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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 17 novembre 2004 - Vol. 38 N° 81

Consultation générale sur le projet de loi n° 57 - Loi sur l'aide aux personnes et aux familles


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle notre mandat, c'est de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Charbonneau (Borduas) va être remplacé par Mme Lefebvre (Laurier-Dorion) et Mme Richard (Duplessis) par M. Girard (Gouin).

Le Président (M. Copeman): Merci. Je vous rappelle à toutes et à tous que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite dans la salle et j'avise en conséquence de bien vouloir les mettre hors tension, tout le monde qui s'en sert. L'ordre du jour ce matin, nous allons échanger avec trois groupes. Nous allons débuter, dans quelques instants, avec la Maison de Lauberivière, qui sera suivie par la Table diocésaine de pastorale sociale du secteur du diocèse de Montréal, et nous allons terminer, ce matin, avec l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées.

Alors, bonjour aux représentants de la Maison de Lauberivière. Je ne sais pas qui est le porte-parole principal.

Mme Clermont (Mélanie): Je vais être la porte-parole principale.

Le Président (M. Copeman): Mme Clermont?

Mme Clermont (Mélanie): Oui. Bonjour.

Auditions (suite)

Le Président (M. Copeman): Alors, bonjour. Nos règles de fonctionnement sont très simples: vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange de 20 minutes, plus ou moins, avec les parlementaires de chaque côté de la table. Sans plus tarder, je vous invite à présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

Maison de Lauberivière

Mme Clermont (Mélanie): Je vous remercie. Donc, mes présentations: j'ai à ma droite M. Daniel Blouin, qui est coordonnateur au niveau des ressources humaines et matérielles à la Maison de Lauberivière, bien entendu; à ma gauche, vous avez M. Éric Boulay, qui est coordonnateur au niveau des services d'accueil-hébergement, aussi à la Maison de Lauberivière; et Mme Chantale Dugas, services alimentaires et soutien. Donc, je vous souhaite un bon matin et une bonne journée d'écoute et d'échange. Je ne suis pas habituée d'échanger avec des gens qui sont aussi loin, on est habitués avec des gens vraiment plus terrain, donc je vous sens un peu loin.

Le Président (M. Copeman): C'est l'inconvénient de la salle du Conseil législatif.

n (9 h 40) n

Mme Clermont (Mélanie): Ce qui n'aide pas pour mon stress.

Donc, c'est avec un grand honneur et un immense plaisir surtout que nous vous présentons ce mémoire sur le projet de loi sur l'aide aux personnes et aux familles. Je vais profiter du temps qui nous est réservé pour expliquer bien entendu le contenu du mémoire, qui est le reflet de ce que la Maison de Lauberivière voit depuis 20 ans. Comme intervenante directe auprès des personnes en difficulté, la Maison de Lauberivière ne pouvait manquer ces débats, elle prête donc sa voix une autre fois aux sans-voix.

C'est justement ce qui se vit à la Maison de Lauberivière, donc dans les murs de la Maison de Lauberivière, qui nous a motivés à écrire le mémoire et surtout à vous le communiquer. Nous parlons au quotidien de plusieurs centaines de personnes n'ayant pas de réponse à des besoins de base tel que manger, tel que se vêtir et avoir un toit sous lequel dormir, mais aussi de gens désirant cesser de consommer, désirant obtenir un diplôme d'études et désirant avoir un suivi et de l'aide pour faire des choses anodines, comme un budget. On parle aussi de gens qui veulent se pratiquer à faire ce qui, nous, nous semble anodin: se faire à manger, faire son lavage, établir des liens significatifs avec autrui, et tout cela en ayant souvent une problématique en santé mentale, souvent des problèmes judiciaires et en grande partie des lacunes au niveau des habiletés sociales.

Ça nous a amenés à voir, à la Maison de Lauberivière, un visage de la pauvreté qui est bien différent de l'habituel clochard que l'on voit sur les bancs publics. Elles nous ressemblent... Ils nous ressemblent. Ils ont les mêmes besoins que nous mais pas les mêmes moyens pour y parvenir et souvent pas eu la même chance aussi pour y parvenir. La Maison de Lauberivière peut leur permettre d'avoir des moyens et avoir cette chance, et nous croyons que le projet de loi n° 57 va aussi leur permettre de sortir de la pauvreté. Nous croyons que le projet de loi n° 57 travaille dans le même sens que nous, qui est d'éviter que l'individu vive dans la pauvreté, mais surtout qu'il y vive de façon permanente.

La Loi sur l'aide aux personnes et aux familles représente pour la Maison de Lauberivière une vraie réforme moderne de l'aide sociale. Effectivement, des ajustements importants étaient nécessaires afin d'inscrire le tout dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Il fallait bouger, mais pour les bonnes raisons, pas seulement pour des motifs administratifs ou avec des objectifs de coupures budgétaires. À notre avis, des valeurs essentielles au succès doivent animer cette réforme. Nous parlons bien entendu qu'elle s'inscrive dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté. Il nous apparaît logique d'incorporer cette pièce législative à la vision d'ensemble que le Québec s'est donnée par la loi n° 112, sa stratégie et son plan d'action.

Nous parlons de remettre la personne et la famille au centre des préoccupations. L'étude du projet de loi déjà prête de bonnes intentions en ce sens, mais nous désirons que cette loi s'applique en priorisant les besoins de la personne, c'est-à-dire qu'elle devra être suffisamment flexible pour pouvoir s'y adapter. Nous parlons de réaffirmer un engagement qui est clair, dans le sens de l'article 45 de la Charte québécoise des droits et libertés. Le gouvernement signifierait donc à tous qu'il remplit ses obligations d'adopter des mesures d'aide pour les personnes de manière à garantir un niveau de vie qui est décent.

Nous parlons d'adopter une philosophie proactive qui récompense l'effort et le dynamisme de la personne en difficulté, donc passer d'un régime qui pénalise à un régime qui incite. Nous parlons de créer un régime particulier pour les inaptes au travail, car leur réalité, elle est différente. Nous parlons de reconnaître l'implication bénévole des assistés sociaux. Les organismes comme la Maison de Lauberivière sont très heureux que l'on reconnaisse l'apport de ces personnes dans le fonctionnement de nos organisations. Ces personnes y trouvent un endroit d'accomplissement de même qu'un milieu de travail où elles peuvent acquérir des aptitudes et des compétences pour certains emplois.

Si toutes ces bases sont présentes, nous sommes optimistes que les résultats vont suivre. Nous irions même jusqu'à affirmer que le Québec a l'occasion unique de développer une approche novatrice et très incitative pour la personne visée par les programmes prévus par la loi, car ce serait enfin une approche qui miserait sur les forces des individus éprouvant des problèmes à évoluer dans la société actuelle ou vivant des situations perturbantes, et ce, de façon temporaire.

Nous considérons que les articles 1 à 18 du projet sont une révolution en la matière. Très clairement, le gouvernement propose d'entrer dans une ère qui est nouvelle pour l'aide aux personnes et aux familles. Nous accueillons positivement le fait qu'il soit reconnu que toute aide matérielle ou financière ne saurait donner des résultats probants sans qu'il y ait une forme d'aide et d'accompagnement psychosocial.

À notre avis, le projet de loi n° 57 comporte trop de pouvoirs et peu de devoirs. Il faudrait que la loi soit plus contraignante pour le gouvernement, sinon les impacts et les effets de la loi seront soumis aux humeurs et aux conjonctures du temps. Les nombreux articles visés devraient refléter la volonté collective d'aider les personnes nonobstant la tendance politique du moment. Nous l'avons souvent affirmé: La lutte contre la pauvreté transcende les tendances et les courants de la politique, tous doivent s'en préoccuper.

Nos recommandations: la première étant de transformer les pouvoirs du ministre en devoirs, particulièrement aux articles sur la création de programmes d'aide et de soutien, car soutenir les plus actifs dans leur démarche d'insertion et de réinsertion nous apparaît comme étant le choix à faire pour sortir les personnes d'une forme de dépendance envers l'État.

Nous ne pouvons qu'appuyer l'article 17, puisque nous aidons constamment des personnes qui seront visées par cette loi. Comme organisme privé, nous sommes encouragés à continuer dans cette voie, mais il arrive régulièrement que nous manquons de moyens financiers pour aider ces personnes en difficulté. C'est d'ailleurs la seule limite qui nous empêche d'être encore plus créatifs dans nos formes d'aide aux personnes.

Nous notons que le ministre devra tenir compte des besoins des personnes et des familles dans l'élaboration des programmes, mesures et services, tel que prévu à l'article 9.

L'article 34 est une disposition intéressante à plus d'un point de vue, puisqu'elle permettra au gouvernement d'apporter les ajustements nécessaires en cours de route pour s'assurer de l'acuité des mesures aux objectifs de la loi.

Les articles 35 à 75, bien appliqués, viendront assurément en aide aux personnes et aux familles en difficulté.

Nous apprécions la clause de la charité publique contenue à l'article 40, puisque tout n'est pas noir ou blanc. Certaines zones grises demeurent, et la loi doit être flexible pour empêcher l'exclusion d'une personne qui autrement pourrait bénéficier de l'aide requise.

L'article 53 nous apparaît comme étant inutile et en contradiction complète avec l'esprit du projet. Cet article n'est pas de nature à responsabiliser la personne et est très coercitif à nos yeux. On recommande donc le retrait de l'article 53 du projet de loi.

Nous recommandons aussi de prévoir une formation spécifique pour les agents en CLE, les centres locaux d'emploi, afin de les familiariser avec la réalité socioéconomique vécue par les personnes et les familles démunies. Les situations de crise seraient probablement mieux comprises et les services grandement améliorés.

Nous vous fournissons, au chapitre 5, à la page 14, l'exemple de la fiducie, qui est un secteur de la Maison de Lauberivière, projet qui est un exemple du potentiel du milieu communautaire dans l'aide aux personnes et aux familles. Ce service a connu un succès retentissant tant par les progrès réalisés par les bénéficiaires que par la fréquentation du service, soit au-delà de 1 000 utilisateurs depuis l'ouverture. Le gouvernement doit prendre acte de cette réalité, c'est-à-dire du potentiel communautaire, et s'appuyer sur l'expertise dite terrain en créant des partenariats solides avec ceux-ci et en s'assurant qu'il dispose des outils nécessaires pour rendre les services requis. Nous visons particulièrement tout l'aspect de l'accompagnement social proposé dans le projet de loi n° 57.

n (9 h 50) n

Pour la Maison de Lauberivière, le système actuel ne peut répondre aux besoins criants. La pauvreté augmente et l'écart entre les riches et les pauvres s'accroît. Les besoins ne sont plus strictement matériels ou économiques; l'exclusion sociale est apparue et les conséquences psychosociales se font de plus en plus sentir. Nous sommes satisfaits de l'approche intégrale adoptée dans le projet de loi n° 57, qui considère l'importance du facteur psychosocial touchant les personnes en difficulté. Les chances de succès seront nettement plus grandes et la durée de l'aide pour les personnes aptes au travail sera selon nous raccourcie. Le projet de loi demeurera intéressant s'il a les moyens de ses ambitions. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Clermont. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. Mme Dugas, M. Blouin, M. Boulay et Mme Clermont, merci de votre présence, merci de votre témoignage. Et, faites-vous-en pas, malgré les distances, on va... je suis sûr qu'on n'aura pas trop de problèmes à communiquer.

Vous ne pouvez pas savoir à quel point votre témoignage me fait plaisir. Parce qu'on a entendu beaucoup de groupes depuis qu'on a commencé ? ça fait six semaines qu'on est en commission, ici, puis il y en a qui trouvent que six semaines, ce n'est pas encore une commission assez large et assez publique et une consultation assez large, là ? mais je vous dirais que d'entendre les gens qui jour après jour travaillent sur le terrain, sont là, là, pas en train de travailler dans la théorie, là, travaillent dans la pratique, là... et on entend beaucoup parler de Lauberivière, puis on sait à quel point c'est une institution à Québec qui est importante pour la capitale.

Et je suis extrêmement content de votre présentation parce que... pas juste parce que vous avez dit que le projet de loi n° 57 a des côtés positifs, vous dites aussi qu'il y a des côtés négatifs, mais parce que je crois, moi aussi, fermement que les éléments qu'il y a dans le projet de loi n° 57... Je n'ai pas inventé ça à un bon moment donné, là, parce que ça me tentait un matin: on en a entendu parler. Et je suis content de voir que, vous qui êtes confrontés quotidiennement, à chaque heure, puis qu'il fasse froid, qu'il fasse chaud, avec les gens qui vivent des situations de pauvreté, vous amenez ces commentaires-là ce matin. Je peux vous dire: je vais m'en servir, puis pas à peu près, dans les prochaines semaines, parce qu'à un moment donné il faut, oui, écouter tout le monde, mais il faut porter une oreille très attentive à ceux qui travaillent avec ces gens-là et qui travaillent pour ces gens-là. Alors, je peux vous dire ça en partant.

Deuxièmement, je veux vous dire aussi que, dans le cas... puis je comprends vos craintes en ce qui a trait aux pouvoirs discrétionnaires, mais on s'entend au moins sur la philosophie de base. Puis je vous répète: mon défi, le défi, là, c'est de faire en sorte qu'on ait le plus de marge de manoeuvre possible pour avoir des outils qui correspondent aux besoins des gens, qui correspondent aux besoins des individus. La façon d'avoir cette marge de manoeuvre là, c'est d'avoir, pour le ministre, un certain nombre de pouvoirs discrétionnaires pour ne pas avoir à revenir modifier la loi à toutes les fois. Mais je comprends qu'il y a beaucoup de gens qui me font confiance mais qui ne font pas confiance à mes successeurs. Donc, je voudrais, bon, qu'il y ait plus de marge, mais je dirais que ça, c'est un équilibre que... Je n'ai pas de mauvaises intentions en ce qui a trait aux pouvoirs discrétionnaires. C'est ça, la philosophie, c'est ça, l'objectif.

Et j'aimerais savoir, pour vous autres, jusqu'à quel point c'est important d'avoir des programmes qui sont différents, des programmes qui répondent aux besoins des différentes problématiques que vous rencontrez et à quel point un programme mur à mur, qui serait le même pour tout le monde, ne fonctionnerait pas.

M. Boulay (Éric): Bien, d'abord, bien, moi, c'est Éric Boulay. Je suis coordonnateur depuis... je travaille depuis sept ans à la Maison de Lauberivière. Je suis conseiller en orientation de formation.

Je peux vous dire d'abord, pour réagir à votre premier commentaire, qu'en effet, nous, on n'est pas un groupe d'intérêts, hein? Si on vient ici aujourd'hui, c'est parce qu'on aide environ 5 000 personnes par année, puis on en fait un outil qui va peut-être permettre de bonifier les choses pour les personnes qu'on aide. Alors, pour nous, c'est très important.

La deuxième des choses, c'est vous-même qui avez répondu, pour nous, c'est bien important que... On parle de devoirs dans le futur, à propos de ce projet de loi là. Parce que, bon, nous, on sait que vous êtes de bonnes intentions, mais, comme vous l'avez dit, on ne sait pas qui qui va être là dans l'avenir, puis un engagement ferme nous sécuriserait, d'une part.

Ensuite, pour ce qui est de la latitude, écoutez, c'est pour ça, nous, qu'on va dans le sens de ce projet de loi là. À Lauberivière, c'est notre approche dans le quotidien. On accueille les gens, peu importent leurs besoins, et, par rapport à leurs besoins, on va leur faire un plan d'action qui correspond... D'ailleurs, dans la fiducie, on a... dans la fiducie qui est proposée à la fin du mémoire, c'est un peu ce qu'on annonce, hein, une approche adaptée aux gens. Mais, à cause de cette approche-là, on a fait des petits miracles en fait de réhabilitation pour les gens. Alors là, cet outil de loi là, pour nous, c'est justement une latitude qui va permettre d'adapter aux gens.

Vous savez, quand c'est une blessure qui est physique, hein, c'est clair: quand quelqu'un se casse une jambe, on met un plâtre. On ne lui demande même pas s'il veut ou non, hein? On l'emmène à l'hôpital, on met un plâtre et, après, s'il a besoin de réadaptation, il a besoin de réadaptation. Par contre, si le fait d'avoir un accident de voiture fait que non seulement la jambe est cassée, mais devient paralysée, mais là on va lui fournir les outils, comme une chaise roulante ou des choses comme ça, pour lui apprendre à vivre avec ça. Alors ça, c'est plus clair, hein, quand c'est une blessure physique.

Mais, quand c'est une blessure qui est de l'ordre psychosocial et qui fait que l'estime des gens peut être minée dans leur cheminement, bien, pour nous, un projet de loi de la sorte permet d'avoir des approches adaptées aux gens.

La Présidente (Mme James): Merci. M. le ministre.

M. Béchard: Oui, bonjour, Mme la Présidente. Un point sur lequel je veux revenir aussi, vous saluez la mise en place de prime à la participation, et je vous le mentionne, là, prime à la participation, j'ai pris le risque de dire: Voici une intention, voici ce que je veux faire, mais je ne le déterminerai pas tout de suite. On va attendre ce que les groupes ont à nous dire, ce qu'ils ont à nous proposer quant à la mise en place de prime à la participation, et, à date, je vous dirais que je n'ai pas eu beaucoup de suggestions. Tout le monde disent: Bien, là, on ne sait pas...

Puis là les gens relient ça à l'indexation, là. C'est deux choses différentes. L'indexation, là, il y a une problématique. Je suis en train d'y réfléchir, on va peut-être arriver avec des solutions. Mais prime à la participation, là, c'est pour moi une façon de reconnaître des gens qui peut-être n'occuperont pas d'emploi, peut-être ne seront pas de retour dans des mesures encadrées d'employabilité ou de formation, mais qui participent à la société et qui, je suis sûr, dans bien des cas vous donnent un coup de main que d'autres ne vous donneraient pas, et ce que je veux, c'est reconnaître ces efforts-là.

Et j'ai deux questions pour vous: Comment reconnaître cette participation-là? Est-ce qu'elle doit être, à la limite, moins élevée puis couvrir plus de gens? On parle des montants, puis vous le mentionnez dans votre mémoire, ça, c'est les moyens financiers. Bien, oui, avoir 10 milliards de plus dans mon ministère, je donnerais 2 000 $ de prime à la participation. Mais je ne les ai pas, on ne les a pas, comme gouvernement. Alors, on commence quelque part. Mais, deuxièmement: Comment faire pour mettre ça en place sans que ça devienne un paquet de problèmes pour vous autres, puis que ce soit facile à gérer pour vous autres, et que vous n'ayez pas, là, 250 formulaires à remplir pour dire que quelqu'un a le droit à 100 $, ou à 130 $, ou à 150 $ par mois?

M. Boulay (Éric): On dirait que vous répondez à vos questions...

M. Béchard: Je souhaite des réponses.

M. Boulay (Éric): ...vous-même. Écoutez, le titre de notre mémoire, hein, c'est Humaniser les façons de faire. Alors, quand on parle d'une façon d'encourager... Écoutez, nous, ce qu'on met l'accent dans notre mémoire, c'est d'avoir une approche d'abord psychosociale qui tient compte après de l'aspect monétaire. Alors, qu'on donne une prime de... peu importe le montant, si l'aspect psychosocial n'est pas tenu en compte, je ne crois pas qu'on peut aider les gens à véritablement se remettre sur pied. Pour nous en tout cas, c'est ce qu'on constate à Lauberivière. Alors, bon, bien, là, dans le mode que ça pourra prendre, il faudrait d'abord ? et je pense que les CLE le font de plus en plus ? il faudra d'abord qu'il y ait une participation très proche avec les milieux communautaires pour qu'on puisse justement au quotidien adapter quelque chose qui tiendra compte de cet aspect psychosocial là. Mais, dans le concret, on pourra voir, là, comment ça se fera.

M. Béchard: Et, si vous aviez des suggestions à nous faire justement, là, pour qu'on tienne compte de ça... et là je ne réponds pas à ma question, là, je vous la pose, garanti.

M. Boulay (Éric): Bien, écoutez, l'exemple des programmes, par exemple, on sait que, bon, dans le mode d'application, un programme d'insertion, au bout de six mois, des fois c'est difficilement renouvelable. Et là on sait que... Écoutez, il y a des gens que, si l'accident ? c'est pour ça que je vous fais l'analogie de l'accident physique ? si la blessure physique est assez profonde, peut-être que réapprendre à marcher, c'est un petit peu plus long que six mois renouvelable, là. Alors, là-dedans, dans un programme d'insertion, il faut que la personne non seulement ait le temps nécessaire qu'il lui faut pour cheminer, mais il faut que par son expérience elle regagne tout ce qui est de l'aspect de l'estime, puis du réseau aussi là-dedans. Alors, moi, c'est un peu plus de souplesse à ces niveaux-là. Les programmes traditionnels tels qu'on les a vus, que là on offre, on offre quelque chose à quelqu'un, tout d'un coup, woups! ça termine alors que là il faudrait peut-être l'étirer, il faudrait peut-être... un peu à ce niveau-là, là.

n (10 heures) n

M. Béchard: Mais, pour vous, là, comme organisation ? et je pense que vous avez un certain nombre de personnes justement qui vont vous donner un coup de main de façon bénévole qui sont soit sur la sécurité du revenu ou qui ne sont pas en emploi, qui vous aident ? comment vous verriez la gestion de cette prime-là pour ne pas que ça vous pose de problèmes? Je comprends pour les gens qui l'ont, mais pour vous, là, en tant qu'organisme, qui pourriez à la limite bénéficier de plus de bénévoles ou de gens qui viendraient... puis là il faut faire attention quand on utilise «bénévoles», parce que ce n'est pas une façon de payer le bénévolat, ou quoi que ce soit, là. mais de reconnaître ces efforts-là. Comment vous verriez ça?

M. Boulay (Éric): Bien, écoutez, moi, je pense que ça peut être, par exemple, par le biais d'un programme à Lauberivière, comme le programme de fiducie, eux peuvent collaborer par la mesure d'une prime et d'un programme, à l'intérieur de la Maison de Lauberivière, participer à des tâches dans l'oeuvre qu'est Lauberivière. Ça, ça peut être un exemple. Peu importe le moyen que ça prendra, ce qui est important, c'est que... On m'a déjà dit la phrase suivante: Si tu veux redonner le goût de vivre à une personne qui est pauvre, bien redonne-lui le pouvoir de donner, lui aussi. Alors, en faisant ça, en l'investissant lui-même et en participant à une oeuvre comme Lauberivière, on vient de non seulement, lui, le valoriser, il regagne son estime par le biais, par exemple, du programme de fiducie et par une allocation, par exemple dans un programme, mais il vient de participer lui aussi non seulement à son intégration, mais à la lutte à l'exclusion sociale, par le biais de la participation à la Maison de Lauberivière. C'est un peu dans ce sens-là que je verrais ça, moi.

M. Béchard: O.K. Autre point que vous soulevez qui est intéressant, c'est que vous recommandez, à la page 13 de votre mémoire, en ce qui a trait à la... vous recommandez de prévoir des formations pour les agents des centres locaux d'emploi et aussi, à ce défaut, l'embauche d'un intervenant par centre local d'emploi afin de pouvoir intervenir adéquatement auprès des personnes visées. Dans le fond... et vous dites: Ça pourrait être un partenariat public-privé. Le projet de loi n° 57 ouvre la porte à beaucoup de collaborations avec les ressources externes, parce que j'ai la conviction que le gouvernement ne peut pas tout faire tout seul et qu'il y a des gens qui sont bien mieux placés, beaucoup mieux placés que n'importe qui au gouvernement, y compris le ministre, pour faire un certain nombre de choses. Et on a des ententes avec la ville de Montréal, des ententes avec la MRC du Témiscouata, on en a avec les carrefours jeunesse-emploi, toutes sortes de ressources externes.

Mais ce que vous nous proposez au niveau de la formation ou de la participation d'un intervenant dans les centres locaux d'emploi, j'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu plus parce que... Pourquoi vous proposez ça? Quelle est la base ou l'analyse que vous faites de nos gens pour nous proposer des choses comme ça? Là, c'est entre nous, là, faites-vous-en pas, vous pouvez nous dire ça en toute confiance.

M. Boulay (Éric): Bien, écoutez, c'est drôle, ce commentaire-là, on vient justement de s'asseoir avec le CLE qui est en face de nous, le CLE des Quartiers-Historiques, avec une femme merveilleuse qui s'appelle Marie Fortier, au CLE des Quartiers-Historiques. Et nous, justement, c'est avec Marie qu'on a développé le projet pilote de la fiducie. On n'a pas attendu après rien pour développer, au début, ce projet pilote là, parce qu'on y croyait, puis c'est pour ça... puis, aujourd'hui, avec les répercussions que ça a comme effet. Nous, ce qu'on veut faire par là, c'est que...

C'est sûr que quelqu'un qui est formé, qui a une approche centrée sur la personne, qui met l'accent sur les besoins psychosociaux d'abord, son intervention va être différente de celui qui, selon des critères préétablis, va recevoir la personne au CLE et établir des barèmes, par exemple, monétaires seulement. Ça, ça peut être une chose. Alors, nous autres, ce qu'on dit dans la recommandation 3, c'est qu'il faudrait une personne justement qui a cette approche-là.

De la façon que ça va se faire... que ça pourrait se faire, ce n'est pas clair. Par exemple, quelqu'un de Lauberivière pourrait travailler avec les CLE sur place soit pour fournir l'expertise soit pour échanger là-bas, être en support. Puis on a même fait un rêve récemment, c'est que je parlais avec Marie, et elle me disait: Bon, les gens, hein, ils ont un petit peu peur des structures... Ça fait partie du processus, quand l'estime est brisée, tu as peur d'aller... c'est déjà dur d'aller demander un chèque, hein? Alors, on disait: Bon, mais à quand l'agent du CLE qui va être l'agent de rue, un peu comme les travailleurs de rue, mais un agent de rue qui viendrait à Lauberivière, qui aurait peut-être son bureau sur place même, à Lauberivière, là? Les gens seraient là. C'est un peu un exemple de façon de faire. Et, moi, je crois qu'on va aider plus de monde et qu'on va aider plus de monde aussi à se remettre debout, là.

M. Béchard: Moi, j'ai la conviction qu'avec le projet de loi n° 57 on peut faire ce genre de chose là. Avec la collaboration de tout le monde, là, on peut arriver... C'est exactement le genre de partenariat, le genre de collaboration qu'on souhaite, et ce n'est pas... là, on ne vient pas de donner l'aide sociale à Power Corporation, là, ce n'est pas ça, là. Là, il y a des gens qui voient le diable partout, qui voient des choses épouvantables partout, alors... puis même...

Une voix: ...

M. Béchard: Sur la Fondation Chagnon, vous dites? Mais, même sur la Fondation Chagnon... Puis, les gens qui veulent aider à lutter contre la pauvreté, là, moi, je dirais: peu importe d'où ils viennent, là, ça ne me dérange pas, si les gens veulent aider, tant mieux. S'il y en a qui ont des préjugés parce que les gens viennent du privé ou d'ailleurs, c'est leur problème, pas le mien. Mais je vous dirais là-dessus que ça, c'est exactement le genre de collaboration que je souhaite que l'on ait, et, quand je dis qu'on ne peut pas tout faire tout seul, voici un bel exemple de ce qu'on peut faire ensemble.

Un autre point sur lequel je voulais profiter de votre présence, parce qu'on parle beaucoup de bénévolat ? et je fais un petit aparté parce que je suis aussi responsable de l'action bénévole ? et on me dit beaucoup, dans les dernières années, qu'il y a une baisse de la participation au niveau du bénévolat, que c'est de plus en plus difficile. Je veux voir bien sûr si vous ressentez les mêmes choses, mais, deux, comment on peut contrer ça. Comment redonner le goût aux gens de faire du bénévolat? Comment leur redonner le goût de s'impliquer et finalement d'aider, là, davantage ou participer davantage?

M. Blouin (Daniel): Si vous me permettez d'intervenir sur cette question-là, c'est moi qui est responsable des ressources humaines à Lauberivière. Effectivement, on constate une baisse du bénévolat depuis un certain nombre d'années. Donc, le profil du bénévole de voilà 20 ans n'est pas celui d'aujourd'hui. Auparavant, il y avait plus peut-être de fidélité, plus de présence, d'assiduité. Maintenant, les gens donnent du travail de façon très ponctuelle. Ils veulent aussi aller dans le sens de ce qu'ils connaissent, de leur expertise et ne pas faire n'importe quoi. Par contre, bon, ce qu'on peut faire: nous, on a mis sur pied un comité du bénévolat, à Lauberivière, pour essayer à tout le moins de créer une vie bénévole, de faire en sorte que l'action bénévole soit active, que les gens soient bien intégrés, qu'il y ait un sentiment d'appartenance à l'organisation. Donc, c'est des moyens qu'on utilise pour activer un petit peu le bénévolat.

M. Boulay (Éric): J'ajouterais en plus qu'une chose qui peut être facilitante aussi, par exemple, ça peut être une allocation aux bénévoles, parce qu'on sait que, bon, il y a les frais de déplacement, ce genre de chose là. Mais j'hésitais à dire ça, parce qu'encore une fois il ne faut pas juste regarder l'aspect monétaire. Comme Daniel disait, ce qui est plus important, c'est de voir comment dans un milieu on peut valoriser le travail du bénévole.

M. Blouin (Daniel): Donc essentiellement c'est ça, c'est de valoriser le travail bénévole. Mais c'est sûr que, dans une organisation comme la nôtre, bon, il y a beaucoup de salariés maintenant, et on doit assurer l'intégration des bénévoles en leur donnant des tâches très précises. Ça doit bien être cadré, tout ça, donc ça demande une structure, ça demande une organisation qui s'occupe des bénévoles. C'est sûr que, si les bénévoles sont laissés à eux-mêmes, à ce moment-là ça ne marche pas, ils ne vont pas se sentir intégrés à l'organisation. Ça va?

M. Béchard: O.K. Merci. Le temps passe vite. Il reste trois minutes?

La Présidente (Mme James): Vous avez trois minutes.

M. Béchard: Trois minutes, O.K. Je veux peut-être, en terminant, revenir sur un point que vous soulevez sur l'article 53 et aussi bien sûr saluer votre directeur général, qui, pour des raisons autres, ne peut pas être assis à la table ? on a, moi et lui, une complicité de formation, alors on vient... on a fréquenté la même école, alors je ne sais pas si c'est une qualité ou un défaut ? mais juste le saluer et en même temps vous dire, sur l'article 53: j'ai mentionné que je n'avais pas l'intention de le mettre en vigueur.

Puis je le dis: il est là pour qu'on ait des suggestions, pour qu'on ait un échange là-dessus. Parce que, l'article 53, je veux bien qu'on me dise d'un côté: Mais c'est épouvantable si on permet la saisie de chèque, les gens, il ne leur reste rien. Puis je suis d'accord avec ça. D'un autre côté ? et ça, je veux vous entendre là-dessus parce que vous avez peut-être déjà eu cette problématique-là ? il y a des gens qui ne se trouvent pas de logement parce qu'il y a des préjugés, parce que les gens disent: Bien, je ne louerai pas ou... je ne louerai pas de chambre ou de logement, je ne suis pas sûr d'être payé. On la vit des deux côtés, puis je pense que ce serait de se boucher les yeux de se dire que c'est juste d'un bord. C'est des deux côtés. Si on enlève l'article 53, est-ce qu'il y a quelque chose qu'on peut mettre en place pour à la fois permettre aux gens de se trouver des logements mais aussi pour permettre aux propriétaires de louer sans ces préjugés-là, avec... enlever ces préjugés-là, que finalement les assistés sociaux ne sont pas des bons payeurs, ce qui n'est pas le cas, les études le démontrent. Mais comment enlever ces préjugés-là et trouver une formule, là, qui est simple et qui permettrait aux gens de solutionner cette problématique-là?

La Présidente (Mme James): Alors, très rapidement.

n (10 h 10) n

M. Boulay (Éric): O.K. Alors, bon, seulement, nous, justement on a résolu ce problème-là par l'attrait du programme de fiducie, à Lauberivière. Les gens, quand ils vont au programme de fiducie à Lauberivière, ils le font par choix, parce qu'ils ont envie d'être aidés et qu'ils sentent qu'ils n'ont plus les moyens de le faire. Alors, juste le fait d'y aller volontairement fait en sorte qu'ils sont fiers de participer à cette démarche-là.

Et, nous, on fait le biais entre le propriétaire et la personne. Ça fait qu'on appelle le propriétaire, on dit: Il est en fiducie, de façon volontaire par contre, et, nous, on fait une prise en charge temporaire de la personne, et artificielle, selon la volonté de la personne, hein, et on va rassurer le propriétaire à ce niveau-là, puis là il va dire: O.K., ça va être correct. Puis le propriétaire se met à connaître la personne. Puis même, quand la personne a cessé son programme de fiducie, elle se rend bien compte que, bon, c'est peut-être des préjugés que le propriétaire avait, ou des choses comme ça.

L'aspect 53, ce qu'on n'aime pas, là, au niveau de l'article 53, c'est le côté forcé de la chose. Nous autres, on trouve que ça va à l'encontre de l'ensemble de la philosophie du... tu sais, à Lauberivière en tout cas, forcer des gens, ça n'a jamais marché. Je ne sais pas si ça marche ailleurs, là, mais...

La Présidente (Mme James): Merci, M. Boulay. M. le député de Vachon, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, de solidarité sociale et de la famille, la parole est à vous pour 20 minutes.

M. Bouchard (Vachon): Merci, Mme la Présidente. Mme Clermont, M. Blouin, Mme Dugas, M. Boulay, bonjour. Je vous connais de voisinage, nous sommes à quelques adresses civiques l'un de l'autre. Je passe souvent devant chez vous, donc j'ai l'occasion de voir que ça bourdonne, puis il y a pas mal de monde en arrière aussi, et que vous faites un travail de fond quotidien, intéressant, auprès de plusieurs personnes. Et je me suis toujours demandé: Mais quelle grosse machine! Alors, peut-être pour mieux vous connaître un brin, là, avant de commencer la discussion sur 57, j'aimerais avoir quelques informations, que je n'ai pas trouvées dans votre mémoire, sur l'ampleur de votre organisation, comme votre budget annuel. Au total, vous administrez combien de centaines de millions?

M. Blouin (Daniel): ...à peu près 4 millions. Il faudrait que je voie... Oui, on me dit que oui, c'est 4 millions d'opération.

M. Bouchard (Vachon): 4 millions, c'est votre budget global, ça, hein, je pense?

M. Blouin (Daniel): Oui.

M. Bouchard (Vachon): C'est un budget global.

M. Blouin (Daniel): Oui, c'est ça. Maintenant, en termes de salariés, on parle d'à peu près 90 salariés actuellement et une centaine de bénévoles.

M. Bouchard (Vachon): Et, dans la fiducie, il y aurait comme combien d'employés, sur l'ensemble des employés?

M. Blouin (Daniel): C'est trois.

M. Bouchard (Vachon): Trois? Trois dans la fiducie. C'est intéressant d'entendre parler de votre fiducie ce matin, parce que ça demeure mystérieux quand on passe devant la vitrine, tu sais, ce n'est pas évident au point de départ. Sur ce 4 millions, quel est votre pourcentage de frais de fonctionnement, frais d'administration? Est-ce que vous avez une petite idée?

M. Blouin (Daniel): Les frais d'administration, c'est assez minime, on peut parler peut-être de 9 %, qu'on me dit, oui.

M. Bouchard (Vachon): 9 %? À peu près au niveau des Centraide, là, j'imagine, hein?

M. Blouin (Daniel): Oui.

M. Bouchard (Vachon): Et comment êtes-vous... Remarquez qu'à 9 %, moi, quand j'étais président du Conseil québécois de la recherche sociale, on était à 8 % puis on se faisait taper sur les doigts, mais, avec une diversité souvent de services à donner et de clientèles, ça peut apparaître comme quelque chose de rassurant de voir que c'est 9 %.

Mme Clermont (Mélanie): ...qu'on fait l'administration de partenaires affiliés à la Maison de Lauberivière, donc il y a un organisme qui s'appelle Habitations partagées et le SQUAT, aussi, Basse-Ville, qui sont affiliés à la Maison de Lauberivière, et on a aussi l'administration de ces deux organismes-là.

M. Bouchard (Vachon): Et, dites-moi, votre financement vous vient d'où exactement, en termes de sources de financement?

M. Blouin (Daniel): Bon, c'est plusieurs choses, là, c'est un montage financier, un collage de toutes sortes de financements. Il y a des subventions gouvernementales, bien entendu. On a une fondation. Ensuite, il y a les dons du public, les communautés religieuses. Il y a des revenus autonomes aussi, bon, des usagers. On a aussi des locaux commerciaux qui nous procurent des revenus. Donc, c'est essentiellement ça.

M. Bouchard (Vachon): Et la part... là-dedans, quelle est votre plus grosse source, la source la plus importante de financement?

Mme Clermont (Mélanie): Les dons du public.

M. Bouchard (Vachon): C'est les fonds...

Mme Clermont (Mélanie): Les dons du public, que ce soit par la fondation, les Amis de la Maison de Lauberivière.

M. Bouchard (Vachon): Les dons du public, là.

Mme Clermont (Mélanie): Oui, les dons du public.

M. Bouchard (Vachon): Par des levées de fonds.

Mme Clermont (Mélanie): Tout à fait.

M. Bouchard (Vachon): Par la fondation également.

Mme Clermont (Mélanie): Oui.

M. Bouchard (Vachon): Mais ça peut représenter combien à peu près?

M. Blouin (Daniel): Si on parle dons du public et la fondation, c'est à peu près 50 % de nos revenus.

M. Bouchard (Vachon): 50 %?

M. Blouin (Daniel): Oui.

M. Bouchard (Vachon): Très bien.

M. Blouin (Daniel): Mais... c'est à peu près ça, oui.

M. Bouchard (Vachon): Oui?

M. Blouin (Daniel): On me dit que oui.

M. Bouchard (Vachon): Très bien, merci. Donc, vous mettez à profit ces sources de financement et ce financement auprès d'une population qui pourrait être autrement beaucoup plus marginalisée, j'imagine, là. Mais j'aimerais mieux connaître un petit peu la population qui vous fréquente. Est-ce qu'en grande partie ce sont des personnes qui sont aptes au travail, c'est-à-dire sans contraintes sévères, ou avec contraintes sévères? Quelle est l'appréciation, l'évaluation que vous faites de votre clientèle eu égard à ces deux catégories?

M. Boulay (Éric): Moi, j'ai travaillé deux ans sur le terrain comme intervenant avant de coordonner les services là-bas, je peux te dire, là, qu'il y a autant de sortes de gens qu'on a de gens qui vont à Lauberivière. On aide environ 3 500 à 5 000 personnes par année. Alors, oui, il y a un pourcentage d'aptes, il y a un pourcentage d'inaptes. Je te dirai qu'il y a beaucoup plus de gens qui sont aptes au travail, là-dedans. Par contre, bien il faudrait... c'est pour ça qu'on est contents de la loi n° 57, il manque de facilitateurs finalement pour que les gens puissent être remis sur pied. Je serais difficilement capable de l'évaluer en termes de pourcentage, ça change de façon annuelle, là. D'ailleurs, ce n'est pas coulé dans le ciment, hein, quelqu'un qui... Comme je disais, c'est plus clair physiquement, quelqu'un qui est en chaise roulante, quoiqu'aujourd'hui on peut faire des opérations dans la moelle épinière pour que les gens puissent marcher encore, mais...

M. Bouchard (Vachon): Par le biais, j'imagine, de votre... Mme la Présidente, ça va? Excusez-moi, c'est parce que je suis obligé de vous demander la permission.

La Présidente (Mme James): Allez-y.

M. Bouchard (Vachon): Mais, par le biais de votre fiducie, j'imagine qu'étant donné que les gens vous confient leurs prestations ou leurs revenus pour un moment donné, c'est comme un consentement à une curatelle temporaire, d'une certaine façon, là, votre...

M. Boulay (Éric): Quand j'ai... Quand on a...

M. Bouchard (Vachon): Non, non, je comprends bien ça, mais, étant donné ce service, vous pourriez avoir une appréciation, une évaluation à savoir si les gens sont plus sans contraintes ou avec contraintes, là, à partir de cette source-là, j'imagine.

M. Boulay (Éric): Oui, les gens qui vont en fiducie. C'est beaucoup plus les gens qui ont eu des contraintes plus sévères à l'emploi qui vont en fiducie.

Nous, on a des programmes traditionnels d'aide, à Lauberivière, comme les secteurs de thérapie, réinsertion. Quand quelqu'un a fait trois, quatre thérapies puis ça n'a pas marché, on s'assied avec, on évalue avec lui ses besoins, on voit... on voit... Par exemple, il dit: Écoute, j'ai essayé, là, par moi-même, ça ne marche pas, j'ai besoin d'être pris en charge, là. Alors, la fiducie prend les gens en charge. Alors, on voit, là, on décide, pendant un certain laps de temps, qu'il y a une incapacité pour la personne de fonctionner.

Malgré tout ça, malgré que ce soient les gens qu'on pense inaptes, juste le fait d'enlever justement cet aspect financier douloureux là fait en sorte qu'on a vu quand même des gens, au bout de deux ans, même revenir sur pied puis être autonomes finalement, tu sais, malgré tout ça. Il y en a qui ne seront peut-être pas autonomes, qui vont rester dans le secteur de la fiducie, mais ils vont pouvoir s'investir socialement d'une autre façon quand même, et, pour nous, c'est important. Et l'estime va augmenter aussi, et, pour nous, c'est important. Remettre quelqu'un sur pied, ça ne veut pas dire l'amener où on pense qu'il doit être, hein, mais c'est l'amener où on pense que lui doit aller. C'est a par rapport à b. Ce n'est pas a par rapport à ce qu'on pense qui doit être. Si être autonome, c'est être comme nous et se lever à tous les matins, neuf à cinq, ce n'est peut-être pas la bonne chose.

M. Bouchard (Vachon): Je comprends très bien ce que vous faites dans la fiducie. Et je comprends que ça peut être un service absolument très utile pour un certain nombre de personnes, qu'elles soient... qu'elles présentent des contraintes ou non, parce que je connais, moi personnellement, des parents, hein, qui font office de fiducie auprès de leurs enfants, qui les accueillent chez eux, qui administrent leurs revenus, qui les accompagnent pour l'épicerie, des trucs comme ça, des adultes, hein, qui ont eu des accidents de parcours dans la vie. Je pense qu'il faut particulièrement soigner ces familles-là aussi, tu sais, comme on soigne votre fiducie, d'une certaine façon, et ne pas pénaliser les familles parce qu'on reçoit chez soi des enfants et qu'on partage avec eux un logement, puis un savoir-faire, puis un climat et un contexte. Et donc je pense que c'est très malvenu que de couper 100 $ sur le chèque de la personne qui confie son chèque à une fiducie, entre guillemets, familiale. J'espère qu'on ne coupe pas les chèques de 100 $ pour les gens qui se présentent chez vous.

Ceci dit, je ne vous demande pas votre opinion là-dessus, c'est la mienne que j'exprime. Mais je vous prends à témoin, parce que ce que vous faites dans le fond, c'est que vous remplacez, pour ces gens-là, des familles qu'ils n'ont plus, très souvent, ou un réseau social qu'ils n'ont plus et qui les aide à administrer leurs biens et à s'en sortir, et c'est ce que plusieurs familles dont les enfants sont inscrits à l'aide sociale et qui sont maintenant des adultes tentent de faire avec leurs enfants.

n (10 h 20) n

Ceci dit, je vois bien que votre population est assez hétérogène bien que dans un créneau relativement bien défini, mais qu'on a là-dedans des personnes qui sont avec contraintes et sans contraintes. Alors, vous savez que depuis les dernières intentions budgétaires, le dernier budget, le gouvernement a décidé d'indexer pleinement ? sauf une couple d'items ? les personnes qui sont sans contraintes à l'emploi, quant à leurs prestations, hein, et que, pour les autres personnes, y compris les personnes qui ne présentent pas de contraintes sévères mais qui présentent des contraintes temporaires à l'emploi... et, à ces personnes-là, on dit: On va vous indexer seulement à la demie. Là, le ministre a entendu plusieurs récriminations là-dessus depuis le début, il vient de nous dire pour la première fois qu'il réfléchit pour voir comment il pourrait corriger la situation.

Alors, est-ce que vous avez un mot d'encouragement au ministre pour corriger la situation ou est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée d'indexer à demi seulement les personnes qui sont sans contraintes sévères? Vous ne vous êtes pas prononcés dans votre mémoire.

La Présidente (Mme James): Mme Clermont.

Mme Clermont (Mélanie): J'aime bien vous voir discuter puis de... je ne suis pas habituée, hein, à ces jeux politiques là.

M. Bouchard (Vachon): La politique, madame, c'est une discussion sur le fond.

Mme Clermont (Mélanie): C'est beau. Je vous dirais, moi, je parle toujours au niveau de la notion de responsabiliser l'individu. Malgré le fait que notre clientèle est hypothéquée, vit des difficultés, a de multiples raisons du fait qu'ils ne travaillent pas, est cotée sans contraintes ou contraintes à l'emploi, il ne demeure pas moins que ce qui me semble le plus important à faire ressortir, c'est la responsabilité de l'individu aussi de se prendre en main. Et jamais, à Lauberivière, on va perdre ça de vue, malgré aussi toute la noirceur qui peut entourer la vie de ces gens-là. Donc, indexer à demi une personne, par exemple, qui est sans contraintes à l'emploi, pour moi, ne me cause pas de problème éthique ou problème au niveau psychosocial.

M. Bouchard (Vachon): Mme la Présidente.

La Présidente (Mme James): Allez-y.

M. Bouchard (Vachon): Je pense que vous ne venez pas d'aider le ministre, mais ça, c'est une autre histoire. Mais regardez: vous vous réjouissez du fait que les pénalités sont levées pour les personnes qui refuseraient un parcours, et je pense que la plupart des gens s'en réjouissent, y compris quelqu'un que je connais très intimement, mais par ailleurs c'est très surprenant, votre prise de position, puis j'aimerais vous entendre plus longuement là-dessus. Au fur et à mesure où l'indexation se ferait à moitié, vous vous rendez compte que le pouvoir d'achat de la personne va baisser, là, continuellement, le coût de la vie va continuer à augmenter, et donc la personne sera placée dans une situation de plus en plus à vertige.

Est-ce que vous pensez que c'est une bonne façon d'inciter les gens, de rendre la situation à ce point intenable? On parle de besoins essentiels, là.

M. Boulay (Éric): Oui, oui, c'est ça. Mais de toute façon je trouve qu'on amène la discussion sur un aspect qui est d'ordre financier, et ce qu'on dit... puis là je vais peut-être radoter un petit peu, mais le mémoire, c'est Humaniser les façons de faire. Alors, de toute façon ça va dépendre comment ça va se faire.

Mais, l'inclusion sociale, là, c'est l'affaire de tous. Alors, peu importe si on donne un demi-chèque, un chèque, on augmente le chèque. Si on n'a pas une approche qui prenne en compte l'aspect psychosocial, pour moi, c'est très dur d'émettre une opinion. Alors, la valorisation va prendre peut-être une autre forme que celle économique, qui est la prise en charge de la personne, qui va empêcher... ça va l'empêcher de la stigmatiser. Et, peut-être, si elle reçoit moins, d'ailleurs, peut-être qu'elle va moins être stigmatisée, que, pour elle, ça va être valorisant d'être rendue à ce stade-là. Tu sais, ça, on ne peut pas évaluer...

M. Bouchard (Vachon): Là, je vous suis très mal, là. Si la personne reçoit moins, si elle est de plus en plus pauvre, si elle est de plus en plus dans la misère, ça va moins la stigmatiser. Je comprends mal votre raisonnement. Mais, écoutez...

Une voix: ...

M. Bouchard (Vachon): ...non, j'ai comme l'impression que je viens d'introduire dans votre réflexion un élément qui est peut-être nouveau. Si vous avez une réflexion éventuellement que vous développez là-dessus, j'aimerais ça la connaître. Mais ce que vous me dites maintenant, là, c'est que vous voulez humaniser les services, hein? Moi, ce que je vous dis: je ne suis pas d'accord du tout avec votre opinion à l'effet qu'une baisse dans le pouvoir d'achat des plus pauvres et un enfoncement dans la misère, c'est humaniser les services. Parce qu'on parle de la prestation de base. On parle de la prestation...

Une voix: ...

M. Bouchard (Vachon): Est-ce que je peux, Mme la Présidente, pouvoir parler avec mes interlocuteurs sans être interrompu par le ministre tout le temps?

La Présidente (Mme James): Je vous écoute, M. le député de Vachon. Allez-y.

M. Bouchard (Vachon): Oui, merci. Alors, vous voyez un petit peu la zone de désaccord dans laquelle on est, là. Mais j'essaie simplement de comprendre c'est quoi, votre logique là-dedans. Ça m'a très surpris de voir comment vous vous positionnez sur cette question-là.

Mme Clermont (Mélanie): J'ajouterais peut-être simplement que ça n'a pas été développé dans le mémoire, aussi, puis ce n'est pas pour passer outre ce fait-là, c'est plutôt qu'au niveau de l'aspect financier... Comme Éric a mentionné, nous, on intervient avec les gens, où est-ce qu'ils en sont, et, qu'au niveau financier ils aient plus, qu'ils aient moins, ça ne change strictement rien à l'aide psychosociale qu'on apporte aux gens. On croit cependant que quelqu'un qui ne reçoit pas davantage de sous ou qui reste... par exemple, qui n'a pas de baisse de ses prestations et qui reçoit ses sous doit avoir un accompagnement psychosocial et pas juste financier. Ça fait que c'est dans ce sens-là qu'on l'a développé et non pas d'émettre une opinion sur être en accord ou en désaccord.

La Présidente (Mme James): Mme la députée de Lotbinière.

Une voix: ...

La Présidente (Mme James): Ah! je m'excuse, continuez.

M. Bouchard (Vachon): Merci. Mais je comprends très bien ça. Je comprends très bien que, et ça se présente partout, il y a des logements sociaux où, lorsqu'on n'a pas l'accompagnement, les gens se trouvent perdus, isolés et ne développent pas de projets... un projet de vie, ne développent pas non plus de liens avec les environnements sociaux et économiques, de travail, etc. On a de multiples exemples de ça. Et je comprends très bien qu'une des forces de votre ressource, c'est de mettre à la disposition des gens un accompagnement individualisé et le plus à proximité possible de la personne.

Mais ce que je comprends moins bien, c'est comment on peut arriver avec plus de succès... d'accompagner, d'offrir des services d'accompagnement à des gens qui s'enfoncent de plus en plus dans la misère économique. Parce que dans le fond les gens qui se présentent chez vous, là, ce n'est pas les plus riches de la société, alors je me dis: Quelque part... J'aimerais vous entendre sur la position... entendre votre position sur la dimension de comment on doit arriver à rencontrer les besoins essentiels des personnes. Et l'aspect financier que vous tassez, là... Moi, je ne tasse pas votre aspect psychosocial, mais j'essaie de nous amener sur le plancher de: respect des droits des personnes à une vie digne et décente et couverture des besoins. Alors, j'aimerais entendre votre position là-dessus.

M. Boulay (Éric): Je vais essayer de donner un exemple pour qu'on permette de comprendre. Au Québec, à une certaine époque, les familles couchaient 12 personnes par chambre, et des fois ils étaient beaucoup plus pauvres, par individus. Par contre, ils étaient beaucoup moins suicidaires, par contre, ils étaient beaucoup moins exclus. Comment ça se fait que dans ce temps-là ils étaient si pauvres et si moins exclus? C'est parce qu'il y avait un réseau, et il y avait l'estime, et ils avaient tous un rôle à jouer. Alors ça, c'est des aspects psychosociaux faciles à comprendre.

Alors, on ne tasse pas du revers de la main. Écoutez, à Lauberivière, on donne d'une autre façon aux besoins essentiels: on donne de la nourriture, on donne un logement. Alors, ça pourrait être par le biais d'un partenariat avec les organismes communautaires, où là on peut s'occuper de ces besoins essentiels là. Par contre, pour ce qui est du reste, donner 1 000 $ de plus à un joueur, il va en jouer 1 000 $ de plus. C'est ça, là. Là, je ne peux pas être plus clair.

M. Bouchard (Vachon): D'accord. Je pense qu'on a un désaccord profond sur l'approche d'aide aux personnes. Vous nous dites: On a une approche psychosociale du côté de l'intégration puis une approche de charité du côté des finances. Nous, on dit: On devrait peut-être avoir une approche de droits et de vigilance étatiques par rapport à ça. Ça va.

Maintenant, sur la question de la prime à la participation, vous avez été interrogés par le ministre sur qu'est-ce qu'on va faire avec ce truc que, dit-il, «j'ai introduit dans la loi sans savoir exactement ce qui allait en advenir». Donc, il vous demande de lui faire des recommandations. Je vais vous poser la question autrement, là. Qu'est-ce que ça représente, pour un groupe communautaire ou pour une fiducie privée sans but lucratif, une augmentation des responsabilités de votre fiducie, en regard des primes à la participation? Parce que vous voyez bien quelque part que, la prime à la participation, vous allez devoir l'administrer. Vous allez devoir aussi fournir plus de services de formation et d'accompagnement, là, parce que quelque part, si la prime en vaut la peine, ça va avoir un attrait. Est-ce que ça n'aurait pas un impact sur votre environnement, votre propre environnement budgétaire, financier et organisationnel? Comment vous voyez ça exactement?

La Présidente (Mme James): Brièvement, M. Boulay.

M. Boulay (Éric): Pouvez-vous préciser la question? Ce que vous dites, c'est que ça va...

M. Bouchard (Vachon): Bien, il y a des frais...

M. Boulay (Éric): Le fait de gérer ça, ça va avoir un impact sur le fonctionnement?

n (10 h 30) n

M. Bouchard (Vachon): Bien, j'imagine. Vous êtes une organisation avec sa propre mission, ses propres objectifs, sa façon de fonctionner. Vous arrivent un nouveau programme de prime à la participation et un certain nombre de personnes qui veulent s'inscrire auprès de votre organisation pour une activité quelconque à partir de laquelle ils auront une prime. Comment vous voyez ça dans... comment vous pouvez accueillir cela? Est-ce que vous avez besoin de soutien financier additionnel de la part du gouvernement là-dessus? Comment vous voyez ça?

M. Blouin (Daniel): Je peux intervenir...

La Présidente (Mme James): Très brièvement, M. Blouin.

M. Blouin (Daniel): Oui?

La Présidente (Mme James): Très brièvement, s'il vous plaît.

M. Blouin (Daniel): O.K. Bien, écoutez, ce que je peux vous dire, c'est que, déjà et depuis longtemps, à Lauberivière, on a ce qu'on appelle les programmes INSO, là, des gens qui font les programmes d'insertion sociale. C'est déjà un mode de fonctionnement qu'on a, qu'on a intégré depuis plusieurs années. C'est sûr que c'est une question de nombre. S'il y en a 200 personnes qu'on doit superviser, ça, ça peut être difficile, mais, jusqu'à un certain nombre... Par exemple, on en a eu jusqu'à 50, à Lauberivière; ça s'est toujours bien passé. Ça demande quand même une supervision supplémentaire pour les salariés, mais ça a toujours, quand même, apporté quelque chose de très, très positif pour nous, là, au même titre que le bénévolat. Parfois, les bénévoles ne sont pas tous bien formés, donc ils demandent de la supervision, mais, quant à nous, ça nous apporte quelque chose et c'est de notre responsabilité à intégrer ces gens-là. Mais, ce que je vous dirais, c'est peut-être que la limite, c'est le nombre. Il faut que ça cadre dans nos ressources matérielles et humaines, ici, là.

La Présidente (Mme James): Merci. Mme la députée...

M. Blouin (Daniel): Je ne sais pas si ça répond à vos questions, là?

M. Bouchard (Vachon): ...

La Présidente (Mme James): Merci. Mme la députée de Lotbinière pour une très courte question.

Mme Roy: Merci, Mme la Présidente. Ma question, c'est... Je vais vous faire une assertion, puis vous allez me dire si vous êtes d'accord ou pas. On va mettre de côté les personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi, on va parler des personnes que vous appelez aptes. Souvent, il y a des personnes qui ont des problèmes psychosociaux qui, de fil en aiguille, font qu'ils se retrouvent à l'aide sociale. D'autres fois, ils ont des malchances, et c'est des emplois qui se perdent, des «bad lucks», comme on dit, et puis ils se retrouvent à l'aide sociale, et, ces personnes-là, à cause de leur état de dénuement, est-ce que ça vous arrive de constater qu'en raison du peu de ressources qu'elles ont, ça les entraîne dans un cercle, et qu'à cause de cet état de pauvreté ils développent des problèmes psychosociaux? Autrement dit, l'état de dénuement devient la cause des problèmes psychosociaux.

M. Boulay (Éric): Tout à fait. C'est d'ailleurs pourquoi dans le mémoire on propose, avec les agents des CLE, de mettre un aspect psychosocial davantage présent, justement, quand la personne vient, qu'on puisse intervenir, là.

Mme Roy: À partir du constat où l'état de dénuement, là, devient une cause des problèmes psychosociaux, je n'arrive pas à comprendre...

M. Boulay (Éric): Facteur de risque.

Mme Roy: Pardon?

M. Boulay (Éric): On le voit plus en facteur de risque qu'en cause.

Mme Roy: Oui, oui. Je n'arrive pas à comprendre que vous acceptiez, là, que ces personnes-là diminuent leur pouvoir d'achat en n'étant pas indexées et puis aggravent ce facteur de risque là finalement en étant de plus en plus pauvres.

M. Boulay (Éric): On parle de deux choses différentes, là. La...

La Présidente (Mme James): Rapidement pour compléter, M. Boulay.

M. Boulay (Éric): Pardon?

La Présidente (Mme James): Pouvez-vous compléter rapidement?

M. Boulay (Éric): O.K. Alors, on parle de deux choses différentes. On parle d'une personne finalement qui fait une demande à l'aide sociale parce qu'il est arrivé une «bad luck» puis qui arrive dans un état où l'estime vient de prendre une «drop», là, et on parle d'une indexation alors que la personne est en cheminement pour s'en sortir. Pour moi, c'est deux choses différentes. L'approche est déjà faite quand la personne est pour s'en sortir.

La Présidente (Mme James): O.K. Merci, M. Blouin, Mme Clermont, M. Boulay et Mme Dugas.

J'inviterais maintenant le prochain groupe, la Table diocésaine de pastorale sociale de secteur du diocèse de Montréal à prendre place. Et je vais suspendre la séance pour quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 34)

 

(Reprise à 10 h 36)

Le Président (M. Copeman): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Table diocésaine de pastorale sociale de secteur du diocèse de Montréal. M. McDonough, bienvenue à cette commission. Vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange de plus ou moins 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Sans plus tarder, je vous inviterais à présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

Table diocésaine de pastorale sociale
de secteur du diocèse de Montréal

M. McDonough (Brian): Merci. Nous sommes vraiment très heureux de participer dans cette démarche démocratique. Nous sommes très heureux aussi de contribuer à la réflexion que vous allez entreprendre sur ce projet de loi de grande importance.

D'abord, je suis Brian McDonough. Je suis avocat. Je suis directeur de l'Office de la pastorale sociale, archevêché de Montréal. Je suis originaire du quartier Hochelaga-Maisonneuve et je demeure à Verdun. À ma gauche, mon adjointe, Mme Françoise Marcelin, qui travaille... a beaucoup travaillé avec le Collectif montréalais pour un Québec sans pauvreté, et elle réside dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve; Mme Louise Royer, qui est agente de pastorale sociale dans le quartier Côte-des-Neiges; Mme Isabel Barrera, qui est d'origine salvadorienne, qui demeure dans le quartier Villeray, et elle est agente de pastorale sociale justement encore dans le quartier Villeray; et M. François Godbout, qui est agent de pastorale sociale pour le quartier Ahuntsic.

Bon, chacun de nous voulons aborder un ou deux aspects du projet de loi. Et d'ailleurs vous avez reçu... on a voulu circuler un petit document qui peut-être porte une réflexion plus précise sur quelques aspects du projet de loi. Mais, avant d'aller plus loin, je voudrais tout simplement vous faire connaître un peu quelle est cette Table diocésaine de pastorale sociale de secteur. Essentiellement, depuis 1994, les agents de pastorale sociale travaillent dans sept quartiers populaires pour créer une plus grande solidarité entre les communautés chrétiennes et puis les organismes communautaires qui proposent des alternatives à l'injustice et à l'exclusion sociale. Par les activités d'éducation populaire et par aussi les activités de défense des droits, les agents cherchent à sensibiliser la population des quartiers aux réalités sociales, économiques, culturelles et politiques, et ça... inciter la population à mieux contribuer au développement social de son milieu.

n (10 h 40) n

On travaille évidemment avec des coalitions, des regroupements et nous sommes actuellement implantés dans les quartiers Ahuntsic, le Centre-Sud de Montréal, Côte-des-Neiges, la Petite-Patrie, le Plateau Mont-Royal, Villeray, Rosemont. Et, dans chacun de ces quartiers de Montréal, il y a une instance représentative qui coordonne les activités de pastorale sociale. Notre table a beaucoup participé dans tout le processus d'élaboration de la loi n° 112, et puis nous sommes toujours très engagés dans le Réseau vigilance au sein du Collectif pour un Québec sans pauvreté. Si, dans le diocèse de Montréal, nous sommes particulièrement préoccupés par la pauvreté, c'est que, si on se souvient que ce diocèse comprend non seulement de l'île de Montréal, mais aussi Laval, dans ce diocèse se trouvent plus que la moitié des personnes sur l'aide sociale au Québec. Alors, c'est une préoccupation constante, une préoccupation au plan pastoral pour toute l'Église de Montréal.

Je voudrais commencer d'emblée en parlant un peu de la question de l'enjeu de la couverture des besoins essentiels. Dans le document qui a circulé, j'ai voulu vous offrir quelques exemples de budgets pour familles de tailles diverses fournis par le Dispensaire diététique de Montréal. Alors, à l'endos de votre document, il y a quelques exemples, et ce qu'il est important de retenir, c'est que nous avons voulu donner quelques informations à partir de deux budgets. Le premier budget réfère au budget de première nécessité, et cela couvre les coûts minimums de nourriture, de soins liés à la toilette, à l'habillement, à l'équipement ménager, le gaz, l'électricité. Le coût du loyer n'est pas compris. Par contre, le budget 2 réfère à un standard de vie minimum adéquat. Alors, cela couvre des besoins de première nécessité décrits plus haut mais aussi des dépenses personnelles, des articles divers tels que des timbres, de la lecture, le téléphone, le transport, c'est-à-dire les frais nécessaires pour vivre dignement dans notre société aujourd'hui.

Je ne crois pas que ce soit nécessaire que je passe à travers tous les éléments de notre tableau, mais ce que je tiens à porter à votre attention, que, si on parle d'une famille monoparentale ? un enjeu que Mme Marcelin abordera en plus de détails dans quelques minutes ? vous pouvez voir que, si on parle d'un budget de première nécessité, budget 1, sans parler de loyer, il nous faut, pour une famille avec deux enfants, au-delà de 733 $ pour un budget qui répond aux besoins minimaux, je veux dire, pour une vie digne. Déjà, on parle de 1 066 $. Encore, je répète, on n'inclut pas le loyer. Famille B, vous pouvez faire vous-mêmes la lecture. Pour un homme qui vit seul, si on n'inclut pas le loyer, dans le premier budget, c'est-à-dire la stricte nécessité, on parle déjà de 420 $ et, pour le budget qui à peine répond aux besoins pour une vie digne dans notre société, dans notre culture, on parle de 616 $.

Je tiens à souligner la compétence, l'excellence de la recherche qui est réalisée par le Dispensaire diététique de Montréal, qui nous a donné beaucoup d'aide à mieux comprendre l'enjeu, la situation des familles à Montréal actuellement, en 2004.

La position de notre Table est la suivante: le Québec a besoin d'une société... d'une loi, plutôt, qui serait explicitement préoccupée de couvrir les besoins essentiels et de respecter la dignité des personnes en situation de pauvreté. La question des besoins essentiels, la dignité est au coeur de nos préoccupations. Et puis il me semble que dans notre société, à ce temps-ci de son évolution, il serait peut-être souhaitable d'imaginer et commencer à élaborer un régime de garantie de revenu, qui pourrait apporter des modifications importantes à notre régime actuel d'aide sociale.

Nous avons lu avec attention le plan d'action qui avait été annoncé par le ministre au mois d'avril dernier, et aussi on a voulu étudier de près le projet de loi n° 57, et nous avons détecté quelques problèmes, et on aimerait vous faire part des problèmes que nous voyons dans ces propositions législatives.

D'abord, l'indexation des prestations au coût de la vie ne serait que partielle pour les personnes assistées sociales jugées sans contraintes sévères à l'emploi. Vous savez que ces personnes reçoivent actuellement 533 $ par mois, et puis le plan d'action prévoit qu'en janvier 2005 ce montant passera à 536 $ au lieu de 539 $. Ainsi, la prestation perdrait de sa valeur. Cette mesure, qui touchera 167 000 prestataires, soit plus de un tiers des adultes à l'aide sociale, réduira le pouvoir d'achat et le niveau de vie des personnes qui sont déjà les plus pauvres au Québec. Pour nous, c'est un appauvrissement structuré et calculé. Et il n'est pas évident comment on peut affirmer qu'une telle mesure constitue une incitation à l'emploi. Comment la réconcilier, aussi, avec la loi n° 112, qui avait insisté sur l'amélioration des revenus de l'ensemble des personnes en situation de pauvreté?

Deuxième problème, la participation à des mesures d'insertion donnerait accès, selon le plan d'action, à une allocation d'aide à l'emploi de 150 $ par mois au lieu de 130 $. Mais ce que nous voulons vous dire, M. le ministre, c'est que c'était le même montant qui avait été accordé en 1995. Alors, il n'y a vraiment pas de progrès net là. De plus, l'accès à une telle allocation, selon le libellé de l'article 14 du projet de loi n° 57, est toujours assez aléatoire et sans garantie: «Le ministre peut, dans les cas et aux conditions qu'il détermine...»

Troisième problème, l'allocation accordée pour une participation bénévole dans un organisme serait déterminée selon les règlements à venir. Encore une fois, l'accès à cette allocation, qui est à mon idée assez intéressante, néanmoins est laissé à l'arbitraire.

Quatrième problème, l'âge d'accès à l'allocation des contraintes temporaires est disparu de la loi et ne sera spécifié que dans les règlements. On peut regarder l'alinéa 4° de l'article 44 du projet de loi, c'est-à-dire que la personne qui atteint 55 ans ne sait plus si elle va avoir accès à cette allocation dont le montant, actuellement à 113 $ par mois, si je ne me trompe, constitue plus que un sixième du revenu mensuel d'une telle personne. Alors, je crains qu'avec une telle mesure on sème l'inquiétude chez des personnes particulièrement vulnérables. Est-ce que le ministre envisage d'augmenter l'âge pour accéder à cette allocation nécessaire? Ça avait été une question qui avait suscité beaucoup de débats il y a déjà quelques années. C'est une préoccupation pour nous.

Alors, si on regarde ces problèmes, si on essaie d'imaginer quelles seraient les conséquences à long terme de ces mesures, on constate une certaine inquiétude, en tout cas au sein de notre délégation. Pour nous, la vie est un don sacré, mais cette législation va écourter la vie des personnes les plus vulnérables de notre société. Elle va éteindre leur espérance de vie, car de nombreuses études ont démontré que, malgré les progrès de la médecine, malgré les politiques d'accès universel et gratuit aux services de santé et services sociaux, qu'il faut à tout prix maintenir, les personnes qui ont un revenu insuffisant sont en moins bonne santé et meurent à un âge moins avancé que les riches. C'est une question fondamentale.

Une étude de la Direction de la santé publique de Montréal-Centre a fait ressortir les excédents suivants dans le groupe de revenus les plus faibles par rapport à celui à revenus les plus élevés. Si on regarde, par exemple, la fécondité des adolescentes 15 à 19 ans, c'est-à-dire les grossesses, on voit presque six fois plus de grossesses chez les jeunes femmes du groupe de revenus les plus faibles par rapport à celles qui se trouvent dans la catégorie la plus élevée. Suicide, aussi, c'est une réalité, un excédent de 111 %. Mortalité par le cancer du poumon, plus 62 % pour les personnes qui appartiennent au groupe de revenus les plus faibles. Le restant de ces faits sont étalés dans notre document.

n(10 h 50)n

Alors, nous avons quelques demandes que nous voudrions porter à votre attention, à l'attention de la commission. Elles sont les suivantes. Nous souhaiterions qu'il y ait une stipulation dans la loi à l'effet que l'ensemble des prestations sera indexé annuellement en fonction du coût de la vie. Selon l'analyse du Collectif pour un Québec sans pauvreté, la prestation de référence de 440 $ en 1985 devrait équivaloir à plus de 730 $ en 2004, alors qu'elle ne représente que 533 $. Alors, vous pouvez voir, constater qu'il y a une dévaluation de presque 200 $. Déjà en 1985, si ma mémoire est exacte, la prestation de 440 $ ne couvrait pas les besoins essentiels. On peut alors comprendre la gravité du déficit que représente la prestation de base qui est accordée aujourd'hui.

Deuxième demande, nous voulons une modification de l'article 49 du projet de loi n° 57 pour que cette disposition abolisse non seulement les pénalités pour refus de mesure ou emploi, ce qui est déjà une très bonne chose, mais aussi que l'article 49 abolisse les coupures pour recouvrement. L'article 77 du projet de loi n'est pas compatible, selon nous, à l'alinéa 2° de l'article 15 de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Alors, il y a une bonification importante à réaliser à l'article 49.

Ensuite, troisième demande, l'établissement dans le projet de loi n° 57, peut-être au titre II, chapitre I, d'une prestation minimale qui couvrirait les besoins essentiels et qui serait protégée de toute coupure ou saisie, y compris les loyers, tel que prévu par l'alinéa 2° de l'article 15. L'établissement d'une prestation minimale abolirait, il me semble, la distinction dénoncée entre apte et inapte. Mme Royer abordera ça dans quelques minutes. Une telle abolition, selon le Collectif pour un Québec sans pauvreté, permettrait de concevoir un régime commun à tous et à toutes pour compenser les coûts supplémentaires occasionnés par certaines situations de vie. Elle pourrait aussi atténuer les préjugés et simplifier le système, ce qui ne sont pas des petites choses.

Quatrième demande, la possibilité pour l'ensemble des prestataires de garder leur maison et leur automobile et d'avoir accès à un coussin d'épargne plus élevé qu'en ce moment. Et cela était proposé dans l'alinéa 3° de l'article 15. Actuellement, une personne qui a plus que 1 500 $ dans son compte en banque subit une réduction de sa prestation. Pour nous, ce plafond est vraiment beaucoup trop bas. Alors, aussi, peut-être les articles 50 et 64 du projet de loi n° 57 pourraient être beaucoup plus précis sur cette question.

Sixième demande, nous voulons l'exemption totale de la pension alimentaire reçue pour un enfant du revenu considéré pour le calcul de la prestation. Cela avait déjà été prévu dans l'alinéa 4° de l'article 15. Il me semble que le plan d'action avait annoncé qu'à partir de 2006 les familles à l'aide sociale pourraient conserver jusqu'à 100 $ d'un montant reçu pour la pension alimentaire. Il nous semble que l'ensemble d'une pension reçue devrait être non imposable. D'ailleurs, comme vous le savez, le régime fiscal va déjà dans ce sens. Peut-être qu'il faudrait assurer une certaine cohérence.

Et finalement l'élargissement de la notion de gain permis, afin de permettre de cumuler des revenus autres que le revenu du travail. Évidemment, là on parle de la CSST, Régie des rentes et l'indemnisation aux victimes d'actes criminels, ce qui est une réalité qui touche les personnes concrètement.

Pour conclure cette partie-ci de notre intervention, dans le message du 1er mai de l'année 2000 de son Comité des affaires sociales, l'Assemblée des évêques du Québec a voulu rappeler aux dirigeants politiques qu'un des critères les plus déterminants sinon le plus probant de la valeur d'une société consiste précisément dans l'attention qu'elle porte à ses membres les plus fragiles et les plus démunis. Les évêques ont alors invité les dirigeants politiques, dont vous êtes, à agir d'une façon non partisane et à poser un geste non équivoque en faveur des personnes les plus exclues et les plus pauvres. Ensuite, les évêques se sont adressés directement à leurs concitoyens et concitoyennes, en particulier aux plus nantis, leur demandant s'ils sauraient accueillir toutes les conséquences, entre autres sur la redistribution de la richesse et la répartition de l'assiette fiscale, ce qui n'est pas une petite chose. Une telle demande de collaboration, de contribution et de nécessaire compréhension, il nous semble, s'impose encore aujourd'hui, au moment où il y a un débat fondamental sur l'avenir de notre société et sur le Québec que nous voulons. Je donnerais la parole maintenant à Mme Royer qui...

Le Président (M. Copeman): Allez-y, Mme Royer, mais en vous avisant qu'il reste deux minutes pour votre présentation.

Mme Royer (Louise): On conclut, peut-être, ou on pourra aller sur les...

M. McDonough (Brian): Peut-être si, au moment des questions... Parce que chacun pourrait aborder un petit peu plus la question des contraintes sévères à l'emploi, aussi par rapport au programme APPORT et la question des situations des familles monoparentales. Mme Royer.

Mme Royer (Louise): Et des loyers, oui. Alors, qui, hier, aurait joué le jeu du budget?

Une voix: ...

Mme Royer (Louise): Pardon?

Le Président (M. Copeman): Excusez-moi, Mme Royer, j'ai certaines indications que les parlementaires sont prêts à raccourcir un tout petit peu la période de questions afin de vous permettre de déborder un tout petit peu, si vous voulez. Alors, allez-y.

Mme Royer (Louise): O.K. Alors, je vais vous parler des craques du système, hein, les familles avec faibles revenus d'emploi participant au programme APPORT. Alors, à Côte-des-Neiges, il y a environ 12 % de la population à l'aide sociale, alors qu'il y a 41 % des ménages qui sont à faibles revenus. Je ne sais pas combien reçoivent le programme APPORT ni combien sont véritablement dans la misère, puisqu'on peut être à faibles revenus tout en vivant bien grâce à un patrimoine familial, ce que les étudiants, que certains immigrants... Mais je peux vous dire qu'il y en a beaucoup qui tombent dans les craques du système parce qu'elles ne savent pas, n'osent pas, ne comprennent pas. Il y a beaucoup de gens qui auraient droit au programme APPORT mais qui ne le demandent pas. Donc, le fait de changer ce système-là, je pense que c'est une bonne chose.

Mais, parmi ces gens-là qui vivent dans la pauvreté, beaucoup savent que quand ils sont mal pris ils peuvent toujours sonner à la porte de l'église ou encore à la porte du bureau de comté. Vous avez connaissance de ça sûrement par vos adjoints.

Alors, dans mon bureau, au sous-sol de l'église, j'ai une vue imprenable sur les craques du système. Il y a une madame qui m'arrive un après-midi, elle me demande des meubles. Je n'en ai pas. Elle raconte sa peine, la mort de son mari, le rejet de sa belle-famille. Un lien est créé. Grâce à d'heureux hasards, il y a un bon réseau qui peut lui apporter l'aide demandée: des meubles. Mais Lila n'a plus de travailleuse sociale sur qui compter. Elle a une succession à régler, une police d'assurance à mettre en ordre avant d'avoir accès à une aide gouvernementale. Après neuf mois d'efforts, Lila a régularisé sa situation. Sa santé est toujours fragile, mais elle et ses enfants sont ensemble dans un bon logement équipé et vivent en paix.

Maintenant, elle pourrait avoir accès à une travailleuse sociale si elle en avait encore besoin. Qu'est-ce qu'il serait arrivé si elle n'avait pas frappé à temps à la porte du réseau communautaire? Sa maladie se serait empirée faute de nourriture et de médicaments adéquats, ses enfants auraient été placés à la DPJ, les trois seraient malheureux et représenteraient une lourde charge pour le ministère de la Santé et des Services sociaux, et ce, pour plusieurs années à venir.

Pourquoi le système n'a-t-il pas pu offrir en temps voulu la travailleuse sociale nécessaire? Ou encore pourquoi Lila ne pouvait-elle pas compter sur la travailleuse sociale que le système pouvait lui fournir à ce moment-là? Dans le contexte de transformation des CLSC en CSSS et de décentralisation des responsabilités en développement social vers les arrondissements, est-ce que le système va être capable d'en faire davantage qu'il en fait là? Je ne suis pas sûre. Je voudrais bien m'assurer que la craque n'aille pas en s'agrandissant. C'est pourquoi je suggère que l'article 33 et l'article 36 soient modifiés ainsi: Que le ministre offre, et non «peut offrir», des mesures, programmes, services d'aide à l'emploi de même que d'aide et d'accompagnement social. Sinon, pourquoi est-ce qu'on appelle ce programme-là le programme d'aide sociale?

M. McDonough (Brian): Est-ce que vous permettriez qu'on fasse une petite intervention sur peut-être d'abord la réalité des familles monoparentales?

Une voix: Est-ce qu'on a le temps?

M. McDonough (Brian): Très brièvement.

Le Président (M. Copeman): Allez-y.

n(11 heures)n

Mme Marcelin (Françoise): Oui. D'abord, je voulais vous dire que je suis venue ici aujourd'hui à reculons. Parce que, pendant le temps qu'on en parle et qu'on vient vous présenter, qu'on vient présenter des arguments, il faut dire que, s'il y en a, des pièges ou des failles dans le projet de loi n° 57, sur le terrain, actuellement, c'est le branle-bas pour toutes les familles pour le Magasin Partage de Noël. Alors, les besoins les plus criants sont sur le terrain.

Alors, en même temps, je voulais juste vous dire qu'il y a deux choses ? je ne dirai pas tout ? qu'il faudrait considérer. Il y en a eu beaucoup d'arguments. Parce que les gens sur le terrain nous disent: Vous allez défendre quoi? On a l'impression qu'il y a un dialogue de sourds. Parce qu'il y en a, des arguments, il y en a eu. Il y en a d'autres avant moi, d'autres personnes qui sont venues en audience qui ont à peu près dit les mêmes arguments.

Ça a commencé avec Solidarité populaire Québec, en 1994, avec La Charte d'un Québec populaire, et qui disait, qui stipulait que le droit... qui parlait des droits économiques, sociaux et culturels. Et je pourrais vous dire deux en particulier: le droit à un revenu décent, garanti soit par le travail soit par les transferts fiscaux; le droit à un logement décent à prix abordable. Le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, de 1999 à 2002, jusqu'à l'adoption de la loi n° 112, a à peu près répété les mêmes choses et, dans les mesures urgentes, parlait de la couverture des besoins pour le cinquième le plus pauvre de la population.

Je pourrais peut-être vous dire quelques chiffres, du côté des jeunes, du côté des familles monoparentales. Écoutez, je vis dans un quartier que 51 % de la population sont des familles monoparentales, 46 % sont sous le seuil de faible revenu, 30 % sur l'assistance-emploi. Et le taux de locataires est de 85 %. 45 % de ces personnes dépensent... ont un revenu inférieur à 20 000 $ par année et paient 50 % de leurs revenus pour un loyer, et que le loyer moyen est de 508 $ par mois. Alors, déjà, ça trace un portrait assez précis de qu'est-ce que c'est, la réalité de ces familles-là au niveau économique. On ne peut pas vivre avec un revenu... pour une famille de deux enfants, payer un loyer, manger, payer l'électricité. Il y en a des familles qui paient 100 et quelques plus dollars d'électricité. Ce qu'il reste pour la nourriture, bien c'est très peu. Pour les vêtements, les médicaments, c'est... on en reparlera.

Alors, ce qui fait que le quartier s'est mobilisé autour des organismes qui interviennent directement en sécurité alimentaire. Malgré cette concertation par des actions locales de toutes ces organisations-là qui s'organisent bon an, mal an pour répondre aux besoins criants de ces personnes, ces organismes-là ne peuvent pas suppléer à une politique gouvernementale de lutte à la pauvreté, d'où l'importance de la loi n° 112 qui a été demandée par des milliers de personnes et que le gouvernement a votée, a accepté de voter, et c'est sur cette base-là que toutes les lois, toutes les mesures devraient se calquer.

À la base, la question est simple: un revenu insuffisant engendre la pauvreté. Là est toute la question. Est-ce que le projet de loi n° 57 va contribuer à améliorer la qualité de vie des gens? Est-ce qu'il va augmenter leurs revenus? On devrait se poser la question. Et, moi, je me dis encore: On devrait le demander aux personnes concernées. C'est une suggestion que je fais à la commission parlementaire. Peut-être, pour les futures, on devrait aller rencontrer les gens sur leur terrain. Rien de mieux que de voir pour mieux comprendre la réalité de ces personnes et de ces familles. Pas seulement pour entendre, mais aussi pour écouter ce qu'elles ont à nous dire, se laisser toucher, se poser la question avant toute décision: Si j'étais, moi, dans cette situation, comment j'aimerais être traité?

Vous savez, il y a un représentant de la Fondation Chagnon qui nous disait, à une des conférences: Vous savez, il ne faut pas blâmer les gens qui ne voient pas cette réalité-là. Quand on est en haut de la tour, notre vision est déformée, on a une vision différente. Il faut descendre sur le plancher des vaches pour bien comprendre, pour voir autre chose. C'est une invitation qu'on vous fait. Une invitation à changer aussi la façon de faire les audiences, parce qu'on peut bien venir vous raconter des choses, mais, quand vous allez voir, vous allez comprendre, parce que, derrière les chiffres, derrière les statistiques, il y a des personnes, des familles qui vivent ces réalités-là. Et, je vous le dis, si vous venez passer quelque temps avec ces 900 familles, au CAP Saint-Barnabé, qui demandent de l'aide pour la nourriture, pour les magasins de partage de Noël, pour la rentrée scolaire, les 500 familles de la Saint-Vincent-de-Paul, les 500 et plus familles du restaurant le Chic Resto Pop et qui, à tous les jours, il y en a 300 et plus de familles qui viennent manger, vous allez sûrement avoir plus de compassion puis comprendre qu'est-ce que c'est, cette réalité au quotidien.

Et il y a trois choses, en terminant. D'abord, c'est le droit à toute personne d'une couverture des besoins essentiels, ça veut dire se nourrir, se loger, se vêtir, se soigner, droit qui est reconnu par la Charte des droits, et que l'État a une responsabilité de répartir la richesse et réduire les inégalités, à protéger les citoyens puis les citoyennes les plus vulnérables et non le contraire.

Le Président (M. Copeman): Je crois qu'il faut aller directement à la période des questions, par respect pour les parlementaires. Alors, on va faire des échanges de 15 minutes maximum de chaque côté. M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président, et bienvenue aux gens de la Table diocésaine de pastorale sociale de secteur du diocèse de Montréal. Je ne peux pas laisser passer les derniers commentaires, parce que, de nous dire ou de prétendre que finalement on ne regarde que les statistiques, et qu'on ne va pas sur le terrain, et qu'on ne connaît pas ce qui se passe dans la réalité, je pense que c'est déjà un préjugé, en partant. Parce que je vous dirais là-dessus que je... Je ne veux pas parler au nom de tous mes collègues ou de tous les parlementaires, là, mais vous avez mentionné vous-mêmes qu'on en voyait beaucoup, de cas, dans nos bureaux de comté, hein, puis, moi, mon comté, j'ai 37 municipalités. J'ai la deuxième MRC la plus pauvre au Québec. Et, quand vous venez me dire que finalement on fait ça dans nos tours, derrière des statistiques, puis qu'on ne voit pas la réalité, je vous dirais que ça fait trop mal d'entendre ça pour laisser passer ça, parce que, des situations de pauvreté, on en voit à toutes les semaines.

Et je veux aussi vous rappeler que, quand vous dites: Est-ce que le projet de loi n° 57 va améliorer la situation des gens les plus démunis?, et que les gens de terrain ont une perception qui peut être différente, on vient juste d'en voir, avant vous, aussi des gens de terrain, les gens de la Fondation de Lauberivière, qui trouvaient que c'est un excellent projet de loi, qui trouvaient que c'est une bonne approche, qui trouvaient que c'est une bonne façon de faire. Alors, il y a des gens de terrain qui ont d'autres perceptions. Je respecte ça. On peut avoir des perceptions différentes, d'où on est. Mais je vous dirais qu'il faut faire très attention, des deux côtés, aux préjugés qu'on peut entretenir, autant face aux politiciens que face, je vous dirais, aux gens qui peuvent être dans des situations de pauvreté.

L'autre chose que je veux vous mentionner: Quand vous dites que le projet de loi n° 57, est-ce qu'il va améliorer le revenu des familles ou le revenu des gens... Il ne faut pas prendre le projet de loi n° 57 uniquement. Vous mentionnez que vous voulez voir le projet de loi sur Soutien aux enfants et Prime au travail. Il est déposé. C'est une loi fiscale. Parce que l'ensemble du gouvernement est derrière le plan de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale, et mon collègue du Revenu, c'est sa responsabilité, les lois fiscales. Et il y a un programme, entre autres, comme... Vous mentionniez tantôt les défaillances du programme APPORT, mais il y a le programme Prime au travail qui, au lieu de toucher seulement à 30 000 personnes environ ? parce que le programme APPORT, plus ça allait, c'était tellement compliqué, il y a moins de gens qui y avaient accès, ou qui y avaient recours, ou qui l'utilisaient, ce programme-là ? c'est 535 000 personnes qui auront droit à la nouvelle Prime au travail, qui sera plus simple, universelle. Alors, je veux qu'on soit bien prudent là-dedans.

L'autre chose, avant d'aller plus loin, je dirais que... Vous parlez d'indexation. Je comprends. Je l'ai mentionné aux groupes précédents aussi, mais ce n'est pas vrai que, dans cette commission parlementaire là, on va venir se faire faire des leçons par les gens d'en face, qui n'ont pas indexé pendant quatre ans. C'est sûr que ce n'est pas compliqué à calculer, l'indexation, quand c'est zéro, plus zéro, plus zéro puis plus zéro. On a la volonté d'indexer, on l'a dit dans le plan de lutte à la pauvreté, et on va regarder si on ne peut pas faire mieux d'année en année. On va le faire. Mais ce n'est pas vrai que c'est les gens d'en face qui vont venir nous dire... ou nous faire des grandes leçons de morale sur l'indexation, qu'ils ont été quatre ans sans indexer. Franchement, on aura tout entendu ici, là!

n(11 h 10)n

L'autre point important que je veux ramener aussi, j'aimerais bien ça savoir... Vous avez un préjugé, je pense, favorable à la prime à la participation. Au départ, vous trouvez que ce n'est pas mauvais. Non? Vous avez un préjugé défavorable? O.K. Bon, ça, c'est un point. Mais j'ai été un peu surpris de voir les gens d'en face tantôt, sur prime à la participation... J'aimerais ça savoir s'ils sont d'accord ou pas aussi avec prime à la participation. Parce qu'en commission parlementaire on peut laisser croire plein de choses, mais, comme on dit, c'est dans le «crunch» qu'on voit les vraies affaires. Et, autant sur l'indexation que sur prime à la participation, je voudrais bien voir ce qu'ils en pensent. Je ne serais pas surpris qu'ils soient contre prime à la participation. Ils ont coupé les barèmes de participation dans le temps qu'ils étaient là. Mais, sur prime à la participation, là, oui, je veux vous entendre, parce que vous me faites signe que oui, puis madame fait signe que non. Alors, j'aimerais bien voir c'est quoi, votre position là-dessus.

Et je veux rétablir un dernier fait avant d'avoir des questions sur prime à la participation. C'est en ce qui a trait à ce que vous mentionnez à votre point 3, quand vous dites: «L'établissement [...] d'une prestation minimale qui couvrirait les besoins essentiels et qui serait protégée de toute coupure ou saisie, y compris les loyers, tel que prévu par l'alinéa 2 de l'article 15.» L'alinéa 2° de l'article 15 parle d'introduire le principe d'une prestation minimale, et je vous dirais, pour la courte histoire, on voulait aller plus loin quand ça a été adopté. Mon collègue de Laurier-Dorion, Christos Sirros, avait amené un amendement en Chambre pour faire voter, pour nous assurer que le barème plancher serait au minimum à ce qu'on a actuellement. Les gens d'en face ont voté contre, puis aujourd'hui ils viennent nous faire des leçons sur le barème plancher, puis tout ça. Mais, juste pour vous dire, on parlait à ce moment-là... et, dans le projet de loi n° 112, on parle d'une prestation minimale. Le mot «couvrir des besoins essentiels» n'est pas là. Je ne vous dis pas que ce n'est pas un idéal à atteindre, mais je veux juste qu'on place les choses dans leur perspective avant d'aller plus loin.

Et, justement, les premiers points que je veux soulever avec vous, c'est en ce qui a trait à prime à la participation. Moi, prime à la participation, là, je ne veux pas que ce soit compliqué. Si j'étais arrivé ici puis j'avais dit: Prime à la participation, c'est ça, c'est ça, c'est ça, point final, là tout le monde aurait dit: Mais ça n'a pas de bon sens. Vous ne voulez pas écouter. Pourquoi vous faites cet exercice-là? Puis ça ne donne rien, puis on n'est pas écoutés, puis on n'est pas entendus. Je mets prime à la participation sur la table, je dis: Regardons ensemble comment on peut l'élaborer. Et là les gens me disent: Bien, il n'y a pas assez de détails, c'est épouvantable, on ne sait pas où vous voulez aller avec ça. Puis les gens d'en face disent: Bien, là, on n'est plus trop d'accord. On ne sait pas. On va peut-être... On voudrait dans le fond que vous l'enleviez. Moi, je vous dis, là, je veux qu'elle demeure, prime à la participation. Puis on a eu un beau témoignage des gens avant vous aussi sur l'importance de reconnaître parfois les efforts que les gens font.

Oui, vous allez l'avoir, la question, ce ne sera pas long. Alors, je veux savoir, sur prime à la participation, êtes-vous pour? Êtes-vous contre? Et de quelle façon on peut mettre ça en place, prime à la participation, de façon simple, pour aider les gens et encourager leur participation?

M. McDonough (Brian): Dans le principe, prime à la participation est une idée très intéressante et doit être reconnue comme telle. Par contre, nous sommes conscients de certains dangers, certains pièges. D'abord, je pense que, nous tous, nous reconnaissons l'importance de reconnaître la contribution des personnes en situation de pauvreté dans leurs groupes communautaires, dans leur travail, pour assurer un développement social de leur milieu. Et que le gouvernement veuille reconnaître ça avec une prime de participation, je trouve que c'est louable.

Par contre, là où on voit certaines difficultés, c'est que ça voudrait dire que certaines personnes, par exemple, qui pourraient participer bénévolement dans des activités de tel ou tel groupe pourraient peut-être toucher cette prime, mais, s'ils participent dans les activités d'un autre réseau, il n'y aura pas de prime. Ça, c'est un petit peu une inquiétude. Bon, Mme Royer avait porté à mon attention le fait que... Par exemple, si quelqu'un participait dans les activités de l'église, de la paroisse, est-ce que la personne aurait accès à cela? Voyez-vous, il faut faire peut-être un peu plus de travail pour distinguer. Et c'est lié tout à fait aussi à la politique d'action communautaire. Il y a certaines questions qui méritent d'être revues.

M. Béchard: Oui, mais c'est exactement ce qu'on fait ici. J'attends des propositions. J'attends que vous me disiez est-ce que ça vaut la peine, oui ou non, que, comme vous venez de le mentionner, des gens qui s'impliquent dans leur église, en pastorale, ils aient accès ou pas à ce genre de prime là. J'attends vos suggestions. J'ai de la misère à croire qu'on peut être contre quelque chose qu'on est en train d'élaborer. Aidez-moi à l'élaborer. En fin de journée, on aura un meilleur programme, une meilleure prime, qui touchera plus de monde.

Mme Royer (Louise): Est-ce que je peux?

Le Président (M. Copeman): Mme Royer, allez-y.

Mme Royer (Louise): On remet en cause la séparation entre des contraintes plus ou moins temporaires puis plus ou moins sévères à l'emploi. Puis, l'idée qu'il y a en arrière, c'est toujours le travail qu'on rémunère, et le travail, ou la participation, ou l'allocation, dès qu'on veut la rémunérer, il faut la normer, il faut inclure et non exclure. Le bénévolat ne devient plus du bénévolat mais une façon de participer à la société, d'avoir accès à des allocations. C'est difficile.

Moi, je trouve ça assez délicat, gérer ces choses-là, quand ça arrive dans le pratique et dans le concret. Bon, des bénévoles dans les paroisses, il y en a beaucoup. Est-ce qu'on va commencer à faire deux classes de bénévoles? Quand ils sont en paroisse, on ne sait pas... Ils sont là comme... C'est un des seuls lieux où on ne les classe pas comme à l'aide sociale ou pas à l'aide sociale, ils sont participants dans l'église. Mais là est-ce qu'il va falloir, à ce moment-là, être au courant, il va falloir... C'est quoi, là? Comment ça... Enfin...

M. Béchard: Donc, s'il y a prime...

Mme Royer (Louise): Alors, je pose des questions sur ce fondement même de la loi qui est... si le travail, ou essayer de travailler, ou toute forme de travail ou d'activité devrait être rémunéré.

M. Godbout (François): Un petit mot, juste un petit mot, juste rapidement. Avant de rentrer en pastorale sociale, M. le ministre, j'ai été... j'ai été 15 ans en entreprise d'insertion et employabilité de jeunes. Et le problème ici, je pense, c'est d'articuler la question de la dignité, de la fameuse estime de soi, dont parlait le monsieur avant nous, aux questions des besoins essentiels aussi. C'est là que pourquoi, si c'est bon, une prime de participation, pour l'estime de soi, pourquoi ce n'est pas bon de relever l'aide sociale de toute la population, tu sais?

Moi, ce que je disais à mes collègues avant de... un court mot que je peux dire que... témoigner de ce passé d'expérience là, puis d'autre monde de ce milieu-là ? puis vous avez rencontré le collectif d'insertion pour la loi n° 112 il y a deux ans ? essentiellement, ce qu'on fait, c'est travailler à l'estime de soi, dans l'insertion sociale, c'est ça qu'on fait. Et il y a des mesures, comme participation, qui peuvent être des carottes intéressantes, M. le ministre. Mais il y a des mesures de macroéconomique qu'on touche tous les assistés sociaux. Si notre gouvernement donne signal qu'il attaque tous les assistés sociaux comme des paresseux ou des gens qu'on ne peut pas indexer, je veux dire, ça, ça a un impact sur l'estime de soi, aussi. Alors...

Et je salue les entreprises d'insertion et de... On a obtenu le salariat. Donc, quand on travaille en entreprise d'insertion, on a droit au Code du travail, on a droit de recours, on a droit... Donc, ça, c'est très, très fort pour l'estime de soi aussi et ça réussit. Donc, c'est peut-être intéressant comme bonbon, la prime de participation, puis on peut la regarder, mais, moi, pour ma part, il y a des mesures beaucoup plus importantes à faire justement qui touchent l'estime de soi de toute une population dans le moment. Et c'est ça.

Pour ma part, je pense que c'est un magnifique désastre, puis qu'ensemble une bonne façon de faire l'estime de soi... Oui, comme citoyen, je pense qu'une bonne manifestation, le 20 novembre, ça va vraiment, vraiment travailler notre estime de soi, et j'y serai, pour ma part, avec des gens qui de plus en plus croient qu'il faut qu'on travaille avec les personnes les plus appauvries de notre société. Pour moi, j'aurais honte qu'on ne soit pas là samedi matin. Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vimont.

M. Auclair: Merci beaucoup. Messieurs, madame, bonjour. Mesdames. Dans votre présentation, vous considérez qu'il y a une division arbitraire au niveau de l'aptitude présumée du travail. Vous vous arrêtez à ça. D'autres groupes avant vous sont venus nous dire qu'il y a une certaine division par rapport à cette approche-là. Pour avoir rencontré sur le terrain les agents qui, eux autres, traitent avec les dossiers, pour eux, la facilité et le respect des gens justement sur leur réalité, que ce soit une réalité pour une personne handicapée ou les contraintes sévères, ce n'est pas le même traitement. On ne peut pas continuer à harceler... Dans le fond, c'est le sentiment qu'ils ont, d'être harcelés à tous les mois, parce que leur situation, c'est une situation qui est permanente, qui ne changera pas.

Donc, dans un objectif de simplification, vous considérez que le fait d'amener des programmes distincts devient un étiquetage, tandis que dans la réalité ce n'est pas vrai qu'une personne qui a des contraintes sévères devrait être traitée de la même façon, comme un jeune doit avoir des programmes particuliers. Donc, il faut faire attention dans l'approche. C'est sûr que, si vous considérez qu'on met une étiquette, bien, là, il y a une erreur, parce que ce n'est pas étiqueter. C'est pour justement être capable d'avoir des programmes qui vont s'appliquer et répondre aux réalités de chacun. On veut éliminer justement l'approche mur à mur puis arriver à une approche beaucoup plus personnalisée ou plus distincte en faisant un traitement différent.

n(11 h 20)n

Mais j'aimerais avoir un petit peu plus. Est-ce que vous considérez vraiment que c'est générateur de préjugés? Et les groupes qu'on a rencontrés, les groupes de personnes handicapées, eux autres, n'ont pas considéré ça comme un préjugé, dans le sens que, si on s'adresse vraiment à leurs besoins, ils n'en ont pas, de problème, eux autres, avec cette réalité-là. Et vous semblez en avoir un.

Mme Royer (Louise): La question ne se pose pas pour les personnes pour qui c'est clair, «contraintes sévères à l'emploi permanentes», c'est sûr. La question se pose quand on est sur la ligne. Est-ce que c'est sévère? Est-ce que c'est permanent? C'est plus avantageux que ce soit sévère et permanent pour la personne, mais en même temps c'est sûr qu'elle entre dans une dynamique d'où elle ne pourra pas jamais sortir après. Alors, c'est ça. La distinction, nous, on... C'est certain que... bien c'est la base. Quand on est parti puis qu'on construit sur cette base-là, bien c'est sûr qu'on arrive à un moment où, oui, il y a un programme de solidarité sociale puis il y a un programme d'aide sociale. Là, on n'a plus... Mais, si on change de base, là, ça peut changer aussi de façon. Mais c'est sûr, comme ce que vous apportez, à partir du moment où on est sur cette base-là, c'est sûr qu'il faut aller au bout de la logique.

Le Président (M. Copeman): Ça va? M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, de solidarité sociale et de la famille.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, merci. Bonjour, mesdames, bonjour, monsieur. Bonjour, monsieur. On vous voit à peine, là. Ça va. M. le Président, je vais poser peut-être une couple de questions, puis ensuite mon collègue de Gouin aimerait poser une question à propos de l'article 53 à Mme Barrera, qui n'a pas encore eu l'occasion de s'exprimer. J'aimerais voir un tout petit peu plus en profondeur avec vous, mais je pense avoir saisi l'essentiel du message quelque part, là. C'est que dans le fond ce que vous dites, c'est que, la prime à la participation, dans le fond, si c'est pour compenser un manque ou une faiblesse de la prestation qui ne viendrait pas couvrir les besoins essentiels, vous trouvez que ce n'est pas un moyen d'y répondre, parce que ça ne couvre pas, d'abord, l'ensemble de la population; il y a très peu de personnes, sur l'ensemble de la population, qui pourraient y avoir accès. Éventuellement, même si on atteignait 30 %, 37 %, 40 %, 50 %, il nous manquerait encore 50 % des gens, pour qui la prestation serait insuffisante. Donc, il ne faut pas compter sur la prime à la participation pour combler des lacunes ou des manques d'une prestation de base. Est-ce que j'ai bien saisi votre...

M. McDonough (Brian): C'est important qu'il y ait une sorte de reconnaissance publique et collective du travail fait au plan bénévole. Est-ce que c'est l'idéal d'avoir accordé une prime, et surtout une prime de participation, pour suppléer au manque de respect des besoins essentiels? Ça, il y a un problème avec cela. Et, pour nous aussi, dans l'application justement de cette mesure-là, on peut voir de grandes difficultés à la base, des problèmes non seulement en créant des catégories de bénévoles ? et ça, dans notre contexte de vie de paroisse, bien ça peut causer infiniment de problèmes ? mais aussi ça donne un message par rapport à certains bénévoles qui reçoivent quelque chose. Pourquoi? Ça va miner l'essence même du bénévolat.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, je tiens tout simplement à faire la remarque qu'une approche comme celle que nous annonce la loi fiscale sur la demi-indexation au coût de la vie des prestations rapporte au gouvernement grosso modo 24,3 millions par année, selon les calculs que nous avons faits. Comme par hasard, le montant dont dispose le ministre pour la prime à la participation avoisine ce montant-là pour cinq ans. Alors, si vous faites cinq fois 23 millions, là, vous arrivez à peu près au montant dont dispose le ministre pour la prime à la participation, ce qui... Bien, à peu près. Alors, ça voudrait dire dans le fond que... ce que vous proposez au ministre... Et je pense que le ministre est en train d'étudier une voie de corriger cette intention-là, là, de son gouvernement. Ce que vous dites au ministre, c'est: il vaut mieux indexer la prestation. C'est au moins une reconnaissance minimale d'un droit à s'ajuster, d'une façon encore tout à fait incomplète, vis-à-vis des besoins essentiels et des coûts de la vie, mais il devrait y avoir un effort consenti beaucoup plus important sur le relèvement aussi des prestations. Et l'élimination des catégories, pour vous, représente une stratégie, c'est-à-dire que tout le monde ait le même...

M. McDonough (Brian): ...certainement notre position. Nous souhaitons l'indexation des prestations au coût de la vie et puis une amélioration.

Mais, ceci dit, là, ce qu'on a trouvé positif dans le projet de loi, c'est la reconnaissance de la participation des gens à la vie économique. Est-ce qu'on doit, je veux dire, reconnaître ça avec une prime? On voit des pièges avec ça. Mais il semblerait que de loin la meilleure approche serait vraiment d'améliorer la prestation pour répondre aux besoins sociaux.

Mme Barrera (Isabel): Oui. Moi, j'aimerais vous parler de mon expérience, d'après mon expérience sur le terrain. Ça fait 10 ans que j'interviens auprès des personnes les plus démunies du quartier Villeray. Et, dans Villeray, il y a 76,1 % de résidents qui sont locataires. Et à toutes les semaines, à toutes les semaines je rencontre des centaines de familles ou de personnes seules qui viennent au comptoir alimentaire, au sous-sol de l'église, pour une demande d'aide alimentaire. Nous constatons qu'après avoir payé leur loyer et leurs comptes il ne leur reste presque rien pour la nourriture. Alors, vous voyez bien que ce n'est pas un problème de mauvaise gestion du budget personnel mais de revenus insuffisants et de coût trop élevé du loyer. Cette situation de pauvreté oblige les personnes à fréquenter des banques alimentaires pour se nourrir. C'est inacceptable. C'est les revenus qu'il faudrait monter pour tous les prestataires de l'aide sociale pour améliorer leur condition.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Gouin.

M. Girard: Merci pour votre présentation. J'aimerais vous entendre sur l'article 53, là, du projet de loi n° 57. Dans cet article, le ministre veut permettre la possibilité de saisir une partie du chèque d'aide sociale pour le non-paiement de loyer par les prestataires de la sécurité du revenu. Vous ne trouvez pas que les gens à l'aide sociale sont déjà suffisamment démunis? Vous ne trouvez pas que c'est une forme d'acharnement supplémentaire sur ces personnes-là que de saisir une partie du chèque d'aide sociale?

Et vous faites référence, dans le document qu'on nous a remis aujourd'hui, où vous indiquez qu'à votre avis l'article 53 du projet de loi est discriminatoire et contraire à la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. J'aimerais vous entendre sur cet article.

Mme Barrera (Isabel): Oui. Effectivement, l'article 53 du projet de loi n° 57 est discriminatoire et contraire à la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. En voici quelques conséquences sur les locataires prestataires. Encore une fois, on met sur le dos des prestataires la responsabilité d'un manque de politique publique répondant aux besoins essentiels, comme le logement. L'article 53 nie les causes de la pauvreté et de l'incapacité de payer le loyer que rencontrent de nombreux locataires. L'article 53 augmente la discrimination envers les personnes assistées sociales. L'article 53 augmente les préjugés à l'égard des gens à l'aide sociale en laissant entendre qu'ils sont de mauvais payeurs. L'article 53 viole les chartes canadienne et québécoise des droits de la personne. L'article 53 nie que le logement est un besoin essentiel et va à l'encontre de la reconnaissance du droit au logement. L'article 53 porte atteinte à la vie privée des locataires. L'article 53 restreint plusieurs droits et recours des locataires. L'article 53 nie les causes de l'incapacité de payer le loyer, etc.

n(11 h 30)n

Mme Marcelin (Françoise): Moi, je dis que l'article 53, bien que le ministre a dit précédemment qu'il pensait ne pas l'appliquer... J'ai comme entendu ça. Ce serait déjà une bonne chose. Mais je pense que cet article-là ouvrirait la porte toute grande et donnerait un chèque en blanc aux propriétaires, qui déjà ont des demandes assez spécifiques pour la location d'un logement, demandent aux gens leur numéro d'assurance sociale, leurs revenus, le numéro de leurs comptes en banque, etc. Et la question de la vie privée n'est pas protégée nécessairement. Alors, déjà, ils ont des pouvoirs exponentiels. Alors, cet article-là viendrait finalement leur ouvrir la porte toute grande. Déjà, on disait, dans le projet de loi n° 57, qu'il ne fallait pas saisir... l'aspect insaisissable finalement de la prestation. Et là on dit aux propriétaires: Allez-y. Vous pourriez les saisir finalement, ces montants-là. Alors, déjà les gens ont de la difficulté à arriver; si un propriétaire est capable de saisir la totalité du montant de la prestation, alors, moi, je trouve que c'est extrêmement grave. Bien que M. le ministre a dit que non, on pense que c'est un pas dans la bonne direction.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Oui. Bien, j'aimerais revenir sur cette question des catégories et en même temps sur la question de la couverture des besoins essentiels et du relèvement des prestations. J'ai cru voir tout à l'heure, dans la réaction de Mme Royer, qu'elle avait quelque chose à ajouter là-dessus. Ce qui m'importe pour le moment, c'est de voir jusqu'à quel point 57 rencontre la loi n° 122 là-dessus. Et il y a différentes opinions, là. Il y a des gens qui disent: Bon, bien, la loi n° 112 ne prévoyait pas une couverture des besoins essentiels, la prestation minimale n'était pas définie dans ces termes-là, et le ministre invoque l'article 15 à cet effet-là.

Par ailleurs, si on lit l'article 9, paragraphe 1°, on trouve ceci: «Les actions liées au renforcement du filet de sécurité sociale et économique doivent notamment viser à: 1° rehausser le revenu accordé aux personnes et aux familles en situation de pauvreté, en tenant compte notamment de leur situation particulière et des ressources dont elles disposent pour couvrir leurs besoins essentiels.» C'est comme si, dans le fond, le législateur avait été unanimement sage à l'époque pour utiliser deux articles de la loi afin de définir l'esprit dans lequel on devait approcher la question de la prestation. Alors, est-ce que vous avez quelque part une réflexion à ce sujet-là?

Mme Royer (Louise): Bon. Une réflexion... C'est sûr que, pour moi qui étais dans... la loi n° 112, quand elle a été adoptée, c'était une fête. Que l'Assemblée nationale au complet nous lance ce signal-là qu'on veut lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, c'était une joie parce que c'est nouveau dans notre esprit comme collectivité qu'on peut éliminer la pauvreté, hein? Juste ça, c'est comme éliminer l'esclavage; un bout de temps on pensait que ça ne se pouvait pas, il y en avait toujours eu, mais là on se dit: Oui, on pourrait éliminer la pauvreté. Mais là on arrive avec le projet de loi n° 57, puis c'est comme si on dédisait ce qu'on avait dit avec la loi n° 112. Bien, moi, je le vis comme ça à la base. Mais, pour aller dans le détail des articles, le 9, 1°, le 15, 2°, là...

M. McDonough (Brian): Évidemment, il nous semble que l'article 15 nous orientait dans la bonne direction, et il me semble qu'il y a encore un travail important à faire. Et c'est pourquoi non seulement nous, qui travaillons avec des groupes à la base, nous sommes près des personnes en situation de pauvreté, mais nous trouvons que nous devons non seulement respecter l'esprit de l'article 15, mais aller plus loin. Encore, la question de reconnaître les besoins essentiels, pour nous, est un incontournable.

Ce que je voudrais souligner aussi, c'est qu'on ne comprend pas comment pénaliser les gens indirectement en leur donnant peu de moyens peut vraiment les inciter au travail. Je me souviens qu'il y a eu des études qui ont été faites, il y a quelques années, qui faisaient justement l'analyse des mesures pour inciter, et puis on avait vu que ce n'était pas ça qui conduit les gens à trouver du travail. Ce n'est pas en leur mettant une pression financière, en ne pas reconnaissant leurs besoins essentiels que les gens trouvaient un emploi, les études n'indiquaient pas cela. Et c'est pourquoi il me semble que, si on peut vraiment prendre le virage qui s'impose, là, je crois vraiment qu'on pourra donner, équiper les gens pour vraiment contribuer à leur façon au développement de la société québécoise.

Le Président (M. Copeman): M. le député.

M. Bouchard (Vachon): Je vais vous poser, je pense, une question très difficile. Mais, vous avez un certain nombre de recommandations, j'en compte six, si vous aviez à mettre en priorité ces recommandations, à supposer que quelque part il y a un effort de la part du gouvernement à rencontrer un certain nombre de vos souhaits, quelle serait la recommandation sur laquelle vous insisteriez davantage?

M. McDonough (Brian): Je crois que, si vous nous demandiez à chacun, là, peut-être que vous auriez peut-être un listing différent. Mais, moi, il me semble que le 3 est extrêmement important. Il faut vraiment qu'on établisse, et idéalement, justement, dans le titre du chapitre qui aborde cette question-là, la prestation minimale. Il me semble que ça, c'est central. Est-ce que je...

M. Bouchard (Vachon): Oui, mais...

M. McDonough (Brian): Je crois qu'il y a un consensus.

M. Bouchard (Vachon): Mais, la façon dont je lis votre recommandation 3, c'est que vous tentez, je pense, d'infléchir l'approche qui nous est proposée, à deux niveaux, c'est-à-dire, d'une part, vers les relèvements de prestations, mais en même temps vers l'abolition des catégories.

M. McDonough (Brian): ...qu'il y a un lien, là.

M. Bouchard (Vachon): O.K.

M. McDonough (Brian): Oui, c'est ça. Mais il me semble que la première phrase est vraiment le coeur de notre demande, là, vraiment: qu'on puisse établir la prestation minimale qui couvrirait les besoins essentiels.

M. Bouchard (Vachon): Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): M. McDonough, M. Godbout, Mme Royer et Mme Marcelin, Mme Barrera, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Table diocésaine de pastorale sociale de secteur du diocèse de Montréal.

J'invite maintenant les représentants de l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées à prendre place à la table. Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 37)

 

(Reprise à 11 h 40)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'AQRIPH, l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées. Mme Lamirande, bon matin. Vous connaissez nos règles de fonctionnement: vous avez une période maximale pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange de plus ou moins 20 minutes de chaque côté de la table avec les parlementaires. Je vous invite à présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

Alliance québécoise des regroupements
régionaux pour l'intégration
des personnes handicapées (AQRIPH)

Mme Lamirande (Cyd): Je vais peut-être demander à Mme Morin de faire la présentation, si vous le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Bien sûr. Alors, Mme Morin, allez-y.

Mme Morin (Hélène): Bonjour. Alors peut-être préciser, avant de commencer, que Mme Tremblay, qui est la coordonnatrice de l'AQRIPH, devait être ici ce matin, mais elle a des contraintes familiales majeures qui ont empêché qu'elle soit là.

Il y a un document qui circule, je crois, et qui donne de l'information sur notre groupe, qui est l'AQRIPH.

Alors, bonjour, M. le Président, M. le ministre, MM., Mmes les députés, messieurs dames. Merci d'accepter de nous entendre. Alors, je vais d'abord nous présenter: Mme Cyd Lamirande, qui est de la région Kamouraska? Rivière-du-Loup?Témiscouata?Les Basques; M. Mathieu Noël, qui est de la région de Montréal, pour le secteur de la déficience physique et sensorielle; et moi-même, Hélène Morin, qui est de la région de Montréal, secteur déficience intellectuelle, et je suis aussi un parent d'une personne qui a une déficience intellectuelle.

Alors, nous venons de regroupements régionaux d'organismes de promotion, communément appelés les RROP, et représentons l'AQRIPH, qui est composée de 19 RROP qui, eux-mêmes, regroupent 350 organismes de base qui couvrent l'ensemble du Québec, les lieux urbains, semi-urbains et ruraux. L'AQRIPH travaille principalement sur les dossiers qui touchent l'inclusion des personnes handicapées en faisant la promotion des intérêts et la défense des droits de ces personnes et de leurs familles.

Nous avons étudié ce projet de loi en fonction de la situation et des besoins des personnes que l'AQRIPH représente et, précisons-le, dans la perspective d'accommoder le plus grand nombre de ces personnes.

Avant de commencer comme tel, on voudrait rappeler certains chiffres sur les personnes qui ont des limitations fonctionnelles au Québec. Vous trouvez ces chiffres-là en pages 7-8 de notre mémoire.

Dans un premier temps, selon l'enquête québécoise sur la limitation d'activité, en 1998, il y avait 1 086 000 personnes handicapées, c'est-à-dire 15 % de la population du Québec. Plus du quart des familles ayant un enfant handicapé sont des familles monoparentales. Seulement 27 % des personnes handicapées étaient en emploi en 1998, comparativement à 58 % pour la population en général. Selon un rapport récent du Conseil national du bien-être, un adulte seul qui a un handicap et qui est prestataire de la sécurité du revenu reçoit 9 714 $ par année, ce qui constitue à peine 49 % du seuil de faible revenu.

Ces chiffres montrent clairement que les limitations fonctionnelles ont des conséquences sur le statut socioéconomique des ménages et que la pauvreté touche sérieusement les personnes handicapées et leurs familles. Celles-ci sont à risque élevé d'être pauvres à vie. Et je passe maintenant la parole à Mathieu Noël.

Le Président (M. Copeman): M. Noël.

M. Noël (Mathieu): Bonjour. Donc, l'AQRIPH ne peut appuyer le projet de loi sur l'aide aux personnes et aux familles. Pour qu'on puisse l'appuyer, il faudrait, d'une part, que les mesures proposées au titre du Programme de solidarité sociale soient intégrées au Programme d'aide sociale et que, d'autre part, nous ayons l'assurance que les personnes handicapées aient accès aux mêmes services que les autres bénéficiaires. Le tout devrait être accompagné de mesures d'accommodement.

Pour l'AQRIPH, le projet de loi n° 57 est donc inacceptable. Pour qu'il soit acceptable, il faudrait respecter les conditions suivantes:

1° que le projet de loi soit inclusif, c'est-à-dire qu'il s'adresse à l'ensemble de la population et que les mesures qu'on y propose soient accessibles aux personnes ayant des incapacités;

2° que le projet de loi contienne des dispositions afin que le droit à l'accommodement soit respecté. En effet, les CLE ne sont pas toujours prêts à accueillir des personnes handicapées, donc il y a souvent des locaux inaccessibles, l'absence de moyens alternatifs de communication et un manque de formation du personnel, etc.;

3° il faudrait que le projet de loi considère la  thématique «personnes handicapées» comme une thématique sociale et non pas de la limiter à une conception médicale;

4° que le projet de loi respecte les 15 grandes orientations de la politique À part... égale. On les retrouve d'ailleurs aux pages 12 et 13 de notre mémoire; et enfin,

5° que le projet de loi prenne en compte la compensation financière des limitations fonctionnelles. Rappelons que le Conseil des ministres a décidé, en 1988, d'accepter le principe de la compensation des conséquences financières des limitations fonctionnelles dans la détermination de l'aide matérielle.

Je vais donc passer la parole à Mme Cyd Lamirande pour les modifications ou les bonifications qu'on demande au projet de loi.

Le Président (M. Copeman): Mme Lamirande.

Mme Lamirande (Cyd): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Tout d'abord, je reviens un petit peu sur un élément que Mathieu a soulevé tout à l'heure, c'est-à-dire que nous, ce qu'on veut, c'est que le projet de loi soit un projet inclusif, pas qu'on fasse encore des mesures exclusives, où il y aura des mesures particulières pour les personnes handicapées. Il faut bien s'entendre que cette demande-là est aussi basée sur le fait qu'il faut tenir compte des besoins particuliers des personnes. Une personne qui a des limitations a des besoins particuliers, non pas des privilèges, mais des besoins particuliers. Donc, on veut vraiment que le projet de loi soit inclusif et voie la personne dans l'ensemble, dans sa globalité et dans la globalité de ses besoins.

Ce qu'on veut aussi, c'est qu'on reconnaisse que les parents peuvent avoir des contraintes temporaires à l'emploi, les parents qui ont non pas juste un enfant handicapé, mais qui vivent avec une personne handicapée. On peut parler de jeunes adultes qui ne sont pas présents sur le marché de l'emploi, qui sont encore à la maison. Ces parents-là ont des contraintes temporaires à l'emploi parce qu'ils doivent encore superviser ou fournir une assistance à cette personne-là. Donc, on ne limite pas la notion de contraintes temporaires à un enfant mais bien à une personne qui a des limitations.

D'autres éléments qu'on voulait soulever aussi, et j'ai déjà d'ailleurs rencontré M. le ministre à cet effet-là, c'est la question du programme Contrat d'intégration au travail. C'est, toutes mesures confondues, un des programmes ou une des mesures les plus performantes d'Emploi-Québec à l'heure actuelle au niveau de l'intégration des personnes handicapées. On ne se le cache pas, c'est la mesure qui permet aux personnes qui ont des limitations d'accéder au marché de l'emploi. Depuis quelques années déjà, on a des problèmes majeurs dans le Contrat d'intégration au travail. Juste l'an dernier, il y a neuf régions sur 17, au Québec, qui ont manqué de fonds pour les contrats d'intégration au travail. On parle de listes d'attente... je vous parle de mon coin, je vous parle du Bas-Saint-Laurent: l'année passée, on avait 80 personnes pour qui on avait trouvé des employeurs mais qui n'ont pas pu accéder à un emploi faute de fonds dans le Contrat d'intégration au travail.

Le Contrat d'intégration au travail, aussi, il y a une question de budget. Ça prend des sous, il faut injecter des fonds dans ce programme-là, c'est très, très clair. Il faut aussi tenir compte de l'historique et des besoins de la clientèle, et non pas seulement de données populationnelles, pour répartir l'enveloppe. On ne dit pas: Déshabillez Paul pour habiller Jean. Ce n'est pas ça qu'on dit. On dit: Il y a des régions qui ont des besoins; il faut se baser sur les personnes et non pas sur des chiffres.

Encore un exemple: le Bas-Saint-Laurent. On a, en tenant compte de l'ensemble de variables, à peu près 3,9 % de la population ? pondéré ? au Québec, mais on utilise 10 % du CIT. Pourquoi? Parce qu'il y a des services spécialisés de main-d'oeuvre, il y a eu de la sensibilisation auprès des employeurs qui a été faite. Donc, notre région, et comme beaucoup d'autres d'ailleurs, sont très performantes à ce niveau-là, mais elles sont pénalisées parce que la répartition de l'enveloppe se fait sur des données populationnelles et non sur l'historique et les besoins des gens.

Donc, ce qu'on dit, on ne demande pas de changer la mesure CIT, on demande qu'il y ait des sous d'ajoutés et qu'on la considère... Et, ça, je sais qu'il y a eu des efforts de faits dans ce sens-là, au niveau de la révision du programme CIT, de le considérer non pas comme un subvention salariale, mais bien comme une mesure d'accommodement. Ce n'est pas de subventionner la non-productivité des personnes, c'est de leur permettre d'avoir les ressources nécessaires pour intégrer, ou réintégrer, ou encore se maintenir sur le marché de l'emploi.

n(11 h 50)n

L'autre élément sur lequel on veut insister, c'est le programme de centres de travail adapté. Là on parle, dans le cas des CTA, des personnes qui sont productives mais non compétitives sur le marché régulier de l'emploi. On sait que l'Office des personnes handicapées a fait une demande formelle de 7,5 millions de dollars pour assurer la consolidation des CTA déjà en place mais aussi le financement de nouveaux projets. D'ailleurs, M. le ministre doit être au courant qu'il y a un projet de CTA dans sa circonscription, entre autres au Témiscouata.

On parle là de mesures qui vont permettre aux personnes d'accéder à un premier emploi et, pour certaines d'entre elles, même plusieurs, vont permettre de leur fournir un tremplin vers le marché régulier. Donc, c'est vraiment un coup de pouce qu'on veut donner aux gens pour leur permettre d'atteindre un emploi, parce qu'entre vous et moi on sait très bien qu'aujourd'hui le statut social est beaucoup lié au fait d'occuper ou non un emploi, ce qui ne fait souvent que faire perdurer la notion que les personnes handicapées reçoivent des privilèges, ce qui à notre sens n'est pas le cas.

Donc, ce sont les mesures particulières que, nous, on voulait vous souligner. On a beaucoup d'autres recommandations dans notre mémoire, mais on voulait vraiment mettre l'accent sur celles-là parce qu'elles nous semblent être les plus importantes, et c'est un petit peu là-dessus, là, vraiment qu'on voulait mettre l'accent aujourd'hui.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Mme Morin, allez-y, oui.

Mme Morin (Hélène): Je vais terminer avec un point sur les stages perpétuels. C'est un peu le nom qu'on a donné à cette formule-là. C'est un point délicat à soulever, parce qu'on doit vous dire que ça ne fait pas le consensus, là, dans le milieu associatif. C'est quelque chose qui touche des milliers de personnes handicapées au Québec. On en parle à la page 28 de notre mémoire, c'est des personnes qui ont une déficience souvent intellectuelle mais aussi physique et qui travaillent au sein d'entreprises de toutes sortes sans jamais recevoir de salaire si ce n'est qu'une allocation de fréquentation de 4,36 $ par jour. Si elles ne sont pas compétitives, on peut toutefois dire qu'elles sont quand même productives, ces personnes-là. Alors, on se pose la question: Est-ce qu'on n'est pas en présence d'une certaine forme d'exploitation?

Nous avons déjà fait état de cette situation lors de la commission parlementaire sur les normes du travail, en décembre 2002. Je voudrais vous ramener à quelque chose... à un écrit de 1998, c'est-à-dire le rapport Pelletier sur l'intégration au travail des personnes handicapées qui sont desservies par les centres de réadaptation, qui soulevait cette question et proposait différentes solutions qui mettaient à contribution différents partenariats et des mesures, entre autres, comme le contrat d'intégration au travail. Nous, ce qu'on dit, c'est: Permettons aux personnes qui peuvent et veulent travailler de devenir des salariés.

Peut-être juste vous mentionner, récemment il y avait une assemblée publique d'un établissement en déficience intellectuelle, à Montréal, et il y a des gens du comité des usagers qui sont venus s'exprimer et de dire: Nous, ce qu'on veut, c'est des vraies jobs. C'est un peu ça que certaines personnes handicapées demandent, pour faire, là, la différence entre des stages à perpétuité ou un vrai travail. Donc, ces gens-là veulent devenir des vrais salariés, et le programme CIT rend cela possible, ainsi que le programme CTA.

Nous souhaitons que cette transformation se fasse et de la façon la plus correcte, c'est-à-dire en tenant compte des risques qui y sont associés. Il y a des risques effectivement de perte d'emploi, puisque l'employeur devra contribuer au salaire; il y a aussi des risques parce qu'il y a possiblement un manque d'encadrement et d'autres situations du genre. C'est pourquoi nous demandons que des mesures d'accommodement, comme le soutien à l'emploi, soient consenties à une telle transformation de stages perpétuels à de véritables emplois, avec l'aide, entre autres, des contrats d'intégration au travail. Alors, ça termine notre présentation. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, M. le ministre de la... de l'Emploi, pardon, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Morin, M. Noël et Mme Lamirande. Effectivement, on s'est déjà rencontrés sur les CTA et les CIT, et je veux vous dire que c'est... On avait vu à l'époque que, oui, c'est un grand succès dans le Bas-Saint-Laurent, c'est la région où ça va le mieux, j'en suis très fier. Puis je suis très conscient qu'on pourrait faire plus et qu'on doit faire plus. On a trouvé les moyens de le faire petit à petit, et effectivement il y a un projet bien intéressant au Témiscouata, et je crois aussi que c'est une des mesures les plus performantes et les plus intéressantes que nous avons à Emploi-Québec.

Et juste pour revenir sur la dernière intervention, en ce qui a trait à ce soutien en emploi, je dirais qu'on est en train de réfléchir ou... je ne dirais pas «de réfléchir», de commencer à revoir l'ensemble des mesures d'Emploi-Québec. On les a évaluées, là on est en train de les revoir pour voir quelles sont les plus performantes, les moins performantes, vers lesquelles on devrait concentrer le plus d'efforts et vers lesquelles il devrait y avoir le plus de ressources financières qui y seraient consacrées.

Dans votre mémoire, vous parlez... vous amenez le point, à la page 11, que les mesures mises de l'avant doivent être accessibles aux personnes handicapées. C'est notre souhait, c'est notre volonté. Je pense que, même s'il y a un programme qui est mis en place au niveau de Solidarité sociale, le but n'est pas d'exclure. On est loin de la réforme de 1998 où on parlait, là, de transférer ces gens-là au niveau de la Régie des rentes, là, donc de les exclure carrément, et on n'est pas là du tout. Je l'ai expliqué hier et je vous le redis, le but, c'est de faire en sorte d'assouplir un certain nombre de règles, de contrôles au niveau de notre régime de solidarité sociale et de nous assurer que finalement on ne va pas reposer les mêmes questions ou refaire le même exercice mois après mois, quand on pourrait faire les choses différemment.

Mais je vous dirais qu'en même temps ? puis je comprends votre intervention ? en même temps qu'on veut y arriver avec des programmes qui sont différenciés pour simplifier, les gens ont beaucoup peur à l'exclusion, ils ont beaucoup peur que le programme vienne créer, là, deux, trois classes et que finalement les efforts ne soient pas les mêmes. Je vous dirais qu'on recherche beaucoup l'équilibre, l'équilibre entre les assouplissements, entre une simplification au niveau du Programme de solidarité sociale et en même temps l'accessibilité aux mesures et à la participation.

Et j'aimerais beaucoup vous entendre là-dessus, parce que j'imagine que, vous aussi, au niveau de ce qu'on appelle présentement... au niveau des contraintes sévères ou de ce qu'on voudra appeler plus tard le Programme de solidarité sociale, j'imagine qu'il y a un certain nombre d'irritants qui vous fatiguent. Qu'est-ce que vous souhaiteriez, à ce niveau-là, comme assouplissement, comme simplification pour correspondre, je dirais, à notre volonté de simplifier l'administration, la gestion et surtout la vie des gens qui sont dans ce programme-là de solidarité sociale?

Le Président (M. Copeman): Mme Lamirande.

Mme Lamirande (Cyd): ...de vous répondre, M. le ministre. On ne croit pas que ce soit avec l'établissement d'un programme particulier que ça va faciliter les assouplissements. Nous, on pense que c'est beaucoup plus dans les notions d'admissibilité qu'on peut permettre de dire que, si une personne a des contraintes sévères et permanentes à l'emploi, qu'elle peut avoir accès à certaines mesures d'accommodement ou de support. Je ne crois pas qu'un programme va permettre de faciliter le tout.

C'est pour ça que, nous, on disait: Ce n'est pas de faire en sorte qu'il y ait des programmes spécifiques pour les personnes handicapées, les personnes qui ont des limitations, qui peuvent avoir des contraintes sévères à l'emploi. Un programme n'est pas la réponse en soi. Je pense que c'est dans la base, c'est-à-dire dans les critères d'admissibilité, dans la façon de gérer. Lorsqu'on le fait à partir de la réalité de la personne et de ses besoins, on ne croit pas nécessaire qu'un programme particulier soit nécessaire, à ce moment-là. Ce qu'on se dit, c'est de gérer à partir des besoins de la clientèle.

Donc, pour nous, ce n'est pas... Si en bout de ligne le ministre et l'Assemblée nationale décident que c'est un programme de solidarité sociale, ce sera votre choix. Nous, on vous dit: Ce n'est pas une condition essentielle à une façon de faciliter ou d'assouplir les mesures. On pense que c'est beaucoup plus sur les critères d'admissibilité et sur le fait de voir que les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, dans la mesure où elles ont des contraintes sévères à l'emploi ou qu'elles n'en ont pas, ont tout de même besoin de mesures d'accommodement pour intégrer, réintégrer ou se maintenir sur le marché de l'emploi. C'est là-dessus qu'il faut tabler et non pas nécessairement sur un programme particulier.

Comme on l'a fait pour le projet de loi n° 56, on veut des mesures inclusives qui ne font pas de... en tout cas qui ne créent pas de mesures parallèles au niveau des personnes handicapées. Ce qu'on vous dit au fond, c'est: Tenez compte de ce que sont les personnes handicapées, de leurs besoins, et ensuite ça va être beaucoup plus facile d'assouplir vos mesures et programmes.

M. Béchard: Quelles sont ces mesures inclusives là? Je comprends qu'il y a les CIT, les CTA, mais est-ce que... au-delà de ces mesures-là, est-ce que vous voyez d'autres éléments dans, je vous dirais, le quotidien, là, du programme? Quelles sont les autres mesures inclusives que vous souhaiteriez mettre en place?

Mme Lamirande (Cyd): Écoutez, on vous a... Bien, en tout cas, on vous parlait tantôt des contraintes temporaires des parents, O.K.? Je pense que ça, ce n'est pas reconnu. On reconnaît la personne qui est en mesure de travailler, mais les parents ont aussi des contraintes, que ce soit pour un enfant, pour un jeune adulte ou pour une personne qui a une limitation au niveau intellectuel et qui ne peut pas intégrer le marché de l'emploi ou qui a besoin de support particulier. Ça, c'est un élément à considérer.

n(12 heures)n

Les autres éléments font référence beaucoup aux notions d'accommodement raisonnable, qu'on a soulevées d'ailleurs dans le projet de loi n° 56, quand on parle d'accessibilité des CLE. Parce que ce ne sont pas toutes les personnes handicapées qui vont avoir... qui vont vouloir être desservies ou supportées par un service spécialisé de main-d'oeuvre. Moi, je connais plein de personnes handicapées qui vont passer par le réseau régulier. Donc, à ce moment-là, on parle d'accessibilité des CLE, on parle de formation du personnel, on parle d'accessibilité à des mesures de communication alternatives. Ce sont tous des éléments favorisants.

Trop souvent on se fait dire que les personnes handicapées veulent avoir des privilèges. Ce n'est pas des privilèges, c'est simplement d'avoir un support qui est adéquat en fonction de leurs limitations. Et je vous donnerai un exemple très concret. Je connais encore des CLE où le stationnement pour personnes handicapées est peut-être à 500 pieds de la porte puis qu'il n'est pas déneigé en hiver. Donc, demander à une personne qui est en fauteuil de se rendre au CLE en hiver ? vous savez comment c'est dans le Témiscouata, l'hiver, dans le Kamouraska aussi? ? ce n'est pas évident.

Donc, ce sont toutes des mesures... ce n'est pas nécessairement des grandes choses, ce sont des mesures qui vont permettre de prendre en considération la personne dans ce qu'elle est et dans la démarche qu'elle veut entreprendre pour intégrer le marché de l'emploi.

M. Béchard: Et donc il faut le voir un peu à deux niveaux. Ce que je comprends de votre plaidoyer, c'est davantage envers les personnes handicapées mais qui ne sont pas reconnues ou qui ne sont pas «contraintes sévères», c'est-à-dire les gens qui veulent être sur les CTA, qui veulent... Et c'est à ce niveau-là qu'il faut un certain nombre de mesures, je dirais, plus facilitantes, plus inclusives, mais aussi un certain nombre de mesures plus facilitantes pour les autres personnes qui ont peut-être plus de difficultés à procéder à un retour vers l'emploi ou vers l'intégration en emploi?

Mme Lamirande (Cyd): C'est sûr que, lorsqu'on parle de mesures d'accommodement, on parle des besoins de la personne, et il n'y a pas deux personnes qui ont des limitations qui ont les mêmes besoins. Ce que, nous, on vous dit, c'est: Prenez ces besoins-là en compte, que la personne ait des contraintes sévères ou qu'elle n'en ait pas.

Une personne peut avoir des contraintes sévères à la mobilité, peut ne pas en avoir, pour intégrer le marché de l'emploi, par exemple, peut avoir des compétences, mais elle peut avoir besoin d'un support particulier. Ce qu'on vous dit, c'est de ça que les gens ont besoin, puis que ce n'est pas nécessairement toutes les personnes qui ont des limitations, même si elles sont associées bien souvent au réseau communautaire, qui connaissent ce que sont des SEMO. Leur première porte d'entrée, ça va être le CLE, comme, en santé, ils vont aller au CLSC. Donc, ce qu'on dit: Minimalement, il faut que ces gens-là puissent avoir accès aux CLE.

Le Président (M. Copeman): Mme Morin, allez-y.

Mme Morin (Hélène): Oui. Deux petites choses que j'aimerais ajouter par rapport aux souhait qu'on peut avoir d'avoir un seul programme de base et puis ensuite de répondre aux besoins des personnes. D'avoir un programme qui est distinct, il y a toujours un danger ? c'est une question de philosophie qu'il y a derrière ça, il y a toujours un danger ? que les personnes qui sont dans un programme distinct fassent pitié aux yeux de la société. Puis, nous, ce n'est surtout pas ça qu'on veut. Ce qu'on demande, c'est d'être traités comme les autres, avec une réponse spécifique aux besoins, mais on ne veut pas avoir l'air d'être une clientèle qui est à part des autres.

Puis une autre chose, je voudrais attirer votre attention. À la page 16 de notre mémoire, on se disait: «Si les rumeurs évoquées [...] l'automne dernier à l'effet que les dossiers des personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi seraient transférés dans un centre de communication à la clientèle ? si ces rumeurs-là ? s'avéraient, cela renforcerait la notion de mesures exclusives.» Et, hier, j'entendais une personne de l'AQIS, Mme Hennebert, qui soulevait justement que c'était arrivé à son fils, cette situation-là, qu'il se retrouve dans un centre, là, à Ville D'Anjou, qui part de son CLE pour se retrouver ailleurs. Donc, on vient en plus de confirmer l'exclusion, avec des mesures comme celle-là.

Dans le fond, ce qu'on demande, c'est un traitement comme tous les autres, avec des mesures spécifiques de réponse aux besoins. Puis, comme disait Mme Lamirande, ces besoins-là sont différents d'une personne à l'autre.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Nelligan.

Mme James: Merci, M. le Président. Bonjour. Ma question serait une question peut-être plus un peu de vocabulaire. On a entendu plusieurs groupes, entre autres du milieu associatif, qui étaient contre la distinction qui se fait entre les personnes avec limitations fonctionnelles et les personnes considérées, disons, aptes ou inaptes, justement parce qu'on disait que ça pourrait encourager une certaine discrimination. Mais ma question serait... Parce que je pense qu'on peut s'entendre que les mesures qui sont proposées par le projet de loi, incluant l'indexation, c'est justement fait pour reconnaître que les personnes handicapées ont des besoins particuliers, et on veut en fait encourager l'intégration totale. Alors, pour vous, j'aimerais vous entendre un peu là-dessus: Est-ce que vous êtes d'accord avec la distinction, de faire une distinction, disons, une discrimination positive?

Mme Lamirande (Cyd) : Écoutez, un petit peu dans le même ton qu'on avait tout à l'heure, ce n'est pas de créer des mesures parallèles ou de discrimination favorable. Nous, ce qu'on veut, c'est que les gens aient réponse à leurs besoins. Le vocabulaire, que ce soit «apte», «inapte», «contraintes sévères à l'emploi», «limitations fonctionnelles», nous, ce qu'on vous dit: Ce sont avant tout des personnes, O.K., qui veulent accéder à un emploi ou réintégrer le marché de l'emploi et qui, pour ce faire, ont besoin de mesures d'accommodement, ont besoin de support particulier. Demain matin, moi, je me retrouve en fauteuil ou je me retrouve en béquilles suite à un accident de voiture, si je ne peux pas rentrer au CLE ? je n'en ai pas, de contraintes sévères à l'emploi, elles sont temporaires, ce n'est pas permanent ? je ne peux pas plus rentrer.

Ce qu'on vous dit, c'est que, considérer les individus, ce n'est pas de leur mettre une définition et de dire: Toi, tu es «contraintes sévères à l'emploi», toi, tu es apte au travail, etc., c'est de regarder chacun des individus, d'évaluer avec lui ses besoins, sa condition, son potentiel, ses capacités d'intégrer un emploi, et de déterminer quelles sont les mesures les plus appropriées pour faire en sorte que cette personne-là puisse avoir accès au marché de l'emploi. Au même titre que, exemple, à Emploi-Québec, il va y avoir certaines mesures ou certains programmes pour les jeunes, mais il y a des mesures, je ne dirais pas «particulières», mais on donne un coup de pouce aux jeunes. Puis ce n'est pas parce que ça porte un nom x, y ou z, ces mesures-là, c'est le contenu de la mesure qui est important, pas le nom qu'elle porte.

Donc, ce qu'on vous dit, c'est: Dans les CLE, qu'il y ait des mesures de support pour les personnes, mais que les personnes handicapées ne soient pas considérées... ne soient pas mises sur un piédestal ni mises en dessous du tapis. On a toujours eu un peu la maxime de dire: Sans discrimination ni privilège. Ce qu'on vous dit: On veut être considérés comme tout le monde. Mais ces personnes-là, les gens qu'on représente, ont des besoins particuliers qui font en sorte qu'elles ont besoin d'un coup de pouce, que ce soit via le CIT, via le CTA, via des médias substituts pour communiquer avec ces gens-là. C'est ça qu'il faut prendre en compte, la personne et ses besoins.

Le Président (M. Copeman): Moi, je vais poser une question, Mme Lamirande. Je suis un peu perplexé, je dois vous l'avouer, parce que vous dites que les personnes que vous représentez ne veulent pas être considérées autre chose que des personnes, qu'ils ne veulent pas de traitement de faveur, ainsi de suite, puis ça, je pense que c'est partagé par tout le monde. Mais, par contre, vous... puis on le sait, là, il y a des besoins particuliers chez les personnes que vous représentez.

Je vous donne un exemple, là. Vous dites: Ce n'est pas dans les définitions puis ce n'est pas dans les... On n'est pas dans la sémantique, là, mais tout gouvernement, peu importe la couleur, tout service gouvernemental est basé sur des programmes, des programmes pour des personnes; puis il y a des sous-groupes de personnes, puis il y a encore des sous-groupes, puis il y a des sous-groupes. Puis c'est la façon dans laquelle le gouvernement, l'État a décidé de livrer des services.

Je vous donne un exemple. L'article 64 de la loi qui est devant nous propose, pour les personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi, c'est-à-dire des personnes qui tombent sur le Programme de solidarité sociale, que le gouvernement peut prévoir une certaine flexibilité quant à «la possession de biens, de sommes versées dans un régime de retraite ou d'actifs reçus par succession». On a eu cette discussion hier avec les gens de l'AQIS. Et il dit également: Cette même flexibilité est donnée en ce qui concerne les conditions d'admissibilité à certaines prestations spéciales.

Pourquoi est-ce que c'est là? Et là on a eu une excellente discussion sur les successions hier avec les gens de l'AQIS. C'est là parce qu'on reconnaît chez certaines personnes qu'il y a des besoins particuliers. Et là le gouvernement amène... on peut en discuter, si c'est bien ou pas... si c'est une bonne affaire ou pas une bonne affaire, mais le gouvernement amène une proposition de flexibilité accrue pour ces gens-là. On peut bien argumenter que ça devrait s'appliquer à tout le monde, à tout bénéficiaire de l'aide sociale. Oui, c'est une possibilité. Je vous dis que, moi, je pense qu'au moment où on se parle l'État n'a pas les moyens de le faire pour tout le monde, mais là au moins on vise certaines personnes qui ont des besoins particuliers.

Par cette mesure-là, on établit... on a besoin d'établir des définitions, on a besoin de dire: Pour certaines catégories de bénéficiaires, on va faire des mesures d'exception possibles, parce qu'on reconnaît leurs besoins particuliers et on veut leur donner un coup de pouce, comme vous l'avez dit. Pour moi, ça ne veut pas dire qu'on fait un régime différent, ainsi de suite, on essaie de développer des programmes qui répondent à des besoins particuliers. Mais, pour le faire, il faut malheureusement... je n'aime pas le mot, mais il faut définir des catégories de personnes. Et vous avez l'air de nous dire: On n'en veut pas, de catégorisation de personnes. Alors, moi, je suis perplexe.

n(12 h 10)n

Mme Lamirande (Cyd): Si je peux vous répondre, M. le Président...

Le Président (M. Copeman): Ça arrive souvent d'être perplexé, hein! Ce n'est pas grave, là.

Mme Lamirande (Cyd): Si je peux me permettre un élément de réponse, et je pense que Mme Morin veut compléter à cet effet-là, vous l'avez dit d'entrée de jeu: en se basant sur certains critères, qu'on considère que des personnes ont des contraintes sévères à l'emploi, etc., c'est à partir de ces critères-là qu'on sait que ces personnes-là peuvent rentrer dans tel programme. Donc, vous vous êtes basés sur des critères, sur la réalité de la personne, et le programme vient après, parce qu'il faut vraiment déterminer si les gens peuvent rentrer ou non dans le programme.

Ce qu'on vous dit en bout de ligne: Nous, on ne veut pas de mesures d'exclusion, parce que, on en a parlé précédemment, c'était un des hics majeurs lors de la proposition de réforme de la sécurité du revenu, en 1998, où on avait peur qu'il n'y ait plus de passerelle pour... On parlait des mesures passives et des mesures actives à ce moment-là. Nous, on ne veut pas qu'il y ait une mesure d'exclusion qui fasse en sorte ? passez-moi l'expression ? qu'on parque les gens quelque part. Bon, M. le ministre a parlé de la Régie des rentes. Nous, ce qu'on veut, c'est que la personne puisse avoir accès à toutes les mesures. Vous l'avez dit, vous vous basez sur des critères pour faire en sorte de dire que telle ou telle personne va rentrer dans tel programme...

Le Président (M. Copeman): Je comprends, Mme Lamirande; moi, je lis la loi comme vous...

Mme Lamirande (Cyd): ...mais ce n'est pas l'inverse.

Le Président (M. Copeman): ...moi, je vois la passerelle. Si vous pensez qu'il n'y a pas de passerelle, j'aimerais savoir quelle est la base de cette analyse. La passerelle, quant à moi, est là, on utilise presque mot à mot la même référence: «Le ministre peut offrir aux personnes qui y sont admissibles et conformément au titre I des mesures [...] [de] programmes [de] services d'aide...» Ça s'applique aux deux types de programmes: les programmes pour les personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi et les personnes qui n'en ont pas. C'est que, écoute, je le lis comme vous, là, je ne suis pas expert, mais, en tout cas, il me semble que la passerelle est là. Si vous nous dites: La passerelle n'est pas là, j'aimerais bien comprendre mieux.

Mme Lamirande (Cyd): Je n'ai pas dit, M. le Président, qu'on ne considérait pas... que la passerelle n'était pas là, je faisais la comparaison avec nos craintes formulées en 1998, avec la précédente réforme, où on craignait qu'il n'y ait pas de passerelle. Je n'ai pas dit qu'on ne voyait pas de passerelle dans le projet de loi actuel, ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce que, nous, on avance, écoutez, c'est de ne pas créer une mesure particulière, pour ne pas faire qu'il y ait des ghettos, au niveau des personnes handicapées, dans la perception populaire, aussi. Les gens veulent être traités comme tout le monde mais avoir de l'aide et du support, c'est ce qu'on vous dit. La formulation que ça prendra, au fond, c'est le législateur qui va en décider. Nous, on vous amène notre vision, que les personnes qui ont des limitations veulent être traitées comme tout le monde, mais qu'on prenne en compte qu'elles ont besoin d'un coup de pouce pour intégrer le marché de l'emploi. C'est ce qu'on vous dit.

Le Président (M. Copeman): Mais, dans ce cas-là, Mme Lamirande, puis je terminerais là-dessus, l'article 64, qui amène, je le répète, un peu plus de flexibilité, par règlement ? on peut dire: C'est-u bon ou pas bon, «par règlement»? en ce qui concerne «la possession de biens, de sommes versées dans un régime de retraite ou d'actifs reçus par succession [et] les conditions d'admissibilité à certaines prestations spéciales»... qui s'appliquent uniquement à des gens, selon la structure actuelle de la loi, qui ont des contraintes sévères à l'emploi... Mais là le législateur a deux choix, selon vous, semble-t-il: soit on l'étend à tout le monde, ce qui est peut-être souhaitable, mais je ne suis pas sûr que c'est faisable, ou on le retire. Il me semble qu'il faudrait le maintenir, pour les gens qui ont des contraintes sévères à l'emploi, quitte à travailler à l'avenir pour l'étendre à tout le monde. Mme Morin.

Mme Morin (Hélène): Bien, si vous allez à la page 24 du mémoire, on a un paragraphe là-dessus où on dit, bon, qu'on ne peut pas s'opposer, là, à cette modification-là. Sauf que, nous, on est favorables à ça, puis je pense que, de la même façon que la COPHAN est intervenue, je crois que c'est il y a deux semaines, où ils ont dit qu'eux autres aussi, ils avaient le souhait que ce soit élargi au plus grand nombre. Je pense qu'on ne peut pas être contre ça. On ne veut pas non plus se situer à part.

Mais je voulais aussi préciser que, tout en étant favorables à une telle décision, on voudrait aussi vous souligner que ça ne règle pas le sort de nécessairement beaucoup de gens, parce que... Je vais juste vous donner l'exemple de la région montréalaise. À Montréal, on calcule qu'il y a ? je vais parler en déficience intellectuelle, O.K., parce que c'est plus mon domaine ? 55 000 personnes qui ont une déficience intellectuelle, à Montréal; là-dessus, il y en a peut-être 5 000 qui sont desservies par les centres de réadaptation en déficience intellectuelle, donc des gens souvent avec une déficience moyenne, sévère, multihandicapés, autistes, TED, et quelques-uns qui ont une déficience légère. On peut présumer que, dans la société, il y a au moins 40 000 personnes qui ont une déficience intellectuelle qui sont plus ou moins laissées à eux autres mêmes, qui sont souvent seules, qui n'ont pas de famille. Donc, la question des testaments, elle est bonne pour un certain nombre, mais, pour cette immense majorité là, elle ne fera pas un grand changement dans leur vie.

Mais je veux bien mentionner que ça ne nous amène pas pour autant à être contre ça, mais on se dit: Ça vient apporter quelque chose à un petit nombre. Puis je ne pense pas... C'est sûr que, même au niveau des autres personnes qui sont desservies dans les centres de réadaptation ou les gens qui vivent dans leurs familles, ce n'est pas automatique, là, que tous ces gens-là ont des familles, ont des parents qui vont leur laisser un montant, une somme importante.

Mais je précise parce que je ne voudrais pas qu'on donne l'impression qu'on est contre ça. Oui, c'est intéressant, mais ça peut aider un petit nombre. Et, nous, on souhaiterait dans un premier temps pouvoir améliorer les conditions de vie, économiques de la grande majorité des personnes handicapées, d'une part, et aussi étant solidaires des autres clientèles, de l'ensemble des personnes qui ont des difficultés financières.

Puis, là-dessus, je voulais juste vous dire qu'avec notre... Tu sais, on revient beaucoup avec la question d'inclusion. Je regardais un article, là, de Mme Labrie, du Collectif pour un Québec sans pauvreté, où elle précisait que, bien, un projet de loi intéressant, ce serait un qui aurait... Elle parle de plusieurs qualités, dont une qui nous rejoint, où on voit qu'on se rejoint avec les groupes sociaux, entre autres, elle dit: «Une loi qui en finit avec la division arbitraire basée sur l'aptitude présumée au travail, génératrice de préjugés, et qui [par contre] reconnaît plutôt les limitations fonctionnelles ? je veux dire, eux-mêmes reconnaissent ces besoins-là ? les besoins spéciaux et les coûts supplémentaires qu'ils occasionnent.» Je pense qu'on se situe aussi dans cette aval-là.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, solidarité sociale et famille.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Vous êtes moins perplexe ou...

Le Président (M. Copeman): Pas tant que ça, mais ça va venir.

M. Bouchard (Vachon): Mais ce n'est pas à défaut de la qualité de nos invités et de leurs réponses.

Le Président (M. Copeman): Pas du tout.

M. Bouchard (Vachon): Alors, bonjour. J'aimerais ouvrir la discussion sur les CTA et sur les CIT. J'ai deux aspects à couvrir. Le premier, c'est la question d'un ajout de fonds pour améliorer, d'une part, les installations et la qualité des services qui sont déjà offerts par les organisations existantes, puis aussi pour en créer une nouvelle. Vous avez soulevé le problème au point de départ.

Franchement, je ne sais pas trop qu'est-ce qu'il faudra faire, là, parce qu'en juin 2003, lors de l'étude des crédits, j'avais soulevé le problème, et ensuite dans l'étude... la consultation prébudgétaire de M. le ministre des Finances à l'époque, en février 2004, et il s'était montré extrêmement enthousiaste vis-à-vis de la proposition du Conseil québécois des entreprises adaptées de créer au moins 500 emplois, d'ailleurs à ce point enthousiaste qu'il avait dit: Pourquoi pas 1 000?, et ça avait créé un certain nombre d'espoirs évidemment, y compris parmi ses collègues, j'imagine.

En mai 2004, nous avons convenu, le ministre et moi, lors de l'étude des crédits, que les CTA étaient une priorité. Et là, lors de l'étude de la loi n° 56, le ministre de la Santé, qui est encore responsable du programme, nous disait: Bien, j'ai ça sur le coin de mon bureau, là, je m'apprête à faire un mouvement, mais je m'assurerai du mouvement lorsqu'on sera sûrs de pouvoir le financer. Et on apprend maintenant qu'il y a 7,5 millions du fédéral qui vient d'être ajouté à la cagnotte dirigée vers ce type de programmes là dont le Québec dispose. Et là nous sommes à l'étude de la loi n° 57 et on prévoit, dans ce projet-là, évidemment la responsabilité, la nouvelle responsabilité du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale à l'égard des CTA et des CIT, et je n'ai pas entendu de la part du ministre une réponse autre qu'une réponse d'approbation.

Alors, je fais tout simplement souligner que votre question a suscité pour une nouvelle fois l'adhésion du ministre à une approche par les CTA et à un soutien éventuel des CTA avec ses budgets, mais en même temps je me permets d'être un petit peu inquiet ou préoccupé du fait que ça fait déjà un bon 16 à 17 mois qu'on travaille là-dessus, là.

n(12 h 20)n

Ma question à l'égard de 57, c'est que les CTA et les CIT se retrouvent dans la loi... dans le Programme d'aide sociale, c'est-à-dire qu'on retrouve l'article qui y réfère, c'est l'article 59, le chapitre II du titre II, Programme de solidarité sociale, et, moi, je me suis fait jusqu'à maintenant, là, une obligation de poser la question aux gens qui viennent nous voir puis qui connaissent ça un peu, là: Est-ce que le fait de nicher les CTA et les CIT dans l'article 59, et donc dans le Programme de solidarité sociale, vous apparaît comme un avantage ou un inconvénient? Ma préoccupation étant que souvent le législateur, lorsqu'il écrit «notamment» et qu'il localise un sous-programme dans un programme, c'est qu'il veut le voir dans ce programme-là et pas ailleurs. Oui?

Mme Lamirande (Cyd): Si je peux me permettre, M. le député, le fait de... en tout cas, si j'ai bien compris ce qu'on a précédemment discuté, le fait de cibler ces deux programmes-là dans le Programme de solidarité sociale fait qu'on parle de gens ayant des contraintes sévères à l'emploi. Pour moi, c'est contradictoire avec ce qu'on mentionnait précédemment, où il y a des personnes qui peuvent avoir certaines contraintes, pas nécessairement sévères, qui peuvent avoir accès à un contrat d'intégration au travail et passer via le réseau régulier que sont les CLE sans nécessairement faire appel à un service spécialisé de main-d'oeuvre.

Donc, pour moi personnellement, ce que je vous dis, c'est qu'à prime abord ça ne parle que des gens qui ont des contraintes sévères à l'emploi. On parle plus, à ce moment-là, des gens qui sont susceptibles ? et je le mets entre guillemets ? de fréquenter un centre de travail adapté. Il y a plein de personnes qui ont des contraintes à l'emploi mais qui n'ont pas de contraintes sévères, qui ne sont donc pas touchées par le Programme de solidarité sociale tel que libellé dans le projet de loi, et qui pourraient avoir accès à un contrat d'intégration au travail. Donc, pour moi, à ce sens-là, c'est paradoxal et contradictoire.

Ce que vous dites au niveau des CIT et des CTA, c'est tout à fait justifié. Je vous donnerai l'exemple, bon, dans le Témiscouata, où on travaille un dossier depuis plusieurs mois, et ce qu'on se fait répondre par l'Office des personnes handicapées, c'est qu'on n'a pas de sous pour les nouveaux CTA. Il y a un projet là qui est très valable, qui est très rentable, où il n'y a pas de compétition, qui fait appel à un partenariat du milieu, qui fait appel à l'entreprise privée, qui veut supporter socialement l'intégration au travail des personnes handicapées, mais on se bute encore et encore au fait qu'il n'y a pas d'argent dans les CTA.

Je vous avouerai que c'est frustrant tant pour les promoteurs de ce projet-là ? et là on parle d'une communauté et non pas simplement du milieu associatif ? c'est frustrant pour ces gens-là qui sont des acteurs économiques et sociaux du milieu, mais aussi pour les personnes. Parce que c'est un projet qui pourrait être viable à long terme, mais on se fait dire ? on a rencontré l'office encore en septembre dernier: On n'a pas de sous. On a fait des demandes, mais on n'a pas de sous. Au même titre que... Et, moi, je connais plein de personnes qui ont des limitations, qui viennent me voir ou qui vont voir mes collègues, qui auraient trouvé un employeur qui voudrait bien les embaucher, mais il n'y a pas d'argent dans les CIT.

Et, contrairement à ce qu'on pense, ce n'est pas dans le milieu communautaire que la majorité des personnes handicapées travaillent. De 65 % à 70 % des CIT sont sur le marché régulier de l'emploi, c'est-à-dire dans des petites et moyennes entreprises du milieu. Donc, on contribue à la fois à sortir ces gens-là de l'aide sociale... Parce que tous les argents qui pourraient être investis dans le CIT font en sorte que ce serait des prestations de moins d'aide sociale; il faut tenir compte de ça, il y a un rapport financier dont on doit tenir compte à ce niveau-là: C'est des gens qui vont payer des impôts, c'est des gens qui vont consommer davantage, qui vont payer des taxes; c'est des entreprises qui vont contribuer au niveau des parts d'employeur. Donc, il y a un effet d'enchaînement sur le fait d'investir dans les contrats d'intégration au travail et dans les CTA qui va faire en sorte que socialement et financièrement ça va être rentable à la fois pour l'individu, mais à la fois pour l'État aussi.

M. Bouchard (Vachon): Oui. Bien, alors, je partage tout à fait votre analyse de l'utilité et de la pertinence sociale de ces dispositions-là et de ces installations-là. Je suis persuadé que le ministre aussi partage ça. Et, quelque part, ça doit être bien frustrant pour lui aussi de ne pas pouvoir aller mettre la main sur le 7,5 millions. Moi, je... On est prêts à tous les efforts possibles, tout le monde alentour de cette table, pour l'aider à aller le chercher. Ça, c'est très clair. Puis il y a une valeur là sociale extrêmement forte, en même temps qu'une valeur économique extrêmement forte, puis, quand on peut conjuguer les deux, là, bien ça vaut la peine de se mettre tout le monde ensemble pour aller chercher ce qui revient de droit à ce type de programme.

Maintenant, il y a une autre dimension qui m'a vraiment, vraiment préoccupé durant votre présentation, et ça remonte à la présence de l'OPHQ devant nous, et ensuite à la présence de la COPHAN, et enfin à votre présence ici. Puis là je m'inquiète pour 56, je m'inquiète pour la loi n° 56. Puis franchement, là, je vais dériver un peu, M. le Président, mais ça va se rejoindre à un moment donné.

Une voix: ...

M. Bouchard (Vachon): Je ne m'en étais pas inquiété avant ça vraiment, pour tout dire, là, mais, dans 56, l'OPHQ maintenant a un rôle de chien de garde, de veille, de suivi, d'évaluation des dispositions qui seront prises en vertu de la loi. C'est un des rôles. Mais l'OPHQ, d'une certaine façon, puis vous me permettrez de couper les coins ronds, là, mais l'OPHQ a été comme, d'une certaine façon, désavoué par la COPHAN et se trouve désavoué par vous aujourd'hui, dans le sens où il dit: 57, en ce qui concerne le Programme de solidarité sociale, là, pour nous, là, il est bon. La demi-indexation, c'est un traitement différencié, ce n'est pas une discrimination. On pourrait regarder ça de ce point de vue là.

Donc, eux disent représenter les intérêts des personnes handicapées avec contraintes sévères à l'emploi, dans le fond, puis ils disent: Le Programme solidarité sociale et la division en catégories, ça nous apparaît tout à fait correct. Et vous nous dites: Non. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, pour un parlementaire, là, ça pose un grave problème.

Le Président (M. Copeman): Vous êtes perplexé!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Vachon): Et je reviendrai sur la question de la perplexité et de la passerelle par la suite.

Mme Lamirande (Cyd): Je vous avouerai que, moi aussi, je suis perplexe. Pour avoir été ici, en commission parlementaire, pour le projet de loi n° 56... Vous parlez du rôle de chien de garde l'office, c'est un des aspects majeurs que, nous, on a soulevés, et on ne parlait pas nécessairement de l'office, on parlait de l'instance, qui doit avoir beaucoup plus qu'un rôle de chien de garde et un rôle de recommandation, qui doit faire en sorte que les droits des personnes handicapées soient respectés.

Et vous venez de nous donner le plus bel exemple d'un rôle qui n'est pas joué, à mon sens ? et là c'est une perception très personnelle. Si l'office se présente devant vous en disant représenter les personnes handicapées, en vous disant: Oui, oui, oui, on est d'accord avec ça, et que préalablement il n'a même pas consulté les personnes qui sont visées, c'est-à-dire le milieu associatif et les personnes handicapées, logiquement je présume qu'il ne peut pas parler en notre nom. C'est ma perception.

On a tenté, entre autres pour le projet de loi n° 56, de travailler en collaboration avec l'office... Et c'est une des raisons d'ailleurs pourquoi on demandait que l'instance ne relève pas d'un ministère ? à la limite un ministère qui a des pouvoirs transversaux au niveau de l'ensemble de l'appareil gouvernemental, mais... ou dépendre de l'Assemblée nationale ? c'est justement parce qu'on sent que ce rôle de chien de garde là n'est pas joué, qu'il n'a pas les pouvoirs. Et je vous avouerai que, nous, on n'a pas eu aucun contact avec l'office, ne serait-ce que de l'échange de documents sur une position commune éventuelle pour le projet de loi n° 57.

Et je ne dis pas que l'office n'a pas fait sa job. Ce n'est pas ce que je dis. Je dis simplement que c'est la position de l'office, et à mon sens ce n'est pas la position du terrain, ce n'est pas la position des personnes handicapées et du milieu associatif. C'est ce que je vous dis. Ils peuvent avoir une certaine position, mais ce n'est pas la nôtre.

M. Bouchard (Vachon): Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Copeman): Oui. C'est sûr, on va déborder légèrement 12 h 30. Je présume qu'il y a consentement? Consentement. Allez-y, M. le député.

M. Bouchard (Vachon): Bon. Merci de cette précision. J'aimerais revenir sur la question, cependant, de la catégorisation, et de la passerelle, et la perplexité du président. S'il est vrai qu'on retrouve dans la loi et dans le texte législatif ? et je suis persuadé que le président, là, va porter une très grande attention à cet échange-là parce que ça concerne sa perplexité ? mais, s'il est vrai qu'on retrouve dans le langage législatif des passerelles ou des possibilités de passerelles... Moi, ce que j'ai entendu au cours de cette commission, là, c'est qu'il y a une mise en priorité quelque part qui se fait. Parce qu'on a des ressources relativement et de plus en plus limitées, à Emploi-Québec, en termes d'insertion en emploi et des programmes ? je rappellerai qu'il y a eu 57 millions de coupures durant les deux derniers budgets ? et donc, par conséquent, on est plus... et, en plus, parmi les personnes qui se présentent à la sécurité du revenu, on calcule qu'il y a peut-être 48 % des gens qui posent des problèmes assez importants d'employabilité mais qui font partie des «sans contraintes à l'emploi».

Alors, j'imagine que le système quelque part pose des priorités d'efficacité ou d'efficience et que le réseau d'Emploi-Québec dit: Bien, on va d'abord prendre les gens qui sont le plus près du marché du travail. Si bien que la passerelle législative, qu'on avait prévue comme étant une passerelle intéressante, dans les faits, si on manque de ressources à l'autre bout, bien il va arriver que des personnes qui sont un petit peu plus éloignées du marché du travail seraient placées à la fin de la queue des priorités. C'est ce que j'entends, moi, dans les témoignages et dans ce qu'on reçoit dans nos bureaux de députés comme conséquences de la catégorisation. Est-ce que vous avez la même perception?

n(12 h 30)n

Mme Lamirande (Cyd): Bien, écoutez, c'est sûr que, lorsqu'il s'agit de... appelons ça de «remplir les quotas», parce que tout le monde a des quotas à remplir quelque part, c'est beaucoup plus facile, lorsqu'une personne est tout près du marché du travail, de lui donner un tout petit coup de pouce puis de lui faire intégrer le marché de l'emploi et dire: O.K., on a placé cette personne-là. Lorsqu'on parle de gens qui ont des limitations fonctionnelles et qui peuvent avoir des contraintes sévères à l'emploi, c'est sûr que le cheminement est beaucoup plus long. On peut parler de perfectionnement nécessaire, on peut parler de gens qui peuvent aller faire des stages, mais non pas de façon perpétuelle mais pour une période x. Ces gens-là sont effectivement beaucoup plus loin du marché du travail.

Je n'ai pas nécessairement les chiffres à l'appui pour vous dire qu'on priorise... ou que ces gens-là sont laissés pour compte. Ce que, moi, je vous dis, c'est qu'on sait qu'il y a eu des listes d'attente dans les CIT, des gens qui étaient tout près du marché du travail, c'était simplement une question financière, de gens qui pourraient accéder un emploi via les CTA. Ça, c'est ce que, nous, on a dans nos organisations. La priorisation faite par Emploi-Québec, ça se fait à l'interne, je ne peux pas présumer de, mais c'est évident que, si une personne a besoin d'un cours d'appoint pour accéder au marché de l'emploi, elle est beaucoup plus près d'être placée sur le marché du travail qu'une personne dont c'est le premier emploi, qui a une limitation au niveau intellectuel et qui a des habitudes et aptitudes au travail à développer. Donc, c'est sûr, il y a une question logique en termes de cheminement.

Comment c'est fait, la priorisation dans les CLE? Je ne le sais pas. Moi, je sais que notre clientèle a de la difficulté à atteindre le marché de l'emploi, que la mesure la plus favorable pour leur permettre de le faire, le CIT, il y a des ratés qui sont financiers. Nous, c'est ça qu'on constate. Je ne voudrais pas faire en sorte de porter un jugement favorable ou défavorable sur la gestion ou la priorisation qui est faite dans les CLE, parce que ce n'est pas moi qui travaille dans les CLE. Moi, je vis avec ce que les gens me disent.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Une toute dernière question, et je vais référer encore une fois à la conversation que vous avez eue avec le président, ça m'apparaît intéressant. Le président a dit: Oui, mais, si on n'a plus de catégories, là, ça voudrait dire qu'on applique, par exemple, 64, la question d'une flexibilité plus grande dans les... à tout le monde, ça va coûter plus cher, puis je ne suis pas sûr que l'État à ce moment-ci a les moyens.

Quand on regarde la question de l'élimination des catégories, dans le fond, aide sociale et solidarité sociale, il y a un chiffre qui nous vient magiquement à la tête, c'est 500 millions. Dans le fond, ce que vous posez comme problème, c'est un problème de 500 millions, sur le budget du Québec. C'est la différence pour combler le niveau des prestations des personnes qui sont sans contraintes à l'emploi avec celles... Parce que vous ne voudriez pas voir les gens avec contraintes à l'emploi perdre de leurs prestations, bien sûr, on voudrait que tout le monde soit relevé au même niveau. Donc, c'est une question de 500 millions. Le gouvernement dit: On n'a pas les moyens. On est en train de penser cependant à une baisse d'impôts de 1 milliard, là, mais on n'a pas les moyens.

Alors, est-ce que vous pouvez ajouter quelque chose à votre conversation auprès du président à cet effet-là? Parce que, dans le fond, ce que vous posez comme question, c'est: Les accommodements... ou l'accommodement raisonnable, un accommodement raisonnable, ça ne doit pas pousser l'État à la faillite, mais, au-delà de ça, il faut que l'État fasse une démonstration de son bon vouloir de régler et d'accommoder les personnes.

Mme Lamirande (Cyd): Je vous donnerai un exemple pour répondre à ça, et j'en avais d'ailleurs parlé avec M. le ministre l'année dernière. Exemple, l'accommodement, la notion d'accommodement en emploi, nous, on ne considère pas que c'est Emploi-Québec qui devrait payer l'ensemble de la facture, et je m'explique. Si un enseignant, suite à un accident de travail, doit réintégrer son emploi, pourquoi la facture, si la personne a un CIT, pourquoi la facture s'en va à Emploi-Québec? Pourquoi elle ne s'en va pas au ministère de l'Éducation? O.K.? Il doit y avoir, en termes d'accommodement et d'intégration en emploi, il doit y avoir une responsabilité transversale de l'ensemble de l'appareil gouvernemental. À ce moment-là, votre 500 millions, je le divise en plusieurs ministères et non pas seulement au niveau du ministère de l'Emploi.

Donc, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il doit y avoir une réelle volonté gouvernementale d'assurer cet accommodement-là, et, à ce moment-là, dans la mesure où cette philosophie-là est transversale, comme c'est le mot qui est bien à la mode en éducation présentement, la facture pourrait aussi être transversale. Et, à mon avis, lorsqu'on parle de ventilation budgétaire, faire un trou de 500 millions dans un ministère, c'est beaucoup plus difficile que de faire un trou de 500 millions dans peut-être 20.

M. Bouchard (Vachon): Merci, madame.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Semble-t-il, tantôt, j'ai transformé un adjectif en un verbe, ce qui ne se fait pas. On ne peut pas «perplexer», on peut être perplexe, on peut... ça se peut qu'un échange nous laisse perplexe, nous rende perplexe. On va tenter de dissiper cette perplexité.

M. Noël, Mme Lamirande, Mme Morin, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées.

Et j'ajourne les travaux de la commission sine die. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 36)


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