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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le vendredi 2 mai 1997 - Vol. 35 N° 80

Interpellation : La nouvelle politique concernant les garderies


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Table des matières

Journal des débats


(Neuf heures deux minutes)

La Présidente (Mme Charest): La commission des affaires sociales se réunit dans le cadre de l'interpellation du député de Jacques-Cartier à la ministre de l'Éducation et ministre responsable de la Famille sur le sujet suivant: La nouvelle politique concernant les garderies.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Désilets (Maskinongé) sera remplacé par M. Gaulin (Taschereau); M. Dion (Saint-Hyacinthe) par Mme Vermette (Marie-Victorin); M. Williams (Nelligan) par M. Kelley (Jacques-Cartier).

La Présidente (Mme Charest): Alors, je vous rappellerai les règles de l'interpellation. Le député qui a donné l'avis d'interpellation interviendra le premier pendant 10 minutes. La ministre interpellée interviendra ensuite pendant 10 minutes. Il y aura ensuite alternance dans les interventions. Un député du groupe de l'opposition, la ministre, un député du groupe formant le gouvernement, et ainsi de suite. Vingt minutes avant la fin de la séance, j'accorderai un dernier temps de parole de 10 minutes à la ministre. L'interpellant a ensuite droit à une réplique de 10 minutes et je mettrai fin aux travaux de la commission. Alors, M. le député de Jacques-Cartier.


Exposé du sujet


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, Mme la Présidente. Je suis très heureux, ici, encore une fois, de soulever cette importante question qui est le manque de renseignements, les inquiétudes qui ont été créées par l'annonce d'une réforme de notre politique envers les garderies sans fournir aux parents, aux directeurs, aux éducatrices de nos enfants à travers le Québec qu'est-ce qui se passe au mois de septembre 1997.

Et je veux rappeler qu'on est déjà six mois après l'annonce en grande pompe de la réforme au moment du Sommet économique, à Montréal, à la fin du mois d'octobre. Six mois après, les parents, les éducatrices, les directeurs des garderies ont toujours soif. Ils ont beaucoup de questions à poser et des questions qui demeurent toujours sans réponses.

Pensons, premièrement, c'est quoi un centre à la petite enfance. Ça, c'est l'élément clé dans la réforme. C'est ça qui va gérer l'offre des services aux parents et on est toujours en train de le définir. Six mois après l'annonce, on est en train toujours de dire c'est quoi un centre à la petite enfance. On a des questions des parents: Qui peut envoyer leur enfant à une garderie, au mois de septembre, pour 5 $ par jour? La ministre a commencé à donner quelques renseignements, plus tôt cette semaine, quant au nombre de places disponibles, mais il reste toujours toute la question: Comment on va octroyer les places? Qui peut avoir ça? Et, pour les enfants de quatre ans qui ne sont pas admissibles, qui ne sont pas chanceux d'avoir une place à 5 $, comment est-ce qu'on va expliquer les différences dans le traitement de deux parents dans une situation semblable?

Il y a des questions très importantes pour les dirigeants de ces services de garde parce qu'on n'a pas encore déterminé comment on va financer les enfants, les 21 000 que la ministre a annoncés lundi. Le 21 000 admissible à 5 $, ce n'est pas clair comment on va financer ça. Alors, plusieurs des garderies ne peuvent pas fixer leurs tarifs pour le mois de septembre de cette année. Alors, quand les parents arrivent à la porte, aujourd'hui, parce que les parents aiment la stabilité, les parents aiment beaucoup être capables de planifier qu'est-ce qu'on va faire à l'automne, alors, quand ils arrivent pour le tarif, on ne sait pas trop, trop, parce que le niveau de financement du gouvernement n'est pas encore fixé et il faut faire ça pour déterminer le tarif pour les zéro à trois ans. Et on ne peut pas faire ça six mois après l'annonce. Et c'est ça qui m'amène à la conclusion que l'annonce n'était pas mûre, n'était pas prête, mais le gouvernement, dans son intention d'avoir une bonne nouvelle, cherche désespérément à avoir une bonne nouvelle, est allé de l'avant trop rapidement, ce qui a causé beaucoup de problèmes à la fois pour les personnes qui travaillent à l'intérieur de nos garderies et pour nos parents qui, comme je l'ai dit, six mois après l'annonce, ont toujours une grande liste de questions sans réponses.

Comment est-ce qu'on va procéder à l'amélioration de la qualité des services dans ces garderies? J'ai posé une série de questions lundi, je vais y revenir. Parce que c'est une chose d'avoir des places dans des garderies, mais toutes les études indiquent que ça prend une garderie de qualité, qualité, c'est-à-dire, sur la formation, sur les salaires, sur les ratios d'enfants et éducatrices, et tout ça. On demeure toujours soit dans l'inconnu ou, sur la question des ratios, on va dire que les ratios vont augmenter et non baisser. Alors, je pense que c'est très important. La demande du milieu était de baisser les ratios. La réponse de la ministre était d'augmenter le ratio. Alors, on va revenir sur ça aussi.

Mais, encore une fois, oui, c'est très important d'avoir les garderies, mais la chose qui est essentielle – et toutes les études qui sont longuement citées par la ministre – c'est très important d'avoir des services de garde de qualité. Et, sur la question de la qualité des services fournis, la ministre n'a pas de réponse. Alors, je pense que ça, c'est très important aussi.

Il y avait et on continue à avoir un long débat sur toute la question des garderies à but lucratif. Et, même si ces garderies acceptent, comme certaines, la logique de la ministre de se transformer, six mois après l'annonce, on n'a pas la moindre idée comment une garderie à but lucratif peut se transformer en garderie sans but lucratif. On a dit qu'elle doit signer un contrat, un chèque en blanc, en disant: Moi, je m'engage à me transformer, sans avoir la moindre idée comment, à quel prix, c'est quoi la compensation qu'il y aura pour mes actifs.

Alors, il y a toute une série de questions. Six mois après, le gouvernement n'est pas plus avancé, la ministre n'est pas plus avancée pour fournir une réponse à ces personnes, qui sont les petits entrepreneurs, nos voisins, les personnes qui ont dit: J'aime travailler avec les enfants et je veux créer mon propre emploi, alors je vais jumeler les deux, je vais ouvrir une garderie, des fois, Mme la Présidente, même avec l'appui de ce même gouvernement dans le plan Paillé. Alors, le gouvernement a dit: Ça, c'est une bonne idée. Une garderie à but lucratif, c'est une bonne idée, on est prêt à faire une garantie de prêt pour vous aider. Ça, c'est à l'époque du ministre Paillé quand il était ministre responsable. Alors, nous avons donné les garanties de prêt. Nous avons dit comme gouvernement: Votre idée de faire une entreprise pour donner un service aux enfants, c'est une si bonne idée, on est prêt à vous aider financièrement. Maintenant, on arrive en disant: Ah! oublie ça.

Alors, il y a un certain manque de logique, un manque de cohérence dans l'approche. Et, comme j'ai dit, on a donné au gouvernement six mois, Mme la Présidente. On sait que l'été s'en vient dans six, sept semaines et, après ça, les travaux gouvernementaux ne vont pas arrêter, mais ralentir pour dire le moins. Alors, il reste très peu de temps pour trouver les réponses pour quelque chose qui doit être en place à partir du 1er septembre. Ce n'est pas loin. Dans moins de quatre mois, maintenant, Mme la Présidente.

Il y a beaucoup d'autres questions qu'on n'a pas encore regardées, non plus. Les besoins des parents qui travaillent à l'extérieur avec un horaire de 9 à 5. Je pense que la ministre a commencé à donner une piste intéressante en reculant sur la question des frais de garde remboursables. Parce que c'est évident que, pour l'infirmière qui travaille de 16 heures à minuit, une garderie ne fait pas son affaire. C'est de toute logique qu'il faut embaucher quelqu'un pour venir à la maison pour garder son enfant, surtout si c'est une femme monoparentale. Moi, j'ai parlé longuement à deux ou trois qui ont paniqué au moment de l'annonce, il y a six mois. Alors, le fait que le gouvernement, la ministre ont décidé de reculer, je pense que c'est important parce que ça va garder le choix pour les personnes qui travaillent avec des horaires éclatés, qui travaillent les fins de semaine, le soir. Parce que, si on regarde dans notre économie, on est en train de créer des emplois dans le secteur du détail, dans le secteur des service,s et c'est souvent le monde qui doit travailler le soir ou les fins de semaine. Alors, les garderies répondent aux besoins de certains couples, certaines familles, certains parents, mais pas tous les parents. Et c'est le point que j'ai dit. On me dit que la moitié des femmes qui travaillent au Québec ne travaillent pas de 9 à 5. La moitié. Alors, je pense que ça, c'est très important.

La ministre va dire que 70 % des femmes travaillent à l'extérieur de la maison, les mères de jeunes enfants en bas de six ans. Oui, c'est vrai. Mais il faut regarder où ces mères travaillent. Et les garderies, comme je disais, c'est important, mais ce n'est pas la seule réponse. Alors, le fait que la ministre a reculé sur les frais de garde remboursables, c'est une bonne nouvelle. J'espère que c'est une décision permanente et pas transitoire, pas quelque chose sur quoi elle va revenir l'année prochaine, Mme la Présidente, parce que c'est une décision essentielle pour garder les choix aux familles québécoises.

(9 h 10)

Mais ça m'amène à autre chose. Si je peux enlever le chapeau parent, enlever le chapeau au nom des éducateurs et éducatrices qui travaillent dans nos garderies, je vais mettre un autre chapeau contribuable et j'aimerais savoir comment ça va coûter cette affaire-là, comme contribuable. Et, au départ, l'économie, la façon de faire ça, entre autres, est que je vais prendre l'argent qu'on donne maintenant dans les frais de garde remboursables pour fins d'impôt et je vais injecter cet argent dans le nouveau système des garderies. Maintenant que la ministre a reculé sur la notion des frais de garde remboursables, d'où vient l'argent pour supporter tout ça? On a vu dans le livre des crédits, le gouvernement a enlevé 314 000 000 $ aux familles québécoises. Alors, c'est de bonne guerre, et le gouvernement va faire ça, faire passer les mauvaises nouvelles au livre des crédits, et ça donne de la marge de manoeuvre au gouvernement pendant l'année pour revenir avec le même argent et annoncer les bonnes nouvelles choses.

Mais il faut rappeler dès le départ, Mme la Présidente, qu'on a enlevé 314 000 000 $. La ministre a refusé, dans l'étude de nos crédits, d'expliquer comment elle va dépenser le 314 000 000 $ identifié par le ministre des Finances. Mais je pense qu'on a toutes les questions des coûts d'implantation, des coûts liés à la création de 73 000 nouvelles places, comment ça va être décidé, où est-ce qu'on va chercher l'argent et, en terminant, comment est-ce qu'on va garder l'équité entre les parents qui, les deux, décident de travailler et les familles où un des deux, surtout la mère mais pas tout le temps, a décidé de rester à la maison. Est-ce qu'on va imposer davantage les parents qui ont opté pour avoir une personne pour rester avec leurs enfants pendant la petite enfance? Est-ce qu'on va les imposer davantage pour créer des places en garderie pour les autres parents? Il faut toujours garder à l'esprit l'importance de l'équité entre les parents québécois. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Maintenant, Mme la ministre de l'Éducation et ministre responsable de la Famille.


Réponse de la ministre


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais m'excuser auprès des gens qui aujourd'hui lancent la Semaine nationale de la famille. J'avais accepté l'invitation de participer à ce lancement pour signifier, par ma présence, évidemment, comme ministre responsable des dossiers famille au gouvernement, pour manifester cet appui aux groupes familiaux. Malheureusement, évidemment, je ne pourrai être là, puisque cet événement se tiendra à Montréal et je suis ici, ce matin, à échanger avec mon collègue sur des questions fort importantes, je n'en disconviens pas. Cependant, Mme la Présidente – et le député de Jacques-Cartier l'a rappelé lui-même – nous avons passé quatre heures et demie ensemble, en commission parlementaire, à l'étude des crédits lundi de cette semaine. D'ailleurs, au niveau de la commission des affaires sociales – vous le savez, Mme la Présidente, puisque vous en faites partie – nous avons passé quatre heures et demie sur les dossiers de la politique familiale, des services de garde, des centres à la petite enfance et toutes les questions que soulève le député de Jacques-Cartier y ont obtenu réponse à ce moment-là. Alors, ça ne m'ennuie pas que nous prenions deux heures ici ce matin pour les reprendre à nouveau. J'y reviendrai dans les différentes interventions que je pourrai faire au cours de cette interpellation, mais cependant j'ai l'impression que, si le député de Jacques-Cartier resoulève la question ici des services de garde, malgré les réponses que je lui ai données, c'est parce qu'il veut lui-même susciter l'inquiétude au sein des milieux de garde, alors que dans les faits...

Et c'est pourquoi, d'ailleurs, les responsables de garderies, actuellement, ne sont pas inquiètes, parce qu'elles ne le manifestent pas, parce qu'elles savent que leurs représentants, que leurs représentantes sont à des tables de travail avec l'Office des services de garde, de telle sorte que nous puissions définir ce que seront les centres à la petite enfance, ce que sera la politique en ce qui concerne la reconnaissance des places, parce que nous associons, justement, les regroupements de garderies, les regroupements d'agences de garde en milieu familial, parce que nous négocions et discutons avec les regroupements des garderies à but lucratif pour trouver une façon qui soit correcte de reconnaître leur place, de reconnaître leur travail et de procéder éventuellement à une transformation de ces garderies pour celles qui le souhaitent, Mme la Présidente.

Alors donc, je pense que le député de Jacques-Cartier souhaite plutôt soulever l'inquiétude en nous amenant à discuter de cette question ici, compte tenu qu'il a eu des réponses et qu'il sait que nous sommes en processus de travail. Cela étant, je vais quand même reprendre chacune des questions soulevées, je vais y répondre à nouveau avec toute la cohérence que je peux y mettre. Cependant, j'aimerais, Mme la Présidente, replacer cette question des services de garde, qui sont au coeur des orientations du gouvernement, bien sûr, des politiques gouvernementales, mais particulièrement au coeur des nouveaux éléments de la politique familiale que nous avons annoncée il y a quelques mois maintenant. Je pense que c'est important qu'on se redise pourquoi on fait cela, dans quel contexte on le fait et avec quels moyens on le fait aussi, et je pense qu'un gouvernement n'aura jamais autant osé, finalement, dans une situation de contraintes budgétaires, dans une situation de rigueur budgétaire; «osé» dans le sens de proposer la mise en place de nouveaux services pour répondre à des besoins, bien sûr, pas pour le plaisir de mettre en place de nouveaux services, mais pour répondre à des besoins, Mme la Présidente.

En fait, je vous dirai que les adultes qui ont 35 ans maintenant, ou peut-être même 40, c'est bien d'eux que le rapport Parent parlait quand il recommandait que des activités éducatives suivies soient accessibles aux enfants de quatre et cinq ans. Alors, je m'amuse évidemment en rappelant cela. Il y a effectivement 35 ans, le rapport Parent était déposé, qui a proposé que nous implantions une des pièces majeures de la Révolution tranquille soit un ministère de l'Éducation avec une politique surtout éducative permettant l'accessibilité du plus grand nombre et surtout la formation du plus grand nombre à l'éducation, Mme la Présidente. Et, à ce moment-là, évidemment le rapport Parent demandait que le gouvernement offre des services éducatifs aux petits, des services de garde aux petits. Et c'est amusant d'ailleurs parce qu'il suggérait que ces services soient mixtes. Évidemment, à l'époque, on sait que les écoles étaient soit des écoles de garçons ou des écoles de filles.

Alors, depuis ce temps, évidemment, il s'est passé un certain nombre de choses et dans les faits nous avons implanté des services aux enfants par l'intermédiaire des garderies et d'autres formes d'aide à la famille. Cependant, maintenant, nous croyons utile de revoir l'ensemble des mesures qui s'adressent à la petite enfance pour essayer de les intégrer dans un tout cohérent.

Pourquoi faisons-nous ça et qui visons-nous en faisant cela? D'abord, nous souhaitons, par la politique familiale que nous avons proposée et qui concerne davantage évidemment la petite enfance, nous visons à assurer une équité aux familles par un soutien universel et une aide accrue aux familles à faibles revenus. Je reviendrai sur les mesures que nous avons choisies pour faire cela. Donc, équité à l'égard des familles, une aide universelle mais aussi une aide aux familles à plus faibles revenus, aux enfants pauvres finalement que nous devons sortir de la pauvreté. C'est ça un des objectifs de la politique que nous avons annoncée.

(9 h 20)

Le deuxième objectif c'est de faire en sorte qu'on puisse concilier les responsabilités familiales, parentales et professionnelles et on aura l'occasion, Mme la Présidente, d'y revenir pour dire comment actuellement la situation des familles s'est modifiée depuis 25, 30 ans et constater que les deux conjoints dans une famille sont largement sur le marché du travail. Il nous apparaissait important de permettre aux parents d'avoir accès à des services de qualité s'ils le désirent évidemment, parce que n'oublions pas que les enfants – et la politique le rappelle aussi – sont d'abord et avant tout la responsabilité des parents. Ça va de soi. Alors, il ne s'agit pas de remettre en question la responsabilité parentale à l'égard des enfants. Mais nous disons, comme gouvernement, pour les parents qui ont besoin de services, nous devons, et nous avons l'obligation de les offrir.

Et le troisième objectif, et je vous dirais l'objectif, à mes yeux, le plus important, c'est de favoriser le développement des enfants et, bien sûr, l'égalité des chances entre les enfants. C'est évident que, si un enfant vit dans une famille pauvre, s'il n'a pas la réponse à ses besoins essentiels et, s'il n'a pas non plus accès à des services éducatifs de qualité, évidemment, il part avec des handicaps dans la vie. Et, dans le fond, ce qu'on essaie d'éliminer, c'est ces handicaps, de telle sorte qu'il soit à la même ligne de départ que tous les autres enfants. Et c'est ça qu'on cherche par la politique familiale.

Alors donc, trois objectifs bien clairement énoncés. Trois grandes mesures majeures. D'abord, nous réformons toutes les allocations qui vont vers les familles, de telle sorte qu'on puisse mieux soutenir les enfants qui vivent dans des familles pauvres. Alors ça, c'est majeur.

C'est vrai, c'est vrai que nous transférons des gens qui ont un petit peu plus de revenus, qui ont des revenus plus élevés vers les familles qui ont de très bas revenus. Et nous le savons que nous le faisons, et nous le faisons délibérément. et c'est ça, la solidarité, dans une société. Donc, une réforme du soutien financier aux familles, au bénéfice des enfants, en instaurant une nouvelle allocation unifiée, une nouvelle allocation familiale.

Deuxième élément de la politique à la famille dirigé vers la petite enfance: le développement des services éducatifs et de services de garde à la petite enfance, mais cela à des coûts raisonnables. Et, enfin, le troisième élément de la politique: l'instauration d'un régime d'assurance-parentale pour remplacer le revenu pendant les congés de maternité et les congés parentaux.

Alors ce sont les trois éléments de base de la politique familiale qui est surtout dirigée, évidemment, vers la petite enfance. Je reviendrai plus tard. Je sais que mon temps est terminé.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme la ministre. Maintenant, M. le député de Jacques-Cartier, pour une période de cinq minutes.


Argumentation


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, Mme la présidente. Je veux juste rappeler à la ministre la décision du président de l'Assemblée nationale en 1984. Dans notre système parlementaire, le Parlement a priorité. Un ministre doit donc préparer son horaire en fonction du Parlement. Et les interpellations, c'est le vendredi. Ce n'est pas moi qui décide ça. Et on a l'occasion maintenant. Si on avait eu des réponses précises à nos questions lundi, peut-être que ce serait sur d'autres choses, mais on n'en avait pas.

Moi, je veux commencer avec un des renseignements qu'il y avait, parce qu'on reçoit nos renseignements goutte à goutte dans ce dossier. Selon ce que la ministre nous a dit lundi, il y aurait 21 000 places disponibles subventionnées à 5 $ à partir de septembre. J'aimerais savoir comment on va octroyer ces places. Est-ce que ça va être en priorité aux enfants de trois ans déjà inscrits? Est-ce qu'on peut prendre pour acquis que, si vous avez un enfant de trois ans déjà inscrit dans une garderie, qui arrive à quatre ans avant le 30 septembre, sa place est assurée? Est-ce qu'il y aura une façon de s'assurer que la distribution de ces 21 000 places est équitable parmi les régions? On ne sait pas ça encore.

Moi, j'atteste ça parce que je parle directement aux directeurs et directrices de garderies, ce sont mes sources d'information. Je n'ai pas le privilège d'aller aux rencontres de travail, mais je veux souligner, Mme la Présidente, que même un des alliés de la ministre, la présidente de la Centrale de l'enseignement du Québec, Mme Lorraine Pagé, a dénoncé le manque de transparence dans la préparation de ces réformes. Elle a dit qu'on avait fait ça en catimini. Ce ne sont pas mes mots, ce sont les mots de Mme Pagé qui dit qu'il faut avoir une plus large transparence. Alors, si, en faisant l'interpellation aujourd'hui, on mettre une plus large transparence dans tout ça, tant mieux.

Une des questions que j'aimerais soulever, parce qu'il y a 95 000 enfants de quatre ans au mois de septembre de cette année, on a des places pour 21 000 enfants subventionnés à 5 $. La ministre a elle-même dit qu'on ne peut pas prévoir le comportement des parents à partir de septembre parce que, avec les places à 5 $ par jour, on va changer tout le marché ou les offres de services et ça va inévitablement changer le comportement des parents. Alors, est-ce que ça sera possible que, dans une même garderie – parce que je sais qu'on va octroyer les places en fonction du nombre des quatre ans déjà là – si la garderie x a 16 places pour les enfants de quatre ans cette année, j'imagine que dans le nouveau système il y aura 16 places subventionnées, mais mettons qu'il y a 20 enfants de quatre ans qui font application et qu'ils acceptent 20 enfants dans la même garderie, est-ce que les 16 premiers vont être là à 5 $ par jour et les quatre derniers à 22 $ ou 23 $ par jour? Si oui, on est en train de créer un genre de service de garde à deux vitesses et peut-être même que, dans la même garderie, les 16 premiers enfants qui sont chanceux d'arriver les premiers auront leur subvention de l'État et les derniers quatre ou cinq de quatre ans, du même quartier, ayant les mêmes besoins, vont être obligés de payer 22 $ ou 23 $ pour le même service. Comment est-ce qu'on peut expliquer ça aux parents que, oui, parmi les 95 000, il y en aura 21 000 subventionnés? Mais qu'est-ce qui arrive aux besoins du reste? Et comment, au niveau de l'équité, est-ce qu'on peut expliquer la grande annonce faite au mois d'octobre: Garderie à 5 $ pour tous les enfants de quatre ans?

Mais, on recule, on recule, on recule et on ne sait pas exactement combien d'enfants en auront besoin, on ne sait pas comment on peut aller les aider. Et je pense que ça, c'est fondamental. Comment on va distribuer ces 21 000 places? Comment est-ce qu'on va être capables de combler les besoins de tous les parents quand la ministre elle-même a dit: On ne sais pas trop, trop combien d'enfants aimeraient utiliser cette offre?

Deuxièmement, à l'intérieur de tout ça, on va revenir sur la question de la subvention, mais je pense que c'est important de signaler dès le départ qu'il y a un énorme écart entre les chiffres donnés par la ministre lundi et le coût réel de ces services. Alors, est-ce qu'il y aurait un manque à gagner? Est-ce que la garderie à 5 $ est un prix fixe ou est-ce qu'il risque d'y avoir les coûts cachés, et tout ça?

Mais, pour revenir à la première préoccupation, Mme la Présidente, ces 21 000 places, est-ce que ça serait possible qu'on soit en train de faire, pour les enfants de quatre ans, à partir de septembre, des garderies à deux vitesses, c'est-à-dire que certains parents auront accès et d'autres parents non? Et comment est-ce qu'on peut expliquer aux parents du Québec la différence entre les deux?

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Maintenant, Mme la ministre de l'Éducation et responsable de la Famille.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, un premier commentaire. À quelques reprises, le député de Jacques-Cartier a dit: La ministre recule. Moi, je pense qu'au lieu de me dire que je recule il devrait me dire: La ministre a écouté les points de vue des personnes qui lui ont fait un certain nombre de représentations et a tenu compte, dans sa politique, de ces représentations. Et c'est entre autres sur la question du crédit d'impôt remboursable que nous avions de toute façon laissé au budget du gouvernement – et cela était dit dans la politique familiale – mais que nous nous proposions progressivement de réduire. Or, nous avons considéré qu'effectivement il était préférable de laisser le crédit d'impôt remboursable pour les parents pour frais de garde, pour les parents qui utilisaient soit des services à domicile et, donc, qui payaient très officiellement leur gardienne, les personnes qui prennent soin de leurs enfants ou pour couvrir d'autres situations dont, entre autres, effectivement, la situation de parents qui doivent faire garder à la maison parce qu'ils ont des horaires brisés, parce qu'ils travaillent de nuit, etc.

Cependant, je dois dire, Mme la Présidente, que j'ai l'intention que nous offrions, à l'intérieur de l'ensemble des services de garde aux enfants, éventuellement des services pour soutenir aussi ces parents qui ont des horaires de nuit, des horaires de fin de semaine. Ce sera un modèle adapté et propre à la réalité des besoins qui sont concernés. Alors, je trouve que le député de Jacques-Cartier devrait être très heureux finalement du fait que nous soyons attentifs à ce qui apparaît comme un souhait qui nous est exprimé et que nous retenons, parce qu'il correspond effectivement à une situation que vivent les parents.

(9 h 30)

Bon, maintenant, deuxième élément. Encore là, le député de Jacques-Cartier essaie, par ses propos et ses remarques, de mêler à peu près tout le monde et de faire croire que c'est un véritable fouillis. Ce n'est pas un fouillis, Mme la Présidente. Au contraire, nous avons planifié d'une façon réaliste, nous semble-t-il, et le développement de places, et l'implantation des centres à la petite enfance, et l'ouverture à de nouveaux types de services, de telle sorte que nous y arrivions progressivement. Parce que nous savons que les ressources disponibles ne nous permettraient pas de le faire tout d'un coup et en même temps. Donc, qu'est-ce que nous avons fait? Nous avons planifié l'implantation de l'ensemble de la politique familiale sur cinq ans. La première année, ce que nous faisons, nous définissons ce que seront des centres à la petite enfance et nous le faisons avec les intervenants du milieu. Il me semble que le député devrait nous féliciter, puisque, justement, on essaie de cheminer avec les gens qui seront impliqués dans les centres à la petite enfance. Qu'est-ce qu'ils seront ces centres? Actuellement, il y a des agences de garde en milieu familial, il y a des services de garderie, il y a des garderies et ce sont ces institutions qui se transformeront progressivement pour devenir des centres à la petite enfance. Remarquez que ce que je vous dis là, je l'ai dit pendant quatre heures et demie au député de Jacques-Cartier lundi, mais je le répète quand même. Ils se transformeront pour devenir des centres à la petite enfance. Et nous associons les gens du milieu de telle sorte qu'on puisse arriver à ce qui répondra le mieux possible aux besoins des familles et des enfants. Ça, c'est un.

Deuxièmement, sur le nombre de places, nous avons prévu, année après année, sur une période de cinq ans, développer des places qui seront accessibles à un coût raisonnable de 5 $ par jour, ce qui évidemment, est très peu compte tenu de ce que cela coûte pour utiliser les services de garde. Donc, nous avons prévu un développement sur cinq ans de places à 5 $. Nous commençons, la première année, par les enfants de quatre ans et nous ne réduisons pas pour autant le rythme de développement des places pour les enfants de trois ans, deux ans, un an. Par ailleurs, nous continuons à développer ces places-là, mais effectivement ces places continueront de coûter les sommes qu'elles coûtent maintenant, d'être accessibles aux coûts où elles le sont maintenant avec la formule d'aide aux parents, soit d'exonération ou le crédit d'impôt remboursable. Et, d'une année à l'autre, nous allons, comme ça, réussir à combler les besoins exprimés par les parents en garde éducative parce qu'il y a de la qualité aussi dans nos services, et non seulement il y en a, mais il y en aura encore davantage dans le cadre et le développement des centres à la petite enfance.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme la ministre. Maintenant, le député de Taschereau.


M. André Gaulin

M. Gaulin: Oui, Mme la Présidente. Je voudrais essayer peut-être de faire un bref portrait des familles québécoises pour aider celles et ceux qui nous écoutent à mieux comprendre le sens de cette interpellation. Vous le savez fort bien, Mme la Présidente, que nous sommes bousculés en ces jours d'aujourd'hui plus que jamais. Nous sommes à un tournant de millénaire. Les conditions historiques ont beaucoup changé de votre enfance à aujourd'hui ou de mon enfance à aujourd'hui. Je sais que vous avez un âge plus frais que le mien, mais les choses ont beaucoup changé. Je pense que c'est important de le comprendre et de voir qu'on ne peut pas constamment faire peur aux gens parce que le changement fait peur aussi. On aime mieux vivre dans ses habitudes. Et, moi, depuis deux ans et demi que je suis dans cette Assemblée, ce qui m'étonne, c'est toujours cette espèce de procrastination que les libéraux encouragent, c'est-à-dire la remise à demain. On nous dit toujours qu'on va trop vite. Sur toutes les lois que nous avons apportées ici, on nous a toujours dit: Vous allez trop vite, vous ne donnez pas assez d'argent. Et ça a donné finalement la dette que nous avons trouvée quand nous sommes arrivés ici au pouvoir, et en particulier la dernière année, quelque chose qui approchait du 6 000 000 000 $ de dépenses en trop sur les revenus de l'État québécois. C'est comme si les gens d'en face, les libéraux avaient eu comme devise: Pourquoi faire aujourd'hui ce qu'on peut faire demain. Alors que, nous, notre politique à nous, ç'a été de dire: Pourquoi faire demain ce que nous devons faire aujourd'hui.

Parce que, finalement, le fouillis qu'évoquait la ministre, nous l'avons trouvé en arrivant ici. Le chaos budgétaire, nous l'avons trouvé en arrivant ici. La condition de l'enfance, la condition qui est faite à l'enfance, nous l'avons trouvée quand nous sommes arrivés ici. C'est bien sûr que ça serait un peu démagogue de dire que ça ne dépend que des libéraux. Ce n'est pas ça que je dis. Je veux dire qu'il y avait une situation de fait et que nous devons en prendre note, nous devons la prendre en compte. La condition des familles monoparentales, nous l'avons trouvée quand nous sommes arrivés ici et nous avons pris acte du fait que ces familles monoparentales sont des familles qui vivent très souvent dans la pauvreté. Et, pour nous, c'est inadmissible. Et c'est dans ce sens-là parce que eux nous disent: Vous coupez. Nous, nous disons: Nous voulons changer la condition de richesse des gens. Nous savons qu'il y a beaucoup d'enfants au Québec qui sont pauvres, et ça, c'est inadmissible. C'est dans ce sens-là que nous restons des sociaux-démocrates. Alors, je pense que c'est très important.

En 1995, Mme la Présidente, le Québec comptait 960 000 familles où vivaient plus de 1 600 000 enfants. Quelque 85 % de ces familles comptaient un ou deux enfants, ce qui représente 815 000 familles de un ou deux enfants. Moi, ma famille, c'étaient huit enfants; la famille de ma mère, c'étaient 12 enfants; la famille de mon père, c'était autant. Alors, les conditions, vraiment, ont changé. Nous vivons dans des nouvelles conditions, la société a muté. Il y a 27 % seulement des enfants qui vivent dans une famille de trois enfants et plus, ce qui représente environ 145 000 familles. Alors, je pense qu'il faut tenir compte de toutes ces choses-là. Il s'agit là, donc, d'une réduction sensible de la taille des familles québécoises, et c'est avec ça qu'il faut vivre. Par ailleurs, le nombre de familles monoparentales a augmenté au Québec depuis 35 ans et totalise maintenant 20 % de l'ensemble des familles. Ça représente 192 familles. De même, les familles recomposées – parce que, ça aussi, c'est une nouvelle réalité – les enfants de deux pères ou les enfants de deux mères, ça représente 96 000 familles.

Alors, tout ça pour dire, puisque mon temps est à peu près échu, que les changements dans la structure et la composition des familles entraînent de nouveaux besoins, et c'est à ça que l'on veut répondre par la politique que l'on a pour la petite enfance. Je m'arrête là, Mme la Présidente, malheureusement.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député. Maintenant, M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, Mme la Présidente. Juste une parenthèse. Le député de Taschereau doit reconnaître que, des fois, c'est une bonne idée d'écouter l'opposition et, si le gouvernement avait entendu l'opposition, peut-être qu'il y aurait 9 000 femmes de moins en attente pour une pension alimentaire. Parce que l'opposition a dit que ce n'était pas une bonne idée de mettre les bons payeurs avec les mauvais payeurs, on va déborder le système. Le gouvernement a dit: Non, non, on va aller vite, on va tout faire. Le même discours que le député de Taschereau. Le résultat, aujourd'hui: 9 000 femmes en attente parce que le système est débordé. Juste une parenthèse pour dire que, des fois, l'opposition a raison.

Mais je veux revenir sur le thème de diluer la qualité des services de garde en faisant la réforme qui est devant nous maintenant. Une des choses pour assurer la qualité qui est longuement indiquée, c'est l'importance du ratio. Le nombre d'éducatrices par enfant, et tout ça, est très, très important. Nous avons appris dans l'étude des crédits lundi que le ratio pour les enfants de quatre ans dans le nouveau système, est-ce que ça va baisser? Non, non, au contraire; ça va passer de un à huit à un à 10. Alors, je comprends que la ministre est en expansion, mais il faut comprendre que cette décision, en premier lieu, va éliminer 500 emplois. Ils vont être redéployés autrement, mais, quand même, si on veut garder le ratio de un à huit, on aura besoin de 2 625 éducatrices et, si on met ça à un pour 10, ça va baisser à 2 100 éducatrices. Le calcul est facile à faire. Je comprends qu'il y aura un redéploiement, et tout ça, mais, quand même, la décision va faire économiser de l'emploi à l'intérieur du système. Mais, également, ça va devenir des classes plus grandes, ça va devenir des endroits où l'attention, le un à un qui est très important pour les petits moments de crise de nos tout-petits, il y aura moins de temps disponible parce qu'il y aura moins de temps pour faire ce genre d'intervention intime entre les éducatrices et nos petits. Alors, il faut reconnaître ça, c'est un des choix que la ministre a dû faire. Mais est-ce que c'est la même chose qui va arriver au moment où va regarder les trois ans l'année prochaine? Est-ce qu'on se dirige vers des ratios plus élevés entre enfants et éducatrice et est-ce que, ça, c'est un des calculs qui a été fait dans la réforme?

(9 h 40)

Il y avait également la possibilité que j'ai vue dans une lettre de l'Office des services de garde, au mois de mars, qu'on va dépasser le seuil maximal de 60 places dans des garderies. Alors, est-ce qu'on ouvre la porte aux garderies à 80 places, 90 places? Où est-ce qu'on s'en va avec tout ça? Je pense que le nombre de 60 a été choisi comme un lieu où c'est assez bruyant, quand même, une garderie à 60 places, mais on a décidé que ça, c'est un certain maximum, mais, quand je vois qu'on ouvre la porte maintenant, tranquillement pas vite, au dépassement, est-ce qu'on se dirige vers les garderies nettement plus grandes? Parce que je pense qu'encore une fois c'est quelque chose qui risque de nuire à la qualité des services offerts à nos enfants.

Moi, j'ai posé la question sur la formation, à la fois pour les garderies existantes. C'est une question sur laquelle on va revenir, les services de garde en milieu familial aussi, mais on a des besoins très, très importants pour assurer la formation. Il y a une demande de longue date qu'au lieu de garder notre ratio d'une éducatrice sur trois pour les exigences de la formation on prévoie peut-être une sur deux ou deux sur trois, ou au moins commencer. Je comprends qu'on ne peut pas faire ça abruptement, parce qu'il faut laisser le temps pour les personnes dans le système de se qualifier, et tout ça, mais je pense qu'on y a tout intérêt, parce qu'il y a un lien intime entre la qualité des services et la formation. Encore une fois, la ministre n'a donné aucune réponse.

Finalement, une autre chose, et les deux gouvernements ont convenu qu'il y avait un problème quant au salaire payé à nos éducatrices, et c'est évidemment lié à la formation. Si on devient plus exigeant quant à la formation requise pour travailler avec nos tout-petits, il faut être prêt à reconnaître ça avec les salaires. Encore une fois, c'est une question qui demeure sans réponse; j'ai posé ça lundi. Mais vu que, dans la réforme, l'État va devenir le principal bâilleur de fonds dans nos services de garde, c'est quoi les provisions, c'est quoi la pensée de la ministre quant aux bonifications des conditions de travail, y compris les salaires des éducatrices dans les garderies? C'est une question qui n'avait pas de réponse. Alors, s'il y avait eu des réponses lundi, peut-être que nous ne serions pas ici aujourd'hui, mais le fait demeure que j'ai posé la question: Quand la ministre entend-elle améliorer la qualité des services? Et la seule réponse que j'ai reçue: elle va augmenter le ratio éducatrice-enfants de un à huit à un à 10, et c'est une drôle de façon de bonifier la qualité des services. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Maintenant, Mme la ministre, s'il vous plaît.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Le député de Jacques-Cartier dit que c'est une demande de longue date pour la formation dans les garderies. Ça fait seulement deux ans et demi que nous sommes au gouvernement, Mme la Présidente, et disons que le gouvernement qui nous a précédés n'avait rien fait, puisque c'est nous qui, au moment où a adopté la Loi sur les services de garde, avons exigé qu'il y ait un ratio, effectivement, de gens formés dans les milieux de garde de un à trois, c'est-à-dire que, sur trois personnes qui travaillent dans les services de garde, l'une de celles-là doit être formée soit en technique de service de garde ou une autre formation en sciences humaines qui lui permet de bien comprendre le comportement d'un enfant, d'être capable d'accompagner le développement d'un enfant et d'appliquer des programmes éducatifs dans les services de garde. Alors, sur ça, on n'a pas vraiment de leçons à recevoir de l'opposition, Mme la Présidente.

Je vais revenir maintenant sur nos intentions et sur la question des emplois. Commençons par cette question des emplois. Encore là, le député de Jacques-Cartier, Mme la Présidente, sème des craintes, sème la peur dans les milieux de garde en disant: Il va disparaître 300 emplois. Il sait très bien qu'il ne disparaîtra pas 300 emplois; il va s'en créer 600, Mme la Présidente, parce que nous augmentons le nombre de places dans les milieux de garde et, en plus, nous offrons un service éducatif aux enfants de cinq ans à plein temps – il s'agit de la maternelle – et nous offrirons des services éducatifs aux quatre ans dans les milieux qui vivent des difficultés, dans les milieux de pauvreté. Alors, justement, le premier ministre émettait un communiqué cette semaine. Alors, ça va me faire plaisir d'en citer un extrait: «La politique familiale: 4 000 emplois en 1997-1998. La mise en oeuvre de la politique familiale donne lieu à des investissements publics qui ont des effets tangibles sur l'emploi. Dans le secteur de l'éducation, 2 450 emplois à temps plein seront créés cette année, soit dans les maternelles, et plus de 600 emplois additionnels qui découleront de la réalisation des travaux de construction, parce que nous devons agrandir, transformer, construire, de l'ordre de 110 000 000 $. Mille emplois additionnels vont être créés dans la foulée de la mise en oeuvre des autres volets de la politique familiale, soit l'extension du réseau de garderies qui équivaut à la création de 660 postes d'éducateurs ou d'éducatrices et de 310 postes dans la gestion des services de garde et de la prestation unifiée pour enfants de même que l'assurance parentale, Mme la Présidente.

Alors, quand le député de Jacques-Cartier est en train de dire aux gens qu'il y a des places qui vont disparaître parce qu'on a modifié un ratio, il trompe la population, Mme la Présidente, et il le sait. Donc, voilà pour cette question des emplois.

Revenons maintenant à la qualité des services qui sont offerts...

M. Kelley: Question de règlement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Je pense qu'on ne peut pas dire que j'ai l'intention ou me prêter l'intention de tromper la population, au contraire, avec le peu de renseignements disponibles, j'essaie de mieux comprendre la réforme. Je n'ai aucunement l'intention de tromper la population et je demande à la ministre de retirer ses paroles.

Mme Marois: Je suis prête, Mme la Présidente, à accepter que le député de Jacques-Cartier ne veuille pas tromper la population. Cependant, je l'inviterais à lire les communiqués que nous émettons et que le premier ministre émet sur les questions d'emplois. Ça nous aiderait à mieux saisir la situation.

La Présidente (Mme Charest): Ceci étant dit, je pense que ça va. Mme la ministre, si vous voulez bien terminer votre intervention.

Mme Marois: Bien sûr, Mme la Présidente. Juste un petit chiffre intéressant pour ce qui est de la qualité des services offerts dans les milieux de garde. Dans les garderies sans but lucratif, actuellement, deux tiers, c'est-à-dire deux éducatrices sur trois permanentes – des éducatrices qui sont en permanence dans les garderies – ont une formation reconnue. Donc, on peut parler, je pense, de la qualité et d'une amélioration déjà du ratio.

Dans les garderies à but lucratif, cette proportion est un peu différente. C'est une personne sur deux. C'est quand même bien. Il faut le remarquer. D'autre part, vous savez que nous avons, à l'Office des services de garde, bâti des programmes éducatifs, des programmes de soutien pour permettre aux milieux de garde d'avoir accès à des outils pour mieux servir les enfants, pour mieux répondre aux besoins des enfants.

D'ailleurs, je vous dis, dès ce moment-ci, Mme la Présidente, que nous allons même procéder à la mise en place d'un programme-cadre éducatif et qui sera rendu obligatoire. Nous avons l'intention de le faire par voie réglementaire. Le député de Jacques-Cartier aura l'occasion, d'ailleurs, de discuter de ces questions éventuellement, puisque nous viendrons avec une loi et un règlement-cadre qui nous permettra de reconnaître cela.

Nous avons aussi l'intention de proposer un règlement concernant les postes de gestionnaires dans les services de garde de telle sorte qu'on puisse avoir une approche qui soit bien gérée de tous ces services que nous voulons rendre aux enfants et aux familles, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme la ministre. Maintenant, M. le député de Taschereau.


M. André Gaulin

M. Gaulin: Merci, Mme la Présidente. Je vais reprendre un petit peu ce que j'étais en train de dire pour toujours aider les gens qui nous écoutent à mieux comprendre les paramètres dans lesquels se situe ce que veut faire le gouvernement.

Donc, on a vu que le rôle de la famille traditionnelle avait changé. On comprend fort bien que la mère d'autrefois, avec le nombre d'enfants qu'elle avait, toute sa tâche c'était de se consacrer à sa famille précisément, alors qu'aujourd'hui la mère doit aller travailler.

(9 h 50)

On comprend bien, par exemple, le monologue d'Yvon Deschamps qui disait: Ma mère, elle ne travaille pas, elle a trop d'ouvrage. Alors, c'est un petit peu la condition de la mère dans la famille ancienne ce qui n'est plus le cas maintenant de sorte que, en particulier, dans une situation de monoparentalité, la garde éducative destinée à assurer le bien-être des enfants répond à des besoins très précis comme, par exemple, de pallier à l'insuffisance des ressources éducatives pour ces familles-là, de favoriser l'insertion socioprofessionnelle des enfants et aussi d'accorder un répit aux parents. On pourrait ajouter aussi tout le facteur du fait de sociabiliser l'enfant. On sait fort bien, vous comme moi, Mme la Présidente, que le passage du monde de la famille au monde tout court a été quelque chose qui était comme une épreuve. Il y avait la famille immédiate; il y avait la parenté; il y avait la grande parenté; il y avait la rue ou le village; puis après, bien, c'était les étrangers. On sait que les nouvelles solidarités sont différentes et qu'on les a développées différemment.

Aujourd'hui, on doit donc, en particulier, concilier le travail et la famille. En particulier, les rôles du père et de la mère, dans les familles biparentales, ont complètement changés. Ce n'est pas la mère qui fait nécessairement la vaisselle pendant que le père lit son journal en fumant sa pipe. On sait que les rôles ont beaucoup changé. Et c'est dans ce sens-là qu'il y a la politique du gouvernement. Le rôle des parents est donc différent.

On sait que la famille est apparue comme le système le plus efficace et le plus économique pour favoriser et soutenir le développement de l'enfant. La participation active de la famille d'un enfant a été identifiée comme l'élément critique du succès de tout programme d'intervention précoce au niveau de la petite enfance. Sans l'engagement de la famille, tout effet des interventions, au moins dans la sphère de connaissance, semble disparaître rapidement une fois que le programme est terminé. Il faut donc que la famille soit très impliquée. Inversement, l'engagement des parents, comme partenaires de l'entreprise, permet un cadre qui peut renforcer les effets des programmes qu'on met en cours durant leur déroulement et aussi aider à soutenir ces programmes quand ils sont terminés.

Dans les services de garde, la communication entre le personnel et les responsables d'un service de garde en milieu familial et les parents revêt donc une importance primordiale, car l'objectif du service de garde est d'agir en continuité avec ce qui se fait à la maison. Non seulement il n'y a pas une coupure, mais il y a une continuité, il y a un suivi, il y a une implication des parents, d'un milieu à l'autre. Les éducatrices et les parents se connaissent bien. Ils ou elles se fréquentent chaque jour, et même deux fois par jour, et discutent des progrès et des difficultés des enfants. Cette communication contribue à augmenter la compétence parentale et à diminuer l'isolement social de la famille – qui est très grand en particulier dans les familles monoparentales. Et on sait que souvent la famille monoparentale est constituée, à presque 80 %, par une femme et son enfant.

Comme nous l'avons déjà souligné, cette communication est à la base de l'organisation des services, car, dans les garderies sans but lucratif et les agences de services de garde en milieu familial, les parents participent au développement et à la gestion du service au sein des conseils d'administration dont ils font partie et où ils sont le plus souvent en majorité. La place privilégiée que les parents occupent, au sein des garderies, fait de ces organismes des milieux dynamiques qui ont su se prendre en charge malgré le contexte économique difficile.

Il existe peu d'exemples de cette nature qui incitent les parents à s'investir autant par rapport aux services qui seront dispensés à leurs enfants par d'autres personnes. Il s'agit donc, ce que nous faisons, d'un excellent exemple d'économie sociale que le gouvernement entend favoriser. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député. M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, Mme la Présidente. Juste pour revenir 30 secondes sur la question des emplois. Je lis les communiqués de presse. On m'a dit: En garderies, on va créer 2 500 places cette année. Je divise ça par huit, le ratio existant. On va créer plus ou moins 320 emplois. Je fais le calcul sur 21 000 places à quatre ans, à un ratio de un sur huit, ça me donne 2 625. Je refais mon calcul à un sur 10; ça me donne 2 100. C'est une différence de 525 emplois. Alors, je mets les deux ensemble et j'arrive à 200 emplois de moins en garderies.

Alors, ce n'est pas essayer de tromper la population. Et, si la ministre peut démontrer que mes calculs sont mauvais, je suis prêt à être corrigé. Mais ce sont les données dans ses propres communiqués de presse qui m'amènent à cette conclusion. Alors, c'est la façon. Je n'ai pas une armée de fonctionnaires qui travaillent avec moi. Mme Lavoie, qui est à côté de moi, m'aide, dans le meilleur de sa capacité, à m'éclairer; mais ça, ce sont les chiffres de vos communiqués, Mme la ministre. Et c'est de là que j'arrive à mes conclusions.

Je veux maintenant aller sur l'annonce de la ministre, qu'on a essayé de voir le calcul pour... Les parents vont payer environ 1 200 $ à 1 250 $, à 5,00 $ par jour fois 240 jours par année ou 250 jours par année; ils vont arriver à une participation, à quatre ans, de 1 250 $, mettons. La ministre a dit qu'elle va calculer le coût par place de quatre ans à environ 4 000 $. C'est dans les crédits de lundi. Mais on sait fort bien qu'au Québec les coûts pour une place en garderie varient entre 5 500 $ et 6 000 $. C'est basé sur un taux moyen de 22 $ par jour. Alors, c'est évident qu'il y a un manque à gagner. Si la ministre est prête à accorder les garderies, si le calcul est basé sur 4 000 $ et si les vrais coûts sont de 5 500 $ à 6 000 $, il y a un manque à gagner par place de l'ordre de 1 500 $ à 2 000 $. Encore une fois, j'insiste, Mme la Présidente, ça, ce sont les chiffres de la ministre lundi. Est-ce que le 5 $ est solide? Est-ce qu'on peut dire aux parents que ça va toujours rester 5 $ ou est-ce que le 5 $ de cette année va devenir 6 $, 7 $ ou 8 $ l'année prochaine? Parce qu'il y a un manque à gagner évident dans les propres chiffres de la ministre.

Deuxièmement, j'ai souri quand la ministre a parlé de la maternelle gratuite. Moi, j'ai cinq enfants dans les écoles publiques. Il n'y a rien qui est gratuit pour les parents dans nos écoles publiques. Elles fournissent un service excellent, j'en conviens, mais on a les taux d'activités, on a les frais pour les cahiers, ça n'arrête pas. Mon épouse et moi, au mois de septembre, on sort le carnet de chèques et on écrit des chèques à l'école pour toutes sortes d'affaires. Alors, c'est évident qu'il y aura des coûts. Mais est-ce que ça va devenir la même chose en garderie? Oui, c'est 5 $ par jour, mais il y aura un tarif pour des activités, il y aura un tarif pour les sorties, il y aura un tarif pour ça, ça et ça. Et, en bout de ligne, notre offre de garderie à 5 $ va coûter 7 $, 9 $ ou 11 $. On ne le sait pas. Mais c'est quelque chose dans les calculs mêmes de la ministre. De toute évidence, il n'y a pas assez d'argent. Parce qu'on ne peut pas, en subventionnant les places à 4 000 $ – ça, c'est le chiffre que la ministre a avancé lundi devant la commission des affaires sociales – ce n'est pas suffisant. Il y a un manque à gagner quelque part. Encore une fois, comment est-ce qu'on va arriver à combler la différence? Est-ce que ça va être, comme je l'ai suggéré tantôt, en continuant de diluer la qualité du service ou est-ce que ça va être des coûts cachés pour les parents, des coûts périphériques, des coûts pour les activités qui n'arrêteraient pas? Alors, le 5 $ va être symbolique en bout de ligne et ça va coûter nettement plus cher aux parents. Parce que, comme je l'ai dit, dans les chiffres de la ministre, le taux moyen pour une place dans une garderie c'est de l'ordre de 22 $ par jour. Elle est prête à donner 11 $ de subvention par jour, il y a 5 $ des parents, ce qui arrive à 16 $. De 16 $ à 22 $, il me manque 6 $ par enfant par jour. À travers le système, ça va créer un énorme trou. Alors, comment est-ce que la ministre va faire? Ça, c'est les chiffres dans ses communiqués de presse et dans ses déclarations. Je n'en ai pas d'autres.

Comme je l'ai dit, pour chercher des renseignements dans ce dossier, il faut faire ça goutte par goutte. Alors, si aujourd'hui je réussis à faire sortir une couple d'autres gouttes qui peuvent éclairer les personnes qui doivent diriger ces services de garde et les parents qui doivent payer les tarifs, ça va être une réussite. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député. Mme la ministre, s'il vous plaît.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Bon. Alors, Mme la Présidente, on va replacer tout ça correctement, n'est-ce pas? Évidemment, il n'y a sûrement pas de mauvaise foi dans les propos de notre collègue, mais peut-être quelques petites erreurs de calcul. D'abord, on va replacer la question des emplois. C'est évident que, si on ne regarde que les places quatre ans et qu'on fait le calcul comme il l'a fait, il arrive à la conclusion qu'il nous présente. Cependant, ce que le député de Jacques-Cartier sait, ce que j'ai déjà dit à la commission, ce que j'ai même redit ici ce matin, c'est que nous continuons à développer des places pour les enfants de zéro à un an, pour les enfants de un à deux ans, pour les enfants de deux à trois ans, pour les enfants de trois à quatre ans. Donc, nous continuons à développer ces places.

D'autre part, les places occupées actuellement par les enfants de cinq ans sont transformées en places quatre ans dans les milieux de garde parce que, dans les faits, nous offrirons la maternelle cinq ans aux enfants. Donc, en ce sens-là, ces calculs ne tiennent pas compte de l'ensemble de la situation et, donc, non seulement il ne se perdra pas d'emplois, mais il va s'en créer, Mme la Présidente.

(10 heures)

Qu'est-ce que vous voulez? On peut bien retourner ça sur tous les côtés et de toutes les façons, j'ai donné les chiffres en vitesse de croisière tout à l'heure pour ce qui est de la politique familiale, mais, cependant, pour ce qui est de la politique à la petite enfance, immédiatement, là, immédiatement, on parle pour l'année à venir de 2 450 emplois. Donc, il ne se perdra pas des emplois, il va se créer des emplois.

Maintenant, là encore, le député laisse croire que rien n'est clair, qu'on ne sait pas comment ça va se passer, comment ça va se calculer. C'est très clair, Mme la Présidente. Je vais redire ce que j'ai dit tout à l'heure. Il y aura des places disponibles et accessibles pour les enfants de quatre ans dans les milieux de garde à raison d'un coût de 5 $ par jour pour les parents. Et, dans la politique familiale, ce qui est prévu, c'est que l'État comble une partie de la différence, étant entendu qu'il y a aussi une participation de la communauté. Bon. Alors donc, c'est l'État qui assumera la différence de coût entre le 5 $ et ce que cela coûte réellement dans les milieux de garde. Nous avons offert aux garderies à but lucratif de discuter avec nous pour que l'on s'entende sur le fait qu'elle se transforme en garderies sans but lucratif, contrôlées par les parents et, au bout de cette transformation, que l'on puisse offrir, donc, et en cours de transformation, des places aux parents qui les fréquentent à raison de 5 $ par jour, mais si ces garderies décident, effectivement, de se transformer, Mme la Présidente.

Si elles ne veulent pas le faire ou elles ne trouvent pas les conditions que nous leur proposerons acceptables, elles pourront continuer, avec le permis qu'elles ont maintenant, à offrir des services de garde en garderie et ne pas devenir des centres à la petite enfance. Parce qu'il faut bien voir aussi que la transformation que nous proposons, c'est une transformation qui va mener ces services de garde vers la définition d'un tout nouveau concept. Et c'est pour ça qu'on ne peut pas avoir un système à deux vitesses, on se comprend bien. Cependant, les garderies à but lucratif qui voudraient continuer à opérer avec le statut qu'elles ont maintenant pourront le faire, compte tenu que les parents, eux, pourront continuer à obtenir le crédit d'impôt remboursable pour frais de garde. Ce qui fait qu'évidemment on ne les défavorisera pas parce que ça correspond, en fait, à peu près à ce qui sera versé ou reconnu pour le parent qui, lui, utilisera la place à 5 $.

Alors, il me semble que c'est très simple. Et, en plus, le député sait combien cela coûtera au total, puisqu'au discours du budget cela était indiqué au net pour le gouvernement et il sait aussi – parce qu'il connaît bien nos règles à l'Assemblée nationale, Mme la Présidente – que ce budget sera ventilé et présenté lors d'une séance ici, à l'Assemblée, que nous aurons l'occasion d'en débattre et d'en discuter. Mais qu'est-ce que ça fait comme différence pour une garderie actuellement qu'elle sache que le budget vient de tel élément à l'ensemble des crédits ou de telle autre et que ce soit une réduction d'une allocation là et une augmentation d'une allocation là-bas? Actuellement, les parents, ce qu'ils veulent savoir, c'est: Je pourrai aller et utiliser les services de garde à 5 $ pour mon enfant de quatre ans? Je dis oui. En milieu familial ou en milieu de garde? Je dis oui, Mme la Présidente. Est-ce que, pour les autres enfants, ce sera le cas – je sais, vous me dites que mon temps est terminé? Oui, mais plus dans un temps plus lointain, selon une planification que nous avons annoncé. Et ensuite on discutera ici des budgets pour que le citoyen, lui, sache, effectivement, à quoi servent les sommes qu'il nous confie comme gouvernement.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme la ministre. Maintenant, Mme la députée de Marie-Victorin.


Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, oui, effectivement, j'aimerais revenir sur ce concept des centres à la petite enfance. J'ai l'impression ce matin, en fait, que le député de Jacques-Cartier, sa première préoccupation n'est pas de comprendre le système, mais, bien au contraire, de jouer à faire peur et, en fait, cette interpellation aurait pu s'appeler ce matin «On joue à se faire peur».

Je trouve ça malheureux, parce qu'ils ont été tellement longtemps au pouvoir, neuf ans au pouvoir, et ils avaient l'occasion de remettre de l'ordre dans le système des garderies, et leur seule préoccupation a été d'augmenter le nombre de places et non pas la qualité. Et je crois que, depuis ce matin, on a beaucoup entendu parler le député au niveau de la qualité des services offerts. Notamment, je reviens sur ces centres à la petite enfance, c'est un des objectifs premiers. En fait, on ne le prend pas juste sur le volet garderie mais sur un plus grand aspect, dans le fond. C'est une nouvelle approche, c'est d'apporter des outils pédagogiques autant pour le parent que pour l'enfant, pour servir, justement, et donner les meilleures chances de réussite à un enfant dans son développement. Je pense que c'est un objectif louable et vous devriez vous réjouir d'une telle approche parce que, dans le fond, tout ça s'imbrique dans une politique familiale, mais aussi dans un nouveau concept du volet éducatif qui se poursuit au niveau au niveau scolaire, parce qu'on est en train de faire une réforme scolaire. Et très souvent, dans le fond, on donnait beaucoup au niveau de la maternelle, de la pré-maternelle, mais, quand on arrivait finalement à la première année, ça n'allait pas et ça faisait du décrochage scolaire. Donc, notre objectif, c'est de donner les meilleurs chances de réussite le plus tôt possible à un enfant dans son développement psychomoteur. Et c'est ça l'objectif des centres de la petite enfance. Quand on dit que les centre de la petite enfance, leur première préoccupation, c'est de répondre à des besoins de garde diversifiés, ça peut être autant, vous savez, dans un milieu donné, il peut y avoir des enfants qui ont des difficultés d'apprentissage psychomoteurs, ça peut être autre chose, et on va aider les enfants dans leurs besoins mais aussi on va aider les parents. Et, en ce sens-là, Mme la Présidente, bien sûr que, pour faire ce travail éducatif autant auprès des enfants que des parents, on va avoir besoin de gens spécialisés. Ça va créer de l'emploi dans ces centres de la petite enfance pour donner une qualité de services.

Deuxièmement, les services de garde, c'est plus que de la garde. Ça, c'est un ancien concept, en fait, quand on disait: On va porter nos enfants à la garderie. On est satisfait. C'est sécure. On sait qu'ils vont bien s'occuper de nos enfants. Et ça s'arrêtait là. Mais vous savez très bien qu'on vit dans une société tellement moderne, on vit même dans une société virtuelle, donc il faut favoriser le développement de nos enfants très rapidement. On appelle ça, en fait, la stimulation précoce. Et, dans le fond, on a besoin de donner à nos enfants un plus. Quand on parle d'affaires, souvent les gens d'affaires ont cette valeur rajoutée, qu'on dit toujours. Mais pourquoi pas, à nos enfants, leur donner une chance en plus, c'est-à-dire très petits, leur donner ce volet éducatif? C'est un autre objectif, en fait, des centres de la petite enfance.

Et aussi on ne veut pas commencer à deux ans, trois ans, quatre ans. Dès la naissance, de zéro à quatre ans, ces centres de la petite enfance vont répondre aux besoins, en fait, des parents. Les enfants, quand ils sont tout petits, vous savez, il y a différentes façons aussi. Ce n'est pas juste de les mettre dans un berceau, mais aussi il faut s'en occuper. Et c'est important d'avoir des gens qui ont une formation particulière pour s'occuper de ce genre d'enfants là. Et ça sera adapté en fonction de l'âge et du temps que l'enfant va passer dans ces centres de la petite enfance là. Et surtout, dans le fond, c'est qu'on permet aux parents de toujours être responsables des orientations pédagogiques à l'intérieur d'un centre de la petite enfance, répondre à leurs besoins et à leur préoccupation et s'ajuster en conséquence. Tout ça, à partir du mois de septembre 1997 pour les enfants de quatre ans. Mais, moi, je pense qu'on est sur la bonne voie et c'est là-dessus, quand on parle de vraiment faire des changements majeurs et significatifs dans notre société, il faut commencer en quelque part, il faut toujours une première fois et nous n'avons pas peur de nous engager dans cette voie-là parce que c'est la voie de l'avenir, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme la députée. Maintenant, M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Oui, juste une parenthèse pour la députée de Marie-Victorin, de peut-être regarder Une enfance à préserver, réflexion sur les dangers de la scolarisation précoce qui a été émise par la Concertation interrégionale des garderies du Québec. «Dangers», je trouve ça un petit peu fort, je pense que tout le monde peut en convenir. Mais quand même je pense qu'il y a un autre phénomène. Comme parent, je suis très conscient des parents qui attendent que leur enfant à 18 mois soit capable de lire Voltaire. Il ne faut pas exagérer non plus. Je pense qu'il faut laisser à nos enfants le temps d'être enfant aussi. Je pense que, au contraire, trop souvent nos parents ont une préoccupation exagérée quant à l'éducation précoce, et tout ça. Il faut laisser le temps à nos enfants. On a énormément d'attentes au niveau de l'éducation primaire, secondaire, collégiale, universitaire. On dit maintenant qu'un diplôme ce n'est pas suffisant, il faut aller faire un doctorat, et tout ça. Une minute là. Au nom de nos enfants, 30 secondes. Voltaire à deux ans! Il peut attendre au moins à quatre ans avant de commencer à lire Candide .

(10 h 10)

Pour revenir à notre sujet, ça m'étonne d'entendre le député de Taschereau parler de l'élément de la tradition sociale-démocrate, parce qu'une des choses qui me surprend dans toute l'offre des garderies à 5 $, c'est complètement aveugle aux revenus des familles. Dans une période où il y a très peu de ressources et quand tous les experts ont dit: Les enfants qui ont le plus besoin des services de garde, ce n'est pas tous les enfants au Québec, c'est les personnes en milieu défavorisé, c'est les personnes de famille éclatée... Alors, soit le Dr Richard Tremblay à l'Université de Montréal, soit Camil Bouchard dans ses études, le besoin numéro un, la priorité pour la société québécoise avant tout, c'est de fournir des services de garde de qualité en milieu défavorisé. Et, si on n'avait pas les moyens de faire ça à tout le monde, s'il n'y avait que 21 000 places subventionnées au mois de septembre de cette année, notre priorité doit être de fournir ça aux personnes à faibles revenus.

Mais la réforme qui est devant nous, Mme la Présidente, c'est le contraire. C'est «first come, first served», j'imagine; on ne sait pas trop, trop qui aura accès à ces places. Et, dans l'étude qui était présentée devant cette commission par le professeur Ruth Rose, et je pense que c'est charmant la façon dont on parle de son cas type, une Mélanie, une femme monoparentale qui gagne 12 000 $ par année, avec deux enfants préscolaires, elle a fait un calcul que cette femme va perdre 1 900 $ avec la réforme. Alors, une femme riche monoparentale, à 12 000 $ par année, va être pénalisée par la réforme de 1 900 $. C'est étonnant!

Et, comme j'ai dit, le système que nous avons mis en place avec les frais de garde remboursables sur les impôts selon les revenus de la famille. Alors, une famille en bas de l'échelle reçoit 75 % de remboursement pour les frais de garde; une famille, quand on arrive à la famille moyenne, environ 50 000 $ par année, cette déduction tombe à 26,4 %. Alors, c'était en fonction de l'argent disponible à la famille que l'État venait en aide à la famille. Mais, dans le système actuel, une famille qui gagne 15 000 $ doit payer 5 $ par jour, une famille qui gagne 75 000 $ par année doit payer 5 $ par jour. Et on peut référer au tableau qui est dans le livre blanc, il y a une nette économie pour les familles les plus riches de notre société avec la réforme. Alors, ça m'étonne que le député de Taschereau salue ses racines sociales-démocrates, et tout ça.

Moi, je pense que l'ancien système libéral était beaucoup plus conscient de la différence des revenus des familles. Alors, nous avons mis quelque chose en place progressivement. On vient en aide à toutes les familles québécoises, mais, pour la famille à 75 000 $, on donne moins d'aide qu'à la famille à 20 000 $. Ça, c'était le principe que nous avions mis en place. Maintenant, tout le monde paie la même chose.

Et, comme je dis, si le nombre de places disponibles pour le mois de septembre est limité à 21 000 places, moi, je dirais: Peut-être qu'il faut viser les endroits où les besoins sont les plus criants. Parce que, comme le Dr Camil Bouchard l'a dit dans La Presse récemment, c'est surtout pour les enfants des familles défavorisées qu'il faut aller de l'avant et fournir des services de garde de qualité. Ce doit être eux autres la clientèle cible qu'il faut avoir pour faire avancer la réforme. Mais qu'est-ce qu'on va faire? On va attribuer d'une façon aveugle les 21 000 places sans répondre aux besoins de la clientèle qu'il faut cibler.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député. Mme la ministre, s'il vous plaît.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Je pense que je vais devoir reprendre l'intervention du début, pour qu'on se comprenne bien, pour qu'on mette en lumière ce que l'on fait dans la politique familiale. Effectivement, nous allons demander – et je l'ai dit dans mon intervention – nous demandons aux familles à plus hauts revenus de renoncer, finalement, à certaines allocations, ces allocations étant transformées en services directs aux enfants et prioritairement aux enfants pauvres, aux enfants en milieu défavorisé. Parce qu'il n'y a pas qu'un volet à la politique familiale – et c'est ça qui fait son intérêt, à mon point de vue – il y a un ensemble de mesures dont, effectivement, une allocation nouvelle, une allocation familiale plus importante pour les familles à bas revenus, et non seulement une allocation plus importante pour les familles à bas revenus, mais la même allocation, que l'enfant soit dans une famille d'une personne qui est à la sécurité du revenu ou que l'enfant soit dans une famille dont le revenu des parents ou du parent est très bas ou moyennement bas. Et je ne disconviens pas avec le député – je le lui ai dit, d'ailleurs, à quelques reprises – qu'effectivement, si nous avions plus d'argent à investir dans la politique familiale, je crois que nous devrions repousser le seuil où l'allocation commencera à diminuer, parce que ces seuils sont bas, actuellement, je suis très consciente de cela. Mais on a essayé de ne pas alourdir le poids sur les contribuables, le poids de la taxe aux contribuables, de telle sorte qu'on puisse, à même les ressources existantes, dégager des priorités et aller à l'essentiel.

Alors, l'ensemble de la politique, elle ne comprend pas qu'une mesure; c'est un ensemble de mesures, c'est une politique globale. Donc, c'est une allocation qui fait qu'on enlève, oui, aux gens à hauts revenus ou à moyens et hauts revenus, c'est-à-dire qu'on modifie les allocations, mais, en contrepartie, on donne accès à des services, à des services de qualité. Et là il fallait retrouver aussi l'équité entre les familles. Alors, oui, ces services seront accessibles pour les familles à moyens, bas et hauts revenus au même coût, comme l'école est accessible, d'ailleurs, de la même façon. C'est vrai qu'il y a un coût pour nous, comme parents, qui envoyons nos enfants à l'école publique, tout n'est pas gratuit. Je suis comme le député de Jacques-Cartier, mes quatre enfants fréquentent aussi l'école publique et il faut que je paie aussi les cahiers, il faut que je paie les crayons et il faut que je paie un certain nombre de frais. Et, idéalement, ça ne devrait pas être le cas, certains frais ne devraient pas être assumés, mais nous sommes dans un contexte exigeant au plan budgétaire, et, lorsque des ressources se dégageront, ce sont des choses auxquelles il faudra accorder une attention toute particulière. Je suis d'accord avec lui là-dessus, et il le sait ou son collègue de Marquette le sait parce que nous en avons déjà débattu ensemble.

Maintenant, revenons à la politique familiale. C'est donc une allocation qui, elle, justement, reconnaît les besoins d'un enfant dans une famille pauvre. Et, d'autre part, ce n'est pas vrai non plus que nous agissons de façon aveugle quant à l'allocation de services éducatifs à la petite enfance. Ceux-ci seront complètement gratuits pour 23 heures et demie semaine à quatre ans pour les enfants qui vivent dans des familles pauvres, et cela sera dit très clairement, précisé et réaffirmé. Donc, nous suivons les recommandations, en ce sens, que nous a faites le rapport Bouchard, et c'est là qu'à mon point de vue apparaît cette vision que nous avons, nous, ici, ce parti qui forme le gouvernement, d'une équité entre les familles, de plus de justice à l'égard des enfants, une vision que nous continuons de croire être sociale-démocrate. C'est un partage, une plus grande solidarité entre les contribuables, entre les familles pour diriger vers les familles plus pauvres, mais pour faire en sorte que l'ensemble des familles, cependant, aient aussi accès à des services.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme la ministre. Maintenant, c'est Mme la députée de Marie-Victorin.


Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Oui, Mme la Présidente, je vous remercie bien. Alors, j'aimerais revenir sur les centres de la petite enfance, parce qu'en fait c'est au coeur même de notre réforme dans le milieu des garderies. Alors, ces centres de la petite enfance seront des corporations sans but lucratif dont les conseils d'administration... Et ça a toujours été, en fait, l'objectif, c'est de permettre aux parents de toujours être responsables de l'éducation de leurs enfants et de pouvoir intervenir dans l'éducation et dans les orientations de l'éducation de leurs enfants.

(10 h 20)

Le député de Jacques-Cartier, quand on parle de volet éducatif ou de pédagogie au niveau de la petite enfance, ça lui fait peur parce qu'il a l'impression qu'on veut que nos enfants lisent Voltaire quand ils sont des tout-petits. Je pense qu'on peut permettre à des enfants d'apprendre des choses tout en s'amusant, et c'est ça, en fait, le défi des centres de la petite enfance; c'est de permettre à des enfants de développer leur potentiel dans une atmosphère adaptée à eux, pour eux, et les favoriser aussi dans leur développement psychomoteur. Et vous savez, du dépistage précoce, c'est important, et c'est à ces endroits-là qu'on pourra favoriser, dans le fond, ces enfants si jamais ils ont un problème, que ce soit dans leur développement moteur, psychologique, affectif. On pourra vraiment intervenir beaucoup plus rapidement que si on laisse ces enfants-là sans intervention et sans adaptation à leurs besoins.

Mais ce qui est intéressant aussi, c'est qu'on veut permettre justement, par ces centres de petite enfance là, la collaboration des milieux par les services diversifiés qu'on veut intégrer à ces centres de petite enfance là. Donc, il y aura possibilité d'entente avec des gens du milieu pour permettre d'offrir de plus grands services à ces centres de petite enfance là. Et ça, j'aime ça parce que, établir des partenariats avec le milieu, c'est souhaitable parce que tout le monde se sent impliqué dans l'éducation de nos enfants. Nous sommes tous responsables de ces enfants-là et c'est vraiment un objectif important pour une société.

Je me souviens que Camille Bouchard disait: Si nous voulons des enfants, nous devons nous sentir responsables de ces enfants. Et je crois que c'est un des objectifs que nous allons atteindre par ce volet-là. Ce n'est pas hermétique. Ça ne sera pas fermé sur lui-même ce centre de la petite enfance là, mais, bien au contraire, c'est ouvert dans son environnement, c'est ouvert avec le milieu pour aller chercher justement les services dont ils vont avoir besoin pour favoriser davantage ce volet psychoéducatif très important, en fait, dans le développement d'un enfant.

Et ce n'est pas juste pour l'enfant lui-même, mais aussi, on l'a dit à maintes reprises, ça s'intègre dans une politique familiale. Donc, ça va aider le parent aussi et, en aidant le parent, on aide l'enfant évidemment, c'est un cercle vicieux ça. Il y a une famille, il y a une cellule, c'est un cercle. Alors, la famille n'est pas le cercle vicieux, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vermette: ...dans le fond, c'est l'approche, ça tourne, en fait, d'une façon centrifuge, hein! Et ce qui est important aussi, il faut le dire, dans les endroits où il y a une faible densité, ils pourront s'adapter. La taille s'adaptera en fonction, en fait, de la densité d'un endroit donné. Donc, on permet beaucoup de flexibilité avec ces centres de petite enfance là. On veut qu'il s'adapte à son milieu, dans son environnement, et je crois qu'on tient compte de tous les différents paramètres qui peuvent être dans un milieu donné pour favoriser toujours l'objectif, l'enfant, favoriser l'enfant sous toutes ses facettes.

À notre avis, c'est un Québec gagnant qu'on veut construire. C'est un Québec où on va permettre justement qu'on aura des enfants heureux, des enfants développés, épanouis et qui pourront suivre le rythme des sociétés modernes aussi en même temps. Parce que, vous savez, ce n'est pas tout le monde qui a la chance de pouvoir aussi avoir accès à certains aspects d'un développement dans une société, mais on veut donner une chance à tous.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme la députée. M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Alors, la députée de Marie-Victorin comprend mon argument qu'il faut cibler les clientèles qui ont besoin de ces services.

Je veux revenir sur une autre question. Six mois après l'annonce, il y a un important réseau de garderies, il y a 20 500 place par jour, 20 500 enfants qui sont dans des garderies à but lucratif. Quatre mille emplois, c'est 427 entrepreneurs où c'est souvent les femmes qui ont décidé de, à la fois, marier leur engagement envers leurs enfants et le message reçu des gouvernements de créer leur propre emploi. Alors, elles se disent: Je vais me lancer dans une entreprise, je vais travailler avec les enfants.

Il faut rappeler aux membres de la commission que c'est un travail exigeant. C'est un travail qui commence tôt le matin et qui se termine tard le soir, avant 7 heures le matin jusqu'à 18 heures, 18 h 30 le soir. Alors, ce n'est pas facile, mais c'est quelque chose que, par leur engagement, et tout ça, elles aimeraient travailler avec les enfants.

J'ai posé, encore une fois lundi, sans réponse, la question: Comment la ministre entend transformer... Parce qu'il y a tout un débat: Est-ce qu'il faut transformer ou non? J'ai compris que la tête de la ministre était faite: elle est intransigeante, il faut les transformer, mais sans donner la moindre indication à ces groupes sur c'est quoi la transformation. Comment est-ce qu'on va gérer le transfert d'actif? Comment est-ce qu'on va gérer le transfert des équipements? Est-ce que les propriétaires peuvent rester impliqués dans leurs garderies? Alors, elle a donné certaines pistes de réponses sur cette dernière question lundi mais, dans l'ensemble, ils n'ont pas la moindre idée c'est quoi une transformation. Mais la ministre demande qu'avant le 1er septembre ils s'engagent dans cette transformation. C'est comme signer un chèque en blanc, Mme la Présidente, parce que c'est de dire: Votre entreprise, à votre édifice... Parce que souvent ce sont des édifices dédiés à un objectif, c'est-à-dire une garderie, ce n'est pas un édifice qu'on peut transformer, demain matin, en un dépanneur ou un club vidéo, ou quelque chose comme ça; c'est une garderie, avec toutes les exigences qu'on a mis dans nos lois pour respecter la notion du mot «garderie».

Alors, comment est-ce qu'on va respecter le travail, l'investissement et ce que ces personnes ont dit au nom de... Comme j'ai dit, 40 %, presque, de notre réseau existant, ce sont des places en garderies à but lucratif. Alors, il faut aller de l'avant. Si la ministre parle de la création de places, on ne peut pas faire ça en commençant par fermer 20 000 places. C'est un recul! Parce qu'il y a 20 000 enfants, aujourd'hui, au moment où on se parle, qui sont dans une garderie à but lucratif. Alors, il faut maintenir ces 20 000 places. Alors, comment est-ce qu'on va les maintenir? Comment est-ce qu'on va donner un message à ces propriétaires que leur avenir économique, leur actif, le travail, le coeur qu'ils ont donné à leurs entreprises vont être respectés? Mais, pas de réponse.

Six mois après, ils ont toujours soif, ils cherchent toujours quelques renseignements: Comment on va transformer? Et j'imagine que ça demeure à l'intérieur du 314 000 000 $ de crédits non identifiés dans le budget du ministre des Finances. Mais je pense qu'un certain respect de ces partenaires importants, dans notre réseau de garderies, c'est de commencer à dire: Ça, c'est de l'argent qui est sur la table pour la transformation. Parce que c'est évident que ça va devenir un débat sur l'argent. Et je pense qu'au nom de ces propriétaires, mais également au nom des contribuables du Québec, ça va coûter combien cette transformation?

Et, parmi les vastes priorités qu'on a, dans le domaine des garderies, est-ce que de dépenser l'argent sur cette transformation est la priorité n° 1? Ou est-ce qu'il y a d'autres choses qui sont nettement plus importantes, comme nous avons dit, comme de cibler les besoins des services de garde en milieux défavorisés, de cibler la qualité des services fournis? Parce que tous les experts ont convenu que c'est là où il faut mettre l'argent. Et la ministre a souvent dit: Le 1,00 $ mis va rapporter 7,00 $ plus tard. Mais la ministre doit comprendre que ça, ce sont les études américaines en milieux défavorisés, et les résultats de ces études, qui sont fort intéressants, sont en milieux défavorisés. Alors, il faut cibler les besoins là, au lieu de procéder d'une façon «at large», comme elle est en train de faire. Et je reviens toujours sur la question du coût de transformation de ces garderies parmi nos priorités envers nos enfants.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député. Mme la ministre, s'il vous plaît.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Alors, c'est intéressant parce que, justement, le sens de ce que nous faisons, c'est de mettre l'enfant au coeur de nos choix et au coeur de nos préoccupations. Et on fait cela quasi uniquement pour les enfants, mais aussi pour leurs parents, parce qu'on croit que ce sont les premiers responsables de leurs enfants. Et ça aussi, c'est important de se le redire: Nous ne voulons pas nous substituer aux parents. Ce n'est absolument pas l'objectif. Nous voulons accompagner, soutenir le développement des enfants, l'éducation des enfants, soutenir les parents dans leurs responsabilité parentale. Et c'est le coeur de ce que nous faisons actuellement.

C'est ce qui explique la suite des choses, parce qu'il faut être de bon compte. Nous voulons que les parents assument leur responsabilité parentale et nous les accompagnons, pour ce faire. Les centres à la petite enfance que nous développerons à partir des agences de garde en milieu familial, à partir des garderies actuelles sont des institutions animées, présidées par les parents. Les programmes bâtis à l'intérieur de la garderie actuelle sont soumis pour approbation aux parents qui forment le conseil d'administration. C'est ça, le choix que nous faisons. Et, je dirais, nous amplifions davantage même les services qui seront dirigés, organisés par les parents ou sous la supervision des parents. Et ce sont ces nouveaux centres à la petite enfance.

(10 h 30)

Alors, le choix que nous offrons aux garderies à but lucratif est le suivant. Et, là encore, le député de Jacques-Cartier sème la crainte, la peur. Et je crois que ce n'est pas correct de procéder de cette façon-là. D'abord, nous ne voulons pas – et je l'ai dit à plusieurs reprises – la disparition – déjà, Mme la Présidente; c'est court, hein – des garderies à but lucratif. Ce que nous disons, c'est que: Si vous voulez continuer, par l'intermédiaire d'une mesure budgétaire, il vous sera possible de le faire. C'est le crédit d'impôt remboursable. Vous garderez cependant, à ce moment-là, un statut de garderie à but lucratif.

Et contrairement à ce que le député a dit, on n'est pas intransigeant. On essaie de trouver des solutions pour offrir des avenues différentes aux personnes qui, effectivement, ont investi beaucoup de leur temps, de leurs talents – et le font encore – et de leur argent aussi dans une entreprise où elles se sont acquitté de leurs responsabilités, je dirais dans la grande, grande, grande majorité des cas, avec beaucoup de sens des responsabilités, justement.

Donc, ça, c'est une avenue. L'autre avenue, nous la discutons avec les regroupements de garderies privées à but lucratif, et je suis heureuse d'ailleurs – je le dis aujourd'hui – de souligner qu'un des regroupements qui avait manifesté beaucoup d'opposition jusqu'ici et qui n'acceptait pas de s'inscrire dans un processus de recherche d'hypothèses pour la transformation des garderies à but lucratif vers les centres à la petite enfance et qui n'avait pas voulu participer aux rencontres ou qui y mettait un certain nombre de conditions qui faisaient que ce n'était pas possible – je termine avec ça, Mme la Présidente – je souligne que ce regroupement, l'Alliance, et je suis contente de constater cette attitude-là, a été à la séance de travail. Il y a en eu une cette semaine, il y en a une de prévue aussi la semaine prochaine. Je pourrai revenir, Mme la Présidente, vous m'indiquez que mon temps est terminé.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Marie-Victorin.


Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Mme la Présidente, effectivement, j'aimerais parler de ce comité de travail là qui a eu un mandat. En fait, je pense que, de notre côté, nous n'avons que des solutions et que, de l'autre côté, ils n'ont que des problèmes. En fait, pour être des leaders, il faut faire partie des solutions et non pas des problèmes. Et c'est ce que nous faisons, nous sommes des leaders, nous faisons partie des solutions. Et, comme nous ne voulons pas travailler d'une façon unilatérale, bien sûr, nous avons consulté et mis sur pied un comité composé de trois personnes du Regroupement des garderies privées, de trois personnes de l'Alliance pour les garderies privées, d'un représentant d'une garderie à but lucratif financée et d'un représentant d'une garderie non financée qui ne font partie d'aucune association. C'est bien sûr qu'ils vont être désignés par des représentants de l'Office des services de garde à l'enfance et du Secrétariat à la famille. Et aussi il y a la présidence et le secrétariat du comité qui seront assumés par l'Office des services de garde à l'enfance. Écoutez, on leur donne le droit d'exprimer, au fond, leurs interrogations, leurs buts, leurs objectifs et leurs propositions. C'est ça qui est important. C'est que, nous, nous favorisons l'échange, le dialogue et nous voulons que ce soit des décisions concertées. Nous allons toujours dans le sens de la concertation, et c'est la mandat que nous avons donné à ce comité de travail d'établir les propositions qui seront acheminées à la ministre qui prendra une décision à cet effet.

Mais notre but, en fait – et je pense que la ministre l'a souligné plus d'une fois et à maintes reprises – ce n'est pas de faire disparaître les garderies à but lucratif. Au contraire, c'est de les favoriser pour qu'elles puissent intégrer ce nouveau concept de centres de la petite enfance, pour qu'elles aussi fassent partie de cet ensemble et qu'elles puissent donner des services équivalents à ce qui se fait dans les garderies à but non lucratif. Donc, on est en train d'uniformiser l'approche, adaptée selon les différents milieux, bien sûr, parce que les enfants répondent à certains critères selon leur environnement, mais l'approche demeure toujours la même. On a les mêmes objectifs: c'est de permettre aux parents de rester responsables de l'éducation de leurs enfants et de responsabiliser aussi le milieu environnant parce qu'il y aura des ententes, quand les centres de petite enfance seront trop petits à cause du nombre, pour permettre d'aller chercher dans le milieu, par entente, les services dont ils ont besoin, pour donner aux enfants et aux parents.

Je pense que, dans cette perspective, on permet à tous de pouvoir, si vous voulez, prendre le pas de cette nouvelle orientation qui permettra aux enfants du Québec et aux parents de l'ensemble des familles du Québec d'être dans le XXIe siècle et de répondre correctement aux besoins de nos enfants et de leur donner des chances de réussite. Alors, les garderies à but lucratif auront la chance, sous forme de contrat de location pour une durée maximale d'un an, de se convertir selon les normes qu'elles auront proposées en comité de travail.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme la députée. M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Juste pour finir sur ça. Je suis étonné un petit peu par le discours de la députée de Marie-Victorin. Moi aussi, comme la ministre, je suis très heureux que l'Alliance soit revenue à la table, mais est-ce que, dans l'idée de la député de Marie-Victorin, c'est un vrai dialogue, un vrai partenariat où les représentants de la ministre ont même refusé de mettre à l'ordre du jour le document proposé par un des deux partenaires?

Alors, je ne dis pas, Mme la Présidente, que la ministre doit l'endosser, qu'elle doit l'accepter, mais c'était un refus global de le mettre à l'ordre du jour, Mme la députée de Marie-Victorin. Alors, ça, c'est un dialogue? Ça, c'est vraiment une façon dont on va discuter sérieusement l'avenir de ces garderies? On dit: Non, vous ne pouvez pas faire ça. Et, vu que leurs droits économiques et leurs droits fondamentaux sont en jeu, elles ont demandé la présence d'un avocat, un conseiller juridique. Quand le gouvernement s'assoit avec ses amis syndicaux, et tout ça, j'imagine qu'il y a des avocats là, ça va de soi, parce que je pense que les personnes ont le droit de défendre leurs intérêts économiques. Mais, pour ces garderies, faire venir un avocat, ça devient une crise, ça a presque fait achopper le processus. Il y avait le chaos total où, la même journée, Mme Bédard, qui est présidente de l'Office, a écrit une lettre aux autres pour dire: Pas de problème, amenez votre avocat. Mais le président de l'Alliance a rencontré la ministre et la ministre a dit: Jamais.

Alors, ne dites pas qu'on a établi d'une façon sereine une relation avec eux autres. Il y avait beaucoup de problèmes. Nous allons maintenant remettre les choses à l'ordre. Il y aura la possibilité d'avoir un représentant juridique avec l'Alliance pour les aider à mieux gérer le travail du comité. C'est souhaitable. J'espère que, même sur la confection des ordres du jour, le point de vue de l'autre côté va être entendu. Je ne demande pas plus que ça. Et ce n'est pas de dire qu'il faut endosser ça, qu'il faut accepter ça à 100 %, mais, au moins, est-ce qu'on peut le regarder? Mais, avant cette semaine, ça ne semblait même pas possible. Alors, quand tout le monde me dit que c'est serein, c'est ça qu'on souhaite, mais ça a pris quelques crises, ça a pris le fait que tout le processus n'a presque pas fonctionné avant de remettre un certain respect mutuel à la table.

Alors, je pense que c'est fort souhaitable. J'espère qu'on va arriver avec des pistes de solution intéressantes. J'espère, entre autres, qu'on va être capable de regarder d'autres modèles et pas uniquement le modèle proposé par la ministre. Si oui, je pense que, assez rapidement, parce qu'on parle encore une fois de quelque chose qu'on doit mettre en place pour le mois de septembre, on va donner une idée c'est quoi la transformation pour que ces gens ne signent pas un chèque en blanc. Je pense aussi qu'il faut que l'année transitoire d'un an, ce ne soit pas juste d'acheter le temps. Si on veut vraiment établir un partenariat avec eux autres, ce n'est pas de vivre un an après l'autre, mais de dire quelque chose qui est à plus long terme pour qu'ils puissent avoir une planification, eux autres, de leur avenir. Parce que eux autres voient dans l'offre d'un an que c'est juste d'acheter le temps, c'est juste de reporter d'un an la mauvaise nouvelle, mais que le gouvernement, de toute façon, veut les fermer. Et c'est ça qu'ils veulent éviter. Ce n'est pas moi qui ai créé ça. J'ai une pile de lettres. J'ai rencontré des centaines de propriétaires de ces garderies, c'est le message qu'ils m'ont répété à maintes reprises. Je suis le messager. Vous pouvez continuer à tirer sur le messager, mais je ne suis pas ici pour semer la panique; je suis ici juste pour refléter les doléances et les revendications que j'ai reçues dans mon bureau de comté.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Maintenant, j'accorde un dernier temps de parole de 10 minutes à Mme la ministre.


Conclusions


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Je ne reviendrai pas sur les dernières interventions du député. L'Alliance est à la table. Si elle avait eu une attitude différente auparavant, ç'aurait facilité les choses. On l'y accueillait déjà et on souhaitait l'y accueillir, mais elle y est et nous sommes satisfaits qu'elle y soit.

(10 h 40)

Je veux revenir maintenant, Mme la Présidente, sur l'ensemble de la politique familiale et reprendre ça sous un autre angle que celui que j'ai utilisé jusqu'à maintenant. D'abord, rappeler brièvement, évidemment – et c'est fondamental pour moi qu'on se redise cela – ces éléments d'une politique familiale, mais qui s'adresse particulièrement à la petite enfance – quoique cela concerne aussi tous les enfants et toutes les familles du Québec, puisqu'on parle des enfants jusqu'à 18 ans – qui vise trois objectifs: le premier étant de favoriser le développement des enfants et l'égalité des chances pour les enfants; le second étant d'assurer l'équité par un soutien universel aux familles et une aide ciblée, accrue aux familles à faibles revenus, donc aux enfants qui vivent dans des milieux de pauvreté; et enfin un troisième objectif qui est de faciliter la conciliation des responsabilités parentales et professionnelles, travail-famille autrement dit, parce que c'est la réalité de la majorité des familles québécoises, et je pense qu'un gouvernement qui a une certaine sensibilité à la réalité des familles et des enfants, doit se préoccuper de cette question. C'est d'ailleurs un travail auquel on a mis beaucoup de temps au Secrétariat à la famille que toute cette réflexion avec les partenaires sur la conciliation des responsabilités parentale et professionnelle, cette fameuse conciliation travail-famille.

Donc, trois objectifs bien clairs, trois pièces majeures: la révision des allocations versées aux enfants et aux familles; le développement de services éducatifs à la petite enfance, autant à l'école que dans les centres à la petite enfance; et le développement d'un congé parental, d'une nouvelle forme d'assurance parentale couvrant mieux le remplacement du revenu lorsque les familles décident d'avoir des enfants et que les femmes, donc, doivent quitter le marché du travail. Ce congé parental, même cette nouvelle assurance parentale, nous voudrions qu'elle permette aussi au père de prendre quelques semaines, s'il le désire, pour prendre soin de son nouveau-né.

Pourquoi aussi faisons-nous cela? Pourquoi avons-nous choisi la façon de le faire qui est la nôtre? Parce que ce qu'on fait, c'est qu'on prend un certain nombre d'allocations qui sont actuellement versées aux familles et on les utilise pour les transformer en services aux familles. On laisse le crédit d'impôt de base, on ajoute une allocation ciblée vers les enfants pauvres dans les familles en difficulté, avec des allocations qu'effectivement les familles ne recevront plus ou que nous ne leur proposerons plus. À partir de ces allocations-là, nous avons décidé d'offrir des services aux enfants et aux familles. Alors l'allocation à la naissance, on se comprend bien, les familles qui l'ont déjà, vont continuer de l'avoir jusqu'à l'expiration du programme. À partir du mois d'octobre, les familles qui auront un enfant, ce programme ne sera plus disponible, mais évidemment on respecte les engagements pris à l'égard des familles.

Pourquoi on a fait ça? Parce que, quand on a implanté les allocations aux jeunes enfants et les allocations à la naissance, on souhaitait avoir un impact sur l'augmentation du taux de natalité. On souhaitait ainsi voir le nombre de naissances augmenter dans les familles québécoises. C'était un des objectifs de la politique. Donc, on couvrait mieux les besoins des enfants, évidemment, par des allocations généreuses, et elles le sont. Sauf que ce qu'on constate – et ça, tous les États du monde sont arrivés à la même conclusion – c'est qu'on a beau mettre des allocations très généreuses et très importantes, ça a un impact pendant quelques années et, après ça, ça retombe. C'est ce qu'on appelle justement les fameuses politiques natalistes qui ne donnent pas les effets escomptés. Alors, la conclusion qu'on a tirée – et c'est ça qu'il faut se dire et c'est le fondement de ce qu'on fait – c'est que ce n'était pas en augmentant les allocations ou en les maintenant – écoutez, ce sont des sommes considérables, on met 2 000 000 000 $ dans les politiques familiales – la conclusion qu'on a tirée et qu'en ont tirée tous les autres États qui ont procédé de la même façon, c'est que les meilleures politiques natalistes étaient celles qui permettaient aux familles d'avoir accès à des services, d'avoir accès à des mesures reconnaissant leur situation. Alors, c'est pour ça qu'on retrouve dans la politique familiale deux grandes mesures majeures: le congé parental, qui fait qu'une famille ne se sent pas pénalisée parce qu'elle donne naissance à un enfant en devant quitter son travail, renoncer à son revenu, se retrouver dans une situation précaire et se dire, si elle en a déjà un: Écoutez, je ne mettrai pas la santé et la sécurité financière de mon enfant et de ma famille en jeu. Donc, un congé parental qui vient remplacer le revenu lorsqu'on décide d'avoir des enfants. Dans les grandes conventions collectives de l'État, dans les conventions collectives des grandes sociétés, des grandes entreprises, c'est un des avantages qu'habituellement les syndicats arrachent, négocient, veulent avoir et ont, heureusement. Alors, ce qu'on dit, c'est qu'on veut rendre ça accessible à l'ensemble des nouvelles familles québécoises, des jeunes familles québécoises, de telle sorte qu'on puisse avoir un enfant, ne pas se voir pénalisé dans son revenu et ainsi assurer la sécurité financière de sa famille.

L'autre deuxième grand volet de services... Parce qu'on en conserve une, quand même, allocation, c'est sûr qu'il faut au mieux couvrir les besoins essentiels des enfants en nourriture, en logement, en habillement, en éducation. Donc, il en reste une allocation, une allocation de base, comme je le dis, c'est le crédit universel. Et ça, peu importe le revenu que l'on a, on peut déduire de son revenu ce que ça représente le coût d'un enfant dans une famille. On le déduit dans son rapport d'impôt. Donc, on garde des allocations puis on ajoute cette fameuse allocation unifiée qui est une nouvelle forme d'allocation familiale.

Mais l'autre bloc de la politique familiale, c'est des services éducatifs, et des services de garde, et des services psychosociaux à la petite enfance. Et, je le répète, partout où on a voulu avoir un impact sur le taux de natalité, augmenter le nombre de naissances pour que la population se remplace d'une génération à l'autre... Parce qu'on est actuellement à un taux de natalité, à un taux de fécondité qui est en dessous du taux de remplacement de la population. D'ailleurs, on voit apparaître régulièrement des chiffres où on dit: En l'an 2030 ou en l'an 2040, la population québécoise risque de décroître. Parce que c'est évident que ça n'apparaît pas du jour au lendemain; la pyramide des âges, ça se modifie sur une longue période. C'est à l'évidence qu'on peut dire ça, c'est une vérité de La Palice. Alors, dans tous les États du monde, ils ont constaté que les politiques natalistes qui offraient des allocations n'avaient pas d'effet, que les politiques familiales qui offraient des services avaient un effet. Au-delà, donc, des trois objectifs que j'ai mentionnés, c'est un des objectifs, bien sûr, que nous poursuivons. Et le développement de services de garde de qualité, qui fait en sorte que la famille se sent rassurée quant aux soins à donner à ses enfants, quant au développement auquel va avoir accès l'enfant...

Parce que nous avons développé, à l'Office, des programmes éducatifs et nous allons intensifier le développement de ces programmes éducatifs, tout en utilisant, évidemment, des stratégies qui sont adaptées à la réalité des enfants. Notre programme, d'ailleurs, il s'appelle actuellement Jouer, c'est magique . Alors, on ne scolarise pas à outrance les enfants; au contraire, on utilise toutes les stratégies qui font que cependant on va chercher le développement des enfants et on l'accompagne. Dans ce sens-là, on rassure les familles en offrant des services de qualité.

On a essayé – et je pense que le Québec est assez original à cet égard-là – d'offrir une variété de services de garde, et de soutien, et d'aide aux enfants et aux familles. La garde en milieu familial est une approche très originale au Québec, dans le sens que cela n'existe pas, ou peu, ailleurs, c'est-à-dire qu'on reconnaît des familles de garde et on aide les parents qui veulent utiliser ces familles, s'ils en ont besoin, à se diriger vers ces familles, on les évalue et on assume même une partie de la subvention nécessaire pour assurer le service.

Alors, c'est ça, Mme la Présidente – on me dit que mon temps se termine – la politique que nous avons mise en place. Nous avons essayé de le faire avec les sommes qui étaient disponibles maintenant, en ne pénalisant pas les familles qui avaient déjà accès aux allocations et qui les conserveront jusqu'à la fin du programme – je pense aux allocations à la naissance – mais en transformant ces allocations en services. Nous croyons que c'est la meilleure façon de reconnaître la réalité des familles québécoises et de soutenir les parents dans leur responsabilité parentale à l'égard de leurs enfants, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme la ministre. Maintenant, j'accorde un droit de réplique de 10 minutes à M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, Mme la Présidente. Je pense que, dans les remarques finales, on voit la différence fondamentale entre les deux approches, parce que l'approche du Parti libéral, l'approche que nous avons toujours prônée, c'est que le rôle de l'État, c'est de venir soutenir les choix faits par les parents. Et ce qu'on voit dans toute l'optique de la réforme de la politique familiale, c'est un gouvernement qui veut imposer des choix aux parents, et je pense qu'il y a une différence fondamentale. Et je suis prêt à dire et je suis prêt à concéder que l'allocation à la naissance pour les fins d'augmenter le taux de fécondité, moi, je ne pense pas... C'est un choix ultimement très personnel fait par les parents d'avoir un enfant ou non, et, moi, je mets en doute la question: Est-ce que c'est une offre de services ou non? C'est vraiment des choses qui sont très difficiles à cerner.

(10 h 50)

Mais, dans la réalité, l'allocation à la naissance est devenue un soutien à la petite enfance. C'est un argent qui rentrait dans les ménages québécois pour les aider à faire des choix dans la petite enfance. Alors, s'ils voulaient utiliser l'argent pour aider à défrayer les coûts d'un service de garde, ça, c'est un choix; s'ils voulaient utiliser l'argent pour les jardins d'enfants ou d'autres modèles qui sont plus souples, plus légers, une couple d'heures par matin... C'est le choix que nous avons fait chez nous, d'avoir nos enfants dans un jardin d'enfants, parce que ça faisait notre affaire. Également, pour les familles qui ont fait le choix qu'un des deux parents reste à la maison pendant la petite enfance, l'argent de l'allocation à la naissance était l'argent disponible destiné à la mère pour aider à défrayer les coûts de la petite enfance.

Alors, j'en conviens, si l'objectif ultime était d'augmenter le nombre de naissances, peut-être que le programme a achoppé, mais, si le programme était compris comme une aide directe aux parents pendant la petite enfance, je pense que ça a été un succès. Je pense que les parents ont dit: Comme ça, je sens un certain soutien de l'État dans le choix que je fais. Et je pense que ça, c'est l'essentiel du débat. Maintenant, on va dire: Oubliez ça, il y aura des services, et, si les services ne sont pas adaptés à vos choix, vos besoins, «tough luck», alors vous êtes maintenant écartés. Arrangez-vous avec vos troubles, mais l'État n'est plus là pour appuyer vos démarches et vos choix. Alors, je pense que c'est une différence fondamentale. Et, moi, comme je l'ai dit, il n'y a aucune recette magique pour comment élever un enfant. On peut regarder toutes les études. Dans la classe moyenne, un enfant dans une garderie face à un enfant dont la mère est restée à la maison, qui va faire mieux à l'école? C'est égal. C'est match nul. On ne sait pas.

Alors, la seule chose qu'on sait, c'est que, dans les familles éclatées, dans les milieux défavorisés où les parents sont épuisés par les conditions économiques, par la situation de manque d'emploi, d'éclatement de la famille, tous les problèmes qui trop souvent viennent avec ce genre de stress, ces personnes ont besoin d'aide. Camil Bouchard, le Dr Richard Tremblay et les autres ont insisté beaucoup sur une intervention précoce pour venir en aide.

Et, dans le système actuel, c'est pourquoi il y a tout le programme d'exonération, pour aider les familles à faibles revenus, et tout ça c'est mis de côté dans le nouveau système des garderies à 5 $. Oui, c'est bon, et j'ai vu dans le communiqué de presse au mois de mars de l'Office de services de garde de l'enfance qu'il y aura des places gratuites de 23 heures par semaine pour les personnes sur l'aide sociale. Mais je demande où est la logique de sa collègue la ministre de l'Emploi qui dit: Un des objectifs de la réforme, c'est d'aider les familles à retourner au travail et de les faire sortir. Mais si je dis: Bon, la garderie est gratuite si je suis sur l'aide sociale, mais ça va me coûter 5 $ par jour, ou dans le cas de Mme Ruth Rose, d'une femme monoparentale avec 12 000 $ en salaire gagné, avec deux enfants préscolaires, qui sort perdante de 1 900 $, aussi bien rester sur le bien-être.

Alors, je pense que ça va à l'encontre de la logique même des deux ministres en faisant l'annonce de la politique familiale. Alors, ça me surprend. Et, comme je dis, les démarches que l'ancien système avait, à la fois l'exonération, à la fois les frais de garde pour les familles, étaient testées par les revenus familiaux. Alors, nous sommes venus cibler l'aide aux familles qui avaient les besoins les plus criants. On est en train de changer tout ça dans la réforme de la politique familiale. Alors, le député de Taschereau peut continuer de vanter ça comme une démarche sociale-démocrate, mais je trouve très difficile de trouver les racines sociales-démocrates à l'intérieur de tout ça.

Encore une fois, l'opposition, avec les maigres moyens que nous avons, nous avons essayé de poser les questions qui me sont posées à moi-même et à mes collègues à l'Assemblée nationale. Nous avons soulevé la question de comment on va octroyer les 21 000 places à 5 $ pour les mois d'automne. On ne sait pas, Mme la Présidente. La ministre a dit qu'il y aura de l'information un jour, mais, pour les parents aujourd'hui, est-ce que c'est pour tout le monde? Non, c'est 21 000. Comment on va trouver les 21 000? Qu'est-ce qu'on va dire aux parents du 21 001? C'est quoi qu'on va dire à ces personnes?

Pour les propriétaires des garderies privées, c'est quoi une transformation? Est-ce qu'ils doivent être obligés de signer un chèque en blanc ou est-ce qu'on peut avoir au moins les grandes lignes de ce qu'est une transformation? On ne sait pas.

Comment est-ce que la ministre va expliquer l'écart entre ses propres chiffres, au moment de l'étude des crédits, c'est-à-dire qu'on va financer autour de 4 000 $ par année, pour une place en garderie, quand tout le monde sait que c'est entre 5 500 $ et 6 000 $? Le manque à gagner par enfant, est-ce que ça va être en coûts périphériques, en coûts d'activités, en tous les coûts additionnels cachés des parents québécois? Ça, c'est une bonne question. C'est quelque chose qu'on voit, ça, à l'école publique. À toutes les années, à tous les jours, les frais périphériques scolaires augmentent. Est-ce qu'on se dirige vers la même chose dans les garderies?

Il faut dire ça clairement aux parents québécois qui sont en train, maintenant, de planifier leur budget pour l'automne. On sait que c'est difficile pour la famille québécoise. Et c'est quelque chose qui doit avoir un certain avis préalablement, avant le mois de septembre. Et on est maintenant six mois après l'annonce de la réforme, et ces questions demeurent sans réponse.

On a longuement parler de la question de diluer la qualité des services de garde. On a déjà augmenté le ratio. On n'a pas donné d'indication comment on va augmenter les salaires. Et la ministre n'a pas indiqué comment j'ai fait une erreur dans mes calculs. Mais, quand je regarde, pour l'année qui s'en vient, avec l'ajout d'un certain nombre de places en garderies et le changement de ratio, moi, j'arrive toujours à mon chiffre: il y aura 200 emplois de moins pour les éducatrices. C'est une drôle de façon d'élargir et d'améliorer la qualité des services dans les garderies. Pour l'année qui s'en vient, selon les annonces de la ministre, c'est 200 emplois de moins.

On peut revenir un autre jour, parce qu'elle a parlé longuement des emplois en construction pour les maternelles. Peut-être que c'est un sujet pour un autre vendredi. Et je suis certain que, mes collègues de l'Assemblée nationale, on adore parler de la famille. Et on est toujours prêt à faire ça un vendredi, un samedi, un dimanche, à tous les jours, parce que c'est également un sujet que, nous autres, on tient à coeur. Et, comme j'ai dit, la chose qui, je pense, nous distingue, nos deux formations politiques dans l'Assemblée nationale, notre position, c'est de respecter et de soutenir les choix des familles. Et l'État a le rôle de support et non un rôle dirigiste.

Et qu'est-ce qu'on est en train de dire, c'est de limiter les choix. On va dire: Pour les services existants, adaptés à certaines familles et qui vont faire l'affaire de certaines familles, l'État va être là, mais, pour les autres familles, les familles qui ont fait l'autre choix, oubliez ça. Je trouve que c'est vraiment quelque chose de lamentable mais, encore une fois, qui fait la distinction entre nos deux formations politiques. Un autre jour, on pourra y revenir.

La ministre a dit longuement que le choix des parents est respecté. Mais, quand on va aller dans les tout-petits, les enfants de zéro à deux ans, c'est clair que, dans ses propres sondages de cette année, menés par l'Office des services de garde à l'enfance, pour les enfants de zéro à deux ans, les deux tiers des familles québécoises veulent les garder à la maison ou les faire garder à la maison. Alors, ce n'est pas un service en garderie que les familles veulent. Mais, on se dirige vers ça quand même. C'est annoncé à moyen terme que ce choix fondamental ne sera pas respecté.

Alors, on a quelques réponses. Je suis très heureux de la réponse de la ministre quant aux frais de garde remboursables parce que je pense que c'est un des éléments qui va préserver un certain choix. On a maintenant l'engagement que ce changement de cap demeure permanent. Ça, c'est une bonne nouvelle pour les familles québécoises. Mais l'opposition officielle va continuer de pousser pour faire respecter tous les choix des familles québécoises. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. La commission ayant rempli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 11 heures)


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