(Neuf heures six minutes)
La Présidente (Mme Charlebois): À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, bon matin, bienvenue à cette commission. Et d'entrée de jeu je vous rappelle que, pour la bonne marche de nos travaux, l'usage des téléphones cellulaires et téléavertisseurs est interdit dans la salle, et je demanderais aux personnes qui en font usage de bien vouloir les mettre hors tension pendant la séance.
Je vous rappelle le mandat. La Commission des affaires sociales est réunie afin de compléter la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi modifiant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Non, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci. Alors, aujourd'hui, nous allons recevoir M. Serge Trudeau, M. Paul Morin, l'Union des municipalités du Québec et les jeunes handicapés de Soulanges. C'est pour la partie de ce matin.
Une voix: ...
La Présidente (Mme Charlebois): On va avoir les gens de Soulanges. C'est un très beau comté, Soulanges.
Alors, je vous rappelle, pour le bénéfice des personnes qui suivent nos travaux, qu'à la fin des consultations et des auditions publiques de la Commission des affaires sociales sur le projet de loi n° 56, Loi modifiant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et d'autres dispositions législatives, les personnes intéressées pourront obtenir sans frais l'intégralité des travaux de la commission en superposition d'un interprète gestuel en format ruban VHS et/ou en disque laser CD dans le format Windows Player en s'adressant à l'Office des personnes handicapées du Québec.
Auditions (suite)
M. Serge Trudeau
Alors, je vois que nos invités... M. Trudeau a déjà pris place. Je vous demanderais de vous identifier et d'identifier la personne qui vous accompagne. Je vous rappelle qu'on a 10 minutes pour la présentation, suivie d'échange avec les parlementaires. Alors, bienvenue, M. Trudeau.
M. Trudeau (Serge): Oui. Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, permettez-moi de vous remercier de m'avoir accueilli lors de vos travaux. J'en profite pour présenter ma conjointe, Marie-Claire Wong, qui m'a aidé évidemment dans la mise en forme de ce mémoire.
Pour résumer en gros mon mémoire, j'ai divisé ma présentation en quatre parties, alors, premièrement, vous donner le cadre général de mon mémoire, ensuite peut-être établir quelques tests de validation du projet, faire des observations, et deux propositions qui me tiennent à coeur en particulier.
En ce qui concerne le cadre général de mon mémoire, je l'ai intitulé, comme vous avez pu le constater, Accessibilisez ? Rendre accessible, atténuer les dysfonctions et abolir les entraves. Ces notions ou ces concepts m'ont été inspirés en grande partie par la loi américaine, The Americans With Disabilities Act, et aussi par la documentation que j'ai pu trouver auprès de l'Organisation mondiale de la santé concernant la classification internationale des handicaps. À partir de là, bien, évidemment, j'ai suivi la chaîne, là, chacun des maillons des services publics ? et vous avez pu certainement le voir, là ? de la santé aux loisirs, finalement.
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(9 h 10)
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En ce qui concerne les tests de validation, j'aimerais peut-être vous remettre des photos que j'ai prises dans le métro de Montréal, dans le terminus de Longueuil ou sur la voie publique, pour voir les barrières que l'on rencontre en tant que handicapé lorsqu'on veut utiliser soit les transports en commun ou encore évidemment se déplacer sur la voie piétonnière.
J'ai aussi inclus dans ces photos-là un rapport du coroner qui date de 1995 concernant un accident qui a eu lieu dans le métro de Montréal, dans la station de Longueuil et auquel il ne semble pas y avoir eu de suites jusqu'à présent. Alors, j'aimerais ça peut-être voir si la loi pourrait permettre de régler... je veux dire, comment l'arbitrage va se faire entre les droits des personnes handicapées et l'étendue des obligations de l'administration publique, je veux dire, on peut définir des droits dans la loi, mais, je veux dire, une fois qu'il y a des litiges, comment on essaie d'établir un arbitrage. Et ça, il me semble que je n'ai pas trouvé vraiment de réponse précise à cet égard, d'autant plus qu'il semble bien que les revendications des personnes ou des groupes de personnes... que l'on consulte le Protecteur du citoyen ou les recours collectifs, il ne semble pas que ce soit ce groupe de citoyens là qui est le plus revendicateur ou qui a les moyens peut-être de revendiquer. Alors, lorsqu'on parle de restreindre peut-être les... on parle de ressources humaines, matérielles et financières adéquates, c'est vrai que dans certains cas il faut en tenir compte pour l'administration publique, mais les individus et les groupes d'individus, eux aussi, disposent souvent de moyens assez limités pour se défendre.
Dernier point. Au niveau des propositions, lorsqu'on regarde le rapport, on peut estimer qu'il va y avoir à peu près 600 plans d'action ou bilans de réalisation à produire à l'office à chaque année ou... Il me semble que c'est à chaque année. Je pense que c'est quand même peut-être une avancée importante, mais aussi je pense que, pour encourager peut-être les gestionnaires à soutenir cet objectif-là, il serait peut-être aussi bon de penser à instaurer un mode de certification comme on le voit dans le secteur privé. Dans les entreprises privées, on a instauré la norme ISO, et même aux États-Unis, dans le domaine de l'informatique, par exemple, Microsoft a instauré, je veux dire, la norme d'accessibilité. Alors, j'imagine qu'il serait peut-être bon que le gouvernement du Québec considère, je veux dire, autant au niveau de l'accès à l'information que l'accès aux bâtiments publics ou aux lieux publics, qu'on instaure une norme ou un label de certification. Lors de mes vacances, cet été, j'ai vu que, dans certains départements français, on a commencé à utiliser ce type d'approche, là, pour encourager surtout les lieux touristiques à démontrer qu'ils sont ou ne sont pas accessibles.
L'autre mesure qui me semble porteuse, c'est la création d'un fonds d'insertion professionnelle pour les personnes handicapées. Il semble que, depuis les 25 dernières années, on a vu apparaître des quotas d'emploi, que ce soit aux États-Unis, que ce soit au Canada ou en France, mais il semble que ce soit assez difficile d'application. Ce que les Français ont envisagé pour leur part, c'est de créer un fonds qui est financé à la fois par le secteur privé et le secteur public par ceux qui n'embauchent pas de personnes handicapées. Alors, ce fonds, je veux dire, sert à la fois à favoriser l'insertion professionnelle, à la formation professionnelle et il s'autofinance. Alors, d'après moi, c'est certainement une piste, là, que devrait considérer le gouvernement du Québec. Ceci conclut ma présentation. J'ai essayé d'être le plus bref possible.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci beaucoup, M. Trudeau. Pour le bénéfice de notre invité, je demanderais aux parlementaires de se présenter, de s'identifier, en commençant du côté ministériel.
M. Couillard: Philippe Couillard, député de Mont-Royal.
M. Marsan: Pierre Marsan, député de Robert-Baldwin.
Mme L'Écuyer: Charlotte L'Écuyer, députée du comté de Pontiac.
M. Bernard: Daniel Bernard, député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Bachand: Claude Bachand, député du comté d'Arthabaska.
La Présidente (Mme Charlebois): Et du côté de l'opposition officielle.
Mme Richard: Lorraine Richard, députée de Duplessis.
M. Valois: Jonathan Valois, député de Joliette.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci. Maintenant, nous allons débuter la période d'échange. Et je reconnais le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Je suis content que vous me reconnaissiez, Mme la Présidente. Pour la question de l'intégration en emploi, M. Trudeau, vous avez soulevé la question des quotas d'emploi. Effectivement, il y a des pays où on a mis des quotas. Je pense que, si ma mémoire est exacte, pour la France, c'est 6 % ou environ. Mais vous avez avec justesse fait remarquer qu'il n'était pas certain que la mise en place de ces quotas-là ait eu un impact concret en termes d'embauche des personnes handicapées. Pourriez-vous développer ça un peu? Parce qu'on a eu quelques représentations, au cours de la commission, de gens qui nous demandaient de mettre sur pied de tels quotas ou d'imposer de tels quotas en ayant l'impression qu'en soi ça créerait... ça amènerait l'inclusion des personnes handicapées dans le marché du travail?
La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, M. Trudeau.
M. Trudeau (Serge): Oui. Non, mais j'essaie de...
La Présidente (Mme Charlebois): Non, ça va.
M. Trudeau (Serge): ...regrouper mes idées. Personnellement, j'ai été impliqué pendant plusieurs années auprès des services externes de main-d'oeuvre des personnes aveugles. Je suis un des fondateurs, là, de la Société québécoise pour les personnes aveugles qui gère le... pas le CAMO mais le service... Je ne me souviens plus du nom du programme, ça ne me vient pas à l'esprit, mais c'est un service externe de main-d'oeuvre. Et c'est certain qu'il faut sensibiliser beaucoup plus qu'on le fait présentement les employeurs et il faut aussi s'assurer de la formation professionnelle de cette main-d'oeuvre.
Moi, lors de la préparation de ce rapport, ce qu'on constate, c'est que, 25 ans après la loi sur laquelle on regarde ce matin, le niveau de diplomation, tu sais, la formation des personnes handicapées ne semble pas s'améliorer, et ça, ça reste à vérifier, là, mais, si on regarde le nombre d'universitaires, le nombre de gens qui complètent une formation de cégep ou un secondaire, c'est une préoccupation importante. Alors, si on ne parvient pas à ce niveau-là, c'est certain que ça va avoir des effets lorsqu'on va vouloir faire de l'insertion professionnelle au marché du travail.
Maintenant, je veux dire, la notion de quotas, je veux dire, c'est ça, l'impression que j'ai, aux États-Unis comme en France, que ce soit pour les communautés culturelles, les personnes handicapées, c'est une mesure qui... Aux États-Unis, il y a aussi des pénalités importantes au plan financier pour les entreprises qui ne recrutent pas suffisamment de personnels qui appartiennent à ces catégories. Mais, moi, je pense que l'approche française est une voie qu'on devrait considérer parce qu'elle-même elle renforce, elle renforcit ou elle reconnaît l'effort des employeurs qui embauchent et elle pénalise les employeurs qui négligent ou sont indifférents à cet objectif social. Alors, c'est tout ce que je pourrais vous dire ce matin à ce sujet-là.
M. Couillard: D'accord, Mme la Présidente. Vous soulignez également la nécessité, qui est à la base de ce projet de loi, d'arbitrage entre les besoins des personnes handicapées puis les organismes gouvernementaux. Puis vous-même étant partie de la fonction publique, je pense que vous êtes certainement très sensibilisé à cet arbitrage-là. Et vous semblez souhaiter, dans votre mémoire, qu'on confie à une régie ou à une commission nouvelle d'assurer l'encadrement de l'application des droits, mais l'office, lui, aurait le soin d'assurer la promotion des droits, donc une nouvelle structure. Est-ce que vous pensez que c'est préférable au modèle qui est proposé actuellement, de confier à l'office justement ce rôle de vigie transversale et de surveillance des actions du gouvernement?
M. Trudeau (Serge): Personnellement, je ne le sais pas. Actuellement, j'ai l'impression que l'office ne peut pas avoir l'indépendance suffisante pour créer... pour assurer cet arbitrage-là. Il peut, comme la loi le prévoit, aider à formuler les demandes peut-être des personnes handicapées, il peut dans certains cas, je veux dire, faire des représentations auprès de l'administration publique, mais, de par sa situation, je doute qu'il puisse assurer réellement un arbitrage qui soit, au niveau de la population, tout au moins crédible. Il risque d'y avoir un biais assez certain, que cet organisme-là, étant de l'État, bien, protège les intérêts de l'État. C'est ma perception.
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(9 h 20)
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La Présidente (Mme Charlebois): Ça va. M. le député de Robert-Baldwin.
M. Marsan: Merci, Mme la Présidente. Et merci à vous, M. Trudeau, Mme Wong, pour l'excellence de votre présentation, mais aussi vous remercier pour les photos que vous nous faites distribuer. J'ai devant moi celle où on vous voit devant la rame de métro de Montréal. Et évidemment, avec la canne blanche, vous voyez qu'il y a un espace, vous pouvez penser facilement que c'est la porte d'entrée, alors qu'on est entre deux wagons de métro. Et de là, en tout cas, on peut penser toutes les difficultés que vous pouvez rencontrer. Alors, merci beaucoup pour les photos que vous avez associées à votre mémoire également.
Tantôt, dans votre présentation, vous avez fait une suggestion qui semble vraiment intéressante, vous avez parlé des normes ISO et vous avez fait une référence, à ce moment-là, à l'accès aux bâtiments publics ou encore aux documents d'information. J'aimerais vous entendre sur les possibilités qu'on pourrait envisager. Est-ce que ce serait votre intention de suggérer qu'on développe une espèce de norme ISO aussi, qui jusqu'à maintenant semble être reconnue comme un standard beaucoup plus élevé? Souvent, ça fait la fierté d'une entreprise, d'une usine et des employés également. Je ne sais pas de quelle façon vous voulez qu'on puisse transférer la norme ISO qu'on connaît actuellement dans l'entreprise au niveau des organisations pour personnes handicapées et évidemment l'intégrer dans notre loi.
M. Trudeau (Serge): O.K. Alors, je vais faire un premier commentaire concernant les photos sur le métro. Je pense que c'est un bon exemple, ça, à utiliser parce que le métro de Montréal existe depuis à peu près 35 ans, un peu plus, la Loi assurant l'exercice des droits existe depuis un peu plus que 25 ans, les regroupements de personnes handicapées ont fait des représentations auprès de la Société de transport pendant une quinzaine d'années, ils ont siégé à des tables, et, cette préoccupation de bloquer les espaces entre les voitures, il n'y a jamais eu de suite. Alors, moi, je me dis, bien, essayons de tester, tu sais, le projet qui nous est soumis ce matin.
Si cette loi était votée ce matin, en quoi ça changerait quelque chose à l'égard des autorités de la Société de transport de Montréal? Et on peut décliner ça au niveau, par exemple, de la fraternité des opérateurs du métro. Est-ce qu'on pourrait obtenir, par exemple, que les stations soient... qu'on identifie les stations ou les intersections? Quand on va à l'étranger, les chauffeurs d'autobus, dans bien des villes, ils nous indiquent ou il y a des machines qui nous disent à quel endroit on est rendu dans la ville, et, à Montréal, ce n'est pas possible encore d'obtenir ça.
Au niveau maintenant d'instaurer un mode de certification, je ne suis pas prêt à associer... J'ai juste donné l'idée des ISO ou des normes d'accessibilité de Microsoft comme étant des références. D'après moi, ce qui serait important, c'est qu'on ne demande pas uniquement aux administrateurs publics de produire une fois l'an un plan d'action, mais peut-être que, dans certains cas, on puisse les accompagner. Parce que, quand on entreprend, par exemple, une démarche d'amélioration continue, que ce soit en accessibilité ou autre, il y a un accompagnement souvent et il y a un bilan qui est établi, ensuite un plan d'action et une exécution. Et, lorsque tout est réussi, bien il y a la certification, et tout le monde peut s'enorgueillir, dans un certain sens, d'avoir atteint ce niveau-là. Alors, c'est dans cet esprit-là, c'est de soutenir les administrateurs qui veulent faire progresser cet objectif, là, d'ouverture ou d'accessibilité des personnes handicapées et que ce soit, je veux dire, au niveau de l'information.
Regardez, moi, dans le résumé de ce matin, je mentionne, par exemple, les sites du gouvernement du Québec, les sites Internet, que ce soit, là, du Conseil du trésor, lorsqu'on parle du gouvernement en ligne. Lorsque ça a été annoncé, j'ai essayé de consulter, et la configuration du site fait en sorte que c'est extrêmement laborieux ou presque impossible de trouver le document qu'on veut. Alors, lors de la conception d'un site, il est possible, si on le configure, si on en tient compte, que ce soit accessible. Ça ne demande pas un accommodement raisonnable, là, ou, tu sais, un substitut. Il est possible d'aller voir... Par exemple, à l'Office de la langue française, on peut consulter le dictionnaire terminologique, mais, de la façon dont il est configuré, c'est extrêmement laborieux. Puis je peux vous énumérer. À l'Inspecteur des institutions financières, c'est la même chose. Alors, il y a des possibilités si on le prévoit dès la conception. Sinon, je veux dire, effectivement on va être obligé probablement d'envisager des voies secondaires.
M. Marsan: Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci. Maintenant, Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Richard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Trudeau, Mme Wong. Votre mémoire est assez complet, vous avez bien ciblé des choses. Par rapport à tout ce que vous ? on n'a malheureusement pas beaucoup de temps ce matin ? par rapport à tout ce que vous avez écrit dans votre mémoire, toutes les données que vous voulez qu'on prenne connaissance aujourd'hui, comment voyez-vous le projet de loi n° 55? Est-ce que vous pensez que... 56, je m'excuse. Est-ce que vous pensez qu'on va faire un avancement dans la cause des personnes qui vivent avec un handicap au jour le jour?
La Présidente (Mme Charlebois): M. Trudeau.
M. Trudeau (Serge): Évidemment, je le souhaite, hein?
Mme Richard: On le souhaite tous.
M. Trudeau (Serge): Moi, c'est ça, je veux dire, il faut être optimiste, il faut souhaiter que cette démarche, qui apparaît à première vue très bureaucratique, permette de faire avancer ce dossier-là. Est-ce que c'est la formule? Moi, ce qui m'inquiète le plus, c'est la clause, là, qui indique que les administrations publiques ne vont pouvoir agir, répondre aux demandes que lorsqu'ils auront les ressources humaines, matérielles, financières adéquates. Et, même si on applique, par exemple, la notion d'accommodement raisonnable sans contrainte excessive, si c'est des substituts qu'on nous offre, pour moi, ça ne répond pas à l'objectif d'accessibilité.
C'est que l'accessibilité, c'est qu'on fait en sorte que les personnes qui veulent accéder à un lieu, dans la mesure... En fait, on donne le maximum de possibilités à tous les citoyens d'accéder à un lieu, d'accéder à un site Internet ou d'accéder à une voie publique, un... c'est ça, la voie publique. Sinon, si on part du principe, par exemple, du transport en commun, eh bien, si le transport en commun de base n'est pas accessible, les coûts du transport adapté vont devenir astronomiques et aussi la qualité, je veux dire, du transport adapté ne pourra jamais répondre à la demande. Et n'oublions pas que la population des personnes handicapées est en forte croissance, contrairement à ce que la population peut penser. C'est l'office qui le disait en 2002, maintenant il y a plus de 1 million de personnes qu'on considère comme étant des personnes handicapées. Donc, c'est une personne sur sept. C'est important comme groupe.
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(9 h 30)
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Mme Richard: M. Trudeau, je vous dirais que la clause 1.3, la clause limitative, plusieurs groupes nous ont fait mention des préoccupations qu'ils avaient à l'égard de cet article-là. Est-ce que vous... Qu'est-ce que vous pensez que... Si on adoptait le projet de loi avec, bon, quelques amendements et on pourrait y insérer des mesures coercitives, pensez-vous qu'on ferait plus avancer les choses, qu'on forcerait plus, bon, les organismes privés à rendre accessibles certains lieux? Parce que ce que les personnes viennent nous dire ici, en commission, c'est: Peu importe ce qu'on aura dans le projet de loi, on pourra toujours s'y soustraire. Et ça ne fait pas avancer la cause. On le dit depuis des années. Bon, on a changé les mots, on a changé les termes, mais, au quotidien, là, ce n'est pas...
M. Trudeau (Serge): Il y a certainement un équilibre à essayer de trouver. C'est que, si on est trop coercitif, il va y avoir un blocage, de toute façon. Alors, d'après moi, il faut être incitatif, mettre les moyens, je veux dire, mettre de la pression, s'il le faut, mais c'est... Regardez l'exemple, par exemple, du métro de Montréal. Si on demande aux opérateurs ou aux chauffeurs d'identifier les stations ou les intersections et ils ne veulent pas le faire, quelle loi va vous permettre de faire respecter ça? Il faut s'assurer, à ce moment-là, la collaboration des mouvements syndicaux dans la démarche et progressivement essayer de changer peut-être certaines attitudes.
Par contre, un autre aspect, lorsqu'on regarde la législation américaine, souvent on responsabilise dès le départ. Je veux dire, les maîtres d'oeuvre, au niveau de l'architecture, par exemple, on ne part pas d'un code, je veux dire, c'est que le maître d'oeuvre doit démontrer que son ouvrage est accessible. Et, s'il y a une contestation, ce n'est pas au groupement des personnes handicapées à faire la démonstration, c'est au maître d'oeuvre, à celui qui l'a conçu.
Alors, dans ce cas-là, est-ce que ça pourrait se faire dans notre environnement juridique? Je ne le sais pas, mais c'est une approche, d'après moi, qui a donné des résultats assez remarquables aux États-Unis dans bien des domaines, autant même lorsqu'on regarde en informatique, là, un domaine qui était... Tu sais, les technologies, les nouvelles technologies, souvent le cadre juridique n'est pas très, très bien défini, mais quand même, aujourd'hui, la contribution du gouvernement américain a forcé l'industrie à tenir compte de l'accessibilité. Mais il faut dire qu'eux avaient un lobby des vétérans du Vietnam qui ont été très actifs.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?
Mme Richard: Oui. Une dernière petite question...
La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y.
Mme Richard: ...si vous le permettez, Mme la Présidente. Vous avez parlé de la définition de la personne handicapée et vous faisiez référence à l'OSM, l'Organisation mondiale de la santé, qui avait une définition. Par rapport à celle qui est définie dans le projet de loi, comment faites-vous le parallèle, là? Qu'est-ce qu'on pourrait bonifier dans la définition?
M. Trudeau (Serge): O.K. Alors, l'organisation comme telle ne donne pas une définition comme telle, sauf qu'ils distinguent entre la déficience, l'incapacité et la situation de handicap. Ça, c'est un concept qui, pour moi, là, a été très intéressant à découvrir. Et, je veux dire, quand on regarde la définition qui est proposée par le projet de loi, c'est contenu dans la définition. Cependant, des fois, je me demandais si ce ne serait pas utile par contre de définir les termes.
Quand on parle de déficience, est-ce que, dans le projet de loi, on devrait définir le terme «déficience» lorsqu'on parle d'incapacité ou de situation de handicap? Parce qu'eux, l'Organisation mondiale de la santé, lorsqu'ils parlent de déficience, c'est surtout tout ce qui touche l'aspect physique, quand on parle d'incapacité, c'est l'aspect individuel, et les situations de handicap, c'est l'aspect environnemental. Et la définition qui est proposée répond à cette grille-là. Mais peut-être que, pour des raisons, là, de compréhension, il serait peut-être utile peut-être de définir certains termes.
Mme Richard: Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Alors, merci, M. Trudeau, pour votre présentation. J'inviterais maintenant M. Paul Morin à bien vouloir prendre place. Et je vais suspendre quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 9 h 35)
(Reprise à 9 h 36)
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, bonjour, M. Morin. Je vous invite à faire votre présentation. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ça va être suivi d'échange avec les parlementaires par la suite.
M. Paul Morin
M. Morin (Paul): Merci, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Professeur agrégé au Département de travail social de l'Université de Sherbrooke, j'ai estimé qu'il était de ma responsabilité de participer à la consultation générale de la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale et portant sur le projet de loi n° 56 modifiant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et autres dispositions législatives. Pionnier de la promotion de la défense des droits des personnes ayant des problèmes de santé mentale, j'ai voulu ainsi continuer à marquer mon appartenance aux valeurs qui sont à la base de l'action communautaire et du travail social, c'est-à-dire la solidarité, la justice sociale, la participation citoyenne.
Je n'ai pas l'intention de traiter article par article du projet de loi mais bien plutôt de cibler certains éléments qui m'apparaissent pertinents dans une optique d'inclusion et avec lesquels je me sens à l'aise. Je commencerai par la problématique de l'insertion par le travail, car j'ai une double expérience de gestionnaire et de chercheur en ce domaine.
La question de l'insertion par le travail est fondamentale compte tenu de la situation d'exclusion du marché du travail vécue par un grand nombre de personnes handicapées. Ceux-ci représentent d'ailleurs la vaste majorité des personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi, selon les termes de la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale.
Ainsi, le mémoire de l'Office des personnes handicapées du Québec présenté lors de la commission parlementaire sur le projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale soulignait, et je cite: «Malgré les progrès accomplis au cours des dernières décennies, les personnes handicapées et leurs familles n'en continuent pas moins d'être surreprésentées parmi les groupes les plus durement confrontés à la pauvreté et à l'exclusion sociale. En ce sens, force est de reconnaître qu'elles sont proportionnellement très nombreuses à être "privées de manière durable des ressources, des moyens, des choix et du pouvoir nécessaire pour acquérir et maintenir leur autonomie économique et favoriser leur inclusion active dans la société québécoise".» La Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale a d'ailleurs reconnu ce fait, puisque l'article 10, alinéa 3, est libellé comme suit: «De favoriser, dans les milieux de travail, l'insertion sociale et professionnelle des personnes qui ont des difficultés particulières d'intégration à l'emploi, notamment celles qui présentent une déficience ou une incapacité.» Toutefois, force est de constater que le Plan d'action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale tout juste déposé laisse carrément en plan ce volet. Une section du plan d'action traite bien de la problématique des personnes ayant des limitations importantes à l'emploi et mentionne à cet égard l'apport des entreprises d'économie sociale et des contrats d'intégration sociale. Toutefois, en ce moment, les entreprises d'économie sociale apparaissent fragilisées par les nouvelles orientations du gouvernement du Québec, et, hors de la région de Montréal, aucun organisme ou aucune entreprise ne peut embaucher des personnes handicapées par le biais de contrats d'intégration au travail. Le budget alloué à ce programme est le même depuis deux années, ceci ne permet donc pas le renouvellement des contrats d'intégration que pour... ne permet, pardon, le renouvellement que pour ceux en bénéficiant déjà.
Ainsi, ce printemps, alors que j'étais encore coordonnateur du Collectif de défense des droits de la Montérégie, un organisme régional de promotion et de défense des droits en santé mentale, le responsable du bureau régional à Saint-Hyacinthe, là, du ministère m'a confirmé par écrit que les budgets 2004-2005 pour les contrats d'intégration au travail seraient les mêmes que l'an dernier, et ce, encore une fois, pour la deuxième année consécutive. Il s'agit ici d'un recul important quant à l'inclusion des personnes handicapées dans la société québécoise.
Coordinateur du collectif pendant 15 ans, je peux témoigner de la pertinence de ce programme et de la place stratégique qu'occupe le travail dans une démarche de réappropriation du pouvoir sur sa vie, car permettant, et je cite, «la consolidation des capacités des personnes». De même, dans le cadre d'une recherche sur les politiques sociales s'intéressant aux personnes ayant des incapacités au Québec, les participants des deux groupes de discussion ont toutes manifesté leur fierté de travailler ainsi que leur satisfaction vis-à-vis ce programme.
n(9 h 40)n Ainsi, au Collectif de défense des droits, cinq des neuf employés sont des personnes ayant des limitations fonctionnelles, mais trois seulement ont pu avoir accès à un contrat d'intégration au travail compte tenu des coupures des restrictions financières actuelles. Et comment croire que cela va changer à court terme? Non seulement le plan d'action ne fixe pas d'objectifs à atteindre quant à l'embauche des personnes handicapées, mais il emploie même le conditionnel pour qualifier les possibilités de développement, c'est-à-dire, s'il y a des sources additionnelles du gouvernement fédéral, on pourrait effectivement les attribuer à ces mesures.
En introduisant l'article 33 du projet de loi modifiant l'article 63 de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, le gouvernement prend acte de l'échec de la stratégie du plan d'embauche pour les employeurs et propose d'octroyer au ministre responsable de l'application de la Loi sur le ministère de l'Emploi, de la Solidarité sociale et instituant la Commission des partenaires du marché du travail la responsabilité de mettre en place une stratégie d'intégration et de maintien en emploi des personnes handicapées. Outre que le secteur associatif est laissé en plan dans cette stratégie, sur le fond de la démarche, à moins de faire un acte de foi, il est difficile de croire que tout cela changera quelque chose au quotidien des personnes handicapées, qui continueront d'être exclues du marché du travail et donc de vivre dans la pauvreté. En l'absence de ressources additionnelles, nous sommes condamnés au surplace, tout comme les plans d'embauche étaient un ticket pour l'échec.
Le projet de loi n° 57, à son article 58, deuxième paragraphe, spécifie explicitement que le Programme de solidarité sociale «vise également à favoriser l'inclusion et la participation sociale de ces personnes de même que leur contribution active à la société, avec le soutien et l'accompagnement qu'elles requièrent».
Subséquemment, l'article 59 se lit comme suit: «Afin de favoriser l'atteinte des objectifs du Programme de solidarité sociale, le ministre peut offrir aux personnes qui y sont admissibles et conformément au titre I des mesures, programmes et services d'aide à l'emploi et d'aide et d'accompagnement social et, le cas échéant, adapter ceux-ci afin de répondre aux besoins particuliers des personnes visées. Il peut ainsi notamment:
«1° offrir des emplois adaptés pour les adultes qui présentent des limitations fonctionnelles, notamment dans des CTA ou dans le cadre de CIT;
«2° favoriser la réalisation d'activités de participation sociale et communautaire développées dans le cadre de stratégies locales d'insertion sociale.» Ce chassé-croisé entre les deux projets de loi ? ici, il y a une petite erreur ? illustre le caractère purement formel des intentions ministérielles en regard de l'insertion par le travail des personnes handicapées.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Morin?
M. Morin (Paul): Oui? Oui, je vais trop vite pour la...
La Présidente (Mme Charlebois): Bien, pour l'interprète.
M. Morin (Paul): Oui, je m'excuse, j'ai un débit de parole...
La Présidente (Mme Charlebois): Juste ralentir un petit peu, je comprends votre élan de passion.
M. Morin (Paul): C'est beau. Je suis tout à fait d'accord.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci.
M. Morin (Paul): Désolé. Au terme d'une étude financée notamment par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, deux professeurs de service social, Ulysse et Lesemann, justement concluaient en affirmant que «le principal enjeu pour une société démocratique n'est pas uniquement d'adopter des lois et de mettre en place des dispositifs de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. C'est aussi de veiller à ce que se réduisent concrètement les inégalités socioéconomiques et les écarts de conditions de vie, tant entre les groupes sociaux et les communautés ethnoculturelles qu'entre les sexes et les générations.» Encore une fois, sans ressources financières additionnelles, les personnes handicapées continueront à être exclues en très grande majorité du marché du travail. Pourtant, nous sommes à même... Donc, je parle ici des projets d'économie sociale, et donc, ici, pour nous, c'est un point important qui favorise l'inclusion des personnes handicapées. Donc, je cite par la suite une recherche, là, de Caillouette et Molina qui soulignaient l'importance des projets d'économie sociale pour favoriser l'inclusion des personnes handicapées. Bon, je pourrai en parler de toute façon plus loin tantôt, venant moi-même du secteur de l'économie sociale.
Donc, c'est pour ça que la recommandation n° 1 était à l'effet que... ma recommandation était de modifier l'article 63 de façon telle qu'un objectif précis avec des indicateurs de résultat soit prévu quant à l'intégration professionnelle des personnes handicapées. Donc, c'est le point ici, comme on l'a vu avec d'autres lois, d'autres politiques gouvernementales. Comme, par exemple, je suis bien placé pour en parler, la politique de santé mentale qui a été adoptée avant 1989, il n'y avait pas d'indicateurs de résultat et on a bien vu qu'il y a eu un constat d'échec qui a été fait envers cette politique-là quelques années plus tard. Donc, des objectifs précis avec des indicateurs de résultat sont peut-être une garantie qu'on va effectivement atteindre ces objectifs-là.
La question de l'inclusion. Bon, ici, c'est le milieu associatif qui, dans sa vaste majorité, demande qu'on remplace le terme d'intégration par inclusion. Donc, là, ici, je citais le manifeste, un manifeste conjoint de différentes associations qui mettaient de l'avant ce concept-là et, bon, je citais ici un texte de la COPHAN. Bon, je ne pense pas que ce soit nécessaire à ce stade-ci de le citer. Donc, je proposais que, à l'article 58, donc le programme de solidarité... Je recommandais, pardon, que, dans une optique de participation citoyenne et de cohérence, le concept d'intégration soit remplacé par celui d'inclusion dans le projet de loi.
Au niveau des objets du projet de loi, bon, c'est un débat qui est tout sauf sémantique, car il recouvre en fait les objets de la loi, et ces objets, il faut bien le dire, m'apparaissent essentiellement de nature organisationnelle et administrative. Selon cette logique, le titre du projet de loi n° 56 devrait mentionner les personnes handicapées du Québec, puisque celles-ci voient son rôle... puisque celui-ci voit son rôle considérablement élargi, et ce, selon mon analyse, au détriment d'une véritable approche transversale et intersectorielle qui miserait sur les responsabilités de chaque ministère.
Bon, on pourra en reparler, l'intersectorialité, c'est un domaine, moi, qui me passionne depuis plusieurs années. Et, quand j'étudiais justement la loi française, je considérais que la loi française, qui est toute récente, qui a été adoptée le 18 juin 2004, se situait plutôt dans une logique de droit et qui référait carrément à une responsabilité gouvernementale en matière intersectorielle. Comme, par exemple, si on prend ici le projet de loi... pas le projet de loi, mais la loi française qui dit ceci à l'article 114.1: «Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. L'État est garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire et définit des objectifs pluriannuels d'actions.» Et un autre, un second alinéa: «À cette fin, l'action poursuivie vise à assurer l'accès de l'enfant, de l'adolescent ou de l'adulte handicapé aux institutions ouvertes à l'ensemble de la population et son maintien dans un cadre ordinaire de scolarité, de travail et de vie. Elle garantit l'accompagnement et le soutien des familles et des proches des personnes handicapées.» Donc, en toute logique, le gouvernement français... Et, pour mémoire, ce n'est pas un gouvernement socialiste, en France, donc c'est un gouvernement qui, dans une optique sociopolitique, on peut dire, se situe plus à droite. Le point que je veux faire ici, c'est que, par rapport aux valeurs qui sont mises de l'avant à l'heure actuelle en France, ça traverse le clivage historique gauche-droite, et l'État français reconnaît vraiment de façon importante qu'il faut respecter les droits des personnes handicapées. Donc, selon moi, l'État français, à l'heure actuelle, met vraiment de l'avant une politique de reconnaissance des droits des personnes handicapées qui se fonde sur une responsabilité gouvernementale.
C'est pour ça que, dans mon mémoire, je recommandais que les objets de la loi soient explicitement rédigés en regard de l'exercice des droits des personnes handicapées de même qu'ils devraient favoriser leur inclusion, conséquemment qu'il soit spécifié dans le projet de loi que chaque instance gouvernementale doit se doter d'un plan d'action concernant l'inclusion des personnes handicapées. Donc, l'office, alors, en collaboration étroite avec le mouvement associatif, sera alors en mesure de jouer un véritable rôle intersectoriel en appui à ces différentes... à ces diverses démarches.
Et, bon, une recommandation 4 aussi. Bon, j'ai lu les différents mémoires, je pense que l'article 1.3, il est loin de faire l'unanimité. Je pense que, effectivement, il devrait être retiré. Encore une fois, je peux référer à donner un autre exemple par rapport à la loi française, dont le titre III, c'est la question de l'accessibilité. Encore une fois, je pense que vous avez... Quand M. Fougeyrollas soulignait la question de la crise de confiance et qu'il fallait passer à l'action, bon, bien c'est toute la question ? le monsieur qui est passé avant moi, M. Trudeau, en a parlé aussi ? c'est toute la question d'accessibilité versus inaccessibilité des services.
Donc, il y a un titre de la loi française qui s'appelle effectivement L'Accessibilité, et, entre autres, un article de loi dit ceci: L'État met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants avec handicap ou, bon, des adolescents. Donc, ici, l'État met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation. Je pense qu'on est très loin de l'article 1.3. Donc, c'est en ce sens-là que, moi aussi, me situant dans d'autres mémoires, je recommande la disparition de l'article 1.3. Donc, en substance, c'est ma présentation. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Morin. Maintenant, nous allons passer aux échanges avec le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Morin, cher collègue, parce que, moi, je suis un professeur de l'Université de Sherbrooke en congé de service actuellement. Donc, je suis heureux de vous rencontrer ce matin. J'espère que ça va toujours bien sur le flanc du Mont-Bellevue.
M. Morin (Paul): Oui, oui, très bien.
n(9 h 50)nM. Couillard: La question de l'intersectorialité, vous y avez fait allusion à quelques reprises et vous dites vous-même que c'est un de vos sujets de prédilection. Il me semble que justement cet esprit ou cette volonté d'introduire l'intersectorialité est très apparent dans le projet de loi étant donné le rôle de vigie transversale qui est confié à l'office, étant donné la clause d'impact qui, comme vous le savez, était une demande historique des associations. Donc, est-ce qu'on n'a pas fait un progrès au moins vers l'intersectorialité ici? Et qu'est-ce qu'on pourrait faire pour en arriver encore plus près?
M. Morin (Paul): Effectivement, il y a un effort, je le reconnais, il y a un effort qui est fait, là, pour viser cette transversalité-là. Je vous dirais, c'est parce que c'est lié beaucoup à l'importance qu'on accorde à l'office, et, bon, M. Trudeau y a fait aussi allusion, quel effectivement va être le poids... Bon, on parle ici de l'OPHQ. Quel effectivement va être le poids de l'office pour faire bouger la machine gouvernementale?
Moi, je peux vous dire que... bon, donner un exemple concret. Il y a quelques années, c'était en l'an 2000, bon, il y avait eu deux personnes handicapées, bon, il y avait une personne handicapée à... c'était Mme Brunet, et, bon, son aide sociale avait été coupée. Et, bon, à l'époque, bon, c'était le Parti québécois qui était au pouvoir, et, bon, finalement le... Parce qu'il y avait une présomption de vie maritale, O.K.? Et donc il avait fallu aller en Cour supérieure du Québec pour qu'effectivement la juge Carole Julien dise que ça violait la Charte canadienne des droits et libertés et la charte québécoise. Et, bon, là, le ministre, M. Boisclair, à l'époque, avait appelé Mme Brunet pour s'excuser, bon, et dire: Écoutez, maintenant, on va changer ça. Et effectivement, maintenant, en termes de présomption de vie maritale, quand c'est deux personnes handicapées... enfin, s'il y a une des deux personnes qui est handicapée, là, l'aide sociale, la sécurité du revenu se pose la question à l'effet de savoir, bon, s'il n'y a pas une aide mutuelle.
Donc, le point que je veux faire par rapport à l'intersectorialité, c'est que, en ce cas-là précis, ça avait été dénoncé et que finalement ça leur a pris, bon, une cour de justice pour que ce soit... qu'il y ait une démarche intersectorielle. Et, dans le domaine de la santé mentale, on l'a bien vu avec la politique de santé mentale, bon, il devait y avoir la mise sur pied d'un comité intersectoriel; il n'a jamais vu le jour. Oui, je pense que la proposition serait plus crédible si on référait plus au gouvernement. Comme en France, c'est le gouvernement qui est responsable de l'application de la loi. Donc, il y a une responsabilité vraiment ministérielle, gouvernementale qui est engagée. C'est pour ça, par exemple, que, à la fin de la loi française, le dernier article dit ceci: «À compter du 1er janvier 2005, le gouvernement dépose tous les trois ans sur le bureau des assemblées parlementaires, après avoir recueilli l'avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, un rapport sur la mise en oeuvre de la politique nationale en faveur des personnes handicapées, portant notamment sur les actions de prévention des déficiences, de mise en accessibilité de la société, d'insertion, de maintien et de promotion dans l'emploi, sur le [...] principe de non-discrimination et sur l'évolution [des] conditions de vie.» Donc, le point que je veux faire par rapport à l'intersectorialité, c'est que, si on n'a pas d'objectifs précis et d'indicateurs vers quoi on tend, l'intersectorialité risque de... ça risque d'être des beaux rapports. Et, bon, le monsieur l'a souligné tantôt, on parle beaucoup de rapports, du rôle de l'office, mais effectivement, là, quels sont les objectifs qu'on se donne pour arriver à une véritable inclusion? Ça, moi, je veux bien croire qu'on va avoir une politique intersectorielle, mais, je vous dis, c'est très difficile, là, parce que, bon, c'est historique, chacun est habitué à travailler dans son secteur d'activité, puis, d'être capable d'être transversal, ce n'est pas évident. Et je vous dirais que, pour que ça ne reste pas uniquement bureaucratique, il y a aussi l'apport du milieu associatif. Et je suis bien obligé de constater que, si je prends la loi n° 112 sur la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, il y a toute une partie de cette loi-là qui n'est pas mise en oeuvre qui concerne, bon, l'Observatoire national sur la pauvreté. Vous me direz: C'est une autre loi, mais, bien franchement, en fonction des valeurs qui sont mises de l'avant par la loi n° 112, le fait que votre gouvernement ait décidé de ne pas mettre en place cet observatoire-là me fait douter d'une véritable adhésion à ces valeurs-là et d'une véritable concrétisation d'une politique intersectorielle.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le ministre.
M. Couillard: Peut-être parce qu'on est un peu moins attachés aux structures que nos prédécesseurs. Mais ça, c'est un autre chapitre qu'on ouvrira un autre jour. Sur la question de la... Encore une fois, continuons dans cette discussion sur l'intersectorialité, là, et l'action gouvernementale plutôt que ministérielle. Je voudrais quand même faire remarquer ? puis pousser le parallèle avec la France que vous avez fort justement amené dans le débat aujourd'hui ? que, si vous lisez le projet de loi tel qu'il est libellé, c'est le gouvernement qui mandate le ministre de la Santé et des Services sociaux d'exercer, si on veut, le leadership de ces actions-là. Donc, c'est une action gouvernementale qui est déléguée à un ministre et non pas une action ministérielle en tant que telle. Et le parallèle est à faire avec la France, où j'ai eu l'occasion de rencontrer mon collègue, M. Mattei, lorsqu'il était en poste avant les événements que vous connaissez, et lui portait le titre de ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées. Donc, clairement, sa responsabilité était là, il était donc chargé, au nom du gouvernement, d'administrer les programmes en question.
Et bien sûr, vous avez raison, autant dans le milieu universitaire d'ailleurs que dans le milieu gouvernemental, l'intersectorialité, c'est un défi constant parce que chacun tend à voir l'univers dans sa lorgnette. Cependant, étant donné le poids budgétaire que représente le ministère de la Santé et des Services sociaux, son implication dans de nombreuses autres actions ministérielles, étant donné qu'il existe déjà dans la Loi de la santé publique un article qui, par exemple, donne au ministre de la Santé et des Services sociaux un rôle de vigie obligatoire pour les actions des autres ministères, il nous a semblé que ce n'était pas contradictoire. Mais, ceci étant dit, c'est quelque chose qui peut être changé. Comme c'est une orientation gouvernementale qui est donnée en mandat à un ministre, ce mandat peut être modifié également. Donc, à mon sens, il s'agit vraiment d'une action gouvernementale.
M. Morin (Paul): J'en prends note. Tant mieux. Effectivement, moi, je ne demande pas mieux que ça débouche, parce qu'encore une fois, moi, avec mon expérience terrain... Bon, maintenant, je suis rendu en milieu universitaire, mais j'ai référé d'emblée de jeu, bon, à mes valeurs et à mon expérience terrain. Parce que, bon, ce qui est important... et je pense que c'est ça que le milieu associatif vous a dit entre autres choses: Qu'est-ce que ça va changer dans le quotidien des personnes handicapées? Bon, on parle quand même, là, de 1 million de personnes, là, donc il y a un enjeu fondamental de société. On parle de gens qui sont en situation d'exclusion. Et donc que, par une politique intersectorielle, on débouche sur des actions concrètes, mais les actions concrètes...
Encore une fois, je vais par rapport à la loi française. La loi française ? puis, bon, peut-être qu'on pourra enchaîner là-dessus ? sur la question de la coercition, bon, vous savez, bon, la loi française, comme d'autres lois en Europe, elle est vraiment très claire, là. Puis, si on prend la question de l'accessibilité, c'est: les édifices publics doivent être accessibles. O.K.? Et il y a un droit par rapport au travail, et ce droit-là doit être mis en application, il y a des plans d'embauche, tout ça. Et, si effectivement les entreprises n'embauchent pas, bon... doivent contribuer à une caisse. Ça fait que, moi, je me situe plus dans cette optique-là.
Je vous avoue, là, qu'il faut quand même constater qu'au niveau de l'insertion au travail il me semble qu'on fait du surplace depuis plusieurs années et que j'ai de la misère à croire que c'est simplement par une politique de nature intersectorielle qui n'a pas d'objectifs précis en termes d'insertion au travail... moi, je crains fort qu'on se retrouve, là, dans 10, 15 ans, assis autour de la table et qu'on constate que le taux d'embauche des personnes handicapées n'a pas augmenté. Moi, c'est ma grande crainte.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Robert-Baldwin.
M. Marsan: Oui. Merci, Mme la Présidente. Et merci à vous, M. Morin, pour votre présentation ce matin. Je voudrais vous questionner sur la recommandation n° 1 que vous nous faites. Vous dites que vous recommandez «que l'article 63 soit amendé de façon telle qu'un objectif précis avec des indicateurs de résultat soit prévu quant à l'intégration professionnelle des personnes handicapées». Mais, quand je lis l'article 63, bien il me semble qu'on rejoint les mêmes préoccupations. C'est bien indiqué: «Le ministre responsable [...] de la Loi sur le ministère de l'Emploi [...] ? etc. ? doit favoriser l'intégration au marché du travail des personnes handicapées par l'élaboration, la coordination, le suivi et l'évaluation d'une stratégie visant l'intégration et le maintien en emploi de ces personnes et par la mise en place d'objectifs de résultats.» Alors, en quoi votre recommandation... Qu'est-ce que vous voulez qu'on modifie dans cet article-là pour qu'on puisse aller plus loin? Moi, je comprenais, à la lecture de l'article, que c'est déjà inclus, ce que vous demandez.
n(10 heures)nM. Morin (Paul): O.K. Peut-être, effectivement, là, ce n'est peut-être pas dans un projet de loi qu'on doit retrouver des objectifs précis, là. Pour moi, ce plan d'action là, le problème de fond, peut-être qu'effectivement je l'ai mal formulé, mais le problème de fond, c'est: Comment croire qu'on va atteindre des... que le plan d'action va atteindre des résultats concrets quand on n'a pas de véritable stratégie d'insertion à l'emploi des personnes handicapées? Il y a un progrès dans la loi, et, j'en conviens, il va y avoir effectivement, en principe, des personnes handicapées qui vont être embauchées dans l'administration publique, mais on est très loin de la démarche dans les pays de la Communauté économique européenne.
Encore une fois, si on n'a pas de stratégie précise globale favorisant cette insertion-là... Je ne crois pas que les entreprises privées vont embaucher des personnes handicapées s'il n'y a pas des mesures précises. Et le fait que, s'ils n'en embauchent pas, ils doivent contribuer à une caisse, bien je peux vous dire que, dans des pays, par exemple, comme en France ou en Italie, en Allemagne, bon, bien, le fait que cette caisse-là existe permet justement le développement du tiers secteur, donc des entreprises d'économie sociale. Parce que vous savez à quel point les entreprises d'économie sociale favorisent justement l'inclusion des personnes marginalisées ou handicapées. Bon, bien, si vous avez justement un budget qui est réservé pour le développement des entreprises d'économie sociale, là, il va y en avoir effectivement de l'embauche. Donc, pour moi, c'est ça où le bât blesse. En l'absence de mesures que je n'hésite pas à qualifier de coercitives, je ne pense pas qu'il va y avoir plus de personnes handicapées qui vont être embauchées malgré que vous allez avoir un plan d'action. Mais le plan d'action, il va s'appuyer sur quoi, au juste? Sur quoi va-t-il s'appuyer pour qu'effectivement il y en ait des personnes handicapées qui soient embauchées?
M. Marsan: ...Mme la Présidente. Vous parlez de mesures coercitives. Quelles seraient les mesures coercitives que vous pensez qui pourraient être envisagées à ce moment-là, particulièrement pour l'article 63?
M. Morin (Paul): M. le ministre Couillard en a parlé tantôt du fameux 6 %. Bon, prenez la loi française, la loi française, par rapport à la question du travail, bon, à la question du travail, les employeurs doivent prendre des mesures appropriées, donc il y a vraiment... Et c'est très, très détaillé dans la loi française, vous avez juste à la lire, et, je veux dire, en emploi ordinaire, en emploi adapté, en emploi protégé. Et les employeurs doivent effectivement embaucher des personnes handicapées, à défaut de quoi ? bon, ils doivent remettre... il y a un rapport annuel ? et, bon, à défaut de quoi ils doivent contribuer, bon, à une caisse. Donc, ça existe. Puis là on parle de pays européens, mais c'est un choix de société.
Ici, au Québec, ce n'est pas la première fois, bon, ça fait longtemps que je suis ce domaine-là, ce débat-là perdure depuis des années. Et, bon, je pense que c'est une question... Bon, on est en Amérique du Nord et, semble-t-il, on a de la difficulté à traverser ce... à aller sur l'autre chemin. Mais, embaucher des personnes handicapées, c'est difficile à croire que c'est simplement de l'information ou de la sensibilisation qui va changer quelque chose. Je vous le dis bien franchement, je crains fort qu'il n'y ait rien qui change à court, à moyen et à long terme par rapport à une véritable embauche, là, je vous le dis, là. Et ce n'est pas un hasard si justement le gouvernement français renforce cet aspect-là.
M. Marsan: Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Morin. Vous faites partie du corps professoral de mon alma mater. J'aimerais ça revenir à votre recommandation 4 et que vous puissiez... L'article 1.3, qui dit que c'est dans la mesure... «en tenant compte des ressources humaines, matérielles et financières dont ils disposent», vous recommandez que ce soit retiré. J'aimerais ça que vous nous donniez des idées de quelle façon, à partir des propositions que vous avez dans votre mémoire, de quelle façon les différents ministères, les réseaux, les municipalités et même les organismes publics, quand on regarde un peu leur situation financière ou la capacité ou notre capacité de payer en tant qu'État et en tant que personne, j'aimerais ça que vous nous donniez des idées de quelle façon, en retirant cet article-là, on peut s'assurer de rendre l'ensemble des services que vous recommandez, appliquer un peu ce qui se fait en Europe, compte tenu de notre population et de notre capacité de payer. J'aimerais ça que vous nous faites part de certaines idées pour actualiser.
M. Morin (Paul): Bien, écoutez, des idées... Moi, je me situe au niveau des droits, O.K.? Et c'est là, le débat: Est-ce qu'effectivement les personnes handicapées... La société québécoise fait un choix d'inclure les personnes handicapées en son sein, à défaut de quoi les personnes handicapées vont continuer à être des personnes exclues. C'est sur ce principe-là, par exemple, que l'État français reconnaît qu'en fonction des droits qui sont inhérents à ces personnes-là l'État français... Bon, l'État français, c'est comme ici, on questionne l'État-providence, je veux dire, tout le discours...
Bon, j'enseigne, ce trimestre-ci, Politiques sociales et programmes sociaux, et, bon, à mes étudiants et mes étudiantes, je leur parle de la remise en question de l'État-providence et, bon, de la crise des affaires publiques. On la connaît, je la connais, la crise, ce qu'on appelle la crise de l'État-providence, et l'État français la connaît aussi. Quand on parle du trou de la sécurité publique en France, c'est bien connu, le trou de la sécu, tout le monde en rigole. Il n'en reste pas moins que l'État français, malgré le trou de la sécu, a adopté une loi qui est basée sur le droit des personnes handicapées et la reconnaissance du droit des personnes handicapées.
Donc, pour moi, le point central, c'est de reconnaître ces droits-là. Et je pense que ce n'est pas un hasard si M. Marois, lorsqu'il est passé en commission parlementaire, questionnait justement la pertinence de cet article 1.3, en disant que vous avez ici... Le projet de loi n° 56 a une portée universelle. Or, de garder l'article 1.3, on peut effectivement questionner les intentions gouvernementales, qu'est-ce qu'il y a en arrière d'un tel article, parce que pour moi il est contraire, il me semble contraire à justement, bon, la question des droits.
Donc, en synthèse, madame, au niveau des idées, moi, je vous dis, c'est carrément de l'enlever, comme vous recommande le milieu associatif, et de reconnaître que l'exercice des droits des personnes handicapées au Québec fait en sorte que l'État doit se donner des devoirs et responsabilités d'assurer des services.
Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député d'Arthabaska.
M. Bachand: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Morin, bienvenue à la commission. Dites-moi, M. Morin, vous avez parlé, en termes de solutions, de votre expertise en économie sociale et de l'intégration des personnes handicapées. Dites-moi donc de façon pratique chez vous comment ça s'est concrétisé.
M. Morin (Paul): Bien, écoutez, nous... enfin, je travaillais au Collectif de défense des droits de la Montérégie, qui est un organisme régional de promotion et défense des droits en santé mentale. Bon. M. le ministre connaît bien ce domaine. Et, bon, nous, c'est un choix. Je ne vous dis pas que c'est chaque organisme communautaire qui fait ce choix-là, mais, nous, au collectif, on a décidé qu'on mettait... à compétence égale, on embauchait des personnes avec des problèmes, ayant ou ayant eu des problèmes de santé mentale. Donc, au cours des années... Bon, quand je suis parti, c'était ça, le... il y avait une majorité de personnes qui avaient des problèmes de santé mentale qui travaillaient pour l'organisme. Donc, pour nous, c'est une façon concrète de concrétiser l'appropriation du pouvoir.
Donc, vous avez des gens qui sont arrivés au collectif, qui étaient des usagers, qui étaient en demande de services, qu'on a accompagnés, qui par la suite sont devenus membres, et par la suite il y a un poste qui a ouvert, ils avaient les compétences et ils ont obtenu le poste. Puis là-dedans il y en a effectivement qui ont obtenu des contrats d'intégration au travail parce qu'ils avaient des limitations de 30 %, 35 %. Et donc, ça, c'est intéressant pour l'organisme puis pour la personne. Sauf que les dernières personnes que l'organisme, que le collectif a embauchées, on n'a pas été capables d'avoir des contrats d'intégration au travail parce qu'en Montérégie depuis deux ans, il n'y a plus d'argent disponible pour de nouveaux CIT. Donc, nous, on déplore ça, là, le fait que les budgets au niveau des CIT soient gelés.
Mais en même temps je vous dirais que... enfin, c'est personnel, mais un des aspects que je trouve difficile dans les contrats d'intégration au travail, c'est après, tu dois... Bon, supposons que tu embauches une personne, elle a des limitations, on dit 30 %, 35 %. Après, bon, un an, par exemple, il y a une évaluation qui est faite, et là, bon, évidemment tu travailles dans un organisme communautaire et tu as toujours besoin d'argent, ça fait que là tu dois justifier pourquoi la personne a encore ce degré de limitations fonctionnelles là, parce que, si le degré baisse, il y a moins d'argent, donc moins d'argent, ça pose problème pour l'organisme. Donc, ça, c'est un aspect que je trouve personnellement un peu plate dans les contrats d'intégration au travail, c'est d'être un peu sur le négatif, là. Tu dois dire, bon, en quoi la personne est toujours limitée dans son fonctionnement. Mais, bon, ça, c'est un aspect peut-être secondaire. Mais le point important que je voulais faire ? puis, bon, j'aime bien votre question ? c'est que grosso modo les CIT permettent l'embauche de personnes ayant des limitations fonctionnelles, et, dans les organismes communautaires, je pense que c'est important de s'en servir.
M. Bachand: Monsieur... Mme la Présidente, pardon. M. Morin, je comprends bien ça que vous dénonciez qu'il n'y a plus de budget aux CIT, là. Moi, ce que j'aurais aimé entendre, c'est, à l'intérieur des projets qui sont d'origine communautaire, mais, moi, spécifiquement au niveau de l'économie sociale, vous me dites que vous avez privilégié... J'aimerais que vous me citiez, si c'est possible, des expériences, le pourcentage des personnes qui ont été engagées et puis aussi...
M. Morin (Paul): Dans l'ensemble des...
M. Bachand: ...et aussi le type d'handicap que ces personnes-là présentaient. Moi, je reconnais, dans une entreprise d'économie sociale, le besoin, le service rendu puis finalement la rentabilité de l'entreprise, là. Mais, moi, je distingue très bien économie sociale puis services communautaires, là, bon. Vous me parlez d'économie sociale, là. Ce qui m'intéresserait, c'est de savoir comment ça a été intégré à l'intérieur d'une expérience d'économie sociale dans votre région.
M. Morin (Paul): O.K. C'est ça, c'est parce qu'on ne s'est pas... Je m'excuse, parce qu'on ne s'est pas... Il y a une question de sémantique. Moi, je me situe dans un courant théorique, là, qui est mis de l'avant par le Laboratoire de recherche sur les politiques et pratiques sociales, à l'Université du Québec à Montréal, qui, lorsqu'il parle... lorsqu'on me parle de l'économie sociale, ça englobe les organismes communautaires. O.K.? Donc, il y a un débat ici, là. Pour nous, pour moi, l'économie sociale, ça englobe ce qu'on appelle le tiers secteur, donc autant ce que, vous, vous appelez les entreprises d'économie sociale, qui sont plus en termes de production, que les organismes communautaires. Bon. Le gouvernement, lui, fait cette distinction-là, quand il parle de l'action communautaire autonome, il parle des organismes communautaires, et les entreprises sociales, c'est autre chose. Bon.
n(10 h 10)n Les entreprises sociales, bon, je peux vous donner un... Je n'ai pas de chiffres, mais ce que je peux vous donner, c'est... Par exemple, sur le territoire de Longueuil, vous avez une entreprise sociale ? pour reprendre votre terme, là ? une entreprise sociale qui s'appelle D'un couvert à l'autre, qui survit... qui a eu de l'argent de démarrage, là, d'un CLE, qui embauche exclusivement des personnes ayant un diagnostic de schizophrénie, donc qui sont sur un programme, là, de protection sociale. Et ça fonctionne depuis quand même trois ans, avec des résultats remarquables en termes d'impact. C'est que ces personnes-là sont moins hospitalisées, bon, il y a une consommation moins importante de médication. Donc, par rapport à votre point, je n'ai pas de statistiques nationales, provinciales sur le pourcentage de personnes handicapées qui travaillent dans des entreprises d'économie sociale, mais ce qu'on en sait, c'est que ça contribue effectivement à une inclusion de ces personnes-là dans la société.
M. Bachand: Bon. Une seconde, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Charlebois): Très, très, très rapidement.
M. Bachand: Une seconde. Donc, moi, je suis très heureux de vous entendre, parce que j'avais eu comme impression que l'intégration ne s'était pas faite, des personnes handicapées, à l'intérieur de l'intégration sociale. Et là vous me citez un endroit, une expérience où ça s'est fait, et je suis très heureux d'entendre ça. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci. Maintenant, Mme la députée de Duplessis, porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Richard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Morin. Ce que je me rends compte, à la lecture de votre mémoire, c'est que, bon, l'insertion à l'emploi pour les personnes handicapées, c'est important pour vous. Ça l'est pour nous aussi, d'ailleurs. Et la Loi d'accès à l'égalité en emploi devait favoriser l'embauche de groupes qui étaient déjà défavorisés au départ, puis ça ne fonctionne pas comme on voudrait. Quand on va y inclure les personnes handicapées, quelle stratégie qu'on pourrait développer? Parce qu'on ne peut pas inclure ça en tout cas dans un projet de loi, là.
M. Morin (Paul): Bien, je veux dire, si on parle globalement, si on parle de... Encore une fois, c'est une question de droit. Est-ce qu'on reconnaît que les personnes handicapées ont le droit au travail? Si on reconnaît que les personnes handicapées sont des citoyens et des citoyennes comme vous et moi et qu'ils aspirent tous et toutes à travailler... Bon, évidemment il y a des gens qui ont un handicap très sévère, qui, bon, malheureusement ne pourront pas occuper un emploi. Mais encore une fois c'est une question de droit. Est-ce que, nous, comme société, est-ce que notre société québécoise reconnaît ce droit-là, un peu comme l'a fait l'État français? Donc, si on reconnaît que ce droit-là doit s'exercer, on peut l'inclure dans... on peut effectivement le mettre dans le projet de loi, que les personnes handicapées, bon, ont le droit au travail, et, en ce sens-là, développer une stratégie.
Et, pour moi, encore une fois ce qui est mis de l'avant par les pays de la Communauté économique européenne favorise l'insertion au travail des personnes handicapées. Et il y a un développement justement important des entreprises d'économie sociale, que ce soit en France ou en Italie. Bon, je connais un peu la situation italienne, et, bon, ce n'est pas uniquement, par exemple, des gens qui sont handicapés, c'est aussi des gens qui sont simplement marginalisés, qui sont peu scolarisés, et on développe des entreprises. Mais encore une fois il faut partir... Est-ce qu'on reconnaît ce droit-là? Et est-ce que ? puis là on revient sur la question de coercition, là ? est-ce qu'effectivement... Les employeurs doivent-ils ou pas avoir la responsabilité d'embaucher des personnes handicapées?
Bon, force est de reconnaître qu'au-delà des clivages politiques au Québec, bon, bien, le projet de loi n° 56 reprend peu ou prou le projet de loi n° 155 qui a été présenté par votre parti il y a quelques années. Donc, force est de constater qu'ici au niveau du Québec, il semble y avoir un consensus dans les partis politiques à l'effet que, bon, l'État québécois ne doit pas forcer les entreprises à embaucher les personnes handicapées. Bien honnêtement, je suis un peu surpris, là, de ce consensus-là parce que, pour moi, encore une fois, on va se retrouver dans x années et on va constater que le pourcentage de personnes handicapées... d'embauche est encore très faible. Peut-être que, là, il va augmenter parce qu'il va y en avoir dans la fonction publique, mais la fonction publique, c'est très minoritaire, là, tu sais.
On est en Amérique du Nord, là, bon, quand même, c'est l'entreprise privée qui est le moteur de l'économie, bon. L'économie sociale n'aspire pas à remplacer les entreprises. Donc, pourquoi les entreprises se bâdreraient-elles... Je vais être brutal, là, mais pourquoi les entreprises, là, qui sont là pour le profit embaucheraient des personnes handicapées qui... Parce que la mentalité des entrepreneurs, c'est que, si j'embauche une personne handicapée, bien, elle travaille moins que les autres, puis, bon, bien, on va faire moins de profits. Il faut quand même être clair là-dessus, là.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée.
Mme Richard: Vous y faites justement référence, M. Morin, vous dites qu'une entreprise, vous savez, bon, elle veut faire des profits. Et c'est souvent difficile au quotidien, l'insertion sociale pour les personnes handicapées, imaginez-vous quand elles veulent intégrer le marché du travail, une entreprise dite normale. Et, vous dites, bon, ni votre gouvernement ni celui qui est en place présentement ne veut adopter de mesures pour forcer les entreprises. Puis on a parlé beaucoup de mesures coercitives dans d'autres domaines, ce n'est pas nécessairement juste relié à l'emploi. Qu'est-ce que vous pensez si on adopterait ? développez-moi ça davantage, qu'on adopterait des mesures, donnez-moi des exemples ? des mesures coercitives pour forcer une entreprise à employer des personnes handicapées?
M. Morin (Paul): On a parlé de la question des quotas. Si on met de l'avant, encore une fois comme l'État français, vous avez... je n'ai pas compté le nombre d'articles dans ce projet de loi là qui concernent la responsabilité des entreprises d'embaucher des personnes. Très facilement, le gouvernement québécois pourrait très facilement s'inspirer de lois européennes. C'est très normé, c'est très développé en Europe. Donc, c'est très facile de dire: Bon, le gouvernement demande que les entreprises embauchent des personnes handicapées, puis, bon, là, on norme tout ça, c'est très faisable. Mais c'est une question de volonté politique, là, parce qu'évidemment je suis certain que... enfin, je suis certain... je fais l'hypothèse que le Conseil du patronat du Québec serait absolument en désaccord avec une telle proposition. Les employeurs ne sont pas intéressés, il faut être clair, ils ne sont pas intéressés à embaucher les personnes handicapées. Ce n'est pas pour rien qu'il y a comme un secteur parallèle. Bon, les CTA qui se sont développés au Québec, ça veut tout dire, là. C'est le secteur d'embauche privilégié parce que l'emploi ordinaire est peu accessible aux personnes handicapées. Or, qui a-t-il de plus normal que d'aspirer à vouloir travailler dans un environnement ordinaire?
Bon, moi, je peux parler des recherches qu'on fait dans le domaine de la santé mentale. Le travail, comme le logement, c'est un déterminant social de la santé et du bien-être. On est au coeur de politiques intersectorielles quand on parle du logement et du travail. S'il n'y a pas de stratégie globale qui s'appuie sur des mesures... je sais bien qu'on n'aime pas le terme, mais des mesures coercitives... Mais, au-delà encore une fois des mesures coercitives, c'est toute la question de la reconnaissance des droits des personnes handicapées. Est-ce que les personnes handicapées sont effectivement des citoyens de première classe ou de seconde classe? À l'heure actuelle, j'ai plutôt l'impression que c'est des citoyens de seconde classe, malgré qu'on leur reconnaît des droits formellement. Mais concrètement est-ce qu'ils vont travailler en milieu ordinaire? J'en doute.
Mme Richard: Ce que je comprends, M. Morin, ce que vous nous dites, c'est qu'on reconnaît le droit aux personnes handicapées, mais, quand elles arrivent au quotidien pour exercer leurs droits, il n'y a pas de moyen de les exercer. Vous avez parlé un petit peu des centres de travail adapté, j'aimerais savoir votre opinion sur les centres de travail adapté. On a eu des groupes qui sont venus nous en parler un petit peu, puis je vous dirais que, bon, ça semble aller relativement bien, mais eux aussi éprouvent certaines difficultés. Comment vous voyez ça, vous, de l'extérieur?
M. Morin (Paul): C'est un domaine d'activité que je connais peu, bien honnêtement. Je n'ai jamais fait de recherche dans ce domaine-là, au niveau des CTA, donc je n'ai pas... Je suis un peu comme les autres. Bon, j'avoue que, quand je lisais l'article de loi ou les articles de loi qui concernaient les CTA, bon, je constate que, dans les milieux associatifs et dans le milieu des CTA, on se pose des questions par rapport aux intentions gouvernementales, moi, tout ce que je peux faire, c'est constater que ces articles de loi là questionnent le milieu, et, bon, que les groupes globalement estiment que les CTA font du bon travail. Mais, moi, je ne peux pas développer là-dessus, je ne les connais pas assez, franchement.
Mme Richard: On a parlé un peu de l'OPHQ, de son rôle de vigie, de son rôle de recommandation, puis les groupes nous ont dit, bon ? et tous sont unanimes là-dessus ? que l'office fait un bon travail. Sauf que, bon, ce qui semble se dégager de la part des groupes, c'est que l'office n'a pas assez de moyens pour changer les choses au quotidien. Et il y avait quelques groupes qui avaient fait mention que l'Office des personnes handicapées devrait relever directement du premier ministre, parce qu'ils disaient: Bon, on est des personnes handicapées, on n'est pas des personnes malades, on ne devrait pas relever du ministre de la Santé et des Services sociaux.
n(10 h 20)nM. Morin (Paul): Écoutez, là-dessus, je ne le sais pas, là, je n'ai pas d'opinion précise sur de qui devrait relever l'office, là. Bon. Je pense que c'est plus une question symbolique, là, qui fait en sorte que certaines associations mettent ça de l'avant, que ça devrait relever clairement du premier ministre. Et je pense que ce qu'il y a en arrière de cette proposition-là, pour reprendre l'expression que j'ai dite tantôt, de M. Fougeyrollas, c'est un peu question de crise de confiance.
J'ai lu attentivement l'exposé de M. Fougeyrollas. C'est quelqu'un, je pense, qu'on peut qualifier de modéré, qui présente son opinion et qui connaît infiniment mieux que moi le milieu des personnes handicapées, et tout ça. Mais même lui pose la question de la crise de confiance et de l'accessibilité aux services. Donc, pour faire le lien, je pense que, si des groupes réclament que l'office ou l'instance relève directement du premier ministre, c'est une illustration de cette crise de confiance là et de la réalité concrète des personnes handicapées qui ont énormément de difficultés d'avoir accès à des services.
Et on revient toujours encore une fois au leitmotiv que vous avez entendu et entendu: En quoi le projet de loi n° 56 va modifier de façon concrète la vie des personnes handicapées? À part de faire un acte de foi, bien franchement, là, j'ai beaucoup de difficultés à croire que ça va changer à court terme. Mais j'espère me tromper.
Mme Richard: Merci, M. Morin.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Joliette.
M. Valois: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Morin, bonjour, merci de participer aux travaux de notre commission. Le point sur lequel j'aimerais vous entendre aujourd'hui, c'est le point où vous nous parlez non seulement du projet de loi n° 56, mais aussi du projet de loi n° 57. C'est cette même commission, la Commission des affaires sociales, qui aura, à partir du 5 octobre prochain, à travailler aussi et à étudier ce projet de loi là et à écouter les groupes qui viendront nous voir.
Le lien que vous faites entre le projet de loi n° 56 et le projet de loi n° 57 est un lien ? et là je vous cite au texte ? où vous nous dites que le «chassé-croisé entre les deux projets de loi démontre [...] le caractère purement formel des intentions ministérielles en regard de l'insertion par le travail des personnes handicapées. Si notre société reste à ce niveau d'intention, le lot quotidien des personnes handicapées ne changera pas».
Étant donné que ça va être notre groupe, ici, de parlementaires qui va devoir écouter les gens aussi sur le projet de loi n° 57, pouvez-vous me donner des outils ou déjà des préoccupations spécifiques que nous devrions avoir sur le projet de loi n° 57 que nous allons recevoir, en regard du débat d'aujourd'hui sur les personnes ayant des limitations fonctionnelles?
M. Morin (Paul): Bien, écoutez, c'est lié encore une fois à la question des ressources financières. Bien, enfin, entre autres, il y a la question des ressources financières. Lorsqu'on lit justement le texte du gouvernement du Québec, là, qui réfère au plan d'action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, quand je dis, dans le texte, qu'il laisse carrément en plan ce volet-là de l'intégration au travail des personnes ayant des limitations fonctionnelles, écoutez, c'est textuel, là. On dit qu'on pourrait...
On reconnaît que, bon, les CTA font du bon boulot, que les CIT sont un outil intéressant et qu'on pourrait mettre des ressources additionnelles financières pour soutenir ces projets-là en autant qu'il y ait de l'argent qui vient du gouvernement fédéral. Pourquoi a-t-on employé le conditionnel? Moi, je vous avoue que ça m'a un peu scié qu'on dise, dans le... Ce n'est pas une affirmation très forte du droit au travail des personnes ayant des limitations fonctionnelles de dire qu'on pourrait mettre des ressources financières additionnelles pour favoriser le... Il me semble que, si le plan gouvernemental avait dit: On va, on va, le gouvernement va mettre des ressources additionnelles pour développer les CTA ou les contrats d'intégration au travail... Et il ne l'a pas fait.
De façon plus globale, sur la question de l'inclusion au travail des personnes ayant des limitations fonctionnelles, c'est aussi toute l'orientation ? mais ça, c'est une question de fond ? c'est le choix qui a été fait ici, au Québec, depuis quelques années, c'est de franchement faire une différence entre les personnes dites aptes et les personnes dites inaptes. O.K.? Et donc il y a une emphase qui est mise effectivement sur la réinsertion au travail des personnes aptes. Et les personnes inaptes, oui, on reconnaît qu'elles peuvent travailler, mais concrètement, là...
Bon, moi, j'ai déjà eu, dans un cours, des personnes qui travaillaient... Bon, je ne peux pas généraliser, je vous donne un exemple, là, mais c'est quelqu'un qui travaillait dans un CLE, une cadre, puis elle me racontait, là ? puis elle a écrit un travail justement là-dessus ? à quel point, dans son travail, tout était orienté vers la réinsertion au travail des personnes dites aptes. Les gens n'ont pas... le message qu'ils reçoivent, c'est que les personnes inaptes, bien, on n'a pas de temps pour s'occuper d'eux autres. Puis là je parle précisément des personnes, entre autres, en santé mentale, bon, ce qui fait qu'il y a des... ça semble... C'est pour ça que je parle de déclarations purement formelles parce que concrètement, dans les CLE, semble-t-il... c'est sûr que j'emploie «semble-t-il», là, mais semble-t-il qu'il n'y ait pas beaucoup de... on ne favorise pas l'insertion des personnes ayant des limitations fonctionnelles. Donc, on le reconnaît, mais concrètement, sur le terrain, là, qu'est-ce qui se fait dans l'appareil gouvernemental pour favoriser leur insertion au travail? Pas beaucoup.
C'est sûr que... bien, c'est sûr... le projet de loi le reconnaît, bon: «Offrir des emplois adaptés pour les adultes qui présentent des limitations fonctionnelles, notamment dans des CTA ou dans le cadre de CIT.» Mais là est-ce qu'il va y avoir des argents? Est-ce qu'il va y avoir une... au niveau de la culture des CLE? Parce que, bon, comme gestionnaire, moi, quand j'étais au collectif, les gens des services externes de main-d'oeuvre m'en parlaient. Bon, depuis qu'il y a eu le transfert de l'Office des personnes handicapées du Québec, de la gestion des CIT, je parle ? maintenant, les CIT sont gérés dans les CLE, comme vous le savez ? bon, semble-t-il que ça ne passe pas toujours comme une lettre à la poste. Le personnel du SEMO à qui je parlais disait qu'il y avait plus de difficultés avec la culture des CLE qu'avec l'office. Bon. Peut-être que c'est juste une question de transition, mais, écoutez, ce n'est pas facile, là.
M. Valois: Pourquoi je discute avec vous de ça? C'est qu'advenant le fait où, comme vous nous demandez un peu, là, puis vous faites l'exposé sur soit que ce soient des mesures coercitives, soit que vous parlez de quotas, vous parlez aussi même d'indicateurs... À partir du moment où ce débat-là ne se concluait pas dans le sens que vous exposez aujourd'hui, serait-il possible d'essayer de réouvrir ce même débat-là avec un autre ministre pour, avec le projet de loi n° 57, essayer d'aller peut-être faire un bout de chemin qu'on n'aurait... nos travaux sont loin d'être terminés à la commission avec le projet de loi n° 56, mais qu'on n'aurait pas réalisé avec le projet de loi n° 56? Est-ce qu'il y aurait pour nous une autre opportunité de réouvrir ce débat-là et, à l'intérieur de justement ce chassé-croisé entre les deux projets de loi, d'aller essayer là aussi de sensibiliser une autre personne?
M. Morin (Paul): Oui. Effectivement, on pourrait imaginer que, par le projet de loi n° 57, on pourrait peut-être arriver, là, à avoir un peu plus de chair après l'os pour favoriser cette insertion-là au travail. Vous avez quand même le plan gouvernemental qui encadre toute cette stratégie-là et, bon, force est de constater que, dans le plan gouvernemental, c'est quand même relativement assez mineur, cet aspect-là. Moi, je veux bien. Tant mieux si on fait le débat, et je pense qu'il y a des associations qui vont le faire à l'intérieur du débat sur le projet de loi n° 57. On peut espérer.
M. Valois: O.K. C'était juste pour... Merci de vos lumières là-dessus.
M. Morin (Paul): Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Morin, de votre présentation. Maintenant, j'inviterais le groupe de l'Union des municipalités du Québec à bien vouloir prendre place. Et je vais suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 28)
(Reprise à 10 h 31)
La Présidente (Mme Charlebois): À l'ordre, s'il vous plaît! Maintenant, nous recevons l'Union des municipalités, représentée par M. Michel Tremblay, je crois, qui va nous faire la présentation du mémoire. Alors, je vous inviterais à présenter votre invité et à faire la présentation de votre mémoire, vous avez 20 minutes, et ensuite nous procéderons aux échanges.
Union des municipalités du Québec (UMQ)
M. Tremblay (Michel): Alors, la personne qui m'accompagne est M. Marc Croteau, qui est directeur général par intérim de l'Union des municipalités, qui m'accompagne ce matin.
Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je vous remercie d'offrir, ce matin, à l'Union des municipalités du Québec l'opportunité de vous faire part de ses commentaires sur le projet de loi n° 56, Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et d'autres dispositions législatives.
L'Union des municipalités du Québec représente, depuis sa fondation, en 1919, les municipalités de toute taille et dans toutes les régions de la province. Sa structure est le reflet de la mosaïque municipale québécoise, avec ses régions, ses communautés métropolitaines, ses grandes villes, ses villes d'agglomération, ses municipalités de centralité, ses municipalités locales et ses MRC. Les membres de l'union comptent pour plus de 6 millions de citoyens et gèrent plus de 90 % des budgets municipaux. Active sur près de 75 % du territoire municipalisé au Québec, son poids et sa légitimité lui permettent d'intervenir dans le débat public au nom de plus de 80 % de la population québécoise.
Dans l'ensemble, l'Union des municipalités ne peut que partager les objectifs visés par le projet de loi n° 56 à l'égard de l'intégration scolaire, professionnelle et sociale des personnes handicapées, et à cet effet les amendements proposés ont le mérite de viser l'amélioration de la qualité de vie de ces personnes. Mais ce projet de loi propose des mesures qui entraînent des obligations pour le monde municipal, notamment en matière de transport adapté, et l'Union des municipalités souhaite faire part de ses commentaires sur ces nouvelles dispositions, dont certaines sont perfectibles évidemment et d'autres plus questionnables.
Les commentaires présentés dans notre mémoire portent essentiellement sur trois dispositions touchant les municipalités: premièrement, l'adoption obligatoire d'un plan d'action identifiant les obstacles à l'intégration des personnes handicapées, article 30; deuxièmement, l'obligation d'adopter un plan d'action et des mesures de suivi en fonction de la disponibilité des ressources, article 4; et enfin l'obligation pour les municipalités d'offrir le transport adapté, les articles 53 et 54. Nos commentaires se veulent constructifs et reflètent les préoccupations du milieu municipal à l'égard des enjeux qu'ils soulèvent.
Abordons en premier lieu la première disposition, l'adoption d'un plan d'action identifiant les obstacles à l'intégration des personnes handicapées. L'article 30 du projet de loi prévoit notamment que chaque municipalité qui compte au moins 20 000 habitants adopte, au plus tard un an après la date d'entrée en vigueur du présent article un plan d'action identifiant les obstacles à l'intégration des personnes handicapées aux activités relevant de ses attributions et décrivant les mesures prises dans le but de favoriser leur participation à ces activités. Ce plan annuel et public doit en outre comporter tout autre élément déterminé par le gouvernement sur recommandation du ministre.
Cet article peut toucher à peu près toutes les activités municipales, ce qui est fort inquiétant. De plus, les nombreux obstacles auxquels sont confrontées les personnes handicapées au quotidien font de leur ampleur un véritable défi à relever pour ceux et celles qui doivent s'y attaquer pour favoriser l'intégration de ces personnes dans la société. À notre avis, la liste des obstacles est très longue, et l'article 30 pourrait donner lieu à diverses interprétations en regard du contenu du plan d'action et des obstacles à l'intégration des personnes handicapées qui doivent y être identifiés et pourrait devenir une source de conflit entre les groupes représentant les personnes handicapées et les municipalités. Cette disposition touche une quarantaine de municipalités au Québec, et il est clair à première vue qu'il y aura pour elles des implications financières non négligeables.
Deuxième disposition: l'obligation d'adopter un plan d'action et des mesures de suivi en fonction de la disposition des ressources. Nous questionnons cette disposition. En effet, comment interpréter l'obligation d'adopter un plan d'action et des mesures de suivi, en vertu de l'article 30, quand ceux-ci sont conditionnels à la capacité des organismes de le faire? L'article 4 est clair, il précise que les différentes dispositions de la présente loi s'appliquent aux municipalités dans la mesure qui y est prévue, en tenant compte des ressources humaines, matérielles et financières dont elles disposent.
L'Union des municipalités du Québec demande donc qu'on offre la latitude aux municipalités d'adopter ou non un plan d'action, au lieu de l'obligation qu'on précise ce que sont les activités relevant de ses attributions, et qu'on identifie les balises aux organismes visés par la préparation de ce plan d'action.
Pour l'Union des municipalités, il est fort louable que le gouvernement mette tout en oeuvre pour solutionner les problèmes auxquels sont confrontées les personnes handicapées en matière d'intégration professionnelle et sociale. Mais avant d'acquiescer à cette mesure, qui devra être facultative, le monde municipal doit en connaître la portée et les coûts.
Troisième disposition: l'obligation pour les municipalités d'offrir le transport adapté. Les articles 53 et 54 mettent en place des mesures obligeant les municipalités à donner accès aux personnes handicapées à des moyens de transport adaptés à leurs besoins lorsque leur territoire n'est pas desservi par une société de transport en commun ou par un autre organisme public de transport en commun qui assure un service de transport adapté.
Mme la Présidente, il importe de rappeler que nous retrouvions ces mesures dans le projet de loi n° 155, Loi modifiant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et d'autres dispositions législatives, présenté le 13 décembre 2002 par le ministre du temps, qui était M. Roger Bertrand. Ce projet de loi n'a jamais été adopté, mais il était accompagné d'une proposition gouvernementale portant sur la détermination du cadre financier du Programme d'aide au transport adapté, à l'égard duquel M. Guy Chevrette, ministre des Transports du temps et de l'époque, avait annoncé un budget de 6 millions de dollars additionnels par année de manière à permettre à ces nouvelles mesures d'être viables pour plusieurs années et à faciliter la plus grande implication des municipalités proposée par le projet de loi.
Il est pour le moins étonnant de constater que le projet de loi n° 56 revient avec les mêmes articles du projet de loi n° 155 qui créent des obligations aux municipalités sans qu'elles soient accompagnées des principes d'un cadre financier, d'une enveloppe budgétaire et d'une étude sur les coûts et sans avoir pris en compte la position de l'Union des municipalités dans ce dossier.
Ainsi, l'Union des municipalités tient à réaffirmer la position qu'elle a défendue à la rencontre de la Table Québec-municipalités, le 11 décembre 2001, à cet égard en déplorant cette obligation faite à toutes les municipalités de mettre en place les mesures afin d'assurer aux personnes handicapées l'accès sur leur territoire à des moyens de transport adaptés à leurs besoins. À ce titre, l'union défend le principe de la liberté pour la municipalité d'exercer ou non la compétence en matière de transport adapté et rappelle que les municipalités peuvent établir le niveau de service à offrir en tenant compte de l'obligation légale d'offrir un service minimal d'au moins cinq jours par semaine si elles veulent obtenir une participation financière du ministère des Transports du Québec. Elles peuvent donc adapter ce service aux besoins du milieu en tenant compte d'une série de variables, tels le budget municipal, la clientèle à desservir, etc.
n(10 h 40)n En 2001, à l'échelle du Québec, selon les plus récentes statistiques du ministère des Transports, on dénombrait près de 60 000 personnes admises et 845 municipalités desservies par 106 organismes de transport adapté. De ce nombre, neuf relèvent de l'organisme public de transport en commun et 97 sont des services municipaux ou intermunicipaux. L'Union des municipalités estime que les municipalités assument déjà leur juste part du financement du transport adapté, soit environ 20 %, et signifie son inquiétude face aux conséquences financières des dispositions prévues aux articles 53 et 54 dans la mesure où le gouvernement est muet sur les coûts de cette opération et dans le contexte du vieillissement de la population et de l'élargissement des critères d'éligibilité des utilisateurs, qui font en sorte que la clientèle à desservir en matière de transport adapté se diversifie et est en constante croissance.
Il y a donc tout lieu de croire, Mme la Présidente, que cette tendance ira en s'accentuant au cours des prochaines décennies. C'est ce que révélait en 2001 le document de consultation du ministère des Transports intitulé Transport adapté ? Pour une meilleure accessibilité des services ? Révision du cadre organisationnel et financier. Au chapitre de l'évolution des services et du profil de la clientèle, il indiquait qu'avec la création de nouveaux services de transport adapté et l'extension des services existants, le nombre d'usagers du transport adapté a augmenté de façon spectaculaire entre 1980 et 1990, passant de 4 300 à 35 383 personnes admises. Comme je l'ai dit précédemment, ce nombre que j'ai dit précisé... Non. Comme je l'ai précisé, ce nombre était de l'ordre de 60 000 personnes 10 ans plus tard.
Le document mentionnait aussi que, comte tenu du vieillissement de la population et des politiques favorisant le maintien à domicile des personnes âgées et des personnes handicapées, il est à prévoir que le nombre de personnes admises au transport adapté continuera de croître dans les prochaines années. Il précise aussi qu'au début des années quatre-vingt la clientèle du transport adapté regroupait principalement les personnes souffrant d'une déficience physique et qui étaient en fauteuil roulant. Depuis les années quatre-vingt-dix, le profil de la clientèle n'est plus le même, celle-ci étant majoritairement composée de personnes ayant une déficience motrice, intellectuelle ou psychique, ou une déficience visuelle.
Le vieillissement démographique a donc une incidence importante sur le profil de la clientèle du transport adapté, et ce phénomène évoluera rapidement au cours des prochaines années. En effet, en 2010, les personnes âgées de 65 ans et plus représenteront 16 % de la population québécoise. La croissance se poursuivra et la part des 65 ans et plus sera d'une personne sur cinq en 2021 et d'une personne sur trois en 2051. Dans certaines régions, ce groupe d'âge va augmenter plus vite que la population totale. Le gouvernement doit prendre en compte ces tendances pour soutenir les municipalités affectées par des contraintes budgétaires et une demande croissante en services de transport adapté. Le récent rapport de recherche, publié en avril 2004 par le ministère des Affaires municipales, du Sport et du Loisir, intitulé Les effets du vieillissement de la population québécoise sur la gestion des affaires et des services municipaux fait d'ailleurs état de ce constat sur la demande de services en la matière.
À ce titre, l'Union des municipalités considère qu'avant d'aller de l'avant avec ce dossier il serait opportun que le gouvernement attende les résultats de la rencontre nationale qui se tiendra en octobre prochain suite aux forums organisés au printemps 2004 dans le cadre du programme d'action du gouvernement présenté dans le document Briller parmi les meilleurs et prenne le temps d'analyser l'impact de cette obligation sur les ressources humaines, matérielles et financières des municipalités afin d'en définir l'offre de services.
L'union craint que l'obligation d'offrir un service de transport adapté place les municipalités dans l'impossibilité d'offrir ce service à moyen et à long terme. Pour l'Union des municipalités, il est donc prématuré d'aller de l'avant avec ces dispositions, et, avant d'acquiescer à une telle réforme du transport adapté, le milieu municipal devra nécessairement en connaître les coûts, son mode de financement à court, moyen et long terme, ainsi que la portée des mots utilisés dans les articles 53 et 54.
Pour terminer, Mme la Présidente, vous constaterez que l'Union des municipalités se préoccupe du danger des nouvelles dispositions introduites par le projet de loi qui ont pour effet de créer de nouvelles responsabilités aux municipalités de plus de 20 000 habitants. Plus encore, les municipalités de plus petite taille dans les régions éloignées seront durement touchées par les obligations en matière de transport adapté. Par exemple, en matière de transport en commun, plusieurs régions ne sont pas desservies et les agglomérations de moins de 20 000 habitants ne reçoivent aucune forme d'aide gouvernementale pour ce type de transport, alors que la demande évolue et que cette tendance se poursuivra au cours des prochaines années.
L'Union des municipalités du Québec tient à rappeler que les municipalités disposent déjà de moyens extrêmement limités pour soutenir et stimuler le développement de leur communauté, et c'est encore plus flagrant en région. Rappelons que 76 % des revenus municipaux proviennent de l'impôt foncier, lequel a été mis en place pour des services à la propriété traditionnellement rendus par les municipalités. Cependant, les besoins en services municipaux évoluent et, de responsabilités municipales traditionnelles centrées sur les services à la propriété, celles-ci ont graduellement évolué vers un important volet de services à la personne. Dans ce contexte, les municipalités ne peuvent dégager la marge de manoeuvre suffisante pour faire face à leurs obligations en constante évolution avec l'impôt foncier pour principale source de revenus.
Les nouvelles obligations du projet de loi n° 56 leur rendront la tâche encore plus difficile car elles devront assurer les moyens de transport adapté à une clientèle en constante croissance sur de vastes étendues du territoire. Le gouvernement entend-il mettre de l'avant un cadre financier pour soutenir ces obligations? A-t-il évalué les coûts de ces nouvelles mesures à court, moyen et long terme?
Afin de répondre aux préoccupations soulevées dans notre mémoire, nous demandons les changements suivants au projet de loi n° 56:
Premièrement, réviser l'article 30 pour rendre facultative l'adoption d'un plan d'action par les municipalités, tout en précisant l'expression «activités relevant de ses attributions» et en identifiant des balises aux organismes visés par la préparation de ce plan d'action. L'Union des municipalités demande aussi au gouvernement d'évaluer les coûts de cette mesure pour les municipalités qui décideront d'adopter un tel plan.
Deuxièmement, clarifier l'article 4 parce qu'il y a une ambiguïté à l'égard de l'obligation d'adopter un plan d'action avec des mesures de suivi en vertu de l'article 30, à la lumière de la capacité des organismes de le faire, sous-entendue en quatrième alinéa de l'article 4.
Troisièmement, retirer les articles 53 et 54 dans l'attente des résultats de la rencontre nationale qui se tiendra en octobre prochain, suite aux forums organisés au printemps 2004 dans le cadre du programme d'action du gouvernement présenté dans le document Briller parmi les meilleurs, puisqu'aucune évaluation des conséquences financières des dispositions qui y sont prévues n'a été réalisée et que le gouvernement est muet sur les coûts de cette opération relative au transport adapté à court, moyen et long terme et sur son mode de financement. Si jamais un article semblable est à nouveau déposé, l'Union des municipalités demande au législateur de maintenir la latitude aux municipalités d'exercer ou non la compétence en matière de transport adapté aux besoins des personnes handicapées sur leur territoire.
Et finalement de prévoir un cadre financier pour soutenir les municipalités qui souhaiteraient éventuellement offrir un service en matière de transport adapté sur leur territoire, si un projet semblable est à nouveau déposé par le gouvernement.
M. le ministre, Mme la Présidente, Mmes, MM. les députés, voilà le propos que nous venons vous tenir ce matin.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci beaucoup, M. Tremblay, pour votre présentation. Maintenant, nous allons débuter les échanges. Et je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Tremblay, M. Croteau, pour votre visite et votre présentation. Je dois dire que c'est un changement de thème par rapport à la majorité des présentations qui ont lieu ici, où on nous reproche de ne pas aller assez loin avec le projet de loi. De votre côté, vous semblez dire à plusieurs égards que vous trouvez qu'il va trop loin. Alors, on va avoir des échanges intéressants sur cette question.
Premier élément, qui est l'obligation de produire un plan d'action. Là, je dois dire que j'ai un peu de difficultés à vous suivre, puis je pense que les citoyens puis les personnes handicapées qui écoutent également vont avoir de la difficulté à suivre ça, là. En quoi est-ce que l'obligation de produire un plan d'action est un problème pour les municipalités puisqu'elle leur permet justement de faire le bilan de ce qui est fait, ce qui a été fait, ce qui devrait être fait? Et là la question des ressources peut certainement être incluse dans le plan d'action, et du cadre financier que ça nécessite. Je me demande comment les personnes handicapées vont recevoir ce message que vous envoyez, car même le fait de faire un plan d'action, on nous a dit depuis plusieurs jours que c'est très insuffisant, il faudrait aller beaucoup plus loin. Mais, pour vous, même le fait de faire ce plan d'action là va trop loin. Alors, pourriez-vous expliquer un peu plus cette position?
n(10 h 50)nM. Tremblay (Michel): M. le ministre, vous savez très bien qu'on est tous pour la vertu, puis un plan d'action, c'est beau, etc., mais, quand on fait le plan d'action, si on crée des appétits, il faut absolument satisfaire ces appétits-là. Si on n'est pas capable de vendre la marchandise, on n'est pas plus avancé. On veut faire un plan d'action, oui, très bien, mais encore faut-il avoir les ressources financières pour mener à bonne fin ce plan d'action; sans ça, c'est créer à mon sens des attentes qu'on ne sera pas capable de livrer. C'est un peu ça, finalement. On est favorables à faire un plan d'action jusqu'à un certain point, en autant qu'on ait les ressources financières.
M. Couillard: Évidemment, je suis très familier, dans le domaine de la santé et des services sociaux, avec ce genre de raisonnement là où on dit: Écoutez, pour donner les services, pour améliorer les services, c'est impossible avec les ressources qu'on a actuellement, il faut mettre tant de millions, ou tant de dizaines, ou, dans mon cas, souvent, tant de centaines de millions de plus immédiatement dans le réseau de la santé. Et en faisant ça, on brise tout l'exercice nécessaire de revoir ce qui se fait déjà, revoir comment sont affectées les sommes en cours, dont les sommes de transport adapté ? on y reviendra tantôt ? et il me semble qu'on se limite un peu dans notre imagination, notre façon d'améliorer les choses. Est-ce que vous ne pensez pas que vous succombez aux mêmes travers, avec votre demande?
M. Tremblay (Michel): Bien, je peux vous suivre dans ce raisonnement-là, mais vous savez très bien que, dès qu'on a mis quelque chose dans un plan d'action, à ce moment-là, la pression est sur nous pour dire: Bien là vous l'avez mis dans un plan d'action, bien livrez la marchandise. Alors, si on n'est pas capable de livrer la marchandise, on n'est pas plus avancé, c'est qu'on a déçu bien du monde. Évidemment, je pense que ça nous permettrait de mettre de l'ordre un peu dans notre action en région ou dans notre ville. Je pense que, sur ce côté-là, je vous suis puis je n'ai pas de misère avec ça, cette démarche-là peut se faire. Mais après cela il va bien falloir... On ne peut pas à mon sens juste promettre des choses, il faut les réaliser, il faut dire qu'est-ce qu'on est capable de livrer comme marchandise.
M. Croteau (Marc): Et notre préoccupation, si vous permettez, Mme la Présidente, si vous permettez, M. le ministre...
La Présidente (Mme Charlebois): M. Croteau.
M. Croteau (Marc): Notre préoccupation, à l'UMQ, prend source il y a une trentaine d'années, quand il y a eu un transfert de gestion, un transfert philosophique de gestion du monde municipal de la part du gouvernement provincial de l'époque en transférant d'abord plus de responsabilités au monde municipal sur l'occupation des gens en divertissement, en récréation. Par la suite, ça a été tout l'élément sportif, hein, les arénas, et tout, et tout, les piscines. Ajoutez à ça maintenant le développement culturel. À la fin des années soixante-dix, on a demandé au monde municipal de jouer un rôle plus important au niveau du développement culturel des communautés. Il y a eu le logement social qui a commencé à prendre sa place dans les années quatre-vingt. On demande aux municipalités de jouer un rôle important dans l'implantation d'OMH, de logement abordable, de logement social. Depuis maintenant six, sept ans, on demande au monde municipal de jouer un rôle au niveau du développement économique, d'investir des sommes d'argent pour créer de la richesse, de la richesse pour laquelle les retombées économiques ne sont pas au monde municipal mais sont bien au niveau du gouvernement provincial et du gouvernement fédéral.
On a fait une analyse, l'an dernier, avec le Conference Board, qui avait été d'ailleurs le consultant choisi par le ministre des Finances d'aujourd'hui, M. Séguin, pour analyser le déséquilibre fiscal. On a pris la même méthodologie pour l'appliquer sur les revenus municipaux versus les compétences. Et ce qui en ressort est fort simple, c'est qu'au fil des ans notre base de taxation, qui est l'impôt foncier, représente aujourd'hui 76 %, si ce n'est pas 78 %, avec les derniers chiffres, là, de nos revenus. Nos responsabilités en philosophie de taxation sur l'impôt foncier, c'est basé pour offrir des services à la propriété et non pas sur une capacité de payer du citoyen.
Vous savez, quand un couple à la retraite réside sur... a une résidence sur le bord de la rivière qu'ils ont achetée à un coût de 100 000 $, et qu'ils ont un revenu annuel de 35 000 $, et, aujourd'hui, bien que leur valeur de propriété est montée à 400 000 $ et que leur impôt foncier maintenant en provenance de la municipalité est maintenant à 6 000 $, 7 000 $, on leur demande de déménager, ils n'ont pas la capacité de payer. Et ce n'est pas parce que leur résidence vaut 400 000 $ qu'ils ont de l'argent dans leurs poches pour payer leurs taxes foncières.
Au Canada, M. le ministre, l'impôt foncier représente, pour le monde municipal, 55 % des revenus; au Québec, 80 %. On dit tout simplement, avec le mémoire qui est là... Et c'était très difficile parce qu'on vous appuie dans le 56, on appuie les objectifs qui sont visés dans le 56. On est très sensibles à ça. M. le président le disait très bien tantôt, c'est la vertu, et on est d'accord avec ça. Sauf que notre fiscalité en place actuellement ne peut pas répondre à ce besoin-là, elle n'est pas adaptée à ces responsabilités.
Donc, il faut comprendre, quand on dit: Mettons en place, là où il y a l'obligation d'avoir un plan, de le mettre facultatif pour le moment, jusqu'à temps qu'on puisse revoir cette nouvelle fiscalité ? annoncée d'ailleurs hier par le premier ministre ? que la nouvelle fiscalité municipale va être discutée et échangée dans le cadre de la décentralisation. Regardez, ce n'est pas un refus d'offrir les services, là, c'est: donnons-nous maintenant les ressources fiscales et financières adaptées à ces responsabilités. C'est comme ça, c'est l'angle qu'il faut le voir, M. le ministre.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?
M. Couillard: Bien, je salue votre collaboration puis le fait que vous rejoignez nos objectifs, les objectifs qui sont visés dans cette loi. Effectivement, vous avez vous-même abordé ce que j'aurais fait moi-même, c'est le lien entre ce que nous discutons ici et ce qui a lieu actuellement en matière de décentralisation et de délocalisation, régionalisation des services, incluant les transferts de ressources. Tout ça est sur la table actuellement, comme vous le savez.
Il y a une clause dans le projet de loi qui soulève beaucoup d'appréhension de la part des groupes qui représentent les personnes handicapées, c'est la fameuse clause limitative, où on assujettit certaines dispositions aux ressources disponibles. Plusieurs nous demandent de retirer cette clause. Qu'est-ce que vous pensez de cette demande-là ou de cette clause, elle-même, dans le projet de loi?
M. Croteau (Marc): Oui, bien, en fait, l'article 4, je pense que c'est la raison d'être d'un État, hein, on ne peut pas offrir un service qu'on ne peut pas se payer, peu importe qu'on soit un gouvernement fédéral ou provincial. Tout encadrement législatif, à mon avis c'est sous-entendu que c'est toujours à l'intérieur des ressources matérielles et financières disponibles. Je veux dire...
Et une des préoccupations que M. le président soulevait, c'est qu'en mettant en place le plan on crée des attentes. Et, s'il y a un certain scepticisme au niveau des politiciens et de la politique en général, de nos jours, c'est qu'on a mis beaucoup de plans de l'avant, on a avancé beaucoup de plans, beaucoup de mesures, puis on n'a pas donné suite à nos mesures avec des actions, et ça, c'est très préoccupant.
Écoutez, qu'il soit inclus dans le 56 ou non, le tout va se faire toujours à l'intérieur des ressources matérielles nécessaires. Le citoyen, son fardeau fiscal, il est très lourd. L'élastique, là, il est étiré à son maximum, on ne peut pas aller plus loin. Donc, à mon avis, c'est sous-entendu, qu'il soit inclus ou non, c'est sous-entendu que c'est toujours à l'intérieur des ressources financières et matérielles.
M. Couillard: Vous avez entièrement raison, M. Croteau. Puis c'est pour ça qu'à mon sens ça devrait vous rassurer quant à justement toute cette question de plan d'action et de choses à faire, puisque, vous le dites vous-même, les citoyens savent fort bien que les organisations gouvernementales sont assujetties aux ressources disponibles à tous les paliers de gouvernement ou tous les ordres de gouvernement. Et je pense que vous avez raison également dans votre remarque générale sur, je dirais, le système politique ou la façon dont on communique les choses aux citoyens. Il faut, si on veut être crédible, avoir des plans d'action puis des projets qui sont comparables ou compatibles avec les besoins dont on dispose. Mais ça se dit dans un plan d'action aussi, ça, me semble-t-il.
Maintenant, la question du transport en commun, du transport adapté ? je vais terminer là-dessus parce que mes collègues veulent intervenir puis je veux essayer d'être bref, là ? ça revient à ma première intervention, c'est que, dans les contacts que, moi, j'ai eus au sujet de cette question fort importante, ce qu'on me dit souvent, c'est: Écoutez, il y a des sommes actuellement disponibles. Elles ne sont peut-être pas actuellement utilisées de la façon dont elles devraient l'être ou réparties même de la façon dont elles devraient l'être. On a eu des représentations récemment à ce sujet-là. Est-ce que vous ne pensez pas que le premier exercice, c'est justement d'en assurer l'utilisation optimale et la plus rigoureuse possible? Et bien sûr je pense que personne n'est fermé à l'idée de faire évoluer le cadre financier du transport adapté selon les besoins. Et les chiffres que vous citez pour les changements démographiques sont éloquents.
J'amènerais cependant un bémol pour les personnes âgées qui nous écoutent. On sait que les personnes âgées qui vieillissent actuellement ou qui vieilliront dans les prochaines années, incluant nous-mêmes autour de la table, le feront probablement dans un contexte de santé beaucoup plus favorable que ce qui a été historiquement le cas, alors je pense qu'il faut moduler un peu ces chiffres-là.
M. Tremblay (Michel): Au niveau du transport adapté, M. le ministre, si vous me permettez, nous étions dans la région de Sept-Îles avant-hier passé, là, voilà deux jours passés, et on nous soulignait la difficulté de desservir la... Dans l'agglomération de Sept-Îles, il n'y a pas de problème, comme dans l'agglomération de Rimouski, si je peux m'exprimer ainsi, ça va. Mais, lorsqu'on s'en va dans les paroisses, dans l'arrière-pays, là, là, c'est beaucoup plus difficile parce que, là, le transport devient très, très onéreux. On a 45 km à faire pour transporter une personne, là, c'est un coût énorme. C'est ces difficultés-là qu'on a à arrimer peut-être un transport adapté «coast to coast», c'est-à-dire un peu partout sur le territoire. Ça, c'est une difficulté avec laquelle on doit vivre.
J'écoutais celui qui nous a précédés. M. Morin, tout à l'heure, il parlait de mesures incitatives pour les personnes handicapées à l'accès au marché du travail. Mais, vous savez, dans le plan d'action, si on avait des mesures incitatives pour la mise en place de notre plan d'action, peut-être aussi que ça irait plus loin.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? M. le député d'Arthabaska.
n(11 heures)nM. Bachand: Merci, Mme la Présidente. M. Tremblay, c'est un plaisir de vous voir ici, vous le savez, je n'ai pas besoin de vous dire à quel point, et M. Croteau aussi. Je vous entendais, M. Croteau, tout à l'heure, parler. Et je dois vous avouer que j'avais un peu de nostalgie quand je vous entendais parler parce que je reconnais toujours vos demandes qui sont traditionnelles effectivement mais qui font appel à beaucoup de pragmatisme aussi. Parce qu'il faut reconnaître que, comme président de l'UMQ ? vous saluerez Mme Jutras aussi de ma part, pour qui j'ai beaucoup d'admiration ? vous avez effectivement à vivre au quotidien avec les citoyens qui vous côtoient et puis, lorsque les revendications ne sont pas à la hauteur de leurs attentes, vous êtes rapidement rattrapé soit par un appel téléphonique ou soit par d'autre chose.
Et, moi, je comprends bien qu'un plan ça cautionne souvent une demande financière après. Et il faut être prudent là-dedans, puis ça, j'en conviens. Et, moi, je pense que vos attentes face aux sommets qui ont lieu actuellement avec le premier ministre, moi, je pense que ça, c'est de nature à vous rassurer peut-être. Peut-être pas, mais, en tout cas, c'est de nature à vous fournir l'espoir nécessaire qu'enfin le gouvernement ait compris qu'il faut que les ressources financières viennent avec les plans et viennent aussi avec les attentes des citoyens.
Et là j'aimerais, à partir de ça, malgré ma compréhension... Vous dites dans votre mémoire... On va revenir donc aux choses très, très pratiques. Malgré ma compréhension de votre situation, moi, je pense que vous avez déjà développé des pistes de solution. Vous dites, déjà, que vous avez 20 %, grosso modo, là, 20 % d'investi dans le transport adapté, à peu près, que vous mettez déjà ces ressources-là. On sait qu'au ministère des Transports il y a déjà 75 % qui est fourni puis 5 % par le citoyen. Je vous dirais que la FQM a trouvé plusieurs solutions. Puis vous vous côtoyez régulièrement, même si vous n'êtes pas fusionnés encore, là, mais vous vous côtoyez. De toute façon, l'idéal, dans la fusion, c'est de ne pas être obligé de se défusionner, là, ou de se refusionner éventuellement. En tout cas, peu importe, je sais que vous vous rejoignez de temps en temps. Et, moi, je vous dirais que ce qui est fort intéressant, bien c'est d'aller voir les expériences qui se vivent actuellement à la Fédération québécoise des municipalités rurales, où, là, vous avez même de vos membres qui se situent comme municipalités d'agglomération qui vous permettraient de constater ? vous l'avez probablement déjà fait ? qu'il existe des transports adaptés qui ont été intégrés à l'expérience du transport collectif.
Ma question est à l'effet que, moi, je pense que, dans une certaine mesure, les ressources financières sont présentes, dans le 75 % du ministère des Transports, dans le 20 % que vous dites déjà octroyer et dans le 5 % des citoyens. Dans cette perspective-là, est-ce que ça ne peut pas être intéressant, même au-delà des résultats des conférences qui vont avoir lieu, de regarder un plan d'action et déjà regarder, comme le disait si bien M. le ministre, quelles seraient les indications sur le plan de l'organisation? Parce que je pense que, sur le plan financier, il y a beaucoup de choses qui sont déjà présentes sur la table.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Tremblay.
M. Tremblay (Michel): Oui. Suivant les informations que nous avons du ministère des Transports dans... on n'est pas... en tout cas, on nous dit ou on nous laisse entendre qu'il n'y aurait pas les ressources financières appropriées pour mettre en place tous les plans d'action si jamais les plans d'action étaient mis de l'avant. Alors, c'est un peu ça dans quel dilemme on est, c'est-à-dire on est un peu au crochet de la volonté du ministère des Transports de nous donner les ressources financières pour assurer un transport adapté dans l'ensemble du territoire. Si vraiment la ressource n'est pas là, vous savez que... Évidemment, vous êtes un ancien maire, vous savez très bien qu'on est très préoccupés par nos ressources financières et on ne veut pas avoir de charges, on ne veut pas en avoir autant que possible parce que, comme on le disait précédemment, on est sur l'impôt foncier, et l'impôt foncier, c'est pour les services à... et non pas à des personnes. Alors, c'est un peu ça. Je ne sais pas si M. Croteau voulait rajouter.
M. Croteau (Marc): Bien, en fait, on est rendus à... vous savez, la loi du 80-20 s'applique dans à peu près tous les éléments du quotidien et elle s'applique ici. 80 % des municipalités sont desservies actuellement via leur MRC. Puis, soit dit en passant, on a 80 % de notre membership qui sont des municipalités rurales. Les municipalités sont desservies à peu près à un niveau de 80 %. L'autre 20 %, c'est qu'ils ne cadrent pas dans l'encadrement ou l'accompagnement financier en place.
Vous savez, prendre quelqu'un dans une municipalité, au niveau du transport adapté, et devoir faire un parcours de 30, 40, 50, 60 km, ça coûte beaucoup plus cher. Et, quand on parle d'un encadrement financier basé sur l'achalandage, c'est impossible, c'est impossible parce que la masse critique n'y est pas, c'est impossible parce que la capacité financière de nos municipalités de plus petite taille ne le permet pas.
Et aussi il semble y avoir, et ce n'est pas, et ce n'est surtout pas une flèche que je lance, là, mais il semble aussi y avoir une incohérence dans les actions où le ministère encourage. Entre autres, il subventionne ? c'est une information qu'on nous a donnée à Sept-Îles avant-hier ? les triporteurs, quadriporteurs pour tenter de donner le plus d'autonomie possible aux personnes handicapées, sauf que, quand on l'applique dans le transport adapté, ces véhicules-là, ils ne font pas, ils ne sont pas adaptés pour les véhicules qui sont en place. Donc, là, c'est des questionnements comme ça où on se dit que l'autre 20 % va nécessiter à notre avis un ajustement important dans l'encadrement financier. Peut-être, l'argent est là, mais, au moment où on se parle, l'encadrement financier et l'accompagnement offert aux municipalités ne permettent pas de répondre à ce besoin.
La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y. Il reste... Je veux juste vous signaler qu'il y a deux de vos collègues aussi qui veulent intervenir.
M. Bachand: Absolument. Fort intéressant, ce que vous donnez comme exemple d'arrimage justement au niveau des triporteurs, des quadriporteurs. De là peut-être la nécessité d'un plan. Mais c'était simplement pour vous...
Il y a une autre question ? très rapide ? municipalités versus MRC sur la délégation de compétences. Je ne connais pas très bien la Loi sur les cités et villes, mais, au niveau du Code municipal, on peut, à l'intérieur des municipalités et de la MRC, se donner des délégations de compétences. C'est la même chose, bon... Comme processus, vous pensez que ce serait la MRC ou les municipalités qui devraient avoir un droit de regard, par exemple, sur le transport adapté, carrément les compétences, oui?
M. Tremblay (Michel): Bien, moi, je pense que la municipalité au premier titre, c'est elle qui reçoit les argents, alors, au premier titre, c'est l'organisme qui a la possibilité de taxer. La MRC n'a pas un pouvoir de taxation, et j'espère qu'on ne le donnera jamais. Voilà.
M. Bachand: Merci infiniment, M. le président. On se rejoint là-dessus.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci. M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Bernard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Tremblay et Croteau. Je suis content de vous accueillir aujourd'hui, l'Union des municipalités, à ce moment-ci, la dernière journée des audiences sur le projet de loi, des consultations, parce que vous touchez, je dirais, le point majeur qui a été abordé par la plupart des organismes qu'on a entendus au cours des dernières journées, c'est-à-dire premièrement l'aspect financier, l'aspect financier qui semble être le nerf de la guerre. Puis juste vous rappeler, la plupart des organismes qu'on a entendus jusqu'à maintenant, plusieurs demandent, entre autres, que le projet de loi s'étende à l'ensemble des municipalités du Québec et non pas simplement celles ayant plus que 20 000 personnes de population.
Le besoin de transport adapté qui a été mentionné comme étant criant comme besoin à l'ensemble de ces personnes-là, les gens nous ont demandé le retrait pur et simple de l'article 1.3 du projet 4, c'est-à-dire en tenant compte des ressources financières, comme vous abordez. Puis plusieurs nous ont demandé des mesures de coercition parce que justement ils doutent de la volonté réelle de plusieurs organismes ou intervenants, que ce soit gouvernemental, etc., de mettre en oeuvre le projet de loi.
Moi, je crois, personnellement, en tant que gouvernement, on est obligé de répondre aux attentes de ces personnes-là handicapées qui ont des besoins dans la population. Puis votre intervention est très pertinente. Puis un des points que, moi, je me disais, c'est, entre autres, quand vous faites le profil de la population qui va changer au cours des prochaines années. Ces gens-là d'ailleurs vont être les électeurs des futurs maires et des futurs préfets. Donc, ces gens-là aussi vont avoir des exigences particulières versus les prochains élus municipaux. Et je crois que les élus municipaux n'auront pas le choix, s'ils veulent être élus ? ou ceux qui vont être là ? de répondre aux attentes de ces futurs électeurs là. Donc, l'importance d'un plan, je crois, qui est pertinente à cet égard-là.
Puis, de votre côté, vous avez très bien mentionné, et également M. le ministre, qu'on est en train, en tant que gouvernement, de revoir le partage fiscal pour justement aider les municipalités. Vous avez soulevé vos points, ils sont pertinents, et je suis d'accord avec vous à cet égard-là. À Rouyn-Noranda, que vous connaissez très bien, une MRC, une ville, les gens nous ont demandé du transport adapté en milieu rural. Le gouvernement, le ministère des Transports est prêt à donner sa part de 75 %, mais la ville n'a pas les ressources pour donner sa part de 25 %. Sauf que le besoin est criant. Alors, il faut un plan.
Puis, moi, je m'amène à ce moment-là à cette question-là, je crois à la pertinence que les organismes aient soit une mesure de coercition ou des résultats d'obligation. Et, advenant, advenant que, au cours des prochains pourparlers des prochains mois qu'il va y avoir au niveau des discussions sur les recettes fiscales et sur les partages fiscaux entre les deux paliers de gouvernement et les municipalités, advenant qu'il y ait, comme vous disiez, de prévoir un cadre financier pour soutenir les municipalités qui soit acceptable, est-ce que vous seriez contre, à ce moment-là, l'abolition de l'article 1.3 et avoir des mesures pour exiger des obligations pour assurer que les personnes handicapées vont avoir les services auxquels elles s'attendent? Advenant que vous ayez un cadre financier acceptable.
La Présidente (Mme Charlebois): Très brièvement parce que le temps...
n(11 h 10)nM. Tremblay (Michel): Bien, évidemment, s'il y a des ressources financières appropriées, on serait plus enclins, mais il nous faut avoir la ressource financière, et, si on ne l'a pas... et la ressource financière avec une certaine pérennité, c'est-à-dire que, si c'est vraiment ad hoc et pour une année, on n'ira pas loin avec ça, là. Il faut avoir un cadre de financement qui est stable, dans lequel les municipalités peuvent s'engager puis livrer la marchandise. Alors, on ira... Moi, je pense que les municipalités sont ouvertes à ça. Nous avons des responsabilités sociales en région, mais encore faut-il avoir la capacité de le faire. C'est toujours le même discours malheureusement, mais je pense que, là-dedans, quand on a des mesures... Vous savez, on est très sensibles à des programmes gouvernementaux où il y a un peu d'argent. Alors, cet argent-là, on s'attache après ça puis on s'en va. Mais, s'il n'y en a pas d'argent... C'est le coup de pouce qu'on veut avoir, finalement.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Tremblay. Mme la députée de Duplessis, porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Richard: Bonjour, MM. Tremblay et Croteau. Ça me fait plaisir également, au nom de l'opposition officielle, de vous voir ici aujourd'hui et de pouvoir échanger avec vous sur le projet de loi n° 56. Je tiens à vous dire à prime abord que je comprends très, très bien vos inquiétudes. Je viens d'une région, je suis native d'une petite municipalité puis j'ai un territoire assez particulier. Mais ce que je comprends aussi, c'est que, bon, vous ne voulez pas d'obligation de faire des plans d'action, bon, vous n'avez pas de garantie que vous aurez les moyens, que ce soit financiers, en ressources humaines ou matérielles, de les mettre en place. Mais je vous dirais qu'en contrepartie vous êtes vraiment en opposition avec tous les groupes qu'on a rencontrés. Et vous comprenez ici que je pense que tous, en tant que parlementaires, législateurs, on est à débattre d'un projet de loi pour améliorer au quotidien le sort des personnes handicapées.
Et ce que je comprends aussi, c'est que, bon, nous, quand on était au gouvernement, le Parti québécois, on avait élaboré un projet de loi. Bon, il est mort au feuilleton, mais on avait prévu des sommes d'argent nécessaires, et ce qui n'est pas le cas ici. Et ce que je trouve un petit peu ? je vais dire mon expression ? un petit peu bizarre, c'est que, bon, on vient vous obliger, dans le projet de loi, à mettre des plans d'action, on oblige aussi les municipalités à assurer, bon, du transport adapté sur leur territoire et après on vient, par un article 1.3, avec une clause limitative, dire: Bon, bien, vous pourrez invoquer cette clause-là pour dire: On n'a pas les ressources financières, on n'a pas les ressources matérielles, on n'est pas capable d'appliquer ça. Et, moi, ici, je me mets un peu à votre place, mais je me mets aussi à la place des personnes, des groupes qui sont venus nous dire: Mais, écoutez, qu'est-ce que ça va nous donner, à nous, ça, là? Et, comme vous l'avez dit, c'est beau, là, établir des politiques puis mettre ça dans un projet de loi, là, vous, comme municipalités, vous ne serez pas capables, et, pour les personnes handicapées, ça ne leur offrira pas, là, une qualité de vie acceptable, disons, par rapport au projet de loi.
Et je comprends que, depuis plusieurs années, on pellette de plus en plus ? ça, j'en suis consciente ? dans les municipalités. J'aimerais vous entendre sur tout d'abord une chose. Quand on parle que, bon, les municipalités devront offrir du transport adapté sur tout le territoire ? je vous ai fait mention que je viens d'une région puis je sais combien ça va être difficilement applicable ? qu'est-ce que vous pensez qu'on pourrait... Bon, envoyer cette responsabilité-là aux MRC puis peut-être faire du partenariat avec différents organismes qu'on peut retrouver souvent, que ce soit au niveau des commissions scolaires ou même... Moi, je sais qu'il y a du transport qui se fait au niveau de la santé sur mon territoire. Je parle des toutes petites municipalités. Est-ce qu'on pourrait mettre ces ressources humaines en commun pour offrir du transport adapté?
La Présidente (Mme Charlebois): M. Tremblay.
M. Tremblay (Michel): Je pense qu'il n'y a rien qui vous empêche de faire ça. Évidemment, je pense qu'au premier titre ce seront les municipalités qui devront assumer le transport... aux municipalités sur leur territoire. Il peut y avoir une entente avec la MRC ou encore avec un organisme complémentaire, il n'y a rien qui empêche cela. Ce qui est important, c'est que le milieu se donne les moyens pour assurer un transport adapté adéquat sur l'ensemble du territoire. Mais au premier titre je pense que le coeur, c'est-à-dire la ville, l'agglomération ou les villes de centralité doivent commencer à offrir ça, élargir graduellement, puis, s'il y a lieu de faire appel à la MRC, bien tant mieux. Et il y a toujours des ententes qui sont possibles et imaginables. Ça, ça va avec l'imagination du milieu aussi, hein? Là-dedans, il faut s'aider, et, à ce moment-là, on est capable de prendre certains risques et certaines responsabilités au niveau de l'offre de services, évidemment.
M. Croteau (Marc): Et j'ajouterais, Mme la députée de Duplessis, j'ajouterais que c'est le cas dans plusieurs MRC, là. De mémoire, il y a une trentaine de MRC actuellement où des municipalités rurales de plus petite taille sur de grandes superficies ont combiné leurs forces pour être capables de mettre en place un programme MRC en partenariat souvent avec les CLSC du secteur, souvent avec le scolaire. C'est déjà en place dans une trentaine de municipalités régionales de comté, si je ne me trompe pas.
Mme Richard: Merci. Vous avez fait référence aux forums Briller parmi les meilleurs et que, bon, pour tout ce qui pourrait entourer les coûts pour mettre de l'avant le plan d'action, il faudrait attendre le résultat du grand forum Briller parmi les meilleurs. Mais, moi, je vais être honnête avec vous, je n'ai pas participé à ces forums parce que, premièrement, le temps qui était alloué, bien ce n'est pas... le temps qui était alloué aux intervenants m'apparaissait assez ridicule en soi, et la complexité aussi des thèmes qui étaient abordés. Et je ne pense pas que les personnes handicapées étaient un enjeu au forum Briller parmi les meilleurs, et le transport adapté, là. Comment pensez-vous que, via la fin des forums Briller parmi les meilleurs, vous allez être capables d'exposer au premier ministre vos préoccupations vis-à-vis du projet de loi n° 56? C'est des responsabilités qu'on veut vous donner que vous n'avez pas les moyens.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Tremblay.
M. Tremblay (Michel): Nous allons entreprendre avec le ministre des Affaires municipales bientôt le renouvellement du pacte fiscal, d'une part. Dans le cas du forum qui s'amène, évidemment on va parler beaucoup de décentralisation et de régionalisation. Alors, ce sont des préoccupations dans lesquelles on devra sensibiliser le gouvernement à l'importance de satisfaire tous les groupes de la société. Alors, c'est un peu la démarche qui sera entreprise, et je pense qu'à ce moment-là c'est peut-être un endroit pour vraiment exprimer nos préoccupations à cet égard.
Mme Richard: M. Tremblay, je suis d'accord avec vous, vous allez peut-être pouvoir les exprimer, mais il va falloir que...
M. Tremblay (Michel): On veut faire avancer la cause, madame. Ce sera un pas dans la bonne direction.
Mme Richard: Ah, ça, je vous le souhaite, ça, soyez-en assuré, M. Tremblay. Ma préoccupation, moi, je vais être honnête avec vous, c'est que ? puis je m'en rends compte ? vous n'aurez pas les moyens de mettre en place, dans les petites municipalités comme même dans celles de 20 000 habitants et plus, là, de mettre en place un plan d'action et le suivi du plan d'action. Puis vous en avez fait référence, et, vous, tantôt, M. Croteau, vous avez dit: On va créer des attentes, là. Et, moi, ce que je souhaite, c'est que le gouvernement voie avec les municipalités, oui, à ce qu'il y ait un plan d'action qui soit fait. Mais est-ce qu'on vous donne les moyens? Et ça, c'est ma crainte. Il faudrait, et je le souhaite, que le ministre de la Santé et des Services sociaux voie avec son collègue du ministère des Transports à ce que les sommes soient disponibles. Et ça, c'est une inquiétude pour moi.
Je voudrais juste, en terminant, vous poser une question, peut-être que vous allez pouvoir me répondre: Dans les cas des municipalités qui sont défusionnées ? et je prendrais l'exemple de Mont-Royal, la circonscription du ministre, il y a 18 572 habitants ? à qui va revenir la responsabilité? Est-ce que ça va être à la municipalité reconstituée ou au conseil d'agglomération? À qui cette responsabilité-là va-t-elle être dévolue?
M. Tremblay (Michel): Selon nous, ce sera l'agglomération qui devra assumer cette responsabilité, évidemment.
Mme Richard: Merci beaucoup.
M. Tremblay (Michel): Très bien.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? M. le député de Robert-Baldwin. Ça va?
M. Marsan: Oui. Merci encore une fois. Je voudrais peut-être faire un écho quand même à ce qui vient d'être mentionné. On mentionnait que le projet de loi n° 155 effectivement est mort au feuilleton mais qu'il y avait eu des sommes qui devaient y être associées. Ça aussi, on n'a jamais vu les couleurs de ces sommes-là, évidemment, avec les élections, j'imagine que le gouvernement précédent n'a pas eu la chance et le privilège de faire les investissements qui avaient été annoncés.
n(11 h 20)n Je voudrais quand même revenir pour être sûr d'avoir bien compris votre message. Et je pense avoir une difficulté, puis corrigez-moi, s'il vous plaît. D'abord, le cadre financier et suite aux affirmations que vous avez mentionnées, bien je pense que vous comprenez que le gouvernement du Québec a des responsabilités envers les personnes handicapées qu'il assume de différentes façons, que ce soit avec le milieu, à l'occasion, institutionnel ou le milieu des services sociaux, en supportant, là, l'Office des personnes handicapées et de bien d'autres façons. Mais, moi, je considère qu'une personne handicapée, pour une municipalité... la municipalité a aussi une responsabilité, puis une responsabilité aussi importante.
Et j'ai de la misère à... Je vous comprends d'un côté puis j'ai quand même aussi de la misère à recevoir votre message, de dire: Bien, écoutez, on va s'en occuper des personnes handicapées si vous nous donnez l'argent; mais, si on ne vous donne pas l'argent, ce n'est pas de votre responsabilité. Et là je m'inscrirais en faux en pensant que les personnes handicapées, eh bien, sont des citoyens à part entière pour les municipalités, pour le gouvernement du Québec, et j'aimerais vous demander de clarifier si ma compréhension a été adéquate ou votre message a été bien reçu.
Et très, très rapidement, parce que je sais que le temps file, là, tantôt le ministre vous a posé une question sur les sommes affectées au transport handicapé et il mentionnait peut-être qu'avant d'ajouter des sommes il faudrait peut-être regarder si elles sont bien dépensées, et là-dessus on n'a pas eu vos commentaires.
M. Tremblay (Michel): Bon, évidemment, la préoccupation... nous avons, à mon sens, une responsabilité sociale vis-à-vis des personnes handicapées. Nous les assumons en général partout sur le territoire. La hauteur du financement, c'est la hauteur... Il manque toujours un peu d'argent, évidemment. Mais, après qu'on a dit ça, on est capables d'assumer nos responsabilités puis de donner un niveau de services convenable. Maintenant, on peut «upgrader» ça, on peut augmenter ce niveau de services là si on a un petit peu plus de ressources financières. Dans le cas du plan d'action, je pense que le plan d'action anticipé, s'il est accompagné de ressources financières, ce sera le bonheur total, je pense, et pour tout le monde.
M. Croteau (Marc): Vous avez raison, M. le député, de dire que les municipalités doivent s'occuper des personnes handicapées, et puis en général c'est une grande préoccupation. Le développement des collectivités, le développement communautaire, le développement de nos communautés, c'est aussi le décrochage, c'est aussi la délinquance, c'est aussi l'intégration sociale, c'est aussi encadrement de nos personnes fragilisées, et le monde municipal fait ça. Mais l'embûche dans tout ça, c'est sur la fondation de l'impôt foncier, qui n'a rien à faire avec la capacité de payer du citoyen, et c'est là le problème. Et, même quand on dit qu'on demande des ressources financières, on va un pas plus loin, on dit qu'il nous faut aussi des ressources fiscales.
Vous savez, il y a d'autres provinces, l'Ontario, pour ne pas le nommer, les municipalités ont donné un bon coup de pouce au gouvernement Harris il y a quelques années. On a fait une grande décentralisation, on a annoncé une coupure de l'impôt sur le revenu de 30 % en annonçant qu'il y avait des augmentations à l'impôt foncier et de l'impôt local. Ça, ils l'ont dit. Ils travaillent avec des enveloppes, des ressources financières. Les municipalités ontariennes ont décidé de s'occuper des ambulances. C'était logique. Ils avaient, eux autres, le système qu'on appelle un peu paramédic, là. Donc, ils ont tout combiné ça avec leurs services de santé, financés à 80 %, 85 % par la province. Aujourd'hui, financés à 48 %, ils sont obligés de financer le 52 % sur l'impôt foncier. L'enveloppe s'est effritée avec le temps. Donc, on demande non seulement un encadrement qui est financier, mais aussi fiscal. Mais vous avez tout à fait raison, la préoccupation du développement communautaire des collectivités est en première ligne au niveau du monde municipal. Et la révision des sommes qui sont en place, ça doit être fait aussi, M. le député, ça doit être fait aussi.
M. Marsan: ...pour ces clarifications.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: Mme la Présidente, M. Tremblay, M. Croteau, merci pour votre mémoire. À la lecture, on est toujours un peu surpris quand on lit que nos intervenants municipaux veulent des délais ou veulent telle, telle chose. Mais je le comprends. Je vous dis que je vous comprends. Je travaille avec des petites municipalités, je travaille de très près avec les municipalités de mon comté, mes petites municipalités rurales, et on n'a pas le droit de subventions au transport adapté à cause des distances, ce que vous avez décrit, M. Croteau. On a droit à du transport... je ne sais pas comment il s'appelle, là. Mais on a essayé d'avoir des subventions, et les coûts étaient trop élevés, puis on n'avait pas assez de monde. Ça fait qu'on voit, là, qu'il y a certaines difficultés.
Ma question, c'est de savoir... On sait que l'Union des municipalités s'en va en négociations pour le pacte fiscal, il y a aussi un comité qui vient d'être créé sur la décentralisation, régionalisation. Est-ce que, dans ces négociations-là au niveau du pacte fiscal, vous allez vous assurer que, dans le transfert, s'il y a lieu, de sommes vers les municipalités pour assumer les nouvelles responsabilités qui vous sont dévolues, qu'il va y avoir une place très importante par rapport aux services à nos personnes handicapées et en ce qui touche le transport adapté, et ces choses-là?
M. Tremblay (Michel): Premièrement, dans la démarche que nous faisons présentement pour le renouvellement du pacte fiscal, il y a le programme des infrastructures. Évidemment, on veut absolument avoir accès à ces ressources financières, mais le transport en commun, le transport adapté est dans nos préoccupations également. Alors, ce sont des volets dans lesquels nous allons demander que les ressources financières viennent avec ce nouveau plan fiscal.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Alors, merci, M. Tremblay, M. Croteau, pour votre présentation. Maintenant, j'inviterais le groupe des jeunes handicapés de Soulanges à bien vouloir prendre place. Et je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 26)
(Reprise à 11 h 28)
La Présidente (Mme Charlebois): ...s'il vous plaît! Maintenant, nous recevons les jeunes handicapés de Soulanges ? finalement, mon comté ? représentés par Mme Pierrette Gamelin. Bienvenue dans cette enceinte, chez vous, finalement. Vous avez 20 minutes pour effectuer le présentation de votre mémoire, ensuite il y aura des échanges avec les parlementaires. Alors, allez-y.
Jeunes handicapés de Soulanges
Mme Gamelin (Pierrette): Alors, je vous remercie. Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission...
La Présidente (Mme Charlebois): Je m'excuse, Mme Gamelin, j'ai oublié de vous mentionner, si vous voulez nous présenter votre invité.
Mme Gamelin (Pierrette): D'accord. Alors, si vous permettez, je suis Pierrette Gamelin. J'ai avec moi ma fille Marie-Michèle qui m'accompagne. Merci. Ma présence à cette Assemblée est justifiée par une profonde déception du traitement réservé aux jeunes handicapés de la région de Soulanges. Il y a effectivement une négligence marquée à leur égard en ce qui a trait au transport adapté de ces jeunes qui, comme dans le cas de mon fils, habitent la région de Soulanges et qui doivent se rendre à Dorion pour avoir des services adéquats.
n(11 h 30)n En effet, la région de Soulanges, située au sud-ouest du Québec en bordure de la frontière ontarienne, devrait, selon le découpage de territoires, être desservie par le transport adapté de Salaberry-de-Valleyfield. Comme les taxes des municipalités associées sont versées au transport de Salaberry-de-Valleyfield, le transport adapté de la ville de Dorion ne couvre pas le territoire de Soulanges. Dans l'implantation du transport adapté en région, aucun gestionnaire n'a réussi à s'entendre sur le découpage des territoires ou sur une gestion différente du partage des revenus, ce qui conduit à l'oubli inacceptable de ces jeunes handicapés.
Je me permets de vous donner un bref historique du problème. Le territoire de Soulanges est occupé par la commission scolaire des Trois-Lacs, où ces jeunes sont reçus dès l'enfance. Puis ils sont référés de par leurs difficultés aux différents services dispensés par le CLSC La Presqu'île qui couvre le territoire de Vaudreuil-Soulanges. Ensuite, ils sont accueillis dans des classes spécialisées à l'école Lionel-Groulx de Vaudreuil-Dorion. Ces élèves peuvent fréquenter cet établissement de l'âge de 18 à 21 ans, le transport étant toujours assuré par la commission scolaire des Trois-Lacs. À cette échéance, ils sont dirigés aux Services de réadaptation du sud-ouest et du Renfort où ils sont pris en charge par une équipe de travailleurs et travailleuses sociaux. Ces services leur permettent une insertion au milieu du travail par différents ateliers situés dans les commerces de la ville de Vaudreuil-Dorion et leur permettent une insertion sociale chargée d'activités supervisées par une association au parrainage civique de la ville de Vaudreuil-Dorion, sauf qu'aucun transporteur n'en favorise l'accès aux jeunes de Soulanges, qui se trouvent ainsi bloqués chez eux sans aucune ressource.
Il est nécessaire d'avoir une carte au transport adapté de Salaberry-de-Valleyfield pour y avoir accès. Comme mon fils et moi habitons à Saint-Zotique, village situé à 3 km de Salaberry-de-Valleyfield, l'adhésion a été refusée. Pourtant, le transporteur désigné pour ma région est bien celui de Salaberry-de-Valleyfield. J'ai dû, pour obtenir cette carte, rencontrer le maire de Salaberry-de-Valleyfield, M. Denis Lapointe, qui me l'a accordée principalement parce que je le connais depuis les années soixante-dix. Mais le transport de Salaberry-de-Valleyfield refuse toujours de faire la navette entre Soulanges et Dorion, et les jeunes n'ont pas encore accès aux activités d'insertion situées à Vaudreuil-Dorion.
Pour trouver un terrain d'entente, plusieurs scénarios ont été présentés par moi et par d'autres aux deux transporteurs, soit celui de Salaberry-de-Valleyfield et celui de Dorion. Aucun n'a été accepté. De plus, différentes pressions auprès des responsables des municipalités concernées n'ont abouti qu'à un seul compromis, soit un point de rencontre commun des deux territoires. Le transporteur de Valleyfield déposerait les jeunes à 5 heures du matin, et les jeunes y attendraient le transport de Dorion qui viendrait les chercher entre 5 heures et 6 h 30 du matin. Imaginez le cocasse de la situation. J'ai alors compris le ridicule de l'attention portée à ma requête. J'ai donc depuis continué pendant six ans, hiver comme été, matin et soir, avant, après mon travail, à transporter mon fils de Saint-Zotique vers Vaudreuil-Dorion, ce qui me faisait un horaire très, très chargé, vous n'en doutez pas. En revanche, je n'ai malheureusement pas pu lui permettre l'accès à une insertion sociale complète afin qu'il puisse créer des liens nécessaires pour son équilibre.
Aujourd'hui, mon fils, qui a 27 ans, n'a pas encore de vie sociale, ni d'amis, ni personne en dehors de sa soeur et moi. Il vit un isolement qui risque de bousiller tout le travail qu'il a accompli pour se conformer à ce que la société attend de lui, et tout cela pour une question de transport.
Depuis, j'ai repris ma quête. En juillet 2003, j'ai adressé une lettre à la municipalité de Saint-Zotique sans trop de résultats. Je commençais à perdre haleine quand, au début du mois de juin 2004, à la Première Chaîne de Radio-Canada, je tombe sur une allocution donnée par le ministre de la Santé, M. Philippe Couillard, qui donnait l'information sur le projet de loi n° 56, projet cherchant à favoriser l'intégration à la société des personnes handicapées, désirant aider à l'organisation des ressources et des services qui leur sont destinés. Immédiatement, j'en ai informé les instances politiques de mon milieu et, après avoir envoyé une lettre les informant que je ne lâcherais pas mon combat, je me suis présentée à l'assemblée publique mensuelle du conseil municipal de Saint-Zotique. Par conséquent, j'ai pu avoir en main le procès-verbal de l'assemblée des maires des municipalités desservies par le transport adapté des personnes handicapées tenue le jeudi 4 décembre, à Salaberry-de-Valleyfield, dont je vous envoie une copie. Je ne sais pas si je dois attendre que vous ayez la copie.
La Présidente (Mme Charlebois): Non, ça va aller. Vous pouvez continuer.
Mme Gamelin (Pierrette): Merci. On y trouve notamment, au point 7, à Varia, point c: L'assemblée n'a pas adopté de résolution par rapport à cette situation, cependant il y a un consensus à mandater le directeur pour qu'il intervienne dans ce dossier avec différents intervenants afin de trouver une solution au problème. Levée de l'assemblée. C'est presque sans commentaire.
Moi, je ne peux m'empêcher de vous signifier ma déconvenue quand j'ai compris la désinvolture de nos élus, qui ne traiteront ce dossier qu'aux calendes grecques. Enfin, vous comprendrez combien il est important pour nous que le projet de loi n° 56, qui propose des mesures concernant l'intégration au marché du travail des personnes handicapées et l'accès de celles-ci aux immeubles et services de transport adapté dans les municipalités, soit adopté et que ces jeunes, qui, comme mon fils, n'ont pas la capacité de revendiquer leurs droits, aient accès à l'égalité et à une qualité de vie décente.
Ma revendication va au-delà du projet de loi, elle va jusqu'au simple respect de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne et de la Charte canadienne des droits et libertés. Rappelez-vous ce qu'elles nous dictent. Charte québécoise des droits et libertés de la personne, partie I, chapitre I.1, paragraphes 10 et 11: «Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap. Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.» À la Charte canadienne des droits et libertés, partie I, paragraphe 15: «La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion [...] l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.» Si vous permettez, je vais brièvement vous faire part de ma réflexion après avoir lu le livre d'Alexandre Jollien, Le métier d'homme. Alexandre Jollien est un paralytique cérébral qui, par la résilience, est devenu philosophe et est reconnu comme tel dans les milieux intellectuels français. Alors, voici: «"Les esprits valent ce qu'ils exigent. Je vaux ce que je veux." Paul Valéry vient ainsi à la rescousse, en rappelant l'importance de la volonté; elle interdit d'abdiquer. Ces jeunes peuvent être volontiers désignés comme progrédiente, comme des hommes qui ne cessent jamais de progresser.» C'est pourquoi, aujourd'hui, au nom des jeunes handicapés de Soulanges, je me suis adressée à votre Assemblée. Je vous remercie de votre écoute.
n(11 h 40)nLa Présidente (Mme Charlebois): Merci, Mme Gamelin. Nous allons procéder maintenant aux échanges avec les parlementaires. Et nous allons débuter ces échanges avec le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme Gamelin, pour votre communication. Je suppose que ? évidemment, le cas de votre fils est très éclairant ? il doit y avoir d'autres cas semblables, je suppose, dans la région.
Mme Gamelin (Pierrette): Il y en a plusieurs, oui. C'est d'ailleurs mentionné dans le procès-verbal, où il y avait demande de transport pour proche une dizaine de personnes qui a été associée à un autre transport qui... Ça ne répond pas aux besoins, qu'est-ce qui est offert.
M. Couillard: Et puis vous décrivez très bien le problème et toutes les tracasseries successives, là, que vous avez rencontrées, ce qui rejoint tout à fait ce qui a été mentionné au cours des discussions qui ont précédé votre arrivée ici, où on dit aux gens: Avant de demander beaucoup, beaucoup d'argent de plus pour le transport adapté, vérifions donc que les sommes qui sont déjà allouées sont gérées de façon correcte et qu'il n'y a pas des problèmes de coordination puis de gestion qui doivent être améliorés. Et le cas que vous décrivez est d'ailleurs tout à fait éclairant.
D'ailleurs, dans le document que vous déposez, il y a également un sommaire qui montre que les allocations financières augmentent, mais cependant, de toute évidence, la situation de votre fils, elle, ne s'est pas modifiée et ni des personnes qui sont dans la même situation. Alors, je suppose que vous appuyez donc l'obligation qui serait faite à toutes les municipalités de se doter d'un plan de transport adapté, tel que proposé dans le projet de loi?
Mme Gamelin (Pierrette): Oui. Vous comprendrez que c'est rare que je m'adresse à une telle assemblée, c'est la première fois. Du vécu à l'intérieur de ces milieux, j'ai pu comprendre que l'argent, il y en a, mais la répartition, le découpage des territoires est en suspens. Personne n'ose s'avancer de peur d'intervenir dans la gestion du transport adapté de la ville voisine. Les deux villes, comme Vaudreuil-Dorion et Valleyfield, sont comme en L, et Soulanges est là. Les deux villes sont extrêmement bien organisées, puis tous les intervenants en services sociaux m'ont confirmé ça, les jeunes qui vivent à la ville sont très bien. J'ai même eu la suggestion du responsable, M. Bonin, de la ville de Valleyfield, de déménager à Valleyfield pour que mon fils ait des services. J'ai trouvé ça un peu arrogant de sa part, mais je n'ai pas donné de réponse. Mais je me dis qu'il pourrait y avoir partage de l'assiette monétaire, de ça, pour que ces jeunes de Soulanges, sans être obligés de déménager, puissent avoir accès à ce milieu.
On propose aussi qu'on déménage les jeunes, qui pourraient recevoir leurs services à Dorion, les déménager à Valleyfield. Moi, je ne suis pas d'accord parce que mon fils, depuis qu'il est tout petit qu'il reçoit les services des personnes du CLSC La Presqu'île, il connaît ces gens-là, il s'est sécurisé avec eux, et, pour lui, ce fut un travail énorme que d'arriver à ces niveaux-là. Maintenant qu'il y est arrivé, on va lui dire: Bien non, mon beau petit bonhomme, maintenant tu vas changer ton milieu, tu vas aller t'insérer dans un nouveau milieu; tu ne connais personne, mais tu vas tout reprendre ce que tu viens de faire. À ces personnes-là, c'est comme leur couper l'oxygène. C'est comme leur dire: Je vous place dans un milieu complètement nouveau, et tu dois tout recommencer. Moi, je ne veux pas que mon fils vive ça.
Je paie des taxes, d'autres personnes aussi en paient, et je suis assurée qu'après s'être assis à la même table, si ces gens-là avaient une bonne volonté, ils seraient capables de partager l'assiette financière et de répartir les besoins, quitte à en faire un horaire, que ce ne soit pas comme le transport de Montréal, là, mais quitte à en faire un horaire pour favoriser l'accès social au développement de leur personne à ces jeunes.
M. Couillard: Oui. Puis je suis tout à fait d'accord avec les principes que vous énoncez, souvent c'est que c'est aux services publics de s'adapter aux besoins des gens et non pas l'inverse. Ce qu'on vous a demandé en vous disant de déménager, c'est: Voici le cadre dans lequel on est, puis allez déménager dans le cadre, puis vous allez voir que ça va bien aller. Et ça, c'est une des choses qu'il faut vraiment corriger dans la façon dont on donne les services, que ce soit en santé ou le transport adapté, c'est tout à fait véritable.
Et également ça nous rappelle à quel point il est essentiel, si on veut jouer notre rôle de gestionnaires responsables, avant de mettre de l'argent de plus dans un système ou avant de dire aux gens: Bien, écoutez, demandez moins parce qu'on n'est pas capables, qu'on fasse donc l'exercice de vérifier localement s'il n'y a pas moyen de mieux administrer les sommes. Puis l'exemple que vous donnez tombe à point nommé parce qu'il nous montre exactement où sont les dysfonctions, là. Et, vous avez raison, si un territoire ne veut pas aller sur l'autre territoire, ne veut pas créer de problème diplomatique nécessairement avec son voisin... De sorte que est-ce que vous croyez qu'une recommandation qui a été faite ici d'impliquer également l'organisme qui chapeaute les municipalités, qui est la municipalité régionale de comté, l'impliquer là-dedans, ça aiderait à coordonner ces choses-là puis à dire aux gens: Écoute, il faut que vous vous entendiez, là, entre vous pour donner le service?
Mme Gamelin (Pierrette): C'est évident qu'il va y avoir besoin d'un tiers pour permettre à ces gens de pouvoir évaluer la situation. Maintenant, je vous fais part de mon incompétence à ce niveau-là, je ne pourrais pas vous dire quel palier il faudrait bouger par rapport à l'autre, mais par contre...
M. Couillard: Mais il faut que quelqu'un arbitre, il faut que quelqu'un aille régler ça, là.
Mme Gamelin (Pierrette): Oui. Oui, ça prendrait un tiers. Parce qu'il ne faut pas oublier que le service du transport adapté répond bien aux personnes âgées. Les personnes âgées des différents centres de personnes âgées vont visiter l'hôpital, il y a un transport qui se fait, là. Alors, il ne faudrait pas négliger ça en voulant répondre aux besoins des plus jeunes. C'est assez complexe comme difficulté à résoudre, de ce que j'ai vu, moi. Mais je ne suis pas compétente pour évaluer.
La Présidente (Mme Charlebois): Si vous me le permettez, M. le ministre, j'aimerais m'adresser à Mme Gamelin parce qu'évidemment c'est mon comté, et j'ai été sensibilisée à cette problématique-là non seulement... Quand vous dites qu'il n'y a pas de problème au niveau du transport des personnes âgées, il y en a un parce que Soulanges-Sud vit une dynamique qui est près de Valleyfield et qui veut aller vers Vaudreuil-Dorion, ce qui est impossible. Mais Soulanges-Nord vit la dynamique opposée, c'est-à-dire que les gens veulent aller au Centre hospitalier du Suroît et ils sont incapables d'y aller parce que le transport va vers Vaudreuil-Dorion. Alors, on a comme, à l'intérieur d'un même comté, deux dynamiques totalement différentes.
Et, suite à tout ça, j'ai rencontré aussi d'autres organismes, par ailleurs. Ça s'appelle le Comité partenaire de lutte à la pauvreté qui a été... je pense qu'il a été créé il y a un an ou deux dans Soulanges. En tout cas, c'était là quand j'ai été élue, en avril 2003. Et c'est composé, les partenaires qui font partie du comité de lutte à la pauvreté... En passant, c'est un comité où il y a des actions et pas seulement des revendications. Il y a des intervenants de la MRC, des représentants des maires, CLSC, commissions scolaires, plusieurs partenaires du milieu, et ils sont sensibilisés déjà aux problématiques qui se vivent en transport global, notamment aussi pour les personnes âgées, les jeunes handicapés, tout ce qu'il y a comme services. Ils sont en train de faire la liste de l'inventaire de tout ce qu'il y a à l'intérieur du comté pour ensuite faire une meilleure coordination. Puis c'est effectivement ce que vous dites, il y en a de l'argent, mais c'est de tout coordonner adéquatement les services pour tous les citoyens.
Et je sais qu'actuellement, à ce comité-là, il y a un chantier qui travaille spécifiquement sur le transport collectif, mais de tous les groupes, là. Ils sont sur le point de proposer des pistes de solution. Évidemment, tout le monde va être interpellé. Que ce soit au niveau des commissions scolaires, au niveau du transport scolaire, l'inventaire est en train de se faire à tous les niveaux. Alors, ça va prendre une grande collaboration de tous, à ce moment-là. Je pourrai vous tenir au courant par ailleurs de tout ce qui se fait comme démarches. Mais c'est là où on voit que je pense que le fait de faire intervenir les MRC peut permettre une meilleure coordination de tout ce qui se fait en transport adapté, et tout ça.
Mme Gamelin (Pierrette): Est-ce que vous me permettez...
La Présidente (Mme Charlebois): Oui. Allez-y.
Mme Gamelin (Pierrette): ...de vous faire part d'une de mes inquiétudes? Admettons qu'on... J'imagine un scénario, celui que je ne voudrais pas voir, qu'on fait une association avec le transport scolaire pour que les jeunes handicapés de Soulanges puissent se rendre à Dorion, aux différents ateliers. Je souhaite beaucoup que ces jeunes handicapés ne soient pas encore replongés dans l'enfer du transport scolaire, où, pour eux, ce fut une partie de leur vie qu'ils, je pense, veulent absolument oublier. Donc, je ne voudrais pas que ça, ce soit mêlé. Est-ce que vous comprenez?
n(11 h 50)nLa Présidente (Mme Charlebois): Ce que je vous disais, c'est qu'on fait l'inventaire de tout ce qu'il y a comme transport pour mieux permettre l'utilisation des services de transport. Ça ne veut pas nécessairement dire que le transport scolaire va être affecté aux personnes handicapées, mais on va avoir une meilleure utilisation des ressources pour tout ce qui touche le transport dans le comté. Mais je pourrai par ailleurs laisser vos coordonnées à ces gens-là, vous pourrez leur émettre vos opinions.
Mme Gamelin (Pierrette): Oui, j'apprécierais.
La Présidente (Mme Charlebois): On va passer du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Duplessis, qui est porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Richard: Bonjour, Mme Gamelin.
Mme Gamelin (Pierrette): Bonjour, madame.
Mme Richard: Merci de venir nous raconter ce que vous avez vécu avec votre fils. Vous aviez du transport adapté dans votre région.
Mme Gamelin (Pierrette): Oui.
Mme Richard: Moi, je n'en ai pas partout, là, dans ma région.
Mme Gamelin (Pierrette): Oui, mais je n'y ai pas accès.
Mme Richard: Et je me rends compte que ça ne fonctionnait pas. Et, pour une fois, je vais être d'accord avec M. le ministre de la Santé et des Services sociaux ? ça nous arrive ? ce n'est pas toujours une question... Oui, des fois, il faut avoir les moyens financiers pour, bon, mettre des plans d'action, et tout ça. Ce qu'on se rend compte, c'est que des fois on a des ressources humaines, matérielles, financières mais qu'on a un manque de volonté, on n'a pas de concertation. Et c'est ce que sont venus nous dire des groupes aussi au cours des dernières semaines. Et la proposition que le transport adapté soit peut-être chapeauté ou régi, peu importe le terme qu'on lui donnera, mais il y aura une instance, ça pourrait être les MRC, moi, je trouve que ça viendrait vous aider dans votre cas, ça viendrait peut-être aussi enlever ce manque de concertation, qu'on ait un plan au niveau de la MRC avec plusieurs municipalités.
Et je veux revenir parce que vous avez... Moi, je veux qu'on échange un petit peu là-dessus. Je vous l'ai dit, je viens d'une région où il n'existe pas de transport adapté et où, je me disais, bon, on a des ressources, que ce soit au niveau des commissions scolaires, au niveau du transport, on a nos autobus. Même moi, des fois, sur mon territoire, je fais une certaine forme de transport, je vous dirais. Je discutais hier avec un maire d'une de mes localités, puis il me disait que, bon, au niveau des autochtones, ils offrent du transport pour se rendre, via leur petite communauté, à un centre de santé. Puis il dit: On pourrait peut-être avoir du partenariat. Puis je trouve ça intéressant, parce que c'étaient des coûts onéreux, là, pour ces personnes-là.
Mais, vous, ce que vous me dites ? parce qu'en région il faut souvent mettre toutes les ressources ensemble, hein ? ce que vous me dites puis ce que j'ai cru comprendre, c'est ça que je veux valider avec vous, c'est que ça rappellerait de très, très mauvais souvenirs à votre enfant de fréquenter les autobus scolaires: intimidation, et tout ça, et j'en passe?
M. Gamelin (Pierrette): Oui. Oui, vous en passez beaucoup. Ça prend absolument un transport qui leur est favorable pour favoriser l'insertion sociale. Sinon, ça va être un refus de vouloir s'y rendre si le transport est mal adapté.
Mme Richard: Donc, qu'est-ce que je me rends compte, on a encore un énorme travail à faire au niveau de l'éducation, et tout ça, et ce n'est peut-être pas, là... Je n'avais pas la formule magique, là, j'explorais ce scénario-là de mettre en commun des ressources, puis ce n'est peut-être pas nécessairement la solution. Merci beaucoup, puis je vais laisser... Si vous voulez bien, Mme la Présidente, mon collègue aurait une question.
La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Joliette.
M. Valois: À mon tour, je vous salue. Évidemment, vous profitez de cette commission pour nous sensibiliser à un cas qui vous est très proche, mais en même temps qui, pour nous, rejoint ce que d'autres intervenants sont venus nous dire par rapport à des réalités qui touchent beaucoup plus qu'une personne, et c'est en ce sens-là que votre intervention est plus que pertinente. Et, sur ce, vraiment vous dire qu'il n'y a pas de petite ou de grande sensibilisation, pas plus qu'il y a de petits ou de grands intervenants qui sont invités dans nos commissions. Chaque personne qui y passe arrive avec ce qu'il a à dire, et à revendiquer, et à sensibiliser, et c'est à nous, les parlementaires, de prendre ça et d'ajouter ça lorsque par la suite on arrivera au débat de ce projet de loi là. Parce que c'est bien sur un projet de loi que nous discutons aussi.
Forts de l'expérience que vous nous amenez, de la sensibilisation que vous nous faites, on doit aller plus loin que la sensibilisation, dans notre cas. C'est bien beau être sensibilisés au cas qui vous arrive, que, pour une question de transport, il y a tout... il y a l'avenir d'une personne, il y a l'avenir d'un citoyen qui vraiment en dépend. Maintenant, nous, lorsqu'on regarde ça, on se dit tout le temps: Comment est-ce qu'on peut intervenir, d'ici, de Québec? Et ce que vous semblez nous dire aussi, c'est que, jusqu'à un certain point, c'est que, même si Québec débloquait plus d'argent, même si Québec y allait avec les plus grandes volontés du monde, ça ne ferait pas en sorte que, dans votre cas, de façon directe, on puisse changer la situation, étant donné que ça appartient à des gens qui ont tout intérêt à prendre le temps de regarder comment ils peuvent optimiser leurs services.
Maintenant, il y a quand même des choses qui peuvent être faites de Québec avec le projet de loi. Et une de ces choses-là est très certainement l'intervention ou du moins de donner des obligations, oui, de donner des obligations aux municipalités, mais, jusqu'à un certain point, les municipalités, s'ils sont obligés, dans le cadre d'une MRC, de s'entendre, bien là, après ça, ça va devenir... Est-ce que deux MRC vont... on va donner l'obligation à deux MRC? Parce qu'il pourrait arriver la même situation que votre fils mais avec deux MRC qui sont côte à côte de façon géographique. Et, après les MRC, ça va être les régions, et tout ça, et on continue là-dedans.
Mais, au-delà de l'obligation qu'on donne aux MRC, est-ce qu'on n'a pas non plus le devoir de se donner des obligations de résultat de façon très large aussi, de se donner des moyens d'intervention pour qu'on puisse dire que ça n'a pas de bon sens, ces choses-là, et de donner, par le biais d'une loi, des outils à des gens comme vous pour aller revendiquer une meilleure situation, qu'à quelque part, là, vous nous citez la charte, mais qu'il y ait un autre outil que la charte que vous puissiez avoir, qui est celui d'une loi, la loi n° 56 sur laquelle vous pouvez vous appuyer puis dire: Écoutez, Québec ont fait leurs devoirs, ils m'ont donné un outil de plus pour que maintenant je puisse intervenir dans mon coin puis dire aux gens: Bien, il y a des droits fondamentaux qui appartiennent ici à ce citoyen-là du Québec, à cette personne-là, et puis je demande que ces droits-là soient reconnus? Et c'est le cadre du débat qu'on a aujourd'hui, le projet de loi n° 56.
C'est quoi, vos attentes par rapport à nous, ici? Bien, vous nous avez sensibilisés, c'est bien. Mais c'est quoi, vos attentes par rapport à nous, dans le projet de loi qu'on va discuter, pour que vous sentiez que non seulement on vous a écoutée ici pendant les minutes que vous êtes venue, mais qu'en plus on a donné suite à ça? C'est ça, moi, que je veux savoir, là, comment... À quel niveau, là, vous auriez dit: Bien là, là, j'ai été satisfaite parce que non seulement on m'a écoutée sur place, on m'a respectée... Puis c'est tout à fait normal, parce que, comme la présidente vous l'a dit, c'est: Bienvenue chez vous, puis c'est à nous tous, Québécoises, Québécois, l'Assemblée nationale. Mais, au-delà de ça, pour vous satisfaire dans le cadre du projet de loi, est-ce qu'on doit le modifier ou est-ce que, comme ça, vous sentez déjà que vous êtes bien outillée?
Mme Gamelin (Pierrette): Moi, ce que j'ai compris, en écoutant M. Couillard et en faisant l'analyse avec l'éclairage que j'en ai, c'est que le projet de loi n° 56 est là pour obliger les municipalités à donner le service mais à tout le monde, handicapés ou ? de différentes façons ? d'autres... accèdent à des services auxquels ils ont droit pour favoriser leur insertion sociale, pour favoriser ? comment c'est dit? ? leur accès à une vie décente. Et, moi, ce que j'ai compris dans ça, c'est que je me suis dit: Bon, bien, je pense que c'est de ça que les municipalités qui ont de la misère à s'entendre vont avoir besoin. Parce qu'ils ont réussi, à force d'années, à monter, pour leur milieu, un bon service, sauf qu'ils en ont oublié un que personne ne veut répondre à cause du découpage du ministère de la Santé puis du ministère des Transports qui ne se coordonne pas. Ils ont dit: On va laisser ça là.
n(12 heures)n Moi, je pense que le... J'avais ma réponse en tête tantôt, mais là je suis un petit peu mêlée, là. En tout, c'est que ces personnes-là doivent s'asseoir, doivent dire: On a tel budget, les deux grosses municipalités ensemble et Soulanges ? parce que Soulanges participe financièrement au transport adapté ? alors, le total de nos actifs est tant; ce qu'on a à couvrir comme dépenses, c'est ça, ça, ça; ce qu'on est capables de mettre en commun, ce qu'on est capables de coordonner, c'est de cette façon-là. Puis le meilleur portrait que je peux en faire est celui-là. C'est certain que ça va créer un ajout, Soulanges, en obligeant toutes ces municipalités à fournir le transport à ces personnes-là. Mais, moi, je me dis qu'après avoir fait une étude exhaustive du plan d'action si, au bout de ça, les argents sont bien gérés, bien dépensés et bien trouvés à la dépense, là ? je ne me rappelle pas le mot ? bien là, là, s'il manque, mettons, 60 000 $, bien là Québec peut fournir pour donner vie à tout ça. Puis là je pense qu'à ce moment-là je vais savoir l'importance de mon assiette fiscale à moi, de ce qui est retiré sur ma paie en impôts à chaque semaine, parce que, là, je vais dire: Bon, et voilà, on en a un plan qui fonctionne. Mais je pense que, pour arriver là, ça prend un tiers. Lequel? Je ne le sais pas. Puis je pense qu'ici c'était l'endroit pour le demander, bien pour sensibiliser du moins, pour expliquer cette situation-là en tant que personne impliquée dans ça de par mon fils.
M. Valois: D'accord.
Mme Gamelin (Pierrette): Est-ce que ça vous va comme...
M. Valois: Ah bien, c'était très... Vraiment, là, j'ai vraiment le fond de votre pensée sur la démarche que vous avez faite aujourd'hui et je vous en remercie.
Mme Gamelin (Pierrette): Bien, c'est moi qui vous remercie.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, Mme Gamelin. Je comprends que ça peut être un petit peu intimidant, notre première fois qu'on prend la parole ici. Mais je me rappelle fort bien, en avril 2003, quand on est entrés la première fois à l'Assemblée et que j'ai pris la parole pour la première fois, j'étais aussi nerveuse que vous pouvez l'être. Alors, je peux comprendre, là, votre stress, finalement, là, entre guillemets. Merci beaucoup de votre présentation.
Et maintenant je vais suspendre les travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 1)
(Reprise à 14 h 3)
La Présidente (Mme Charlebois): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Je me permets de vous rappeler le mandat de la commission. La Commission des affaires sociales est réunie afin de compléter la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi modifiant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et d'autres dispositions législatives.
Cet après-midi, nous allons recevoir l'Alliance des regroupements des usagers du transport adapté du Québec, la Fédération québécoise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle, la Société québécoise de la trisomie 21 et l'Office des personnes handicapées du Québec.
Alors, pour débuter, nous recevons l'Alliance des regroupements des usagers du transport adapté du Québec, représentée par M. Cajolais, je crois. Si vous voulez identifier votre invitée et nous faire la présentation de votre mémoire. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation de celui-ci, qui sera suivie des échanges avec les parlementaires.
Alliance des regroupements des usagers
du transport adapté du Québec (ARUTAQ)
Mme Couture (Rosanne): Est-ce que, le micro, ça va?
La Présidente (Mme Charlebois): Le micro, oui. Il n'y a pas de problème. Il est fixe.
M. Cajolais (Pierre): Bon. Est-ce que vous m'entendez bien?
La Présidente (Mme Charlebois): Oui, on vous entend bien, M. Cajolais.
M. Cajolais (Pierre): Bon. Bien, je vous remercie, Mme la Présidente, de nous accueillir cet après-midi. Je suis accompagné de notre directrice générale, Mme Rosanne Couture. Il est toujours intéressant lorsque le législateur consulte les personnes concernées avant d'adopter un projet de loi, des personnes qui vivent au quotidien de l'exclusion et de discrimination. Au jour le jour, nous avons à défendre nos droits. Donc, avec ce projet de loi là, bien, lorsqu'il sera adopté, ça aidera sûrement les personnes handicapées qui peuvent garder leur fierté et leur dignité.
Ça fait que nous déposons aujourd'hui un mémoire qui a fait consultation auprès de nos organismes membres, nos 23 organismes qui ont été consultés. Donc, le mémoire est le fruit d'une large consultation. Comme vous savez très bien qu'au transport adapté... Nous allons nous limiter aujourd'hui au transport, laissant aux autres organismes de toucher les autres points à l'intérieur du projet de loi...
Dans le transport, il y a environ 60 000 personnes admises au transport qui veulent voyager à l'intérieur de leur municipalité et sur le sol québécois. Donc, je crois que le projet de loi va dans le bon sens, et nous vous encourageons à continuer votre bon travail. Donc, avec votre permission, Mme la Présidente, je vais laisser la parole à notre directrice générale, Mme Rosanne Couture.
La Présidente (Mme Charlebois): Bonjour. Bienvenue, Mme Couture.
Mme Couture (Rosanne): Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. le ministre, MM. et Mmes les députés, membres de la commission parlementaire, pour vous situer rapidement ce que c'est que l'Alliance des regroupements des usagers du transport adapté du Québec, eh bien, nous sommes un organisme à but non lucratif, incorporé depuis 1988 et représentant 22 regroupements d'usagers du transport adapté à travers le Québec.
Nous avons pour objectif de rassembler et de représenter les regroupements d'usagers, de les soutenir et de favoriser la création de nouveaux regroupements dans le but ultime de défendre les intérêts des utilisateurs du transport adapté du Québec. Nous avons aussi pour mission de promouvoir le développement des services de transport adapté et de transport accessible sous toutes leurs formes, de former et d'informer les regroupements d'usagers et le public en général, et d'entretenir des liens de collaboration et d'échange avec les différents intervenants en transport et avec les organismes de promotion des personnes vivant avec une déficience. Alors, nous effectuons également des recherches et nous créons des comités afin d'étudier et de proposer les changements susceptibles d'améliorer les services de transport adapté et de transport accessible à l'intention des personnes ayant une déficience quelle qu'elle soit.
Alors, comme le disait tout à l'heure notre président, étant donné la spécificité de notre mission, notre opinion sur le projet de loi n° 56 porte particulièrement sur les aspects contenus dans la section V, Transport des personnes handicapées, et a pour fondement le respect des obligations qui découlent des articles 10 et 15 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.
Alors, bien sûr que la situation globale reliée à l'intégration sociale de la personne handicapée a grandement évolué dans les 25 dernières années. Les milieux de vie se sont transformés et les obligations reliées à l'exercice des activités de la vie quotidienne ont elles aussi subi des changements majeurs. À cet égard, la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, il faut se rappeler, adoptée en 1978, nécessitait des modifications importantes. L'intégration sociale de la personne handicapée étant tributaire de l'accessibilité à des services de transport, l'existence sur une base régulière et permanente de tels services adaptés à ses particularités s'avère incontournable.
Ce constat a fait que, depuis plusieurs années, dont lors des auditions publiques, en février 2003, d'une semblable commission donc des affaires sociales sur le précédent projet de loi n° 155, nous recommandions que soit désormais enchâssée dans la loi l'obligation pour les municipalités d'assurer aux personnes handicapées vivant sur leur territoire l'accès à des services spéciaux de transport.
Concernant maintenant l'article 37 du projet de loi n° 56, alors d'emblée nous exprimons notre satisfaction de retrouver cette préoccupation à l'intérieur du projet de loi n° 56, plus précisément dans le libellé de l'article 37 obligeant les sociétés de transport en commun, les organismes municipaux ou intermunicipaux de transport constitués en vertu de la Loi sur les conseils intermunicipaux de transport dans la région de Montréal, du Code municipal du Québec, dans son chapitre C-27.1, et de la Loi sur les cités et villes, dans son chapitre C-19, à assurer l'accès des services spéciaux de transport sur leur territoire.
Alors, l'article 37 dit maintenant ou est proposé maintenant de la manière suivante: «Une société de transport en commun ou un organisme municipal ou intermunicipal de transport constitué en vertu de la Loi sur les conseils intermunicipaux de transport dans la région de Montréal, de la Loi sur les cités et villes ou du Code municipal du Québec doit, dans l'année qui suit ? la date d'entrée en vigueur de la présente loi ? faire approuver par le ministre des Transports un plan de développement visant à assurer, dans un délai raisonnable, le transport en commun des personnes handicapées dans le territoire qu'il dessert.»n(14 h 10)n Par ailleurs, étant donné l'importance d'actualiser le projet de loi en tenant compte du développement qui s'opère sur le territoire québécois, le développement significatif à travers le Québec, depuis quelques années, d'un transport dit collectif qui par définition suppose l'intégration des différents modes de transport existant dans un territoire, ? par exemple, d'une MRC ? et de son accessibilité à toute la collectivité, nous ne pouvons envisager que des structures de transport existantes et d'autres à venir ? par exemple, le Conseil régional de transport, qu'on appelle communément, qui est maintenant la structure qui régit le transport collectif dans la grande région de Lanaudière, l'organisme régional de transport qu'on appelle aussi ORT, la municipalité régionale de comté que sont les MRC et tenant compte aussi de la structure qu'on appelle maintenant l'Agence métropolitaine de transport, dont je vous parlerai plus loin ? nous ne pouvons envisager donc que soient exclues de l'obligation visée par l'article 53 ces nouvelles structures, d'autant plus que les responsabilités qui leur sont ou seront conférées officialisent ces structures de transport.
Par conséquent, nous souhaitons, premièrement, que le législateur engage les autres structures de transport existantes et celles à venir, dont celles dont je viens de nommer, à l'intérieur même du libellé de l'article 37 et que les obligations qui découlent de cet article soient circonscrites de manière à assurer une clarté dans l'application. Parce que, évidemment, on a souvent besoin d'un mode d'emploi pour s'assurer que les interventions sont d'abord évaluées et que finalement l'article lui-même ou son contenu soit appliqué jusque dans les services.
Maintenant, tout comme l'a fait savoir la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, nous désirons porter à votre attention l'article 1.3 du présent projet de loi, dont le libellé a une portée susceptible de limiter ou de rendre aléatoire l'obligation dont fait mention l'article 37. Alors, il se dit comme suit, l'article 1.3: «Les différentes dispositions de la présente loi s'appliquent, dans la mesure qui y est prévue, aux ministères et à leurs réseaux, aux municipalités et aux organismes publics et privés en tenant compte des ressources humaines, matérielles et financières dont ils disposent.» Rappelons que cet aspect limitatif existait déjà dans les critères déjà énoncés en 1978 à l'article 67 de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. Pour nous, cet article est tout le contraire d'une amélioration de par son caractère arbitraire qu'il offre. Donc, nous recommandons que l'article 1.3... que cette disposition soit retirée du texte de loi, c'est-à-dire du texte du présent projet de loi n° 56.
Maintenant, nous allons nous attarder aux articles 53 et 54 de ce projet de loi. Alors, pour rendre réelle l'application de l'article 37, en ce qui concerne un organisme municipal ou intermunicipal de transport constitué en vertu de la Loi sur les cités et villes et du Code municipal du Québec, nous croyons en la pertinence du nouveau libellé du premier alinéa de l'article 467.11 de la Loi sur les cités et villes, de même que du nouveau libellé du premier alinéa de l'article 536 du Code municipal du Québec, modifiés tous les deux par les articles 53 et 54 du présent projet de loi.
En effet, ces modifications impliquent l'obligation ? et ça, c'est absolument fondamental pour nous ? l'obligation donc pour toute municipalité locale où des services de transport adapté sont inexistants de contracter avec une personne physique ou morale afin d'assurer l'accès sur son territoire à des moyens de transport adaptés aux besoins des personnes handicapées. Cette modification nous apparaît importante quand on considère qu'en 2004 des personnes handicapées vivant dans plusieurs municipalités au Québec n'ont aucune possibilité de se déplacer à l'intérieur même de leur municipalité en raison de l'absence d'un service de transport adapté.
À cet égard, nous ne pouvons passer sous silence que, encore trop souvent hélas, des municipalités locales, sous prétexte qu'elles ne sont pas obligées, refusent de conclure une entente avec un organisme de transport adapté d'une municipalité située juste à proximité, et ce, à l'intérieur d'une même MRC. Or, une fois de plus, le transport accessible représente une composante majeure de la participation des personnes handicapées aux activités dans leur milieu de vie.
Par ailleurs, l'intégration sociale des personnes handicapées ne se limitant pas qu'aux seules activités situées à l'intérieur du territoire de leur municipalité, l'accès aux différentes structures de transport existantes doit être mis à leur portée en tenant compte des particularités des besoins de ces personnes afin de faciliter leur déplacement à l'extérieur du territoire de leur municipalité. Nous rappelons que cette clientèle a les mêmes préoccupations que les autres citoyens et citoyennes du Québec, que sont le travail, les études, les soins de santé, la vie culturelle, les relations familiales ou amicales, les loisirs, etc., et que ces préoccupations les amènent à devoir se déplacer et à recourir au transport, et que l'accès au transport est un droit pour tous et non seulement pour la population qui n'est pas aux prises avec des limitations fonctionnelles.
À cet égard, le deuxième alinéa de l'article 467.11 de la Loi sur les cités et villes et le deuxième alinéa de l'article 536 du Code municipal du Québec, modifiés par les articles 53 et 54 du présent projet de loi, contiennent une proposition ou une suggestion adressée aux municipalités de contracter avec une personne physique ou morale afin d'assurer une liaison avec des points extérieurs de leur territoire. Mais, à notre sens, cette proposition ne constitue pas une obligation.
Alors, les deuxièmes alinéas des articles en question, ça dit: «De même ? on parle de Loi sur les cités et villes ou du Code municipal du Québec ? le conseil peut ? et non pas "doit" ? par résolution dont copie doit être transmise au ministre des Transports, contracter avec une personne afin d'assurer une liaison avec des points situés à l'extérieur de ce territoire. La résolution doit décrire la nature des mesures qui seront mises en place aux fins du présent article.» On voit donc que, par leur libellé qui dit «toute municipalité locale peut», ces alinéas laissent l'entière liberté aux municipalités locales de s'assurer ou non de la possibilité pour leurs citoyens et citoyennes de se déplacer à l'extérieur du territoire de leur municipalité pour accéder à des activités reliées au travail, aux études, etc. Cette liberté des municipalités existe déjà, et nombreuses aussi sont déjà les personnes handicapées ne pouvant se déplacer à l'extérieur de leur municipalité.
Prenons, par exemple, l'Agence métropolitaine de transport, dont la mission consiste notamment à soutenir, coordonner et promouvoir le transport collectif, dont les services spéciaux de transport pour les personnes handicapées sur un territoire où vit à peu près la moitié de la population du Québec parce qu'il inclut Montréal, Laval, Longueuil et toutes les municipalités situées à l'intérieur des couronnes nord et sud de Montréal. Or, cette mission qui est la leur les amène inévitablement à discuter avec des organismes de transport adapté qui ne sont pas à l'heure actuelle obligés de contracter. Ça les amène donc à négocier, à discuter afin que soient facilités les déplacements d'un point à l'autre sur tout ce grand territoire.
Signalons que, même si la plupart de ces secteurs ont conclu des ententes, les personnes admises au transport adapté demeurent, là comme ailleurs, tributaires de la volonté des organismes de transport adapté de contracter afin de faciliter leurs déplacements à l'extérieur du territoire de leur municipalité.
Nous croyons que, dans une visée globale d'un développement de transport pour la collectivité ? ce qui inclut l'accessibilité au transport des personnes handicapées ? les différentes catégories de ces services qu'on a nommés précédemment doivent être visées par l'article 37 du projet de loi n° 56, amenant ainsi une modification supplémentaire aux articles 53 et 54, lesquels préciseraient pour les municipalités l'obligation de contracter avec des personnes physiques ou morales, dont des organismes de transport adapté ou collectif de municipalités voisines, des organismes intermunicipaux de transport, des organismes de transport interurbain, etc.
En effet, depuis plusieurs années nous déplorons une absence importante de réciprocité entre des villes concernant les services de transport accessibles aux personnes handicapées en raison en grande partie du caractère facultatif de sa portée. À cet égard, une obligation de réciprocité entre les villes et l'établissement d'ententes avec les différents types de transport en commun existants serait susceptible de réduire la situation de captivité que vivent des personnes handicapées.
À titre d'exemple seulement, pour le seul trajet Saint-Jean-sur-Richelieu vers la gare de la Gauchetière, à Montréal, 56 départs en autocar se font quotidiennement, permettant ainsi aux citoyens et aux citoyennes de Saint-Jean de travailler ou d'étudier à Montréal. Il faut voir ça, le matin, arriver, hein, c'est à peu près à toutes les minutes. Malgré cette extraordinaire avancée, toute personne en fauteuil roulant se voit complètement exclue de la possibilité de profiter de ce mode de transport régulier. Cette même situation, qui est relatée à titre d'exemple, se vit à travers le Québec.
Deuxième modification que nous demandons: pour tous les transports interurbains du Québec, l'obligation d'adapter leurs véhicules, autocars et minibus minimalement à raison de deux places dans chaque véhicule. Parce qu'il faut se rappeler que ce sont des transports interurbains donc pour les personnes qui doivent se déplacer en fauteuil roulant. Cette nécessité provient du fait que, actuellement, l'accessibilité pour ces personnes au réseau interurbain régulier est tributaire encore une fois de la volonté des compagnies d'adapter ou non leurs véhicules. On sait que ça existe dans certaines compagnies, mais ce sont des cas d'exception.
n(14 h 20)n Alors, il y a un mémoire qui vous a déjà été acheminé cette semaine et présenté par notre organisme membre, le Regroupement des usagers du transport adapté du Sherbrooke métropolitain, qui a fait état des avancées partielles dans l'accessibilisation des transports interurbains. Nous précisons par ailleurs que déjà, en 1991, la Commission des droits de la personne du Québec, dans son document synthèse Le droit à l'égalité d'accès aux moyens de transport pour les usagers handicapés ? il est intitulé comme ça ? recommandait que les adaptations qui s'imposent soient apportées aux véhicules utilisés par les organismes publics afin de les rendre accessibles aux personnes handicapées.
En conclusion, au chapitre du transport des personnes handicapées, le projet de loi n° 56 constitue une avancée par rapport à la législation de 1978 par une amélioration concernant leur libre circulation. Cependant, dans une visée et une nécessité d'intégration et de participation de tous les Québécois et de toutes les Québécoises à la vie collective et sociale sans barrière de frontières, nous croyons que toutes les instances impliquées dans l'organisation des services de transport, incluant les élus municipaux ? et nous sommes très pointilleux là-dessus ? doivent être imputables de ces services dans la nouvelle législation. Merci de votre attention.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, nous allons débuter la période d'échange avec M. le ministre. Mais auparavant, pour le bénéfice de notre invitée, ce serait bien de pouvoir se présenter un par un. Alors, nous allons commencer du côté ministériel.
M. Couillard: Oui. Philippe Couillard, député de Mont-Royal.
M. Marsan: Pierre Marsan, député de Robert-Baldwin.
Mme L'Écuyer: Charlotte L'Écuyer, députée de Pontiac.
M. Bernard: Daniel Bernard, député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Bachand: Claude Bachand, député du comté d'Arthabaska.
La Présidente (Mme Charlebois): Et du côté de l'opposition officielle?
Mme Richard: Lorraine Richard, députée de Duplessis.
M. Valois: Jonathan Valois, député de Joliette.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci beaucoup. Maintenant, je vais céder la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Couture et M. Cajolais, pour votre présentation, très précise, hein? Vous faites des recommandations extrêmement précises quant au texte de loi et aux améliorations que vous suggérez, et c'est apprécié parce que ça nous permet vraiment de nous pencher sur ces recommandations de façon très précise.
J'aimerais d'abord vous donner un détail, et également je pense que ce serait intéressant pour nos collègues parlementaires, un peu comme prélude aux discussions que nous aurons lors de la discussion article par article du projet de loi, au sujet de la portée de la clause limitative, la clause 1.3, qui est revenue si souvent dans nos discussions, nos conseillers juridiques nous indiquent que cette clause ne s'applique pas aux dispositions de la loi qui modifient l'autre loi. Et je m'explique.
Par exemple, tout ce qui est en lien à l'obligation, par exemple, de fournir du transport adapté n'est pas assujetti à la clause 1.3 du projet de loi, puisqu'il s'agit là de modifications à l'intérieur d'une autre loi que la Loi des cités et villes. C'est un point technique et juridique un peu complexe, mais je me permets de faire cet éclairage-là parce que je suis certain qu'on reviendra beaucoup sur cette question, et donc ça nous permet également de donner cet éclairage-là.
Et parallèlement, de la même façon, pour nos collègues, les dispositions d'égalité à l'emploi qui changent la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics ne sont également pas assujetties à la clause 1.3. Bien sûr, les clauses qui sont directement dans le projet de loi le sont. Et ça nous permettra de reprendre la discussion sur ce sujet-là de façon éclairée.
Je remarque plusieurs de vos propositions qui se recoupent avec des choses qui sont donc dans le projet de loi et d'autres représentations qui ont été faites par vos collègues, notamment le groupe de Sherbrooke qui est membre de votre regroupement. Je voudrais à ce sujet clarifier quelque chose au sujet des transports interurbains. Moi, j'ai été très, je dirais, impressionné par la démonstration de vos collègues de Sherbrooke qui nous ont relaté l'impact pratique pour eux. Et il y avait même une personne handicapée qui a, en des termes très graphiques, décrit ce que ça voulait dire lorsque l'autobus n'était pas adapté. On décrit la période donc où il y avait cette époque de subventions du ministère des Transports pour l'adaptation des véhicules, où, à Sherbrooke, il y avait deux autobus qui étaient adaptés. Par la suite, les subventions n'ayant pas été reconduites, on s'est retrouvés avec un seul autobus adapté.
Mais ce que je voudrais introduire là, c'est que, à Sherbrooke du moins, leur demande n'était pas que tous les autocars assurant la liaison Montréal-Sherbrooke ou Sherbrooke-Québec soient adaptés mais qu'on en ait un nombre suffisant pour qu'une personne handicapée ait toujours le choix d'avoir accès à ce service-là dans une fourchette d'horaire qui lui convienne. Et le chiffre de deux... Le monsieur disait même que deux autocars adaptés, pour lui, c'était, entre guillemets, l'idéal; et maintenant on était revenus à un, c'était très difficile. Donc, vous, vous recommandez plutôt que tous les autocars soient adaptés?
Mme Couture (Rosanne): C'est qu'à partir du moment où il y a des autocars qui sont là dont la mission est de faire l'interurbain et d'amener des gens à l'extérieur d'un territoire évidemment, c'est que... D'abord, nous, évidemment, nous représentons l'ensemble du Québec. Voilà. On voit que ? vous parlez de l'exemple de Sherbrooke ? on prend Limocar, par exemple, Limocar a adapté pour deux personnes, par contre, si on retrouve Limocar, pour parler très franchement, dans une autre région, le même service n'est pas offert. Voilà.
Donc, nous, ce qu'on recommande, étant donné... On parle de l'application de l'article 10 et 15 de la charte. Les personnes handicapées ont le droit de pouvoir sortir de chez elles de façon, je dirais, minimale, à deux sièges... à deux espaces à l'intérieur des véhicules. Vous comprenez bien que présentement, puis ce n'est pas tous les véhicules qui sont adaptés, ce n'est pas tous les transports interurbains aussi qui sont adaptés, alors il y a impossibilité pour une personne qui veut sortir de sa région, même si elle voulait se réserver deux jours à l'avance un transporteur, elle ne pourrait pas, puisqu'il n'y a pas accessibilité ou disponibilité de tels véhicules.
Alors, il ne doit pas y avoir deux façons de traiter les choses, ou deux manières, ou deux classes, je dirais, de personnes qui doivent avoir accès au même transport. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'un transport interurbain a ce permis, ou enfin, a cette mission de faire du transport interurbain, donc il doit... On demande deux sièges. Vous savez combien il y a de sièges dans un véhicule, dans un autocar? Alors, imaginez, donc c'est minimalement deux espaces sur tous les transports qui font ce service interurbain.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente.
Mme Couture (Rosanne): Et on maintient notre demande.
M. Couillard: D'accord. Une autre question qui a été discutée ici même au sujet du transport adapté, c'est la question des petites municipalités. Et plusieurs collègues ici, autour de la table, sont sensibles à cette réalité parce qu'ils viennent de régions où il y a des très petites municipalités qui n'ont peut-être pas la capacité elles-mêmes d'organiser le service et qui voulaient qu'on mentionne également donc la possibilité de faire appel à un organisme chapeautant les municipalités, telles que les municipalités régionales de comté. Est-ce que vous iriez dans ce sens-là également?
Mme Couture (Rosanne): D'abord, je vois la... je verrais la réponse à deux niveaux. D'une part, bon, c'est vrai qu'il y a des municipalités, il y a encore plusieurs municipalités qui n'ont pas de service de transport adapté parce que ? on l'a noté aussi ? il n'y a pas d'obligation encore pour les municipalités. Et on espère que ça va être appliqué par le projet de loi n° 56.
Et au deuxième niveau, à savoir: Est-ce que c'est préférable municipalité ou MRC?, je dirais qu'au niveau logique il faut commencer par le point a pour nous qui est la municipalité. À l'heure actuelle, il y a des MRC qui... Parce qu'on parle de développement de transport collectif, et ça, ça se fait aussi à l'intérieur d'un territoire plus ou moins grand, selon la volonté aussi des partenaires d'intégrer leur mode de transport, et tout.
Alors, si on prend la structure de MRC, c'est évident que, si elle a une volonté d'intégrer toutes ses municipalités à l'intérieur dans ce nouveau mode d'intégration de transport, il peut arriver qu'une municipalité dise: Bien, nous... Puis ça arrive présentement qu'une municipalité ? je pense que je vais prendre un peu d'eau ? qu'une municipalité dise: Non, nous, on n'a pas l'obligation de faire partie de ce projet. Et elle n'est pas soumise non plus à cette obligation.
Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que, si toutes les municipalités sont soumises à cette obligation, il va y avoir beaucoup moins de problèmes quand va venir le temps de régir en MRC, si on veut, l'ensemble de l'intégration des modes de transport qui seront au service de la collectivité. Alors, je pense que ça se passe à deux niveaux mais qu'il y a un premier niveau, au niveau de l'obligation pour les municipalités, qui doit s'appliquer.
M. Couillard: Oui, puis d'ailleurs on nous a donné des exemples en Chaudière-Appalaches où deux MRC s'étaient entendues pour faciliter les déplacements. Donc, ce que vous soutenez, c'est qu'il faut maintenir l'obligation pour chaque municipalité.
Mme Couture (Rosanne): Absolument.
M. Couillard: Mais nous savons également que la Loi des cités et villes permet à une municipalité de déléguer sa responsabilité aux MRC, par exemple, à la municipalité régionale de comté.
Mme Couture (Rosanne): Oui, tout à fait.
M. Couillard: Donc, dans cette optique-là, ce serait possible. La question de la réciprocité, on a également entendu parler de ce problème. D'ailleurs, ce matin même, il y avait une dame de la région de Soulanges qui nous parlait en termes très concrets de ce que ça voulait dire l'absence de réciprocité.
Comment ça se fait maintenant, dans l'état actuel des choses, même si le projet de loi n'est pas encore adopté, comment ça se fait maintenant qu'un principe aussi évident n'est pas appliqué, cette question de réciprocité où on peut aller nécessairement d'une municipalité à l'autre mais pas nécessairement le retour? J'ai de la difficulté à comprendre, avec les sommes qui sont déjà disponibles, avec les possibilités d'organisation, de faire des ententes. Qu'est-ce qui bloque sur le terrain, les municipalités, pour ne pas arriver à ça? Est-ce que c'est le manque de volonté, tout simplement?
n(14 h 30)nMme Couture (Rosanne): Bon. Écoutez, je dirais, d'une part, qu'on n'essaie pas de généraliser, ce sont des exemples mais qui se retrouvent dans différents coins du Québec, d'une part. C'est qu'il y a des municipalités qui sont approchées par leurs voisins pour pouvoir offrir du transport et justement réaliser cet aspect de réciprocité. Et il y a des municipalités et il y a des voisins qui refusent carrément de s'inscrire aussi dans ce service qui pourrait être étendu à beaucoup plus grand que leur territoire. Donc, évidemment on voit tout de suite que l'obstacle premier, c'est l'absence de réciprocité.
La Présidente (Mme Charlebois): Très bien. Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux. Ah, excusez-moi, vous aviez quelque chose à ajouter, M. Cajolais?
M. Cajolais (Pierre): Bien, les ententes entre deux municipalités, là, c'est qu'on pourrait faire plus avec le même argent. Je vais vous donner un exemple.
Dans le mémoire, on parlait de Saint-Jean?Montréal. Si on prend une personne en fauteuil roulant à Saint-Jean-sur-Richelieu et on lui donne un transport... Présentement Saint-Jean?Montréal, pour le transport adapté, il y a huit jours par mois pour venir à Montréal seulement pour le réseau de la santé, seulement pour le réseau de la santé, là. Il ne peut pas venir à Montréal pour autre chose que pour la santé, huit fois par mois. Ça fait que, si son médecin veut le voir à l'Hôpital Saint-Luc le vendredi, il n'y a pas de service. Mais, si, advenant que ça tombe une journée... il est chanceux, ça tombe un mardi, il vient à Montréal. Ça coûte 180 $ pour prendre une personne en fauteuil roulant, l'amener à l'Hôpital Notre-Dame, 180 $. Si on aurait le service interurbain entre Saint-Jean?Montréal, ça coûterait 12 $. Et qui paie le 180 $? C'est 75 % le ministère des Transports, 20 %, les villes. S'il vient à Montréal une journée qu'il n'y a pas de transport adapté, il vient par taxi adapté, et, si la personne est sur l'aide sociale, c'est l'aide sociale qui paie le 180 $ encore. Donc, on pourrait sauver beaucoup d'argent en obligeant les services interurbains à adapter leurs autobus.
Si on prend un autre exemple, Saint-Jean?Chambly, les gens de Chambly, Marieville, ça, ils font affaire avec l'Hôpital Saint-Jean-sur-Richelieu. Il n'y a pas de service entre les deux... une journée par semaine seulement. Si on pourrait prendre les gens de Saint-Jean, les amener à Chambly, là il y aurait un point de chute, ils rentrent dans le Grand Montréal métropolitain, puis, rendus à Chambly, ils peuvent aller jusqu'à Saint-Jérôme, ils peuvent aller à Sorel, ils peuvent aller à Châteauguay. Après ça, là, ils peuvent aller à Montréal-Longueuil.
Il s'agit de rentrer dans l'autre territoire. C'est comme s'il y aurait une frontière, là, que les personnes en fauteuil roulant ne peuvent pas traverser, ils sont cloisonnés dans un milieu. S'ils veulent aller à Place des Arts, ils ne peuvent pas; les affaires culturelles, non, ce n'est pas permis pour eux autres. C'est accessible pour tous les autres citoyens du Québec, mais, la minute que vous êtes en fauteuil roulant, vous êtes prisonnier dans votre municipalité puis vous n'avez pas le droit d'en sortir. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Oui. M. le ministre de la Santé.
M. Couillard: Juste très brièvement, là. Je pense que ce que vous soulevez rappelle qu'il est important d'intégrer les trois modes de transport, scolaire, santé et le transport adapté, et c'est une bonne remarque. Je corrigerais cependant que, lorsqu'il s'agit de déplacement pour raison médicale, c'est le ministère de la Santé et des Services sociaux qui défraie la facture et non pas le ministère des Transports. Je vous donne ça comme information.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Maintenant, je vais céder la parole à Mme la députée de Duplessis, porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Richard: Merci. Bonjour, M. Cajolais, Mme Couture, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci de nous faire partager vos préoccupations. Et je vais avouer bien humblement que toute la question du transport adapté, transport collectif, transport en commun via le service qu'on peut donner aux personnes handicapées, je ne maîtrise pas ça totalement. Parce que vos pages ne sont pas paginées dans votre mémoire. À un moment donné, vous faites référence à l'article 37, et dans le troisième paragraphe vous dites: «Le législateur engage les autres structures de transport existantes et celles à venir, à l'intérieur du libellé de l'article 37.» Est-ce que je comprends que ça pourrait être, si on parle de transporteurs, mettons, bon, les commissions scolaires qui offrent du transport? Est-ce que vous voudriez qu'elles aussi on les spécifie dans le libellé de l'article 37?
Mme Couture (Rosanne): On en avait parlé au tout départ, mais je vais quand même le préciser, c'est que, évidemment, quand on parle de toutes les structures de transport existantes et celles à venir, on parle notamment des MRC... On parlait tout à l'heure du développement qui s'opère à la grandeur du Québec, dont il y a pratiquement la moitié des MRC qui se sont, je dirais, engagées, si on veut, dans un développement de transport collectif. Évidemment, le transport collectif, ça rejoint à peu près six ou sept types de modes de transport, types différents de transport, qui peuvent varier d'une région à l'autre. Ça ne veut pas dire que tous ces types de transport là vont se retrouver. Donc, évidemment, vous voyez que les structures de transport, ou l'intégration, ou les modes de transport intégrés, pour la collectivité, changent, vont changer d'une région à l'autre.
On parlait tout à l'heure du CRT, du Conseil régional de transport dans la région de Lanaudière, qui est un très gros projet, hein, il est unique au Québec présentement, et qui évidemment... Bon, on parle de six MRC qui sont à l'intérieur de ça et dont les organismes de transport adapté ont été, j'allais dire, abolis au profit d'une structure maintenant de transport pour tout le territoire de Lanaudière, avec ce que ça veut dire comme diversité rurale, semi-rurale. Parce que, évidemment, il y a Joliette, etc., mais il y a aussi tout le haut, là, de cette région-là, avec des distances à parcourir. Donc, vous voyez, c'est une première couleur, ça, de type, je dirais, d'organisation. Vous avez les MRC, on en parlait tout à l'heure avec M. le ministre. Alors donc, on voit... On espère que les MRC vont s'intégrer aussi; elles le font déjà. Mais évidemment ça suppose aussi un engagement financier pour les MRC, hein, ce n'est pas donné comme ça, là, elles aussi doivent contribuer financièrement à cette nouvelle organisation là.
On parle aussi, bon, écoutez, de... Évidemment, ça peut prendre une multitude de formes. On parle des organismes régionaux de transport. Alors donc, si, à l'avenir... bien, si à l'avenir... Parce que pourquoi... Présentement, on est, je dirais, dans un bassin de développement diversifié comme il y en a sans doute eu rarement dans le passé, et toutes les structures de transport sont en train de se modifier et de se raffiner pour un service plus, je dirais, plus important pour la collectivité. Ça amène des transformations majeures, ce qu'on n'avait pas vu peut-être dans les 20 premières années de l'application de la loi sur l'exercice des droits des personnes handicapées.
Donc, si on dit que... Quand on parle de celles à venir, il y en a qu'on ignore présentement, qui vont venir, des structures de transport. Alors, nous, ce qu'on veut, c'est que le projet de loi ou la loi, la réforme suive aussi ce courant-là donc en précisant celles qui sont à venir. Parce que, évidemment, quand on permet, quand on officialise à des structures de transport d'exister, bien, je veux dire, c'est que finalement il faut être cohérent en quelque part aussi, il faut que ça donne le même service auprès des personnes handicapées, il ne faut pas qu'elles soient exclues en attendant une révision aux cinq ans ou, enfin, bref, il faut absolument que ça puisse suivre aussi ce courant-là de développement qui est multiple et diversifié.
Mme Richard: Merci. Tout ce qui a trait au transport interurbain, on sait combien, bon, tout le déplacement est difficile pour une personne vivant avec un handicap. Les compagnies privées qui font du transport en commun, il y en a quelques-unes d'entre elles qui peuvent réserver deux sièges pour des personnes handicapées, puis, bon, les véhicules sont adaptés en conséquence. Obliger des compagnies privées à réserver deux sièges puis à faire en sorte que, bon, ces sièges-là soient adaptés pour les personnes handicapées, c'est peut-être assez difficile à mettre en place, comme...
Mme Couture (Rosanne): Vous permettez que je réponde?
Mme Richard: Oui.
Mme Couture (Rosanne): C'est une question d'égalité.
Mme Richard: Oui. Ça, je le comprends.
Mme Couture (Rosanne): C'est un principe d'égalité.
Mme Richard: Je le comprends très bien. Mais est-ce que, sans les obliger ? et c'est là que je veux en venir ? est-ce qu'il y aurait des mesures incitatives qu'on pourrait mettre en place pour inciter de plus en plus de transporteurs privés?
Mme Couture (Rosanne): À?
Mme Richard: À faire en sorte que, bon, on réserve des places pour les personnes vivant avec un handicap puis que les véhicules soient adaptés pour les chaises roulantes.
Mme Couture (Rosanne): Oui. Mais, pour réserver, encore faut-il qu'il y ait disponibilité de véhicules qui soient transformés.
Mme Richard: Oui, mais c'est ce que je vous dis. Si on ne peut pas obliger les compagnies privées à ce que leurs véhicules, O.K., les autocars, je ne sais pas, moi, sur toute leur flotte, mettons, une entreprise privée, ils ont 50 véhicules, dire: Peut-être pas vos 50 véhicules au complet, là... C'est ce qui se fait présentement. Il y en a peut-être qui ont un véhicule qui est adapté, d'autres n'en ont pas du tout, d'autres compagnies n'en ont pas. Sans les obliger, ces transporteurs-là, privés, est-ce qu'on ne pourrait pas mettre des mesures incitatives?
Mme Couture (Rosanne): Pouvez-vous m'en nommer?
Mme Richard: Non. C'est ce que, moi, je veux voir avec vous. Est-ce que vous en auriez?
n(14 h 40)nMme Couture (Rosanne): Pour nous, la seule et unique mesure... Finalement, on ne parle pas de mesures incitatives, on parle d'enchâsser dans la loi...
Mme Richard: O.K., dans la loi.
Mme Couture (Rosanne): ...je veux dire, l'égalité pour tous à un transport, à une liberté de déplacement. On ne parle pas du tout de mesures incitatives, on parle d'obligation en fait et d'accessibilité pour tous. Parce que, vous savez, tous autant que nous sommes, demain, pour pouvoir poursuivre nos activités, s'il nous arrivait un accident ou quoi que ce soit, nous serions très heureux de pouvoir poursuivre nos activités mais à la condition d'avoir un transport qui nous mène du point a au point b. Et, je vais vous dire, on n'y pense pas souvent, mais une grande partie des personnes qui utilisent le transport adapté, ce n'était pas prévu hier, hein, ou ce n'était pas suite à une maladie dégénérative.
Alors, quand on pense au taux d'accidents chez les jeunes, par exemple, et je ne suis pas en train de faire un lien direct entre les deux, mais, je veux dire, je pense qu'il y a quelque chose de réel là qui transforme une vie du jour au lendemain, alors je pense que, tout le monde, c'est une question d'égalité, c'est une question d'accessibilité et de droit fondamental. Et, quand on parle de deux sièges sur une possibilité de 45 ou à peu près, imaginez, ce n'est même pas le 50 %, alors je pense que là-dessus c'est assez clair pour nous.
Mme Richard: J'ai compris, Mme Couture, qu'on ne doit pas avoir des mesures incitatives mais qu'on devrait obliger les...
Mme Couture (Rosanne): Merci.
Mme Richard: Je l'ai compris. Par rapport au transport adapté, bon, que les municipalités devront offrir sur leur territoire, vous avez dit ? c'est là que je veux vérifier avec vous: Peu importe ? moi, c'est ce que j'en déduis ? que ce soient les municipalités ou les MRC. Mais vous dites: Par contre, il faut commencer au point a, là, il faudrait quand même responsabiliser les municipalités.
Mais, vous le savez, il y a certaines petites municipalités où il n'existe aucun type... il n'y a pas de transport en commun, il n'y a pas de transport adapté. Ça va être difficile de mettre ça en place. Et, moi, je me disais, bon, si, au niveau d'une même MRC... Puis, vous savez, les régions au Québec, ils ont chacun leurs propres spécificités, c'est propre à chacune des régions. Peut-être qu'une MRC pourrait faire en sorte de développer plein de transport pour ses municipalités régionales de comté et puis ce ne serait peut-être pas le même modèle qu'on retrouverait ailleurs, là.
Mme Couture (Rosanne): Bon. Alors, si on réfère à l'article, ce qui est proposé dans le projet de loi n° 56 justement concernant l'article... On va le lire. Alors, vous allez voir que c'est très clair. Ce qu'on dit, à l'article 53, 54, ce qu'on dit:
«Toute municipalité dont le territoire n'est pas desservi par une société de transport en commun ou par un autre organisme public de transport en commun qui assure un service de transport adapté aux personnes handicapées ? tel que vous le dites ? doit [...] contracter avec une personne afin d'assurer aux personnes handicapées l'accès, sur son territoire...» Ça ne veut pas dire qu'elle est obligée, comment je dirais, de construire un organisme de transport adapté. Elle doit voir à contracter avec une personne physique ou morale afin de s'assurer qu'il y aura... qu'elle permettra à son citoyen ou à sa citoyenne de pouvoir sortir de son territoire et même à l'intérieur de la municipalité aussi. Alors, ça peut venir... Je veux dire, les deux choses prévalent, hein? Que ce soit au niveau de la Loi sur les cités et villes ou le Code municipal du Québec, je veux dire, à l'intérieur d'une municipalité, il y a obligation d'assurer le service en contractant. Et évidemment, nous, ce qu'on demande, c'est que, pour sortir, il devrait y avoir la même obligation. Parce que le «peut» nous apparaît trop peu, trop peu, facultatif.
Mme Richard: Ça, je suis tout à fait d'accord avec ça. Et, si je vous l'amenais peut-être d'une autre façon, c'est parce que, moi, j'ai en tête mes municipalités, où c'est extrêmement difficile, même pour le transport médical, de se déplacer d'une petite municipalité vers un centre de santé. Il n'existe aucun transport en commun, aucun véhicule adapté. Ils n'ont même pas les compagnies qui voudraient ? privées ? venir faire ce genre de transport là. C'est dans ce sens-là que je l'amenais, Et je me disais: Ça va être des difficultés, oui, financières, mais, oui, en ressources humaines, je vous dirais, ça va être difficile à mettre en place. C'est pour ça je me disais: S'ils allaient chercher une expertise entre les municipalités... C'est dans ce sens-là.
Mme Couture (Rosanne): Ah, mais ça, c'est tout à fait bienvenu, je veux dire. Finalement, c'est que je pense qu'il faut faire preuve d'abord d'esprit d'équité pour ces citoyens puis je pense qu'il faut faire preuve aussi de, enfin, parlementation avec nos voisins. Il faut, je pense, aller voir ce qui se fait ailleurs.
Mais, vous savez, comme je le disais tantôt, qu'il y a des municipalités qui sont déjà approchées pour offrir un service et qui refusent parce qu'elles n'y sont pas obligées. Puis je serais tentée de vous dire, quand vous me parlez des municipalités, là, dont vous venez d'étendre la problématique, j'ai envie de vous dire qu'il est grand temps qu'il se passe quelque chose dans ces municipalités-là. Si les personnes qui sont en besoin à ce point urgent et qu'elles ne peuvent pas se déplacer, je pense que c'est très important qu'on se penche sur la question, de là l'importance de l'application de ces articles.
Mme Richard: Merci beaucoup, Mme Couture et M. Cajolais.
Mme Couture (Rosanne): Merci.
Mme Richard: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci beaucoup pour la présentation de votre mémoire. Maintenant, j'inviterais le groupe de la Fédération québécoise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle à prendre place, s'il vous plaît.
Je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 14 h 46)
(Reprise à 14 h 48)
La Présidente (Mme Charlebois): Alors, comme je le disais, la Fédération québécoise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle, je crois, est représentée par M. Jean-Marie Bouchard.
Fédération québécoise des centres
de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI)
M. Bouchard (Jean-Marie): Oui, madame.
La Présidente (Mme Charlebois): Et je vous demanderais de bien vouloir présenter les invités qui sont avec vous. Bienvenue à la Commission des affaires sociales. Et ensuite vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, qui sera suivie d'un échange avec les parlementaires.
M. Bouchard (Jean-Marie): Merci beaucoup. Oui, je suis accompagné de M. Gilles Cloutier, de la Fédération CRDI, qui est conseiller aux affaires cliniques et professionnelles de la fédération, de M. Claude Campeau, qui est le directeur des services professionnels à un CRDI qui s'appelle L'Intégrale, à Montréal.
Vous me permettrez, d'entrée de jeu, de remercier quand même le ministre et le gouvernement de nous donner l'occasion de faire connaître notre point de vue sur ce projet de loi important. Peut-être que ça vous surprend que la déficience intellectuelle se présente devant vous, parce que malheureusement, dans l'opinion publique et, je dirais, aussi peut-être au niveau de l'OPHQ, on n'était pas beaucoup considérés comme des handicapés.
n(14 h 50)n La déficience intellectuelle, qui s'exprime par nous aujourd'hui, ce sont les handicapés des handicapés, ce sont les personnes dont on parle le moins, ce sont les personnes qui ne peuvent pas être ici aujourd'hui et qui s'expriment par nous et qui vont tenter une fois de plus de faire saisir le message que ces personnes ont les mêmes droits que vous et moi. On n'en est pas encore là malheureusement dans notre société.
Au point de vue politique, gouvernemental, au point de vue théorie, on parle d'une supposée intégration versus participation sociale. Mais, M. le ministre, vous savez tout comme moi qu'on est encore dans la phase d'intégration et, je dirais même, dans la phase de préhistoire de l'intégration, dans la phase de la connaissance des droits de ces personnes. Alors donc, nous avons donc une participation qui nous paraît importante à vous proposer pour ce projet de loi.
Vous connaissez la mission de la CRDI. La mission de la CRDI, c'est justement ces organismes chargés par la loi de prendre en charge une clientèle spécifique de sa naissance à la mort. Je ne connais pas, M. le ministre, aucun, parmi vos clients du ministère, qui a une responsabilité aussi élargie, de la naissance à la mort.
Continuité de services, c'est ce que l'on fait déjà. Mais, précisément parce que nous devons faire la promotion des droits de ces personnes, il nous arrive parfois de nous buter à une incompréhension du public parce qu'il faut à chaque fois faire le b.a.-ba de la reconnaissance des droits des personnes.
Déficience intellectuelle. Pour vous donner une idée du problème auquel nous sommes confrontés, on ne partira pas de très loin, là, seulement l'année 2000. L'année 2000, nous avions 22 000 personnes dans nos services; aujourd'hui, 26 000. À ce nombre, il faut ajouter une nouvelle clientèle reconnue par le ministère, M. le ministre, qui était de 3 000, était... dans l'espace d'un an, doublée. L'an dernier, nous étions 1 640 dans nos services, nous sommes, aujourd'hui, au moment où je vous parle, 3 000, clientèle. Donc, vous voyez, là, que ça va en grandissant.
Et de plus en plus, les problèmes... Pourquoi? Vous allez me dire: Est-ce que la population est de plus en plus déficiente? Vous avez de plus en plus maintenant un diagnostic qui est posé beaucoup plus tôt, de telle sorte que, par exemple, pour l'autisme... C'est tout récent, l'autisme, ça fait deux ans au ministère. Autrefois, c'était une maladie qui était méconnue. Les théories scientifiques variaient, allant justement... mettant ça sur le dos du comportement social des parents pour aboutir maintenant au développement de la science qui dit: Bien non, c'est plus que ça, l'autisme, c'est un problème qui est beaucoup plus grave que ça.
Donc, nous sommes en droit aujourd'hui de vous parler au nom de ces personnes pour dire: Oui, nous avons besoin d'un office, mais nous aimerions également que, dans le projet de loi, il soit beaucoup plus clair dans la définition de «handicapé». Vous savez, lorsqu'on dit par exemple: Une personne «sujette à rencontrer des obstacles dans l'accomplissement de ses activités», on laisse entendre que ce ne sont que des obstacles qui l'empêchent d'être intégrée, alors qu'une déficience intellectuelle ce ne sont pas des obstacles, c'est inhérent, c'est la nature humaine d'être incapable d'être adapté dans la société. C'est peut-être ce qui explique que, au niveau d'un certain milieu et, je dirais, de l'OPHQ, on n'a peut-être pas eu droit à la reconnaissance à laquelle ces personnes-là devaient avoir.
D'entrée de jeu, M. le ministre, je vous dirais que nous approuvons votre projet de loi et nous sommes très heureux des pas de géant que vous avez introduits dans ce projet de loi là, entre autres l'intégration, l'intégration totale. Mais nous allons vous proposer... nous avons déjà dans notre mémoire certaines recommandations qui, à notre point de vue, auraient le bénéfice de bonifier un peu le projet de loi ? de notre point de vue, bien sûr ? mais qui rendraient service également, je pense, à toute la population.
Pour bien indiquer que l'intégration visée par la loi se ferait véritablement ? parce que c'est toute une commande ? pourquoi, M. le ministre, vous ne l'indiqueriez pas dans la loi... dans l'intitulé de la loi: loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et de leur participation sociale? Vous allez me dire: Ce n'est pas grand-chose. Oui, c'est quelque chose, l'intitulé d'un projet de loi parce que vous colorez l'ensemble des dispositions que vous avez dans votre projet de loi en disant: La participation sociale est une partie intégrante à votre préoccupation. Donc, nous proposons que le projet de loi ait un intitulé, soit en accord avec... aux dispositions fondamentales de l'intégration.
Maintenant, je vous parlerai un peu de la position stratégique de l'OPHQ. Vous lui reconnaissez des nouvelles responsabilités très grandes. Nous sommes d'accord avec votre prise de position, mais nous avons un petit peu d'inquiétude en ce qui concerne le statut de sa position stratégique. Je m'explique. Je sais très bien que toute loi a un ministre dont il est chargé de l'application. Mais, avec une responsabilité transversale à l'OPHQ, il nous apparaît difficile pour un ministre... Je ne suis pas de compétence, je sais que, M. le ministre, vous faites très bien votre travail, mais il est très difficile pour un ministre d'avoir à arbitrer une responsabilité transversale, très difficile. En pratique, ça va avec les personnalités, être capable de travailler en collégialité bien sûr. Mais, la nature humaine étant ce qu'elle est, il est parfois difficile d'assurer une notion transversale qui est aussi importante comme celle-là. Alors, on s'est posé la question, et c'est depuis 1997 qu'on fait des propositions dans ce sens-là: Comment avoir une responsabilité transversale supervisée par un ministre qui, lui, est directionnel, sectoriel dans un ministère? Ce n'est pas facile à trancher.
Vous avez eu différentes propositions, soit leur attacher un secrétariat gouvernemental soit rattacher au bureau du premier ministre. Enfin, vous y avez sûrement pensé, M. le ministre. Mais comment assurer cette transversabilité-là pour le rôle de l'office? Parce que c'est majeur dans votre projet de loi, le rôle transversal. Alors, je vous souligne simplement le problème que nous avons en vous disant que probablement il y aurait une responsabilité à cet égard-là.
Nous avons, dans notre mémoire, plusieurs points de vue. Je vais laisser tout à l'heure à mes collègues le soin de les aborder plus directement. Et je vais en venir tout de suite à une proposition que nous faisons concernant le transport adapté. C'est un sujet majeur du projet de loi, et donc nous approuvons totalement la proposition de votre projet de loi, mais nous vous soulignons que ce projet de loi là ne résoudra probablement pas les problèmes que nous rencontrons.
Je vais vous donner un exemple, M. le ministre. Dans mon CRDI ici, à Québec, je consacre 635 000 $ de votre argent qui devraient servir à des services pour du transport parce que nous n'avons pas de transport adapté. Ils se sont toujours refusé de le faire. Ils envoyaient la balle entre le ministère des Transports et l'organisme TAQM. Vous imaginez-vous, là, alors que j'ai des listes d'attente pour 400 personnes, je consacre dans mon budget 635 000 $ pour du transport. Si j'avais cet argent-là, il y a au moins 60 personnes que je pourrais desservir de plus, là, sans rien... ou le verser en prenant justement l'argent que vous nous donnez pour des services. Nous sommes là pour des services, nous ne sommes pas là pour de la construction ou faire du transport, nous sommes pour des services.
Donc, c'est ce que j'appelle une espèce de détournement de fonds qui malheureusement n'est pas réglé. C'est une situation qui dure depuis très longtemps. En dépit de représentations au ministère des Transports et du ministère, dans le temps, qui avait fait des représentations au ministère des Transports, le dossier n'est pas résolu. Et je vous souligne la question parce que je ne suis pas sûr qu'avec le libellé du projet de loi ça résoudra le problème technique, et voici pourquoi. C'est que l'on refuse de faire du transport parce qu'on dit: Écoutez, vous faites du transport d'établissement à établissement, ce n'est pas un transport public. Parce qu'ils considèrent les RI, les ressources intermédiaires, les familles d'accueil comme étant des établissements publics. Donc, ils partent de leur établissement pour aller dans un lieu de travail. Mais vous voyez l'aberration totale, ce que peut faire une argumentation juridique lorsqu'on ne veut pas assumer ses responsabilités.
n(15 heures)n Alors donc, ici on vous a fait une recommandation de libellé. Je ne suis pas certain que, cette recommandation-là, le libellé soit tout à fait correct avec le problème que je vous signale. Mais retenez le problème que ça pose, que d'assurer votre obligation que les municipalités prennent leurs responsabilités de transport en commun, c'est majeur, et vous permettrez ainsi de sauvegarder une partie considérable du patrimoine que nous recevons du ministère pour dispenser nos services à la population. Je vais demander maintenant à mes collègues, à M. Cloutier d'aborder la question du rôle de l'OPHQ et je pourrai revenir tout à l'heure.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Cloutier.
M. Cloutier (Gilles): Merci, Mme la Présidente. Au plan du rôle de l'OPHQ, on a réfléchi et on trouve très intéressant que le rôle soit campé de plus en plus vers un rôle collectif plutôt qu'un rôle individuel. Au cours des années, il y a de plus en plus d'institutions, d'organismes gouvernementaux ou autres qui se sont dotés de mécanismes particuliers ? Commissaire aux plaintes, le Curateur public, Protecteur du citoyen, etc. ? qui ont intégré les personnes handicapées en général et les personnes qui présentent une déficience intellectuelle ou un trouble envahissant du développement en particulier dans leurs responsabilités, ne faisant plus de ces gens-là des gens à part mais les intégrant sous la responsabilité de représentation et de défense de droits ou d'accès à des services. Que ça continue, c'est aller dans le sens de la loi de l'office qui veut l'intégration ultime de toutes les personnes. Et moins l'office y sera impliqué, plus les autres vont prendre leurs responsabilités, c'est ce qu'on sent et c'est ce qu'on souhaite ardemment. Trop d'avocats, c'est comme pas assez dans certains cas, et ça fait des plans de services d'avocats et non pas des plans de services visant la personne.
On a assisté à quelques dédoublements, dans les 10 dernières années, qui nous portent à dire: C'est intéressant que ce rôle-là, puisqu'il est joué par d'autres dorénavant, mais qu'il soit surveillé par l'office qui va donner un avis là-dessus: Est-ce que le rôle est bien joué? Parce qu'on comprend que l'oeil aiguisé de l'office, quant à l'intégration des personnes handicapées, va continuer à se jouer, et donner des avis éclairés et effectuer des travaux d'évaluation vont continuer à faire partie de son rôle. Alors, si les forces vives de l'office y sont consacrées, on risque d'avoir des résultats aussi intéressants que ceux des 25 dernières années dans plusieurs secteurs.
On a aussi une recommandation qui dit que, dans la composition de l'office lui-même, on ajoute un représentant du milieu de la recherche. Pour faire des travaux d'évaluation, de recommandation et d'avis éclairés, il serait peut-être intéressant d'avoir quelqu'un sur le conseil d'administration qui touche à ce domaine-là.
Dans les fonctions de l'office, on parle de l'affinité de la loi, à savoir que toutes les personnes handicapées aient la possibilité de participer à la vie sociale et économique. Nos clientèles, on tient à le dire, elles ont encore un long parcours à réaliser pour avoir accès à une participation sociale et économique notamment ? on va y toucher un peu plus loin ? à parts égales. Une partie importante du travail à faire peut résider dans le développement de nouveaux modèles de soutien résidentiel; l'autre partie, au monde du travail. Le lieu où on réside et ce qu'on fait dans la journée, c'est généralement deux parties importantes.
Leur source principale de revenus, à notre clientèle... Parce qu'elle est parmi la plus pauvre, selon la politique du ministère Santé et des Services sociaux, elle est identifiée comme étant la plus pauvre, M. Bouchard, d'entrée de jeu, disant: Les personnes handicapées des personnes handicapées. Mais, dans les échelles salariales, les personnes qui présentent une déficience intellectuelle, rarement représentées par des échelles salariales comprises dans des conventions collectives, sont généralement en bas de l'échelle, et ça monte rarement très haut dans les échelles pour des raisons qui sont diverses. Alors, on souhaite que la participation à la vie sociale et économique soit un objectif poursuivi pour notre clientèle aussi et que l'Office entame là-dessus des travaux de recherche ou d'évaluation.
Notre cinquième recommandation visait que la loi précise de plus en plus le plan collectif ? j'y ai touché il y a quelques instants. On vient à la recommandation n° 6, où, Mme la Présidente, je laisserais la parole à M. Bouchard à nouveau.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Bouchard.
M. Bouchard (Jean-Marie): Vous dites, oui, à l'article 1.1: «La présente loi vise à assurer l'exercice des droits des personnes handicapées et à favoriser leur intégration à la société au même titre que tous les [autres] citoyens en prévoyant diverses mesures visant les personnes handicapées et leurs familles...»«Leurs familles». Il n'y a pas beaucoup de préoccupations dans le projet de loi ou dans l'Office des personnes handicapées pour les familles, qui pourtant... Dans les 26 000 personnes qui sont sous nos services, il y en a la moitié qui vivent encore dans les familles, d'où la proposition que l'on fait, à l'article 6, qui était que la loi prévoie ? attends un petit peu, ce n'est pas l'article 6, c'est l'article... c'est celui-là ? qu'il représente ? donc l'office ? qu'il représente auprès des ministères et organismes touchés par les réalités familiales, la situation des familles dont un des membres est un handicapé, au sens de la loi ? et que comprendrait les... ? ainsi que celle de leurs proches. Donc, il faudrait étendre avec la transversabilité, dont je parlais tout à l'heure, là, pour couvrir également non seulement les personnes handicapées, mais leurs familles. Parce que chez nous, là, il y en a la moitié qui vivent dans leur résidence. C'est un point qui est important, qu'on voudrait que le projet de loi précise également.
M. Cloutier (Gilles): Mme la Présidente, si vous acceptez...
La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y.
M. Cloutier (Gilles): On a travaillé ensemble la présentation et on a approfondi certains secteurs. Dans la recommandation n° 7, on souligne que, dans les devoirs de l'office, la loi prévoie qu'il promeuve et soutienne auprès du Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture, de même qu'auprès d'autres organismes subventionneurs, la conduite de recherches visant à répondre aux besoins des personnes handicapées, notamment pour les personnes qui présentent une déficience intellectuelle ou un trouble envahissant du développement. On parle que ces recherches doivent être caractérisées par l'interdisciplinarité, l'intersectorialité et la concertation entre les milieux universitaires, les milieux de pratique professionnelle, les différents ministères, les organisations de services publics et privés ainsi que les différents secteurs de la vie sociale et économique.
M. le ministre est sûrement au courant des travaux, parce qu'on cherche une façon qu'il y ait un institut en déficience intellectuelle et en trouble envahissant du développement actuellement. Parce que les règles actuelles ne permettent pas cela. C'est une clientèle pour laquelle les recherches en développement, en développement d'expertise et de qualité de services n'existent peu ou pas, malgré des efforts consentis très souvent à même les budgets des établissements pour arriver à développer des nouvelles façons de faire plus économiques, avec plus de succès pour les personnes. C'est un secteur particulièrement névralgique, si on veut savoir dans quelle direction aller. Sinon, on répète les mêmes modèles, et ce n'est pas toujours la bonne façon de faire. Alors, on aspire à ce qu'on soit inspirés dans le quotidien par des recherches qui nous donnent des meilleures indications sur le chemin à suivre.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Campeau.
M. Campeau (Claude): Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Juste vous signaler qu'il reste deux minutes à la présentation de votre mémoire.
M. Campeau (Claude): Parfait, merci. Je ne ferai pas les lectures de recommandations 8 et 9 parce que je vais perdre mon temps. Disons que les CRDI supportent 14 000 personnes dans une démarche à l'emploi, plus particulièrement environ 9 000. C'est une clientèle qui, ce qu'il y a de particulier, a un taux de productivité à son meilleur, souvent autour de 30 %.
Donc, nous, notre préoccupation, c'est de faire en sorte que l'office nous aide, notre centre de réadaptation, à aller beaucoup plus loin au niveau de l'employabilité en supportant un ensemble de mesures, pas uniquement des CTA, mais un ensemble de mesures qui va permettre l'intégration à l'emploi de notre clientèle. On supporte actuellement 388 personnes qui sont à l'emploi. Et, de ces 388 là, très peu sont dans les CTA. Nous, on est intéressés à des adaptations faites au niveau des contrats d'intégration de travail.
Et ce qu'on souhaite aussi, c'est faire en sorte qu'au niveau de... pour les employeurs, qu'il y ait des mesures pour supporter les employeurs qui veulent encourager l'emploi au niveau des personnes handicapées. De la façon dont on l'a écrit, ça peut laisser sous-entendre qu'on voudrait des mesures plus coercitives. Ce n'est pas là notre intention. On pense qu'il y a beaucoup d'employeurs qui sont intéressés à donner de l'emploi à nos usagers. Par contre, on a besoin de les encourager, parce que ce n'est pas évident, ce n'est pas en les... Ce n'est pas en approchant les employeurs avec beaucoup de bureaucratie qu'on va les convaincre d'embaucher des personnes qui sont non productives. Et, dans ce sens-là, bien on aimerais que l'OPHQ nous aide dans l'ensemble des programmes pour aller plus loin, faire en sorte que l'emploi soit accessible aux personnes déficientes intellectuelles.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? En conclusion.
n(15 h 10)nM. Bouchard (Jean-Marie): Juste un dernier mot, si vous me... En conclusion, un dernier mot, M. le ministre, une préoccupation. Vous avez énoncé à l'article 1.1, que j'ai lu tout à l'heure, un magnifique principe sur lequel nous nous accordons totalement. Mais je me demande si vous n'allez pas briser votre article 1.1 par l'article 1.3. Il y a une contradiction que je ne comprends pas, là. Vous avez l'affirmation solennelle de responsabilité transversale prévoyant toutes les mesures à prendre à tous les niveaux, puis, à l'article 1.3, ça semble limiter considérablement la portée de l'énoncé de principe de l'article 1.1. J'ai une préoccupation là-dessus, je vous la signale.
La réponse n'est pas facile à trouver fort probablement. Je comprends très bien que vous voulez prévoir les disponibilités financières, matérielles, ça, je peux comprendre ça. Mais ça n'empêche pas les autres ministères et les organismes d'être quand même obligés de respecter les principes de base que vous avez énoncés à l'article 1.1, d'où mon idée du point de départ ? je termine, Mme la Présidente. Oui, l'office doit avoir une position stratégique, mais il nous semble ? puis là, M. le ministre, là, je vous lance ça, puis pensez-y avec vos conseillers juridiques, là ? que vous devriez avoir aussi une position stratégique pour vous assurer que la position stratégique de l'office, vous, vous l'ayez également pour suivre l'office partout, dans les différents ministères auxquels l'office devrait normalement se préoccuper. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, messieurs, pour la présentation de votre mémoire. Nous allons débuter la période des échanges avec M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. M. Bouchard, M. Cloutier, M. Campeau, merci pour votre présentation. Je vais faire une brève introduction en réitérant ce que vous avez dit dans le début de votre présentation sur le fait que les personnes que vous représentez aujourd'hui n'ont pas d'autres voix que les vôtres pour parler, elles ont également nos voix à nous, comme parlementaires, et j'en suis très conscient depuis mon engagement politique et également depuis les premiers jours de ma présence au ministère de la Santé et Services sociaux.
Vous avez à juste titre fait allusion à l'explosion ou l'augmentation marquée de la clientèle, notamment en ce qui a trait au trouble envahissant du développement, ce qui, comme vous le savez parce que vous avez été des acteurs très importants, nous a amené à littéralement inventer un programme en le faisant passer de 2 millions non récurrents à 31 millions en l'espace de deux ans, avec un programme de formation qui nous avait été d'une aide remarquable à ce niveau-là. Ce faisant, nous le réalisons, nous avons pris du retard pour les autres clientèles qui à juste titre se sentent un peu maintenant pas aussi bien considérées que les gens qui ont le malheur d'être touchés par le trouble envahissant du développement.
Pour ce qui est de la déclaration ou de l'affirmation des droits des personnes handicapées intellectuelles, comme vous le savez, la semaine prochaine, on a un événement international qui est chapeauté par l'OMS et, à cet événement-là, on compte qu'il y ait une déclaration, une déclaration de Montréal sur l'affirmation des droits des personnes présentant une déficience intellectuelle. Et voilà donc une bonne occasion de faire un progrès dans la direction que vous souhaitez.
Pour ce qui est du rattachement... deux points que vous avez soulignés, le rattachement et la clause 1.3, vous allez me permettre d'y faire allusion brièvement. Si vous lisez attentivement le libellé du projet de loi, vous constaterez que le gouvernement désigne le ministre de la Santé et des Services sociaux comme étant le ministre responsable de l'application de la loi. Ça réitère l'engagement gouvernemental en lui donnant le pouvoir de désigner un des ministres, mais ça pourrait être aussi bien un autre que celui qui vous parle actuellement. Je me permets quand même, sans vouloir faire de bataille de territoire ? parce que ce n'est pas mon genre, j'en ai assez grand, de territoire, et je n'ai pas de problème à le partager ? de vous signaler qu'il existe une telle obligation transversale dans le cadre de la Loi sur la santé publique, par exemple, où j'ai l'obligation légale de surveiller l'ensemble des actions gouvernementales. Et on sera également d'accord, je crois, vous et moi, pour dire que beaucoup des besoins quotidiens des personnes que vous desservez sont directement ou presque directement en rapport avec les services donnés dans le réseau de la santé et des services sociaux, ce qui n'est pas en soi une justification totale pour le rattachement, mais je crois que c'est la logique qui a été suivie.
Pour ce qui est de... Maintenant, j'arrivais à la question de l'Office des personnes handicapées du Québec. Comme vous avez vous-même souligné, c'est un office qui s'est vu transformé au cours des années. Vous vous souviendrez ? et des collègues également ? qu'il y a plusieurs années l'office s'occupait des aides auditives, des fauteuils roulants, de tout ce qui était matériel, même individuel pour les personnes handicapées. Progressivement, toutes ces missions se sont trouvées déplacées dans d'autres organismes, entre autres la Régie d'assurance maladie du Québec, de sorte qu'on est rendus au point où, comme le président-directeur général l'a recommandé, il a fallu faire un réaménagement de cet office pour qu'il s'adapte à sa nouvelle réalité qui est une sorte d'office sans programme, sans programme individuel mais où il conserve quand même une certaine responsabilité individuelle dans le projet de loi.
Et là c'est là que j'aimerais vous entendre clarifier votre position. Est-ce que vous souhaitez que l'office abandonne toute mission individuelle pour n'avoir qu'une mission de représentation collective? Est-ce que c'est le sens de votre suggestion?
La Présidente (Mme Charlebois): M. Cloutier. Non, M. Bouchard.
M. Bouchard (Jean-Marie): Oui.
La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y.
M. Bouchard (Jean-Marie): Écoutez, abandonner totalement... Vous avez une responsabilité collective. L'office a un rôle de vigie à jouer, un rôle de prospecteur, un rôle de chien de garde, un rôle de promotion de droits. Si vous lui adjoignez en plus les responsabilités individuelles, les cas par cas... Vous avez partout, M. le ministre, des ombudsmans, vous avez des protecteurs de ci, des protecteurs un peu partout répandus dans le système, de telle sorte que, avec la responsabilité que vous lui donnez, je pense que l'emphase devrait être mise sur sa responsabilité collective.
M. Couillard: Est-ce que c'est une bonne idée, M. Bouchard, M. Cloutier, M. Campeau, de confier à l'OPHQ le mandat de réviser, d'actualiser la politique, de coordonner les travaux d'actualisation de la politique À part... égale? Est-ce que vous trouvez que c'est une bonne façon de jouer ce rôle collectif?
M. Bouchard (Jean-Marie): Oui. C'est sûr que ce serait une bonne façon de le faire, très certainement, oui. Vous avez raison, M. le ministre. Oui.
M. Couillard: Maintenant, pour terminer pour par la suite laisser la parole à mes collègues, Mme la Présidente, vous avez fait allusion à la recherche, et je trouve que c'est important de développer ça un peu pour les citoyens qui nous écoutent, et les personnes, et leurs familles. Moi, j'ai été à même de constater, dans un de vos centres, le Centre Myriade, pour ne pas le nommer, qu'il y a une activité de recherche assez considérable, l'impact direct de ces recherches sur la façon dont on donne les services. Alors, pourriez-vous donner des exemples? Comment est-ce que le fait d'avoir cette recherche mieux reconnue à l'aide d'un institut améliorerait les services dans le reste du réseau?
M. Bouchard (Jean-Marie): Monsieur va répondre, le spécialiste de la recherche.
M. Cloutier (Gilles): Des exemples au niveau des recherches auprès des familles, par exemple, il y a des recherches récentes qui ont été faites auprès de personnes qui ont une déficience intellectuelle et qui sont parents pour savoir comment les aider, comment éviter qu'on se retrouve nécessairement dans le circuit de la protection de la jeunesse parce que les gens n'ont pas les habilités, ont démontré comment on peut aider les gens, comment on doit aider les gens. Des recherches au niveau du travail, des façons d'adapter le travail ou d'adapter les... Quand on disait tantôt... M. Campeau soulignait: On ne veut pas plus de CTA dans notre cas parce que les autres façons de faire qui ont été développées en recherche nous ont permis d'intégrer dans des milieux réguliers, dans des entreprises régulières des personnes qui ont des déficiences importantes parce qu'il y a eu de l'expérimentation qui a été faite, qui a été démontrée.
Les recherches longitudinales, notamment en troubles envahissants du développement, par exemple, qui doivent être menées. Et on serait mal vu de prendre l'argent du patrimoine, comme M. Bouchard l'appelle, pour l'utiliser pour de la recherche, alors qu'il faut faire de l'intervention. Alors, que se développent des meilleures façons de faire ou d'intervenir pour rendre moins coûteuses et plus efficientes les façons d'intervenir d'aujourd'hui, c'est ça que ça va aider. Alors, je vous ai donné un exemple pour les familles, pour les personnes au travail et pour de l'intervention pointue, très spécialisée.
Alors, les recherches, et actuellement on veut savoir, en troubles envahissants du développement, je vous dirais, les gens veulent savoir 20 heures, ça donne quoi, 10 heures, c'est quoi, puis 40 heures, ce serait quoi. Il faut mesurer ça sur un minimum de trois à cinq ans, une recherche sérieuse. Si on met les intervenants sur la recherche et non pas sur l'intervention, on a un problème. Et, pendant ce temps-là, pendant qu'ils interviennent, est-ce qu'ils ont toujours la meilleure façon d'intervenir? Parce que c'est assez onéreux d'investir 20 heures. Est-ce qu'on peut améliorer ça et rendre ça aussi valable qu'un 40 heures? La recherche nous permet de faire ça.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Mme la députée de Duplessis, porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Richard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Je tiens à vous dire à quel point j'ai été attentive, je le suis toujours, mais là plus particulièrement parce que j'ai chez moi justement un projet pour une maison de répit pour une clientèle qui souffre de déficience intellectuelle, et je connais ces gens-là personnellement, et je peux vous dire combien c'est difficile.
Et j'ai aimé justement, en page 21, votre recommandation, quand vous parlez des familles. Je trouve que souvent, je ne sais pas de quelle façon on peut l'aborder dans le projet de loi comme tel, mais plus particulièrement pour ce type de clientèle, les familles sont souvent démunies. Et, je vous dirais, moi, je viens d'un petit milieu aussi, souvent dans des milieux où on n'a pas nécessairement toutes les ressources, tous les spécialistes pour nous venir en aide, et, bon, vous le savez l'OPHQ, il y a eu des coupures au niveau de l'OPHQ dans les bureaux régionaux, et je me demande quel impact ça peut avoir sur ces... Moi, en tout cas, je l'ai déjà ressenti à mon bureau de comté. Mais à long terme, là, quel impact que ça peut avoir sur ces familles qui sont démunies, qui ne savent plus, des fois puis pour la plupart du temps, où s'adresser pour avoir des conseils? Ils sont souvent pris à garder les... Pour la plupart, ceux que je côtoie ou que j'ai eus à mon bureau, ce sont des jeunes enfants qui souffrent de déficience intellectuelle, et c'est des parents, je vous dirais, complètement démunis qui vivent avec ces enfants qu'ils aiment, qu'ils adorent 24 heures sur 24. Est-ce que l'office peut vraiment jouer un rôle d'appui? Est-ce qu'il peut documenter les parents? Quel rôle il pourrait vraiment jouer pour venir en aide à ces parents-là?
n(15 h 20)nLa Présidente (Mme Charlebois): M. Bouchard.
M. Bouchard (Jean-Marie): Vous soulevez une très bonne question. C'est depuis tous les temps que le problème se pose pour les familles. Je ne sais pas si vous réalisez, là, mais il n'y a pas de reportage là-dessus malheureusement, mais une famille qui a un ou deux enfants autistiques... Puis commençons seulement par un; déjà, c'est assez, là. Bon. Avec toute l'attention que ça requiert, les préoccupations des parents, une intégration scolaire qui ne se fait pas parce que très souvent ils ne peuvent pas le faire, ils n'ont pas la... intellectuelle, vous avez des parents qui sont épuisés, madame, littéralement épuisés, découragés. Tout heureux quand on réussit à leur avoir un répit une fois par mois pour se reposer le dimanche matin jusqu'à 4 heures de l'après-midi. Là, là ils ont quelques heures pour se reposer parce qu'il y a quelqu'un qui prend charge de leurs enfants. C'est un exemple qui n'est pas une caricature que je fais, là. Je pourrais vous en donner des milliers comme ça de parents qui sont dans cette situation-là.
D'où notre recommandation à l'effet que l'office devrait se préoccuper de cet aspect-là de sa mission, qui n'est pas prévu actuellement dans sa mission. Ce n'est pas prévu. Je ne demande pas à l'office de faire notre travail; ce n'est pas ça que je lui demande. Je lui demande de nous reconnaître, de savoir qu'on existe d'abord, première des choses, deuxièmement, de travailler en partenariat avec nous. Nous n'avons aucun projet en commun à l'heure actuelle, nous autres, depuis tout le temps, depuis que je suis là, M. le ministre, là, entre l'office et nous. Il n'y en a pas, de projet commun.
Donc, déficience, handicapé, là, il y a une connotation physique ? comme vous disiez, là, le fauteuil roulant ? ça, c'est compris, et ça, ça va. Mais handicapé intellectuel, non, ça ne se vit pas, handicapé intellectuel. Donc, on n'est pas dans la catégorie des handicapés encore, pas encore rendu à cette étape-là, là. Imaginez-vous qu'on est loin. Puis on parle de participation sociale. Il faudrait peut-être commencer par nous reconnaître d'abord, première des choses, comme handicapés, premièrement. Puis ça, bien je ne parle pas pour le ministère. Le ministère le sait, ça. Mais on fait une loi pour les handicapés, là.
C'est pour ça que je dis: Dans la définition, faites attention de ne pas encore utiliser des mots qui laissent croire qu'il s'agit d'handicapés physiques, comme, par exemple, «obstacles qui empêchent que». Mais ça, c'est physique ça, je veux dire, c'est physique: des obstacles qui t'empêchent de marcher, des obstacles qui t'empêchent de parler. Mais, quand vous avez une incapacité inhérente à la nature humaine puis une déficience intellectuelle, ce n'est pas les obstacles qui vous empêchent de penser, c'est votre être qui vous empêche de participer à la société. Ça ne tombe pas dans la définition, je ne pense pas. En tout cas, un esprit obtus, là, pourrait dire, là: Ce n'est pas couvert, ça, handicapé intellectuel. Bon. J'exagère peut-être parce que j'essaie de traduire une réalité qui fait que ce n'est pas inclusif, déficience intellectuelle. Ça, c'est première question.
La deuxième. Ce n'est pas le rôle de l'OPHQ comme tel d'intervenir directement dans les familles. On ne lui demande pas ça. Tout à l'heure, le ministre m'a posé la question: Est-ce qu'il devrait délaisser de plus en plus le rôle individuel? Non. Il a un rôle collectif à jouer. Mais on vous dit ici que ça devrait être une préoccupation, dans la recherche de l'OPHQ, dans les recommandations de l'OPHQ, dans les interventions auprès des différents organismes, ministères, etc., de se pencher également sur le rôle des parents, des familles. C'est une préoccupation qu'il devrait avoir et non pas uniquement personne handicapée elle-même.
Mme Richard: M. Bouchard, je trouve ça intéressant parce que vous avez parlé d'incapacité puis on a eu un groupe qui est venu et... Non, ce n'était pas un groupe, c'était un individu. C'était un groupe? C'était un groupe. Je m'excuse. Et on faisait le parallèle entre, bon, une déficience physique, personne handicapée, et on amenait là tout un concept que c'était dû aux obstacles: Je suis une personne ayant des limitations fonctionnelles, une personne handicapée, et j'ai des obstacles. Et là ce que vous amenez, vous dites: Ce n'est pas juste des obstacles, c'est une incapacité. Vous amenez quelque chose qu'on n'a pas abordé ici, là, et...
M. Bouchard (Jean-Marie): Parce que, comme je vous ai dit tantôt, vous êtes dans un milieu d'handicapés physiques, puis les gens qui sont venus vous ont parlé d'handicaps physiques. Puis c'est un peu la mentalité qui prévaut à l'heure actuelle dans ce secteur-là. Alors, les mots, ça a une importance. Ça va être interprété ça, ces mots-là, plus tard par tout le monde, là, pas seulement par les juristes, là.
Alors, je sais que ce n'est pas facile à faire, je n'ai pas eu de recommandations précises de rédaction au ministre. Le ministre a de très bons conseillers juridiques, et ils vont sûrement le faire si le ministre est d'accord avec notre proposition. Tout ce que je veux souligner, c'est, de grâce, réglons une méprise fondamentale, reconnaissons un handicap au sens très large du terme pour inclure toutes ces personnes-là, DI, autistes, TED et handicapés physiques. Là, vous êtes clairs.
Mme Richard: Je vous dirais qu'on a un groupe qui nous a parlé, ils n'ont pas les mêmes... Chaque ? je ne sais pas si c'est le bon terme ? chaque catégorie ou chaque groupe a fait référence à ceux qui souffrent de santé mentale. Ils disaient: On n'est pas des personnes... Eux ne veulent pas être considérés comme des personnes handicapées, là, entre guillemets, là. Voyez-vous?
M. Bouchard (Jean-Marie): Mais santé mentale... Vous avez raison, mais santé mentale, ce n'est pas déficience intellectuelle.
Mme Richard: Non, ça je le comprends très bien. Mais, quand on arrive...
M. Bouchard (Jean-Marie): C'est deux visions complètement différentes. Et le ministre est bien conscient que ce n'est pas les mêmes budgets puis ce n'est pas le même...
Mme Richard: Non. Mais, quand on arrive à une définition, M. Bouchard...
M. Bouchard (Jean-Marie): Oui.
Mme Richard: ...c'est là que ça devient un peu plus complexe.
M. Bouchard (Jean-Marie): Madame, j'ai été juriste toute ma vie. Quand on veut régler un problème, on trouve les mots.
Mme Richard: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Merci, M. Cloutier, M. Bouchard et M. Campeau pour la présentation de votre mémoire. Maintenant, j'inviterais M. Fortin, qui représente la Société québécoise de la trisomie 21, à bien vouloir prendre place. Et je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 26)
(Reprise à 15 h 30)
La Présidente (Mme Charlebois): Maintenant, on va entendre ? à l'ordre, s'il vous plaît! ? la Société québécoise de la trisomie 21, représentée par M. Sylvain Fortin. Nous avons 20 minutes pour entendre la lecture de votre mémoire, qui va être suivie d'une période d'échange avec les parlementaires. Alors, allez-y et bienvenue.
Société québécoise de la trisomie 21
M. Fortin (Sylvain): Mme la Présidente, Mmes et MM. les parlementaires, la Société québécoise de la trisomie 21 vous remercie de votre accueil à l'occasion des audiences de la Commission des affaires sociales sur le projet de loi n° 56. La Société québécoise de la trisomie 21 a été constituée en personne morale par lettres patentes émises par l'Inspecteur général des institutions financières le 7 août 2001, et ce, en vertu de la troisième partie de la Loi sur les compagnies du Québec.
La Société québécoise de la trisomie 21 est un organisme national québécois voué à la protection et à la promotion des droits et des intérêts des personnes nées avec une trisomie 21. Elle a été créée par des papas et des mamans qui ont un enfant vivant avec une trisomie 21. La réalité quotidienne de ces parents, lorsque confrontés à l'intégration de leur enfant vivant avec une trisomie 21, soit à la garderie, à l'école, aux loisirs ou ailleurs, est qu'ils rencontrent des murs de crainte, de préjugés et d'ignorance et qu'il leur faut toujours mesurer la hauteur, la largeur et la profondeur de ces murs pour savoir comment les contourner. Ainsi, leur vie devient une course à obstacles.
Pour faire face aux défis de l'évolution de leur enfant, ces parents et ces familles ont donc senti l'importance de défendre et promouvoir les intérêts des personnes vivant avec une trisomie 21, notamment sur les aspects spécifiques, uniques et distincts les concernant, et ce, sur le plan national québécois.
Les gens qui font la Société québécoise de la trisomie 21 sont des idéalistes, des bâtisseurs, des leaders et toujours des sources d'inspiration qui, par leur ferveur, leur esprit d'initiative et leur engagement social, changent leur milieu, font une différence et concourent par leur rayonnement à l'épanouissement de leur région, notamment par leur capacité à surmonter les obstacles pour mener leurs projets à terme.
En 2003, nous avons produit un disque compact d'une chanson intitulée Inconditionnel, digne des plus grandes chansons de la francophonie et qui est un outil de sensibilisation très rare et d'une très grande valeur. Il nous fait plaisir de vous remettre un exemplaire de ce disque compact, à l'intérieur duquel se retrouve une pochette comportant un message de sensibilisation à la trisomie 21.
En 2002, nous avions mis en place une campagne nationale québécoise d'information et de sensibilisation à la trisomie 21 par le biais d'un tour du Québec à vélo qui s'est déroulé du 1er juin au 3 août 2002, sous le thème Une chance que j't'ai une chance qu'on s'a. Nous vous remettons également un exemplaire du dépliant de cette campagne de sensibilisation.
Puisqu'il est de notre mission de planifier, d'organiser et de réaliser certains programmes nationaux d'information et de sensibilisation à la trisomie 21, nous sommes déjà à l'oeuvre pour la mise en place d'une mesure permanente de sensibilisation à la trisomie 21 par l'aménagement d'un parc spécialement dédié aux personnes vivant avec une trisomie 21 dans la ville de Québec, en tant que capitale nationale de toutes les Québécoises et de tous les Québécois. Ce parc sera désigné Jardin de la trisomie 21. Nous préparons un aménagement où sera érigée une sculpture de bronze représentant cinq enfants, dont trois vivant avec une trisomie 21 et deux vivant sans aucune déficience. Ces enfants, dans une scène de jeu de ballon, font ressortir de fort liens de solidarité, de communication, de partage, de joie et d'épanouissement.
Ce que nous voulons promouvoir par cette oeuvre, c'est que les personnes vivant avec une trisomie 21, bien qu'en retard sur les plans intellectuel et physique, sont en avance sur nous tous qui n'avons pas de déficience quant à certaines qualités de coeur remarquables comme l'amour inconditionnel et leur capacité de vivre sans préjugés envers les autres. Elles nous invitent donc, par leur exemple, au dépassement de nos limites personnelles. Ces personnes, qui connaissent la tendresse comme seule façon de vivre, possèdent trois chromosomes 21 plutôt que deux. Ce chromosome supplémentaire est à notre avis celui de l'amour. Il s'agit d'un espace qui se veut représentatif de l'esprit de la personne qui vit avec une trisomie 21. Esprit de quiétude et d'amour inconditionnel où l'espoir et le coeur ludique font partie du code génétique: le chromosome supplémentaire, sûrement.
Ce Jardin de la trisomie 21 évoque à la fois la noblesse de caractère des personnes vivant avec une trisomie 21 et leur fragilité. Il souligne deux aspects de l'amour: d'une part, amour absolument nécessaire de la part de la famille et de la société pour la personne vivant avec une trisomie 21 et, d'autre part, l'amour beaucoup plus spontané car inconditionnel de la personne vivant avec une trisomie 21 pour tous les gens qu'elle côtoie. Ce jardin soulignera également une ouverture sur l'infini pour illustrer l'immense potentiel de bonheur qui anime les personnes vivant avec une trisomie 21. L'amour est la qualité suprême qui assurera l'avenir de l'humanité. Le Jardin de la trisomie 21 veillera à rendre hommage aux personnes vivant avec une trisomie 21 qui, depuis leur naissance et toute leur vie durant, seront sur ce chemin si peu fréquenté des personnes maîtrisant ce grand art de l'amour inconditionnel.
L'événement que nous portons à votre attention est non seulement une première québécoise, mais, après vérification auprès de l'ONU et de l'UNESCO, il s'agit également d'une première mondiale. Il est à noter que la ville de Québec est partenaire avec nous pour cet événement. Par l'aménagement du Jardin de la trisomie 21, visuels et auditifs seront rejoints, négatifs et positifs seront touchés, préjugeants et jugés seront rassemblés pour peut-être un jour apprendre à se côtoyer. Il nous restera toujours un monde à bâtir, à définir, mais, accompagné de ces personnes exceptionnelles, qui peut craindre l'avenue de cet avenir?
Les objectifs que nous souhaitons atteindre sont les suivants: premièrement, susciter l'émergence d'une solidarité sociale autour des personnes vivant avec une trisomie 21; deux, mieux faire connaître les personnes vivant avec une trisomie 21 par le biais de leur merveilleuse force qui est celle d'aimer inconditionnellement et de vivre sans préjugés envers les autres; troisièmement, favoriser l'inclusion communautaire des personnes vivant avec une trisomie 21 dans toutes les sphères de la vie en société; quatrièmement, exprimer le désir de développer à l'endroit des personnes vivant avec une trisomie 21 des rapports interpersonnels positifs et significatifs.
Ces réalisations que nous avons portées à votre attention reflètent ce mandat qui est le nôtre d'apporter une contribution nécessaire à l'édification d'une société plus juste et plus humaine à l'endroit des personnes vivant avec une trisomie 21 et de faire bénéficier les fruits de nos réflexions et de notre engagement social à l'ensemble de la collectivité québécoise. Dans la mesure de nos moyens, nous voulons, à la Société québécoise de la trisomie 21, partager la passion et la conviction qui nous animent et qui font que la Société québécoise de la trisomie 21 est à ses affaires et sur le terrain des 17 régions administratives du Québec.
Le rayonnement de la démocratie et de l'Assemblée nationale du Québec se doit de rejoindre l'ensemble des citoyennes et des citoyens du Québec, y compris les 10 690 personnes au Québec vivant avec une trisomie 21. Ce rayonnement doit être souligné concrètement et avec fierté à l'égard des personnes vivant avec une trisomie 21. Ces personnes apportent, par leur exemple d'aimer inconditionnellement, une contribution unique, originale et majeure à la construction du Québec d'aujourd'hui et de demain. Rappelons que cet exemple n'est maîtrisé que par celles et ceux qui sont sur un chemin trop peu fréquenté. Le rayonnement de la démocratie sait reconnaître l'égalité des chances et sait aussi reconnaître en chacun la capacité de fournir un apport positif à notre collectivité québécoise. Sur le plan humain, les personnes vivant avec une trisomie 21 ont assurément beaucoup à nous apprendre.
Depuis ses tout débuts, la Société québécoise de la trisomie 21 est un membre actif de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, communément appelée COPHAN. Nous sommes ici, aujourd'hui, pour appuyer le mémoire de la COPHAN, puisque nous y avons contribué par nos réflexions et le partage des fruits de notre engagement social.
Le projet de loi n° 56, que nous avons aujourd'hui devant nous fait naître les commentaires généraux suivants.
Premièrement, malgré la satisfaction de l'OPHQ et du ministère de la Santé et des Services sociaux face à leur document, ce projet de loi ne correspond pas à nos demandes maintes fois réitérées auprès des députés, des ministres et des ministères.
n(15 h 40)n Deuxièmement, ce projet de loi continue à loger tout ce qui concerne les personnes ayant des limitations fonctionnelles sous la tutelle de l'OPHQ et sous le bon vouloir du ministre de la Santé. Nous constatons aussi qu'il n'y a aucune obligation ou sanction si les différents ministères du gouvernement du Québec ne réagissent pas.
Troisièmement, s'agit-il ici de se doter d'une loi créée pour les personnes vivant avec des limitations fonctionnelles ou pour l'OPHQ et le ministre de la Santé? Nous dénonçons le peu de volonté politique à changer les choses. Par ce projet de loi n° 56, nous assistons à la consécration de l'OPHQ comme unique responsable du dossier des personnes ayant des limitations fonctionnelles. Nous sommes devant une loi qui porte sur l'OPHQ et non pas devant une loi assurant l'exercice des droits des personnes ayant des limitations fonctionnelles.
Quatrièmement, il serait approprié de faire le lien entre les actions qui sont en train de se dérouler au niveau international et signifier que le Québec, comme en 1984, devrait être innovateur et proactif. À l'occasion de son troisième mandat, 2000-2002, le secrétaire spécial de la Commission du développement social sur le suivi de l'application des règles pour l'égalisation des chances des handicapés au sein de l'ONU mentionnait dans son rapport que «le handicap est désormais essentiellement considéré comme une question relative aux droits de l'homme plutôt qu'un sujet de préoccupation pour les services de santé et de protection sociale».
Cinquièmement, le projet de loi n° 56 représente un détournement complet de nos préoccupations. Nos demandes spécifiques sont: loi cadre; application horizontale; clause d'impact; inclusion; stratégie gouvernementale; modernisation des orientations; instance représentative, reformulation du rôle et mandat de l'OPHQ; définition inclusive; accommodement; compensation des coûts liés aux incapacités; et accessibilité. Ces éléments sont tous repris à l'intérieur du projet de loi n° 56, mais avec ce talent qu'a le gouvernement de les dévier, de les disperser et de transgresser leur signification.
En tant que membres de la COPHAN, nous appuyons toutes les propositions de modification présentées dans son mémoire et notamment le fait que:
La loi assurant l'exercice des droits des personnes ayant des limitations fonctionnelles doit impliquer toutes les instances de tous les secteurs de la collectivité québécoise, garantir des moyens concrets inclusifs, telles, entre autres, l'obligation d'accommodement et la compensation des coûts liés aux limitations fonctionnelles. Elle doit également assurer le financement nécessaire à la réalisation de ces objets, prévoir des objectifs de résultat et des sanctions en cas de non-respect de son application.
Le concept d'inclusion doit remplacer celui d'intégration, ce qui implique que le gouvernement et la collectivité québécoise se dotent de moyens concrets afin d'assurer l'exercice des droits des personnes ayant des limitations fonctionnelles et l'élimination de toute discrimination à leur égard dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ainsi que dans tout autre domaine.
L'instance, qu'elle se nomme Office des personnes handicapées ou autrement, doit uniquement être un outil mis au service du gouvernement, de tous ses ministères et réseaux, des instances régionale, locale et municipale, des organismes publics ou privés afin que ceux-ci appliquent une stratégie gouvernementale et un plan d'action garantissant l'inclusion des personnes ayant des limitations fonctionnelles et de leurs proches.
L'ensemble des propositions de modification présentées par la COPHAN font en sorte que ces grands principes prennent forme au travers de moyens concrets et démontrent la faisabilité d'une réelle loi-cadre garantissant le droit à l'égalité aux personnes ayant des limitations fonctionnelles et à leurs proches. En conséquence, nous vous demandons d'inclure les recommandations de la COPHAN et de modifier le projet de loi n° 56 en ce sens.
Cette année encore, les efforts et la détermination dans la poursuite et la réalisation de notre plan d'action investis par tous ceux et celles qui font la Société québécoise de la trisomie 21 ont été couronnés par de beaux et grands succès. Nos 803 familles membres provenant des régions périphériques du Québec ont fait confiance à la Société québécoise de la trisomie 21 en la choisissant pour assurer la protection et la promotion des droits des personnes vivant avec une trisomie 21. Cela nous indique à quel point nos préoccupations sociales sont justifiées. Ces familles ayant un des leurs vivant avec une trisomie 21 nous communiquent l'inspiration nécessaire dans les projets novateurs que nous mettons de l'avant, année après année.
Les gens connaissent la passion qui nous anime ainsi que la perfection que nous apportons à nos projets, que ce soit au niveau de la promotion, de la sensibilisation, de la transmission de l'information, de la visibilité ou du soutien, afin de faire disparaître la méconnaissance de la trisomie 21. Notre approche d'éducation populaire permet à chacune et chacun d'adopter une attitude basée sur l'égalité, le respect et l'accueil de la différence. Ce travail que nous effectuons sans relâche est semblable à la détermination du marathonien qui doit atteindre son but malgré les obstacles de tout genre qu'il rencontrera sur sa route, ainsi qu'à la patience du fermier qui sait que les semences doivent mourir en terre avant de donner des moissons abondantes.
En terminant, nous souhaitons avoir partagé avec vous la passion qui habite la Société québécoise de la trisomie 21 à l'égard des personnes vivant avec une trisomie 21 que nous avons l'honneur, le devoir et le plaisir de servir. Je vous remercie, Mme la Présidente, Mmes et MM. les parlementaires, de votre respectueuse attention.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Fortin. Nous allons débuter les échanges avec M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Fortin, pour votre présentation et également les documents que vous nous avez remis. Sauf erreur, je crois que c'est votre fils qu'on voit sur la photographie, ici, à droite.
M. Fortin (Sylvain): Oui.
M. Couillard: Je veux quand même au début vous mentionner la question de l'intégration versus l'inclusion. J'ai déjà fait la remarque à des groupes qui vous ont précédé. Pour nous, et pas seulement pour nous, nos conseillers juridiques également, les gens qui étudient le sens des mots considèrent que, dans la langue française, dans le sens des mots juridiques, «intégration» est de loin supérieur à «inclusion» pour assurer un sens le plus large possible. C'est un débat un peu sémantique, c'est un débat juridique, mais je pensait important de vous le mentionner afin que vous perceviez le fait qu'on a, nous, de notre côté, volontairement utilisé le mot le plus généreux et ce n'est pas le contraire.
Également nous sommes au courant que votre organisation, comme d'autres, revendiquait depuis longtemps qu'il y ait une loi-cadre, une application horizontale. Vous avez listé tantôt ces éléments: clause d'impact, stratégie gouvernementale, modernisation des orientations, reformulation du rôle et mandat de l'office, une définition plus inclusive, le principe d'accommodement. Tout ça est dans le projet de loi, vous l'avez dit vous-même. Mais vous dites: Les éléments sont dispersés et transgressés dans leur signification. Pourriez-vous être plus précis? Nous dire comment est-ce qu'on aurait pu faire mieux, comment est-ce qu'on aurait pu les rendre plus cohérents, à votre avis, ou plus concrets.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Fortin.
M. Fortin (Sylvain): On pourrait prendre l'exemple, si vous permettez, de la clause d'impact. Ici, à moins que je ne m'abuse, on réfère à la clause d'impact à l'article 26.1 ou à...
M. Couillard: Pendant qu'on cherche l'article en question, pour éclairer les citoyens qui nous écoutent et qui se demandent bien qu'est-ce qu'une clause d'impact peut dire, c'est une clause par laquelle l'ensemble des ministères et organismes doivent aviser et notifier le ministère et l'OPHQ lorsqu'un projet, ou un projet de loi, ou un projet de règlement, ou un projet autre, a un impact sur les personnes handicapées. C'est ce qu'on appelle la clause d'impact.
M. Fortin (Sylvain): Voilà. Eh bien, lorsqu'on lit ce qui est inscrit au projet de loi n° 56, on mentionne que «l'office peut, chaque fois qu'il le juge utile ? là, on dit "peut", alors ? donner son avis au ministre, à tout ministère et à son réseau, aux municipalités et à tout organisme public ou privé sur toute question reliée à l'application de la présente loi et, s'il y a lieu, recommander toute mesure qu'il estime appropriée».
n(15 h 50)n Et, à l'article 61.2, on mentionne que «le ministre est consulté lors de l'élaboration de mesures prévues par les lois et règlements qui pourraient avoir un impact significatif sur les personnes handicapées», plus clairement à ce que vous faisiez référence. Bien, disons que pour nous c'est timide, on aurait voulu quelque chose de plus... on aurait préféré quelque chose de plus attendu, de plus contraignant, de plus... C'est parce que phrasé de cette façon-là, nous, on a le sentiment que les gens vont peut-être étirer les choses en longueur, hein, puis ils vont... pas méchamment, mais on ne sent pas qu'il y aura une différence dans le quotidien des jours par rapport à cette version-là.
M. Couillard: Parce que c'est une question très importante, parce que, notamment suite à la loi précédente, la loi n° 155, qui a constitué la base de travail que nous avons suivie pour faire ce projet de loi là, la réaction des groupes associatifs était la demande de la clause d'impact, qui est ici résumée, comme vous l'avez dit. Maintenant, je voudrais également vous faire remarquer que c'est à un niveau supérieur à ce qui existe pour d'autres groupes de la société. Il ne s'agit pas de faire des concours entre les différents groupes de la société puis définir lesquels ont besoin de plus ou moins d'attention. Mais je prends comme exemple le fait que, lorsqu'on soumet un mémoire au Conseil des ministres pour suggérer un projet de loi ou un règlement, il est obligatoire d'indiquer là-dedans quel est l'impact sur les jeunes ou sur la métropole ? je vous donne des exemples comme ça ? mais pour s'en libérer, il suffit d'écrire une ligne, dire que ce projet n'a pas d'impact sur les jeunes et la métropole. Vous comprenez? C'est ça.
Alors, pour les personnes handicapées, ça va plus loin que ça, ça indique l'obligation des ministères et organismes de consulter le ministre responsable de la loi si le projet a un impact sur les personnes handicapées. C'est un niveau d'obligation qui est plus élevé que pour d'autres groupes de la société. Je donne ça comme niveau d'information, mais je comprends que vous aimeriez que ce soit encore plus directif.
M. Fortin (Sylvain): Oui, bien on l'apprécierait. Puis, parlant d'impact, si vous permettez, Mme la Présidente, parlant d'impact sur les personnes qui ont une limitation fonctionnelle, il y a quelque chose sur lequel on aimerait porter votre attention, c'est que, dans l'actualité, dans les médias, on revient souvent avec le même sujet. Je vais préciser. C'est que, par exemple, en 1988, il y a eu ce document qui est sorti, du ministère de la Justice, du Comité de la protection de la jeunesse, et ce document s'intitule Recueil de textes sur l'euthanasie d'enfants ayant un syndrome de Down. Alors, on a été capable au, Comité de la protection de la jeunesse du ministère de la Justice, de réfléchir ? excusez de le dire, mais gros de même ? par rapport à l'euthanasie d'enfants liée à un syndrome de Down. C'est en 1988.
Mais je vous ai remis également des découpures de presse. Ici, La Presse titre Dépistage génétique: des avortements inutiles; Syndrome de Down: Québec songe à rendre plus accessible un test de dépistage «non évasif»; Trisomie: Dépistage systématique de toutes les femmes enceintes recommandé. Et ça, le dépistage systématique des femmes enceintes recommandé, ça vient de l'Agence d'évaluation des technologies des modes d'intervention en santé, c'est dans votre ministère. Et, moi, je voulais apporter cet exemple pour dire à quel point ça a un impact particulier pour nous, de notre côté. Parce qu'on en voit régulièrement du côté du gouvernement, à l'attention de la population, que: Assurez-vous de vous faire dépister correctement pour être sûre de ne pas avoir un enfant qui vit, qui vivra avec une trisomie 21. Et ça envoie le mauvais message que: Mieux vaut ne pas vivre du tout que de vivre avec une trisomie 21. Et, d'envoyer régulièrement ces messages-là, ça contribue aux grandes difficultés d'intégration que nos enfants... Parce que je suis papa, c'est pour ça que je m'implique à la société. Mais ça contribue à faire en sorte que, lorsque c'est le temps d'intégrer nos enfants dans n'importe quoi, bien on fait un mouvement de recul puis on y repense toujours à deux fois.
Les listes d'attente dans les garderies, combien de fois on a vu des papas puis des mamans se faire dire pendant trois années de long que: Bien, votre enfant est sur la liste d'attente? Mais ce n'est pas crédible, la manière que c'est géré présentement, les listes d'attente. C'est dans le bureau de la coordonnatrice de la garderie puis ça ne va pas plus loin, il n'y a personne pour contrôler ça. Alors, ça veut dire qu'il y a des enfants qui n'ont jamais eu accès à la garderie, chez nos membres, et on trouve ça triste.
On voit souvent donc revenir dans les médias des messages provenant du gouvernement du Québec à l'effet que: Bien, faites attention, assurez-vous de ça, malgré qu'on ne parle jamais des faux positifs puis des faux négatifs dans ça. Vous savez qu'un faux positif, c'est un diagnostic prénatal où le médecin dira à la maman: Bien, vous savez, votre enfant sera porteur d'une trisomie 21. Alors ça, c'est un faux positif: à la naissance, il n'en aura pas. Un faux négatif, ce sera l'inverse. Alors, on voit ça sortir souvent dans les médias, mais on ne voit jamais sortir dans les médias une préoccupation gouvernementale pour dire: Bien, pour les familles qui vivent avec un des leurs avec une trisomie 21, on a des mesures bien concrètes pour soutenir ces familles-là. C'est absent. C'est triste, c'est désolant pour nos familles. Mais, autant qu'on voit des messages qui disent, bien...
Puis, vous savez, à l'été 2002, j'ai fait le tour du Québec en vélo. Hein, j'étais parti le 1er juin, j'étais revenu le 3 août, j'avais parcouru 5 000 km en vélo, dans cette grande campagne qui est extraordinaire, qui est exigeante, mais qui m'a permis de rencontrer des gens que je n'aurais jamais rencontrés et connus autrement. Et, entre autres, je me rappelle d'une jeune adulte de 20, 21 ans, de Mont-Joli, qui vit avec une trisomie 21. Et, par rapport à une activité de sensibilisation que nous avions dans cette région, elle avait compris et elle m'avait dit dans ses mots qu'«on tasse ? ou on élimine, si vous voulez ? des enfants parce qu'ils sont comme moi». Vous savez, il y a des déficiences légères, il y a des déficiences moyennes, il y a des déficiences sévères et profondes. Mon fils a une déficience sévère, et je vous dirais que ça fait tout son charme. C'est frappant lorsqu'une personne qui a une trisomie 21 vous dit: Bien, vous savez, on tasse des gens juste parce qu'ils sont comme moi.
Je vous disais tout ça parce que cette information qui ressort dans l'actualité régulièrement, bien ça a un impact pour nous autres. Dans le travail quotidien, là, hebdomadaire, là, de défense des droits, de protection des intérêts, bien on se rend compte que ce n'est pas facile, particulièrement pour nos membres, parce que la trisomie 21, ce n'est pas pareil comme d'autres choses, c'est très spécifique. On a souvent malheureusement noyé la cause des personnes qui vivent avec une trisomie 21 dans un ensemble de ce qu'on appelle la famille de la déficience intellectuelle, et pour nous on constate régulièrement que ça a été de mettre une burka... Vous savez c'est quoi, la burka? C'est le voile de la femme afghane. Alors, c'est comme pour nous quand on a mis les enfants dans des grands ensembles de déficience intellectuelle, ça a été comme de leur mettre une burka, de leur déposer une burka sur la tête. Alors, on ne sait plus qui est en dessous, on ne sait pas, là, la personnalité, l'originalité, la spécificité de cette personne qui est là. Alors, la personne est dans l'anonymat d'un grand ensemble. Puis ça, bien ce n'est pas facile.
Puis un autre exemple, si vous permettez, des difficultés chez nos membres. On constate que ? c'est dans notre rapport d'activité qu'on vous a remis, des deux côtés ? là où on souhaiterait voir comme un premier ministre du Québec responsable de l'OPHQ pour s'assurer que tous les ministères s'enlignent bien sur l'application des choses qui concernent des personnes qui vivent avec des limitations fonctionnelles, bien il y a le réseau de l'éducation. Il n'y a pas de système plus rigide que ça.
n(16 heures)n Et le dernier exemple, c'est une famille de Rimouski qui a eu une bataille de cinq ans puis qui les a conduits au Tribunal des droits de la personne pour faire en sorte que leur enfant, qui vit avec une déficience légère de trisomie 21, puisse aller dans une classe régulière. Mais il y a d'autres papas puis d'autres mamans qui ont des déficiences chez leur enfant sévères et profondes puis ils apprécient beaucoup l'école spécialisée. Il n'y a pas vraiment de recette miracle ou unique pour ces aspects-là, mais c'est deux exemples que je voulais vous apporter pour vous dire à quel point ce n'est pas facile pour nous quand c'est le temps d'aider les familles à défendre les intérêts de leurs enfants.
Bien, on se rend compte qu'il y a des choses qui vont à contre-courant de nos efforts. C'est comme si le gouvernement... En tout cas, je pense, je l'ai bien dit. Puis c'est comme pour vous dire ou attirer votre attention qu'on aimerait ça... Il n'y en a pas beaucoup d'organismes spécifiques à la trisomie 21 au Québec. Il y a nous comme organisme national, et on a quatre organismes, il y a quatre organismes régionaux, un à Montréal, un à Trois-Rivières, un à Sherbrooke et un dans Lanaudière. Alors, c'est très peu d'organismes qui se soucient puis qui se dévouent spécifiquement à la trisomie 21. Et je crois qu'il serait utile pour les 10 690 personnes au Québec qui vivent avec une trisomie 21 de voir arriver dans l'actualité le souci que vous aviez déjà exprimé.
Puis, moi, personnellement, je m'en rappelle, la première journée que vous avez été assermenté comme ministre de la Santé, la première chose que vous aviez dite sur les ondes de RDI, c'est que: Moi, comme ministre de la Santé, ma préoccupation, ce sera les causes sans voix, les personnes qui vivent avec des difficultés, comme celle que je vous présente aujourd'hui, et vous aviez nommé comme l'autisme. Mais, nous, on avait compris que ça pouvait être aussi comme la trisomie 21, et ça avait fait naître les espoirs qu'on pourrait avoir une plus grande aide.
Parce que, nous, on vous a mentionné des exemples dans notre mémoire d'intervention au niveau de... Parce qu'il y a deux volets au niveau de notre mission. Je vous ai fait part du volet sensibilisation, information, éducation populaire, mais il y a aussi notre autre volet de services. Et ce volet de services là, il est très difficile à soutenir parce qu'on n'a pas les ressources pour le faire comme on voudrait le faire puis comme les familles s'attendent à l'avoir.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Je vais laisser la parole à mes collègues. Je vous mentionnerais juste, M. Fortin, que vous avez fait un exposé assez éloquent. Puis je comprends très bien ce que ressentent les familles lorsque, par exemple, on parle des problèmes de dépistage. Cependant, moi, je dirais qu'à mon avis ? et là chacun d'entre nous est interpellé sur le plan de son sens éthique personnel là-dessus ? à mon avis, il n'est pas contradictoire sur le plan éthique de faire coexister le dépistage, qui est essentiellement de la prévention, et un traitement inclusif et respectueux pour les gens qui ont à vivre avec ce problème de santé qui, comme vous l'avez à juste titre rappelé, est un vaste spectre. Ce n'est pas tous les enfants avec les trisomies 21 qui sont atteints de déficience intellectuelle sévère. Il y a des variétés ou des formes de la maladie qui sont beaucoup moins sévères et qui permettent beaucoup plus d'inclusion à la société et notamment dans le milieu scolaire. Mais je sais que ce n'est pas facile de faire affaire à ces grands réseaux, hein, de l'éducation et de la santé et de services sociaux. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci. Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Richard: Merci. Bonjour, M. Fortin. Vous nous avez fait découvrir aujourd'hui qu'est-ce que c'est pour un papa d'avoir un enfant qui vit avec la trisomie 21 et, comme président de votre organisation, toutes les difficultés que, bon, rencontrent tous les autres parents du Québec. Et, vous savez, par ce projet de loi là, le projet de loi n° 56, on veut améliorer la condition ? je pense, des deux côtés, là, ici, là ? la condition de vie des personnes handicapées au Québec.
Vous l'avez fait... vous l'avez très, très bien décrit, bon, la trisomie 21, c'est un enfant qui peut souffrir de déficience intellectuelle légère, moyenne, avancée, et, dans toute aussi la définition des personnes handicapées, ça devient complexe. Mais ce que je voudrais vous entendre, c'est au niveau de l'éducation. Un enfant souffrant de déficience intellectuelle, certains parents vont demander, bon, s'il souffre de déficience intellectuelle légère, un certain suivi. On peut demander d'avoir des personnes-ressources, que ce soient des techniciens en réadaptation. Bon, des fois même, dans certains milieux, on ne les a pas tous. C'est des fois la commission scolaire, au bon vouloir de la commission scolaire.
Des enfants qui souffrent de trisomie 21 peuvent être intégrés facilement à un groupe. Pour d'autres, ça peut être plus difficile parce que ça peut être un problème de comportement lié à son état. Et je suis toujours étonnée, parce que, moi, j'ai été dans ce milieu-là, les commissions scolaires, pendant plus de 15 ans puis j'ai siégé à la Fédération des commissions scolaires, où on était, tous les présidents des commissions scolaires du Québec, autour de la table et où ça nous préoccupait, puis tout le monde était sensible à ça, à donner des services aux enfants peu importe leur handicap, et j'ai constaté ? c'est arrivé quelquefois, ça venait plus souvent des parents ? des difficultés qu'ils rencontrent quand vient l'âge des enfants ayant un handicap de fréquenter le milieu scolaire. Et pourtant, moi, je viens d'une petite commission scolaire, je le dis encore, dans ma vie antérieure, et on n'avait pas tous les spécialistes, on n'avait pas toujours des orthopédagogues, on n'avait même pas d'orthophoniste ? on n'en a pas encore, je suis sûre ? dans ma petite commission scolaire où j'étais à l'époque, et pourtant on réussissait.
Et là je voudrais savoir, parce que, moi, j'ai quitté, mais ça se faisait dans le temps, il y avait un plan d'intervention qui se fait en collaboration... Chez nous, ça se faisait avec le directeur de l'école, avec l'enseignant, avec un conseiller pédagogique, avec les parents. Les parents étaient impliqués et ils acceptaient le plan d'intervention qui leur était proposé. Moi, je vous dis, si vous avez une expérience face à ça, j'aimerais que vous m'en parliez un peu plus. Comment peut-on arriver, dans une commission scolaire, dans une école, à dire: Bon, on ne peut pas donner de services à cet enfant-là? Ça, je ne conçois pas ça aujourd'hui.
M. Fortin (Sylvain): Les plans d'intervention individualisés existent toujours, sauf que ce qui est particulier, c'est que, nous, on constate que c'est, au Québec, en dents de scie. On dirait que c'est ? comment je dirais? ? à géométrie variable peut-être, c'est comme, dans une région... Ça dépend de la manière que c'est animé puis ça dépend des gens qui sont en place. Il y a des gens, dans certaines régions, ils vont avoir l'inspiration, le dynamisme puis une préoccupation systémique, c'est-à-dire une préoccupation qui va vouloir intégrer la famille dans son ensemble. Parce qu'on sait qu'une approche systémique, bien c'est une sensibilité d'exprimer, de vouloir inclure l'ensemble... C'est comparer finalement la famille à un système, hein? Puis, quand un élément du système est affecté, on sait que c'est l'ensemble qui l'est. Et il y a les sous-systèmes. Il y a le système familial, le sous-système parental, conjugal, la fratrie.
Mais il y a des endroits où on a une très grande préoccupation d'intégrer les papas et les mamans dans les plans d'intervention individualisés de leur enfant. Puis il y a d'autres endroits où on dirait que les gens assument qu'ils sont les spécialistes de l'éducation et donc qu'ils sont les seuls bien placés pour pouvoir définir les objectifs que devrait atteindre leur enfant. Alors, il y a des endroits où les papas puis les mamans se sentent exclus puis il y a des endroits où c'est le contraire. Alors, c'est comme... Ce n'est pas pareil partout, puis ça dépend des gens qui... de leur sensibilité puis de leur accueil.
Mme Richard: M. Fortin, ça, je le sais que ce n'est pas pareil partout puis je ne veux pas nécessairement que ce soit pareil partout, là, en termes d'obligation parce que, bon, une région des fois est plus innovatrice sur certaines choses. Mais, moi, je me dis, les enfants ont droit à une éducation, et c'est juste par rapport à ça, là, où j'ai un problème.
n(16 h 10)n Je voudrais terminer là-dessus. Le projet de loi n° 56, de quelle façon pourrait-on le bonifier ou... peut-être par rapport... Puis on a des juristes qui nous le diront si on peut aller jusque-là, là. Le rôle de l'office, est-ce qu'il pourrait avoir à exercer un certain contrôle ? puis je n'aime pas le mot «contrôle» ? sur les commissions scolaires? Puis je n'aime pas ce que je vous dis non plus parce que je ne suis pas si sûre... Je suis convaincue de ce que vous dites. Mais il doit avoir une façon. Parce que, je l'ai toujours dit, même à la Fédération des commissions scolaires, c'était la meilleure instance parce que tous les présidents et les présidentes savaient ce qui se passait dans leurs commissions scolaires, puis je disais: C'est merveilleux, la santé devrait prendre ce modèle-là. On était, toutes les régions du Québec, à une même table à partager nos problèmes, nos solutions et... Pardon?
Une voix: ...
Mme Richard: Mais c'est beaucoup, beaucoup plus lourd au niveau de la santé. J'y ai travaillé, au niveau de la santé, on pourrait en parler longtemps. C'est plus lourd, c'est beaucoup plus lourd. On ne fera pas ce débat-là ici aujourd'hui. Mais comment le projet de loi n° 56 pourrait-il faire en sorte que tous les enfants, peu importe où est-ce qu'ils se trouvent au Québec, aient le droit à cette éducation, à cet enseignement? De quelle façon on pourrait bonifier ça, selon vous?
M. Fortin (Sylvain): Bien, Mme la Présidente, ce qu'on pourrait faire, ce serait peut-être de ne pas se demander jusqu'où les juristes pourraient nous laisser aller. Moi, pour maximiser la qualité de mes interventions, je me suis donné la peine, après la naissance de mon fils, d'aller à l'Université de Sherbrooke pour aller me chercher une scolarité en droit de la santé et je ne crois pas que ce soit la bonne idée que de se demander jusqu'où les juristes peuvent aller.
Moi, je vous dirais, aussi loin que les coeurs des papas et des mamans sont capables d'aller, je pense que c'est là que le projet de loi devrait aller. Ça devrait être la... Par exemple, tu sais, dans la loi, par rapport à l'accommodement, on parle d'obligation raisonnable. Est-ce que c'est ça? Bien, tu sais, quand, moi, je dis à mes deux garçons: Il faut être raisonnable, habituellement ils ne sont pas contents quand je leur dis ça. Quand on demande à quelqu'un d'être raisonnable, d'habitude on fait appel au renoncement. Alors, moi, je vous dirais qu'on a une chance unique de se démarquer, au Québec, par une loi qui pourrait avoir...
On ne sait pas jusqu'où le coeur des papas et des mamans sont capables d'aimer, mais ils sont capables d'aimer d'une manière extraordinaire. Puis, à l'organisme, à la société, c'est rempli de papas et de mamans comme moi qui s'épanouissent avec leurs enfants et qui ne voient pas ça du tout comme une épreuve ou qui ne voient pas du tout ça comme une fatalité. Moi, c'est un enrichissement puis c'est ma plus belle contribution à l'humanité, mon fils Mathieu et mon autre fils Olivier. Alors, tout ça pour vous dire que la loi, bien elle devrait aller comme ça, aussi loin que le coeur des papas et des mamans sont capables d'aimer.
Mme Richard: Merci beaucoup, M. Fortin. Et je pense qu'on se rejoint en quelque part et je l'inscris la loi du coeur. Puis je veux juste préciser, quand j'ai dit: Jusqu'où est-ce que les juristes peuvent aller?, c'est parce que, vous savez, si je parle des commissions scolaires, que je parle d'un autre ministère, on peut appeler ça ainsi, chacun a son champ de compétence, et, pour pouvoir harmoniser tout ça, ça prend des lois et, bon, ça nous prend quand même le conseil. Moi, je ne suis pas une juriste, je ne suis pas un avocat, et c'est pour ça, je me disais, des fois, sans intervenir trop, là, au niveau de tous nos paliers, ça nous prend quand même des conseillers. Mais je vous dirais que je vous comprends très, très bien comme papa, et ce serait merveilleux si on pouvait appeler cette loi-là la loi du coeur. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Fortin, pour la présentation de votre mémoire. Maintenant, je demanderais à l'Office des personnes handicapées du Québec de bien vouloir prendre place. Et je vais suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 15)
(Reprise à 16 h 29)
La Présidente (Mme Charlebois): À l'ordre, s'il vous plaît! Maintenant, nous allons entendre l'Office des personnes handicapées du Québec qui est représenté par M. Norbert Rodrigue. Je vous inviterais à nous présenter vos invités. Pour la suite des choses, bien nous allons entendre votre mémoire pour une durée de 20 minutes.
Office des personnes
handicapées du Québec (OPHQ)
M. Rodrigue (Norbert): Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames messieurs, membres de la commission. Mesdames messieurs, la population nous suit de près. J'ai eu l'occasion, en fin de semaine dernière, de suivre les travaux ou de revoir les travaux. Merci de nous permettre d'abord de venir nous exprimer sur une loi qui a une importance certaine pour nous, mais surtout pour les personnes avec lesquelles on travaille.
n(16 h 30)n Je voudrais vous présenter, immédiatement à ma droite, M. Pierre-Noël Léger, qui est membre du conseil d'administration; à ma gauche, Mme Rollande Barabé-Cloutier, qui est vice-présidente du conseil d'administration; ainsi que Mme Anne Hébert, qui est adjointe à la direction générale.
Mme la Présidente, l'office a déposé à cette commission parlementaire un mémoire qui explique notre appui au projet de loi n° 56 et formule certaines recommandations visant à bonifier le projet de loi ou à suggérer certaines conditions pour en faciliter la mise en oeuvre. Je vous ferai grâce d'une lecture intégrale du mémoire de l'office. Je reprendrai les éléments essentiels et, avec votre permission, je me permettrai d'ouvrir certaines parenthèses et de faire certaines digressions.
La Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, comme vous le savez, a été adoptée en 1978 à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec. Notre mémoire rend compte de plusieurs changements qui se sont produits depuis lors dans la société québécoise au chapitre de l'intégration des personnes handicapées de même que des changements qui, au cours de la même période, sont survenus dans les activités de l'organisation qui s'appelle l'Office des personnes handicapées.
Il est toutefois intéressant de rappeler certains faits historiques précédant l'adoption de la loi en 1978. M. le ministre a déjà souligné dans ses remarques d'ouverture que l'éveil à la réalité des personnes handicapées était dû notamment aux travaux de la commission Castonguay-Nepveu sur la santé et le bien-être au début des années soixante-dix. Cet éveil à la réalité des personnes handicapées mena à la présentation, au milieu de la même décennie, d'un projet de loi sur la protection des personnes handicapées en 1976, et ce projet de loi fut plus ou moins bien accueilli par les personnes handicapées, qui souhaitaient davantage l'établissement d'une politique définissant les moyens de leur intégration à la société que l'adoption d'une loi édictant des mesures visant à les protéger. C'est ainsi qu'en 1977 le ministère des Affaires sociales de l'époque énonçait dans un livre blanc une proposition de politique à l'égard des personnes handicapées. Sur la base de ce livre blanc fut élaborée la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées.
Cette petite histoire mérite, je pense, d'être aujourd'hui rappelée parce qu'elle est riche en enseignement sur la nature de la loi et sur les raisons de la création de l'Office des personnes handicapées. On retient que la loi, selon le voeu des personnes handicapées, est essentiellement un moyen visant à permettre leur intégration complète à la société. On voit également que l'office, dès le départ, n'a pas eu comme vocation d'être une sorte de ministère des personnes handicapées mais bien un outil au service de l'intégration des personnes handicapées du Québec.
Ce rappel historique explique par ailleurs, je vous l'avoue sincèrement, mon étonnement de voir ou d'entendre certains groupes qui parlent du projet de la loi de l'office plutôt que de parler de la loi qui assure l'exercice des droits des personnes handicapées. Je tenais à préciser cette histoire-là parce que je trouve ça très important. Et nous croyons, au contraire de ces prétentions, que le projet de loi n° 56 s'inscrit en droite ligne dans l'esprit initial de la loi. Son but est essentiellement de faire progresser l'intégration sociale des personnes handicapées en proposant des outils légaux adaptés à la réalité d'aujourd'hui. De la même façon, le renforcement des rôles de l'office n'est pas une fin en soi mais bien un moyen que la société québécoise veut se donner pour faire progresser cette dite intégration.
Cela dit, revenons à la présentation ou à quelques éléments du mémoire. Sa première partie, qui traite de la nécessité de moderniser la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, rapporte d'abord certains progrès significatifs qui ont été réalisés en matière d'intégration sociale des personnes handicapées depuis 1978. On y rappelle qu'à l'heure actuelle on dénombre plus de 325 mesures actives visant à répondre aux besoins des personnes handicapées et de leurs familles, dont près de 200 mesures sont spécifiques.
J'ouvre ici une parenthèse, avec votre permission ? je vais essayer d'être bref ? pour illustrer comment la création de l'office, relativement, mais a contribué à ces progrès. D'une part, l'office a commencé à créer des programmes visant à répondre directement aux besoins des personnes handicapées en 1980. Dans tous les cas, il s'agissait de programmes inédits et supplétifs, donc des programmes pour la plupart qui n'existaient pas.
Il est intéressant de rapporter quelques chiffres sur l'évolution. Rapidement. Avant 1978, il n'y avait pas de CTA, on parlait d'ateliers protégés. Après 1978, en 1980, au 31 mars précisément, il y avait 15 centres de travail adapté qui embauchaient 657 personnes. Au 31 mars 2004, on retrouvait 44 centres de travail adapté qui embauchaient 2 872 personnes. En matière de contrats d'intégration au travail maintenant, regardons rapidement: 71 contrats ont été conclus en 1980-1981. En 2001, lorsqu'on a transféré le programme à Emploi-Québec, dans l'année, ce sont 4 512 contrats d'intégration au travail qui s'étaient conclus. 71 à 4 000, c'est un progrès, on ne peut pas dire que c'est un miracle, mais c'est un progrès. En 1980, une centaine d'organismes de promotion ont reçu une subvention de l'office, pour une somme de 757 000 $. En 2002, année précédant le transfert au SACA, nous avons accordé 5 100 000 $ de subventions à 300 organismes, 300 associations de personnes handicapées. Ce n'est pas un miracle, mais c'est un progrès.
Or, d'autre part, l'office aussi ? je pense que c'est important qu'on le signale et, je dirais, davantage que les chiffres ? depuis ses débuts, a joué un rôle important dans le développement des politiques et des programmes pertinents à l'intégration des personnes handicapées. Un relevé des représentations de l'office sur les tribunes publiques, en commission parlementaire comme ailleurs, et de ses interventions parfois dérangeantes auprès de décideurs de tous les secteurs et niveaux témoignerait abondamment du rôle qu'il a joué en ce sens. Et je rappellerais qu'en 1985, lorsque le gouvernement du Québec a adopté À part... égale, on a fait des bilans par la suite, autour de 1992-1993, et on voyait que ça avait influencé les comportements, la politique À part... égale, et on est contents de voir que la loi y fait référence, par ailleurs.
Cela dit, Mme la Présidente, notre mémoire reconnaît que l'objectif de la participation sociale pleine et entière des personnes handicapées est encore loin d'être réalisé. Les bilans détaillés que l'office a produits au cours des dernières années font en effet état de la persistance d'obstacles considérables à l'intégration des personnes handicapées et permettent d'identifier les défis qui doivent être relevés dans des secteurs cruciaux d'activité. Les groupes d'ailleurs qui se sont présentés devant cette commission n'ont pas manqué de sensibiliser ses membres à plusieurs des problèmes que vivent encore les personnes handicapées, et notre mémoire en donne un aperçu synthétique. Ces constats de progrès et d'obstacles à l'intégration des personnes handicapées nous mènent à dire, quant à nous, qu'un projet de loi visant à moderniser la loi sur l'exercice des droits des personnes handicapées était devenu et est devenu une nécessité.
La seconde partie de notre mémoire ? vous en avez sûrement pris connaissance ? se penche comme tel sur le projet de loi et, au terme de cet examen, conclut, en l'appuyant fortement, qu'il représente des avancées significatives pour les personnes handicapées et leurs familles. Cette partie du mémoire rappelle sommairement les principaux points du projet de loi n° 56 en passant de la modernisation de la définition de «personne handicapée» jusqu'aux dispositions s'adressant spécifiquement à diverses autorités publiques actives dans les grands secteurs d'activité. Elle souligne également que les nouveaux rôles que le projet de loi n° 56 veut confier à l'office lui permettront d'exercer un véritable rôle transversal de vigie avec des droits et pouvoirs en conséquence.
La troisième partie du mémoire expose d'abord trois recommandations qui visent humblement à bonifier le projet de loi n° 56. Premièrement, vous en avez entendu parler, il s'agit du délai pour actualiser À part... égale. Nous suggérons de prolonger un peu ce délai d'un an à au moins deux ans pour nous permettre de faire le travail. Deuxièmement, il est proposé de modifier l'article de la loi qui traite des plans d'action des ministères, organismes publics et municipalités de façon à ce que son libellé s'accorde mieux avec l'esprit de la loi. Et, troisièmement, l'office recommande que ce soient les municipalités ? et on en a entendu parler depuis cinq jours ? les municipalités comptant au moins 15 000 habitants, plutôt que 20 000 habitants, qui soient assujetties au mécanisme de plan d'action. Cette proposition vise à assurer une plus grande équité interrégionale, nous semble-t-il, dans l'application de la mesure.
n(16 h 40)n Et nous formulons ensuite deux recommandations d'ordre contextuel. D'abord, nous recommandons, en matière de transport adapté, l'élaboration et l'implantation d'un cadre de référence sur le développement de points de liaison entre les territoires existants de dessertes du transport adapté. Je note au passage que cette recommandation, me semble-t-il en tout cas, rejoint ? si je peux parler, pas d'alternative finale mais au moins d'alternative de travail ? rejoint les préoccupations exprimées par certains groupes sur la question des interconnexions entre réseaux du transport adapté.
Finalement, nous recommandons au gouvernement bien sûr d'être soucieux de nos ressources et d'augmenter celles-ci, qui nous seront consacrées afin de nous permettre d'accomplir de façon efficace cette mission actualisée, advenant l'adoption du projet de loi. Je n'insisterai pas sur cette recommandation, M. le ministre, même si je la trouve très légitime. Je veux la souligner, cependant. Je veux simplement souligner aussi que, s'il est bien vu de vouloir faire plus avec moins, nous souhaitons faire beaucoup plus avec un peu plus.
En conclusion, Mme la Présidente et M. le ministre, l'office attend déjà depuis plusieurs années la modernisation de la loi assurant l'exercice des personnes handicapées. Je veux souligner d'une manière forte et claire que ce n'est d'aucune manière en fonction de désir de jouir de nouveaux pouvoirs, ou d'expansion, ou quoi que ce soit, mais bien pour faire progresser la cause qui lui tient à coeur depuis sa création. L'ensemble de son personnel, depuis 25 ans ? et je pose souvent la question à mon organisation: Y a-tu du monde qui travaille pour l'office icitte? ? c'est des militants et des militantes, M. le ministre, c'est des hommes et des femmes qui consacrent leur vie, leurs préoccupations à cet objectif d'arriver à faire une meilleure situation aux personnes avec lesquelles on travaille tous les jours. Merci.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Rodrigue, pour la présentation de votre mémoire. Maintenant, nous allons procéder aux échanges. Et nous allons débuter avec le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. M. Rodrigue, vous avez été remarquablement succinct pour résumer un mémoire d'une épaisseur assez considérable, ce qui prouve que vous pouvez également faire plus avec un peu moins, finalement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Couillard: Mais, rassurez-vous, on ne passera pas de la parole aux actes dans ce domaine-là. On est conscient que votre mandat augmente et s'amplifie, et il faut également que vous disposiez des ressources dans bien sûr tout l'esprit que vous connaissez de gestion responsable des fonds publics. J'aimerais discuter deux points avec vous, d'abord un point plus général de philosophie, d'économie générale du projet de loi, et par la suite c'est un point de détail concret dans la vie des personnes handicapées.
Cette question de la coercition ou de la sensibilisation, moi, j'ai écouté comme vous tous les groupes qui se sont présentés et j'étais sensible aux remarques des groupes représentant les personnes handicapées, me disant essentiellement la chose suivante: Écoutez, ça fait 25 ans qu'on fait de la sensibilisation puis de la persuasion, ça n'a pas marché, il faudrait aller maintenant vers l'obligation ou la coercition avec même des sanctions prévues en cas de non-respect de certaines mesures. J'ai des doutes quant à l'utilité réelle de cette approche-là, mais j'aimerais vous entendre à ce sujet.
M. Rodrigue (Norbert): Écoutez, si vous me le permettez, moi, je suis né dans le bois, donc dans un rapport de force quotidien pour la survie, et je peux vous dire que j'ai vécu longtemps dans les rapports de force, et que je vis encore dans les rapports de force, et que je souscris au projet de loi. Mais je voudrais, pour répondre plus précisément à votre question, que Mme Cloutier, qui est membre, vice-présidente du conseil d'administration, réponde pour qu'elle donne le point de vue d'une personne qui est à l'office depuis un certain nombre d'années.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Cloutier.
Mme Barabé-Cloutier (Rollande): ...Mme la Présidente, M. le ministre, membres de la commission. Effectivement, il y a quelques années qu'on a commencé à travailler le projet de loi. Nous en sommes très heureux de voir actuellement sa présentation. Et on a envisagé des mesures coercitives. Notre point de vue, c'est qu'effectivement, pour que ça aille plus vite, on est porté à croire que c'est le meilleur moyen. Au fur et à mesure de nos études et de nos travaux, on s'est bien rendu compte qu'effectivement tout dépend de l'objectif que l'on vise.
On a des acquis ou un regard sur, entre autres, la façon dont on a dû agir en milieu scolaire. Qu'on se souvienne des enfants de la santé et des services sociaux, lorsqu'il a fallu les intégrer en milieu scolaire, ça n'a pas toujours été facile. Il a fallu utiliser souvent ? à quelques reprises, à tout le moins ? les tribunaux et les droits de la personne pour que ces jeunes puissent avoir droit à l'éducation à laquelle ils étaient en droit d'avoir. Bravo, ça a été obtenu.
Cependant, cette méthode a créé un autre impact, un impact plus difficile par la suite, et on s'est rendu compte qu'une méthode de collaboration était beaucoup plus efficace... et de responsabilisation était beaucoup plus efficace. Et on salue effectivement le ton et la responsabilisation du projet de loi parce que ce qu'on veut, au fond l'objectif visé, c'est de sensibiliser à long terme et d'amener les ministères et les organismes à s'engager à long terme à l'intégration sociale, scolaire et professionnelle des personnes handicapées, et la méthode incitative nous semble encore la meilleure. Et effectivement la responsabilisation qui est incluse dans le projet de loi, l'obligation de résultat, le plan d'action vont obliger chaque organisme à s'asseoir, à réfléchir et à regarder en avant qu'est-ce qu'ils ont à faire par rapport à la personne handicapée. Alors, ce sont là... la clause d'impact, qu'on n'oublie pas, qui est très, très, très importante également, qui sont des moyens précieux qui nous amènent à penser qu'effectivement, là, la méthode incitative avec l'obligation de résultat est sûrement la meilleure et la plus intéressante au moment où on se parle pour faire avancer les choses.
M. Rodrigue (Norbert): Alors, si vous permettez, M. le ministre, comme vous m'avez prêté des forces de synthèse tout à l'heure, je vais continuer et je vous dirais que c'est trois choses: convaincre, convaincre et convaincre. Et c'est ça, la source de notre motivation, et c'est ça qu'il nous faut remplir comme mission. Alors, la loi répond à ça.
Mme Barabé-Cloutier (Rollande): Je vais ajouter une petite chose. On a vu aussi, en France, entre autres, les gens se soustraire à l'obligation d'intégrer, à verser le montant d'argent plutôt que de le faire. Notre objectif est davantage d'impliquer les gens à intégrer des personnes handicapées. Alors, la méthode incitative nous apparaît meilleure.
M. Couillard: Mme la Présidente, merci. Alors, je voudrais maintenant passer à un point plus concret en disant d'abord qu'évidemment on vient tous d'horizons professionnels différents dans cette salle, aujourd'hui, mais mon horizon à moi m'avait déjà sensibilisé à la fragilité de nos vies. On pense que nos vies sont stables, solides et un peu infinies dans le temps et, lorsqu'on est en contact avec les gens pour lesquels, du jour au lendemain, ce n'est pas vrai, on réalise le contraire. Même chose également pour les personnes handicapées. Cette fragilité de cet état de vie que nous avons ici, toutes les personnes de cette salle, nous est montrée, par exemple, par ce jeune homme devenu en l'espace d'une fraction de seconde paraplégique ou tétraplégique après un plongeon dans l'eau peu profonde. Alors, chacun d'entre nous, dans les prochaines heures, les prochaines semaines, les prochains mois, les prochaines années, pouvons basculer en une seconde du monde des gens sans limitations à celui qui paraît si mystérieux et si difficile des gens qui ont à vivre avec un handicap. Et je pense qu'un des mérites de l'exercice auquel il faut se livrer, c'est ça, c'est montrer les visages humains derrière ces situations-là.
Et, si on me demandait: Quel est l'aspect de vie concret qui vous a le plus marqué dans cette commission?, moi, je dirais que c'est la question du transport. J'ai beaucoup accroché là-dessus, parce que c'est tellement acquis pour nous, la possibilité de nous déplacer du point a au point b lorsqu'on le veut. Et j'ai bien réalisé qu'on est loin d'un état de choses optimal, même s'il y a des fonds disponibles, même s'ils pourraient être mieux gérés, même si tout le monde a essentiellement de la bonne volonté. Puis il y a un point précis qui m'a interpellé parce qu'il fait appel à plusieurs secteurs du gouvernement ? et on a l'intention d'être transversal dans notre projet de loi ? c'est la nécessité de mieux coordonner ce qui existe en santé et services sociaux, en transport adapté puis en transport scolaire.
Alors, contez-nous donc, messieurs dames, vos expériences de cette tentative de rapprocher ces trois mondes-là. Et qu'est-ce qu'on pourrait faire avec ce projet de loi? Est-ce que ça nous donne un outil de plus pour le faire, cette réunion? Parce qu'il y a énormément de ressources. Si on faisait la somme de ce qui se dépense ? on l'a dit très bien tantôt avec le réseau de déficience intellectuelle ? si on faisait la somme de ce qui se dépense en transport santé... en transport adapté puis en transport scolaire spécial, on aurait des sommes considérables à utiliser. Et il me semble qu'on devrait aller vers cette direction.
La Présidente (Mme Charlebois): M. Rodrigue.
n(16 h 50)nM. Rodrigue (Norbert): Mme la Présidente, merci. Mais, écoutez, sur cette question, vous êtes préoccupé avec raison. Deuxièmement, nous plaidons, à l'office, et moi en particulier, depuis au moins trois, quatre ans... j'ai appelé ça à notre façon l'harmonisation des moyens de transport, l'harmonisation des moyens. Ça veut dire moyens financiers, moyens matériels, etc. Le Québec, je l'ai répété dans ce salon plusieurs fois, verse environ 140 à 150 millions par année pour le transport adapté: ministère des Transports, 50; Santé, 25, 35; puis l'Éducation, 49, 50. Et on a créé même un comité interministériel où on s'est assis, on a commencé les travaux. Et je pense qu'on doit insister pour poursuivre les travaux. Il y a des analyses sur les coûts, etc. qui ont été faites. Et là aussi ça va être une entreprise de conviction, M. le ministre, dans le sens suivant.
J'ai écouté la fédération en déficience intellectuelle vous dire: J'ai 600 quelques milliers de dollars que je pourrais transformer en services, mais, quand on parle de la Santé, et l'Éducation, et le Transport, les trois ensemble, la Santé va nous dire: Je ne peux pas transférer ou harmoniser mon budget de transport parce que, tu sais, mon chauffeur, il est payé par ma fondation, puis mon bus, il est acheté par un autre. Puis, dans le Transport, dans l'Éducation, on me dit: Bien, Norbert, c'est des ententes avec des transporteurs scolaires. Mais là au moins je leur fais admettre qu'on peut négocier avec les transporteurs scolaires, puisqu'on a des ententes où le public paie le transport. C'est cette nature de discussion qu'il nous faut pousser davantage, et je pense que les acteurs conviennent qu'il faut le faire. Cependant, il faut le faire le plus vite possible, avec les difficultés que je note là.
Et il y a là une question bien sûr de moyens généraux, mais il y a là une question aussi de sensibilisation dans les communautés. J'ai déjà rencontré un maire, moi, dans la même demi-heure, parce qu'il était président d'un organisme, qui me demande 75 000 $ de subvention, puis, au bout de 20 minutes, il m'annonce qu'il avait coupé le transport adapté la veille dans sa municipalité parce que ça coûtait trop cher, il y avait juste une personne. Alors, je ne savais pas si je retenais mon chèque ou si je donnais mon chèque. En tout cas, finalement on a pu régler. Mais il y a aussi, de cette nature-là, les mentalités, la sensibilité, la correspondance du besoin au moyen. Donc, il faut absolument qu'on poursuive ce travail-là.
Et, dans le transport, encore une fois, si vous me permettez d'ajouter, il faudra faire des efforts. Et on a fait, avec la Société de transport de Montréal, l'an dernier, des campagnes de sensibilisation, on s'est associé à ça. Il faut absolument faire des efforts supplémentaires sur le transport régulier. Comme disait quelqu'un pendant la commission, on ne peut pas continuer comme ça, on va être obligé d'avoir des transports spéciaux ou adaptés, on ne pourra pas répondre à la problématique, alors que le transport régulier peut absorber beaucoup plus de monde et de clientèles qu'on est porté à le croire. Le moyen des autobus à plancher bas, c'est un moyen, mais il y en a d'autres aussi.
Alors, je partage votre préoccupation, optimiste quand même sur les moyens qu'on peut mettre en place pour chercher une solution. Et l'ARUTAQ vous a parlé tout à l'heure d'un certain nombre de propositions qu'ils ont à faire aussi, nous travaillons beaucoup avec eux pour imaginer l'évolution de l'amélioration du transport.
La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Richard: Merci. Bonjour, mesdames messieurs. C'est intéressant de vous entendre, M. Rodrigue. J'ai eu l'occasion à quelques reprises, lors de nos travaux, de vous entendre. Et je tiens à vous rassurer tout de suite, je sais que l'office fait un excellent travail. Et je vous dirais que, bon, même si on l'a entendu, moi, je pense que, dans la population en général, même si on a entendu des choses venant de différents groupes... Je ne veux pas prendre la défense de ces groupes-là puis parler pour eux, mais vous le savez, je suis sûre que vous le savez autant que moi ce que les groupes sont venus nous dire ici, c'est qu'ils voulaient que cette loi ait un petit peu plus de mordant, ils voulaient qu'elle améliore la vie au quotidien de ce 1,2 million de personnes qui vivent avec un handicap.
Comme on n'a pas beaucoup de temps, j'ai quelques questions et je vais y aller tout de suite. On a parlé beaucoup d'accommodement raisonnable. Dans certains ministères, il se fait présentement ? ou j'ose espérer qu'il se fait ? de l'accommodement raisonnable. Quelle est votre expertise par rapport à ce qui se fait dans certains ministères? Et de quelle façon pourrait-on élargir ça puis mettre ça à profit, que ça se fasse, bon, sur...
M. Rodrigue (Norbert): Nous sommes un peu comme vous, ma chère dame. Nous avons consulté la Commission des droits de la personne, nous sommes en relation avec notre loi. Et le présent projet de loi... Nous sommes heureux de l'introduction dans la loi de cette notion d'accommodement raisonnable qui apparaît dans d'autres instruments collectifs au Québec. Il y a des efforts concrets qui sont faits aussi, des choses concrètes qui sont faites.
Et je voudrais juste spécifier que, contrairement aux préjugés populaires, ce n'est pas automatique que ça exige des adaptations de toute nature et très dispendieuses, par exemple, pour l'intégration au travail ou même l'intégration dans la vie sociale ou dans le loisir. Ce n'est pas automatique que ça implique de l'adaptation, donc de l'accommodement. Alors, il y a une variété, là, de possibilités qui est pratiquée par plusieurs. Mais le fait d'être inscrite dans la loi de l'office... ou, je veux dire, qui crée l'office et de donner à l'office cet argument supplémentaire pour travailler, l'exercice des droits, à mon avis, on va pouvoir le faire évoluer.
Maintenant, encore une fois, ce n'est pas seulement cette notion-là. Et je vous dirais que je prends très au sérieux ce que j'ai entendu depuis cinq jours. Les groupes qui sont venus s'exprimer ici expriment quelque chose de fondamental et, je dirais même, de viscéral. Il faut considérer leur cri comme étant un signal de difficultés ? puis je pense que vous le comprenez très bien ? qu'ils vivent à tous les jours, les mères de famille, les familles, etc., qu'ils vivent tous les jours. Cependant, entre ça et la réponse totale ou parfaite à l'ensemble des problématiques, il y a tout un chemin à parcourir. Et nous sommes, nous autres, en tout cas disponibles pour aider qui que ce soit à essayer de franchir ce chemin-là.
Mme Richard: Merci. Vous savez, bon, les... devront se doter de plans d'action. Votre rôle va être un rôle de recommandation au ministre, vous avez un rôle de vigie, vous allez surveiller: Est-ce que c'est appliqué dans différents ministères? Et, comme, bon, le ministre ne semble pas d'accord... Puis je vais être honnête avec vous, je ne suis pas sûre que c'est la bonne solution d'imposer des mesures coercitives. Bien, vous savez, bon, on a fait des progrès quand même depuis 25 ans, mais il en reste à faire, puis c'est ce que les groupes sont venus nous dire. Si on ne peut pas mettre de mesures coercitives en place, on ne peut pas obliger... Qu'est-ce que vous en pensez? Pensez-vous qu'on va se retrouver dans 10 ans à dire: Bon, on a dit qu'il y aurait des plans d'action, regardez, pour la plupart, peut-être qu'ils ont été faits, mais ça n'a pas donné d'actions concrètes, là, sur le terrain, ces plans-là?
M. Rodrigue (Norbert): Écoutez, je conviens que ça exige un certain nombre de choses. Moi, j'ai décidé, à 20 ans, de ne pas mourir d'impatience, alors je m'en suis donné un peu. Mais, en regard de ce que vous me posez comme question, le fait que vous soyez assises et assis ici, j'ose croire que ça compte sur une partie de l'influence de l'organisation qui est l'Office des personnes handicapées, qui a convaincu le gouvernement antérieur, qui a convaincu des hommes et des femmes qui ont des responsabilités politiques qu'il était nécessaire de revoir la loi sur l'exercice des personnes handicapées. Ça fait 10 ans que je parle à mes hommes et mes femmes politiques de cette nécessité-là, j'espère que j'ai eu un petit peu d'influence. Vous êtes assis devant moi, puis vous l'avez entre les mains, et on finit nos travaux en fin de journée, c'est extraordinaire. Comment voulez-vous que j'hésite devant ce défi fondamental là puis avec un instrument qui vient corriger ma situation depuis 25 ans?
Je vous dis, sincèrement, c'est des moyens qui peuvent être discutables pour certains. Mais, moi, je pense qu'avec les travaux qu'on est habitué de faire... Anne Hébert pourra ajouter tout à l'heure, j'espère qu'on aura le temps. Mais on a parlé de nous, en déficience intellectuelle, précédemment. On fait plein de travaux en déficience intellectuelle. On va être ensemble à un congrès international, la semaine prochaine, de l'OMS et de l'OPS. Bon. Et on a des projets à Québec, dans certains territoires où on a instauré des projets, avec le ministère, d'intégration scolaire, dans les services de garde. On a plein de travaux, on aurait de la peine à vous en décrire l'ensemble. Alors, ces moyens-là, madame, moi, j'y crois assez profondément. Je pense que le ministre, n'importe quel ministre, homme, femme, qui est sérieux ne peut pas faire fi d'un travail de recherche, de représentation qui illustre une problématique. Il ne peut peut-être pas répondre totalement, mais il ne peut pas faire fi d'une problématique.
n(17 heures)nMme Richard: Je ne sais pas si Mme Hébert veut rajouter. Mais ça, je suis tout à fait d'accord, M. Rodrigue, avec ce que vous nous dites. Mais, vous savez, qu'est-ce qu'on a entendu ici, c'est que les groupes, ils ont dit oui, bon, oui pour la recherche, le travail de présentation, mettre des plans d'action, mais ils ont l'impression que depuis des années on répète le même discours, qu'on veut mettre des choses en place, on... Puis il y a même quelqu'un qui a dit: Écoutez, je peux vous en faire un, moi, un plan d'action, ça ne veut pas dire que je vais l'appliquer, puis il peut dormir sur des tablettes. Et ce qui a été dénoncé... Oui, les gens étaient d'accord puis ils ont même félicité le ministre de revoir la loi le plus tôt possible dans son mandat, mais ils disent: Vous n'auriez pas pu aller juste un petit peu plus loin? Vous n'auriez pas pu bonifier davantage?
M. Rodrigue (Norbert): Écoutez, avant de passer la parole à Anne ? si Mme la Présidente permet ? à Anne Hébert, tous les matins, je me réveille en me disant: Aïe! ce serait-u le fun si le gouvernement me donnait tout le budget gouvernemental puis que Lorraine Richard, puis que Philippe Couillard n'aient pas à arbitrer les choix du gouvernement. Maudit, que ce serait le fun! Mais je me réveille vite, vite, vite, en disant: Voyons donc, ils ne feront jamais ça, ce n'est pas possible.
Quand vous faites les arbitrages au niveau national entre l'Éducation, la Santé, le Transport, vous savez mieux que moi, mesdames messieurs, ce que ça veut dire. Dans ce sens-là, je veux juste vous dire que, dans ce sens-là, je pense qu'il faut considérer l'ensemble des efforts et que, oui, des fois j'y pense, à la coercition, oui, des fois j'y pense, je vous l'avoue. Mais je pense encore... Comme Rollande disait tout à l'heure, on l'a essayé, puis ça n'a pas marché. Puis je pense qu'il faut poursuivre sur une autre voie. Rollande, peut-être, et Anne si la présidente le permet.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Cloutier.
Mme Barabé-Cloutier (Rollande): Oui. Si vous me permettez, je pense qu'il ne faut pas qu'on oublie le message des organismes de promotion, la volonté de vouloir avoir de la coercition. Ce que ça signifie dans le contexte quotidien, c'est que j'ai encore des difficultés, j'ai des difficultés qui, demain matin, souvent... Ça m'est déjà arrivé personnellement d'aller participer à toutes sortes de choses et, comme parent ? j'ai une fille adulte autistique ? et, comme parent, de me dire: Mais qu'est-ce que ça me donne, moi, demain matin, chez moi? Voyez-vous? C'est normal qu'on l'ait, ce réflexe-là. Mais les choses se changent aussi avec le temps. Mais, tout notre travail de plan d'action, il ne faut pas qu'on perde de vue le contexte, le contexte de besoins présents, aujourd'hui, partout encore, dans tous les domaines et qu'on travaille dans ce sens-là.
La Présidente (Mme Charlebois): Mme Hébert.
Mme Hébert (Anne): Peut-être juste ajouter qu'il ne faut pas oublier que l'obligation de faire un plan d'action constitue quand même une certaine contrainte. L'obligation de s'arrêter puis de regarder comment se responsabiliser, quel est son champ d'action par rapport aux personnes handicapées, qu'est-ce qu'on peut faire, déjà c'est un pas très important en termes de réflexion et de pas. Puis, nous, comment on voit ça, c'est que l'office va être là, va être disponible pour soutenir cette réflexion-là. On n'attendra pas nécessairement que l'élaboration des plans d'action... mais on va offrir notre collaboration pour qu'il puisse y avoir des mesures concrètes qui vont découler de cet examen-là. Mais je pense que c'est important, là, l'exercice annuel où il y a une réflexion sur qu'est-ce qu'on peut faire, quels sont nos objectifs. Ce n'est pas à sous-estimer comme importance de contrainte.
Mme Richard: Non, je ne le sous-estime pas du tout. Je sais combien c'est important, un plan d'action. Puis par la suite, bon, on va poser des actions. Là où j'ai des inquiétudes, je me dis, bon, même les ministères qui auront des plans d'action, est-ce qu'on aura les moyens nécessaires ensuite pour tout assurer le suivi, là? Et ça, je pense que ça faisait partie des craintes des groupes aussi. Soyez rassurés, je suis contente que cet élément-là fasse partie du projet de loi, là, mais je suis comme les autres, j'aurais voulu... Je suis réaliste aussi, là, je sais qu'on ne peut pas tout changer en une journée. Mais, écoutez, quand j'ai accepté d'être députée, c'est parce que, bon, j'avais ce sens-là ? puis je pense qu'on l'a tous ici ? d'aider les gens. Et, quand j'écoute des témoignages comme j'ai écoutés... Et le ministre y a fait référence, notre vie peut basculer du jour au lendemain, là. Je prends un avion tantôt, d'autres s'en vont en auto, qu'est-ce qui peut arriver, on ne le sait pas. Et, je me dis, si j'étais à la place de ces gens-là...
Puis on vit dans un monde de vitesse, hein? Nous autres, on est très impatients. Ce matin, j'étais au téléphone puis je voulais changer mon vol, puis c'était une boîte vocale, puis j'étais impatiente. Ça fait que je m'imagine à la place d'une personne qui est en fauteuil roulant, je ne suis pas sûre que je serais patiente. Ça fait que c'est sûr qu'on voudrait... Puis cette loi-là, on ne la verra pas, là, avant de nombreuses années. Ça fait que c'est dans ce sens-là que je voulais voir avec vous ce qu'on aurait pu... Parce que vous êtes l'office, vous avez fait ce projet de loi là. Est-ce qu'on n'aurait pas pu aller un peu plus loin?
La Présidente (Mme Charlebois): Je pense que M. Rodrigue veut intervenir.
M. Rodrigue (Norbert): Moi, j'allais dire... Je ne sais pas si c'est hors protocolaire, mais j'allais dire: On prend-tu une gageure, Mme Richard? Quand les plans d'action seront faits, il y a plein de monde qui vont découvrir les personnes handicapées. Je vous gage je ne sais pas quoi. Tous les jours, je suis obligé de plaider l'existence des personnes handicapées et l'importance des personnes handicapées. Quand les 600 ou les 500, je ne les ai pas calculés... les quelques plans d'action seront faits, M. le ministre, il va y avoir du monde qui vont découvrir qu'il y a des personnes handicapées dans ma société.
Mme Richard: Merci beaucoup, M. Rodrigue, mesdames. Soyez assuré que je partage vos souhaits, M. Rodrigue. Et je sais pertinemment que, pour travailler dans un organisme tel que le vôtre, il faut avoir à coeur la cause des personnes handicapées. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Rodrigue, M. Léger, Mme Cloutier, Mme Hébert, pour la présentation de votre mémoire.
Mémoires déposés
Maintenant, je vais procéder au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus par la commission. Alors, pour les rendre publics et pour valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission, je dépose les mémoires des organismes suivants: l'Association générale des insuffisants rénaux; Curateur public; le Regroupement des associations de personnes traumatisées craniocérébrales du Québec; Regroupement des associations de personnes handicapées de la Gaspésie; et Vision sur l'art Québec inc. D'ailleurs, ces mémoires ont déjà été transmis aux membres de la commission.
Document déposé
Je dépose également la liste des personnes et des organismes qui ont fait parvenir une lettre d'appui au mémoire de la Confédération des organismes des personnes handicapées du Québec, la COPHAN.
Alors, je suspends pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 7)
(Reprise à 17 h 8)
Remarques finales
La Présidente (Mme Charlebois): ...remarques finales. Et je vais céder la parole à Mme la députée de Duplessis, porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux. Et il y a 15 minutes de remarques finales allouées de part et d'autre.
Mme Lorraine Richard
Mme Richard: Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, membres de la commission, je tiens d'abord à remercier tous les groupes qui se sont présentés à cette commission ainsi que mes collègues parlementaires qui y ont participé. C'est une première expérience pour moi de débattre d'un projet de loi en tant que porte-parole de l'opposition officielle. Cette expérience est d'autant plus significative que ce projet de loi, loi n° 56, est extrêmement important. On parle de 1 million de personnes qui sont touchées par ce projet de loi.
Lorsqu'on accepte de devenir député, au-delà de la partisanerie, des idéologies politiques, c'est d'abord et avant tout pour aider les gens, pour faire avancer les choses, pour apporter notre contribution, aider au mieux-être et au mieux-vivre de nos gens. En présentant ce projet de loi, le ministre de la Santé et des Services sociaux a cette même idée en tête, faire avancer les choses, les améliorer. Ça, j'en suis convaincue. Je suis aussi réaliste, je sais qu'on ne peut pas tout changer du jour au lendemain et que, quand on accepte de faire partie de la vie politique, il faut être patient.
Toutefois, il y a quelquefois dans la vie où on peut forcer un petit peu les choses, puis ça permet d'avancer. Je suis d'une nature optimiste et je crois toujours ? et ça a été ma première motivation ? que c'est en se mobilisant, en se concertant qu'on fait avancer notre société. Toutefois, à la lumière des commentaires quasi unanimes des groupes qui se sont présentés, des groupes auxquels ce projet de loi s'adresse directement, le ministre, tout comme moi, se rendra à l'évidence, le projet de loi n° 56 doit aller plus loin, doit être bonifié en tenant justement compte des réalités qui nous ont été rapportées.
Les fonctionnaires, juristes et autres avocats qui ont écrit ce projet de loi ont fait un excellent travail. Ils ont certainement tenté de comprendre les besoins des personnes handicapées. Cependant, sans l'apport direct des groupes, le projet de loi n° 56 reste un projet de bonnes intentions qui ne répond pas adéquatement, concrètement aux besoins des personnes auxquelles il s'adresse.
n(17 h 10)n Nous avons tous été touchés par ces gens qui sont venus et qui nous ont fait part de cas personnels. Ils nous demandent ? et nous les représentons, ces gens-là ? ils nous demandent de faire un effort, et je suis convaincue que, quand on va arriver à étudier le projet de loi article par article, on va y parvenir. C'est ce que je nous souhaite. Parce que ces gens-là savent mieux que quiconque les défis qu'ils doivent affronter quotidiennement, et, comme parlementaires, comme législateurs, il nous revient maintenant à nous d'ajuster notre tir.
Je vous dirais de façon plus précise, la grande majorité des groupes nous ont dit que la clause limitative prévue à l'article du projet de loi était inadmissible. Je m'engage donc à ce que l'opposition officielle fasse tout ce qui est en son pouvoir pour convaincre le ministre d'y apporter quelques changements. Et je veux rassurer tous les membres de cette commission et les gens qui nous écoutent aussi, l'opposition officielle et moi comme porte-parole de la santé et des services sociaux, je vais tout faire pour que ce projet de loi passe unanimement à l'Assemblée nationale, mais tout en ayant une arrière-pensée qu'on doit aider ces gens-là qui sont venus ici, parce que sinon tous ces gens vont être venus pour rien. Et je ne pense pas que c'était inutile, le travail qu'on a fait, au cours des dernières semaines, avec ces gens-là.
Et, vous savez ? puis je vais sortir un peu du projet de loi ? on dit souvent que les politiciens, ils n'ont pas la cote, puis qu'on décide, puis que les fonctionnaires décident dans des tours d'ivoire. M. Rodrigue nous a montré qu'il... Je ne pense pas qu'il est toujours dans une tour d'ivoire, puis il a des problèmes au quotidien à régler, puis il a amélioré la condition de vie de ces personnes.
Puis le projet de loi n° 56 ne passera peut-être pas à l'histoire puis il ne fera pas la une dans les journaux demain matin, mais c'est 1 million de personnes qui vivent avec un handicap, c'est 1 million de personnes qui comptent sur nous. Mme la Présidente, je vous remercie beaucoup. Je remercie tous mes collègues. Je tiens encore à remercier les groupes qui se sont présentés ici. Et j'assure le ministre de la Santé et des Services sociaux de toute ma collaboration.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, Mme la députée de Duplessis. Maintenant, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. En cette fin de journée, j'essaierai d'être bref. Cependant, à l'avance, je solliciterais votre tolérance étant donné que j'aimerais répondre, dans ces remarques finales, à la majorité des remarques qui ont été faites par les groupes qui se sont présentés devant nous. Et je promets de ne pas abuser de cette tolérance non plus.
Alors, Mme la Présidente, Mme la députée de Duplessis, chers collègues de l'Assemblée nationale, nous voici donc rendus au terme de cette importante consultation, fort instructive d'ailleurs. Ça a été pour nous l'occasion d'échanger sur le projet de loi, mais surtout et avant tout d'écouter ce que les gens avaient à dire, notamment les organismes qui se sont présentés devant nous.
La première demande qui retient mon intention est donc le fait que la loi devrait, dit-on, tabler sur une forme de coercition. À ce sujet, je veux rappeler que c'est volontairement que nous n'avons pas conçu le projet de loi n° 56 dans cet esprit, nous venons d'en discuter avec l'Office des personnes handicapées. Nous l'avons plutôt conçu avec l'idée de responsabiliser les acteurs impliqués. Ce concept de responsabilisation s'arrime avec celui de sensibilisation qui prenait beaucoup d'importance d'ailleurs dans la loi telle qu'adoptée en 1978. Il va cependant beaucoup plus loin en prévoyant des obligations bien définies pour diverses administrations et donne à l'office des moyens formels d'intervention. J'estime qu'il s'agit là d'une voie prometteuse de résultats concrets que les personnes handicapées seront à même de constater dans leur vécu quotidien. Je note par ailleurs que certains ont souligné devant la commission l'effet potentiellement négatif ou même contre-productif d'une approche coercitive susceptible à terme de braquer les personnes qui la subiraient.
Je voudrais maintenant aborder quelques sujets particuliers qui ont fait l'objet de commentaires, recommandations ou propositions, premièrement.
La demande d'ajouter dans la loi un énoncé des droits des personnes handicapées. L'énoncé proposé porte sur plusieurs droits distincts, il faudra donc les considérer un à un. Il faudra par ailleurs tenir compte du contexte législatif et éviter certains pièges. À ce titre, rappelons que la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et la Charte des droits et libertés de la personne ont des buts et des objets à la fois distincts et complémentaires. D'une part, la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées met en place une série de mesures et d'outils destinés à agir positivement sur l'intégration et la participation sociale des personnes handicapées. D'autre part, la charte affirme solennellement des libertés et des droits fondamentaux et prévoit des mécanismes pour les protéger. Dans ce contexte, il faut comprendre que les énoncés de droit ne peuvent à eux seuls assurer l'intégration et la participation sociale des personnes handicapées et qu'il faut donc compléter ces énoncés tels qu'ils apparaissent dans nos chartes par un projet de loi semblable pour assurer l'exercice de ces droits fondamentaux.
Deuxièmement, la demande visant à ce que l'expression «intégration» dans la loi soit remplacée par celle d'«inclusion». J'ai déjà souligné à plusieurs reprises au cours des échanges que, dans notre esprit et dans mon esprit, le mot «intégration» a un sens beaucoup plus large que le mot «inclusion». Et mon intention n'est certes pas de faire un débat sémantique ou juridique. Cela dit, je crois que le mot «intégration», pris dans le contexte de la loi, rejoint essentiellement le sens qui est donné au mot «inclusion» par les tenants de son utilisation. Et à cet effet il est fort intéressant de noter que le concept d'intégration est accolé à plusieurs endroits dans la loi à celui de participation sociale qui est au coeur du concept d'inclusion proposé qui a d'ailleurs été mentionné à quelques reprises par nos collaborateurs au cours de la commission.
Troisièmement, les demandes concernant le rattachement administratif de l'office. Les arguments avancés à ce sujet ont certes une valeur. Je tiens cependant à rappeler qu'il est possible d'avoir une conception large de la santé et des services sociaux, notamment du mot «santé», ce que signifie le mot «santé», conception s'appliquant à l'ensemble de la population et non pas seulement aux usagers du réseau, tel que nous l'avons concrétisé dans la loi n° 25. Il n'est par ailleurs pas mauvais de faire preuve d'un certain pragmatisme, notamment en considérant le poids ? que certains me reprochent autour de la table du Conseil des ministres ? du ministère sur le plan budgétaire. Quoi qu'il en soit, il faut rappeler que la loi prévoit que c'est le gouvernement qui charge un ministre de son application, ce qui laisse la porte toujours ouverte à des changements.
Quatrièmement, les demandes visant à assurer au milieu associatif une participation accrue dans la mise en oeuvre de la loi. Je dois souligner que, déjà à plusieurs endroits, le projet de loi n° 56 associe des organismes de promotion des intérêts des personnes handicapées à la mise en oeuvre de la loi, mais j'ai toutefois bien entendu les demandes qui ont été exprimées pour que la participation du milieu associatif soit davantage et plus explicitement reconnue.
Maintenant, la définition de «personne handicapée». Et je rappelle que le projet de loi n° 56, comme d'ailleurs le projet de loi n° 155, visait essentiellement à moderniser cette définition. Il n'entend pas remplacer les sujets de droit visés par la loi. Et nous soulignons que la modernisation de la définition doit se faire en tenant compte de l'évolution de la pensée scientifique, juridique et sociale. Et à ce titre il faut noter les remarques du Réseau international sur le processus de protection du handicap qui a indiqué à la commission que la définition proposée s'arrime bien avec les concepts d'une classification large des déficiences, incapacités et situations de handicap, classification dont l'office aurait à faire la promotion en vertu du projet de loi.
Je rappelle également les commentaires de la Commission des droits de la personne affirmant que la définition proposée évite une confusion avec les termes utilisés dans la charte compte tenu de l'évolution de leur sens dans la jurisprudence, et plus spécifiquement ça inclut certainement les personnes vivant avec une déficience intellectuelle. Je pense que l'ensemble des intervenants sont d'accord avec ce concept.
Maintenant, la prise en compte de la réalité des familles des personnes handicapées, qui nous a été d'ailleurs rappelée par le réseau des centres de réadaptation en déficience intellectuelle. On s'est réjoui à plusieurs reprises devant cette commission que ce projet de loi incorpore la prise en compte de la réalité des familles des personnes handicapées. Et je note également que l'introduction dans la loi des orientations de la politique À part... égale a été bien reçue, de même que la demande réitérée il y a quelques minutes par le président de l'OPHQ qu'on dispose d'un peu plus de temps pour faire son actualisation.
Maintenant, le fameux article portant sur la prise en compte des ressources disponibles pour l'application de la loi, la clause limitative ou l'article 1.3, je vois bien qu'il s'agit d'un point particulièrement névralgique dans la discussion de ce projet de loi. Je rappelle cependant que la prise en compte des ressources disponibles pour la mise en oeuvre d'une loi est une réalité incontournable, ce dont d'ailleurs tous semblent convenir, tout le monde s'entend sur ce principe. Je rappelle également qu'une disposition semblable existe dans la Loi sur la santé et les services sociaux depuis 1991 et qu'elle n'a pas été modifiée malgré les changements de gouvernement qui ont eu lieu depuis.
Cela dit, j'ai bien entendu des mises en garde qui ont été faites, notamment par la Commission des droits de la personne, sur les effets potentiellement limitatifs de la disposition en cause et la possibilité de la remplacer par une allusion directe au concept d'accommodement. Je crois donc que nous devrons considérer avec attention toute cette question au cours des échanges parlementaires à venir, mais je rappelle qu'il faudra se garder d'avoir des impacts imprévus ou non voulus sur les autres lois du cadre législatif québécois. Et je rappelle également qu'à titre de parlementaires nous avons la responsabilité, en plus de répondre aux besoins de la population, d'exercer notre responsabilité de gestionnaires responsables des fonds publics.
Pour ce qui est de la collaboration de l'opposition à ce sujet, je l'apprécie et la reçois avec bonheur. Cependant, je voudrais leur proposer un sujet de réflexion dans leur formation politique sur le fait que donc la clause limitative n'a jamais été remise en question dans la Loi de santé et services sociaux, qu'une telle clause limitative a également été incluse dans le projet de loi n° 112 sur la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Donc, il faut assurer une certaine cohérence à l'intérieur d'une formation politique. C'est ce que je sais que je pourrai obtenir d'avance de leur part. Mais bien sûr j'indique que nous sommes ouverts à réfléchir sérieusement à cette question et, si c'est possible sans causer d'effets adverses sur le reste de notre corps législatif, sur le reste de notre action gouvernementale, sur notre responsabilité fondamentale de gestionnaires responsables, nous le ferons.
La composition du conseil d'administration de l'office. De façon générale, les modifications proposées semblent avoir été reçues positivement. Je note toutefois que la présence d'un représentant du ministère de la Culture et des Communications a été demandée par certains, et il s'agit d'une idée intéressante. J'ai également pris note des considérations exprimées quant au choix du président du conseil d'administration.
n(17 h 20)n La mission, les devoirs et les pouvoirs de l'office, maintenant. Les dispositions du projet de loi n° 56 à cet égard semblent faire l'objet d'un consensus, notamment quant au rôle de l'office en matière de vigie, de coordination, de concertation, d'information, de formation, d'évaluation, de recommandation, de conseil, de recherche et d'expérimentation. Quelle liste impressionnante de responsabilités, M. Rodrigue, pour vous et votre organisation! Je souligne en passant que le rôle qui serait confié à l'office de faire la promotion de solutions visant la compensation dite équitable des conséquences financières des déficiences et incapacités rejoint en partie la demande que certains ont faite à l'effet que la loi reconnaisse ce droit à la compensation équitable. Je ne doute pas que des débats de société fort importants approchent à ce sujet.
La politique gouvernementale d'accès aux documents et services publics. Et là encore on a noté un appui favorable, et je rappelle que ça inclut les documents Internet ou les pages Web. J'en profite pour souligner le fait qu'une disposition semblable, dans le contexte d'une loi à caractère social, devra être interprétée généreusement. Et c'est la raison pour laquelle nous avons explicitement inclus le concept d'accommodement dans cette partie du projet de loi.
Quant aux plans d'action des ministères, organismes et municipalités, il s'agit d'un mécanisme capital de responsabilisation des autorités publiques qui a suscité l'assentiment de la majorité des intervenants. Et j'ai particulièrement apprécié ce que nous a rappelé M. Rodrigue, il y a quelques minutes, sur le fait que, lorsqu'il y aura ces centaines de plans d'action, on va tout d'un coup prendre conscience que les personnes handicapées sont présentes dans notre société, mais pas seulement dans notre société, très près de nous, très près de nous. Et souvent on ne s'en est pas rendu compte. Je souligne le lien qu'il faut établir entre ce mécanisme donc et l'actualisation proposée de la politique À part... égale pour lesquels on nous demande d'étendre à plus d'acteurs la responsabilité de produire le plan d'action et l'actualisation en question.
Quant à l'intégration et le maintien en emploi, nous aurons eu à ce sujet des exposés et des échanges intéressants. Dans l'ensemble, l'idée de la stratégie est bien accueillie, et j'ai entendu les commentaires de divers intervenants demandant d'y associer plus étroitement les différents partenaires concernés, dont le milieu associatif encore une fois, l'office et les services spécialisés de main-d'oeuvre.
L'ajout des personnes handicapées comme groupe visé par la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi, je note que cette idée est généralement bien reçue. J'ai pris bonne note des recommandations à l'effet que cette disposition devrait entrer en vigueur en même temps que le reste de la loi. J'ai également retenu les propos de la Commission des droits de la personne et d'autres groupes sur le fait qu'un programme d'accès à l'égalité devait être mis en oeuvre dans la fonction publique... que le gouvernement devrait certainement en quelque sorte prêcher par l'exemple à ce sujet.
L'accessibilité des immeubles construits avant 1976, je retiens notamment que l'idée d'avoir, en vertu du projet de loi, une réglementation obligatoire plutôt que facultative est bien accueillie.
Pour ce qui est des transports en commun, je constate que les associations de personnes handicapées qui s'intéressent particulièrement aux questions de transport sont heureuses des changements proposés. Mais on a des suggestions faites pour obliger d'autres autorités à réaliser des plans de développement, et il faudra certainement les considérer attentivement, notamment les organismes supramunicipaux ou les organismes régionaux de transport.
Quant au transport adapté lui-même, je pense que la discussion que nous venons d'avoir sur l'harmonisation nécessaire des programmes de transport est importante et je souhaite que le projet de loi nous donne et vous donne les outils nécessaires pour accélérer cette harmonisation tant souhaitée et nécessaire.
En terminant, je souhaite rappeler que le projet de loi n° 56, certes perfectible comme toutes les entreprises humaines, demeure un projet ambitieux. Il repose sur une approche structurée et transparente, permettant, dans tous les secteurs d'activité, d'identifier les obstacles à l'intégration des personnes handicapées et de mettre en oeuvre des moyens concrets d'action pour permettre à ces citoyens de participer pleinement à la vie dans notre société. Il s'agit en somme d'une loi-cadre qui, tout en respectant un juste équilibre ? et c'est là le défi de toute action politique ? redonnera au Québec une place enviée dans le monde.
Comme je l'avais souhaité dans mes remarques au début des auditions, celles-ci ont donné lieu à des échanges constructifs et j'apprécie particulièrement les remarques de mes collègues de l'opposition au cours des débats. Le ton est donc trouvé pour la suite des travaux. Je suis heureux de constater la collaboration de tous pour faire de ce projet de loi un moteur puissant de changement social et d'intégration. Merci à tous et à bientôt.
La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. le ministre. Avant de terminer les travaux, je désirerais remercier les collègues pour leur collaboration et leur contribution au mandat de cette commission, le personnel politique évidemment, tous les groupes qui se sont présentés ici pour nous faire part de leurs réflexions et présenter les mémoires, et évidemment le personnel de l'Assemblée, sur qui on peut toujours compter pour faciliter nos travaux.
Alors, là-dessus, j'ajourne les travaux au mardi 5 octobre, 9 h 30, afin d'exécuter un autre mandat.
(Fin de la séance à 17 h 25)