. Dans le contexte économique que nous connaissons, il est odieux d'exiger des personnes de participer à un parcours vers l'inconnu, sans aucune garantie de résultat. Les mesures d'employabilité ont créé combien d'emplois? Remplacer les mesures d'employabilité par un parcours d'insertion ne crée pas, par miracle, de multiples emplois ou des places à l'école.

Enfin, nous insistons pour dire que les parcours d'insertion ne doivent pas viser nécessairement l'emploi que nous comprenons habituellement, c'est-à-dire qu'un certain nombre de personnes assistées sociales, parmi lesquelles beaucoup de femmes d'âge mûr, retrouveront rarement un certain type d'emplois. Pourrions-nous avoir, comme société, l'honnêteté de le dire et de chercher de nouvelles voies vers l'intégration sociale et communautaire?

Élever des enfants, c'est un travail aussi. À propos des femmes, il faut revenir ici sur la situation particulière de celles qui sont monoparentales et prestataires de la sécurité du revenu. Le livre vert les identifie comme l'une des deux clientèles prioritaires que l'on va obliger à suivre un parcours d'insertion, l'autre étant les jeunes. Dès la sortie du livre vert, la FFQ s'est élevée contre cette proposition rappelant le principe du libre choix des femmes de demeurer on non un certain temps à la maison pour élever leurs enfants. Il faut clarifier cette question.

La FFQ, comme bien d'autres groupes de femmes, lutte depuis longtemps pour que les femmes acquièrent leur autonomie économique et financière. Ça, on ne revient pas sur ça. Nous savons que cet objectif passe généralement par un travail rémunéré convenablement. De là nos batailles pour la hausse du salaire minimum, l'équité en emploi, l'équité salariale, l'accès des travailleuses à la syndicalisation. Cependant, nous luttons aussi depuis longtemps pour que la fonction parentale, la plupart du temps exercée par les femmes, soit reconnue et valorisée socialement. De là, des luttes pour des congés de maternité et parentaux, la conciliation travail-famille, le développement de services de garde accessibles et adaptés aux besoins des parents, des avantages fiscaux ou des allocations pour reconnaître la prise en charge des enfants.

Il n'est pas question ici de nous lancer dans un plaidoyer en faveur du retour des femmes à la maison, d'autant que nous savons dans quel isolement et dans quelle pauvreté se retrouvent souvent des femmes qui ont élevé une famille et qui doivent survivre à une rupture conjugale. Nous savons qu'il est difficile, pour une mère qui a passé plusieurs années à la maison, de retourner sur le marché du travail. En fait, compte tenu des changements rapides dans la technologie et la compétition féroce pour des emplois de qualité, ce retour devient de plus en plus difficile. Il est donc parfaitement logique que l'on fournisse à toutes les femmes au foyer, prestataires ou non de l'aide sociale, des moyens pour opérer une réintégration progressive, mais cela ne veut pas dire qu'il faille les obliger à travailler à temps plein dès que l'enfant a deux ans.

On nous dira que déjà la majorité des mères de jeunes enfants travaille à l'extérieur du foyer. En fait, 65,5 % de ces mères ayant un conjoint sont au travail. Ce chiffre baisse à 39 % pour les mères monoparentales. Imagine-t-on quelle énergie doit déployer une mère complètement seule avec un ou deux enfants, qui doit filer à la garderie chaque matin, courir à son travail, revenir épuisée et s'atteler, toujours toute seule, pour sa deuxième journée de travail, celle-là à la maison? Sept jours et sept nuits par semaine. Cette mère est entièrement responsable de ses jeunes enfants. Est-il humain de l'obliger à cette course contre la montre qui risque finalement d'être plus aliénante que le fait de rester un certain temps à la maison?

(11 h 40)

Le féminisme du début des années quatre-vingt a évolué. Nous tentons aujourd'hui d'arrimer ensemble deux concepts en apparence contradictoires: le choix de demeurer à la maison un certain temps sans que cela soit pénalisant et l'importance de l'autonomie financière. Nous parlons ici des femmes surtout, mais des hommes aussi commencent à se poser ce genre de questions. Plus concrètement, en ce qui a trait aux mères de jeunes enfants, assistées sociales, nous refusons, comme pour les autres prestataires, l'obligation de participer à un parcours d'insertion. Cependant, nous favorisons une offre de service qui incitera, nous en sommes certaines, la plupart d'entre elles à effectuer une démarche qui les conduira vers une sortie de l'aide sociale. Est-il besoin de rappeler ici que, survivre avec des prestations de la sécurité du revenu n'est pas une sinécure et que les femmes sont extrêmement désireuses d'améliorer leur sort. Elles sont déjà plus nombreuses que les hommes à participer aux mesures d'employabilité, rappelons-le. On peut facilement imaginer que: parcours adapté à leur situation, retour progressif aux études, stages à temps partiel, implication communautaire, faciliteront leur insertion sociale et leur accès à un emploi. Elles auront besoin aussi de soutien de leur communauté, car, ne l'oublions pas, elles sont seules avec un ou plusieurs enfants.

Mme David nous parle des recommandations.

Mme David (Françoise): Avant de parler des recommandations, je voudrais vous dire un mot sur la question des compressions à l'aide sociale. Je pense que vous ne serez pas étonnés que je répète ici ce qui n'est pas qu'un slogan creux, ça s'appelle: La clause d'appauvrissement zéro.

Depuis un an, il y a eu pas mal de compressions à l'aide sociale. Je ne vous en ferai pas la liste, vous la connaissez aussi bien que moi. Vous savez très bien que beaucoup de ces compressions ont touché les femmes et leur famille, donc beaucoup d'enfants. Vous savez aussi qu'on parle de nouvelles compressions à l'aide sociale, soit celles qui ont été annoncées dernièrement ou celles qu'on prévoit faire avec le livre vert.

Cela dit, j'ai des questions, parce que, dernièrement, Mme la ministre, vous êtes revenue sur un certain nombre de ces compressions et j'ai des questions très précises à poser. D'abord, il était question de couper 100 $ par mois aux personnes de 55 à 59 ans; il semble que vous l'avez rétabli. J'aimerais savoir si le rétablissement de l'allocation de 100 $ par mois va être, là aussi, comment je dirais, donné aux femmes et aux hommes de cet âge-là sous la forme d'un choix, c'est-à-dire le choix de recevoir une allocation qu'on peut appeler de non-disponibilité ou autrement ou le choix d'effectuer un parcours d'insertion pour des personnes qui le voudraient. J'aimerais avoir une réponse là-dessus.

J'ai aussi une question sur le rétablissement de l'allocation de 120 $ pour les personnes qui participent à des mesures. Est-ce qu'il est très clair que ce 120 $ est donné sur le chèque et que tout frais additionnel, qui est lié à la participation, sera couvert autrement?

J'ai une troisième question: Est-ce que c'est très clair qu'il n'y aura pas de pénalité pour refus de parcours chez des mères monoparentales qui ont de jeunes enfants? Et, dans les trois cas, je voudrais savoir si, lorsque vous annoncez ces choses, le Conseil du trésor, et plus généralement le Conseil des ministres, vous appuient?

J'aimerais savoir aussi si les frais de garde seront gratuits pour les familles à l'aide sociale qui veulent participer à des parcours d'insertion. Le moins qu'on puisse dire, c'est que la politique familiale n'est pas très claire là-dessus.

Alors, vous savez que les coupures, nous ne les avons pas acceptées l'an dernier; nous ne les acceptons pas cette année. Nous réclamons une clause d'appauvrissement zéro pour toutes les personnes qui forment le 20 % le plus pauvre de la population et nous disons que c'est un minimum vital. Comme je sens qu'il me reste 20 secondes, est-ce que je peux prendre 20 secondes?

La Présidente (Mme Barbeau): Oui.

Mme David (Françoise): O.K. Je voudrais simplement vous dire: Vous avez nos recommandations, je suis certaine que vous allez nous poser des questions là-dessus. Vous ne serez pas étonnés que, dans nos recommandations, évidemment, apparaisse la notion de non-obligation, non seulement pour les femmes monoparentales, mais pour l'ensemble des personnes à l'aide sociale, là, à propos du parcours d'insertion, mais, deuxièmement, on demande aussi une hausse généralisée du barème de base pour que les personnes puissent avoir au moins ce que le gouvernement lui-même reconnaît comme un seuil de couverture des besoins essentiels. Quant aux autres recommandations, je vous en laisse faire la lecture vous-mêmes.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, bienvenue à la Fédération des femmes du Québec. Bienvenue, Mme David, Mme Labrecque-Marcoux, qui êtes aussi présidente de l'AFEAS et membre de la Fédération des femmes du Québec, je pense, et Mme Jutras, du Regroupement des femmes ROSE du nord.

Je comprends, Mme David, que vous maintenez la même perspicacité, en tout cas, dans les questions que vous posez, que dans celles que vous posiez à l'occasion du Sommet, et j'essaierai d'y répondre le plus directement possible, même si, habituellement, les commissions parlementaires ne servent pas à ça. Mais, je me dis: Autant, finalement, donner suite à votre demande de clarification.

Peut-être juste avant, un mot sur une réalité qui est le contexte dans lequel j'ai, moi, et nous tous, comme société québécoise, à évoluer. J'en ai rapidement parlé dans l'introduction du livre vert. Ça se résume bien simplement. La prestation moyenne de base n'a pas augmenté autrement qu'en suivant le coût de la vie depuis 20 ans, malgré que, depuis 20 ans, le budget de l'aide sociale, lui, ait augmenté de 600 %. Et si le budget de l'aide sociale a augmenté depuis 20 ans de 600 %, ce n'est donc pas à cause de la prestation moyenne, mais c'est à cause du nombre de ménages.

Ce n'est pas indifférent que depuis les cinq dernières années il y a eu 200 000 personnes de plus à l'aide sociale, 90 000 ménages, et ç'a coûté à peu près 1 000 000 000 $ de plus. Ce n'est pas indifférent que les resserrements d'éligibilité à l'assurance-emploi aient eu un effet direct. Disons, même si c'est prudent, les chiffres qui ont été énoncés dans le rapport Fortin, où il parlait de 30 000 ménages de plus durant les trois dernières années, 30 000 ménages de plus, c'est 250 000 000 $ et 30 000 ménages – pas de plus à l'aide sociale, c'est 30 000 ménages de plus de chômeurs qui, normalement, autrement, auraient eu droit à l'assurance-chômage et qui, à cause des resserrements, n'y avaient plus droit et qui se trouvaient à demander l'aide sociale à la place.

Avec les nouveaux critères du 1er janvier dernier, qui, comme vous le savez, resserrent encore plus l'éligibilité pour les femmes, les jeunes et les travailleurs saisonniers, les travailleuses saisonnières, c'est à peu près 9 000 ménages de plus anticipés pour l'année qui commence. Ça, ça signifie 70 000 000 $. Quand on regarde le budget de l'aide sociale, il est resté quasiment le même – ça peut vous surprendre pourtant avec les coupures que vous énoncez dans votre mémoire – il est resté autour de 4 240 000 000 $. Alors, il n'a pas baissé, le budget global, mais c'est le nombre de ménages qui a augmenté et, le nombre de ménages, c'est comme si l'assurance-emploi d'Ottawa déversait directement des chômeurs maintenant à l'aide sociale. Et, c'est encore plus vrai, je dirais, pour les travailleuses chômeuses, et encore plus vrai pour celles, par exemple, qui, auparavant pouvaient avoir droit à un congé de maternité sur l'assurance-chômage mais qui n'y ont plus droit. Il n'y a même plus la moitié des travailleuses au Québec présentement qui travaillent, qui cotisent et qui ont droit à un congé de maternité à cause des resserrements d'éligibilité à l'assurance-emploi.

Alors, ça, c'est le contexte. Je ne vous ajouterai pas à ça les coupures dans les transferts depuis l'an passé et cette année, qui vont totaliser 1 800 000 000 $, coupures fédérales dans les transferts à l'aide sociale, dans les hôpitaux et au niveau des collèges et des universités. Moi, ça me fait constater qu'on fait les compressions du fédéral et ils sont en train de dépenser notre argent parce qu'en attendant ils ont maintenu très élevé le niveau des cotisations, très élevées à l'assurance-emploi, payées par des travailleuses et travailleurs dont les revenus sont inférieurs à 39 000 $. En haut de 39 000 $, il n'y en a plus de cotisations à payer. Ils s'en servent directement pour réduire le déficit en détournant des cotisations.

Alors, il y a un contexte. Je peux comprendre que vous me disiez que ça n'empêche pas le reste, là, mais ce contexte-là, on ne peut pas faire abracadabra et faire comme s'il n'existait pas. Bon. Ceci étant dit, mes collègues et moi, on s'est déjà engagé à revoir cette proposition sur les 55-59 ans qui, incidemment, n'est pas appliquée, là. Pour ces 55-59 ans, vous me dites: Faut-il, à ce moment-là, les traiter comme les 60 ans? Je comprends, compte tenu de toutes les représentations qu'on a eues ici, que les 55-59 ans préféraient avoir le choix, le choix soit d'une allocation à la Régie des rentes comme les 60 ans – c'est ce qui est proposé – ou encore le choix aussi, parce qu'il peut y en avoir, pour en avoir rencontrés, sûrement que vous en avez rencontrés aussi, qui souhaitent un second départ, même à cet âge-là. Et pourquoi pas?

(11 h 50)

Alors, je pense que, ce qui est en cause, c'est plus le barème, le maintien – quelle que soit son appellation – de cette allocation pour contrainte. On peut l'appeler autrement, mais on pourrait au moins dire que c'est une contrainte à l'emploi en raison de l'âge.

D'autre part, je vous ai fait envoyer ce que j'ai déjà communiqué au Front commun des personnes assistées sociales; ça fait déjà deux mois de ça. Dès que j'ai compris, en rendant public le livre vert, qu'il y avait une confusion sur le barème de participation, la première chose qu'on a faite, c'est une directive dans l'ensemble du réseau. Moi, cette directive,je l'ai déposée la première journée où on a siégé en commission. Je pense même vous l'avoir fait envoyer à la Fédération. Cette directive est très, très claire. Il n'a jamais été question, même du côté du Trésor, d'abolir le 120 $. Alors, le 120 $, et la directive l'indique, c'est le barème qui est ajouté quand il y a participation, comme c'est le cas présentement avec des services de garde... des frais de garde, plutôt, et des frais d'études qui s'ajoutent à ça.

Frais de garde. Actuellement, les frais de garde payés par le ministère de la Sécurité du revenu pour les familles prestataires qui participent à des mesures consistent en une prestation spéciale qui est accordée et qui couvre la partie qui n'est pas compensée par l'Office des services de garde. Alors, cette prestation spéciale totalise un maximum de 10 $ par jour présentement. C'est 10 $ par jour et ça couvre à raison de cinq jours par semaine. C'est donc le maintien de ces frais de garde qui vient compenser la partie versée par l'Office des services de garde et qui laisse un découvert pour les familles qui participent à des mesures.

L'autre aspect. Je ne sais pas si j'en ai oublié, vous me le direz. Il y a un aspect qui nous distingue dans ce que vous... Ah oui! Peut-être un dernier mot sur la politique de reconnaissance de l'action communautaire autonome. Il y a présentement, en cours, un exercice qui se fait pour reconnaître l'action communautaire autonome au sein d'une politique-cadre. Ça a été d'ailleurs une des décisions du Sommet. Il y a eu une rencontre nationale de l'ensemble des 19 secteurs représentatifs du communautaire autonome. Ce que le communautaire autonome nous dit, c'est: Ne nous confondez pas avec les organismes qui s'occupent d'employabilité puis de main-d'oeuvre; ce n'est pas pareil. Et, ce que l'on retient de ça, c'est que, effectivement, ce n'est pas pareil.

Alors, le communautaire autonome. On donnera suite à cette reconnaissance d'une politique du communautaire autonome et, comme vous le savez, le communautaire en employabilité et main-d'oeuvre est déjà membre d'une coalition et déjà représenté au sein des instances des partenaires du marché du travail, au même titre que les partenaires patronaux et syndicaux. C'est nouveau, depuis deux ans, mais ça va continuer en s'intensifiant.

Bon. Ce qui nous différencie, par ailleurs, ce matin, c'est la question, si vous voulez, de l'élevage des enfants. Tantôt, vous avez dit: «Élever des enfants, c'est un travail.»

Des voix: ...

Mme Harel: Et quand je dis «l'élevage» des enfants, je le dis en toute bonne foi. Pour moi, personnellement, ça a été ce qui m'a procuré le plus de joie dans ma vie. Alors, c'est un travail. «Élever des enfants, c'est un travail», avez-vous dit, madame... madame? Excusez-moi? Je ne pense pas que ce soit Mme Jutras. Oui? C'est vous, je pense, ou c'est Mme Labrecque? C'est Mme Labrecque-Marcoux. Mais, est-ce que c'est un travail pour les femmes seulement? En fait, je pense que c'est la question qu'on peut se poser: Est-ce qu'élever des enfants est un travail de femmes, est-ce que c'est un travail pour les femmes? Je pense que la question s'est toujours posée pour le mouvement des femmes et j'aimerais savoir où en est votre réflexion.

Moi, ce que j'aimerais vous signaler à ce propos, c'est, en fait, inspiré par les travaux du comité Bouchard, donc du rapport Bouchard suite à l'examen de la réforme qui a eu lieu pendant neuf mois. Je vous lis simplement ce qu'il en dit à la page 142: «La politique actuelle des programmes d'aide, consistant à octroyer un barème de non-disponibilité aux parents d'enfants de moins de six ans – je vous lis le rapport Bouchard – semble avoir un effet direct sur la non-participation à des mesures de scolarisation et de préparation à l'emploi, mesures sans lesquelles ces mères augmentent les risques de se condamner à la pauvreté chronique et avec elles leur enfant.

«Par ailleurs, cette mesure est discriminatrice envers les mères travailleuses à bas revenus. De plus, comme nous l'avons vu, les résultats de recherche fournissent des indications d'effets positifs d'une participation active de ces mères à une démarche d'insertion socio-professionnelle. On doit prévenir l'isolement et le surplace que peut engendrer un séjour prolongé à l'aide sociale et favoriser une insertion.»

Et, là, on continue; je lis le rapport: «Le barème de non-disponibilité pour charge d'enfant de moins de six ans représente un montant global de 85 000 000 $. Dans les circonstances, c'est une somme considérable dont on propose, dans le présent rapport, de délester les parents de jeunes enfants. Cette décision a été prise par l'ensemble des membres du comité externe, dans le contexte où la proposition de réforme prévoit aussi l'accessibilité gratuite aux services de garde pour les familles à bas revenus.» Et ainsi de suite. Finalement, ça faisait vraiment partie des recommandations du rapport.

Vous me demandiez tantôt ce qui arrive pour les mères d'enfants en bas âge, c'était là votre question. Moi, je vous réponds tout de suite: à part celles dont les enfants auront cinq ans et entreront à la maternelle plein temps au mois de septembre, pour celles-là, vous le savez déjà, celles-là, finalement, parce que les enfants sont à la maternelle, comment considérer qu'elles sont non disponibles? Et, je vous rappelle que la non-disponibilité peut avoir des effets pervers importants, que la non-disponibilité, pour le gouvernement précédent, c'était une manière de sauver de l'argent: 100 $ par mois, c'est bien moins cher ça que de mettre en place un réseau de support de maternelles plein temps. Les maternelles plein temps, c'est 134 000 000 $. Puis, juste pour les enfants de cinq ans, le 100 $ par mois, ça ne représente même pas 5 % du 134 000 000 $, c'est 5 800 000 $. Avez-vous idée que c'est bien plus coûteux de mettre en place des maternelles cinq ans à plein temps que de dire: Restez à la maison puis gardez votre 100 $ avec les enfants?

Alors, dans la balance, je me dis, moi, la première chose, c'est en fonction de l'âge des enfants et de la capacité, progressivement, que la politique familiale, dont Mme Marois est responsable, donc en fonction de la capacité d'implanter le réseau de services de garde adéquats – garderie, milieu familial – le réseau aussi qui va permettre le parcours, parce que, pour tout de suite, on reste à cinq ans, parce que l'enfant entre en maternelle – et ça, c'est confirmé – mais, puisqu'on est ici pour en discuter, dans l'avenir, en admettant que les ressources pour le parcours et celles pour les services de garde sont combinées et offertes en même temps, vous pensez malgré tout qu'il faille souhaiter que les mères décident que c'est mieux de garder l'enfant avec elles à la maison? C'est là ma question.

Le Président (M. Gaulin): Mme la présidente David, il reste cinq minutes au côté gouvernemental.

Mme David (Françoise): Bon. Alors, commençons par le contexte. Je vais être brève là-dessus parce que j'ai hâte d'aller sur ce dont je savais bien qu'on discuterait ce matin. On connaît, nous aussi, les contraintes imposées par le régime fédéral, et par les coupures, et par tout ce que vous avez dit, Mme Harel, mais on n'acceptera jamais qu'au nom de ces contraintes on appauvrisse les gens à l'aide sociale. C'est aussi simple que ça. Ce n'est pas de notre part faire preuve de naïveté, d'ignorance ou d'inconséquence, c'est simplement de dire: Il faut, comme société québécoise, qu'on fasse le choix de lutter contre la pauvreté. Ça n'a pas de sens, particulièrement depuis un an, depuis toutes les coupures qui ont été vécues, la pauvreté, je dirais même la misère dans laquelle vivent un grand nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

(12 heures)

Je vous rappellerais aussi qu'il n'y a pas que les problèmes liés aux coupures fédérales qui, en ce moment, affectent les conditions de vie de nos concitoyens, il y a aussi nos grandes entreprises, dans certains cas typiquement québécoises – je parle du Mouvement Desjardins, par exemple – qui font des mises à pied ou qui en annoncent. Ça aussi, ça va amener des gens au chômage et peut-être à l'aide sociale. Autrement dit, il y a une société, je pense, qui se cherche d'autres façons de fonctionner. Il y a des gens qui ont beaucoup de pouvoir dans cette société, au Québec, au Canada ou dans le monde. Il y a des financiers qu'on n'a jamais élus qui décident pour nous de nos choix politiques, à commencer par le déficit zéro en l'an 2000, et ça, ça fait partie des contraintes aussi. Le problème, c'est qu'il y a des gens qui vivent ça dans le quotidien. Et, nous, notre travail, je pense, c'est de parler de ces gens qui ne peuvent plus vivre dans la pauvreté.

Maintenant, arrivons au vif du sujet. Certaines des questions que vous posez trouvent une réponse, à mon avis, tout à fait évidente. Écoutez, pensez-vous vraiment que la Fédération des femmes du Québec va, un, dire que le travail qui consiste à s'occuper des enfants, c'est un travail pour femmes seulement? Non.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme David (Françoise): Alors, ça, c'est simple: non. Deux, pensez-vous vraiment que la Fédération des femmes du Québec va faire ici un plaidoyer en faveur d'un retour massif des femmes à la maison? Non. Une fois qu'on a établi ça, maintenant, on va effectivement parler de la réalité concrète à court terme telle qu'elle est vécue par les femmes. Je me permets de diverger d'opinion avec M. Bouchard, pour qui j'ai le plus grand respect, par ailleurs; ça n'empêche pas qu'on puisse parfois avoir des divergences. Je ne pense pas, moi – et je sais que les personnes qui travaillent avec les femmes chefs de famille à l'aide sociale ne le pensent pas non plus – que, globalement, c'est le 100 $ de non-disponibilité qui empêche les femmes, les mères de jeunes enfants, de participer à un parcours d'insertion ou de revenir sur le marché du travail.

Vous avez raison de dire, cependant, que très peu d'argent et très peu d'énergie ont été déployés dans les 10 dernières années pour aider les mères de jeunes enfants à effectuer ce qu'on appelait, à l'époque, des mesures d'employabilité. On est même allé souvent jusqu'à leur refuser, pour toutes celles qui le voulaient, leur refuser dans le sens où on ne payait pas les frais de garde. Alors, dans ce sens-là, comment je dirais, c'était là qu'était le problème majeur.

Deuxièmement, on aura beau mettre en place des services de garde de toutes sortes dans l'ensemble des régions du Québec, à coût modique, pour les femmes chefs de famille qui, dans bien des cas, vont se trouver des jobines – soyons clairs, c'est ça, le marché aujourd'hui – ou du travail à temps partiel ou à statut précaire, ou le soir, ou la fin de semaine, ce n'est pas tout, ça, de payer des frais de garde. C'est une grande partie de la solution au problème, j'en conviens, mais, pour un certain nombre de femmes, ça ne peut pas être la seule partie. J'ai de la misère à voir le jour où on va avoir des services de garde la fin de semaine. Je le souhaite, mais je ne suis pas certaine qu'on en soit bien proche.

Alors, qu'est-ce qu'elle va faire, cette mère monoparentale qui, je le rappelle, est tout le temps seule avec des enfants? Ce n'est pas la même situation que plusieurs d'entre nous, là, qui avons été deux ou un et demi, disons...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme David (Françoise): Seule 365 jours et surtout 365 nuits – ne les oublions pas, les nuits – par année. Les conditions de travail offertes souvent aux mères monoparentales ne sont pas faites vraiment pour les aider à retourner, quand l'enfant a un an ou deux ans, à un travail à temps plein. C'est ça, la réalité. Bon.

Cela dit, vous avez lu certainement notre mémoire, qu'on propose, oui, qu'il y ait des services, des services de garde, un parcours d'insertion adapté qui peut être à temps partiel, le retour aux études, l'insertion communautaire, un apprentissage, une formation professionnelle qualifiante, oui, tout ça peut se faire, devrait s'offrir aux mères de jeunes enfants. Nous le souhaitons; nous ne demandons que ça. Ce que nous disons, c'est qu'elles demandent d'y aller à leur rythme. Je pense que ça, ce n'est pas trop compliqué à comprendre: à leur rythme. Pour certaines, l'enfant aura un an et elles seront déjà prêtes à le faire, peut-être même, dans certains cas, à temps plein. Peut-être que leur mère habite en haut et puis qu'elle peut les aider. Mais, pour d'autres complètement seules, bien, ça va peut-être prendre trois ans. Est-ce que c'est si dramatique?

Dernière chose. Oui, nous nous objectons à ce que, même avec vos maternelles temps plein en septembre, on coupe l'allocation de 100 $ par mois. Pour une raison très simple: les femmes mères de famille, chefs de famille à l'aide sociale, elles n'ont pas les moyens de perdre 100 $ par mois. Et, si vous n'êtes pas certains de pouvoir leur offrir en contrepartie, quand l'enfant a cinq ans, un parcours d'insertion avec le 120 $ par mois, bien, là, il y a une perte sèche. Alors, appelez-la comme vous voudrez, votre allocation, mais laissez-leur l'équivalent de 100 $ par mois. C'est ce qu'on dit dans notre texte.

La Présidente (Mme Barbeau): Malheureusement, c'est encore dépassé. Ce n'est pas de la mauvaise volonté, mais c'est le fonctionnement de la commission. C'est maintenant à la députée de Sainte-Marie–Sainte-Anne, la parole.

Mme Loiselle: Saint-Henri–Sainte-Anne.

La Présidente (Mme Barbeau): Saint-Henri–Sainte-Anne. Qu'est-ce que j'ai dit? Excusez.

Mme Loiselle: C'est correct. Bonjour, mesdames. Bienvenue. Vous savez, les chiffres il faut faire bien attention. Les statistiques, il faut toujours être prudent. Depuis plus de deux ans, le gouvernement actuel nous dit que le régime de l'assurance-emploi est pour faire gonfler le nombre de ménages à l'aide sociale. Les derniers chiffres – l'évaluation mensuelle des ménages – qui sortent du ministère de la Sécurité du revenu, le nombre des ménages des prestataires à l'aide sociale est à la baisse. Alors, il faut faire attention quand on parle de chiffres et regarder les chiffres de son propre ministère.

Vous avez raison, le barème de non-disponibilité pour les femmes monoparentales à l'aide sociale, c'est une question de survie. Ça aide à payer les besoins minimaux essentiels pour survivre dans la pauvreté, sous le seuil de la pauvreté. On oublie toujours que les femmes à l'aide sociale, monoparentales, se sont les familles les plus pauvres parmi les pauvres du Québec. Ça, c'est une réalité, ce n'est pas des chiffres que j'invente: ce sont les familles les plus pauvres du Québec parmi les pauvres. Alors, quand on enlève à ces gens-là un montant de 100 $ par mois, c'est les pousser tranquillement dans la trappe de la misère, et ça, c'est inacceptable. Je pense qu'il faut continuer le combat pour que le gouvernement recule à cet égard-là.

Je pense qu'on ne peut pas dissocier la réforme qu'on a devant nous avec – vous en avez parlé tantôt – la loi 115, les effets dévastateurs des compressions de la loi 115 qui a été faite sans consultation ainsi que la loi 84. On n'en parle pas beaucoup, mais la loi 84 a été passé dans le moulinet à la toute dernière minute, lors de la dernière session; il y a des coupures, des compressions importantes dans cette loi-là aussi. On ne peut dissocier la réforme qu'on a devant nous du fléau de la pauvreté et toutes les mesures d'appauvrissement qu'on retrouve dans cette réforme-là.

On regarde les statistiques qui sont alarmantes actuellement. Depuis l'an dernier, les banques alimentaires, les centres de dépannage n'ont pas doublé, n'ont pas quintuplé: 1 000 % de plus. 1 000 % de plus de centres de dépannage pour aider les gens; 78 % de plus, un bond dans les écoles, pour l'aide aux enfants, pour les petits-déjeuners dans les écoles. Les statistiques nous démontrent qu'actuellement il y a 20 % des enfants québécois qui ne mangent pas à leur faim à tous les jours, surtout en fin de mois; ça, c'est troublant. Alors, on ne peut dissocier la réforme qu'on a devant nous des conséquences du fléau de la pauvreté.

Si on conserve le caractère obligatoire, surtout pour les jeunes et les familles monoparentales, le caractère obligatoire avec pénalité... Vous en parlez dans votre mémoire, le Conseil du statut de la femme le démontre aussi: ce sont les femmes monoparentales à l'aide sociale qui font le plus d'efforts pour s'en sortir, ce sont elles qui participent le plus aux mesures d'employabilité et ce sont aussi elles qui participent le plus au rattrapage scolaire. Alors, ce n'est pas parce qu'elles ne veulent pas s'en sortir, elles font déjà l'effort au moment où on se parle. Alors, si le gouvernement ne fait pas un recul, ne fait pas un virage majeur et ne retire pas le caractère obligatoire avec pénalité, est-ce que, pour vous, cette réforme-là qu'on a devant nous, ce n'est qu'une façon maquillée de faire des économies sur le dos des familles les plus pauvres du Québec?

Mme David (Françoise): En fait, je pense que la réforme qu'on a devant nous essaie de prôner – ce avec quoi on est plutôt d'accord, d'ailleurs – l'idée de parcours d'insertion pour les personnes qui en ont besoin, mais en le finançant à même un certain nombre de coupures dans la même réforme. Je pense que c'est plutôt ça le problème. Et, quant à citer Camil Bouchard, citons-le jusqu'au bout. M. Bouchard et ses collègues disaient l'année dernière: «Une véritable réforme de l'aide sociale, une véritable lutte contre la pauvreté, l'ouverture de milliers de nouvelles places dans des écoles, par exemple, ou de stages en entreprise, ça va demander un peu d'argent.» Forcément!

Et là on a bien vu qu'il y avait des problèmes parce que, dans le fond, ce qu'il y a à la place, c'est des compressions. Alors, oui la réforme. Si on maintient les pénalités, si on maintient les compressions telles qu'annoncées – je n'en ai pas fait la liste – on pourrait parler de la question de l'impôt foncier, du remboursement de l'impôt foncier qui vaut un certain nombre de millions et tout ça, c'est évident qu'à partir de ces compressions-là, probablement qu'une partie va aller à la sainte lutte contre le déficit et une partie va aller effectivement à financer ce qu'on appelle les mesures actives par opposition à ce langage que je déteste, qui s'appelle les mesures passives, comme si de donner un chèque à quelqu'un, c'est le donner à une espèce de légume qui ne bouge pas, alors qu'en fait on lui donne le droit de vivre. Et ça, effectivement, on n'est pas d'accord avec ça.

(12 h 10)

Une réforme conséquente de l'aide sociale va effectivement exiger probablement certains fonds additionnels, c'est tout à fait évident, pour un certain temps. Maintenant, ce dont il faut convenir aussi, c'est qu'on n'aurait pas tant de gens en parcours d'insertion et en insertion sociale et communautaire et tout ça s'il y avait plus d'emplois. Il y a une donnée nouvelle à l'aide sociale. Je conviens fort bien que 50 % des gens à l'aide sociale n'ont pas de secondaire V et qu'on va devoir faire un effort important au plan de l'éducation pour du rattrapage scolaire; mais, avec les compressions qu'on nous annonce en éducation, je ne sais pas comment on va faire.

Ceci dit, moi, ce qui m'interpelle beaucoup, c'est qu'il y a maintenant entre 5 % et 8 % de gens à l'aide sociale qui sont scolarisés, qui ont un diplôme collégial ou universitaire. Là, on ne parle pas tellement d'apprendre à faire des c.v. ou de se scolariser davantage et de s'endetter davantage, on parle de créer de l'emploi. Là-dessus, je trouve que le livre vert est assez vague, c'est le moins qu'on puisse dire.

Mme Loiselle: Vous savez, on a toujours promis, de la part gouvernementale, finalement, de ne pas briser le filet de sécurité sociale. Je reviens au discours inaugural du premier ministre en mars 1996, quand le premier ministre lui-même disait: «Je tiens à rassurer nos citoyens: il n'est pas question de réduire les prestations de base des bénéficiaires d'aide sociale.» Dans le même souffle, dans le même discours, il disait: «La famille est à la fois la brique et le ciment de nos vies, il faut en prendre grand soin.» Si on applique les pénalités de 150 $ et de 300 $ à la prestation de base, qui n'est même plus de 500 $ – comme vous l'avez dit tantôt, avec l'impôt foncier, ça tombe à 487 $ – est-ce que, pour vous, on vient de briser le filet de sécurité sociale au Québec?

Mme David (Françoise): C'est très clair. C'est très clair, et ça, on n'est pas les seules à le dire. Il n'y a pas beaucoup de groupes, jusqu'à présent, qui sont passés devant vous, ni beaucoup d'individus qui se sont montrés en accord avec ces pénalités-là. Et on peut avoir toutes sortes de raisons d'être contre les pénalités, je pense. Il y a des raisons de stricte efficacité. Il y avait un excellent article dans Le Devoir d'hier, de la part de M. Bouchard, M. Noël et Mme Labrie qui nous expliquaient en long et en large pourquoi tout ça est complètement inefficace.

Mais, moi, je voudrais apporter un autre argument pour dire que je m'oppose résolument, à la Fédération et dans tous nos groupes, à la notion des pénalités pour qui que ce soit. Mettons qu'on trouverait quelques personnes qui, effectivement, préféreraient ne rien faire – je n'en connais pas beaucoup – prenons le cas de la personne qui a envie de ne rien faire, qui n'a pas de charge d'enfant, qui n'a pas envie d'aller sur un parcours, etc. Qu'est-ce qui va arriver, si on la pénalise, cette personne? Si elle dit: Non, moi, je ne veux tellement pas que, finalement, faites-les vos pénalités. Alors, 200 $ par mois, finalement, ce qu'elle a, cette personne-là. Et, si elle partage un logement, à peu près 100 $, un peu moins que 100 $. Moi, je pense qu'on va se retrouver avec une société qui va vivre de gros problèmes. Parce que, si cette personne-là a à ce point décroché socialement, dans sa tête et dans les faits, ou bien elle va sombrer dans l'itinérance avec tous les problèmes que ça apporte ou bien elle va travailler au noir, ce que nous sommes d'accord pour éviter, ou bien elle risque même de s'adonner à certaines formes de criminalité.

Alors, nous l'écrivons dans notre mémoire, il y a beaucoup de bonnes raisons pour être contre les pénalités, mais, la première, d'abord et avant tout, c'est que ce n'est pas nécessaire. En fait, on le sait, à peu près au 1er mars l'année dernière, quand on comptabilisait encore les personnes en attente d'une mesure, ce qui n'existe plus parce qu'il y a eu une coupure, il y avait autant de gens à l'aide sociale qui participaient à des mesures d'employabilité que de gens en attente.

Moi, ce que je propose au gouvernement, c'est un pari très simple que je suis certaine qu'on va remporter. Prenez cinq ans. Ouvrez-les vos milliers de place à l'école, en usine, en apprentissage, en formation professionnelle. Offrez-les aux personnes assistées sociales avec le soutien nécessaire, les frais de garde payés, etc., vous allez avoir encore trop de monde pour le nombre de places que vous allez offrir. Et on en reparlera dans cinq ans, si jamais il y a quelques places disponibles. Je suis certaine qu'on n'aura pas besoin d'en reparler. C'est aussi simple que ça.

Mme Loiselle: Je vais laisser mon collègue échanger un petit peu avec vous.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente, merci, mesdames. Le «demi» veut vous poser une question. Vous avez dit tantôt «un et demi». On est des demis, semble-t-il.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme David (Françoise): J'espère que vous êtes un à plein temps.

M. Copeman: Avec trois enfants, on est là aussi à plein temps, malgré nos obligations professionnelles. Vous avez, je pense, très éloquemment parlé de la question des parcours obligatoires versus volontaires. La question qui se pose, je pense, à ce stade-ci, dans nos discussions, c'est d'essayer de comprendre l'entêtement, si je peux dire avec respect, de la ministre dans ce domaine-là. Vous avez raison, je pense qu'à peine deux groupes... en tout cas, la très grande majorité des groupes qui sont venus devant la commission nous ont dit que les parcours obligatoires, ça ne marchera pas; ça ne marchera pas au plan de l'efficacité, au plan de la nécessité, comme vous l'avez dit.

Moi, j'ai pris la peine de regarder un tout petit peu le discours d'une députée à l'Assemblée nationale, en décembre 1988, qui parlait des mesures d'employabilité obligatoires, dans le temps. Cette députée-là parlait essentiellement contre les mesures obligatoires. Elle a cité, en Chambre, une définition, et la définition, c'est: «Personne qui n'avait pas de liberté personnelle complète, frappée de diverses incapacités et assujettie à certaines obligations.» C'est ça qu'elle avait cité comme définition et, semble-t-il, c'est la définition du mot «serf», comme dans «servage», et «servage» comme la féodalité.

Moi, je pense qu'on approche à peu près des mêmes situations. Je comprends, la ministre nous dit: C'est des parcours obligatoires, ce n'est pas des mesures d'employabilité. Vous faites un peu l'argumentation que c'est du pareil au même, à peu près. Moi, je ne comprends pas l'entêtement de la ministre. Cette personne-là, évidemment, qui a prononcé les paroles en Chambre, était la députée de Hochelaga-Maisonneuve, lors de l'adoption de la loi 37. Elle était critique, je pense, dans le dossier sur la réforme de la sécurité du revenu. Alors, il y a sept ans, c'était du servage, des mesures obligatoires. Là, aujourd'hui, semble-t-il, ce n'est plus du servage, c'est autre chose.

Selon vous, pourquoi est-ce que, dans le livre vert, on va avec les mesures obligatoires? Si tout le monde dit: Ce n'est pas efficace, ça ne va rien donner – nous, on est d'accord avec vous – pourquoi est-ce qu'on va de l'avant? La ministre a déjà reculé, semble-t-il, sur d'autre chose, pourquoi elle ne recule pas? Vous avez une opinion là-dessus, vous?

Mme David (Françoise): Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Ça ne m'étonne pas.

M. Garon: Envoyez donc!

M. Copeman: Envoyez donc, comme M. Garon le dit.

Mme David (Françoise): D'abord, ce que j'ai compris – Mme Harel me le confirmera – c'est qu'elle consent, à tout le moins, à ne pas appliquer les pénalités pour les mères monoparentales ayant de jeunes enfants. C'est ce que j'ai compris. Si je me trompe, j'aimerais ça qu'on me le dise. Bon. Pourquoi, de façon générale, cette application des pénalités? Moi, je voudrais rappeler, vous savez, que la logique qui conduit à ça, elle a commencé en 1988, quand même, là. Le gouvernement du Parti québécois va seulement un peu plus loin. Votre gouvernement, lorsqu'il était au pouvoir, au fond, a opéré une espèce de changement assez majeur dans la conception d'un revenu qui provient de l'aide sociale en disant aux gens: En participant à une mesure, vous avez un barème, disons, un petit peu plus décent. Si vous ne participez pas, vous êtes coupés. Ça, je voudrais quand même rappeler ça, en toute justice.

M. Copeman: Oui.

(12 h 20)

Mme David (Françoise): Ce qu'on fait maintenant, c'est qu'on va un peu plus loin. On dit: Non seulement, évidemment, vous n'aurez pas le 120 $ par mois, mais, en plus, votre barème de base va être coupé. Mais, c'est la même logique. À mon avis, cette logique punitive – c'est ce qu'on dit aussi dans notre mémoire – n'a qu'un seul but – je le dis en tout respect, mais je le pense – c'est de rassurer la partie des contribuables un peu plus aisés qui s'interrogent sur ce qu'on fait dans la société québécoise avec les fonds qu'on donne, entre autres, à l'aide sociale. Autrement dit, je pense que cette logique-là n'a aucun but pédagogique en ce qui concerne les personnes assistées sociales elles-mêmes, mais elle a un but pédagogique vis-à-vis des gens, dans la classe moyenne, qui, à tort, à mon avis, croient qu'on devrait contraindre les personnes pauvres – je le mets entre guillemets – à travailler pour leur chèque. Ça, ça s'appelle le «workfare». C'est appliqué en Ontario, c'est appliqué dans beaucoup d'États américains, et je pense, moi, que ça vient d'une espèce de révolte des contribuables qui se disent, pour toutes sortes de raisons: Je suis tanné de payer, je ne sais pas où va mon argent. Et, en tout cas, à tout le moins, compte tenu de plein de préjugés vis-à-vis des personnes pauvres: Si, au moins, je suis sûr qu'on serre la vis à ce monde-là, qu'on leur donne un coup de pied dans le derrière, bien, ça me fait du bien.

Évidemment, vous ne serez pas étonnés qu'on s'insurge complètement contre cette façon de voir. Moi, je pense que, s'il y avait oeuvre pédagogique à faire, ça devrait être de défaire tous les préjugés qui ont été distillés depuis nombre d'années par les gouvernements et, en partie, parfois par les médias et certains animateurs radiophoniques...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme David (Françoise): ...pour dire à la population: Écoutez, là, quand on est pauvre, ce n'est pas par choix. Ce n'est pas un «trip» puis ce n'est pas un plan de carrière, c'est parce qu'il y a du chômage, c'est parce qu'il y a des coupures dans des transferts, c'est parce qu'on vit des difficultés personnelles. Donc, il y a une éducation à faire effectivement et cette éducation-là, on ne peut pas la faire tout simplement en punissant des gens. Au contraire, il faut faire la démonstration, je pense, comme société, qu'on aide vraiment les personnes pauvres à s'en sortir et ça va être beaucoup plus convaincant, je pense, pour les gens de la classe moyenne qui, parfois, malheureusement, cherchent un petit peu des boucs émissaires. Il ne faut pas renforcer ça, il faut au contraire combattre ces préjugés-là.

M. Copeman: Merci pour vos réflexions.

La Présidente (Mme Barbeau): Il reste seulement trois minutes.

Mme Jutras (Françoise): Au niveau de l'obligation, la notion cache justement toujours cette perversion de dire qu'ils ne veulent rien faire; puis, d'un autre côté, celles qui s'acharnent à vouloir sortir de cette pauvreté-là, elles sont continuellement pénalisées. Et, quand elles veulent aller à leur rythme, pour les chefs de famille monoparentale qui veulent aller aux études à temps partiel, les frais ne sont pas remboursés. Donc, elles y vont à leurs frais mais elles n'ont pas le revenu suffisant pour le faire.

Chaque fois qu'il y a un pas qui se fait pour s'en sortir, on les pénalise autrement. Ce n'est pas en disant: On va leur donner des pénalités si elles ne veulent pas. On les pénalise parce qu'elles ne veulent pas faire comme on a décidé qu'elles feraient. Et, pourquoi pas, elle, faire son parcours, son plan de carrière et l'encourager? C'est des mesures qu'on veut positives, qu'on veut pour encourager. Et, si on prenait en considération juste ça, la base volontaire – parce qu'il y en a qui veulent – la base volontaire et les encourager selon leur rythme et leur réalité, ça se passerait autrement, les chiffres ne seraient pas aussi gros pour ce qui est du monde qui est à l'aide sociale. La promesse de 1998, c'était de sortir les gens de l'aide sociale, les aptes au travail, et on se retrouve, avec un énorme plus, à doubler et même tripler le nombre.

Alors, les mêmes promesses. Comment les gens ici... Parce qu'il y a des femmes assistées sociales qui sont ici puis qui vont dire: C'est les mêmes promesses qu'en 1988. C'est quoi qu'il y a de différent, qu'il y a en avant? Qu'est-ce qui peut nous donner plus d'espoir, puisqu'on se démerde et qu'on n'a pas d'encouragement positif? On nous a toujours donné un coup de masse sur la tête chaque fois qu'on a fait un «move» qui correspondait à nos réalités.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme Jutras, vous aviez le mot de la fin, c'est maintenant terminé. Alors, merci beaucoup à tous, et je suspends les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 25)

(Reprise à 14 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recommençons nos travaux. J'invite les représentantes de Jeunesse ouvrière chrétienne nationale du Québec à d'abord se présenter et à commencer la présentation de leur mémoire.


Jeunesse ouvrière chrétienne nationale du Québec (JOC)

Mme Thibault (Nathalie): Bonjour. Moi, c'est Nathalie Thibault, de la Jeunesse ouvrière chrétienne, je me trouve à être permanente; puis, à côté, c'est ma collègue Josée Desrosiers, qui est permanente aussi à la Jeunesse ouvrière chrétienne. Si vous êtes tous disposés à m'écouter, je vais commencer.

Des voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Attention! Allez-y.

Mme Thibault (Nathalie): Je vais expliquer un petit peu c'est quoi, la JOC, puis, après ça, je vais céder la parole à Josée.

La Jeunesse ouvrière chrétienne nationale du Québec rejoint des jeunes travailleurs et des jeunes travailleuses, avec ou sans emploi, de moins de 30 ans. Actuellement, nous sommes présents dans six régions au Québec: Montréal, Saguenay–Lac-Saint-Jean, Rive-Sud de Montréal, Québec, Laurentides et Outaouais. Au niveau international, la JOC est présente dans plus d'une soixantaine de pays.

La JOC est établie au Québec par et pour et avec les jeunes, encourageant la prise en charge de la jeunesse pour améliorer leurs conditions de vie et de travail. La formation par l'action, une méthodologie du voir-juger-agir et une pédagogie qui tient compte des forces et des faiblesses de chacun et chacune ont fait leurs preuves au cours de sa 65e année d'existence.

Cette année, des jeunes du mouvement préparent une enquête qui sera distribuée auprès de la jeunesse travailleuse afin de connaître la place des jeunes sur le marché du travail et aussi surtout leurs droits et protections. Nous avons commencé à ramasser quelques données sur la réalité des jeunes avec la distribution de préenquêtes. Nous nous sommes donc servis de celles-ci, entre autres, pour argumenter notre analyse. Je céderais la parole à Josée.

Mme Desrosiers (Josée): Un parcours vers l'emploi ou une course au trésor? La réalité des jeunes sans emploi au Québec est tellement préoccupante, à en regarder les statistiques dans le livre vert, et probablement plus alarmante, si l'on compte ceux et celles qui n'y entrent pas: les chômeurs de plus de trois mois, les sans-chèque et les travailleurs et travailleuses souterrains. Les conclusions sont les mêmes pour tous les sans-emploi prestataires: il faut faire participer ces jeunes dans la société.

Nous avons interrogé plus d'une soixantaine de jeunes, à savoir quelles étaient leurs motivations pour travailler autres que l'argent: se sentir utile, valorisé, être autonome, bouger physiquement, acquérir de l'expérience, améliorer la société, pour le plaisir, contribuer aux intérêts du Québec. Seuls deux jeunes sur 62 répondaient que le travail sert à passer le temps. Mais, dans la tête de tous et toutes, travailler permet de s'enrichir matériellement.

Cependant, les jeunes mangent une claque de vivre eux-mêmes dans la pauvreté tout en travaillant ou de connaître des travailleurs pauvres. Et la claque est encore plus vive lorsqu'ils ont terminé leur formation scolaire et ne trouvent pas d'emploi correspondant, ou lorsqu'ils ont terminé leur stage ou mesures actives pour l'emploi mais n'ont pas davantage d'emploi après. Tout l'espoir qu'on a en étudiant, en se dépassant et en faisant des efforts est tout à coup terni. Pourquoi nous fait-on miroiter des emplois qui n'existent pas?

Nous admettons que l'illusion est fondée sur des offres d'emplois non comblés; en général, c'est dans la vente, le commerce, la restauration, ou dans les technologies de pointe. Pourtant, que fait-on comme jeune si l'on n'a aucune aptitude ou affinité dans un domaine ou dans l'autre? Est-on inutile pour autant? Quant aux autres types d'emplois offerts d'utilité sociale, ils sont tellement précaires qu'on doit développer nos habiletés à les cumuler: un casse-tête nécessaire pour arriver à vivre.

C'est une véritable course au trésor quand il s'agit de se trouver l'emploi. Selon les mêmes jeunes interrogés, voici les obstacles qu'on y retrouve.

Tout d'abord, le fait d'être jeunes et d'arriver les derniers sur le marché du travail, ça crée de curieux rapports de cause à effet: tu es jeune, donc tu es immature; tu es jeune, donc tu es un nouveau-né, sans expérience vécue; tu es jeune, donc tu n'as pas de responsabilités; tu es jeune, donc tu es aussi irresponsable, etc.

Une autre épreuve dans la course, l'entourage: manque de personnes-contacts qui pourraient référer des emplois, manque de chance, manque de valorisation et manque de volonté parce qu'on n'a pas de modèle de travailleur gagnant.

Suit l'autre épreuve qui nous empêche d'accéder au marché du travail, la situation: Je suis aux études à temps plein pour pouvoir accéder au marché du travail, ou bien: Je suis une jeune mère qui veut élever son enfant, ou: Comme aucune autre école secondaire ne m'accepte à cause de mon comportement, j'ai 16 ans et je suis à l'éducation des adultes.

Et, finalement, l'épreuve suprême avant de trouver le trésor, la réalité du marché du travail: la rareté des emplois à salaire décent, le foisonnement d'emplois qui n'offrent aucune possibilité d'avancement, les exigences de plus en plus élevées des employeurs sans toutefois être justifiables, souvent, et le salaire minimum qui ne suffit pas à combler les besoins, tel que le reconnaît le livre vert, et à s'acquitter de ses obligations: l'endettement personnel, car, entre autres, 43 % des 18-24 ans disposent d'une carte de crédit, il y a aussi le remboursement des prêts étudiants qui fait que ça prend une bonne partie de notre budget, le remboursement des dettes.

Mais le trésor qu'on nous offre en fin de course est aussi un facteur de perte de motivation: des emplois de qualité pour une élite seulement et, pour les autres finissants à la course, des emplois précaires, peu d'avantages sociaux, des pressions qu'occasionnent la compétition, la performance et la productivité.

On reproche aux jeunes leur inactivité, leur passivité politique et sociale et leur fuite engendrées naturellement par la frustration de ne pouvoir réaliser les rêves offerts par le néolibéralisme: le pouvoir de consommation et le plaisir. Pour stimuler la participation des jeunes sans emploi dans la société, le livre vert propose l'insertion, la formation et l'emploi. Pourtant, les jeunes d'aujourd'hui sont-ils si différents des jeunes d'autres époques dans leur volonté de changer le monde? Se pourrait-il que, profondément, ils ne veulent pas s'insérer au modèle de société néolibérale basé sur l'économie? Je passe la parole à Nathalie.

Mme Thibault (Nathalie): Pour une équité parmi les pauvres. Dans le livre vert, on ne cesse de valoriser l'équité qui s'établira entre les travailleurs et travailleuses à faibles revenus et les personnes assistées sociales. Ainsi, ils seront plus nombreux à se partager les emplois précaires. L'incitatif de se retrouver sur le marché du travail deviendra tellement fort, car, si on compte hausser le montant admissible pour le revenu de travail des prestataires, nous supposons que le gouvernement suivra la logique de la loi 37: plus le revenu de travail augmente, plus le barème de la prestation diminue. Augmenter la masse de main-d'oeuvre sur le marché du travail permet aussi de modérer les augmentations de salaire. Par conséquent, les entreprises pourront bénéficier d'un plus grand choix de main-d'oeuvre à bon marché, devenir concurrentielles sur les marchés mondiaux et, bien sûr, augmenter leurs profits.

Aussi, en faisant une distinction entre les personnes non productives et les productives, aptes au travail, on réaffirme qu'il y a des gens qui méritent de l'aide sociale et d'autres non.

L'important, c'est de participer. Le gouvernement veut faire face au phénomène du chômage, mais faut-il qu'il tente des expériences pour trouver le remède. Les jeunes, parce qu'ils sont très touchés, seront tout indiqués pour le parcours individualisé d'insertion, de formation et d'emploi. Nous faisons figure de cobayes pour permettre la multiplication et l'offre de ces parcours à l'ensemble des personnes assistées sociales. En plus, les mesures punitives en cas de refus de participer à ces parcours restreignent la possibilité de choix, compromettent la liberté et sapent les principes d'égalité et de justice. Il reste que, si un jeune participe volontairement, il est davantage stimulé, les chances de réussite sont meilleures et les conseillers ont bien plus d'agrément à travailler avec lui ou elle.

On ne veut pas blâmer les jeunes du problème de manque d'emplois, on veut les aider. C'est à eux-mêmes de se blâmer si ça ne fonctionne pas. La diminution des emplois est un problème social, mais c'est à l'individu qu'incombe la responsabilité de s'en sortir. L'État propose, les collectivités élaborent des stratégies, mais la responsabilité de la réussite d'un parcours incombera-t-elle seulement à l'individu?

Qui jugera si un parcours semble adéquat ou non pour le jeune? Qui jugera les motifs pour lesquels le jeune n'a pas accompli telle étape dans son parcours? Qui jugera de la réussite du parcours? Nous pouvons apercevoir dans le livre vert que les conseillers auront des pouvoirs discrétionnaires puisqu'ils assumeront les fonctions d'offre des mesures actives, de référence, de livraison, d'ajustement et de contrôle d'aide financière – c'est à la page 69. De plus, nous en sommes à nous interroger sur les objectifs du parcours: celui d'accorder plus d'importance au taux de placement ou le développement des qualifications des jeunes selon leurs intérêts; le pouvoir des conseillers est immense par rapport à celui qu'on donne aux jeunes.

(14 h 30)

Les jeunes devront-ils accepter n'importe quoi sous peine de réduction de leur aide financière? Nulle part à l'intérieur du livre vert on élabore sur les recours ou les droits d'appel d'une décision d'un conseiller. C'est d'autant plus questionnant qu'en abolissant le Régime d'assistance publique du Canada plus rien ne garantit le droit d'appel. Existe-t-il encore un espace pour défendre ses droits quand on nous enlève le droit de refuser?

Le parcours au trésor. Chaque personne aura la responsabilité de construire un ou des parcours personnalisés – c'est à la page 35. Combien de parcours aurons-nous à faire? Combien de temps dureront-ils? Par exemple, si des efforts particuliers sont faits pour favoriser le retour aux études, pouvons-nous déduire que les parcours peuvent être sans fin? Cependant, pour les stages-formation ou d'apprentissage, les jeunes auront-ils droit à un salaire en conformité avec la loi des normes du travail? En quoi ce sera différent des programmes d'employabilité? – Celle-là est bien importante au niveau des programmes d'employabilité; ça me questionne vraiment beaucoup. – Au bout du parcours, à quel genre d'emploi peut-on aspirer? Nous craignons que ce soient des emplois de statut inférieur qui ne rapportent qu'un maigre revenu et qui ne risquent pas de nous sortir de la pauvreté.

Se pourrait-il que le trésor ne soit pas pour les jeunes? Nous pouvons souligner dans le cadre de référence de la politique active du marché du travail, page 78 ou 79, les trois volets de création d'emplois.

L'économie sociale se présentant comme une des voies possibles de création d'emplois peut prendre une tournure pernicieuse. D'un côté, il sera profitable aux organismes communautaires de maintenir ou de créer des emplois, d'améliorer les conditions de travail et de leur permettre d'assurer une certaine stabilité dans l'exercice de leurs fonctions. D'un autre côté, l'État se désengage de son rôle de distribuer des services équitables pour toute la population dans le domaine de la santé, de l'éducation, etc. Les emplois reliés dans ces domaines étaient syndiqués, bien protégés et reconnus. Allons-nous assister à une privatisation des services de l'État par le biais du communautaire sous le couvert de l'économie sociale? Surtout que les organismes communautaires sont reconnus pour être souples, sans contrainte de rentabilité, donc idéals comme laboratoire de formation ou expérience pratique.

Quelles seront les mesures de vérification ou de contrôle envers les entreprises du secteur privé quant aux subventions salariales? Quand nous savons, par exemple, qu'en une seule année, 1991-1992, le gouvernement a versé 52 000 000 $ en mesures d'employabilité, qu'est-ce que le livre vert prévoit pour contrer les abus des entreprises à la recherche d'une main-d'oeuvre à bon marché?

Le développement de la culture entrepreneuriale et du travail autonome, ce n'est pas nécessairement accessible à toutes et à tous. Créer sa petite entreprise dans un contexte de mondialisation ou de concurrence où les multinationales et les magasins à grande surface éliminent ou achètent les petites entreprises, c'est un gros défi. La solution miracle ne réside pas non plus dans le travail autonome car, de plus en plus, cette solution devient une ruse des entreprises pour contourner les lois du travail et se soulager du paiement des charges sociales: au lieu d'embaucher une personne salariée avec toute la paperasserie administrative, on signe un contrat d'égal à égal, et ce, pour un même travail. Le travailleur ne bénéficie d'aucune protection garantie par la loi des normes du travail: salaire, congés, vacances, temps supplémentaire. Présentement, le travail autonome est synonyme de précarité, d'insécurité et de pauvreté.

Par ailleurs, avec la mise en place des centres locaux d'emploi et les 200 organismes locaux sans but lucratif oeuvrant dans le domaine de l'employabilité et les carrefours emploi-jeunesse, il demeure qu'un secteur de travail est maintenant consacré, celui de promouvoir et fabriquer des emplois, vrais ou faux.

Finalement, sans parler de montant d'argent, nous pouvons constater que l'argent de la caisse de la sécurité du revenu servira davantage aux employeurs, entreprises, organismes communautaires et entrepreneurs confondus, qu'aux plus démunis de la société qui n'ont pas d'emploi parce qu'il n'y en a pas pour tout le monde.

Les moyens proposés dans le livre vert semblent renforcer l'idéologie néolibérale qui est de créer des contradictions: un enrichissement de quelques individus et l'appauvrissement d'une majorité, une plus grande responsabilité individuelle et une plus grande liberté des entreprises, une incitation à participer à la société et une diminution du respect des droits, etc.

Je cède la parole à Josée.

Mme Desrosiers (Josée): Ce n'est pas parce qu'on est en accord avec le livre vert et tout ça, mais parce que nous voulons que chacun et chacune, sans discrimination, ait sa portion de trésor au bout de la course que nous vous soumettons des recommandations qui, de toute façon... Étant donné qu'on a beau être contre le livre, mais les grandes idées vont passer, ça fait qu'on est aussi bien de commencer au départ par l'améliorer.

Donc, premièrement, que les parcours individualisés d'insertion, de formation et d'emploi soient offerts sur une base volontaire, et ce, sans discrimination;

Au lieu de pénaliser ceux et celles qui ne participent pas au parcours individualisé, bonifier les prestations de base des personnes qui s'insèrent dans le parcours;

Avant la signature de l'entente du parcours, laisser un délai aux jeunes qui leur permettra de consulter leur entourage, leur famille, des groupes de défense, ceci pour s'assurer qu'ils ont bien saisi la nature de l'entente qu'ils sont en train de signer là;

Pour améliorer les conditions de vie parmi les faibles revenus actuels et futurs, augmenter le salaire minimum;

Qu'on ajoute aussi dans les services des carrefours jeunesse-emploi un volet de défense des droits des jeunes, qui nous a été refusé lors de la création de deux CJE, mais ce volet de défense des jeunes doit être indépendant des services d'accompagnement;

Accorder les subventions salariales aux entreprises mais à partir d'études financières qui justifieront cette demande;

Que tous les conseils des partenaires tiennent compte dans leur création d'emplois de la qualité des emplois offerts: salaire, conditions de travail, etc.

Nous, les jeunes de la JOC, nous voulons une société où le principe de démocratie sera respecté, où les jeunes pourront vivre dignement, où l'exploitation, la pauvreté, la faim et la discrimination n'existeront plus, où la solidarité aura pris le dessus de la compétition, où la production et la consommation seront organisées pour servir l'humanité et pourvoir aux besoins de tous et toutes. Pour ces raisons, nous tenons à réitérer les six principes de la Coalition nationale sur l'aide sociale, dont trois détaillés un petit peu plus longuement:

Toute personne a droit à un revenu décent qui permet de vivre dans la dignité, peu importe son aptitude ou inaptitude à travailler. Dans cette perspective, le gouvernement devra accorder minimalement et en tout temps une prestation qui correspond aux besoins essentiels, ainsi que la couverture des besoins réels spéciaux des personnes qui ont des contraintes à l'emploi;

Toute personne a droit de participer à la société de façon pleine et entière, que ce soit par l'emploi ou autrement;

L'État est responsable d'assurer une réelle distribution de la richesse et une véritable politique de création d'emplois de qualité;

Le régime de sécurité du revenu doit reposer sur les valeurs démocratiques reconnues dans notre société et, dans cette perspective, il doit notamment favoriser l'autonomie des personnes et combattre toute forme de discrimination, donc la participation à un parcours vers l'emploi ou d'insertion sociale doit se faire sur une base volontaire;

Que l'aide financière soit dissociée de l'aide à l'emploi; nous refusons donc toute mesure qui s'assimile au «workfare»;

Une démocratisation du système de sécurité du revenu par la reconnaissance de l'expertise des personnes elles-mêmes, la mise en place de mécanismes d'évaluation indépendants, par la reconnaissance des droits des prestataires et de l'existence de recours indépendants à tous les niveaux et par la reconnaissance du rôle et de l'apport des groupes de défense des droits dans le respect de leur autonomie.

Donc, nous souhaitons qu'après avoir parcouru les lignes de ce mémoire l'État saura peut-être partager le trésor public plus équitablement, et tout ceci dépend souvent du Conseil du trésor, comme par hasard. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Bienvenue, Mmes Desrosiers et Thibault. Moi, je veux bien qu'on soit en désaccord avec les propositions contenues dans le livre vert, mais il me semble qu'on doive l'être pour des raisons qui ne sont pas contraires à ce qui est dans le livre vert.

Je vais vous inviter à prendre la page 4 de votre mémoire, vous dites que le livre vert propose que les conseillers à l'emploi auront des pouvoirs discrétionnaires puisqu'ils assumeront les fonctions d'offre des mesures actives, de référence, de livraison, d'ajustement et de contrôle d'aide financière. En fait, ce que vous dites, vous dites que ça entache le parcours, le fait que le conseiller ait à la fois la responsabilité de l'accompagnement et celle du contrôle, n'est-ce pas? C'est bien ça, je pense, votre point de vue?

(14 h 40)

Vous l'avez le livre vert avec vous? Prenez à la page 69. Allez à la toute fin de la page 69. Vous avez, d'un côté, la mission emploi et, de l'autre côté, la mission aide financière. Alors, on lit ensemble la mission emploi: «Le conseiller d'aide à l'emploi assume l'offre des mesures actives et la référence.» Allez du côté de la mission aide financière: «Le conseiller d'aide financière assume les fonctions de livraison, d'ajustement et de contrôle de l'aide financière.» Comment en êtes-vous arrivées à penser qu'un seul conseiller faisait les deux missions quand, à la page 69, il est clairement dit que ça va être des missions distinctes, dans des modules distincts, ça va relever même de directions régionales distinctes et l'emploi va même relever des partenaires du marché du travail où vont siéger les communautaires?

Mais là, c'est parti. On ne sait pas pourquoi. Il faut dire que l'opposition reprend ça. Et, quand l'opposition l'a dit une première fois, si je ne prends pas tout de suite, là, l'occasion pour les contredire, après, ils pensent que c'est vrai, puis ils se répètent, puis ça devient vrai à force d'être répété. Ça, c'est la première chose.

Deuxièmement, toujours à la page 4, c'est quand vous dites qu'en abolissant le Régime d'assistance publique du Canada plus rien ne garantit le droit d'appel. Vous savez, le seul droit que le Régime d'assistance publique du Canada donnait, c'était celui de rester assisté social. Parce que le seul droit, c'était de ne pas avoir la protection des normes du travail en étant sur des mesures d'employabilité. C'était ça, le Régime d'assistance publique du Canada. Puis, pour être sûr de ça... Imaginez-vous, moi, quand j'arrive au ministère il y a un an, je découvre un service de 48 personnes; tout ce qu'elles font dans la vie, c'est de bien garantir à Ottawa que les personnes assistées sociales, pour lesquelles Ottawa paie 50 %, c'est bien des personnes qui ne travaillent pas. C'est ça, le Régime d'assistance publique du Canada. C'est un statut d'assisté même dans des programmes EXTRA. Sinon c'était Québec qui, à 100 %, était obligé de tout financer. Bon. On me dira: Comment on fait pour arriver, dans la vie, à tout se payer, le loyer, l'épicerie, avec seulement la moitié de sa paye? Mais je vous dis que c'est pareil pour les gouvernements: avec la moitié des impôts, on ne peut pas tout se payer. Ça vaut pour les individus comme pour la société.

Et puis, finalement peut-être, vous indiquez à la page 5, justement, quand vous dites que les programmes d'employabilité... vous vous référez à l'année 1991-1992. La JOC, dans ces années-là, a fait une étude extraordinaire, une étude qui a démontré que le programme PAIE, qui était alloué à ce moment-là... Vous savez sûrement que, depuis le 1er avril, le programme PAIE ne l'est plus pour l'entreprise privée. Pourquoi il ne l'est plus? Parce que, moi, je l'avais lue, l'étude de la JOC, en 1991-1992, puis elle démontrait que c'était la Banque Royale, les concessionnaires d'automobiles, les clubs de golf, Perrette, Valentine, et tutti quanti qui bénéficiaient du programme PAIE. Donc, c'était de la pure substitution d'emplois, puisque c'est des entreprises qui, de toute façon, auraient engagé sans avoir besoin d'être subventionnées.

Alors, à partir de là, peut-être deux mots aussi parce que, si je n'en profite pas, ça s'accrédite; après, c'est parti, l'idée que, quand on est à l'université, puis au cégep, on a 5 %, 6 %, 7 % des bénéficiaires qui sont sur l'aide sociale... On en a parlé ce matin. Je ne sais pas si vous y étiez à l'occasion du débat. Peut-être, avant que l'opposition se mette à dire qu'il y a beaucoup d'universitaires sur l'aide sociale ou de diplômés de cégep, les référer à une étude conduite il y a deux, trois ans maintenant, ou c'est plus récent – en octobre 1996, vous voyez, c'était à l'automne – sur les personnes scolarisées qui sont à l'aide sociale. En fait, ce qu'on découvre, c'est que ce sont surtout des personnes nouvellement arrivées. Les prestataires nés hors Canada sont proportionnellement deux fois plus nombreux parmi les prestataires aptes les plus scolarisés. En d'autres termes, eux, ils ont, si vous voulez, comme deux handicaps: le handicap, parfois, de ne pas parler la langue, mais le deuxième handicap aussi, c'est d'être scolarisés puis de ne pas voir leurs qualifications reconnues ici. Ça, il faut travailler là-dessus. Mais il ne faut pas penser que c'est plus fréquent de chômer puis d'aller sur l'aide sociale quand on est diplômé. L'espérance d'emploi, ça dépend aussi beaucoup, beaucoup du diplôme qu'on a. Plus on peut détenir un diplôme proche du marché du travail puis plus l'espérance d'emploi est élevée.

Dans votre mémoire en général, j'ai l'impression que le trésor, c'est l'aide sociale. C'est quoi, le trésor, pour vous, à part ce qu'Yvon Deschamps disait il y a 20 ans, «une job steady puis un bon boss»? Je le comprends, mais on peut bien, avec nostalgie, penser que ça devrait continuer. Mais, mettons, là, on est en 1997, vous avez 20 ans; qu'est-ce que vous pensez qu'un jeune doit faire pour réussir, si vous voulez, disons, peut-être pas sa vie – c'est beaucoup demander – mais réussir, si vous voulez, à s'occuper puis à gagner sa vie? À défaut de la réussir – ça, c'est peut-être un autre défi, là – mais, au moins, à gagner sa vie?

Mme Thibault (Nathalie): On «peut-u» y aller, là?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, allez-y. Allez-y.

Mme Desrosiers (Josée): Vas-y avec le conseiller.

Mme Thibault (Nathalie): O.K. Bon, par rapport au conseiller, indépendamment que le... Bon, dans le livre, ce qu'on a pris, c'est que... il est marqué «conseiller» au début, «conseiller» de l'autre côté, on les a mixés ensemble. Indépendamment que ça soit deux personnes distinctes, il n'en demeure pas moins que ces personnes-là, elles ont comme beaucoup de pouvoir à quelque part s'il n'y a pas de place ou de lieu où le jeune va pouvoir dire son point de vue, ce qu'il en pense. Moi, je l'ai été sur l'aide sociale. Puis je voulais apprendre le métier de lettreur parce que j'ai fait mes Beaux-Arts. Puis, quant je suis arrivée avec l'agent d'aide sociale, indépendamment que c'était un agent puis, aujourd'hui, que ça va être une conseillère, là – ça, c'est le dernier de mes soucis, c'est juste le nom qui change – puis que, moi, je voulais prendre un stage en milieu de travail pour être lettreuse, parce que j'avais un background en arts plastiques, ils m'ont promenée d'un bord puis de l'autre, ça a pris cinq mois avant que je l'aie, parce que, de prime abord, ils voulaient m'envoyer dans un programme EXTRA, au Carnaval de Chicoutimi, ou dans une pièce de théâtre froufrou, parce que j'aurais pu être pratique là. Mais ce que je voulais, c'était un métier. Moi, je voulais être lettreuse. Puis ça m'a tout pris. Il a fallu que j'aille à la Commission de la formation professionnelle, ça existait encore dans ce temps-là, c'était dans les années 1987, puis c'est à partir de la Commission de la formation professionnelle qui, elle, m'a défendue, puis je l'ai eu mon stage en milieu de travail.

Mme Harel: Mais vous rendez-vous compte que ce que vous me dites, là, c'est que vous faites le procès du régime actuel, c'est-à-dire des mesures d'employabilité, où, veux veux pas, tu étais obligé d'aller même si ce n'est pas ça que tu voulais. C'est de ça dont vous me parlez, des lacunes d'un régime où il n'y en avait pas assez pour tout le monde, parce qu'il n'y en avait jamais plus que 10 %, au total, du nombre de ménages qui pouvaient être participants. C'était comme ça dans les budgets. Puis vous me faites le procès d'une désignation de mesures. Là, je vous parle d'un parcours individualisé...

Mme Thibault (Nathalie): Mais, dépendamment, là... au niveau du parcours...

Mme Harel: Attendez. Puis je vous parle d'une autre chose. Ce n'est pas juste le nom qui va changer, «conseiller». Vous êtes consciente aussi, parce que je suis certaine que vous l'avez lu, le livre vert...

Mme Thibault (Nathalie): Oui, oui.

Mme Harel: ...vous êtes consciente que les prestataires, dont vous avez été, étaient exclus de toutes les autres mesures qui étaient offertes aux chômeurs sur le marché du travail. Il y avait des mesures juste pour les chômeurs à l'aide sociale, puis elles n'étaient pas les mêmes. Vous êtes consciente que, ça aussi, ça va changer.

Mme Thibault (Nathalie): Oui. Mais j'ai beau être consciente de ça, mais, moi, c'est le recours. C'est pas pire, j'étais jeune – je suis encore jeune – j'étais combative, j'ai continué. Mais quelqu'une d'autre ou quelqu'un d'autre qui n'a pas l'esprit de combat puis qui se sent imposer... Parce que, moi, l'agent, ou indépendamment comment on va le changer, m'a dit: Si tu ne fais pas ça, on te coupe. Je suis toute seule avec un loyer, j'ai 500 $ par mois, je me retrouve toute nue. C'est clair que j'ai passé proche de le prendre, même si ce n'était pas mon choix. Mais j'ai été voir d'autres organismes, ils m'ont aidée, ils m'ont soutenue. Mais, s'il n'y a pas, en place, des organismes, du monde qu'ils peuvent consulter, puis que le pouvoir est juste au conseiller ou à la conseillère, ça n'a pas rapport. Je sais qu'il est inscrit dans le livre vert qu'on doit tenir compte des intérêts. Ils devaient tenir compte de mes intérêts, moi aussi, c'est sûr.

Mme Harel: Pas dans la loi 37. Dans la loi 37, je vous rappelle que celle qui était en usage dans l'employabilité, il n'en était pas question, c'était une mesure désignée par l'agent. C'est ça qu'on va changer. Vous, vous me parlez...

Mme Thibault (Nathalie): Mais quel recours le jeune va avoir là-dedans s'il décide qu'il aimerait mieux aller ailleurs?

Mme Harel: Écoutez, ailleurs, ça veut dire là où il veut aller.

Mme Thibault (Nathalie): Oui.

Mme Harel: L'important, c'est qu'il veuille aller à quelque part. Je ne vous parle pas de mesures d'employabilité. Vous, vous me parlez d'un agent qui pouvait vous envoyer où il voulait – c'est ça, la loi actuelle, là, hein, c'est ça qu'on veut changer – il pouvait vous envoyer où il voulait, puis cet agent-là, il contrôlait l'aide financière puis l'employabilité en même temps. Puis, en plus de ça, c'est qu'il était uniquement dans son univers d'employabilité. Premièrement, on décloisonne, les chômeurs vont être traités de la même façon, ils vont avoir les mêmes services, indépendamment de leur étiquette. Il n'y aura plus des programmes pour ceux qui sont à l'assurance-emploi puis d'autres qui sont à l'aide sociale, puis pas de programmes pour ceux qui ne sont nulle part. Premièrement.

Mme Thibault (Nathalie): Oui, oui, ça, c'est clair.

(14 h 50)

Mme Harel: Bon. Deuxièmement, le conseiller, c'est un conseiller qui va relever de la direction, si vous voulez, Emploi-Québec, et qui va, comme le CFP vous a accompagnée – vous disiez tantôt que vous aviez eu un conseiller du CFP... C'est un conseiller main-d'oeuvre, ça?

Mme Thibault (Nathalie): ...

Mme Harel: Bon, bien, c'est de ça dont il s'agit ici. En fait, je comprends que vous projetez, à partir de ce que existe maintenant, que ça va continuer dans l'avenir, et vous dites: On ne le veut pas, ça. Mais c'est ça qui va changer, justement.

Mme Thibault (Nathalie): O.K., je vais juste résumer. Donc, si le jeune décide qu'il veut faire tel parcours, vous allez prendre note d'où il veut aller, de comment il veut le faire, puis vous n'allez pas le pénaliser par rapport... L'important, c'est qu'il fasse quelque chose. C'est ça?

Mme Harel: C'est ça.

Mme Thibault (Nathalie): Hein? Puis si...

Mme Harel: L'important, c'est qu'il fasse... Quand on dit «pénaliser», ça signifie que, s'il ne veut rien faire, là il y a un problème, là il y a vraiment un problème. On prend pour acquis que son chômage, il est involontaire, il n'est pas voulu, il n'est pas intentionnel, et on lui dit: Tu fais un parcours individualisé avec un conseiller et, dans ton parcours, tu y vas par essai-erreur – ce n'est pas évident que tout va marcher tout le temps en commençant – mais tu te mets en mouvement.

Mme Desrosiers (Josée): Moi, j'aimerais répondre juste... Bon, notre perception du RAPC... Il me semble que, s'ils ont établi des normes à un moment donné, c'est qu'auparavant il a dû y avoir abus ou quelque chose de même. Ça fait que, s'il y a eu des normes à quelque part dans ce régime-là, c'était pour s'assurer de quelque chose. Puis, donc, ça donnait l'assurance d'avoir un revenu, à tout le monde, minimal. Donc, c'était ça que ça pouvait assurer, et non pas de s'assurer que tout le monde reste sur l'aide sociale. Ça dépend de la lunette qu'on met quand on regarde ça.

Puis l'autre affaire aussi, c'est que, si ça assurait un droit d'appel, c'est que, normalement, il aurait dû y avoir des trucs... avant, il n'y en avait pas de droit d'appel. Puis, quand on élimine, finalement, des normes, c'est que, bon, on peut les garder, comme société démocratique, comme on peut aussi en profiter puis en passer des vite. C'était ça que je voulais répondre pour le RAPC. L'autre bebelle, c'est...

Mme Harel: Écoutez, il n'y a pas d'appel au RAPC. Il n'y avait pas de droit d'appel. Le RAPC a été adopté en 1968 puis il n'avait pas été modifié depuis 1968. Et, en 1968, le taux de chômage faisait 5,8 %. Il a triplé, entre-temps. Et, en 1968, 80 % des gens qui faisaient appel à l'assistance publique – ça s'appelait comme ça, imaginez, un régime d'assistance publique – c'étaient des personnes qui étaient soit invalides, ou pour d'autres raisons. Ce n'étaient pas des chômeurs. Alors, là, vous me dites: Il faut garder le même régime.

Je comprends, à la page 6 de votre mémoire, vous dites: Il faut un revenu minimal en tout temps. C'est ça qui a changé. Ça, par ailleurs, c'est bien évident que la philosophie est différente dans le livre vert. Ce que le livre vert dit à ce sujet-là, c'est qu'il y a un principe de réciprocité pour les chômeurs. Il faut qu'ils se mettent en mouvement, c'est certain.

Mme Desrosiers (Josée): D'accord. Bon, une bonne nouvelle, c'est que le programme PAIE n'est plus disponible aux entreprises privées, sauf que comment on va s'assurer... C'est un peu la question qu'on pose dans notre mémoire. Ça va être eux aussi qui vont être sollicités pour les programmes, en tout cas, les mesures de formation ou de stages de formation, etc. Bon, il y a eu un petit danger à ce niveau-là quand ça a été appliqué, stages en milieu de travail, ou «whatever», sous l'autre loi, la loi 37. Comment le gouvernement va s'assurer finalement que ça ne devienne pas aussi du «cheap labor» puis qu'il y ait une véritable formation? Y «a-tu» un mécanisme pour contrôler ces entreprises-là ou, en tout cas, surveiller, ou quelque chose?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Continuez, continuez. Est-ce que vous avez fini?

Mme Harel: C'est parce que ma collègue veut échanger avec vous.

Mme Desrosiers (Josée): Oui.

Mme Harel: Alors, je lui dis...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Harel: Je lui donne la réponse que je vous aurais donnée sinon.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Malavoy: J'aimerais aborder une autre question. Mais, avant, par rapport à ça, vous dites: Comment s'assurer que ce ne soit pas du «cheap labor»? En fait, le régime d'apprentissage va être sous le contrôle du ministère de l'Éducation. Donc, c'est un régime d'apprentissage, c'est un statut d'apprenti, ce n'est pas un statut de «cheap labour» pour balayer les rues ou faire n'importe quoi, c'est vraiment pour apprendre. Comme ce que vous avez indiqué tout à l'heure, vous vouliez être lettreur, bon, donc vous auriez pu être apprentie dans une entreprise avec la possibilité de convertir une partie des prestations en salaire d'apprenti.

Mme Desrosiers (Josée): Mais est-ce qu'il va y avoir juste le régime d'apprentissage ou d'autres types de stages?

Mme Malavoy: Il y a une panoplie de choses qui sont évoquées. D'ailleurs, le livre vert ne fait pas une liste complète. Mais il y a la possibilité d'alternance travail-études, il y a la possibilité d'être apprenti, il y a la possibilité même d'avoir... évidemment de faire des études, et la possibilité d'avoir un emploi, à temps partiel ou à temps plein. Et il y a la possibilité d'avoir des services psychosociaux pour un certain nombre de personnes qui ont besoin d'abord d'être mises sur les rails et qui ne peuvent pas du jour au lendemain se faire dire: Tu vas aller travailler à tel endroit.

Ce que, nous, on veut surtout corriger comme impression, c'est qu'on prend quelqu'un et on lui dit de but en blanc: Tu dois aller travailler là. Ça, c'est le «workfare». Le «workfare», c'est dire: Peu importent les intérêts de la personne, elle doit comme gagner sa prestation, comme si elle devait travailler pour la gagner, et à faire n'importe quoi, à laver des vitres, à balayer la rue, ou faire n'importe quoi. Ce que, nous, on dit, c'est que la personne doit s'inscrire dans un parcours en fonction de ses intérêts, mais, quelquefois, ses intérêts sont assez lointains ou ses capacités ne lui permettent pas du jour au lendemain d'aller vers ses intérêts. Donc, il y a progression par étapes, y compris la possibilité de services psychosociaux.

Je voudrais juste corriger – après, je vous laisserai terminer – je voudrais juste corriger une chose que je crois voir dans votre mémoire à la page 3 et je pense que c'est important d'en profiter pour ajuster nos perceptions. Au paragraphe du milieu, vous dites ceci: «Nous supposons que le gouvernement suivra la logique de la loi 37 – au milieu – plus le revenu de travail augmente, plus le barème de la prestation diminue.» On n'aura pas le temps d'en discuter très longuement, mais j'aimerais juste vous référer à la page 55 du livre vert où on vous donne un tableau de la grille des barèmes du nouveau régime et des revenus de travail permis à terme, et vous voyez qu'il y a un barème mensuel, qui est une colonne, qui, lui, ne bougera pas, et il y a en plus la possibilité de revenus de travail permis jusqu'à un maximum.

Donc, je voudrais juste corriger l'impression, que vous aviez, que, si on a des revenus de travail, le barème de base va être amputé. Il n'est pas amputé, il est donné – vous avez la colonne – et puis on peut ajouter jusqu'à concurrence de, par exemple, 100 $ pour un adulte qui a une contrainte sévère à l'emploi ou 102 $ pour quelqu'un qui a une contrainte temporaire, etc. Vous avez la grille. Alors, c'est quelque chose qu'on peut bonifier, le barème de base, et c'est quelque chose qui n'est pas amputé par le fait même qu'on se trouve un revenu additionnel. La seule façon dans le livre vert qu'il puisse être éventuellement amputé, c'est si quelqu'un dit: Bien, moi, je me croise les bras, puis le parcours, je n'en ai rien à faire, ça ne m'intéresse pas. C'est le seul motif pour lequel on peut voir amputer son barème de base. Mais, si on se met en mouvement, automatiquement il y a des gains additionnels.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'invite maintenant Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président, je ne sais pas si vous voulez prendre deux minutes pour répondre, dans votre intervention avec Mme la députée.

Mme Desrosiers (Josée): Bien, c'est parce que ça aurait été une autre question, là.

Mme Loiselle: O.K.

Mme Desrosiers (Josée): Mais en rapport à ça.

Mme Loiselle: Bien, vous pouvez y aller deux minutes, pas de problème.

Mme Desrosiers (Josée): Bien, c'était juste pour dire que... On fucke toute la chose. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Pardon?

Mme Desrosiers (Josée): «C'est-u» correct, là?

Mme Loiselle: Oui, oui, oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, allez-y. C'est sur son temps.

Mme Desrosiers (Josée): O.K. Non, c'est juste pour demander... Vous m'avez répondu au début pour les régimes d'apprentissage, ça relevait du ministère de l'Éducation. Mais tous les autres, travail alternance études, je ne sais pas quoi, ça, ça va relever de quelque part, puis il faut qu'il y ait une surveillance quelconque au niveau de l'entreprise si ce n'est pas utilisé... Parce que, à la limite, on pourrait travailler... on pourrait aller aux études puis travailler chez McDonald's, c'est assez alternance travail-études, ça. Mais vous comprenez bien qu'il n'y a pas de logique là puis il n'y a pas de lien à faire entre les deux.

(15 heures)

Mme Malavoy: La seule chose que je peux vous répondre, c'est que le parcours, la façon dont on le décrit – je ne dis pas qu'on en a fait la preuve, pour le moment on propose quelque chose, on n'en fait pas le bilan, ce n'est pas encore comme ça que ça fonctionne – mais la façon dont on le décrit, je pense qu'on l'a bien à la page 41, on a une espèce de tableau résumé de ça, du parcours, c'est quelque chose qui intègre les intérêts de la personne, ses capacités aussi et un peu de réalisme. Évidemment, quelqu'un pourrait dire: Moi, je veux un emploi dans tel domaine. On sait que le marché du travail – on est conscient – ne permet pas tout. Mais, ce n'est pas faire un cours, je ne sais pas, moi, en administration et être obligé de laver des planchers pour gagner un peu d'argent, il faut que l'alternance travail-études ait un sens, que la partie travail ait un sens de formation. C'est ça la proposition qu'on fait; sinon, ça ne pourra pas s'appeler alternance travail-études.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je reviens à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour, bienvenue. Peut-être revenir à votre échange avec Mme la ministre. Je veux vous rassurer, moi, je pense que vous avez fait une bonne lecture du livre vert parce que tous les groupes qui sont passés devant nous actuellement ont fait à peu près la même lecture. Alors, c'est à savoir que tous ceux qui sont passés devant nous n'ont rien compris ou c'est seulement la ministre qui a raison. Au niveau de tout le caractère obligatoire et des pénalités, la majorité des groupes qui sont passés devant nous, les chercheurs, les experts, Camil Bouchard et les gens avec qui il a travaillé pour faire les travaux ont dit la même chose, que tout le caractère obligatoire était contreproductif, était pour créer un climat de méfiance, de menace et que, finalement, même des gens qui sont moins motivés que d'autres prendraient leur place parce qu'ils iraient pour le parcours en étant moins motivés pour éviter la pénalité.

Au niveau des conseillers en emploi, c'est la même chose. C'est vrai qu'il y a deux conseillers en emploi, mais c'est celui qui est le conseiller de développement en emploi qui va décider d'appliquer la pénalité. Et, c'est de ça que les groupes aussi s'inquiètent beaucoup, à savoir: Si tu as un conseiller en emploi qui est supposé être ton soutien, supposé te donner de l'accompagnement, comme les groupes actuellement qui font de l'intégration en emploi, il faut d'abord un lien de confiance entre les deux. Si, en sachant que...

Mme Harel: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui. Un instant, s'il vous plaît.

Mme Harel: Je veux vous poser une question, M. le Président. Est-ce que c'est raisonnable, est-ce que c'est normal que la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne prenne pour acquis son interprétation comme si c'était un fait accompli, d'évidence de ce qu'allaient faire les conseillers? Là, elle est en train de décrire, imaginez-vous, ce que vont faire les conseillers à l'emploi dans le contrôle. Ça, M. le Président, si je n'interviens pas, ça a l'air d'être vrai, ce qu'elle dit. Est-ce que je pourrais vous demander de lui demander, M. le Président, de s'en tenir à l'échange avec le groupe et de ne pas essayer de prétendre ce que sera finalement le travail d'un conseiller en emploi? Ce n'est pas ce que vous dites, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, la ministre, c'est toujours elle qui a raison. Tous les groupes qui passent devant nous ont tort. Madame a raison.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît!

Mme Loiselle: Le respect du droit de parole. Je respecte son droit de parole; j'ai le droit, comme parlementaire, qu'on respecte le mien.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, j'apprécierais qu'on s'adresse toujours, évidemment, au président et qu'on continue à travailler pour permettre l'échange, en particulier avec les gens qui nous...

Mme Harel: M. le Président, une question de règlement. Est-ce que le droit de parole consiste à dire n'importe quoi, y compris le contraire de ce qui sera?

Mme Loiselle: Écoutez-vous, madame. Lisez vos galées, Mme la ministre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît! S'il vous plaît! J'apprécierais qu'on poursuive l'échange.

Mme Loiselle: Si vous saviez ce que les gens pensent de ce que vous dites, vos monologues où personne ne comprend, là. Aïe!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'aimerais qu'on poursuive l'échange avec les personnes, nos invités qui sont là pour...

Mme Loiselle: Ses monologues, à chaque fois... Les invités n'ont même pas le temps de répondre aux questions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...répondre et échanger avec nous.

Mme Loiselle: Un instant, là!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît! Allez-y.

Mme Loiselle: On est ici pour écouter les invités et entendre ce qu'ils ont à dire sur la réforme, pas pour écouter les monologues de la ministre, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, Mme la députée, s'il vous plaît, continuez l'échange avec les gens.

Mme Loiselle: Ça allait bien avant qu'on...

Mme Harel: M. le Président, je regrette. Je regrette infiniment, mais la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne n'est pas en défaut de monologue elle-même.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Encore une fois, j'apprécierais qu'on continue l'échange avec nos invités sur une base pratique et efficace, s'il vous plaît. Mme la députée.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Alors, pour revenir au niveau des conseillers en emploi, la majorité des groupes ont des grandes inquiétudes, parce qu'ils disent que ce qui se vit actuellement sur le terrain... Il y a eu des témoignages, des gens qui sont venus, et je vais même lire le mémoire, pour ne pas me faire dire que je dis des grossièretés. Il y a des gens qui nous ont dit qu'actuellement «il y a un problème de rigidité, d'incompréhension, de dévalorisation et de démotivation, qu'il y a une culture institutionnelle dans l'appareil gouvernemental qui amène à une culture de contrôle».

Les gens nous ont dit que, dans certains cas, pour les agents, il y en a qui manquent de formation, qu'il y en a qui ont des formations différentes et qu'il y en a qui n'ont même pas de formation en développement d'employabilité. Alors, le message qu'on dit au gouvernement, deux choses: votre conseiller en développement en emploi, il va avoir besoin d'une grande formation pour devenir un vrai professionnel en développement de l'emploi; et, de deux, il faut lui retirer le chapeau de celui qui applique la pénalité parce que ça vient briser le lien de confiance entre la personne qui est en démarche de parcours et son professionnel en emploi. J'aimerais vous entendre sur ça.

Mme Desrosiers (Josée): Bien, nous, on l'a dit, à la page 4, qu'on s'interrogeait là-dessus, dans le sens: s'il existe encore un espace à l'intérieur de tout ça pour défendre ses droits. Puis, c'est une affaire qui n'est pas élaborée dans le parcours. Puis, avant de l'appliquer, il faut prévenir ces cas-là. Ça se peut qu'il y ait des erreurs de la part des conseillers, etc., dans toute cette machine-là, et il faut qu'il y ait une place aussi pour l'individu qui est poigné dans cet engrenage. Bon, qu'il y ait un droit d'appel quelque part, là, mais, il faut que ça soit prévu à l'intérieur de l'application du projet de loi. C'est ça qu'on demande, dans le fond, ce n'est pas...

Mme Loiselle: Le mécanisme d'appel, justement, de recours, pour un prestataire qui n'est pas d'accord avec la décision qui est rendue par son agent, il y a plusieurs groupes qui nous en ont parlé, de l'absence de mécanisme d'appel. Le Conseil permanent de la jeunesse en a parlé ce matin. Vous le voyez comment? Parce qu'il faut quand même que ce soit un système qui n'est pas trop lourd pour que ça soit efficace et rapide, là. Avez-vous pensé à un mécanisme?

Mme Thibault (Nathalie): Il y a plein de groupes de jeunes qui existent, des groupes de défense de droits qui existent, qui pourraient être là, mais, comme on dit, qu'ils soient indépendants. Puis, ce n'est pas obligé de prendre trois mois avant que le problème soit réglé.

Mme Loiselle: C'est ça.

Mme Thibault (Nathalie): Le jeune, il vient te voir, il te dit ce qu'il en est, c'était quoi son parcours, quelle intention il a, les intérêts et comment ça n'a pas été soutenu, par exemple, par son conseiller ou sa conseillère. Puis là, tu arrives là puis tu défends, tu débats. Mais là il n'est pas coupé de tout non plus, il a besoin de vivre, là.

Mme Desrosiers (Josée): Puis, il y a une autre affaire, aussi. Pour prévenir les erreurs, ou les coups de tête, ou «whatever», on demande, dans une de nos recommandations, avant de signer, de laisser un délai pour que le jeune puisse consulter sa famille, un membre, qu'il ne soit pas obligé de signer en face de son conseiller tout de suite. Là, il a son parcours, admettons, qu'il vient de décider, qu'il a proposé. Qu'il ait un temps. Comme pour n'importe quel contrat d'achat qu'on signe, on a un temps de réflexion. Ça fait qu'il puisse avoir un temps pour aller consulter des groupes, etc. Ça pourrait même éviter plein d'erreurs ou plein d'injustices qui se font justement parce qu'on n'a pas tout compris les modalités quand on signe des bebelles, là, des contrats.

Mme Loiselle: Vous êtes le premier groupe qui proposez, au niveau du délai, avant de signer l'entente pour le parcours, là, de prendre un certain recul et d'aller voir, peut-être, des gens en qui on a vraiment confiance pour voir si on fait une bonne affaire. Votre délai, vous le voyez de quelques jours seulement ou...

Mme Desrosiers (Josée): Bien, ça peut être un deux semaines, là. Il me semble que c'est le minimum. Ça engage comme peut-être deux années. De toute façon, on ne sait pas combien de temps ça peut durer, les parcours; ça, c'est un autre questionnement qu'on a. Mais, si on engage un an ou deux ans de notre vie, bien, il faudrait bien le savoir et tout comprendre ce qu'on signe. Donc, ça pourrait éviter finalement plein d'injustices ou plein d'incompréhensions puis peut-être, en tout cas, éviter que tout le mécanisme... Vous nous demandez ce que ça peut avoir l'air, un mécanisme de droit d'appel; je ne le sais pas, là. Je ne suis pas bonne dans les affaires de structures et d'organigrammes. Je ne sais pas trop quel carré avec quelle personne... C'est clair qu'il y a des groupes de défense qui siégeraient comme des comités aviseurs, à la SQDM, le comité aviseur Jeunes ou quelque chose de même, mais aviseur avec un pouvoir. Mais, là, quelle forme, c'est compliqué, pour nous autres, ça.

Mme Loiselle: Ce que vous demandez, c'est un mécanisme d'appel. Ça, c'est une protection pour les prestataires. O.K.

Mme Desrosiers (Josée): Oui. Ça, c'est bien clair.

Mme Thibault (Nathalie): Mais, en même temps, il ne faut pas que ça soit juste non plus que tu avises mais tu n'a pas de poids. Si on prend le comité aviseur Jeunes de la SQDM, on fait partie... Apprentis... On n'était pas vraiment... Quand ça a été le temps des apprentis, on a fait un avis. Mais, quand tu fais un avis, ça ne veut pas dire que c'est considéré. Dans ce cas-là, il ne faudrait pas juste que ça soit des avis que les gens donnent, mais que ça ait du poids. Je ne sais pas comment on appelle ça, là, quand ça a du poids, mais que ça ne soit pas juste du vent, là.

Mme Loiselle: Vous avez raison. Il y a beaucoup, beaucoup d'avis, mais souvent tablettés. J'aimerais revenir quand vous parlez des stages de formation et d'apprentissage. Vous dites: «Auront-ils droit à un salaire en conformité à la loi des normes du travail?» Quand on a eu un échange avec M. Pierre Fortin, il nous parlait des stages. Il nous disait que dans les pays socialement les plus avancés, les stagiaires sont rémunérés à à peu près 40 % du salaire minimum, tout au plus. Il disait même, lui, que, pour le Québec, on devrait implanter ça à 40 % et amender la loi pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'exception. Vous, est-ce que ça vous semble raisonnable pour des gens qui sont en apprentissage?

Mme Thibault (Nathalie): Dépendamment, il y a des places où c'est 40 %, comme en Autriche, mais il y a au niveau de la taxation aussi, des trucs comme ça, que finalement ça revient à plus. Ce n'est pas vraiment... C'est du «jouage» de mots là, les pourcentages, ça ne me tente pas de rentrer là-dedans. Si, dans les créneaux où les jeunes vont, c'est des salaires qui sont assez élevés, puis que c'est vraiment des places qui sont, comme ils disent, de haute technologie et qu'ils vont avoir une chance d'avoir un maintien en emploi, de toute façon, ceux-là, on n'en parle pas parce qu'ils sont au-dessus du salaire minimum. Donc, ils sont déjà protégés par les normes.

(15 h 10)

La restauration, par exemple. Ça, c'est un de leurs créneaux, le tourisme, la restauration. Ça, c'est une autre paire de manches. Parce que, éplucher des carottes, je vais vous dire, madame, là, que c'est quelque chose que n'importe qui peut faire et, à 40 % du salaire minimum, à 6,70 $, c'est très peu, puis on n'est pas obligé de prendre un stage, de faire un contrat d'apprenti pour savoir éplucher des carottes. Je l'ai fait pendant que j'allais au cégep. Je travaillais 20, 30 heures par semaine, j'allais au cégep en même temps. Je n'étais pas apprentie dans une cuisine, je me suis rendue cuisinière, première cuisinière. Je l'ai appris en le faisant, mais sans être sous le créneau d'apprenti. Ce n'est pas nécessaire. Il y a des métiers qui s'apprennent en travaillant, c'est de la formation par l'action. Il y en a d'autres, par exemple, que, oui, mais il faut faire attention au salaire minimum. Quand on touche au salaire minimum, c'est très dangereux.

Mme Loiselle: O.K. Vous n'avez pas, je pense, dans votre mémoire, parlé de la proposition gouvernementale pour le non-paiement des loyers. Est-ce que vous l'avez analysé un peu?

Mme Thibault (Nathalie): On s'est dit que le FRAPU frapperait sûrement par rapport à ça, là.

Mme Loiselle: Ha, ha, ha!

Mme Thibault (Nathalie): Non, c'est sûr qu'on n'est pas d'accord. Non.

Mme Loiselle: Ce matin, le Conseil permanent de la jeunesse disait que, bon, pour éviter justement les abus puis que ça devienne comme une pratique, les propriétaires, justement au moment où on va signer le bail, disent aussi: Écoute, on va tout de suite signer pour préautoriser le versement pour la composante logement. Le Conseil permanent de la jeunesse suggérait, lui, peut-être de mettre en place un système de budgétisation pour que les gens puissent y aller pour des services ou pour savoir comment budgéter leurs maigres revenus. Alors, seriez-vous plus en faveur? Un peu ce que font les ACEF, finalement.

Mme Desrosiers (Josée): Ça se fait déjà, là. Si on connaît l'existence des ACEF, c'est là qu'on peut aller. Mais, en tout cas, la saisie du logement, je ne sais pas. Si j'ai un propriétaire puis qu'il est malhonnête, je n'ai même plus la possibilité de lui dire: Viens réparer mon robinet parce qu'il va me péter dans la face. Je ne te donne pas ton loyer tant que tu ne viens pas réparer mon robinet. Laissez-moi vous dire qu'il va y en avoir, du robinet qui va exploser, si, eux autres, collectent automatiquement. Puis on sait que si on a un faible revenu, qu'on est sur l'aide sociale, on n'habite pas dans des condos puis des maisons neuves où les robinets vont nécessairement bien. Il y a de la réparation à faire dans certains logements; donc, on n'aura même plus cette possibilité-là, de dealer avec notre propriétaire. C'est dangereux, ça.

Mme Loiselle: Vous, vous travaillez beaucoup avec les 18-30 ans, c'est votre clientèle. Ce matin, même la Fédération des femmes du Québec et d'autres groupes avant, on a parlé beaucoup des effets pervers de l'obligation avec pénalité et le fait qu'on maintienne la coupure du partage du logement. Il y a beaucoup de jeunes qui partagent les logements ensemble. Alors, finalement, en dosant le filet de sécurité sociale, où les pénalités s'appliquent au montant de base, il y a des gens qui vont se retrouver avec très peu d'argent, très peu de revenus. Il y aurait peut-être le danger d'un décrochage complet. Au lieu de motiver les jeunes, on va les démotiver au point de les envoyer peut-être au niveau du décrochage, de la délinquance. Vous qui travaillez près des jeunes, là.

Mme Desrosiers (Josée): Depuis 1993, comme on pourrait dire, les jeunes sur l'aide sociale partagent de moins en moins leur logement à cause de ça, sauf que, comprenez-vous, c'est déprimant d'habiter dans un un et demi. Ils souffrent vraiment d'isolement, dans le sens qu'ils sont devant leur TV, puis ils lui parlent, puis, tu sais, c'est vraiment comme les isoler de plus en plus. Au moins, il y avait toujours bien l'avantage que quand tu partageais ton logement, ça te coûtait moins cher, puis ça te faisait quelqu'un avec qui parler, puis, à la limite, te chicaner, parce que ça fait de la vie dans la maison. Sauf que là, comprenez-vous, si on est coupé, on est aussi bien de s'enfermer dans notre petit coqueron. Sauf que ça ne fait pas une vie bien, bien développée.

Déjà, un assisté social qui n'a pas de travail ou qui a peu de vie sociale, il se retrouve... il n'a pas d'appartenance, de milieu d'appartenance, etc. Tout seul dans un logement, ce n'est pas le diable. Ce n'est pas le diable mieux comme condition de vie, finalement.

Mme Loiselle: Merci beaucoup. Merci, madame.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup.

Mme Harel: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, Mme la ministre.

Mme Harel: ...je vais inviter les membres de la commission et aussi les porte-parole de la JOC à la page 39 du livre vert, à y lire ce qui me semble être vraiment très clair, mais je vais rapidement vous en faire lecture. On y dit ceci: «Il ne doit cependant pas y avoir d'ambiguïté. L'offre des services d'orientation, de préparation, d'intégration à l'emploi sera faite différemment de celle qui a trait au service d'ajustement du revenu et de contrôle. En effet, bien que l'intégration de ces fonctions au sein d'une même administration soit essentielle, les services doivent être rendus dans des modules distincts.» C'était pour empêcher qu'il y ait de l'ambiguïté.

Je comprends que Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne n'en a pas pris connaissance, mais j'apprécierais vraiment que les membres de la commission ne répètent pas le contraire de l'intention qui est contenue dans le livre vert.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Je vous remercie, mesdames.

J'invite maintenant L'R des centres de femmes du Québec à se présenter. À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite maintenant les représentantes de L'R des centres de femmes du Québec à se présenter. Est-ce que c'est Mme Ducharme ou Mme Belleau qui présente...

Mme Belleau (Josée): Belleau.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Belleau, présentez les gens qui vous accompagnent. Allez-y.


L'R des centres de femmes du Québec

Mme Belleau (Josée): Oui. Alors, bonjour aux membres de la commission, Mme Harel. Je voudrais vous présenter mes collègues, parce que nous allons faire une présentation à quatre, à quatre volets. Alors, moi, je suis Josée Belleau, je suis une des travailleuses de L'R des centres de femmes, qui est le regroupement provincial. Je suis accompagnée de notre présidente, Mme Francyne Ducharme, qui est du Centre des femmes Saint-Pierre-les-Becquets, de la région Mauricie– Bois-Francs–Drummond, et de Mme Chantale Provencher, qui est du Centre des femmes de Verdun, région de Montréal, et de Mme Ginette Bergevin, du Centre des femmes de la basse-ville de Québec.

Alors, nous allons commencer, nous allons faire la présentation, comme je vous l'ai dit, en quatre volets. C'est Ginette qui commence.

Mme Bergevin (Ginette): Bonjour. Donc, L'R des centres de femmes regroupe actuellement 85 centres de femmes implantés dans toutes les régions du Québec. Ce sont des lieux d'appartenance pour les femmes de tout âge, de toute condition, de toute origine, habitant dans des communautés rurales ou urbaines.

(15 h 20)

Les centres de femmes sont branchés directement sur les besoins, réalités et revendications des femmes de leur localité ou de leur quartier. Ce sont des organismes communautaires et féministes autonomes mis sur pied et gérés par des femmes seulement. Depuis plus de 10 ans, et dans plusieurs cas depuis plus de 20 ans, ils ouvrent leurs portes à des milliers de femmes.

La question de la pauvreté et de l'appauvrissement des femmes est au coeur des préoccupations et de l'action de L'R depuis de nombreuses années et, dans ce cadre, l'amélioration des conditions de vie et de santé des femmes ayant recours à la sécurité du revenu nous a particulièrement mobilisées. Ces dernières années, ce sont des femmes de plus en plus dévalorisées, humiliées, découragées, épuisées qui se présentent aux portes de nos centres.

Mme Belleau (Josée): Si les Québécoises ont gagné une certaine égalité en droit, comme vous le savez, plusieurs d'entre elles en sont privées dans la réalité. Pour nous, la pauvreté des femmes est un indicateur d'inégalité. On sait que les femmes ont un taux de pauvreté supérieur à celui des hommes, et c'est particulièrement flagrant parmi les femmes chefs de famille monoparentale où ce taux de pauvreté grimpe à 61 %.

Nous ne pouvons que constater que nous sommes une majorité de femmes, bien que certaines d'entre nous soient fort privilégiées, il y en a une grande majorité d'entre nous – et ça, nous sommes à même de le constater à même la participation dans les Centres de femmes – qui sont tributaires de plus en plus d'emplois précaires, de salaires minimums, d'inéquités salariales. Nous sommes aussi beaucoup des prestataires d'assurance-emploi, d'aide sociale, de pensions qui sont en voie d'effritement. Nous sommes aussi des étudiantes endettées, des travailleuses autonomes ou des petites entrepreneures, bien dynamiques, mais à faibles revenus.

Nous sommes majoritairement responsables de la garde des enfants, du soin, de l'éducation des enfants, du soin et du soutien aux proches, malades et handicapés, et ce, encore sans reconnaissance adéquate. Nous sommes également confrontées à des coupures ou à des accès limités en matière de services de santé, de services sociaux, de logements sociaux, de transport en commun. Ce sont là des réalités qui viennent achopper sérieusement l'autonomie et l'égalité des femmes.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que la situation actuelle de l'emploi, de l'économie de l'État, au Québec, n'a rien de sécurisant et s'avère désespérante pour plusieurs. Il y a des choix gouvernementaux qui sèment la colère parmi les femmes qui fréquentent les Centres de femmes. On a été particulièrement éprouvées par les options du déficit zéro et d'un choix de rencontrer des objectifs de compétitivité à tout prix. Du moins, c'est l'impression que nous en avons. On s'est demandé vraiment si le gouvernement avait fait tous les calculs nécessaires en matière de coûts humains et sociaux de telles options. Nous nous permettons d'en douter et c'est pourquoi nous revendiquons l'application de la clause appauvrissement zéro au projet de réforme, à tout projet de réforme de la sécurité du revenu. C'est un seuil minimal au-delà duquel nous ne pouvons accepter aucune concession. Et conception, d'ailleurs.

Le projet de réforme, dans ses grandes orientations et dans ses constats, rejoint beaucoup des préoccupations de L'R des centres de femmes et des Centres de femmes. Entre autres, le projet veut lier des objectifs à la fois de sécurité du revenu, en l'absence de revenus, d'accès à l'emploi et de soutien aux familles. En principe, pour nous, cette conjugaison pourrait être un levier intéressant, plus solide pour combattre la pauvreté et favoriser l'insertion sociale et économique des personnes assistées sociales, et particulièrement des femmes chefs de famille monoparentale. Mais, encore faut-il les moyens suffisants, les ressources disponibles et en opération ainsi qu'un véritable partage des responsabilités. Il y a, à l'intérieur des éléments du projet de réforme, des modalités et des mesures qui sont proposées, qui mettent en cause, selon nous, le droit à un niveau de vie décent, des mesures qui appauvrissent davantage les personnes prestataires et des intentions, quant à la création d'emplois durables, qui demeurent floues. Souhaitables, mais floues.

D'ailleurs, sur la question de l'emploi, on se demande, dans un contexte où la croissance économique ne rapporte plus son équivalent en création d'emplois, où le marché du travail est incapable d'absorber même les personnes qui sont déjà qualifiées et qui sont en recherche d'emplois, et que, aussi, l'inactivité et l'improductivité, qu'on attribue aux personnes sans emploi et sans chèque à l'heure actuelle, sont, selon nous, contredites par la réalité que la plupart d'entre elles, et particulièrement les femmes, sont en pleine activité dans leur foyer, auprès de leurs enfants, de leurs proches, et aussi dans leur communauté, auprès de leurs concitoyens, concitoyennes. Alors, on s'est demandé si on pouvait axer le projet de sécurité du revenu seulement ou principalement sur l'emploi dans un tel contexte, même si l'emploi ou l'accès à l'emploi demeure très important.

Une autre question. Le projet veut classer les prestataires ou classe encore les prestataires comme avant, en deux catégories principales. On simplifie les barèmes, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a une catégorie qui est protégée et il y a une catégorie qui est conscrite, obligatoirement, à une forme d'insertion. On s'est demandé s'il y avait comme deux projets: un qui accorde un droit à la sécurité du revenu, d'ailleurs, aux personnes dont on considère que les chances d'insertion en emploi sont les plus nulles, ou presque, et les autres personnes sont conscrites à un marché du travail qui est plus ou moins insécure. On conscrit particulièrement deux catégories de population, soit les jeunes et les chefs de famille monoparentale. Alors, pour nous, l'objectif d'insertion sociale et économique est important et recevable, mais l'obligation ne l'est pas, compte tenu des réalités du marché du travail et des pénalités appauvrissantes.

On aurait souhaité – et je le dis un peu d'une façon irrévérencieuse – une conscription obligatoire des capitaux et des profits spéculatifs vers l'emploi. À tout le moins, on aurait peut-être parlé un peu plus de réciprocité dans ce cadre-là. Nous autres, on dit que l'objectif de la sécurité du revenu, quand on parle de «sécurité du revenu», on devrait d'abord s'occuper du niveau de vie décent et favoriser une pleine participation, entière, à la société, à l'économie.

L'autonomie des femmes, dans les centres de femmes, nous tient à coeur, ça fait partie de notre projet. Et, l'autonomie, pour nous autres, c'est pouvoir faire des choix et avoir à sa disposition des moyens pour les réaliser. Pour nous, la participation à des parcours doit être volontaire. On dit oui à prioriser des populations en difficulté, en matière d'emploi et d'insertion. Oui, prioriser, faire la promotion, encourager, mais on dit non à l'obligation, parce qu'on trouve que c'est un traitement punitif, paternaliste, et qui comporte même des effets discriminatoires. On veut catégoriser – on a l'impression que ça va encore catégoriser des personnes en bonnes ou mauvaises participantes – les choix sont restreints, on achoppe le droit à un niveau de vie décent.

Les femmes en quête d'autonomie et d'égalité, dans nos centres de femmes comme dans plusieurs autres organisations de la société, ont d'abord besoin de respect et d'appui. Et ça, pour nous, ça commence en leur donnant un élan, et non pas en mettant du plomb dans leurs ailes au départ. Alors, quel que soit leur âge, quelle que soit la présence d'enfants, quelle que soit leur situation maritale, on dit: Les parcours d'insertion sociale et économique peuvent être accordés sur une base volontaire. Il y a assez de femmes, à l'heure actuelle, volontaires, qui veulent s'insérer, d'une façon ou d'une autre, dans des activités: qu'elles soient de l'emploi, des études ou des activités citoyennes. Elles n'attendent que ça, il y en a des listes d'attente, et les moyens, à l'heure actuelle, ne leur sont pas fournis. Il y en a, des volontaires, commençons par les personnes volontaires avant tout, et, selon nous, ce sera un bien meilleur incitatif pour toutes les autres qui sont encore hésitantes.

(15 h 30)

Une autre dimension problématique du projet, je l'ai soulignée, c'est le montant de la prestation de base. C'est quasiment la pauvreté garantie à vie ou presque. Les montants ne couvrent même pas les besoins essentiels, qui sont bien expliqués à la fin du projet de réforme, du document. Nous autres, on est en train de se demander: Même s'il y a l'allocation unifiée pour enfants qui combine des choses, comment faire pour payer le logement, les vêtements, la nourriture, à un niveau si bas? En plus de ça, les pénalités prévues pour refus de parcours sont tellement considérables que nous en avons le souffle coupé. On se demande: Est-ce qu'on veut encourager la participation ou est-ce qu'on veut quasiment encourager l'itinérance, comme ça se passe aux États-Unis, à l'heure actuelle, avec des coupures semblables, dans des programmes semblables? On voudrait que la prestation de base couvre les besoins essentiels de l'adulte, comme l'allocation unifiée tente de le faire.

Je vais laisser la parole maintenant à Chantal, qui va parler plus particulièrement de la situation des femmes monoparentales et des femmes âgées.

Mme Provencher (Chantal): Bonjour. Les mesures de la présente réforme mettant l'accent sur les femmes monoparentales sont inacceptables, sans compter qu'elles sont discriminatoires. Par cette obligation, on nous démontre jusqu'à quel point on ne reconnaît pas la valeur du travail domestique et de l'éducation des enfants. Ces femmes, que nous côtoyons chaque jour dans nos centres, travaillent déjà d'arrache-pied, à la sueur de leur front, et ce, sans répit et sans soutien surtout, pour élever leurs enfants, entretenir leur foyer et faire vivre leur petite famille.

Malheureusement, trop souvent, leur voix est étouffée sous la souffrance. Ces femmes que l'on veut obliger à assumer des doubles tâches parviendront-elles à une plus grande autonomie financière par le biais de leur parcours? En regard du contexte actuel de l'emploi et, comme Josée le disait, où le travail féminin est trop souvent précaire, sous-payé et peu valorisant, il est fort probable que la réponse soit négative.

Nous sommes d'accord avec le fait d'offrir aux femmes, qu'elles soient prestataires ou non de l'aide sociale, les moyens pour qu'elles puissent intégrer le marché de l'emploi. Cependant, les obliger, c'est-à-dire leur retirer le choix quant à la possibilité de s'investir dans la sphère domestique et dans leur communauté, comme c'est le cas dans nos centres, n'a pas de sens pour nous. Les femmes que nous rejoignons sur une base volontaire font d'énormes pas dans une démarche d'autonomie, et c'est sur cette prémisse que doit reposer la présente réforme. Le libre choix des femmes et les moyens leur permettant d'y avoir recours ont toujours été une préoccupation et une lutte centrale de L'R, et ils le resteront.

Par ailleurs, faire miroiter des possibilités d'emploi qui ne sont pas réelles contribue à diminuer l'estime que les femmes ont d'elles-mêmes et, conséquemment, ça entraîne des risques de dépression. Nous avons déjà trop vu de femmes complètement démolies à la suite de multiples déceptions et d'échecs vécus dans leur parcours d'insertion, échecs qui ne leur appartenaient pas mais qui appartenaient surtout à un marché de l'emploi qui ne pouvait les recevoir.

D'autre part, actuellement, les services de garde ne sont pas adaptés à la flexibilité que requièrent un grand nombre d'employeurs et que nécessiteront probablement certains parcours. Quelles ressources seront donc offertes à ces femmes? Est-il permis de croire que le réseau des garderies absorbera tous les enfants de ces femmes? En plus de ça, les frais de 100 $ par semaine sont énormes pour ces femmes, tout comme pour celles qui sont à faibles revenus. Nous ne pouvons accepter cette mesure visant les femmes monoparentales, car elle risque de mettre littéralement ces femmes à la rue. Le désengagement de l'État irait-il jusqu'à ce point?

Quant aux coupures pour le partage du logement, elles sont inacceptables, puisqu'elles nuisent à l'entraide et à la solidarité tout en appauvrissant davantage les femmes. Pour ce qui est de l'allocation unifiée pour enfants, il apparaît que cette mesure appauvrira davantage les femmes. Nous sommes également en désaccord avec l'inclusion au parcours d'insertion des femmes âgées de 55 ans et plus. Plusieurs de ces femmes, que nous rejoignons dans nos centres, sont peu scolarisées de par le contexte social dans lequel elles ont été élevées. Les obliger à participer à un parcours d'insertion les mènera où? À un travail précaire, peu rémunéré et peut-être très peu valorisant ou encore, ce qui risque d'arriver dans bien des cas, au point de départ.

Par ailleurs, plusieurs des études indiquent clairement que bon nombre de ces femmes, de par l'isolement dans lequel elles ont été confinées par les rôles sociaux qui leur ont été imposés, ont souvent des problèmes de santé physique et mentale. Ceux-ci sont également liés à la pauvreté économique dans laquelle elles vivent. Aussi, face à ces réalités, serait-ce trop demander que l'État respecte et reconnaisse la contribution de ces femmes qui ont construit, trop souvent dans l'invisibilité, la société québécoise? Que l'on offre un parcours d'insertion à ces femmes sur une base volontaire, qu'on leur donne les moyens nécessaires pour concrétiser leurs aspirations est une chose, qu'on les oblige en est une autre. Je vais passer la parole à Francyne.

Mme Ducharme (Francyne): Moi, j'aimerais vous apporter des éléments nouveaux qui sont surtout la particularité des femmes en milieu rural. Souvent, ces femmes doivent faire face à certains obstacles qui sont difficiles à surmonter, et je vais vous en nommer quelques-uns.

Les ressources sont souvent éloignées, parce que situées dans les grandes villes; les services de garde sont peu nombreux, peu diversifiés et ne sont pas toujours à proximité, d'où des déplacements supplémentaires; les emplois sont rares, peu adaptés aux réalités des femmes, souvent des emplois non traditionnels où il y a déjà peu de femmes, où il y a peu de place pour les femmes; il y a peu de formation qualifiante; souvent les choix sont très restreints et il y a peu de place pour les femmes. Tout ceci est bien sûr amplifié par le fait qu'il n'y a à peu près pas de transport en commun dans le milieu rural. Donc, pour ces femmes, elles ont à faire face à plusieurs obstacles. Nous souhaitons que la réforme en tienne compte, que les mesures d'intégration soient disponibles dans tous les milieux et qu'on tienne compte de ces particularités.

Je voudrais aussi parler des parcours d'insertion et de l'économie sociale. L'emphase sur les mesures actives et la transformation d'un plus grand nombre en subventions salariales viennent encore plus brouiller la frontière entre les parcours d'insertion et l'emploi. C'est encore la logique des mesures d'employabilité que nous retrouvons ici. Que les mesures actives en emploi soient assignées à l'économie sociale, nous le dénonçons fortement. L'insertion des femmes à l'emploi doit être sous la responsabilité de tous les employeurs, qu'ils soient du secteur public, privé ou communautaire. L'économie sociale ne doit pas servir à revamper les parcours d'insertion obligatoires. Nous ne voulons pas que l'économie sociale se transforme en emplois temporaires ou en postes d'insertion.

Je voudrais aussi porter votre attention sur le développement local et les centres de femmes. Le projet de réforme mise sur une approche de développement local pour la mise en oeuvre des programmes et des services aux prestataires en recherche d'emploi, ce qui implique une étroite collaboration de tous les acteurs concernés. Pour nous, avant tout, cette concertation doit d'abord reconnaître et soutenir les initiatives telles que définies et gérées par les personnes ou les groupes sur leur propre base. Toutefois, le projet de réforme propose autre chose: le déploiement des services du centre local d'emploi selon une logique de complémentarité à sens unique.

Les centres de femmes, comme la plupart des organismes communautaires, font déjà les frais de ce partenariat et de cette complémentarité: reconnaissance partielle et détournée de nos missions et de nos approches; participation démocratique exigée sans soutien adéquat; consultation et information après décision; financement morcelé et conditionnel. Ce sont là des réalités avec lesquelles nous nous débattons depuis des années dans le cadre de la régionalisation. Vous comprendrez alors facilement que la désignation spécifique des centres de femmes pour la gestion de mesures destinées aux mères de jeunes enfants d'âge préscolaire a déclenché notre détecteur de fumée. Bien sûr, une bonne part des participantes et de nos membres sont des femmes pour qui isolement social, dépendance économique et pauvreté font partie de leur lot quotidien. De nombreuses femmes assistées sociales fréquentent régulièrement les centres et sont impliquées dans la vie associative. Cependant, elles ne sont pas venues aux centres de femmes pour se faire isoler à nouveau dans des programmes spécifiques, mais bien pour participer librement et sans contrôle à l'ensemble des activités que le centre peut offrir.

Les centres de femmes se sont regroupés, entre autres, pour la reconnaissance de leur approche globale non compartimentée dans leur action auprès des femmes. Les femmes sont accueillies comme elles sont et non pas comme on voudrait qu'elles soient. Nous leur apportons tout le soutien possible dans les limites de nos ressources. Nous visons leur intégration dans tous les aspects du centre, soit la vie associative, nos services, l'action collective et nos actions éducatives. Nous avons lutté et négocié fermement pour ne pas être définies par des mandats téléguidés des ministères et pour que nos activités soient orientées et définies par les femmes participant à nos activités et par nos membres.

La Présidente (Mme Barbeau): Si vous pouvez conclure.

Mme Ducharme (Francyne): Il me reste une minute, un petit paragraphe.

La Présidente (Mme Barbeau): O.K., c'est beau.

(15 h 40)

Mme Ducharme (Francyne): Nous réaffirmons donc la nécessité d'un financement de base pour l'ensemble des activités définies par notre groupe dans la poursuite de sa mission originale. Nous ne voulons pas d'un financement par programme où nos services seront orientés, définis, évalués selon des critères qui ne seraient pas les nôtres. Il va sans dire que nous sommes tout à fait d'accord avec les recommandations de la FFQ sur le rôle des organismes communautaires autonomes. Voilà.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci beaucoup, mesdames. Mme la ministre.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue et merci de votre mémoire, Mme Belleau – qui connaissez bien l'économie sociale, n'est-ce pas? – ...

Mme Belleau (Josée): Par coeur.

Mme Harel: ...Mme Ducharme, Mme Bédard, et Mme Bergevin n'est pas là, je crois. Oui, elle est là. Vous étiez là hier. C'est ça. Bonjour. Donc, dans votre mémoire, vous abordez diverses questions. Peut-être pour aller au plus pressé, à la page 10 de votre mémoire, vous parlez de couverture des besoins essentiels. Peut-être faut-il rappeler que cette couverture des besoins essentiels, elle a été établie par le gouvernement précédent dans le cadre de la loi 37 et elle n'est pas modifiée dans ce qui est proposé aujourd'hui. C'est une méthodologie de détermination des besoins essentiels à partir de ce que vous connaissez sûrement, l'enquête sur les dépenses des ménages de Statistique Canada pour le 10 % des travailleurs sur le marché du travail à plus faibles revenus. Alors, leurs dépenses de ménage sont projetées sur les besoins essentiels d'une famille à l'aide sociale.

Vous nous dites, je pense, à la page 10 – c'est de mémoire, mais je pense que c'est en bas de page – vous dites: «Il faudrait hausser le barème de base au moins au niveau du coût des besoins essentiels, soit 667 $.» Moi, j'ai fait faire un calcul: ça représente quoi, grosso modo, si vous voulez, comme hausse, 667 $ pour les ménages aptes? Parce qu'il y a déjà les ménages soutien financier; il va y avoir donc les enfants dans le cadre de l'allocation unifiée et on reviendra sur la couverture des besoins essentiels. Elle n'est pas que pour les ménages actuellement à l'aide sociale, elle sera aussi pour les ménages qui arriveront à l'aide sociale, la couverture de l'allocation unifiée. Je pense qu'il y a un malentendu qui s'est glissé, mais, de toute façon...

Mme Belleau (Josée): Mme Harel, c'était sur la base du maximum de l'allocation unifiée, d'une part, et le maximum qui était accordé pour l'adulte sur le barème de base, c'est-à-dire l'adulte qui est déclaré sans contrainte à l'emploi, donc...

Mme Harel: Disons l'adulte apte.

Mme Belleau (Josée): L'adulte apte, sans contrainte.

Mme Harel: Il y en a 330 000.

Mme Belleau (Josée): Alors, il y a un déficit. Quand on fait le calcul sur la base qui est proposée dans le projet, que ce soit en termes de l'allocation unifiée, de la politique familiale compensée pour les monoparentales avec une hausse, plus celle-là, on se retrouve en déficit. C'est sûr que, dans la mesure où la personne peut combler une partie, peut-être, en se trouvant un emploi... Peut-être donc la hausse des gains admissibles permet de compenser et d'atteindre ce niveau de revenus. En même temps, vous savez bien comme moi que le potentiel de se trouver des emplois – un, des emplois à temps partiel; deux, il y en a, mais il n'y en a pas à la tonne et il y en a déjà qui ont de la misère à les avoir – nous laisse des doutes.

Théoriquement, si la personne fait un parcours, si elle a des gains admissibles au revenu et si, par exemple, au niveau des services de garde, elle n'a pas à payer le 5 $ supplémentaire qu'on va requérir par jour, et qu'elle a son allocation de participation, et qu'elle a, oui, accès à l'APPORT, oui, là... Mais, ça, c'est: si, si, si...

Mme Harel: Mais, reprenons donc votre proposition. C'est, de façon universelle, une hausse du barème de base. Moi, j'ai fait calculer, c'est 600 000 000 $, la hausse de barème de base pour les prestataires adultes, basée sur leur barème de personne seule, si vous voulez, même si elles ont des enfants, étant donné que dorénavant l'allocation unifiée viendra combler. C'est, au départ, 600 000 000 $. Mais, c'est évident que la prestation de base moyenne versée depuis 20 ans a augmenté, n'est-ce pas, mais a augmenté tout à fait associée à l'augmentation de l'indice du coût de la vie. Les coûts, les budgets, eux, ont augmenté de 600 %. Vous avez vu ça sûrement dans le livre vert.

Et ce n'est pas dû à une hausse vertigineuse des barèmes, les barèmes ont augmenté toujours selon le coût de la vie, c'est dû à une hausse vertigineuse du nombre de ménages. Je reviendrai là-dessus très rapidement, parce que, ce matin, l'opposition a fait valoir qu'il y avait présentement une légère baisse. Cette légère baisse-là, de 4 000 ménages environ, après une récession comme celle qu'on a connue, où il y a eu une hausse de 90 000 nouveaux ménages, on aurait dû assister au même phénomène que dans les années quatre-vingt, où il y a eu, après la récession de 1982-1983, une baisse de 60 000 ménages. Mais, on n'assiste pas présentement à cette baisse équivalente pour la bonne raison que les chômeurs qui ne sont plus admissibles à l'assurance-emploi viennent, si vous voulez, directement à l'aide sociale.

Je voudrais déposer l'étude que le comité Bouchard-Fortin a faite sur cette question-là, qui se trouve à la page 28 du rapport Fortin et qui démontre qu'il y a 30 000 ménages. Vous savez, 30 000 ménages, là, c'est à peu près 8 000 000 $ par 1 000, c'est-à-dire 250 000 000 $ directement arrivés à l'aide sociale par suite des amendements successifs des trois dernières années au régime d'assurance-chômage. Alors, je voudrais le déposer pour le bénéfice des membres de la commission et peut-être aussi pour votre bénéfice.

Vous nous dites: Il faudrait hausser le barème. Ou encore, je pense que c'est plus ce qui vous intéresse, là, à la page 12, c'est, dans le fond – ou à la page 14 – une allocation universelle. Vous nous dites: Nous sommes bien loin d'un projet d'allocation universelle favorisant la pleine activité. Et, vous le reprenez, ce projet d'allocation universelle, dans ce que vous appelez le droit à un revenu décent qui permet de vivre peu importe l'aptitude ou l'inaptitude, etc.

Ça aussi, je l'ai fait calculer, me disant que c'était là, franchement, un souhait qui va rejoindre, si vous voulez, des espoirs. Et, le calcul, juste au niveau du barème d'aide sociale actuel – même pas celui que vous proposez à la hausse – qui serait attribué de manière universelle, en allant simplement chercher la déduction personnelle de l'impôt, en la déduisant, évidemment, parce que les deux ne peuvent pas exister en même temps, ça, ça coûterait 19 000 000 000 $. Vous voyez? Tout ce que l'État va chercher comme impôt des particuliers totalise 13 000 000 000 $. Et, le coût social, actuellement, c'est 4 200 000 000 $ à peu près. Avez-vous idée de l'ordre de grandeur de ce que ça signifie? Je ne sais pas, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Belleau (Josée): Ce qu'on a proposé dans notre mémoire, c'est plus d'avoir des premiers pas vers ce type d'allocation-là. On sait très bien qu'à l'heure actuelle – puis on le dit dans le mémoire, je le connais par coeur – on dit très bien que ça demande un réaménagement tant de la fiscalité, des politiques monétaires qui sont contrôlées par Ottawa et même par un niveau international, des choses comme ça. Alors, on n'est pas en train de demander immédiatement l'application d'une allocation universelle pour l'ensemble de la population du Québec, quoique c'est bien ça qu'on souhaiterait dans l'idéal, dans un projet qui permettrait à l'ensemble des citoyennes et des citoyens d'avoir accès à un revenu de base quel que soit leur type d'activité, qu'elle soit reliée ou non à l'emploi. Ça, c'est une chose.

On se disait qu'à tout le moins le projet de sécurité du revenu, justement dans un contexte où de plus en plus de ménages chômeurs débarquent à l'aide sociale, tombent sur l'aide sociale, faute de prise en charge du côté de l'assurance-emploi, ça, c'est une chose, mais il n'en demeure pas moins que la situation de l'emploi, on l'a vu dans les journaux dernièrement, pour l'année qui vient de se terminer, il y a un déficit d'emplois au Québec. Bon.

Il y en a déjà, des chercheurs d'emplois qui s'en cherchent, c'est ce qu'on dit. Alors, on dit: À tout le moins, quand on parle de sécurité du revenu, pour les personnes qui sont frappées par cette exclusion de l'emploi, commençons par leur accorder un niveau de revenu décent, un barème de base décent et, ensuite, on travaillera en matière d'emploi. Puis, ça, je veux dire, de toute façon, les centres de femmes sont déjà engagés sur des alternatives pour les femmes à ce niveau-là.

(15 h 50)

Mais on ne peut pas lier à ce point-là le projet de sécurité avec un projet d'emploi avec à peu près les mêmes montants quand on sait que, d'autre part, l'emploi, il va être créé par des investissements structurants. Il ne viendra pas tout seul parce qu'on va avoir des parcours d'insertion, des programmes d'employabilité. Ça fait 20 ans qu'on a des programmes d'employabilité fédéraux, provinciaux; ils ont toutes sortes de noms. Moi, je pense que je les ai tous essayés, à un moment donné. Je ne suis pas la seule, il y en a des milliers d'autres. Ça n'a pas généré de l'emploi durable. Dans bien des cas, ce qui a généré de l'emploi durable, c'est des investissements structurants, ce n'est pas ces programmes-là. Alors, qu'on veuille encore continuer dans cette voie-là: point d'interrogation. On a de la misère.

Mme Harel: Mme Belleau, qu'est-ce que vous entendez par «investissements structurants»? Parce que, regardez bien, «investissements structurants»... Vous savez très bien que l'investissement se fait: 2 500 000 000 $ cette année d'investissements étrangers. Puis, vous le dites vous-même, l'emploi n'a pas été modifié. Donc, l'emploi ne vient pas que de l'investissement; l'investissement se fait beaucoup maintenant dans la production sans avoir besoin de gens pour travailler.

Mme Belleau (Josée): C'est ça.

Mme Harel: Donc, vous conviendrez là-dedans qu'il y a autre chose: il y a un plan local d'action pour l'emploi, il y a la mise en contact, si vous voulez, de gens qui sont dans des milieux complètement séparés actuellement: commissions scolaires, CLSC, milieu communautaire, milieu des affaires...

Mme Belleau (Josée): Mais, il y a des efforts qui peuvent être faits.

Mme Harel: Il n'y a pas de synergie là. Il y en a qui se sont faits dans certains milieux, mais, l'idée, c'est de dire: Oui, c'est la bonne direction, c'est vers ça qu'il faut s'en aller.

Mme Belleau (Josée): Oui, mais, le problème, avec tout ça, vous le savez très bien, c'est la question de l'obligation puis des pénalités par rapport à des parcours ou par rapport à des types d'investissements. On se dit: Si, à l'heure actuelle, on veut donner des moyens tant aux personnes qu'aux collectivités, il ne faut pas croire que c'est des panacées. Vous le savez bien, comme moi d'ailleurs, que les localités, même concertées dans des plans de développement, le font déjà de plus en plus justement dans les milieux ruraux puis dans les régions éloignées; elles ne font pas des miracles non plus. C'est-à-dire qu'elles font un effort, mais il y a d'autres employeurs qui devraient en faire. C'est pour ça qu'en boutade, je me dis: Il y a quand même beaucoup, beaucoup de capitaux qui ne sont pas utilisés nécessairement pour de l'emploi durable à l'heure actuelle; puis ça, on questionne moins ce côté-là. Je veux bien que les collectivités, dont des organismes communautaires, soient appelées, de toute façon, ils le font déjà, ces organismes-là. Mais, ce n'est pas une panacée, on n'aura pas 400 000 emplois pour les 400 000 adultes aptes alors qu'on a déjà des déficits d'emplois cumulés depuis des années.

Mme Harel: Je vais vous lire ce qu'on retrouve à la page 52 du livre vert. On dit: «Ce parcours individualisé sera mis en vigueur graduellement, selon la capacité d'offrir des occasions réelles d'insertion dans le cadre du plan d'action local. Cependant, dès l'adoption du nouveau régime, les personnes de 18 à 24 ans auront à s'engager dans un tel parcours. Par la suite, le parcours sera offert en priorité aux chefs de famille monoparentale et, sur une base volontaire, aux autres prestataires. Cette offre sera progressive et coordonnée avec l'extension du service de garde prévue dans le cadre de la politique familiale.»

Notre intention est, disons, très claire là, c'est les 18-24 ans qui n'ont pas d'enfant, pas de handicap, n'étudient pas, ne travaillent pas. C'est en priorité. Pour ce qui est des chefs de famille monoparentale, ce n'est pas parce qu'elles ont 18-24 ans, non, elles ne sont pas touchées parce qu'elles ont 18-24, c'est uniquement celles dont les enfants auront cinq ans avant le 30 septembre prochain et qui vont rentrer à la maternelle plein temps, parce qu'on ne peut plus parler de non-disponibilité. Et on arrête là. Et elles ne perdent pas le 100 $, parce que, en priorité, elles vont avoir le 120 $ de participation – est-ce que j'ai besoin d'assez le répéter et le redire – avec les frais de garde et les frais d'études. Alors, dans un contexte où finalement il s'agit, non pas de prétendre que les 400 000 vont y arriver en même temps, mais il faut mettre un pas devant l'autre pour avancer.

Mme Belleau (Josée): C'est ce qu'on dit. On sait que déjà des jeunes, des femmes monoparentales sont déjà prêtes et volontaires. On ne peut pas accepter le caractère obligatoire qui est assorti de pénalité pour refus, que ce soit pour cause de jeunesse ou de monoparentalité. Il y a déjà beaucoup, beaucoup, beaucoup de ces jeunes et de ces femmes-là qui sont prêtes et disponibles, qui sont prêtes à le faire, qui d'ailleurs font partie des listes d'attente à l'heure actuelle. Elles n'en ont pas trouvé de mesures. Alors, est-ce qu'il va y en avoir plus? Et, s'il y en a plus, commençons par combler toutes celles et tous ceux qui veulent et, après ça, on pourra peut-être parler d'autre chose. Mais, on ne peut pas accepter qu'en prémisse, déjà on dise: Oui, ça va par étape... J'entends très bien que vous dites: Bon, ce sera progressif. Il n'en demeure pas moins qu'il y a quand même un caractère obligatoire assorti de pénalité. On ne peut pas accepter ça, étant donné le contexte de l'économie et de l'emploi.

Mme Harel: On est en train de travailler... Avant que le président... Non, c'est la présidente! Ça revient au même, quand ils disent que c'est assez, on ne peut plus continuer! Mais, avant que la présidente me dise que le temps est écoulé...

La Présidente (Mme Barbeau): Il vous reste cinq minutes.

Mme Harel: ...je voudrais vous rassurer sur la question de la place du communautaire et distinguer entre les entreprises d'insertion, les entreprises d'économie sociale et le communautaire autonome. Je pense que c'est vraiment important que ce soit clairement distingué: d'un côté, une politique de reconnaissance de l'action communautaire autonome. Mme Malavoy, Mme la députée de Sherbrooke, excusez, adjointe parlementaire à l'Emploi et à la Solidarité, travaille avec moi, et aussi, évidemment, le comité aviseur du Secrétariat à l'action communautaire autonome, qui va devenir permanent. Alors, on a même déposé un mémoire au Conseil exécutif sur cette politique de reconnaissance de l'action communautaire autonome.

Vous savez qu'on a aussi, depuis un an, un comité interministériel sur les entreprises d'insertion, n'est-ce pas? Les travaux sont complétés, le rapport est terminé, il devrait être rendu public. Vous savez que le collectif des entreprises d'insertion a été mis à contribution et qu'on va pouvoir, en amont de l'économie sociale, introduire l'idée de contrats de services pour l'insertion de personnes qui, sinon, même en économie sociale, auraient de la difficulté à s'intégrer. Parce que, finalement, ce sont des personnes qui ont besoin d'un accompagnement encore plus important que celui qu'on a à offrir quand on doit donner une prestation de travail en commençant.

Finalement, l'économie sociale, vous savez que l'orientation, c'est de l'associer au développement local, n'est-ce pas? Il y aura un livre blanc à la fin du mois, dans lequel le développement local sera une pièce maîtresse. La pièce maîtresse, c'est une politique active du marché du travail avec une politique de développement local; donc, combiner les deux pour se donner finalement une politique aussi de réorganisation des services publics qui nous entraîne à lever des obstacles. Je ne vous dis pas que ça crée de l'emploi, ça, mais certainement que ça en assure des conditions meilleures que maintenant, où on est dans la concertation régionale sans plan de développement local, où on est éparpillé sur le plan de nos services d'emploi. Vous le savez très bien vous-mêmes sûrement, pour avoir connu tant d'organismes qui avaient à faire des montages financiers plus compliqués que des multinationales pour se faire financer.

Alors, l'idée, c'est de se simplifier la vie dans une gestion par fonds. Vous en avez parlé tantôt, vous êtes inquiètes des gestions par programme. C'est vrai, la gestion par programme, on voit le résultat, là, ça fait 15 ans qu'on tourne en rond. C'est dans la mesure où les milieux vont pouvoir établir des priorités – les marchés du travail sont différents – de manière à dépenser en fonction des priorités du milieu et non pas en fonction des programmes.

Alors, dans ce contexte-là, le communautaire, dont vous parliez tantôt, je n'arrivais pas à distinguer si c'était le communautaire autonome, celui en employabilité main-d'oeuvre. Est-ce que c'est celui qui doit siéger sur le Conseil des partenaires, celui qui veut être en contrats de services ou les deux, dont il s'agit, quand vous en parlez ici?

(16 heures)

Mme Belleau (Josée): Bien, comme on en parle sur la base d'expériences des centres de femmes, nous autres, on s'associe en tant que centres de femmes, on ne va pas parler pour l'ensemble du communautaire, mais de notre partie. On s'identifie à l'action communautaire autonome, dans ce sens-là, mais on est aussi dans le champ de la santé, on est aussi dans le champ de l'éducation et on est aussi dans le champ de l'économique. Plusieurs centres de femmes ont des activités à caractère économique, de différents types et de différents ordres. Alors, on est un organisme communautaire à cause de notre polyvalence qui est amenée à avoir le bras là, le pied là, la tête... Enfin, on est un peu partout parce qu'on est au coeur de la vie des femmes.

Alors, oui, l'action communautaire autonome, mais en matière même de développement local et de la part qu'on va associer à l'économie sociale, où les femmes ont également travaillé très fort pour que ça se mette en place, qu'elles soient reconnues là-dedans et qu'elles aient accès équitable tant aux décisions qu'aux investissements qui vont être consentis dans ce cadre-là. Bon. La consultation de M. Chevrette va se faire; on va y aller, on a des choses à dire. On peut effectivement simplifier la nomenclature de services et de programmes, ça, c'est une chose, mais, on sait, en même temps, que, du côté des investissements, du côté des fonds, il va y avoir, bon, quelque chose de plus accessible, mais les montants ne seront pas formidables non plus. Ça, on sait ça aussi.

Alors, on sait qu'il va y avoir une limite, il va y avoir des moyens de plus pour les localités, mais il va y avoir aussi des difficultés: il va y avoir un plafonnement, les moyens vont être restreints. Alors, on ne fera pas des miracles. On ne réglera pas tout. Alors, à ce niveau-là, c'est bienvenu et, en même temps, on se pose des questions aussi, en tant qu'organisation communautaire. Notre crainte, là, quand on dit, à la fameuse page 45... On a parlé de nous en particulier. Pour une fois qu'on parle des centres de femmes, d'ailleurs...

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, c'est ce qui met fin à la partie ministérielle.

Mme Belleau (Josée): ...l'assignation à une clientèle particulière ou à la gestion de mesures particulières pour une clientèle ne nous convient pas.

La Présidente (Mme Barbeau): Madame, vous allez pouvoir continuer avec l'opposition.

Mme Belleau (Josée): On pourra continuer? C'est ça.

La Présidente (Mme Barbeau): Si on veut aller... voyons! rouler le mieux possible. Je passe maintenant la parole à la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mesdames, bonjour! Bienvenue. J'aimerais peut-être revenir sur les besoins essentiels. Il ne faut pas oublier que, depuis un an, il y a un écart qui s'est creusé entre les besoins essentiels et la prestation de base, parce que, avant, il existait le barème de disponibilité; maintenant, il est disparu. L'abolition des avoirs liquides; ça, ça a un impact, ça restreint l'accès de certaines personnes à l'aide sociale. Il y a aussi la coupure dans l'allocation au logement. La fin de la gratuité des médicaments. Si on va sur le terrain, comme c'est difficile pour les gens actuellement.

Il y avait une dame, hier, du regroupement de l'ODAS, qui nous disait qu'à un moment donné il faut que tu choisisses entre l'épicerie et tes médicaments. On est rendu à ça. L'abolition, récemment, de la supplémentation pour l'impôt foncier et la coupure de 50 $ dans le barème de participation, ça, ça a creusé un écart significatif et ça a appauvri les gens davantage.

On nous arrive avec la politique familiale. L'allocation unifiée. Les tableaux qu'on a reçus du gouvernement nous donnent les montants pour l'allocation unifiée pour les enfants surtout de sept à 10 ans. Le Conseil de la famille a fait une analyse de l'allocation unifiée pour les enfants de six mois à quatre ans, parce que, là, il y a la perte de l'allocation à la naissance et la perte de l'allocation aux jeunes enfants qui s'appliquent. Pour les monoparentales avec un enfant de six mois, il y a une perte de 720 $ par année; biparentales, avec deux enfants de six mois à quatre ans, c'est la même chose, 720 $ par année. Et là arrive tout le service de garde. Moi, je dis: Il y a des grands pans du service de garde qu'on ne couvre pas.

Si on prend la situation où une mère se trouve un emploi, mais, en soirée, dans la restauration: aide cuisinière, je ne sais pas. Son enfant, elle doit le faire garder, elle, en soirée. Il n'y a pas de services de garde disponibles pour elle. Alors, c'est plus que des frais de 5 $, les frais de garde en soirée. L'abolition du crédit... Parce que, dans la politique familiale, on a aboli le crédit d'impôt pour frais de garde. Alors, cette femme-là, elle est vraiment perdante par rapport à d'autres femmes qui pourraient travailler le jour, qui pourraient se servir du service de garde. Elle est très, très perdante.

D'abord, on peut faire la comparaison entre une femme qui est professionnelle – ça peut être une avocate ou je ne sais pas – qui fait un très, très bon salaire et qui aurait droit, à ce moment-là, aux services de garde à 5 $ l'heure, puis cette femme-là, qui travaille peut-être en restauration, qui fait peut-être un salaire de 15 000 $, 20 000 $. En bout de piste, là, c'est... Je voudrais vous entendre sur ça, parce qu'il y a un grand espace à cet égard-là. Pour les fins de semaine aussi; les gens qui travaillent les fins de semaine, les mères seules qui travaillent les fins de semaine. Les soirées. Avez-vous pensé à ça?

Mme Provencher (Chantal): Oui, on y a pensé. C'est pour ça qu'on considère que c'est tout à fait inacceptable de mettre l'accent, dans un contexte justement où on coupe les prestations, sur les femmes monoparentales. Les frais de services... On sait que, pour les femmes à bas salaire et les femmes prestataires de l'aide sociale, c'est de l'ordre de l'impossible que de continuer à vivre et à assumer ces frais-là, qui sont de l'ordre de 100 $ par semaine, ce qui est énorme.

Mais, ça, c'est dans le contexte... Ça ne va même pas dans le cas dont vous parlez, où on dit: Dans la mesure où on demande énormément de flexibilité aujourd'hui, dans ce cas-là, cette femme-là n'a même pas ça. Déjà, ce montant-là est trop élevé pour une femme dont les revenus sont ceux des prestations de l'aide sociale et aussi si elle est à faibles revenus. Alors, c'est pour ça qu'on ne peut pas accepter une telle mesure qui ne prend pas en compte, justement, toutes les conditions actuelles du marché de l'emploi où les horaires sont très flexibles; les horaires ne sont pas fixes. Souvent, il y a tout le travail précaire. Les garderies, ce n'est pas présentement adapté à cette précarité-là et à cette flexibilité-là, où parfois tu travailles, parfois tu ne travailles pas. Juste les heures où les garderies sont actuellement ouvertes.

Il y a des femmes, nous, qu'on rejoint, qui viennent nous voir, et que c'est de l'ordre de l'impossible d'aller travailler, dans la mesure où la job qu'elles auraient est à une heure de chez elles, c'est à 8 heures, et, à 7 heures le matin, la garderie, là, elle ouvre. Elles ne peuvent pas être là avant. Alors, ces femmes ont-elles les moyens de se payer une gardienne chez elles jusqu'à ce que l'enfant puisse aller en garderie? C'est des doubles frais. On sait très bien qu'à ce moment-là les frais accordés aux gardiennes à la maison, c'est autre chose, on ne parle plus de 5 $ par jour.

Donc, c'est ce qui fait que cette mesure-là ne peut pas permettre, ne peut pas favoriser l'accès des femmes à des emplois, l'accès des femmes monoparentales à des emplois. Sans compter qu'il y a aussi, bon, la question de l'emploi en tant que tel. Je pense qu'on ne peut pas en faire fi, quand on en discute, du fait que les emplois où elles risquent de se retrouver, ces femmes-là, sont souvent peu payants; donc, le problème ne se résout même pas après. Même si jamais il y avait sortie de l'aide sociale, il n'y aura pas pour autant sortie de la pauvreté. Et, ça aussi, c'est problématique.

Alors, je pense qu'il faut voir, d'une part, par rapport à ce qui est offert là, qui est de l'ordre de l'impossible, qui ne peut encourager réellement, concrètement, financièrement les femmes qui veulent... Ce n'est pas une question de volonté. On voit des femmes qui, non seulement ont le potentiel, mais elles ont le désir d'intégrer le marché du travail. Ce n'est pas là qu'est le problème, c'est toutes les conditions dans lesquelles elles vivent qui posent problème. Et, de responsabiliser les gens via de telles mesures... Quelque part, on individualise le problème de l'emploi à travers des mesures coercitives d'obligation; c'est quelque part ne pas reconnaître qu'il y a un problème, qui est au niveau de la structure même, et non pas qui appartient à ces femmes-là. La volonté, elle est là.

Mme Loiselle: Merci. Mme Belleau, tantôt, vous avez dit que vous connaissiez très, très bien l'économie sociale puis, à date, on a seulement effleuré le sujet. Il y a les centrales syndicales qui nous ont dit que, bon, il y avait encore cette crainte-là au niveau des substitutions d'emploi, avec toutes les pertes d'emploi, les mises à pied, surtout dans le domaine de la santé, où ça touche beaucoup les femmes; qu'il y a des appréhensions qu'on pourrait se servir de l'économie sociale pour faire des emplois à moindres coûts. Il y avait d'autres craintes aussi, exprimées, je pense, ce matin par la Fédération des femmes du Québec, qu'on se servirait de l'économie sociale exclusivement pour les femmes assistées sociales. J'aimerais vous entendre sur l'économie sociale.

Mme Belleau (Josée): Écoutez, quand on prend la peine de distinguer qu'il y a évidemment des efforts d'insertion à faire, des efforts d'insertion qui doivent être assumés par l'ensemble des employeurs et non pas juste les employeurs du secteur de l'économie sociale, c'est ce qu'on dit, par exemple, en favorisant ou en privilégiant, à travers la réforme de la sécurité du revenu, l'avenue de l'économie sociale pour les personnes assistées sociales; disons que ça fait une tendance lourde. Je ne dis pas que c'est ce qui va être fait, mais ça imprime une tendance où on va canaliser l'ensemble des parcours ou l'ensemble des accès vers l'emploi vers l'économie sociale si on transforme des subventions salariales dans ce domaine-là alors qu'on pourrait très bien interpeller le secteur privé et le secteur public au même titre, en termes d'intégration en emploi de personnes sans emploi prestataires d'aide sociale ou autres. Alors, à ce niveau-là, oui, une tendance lourde où, potentiellement, 400 000 personnes vont être assignées à ce secteur-là. Oui, à ce moment-là, ça imprime une tendance: le secteur de l'économie sociale, c'est pour les personnes exclues de l'emploi uniquement; les autres se trouvent des emplois ailleurs. Alors, on a un problème avec ça.

Bon. Sinon, l'économie sociale en soi, c'est tout un projet qui va au-delà de la sécurité du revenu. Moi, j'aime ça qu'on opère la distinction entre une réforme qui veut favoriser l'accès à l'emploi pour les personnes sans emploi; c'est une chose. Le développement de l'économie sociale, c'est beaucoup plus rapproché de reconnaître, dans le fond, ce qui existe déjà et d'en développer davantage, que ce soit en matière de services collectifs ou d'activités qui contribuent au développement des collectivités et des personnes. Ça, c'est une autre chose.

Que parfois on combine les deux, oui, si c'est de l'emploi durable, bien payé, qui reconnaît la loi sur l'équité salariale, qui l'applique, que d'office, en partant, on ne crée pas des jobs sous-payées parce que c'est l'économie sociale, mais bien qu'on valorise l'ensemble des métiers, qu'ils soient traditionnels ou non traditionnels, et que les femmes aient accès à ces emplois-là comme elles doivent avoir accès à d'autres secteurs d'emploi, ça va, mais les craintes sont là dans la mesure où on associe ou on veut transformer des mesures actives en subventions salariales qui vont être dédiées à l'économie sociale, comme se le propose un peu le projet de réforme.

(16 h 10)

Si c'est la seule intervention du gouvernement, disons que ça pose problème. On sait, par ailleurs, qu'il y a d'autres investissements qui sont prévus, d'autres ministères. Espérons que la cagnotte va être plus haute pour permettre un développement de l'économie sociale qui n'est pas juste sur la base: bien, dans le fond, c'est un secteur d'insertion; c'est une secteur salle d'attente; c'est un secteur passage et peut-être que ce monde-là, un jour, vont se trouver des vraies jobs ailleurs.

Le projet de l'économie sociale qui a été déposé au Sommet de l'emploi n'était pas un projet d'économie salle d'attente, était bien la reconnaissance d'un secteur dynamique qui crée des emplois durables, qui favorise le développement des collectivités et qui fait leur renforcement. Alors, je pense que c'est deux affaires, puis il faut apporter une distinction nette et claire une fois pour toutes. La marche des femmes avait proposé, elle, sa version, qui était les infrastructures sociales, mais toujours sur les mêmes bases d'une reconnaissance d'activité, d'un secteur d'activité avec de vrais emplois. Et ça doit demeurer comme ça.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Quand on regarde l'ensemble des mémoires qui ont été présentés, à peu de chose près, il y a un fil conducteur qu'on retrouve. Et c'est assez intéressant de voir que, malgré le fait qu'il y ait des éléments qui puissent être qualifiés à certains égards de positifs, il n'en demeure pas moins que ce que les gens nous soulignent, finalement, c'est que l'intégration en emploi semble être la seule voie adoptée par la réforme de la ministre. On propose cette seule voie-là, alors qu'on ne dénote pas, en tout cas, on ne voit pas de façon claire une politique active de marché du travail. Il y en a plusieurs qui ont aussi dénoncé le fait que ce soit obligatoire, qu'on ne puisse pas, que les femmes ne puissent pas avoir le choix pour quelque raison que ce soit. Évidemment, je demeure toujours dans le domaine de la pauvreté des femmes. Ou des hommes, mais disons qu'on parle surtout des femmes aujourd'hui, parce qu'on sait que ce sont elles qui écopent, évidemment, le plus, pour toutes sortes de raisons qui sont très évidentes. On n'a même pas besoin de faire la liste. De ces femmes-là, certaines préfèrent rester à la maison; certaines n'ont pas le choix de rester à la maison.

On n'a pas beaucoup parlé de la violence, puis ça m'a étonnée, parce qu'il y a quelques mémoires qui le soulignent en filigrane. On ne parle pas beaucoup de ces femmes qui, dans leur enfance, ont probablement... pas probablement, on sait qu'il y en a plusieurs qui ont été battues, qui ont été violentées, qui ont subi l'inceste et qui, pour toutes sortes de raisons, ont eu des enfants très jeunes, n'ont pas eu l'occasion, évidemment, d'aller à l'école, de suivre le système normal d'éducation parce qu'elles avaient à élever leurs enfants, et qui, aujourd'hui, se font dire... puis qui se sont valorisées, peut-être pour la première fois de leur vie, par le biais de leurs enfants. Évidemment, la condition sociale reste là, la pauvreté est là, dans ce que je vous dis, mais, on sait ce que c'est que d'élever des enfants: à moins d'avoir des problèmes majeurs, là, c'est notre plus grande source de richesse puis de fierté.

Alors, ces femmes, qui, pour la première fois, se retrouvent, dis-je bien, à se sentir davantage valorisées, qui ont aimé ça puis qui souhaitent aussi continuer à élever leurs enfants, avez-vous fait une recherche sur toute cette réalité qu'est la violence et qui affecte aussi beaucoup les femmes qui vont se retrouver dans l'incapacité même de penser à sortir de la maison pour aller travailler? C'est impossible pour elles, là, pour toutes sortes de raisons. Est-ce qu'il y a une étude qui a été faite? Je sais qu'il y a des études qui existent, là, mais on ne le retrouve pas dans les réalités.

On parle beaucoup de la pauvreté, on parle du chômage, mais on ne parle pas de la violence comme telle qui est faite aux femmes. Même les femmes qui ne sont pas nécessairement pauvres dans une relation maritale se retrouvent du jour au lendemain, parce qu'un mari les a battues, dans une situation où elles doivent élever leurs enfants, se retrouvent sur l'aide sociale. Plus d'aide du conjoint. Il faut courir après, quand il n'a pas totalement disparu. Il me semble qu'il y a un volet qu'on ne fait pas ressortir assez ici. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

Mme Belleau (Josée): En tout cas, du côté de L'R des centres de femmes, il y a quelques années, on avait fait effectivement une étude sur l'isolement social des femmes. Ce qu'on avait constaté, c'est que, dans ce qu'on peut appeler le parcours de vie des femmes, disons que pauvreté, isolement, violence étaient souvent des dimensions conjuguées. Est-ce que c'était l'une avant l'autre, l'une après l'autre? Ça dépendait, mais souvent beaucoup de femmes se retrouvaient à la fois dans une situation d'isolement, de violence et de pauvreté.

Cela dit, est-ce qu'on a fait une recherche spécifique, violence et pauvreté? On ne serait pas des spécialistes. Il y a eu beaucoup d'études sur la violence faite aux femmes. C'est sûr que dans un contexte économique où il y a beaucoup de tensions sociales, dans les rapports homme-femme, ça se reproduit. C'est sûr que dans les questions d'appauvrissement, de pauvreté, il y a beaucoup de femmes effectivement qui ont à vivre à la fois des questions de pauvreté mais aussi de contrôle abusif de la part de leur conjoint. Mais, je vais laisser à mes collègues le soin d'en parler, étant elles-mêmes des intervenantes au coeur du quotidien des femmes.

J'aimerais quand même souligner que, pour L'R des centres de femmes, comme pour beaucoup de gens dans le mouvement des femmes, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'au niveau du travail au foyer et de la participation active à toute chose publique, que ce soit de façon bénévole, ou rémunérée, ou militante, etc., pour nous, c'est les deux. On ne veut pas que l'une sacrifie l'autre ou que l'autre sacrifie l'autre partie, on veut que les femmes puissent concilier ces parties-là de leur vie et qu'elles puissent faire les parcours qu'elles veulent. On n'est pas en train de dire: tout le monde au foyer ou tout le monde à la job. Ce qu'on veut, c'est le meilleur des deux.

Mme Delisle: Le choix.

Mme Belleau (Josée): Et le choix. Alors, cela dit, je vais laisser Chantal et Ginette peut-être compléter sur la question de la violence en lien avec la réforme.

Mme Provencher (Chantal): Oui. Bien, quand on parle de violence, c'est clair que chez les femmes qui sortent d'une relation dans laquelle il y avait violence, et contrôle, et tout, elles se retrouvent dans bien des cas sur l'aide sociale. Ce sont des femmes qui sont souvent brisées, qui se retrouvent à un point de leur vie que le travail qu'elles ont à faire pour se reconstruire est grand, O.K.? Et ce travail-là n'est pas mesurable. On ne peut pas dire que c'est une question de temps, de mois, cette personne-là, quand la violence s'inscrit dans des relations qui durent parfois depuis plusieurs années.

À partir de là, c'est clair que ça fait partie aussi des contraintes qu'on impose aux femmes. Un peu comme je le disais tantôt, il y a des femmes qui... C'est graduellement. On le voit à l'intérieur de nos centres. Oui, elles font un cheminement vers une plus grande autonomie, une autonomie qui se manifeste de façon différente. Tous les principes aussi d'actes, de gestes liés à la citoyenneté, de participation active à l'intérieur des groupes des centres de femmes, c'est des gestes qui sont des pas vers l'autonomie et qu'on doit aussi valoriser socialement. Sans ces femmes-là, il y a beaucoup de groupes qui ne pourraient fonctionner; c'est un apport important.

Justement, il y a toutes ces situations de vie dans lesquelles, oui, il y a énormément de femmes qui ont des vécus de violence et tout ça. Effectivement, la question d'obligation est une pénalité et, à partir de là, ces femmes vont être doublement pénalisées dans tout ça, parce que, le temps pour se reconstruire, il sera où là-dedans? Et, à travers ça, on ne reconnaît toujours pas tout ce qu'elles ont pu faire à l'intérieur.

Mme Bergevin (Ginette): C'est sûr que le problème d'obliger les femmes à bouger absolument va les amener en plus vers des échecs répétitifs, ce qui fait que ça devient de plus en plus décourageant. Quand tu n'es pas prête à embarquer dans un parcours ou à embarquer sur une mesure ou tout ça, tu vis des échecs à répétition, et là, l'impuissance s'installe. Tu as l'impression que tu ne pourras jamais réussir, alors que, quand ça arrive au bon moment, la mesure, elle est prête, la personne.

(16 h 20)

C'est sûr qu'il y a aussi tout le contexte de l'emploi, tout le contexte du marché du travail ou de la formation qui ne sont souvent pas adaptés aux femmes. Il y a des femmes qui ont beaucoup de volonté, qui souhaitent y aller, mais qui s'épuisent, qui font des épuisements parce que, qu'elles retournent faire un secondaire V ou qu'elles retournent au cégep, la formation est adaptée pour des jeunes qui n'ont pas d'enfant. Donc, si la femme a un enfant, elle est 30 heures par semaine en cours, plus son 30-40 heures de travaux à la maison, plus le 30 heures avec les enfants, au bout de six mois... Nous, les femmes, souvent, ce qu'on voit au Centre des femmes de la basse-ville, c'est que les femmes arrivent en larmes, découragées, elles veulent tout laisser tomber parce qu'elles sont complètement épuisées, elles sont à bout.

Là, on voudrait la soutenir, on voudrait qu'elle ne lâche pas, parce qu'on sait qu'elle va vivre un échec et qu'elle va trouver ça dur, et ça va être encore dur de recommencer un nouveau parcours par la suite, sauf qu'on voit bien que ce n'est pas adapté et qu'il y a tout un motton là... Que ce soit sur le marché du travail, que ce soit en formation, il faut qu'il y ait des choses qui soient adaptées pour les femmes, pour leur permettre d'avoir des succès, pour que ça ne soit pas juste celles qui ont des santés mentales à toute épreuve ou des santés physiques à toute épreuve qui passent au travers, parce que, sinon, ça fait que les femmes finissent par rester à l'aide sociale pour pouvoir avoir une vie qui a du bon sens et avoir une relation qui a du bon sens avec leurs enfants. Quand elles ne sont pas présentes, non plus, ces enfants-là, bien, ils n'ont plus de mère disponible. Et ça, c'est quand même un rôle social important.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de la commission, mesdames, je tiens à vous remercier beaucoup pour la présentation et la préparation de votre mémoire.

J'invite maintenant les membres du Comité national des jeunes du Parti québécois à s'approcher.

À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais aux membres du Comité national des jeunes du Parti québécois de s'approcher.

La Présidente (Mme Barbeau): À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous demanderais de vous identifier ainsi que les gens qui vous accompagnent et de commencer votre exposé, s'il vous plaît.


Comité national des jeunes du Parti québécois (CNJ)

M. Ouellet (Richard): Bonjour, mon nom est Richard Ouellet, je suis vice-président de l'exécutif national du Comité national des jeunes du Parti québécois. Je suis accompagné d'Isabelle Dubois, qui est membre de la commission politique du Comité national des jeunes du Parti québécois et d'Isabelle Bouchard, qui est membre de l'exécutif national et également de la commission politique.

Je vais rapidement introduire le mémoire pour, par la suite, laisser la parole à mes consoeurs. Leurs voix vous seront beaucoup plus agréables que la mienne, la mienne relevant d'une bronchite.

Il fallait procéder à une réforme de notre système de la sécurité du revenu, comme dans bien d'autres domaines au Québec, et, cette réforme-là, du fait qu'on la fait dans un domaine où les erreurs peuvent être dramatiques, il fallait la faire avec une grande prudence. Il fallait donc voir d'abord quels sont les principes qui devaient guider cette réforme-là. C'est sur les principes que notre mémoire s'est attardé. Quand j'entends les discussions qui nous animent dans la commission parlementaire qui nous occupe, quand je lis ce qui se passe dans les journaux, quand j'assiste au débat aujourd'hui, je suis particulièrement content qu'on ait axé sur les principes le mémoire du CNJ.

Les principes sont peu nombreux, mais ils sont importants, et la réforme s'imposait. À partir de là, toutes les possibilités sont ouvertes. L'important, c'est d'avoir donc rencontré les grandes idées, les grands objectifs, et nous sommes d'opinion qu'effectivement, mis à part quelques bémols dont nous pourrons discuter plus avant tout à l'heure, les objectifs et les principes sont rencontrés.

Alors, sans plus attendre, je laisse la parole à Mme Dubois qui va nous parler donc de la nécessité de réformer notre système de la sécurité du revenu.

Mme Dubois (Isabelle): Bonjour à tous. Depuis une décennie, on s'est beaucoup plaint au Québec de l'inadéquation du système de la sécurité du revenu. On a beaucoup dénoncé les prétendues malversations que permettait le système. On a largement décrié le fait qu'il n'incitait pas à retourner sur le marché du travail. On a aussi, et plus justement, critiqué sa mauvaise adaptation aux réalités du marché du travail.

Au-delà des défauts puis des imperfections du système de sécurité du revenu en lui-même, d'importants impératifs économiques dictent également qu'on revoie les objectifs et le fonctionnement de fond en comble. Le Québec a en effet pris conscience, depuis quelques années, que la pérennité du filet de protection sociale qui s'offrait n'était pas garantie. Là comme ailleurs on a constaté que nos gouvernements dépensaient plus que ce qu'ils avaient. Ainsi, sans imposer aveuglément le couperet et sans jeter par terre un système qui a déjà beaucoup fait pour notre collectivité, nous constatons aujourd'hui qu'il convient de réajuster les mailles du filet de notre protection sociale et de les adapter aux dimensions sociales, économiques et politiques d'aujourd'hui.

Nous savons aujourd'hui que le développement de la production ou du chiffre d'affaires d'une entreprise n'entraîne pas nécessairement la création de nouveaux postes ni de versements de salaires neufs. L'emploi est donc de moins en moins bien réparti. Par le fait même, tous comprendront que la richesse est de moins en moins en bien répartie également. Pour toutes sortes de raisons, dont celles que vous nous devrions ici, les travailleurs québécois demandent de plus en plus et de plus en plus souvent à nos systèmes de protection sociale.

Pourtant, à l'origine, notre système de sécurité du revenu n'était pas destiné à venir en aide à une vaste majorité de travailleurs aptes au travail. Le système actuel n'est pas non plus en mesure de ramener sur le marché les personnes aptes à gagner leur vie. Il convient aujourd'hui de reconfigurer ce système pour qu'il réponde aux besoins de demandeurs. On l'a déjà beaucoup dit: nos finances publiques sont dans un piètre état et les marges de manoeuvre et la capacité d'agir de notre gouvernement sont limitées. Afin de conserver les moyens de se doter d'un système de protection du plus grand nombre dans l'avenir, il faudra apprendre, à la sécurité du revenu comme ailleurs, à faire plus avec moins. La réforme ne devra toutefois, en aucun cas, sacrifier les prestataires actuels pour ceux à venir. Trop de prestataires de la sécurité du revenu ont le sentiment d'être reflués, rangés dans un coin d'où personne ne veut les aider à sortir. Souvent peu motivés et placés dans des situations très difficiles, ils sont, malgré eux, entraînés par notre système de sécurité du revenu qui créé une dépendance dont il est difficile pour eux de se défaire.

Quant à ceux qui ont la chance de ne pas être prestataires, ils ont, à tort ou à raison, l'impression que le fait de bénéficier de la sécurité du revenu est plus confortable que d'avoir un emploi. Il n'en demeure pas moins qu'il faut aujourd'hui redonner confiance à ceux qui contribuent au système de sécurité du revenu, mais surtout à ceux qui en bénéficient.

Mme Bouchard (Isabelle): Bonjour. Il nous est apparu que six objectifs devaient guider la réforme. Le premier objectif serait d'assurer un traitement correct des prestataires et favoriser pour les autres la réinsertion au marché du travail. Le cheminement ou parcours individuel est un processus qui nous plaît beaucoup. Moi-même, j'ai eu recours à l'aide sociale, à un moment donné, je n'ai jamais été encadrée. Le cheminement personnel va permettre aux chômeurs qui se trouvent sur l'aide sociale de pouvoir se réorienter avec un suivi, étant donné que, dans ce cheminement-là, bien sûr, il y aura un conseiller au niveau financier, mais aussi un conseiller au niveau social, si on peut dire, face au travail.

Ça implique, je suppose, des travailleurs sociaux, des psychologues, des conseillers en orientation, toute la machine pour faire en sorte que la personne se sente appuyée et que, suite à son processus, elle puisse vraiment aller sur le marché du travail sans craindre de ne pas pouvoir revenir. Et, le fait qu'elle puisse changer d'idée en cours de route de cheminement, ça, c'est fantastique. Nous, on trouve que c'est fantastique. De cette façon-là, c'est elle qui reste maître de son avenir. C'est vraiment de donner l'avenir dans les mains des chômeurs assistés sociaux que de faire un cheminement particulier.

(16 h 30)

Aussi, le deuxième objectif, ce serait de redonner confiance, aux prestataires et à la population en général, en notre système de sécurité du revenu. En présentant une réforme de cette façon-là, le gouvernement du Parti québécois montre comment il a confiance en ses concitoyens. Ça reste la contribution du plus grand nombre pour la protection du plus grand nombre aussi. Et cette confiance-là... je crois que c'est plaisant pour les citoyens de voir que le gouvernement a confiance qu'ils ne sont pas des assistés sociaux parce qu'ils sont des assistés sociaux; ils sont des assistés sociaux parce qu'ils sont arrivés sur ce système-là. Donc, ça, c'est le deuxième objectif.

Le troisième objectif, ce serait de favoriser une plus juste répartition de la richesse. Parce que le travail est mal réparti, la richesse est mal répartie. La réforme permet, grâce au programme d'insertion, que les gens puissent obtenir un emploi qui ne soit pas précaire. La formation va permettre d'avoir une formation qui puisse atteindre les emplois dans lesquels présentement les gens... Il y a des emplois, plein, disponibles au Québec en ce moment, mais qui n'ont pas la main-d'oeuvre nécessaire. La formation va pouvoir régler ce problème-là.

Ensuite, favoriser l'entrée des jeunes sur le marché du travail, puis, étant donné que la fonction publique, entre autres... il n'y a pas beaucoup de jeunes dans la fonction publique, et ça, pour l'avenir du Québec, ça prend à un moment donné des gens pour stabiliser quand certains s'en vont. Puis c'est des baby-boomers présentement qui occupent ces postes-là. Si on ne fait pas rentrer les jeunes, à un certain moment donné tout le savoir va s'en aller et les jeunes vont prendre les jobs, mais ils n'auront pas le savoir. Il faut qu'il y ait une communication. Ça, on pourrait en reparler pour les retraites anticipées.

Présentement, les jeunes... les rêves qui ont été légués à eux de leurs parents, de l'avenir que les parents nous projetaient, ces rêves-là se retrouvent aujourd'hui sans appui, sans chemin pour y aller, étant donné que tout a été changé, toute la société a changé, depuis que nos parents ont été jeunes jusqu'à nous. Les valeurs sont bonnes, mais les projets puis les moyens de fonctionner à l'intérieur de la société ont été modifiés grandement.

Il faudrait aussi simplifier le système de la sécurité du revenu. Puis, simplifier le système de la sécurité du revenu, ça veut dire pour le ministère de rentrer en contact avec ses employés, parce que les employés, présentement, du gouvernement, dans quelque ministère qu'ils soient, font plus affaire avec les centrales syndicales qu'avec le gouvernement. Ce sont des fonctionnaires. Les services qu'ils offrent, ce sont des services à la population. Il faudrait les resensibiliser à l'importance de leur travail, voir avec eux... Parce que, quand tu fais une réforme dans un centre de travail, c'est à Montréal, ou c'est à Québec, ou c'est à Trois-Rivières, ce n'est pas les mêmes problèmes auxquels ils sont confrontés, et les gens qui sont sur le terrain sont plus aptes à vraiment savoir ce qu'il faut pour que la réforme puisse fonctionner. Puis, en sentant un sentiment d'appartenance dans leur ministère, les travailleurs vont savoir où ils s'en vont, parce que présentement ils se trouvent à être frustrés, ils ne voient pas nécessairement le cheminement des idées, où ça s'en va. Mais de vraiment sentir qui est leur patron et pourquoi ils font cette job-là, ça pourrait les aider beaucoup.

Aussi, il faudrait que cette réforme-là puisse pallier et faire en sorte que les coupures du gouvernement fédéral n'apparaissent pas trop, parce qu'il ne faut pas se le cacher, au Québec il nous faudra faire avec 1 800 000 000 $ en moins pour les deux prochaines années. Donc, ces dollars-là, il y en a certains qui allaient dans la sécurité du revenu. La façon de la revoir, c'est une façon de sauver des coûts, de sauver des paliers. Des fois, même à l'intérieur d'un même bureau, il peut y avoir trois personnes qui font la même chose. Ça, c'est du dédoublement. Ça, c'est toutes des affaires qu'on peut revoir, mais ça prend l'aide des employés du gouvernement. Puis c'est important de les considérer et ne pas arriver avec des papiers: Qu'ils s'arrangent avec ça! Il faut leur faire comprendre le but de la démarche. Parce que l'avenir du Québec repose sur les jeunes. Si les jeunes se retrouvent à 45 ans dans la même situation qu'ils sont maintenant, le Québec, à cette période-là, ne sera pas tellement fort. Richard.

M. Ouellet (Richard): Nous en venons au dernier chapitre qui est celui des mesures et des moyens préconisés. On aura compris que le livre vert prévoit deux axes d'intervention: l'un pour les aptes au travail et l'un pour les inaptes au travail. On a banalisé le fait qu'on ait instauré ces deux axes d'intervention là, mais c'était extrêmement important et c'était urgent. Bravo! Il était grand temps de le faire, il était grand temps d'apporter cette modification-là, il était grand temps de prévoir des mesures de réinsertion au travail pour ceux qui peuvent retourner au travail et des mesures d'aide financière pour ceux qui ne le peuvent pas. Et, enfin, on a pu ajuster notre système à la réalité économique que l'on connaît.

Évidemment, le système prévoit l'application de test de revenus, de test de besoins et de test d'actifs pour beaucoup de prestataires. Jusqu'à quel point est-ce que nos services publics pourront faire ces tests-là dans les délais qui seront corrects pour tous? J'imagine que le projet plus avant le prévoira. Pour l'instant, il semble que ce soit peut-être quelque chose qu'il faudra préciser.

Quant aux mesures d'insertion sociale et économique, nous saluons aussi le fait qu'elles comportent une obligation de s'engager dans un parcours de réinsertion à l'emploi. Nous saluons aussi la justesse de l'intervention gouvernementale qui instaure à la fois avec vigueur et prudence un partenariat local qui est tellement nécessaire pour assurer la justesse des mesures mises sur pied. C'était très important aussi. Encore une fois, on a beaucoup perdu les principes de vue. Ce principe-là a été rencontré. On a fait appel aux collectivités locales pour aider les individus de la meilleure façon possible, ramener le plus possible la décision près de l'individu. Encore une fois, c'est ce qu'il fallait faire et c'est ce qu'on a fait.

Les centres locaux d'emploi, toujours dans la même veine, permettront de mieux arrimer les besoins du milieu, les besoins de la collectivité et les compétences de ceux qui n'ont pas d'emploi et qui sont aptes au retour au travail. Encore une fois, ces structures-là permettront de mieux coller à la réalité que connaissent les collectivités locales. Évidemment, le fait qu'on ait créé ce centre d'emploi local là lance une invitation au gouvernement fédéral à enfin simplifier nos fameux guichets qui transmettent les offres d'emploi un peu partout. Si on peut enfin mettre un peu d'ordre dans ce système-là, tant mieux. L'invitation est lancée au gouvernement fédéral: Joignez-vous à ce système qui sera mis sur pied au Québec, et on va enfin pouvoir donner aux Québécois un système qui aura de l'allure et que tout le monde comprendra.

Le Conseil local des partenaires est aussi une initiative très heureuse. Le fait que des représentants des milieux des affaires et des milieux syndicaux ainsi que des milieux communautaires, institutionnels et des représentants locaux se joignent autour d'une table pour déterminer le Plan local d'action concerté pour l'emploi est extrêmement positif. On peut penser que ces gens sauront concilier de façon très heureuse les besoins des individus avec les besoins de la collectivité environnante. Il faudra toutefois s'assurer que l'ensemble de ces intervenants auront l'incitation nécessaire à participer activement à l'élaboration des politiques du centre. Quant à moi, je pense que ça ne pose pas tellement de problèmes, chacun aura compris qu'étant tous des payeurs de taxes on aura tous avantage à ce que tout un chacun trouve un emploi et s'insère de la meilleure façon possible dans notre société. Je pense que le Conseil local des partenaires ne peut que soulever l'enthousiasme des gens qui seront appelés à y participer.

Le parcours individualisé vers l'insertion, quant à lui. Le livre vert nous indique de quoi peut avoir l'air le parcours. On nous indique qu'il s'agit d'une entente à être éventuellement signée par le prestataire qui souhaite être formé et retourné à l'emploi. Évidemment, on est au stade du livre vert, c'est un énoncé d'intention. Il faudra peut-être préciser un peu de quoi aura l'air le parcours. Je pense que, pour l'instant, la ligne est bonne. On a indiqué ce qu'on souhaite faire. On fait davantage confiance aux citoyens qu'au système. On dit aux citoyens: Vous savez quelles sont vos capacités, vous savez quels sont vos intérêts, vous savez vers quoi vous voulez vous diriger, bravo! Alors, voici le parcours qui correspond le mieux à ce que vous pouvez faire, voici ce à partir de quoi on peut s'entendre, à partir de quoi on peut travailler, et voyons, à partir de ce parcours-là, comment vous pouvez vous insérer sur le marché du travail. Encore une fois, il s'agit de faire confiance aux citoyens. C'est qu'on a fait et il faut, encore une fois, saluer ça.

Évidemment, le projet prévoit une pénalité pour les 18-24 ans qui refuseront de s'insérer dans le parcours. Le Comité national des jeunes a un petit bémol quant à cette mesure-là. Il nous apparaît, d'abord, qu'il faudrait d'abord faire la preuve que le fait d'imposer une pénalité ou, enfin, que l'épée de Damoclès de la pénalité tienne au-dessus de la tête du jeune prestataire est un incitatif au retour à l'emploi dans la mesure où le fardeau de preuve, quant à cette mesure-là, sera remplie, soit. Mais, pour l'instant, est-ce que le fait de laisser planer la possibilité qu'on baisse vos prestations est un incitatif à prendre un parcours? Dans la mesure, comme je le disais, où on aura fait la preuve de ça, bravo! En attendant, nous avons une petite réticence.

Quant à l'allocation unifiée pour enfants, elle s'imposait. Elle est bien faite. Elle incite les mères monoparentales... elle facilite le fait pour elles de rester sur le marché du travail, et ça, grand Dieu! nous en avions besoin. Il nous apparaît que cette mesure-là est adéquate, correcte. Elle urgeait et, enfin, elle s'y trouve, elle se trouve dans le livre vert.

Donc, il nous est apparu que les principes, puis Dieu sait qu'il ne faut pas perdre de vue les principes quand on fait des réformes où chaque dollar compte, où on travaille avec des gens qui peuvent manquer du plus essentiel sans même que le voisin s'en rende compte bien souvent... on a rencontré les principes et la réforme nous apparaît adéquate de ce point de vue là.

Alors, pour le mot de la fin, je laisse la parole à Isabelle Bouchard.

(16 h 40)

Mme Bouchard (Isabelle): C'est ça, la réforme nous apparaît adéquate. Ça répond aux objectifs du CNJ et ça démontre surtout la confiance que le gouvernement du Québec met dans les Québécois, de leur offrir un parcours personnalisé. Parce que la réforme aurait pu être simplement retour au travail forcé et sans parcours, sans aide, rien du tout, alors que là on a l'aide qui est nécessaire à ces gens-là. Parce que c'est sûr que, quand on a un retour au marché du travail, il y a beaucoup de choses qu'on doit revoir et, quand ça fait longtemps qu'on est sur l'aide sociale, ça prend une adaptation, et le gouvernement l'offre. Donc, c'est la confiance aux Québécois qui est portée qui nous satisfait beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Ouellet, Isabelle Bouchard et Isabelle Dubois. J'ai eu l'occasion cet automne, à plusieurs reprises, de vous rencontrer et de vous tenir au courant, au fur et à mesure qu'ils progressaient, des travaux concernant la réforme, j'ai pu avoir aussi votre son de cloche au fur et à mesure que ces travaux se réalisaient et j'ai pu compter aussi sur votre appui. Je comprends qu'aujourd'hui, globalement, vous nous dites oui aux grandes orientations et avec une réserve, cependant, sur le caractère obligatoire du parcours d'insertion. Oui au parcours, mais son caractère obligatoire vous dérange, dans le fond, hein. C'est ce que vous venez, dans le fond, de nous dire.

Moi, je voudrais simplement, peut-être, vous signaler que j'ai fait procéder à un sondage auprès de la population et auprès des prestataires sur toutes les grandes questions, celles qui ont à voir avec des orientations, mais des modalités concrètes aussi. On a, du côté de l'opposition en particulier, prétendu que ce sondage ne valait pas beaucoup parce que 30 % environ des répondants connaissaient la réforme. Mais je dois vous dire que l'objet du sondage, ce n'était pas de mesurer le niveau de connaissance de la réforme dans la population. En fait, c'était d'obtenir le point de vue de l'opinion des prestataires et de la population sur les grands éléments contenus dans le livre vert.

Alors, j'ai fait vérifier – puis je vais déposer, pour le bénéfice des membres de la commission – j'ai fait vérifier la validité de ce sondage auprès de diverses maisons de sondage. Ce que m'a dit la firme Ekos, et validé par la maison SOM, c'est que le pourcentage de notoriété d'un projet de loi ou d'une réforme se situe généralement autour de 30 %, et ça augmente au fil des mois ou des années, et que des tests supplémentaires afin de vérifier s'il y avait des différences significatives dans les réponses des répondants qui avaient pris connaissance de la réforme et dans les réponses des répondants qui n'avaient pas pris connaissance mais qui étaient quand même interrogés sur les mêmes modalités, les mêmes orientations pour savoir ce qu'ils en pensaient... Alors, ces tests supplémentaires ont démontré que les tendances n'étaient pas modifiées. Et les tendances, vous les avez dans les résultats que j'ai rendus publics, les tendances concernant les démarches obligatoires pour les 18-24 ans sont très, très, très fortement en accord, y compris chez les prestataires et y compris chez les 18-24 ans eux-mêmes. Mais, quand je dis: très, très, très favorables, là, c'est de l'ordre de 95 % dans la population, fortement ou plutôt d'accord, puis de 92 % chez les prestataires, fortement ou plutôt d'accord.

Et, moi, j'avais souhaité dans le questionnaire vraiment ne pas éviter de poser des questions de fond, et on en avait même ajouté une qui disait: Advenant que – c'était la question 15, hein – advenant qu'on oblige un jeune assisté social apte au travail à se former ou à se chercher un emploi, même si on ne peut lui garantir un emploi après ses démarches, est-ce que vous êtes d'accord... En fait, c'était une sorte de manière d'aller vérifier, si tant est que cette démarche obligatoire restait toujours fortement appuyée même si on ne pouvait pas garantir un emploi. Et là c'était toujours favorable à 90 % dans la population et à 84 % chez les prestataires. Et, encore une fois, c'était chez les prestataires de 18-24 ans où l'appui était, si vous voulez, le plus élevé.

Alors, je comprends qu'ici, en commission, les porte-parole d'organismes, dont vous êtes, viennent nous dire que cela ne devrait pas se faire, mais je veux juste que vous sachiez que, pour les gens que ça concerne, les prestataires de 18-24 ans, et pour ce qui est de la population en général, l'appui est très, très, très, très favorable, très élevé. Une première remarque.

Une deuxième remarque. Vous savez qu'au fur et à mesure que cette réforme s'élaborait, j'ai tenu évidemment à connaître votre point de vue. Moi, je comprends que vous partagez la philosophie derrière. Parce que c'est une nouvelle approche, effectivement. L'approche, c'est de dire: Il y a des chômeurs à l'aide sociale. Le régime est conçu comme si la situation depuis 30 ans n'avait pas changé, puis le régime a été élaboré au moment où, finalement, il y avait surtout des personnes qui étaient, disons, invalides ou éloignées du marché du travail, ce qui est... c'est renversé complètement.

J'aimerais regarder avec vous dans le livre vert, à la page 93, le tableau sur le taux de chômage chez les jeunes entre 1976 et 1994 et le pourcentage de 18-24 ans à l'assurance-chômage et à la sécurité du revenu. Moi, je trouve que ce tableau-là est très éloquent. Il démontre qu'en un peu moins de 20 ans... en 1976 plus exactement, les jeunes de 18-24 ans se retrouvaient à 11,3 % sur l'assurance-chômage et à 4,4 % sur la sécurité du revenu. Pourtant, le taux de chômage était très élevé, 15,3 %. Alors, le taux de chômage reste aussi élevé 20 ans plus tard, et on retrouve les jeunes, à la sécurité du revenu, à 11,6 %, ça aura triplé, et, à l'assurance-chômage, ça aura finalement diminué de moitié, ils sont à 6,8 %.

Vous voyez, ce que ça signifie, c'est que le taux de chômage chez les jeunes est resté élevé, mais, finalement, les jeunes ont de moins en moins en moins accès à l'assurance-chômage à cause des resserrements à l'éligibilité dans les critères d'admissibilité. Ce n'est pas parce qu'ils ne cotisent pas. Avec les modalités appliquées au 1er janvier, ils cotisent maintenant comme jamais auparavant, parce que beaucoup de jeunes travaillent moins de 15 heures; avant, les 15 premières heures n'étaient pas cotisées, alors que, maintenant, la première heure travaillée est cotisée.

Alors, on voit très, très bien dans ce tableau-là que, oui, il y a un niveau de chômage qui est important chez les jeunes depuis 20 ans, mais, contrairement à il y a 20 ans, les jeunes sont comme mis de côté plus qu'avant parce que plus rapidement ils se retrouvent à l'aide sociale plutôt qu'à l'assurance-chômage. Moi aussi, ça m'est arrivé d'être à l'assurance-chômage quand j'ai commencé, parce que, quand on commence à travailler, après l'université ou après un diplôme, habituellement ce n'est pas pour 25 ans avec une montre en or à la fin. On a des essais, et puis on finit par se placer d'une façon peut-être plus régulière. Et ça ne m'étonne pas que vous disiez, Isabelle, tantôt, avoir dû recourir à l'aide sociale. Vous êtes représentative des jeunes de votre génération.

(16 h 50)

Alors, ça, je pense que c'est quelque chose qui mérite d'être examiné attentivement par le mouvement des jeunes au Québec pour comprendre qu'il y a quelque chose d'important qui s'est passé là. Et si on n'agit pas... ce qu'on va faire d'une certaine façon, c'est... Après un an, il y a une chronicité. Après un an, il y a comme une sorte de résignation. Et l'immense danger à 20 ans, c'est de penser que l'aide sociale, c'est normal.

M. Ouellet (Richard): Quant à l'effet de la pénalité quant au parcours obligatoire, c'est plutôt sur l'efficacité de la mesure qu'on voulait intervenir. C'est plutôt dans ce sens-là. Est-ce qu'effectivement ce sera la motivation supplémentaire, j'allais employer une expression populaire puis j'allais dire: Est-ce que ce sera le coup de pied qui incitera le jeune à ressortir plus rapidement de l'aide sociale? C'est plutôt ça, là, qu'on voulait soulever.

Le problème que vous soulevez quant au fait qu'il est de plus en plus difficile d'avoir accès à l'assurance-chômage, c'est un problème qui est très réel, c'est un problème que nos gens au CNJ vivent, et vous avez tout à fait raison de le souligner, et nous le déplorons.

Mme Harel: Vous avez certainement pris connaissance hier de ce que le ministre fédéral responsable des Ressources humaines Canada a rendu public, d'une sorte de stratégie dite pour l'emploi des jeunes. J'ai fait préparer aujourd'hui une comparaison des programmes annoncés hier et ceux déjà existants au Québec. Alors, je voudrais aussi, pour le bénéfice de notre commission, distribuer cette comparaison. Vous allez constater que c'est finalement à peu près des programmes similaires qui ont été annoncés. On a eu l'occasion de rappeler, évidemment, que c'était une annonce recyclée; elle avait déjà été faite il y a un an dans le budget Martin. Mais on se rend bien compte qu'on se pile sur les pieds, littéralement.

Hier, des stages internationaux ont été annoncés. Au Québec, on a déjà Québec sans frontières, on a déjà l'Agence Québec-Wallonie et on a déjà l'Office franco-québécois pour la jeunesse. Il y a eu aussi l'annonce de programmes fédéraux appelés Jeunes stagiaires. On a déjà le programme d'apprentissage qui est en voie d'éclosion à la SQDM puis on a les stages en milieu de travail. Les Service Jeunesse annoncés; on a déjà au Québec Jeunes Volontaires et Chantiers jeunesse. En fait, on peut continuer comme ça. Est-ce que vous considérez qu'il y a là matière à réagir fortement sur cet argent, d'une certaine façon, qui va être gaspillé en dédoublement?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Votre réponse sera suivi par des questions par Mme la députée de Rimouski. Allez-y. Je pense que...

Mme Bouchard (Isabelle): Je vais le prendre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous vouliez parler tout à l'heure aussi.

Mme Bouchard (Isabelle): Oui. Oui, c'est sûr que c'est de l'argent qui se trouve à être dépensé deux fois. Et puis, étant donné que, dans la colonne Québec, tout est au Québec, tandis que, dans l'autre colonne, c'est un peu partout dans le Canada, donc ça se trouve vraiment à être...

Mais j'aimerais revenir sur les jeunes à l'assistance sociale. C'est important de comprendre que la situation des jeunes a changé. Les jeunes vivent aujourd'hui, à 23, 24 ans, beaucoup plus de choses qu'un individu pouvait vivre dans les années soixante à 23, 24 ans. Il y a un paquet d'affaires. Donc, le cheminement individuel, c'est ça, c'est là qu'on va aller les chercher, en allant leur permettre d'aller chercher les outils qu'ils n'ont pas pu acquérir tout au long... Bon, les familles brisées, l'éducation. Ce n'est pas pour rien que les jeunes de 16 ans abandonnent l'école à temps plein pour aller à l'école aux adultes, ça ne répond pas à leurs besoins parce qu'ils ne vivent pas dans la société comme un jeune même s'ils ont 16 ans, parce qu'ils ont maintenant des problèmes d'adultes, si on peut dire ça, parce que, maintenant, l'âge adulte, ça varie beaucoup. Mais c'est cette situation-là qui a changé. Le problème, c'est avec les programmes de cheminement personnel qu'ils vont être capables de pouvoir le régler parce que, avec tous les intervenants qu'il va y avoir... Il n'y aura pas juste un conseiller, là. Il va y avoir les travailleurs sociaux, les psychologues, les conseillers d'orientation, d'autres gens formés d'autres ressources qui vont pouvoir les amener à se comprendre puis à pouvoir se vivre. Parce que le problème des jeunes au Québec, c'est qu'ils ne se vivent pas. C'est ça. C'est ça qui fait que, finalement, ils aboutissent à la sécurité du revenu. C'est tout.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Ouellet, Mmes Bouchard et Dubois, c'est ça? J'ai, à la lecture de votre mémoire, constaté que sur la question du parcours vous étiez d'accord. Cependant, vous avez, à la page 12, émis certaines réserves, c'est-à-dire qu'elles se posent en termes de questions. Ça m'apparaît comme de quoi le parcours vous inquiète un peu. Et vous savez très bien qu'un parcours, c'est un peu comme un plan de travail, c'est un peu comme un plan d'action; dépendamment du point d'où on part et dépendamment du point où on veut arriver, là on s'entend sur les moyens à prendre pour y arriver.

Si on s'entend sur la définition de ce qu'est un parcours, j'aimerais vous entendre un peu plus nous expliquer les questions que vous soulevez, parce que vous demandez: «Nous aurions aimé connaître plus concrètement ce à quoi le prestataire s'engage quotidiennement. Quelles démarches s'engage-t-il à faire? Quel compte rendu devra-t-il donner...» Enfin, tout le premier paragraphe de la page 12 de votre mémoire.

M. Ouellet (Richard): En fait, le parcours est une entente. Le parcours devra correspondre aux besoins et aux attentes de chaque individu, soit. Donc, en soi, le parcours devra s'adapter au cas par cas. Il ne doit pas y avoir trop de règles qui le régissent. Mais on voulait quand même connaître quels étaient les paramètres: Est-ce que tu t'engages à revenir nous voir tous les vendredis matin? Est-ce que tu t'engages à faire une demande d'application pour un emploi à toutes les deux semaines? Est-ce que tu t'engages à prendre un cours de formation professionnelle? On comprend bien, là. On comprend bien que ça doit correspondre aux besoins et aux attentes de chaque individu et, de ce point de vue là, on ne peut pas aller trop dans le détail. Mais est-ce qu'il n'y avait pas quand même des paramètres à indiquer de façon plus nette?

Mme Charest: Vous auriez aimé avoir des paramètres plus précis...

M. Ouellet (Richard): Oui.

Mme Charest: ...à l'étape du livre vert pour connaître ça peut être quoi les modalités ou les contraintes?

M. Ouellet (Richard): On est parfaitement conscients qu'un livre vert, c'est un énoncé d'intention, on est parfaitement conscients de cela, sauf que, le parcours étant tellement au centre de la réforme, nous aurions aimé avoir davantage d'indications, davantage de paramètres sur ce qu'il sera. Mais, et je le répète, on est parfaitement conscients qu'un livre vert, c'est un énoncé d'intention, puis on est parfaitement conscients aussi que le parcours doit correspondre aux besoins et aux attentes de chaque individu et, en cela, il ne peut pas être très précis.

Mme Charest: O.K. Je reviendrais à la page 11 de votre mémoire, c'est la dernière phrase dans son... Vous êtes d'accord également avec le Conseil local des partenaires et vous voyez très bien l'implication des différents milieux à un nouveau micro. Par contre, vous dites qu'il faudra que ces partenaires aient l'incitation nécessaire à leur participation active. De quel type d'incitatif vous verriez ou vous voyez là? Quand vous soulevez la question qu'il faut que ces partenaires aient l'incitation nécessaire, qu'est-ce que vous voulez dire exactement?

M. Ouellet (Richard): Je vais vous répondre avec beaucoup de candeur et de franchise, je ne le sais pas moi-même. Ma consoeur a une idée. On s'en était parlé. Elle a trouvé de quoi.

Mme Charest: O.K.

Mme Bouchard (Isabelle): Oui, un incitatif. C'est évident que, pour avoir une réforme comme ça, avec l'aide des partenaires, ça prend la solidarité. Je vais revenir à ce que j'ai dit tantôt quand j'ai parlé des employés, des fonctionnaires. Il faut que les gens se rendent compte dans quelle situation on est puis qu'est-ce que la responsabilité des actes et la responsabilité de la société. Donc, les partenaires pourraient amener des mesures incitatives. Ça pourrait être juste le résultat à long terme de... Parce que les gens en général voient aujourd'hui et demain, mais pas dans 15 ans, dans 20 ans. Les incitatifs, c'est des incitatifs à prendre conscience de la communauté dans laquelle ils vivent, à voir qu'est-ce qui se passe sur le terrain et à voir qu'est-ce que ça peut leur rapporter de s'impliquer.

Mme Charest: Je vous arrête, Mme Dubois ou Mme Bouchard?

Mme Bouchard (Isabelle): Bouchard.

Mme Charest: Bouchard, pardon. Oui, mais ça, là, c'est pour la personne qui est en...

Mme Bouchard (Isabelle): Mais pour les entreprises, pour les partenaires aussi.

Mme Charest: La clientèle ou pour les partenaires comme tels?

Mme Bouchard (Isabelle): Pour les partenaires, de les inciter de cette façon-là, parce que, si on les incite financièrement – c'est mon opinion personnelle – mais, si on les incite financièrement... Là, on continue l'engrenage, là; ça va être en sorte que les entreprises vont faire de l'argent d'engager. Ce n'est pas le but de la chose. La chose, c'est de créer des vrais emplois puis de faire en sorte que la société fonctionne. Ça prend une forme de solidarité. Si on n'envisage pas une certaine forme de solidarité gratuite...

Mme Charest: Mme Bouchard, il faut que vous soyez consciente que les partenaires dans les comités locaux...

(17 heures)

Mme Bouchard (Isabelle): Oui.

Mme Charest: ...ce qu'ils vont avoir comme donnée de base, c'est le portrait de la situation du chômage, de la situation de la scolarité des individus qui ont recours aux services du centre local. Et ils ne sont pas là pour – comment je dirais – nécessairement recevoir eux-mêmes des incitatifs, mais c'est de réorienter ou d'orienter de la façon la plus adéquate possible et le plus près de la situation réelle du terrain les axes de travail des comités locaux pour s'assurer que les prestataires, dans le cadre d'un parcours ou dans le cadre d'une recherche d'emploi, sont bel et bien orientés en fonction de la réalité locale. Alors, je ne sais pas. À la lumière de ce que vous m'avez dit, j'ai le sentiment que vous n'interprétiez pas tout à fait le rôle des partenaires comme ce que l'on entend dans le livre vert.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Trente secondes.

Mme Charest: Puis je ne sais pas si je suis correcte. Mme la ministre peut toujours me rappeler à l'ordre si ce n'est pas correct.

M. Ouellet (Richard): En 30 secondes, il suffisait simplement pour nous de s'assurer que le chef d'entreprise, à qui on demande de participer au Conseil local des partenaires, comprenne ce qu'il va y faire et comprenne pourquoi on lui demande d'être là. Et c'est un peu ça, l'incitatif, dans le fond. Tu es un payeur de taxes, toi aussi, tu es un contribuable comme nous, puis, toi aussi, tu as intérêt à ce que le système de la contribution du plus grand nombre pour la protection du plus grand nombre fonctionne.

Mme Charest: Oui.

M. Ouellet (Richard): Et c'est ça qu'il va falloir faire comprendre à ces gens-là.

Mme Charest: Pour conclure, M. Ouellet, permettez-moi de vous dire que, de l'expérience des sociétés québécoises de développement de la main-d'oeuvre, là où les partenaires siègent déjà, quand on va chercher un chef d'entreprise, un représentant syndical ou un représentant du communautaire, c'est parce qu'ils ont une expertise dans leur secteur d'activité, qu'ils nous permettent d'utiliser cette expertise-là au bénéfice de la collectivité pour laquelle ils sont appelés à discuter et à orienter les travaux des comités comme tels. Alors, je pense que là-dessus...

M. Ouellet (Richard): Parfaitement d'accord.

Mme Charest: ...c'est dans cette lignée-là que les comités locaux avec les partenaires locaux vont continuer le travail qu'ils faisaient en quelque sorte à un niveau autre, qui était celui des SQDM. Présentement, ils le font encore, mais ils le faisaient depuis que la SQDM existait.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme la députée. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour. Bienvenue. Ça fait plaisir d'entendre la voix des jeunes. On avait le groupe ce matin, le Conseil permanent de la jeunesse, et, maintenant, la commission jeunesse du Parti québécois. Justement ce matin, le Conseil permanent de la jeunesse nous disait que le fait de prioriser les 18-24 ans, les 25-30 ans ont peur finalement d'être laissés pour compte, et peut-être qu'on devrait cibler davantage au niveau des 18-30 ans toute la réforme pour le parcours d'insertion. J'aimerais vous entendre sur ça, d'élargir aux 18-30 ans. Parce que vous parlez un peu des 18-30 ans dans votre mémoire, le manque d'espoir.

M. Ouellet (Richard): Oui, on parle des 18-30 ans parce que c'est notre membership. Je n'ai pas une connaissance très fine des statistiques de chômage, mais je pense qu'elles touchent bien davantage les 18-24 que les 24-30. Je pense que c'est dans ce sens-là que la réforme a ciblé.

Mme Loiselle: Mais pensez-vous qu'on devrait, étant donné que les 25-30 ans semblent démontrer une préoccupation... que, finalement, on va les laisser de côté et qu'on va cibler davantage les 18-24 – c'est ce que, ce matin, on nous disait, le Conseil permanent de la jeunesse... que peut-être on devrait cibler davantage les 18-30 et laisser le libre choix aux monoparentales.

M. Ouellet (Richard): Je comprends que les 18-24 auront l'obligation d'emprunter un parcours faute de quoi ils seront pénalisés, et les 25-30 auront toujours l'opportunité d'en prendre un, parcours, au fur et à mesure que la réforme entrera en vigueur. C'est juste qu'eux autres, pour l'instant le livre vert ne dit pas qu'ils auront la pénalité. Alors, je ne vois pas en quoi ils seront fortement pénalisés.

Mme Loiselle: Non, laissés pour compte au niveau du parcours et se retrouver en bout de piste... faire toute la démarche, puis, quand tu ne participes pas, s'il a finalement le vrai barème de participant, tu ne l'as pas, le barème de participant. C'est 120 $ de moins.

M. Ouellet (Richard): Je veux bien comprendre le sens de votre question. Ma compréhension, c'est qu'au fur et à mesure que la réforme entrera en vigueur rien n'empêchera éventuellement un 25-30 ans d'avoir un parcours individualisé non plus.

Mme Loiselle: Oui, mais c'est ça, c'est l'espace de temps, voyez-vous?

M. Ouellet (Richard): Bien, on a commencé par le plus pressant, le plus urgent, c'est-à-dire...

Mme Loiselle: Bien, c'est ça que je vous demande, si vous ne préféreriez pas qu'on cible davantage plus large au niveau des jeunes et qu'on laisse le libre choix, sur une base volontaire, aux familles monoparentales. Si on ne devrait pas faire ce changement-là?

M. Ouellet (Richard): Bien, moi, je pense qu'il fallait aller au plus pressé. Le plus pressé, c'est là où les statistiques nous disent d'aller. On nous disait d'aller aux 18-24, puis c'est là qu'on est allés.

Mme Loiselle: O.K. Quand vous parlez des centres locaux, vous avez échangé tantôt avec la députée de Rimouski et vous parlez du Conseil local des partenaires, et tout ça. Et M. Bouchard, Camil Bouchard disait que, finalement, on avait oublié toute l'instance régionale, qu'il y avait une absence au niveau de l'instance régionale. Il disait que peut-être sur certains territoires il peut y avoir des tensions historiques. Il disait qu'il y a peut-être des... il y a des gestions locales qui vont faire qu'il va y avoir des frictions. Il y a d'autres, peut-être, territoires qui ne sont pas tout à fait prêts et que ce serait peut-être plus prudent de se doter d'une instance régionale, un comité régional qui ferait de la planification, du soutien. Est-ce que vous seriez en accord avec l'implantation, de mettre en marche, par-dessus les conseils des partenaires, une instance régionale? Puis, pour vous, il ne semble pas y avoir de problème comme ça?

M. Ouellet (Richard): Moi, je conçois difficilement qu'on parle de la prémisse des tensions pour instaurer une nouvelle instance. Je pense que ce n'est pas parce qu'il y a une tension éventuelle, ou possible, ou potentielle dans une communauté qu'il faille nécessairement mettre une nouvelle instance au-dessus des conseils locaux. Je ne suis pas sûr que ce soit une prémisse très correcte. Je ne voudrais pas attaquer M. Bouchard d'aucune façon, mais je ne suis pas sûr que ce soit une prémisse correcte que de dire: Vu qu'il y a des tensions potentielles, il va nous falloir une instance de plus.

Mme Loiselle: C'est tout?

M. Ouellet (Richard): Je pense que c'est assez.

Mme Loiselle: O.K. Vous êtes en accord avec le transfert des personnes qui ont des limitations fonctionnelles à la Régie des rentes du Québec. Hier, nous avons rencontré des groupes, le groupe Coalition Droit, qui sont très, très inquiets de cette proposition gouvernementale. Ils se disent que peut-être ce qui peut arriver, c'est que les conseillers à l'emploi seraient peut-être portés à les conseiller à se diriger vers l'allocation d'invalidité étant donné le manque d'emplois. Ils sont aussi inquiets que, s'ils font le choix d'aller à l'allocation d'invalidité, ce choix-là ne soit pas réversible. Parce que, de toute façon, c'est ces gens-là qui vivent ces limitations fonctionnelles là, puis, hier, on a senti vraiment beaucoup, beaucoup de craintes à les entendre. Est-ce qu'à ce niveau-là, vous, vous considérez que le fait de les envoyer à la Régie des rentes du Québec il n'y a aucun problème à cet égard-là? Est-ce qu'on vous a garanti que, s'ils faisaient le choix d'y aller, ils pourraient... décident de revenir, que le choix était réversible? Est-ce qu'on vous a donné cette garantie-là?

M. Ouellet (Richard): Je n'ai pas une connaissance parfaite du livre vert, mais je n'ai pas souvenir qu'il dise que c'est irréversible.

Mme Loiselle: On ne vous l'a pas confirmé non plus?

Mme Harel: Non, ce n'est pas irréversible.

Mme Loiselle: Ça ne l'est pas?

Mme Harel: Non, ça ne l'est pas. Il y a des passerelles. On l'a dit hier en commission parlementaire. Je peux bien le répéter là, mais...

Mme Loiselle: Mais vous répétez souvent la même chose, il n'y a pas de problème.

Mme Harel: Non, bien c'est nécessaire...

Mme Loiselle: Bien oui.

Mme Harel: ...parce que vous n'avez pas l'air à comprendre.

La Présidente (Mme Barbeau): S'il vous plaît! J'aimerais qu'on continue les échanges avec les groupes, s'il vous plaît.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Loiselle: Vas-y donc.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Je vais tenter de prendre la relève, Mme la Présidente. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: J'aimerais ça qu'on revienne à la page 12 de votre mémoire, le troisième paragraphe, je vais le résumer à ma façon puis vous me direz si je suis fidèle à ce que vous dites. C'est que vous dites finalement que, s'il est pour y avoir parcours obligatoire – je vais surtout vers la fin du paragraphe – pour les 18-24 ans, vous seriez d'accord, vous êtes d'accord pour ça, mais, s'il y a pénalité, vous voulez bien, mais qu'il y ait pénalité également pour les autres groupes lorsque la réforme sera mise de l'avant par étapes, lorsqu'on aura trouvé les argents nécessaires. Est-ce que je vous lis bien quand je vous dis ça?

M. Ouellet (Richard): Oui, bien, le livre vert dit que, dans les cas où le parcours sera obligatoire et refusé par le prestataire, il y aura pénalité.

Mme Delisle: Oui.

M. Ouellet (Richard): Or, dès l'amorce de la réforme, le parcours sera obligatoire pour les 18-24 et le reste est progressif.

Mme Delisle: O.K. Parce qu'on a entendu beaucoup de groupes aujourd'hui et hier, bon, depuis, évidemment, le début de cette commission parlementaire, où les groupes, surtout des groupes de femmes, et il y a des groupes d'hommes aussi qui sont venus, mais surtout des groupes de femmes qui disaient finalement que, bon, ils souhaitent, ça prend une réforme. Mais ce qu'ils dénonçaient de façon assez virulente finalement, c'était justement cette notion d'obligation qui était là et qui faisait en sorte finalement d'obliger les prestataires à un parcours particulier – même si on disait à un moment donné qu'il était individualisé ou personnalisé; vous dites «personnalisé», mais, en fait, on parle le même langage – et les gens disaient: Ce n'est pas respecter, finalement, la réalité, le quotidien. On a entendu beaucoup de groupes, de personnes, de gens un peu plus âgés que votre génération. Aujourd'hui, c'est le tour de votre génération. Et même si vous n'avez qu'entre 18 et 24, vous avez quand même, après avoir entendu les interventions, un bon bagage, et les jeunes qui se ramassent sur l'assurance-emploi... pas l'assurance-emploi, mais, je veux dire, sur l'aide sociale, la sécurité du revenu, ça a un sapré bon bagage de fait par rapport à d'autres qui vivent un petit peu plus un parcours normal puis un peu plus dans la ouate.

(17 h 10)

Pour vous autres, le fait qu'on vous oblige – il y a quand même une notion d'obligation – et qu'il y ait pénalité, est-ce que ce n'est pas une entrave, finalement? Est-ce que vous ne voyez pas ça comme une difficulté? On sait que M. Bouchard, et je vous ramène à ce qu'il a dit dans son mémoire finalement, que «nous pensons que le gouvernement fait fausse route sur ce point – je parle des recours aux pénalités – pour plusieurs raisons. Ça place le parcours dans un contexte où la menace de punition remplace le lien de confiance et la motivation intrinsèque, deux éléments essentiels à la réussite des parcours – je le cite toujours. Il y a même certains chercheurs qui disent que le problème des mesures obligatoires, c'est qu'elles ne produisent tout simplement pas les résultats escomptés. On parle, entre autres, au Danemark, où on a observé des différences notables entre les taux de succès des mesures de formation obligatoire et volontaire.» On a M. Alain Noël aussi qui est venu devant la commission et qui a dit que la plupart des études, de façon générale, concluent que les pénalités sont contre-productives.

Pour vous autres, les jeunes, parce que, en fait, on est ici pour vous entendre, est-ce qu'il y a une autre façon que ces mesures punitives là? Est-ce que vous avez réfléchi à une autre façon de le faire, tout en étant conscient qu'une réforme s'impose puis qu'il faut changer les affaires? De façon à changer les façon de faire.

M. Ouellet (Richard): Quant au caractère obligatoire, il faut bien voir qu'est-ce qui est obligatoire dans cette réforme-là. Ce qui est obligatoire, c'est que le prestataire rencontre – appelons ça comme on voudra, un agent de l'État – quelqu'un qui représente l'État puis lui dise: Voici ce que je pense être capable de faire, voici les emplois auxquels je peux raisonnablement aspirer, voici la formation que j'ai, voici la formation que je peux éventuellement acquérir, voici les compétences que j'ai à vendre. Moi, à mon point de vue, l'obligation n'est pas encore bien forte là. On s'est au maximum retourné vers l'individu, vers ce qu'il est capable de faire, vers ce qu'il a le goût de faire, vers ses atouts, vers ce qu'il a à vendre au marché du travail. Le caractère obligatoire en soi, je le trouve correct en maudit.

Mme Delisle: Pour les 18-24?

M. Ouellet (Richard): Là où j'en ai, c'est sur la pénalité.

Mme Delisle: O.K. Mais vous êtes sans doute conscient, devrais-je dire, que, parmi votre groupe de 18-24, il y a aussi des femmes chefs de famille monoparentale, il y a des jeunes qui, malheureusement, je pense, en tout cas par rapport à ma génération qui a été élevée en masse dans la ouate, puis je fais partie du groupe des baby-boomers qu'on accuse de tous les maux... mais il y en a, des jeunes, mes enfants connaissent des jeunes qui sont dans des situations tellement précaires puis qui vivent aujourd'hui des situations qui n'ont absolument pas de bon sens. Puis c'est un commentaire très personnel que je vous passe; je vous écoute parler, puis c'est comme si, pour vous autres, ça va être facile, ça, ce ne sera pas compliqué, ce parcours-là, avec pénalité ou sans pénalité, dépendamment que vous embarquiez ou pas, mais c'est comme si les 18-20 ans n'avaient pas d'autres préoccupations, finalement, que la réinsertion sur le marché du travail pour x raisons, sans tout le bagage de responsabilités, de difficultés... puis, quand je fais référence aux responsabilités, souvent, ces personnes à charge, que ce soit un gars ou une fille aujourd'hui, les gars les ont aussi.... Je ne sais pas, ça me paraît irréaliste ou pas là, mais...

Mme Bouchard (Isabelle): Non. Pour en revenir à ceux qui ont plus de 18-24, c'est normal que, pour eux, ça peut sembler pas mal bizarre d'être obligés d'aller prendre un programme, parce que ça fait combien de temps? 10 ans, 15 ans qu'ils sont sur l'aide sociale. Le deux ans du programme va leur redonner l'idée d'aller travailler, l'idée de se lever, l'idée de faire quelque chose, parce que, pour vraiment pouvoir s'accomplir, il faut travailler pour voir le résultat de ce qu'on est capable de faire. Ce n'est pas en restant assis devant la télé qu'on aboutit à quelque chose dans la vie. Je ne suis pas prête à croire qu'ils sont heureux et qu'ils sont capables de se développer à 100 % en étant sur la sécurité du revenu.

Par contre, pour les femmes monoparentales de 18-24, ça, c'est un fait que cette situation-là, elle est nouvelle presque; c'est elles qui ont le plus de problèmes. Une fille de 16 ans qui a un bébé de six mois, c'est impossible pour elle de retourner à l'école. Elles sont prises dans leur maison. Sauf que là, avec les politiques des garderies... Moi, j'en ai plusieurs de mes amies, en fait, qui ont des enfants et, à 5 $ par jour: Ah! enfin, je vais pouvoir faire quelque chose, parce que le 30 $ ou le 22 $ que la garderie leur demandait, elles n'étaient pas capables de le payer. Et là elles voient, étant donné qu'elles ont eu leurs enfants très jeunes, elles n'ont pas complété leur secondaire, elles n'ont aucune formation, là elles voient: Ah! bien, là, je vais pouvoir la faire garder. Puis même il y a d'autres possibilités en arrière de ça pour les femmes monoparentales; là, elles vont pouvoir, en plus, continuer d'avoir leur argent avec un chèque... avec 120 $ de boni pour aller chercher la formation qu'elles ont besoin. Peut-être que je suis un petit peu idéaliste là, mais je n'ai pas l'impression...

Une voix: Oui.

Mme Bouchard (Isabelle): Elle me dit: Oui. Mais je n'ai pas l'impression que, si, au bout de deux ans, le cheminement n'est pas terminé, je ne crois pas que la politique de la réforme va faire en sorte de dire: Bon, bien, là, ton deux ans est fini, il faut que tu retournes travailler. Je crois, j'espère que ça va pouvoir se poursuivre de façon à ce que ces filles-là – parce que, là, on parle des filles – elles puissent être vraiment maîtres d'elles, même si ça prend quatre, cinq ans, puis même s'il faut qu'elles aillent se chercher un bac puis qu'elles découvrent que, finalement, oui, elles aiment ça, l'école. Elles n'aimaient pas ça quand elles avaient 15 ans, mais là: Ah! oui, ça leur tente. Donc, pour les jeunes, l'obligation d'y aller, je pense que c'est la clé d'avancer. Souvent, ils ont abandonné l'école. Maintenant, ils disent que, l'école, il faut que tu y ailles jusqu'à 16 ans. Mais, hein, l'école... ça commence à abandonner l'école à 12 ans. Ce n'est pas normal.

Mais là il y a une façon d'aller les récupérer puis une façon de leur montrer que le système, finalement, c'est toi qui peux le faire puis c'est toi qui vas faire ce qui t'arrive. Il n'est pas si pourri que ça. C'est sûr que c'est pourri si on s'assoit et on attend. Mais, si tu te lèves puis que tu y vas, ça ne sera pas pourri. Ça ne sera pas facile, ça va demander beaucoup de remises en question, ils vont avoir besoin de se questionner, puis vraiment: Bon, qu'est-ce que je fais, là? Il faut que je fasse quelque chose dans la vie. Mais ça va arriver plus tard que quand ils se retrouvent en secondaire III au cours de choix de carrières puis qu'ils n'ont aucune espèce d'idée puis que, là, ils se disent: De toute façon, pas de job là, pas de job là, pas de job là; l'informatique, ça ne me tente pas, donc il n'y a pas de job. C'est des raisonnements comme ça qui se passent au niveau des jeunes. Mais là ils vont avoir la chance d'aller plus loin que ça, d'être plus encadrés, plus de 30 personnes, là. Tu as une personne en avant de toi, tu y parles, puis, elle, elle te réfère à d'autres individus.

Mme Delisle: O.K. Merci beaucoup.

Mme Bouchard (Isabelle): De rien.

Mme Delisle: Ça va.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, on vous remercie beaucoup. Je demanderais à Mme Ruth Rose de prendre place, s'il vous plaît.

À l'ordre, s'il vous plaît! Mme Ruth Rose, alors, si vous voulez commencer votre exposé.


Mme Ruth Rose

Mme Rose (Ruth): Bonjour. Alors, je sais que vous avez déjà entendu beaucoup de mémoires très intéressants, notamment du Conseil du statut de la femme et de la Fédération des femmes du Québec. Alors, j'ai choisi de concentrer mes remarques sur des questions très limitées. Je sais que vous avez passé la journée à écouter les gens. Alors, si vous voulez arrêter à 18 heures, je ne serai pas insultée. Je pense que je pourrai couvrir la matière.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme Rose, attendez juste deux minutes. On m'a demandé d'attendre le retour de Mme Loiselle pour qu'elle puisse vous écouter. Elle est en route.

O.K., allez-y. Je m'excuse.

Mme Rose (Ruth): Alors, la question à laquelle je m'adresse, c'est l'impact sur le revenu des familles, et particulièrement les familles monoparentales, de la politique proposée d'aide sociale et d'allocation unifiée en intégrant aussi l'analyse des services de garde. Alors, je vais essayer de vous convaincre que les gens ont déjà subi des coupures répétées au cours des dernières années et que ce serait contre-productif d'effectuer encore des coupures. Parce qu'on a des familles, des mères monoparentales surtout qui ont déjà la charge des enfants, qui sont déjà dans une situation extrêmement difficile, souvent c'est à la suite d'une rupture de mariage, elles ont été obligées de déménager dans des nouveaux quartiers et d'être obligées de compter chaque sou, d'avoir des revenus qui sont inférieurs à ceux nécessaires pour rencontrer l'ensemble des besoins essentiels, et ça, c'est sans aucun montant de loisir réel, ça les met en situation où elles ne seront pas capables de réaliser un parcours d'insertion de façon convenable.

(17 h 20)

Quand vous regardez les chiffres qui sont présentés dans les livres blancs et dans les communiqués de presse du gouvernement en général, on indique qu'il y a des augmentations des revenus pour les familles, mais la plupart de ces comparaisons se font sans tenir compte du programme APPORT et sous prétexte qu'une grande partie des familles admissibles à APPORT ne le réclament pas. Mais je vous soumets que, de toute façon, il y a encore la moitié des familles qui sont admissibles qui le réclament. Et, dans le nouveau programme, on aurait quand même encore besoin d'un programme APPORT et il y a une façon simple de faire en sorte que les gens qui sont admissibles à APPORT en bénéficient réellement, et c'est de leur permettre, s'ils ne l'ont pas réclamé en cours d'année parce que c'est souvent compliqué, on pourrait leur permettre de le réclamer au moment du rapport d'impôt.

Donc, je vous présente des calculs pour cinq types de familles monoparentales avec un ou deux enfants et familles biparentales avec un, deux ou trois enfants – c'est à la fin, en annexe – et on va voir qu'à presque tous les niveaux de revenus les gens perdent avec le nouveau système, et, en particulier, les familles perdent lorsqu'elles ont des jeunes enfants en bas de six ans, parce qu'elles perdent, en plus, les allocations pour jeunes enfants et que la nouvelle politique de services de garde, qui est intéressante pour les familles en haut de 20 000 $ parce que ça représente une baisse de leurs frais de garde, implique des coûts additionnels importants pour les familles qui travaillent à des salaires autour du salaire minimum, ou même jusqu'à 10 $ l'heure.

Alors, j'ai trouvé une belle petite citation du rapport Boucher. Ceux qui ont suivi l'histoire des politiques sociales au Québec depuis lors, c'était le rapport en 1963 qui a donné lieu à la réforme de l'aide sociale de 1970, où on a aboli justement les programmes catégoriels et on est arrivés avec un seul programme, sans distinction de catégories, et on a amélioré les prestations pour presque tous les groupes. C'est en haut de la page 2, j'aimerais vous la lire.

«Les problèmes de nature diverse avec lesquels les familles et les individus sont aux prises à cause de difficultés d'ordre économique ou social ne peuvent être atténués de façon durable que par une action qui s'attaque à la racine de ces maux. Les montants d'assistance sociale versés par l'État à ces individus ou ces familles ne seront eux-mêmes réduits ou contenus que si cette condition fondamentale est respectée. Autrement, quoi qu'on fasse, il faut s'attendre à ce que le fardeau de l'assistance sociale pour le reste de la communauté continue à croître constamment sous une forme ou sous une autre, de façon directe ou indirecte.»

Alors, j'ai l'impression qu'on est revenus un peu à la situation qu'on a connue dans les années soixante qui a appelé à une réforme d'aide sociale et qu'il faudrait plutôt aller vers une consolidation de l'aide sociale et se concentrer plus sur les programmes réels de création d'emplois et de programmes de parcours ou de formation, etc., qui sont valables et utiles.

Alors, moi, quand je vais dans le Canada anglais – parce que j'y ai été la semaine dernière pour parler des services de garde – je suis très fière de dire que je viens du Québec, et tout le monde est très intéressé par ce qu'on fait au Québec. Parce que, en matière d'aide sociale et en matière de politique familiale, le Québec a fait des innovations très intéressantes. Mais j'ai l'impression que chaque fois qu'on fait un pas en avant, qu'on développe une nouvelle idée qui est intéressante, on fait aussi un pas en arrière. Et la réforme qui est proposée a beaucoup d'éléments intéressants.

L'allocation unifiée, comme une façon de libérer le fardeau des enfants, d'enlever le fardeau des enfants pour les femmes qui se réinsèrent sur le marché du travail, est une idée très, très intéressante. L'idée des parcours individualisés est une idée intéressante. Le fait de rendre les services de garde universels et relativement abordables est intéressant. Mais ça se fait d'une façon mesquine, avec une série de petites coupures répétées; c'est quasiment comme si, à chaque mois, on a des nouvelles coupures qui n'ont pas été toutes annoncées dans le livre vert, et on le fait avec des montants et des récupérations de l'aide de façon à piéger les familles et à rendre extrêmement difficile de sortir du piège qui est celui de l'aide sociale.

Alors, les chiffres et l'argent, c'est un défaut de formation d'économistes. Alors, je vais quand même vous demander de me suivre un petit peu avec l'exemple que je vous ai donné à la page 2. Alors, c'est Mélanie qui a deux enfants d'âge préscolaire, deux ans et quatre ans, et j'ai, dans le tableau 1, énuméré l'argent qu'elle a actuellement, qui est bien à 15 845 $, et, avec la nouvelle politique, 14 691 $. Alors, ça, c'est en supposant qu'elle reste encore dans le statut des non-disponibles, parce qu'elle aurait encore droit à ce statut-là pendant deux, trois ans encore, jusqu'à ce qu'il y ait des services de garde pour son plus jeune enfant.

Mme Harel, tantôt, m'a glissé un mot à l'effet qu'il n'y aurait peut-être pas de suppression... la majoration pour impôts fonciers, qui a été énoncée quand même par communiqué de presse il y a quelques semaines. Alors, moi, j'ai mis un chiffre, là, de 348 $. Il faut savoir que le crédit d'impôts fonciers, au cours des dernières années, a quand même déjà été coupé à deux reprises. Alors...

Mme Harel: On ne parle pas de la même chose. Il y a, d'un côté, le remboursement d'impôts fonciers et, de l'autre côté, le crédit d'impôts fonciers; c'est deux choses différentes, et les deux s'additionnaient. Celle qui a été annoncée par voie de communiqué de presse est abolie, c'est-à-dire le remboursement d'impôts fonciers qui était inclus dans le chèque d'aide sociale, tandis que le crédit d'impôts fonciers, qui est aussi éligible pour un ménage à l'aide sociale, lui, n'est pas aboli. C'est deux choses différentes.

Mme Rose (Ruth): Mais, quand la personne qui est sur l'aide sociale réclame son crédit à l'impôt, est-ce qu'elle n'est pas obligée de déduire le montant qu'elle a déjà reçu par l'aide sociale? Il me semble.

Mme Harel: C'est-à-dire que.. elle ne paie pas d'impôts, on me souffle qu'elle ne paie pas d'impôts, mais c'était un crédit d'impôt remboursé... est un crédit d'impôt remboursable, et il y a un peu plus de 200 000 ménages à l'aide sociale qui font leur déclaration d'impôts et qui obtiennent ce crédit d'impôts fonciers et qui vont continuer de l'obtenir, à ce que je sache. Ce n'est pas de ça dont il s'agit quand on parle de l'abolition du remboursement d'impôts fonciers, c'est directement dans le chèque d'aide sociale, c'est autre chose.

Mme Rose (Ruth): En tout cas, tout ce que je voulais...

Mme Harel: Regardez, ce n'est pas grave, Mme Rose, on va vraiment le recevoir, parce qu'on n'avait pas pu l'avoir auparavant, je l'ai eu cet après-midi seulement...

Mme Rose (Ruth): Oui.

Mme Harel: ...je pense, hein, et il n'a pas été analysé d'aucune façon. Ceci dit, moi, je m'engage à faire analyser à fond tout ce que vous avez, si vous voulez, décrit comme situation et à vous faire parvenir l'analyse qu'on m'en fera.

(17 h 30)

Mme Rose (Ruth): O.K. Tout ce que je voulais dire, c'est que, dépendant de ce qui arrive avec le crédit d'impôt foncier, il y a un 348 $ de plus ou de moins dans mes calculs. Je vous rappelle aussi que, l'année dernière, suite au rapport Bouchard-Fortin, on a annoncé que le ministère... M. Rémy Trudel est en train de réviser l'ensemble des politiques d'habitation et on attend encore pour savoir comment ça va affecter les prestataires de l'aide sociale et les personnes à faible salaire. Alors, c'est de l'inconnu encore dans la politique. N'empêche que, même s'il n'y pas de perte à ce niveau-là, il y a encore quand même des pertes de l'ordre de 800 $ pour la personne qui maintient son statut de non-disponible.

On savait que c'était vrai, mais le livre vert laisse entendre que, quand la personne rentre sur le marché du travail, le fait qu'elle puisse garder l'allocation unifiée, que ce ne soit pas récupéré comme l'aide sociale, ça allait faire en sorte que ce serait plus intéressant d'aller travailler à des salaires autour du salaire minimum. Alors, j'ai fait mes calculs. D'abord, j'ai été très étonnée, quand la politique familiale est sortie, d'apprendre qu'il y aurait quand même des frais de garde de 5 $ par jour. Ça, c'est en dehors des services éducatifs gratuits qu'il y aurait pour les quatre ans et moins, qui seront éventuellement implantés, mais qui seront seulement 23 heures par semaine et qui seront seulement pendant l'année scolaire. Donc, pour quelqu'un qui travaille, elle a quand même besoin de services de garde complémentaires.

J'ai parlé à des gens de l'Office des services de garde hier, ils m'ont confirmé que, oui, c'est 5 $ par jour pour tout le monde. Alors, ça veut dire, justement pour les personnes qui sont la cible un peu de la politique, c'est-à-dire les familles monoparentales qu'on essaie de réintégrer au marché du travail, c'est les gens qui vont être frappés par cette politique-là. Et j'essaie de vous montrer qu'avec deux enfants en bas de cinq ans le coût additionnel de ça peut aller jusqu'à presque 10 000 $.

Vous avez, à la page 4, la situation où Mélanie travaille à 12 000 $ par année. J'ai pris un chiffre rond. Vous voyez que, sans tenir compte des frais de garde, elle est déjà perdante de l'ordre de 300 $. Alors, c'est peut-être le crédit d'impôt foncier qui fera la différence, mais il n'y a pas de gain important, c'est-à-dire que la nouvelle politique ne lui donnerait pas un revenu additionnel par rapport à la situation actuelle. Quand on tient compte des services de garde, au total, elle a 1 900 $ de moins que dans la situation actuelle. Je pense que, s'il y a une chose à corriger, c'est la politique des services de garde. Il ne faut pas qu'il y ait une hausse des frais de garde pour cette catégorie-là de personnes.

La dernière chose sur laquelle j'essaie d'attirer votre attention – on sait que c'est le problème de l'aide sociale – c'est que, quand on a l'aide sociale qui est récupérée à 100 % à mesure qu'on essaie d'entrer sur le marché du travail – on a des emplois à temps partiels, on a des emplois sporadiques – chaque fois qu'on gagne 1 $, on le perd à 100 %. Le Québec a mis sur pied le programme APPORT pour essayer de corriger ça. Et, avec le programme APPORT, actuellement, si vous perdez 1 $ d'aide sociale, on vous redonne 0,30 $ par le programme APPORT, ça fait que vous perdez 0,70 $.

Avec l'allocation unifiée, on espérait corriger ça, mais le fait est que, de la façon dont c'est structuré – parce qu'il y a encore un programme APPORT – dès qu'on n'a plus besoin du programme APPORT, l'allocation unifiée commence à être récupérée tout de suite à un taux de 50 % et il y a déjà les taxes fédérales, il y a des cotisations à l'assurance-chômage et au RRQ. On continue à récupérer. Pour chaque dollar que la personne gagne, on récupère de l'ordre de 0,70 $. Quelquefois, c'est 0,67 $; quelquefois, c'est 0,75 $. On piège les gens dans une trappe de pauvreté.

Si vous regardez le tableau III, en annexe, je vous ai montré – c'est un jargon économique – le taux marginal d'imposition. Pour chaque dollar gagné, par exemple, en haut du premier 2 000 $ qu'on gagne, parce qu'ils sont exonérés, le gouvernement vient chercher seulement 0,29 $. Mais, pour le deuxième 2 000 $, on vient chercher 0,74 $. Et on voit que ces taux marginaux d'imposition, ils restent extrêmement élevés, même jusqu'à 70 %, jusqu'à ce que le revenu atteigne 40 000 $. Les personnes riches, les hommes d'affaires font face à un taux marginal d'imposition de 53 % et ils crient au scandale. Pourtant, eux, ils ont des façons d'éviter une grande partie de cette imposition par divers abris fiscaux, alors que les personnes qui ont le plus haut taux marginal d'imposition sont les familles avec enfants au Québec, à cause de divers programmes d'aide qui sont ensuite récupérés.

Et les frais de garde – je fais des suppositions particulières – ils peuvent ajouter, dans ce cas-là, jusqu'à 10 % à ce taux marginal, jusqu'à 12 000 $. Alors, c'est un autre élément sur lequel je pense qu'il y a manière de corriger la réforme proposée sans nuire à l'ensemble. Je vais arrêter là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, Mme Rose, vous avez été participante à la commission... Comment s'appelait-elle? La Commission sur la fiscalité...

Mme Rose (Ruth): Et le financement des services publics.

Mme Harel: ...et le financement des services publics. Alors, je suis d'autant plus contente que nous puissions vous recevoir aujourd'hui, et vous êtes connue comme étant une experte de ces questions. Peut-être juste un mot avant d'aborder le fond de ce mémoire que vous nous présentez, qui porte essentiellement sur l'allocation unifiée. Un mot. Je vous l'ai dit tantôt, d'abord, on l'a reçu seulement cet après-midi, je n'ai pas pu le faire analyser, mais je m'engage, en tout cas, à le transmettre à ma collègue la ministre responsable de la politique familiale, et je m'engage aussi, dans mes services, à le faire analyser.

Peut-être cependant, je souhaiterais, avant encore une fois qu'on aborde le fond, signifier qu'à la page 2, quand vous dites qu'il faudrait attendre d'avoir maîtrisé le problème du chômage pour, dites-vous, réduire les dépenses de sécurité du revenu, je voudrais peut-être vous signaler que la réduction ou la maîtrise des problèmes du chômage, je ne dis pas qu'elle passe par une réduction des dépenses, mais je pense qu'elle passe par une réorganisation des dépenses. Je ne dis pas «réduction», il ne faut pas confondre.

Je vous ferai parvenir, à la suite de cette séance, un document que la Délégation générale du Québec à Bruxelles m'a fait parvenir et qui porte sur un forum, un colloque tenu en novembre cette année, à Genève et ensuite à Bruxelles, et qui s'intitulait Créer des emplois en Europe . C'est assez intéressant de voir quelles sont les pistes qui ont été retenues. Alors, je n'en parle pas plus, simplement pour vous signaler que les trois pistes sont d'abord de suppléer au revenu de travail plutôt que de financer le chômage; deuxièmement, de soutenir des initiatives locales et des emplois de proximité, ce qu'on pourrait, nous, appeler l'économie sociale; et, troisièmement, de développer des réseaux locaux de petites et moyennes entreprises et du développement local, ce qu'on s'apprête à faire, comme vous le savez.

Or, finalement, si vous voulez, la maîtrise du problème du chômage ne passe pas que par cela, mais c'est évident qu'il y a aussi, parmi les interventions à faire, celles qui consistent à reconfigurer, réorganiser nos services publics d'emplois et réorganiser aussi nos investissements pour les rendre plus productifs qu'ils ne l'ont été jusqu'à maintenant, où ils ont plus servi à financer le chômage qu'à soutenir l'emploi. Je ne sais pas, tantôt, si vous aurez un commentaire là-dessus.

(17 h 40)

Ceci dit, je reviens à ce que vous nous présentez. Alors, je souhaiterais peut-être simplement clarifier des choses avec vous, parce que je ne suis pas du tout en mesure de conclure à partir de ce que vous nous présentez, mais j'apprécie, en tout cas, que l'exercice puisse se faire. Quand vous dites «personnes déjà bénéficiaires», à la page 2, à savoir que la différence entre la couverture des besoins essentiels actuelle, à l'aide sociale, et la couverture des besoins essentiels de la fiscalité retenue dans la politique familiale, j'ai eu le sentiment que vous pensiez que ça n'était maintenu que pour les personnes déjà bénéficiaires, alors que la décision est de maintenir la couverture des besoins essentiels des enfants à l'aide sociale. Est-ce que c'est bien l'interprétation que vous faisiez, à savoir...

Mme Rose (Ruth): Moi, j'ai compris que ce serait maintenu pour les personnes qui deviennent bénéficiaires pendant la première année de l'aide sociale.

Mme Harel: Pour la prochaine année?

Mme Rose (Ruth): Non, tous les gens qui sont actuellement à l'aide sociale, qui deviendront bénéficiaires pendant la première année, ça sera maintenu tant qu'ils vont rester sur l'aide sociale. N'empêche que j'ai fait une analyse sur les effets à long terme.

Mme Harel: À long terme, très bien. Alors, ça, c'est peut-être un premier élément à clarifier. Le deuxième, c'est le crédit d'impôt foncier. Comme vous le mentionniez, le crédit d'impôt foncier, vous prenez pour acquis, à partir d'un communiqué que j'avais émis, que le remboursement d'impôt foncier, qui est de 10 $, en moyenne, par mois, et qui est introduit depuis 1986, qui a été aboli en 1993 pour les personnes de plus de 60 ans, qui le sera pour les ménages aptes, ça, c'est à ne pas confondre avec le crédit d'impôt foncier. Et le montant reçu au titre des impôts fonciers n'est pas réputé dans le calcul du crédit d'impôt foncier. Bon. Vous savez, c'est des détails, mais je pense que ça compte, quand on fait des calculs.

Ensuite, le programme APPORT. Il est maintenu, le programme APPORT, ça vous le saviez?

Mme Rose (Ruth): J'ai tenu compte de la nouvelle version dans mes calculs aussi.

Mme Harel: Vous en avez tenu compte?

Mme Rose (Ruth): Oui, oui.

Mme Harel: Bon. Ensuite de ça, avez-vous tenu compte également que la sécurité du revenu supplée le déficit de l'exonération de l'Office des services de garde à l'enfance à raison de 10 $ par jour, cinq jour par semaine, pour les personnes qui sont sur des mesures d'intégration?

Mme Rose (Ruth): Oui, mais, dans mon exemple, Mélanie n'est plus sur un programme d'intégration, elle a trouvé un emploi.

Mme Harel: Bon. Alors, l'emploi qu'elle a trouvé, c'est donc un emploi où elle gagne 250 $ par semaine. C'est un emploi au salaire minimum.

Mme Rose (Ruth): Oui, 35 heures par semaine au salaire minimum, à peu près; mais, c'est un peu plus que le salaire minimum, en fait.

Mme Harel: D'accord.

Mme Rose (Ruth): Si j'avais fait des calculs avec 13 000 $, ou 14 000 $, ou 15 000 $, j'aurais eu un résultat très semblable.

Mme Harel: Très semblable, bon. Les tarifs de la garderie, vous considérez que c'est là où le bât blesse le plus. C'est ce que je comprends dans ce que vous nous présentez, à savoir que ce qu'elle aura à débourser en services de garde est plus important que ce qu'elle déboursait dans le régime actuel. C'est ce que vous nous dites?

Mme Rose (Ruth): Non seulement ça, mais il s'ajoute au fait qu'il n'y a pas une hausse de revenus réelle.

Mme Harel: Oui.

Mme Rose (Ruth): C'est-à-dire que dans la politique familiale, ce qu'on dit, c'est que ce n'est pas grave... D'ailleurs, il constate aussi, le livre blanc sur la politique familiale, qu'il y aurait une augmentation des coûts pour les familles monoparentales dans cet intervalle de revenus. Il dit: Ce n'est pas grave, parce qu'ils vont avoir maintenant l'allocation unifiée. Moi, ce que je constate, c'est que quand on tient compte de ce qu'on avait avant et ce qu'on a maintenant, il n'y a pas d'augmentation de revenus, il y a souvent des baisses de revenus. Donc, on ne peut pas dire que l'allocation unifiée peut servir pour payer ces frais de garde.

Mme Harel: Vous voyez, jusqu'à maintenant, ce qui est connu, c'est qu'en haut d'un revenu familial de 30 000 $ il n'y avait pas davantage majeur comparativement à l'encouragement qui était introduit par la politique familial pour les monoparentales chefs de famille qui pouvaient aller chercher des revenus jusqu'à 14 000 $ ou pour les familles biparentales qui pouvaient aller chercher un revenu jusqu'à 21 000 $ en ayant les pleins montants. Là, vous nous dites que les frais de garde vont venir manger ces avantages financiers.

Mme Rose (Ruth): Ils font plus que manger, oui.

Mme Harel: Bon. Prenons le cas des frais de garde d'abord, puis en verra peut-être les autres dispositions après. Les frais de garde, vous dites que c'est dû au fait qu'il n'y a plus de crédit d'impôt remboursable pour frais de garde.

Mme Rose (Ruth): Et il n'y aurait plus d'exonération financière.

Mme Harel: Et il n'y a plus d'exonération financière. Alors, c'est l'abolition des deux.

Mme Rose (Ruth): Oui. Et aussi, à terme, il n'y aurait même plus de déduction fiscale fédérale; sauf que, de toute façon, Mélanie n'aurait pas pu en profiter.

Mme Harel: La déduction fiscale fédérale est-elle menacée également?

Mme Rose (Ruth): Moi, ce que j'ai compris, c'est que le Québec cherche à la faire abolir pour les familles du Québec et à se faire donner l'argent pour mettre dans les services de garde.

Mme Harel: Mais ça, je pense que ça reste encore des hypothèses.

Mme Rose (Ruth): Oui, c'est une hypothèse, comme toutes les négociations avec le fédéral.

Mme Harel: Oui. Tantôt, quand je vous ai dit oui, en fait, est-ce que ç'a des impacts majeurs? Moi, je ne le sais pas, ça dépendra effectivement de l'examen qui en sera fait, parce qu'il y a plusieurs aspects qui me semblent être plus des hypothèses, dans votre scénario, que des confirmations. Mais, ceci dit...

Mme Rose (Ruth): Oui. Sauf que, de toute façon, ça n'affecte pas mon exemple parce que le revenu de Mélanie est trop faible pour qu'elle en profite, de la déduction fédérale.

Mme Harel: Donc, elle avait un crédit d'impôt remboursable, 75 % de 3 500 $, donc 2 625 $. C'est ça? Puis elle avait l'exonération. C'est ce que vous nous dites concernant les frais de garde.

Mme Rose (Ruth): Et je vous ferai remarquer aussi qu'en juillet dernier il y a déjà eu une coupure à l'exonération financière.

Mme Harel: Où retrouve-t-on l'exonération dans votre exemple?

Mme Rose (Ruth): C'est à la page 3. Après l'actuellement, j'ai mis les tarifs de la garderie, puis ensuite, l'exonération financière, c'est 15 $ par jour, alors qu'avant juillet elle aurait été de 17,20 $; donc, sur les 11 000 $, de toute façon, il y a déjà 7 500 $ qui est exonéré. Ensuite, le crédit d'impôt s'applique au solde qui est de 3 500 $.

Mme Harel: Bon. On me fait savoir que la position du Québec sur la déduction fédérale est à l'effet d'exiger qu'elle demeure au niveau actuel. Bon. Mais, ceci dit, je reprends votre exemple. Alors, 15 $ d'exonération financière de moins par jour, le crédit d'impôt remboursable pour frais de garde qui n'est plus là...

Mme Rose (Ruth): Qui était un projet très intéressant, en passant.

Mme Harel: Pardon?

Mme Rose (Ruth): Le crédit d'impôt remboursable était une politique très intéressante parce que, contrairement à la déduction fiscale qui profitait surtout aux gens à hauts revenus, c'est l'inverse au niveau des revenus; donc, ça bénéficie surtout aux gens qui en ont le plus besoin.

Mme Harel: Alors, voyons, là, ce qu'elle obtient en retour. Ça, c'est dans la colonne, si vous voulez, de ses revenus. Vous dites: Elle aurait le programme APPORT, mais diminué. Ça, il faut que je le fasse vérifier. Vous nous dites: Ce serait 3 197 $ présentement et ça deviendrait 684 $. C'est ce que vous croyez.

Mme Rose (Ruth): Oui.

Mme Harel: Comment en arrivez-vous à ce calcul-là?

Mme Rose (Ruth): C'est un calcul assez compliqué sur mon ordinateur, mais, essentiellement, dans la nouvelle politique... Dans la politique actuelle, le maximum d'APPORT, c'est autour de 3 500 $, et elle est proche du maximum, alors que, dans la nouvelle politique, le maximum, si je me rappelle bien, est de 1 200 $ et il atteint son maximum à 9 000 $. J'aurai, de toute façon, l'occasion de... Je m'excuse, je l'ai remis tellement en retard. C'est parce que j'ai essayé de faire quelque chose de beaucoup plus compliqué puis je me suis perdue dans mes chiffres. Alors, je me suis rabattue sur quelque chose de plus simple.

Mme Harel: Je pense qu'on est mieux de prendre un exemple, comme ce que vous avez fait, puis de le faire vérifier. Je crois que ça va être la meilleure façon de procéder. Cependant, on ne peut pas, ce soir...

Mme Rose (Ruth): Non, non, je vous comprends. Justement, je l'ai fait pour renvoyer à vos analystes et calculateurs, à vous aussi.

Mme Harel: Alors, vous nous dites qu'elle aura en poche 1 900 $ de moins avec la nouvelle politique. Elle l'aura de moins. Et là il y a peut-être un ajustement à faire, parce que le crédit d'impôt foncier, je vois dans le tableau qu'on le lui a enlevé, je ne pense pas que cela sera.

Mme Rose (Ruth): Ça voudrait dire qu'avant les frais de garde les revenus seront sensiblement les mêmes que dans la situation actuelle.

Mme Harel: Alors, ce sont donc les frais de garde qui feraient la différence.

Mme Rose (Ruth): Oui.

(17 h 50)

Mme Harel: Et, à ce moment-là, APPORT ne viendrait pas rééquilibrer ça, les frais de garde d'APPORT? Parce qu'il y a des frais de garde à APPORT également.

Mme Rose (Ruth): J'ai tenu compte de toutes les autres choses qui sont là. L'allocation unifiée compense pour la perte d'APPORT et ne compense pas pour l'augmentation des frais de garde.

Mme Harel: Bon. En tout cas, écoutez, je pense qu'avec ces données-là... on va certainement les faire vérifier, soyez-en certaine, et je ne crois pas que ce soit l'effet qui est recherché. Comprenez bien que l'effet est d'encourager les chefs de familles, que ce soit monoparentales, biparentales, les jeunes familles, encourager les chefs de familles vraiment à obtenir du revenu gagné.

D'autre part, il y a un chiffre, dans votre mémoire, qui me semble assez préoccupant, à savoir, à la page 5, qu'en 1986 presque 50 % des mères sans conjoint, qui avaient un enfant de moins de six ans, participaient au marché du travail. Et pourtant, en 1986, le taux de chômage était très élevé. Vous nous dites qu'en 1993 ce taux de participation, des mères sans conjoint avec un enfant de moins de six ans, a chuté quand même de presque 10 %. Ça, c'est en 1993, donc six ans plus tard. Je vais certainement faire, en tout cas, tous les efforts requis pour connaître les chiffres de 1987, ou de 1886, du moins; ceux de 1987 ne sont pas, évidemment, accessibles.

Mais, quelle est la situation, finalement, des mères sans conjoint qui ont un enfant de moins de six ans? Les chiffres que j'ai, moi, sont les suivants: 75 % des familles monoparentales, dont les enfants ont moins de six ans, sont sur l'aide sociale. Il y a là quelque chose qui doit quand même nous questionner comme société, à savoir qu'à chaque mois, c'est 400 ménages, 400 familles dont le chef de famille monoparentale demande l'aide sociale en invoquant la perte d'un conjoint. Et c'est 400 par rapport à 15 ménages où le chef de famille demande l'aide sociale en invoquant la perte d'un mari. En fait, en situation de mariage, il y a beaucoup moins, si vous voulez, suite à une rupture, de présence à l'aide sociale que dans les conjoints de fait; 400 à 15, en fait, à peu près, mensuellement. Alors, il y a un phénomène de société important qu'en fait il faut examiner pour le comprendre, en comprendre les causes et les effets.

Et il y a un autre phénomène aussi, assez troublant, qui est la présence d'enfants de père inconnu. Au Québec, à chaque année, même s'il y a une progression vertigineuse des enfants nés hors mariage – on est rendu, je pense, à 49 % des naissances hors mariage – il y a quand même seulement 5 % des enfants qui sont nés de père inconnu. Mais, à chaque année, à l'aide sociale, c'est au-delà de 25 % des enfants qui sont nés de père inconnu. Je pense qu'il peut y avoir un effet pervers du fait que la mère ne puisse pas compter sur la pension alimentaire, peut-être, à ce moment-là, puisqu'il n'y a pas d'encouragement à la verser, la pension alimentaire: chaque dollar versé est diminué, si vous voulez, du montant de la prestation; donc, il n'y a pas vraiment un encouragement non plus à déclarer le père de l'enfant. Parce qu'il y a vraiment un phénomène de société, qu'il y ait 5 % dans l'ensemble des naissances de père inconnu et le quart là, chez les naissances de mères assistées sociales.

Je ne sais pas si vous avez regardé ça de votre côté, vous qui êtes une experte de ces questions.

Mme Rose (Ruth): D'abord, ce n'est pas un phénomène qui est unique au Québec. J'ai participé à des conférences internationales sur la problématique des familles monoparentales et ça se produit dans toutes les sociétés.

Mme Harel: Vous voulez dire, 75 % des familles monoparentales dont les enfants ont moins de six ans recourent à l'aide...

Mme Rose (Ruth): J'allais justement dire que, dans un pays comme la Suède, où la presque totalité des enfants sont nés en dehors du mariage et où ils ont instauré... D'abord, ils sont très stricts sur l'obligation de la pension alimentaire, ça fait partie des moeurs, et le gouvernement a aussi ce qu'on appelle une garantie ou une avancée de pension alimentaire. Donc, si le père est inconnu ou n'est pas capable de payer, parce qu'il est en chômage, etc., l'État paie une pension alimentaire minimale qui ressemble un peu à ce qu'on pourrait appeler une allocation unifiée.

Et pourtant, à chaque conférence, les gens disent: Mais, est-ce que vous n'avez pas un problème de cautionner une incitation à ne pas déclarer le père? Et ils disent: Non, il y a une manière de contourner ça. Quand on a une politique intelligente, une politique familiale intelligente, les gens prennent leurs responsabilités. Mais, ce qui a toujours été la réussite, en Suède, c'est la politique d'emploi. C'est-à-dire qu'ils font tout ce qu'ils peuvent pour s'assurer que la famille monoparentale ne perde jamais le contact avec le marché du travail, qu'il y ait toujours des emplois décemment rémunérés, qu'il y ait un soutien pour les enfants, qu'il y ait un soutien pour le logement et qu'il y ait la pension alimentaire. Le résultat, c'est qu'il y a très peu de pauvreté en Suède.

Mme Harel: Mais, vous nous décrivez une situation que j'ai eu le bonheur d'étudier en y allant aussi, mais c'est une situation qui est presque passée. Au moment où j'y étais, moi, le taux de chômage faisait, je pense, 1,8 % à Stockholm et 3 % en Suède. Je regardais récemment les chiffres, ils sont maintenant à 12 %.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En 30 secondes, Mme Rose.

Mme Rose (Ruth): Ce que je demande ici, c'est qu'on ait confiance aux politiques qu'on est en train de mettre en place. Tantôt, vous m'avez demandée si j'ai un commentaire sur la conférence internationale, à Genève, et c'est ça que je vous dis: Je pense que vous êtes en train de vous engager dans des politiques intéressantes pour créer de l'emploi et pour aider les gens à réintégrer, et je pense qu'il faut aller de l'avant avec ça. C'est ces politiques-là qui vont faire en sorte que les dépenses de l'aide sociale vont diminuer et, par ailleurs, que les recettes gouvernementales vont augmenter. Il faut mettre les énergies dans ça. Essayer de mettre des énergies dans la répression des gens qui sont les victimes du chômage, c'est une perte d'argent et ça causerait des problèmes à long terme, qui seraient beaucoup plus coûteux. On n'a qu'à regarder ce qui se passe chez notre voisin du sud.

Mme Harel: J'apprécie votre commentaire, ça m'explique mieux ce que vous cherchiez, en fait, à nous dire dans votre mémoire, à la page 2. Vous nous dites, en fait: Ayez confiance dans la direction que vous prenez à l'égard de la politique active du marché du travail, de la réorganisation des services publics, de l'emploi, du développement local, de l'économie sociale, ayez confiance que ça peut avoir un effet qui ne vous amène pas entre-temps à réduire les barèmes des personnes qui ont recours à l'aide sociale. C'est ça, en fait, que vous nous dites?

Mme Rose (Ruth): Chaque fois que je vous entends, Mme Harel, je vous trouve tellement éloquente sur les causes de la pauvreté et les causes du chômage, vous comprenez très bien le problème, donc...

Mme Harel: Je ne dois pas toujours bien l'expliquer...

Mme Rose (Ruth): ...je ne comprends toujours pas qu'on revire de bord...

Mme Harel: Je ne dois pas toujours bien l'expliquer à mes collègues.

Mme Rose (Ruth): ...et qu'on dise qu'il faudrait des mesures qui forcent les gens à aller dans les parcours, qui pénalisent les gens. C'est là où il y a un manque de suite dans la logique.

Mme Harel: C'est ça. Alors, si je l'explique bien, je ne dois pas être assez convaincante, en tout cas, auprès de tous.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Certains appellent ça le double langage, mais je n'embarquerai pas dans ça. Vraiment, c'est une source...

Mme Harel: C'est préférable.

Mme Loiselle: ...d'information très, très précieuse que vous apportez là parce que, à date, il y a seulement le Conseil de la famille qui avait attiré notre attention sur le fait que, dans la politique familiale, l'allocation unifiée, c'est les familles monoparentales à l'aide sociale qui sont les plus perdantes, surtout les femmes avec de jeunes enfants. Le Conseil de la famille avait fait un tableau aussi avec les chiffres qui étaient mis à sa disposition, nous démontrant finalement que ces familles-là sont perdantes.

Cet après-midi, je donnais un exemple, parce qu'on a beaucoup parlé des services de garde. Vous, vous demandez finalement que ce soit gratuit surtout pour les familles à faibles revenus, d'après le seuil de pauvreté de Statistique Canada, n'est-ce pas? L'exemple que je donnais cet après-midi: une mère de famille, qui avait un travail en soirée et aussi la fin de semaine, qui finalement ne pouvait pas aller au service de garde à 5 $ le jour, parce qu'elle travaille de soir, devait à un service de garde beaucoup plus onéreux pour elle. Le fait qu'on a retiré le crédit d'impôt pour frais de garde, avec l'abolition dans la politique familiale, cette mère de famille est très, très perdante, avec toute la politique familiale. On a oublié le grand espace des femmes qui ne travaillent pas de 9 à 5, des femmes qui travaillent à des heures irrégulières ou qui travaillent les fins de semaine. Alors, j'aimerais peut-être vous entendre davantage sur ça.

(18 heures)

Mme Rose (Ruth): Bien, justement, j'ai parlé avec des gens de l'Office des services de garde hier et puis j'ai posé la question. Ils m'ont dit que l'idée, avec les centres de petite enfance, serait d'être capable d'offrir ce genre de services beaucoup plus flexibles qu'à l'heure actuelle. Et c'est pour ça qu'ils misent tellement sur la création de places en milieu familial. Alors, c'est un défi.

Mme Loiselle: Un grand défi.

Mme Rose (Ruth): Moi, je crains... On a parlé tantôt d'économie sociale et on a vu, dans la politique d'économie sociale qui a été annoncée au Sommet socioéconomique, qu'une très grande partie des emplois qui seront créés là-dedans seront dans les services de garde. Je crains que, ce qu'on va faire, c'est qu'on va prendre des femmes qui sont monoparentales sur l'aide sociale et, le parcours qu'on va leur offrir, ce serait de garder les enfants des autres chez elles, en milieu familial.

Alors, si on fait ça, il faudrait que ça soit volontaire, que les femmes le fassent parce qu'elles aiment ça garder des enfants. Il faut que ce soit pour leur permettre vraiment de gagner un revenu décent, au moins minimalement le salaire minimum avec la couverture d'un travail, l'assurance-chômage, etc. Et il faut qu'il y ait une formation rattachée à ça. Donc, il y a un grand défi devant l'Office actuellement et la politique dit qu'ils vont maintenir les politiques actuelles et inclure des crédits remboursables jusqu'à ce qu'ils soient capables d'offrir des places à 5 $ à tout le monde, y inclus pour les services flexibles. Alors, je pense que c'est quelque chose sur lequel, dans le contexte de la politique familiale, il faudrait intervenir et il faudrait s'assurer que les services de garde qui sont offerts seront de qualité et qu'ils se feront dans le respect des droits des personnes qui vont faire la garde.

Mme Loiselle: Ce service de garde complémentaire, de la façon que vous l'expliquez, c'est vraiment à long terme qu'on va voir le jour de l'implantation, en tout cas, de ces services de garde à des heures qui ne sont pas les heures régulières, parce qu'il y a des coûts reliés à ça, l'investissement d'argent neuf, j'imagine.

Mme Rose (Ruth): Moi, j'ai fait les calculs pour le Conseil supérieur de l'éducation, pour voir justement combien ça coûterait. Une très grande partie de ce que ça coûterait, le nouveau service de garde, va se payer du fait qu'on met des gens à l'emploi. D'une part, les personnes qui vont garder seront en emploi, commenceront à avoir des salaires décents, surtout en garderie, et paieront de l'impôt. Il y en a un certain nombre qui seront enlevées de l'aide sociale, de l'assurance-chômage, donc il y a aussi des gains là. En plus, actuellement, ce qui est très clair dans l'ensemble de la politique qu'on vient de nous annoncer, c'est que les coupures que l'on voit dans les politiques de soutien au revenu des familles vont être réallouées au service de garde. J'ai l'impression que, dans les premières années, on va avoir fait les coupures, mais les services de garde commenceront à se développer, alors, dans les premières années, on va dégager des surplus. Ce n'est qu'à terme qu'il y aura des dépenses nettes.

Mme Loiselle: D'accord. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Nelligan, avec la permission de tout le monde.

M. Williams: Oui, il faut que je demande le consentement parce que, malheureusement, comme vice-président, je pense que je n'ai pas le droit de parler aujourd'hui sans le consentement parce que j'étais dans une autre commission.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Voilà. Alors, il y a sûrement consentement. Allez-y.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président, et merci beaucoup Mme Rose pour votre présentation. À la page 1, je cherche une clarification. Vous avez parlé, à la page 1: «Toutefois, pour les familles monoparentales ayant de faibles gains, c'est-à-dire la vaste majorité des familles monoparentales ayant des jeunes enfants et ne bénéficiant pas de l'aide sociale, un coût de 5 $ par jour ne leur est pas abordable.» Et je trouve – et c'est sur ça que je vais demander une clarification – les tableaux 3 et 4, dans votre mémoire. Le tableau 3, c'est le revenu disponible et le taux marginal implicite d'imposition selon la politique proposée pour les familles monoparentales avec un enfant, avec et sans frais de garde. Le deuxième tableau, c'est avec deux enfants.

J'ai lu ça vite et il me semble qu'il y a toute une différence entre le taux marginal d'imposition, moins de 14 000 $ pour un enfant, moins de 12 000 $ pour deux enfants, un écart, dans quelques cas, de 28 % ou 38 %, ou 74 % ou 84 %. Je voudrais vous donner une chance d'expliquer ces tableaux, ce que vous avez fait dans ça et me décrire exactement ce que ça veut dire, s'il vous plaît.

Mme Rose (Ruth): Bon. Le tableau est le résultat d'un calcul sur l'ordinateur où je programme ce que les gens reçoivent de l'État et ce qu'ils paient à l'État en termes d'impôts. Au terme de ce calcul-là, il me donne combien d'argent ils ont dans leur poche, et c'est ça le revenu disponible. Et vous avez le détail dans ce qui rentre là-dedans dans les exemples du tableau 1 et 2.

M. Williams: O.K.

Mme Rose (Ruth): Alors, j'ai fait un calcul semblable pour toutes les familles. Et donc, ça donne le revenu disponible, ce qui est la dernière ligne des tableaux 1 et 2.

M. Williams: Et, pour les familles qui ont des gains de travail de moins de 14 000 $, selon vos calculs, elles sont les perdantes?

Mme Rose (Ruth): Pardon?

M. Williams: Pour les familles monoparentales avec un enfant ou deux qui ont des gains de travail de moins de 14 000 $, elles sont les perdantes dans ce système. Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Rose (Ruth): Les tableaux 3 et 4 ne montrent pas qui est perdant et qui est gagnant, ça montre seulement la problématique du taux marginal d'imposition, le fait que quand votre revenu passe de 12 000 $ à 14 000 $, donc vous avez gagné 2 000 $ de plus et le gouvernement vous enlève 0,60 $ de cette augmentation. En d'autres mots, vous avez travaillé pour gagner 2 000 $ mais il vous reste seulement 800 $ de plus dans votre poche.

M. Williams: Avec ça, ils sont perdants.

Mme Rose (Ruth): C'est ça que ça montre, le tableau 3. Si vous voulez voir qui est le gagnant et le perdant...

M. Williams: Oui.

Mme Rose (Ruth): ...c'est plus dans les graphiques qui suivent. Alors, par exemple, le premier graphique – je ne les ai pas numérotés – parle d'une famille monoparentale avec un enfant. Là, je n'ai pas montré le revenu disponible mais seulement les montants qui sont alloués pour les enfants. Vous avez quand même les gains ou les pertes. On voit, par exemple, que la personne qui a... et ces exemples-là sont des familles qui ont des enfants de plus de six ans; donc, je n'ai pas mis la problématique de garde ni la perte de l'allocation des jeunes enfants là-dedans. C'est dans la note que je mets ça.

Et, ce qu'on voit, c'est que pour la famille monoparentale avec un enfant qui a plus de six ans, la dernière ligne, on voit qu'il y a de petits gains jusqu'à 18 000 $. Le gain le plus important, c'est 12 000 $. Ça, c'est avec un enfant.

M. Williams: Jusqu'à 18 000 $.

Mme Rose (Ruth): Et, ensuite, les familles qui ont plus de 18 000 $ sont perdantes. Dans le deuxième graphique, là je montre qu'il y a de petits gains, à 12 000 $, 15 000 $ ou 18 000 $, mais ces gains-là sont annulés lorsqu'on tient compte de l'allocation de jeunes enfants. Et ils sont annulés lorsqu'on tient compte des services de garde. Et, dans ces calculs-là, je n'ai pas tenu compte de la perte de crédit d'impôts fonciers. Alors, au maximum, il y a quelques centaines de dollars de gains; quand on tient compte des enfants en bas de six ans, en général, ces petits gains s'annulent. Alors, vous avez les cinq types de familles dans les graphiques.

M. Williams: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Si je comprends bien la logique des tableaux 3 et 4... On va essayer de se comprendre. Vous calculez le taux marginal d'imposition dans vos tableaux. On peut prendre la première colonne. C'est-à-dire, vous calculez ce qu'on va chercher dans la poche de la personne par rapport aux revenus qu'elle a gagnés, c'est bien cela?

Mme Rose (Ruth): C'est ça.

M. Gautrin: Et, compte tenu du fait qu'elle a déjà d'autres revenus d'autres programmes, APPORT, etc. APPORT ou d'autres types de revenus. Vous arrivez à trouver qu'elle a donc un taux implicite d'imposition sur le revenu gagné dans le travail, donc l'incitation qu'elle a à travailler est relativement faible.

Alors là, je vais profiter de votre présence ici. Vous avez été sur la commission sur la fiscalité. Je vais commencer, je prends la recommandation 3. Qu'est-ce que, essentiellement, vous suggérez de faire? Je comprends que c'est évidemment un principe général que vous dites, de dire: bon, la récupération des différents programmes devrait être modulée de façon à réduire les taux marginaux d'imposition, mais comment vous suggérez de le faire?

(18 h 10)

Mme Rose (Ruth): Ça, ça demande évidemment un calcul assez complexe pour voir comment les différents programmes s'imbriquent. Évidemment, la façon la plus simple serait de faire en sorte que l'allocation unifiée ne soit récupérée, par exemple, qu'à un taux de 40 %. Et ça se peut que... Je ne sais pas ce que le fédéral va annoncer comme nouveau crédit pour enfant. Peut-être que ces nouveaux argents vont faire en sorte qu'il y aura moins de pression sur les finances du Québec et que ce sera possible, dans ce cas-là, d'être un peu plus généreux, un peu plus loin dans le niveau de revenus, de façon que, dans cet intervalle de revenus, on ne soit pas obligé d'aller chercher 0,70 $ sur le dollar.

M. Gautrin: Avez-vous réfléchi à la question de rendre non taxables certaines des prestations?

Mme Rose (Ruth): Certaines quoi?

M. Gautrin: À l'idée de rendre non taxables certaines des prestations que les individus reçoivent.

Mme Rose (Ruth): Ne pas les récupérer?

M. Gautrin: Ne pas les soumettre à la taxation. Parce que, dans le calcul que vous faites, si je comprends bien ce que vous suggérez, c'est que le revenu gagné s'ajoute aux prestations que les gens ont obtenues, ce qui fait qu'ils sont amenés à payer de l'impôt, enfin, sur l'ensemble des revenus gagnés.

Mme Rose (Ruth): C'est-à-dire que le terme «imposition» est peut-être trompeur.

M. Gautrin: Bien, je comprends que c'est le taux implicite d'imposition.

Mme Rose (Ruth): Ce n'est pas une imposition, c'est une récupération en fonction du revenu.

M. Gautrin: Qui est faite principalement par voie fiscale.

Mme Rose (Ruth): Oui. Mais, ça veut dire: le 70 %, il vient d'abord d'APPORT, qui est récupéré à un taux de 40 %, et ensuite de l'allocation unifiée, qui est récupérée à un taux de 50 %, auxquels s'ajoute le taux marginal d'imposition fédéral qui est de 17 %. Et un peu plus loin dans le revenu, c'est autre chose qui est récupéré. Alors, c'est un complexe de choses qui s'imbriquent et font en sorte que le total est extrêmement élevé.

Alors, je pense que, si on ne récupérait pas l'allocation unifiée, ça voudrait dire qu'on la rendrait universelle et tout le monde aurait le même montant. Ce serait idéal. C'est évident que le Québec ne serait pas capable de se le payer actuellement. Mais, simplement de le récupérer à 40 % plutôt qu'à 50 %, ça veut dire que ça irait un peu plus loin dans l'échelle de revenus et ça donnerait 0,10 $ de plus sur le dollar aux familles qui sont entre 14 000 $ et 25 000 $.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière question par M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci. Encore une fois, juste une clarification. Je m'excuse de demander une question sur «gagnant et perdant», mais il me semble que c'est assez important. Selon vos... Oh, je m'excuse.

M. Charbonneau (Bourassa): Vas-y, vas-y, continue.

M. Williams: Très brièvement, selon votre tableau, que vous avez mentionné, Aide aux enfants: politique actuelle proposée à la famille monoparentale avec un enfant , si on prend comme exemple le salaire d'un ministre, plus que 100 000 $, il y a une perte de 131 $ au total, selon vos chiffres. Mais, si on prend l'exemple d'une famille monoparentale qui gagne 6 000 $, il y a une perte plus haute que ça: 191 $. Est-ce que c'est vrai que vous êtes en train de dire que c'est effectivement les plus vulnérables qui paient le plus cher, qui perdent le plus, pas juste dans un pourcentage mais dans les chiffres bruts?

Mme Rose (Ruth): Bien, c'est-à-dire qu'il faut regarder les montants que les gens reçoivent. C'est-à-dire que, ce que reçoivent les gens à très hauts revenus, c'est surtout des exonérations d'impôts.

M. Williams: Oui, oui.

Mme Rose (Ruth): Y inclus le crédit pour famille monoparentale. Ce qu'elles perdent au niveau des revenus, c'est l'équivalent des allocations familiales du Québec, alors que les familles à revenus faibles, elles ont quand même des appuis pour leurs enfants: avec un enfant, ça peut aller jusqu'à 7 000 $.

M. Williams: Oui, mais, quand même, les 200 $, pour eux, c'est plus important que les 131 $ pour la famille qui fait le salaire d'un ministre.

Mme Rose (Ruth): Oui, mais, moi, je crois beaucoup à une prestation universelle pour les enfants.

M. Williams: O.K.

Mme Rose (Ruth): C'est une reconnaissance que l'enfant est une personne qui a des besoins essentiels. Tout comme on ne taxe pas les besoins essentiels pour un adulte, il faudrait qu'on reconnaisse les besoins essentiels de l'enfant aussi. Alors, c'est préférable de le faire avec un crédit à pourcentage fixe ou avec une allocation familiale; donc, je pense qu'il faudrait maintenir quelque chose quand même pour les hauts revenus. Mais ce que je demande dans ce mémoire, c'est, par ailleurs, de ne pas couper les gens à faibles revenus. Qu'on maintienne au moins le montant qu'on a actuellement.

M. Williams: Oui. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, Mme Rose, au nom de la commission.

Les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 16)

(Reprise à 20 h 15)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux et nous recevons les représentantes et les représentants de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec. Alors, si je comprends bien, Mme Presseault, c'est vous qui nous faites la première présentation, et la personne qui vous accompagne...


Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec (CJPL)

Mme Presseault (Mélanie): Bonjour. Mon nom est Mélanie Presseault, je suis coordonnatrice aux affaires politiques de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec. Vous avez à mes côtés Frank Mariage, qui est conseiller régional pour Montréal-Ouest; il est en voie de devenir conseiller sur l'exécutif national du parti.

Nous vous remercions énormément de nous avoir invités à cette commission. On est très heureux de pouvoir venir discuter avec vous de la réforme. Donc, si M. Mariage peut commencer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, monsieur.

M. Mariage (Frank): Bonjour à tous. Pour les jeunes Québécois de 15 à 24 ans, la conjoncture économique est un facteur déterminant quant à leur taux d'activité. Depuis 1989, le taux d'activité de ce groupe de la population est en baisse constante. Cette situation s'explique, selon certains, par le fait qu'en période de récession les jeunes demeurent plus longtemps aux études et sont tellement découragés de ne pas trouver un emploi qu'ils deviennent inactifs, c'est-à-dire qu'ils ne cherchent plus à entrer sur le marché du travail.

Les jeunes sont aussi ceux qui semblent être les plus affectés par le chômage au Québec. Depuis 1976, le taux de chômage chez les jeunes n'a cessé d'augmenter, et l'écart entre les jeunes et les plus âgés s'agrandit, lui aussi. Il est donc à propos de mentionner que la situation économique du Québec est inquiétante. Le seul fait que le Québec soit en peloton de tête en ce qui concerne son taux de chômage, sa durée moyenne de passage à cette forme d'assistance publique, sa part des faillites et celle de l'endettement est fort décourageant pour qui que ce soit, notamment pour les jeunes, qui n'en sont qu'à leurs premières armes sur le marché du travail.

Les jeunes bénéficiaires de l'aide sociale veulent un emploi, mais ne savent tout simplement pas où le trouver malgré les promesses gouvernementales répétées. Présentement, la population entend plus souvent parler de fermetures d'entreprises, qu'elles soient partielles, temporaires ou encore définitives, que de possibilités d'emplois sur le territoire québécois.

Les jeunes libéraux du Québec croient que l'implantation d'un nouveau système doit reposer sur l'encouragement procuré aux prestataires. La réforme de la sécurité de l'emploi qui est actuellement présentée pour étude à la population québécoise est basée sur un principe fort louable, et il est important de le répéter, qui est l'intégration à l'emploi. Cependant, il est essentiel que les ressources matérielles et humaines soient disponibles pour que le succès de la réforme de la sécurité du revenu soit assuré.

La Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec considère que l'élément préalable à la réussite d'une réforme de cette envergure est la création d'emplois. Il importe effectivement que le gouvernement québécois soit en mesure de créer un climat propice à l'investissement, de façon à ce que des emplois se créent. Actuellement, un tel climat n'existe pas, puisque l'on observe non pas création, mais perte d'emplois. En fait, une perte d'environ 60 000 emplois, et ce, seulement depuis l'assermentation du premier ministre Lucien Bouchard, a malheureusement pu être observée.

Plusieurs changements semblent être envisagés à l'intérieur du projet de réforme de la sécurité du revenu déposé par la ministre Harel. La Commission-Jeunesse du PLQ est consciente, et le déplore, que l'objectif de la ministre soit de procéder à des économies d'échelle.

Mme Presseault (Mélanie): Actuellement, le régime de sécurité du revenu prévoit deux programmes d'assistance permettant de procurer un revenu minimal. Le premier programme est en place pour les personnes qui ont un handicap ou une maladie sévère et qui ne peuvent donc aspirer à subvenir à leurs besoins par un emploi. L'autre programme existant est prévu pour les personnes qui ne réussissent pas à s'insérer sur le marché du travail ou à retrouver un emploi.

La Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec s'oppose à l'idée du gouvernement du Québec d'effectuer le versement de l'aide sociale selon deux axes différents. Les personnes inaptes au travail ne doivent pas être dirigées vers le Régime des rentes du Québec. Plusieurs raisons nous portent à croire que c'est faire fausse route que de diriger les inaptes vers le Régime des rentes. Dans un premier temps, les inaptes au travail, tels que définis par la ministre Harel, ont beaucoup à offrir à la société, qui en retour se fait un devoir de subvenir à leurs besoins.

La principale objection que nous formulons à l'idée que la ministre Harel veuille diriger les inaptes au travail vers le Régime des rentes réside dans le fait que cette institution a été créée à d'autres fins. Les objectifs du régime ne font aucunement et n'ont jamais fait état d'une responsabilité envers les inaptes au travail qui n'y ont jamais cotisé.

(20 h 20)

Le rôle de la Régie des rentes est donc indiscutable. La planification de la ministre quant à l'avenir de ces personnes ne paraît pas fondée sur les besoins de ces dernières, mais bien sur des considérations d'ordre purement budgétaire. Selon les jeunes du Parti libéral du Québec, un tel transfert ne sera nullement profitable à la société québécoise. Des coûts vont fort probablement être ajoutés à ceux déjà existants pour maintenir un niveau de vie acceptable à ces individus.

Nous ne pouvons nous permettre de créer deux classes de citoyens et, par le fait même, mettre les plus démunis en marge de notre société. La Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec propose donc que le programme de sécurité du revenu continue d'englober les personnes ayant une incapacité permanente ou temporaire de participer au marché du travail ainsi que les personnes jugées aptes au travail.

Présentement, pour certains jeunes, le régime de sécurité du revenu est devenu un piège. En effet, des recherches nous apprennent que, plus on est jeune à notre entrée sur ce régime et plus on y reste longtemps, moins on a de chances de s'en sortir. Il est donc essentiel d'élargir les horizons de ces jeunes, de leur permettre d'établir des liens avec le milieu du marché du travail, de développer un réseau de contacts et de rencontrer un éventuel employeur.

La Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec croit qu'il est important de mette sur pied, à l'occasion de la réforme, un programme d'incitation à l'emploi. Un tel programme aurait naturellement comme préoccupation première de permettre ultimement aux bénéficiaires de trouver un emploi. La volonté de mettre sur pied ce type de programme vient notamment du fait qu'à chaque année les demandes en aide communautaire émises par des organismes sans but lucratif se chiffrent par milliers. Alors, nous croyons aussi que les prestataires en retireraient un effet bénéfique, dans la mesure où ils se sentiraient valorisés d'aider les autres et de s'aider eux-mêmes. À tous les niveaux, les quelques heures consacrées seraient donc grandement utiles et bénéfiques.

Il est primordial que l'on préserve cependant la dignité de l'être humain en appliquant une telle mesure. Par la mise sur pied d'un tel programme, les prestataires de l'aide sociale auront la possibilité devant un éventuel employeur de donner plus d'un argument afin de démontrer qu'ils sont les meilleurs candidats devant être embauchés pour un poste particulier.

Les Jeunes libéraux du Québec proposent donc que les bénéficiaires de l'aide sociale aptes au travail consacrent hebdomadairement un certain nombre d'heures à l'apport d'aide communautaire aux organismes sans but lucratif, le but de cette proposition étant de réintégrer rapidement les bénéficiaires de l'aide sociale au marché du travail en leur donnant les outils nécessaires pour démontrer leurs aptitudes. Il va de soi que l'aide consentie par les prestataires en attente de travail devrait impérativement être reliée à leurs compétences ainsi qu'à leur expérience scolaire et professionnelle.

M. Mariage (Frank): Le livre vert contient une autre variation de barèmes qui, celle-là, n'est pas sans conséquences fâcheuses pour les chefs de familles monoparentales. Actuellement, les chefs de familles monoparentales ont droit au barème de non-disponibilité jusqu'à ce que leur enfant ait atteint l'âge de six ans.

Le gouvernement péquiste semble, à l'intérieur de son document d'orientation, Un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi , préférer une mesure qui aura pour effet d'abaisser le barème de non-disponibilité jusqu'à ce que l'enfant ait deux ans. Cette disposition du livre vert retirera à la mère de l'enfant de trois ans le choix des méthodes d'éducation qu'elle préfère et l'empêchera de garder son enfant à la maison, puisqu'elle sera confrontée aux coupures de prestation si elle refuse une mesure d'intégration en emploi.

La Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec croit que le chef d'une famille monoparentale a droit à une plus grande marge de manoeuvre et à une certaine indépendance quant à la manière dont il éduque son enfant.

La Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec propose donc que le barème de non-disponibilité pour les chefs de famille monoparentale soit effectif jusqu'à ce que l'enfant soit en âge d'aller à la maternelle. Naturellement, une telle mesure doit être mise en application en harmonie avec la nouvelle politique familiale, laquelle se doit de considérer une extension progressive des services de garde et de la maternelle à plein temps.

Mme Presseault (Mélanie): Il est indispensable que le principe d'équité oriente la réforme du régime de sécurité du revenu. Chaque bénéficiaire doit se voir accorder le même traitement, quel que soit son âge. Le montant des prestations ne doit aucunement être déterminé sur la base de ce critère. Si l'on devait privilégier l'approche contraire, inévitablement imprégnée de discrimination, la marginalisation de la jeunesse québécoise ne s'en trouverait qu'aggravée. En conséquence, du point de vue de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec, le seul critère qui apparaisse juste et équitable pour la détermination du montant des prestations est celui de l'aptitude au travail. Les jeunes libéraux du Québec croient qu'il est fort à propos de réaffirmer aujourd'hui que le principe de parité de l'aide sociale pour les moins de 30 ans est une notion essentielle à un régime équitable de sécurité du revenu.

La mise en application du nouveau régime pour les 18-24 ans tient de l'aberration. La mesure que la ministre Harel semble déterminée à mettre en place ignore effectivement tout principe d'équité en raison du fait qu'elle se base sur l'âge plutôt que sur la capacité à travailler. Certes, les jeunes de 18 ans à 24 ans sont en mesure de travailler; nous en sommes conscients. Les personnes de 35 ans et de 40 ans le sont cependant tout autant et ne demandent pas mieux que d'être réintégrées au marché du travail.

Selon la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec, cette mesure est donc visiblement discriminatoire pour la jeunesse québécoise. En conséquence, il est opportun de proposer que tous les prestataires de la sécurité du revenu aptes au travail – pas seulement les jeunes – soient assujettis aux mesures qui seront prises bientôt par le gouvernement du Québec.

M. Mariage (Frank): À l'heure actuelle, dans un souci d'équité et de justice sociale, la détermination du montant d'allocation au logement auquel un prestataire a droit tient compte de sa situation géographique. Le gouvernement du Québec, quant à lui, propose actuellement de réformer l'allocation au logement pour qu'elle devienne une aide financière uniforme accordée aux citoyens, peu importe la région où ils demeurent.

Nous fondons cette préoccupation sur le fait suivant – et nous aimerions des éclaircissements, si possible – et je cite le sommaire de la réforme du livre vert, à la page 23, où il est écrit: «Les montants d'aide financière, tant les prestations de base que les allocations pour contrainte à l'emploi ou les allocations de retraite et d'invalidité, seront déterminés par l'État. Ainsi, pour des raisons d'équité et de justice sociale, l'aide financière accordée aux citoyens et aux citoyennes sera uniforme, peu importe la région où ils demeurent.» Alors, il y a donc ici imprécision, et nous aimerions des éclaircissements.

On ne peut cependant nier le fait qu'à l'égard du prix des loyers il existe une très grande disparité entre les régions. À ce chapitre, la comparaison entre les milieux ruraux et les milieux urbains n'est qu'un exemple des contraintes financières bien différentes que doit affronter l'ensemble des prestataires, dépendamment du lieu du domicile de chacun. Si l'on ajoute que les régions aux loyers les plus abordables sont très souvent celles où il y a aussi le moins d'emplois disponibles, il y a lieu de craindre les impacts que pourrait générer une telle mesure. En particulier, il ne serait aucunement souhaitable que soit ainsi généré un exode massif des bénéficiaires de la sécurité du revenu vers les régions où les possibilités d'emploi sont les plus faibles.

Les jeunes libéraux du Québec proposent donc de maintenir telle quelle la mesure d'allocation au logement par souci d'équité et de justice sociale.

La réforme présentement envisagée laisse présager qu'un refus de participer à une mesure d'intégration à l'emploi entraînerait pour le prestataire concerné une pénalité mensuelle de 150 $ pour une période de 12 mois. On lit aussi qu'une pénalité additionnelle de 150 $ pourrait s'appliquer si un second refus survenait au cours des 12 mois suivant le premier. Une telle mesure implique qu'une personne qui reçoit actuellement le montant moyen de prestation de la sécurité du revenu, soit 7 423 $ par année, verrait ce montant diminuer d'abord à 5 623 $ et ensuite à 3 823 $. Une personne seule assumant un loyer de 200 $ par mois ne disposerait donc plus que de 118 $ par mois pour subvenir à tous ses autres besoins. Une telle situation équivaut à mettre les personnes à la porte de leur domicile, et cela est inacceptable.

La Commission-Jeunesse est d'avis que la personne refusant de participer au programme de la sécurité du revenu, ne respectant pas les exigence reliées à sa participation ou ayant épuisé la limite de temps prévu aurait droit à une forme d'aide minimale. Cette mesure aurait pour effet de diminuer considérablement le nombre de personnes aptes au travail qui bénéficient en ce moment du régime de la sécurité du revenu.

De plus, il serait important que le nouveau régime ne considère plus les biens accumulés lors du calcul des prestations. Il est inadmissible que l'on exige des prestataires de la sécurité du revenu qu'ils soient dans une situation de dénuement total pour être admissibles au régime. Le gouvernement du Québec doit être conscient qu'il arrive qu'une personne, contre son gré et en raison de circonstances particulières, se trouve temporairement bénéficiaire du régime de sécurité du revenu.

Les jeunes du Parti libéral du Québec proposent donc qu'un prestataire de la sécurité du revenu apte au travail et qui refuse de participer au programme de réinsertion au marché du travail se voie attribuer automatiquement une aide minimale et que le barème minimal ne prenne plus en considération, lors du calcul de la prestation, les biens accumulés.

Mme Presseault (Mélanie): Le nouveau régime de sécurité du revenu proposé par le gouvernement actuel met de l'avant, dans l'ensemble, des principes fort intéressants, on l'admet. Cependant, il importe d'insister sur la nécessité que ces mesures ne soient pas mises en place dans le seul but de rencontrer l'obligation de compressions budgétaires substantielles, comme ça semble être le cas présentement. En période d'austérité, certaines décisions doivent être prises, les jeunes libéraux du Québec en conviennent. Au surplus, la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec maintient que la réinsertion à la vie active ne peut se produire sans que la création d'emplois ne figure au sommet des priorités gouvernementales. Les bénéficiaires de l'aide sociale aptes au travail doivent faire un effort pour réintégrer le marché du travail, mais les entreprises privées, les syndicats et le gouvernement, provincial et fédéral, doivent aussi faire leur part.

(20 h 30)

Un défi de taille se dresse devant nous. Il faut prendre le bon chemin, celui de la réintégration des bénéficiaires aptes au travail à la vie active. Si nous réussissons, nul doute que l'économie québécoise sera florissante et que la période de noirceur que traversent les jeunes actuellement sera révolue.

La Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec ose espérer que ses recommandations seront prises en considération lors de l'élaboration finale de la politique de sécurité du revenu, qui pourrait aussi répondre fort bien à la motivation des jeunes libéraux du Québec de permettre une réinsertion à la vie active possible pour tous.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue. Est-ce la première fois que vous vous présentez devant une commission parlementaire?

Mme Presseault (Mélanie): Pas pour moi.

M. Mariage (Frank): Pour moi, oui, par exemple.

Mme Harel: Oui.

M. Mariage (Frank): Oui.

Mme Harel: Mais, vous, vous étiez déjà venue à quelle occasion, sur quel dossier?

Mme Presseault (Mélanie): On s'est rencontrées lors de la RRQ, je crois.

Mme Harel: D'accord. Et je comprends que vous êtes coordonnatrice aux affaires politiques de la Commission-Jeunesse.

Mme Presseault (Mélanie): Oui.

Mme Harel: Et vous êtes... c'est M. Mariage, je pense, hein?

M. Mariage (Frank): Exactement.

Mme Harel: Est-ce que vous dites «mariage»?

M. Mariage (Frank): Mariage, exactement.

Mme Harel: Ah oui? C'est vrai? Mais c'est la première fois, là, que je vois un nom comme celui-là.

M. Mariage (Frank): C'est peut-être un nom prédestiné, je ne le sais pas encore, on verra.

Mme Harel: Espérons que ça ne finira pas comme la moitié des mariages présentement.

M. Mariage (Frank): Je croise mes doigts là-dessus.

Mme Harel: Alors, Mme Presseault vous a présenté comme étant en instance d'être nommé sur une...

Mme Presseault (Mélanie): C'est parce que, vous voyez, à chaque année, lors des congrès des membres, il y a élection pour le Conseil exécutif du Parti libéral comme tel, puis Frank et moi sommes candidats comme conseiller jeune homme et conseillère jeune femme.

Mme Harel: Sur l'exécutif...

Mme Presseault (Mélanie): National.

Mme Harel: ...national. Vous aussi, vous dites «national». Ha, ha, ha! Bon, on a quelque chose qui nous...

Mme Presseault (Mélanie): On a quelque chose en commun.

Mme Harel: ...qui nous rapproche. Alors, écoutez, peut-être juste un mot, d'abord, à la page 12, concernant l'allocation-logement. À l'heure actuelle, malgré ce que vous pensez, l'allocation-logement ne tient pas compte de la situation géographique. L'allocation-logement, passée et présente, a toujours été une allocation de logement universelle quelle que soit la région où elle s'applique. Alors, je comprends que, vous, vous souhaitez une allocation qui est modulée, mais elle n'est pas établie en fonction de la modulation à la région.

Mme Presseault (Mélanie): Alors, on le souhaite.

Mme Harel: C'est ça. Je comprends que vous transformez votre recommandation «de maintenir» une telle mesure par «d'introduire».

Mme Presseault (Mélanie): Si vous le souhaitez. C'est parce que ce n'était pas clair dans... Il faut dire que la première réforme, on avait tous deux 13 ans, en 1987, donc...

M. Mariage (Frank): On pensant à d'autres choses. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Presseault (Mélanie): On pensait à d'autres choses, on s'excuse. Mais ce qu'on a pu voir là, c'est que...

Mme Harel: Non, non, je ne vous en fais pas grief. Mais, de toute façon, ce n'est pas beaucoup élaboré dans le livre vert parce que c'est mon collègue le ministre des Affaires municipales qui doit déposer une réforme du logement. Alors, c'est au sein de son livre blanc à lui que vous allez retrouver ces questions-là.

L'autre aspect qui, je pense, mérite d'être clarifié, c'est concernant le rôle de la Régie des rentes du Québec. J'ai compris en vous lisant que vous pensiez que la Régie des rentes se trouverait, dans le fond, à assumer financièrement, ou se trouverait... Bon, je vois par vos dénégations que vous avez bien saisi la distinction entre les programmes d'assistance et d'assurance.

Mme Presseault (Mélanie): Ce que, nous, on croit, c'est qu'on ne doit pas catégoriser les gens qui sont sur la sécurité du revenu. On pense que ces gens-là... Les gens qui sont sur l'aide sociale, ce sont des gens... On ne peut pas faire deux classes d'aide sociale. On ne peut pas dire: Tu es inapte, tu t'en vas à tel endroit, et toi, puisque tu es apte, tu restes ici. Les gens qui sont inaptes, qui nous dit qu'ils n'ont pas envie de s'inscrire dans des programmes de formation? Qui nous dit qu'ils ne deviendront pas aptes? Qui nous dit qu'ils n'ont pas envie d'être aptes?

Donc, on ne voit pas pourquoi on va aller les mettre à la Régie des rentes, un endroit qui va dédoubler encore une fois, c'est des coûts. Vous ne viendrez pas me dire que ça ne coûtera pas rien d'aller les mettre là quand on a déjà les infrastructures à la sécurité du revenu. Pour nous, c'est une aberration que de dire: On recrée des structures. Vous devriez le savoir, vous tapez souvent sur la tête du fédéral pour dire qu'il dédouble. C'est de dédoubler, selon nous.

Mme Harel: Bon, on va reprendre ça, une chose après l'autre. À la page 6, vous dites: «Les personnes inaptes au travail ne doivent pas être dirigées vers le Régime des rentes». Je suis d'accord avec ça. Et elles ne le sont pas. Je pense que la confusion qui vient du mémoire vient du fait que présentement il y a deux catégories de personnes dans le régime actuel: il y a les inaptes et les aptes. Vous savez sûrement que le mot «inapte» fait mal, est douloureux, et c'est une catégorie qui comprend des gens qui n'ont pas nécessairement les mêmes orientations.

Dans la catégorie «inapte», vous retrouvez des personnes handicapées qui veulent continuer d'être actives sur le marché du travail et vous retrouvez des personnes invalides, qui, elles, veulent vraiment devenir comme rentiers parce qu'elles ne peuvent pas être actives sur le marché du travail. Vous avez la combinaison des deux. Vous avez 116 000 ménages, actuellement, en soutien financier. On dit, grosso modo, qu'il y aurait environ peut-être 75 000 personnes handicapées et que vous auriez peut-être 40 000 personnes invalides.

Alors, ce qui est offert dans le livre vert, c'est un choix: le choix non pas de s'en aller à la Régie des rentes, non, le choix d'avoir un statut d'invalide. Ce statut d'invalide est au choix. Il y a 8 000 personnes hébergées en institution qui sont sur l'aide sociale. Il y a des milliers de personnes qui ont des déficiences intellectuelles profondes, qui sont schizophrènes, autistiques, trisomiques et qui, pour toutes sortes de raisons, parfois c'est la combinaison de l'âge, c'est la combinaison de deux déficiences, là, dont les parents, ou eux-mêmes dans le mesure où ils sont autonomes, décident que c'est le statut d'invalide qui leur convient.

Alors, la différence, c'est que les personnes aptes, dorénavant – j'insiste là-dessus, là, parce que je n'ai pas l'impression que ça avait peut-être été retenu – vont comprendre les personnes handicapées, et ces personnes handicapées vont avoir une allocation pour leur limitation fonctionnelle, qu'on a appelée dans le livre vert «allocation pour contraintes sévères à l'emploi». Mais, après les avoir reçues hier, puis compte tenu des représentations qu'elles ont faites, on va qualifier cette allocation d'«allocation pour limitation fonctionnelle».

Bon, ça ne coûtera pas plus cher parce que la porte d'entré – d'ailleurs, c'est bien dit dans le livre vert – reste à la fois pour la sécurité financière...

Mme Presseault (Mélanie): À quelle page, ça?

Mme Harel: Oui, si je peux me retrouver, là. Alors, 51. C'est bien ça, oui. C'est à la page 51. On y lit ceci: «Cette allocation sera administrée par la Régie des rentes du Québec. Comme ces personnes doivent déjà demander une allocation de retraite anticipée – alors, ça, c'est pour l'allocation des aînés, là – on évitera ainsi de maintenir deux systèmes en parallèle.»

Une voix: Le deuxième paragraphe de la page à droite...

Mme Presseault (Mélanie): Mais on ne parle pas des aînés.

Mme Harel: Oui. L'allocation des aînés... «Afin de faciliter l'accès pour les requérants, l'admissibilité à l'allocation sera établie par les centres locaux d'emplois.» Ensuite, pour ce qui est de l'allocation d'invalidité, comme dans le cas de l'allocation des aînés, «l'admissibilité à l'allocation d'invalidité sera établie par les centres locaux d'emploi».

Dans les centres locaux d'emploi, vous allez avoir un module pour tout ce qui est sécurité du revenu. Là-dedans, dans la sécurité du revenu, il y a les allocations familiales, il y a l'allocation unifiée, il va y avoir aussi l'allocation d'invalidité et il va y avoir l'allocation des aînés.

C'est donc au niveau du territoire local que le service est rendu. C'est évident que, même présentement, la Régie des rentes n'a pas des bureaux partout puis n'en veut pas non plus. Tout se fait... De toute façon, les allocations familiales ça se fait soit par téléphone ou ça se fait aussi, ça va se faire par modem tout simplement, là, avec la transmission des informations. Mais la différence, c'est que dorénavant, à l'aide sociale, on ne parlera pas de 800 000 personnes. Il y en a 250 000 qui sont des enfants et qui vont être couverts par l'allocation des enfants. Il y a l'allocation des aînés, en haut de 60 ans, il y a 30 000 personnes qui déjà, pour la plupart, vont chercher, même si c'est petit, la rente de la Régie des rentes. Là ils reçoivent deux chèques; ils vont en recevoir un. Et, ensuite, il y a l'allocation d'invalidité, qui est une assistance-invalidité. En fait, le principe, la philosophie, c'est qu'il va rester des chômeurs qui, dans le fond, sont sur un régime qu'on peut appeler d'«assistance-chômage», qu'on appelait auparavant «aide sociale».

Alors, ceci dit, vous avez aussi développé l'idée – attendez, je vais retrouver – à la page 6, non, je me trompe, excusez-moi... À la page 9, vous dites: «La Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec propose donc que les bénéficiaires d'aide sociale aptes au travail consacrent hebdomadairement un certain nombre d'heures – combien d'heures? – à l'apport d'aide communautaire aux organismes sans but lucratif. Les Jeunes libéraux proposent de plus qu'une aide minimale...» Combien ça signifie, cette aide minimale?

(20 h 40)

Mme Presseault (Mélanie): Je ne sais pas si ça se fait. C'est parce qu'on a écrit un communiqué dernièrement qui rectifiait le tir complètement de ce que vous avez pu entendre cet été, puis j'espérais que vous nous en parliez quasiment, même si ça peut amener des mauvais souvenirs. J'ai un communiqué ici qui vous explique clairement ce en quoi...

Mme Harel: Est-ce que c'est récent ou...

Mme Presseault (Mélanie): Oui, oui, c'est: Les Jeunes libéraux du Québec déposent leur mémoire sur la réforme de la sécurité du revenu .

Mme Harel: Oui.

Mme Presseault (Mélanie): Donc, il ne peut pas avoir...

Mme Harel: Bon, alors, écoutez, peut-être qu'on peut m'en donner copie, mais...

Mme Presseault (Mélanie): Je ne sais pas à qui je donne. Mais ça, c'est juste... Une chose que je...

Mme Harel: Là, je comprends que les personnes aptes, vous parlez de 330 000, hein?

Mme Presseault (Mélanie): Oui.

Mme Harel: Moi, je vous rappelle ce que vous sembliez ne pas avoir retenu non plus, que tous les prestataires vont avoir, un jour ou l'autre, à s'inscrire dans un parcours, mais le parcours, ce n'est pas du jour au lendemain parce que vraiment ce ne serait pas sérieux.

Mme Presseault (Mélanie): Mais, nous, ce qu'on vous demande...

Mme Harel: Juste une seconde.

Mme Presseault (Mélanie): O.K.

Mme Harel: Le parcours individualisé, c'est un parcours qui commence avec les jeunes, et la différence entre le parcours et ce que vous proposez... Vous, vous proposez que les personnes sur l'aide sociale, en fait, travaillent...

Mme Presseault (Mélanie): Non.

Mme Harel: ...pour obtenir leurs prestations.

Mme Presseault (Mélanie): Non, on ne propose...

Mme Harel: Le parcours propose que les personnes sur l'aide sociale sortent de l'aide sociale pour travailler. Alors, expliquez-moi la différence.

Mme Presseault (Mélanie): O.K. Moi, ce que je veux vous dire en premier lieu, c'est que, nous, ce qu'on propose – vous allez le voir dans le communiqué, là – c'est le dernier paragraphe, on dit bien qu'on aimerait que les gens consacrent quelques heures pour aider les organismes sans but lucratif. Ça, c'est du bénévolat, ce n'est pas du travail. Ce qu'on veut, c'est que le bénévolat soit reconnu. Ce qu'on veut, c'est créer de la solidarité dans notre société. Ce qu'on veut, c'est que les gens aident des gens encore plus démunis. Nous, on aide des gens... On devrait tous s'entraider dans notre société, et c'est le but de ce qu'on amène ici.

Mme Harel: Quand vous dites «aider les gens», à ce moment-là ils ont toujours l'étiquette d'assisté social à ce moment-là. Ils ne sont pas à statut de travail.

Mme Presseault (Mélanie): Bien oui, mais j'ai l'étiquette «étudiante» quand je fais du bénévolat. On a tous une étiquette. Vous avez l'étiquette de ministre quand vous faites du bénévolat. On a tous une étiquette. On va tous en porter une dans notre vie. C'est normal.

Mme Harel: Bon. Mais le bénévolat a comme caractéristique d'être volontaire. Est-ce que c'est obligé ou volontaire, ces heures bénévoles?

Mme Presseault (Mélanie): Nous, on suggère fortement que ces gens participent. C'est sûr qu'il y a un certain caractère obligatoire, mais ce n'est pas du travail obligatoire. On ne dira pas à une personne: Tu dois faire ça – ce qu'on vous dit, c'est: dans le respect de ses compétence, de ses expériences scolaires, de ses expériences professionnelles. On ne veut pas l'amener sur un chemin qui n'est pas le sien. Quelqu'un qui s'en va aider une autre personne dans sa voie va le faire volontairement. C'est normal, on aime ça. La personne va pouvoir développer ses capacités encore plus.

Mme Harel: Mais si la personne décide de ne pas participer ou de ne pas bénévoler?

Mme Presseault (Mélanie): C'est son droit.

Mme Harel: Bon. À ce moment-là, elle n'est pas tenue de le faire. C'est volontaire.

Mme Presseault (Mélanie): Oui.

Mme Harel: Alors, pourquoi, à ce moment-là, vous dites qu'«une aide minimale soit accordée aux bénéficiaires qui choisiraient de ne pas honorer les responsabilités que lui a conférées l'État»?

Mme Presseault (Mélanie): C'est son choix. Si elle ne veut pas, elle va recevoir une aide minimale.

Mme Harel: Bon. Alors, ça...

Mme Presseault (Mélanie): Mais ça reste un choix, ce n'est pas une obligation. Cette personne va avoir quand même un revenu décent...

Mme Harel: C'est intéressant.

Mme Presseault (Mélanie): ...on ne la met pas dans la rue, comme le...

Mme Harel: Alors, vous, cette aide minimale, elle est de combien?

Mme Presseault (Mélanie): On ne l'a pas déterminée. Ça, je suis contente que vous me le demandiez parce que je le savais que j'allais me le faire demander. Je ne suis pas économiste et je ne me prendrai jamais pour une économiste. Je ne jouerai pas avec la vie des gens de cette façon-là. On a décidé de ne pas la déterminer. On a décidé de vous laisser ça à vous, de le déterminer.

Ce que je peux vous dire, c'est... À la page 13, vous voyez l'exemple qu'on vous donne, là, sur une personne. Dans le premier paragraphe, on a pris vos pénalités puis on a regardé ce que ça donnait, là: 3 823 $ si on a deux pénalités dans une année puis qu'on est au revenu moyen, là. Bien, ça, moi, je n'appelle pas ça mon revenu moyen, mon aide minimale, c'est sûr que ce ne sera pas ça, parce que ça, ce n'est pas aider les gens pantoute, c'est les mettre à la rue.

Mme Harel: Bon. Si ce n'est pas ça, c'est quoi? Parce que, regardez bien, si vous êtes si stupéfaite, là, dites-vous bien que ces pénalités existent depuis maintenant huit ans. Les pénalités ont été introduites par la loi 37, à l'article 28.

Alors donc, on va me dire qu'il y a eu un ajout de 50 $, mais les pénalités étaient déjà de 100 $ et elles étaient déjà doublées. Elles existent...

Mme Presseault (Mélanie): Oui, mais il y a plusieurs...

Mme Harel: ...déjà depuis huit ans. Bon. Alors, ceci dit, c'est combien, là? Vous nous dites: Nous, dans le fond, on ne se mouille pas; on dit «une aide minimale». Donc, vous ne trouvez pas minimale la prestation actuelle, puisque ça pourrait être autre chose. Mais ce que vous nous dites dans votre mémoire – puis dans votre communiqué aussi, d'ailleurs – c'est que, s'il n'y a pas participation au bénévolat... Donc, si, en restant sur l'aide sociale... Parce que n'oubliez pas que le parcours individualisé, c'est pour en sortir. Ce que vous proposez, c'est pour y rester.

Mme Presseault (Mélanie): Non.

Mme Harel: Alors, s'il n'y a pas bénévolat pour avoir l'aide sociale, à ce moment-là la personne n'honore pas ses responsabilités puis va avoir droit à l'aide minimale – que vous ne définissez pas...

Mme Presseault (Mélanie): Je pense que vous interprétez...

Mme Harel: ...par peur des responsabilités, j'imagine.

Mme Presseault (Mélanie): Est-ce que je peux seulement vous passer un commentaire? C'est-à-dire que vous interprétez à votre façon le mémoire que vous avez sous vos yeux, comme j'aurais pu interpréter à ma façon la réforme – bien, les deux réformes, là, parce que, dans le résumé puis dans le gros, ce n'est pas la même chose qui est dite.

Ce que, nous, on dit, c'est qu'on aimerait que les gens aident les autres. Ce qu'on dit, c'est que le montant dont il est question à la page 13, là, le 3 000 $, ce n'est pas assez. Ce n'est pas assez pour avoir une vie décente. Vous vivez avec je ne sais pas combien de milliers de dollars par année; je suis étudiante, je peux vous le dire: 3 000 $, ce n'est pas assez!.

Ces personnes-là vont se retrouver dans la rue. Ces personnes-là ont des responsabilités. Puis je pense que ce que vous faites avec les pénalités, c'est empirer la situation. Ce n'est pas... Vous êtes... Moi, je me souviens – juste pour finir – vous êtes supposée être sociale-démocrate. Bien, je vous le dis: ça, ce n'est pas social-démocrate pour deux cennes. Puis je pense que vous vous l'êtes fait dire aussi par d'autres groupes que nous, que ça ne l'était pas.

Notre solution, elle ne fait pas en sorte que les gens vont demeurer sur l'aide sociale parce qu'elle permet à ces gens-là de sortir et de rencontrer d'autres personnes, de créer des liens, de créer un réseau. Dans les organismes communautaires, vous êtes parfaitement consciente qu'il y a plusieurs personnes, que c'est un grand réseau, le réseau communautaire. En étant dans ce milieu-là, on peut rencontrer des gens, on peut se faire un bagage d'expériences qui va nous permettre, lorsqu'on va arriver face à un employeur, de dire: Oui, j'ai de l'expérience, et dans mon domaine en plus.

Mme Harel: Alors, écoutez. Moi, je comprends que vous proposez, c'est 15 heures, j'imagine, de travaux communautaires?

Mme Presseault (Mélanie): Non. On n'a pas spécifié le nombre d'heures, parce qu'encore une fois...

Mme Harel: Bon. Alors, il n'y a pas de nombres d'heures. Mais il y a une obligation, à défaut de quoi il y a une aide minimale, que vous ne définissez pas, j'imagine pour des raisons que vous n'expliquez pas non plus... Alors, je comprends donc que «work for welfare», c'est ce que vous proposez. Alors, c'est finalement de travailler – vous appelez ça du bénévolat – mais travailler pas payé, finalement.

Parce que le bénévolat, c'est totalement bénévole. C'est-à-dire, c'est totalement non obligé. Tandis que, là, je comprends que, pour avoir la pleine prestation, il faut obligatoirement faire ces heures obligées.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En une minute, Mme Presseault ou M. Mariage, peu importe.

(20 h 50)

Mme Presseault (Mélanie): Bien, M. Mariage semblait vouloir vous répondre.

M. Mariage (Frank): Bien, moi, écoutez, je vais essayer d'y répondre à ma façon. C'est que, nous, ce qu'on propose... Écoutez, je pense qu'on partage tous le même objectif, c'est que ces personnes-là réintègrent le marché du travail. Nous, ce qu'on dit, c'est que... Écoutez, Mme Harel, moi, je suis un étudiant, je gagne un salaire pas très, très pharamineux. Donc, je ne suis pas très bien placé pour déterminer... Je sais qu'en ce moment il existe des barèmes. Maintenant, c'est aux gens qui sont payés pour les déterminer, qui sont en mesure... de tous les chiffres pour savoir quel est ce barème et ce que constitue l'aide minimale. Peut-être qu'ils vont considérer que c'est plus; peut-être qu'ils vont considérer que c'est moins. Moi, je ne le sais pas; je suis très mal placé pour en parler. Si vous voulez que je vous donne une réponse, bien, donnez-moi deux ans, je vais aller faire une thèse là-dessus, je vais revenir puis je vais vous donner la réponse.

Tout ce que je sais, c'est que cette aide minimale, on est mal placés pour la déterminer. Sauf qu'il doit quand même y avoir une aide minimale et... Moi, je ne veux pas me prendre pour un autre...

Mme Presseault (Mélanie): On n'a pas la science infuse, Mme Harel.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, ça termine cette partie-là. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonsoir, bienvenue à cette commission. On peut peut-être continuer sur le même sujet, au niveau des jeunes. Justement, vous parlez qu'avec les pénalités il y a des jeunes qui pourraient se retrouver avec des revenus de 3 000 $, 3 800 $ par année. Et vous l'avez bien dit, c'est comme ouvrir la porte et les mettre dans la rue.

On a rencontré plusieurs groupes de jeunes, on a échangé beaucoup avec plusieurs organismes et, finalement, tout le côté obligatoire qu'on retrouve dans la proposition gouvernementale, le fait d'obliger assorti de pénalités. Les études le démontrent, les chercheurs aussi, le Conseil québécois de la recherche a plein d'études et tout le monde est unanime que, si on va dans cette vision coercitive, finalement c'est contre-productif et tout ce que ça fait, c'est que ça démotive les gens puis ça met place tout un climat de méfiance puis la confiance n'est plus là.

Tantôt, quand on parlait de pénalités, Mme la ministre disait que c'est là depuis huit ans. Les pénalités étaient là pour les refus d'emploi. Mais les pénalités pour les mesures d'employabilité, c'est venu avec le gouvernement actuel quand on a mis en place le programme AGIR, et ça a été augmenté.

Mais je voudrais vous entendre, parce qu'on a rencontré des groupes de jeunes qui nous disaient que, si le gouvernement décidait d'aller de l'avant avec le côté obligatoire et les pénalités... Et aussi, il faut penser qu'il y a beaucoup de jeunes qui partagent leur logement. Puis là le maintien de la coupure pour le partage du logement, le 104 $, est encore dans le livre vert. Alors, il y a des jeunes qui se retrouvaient avec très peu d'argent en poche et, finalement, ça aurait l'effet contraire de ne pas les... Au lieu de les motiver à vouloir se réinsérer sur le marché du travail ou à faire une démarche en employabilité, c'est le contraire qui va arriver. On va ouvrir la trappe du décrochage, et ces jeunes-là vont complètement décrocher puis ils vont se diriger vers la délinquance, la criminalité.

J'aimerais vous entendre, un, à savoir comment vous vous sentez, vous autres, face à l'obligation et aux pénalités; et, au niveau des jeunes, si vous avez peur qu'il y ait des effets pervers à l'obligation de faire... que des jeunes décrochent.

Mme Presseault (Mélanie): O.K. Bien, dans un premier temps, j'aimerais vous remercier pour nous avoir éclaircis sur les pénalités d'il y a huit ans. On n'était pas trop sûrs.

Comment on se sent vis-à-vis d'une obligation? On se sent mal. On se sent un peu pris à la gorge. On écoutait des jeunes, on en a rencontrés pour savoir vers où s'enligner, parce qu'on a pris cette responsabilité-là à coeur. Ce qu'ils nous disaient, c'est exactement ce que vous avez dit: Ça va nous démotiver, l'obligation. Pourquoi nous obliger, nous, les jeunes? Parce que c'est de même qu'elle est perçu. la réforme: Les jeunes, on se sent attaqués. Les jeunes de 18-24, ça a beau s'appliquer à tout le monde par après, c'est les jeunes qui sont ciblés en premier puis, si la réforme floppe, ça ne sera que les jeunes qui vont avoir subi les conséquences de cette réforme-là. Donc, la parité de l'aide sociale, on la voit s'envoler très rapidement et c'est une inquiétude.

À savoir les pénalités, on est totalement contre. On s'arrache les cheveux à savoir comment va faire pour vivre une personne qui a un revenu moyen... Quand on parle du revenu moyen qui tombe à 3 000 $, on se dit: Il doit y en avoir qui ne partent pas du revenu moyen, ça ne doit pas être juste les quelque 7 000 $ de revenus moyens. Il doit y avoir des gens à 6 000 $ aussi à l'aide sociale. Qu'est-ce qu'il va arriver avec ces gens-là? Ils vont être à la porte. C'est la délinquance. Ce n'est vraiment pas beau, là. Déjà qu'on a un avenir noir, on se pose certaines questions. On se demande vers où se dirige notre société actuellement, vers où le gouvernement veut qu'on s'en aille. Si c'est à la rue, on a compris, mais c'est assez désolant.

M. Mariage (Frank): Là-dessus, pour ajouter, Mme Loiselle, c'est que... Écoutez, on le vit en ce moment, c'est vrai que le climat est inquiétant pour les jeunes. Il suffit de faire le tour un peu, d'aller à des gens qui ont quand même la chance, mettons, d'être dans les études supérieures et de voir qu'ils n'ont aucune aspiration ou qu'ils ont peur. Donc, nous, à la lumière de ça, on se dit: Bien, justement, comme Mélanie disait, où est-ce qu'on s'en va? Où est-ce que la société s'en va? Et, évidemment – ça été écrit dans le livre vert – il n'y a pas une recette miraculeuse, justement, pour aider ces gens à retrouver le marché du travail. Justement, ce qui se passe, c'est que, nous, c'est notre façon de voir que ce serait peut-être la même chose, pour notre génération, d'aider ces gens-là à réintégrer le marché du travail pour, encore une fois, qu'ils aient une aide minimale et non des coupures de 150 $ pour la première fois et d'un autre 150 $ pour la deuxième, mais quand même une aide minimale pour que ces personnes-là gardent la dignité. C'est important parce que c'est peut-être tout ce qu'il leur reste, des fois, ces jeunes-là.

Mme Loiselle: C'est ça parce que... Il y a beaucoup de gens qui sont venus nous dire: il va falloir que le gouvernement fasse la preuve qu'il est capable d'offrir des mesures et des parcours qui vont amener à un emploi. Parce qu'on regarde la situation actuellement. Vous avez parlé des pertes d'emplois depuis les derniers mois, le taux de chômage qui a encore augmenté – on parle de 12,2 % actuellement. Alors, c'est sûr que, quand on parle de parcours individualisé puis que tout ce qu'on entend, ce sont des pertes d'emplois par dessus des pertes d'emplois puis qu'il n'y a pas d'effort de la part du gouvernement au niveau de faire vraiment une politique active de création d'emplois, on peut se questionner sur le caractère obligatoire et les pénalités.

Parce que vous savez aussi que ce ne sont pas seulement les jeunes. La deuxième cible du gouvernement, ce sont les familles monoparentales. Et, pour les familles monoparentales, on va même jusqu'à retirer le barème de non-disponibilité. Ça, c'est un montant de 100 $ qui est accordé aux femmes qui sont à l'aide sociale. Puis, je le répète, les familles monoparentales, là – ça, il ne faut pas l'oublier – ce sont les familles les plus pauvres du Québec parmi les pauvres.

Alors, j'aimerais peut-être vous entendre sur ça parce que, bon, vous en connaissez des jeunes mères qui se retrouvent à l'aide sociale pour différentes raisons. On ne se dirige pas à l'aide sociale parce qu'on veut être à l'aide sociale: la vie nous y amène pour différentes raisons. Il y a plein de jeunes femmes qui se retrouvent là. Soit qu'elles ont vécu de la violence, soit qu'elles se sont retrouvées à la porte avec leur enfant suite à une rupture, soit que leur vie a été une addition d'échecs et que la plus belle chose qu'elles aient réussi dans leur vie, c'est de mettre un enfant au monde. Il y a toute la reconnaissance de valoriser le rôle de mère.

Alors, j'aimerais peut-être vous entendre sur les conséquences du gouvernement s'il va dans le sens de son livre vert pour les familles monoparentales et, surtout, peut-être, pour les jeunes mères de famille monoparentale.

Mme Presseault (Mélanie): Bien, ce que je peux... C'est sûr que, quand on regarde ça puis qu'on regarde... Bon, les jeunes en premier vont être touchés; deuxième groupe, les groupes monoparentaux. Bien, c'est désolant parce que... surtout quand on sait... Puis ça, c'est parce que j'ai demandé à avoir certains mémoires, là. Je me suis rendu compte de certaines études puis c'est les femmes monoparentales qui participent le plus au programme d'insertion pour le marché du travail. C'est bien ça?

Mme Loiselle: Exact.

Mme Presseault (Mélanie): Bien, pourquoi on va aller les pénaliser, elles? Pourquoi elles? Pourquoi ce groupe-là?

Mme Harel: Ce n'est pas exact. Elles participent comme les autres, pas plus.

Mme Loiselle: M. le Président. Non, non, la ministre, elle ne respecte pas les droits de parole, M. le Président, ça n'a pas d'allure! Je ne l'interromps jamais quand elle parle. Jamais!

Mme Harel: Elle a raison, elle a raison, M. le Président. Je lui donne raison.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Continuez.

Mme Presseault (Mélanie): Donc, moi... je m'excuse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Continuez.

(21 heures)

Mme Presseault (Mélanie): Merci beaucoup. Donc, ce que j'ai lu m'a amenée à dire, comme je disais, que les femmes monoparentales sont celles qui participent le plus aux mesures d'employabilité, puis des choses comme ça. De voir qu'on veut les pénaliser comme deuxième groupe cible, bien je me demande encore c'est quoi, le but du gouvernement. Qu'est-ce que vous voulez faire? Nous mettre dans la rue? Bien, merci, parce que vous êtes vraiment dans la bonne voie. C'est ça qu'on est en train de se dire.

J'ai une amie, qui a un enfant, qui s'est retrouvée seule suite à la naissance. Là, elle a un bébé puis là, quand elle entend ça, des coupures, des coupures, des coupures, qu'est-ce que vous pensez qu'elle fait? Elle n'a pas de parents vers qui se retourner parce qu'elle n'en a pas... ses parents ne sont pas là pour la soutenir. Elle a seulement cette aide-là qui vient du gouvernement qui lui a dit: Nous allons t'aider dans ton chemin, on le sait que tu as de la difficulté, on est là pour t'aider. Mais là le gouvernement n'est plus là pour l'aider. Vers qui elle va se tourner? Ça, c'est notre question à nous. Parce qu'on en connaît tous, des gens dans cette situation-là. Mme Loiselle, je sais que, dans votre comté, vous en avez beaucoup des gens dans cette situation-là. Je me demande ce que ces dames-là, ces femmes-là, se posent comme questions. Je me demande ce que ces femmes-là voient comme avenir. Je pense que, Mme Harel, vous devriez aller faire un petit peu de porte-à-porte avec Mme Loiselle pour leur poser la question.

Mme Harel: M. le Président, là, s'il vous plaît...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous vous adressez toujours au président, madame, s'il vous plaît.

Mme Harel: ...je pense que... Vous savez, on n'est pas dans une assemblée contradictoire, là.

Mme Presseault (Mélanie): Non, non, non, non. Non, non, je ne suis pas ici...

Mme Harel: On est ici en commission parlementaire. Alors, vos remarques partisanes, là, gardez-les pour vous.

Mme Presseault (Mélanie): O.K., mais ce n'est pas partisan. C'est...

Mme Harel: Franchement, M. le Président, là...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, il y a quand même une limite, là!

Mme Presseault (Mélanie): Je suis désolée. Ce que je voulais dire, c'est qu'il faut...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous vous adressez toujours au président, et il y a quand même une dimension à garder.

Mme Presseault (Mélanie): ...M. le Président. D'accord.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Continuez.

Mme Presseault (Mélanie): Ce que je voulais dire, là, c'est qu'il y a des femmes qui sont monoparentales qui ont besoin de votre aide, le gouvernement, puis, je vous en supplie, aidez-les, ces femmes-là. C'est tout ce qu'on... C'est ça, là. Elles en ont besoin. Elles n'ont rien d'autre.

Mme Loiselle: Je voulais vous parler aussi... parce que vous parlez, à la page 13 de votre mémoire, au niveau des biens accumulés, qu'il y a des gens qui se retrouvent... qui sont dépossédés de leurs biens, et vous faites une recommandation au gouvernement. J'aimerais vous entendre sur ça.

Mme Presseault (Mélanie): Alors, ce qu'on recommande à la page 13, c'est que les biens accumulés ne soient pas considérés dans le calcul de la prestation. Parce qu'il n'y a rien de plus déprimant que d'être obligé de vendre sa maison, de dépenser tout l'argent que le revenu de la maison nous a donné, puis, ensuite, de vider son compte de banque, pour se retrouver à zéro et, là, avoir le droit d'avoir accès à l'aide sociale.

Nous, on croit que ces gens-là vont être complètement démotivés. Il n'y a aucune motivation qu'ils vont retrouver à être sur l'aide sociale. Puis, les mesures d'insertion au travail, on aura beau en créer, en créer, en créer, ils vont tout avoir perdu. Donc, la motivation ne sera pas là. Je pense qu'il ne faut pas les amener à ce point-là. Je pense qu'il faut les soutenir. Puis, des fois, c'est seulement temporaire. Mais, même à ça, même si c'est temporaire, elles vont devoir perdre tout pour avoir accès à l'aide sociale.

Donc, on est un petit peu désolé, là, de voir qu'il va falloir avoir zéro cenne dans notre compte de banque, zéro avoir pour avoir accès à l'aide sociale.

Mme Loiselle: Le Conseil permanent de la jeunesse, ce matin, suggérait au gouvernement d'avoir une place spécifique pour les jeunes sur le conseil local des partenaires. J'imagine que vous exprimez le même voeu.

Mme Presseault (Mélanie): En 1994, je crois, lors de notre congrès Jeunes, on avait amené une proposition qui disait qu'on souhaitait que les jeunes siègent sur les conseils administratifs locaux des organismes locaux, parce qu'on pense que les jeunes ont un point de vue qui est différent des moins jeunes. On pense que les jeunes ont de l'expérience, qu'ils ont des idées puis qu'ils ont de l'initiative, puis ils savent où ils veulent s'en aller. Donc, on pense que les jeunes seraient capables d'amener un certain dynamisme, seraient capables d'amener des nouvelles idées au sein des conseils d'administration locaux, là, pour l'emploi.

Donc, selon nous, ce serait une... Bien, en tout cas, quand j'entends ça, je suis heureuse que le CPJ soit là pour y penser, là. Ce serait vraiment bien.

Mme Loiselle: D'accord. Bien, je vous remercie beaucoup de votre présentation.

Mme Presseault (Mélanie): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, madame et monsieur.

J'invite maintenant les représentants de la Commission des jeunes de l'Action démocratique du Québec à se présenter.

Alors, bonsoir. J'imagine, M. Frenette, que c'est vous qui allez présenter la personne qui vous accompagne pour qu'on puisse enregistrer les noms. Et vous pouvez commencer votre présentation de 20 minutes.


Commission des jeunes de l'Action démocratique du Québec

M. Frenette (Sylvain): Alors, merci. Oui, M. Jean-François Tétrault, vice-président de l'Action démocratique du Québec – vice-président Jeunes – m'accompagne.

Alors, dans un premier temps, laissez-moi vous remercier d'avoir accepté de nous recevoir pour nous entendre sur la réforme proposée de la sécurité du revenu.

Le mémoire qu'on vous a distribué regroupe les différentes positions prises par la Commission des jeunes de l'Action démocratique et l'Action démocratique du Québec en ce qui a trait à la sécurité du revenu et tous les systèmes de soutien au revenu du gouvernement québécois. Notre présentation sera faite pour faire le lien entre ces positions-là et le livre vert, la proposition de réforme.

Si on essaie de placer un objectif principal, qui regroupe tous les objectifs d'une réforme comme celle-là, on pourrait le résumer en un mot, qui est «travail»: remettre les gens au travail, donner les moyens aux gens de retourner au travail. Certainement, il y a des objectifs sous-jacents à celui-là, qui sont l'intégration des prestataires à l'ensemble de la main-d'oeuvre, l'amélioration de l'équité entre travailleurs à faibles revenus et prestataires, et valoriser le travail, entre autres.

Alors, en ce qui a trait à la valorisation du travail particulièrement, le système actuel et ce qui est proposé dans la réforme n'est malheureusement pas très, très élaboré. On n'a qu'à penser que le travail, dans le moment, est pénalisé monétairement, on décourage les gens à travailler. À partir du moment où ils gagnent plus de 41 $ par semaine, ils sont imposés à plus de 100 % de leurs revenus de travail, plus de 100 %, puisque ça inclut les montants, directement, là, qu'ils peuvent se procurer à travers le travail, mais également tous les avantages qui sont reliés à la sécurité du revenu, tels que, par exemple, les lunettes, ou le dentiste, ou des choses comme celles-là.

Ce que nous proposons dans son ensemble, c'est ce qu'on appelle le revenu minimum du citoyen, ou le revenu minimum garanti, qui rejoint plusieurs objectifs de la réforme et les rejoint de façon plus pointue et meilleure, à notre sens, que ce qui est proposé dans le livre vert. Et le principal objectif est de valoriser le travail.

Si je vous dresse les grandes lignes de ce que c'est que le revenu minimum du citoyen, d'abord, ça simplifie le système. On regroupe 19 programmes de soutien au revenu en un seul, donc le principe du guichet unique, qui fait en sorte qu'on débureaucratise, on simplifie l'administration, plusieurs économies sont faites à travers ce guichet unique là. Vous allez retrouver, en annexe de notre mémoire, ces 19 programmes qu'on intègre en un seul. Entre autres, vous pourrez trouver le programme de base de la sécurité du revenu, mais également le programme de prêts et bourses, pour ce qui est des jeunes, des étudiants particulièrement.

Un autre élément très positif d'un système comme le revenu minimum du citoyen, c'est celui qui porte une attention particulière au fait que le retour au travail se fait de façon graduelle pour la plupart des gens, alors que le système actuel ne prévoit pas ou ne s'adapte pas à cette réalité, ce qui fait en sorte que les coupures sont immédiates, ou presque, à partir du moment où la personne retourne au travail. Le revenu minimum du citoyen prévoit le retrait des prestations de façon graduelle, ce qui encourage les gens à retourner au travail.

(21 h 10)

Également, un principe fort important dont le revenu minimum du citoyen s'inspire, c'est la responsabilité partagée, la responsabilité partagée de retourner au travail, entre l'État, entre la société, entre la collectivité et le citoyen. Vous pourrez retrouver, à l'intérieur de notre mémoire, à la page 7, un tableau qui vous montre précisément, en termes monétaires, financiers, aussi ce reflet de la responsabilité partagée.

Le principe est le suivant. On reconnaît que les gens ont droit, ils peuvent gagner 15 000 $ de revenus, c'est ce qu'on fixe comme barrière au niveau du seuil de la pauvreté. Maintenant, l'État, sa responsabilité à l'intérieur de ça est d'un maximum de 7 500 $. Si vous prenez l'exemple de la troisième ligne, on prévoit un gain annuel, pour le travailleur, de 10 000 $ et on fait la différence entre le 15 000 $ qu'on reconnaît et le 10 000 $ de gains, il y a alors 5 000 $ de différence. Avec un système de revenu minimum du citoyen, l'État remettrait alors un 2 500 $ sur une base annuelle au travailleur, ce qui ferait en sorte que son revenu ne serait plus de 10 000 $, mais de 12 500 $, contrairement au système actuel où, à partir du moment où le travailleur aurait 10 000 $ de revenus, il n'aurait absolument rien comme prestation de la part système de sécurité du revenu. Alors, évidemment, un système comme celui-là s'appliquerait à tout le monde, que ce soit étudiant, que ce soit personne qui reste au foyer pour élever ses enfants, homme ou femme. Donc, le système s'applique à tout le monde.

Quand on parle de principes de responsabilité partagée, la responsabilité de l'État, à travers ce cheminement-là, évidemment, la responsabilité financière, c'est d'émettre le chèque, le support financier pour le prestataire, mais surtout de fournir les moyens pour faciliter le retour à l'emploi. Les moyens, on parle évidemment de formation, on parle de toutes formes de stage, quels que soient les moyens qui existent ou qui pourraient être développés pour faciliter le retour à l'emploi. Mais c'est également de créer un contexte favorable à la création d'emploi.

Un exemple, si je fais référence par exemple, à la loi sur l'équité salariale, pour nous, oui on est d'accord avec l'équité salariale, mais la réglementation qui vient un peu surcharger les entreprises à travers ça, c'est un des éléments qui, pour nous, n'est pas favorable à la création ou à créer un contexte favorable à l'emploi. On n'a qu'à penser également à la sécurité d'emploi absolue dans la fonction publique, qui, pour nous, devrait être abolie, puisque çà non plus, ça ne crée pas un contexte favorable à l'emploi, particulièrement pour les jeunes, les nouveaux diplômés dont le seul débouché est la fonction publique.

La responsabilité du citoyen, quant à lui, est de saisir les opportunités qu'on lui présente pour soit se former ou se trouver un nouvel emploi, de prendre les moyens nécessaires évidemment pour travailler. À défaut de saisir ces opportunités-là, nous proposons que, de façon volontaire, le citoyen doive choisir un organisme à but non lucratif accrédité, pour faire du bénévolat. À partir du moment où il refuse de participer aux moyens de retour à l'emploi et qu'il refuse de faire du bénévolat également, à ce moment-là il y aurait une coupe, ou un ajustement de sa prestation qui pourrait être fait.

Si on fait référence directement au livre vert à cet égard, on ajoute – contrairement à ce que fait état le livre vert – un élément, qui est celui du bénévolat, puisque ce qui est soumis ici, c'est qu'à partir du moment où le prestataire refuse de participer aux mesures de retour à l'emploi il est coupé immédiatement. Alors, nous on offre une nouvelle possibilité: que le citoyen puisse également, d'une certaine manière, contribuer à sa collectivité qui, elle, contribue – ça devient sa responsabilité – à son support financier. Si, évidemment, comme je le disais précédemment, le citoyen refuse ces deux possibilités, alors il y aura coupe.

Je vais faire également référence à ce qui est d'actualité, par rapport à l'obligation particulière pour les jeunes de participer aux mesures de retour à l'emploi, ce qui est également soumis dans le livre vert. Nous, nous croyons que, dans un premier temps, si c'est pour une période de rodage ou d'incapacité du système à recevoir tous les gens et à leur préparer un plan, un cheminement de retour à l'emploi, si c'est pour ces raisons-là, on ne doit pas sacrifier une partie de la population, on ne doit pas choisir une partie de la population, en l'occurrence les jeunes, comme cobaye pour faire les frais du rodage d'un système. Alors, ça devrait s'adresser seulement aux personnes qui sont volontaires, qui choisissent de participer, dans un premier temps, à l'élaboration de ce cheminement-là. À partir du moment où le système est fin prêt à recevoir tout le monde, là les mesures, comme le bénévolat ou les coupes, ces choses-là, pourront s'appliquer. Mais il est clair que, pour nous, ça doit s'appliquer à tout le monde.

Enfin, comme je le disais aussi précédemment, le système de revenu minimum du citoyen regroupe tous les systèmes de soutien au revenu, incluant les allocations familiales. Alors, pour nous, de créer un système parallèle qui s'occuperait seulement de ce qui a trait aux allocations familiales, ça vient alourdir le système, ça vient faire de l'administration en surplus, en trop, qui pourrait être supportée à l'intérieur d'un système comme le revenu minimum du citoyen.

Quant au conseil local des partenaires, nous émettons quelques réserves. Nos craintes sont à l'effet que l'État, à l'intérieur d'un conseil comme celui-là, se départit en quelque sorte de ses responsabilités en donnant le mandat de développer les possibilités d'emploi et de dénicher les endroits où ils sont à développer, au niveau de la création d'emplois dans les régions, alors que c'est à l'État à le faire.

Déjà, plusieurs systèmes... D'ailleurs, à l'Action démocratique, nous proposons que le système d'éducation, qui est responsable de la formation, évidemment, développe davantage les systèmes de stages, et ces chose-là. Alors, en ce sens, il faut également que ces gens-là, les responsables de la formation, développent, en collaboration avec le milieu, ces stages et ces programmes. Alors, il serait superflu d'ajouter une nouvelle structure à l'intérieur du conseil local des partenaires, de faire un travail en double par-dessus tout ça, ce qui est le dédoublement en fait, qui est bien connu déjà entre les paliers fédéral et provincial. Alors, pourquoi on le ferait chez nous, alors qu'on veut se départir de ces dédoublements-là.

Voilà, ça fait le tour de notre intervention. Il y a plusieurs éléments encore qui peuvent être explorés. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue. Je crois que je m'adresse à M. Frenette, n'est-ce pas?

M. Frenette (Sylvain): C'est bien ça.

Mme Harel: Vous êtes président de la Commission des jeunes de l'Action démocratique et vous êtes accompagné de M. Tétrault, c'est ça?

M. Frenette (Sylvain): C'est exact.

Mme Harel: Il vous manque Mme Pelletier.

M. Frenette (Sylvain): Tout à fait. Nous vous avions avisés d'ailleurs, plus tôt aujourd'hui, de l'absence de Mme Pelletier.

Mme Harel: Bon, écoutez, nous allons certainement, en tout cas, profiter de votre présence pour échanger sur votre mémoire.

Je comprends que votre philosophie en est une de responsabilités partagées. Hein? C'est ce que vous introduisez dans votre mémoire, je pense.

M. Frenette (Sylvain): Tout à fait.

Mme Harel: Alors, ça rejoint évidemment l'orientation du livre vert, qui est celle de la réciprocité, n'est-ce pas? D'autre part, vous proposez comme une solution efficace ce revenu minimum du citoyen, connu sous le nom de «revenu annuel garanti», ou «revenu universel de base». En même temps, vous parlez de l'impôt négatif.

Moi, j'ai fait faire des évaluations à l'occasion des travaux de la commission parlementaire parce que je pensais que bon nombre de mémoires, justement, aborderaient la question du revenu annuel garanti. Les dernières données que j'ai obtenues sont à l'effet que l'équivalent, donc, d'un revenu annuel garanti qui correspondrait aux barèmes actuels moyens de l'aide sociale, projeté, si vous voulez, sur l'ensemble de ménages québécois – tout en abolissant, notamment, les crédits d'impôt personnels, parce que ça vient les remplacer, etc. – ça coûte 19 000 000 000 $. Ça a l'air de rien, hein, mais c'est des mesures extrêmement coûteuses parce qu'elles ont un caractère universel.

Le système que vous proposez est plus basé sur un impôt négatif. Alors, ça, c'est moins coûteux, mais, en même temps, ça s'éloigne quand même du revenu annuel garanti, dans le sens où ce sont finalement les personnes sous un certain seuil d'imposition qui peuvent en bénéficier. À la page 6 de votre mémoire, vous nous parlez d'ailleurs des paramètres et vous nous dites: «Ils devront être déterminés avec la plus grande circonspection, car la réduction des désincitatifs au travail constitue un argument puissant pour l'adoption de tels programmes.» Mais, par ailleurs, vous comprendrez que, à l'inverse, dans la mesure justement où on choisit qu'il y ait ce genre d'impôt négatif, il peut se produire simplement que cela coûte relativement cher parce que ça s'étend à des salariés.

(21 h 20)

Je vais vous donner l'exemple du programme APPORT. Vous avez entendu parler du programme de supplémentation de revenu de travail. Remarquez que je vous félicite d'avoir fait cette recherche dans votre mémoire parce que la voie à suivre, c'est celle de moins investir dans le chômage et de plus investir dans la supplémentation des revenus de travail. Je pense que, même si ce que vous proposez n'est pas au point, je comprends quand même que ce que vous recherchez, c'est de favoriser, dans le fond, d'encourager, d'inciter par le maintien, si vous voulez, d'un encouragement financier, des revenus de travail gagnés.

Alors, par ailleurs, la commission Bouchard-Fortin, qui, pendant neuf mois, a étudié toute cette question, a mis à l'essai divers scénarios, et M. Fortin, en particulier, l'économiste, le professeur que l'on connaît, en a décrit quelques-uns dans son rapport, et, au bas mot, l'équivalent de ce vous proposez, avec le seuil à 15 000 $ comme référence, ça coûte 1 000 000 000 $ – un peu plus, mais à peu près autour de 1 000 000 000 $. On voit tout de suite qu'on est dans des ordres de grandeur très, très considérables.

Alors, je ne sais pas si vous avez pu, de votre côté, estimer à combien tout cela pouvait équivaloir, mais je vous engagerait, si vous voulez poursuivre la réflexion, vraiment à prendre connaissance des travaux du professeur Fortin. Pendant des années et des années, il a prêché l'impôt négatif, parce qu'il avait déjà mis de côté le revenu annuel garanti croyant effectivement qu'on n'en avait pas les moyens. Il a réussi, au moment où il était co-président de la commission sur la réforme, à faire faire tous les travaux par les économistes du ministère des Finances et, finalement, il en a conclu qu'en bas de 1 000 000 000 $ on n'arrivait pas, même dans une perspective où le seuil était à 15 000 $.

Alors, avez-vous une réaction à cela?

M. Frenette (Sylvain): D'abord, je n'ai pas tous les éléments des rapports auxquels vous faites allusion, donc je ne peux pas commenter sur les coûts, à savoir par rapport à ce que, nous, nous proposons. Idéalement, ce serait que j'aie tout ça. Je n'ai pas non plus tous les chiffres auxquels, vous, vous avez accès.

Mais ce que j'aimerais soulever à votre attention, c'est les coûts sociaux aussi importants. Et ce n'est pas seulement les coûts monétaires du programme comme tel, mais, à partir du moment où on encourage les gens à rester chez eux... Vous cherchiez les mots tout à l'heure, à savoir: Vous essayez d'inciter, d'encourager... C'est le travail qu'on cherche à encourager. C'est ça qu'on cherche à encourager.

Et, quand on rencontre les gens qui sont prestataires et quand on se met à leur place – et je vous invite à le faire, vous tous – et qu'on essaie vraiment de vivre comme eux – bon, il y a toujours aussi l'aspect du travail au noir ici que j'aimerais soulever à votre attention – et qu'on vous demande d'aller travailler, mais que, en bout de ligne, vous êtes perdant, que vous avez de la misère à arriver, que vous avez non seulement de la misère à arriver, vous avez de la misère à vivre avec ça parce que ce n'est pas suffisant pour vivre... Alors, ce que vous faites, c'est que vous vous débrouillez, système D. Vous feriez exactement la même chose. Donc, c'est le travail au noir, ou je reste chez nous...

Alors, dans ce sens-là, on encourage les pauvres à s'appauvrir, et ça encourage, tout autour de ça – ça s'enchaîne – à la criminalité. D'ailleurs, on connaît ça ici, dans le moment, avec les prisons qui sont ultra débordées et qu'on ferme malgré tout.

Cela dit, c'est là-dessus que j'aimerais porter votre attention, non seulement sur les coûts monétaires, mais sur les coûts sociaux telle la criminalité, telles toutes ces choses-là.

Mme Harel: Oui, mais, en même temps, je vous rappelle que l'allocation universelle – vous en parlez dans votre mémoire – même si le montant n'était que celui versé actuellement par l'aide sociale, en abolissant, comme je vous le signalait, tous les crédits personnels, fédéral, provincial, le coût net est de 19 000 000 000 $. Alors...

Et, en plus, ce que ça peut provoquer, cette allocation universelle, c'est la nécessité d'aller chercher des sources de financement. Alors, pensez que tous les revenus des particuliers versés à l'impôt québécois totalisent 13 000 000 000 $. Alors, quand on parle de 19 000 000 000 $ pour une mesure d'allocation, on n'est pas dans le même ordre de grandeur.

Alors, ça supposerait de compter sur des sources de financement additionnelles, donc de relever de façon importante les taux marginaux d'imposition. Et il faudrait le faire pour toutes les classes de revenu. Et, sans que ça soit recherché, l'effet pervers, c'est que, quand vous relevez les taux marginaux d'imposition, vous favorisez le travail au noir.

Alors, vous avez une sorte de cercle vicieux. Vous offrez une allocation universelle à tout le monde. Mais, pour l'offrir, il faut que vous augmentiez les taux marginaux d'imposition. Et, quand vous les augmentez, vous avez presque immédiatement un effet d'augmentation du travail au noir, parce que ça devient attrayant à ce moment-là. Alors, il y a comme un seuil à ne pas dépasser, là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Tétrault, je pense que vous vouliez commenter.

M. Tétrault (Jean-François): En effet, il y a trois points... Bon. Encore une fois, vous faites référence à ce, semble-t-il, très précis 19 000 000 000 $. Encore une fois, je répondrai un peu comme mon collègue: Malheureusement, nous n'avons pas cette étude sous la main pour pouvoir la commenter. Peut-être n'avons-nous pas les experts que vous avez, mais, selon nos calculs à nous, en abolissant les 19 programmes qui sont là actuellement pour les remplacer par ça, on arrivait à des chiffres assez équivalents.

Deuxièmement, sur les calculs qui ont été faits...

Mme Harel: Équivalents, ça veut dire quoi?

M. Tétrault (Jean-François): Pardon?

Mme Harel: Équivalents... Les 19 programmes, ils totalisaient combien, selon vous?

M. Tétrault (Jean-François): Je n'ai pas les chiffres avec moi, ici, présentement...

Mme Harel: Parce qu'ils ne sont pas dans le mémoire. C'est juste la liste des programmes et non pas la facture.

M. Tétrault (Jean-François): Écoutez, c'est sûr que, si on avait les ressources gouvernementales, on pourrait sûrement le calculer plus précisément. Mais je vais laisser M. Frenette, s'il a des chiffres, peut-être...

M. Frenette (Sylvain): D'abord, si vous me permettez, Mme la ministre, vous faisiez allusion aux 19 000 000 000 $, après ça au 1 000 000 000 $, etc. Là, on ne sait pas trop où on s'en va, selon les études auxquelles vous faites référence.

Nous, par principe, on croit, avec les éléments qu'on a ici... Il y a aussi un élément qui n'apparaît pas qui est l'imposition, point de vue individuel au lieu de familial, bon, des choses comme celles-là, qui font en sorte que nous croyons au principe, que c'est ça que nous vous proposons et qu'on ne voit pas seulement les coûts monétaires, mais également les coûts sociaux autour de ça...

Mme Harel: Je comprends bien. Mais, voyez-vous, en fiscalité, on ne peut pas juste se satisfaire des principes. Le 19 000 000 000 $, c'est le coût de l'allocation universelle du revenu minimum garanti; tandis que le 1 000 000 000 $ dont je vous parle, c'est à la page 88 du rapport Fortin qui porte sur la réforme de la sécurité du revenu. Et ça, c'est le coût, si vous voulez, de l'impôt négatif.

M. Tétrault (Jean-François): Alors, si vous nous invitez à venir commenter le rapport Fortin quand on aura les chiffres en main, ça nous fera plaisir de le faire. Mais, pour l'instant, on n'a pas tous les éléments pour pouvoir bien répondre à votre question. On se fera un plaisir de pouvoir vous transmettre nos commentaires par la suite, si vous le voulez bien.

Mme Harel: Parce que je regarde, juste comme ça à vue, dans votre mémoire, à la dernière page intitulée «Annexe 1», l'ensemble des programmes qui sont là. Alors, vous avez essentiellement les programmes des allocations familiales et d'aide sociale, APTE, APPORT, PAIE, etc. Ça, ça totalise 4 000 000 000 $. PATA, vous savez, c'est à peine 30 000 000 $ au total.

(21 h 30)

Alors, pour l'ensemble, si vous voulez, de tous ces programmes, il faut comprendre qu'il y en a peut-être... avec les allocations familiales au complet, c'est 2 000 000 000 $, tout ce que le gouvernement, tout ce que Québec investit dans la famille. Vous ajoutez les étudiants, etc.; on est autour de 7 000 000 000 $ ou 8 000 000 000 $, là. Je vous le dis bien modestement: ce qui a l'air très séduisant et généreux sur papier, quand on vient pour l'appliquer, on se rend compte que ça devient totalement utopique.

M. Frenette (Sylvain): Si vous me permettez un dernier commentaire là-dessus, Mme Harel, c'est que vous semez un peu la confusion dans mon esprit, puisque vous êtes partie de 19 000 000 000 $ à 1 000 000 000 $, puis vous êtes revenue à 19 000 000 000 $. Alors, cela dit...

Mme Harel: Écoutez, je vais tout de suite clarifier s'il y a encore de la confusion: 19 000 000 000 $, c'est le minimum garanti.

M. Dumont: Donné à tout le monde.

Mme Harel: À tout le monde, exactement.

M. Dumont: Y compris à celui qui gagne 3 500 000 $ par année, vous donnez quand même le même montant?

Mme Harel: Le revenu minimum garanti, là...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...s'il vous plaît.

Mme Harel: ...on le retrouve à la page 6 de votre mémoire, c'est le revenu annuel garanti ou revenu universel de base. Le revenu universel de base, c'est donné à tout le monde, y compris celui qui gagne 3 000 000 $, mais en conséquence quoi il n'a plus de crédits personnels, il n'a plus aucun crédit d'impôt. Alors, on abolit les crédits que l'on connaît, les crédits personnels, qui totalisent presque 6 000 000 000 $ à Québec puis 6 000 000 000 $ à Ottawa. Alors, ça, ça coûte 19 000 000 000 $.

M. Frenette (Sylvain): Donc, finalement, ce que vous venez de nous dire, c'est que ce n'est pas ce qu'on vous propose, puisque ce n'est pas à tous les gens, dont ceux qui gagnent 3 000 000 $ par année.

Mme Harel: C'est ça.

M. Frenette (Sylvain): Donc, vous faites référence , avec vos 19 000 000 000 $, à quelque chose qu'on ne vous propose pas là.

Mme Harel: C'est-à-dire à quelque chose qu'on retrouve dans votre mémoire à la page 6, deuxième paragraphe et suivants. Ensuite, vous, vous parlez dans votre mémoire du revenu annuel garanti. Ensuite, vous parlez aussi des systèmes d'impôt négatif. Je vous dis, le revenu annuel garanti, c'est ça: 19 000 000 000 $. L'impôt négatif, c'est 1 000 000 000 $. Il faut que vous fassiez la différence entre les deux, ce n'est pas pareil. L'impôt négatif, c'est un certain seuil à partir duquel le taux de taxation implicite est diminué.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Tétrault.

M. Tétrault (Jean-François): Oui, écoutez. Je pense que, pour avancer la discussion... C'est intéressant, ce 19 000 000 000 $. D'ailleurs, je trouve intéressant de voir que Mme la ministre – bien sûr, je ne veux pas remettre en question ses experts – semble accepter ça comme une réalité immuable.

Deuxièmement, ce que je tiens à dire, c'est que ce sont des calculs qui ont été faits à partir des prestataires à l'heure actuelle, des gens qui, à l'heure actuelle, en ont besoin, et les prédictions du gouvernement, qui vont sûrement en augmentant, si on se fie au passé, où les gens qui sont sur l'aide sociale ou ces choses-là augmentent constamment. Or, nous, je pense que, sur une base... C'est pour ça que la première année, c'est possible... Je n'ai pas eu encore les chiffres. Mais, si on voit ça sur cinq ans, sur 10 ans, nous, on pense qu'avec un programme comme le nôtre les gens qui bénéficient du système seront de moins en moins nombreux parce que là le but n'est pas d'entretenir leur nombre le plus longtemps possible, mais de réduire le nombre de ces gens-là. Et c'est ce que présentement le programme n'a pas réussi à faire et n'a jamais réussi à faire. Alors, on pense qu'avec ça là on va être capable de le faire, et je pense que les calculs se devront d'être refaits pour en arriver à de véritables calculs.

Autre chose, Mme Harel disait: Bon, écoutez, je vous dis ça bien gentiment, mais votre document n'est pas parfait. Dans le livre vert, à plusieurs reprises, on parle d'essais, on parle de mesures, on commence par les 18-24 ans pour essayer le système, pour voir si ça va fonctionner. On parle d'un système qui est là depuis 10, depuis 15, depuis 20 ans et qu'on essaie encore de traficoter pour l'améliorer, et tout ça. Lorsqu'on parle de système pas parfait, je trouve un petit peu triste qu'on en parle uniquement au sujet de notre mémoire, alors que c'est peut-être le système au complet qui en souffre depuis 20 ans, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Si vous me permettez, avec le consentement des membres de la commission, je vais partager mon temps avec le député de Rivière-du-Loup.

Bonsoir messieurs, bienvenue à cette commission. Dans votre projet, on revient au principe de la responsabilité, et vous parlez, à la page 9... Quand vous dites: «Chaque citoyen aura donc la responsabilité...»; un petit peu plus loin, vous dites: «Choisir d'aider bénévolement...»; mais un petit peu loin, vous dites: «S'il ne prend pas sa responsabilité, ses revenus vont être ajustés». J'imagine qu'«ajustés à la baisse», c'est une façon peut-être élégante de parler de pénalités. Mais c'est «responsabilité avec obligation et pénalités», votre système, ou «ajustement de revenus».

M. Frenette (Sylvain): Bien, moi, quand j'ai une responsabilité, régler une facture ou quoi que ce soit, c'est une obligation, là. Donc, en ce sens-là, peut-être. Quoiqu'on donne le choix, parce que vous faites allusion dans un premier temps à une ambiguïté que vous saisissez entre avoir le choix et l'obligation. En fait, on a le choix entre suivre le cheminement pour le retour à l'emploi, où on met la priorité d'abord. Dans la mesure où la personne refuse, elle a le choix de travailler bénévolement. Et, si, à ce moment-là, elle refuse également de le faire, effectivement la prestation serait ajustée à la baisse. Mais il y a une autre façon de voir ça: c'est que, une personne qui participerait à faire du bénévolat ou à une mesure de retour à l'emploi, ce serait ajusté à la hausse, si on se place, là... si vous me suivez bien, là.

Mme Loiselle: Disons, si on prend vos termes, si elle fait le choix de ne pas aider bénévolement, elle fait le choix de voir l'ajustement de ses revenus aller à la baisse. Si je me sers de votre langage.

M. Frenette (Sylvain): Ça dépend peut-être de l'endroit où on se place pour étudier le phénomène. Je vais vous donner un exemple. Si on étudie le principe de la gravité et que je prends une craie et que je la laisse tomber... Vous étudiez le phénomène. En regardant la craie, vous dites: tout tombe, la craie tombe. Mais, si vous vous mettez à la place de la craie, bien c'est le plancher qui monte. Alors, je vous amènerais un peu dans la même situation...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Frenette (Sylvain): ...en vous disant que, si on... Mais c'est vrai.

Mme Loiselle: Tout est relatif, oui. Ha, ha, ha!

M. Frenette (Sylvain): Tout est relatif, voilà. Alors, de votre point de vue, la prestation est diminuée; du nôtre, elle est augmentée quand j'y participe.

Mme Loiselle: O.K. Dans le dernier paragraphe de la page 9, ça me rappelle les discussions qu'on a avec différents groupes parce que ça ressemble beaucoup, au niveau du livre vert, quand vous parlez, bon... Dans le livre vert, on cible beaucoup les jeunes et les familles monoparentales. Vous, vous dites qu'on ne doit pas cibler une section de la population, se servir d'eux comme cobayes pour voir si le système fonctionne et les pénaliser. Vous dites: sur une base volontaire et, une fois que le système est capable de répondre à la demande, à ce moment-là vous révisez peut-être plus vers l'obligation. Est-ce que j'ai bien saisi?

M. Frenette (Sylvain): Oui, et pourquoi on amène ces éléments-là? C'est parce qu'on craint un peu que seuls les jeunes soient affectés par un programme comme celui-là, puisque, dans le livre vert, dans la synthèse, ces choses-là, dans les paragraphes qui suivent la directive à l'effet que c'est d'abord les jeunes de 18 ans à 23 ou 24, là... Le paragraphe qui suit dit: Bien, le cheminement, la mise en place de ce système-là va dépendre des moyens budgétaires, et blablabla, blablabla. Ça fait qu'on peut étirer ça jusqu'à 10, 15 ans, peut-être 20 ans, jusqu'à temps qu'on s'aperçoive que le système ne marche plus, puis, pendant tout ce temps-là, c'est le jeunes qui vont avoir fait les frais du système.

Alors, dans cette perspective-là, on dit: le système... Puis, ce n'est pas juste d'un point de vue jeune, mais c'est d'un point de vue aussi que, si, moi, j'ai 40 ans puis que je veux aussi participer, ces choses-là, je pense que même les gens de 40 ans ou de 30 ans se doivent d'avoir accès complètement à ce système-là, et c'est de leur rendre service aussi de rendre un peu obligatoire cette démarche-là. C'est de rendre service aussi à la collectivité, à la communauté.

Mme Loiselle: D'accord, merci. Mario.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. D'abord, je veux saluer M. Frenette et M. Tétrault qui participent à la commission. Il faut quand même voir qu'en nous proposant les idées qu'ils mettent de l'avant il y a un certain nombre de principes, je pense, qui sont fondamentaux sur la valorisation du travail. Évidemment, la meilleure idée, il faut toujours qu'elle soit bien mise de l'avant, sinon elle peut coûter très cher, elle peut coûter jusqu'à 19 000 000 000 $, semble-t-il, si elle n'est pas correctement appliquée.

Et ce que je comprends dans le débat qu'on a eu tout à l'heure, c'est que Mme la ministre fait référence à la page 6, au paragraphe où vous faites l'historique des points de départ de réflexion en 1965. Donc, si on était encore au point où vous nous rappelez dans votre mémoire qu'en 1965 on était dans la réflexion ça coûterait 19 000 000 000 $. Mais, si je lis les lignes qui suivent, vous êtes rendus à un programme beaucoup plus raffiné qui pourrait, au point de départ, redistribuer un peu plus d'argent que ce qui est le cas présentement, lequel argent on pourrait retrouver dans des frais de fonctionnement infiniment moins élevés, c'est-à-dire que, plutôt que de payer du monde qui administre des tonnes de paperasse au nom des pauvres, on pourrait véritablement redonner de l'argent de nos taxes et de nos impôts à ceux qui en ont besoin.

(21 h 40)

Je repars de votre principe de valorisation du travail – c'est fondamental pour moi – et j'aimerais savoir... Ça n'a peut-être pas été largement débattu dans le cadre de la commission, mais, pour moi, c'est une préoccupation absolument fondamentale. Est-ce que vous pensez qu'un système comme celui-là pourrait corriger des problèmes majeurs de recherche de main-d'oeuvre dans plusieurs domaines? On pourrait parler de l'agriculture, en région, travail en forêt, en agriculture, dans plusieurs domaines où c'est saisonnier et où, souvent, les périodes de travail sont inférieures à ce qui est nécessaire pour avoir l'assurance-chômage et où, dans certains cas, on a tellement de problèmes: malgré qu'on a plus de 800 000 assistés sociaux au Québec, on importe de la main-d'oeuvre du Mexique puis d'ailleurs.

M. Frenette (Sylvain): Alors, la réponse est oui, on croit que ça favorise un peu le règlement de la situation. C'est oui, la réponse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): La prochaine question?

M. Dumont: Je pense que c'est important pour les travaux de la commission de considérer en détail de quelle façon le fait de ne plus catégoriser les gens «assistés sociaux» ou «travailleurs», mais en laissant la marge ouverte pour les gens qui travaillent x heures ou x semaines dans une année... Je pense que c'est un point qui est important.

M. Tétrault (Jean-François): Bien, beaucoup de ça se fait par la simplification du système. Vous parliez des gens qui sont catégorisés, des gens qui, pour certaines conditions, ne peuvent plus faire l'affaire, des gens qui sont saisonniers, mais juste assez longtemps pour ne pas en recevoir, mais juste pas assez longtemps pour être capables de s'en sortir. Faire un système comme ça, qui est plus universel, qui touche tout le monde, on évite de tomber dans ces catégorisations-là. Également, ça favorise le travail, comme vous disiez. Il y a des gens qui vont préférer ne rien faire pendant cette saison-là ou même cesser leur saison de travail plus tôt pour pouvoir avoir droit à des prestations, et ces choses-là.

Donc, on évite beaucoup d'effets pervers par un système qui touche tout le monde et sur une base annuelle et sur une base constante. Et puis toute personne qui travaille – c'est le fondement même de la chose – va toujours aller chercher plus d'argent que le fait de rester assis. Dans la mesure où il gagne 1 $, bien c'est déjà 1 $ de plus dans ses poches, alors que dans le système actuel, ce n'est pas du tout ça, là, on ne fait pas face à ça. Il y avait des calculs qui disaient: Bon, quelqu'un qui travaille au salaire minimum, entre 32 et 35 heures/semaine, va finir, au bout de l'année, par gagner moins cher que quelqu'un qui est sur l'aide sociale.

Donc, ça enlève cet effet pervers là. Ça enlève l'obligation d'importer des gens d'ailleurs pour travailler dans certaines conditions très particulières et ça donne la chance à tout le monde de travailler, de donner de son temps autant au niveau bénévole, quel qu'il soit, ou au niveau du travail, sans être pénalisé d'aucune façon et sans faire de cas d'exception ou de catégorisations inutiles. Et, surtout, ça enlève énormément de bureaucratisation, d'administration. C'est un autre point tantôt qu'on aurait pu soulever au niveau des montants. Les montants, on pourrait les calculer en fonction de ce que coûterait, de ce que coûte l'administration actuelle. Et, nous, on croit que, si on simplifie tous les programmes et qu'on le fait en un seul, tous les coûts d'administration, de bureaucratisation, de toutes ces choses-là, tombent énormément et son diminués grandement, et aideraient la machine gouvernementale à fonctionner plus rondement et à continuer ses coupures pour atteindre l'objectif de mettre un Québec économique beaucoup plus sain.

M. Dumont: Bien, une autre question. Je vois que vous intégrez dans le programme les allocations familiales, lesquelles, au Québec, sont en train de disparaître. Est-ce que je dois comprendre que, dans votre vision des choses, dans votre esprit, c'est aux parents, donc aux gens qui ont des enfants et qui ont des besoins, dans le cas dont on parle, qu'on doit remettre les sommes plutôt que de les orienter, ou de décider à leur place de quels types de services de garderie... puis de déjà envoyer l'argent dans des garderies d'un certain format. Donc, si on doit redonner aux parents différents choix, eux, les parents vont décider de leur mode de vie et de leur façon d'organiser leur affaire... et non pas à l'État de décider de quelle façon ils vont devoir organiser leurs services de garde. Est-ce qu'on doit comprendre que c'est ça, votre philosophie, et que l'argent, vous souhaitez le remettre entre les mains des parents?

M. Frenette (Sylvain): C'est dans cette perspective-là, et j'amène aussi la commission sur un aspect que je trouve un peu drôle de la réforme qui est proposée. Un des arguments qui est amené pour justifier un système parallèle d'allocations familiales, c'est le fait que ça va être plus facile pour les parents de pouvoir évaluer ce qu'ils reçoivent, dans l'ensemble, pour leurs enfants, comme si les parents allaient utiliser ce montant-là expressément seulement pour les livres puis pour la vie de leurs enfants. On sait très bien que, quand on est dans des situations comme celle-là, prestataire d'aide sociale, l'argent que je reçois de mon enfant ou l'argent que je reçois du chèque de prestation d'aide sociale, ça s'en va tout dans le même pot puis ça va tout pour survivre, tu sais.

Donc, en ce sens-là, ce n'est pas un argument qui tient pour nous, et, même, il y a encore là des économies au niveau de l'administration, le fait d'avoir... Un exemple banal, le fait d'avoir deux chèques, deux enveloppes par mois qui rentrent, bien on a fait un petit calcul rapide, là, ça représente, juste en frais postaux, en préparation postale, entre 8 000 000 $ et 10 000 000 $ par année d'avoir deux systèmes parallèles comme ça. Bien, les calculs qu'on a faits, c'est ça. Cela dit, j'espère que ça répond à votre question.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Alors, Mme la ministre.

Mme Harel: Écoutez, le dépôt direct est le plus utilisé en matière de chèques d'allocations familiales. Alors, même l'envoi, là, coûte – c'est beaucoup, là – 350 000 $. Un envoi. Cependant, la très grande majorité des familles ont déjà opté pour le dépôt direct. Alors, le dépôt direct de l'allocation pour enfant n'encourt pas de coûts supplémentaires au dépôt déjà effectué pour l'allocation familiale. La différence entre les allocations familiales actuelles et l'allocation unifiée, c'est justement l'objectif qui est poursuivi, le même que celui que vous énonciez tantôt: favoriser, encourager les revenus de travail gagnés en faisant en sorte que les besoins des enfants soient couverts pas seulement sur l'aide sociale, mais le soient aussi quand on va chercher du revenu de travail.

M. Frenette (Sylvain): ...dans la perspective d'un revenu minimum du citoyen, cet objectif-là est aussi atteint, et puis il demeure qu'au niveau administratif il y a des coûts qui sont engendrés qui ne le seraient pas dans le cas où il n'y aurait pas deux systèmes parallèles comme ceux-là. Vous faisiez allusion à 350 000 $, je ne le sais pas, c'est 350 000 $ pour...

Mme Harel: 350 000 $.

M. Frenette (Sylvain): Pardon?

Mme Harel: Dollars.

M. Frenette (Sylvain): Oui, oui, mais 350 000 $ pour l'allocation familiale, 350 000 $ pour la prestation aux parents, là, si on veut, alors, si c'est 350 000 $ qu'on peut économiser là, on l'économise.

Mme Harel: Oui. Mais, moi, je vous ai dit: C'est théorique, là, parce que ça ne coûte pas ça étant donné que les parents optent, très, très majoritairement, pour le dépôt direct.

Si vous voulez poursuivre la réflexion que vous avez commencée sur ces questions-là – elles sont très pertinentes, là – moi, je questionne les modalités parce que l'angle sous lequel vous l'envisagez, c'est justement celui de supplémenter, d'encourager le revenu de travail. Alors, moi, je suis tout à fait disposée à mettre à votre disposition, là...

M. Frenette (Sylvain): Mais...

Mme Harel: ...des tableaux, des calculs. Mais, en même temps, votre revenu annuel du citoyen, il se rapproche de l'allocation unifiée.

M. Frenette (Sylvain): Mais, justement, expliquez-moi alors pourquoi, si c'est bon au niveau de l'allocation familiale puis que ça favorise un travail, pourquoi vous n'appliquez pas le même principe, au niveau de la prestation aux parents, qui encourage aussi le travail, sous forme de revenu minimum du citoyen? Si c'est bon du point de vue de l'allocation familiale, pourquoi vous n'utilisez pas un système semblable?

Mme Harel: Bon, écoutez, c'est parce qu'il coûte 1 048 000 000 $ quand il est généralisé à l'ensemble des travailleurs qui ont un revenu de travail gagné de 15 000 $. L'allocation unifiée, comme vous le savez, c'est pour les ménages avec des enfants seulement.

Je vais demander de mettre à votre disposition les simulations qui ont été commandées au ministère des Finances et qui se retrouvent à la page 88 et suivantes du rapport de Pierre Fortin et de Francine Séguin, et je pense que, vous-même, vous allez pouvoir faire les constats qui s'imposent.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): MM. Frenette et Tétrault, merci beaucoup au nom de la commission. Les travaux sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 21 h 50)


Document(s) associé(s) à la séance