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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 27 janvier 2005 - Vol. 38 N° 93

Consultation générale sur le document intitulé Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous permettez? Alors, je constate que le quorum est atteint et que nous pouvons donc ouvrir cette séance de la Commission des affaires sociales. Tout simplement pour le bon fonctionnement... J'attends que l'image soit installée avant de continuer.

Alors, voilà. Pour le bon fonctionnement des travaux, je rappelle que l'usage du téléphone cellulaire et du téléavertisseur est interdit dans la salle. Alors, je demanderais aux personnes qui en font un usage habituel, et plus ou moins abusif, de les mettre hors tension pour la durée de la séance.

Alors, nous sommes réunis, la Commission des affaires sociales, afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les hommes et les femmes.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Auclair (Vimont) va être remplacé par M. Paquin (Saint-Jean); M. Bachand (Arthabaska) par Mme Gaudet (Maskinongé); Mme Charlebois (Soulanges) par Mme Perreault (Chauveau). Voilà.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Bienvenue. Merci. Alors, peut-être un petit rappel de l'ordre du jour. Nous entendons trois groupes ce matin, nous allons en entendre quatre cet après-midi. Je fais lecture des groupes que nous entendons ce matin: l'Assemblée des groupes de femmes d'interventions régionales, les représentantes sont déjà assises devant nous; le Groupe Femmes, Politique et Démocratie; et ensuite la Centrale des syndicats du Québec.

Mais, avant que ne débutent officiellement nos travaux, j'inviterais les personnes présentes dans cette salle à se recueillir une minute, question de marquer entre nous la célébration de la libération du camp d'Auschwitz et aussi de se rappeler ce que les victimes et leurs proches ont pu subir. Alors, si vous voulez bien vous lever.

n (9 h 34 ? 9 h 35) n

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Alors, je rappelle, pour les fins de la bonne suite des travaux, que nous allons entendre d'abord les représentantes de l'Assemblée des groupes de femmes d'interventions régionales, le groupe AGIR, Mme Anne-Marie Trudel ? bonjour, madame ? directrice générale, Mme Tina De Luca ? bonjour, madame ? membre du conseil d'administration.

Auditions (suite)

Alors, vous avez 20 minutes pour exposer l'essentiel de votre mémoire. Ensuite, les membres du groupe gouvernemental auront 20 minutes d'échange avec vous, suivis des membres de l'opposition officielle. Alors, nous vous écoutons.

Assemblée des groupes de femmes
d'interventions régionales (AGIR)

Mme Trudel (Anne-Marie): Bien, bonjour, M. le Président. Mesdames, messieurs, laissez-nous vous remercier de nous accueillir ce matin. Je pense que la consultation qui a lieu actuellement ouvre sur des questions de société importantes, et nous sommes contentes de pouvoir y participer.

D'entrée de jeu, je vous présenterai l'Assemblée des groupes des femmes d'interventions régionales, AGIR. C'est la table de concertation des groupes de femmes de l'Outaouais. On est membre du Réseau des tables des groupes de femmes, que vous avez entendu il y a deux jours déjà ? d'où le foulard rouge passion, disaient-elles. Nous sommes très investies dans la région de l'Outaouais, à différents niveaux et auprès de différentes instances, et ce groupe, qui a été fondé en 1986, donc il y a déjà une bonne histoire derrière nous, s'investit autour de trois mandats, donc: la défense et la promotion des droits des femmes, la participation comme regroupement au développement régional ? et vous verrez qu'on s'y inscrit intensément ? et la concertation des femmes et des groupes de femmes de la région en cela. Notre action est une action qui se veut... nos membres viennent de différents secteurs, donc une action multisectorielle puis en même temps intersectorielle, car on essaie de mailler différents problèmes pour trouver des solutions nouvelles et les faire porter par les décideurs par la suite.

Je vais laisser la parole à ma collègue et membre du conseil d'administration pour vous présenter la première partie du document, et par la suite nous reviendrons. Tina.

Mme De Luca (Tina): Oui. Merci. Bonjour. D'entrée de jeu, je vais parler tout de suite de notre position. Nous accueillons favorablement l'initiative du gouvernement d'entreprendre une démarche en vue de mettre à jour une nouvelle politique. Merci de votre invitation à cette consultation.

Il est devenu impératif de combler le vide, cette espèce de période de flottement qui prévaut depuis 2003. Il convient de pouvoir compter sur une volonté politique et un cadre bien défini pour atteindre une véritable égalité entre les femmes et les hommes.

Alors, nous sommes en faveur d'une diversité d'approches qui, croit-on, aura un impact plus grand. AGIR souscrit au nouveau contrat social. Cependant, elle recommande qu'il soit balisé. Alors, il y a deux constats. Nous pensons que l'égalité des droits et des faits est le grand combat à mener. On souscrit également à l'idée que l'imputabilité en matière d'égalité doit être partagée par tous, que l'État soit un modèle, soit un leader également. Alors, l'ensemble des instances est donc imputable. Deuxième constat: Trop peu de gens sont conscients que l'égalité des faits n'est pas encore atteinte, ce qui nécessite un suivi évidemment. Alors, il convient aussi de mentionner que c'est obligatoire de voir à cet état de fait. AGIR est donc d'accord avec l'élargissement des approches. Par contre, nous insistons qu'elles s'inscrivent dans une continuité avec ce qui est déjà fait.

Je laisse le soin à ma collègue d'expliquer cet aspect. La présentation du mémoire contient trois parties. Alors, Anne-Marie va vous expliquer les trois parties, qui consistent en un nouveau contrat social, ensuite les orientations, et l'ancrage gouvernemental et régional. Alors, je cède la parole à Anne-Marie.

Mme Trudel (Anne-Marie): Donc, AGIR souscrit à ce contrat social là parce qu'elle sent en même temps le besoin d'un élargissement des perspectives au niveau de l'inscription de l'égalité des femmes. Cet élargissement-là, par contre, peut amener des craintes, des craintes qui sont légitimes, et la première d'entre elles: Est-ce que les mesures spécifiques, l'approche spécifique destinées à soutenir et à corriger les inégalités qui existent toujours seront soutenues par des ressources suffisantes pour qu'on puisse effectivement corriger la situation? Ça, c'est la principale préoccupation.

n (9 h 40) n

Par ailleurs, les groupes, chez nous, sont des groupes qui travaillent avec des approches spécifiques, et ça les questionne de se pencher sur la question d'égalité, notamment: Va-t-on reconnaître, elles qui travaillent en condition féminine depuis 30 ans, leur expertise en matière d'égalité? Va-t-on dorénavant, par exemple, soutenir les projets qui traiteront... qui se destineront à la fois aux hommes et aux femmes ou on pourra continuer à travailler spécifiquement pour les femmes? C'est sûr que ça pose plusieurs questions, mais en même temps elles soutiennent l'approche et l'intensification de la mise en place d'une approche transversale; je pense spécifiquement au niveau de l'ADS, l'analyse différenciée selon les sexes. Il est convenu qu'on préfère, et nettement, que l'on parle d'ADS et non pas d'AIE, pour la simple et bonne raison que c'est déjà une méthode qu'on a essayé de vendre en région auprès des instances, avec laquelle on travaille; c'est un vocabulaire qui maintenant commence à être entendu, il ne faut pas recommencer à zéro, sinon ça retardera sa mise en oeuvre effective, au-delà de la bonne volonté.

Sur la question de l'approche sociétale. Premièrement, c'est une question qui est sensible, qui amène beaucoup de craintes, des craintes qui sont tout à fait légitimes. Je répéterai, comme l'ensemble des groupes qui ont précédé, je pense, les groupes de femmes: cette approche-là est déjà pratiquée par Le Mouvement des femmes, c'est une approche où on travaille en collaboration et en concertation avec plusieurs partenaires. D'ailleurs, on vous a distribué, ce matin, un tableau qui vous exprime, là, en un coup d'oeil l'ensemble des principaux partenaires avec lesquels AGIR travaille en région. Travailler en région, c'est travailler auprès de plusieurs instances, c'est travailler auprès de plusieurs instances mixtes et c'est tenter de faire avancer des dossiers dans divers univers; ça prend beaucoup de compétences, ça prend des connaissances dans plusieurs secteurs. Alors, en coup d'oeil, je pense que vous pouvez constater que l'approche sociétale est déjà appliquée.

Par ailleurs, nous acceptons cette idée d'approche sociétale pour deux raisons. La première, c'est que ? ça a été mentionné déjà cette semaine ? on remarque, il y a effectivement des réactions maintenant face à cette supposée égalité des femmes. Vous avez entendu différents groupes, il y a des groupes qui sont plus extrémistes que d'autres, qui remettent en question les mesures spécifiques. À la limite, ils remettent en question l'égalité des femmes en disposant de celle des hommes, comme si le féminisme avait amené des inégalités systémiques pour les hommes. Nous, on considère qu'une bonne manière de répondre à ça, c'est de faire des alliances, mais là je parle d'alliances serrées avec tous ces hommes que l'on connaît maintenant, qui sont prêts à travailler avec nous pour faire avancer cette quête d'égalité là. C'est une réponse aux extrémistes, c'est une réponse à ceux qui disent que les femmes travaillent pour elles-mêmes et juste pour elles-mêmes. En ce sens-là, ça nous paraît intéressant.

Mais, au-delà de ça, et vous verrez que c'est assez... vous avez vu, dans notre mémoire, que c'est assez important, travailler avec les hommes, c'est aussi travailler avec les hommes au niveau de l'articulation des temps sociaux, comme on parle dans le document, ou de la conciliation travail-famille. À notre sens, ce vecteur, ce thème-là est très important. Pour nous, concilier autrement la sphère privée et la sphère publique, c'est une condition essentielle à l'égalité des femmes. Il ne s'agit plus seulement aux femmes... C'est important, le travail est immense à faire encore pour que les femmes s'inscrivent véritablement dans la sphère publique, mais il faut revoir l'articulation entre ces deux sphères-là. C'est la seule condition d'une véritable égalité, aussi. Donc, pour cela, retravailler aux relations entre les hommes et les femmes, il faut absolument introduire les hommes sur cette question-là.

Mais par ailleurs on parle d'une formalisation finalement d'approche, qu'on utilise déjà, hein, je veux juste comprendre que ce n'est pas un élargissement, ce qu'on... Mais l'idée d'un contrat social est intéressante, parce que là on vient formaliser des choses qui se font déjà puis on vient réaffirmer... et c'est central, dans les moyens, il faut réaffirmer que cette égalité-là n'est pas atteinte. Et faire une politique d'égalité en reconnaissant qu'il faut encore travailler pour l'atteindre, que ce n'est qu'un idéal, pour moi, c'est le premier moyen pour réussir à mobiliser, pas juste interpeller, mais mobiliser la société derrière cette quête-là. Cette mobilisation-là, on dirait qu'elle recule en ce moment, parce que la discrimination se fait beaucoup plus subtile. Il y a 30 ans, les femmes étaient exclues des conseils municipaux. On devait travailler là-dessus. Aujourd'hui, elles ne sont pas présentes, ou peu, non pas parce qu'on les exclut, mais parce que les conditions ne sont pas réunies pour avoir une participation pleine des femmes. C'est beaucoup plus subtil et beaucoup plus difficile à identifier. Alors, il faut... Pour nous, cet élargissement-là va permettre de mettre en lumière ces inégalités-là, et c'est là-dessus qu'on va pouvoir tabler pour une mobilisation sociétale, une mobilisation de la société.

Par ailleurs, c'est sûr que les craintes sont liées... L'État doit être un modèle dans cette démarche-là. L'État doit être un modèle, parce que les conditions de vie des femmes se sont modifiées sous la pression ou à l'initiative de mesures mises en place par l'État. Dans les milieux, dans les régions, tous les milieux ne sont pas prêts à faire ces changements-là, qui sont majeurs. Ils doivent avoir des obligations, ils doivent avoir des incitatifs. C'est comme ça depuis 30 ans et ça devra l'être pour encore un bon bout de temps. Alors, on élargit les approches, mais l'État reste le leader et reste au coeur des choses, reste au coeur des choses notamment à travers les moyens qu'il mettra à la disposition de cette politique d'égalité là.

Concrètement, sur les orientations d'abord ? je ne voudrais pas manquer de temps ? nous n'avons pas traité spécifiquement de chacune des orientations. Elles nous semblent pertinentes; vous entendrez des groupes qui sont spécialisés dans chacune de ces orientations-là, qui pourront effectivement commenter, valider et bonifier les propositions qui sont faites là. Évidemment, les thèmes proposés, les orientations sont pertinentes, elles rejoignent en partie celles qui existaient avant, dans la politique de 1993-2003.

Par ailleurs, nous pensons que deux d'entre elles sont transversales, c'est-à-dire deux d'entre elles touchent un peu l'ensemble des autres. La première, évidemment, j'en ai parlé tout à l'heure, c'était l'articulation des temps sociaux. Pour nous, c'est là vraiment... ? on pourra revenir là-dessus plus tard ? mais c'est vraiment une condition de base à une égalité. Le fait que les femmes soient encore principalement responsables des tâches domestiques et familiales, c'est une entrave majeure d'abord à leur insertion économique et à leur autonomie économique, avec tout ce qui vient avec ça. Quand on parle des femmes dans la sphère politique, dans les lieux décisionnels, encore une fois les multiples rôles qu'elles doivent assumer, le leadership qu'elles doivent assumer à la fois dans la sphère privée et dans la sphère publique rendent difficile cet investissement-là. On les rencontre, les femmes, en région, on les sollicite, et elles nous disent: On ne peut pas en rajouter à notre semaine, c'est très difficile de s'investir de façon supplémentaire. Alors, il faut travailler là-dessus. Puis évidemment, là, la question de la violence est évidemment centrale, au niveau de l'égalité. Donc, l'articulation des temps, mais les stéréotypes.

Avec cette impression-là que l'égalité est atteinte, avec cette redéfinition-là des rôles, on sent un malaise et en même temps on voit ressurgir des stéréotypes qui, pensions-nous, avaient été éliminés. Il faut aller dans les écoles du Québec, on voit encore des stéréotypes, des trucs très banals. Comme, je remarquais ? mais c'est un cas personnel, on ne peut pas en faire un cas de figure ? que c'est encore souvent les petites filles à qui on va demander d'essuyer les tableaux, là. On peut en sourire, mais, en 2005, on s'attend à ce que ce soit réglé, cette question-là. Alors là je ne parle même pas de la sexualisation des fillettes, là; il y a des stéréotypes et de l'estime de soi qui passent encore trop par le corps; là, je vous parle juste de l'essuyage de tableaux. Il faut recommencer, il faut se reconscientiser sur l'impact des stéréotypes dans cette quête d'égalité là. Donc, ça reste important de travailler là-dessus.

Nous sommes un organisme régional, alors inévitablement on va devoir... je vais vous parler de l'ancrage gouvernemental et régional. Il faut comprendre qu'en travaillant avec des instances qui sont très diverses, comme vous le voyez dans le schéma qu'on vous a distribué, la condition féminine, avec le temps, est devenue un secteur. Moi, je suis un groupe de pression qui travaille sur un secteur. Pourtant, l'égalité, quant à moi, et c'est là l'intérêt de cette question-là, c'est une valeur fondatrice de la société québécoise, et la condition féminine, dans ces instances-là... l'égalité, c'est-à-dire, devrait être au coeur de leurs actions.

Pour faire participer ces instances-là, ça prend un leitmotiv, ça prend un État, un gouvernement qui dit: C'est important, c'est tellement important qu'on va vous demander de faire des choses pour que l'égalité soit effective dans chacune des régions, et ça, c'est important. Si on n'a pas ces poignées-là ? pour parler franchement ? on ne peut pas avancer. Depuis que, la politique, là, on en a une, on n'en a pas une, la cinquième orientation, l'orientation qui était spécifiquement destinée sur les femmes en région, c'est flottant, c'est très difficile. Puis là il y a eu toutes sortes de rumeurs, on nous dit: Maintenant, vous allez... ce n'est plus important, la condition féminine. En ayant ce flottement-là, en ayant ce manque de clarté, de volonté politique ? je ne dis pas qu'elle n'existe pas, mais elle n'est pas claire ? nous, c'est très difficile d'insister auprès de ces instances-là pour avoir des résultats réels. Puis on n'a pas de poignée pour assurer des suivis, non plus. C'est important, il ne s'agit pas juste de demander, il faut voir s'ils le font. C'est important en ce sens-là.

n (9 h 50) n

Vous avez vu dans le mémoire, on vous a proposé plusieurs pistes, qui ne sont pas tellement différentes de nos consoeurs. Évidemment, nous considérons qu'il faut maintenir dans la structure gouvernementale deux organismes, un organisme-conseil et un secrétariat. C'est fondamental. Depuis 30 ans, il y a eu plusieurs changements, et c'est le travail à la fois de conseil... le travail de conseil extérieur et de travail à l'interne, dans la machine, qui a permis cette complémentarité-là, de faire avancer les dossiers. Il faut être capable de travailler comme ça. Nous, en région, on fait ça, on a des gens dans les CRE qui s'occupent de condition féminine, il y a la table à l'extérieur, et c'est la combinaison du travail des deux, des deux types de travail, qui permet de faire avancer les dossiers.

On demande bien sûr, écoutez, une ministre à l'égalité, nous dirons ça comme ça; c'est un message clair, c'est important. Au lendemain des nominations, en avril 2003, on s'est fait dire à la blague: Comme ça, ce n'est plus important, on va moins te voir. Oui, c'est encore important puis c'est une façon d'exprimer clairement les choses. Nous demandons que dans l'appareil gouvernemental il y ait aussi régionalement des gens qui s'occupent, des gens qui doivent rendre des comptes sur la question de l'égalité. Ça existait avant, un réseau des répondants à la condition féminine; maintenant, dans les ministères, au niveau des régions, il faut que je sache qui interpeller, avec qui travailler et qu'ils aient des suivis... Que je puisse faire le suivi, que l'État fasse des suivis et que je puisse les interpeller. Alors, dans les directions régionales, évidemment les bureaux régionaux du Conseil du statut de la femme sont fondamentaux. Je suis en action... nous sommes en action continuellement, nous avons besoin de cet organisme-là qui nous permet de nous alimenter au niveau de nos dossiers, c'est essentiel.

Égalité pour décider. L'égalité pour décider est fondamentale dans les régions du Québec. Avec la réforme... bon, vous en avez entendu parler, ça aussi, avec la réforme, la fin des CRD, les CRE, les femmes sont beaucoup moins dans les lieux de pouvoir. En Outaouais, nous étions 40 % au conseil d'administration et nous sommes maintenant 25 % de femmes. Il y a quand même une différence majeure. Et il faut travailler pour amener plus de femmes en politique municipale, ce n'est pas une question que l'on pourra régler en deux ans. Pour toutes sortes de raisons, il y a des obstacles qui sont majeurs au fait que les femmes vont être en politique municipale, le premier étant qu'à l'extérieur des grandes villes... vous savez qu'aller en politique municipale, à l'extérieur des grandes villes, c'est 1 000 $, 2 000 $ comme conseillère, par année. Donc, on est obligée de continuer à travailler à temps plein, de s'occuper des enfants, d'être conseillère le soir, de se faire appeler pour les trottoirs. C'est infernal! Les femmes nous disent: Non, je ne peux pas ajouter ça. On travaille avec elles, on travaille sur l'importance d'occuper ces lieux de pouvoir là. On va y arriver, on a des campagnes, on a une bonne réponse pour cette année, mais les changements ne seront pas à court terme, il faut absolument refinancer pour une bonne période le programme À égalité pour décider.

Ensuite, évidemment ? bon, je voudrais être sûre de passer sur l'ensemble des choses ? il faudrait que dans les CRE, les conférences régionales des élus... elles sont en train, là, de se mettre en branle, de définir des plans quinquennaux, il y a un vide là, encore une fois; les femmes ont reculé sur les lieux de pouvoir, à l'intérieur, on ne sait plus s'il y a des tables femmes, des tables intersectorielles, des tables sectorielles, le flou le plus total. On nous dit: On verra, on mettra en place si on a un plan quinquennal. Alors, on se retourne la balle continuellement.

Nous voulons des tables, des commissions qui puissent alimenter les élus, parce que le monde municipal, en matière de condition féminine, ils ont été assez peu... j'allais dire «contaminés», ils ont été assez peu convaincus à travers les années; il y a un travail majeur à faire à ce niveau-là. On veut qu'il y ait une travailleuse dans les CRE. Et ça, les CRE, si on les laisse à eux-mêmes, ce n'est pas sûr qu'ils vont en mettre une. Il faut qu'il y ait une politique de l'égalité qui exige que le partenaire CRE mette effectivement en place les moyens nécessaires pour prendre en compte l'égalité. Et finalement il faudra voir si on continue à travailler avec des ententes spécifiques à travers les plans quinquennaux. La condition féminine, c'est quelque chose qui a peu de moyens rattachés à ça. Le mécanisme qu'on avait pour essayer de mettre en place des ententes spécifiques, c'était très difficile, ayant peu de ressources régionales à attacher financièrement avec l'argent qui était disponible au Fonds de développement régional. Il faudra voir les moyens pour effectivement articuler des actions concrètes au niveau des régions.

Je m'arrêterai ici. Peut-être...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Il vous reste encore une minute, que vous pouvez utiliser si vous voulez.

Mme Trudel (Anne-Marie): Je conclurai, avant les questions, bien sûr, je conclurais en vous rappelant que l'idée d'un contrat social, c'est fort, c'est intéressant, ça interpelle tout le monde. Ce contrat d'égalité là, aussi, tient dans le discours, vous me direz, mais c'est essentiel. Quand je parle de condition féminine, c'est moi, c'est elle, c'est vous, mesdames. La condition féminine, ça repose sur nos épaules. Les gars nous disent: Ah oui! on va t'aider. Si je parle d'égalité, ça les concerne, eux. Alors, c'est important, cette notion d'égalité là. Par ailleurs, il ne faudrait pas arrêter de travailler sur la... Pour moi, travailler sur l'égalité, c'est améliorer les conditions de vie des femmes, parce que le principal obstacle à des bonnes conditions de vie des femmes, c'est ce manque d'égalité là. Vous comprendrez que, pour moi, c'est une façon de mobiliser que de parler d'égalité. Je ne change pas d'objectif, c'est important.

Nous adhérons aux trois approches, mais il faut les ressources. Elles ne sont pas concurrentes. Il ne s'agit pas de marchander une approche par rapport à l'autre, il faut les trois et la capacité d'agir dans ces approches-là. Il faut que l'État, au-dessus de ça, soit un modèle, un leader, c'est important, et qui, après ça, puisse envoyer des attentes signifiées, claires, en effectuant les suivis avec les partenaires, dans des liens contractuels. C'est important. Et nous espérons évidemment qu'après tout, en 2005, c'est l'ensemble de la société qui partagera cet idéal, un idéal qui n'est pas atteint. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci beaucoup. Nous allons passer à un premier bloc d'échange. Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et responsable de la Condition féminine, la parole est à vous.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mesdames, merci beaucoup. Je retrouve le dynamisme de l'Outaouais, je retrouve la conviction, la passion. Mais je voudrais vous dire, Mme Trudel, que vous venez brillamment ? puis ce n'est pas de la flagornerie de ma part, là ? mais vous venez brillamment de résumer, et très clairement et très précisément, je pense, la raison d'être de cette commission, l'enjeu, et vous avez bien résumé là vers quoi tend le gouvernement. Je veux répéter, vous venez de résumer très correctement, très précisément ce vers quoi j'espère que nous irons ensemble.

Parce que, vous savez, quand c'est vous qui le dites, avec tout le travail du terrain et l'expérience, avec tous ces liens que vous avez avec tous les intervenants sociaux, politiques, économiques de votre région, avec ces mouvements, ces femmes qui luttent et qui se battent depuis longtemps pour arriver à ce que vous appelez l'idéal, moi, j'espère que cet idéal dont vous parlez deviendra une réalité, on en parlera comme une réalité. C'est pour ça que nous sommes ici, c'est pour ça qu'il faut continuer, c'est pour ça qu'il ne faut pas lâcher. Mais je pense que vous avez bien saisi les possibilités qui s'offrent à nous à travers, je dirais... je vais dire, le concept de l'égalité, mais à travers l'enjeu de l'égalité, c'est plus ça, et que, dans ce sens-là, vous faites de belles ouvertures par rapport à une compréhension.

Vous avez dit des choses très, très, très importantes. Je vais en reprendre quelques-unes puis j'aimerais vous entendre un peu plus sur celles que vous avez dites. Vous avez dit: Il faut que la reconnaissance de notre action aille plus loin. Vous avez dit: On travaille déjà dans l'approche sociétale, on le fait déjà, mais il faut mobiliser. Moi, je vous dis: Si on le fait déjà, est-ce qu'on peut aller plus loin? Est-ce qu'on peut approfondir? Et vous nous dites: Oui, on pense qu'il faut créer des alliances serrées, vous dites: une alliance serrée avec tous les acteurs.

Et vous avez dit une chose importante, vous avez dit: Dans la condition féminine, très souvent et historiquement, les femmes ont travaillé pour elles-mêmes, avec elles-mêmes, et vous dites, je reprends vos mots ? j'ai écrit ? et vous dites: maintenant, ce qu'il faut certainement, dans l'égalité, c'est mobiliser, interpeller. Il ne faut plus que ce soit fait uniquement par nous-mêmes, avec nous-mêmes, entre nous-mêmes, les femmes, mais, oui, vous êtes d'avis qu'il faut dorénavant mobiliser l'ensemble, mais toujours pour améliorer cette égalité de fait pour les femmes et toujours dans une perspective féminine où il faut faire avancer l'égalité de fait. Moi, c'est comme ça que je comprends.

n (10 heures) n

Vous avez dit une autre chose bien importante, vous avez dit: La sphère publique, c'est majeur, l'État a toujours un rôle important à jouer, les femmes doivent, à travers les lois, les politiques et les programmes, pouvoir agir dans le sens où on le dit, mais vous avez dit: il faut concilier autrement la sphère privée avec la sphère publique. Moi, j'aimerais savoir plus précisément ce que vous entendez par là, comment ça peut se faire et avec qui. Puis, la dernière chose, vous avez dit... ça m'étonne, vous êtes la première, à ma connaissance, corrigez-moi si je me trompe, qui parlez d'une ministre à l'égalité ou de l'égalité, hein? Tous parlent encore d'une ministre à la condition féminine, et je veux vous entendre là-dessus.

Donc, ce que je vous dis, c'est qu'il m'apparaît que vous avez bien résumé un peu le sens de l'avis du Conseil du statut de la femme; en tout cas, je vais vous dire bien humblement la façon dont, moi, je comprends l'avis du Conseil du statut de la femme, je le comprends tel que vous l'avez exprimé. Et vous semblez me dire que c'est une voie ? puis je ne veux pas être réductrice, parce qu'on a peu de temps, mais je ne veux pas réduire votre pensée ? mais que c'est une voie très certainement à explorer, mais à explorer plus fortement en région et de donner aux régions les moyens de pouvoir concrétiser bien sûr l'approche spécifique, qui est fondamentale dans la cause des femmes ? je le répète, je vais le dire à tous les jours; tous les jours, je vais commencer en disant: on ne passera pas à côté de l'approche spécifique ? mais vous dites: les trois approches peuvent être complémentaires et elles peuvent se vivre positivement sur le terrain, et ça peut faire avancer la cause des femmes vers l'égalité de fait.

J'ai dit à ma sous-ministre associée au secrétariat, je vais vous dire textuellement ce que je lui ai dit il y a quelques minutes: Dans cette politique que le secrétariat élaborera, il devra y avoir un chapitre spécifique sur les régions et on devra, dans cette politique, à mon avis, si vous êtes d'accord, on devra élaborer des moyens très concrets, très précis pour poursuivre l'action des régions. Donc, est-ce que je résume bien votre pensée? Est-ce que vous pouvez aller un peu plus loin sur ces aspects «sphère privée, publique» et voir comment on peut créer ces alliances plus serrées dont vous parlez?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Trudel, j'espère que vous avez pris des notes.

Mme Trudel (Anne-Marie): Oui.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, c'est à vous la parole.

Mme Trudel (Anne-Marie): Je pense que nous avons fait le pari... Il y a un pari important qu'on a fait, avec l'avis du CSF, puis je vais être claire là-dessus. Dans l'avis, on parle beaucoup de l'approche sociétale, et ça peut être dérangeant, dans la mesure où on pourrait craindre que cette approche-là devienne, dans un contexte politique particulier, budgétaire particulier, une approche privilégiée et que le fait qu'on en parle tant, ça signifie cela. Nous avons fait le pari de croire qu'on en parlait beaucoup parce qu'on le posait comme quelque chose de différent et non pas parce que c'était quelque chose qui était prioritaire. Si c'est le cas, j'en suis bien contente; si ce n'est pas le cas, là on devra se rasseoir puis en discuter, parce qu'il va y avoir un problème. Ça, c'est ma première réaction, elle est importante.

Les femmes pour elles-mêmes et par elles-mêmes. Ce que je voulais dire, les femmes ont travaillé avec... Écoutez, là, pour adopter tous ces changements-là, il a fallu qu'il y ait des gars au gouvernement, des hommes qui soient convaincus qu'ils étaient valables, ces changements-là. Donc, elles ont travaillé pour elles-mêmes, mais pour changer et améliorer la société québécoise, ce qui est arrivé.

Là, j'ai le goût de vous faire un exemple qui... je ne sais pas s'il est approprié au Parlement, mais, écoutez, je vous dirais qu'entre ma mère et moi une des différences, c'est que mon chum, mon mari, il change ? il «changeait», parce que les miens sont grands ? il changeait les couches, alors que mon père ne le faisait pas. Mais je vais vous dire un secret: c'est encore moi qui pensais qu'on allait en manquer, de couches, et ça, c'est fatigant, ce n'est pas de les changer, c'est de penser, c'est d'organiser. Et je pense que les femmes, en matière de condition féminine, continuent à être porteuses, à être complètement responsables ? excusez l'exemple, mais c'est celui qui me vient, très concret. Et, en matière de condition féminine, pour moi, ça reste: les femmes, on est porteuses, responsables, mais ça devient lourd, puis en même temps il y a un bout de chemin où, moi, je me dis: le jour où les pères penseront à l'organisation aussi de la vie quotidienne, il y aura déjà un poids de moins sur les épaules des femmes et la possibilité de s'investir dans la sphère publique autrement.

Sur l'articulation sphère privée, publique, là je ne retourne pas cette question-là à l'individu parce que je parle de sphère privée. Ça, c'est important, hein? Si on parle d'une meilleure articulation entre les deux, il va falloir qu'on ait une société qui réfléchisse sur cette articulation-là. Il va falloir que ce soit correct et bien vu de les prendre, ces congés-là. Ce n'est pas le cas encore. Il y a une direction d'Emploi-Québec... il y a quelqu'un qui me disait: Les hommes, chez nous, quand ils prennent congé pour aller avec le petit chez le médecin, ils disent encore à leur patron, dans certains cas: Je m'en vais faire réparer l'auto, parce que, dans des organisations, ce n'est pas toujours bien vu de s'occuper de ses enfants. Il faut travailler là-dessus. Il faut travailler à ce que les organisations privées aussi les accordent, ces conditions de conciliation travail-famille là, ça ne vient pas tout seul, et ce n'est pas sur la question de la maternité, mais la question de la parentalité, et c'est en alliance... Quand les hommes vont prendre leurs congés, ils vont se mettre avec nous pour pousser pour avoir ces mesures-là.

Bon, vous m'avez parlé d'une ministre de l'égalité. Si, pour nous, on pense qu'un contrat social vers l'égalité, dans le discours, peut être plus mobilisateur, bien il faut être conséquents, on aura une ministre de l'égalité. Je ne voudrais pas qu'on exclue... Le danger avec ça, c'est que, si on a une ministre de l'égalité... Nous, on est convaincus que cette égalité-là, c'est un idéal, elle n'est pas atteinte. La journée où on va enlever le mot «condition féminine», est-ce que ça va vouloir dire que les gens vont comprendre qu'ils n'ont plus besoin d'agir en cette matière-là? C'est l'inquiétude qu'on a. Mais effectivement on a parlé de ministre de l'égalité pour être conséquentes avec le contrat social qu'on soutenait, en termes de mobilisation sociale. Mais tout ça, Mme la ministre, quant à moi, est dans les premiers balbutiements. Tout n'est pas clair pour nous. On fait le pari, mais il reste beaucoup de travail à faire à ce niveau-là.

Mme Courchesne: Si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Bon, merci. Mme la ministre, oui.

Mme Courchesne: J'admets avec vous que tout n'est pas clair, et c'est justement pour ça que j'ai voulu faire une commission parlementaire avant de rédiger une politique, parce que c'est... j'admets avec vous, là, très, très, très... d'emblée et franchement que tout n'est pas clair. Mais en même temps, vous savez, quand on veut progresser, évoluer, changer, il faut effectivement pouvoir amener un débat un peu plus loin. J'ai pris ce risque et je suis très consciente du risque, mais c'est pour ça que je le fais aussi publiquement, pour que ce soit transparent et qu'on puisse partager ces réflexions-là, tout le monde ensemble.

Et, vous savez, ma compréhension de l'avis du conseil, c'est qu'on savait et je savais, parce que j'ai été la première à vous en parler au moment de... pas longtemps après l'élection, que de parler de ça, ça pouvait demander beaucoup d'explications. Peut-être que l'avis du conseil en parle beaucoup, de l'approche sociétale, parce que les membres du conseil ont senti que cette approche-là nécessitait plus d'explications. Moi, je ne peux parler que pour moi, comme ministre, à cette étape-ci, puis j'ai déjà donné beaucoup d'indications depuis deux jours: c'est trois approches, vous avez raison de le dire, qui ne doivent pas s'opposer, elles ne doivent pas s'opposer, et je ne veux pas les opposer, et je pense qu'on doit par ailleurs continuer de prioriser l'approche spécifique, au sens où il y a des dossiers majeurs, comme la violence, la pauvreté ? puis je ne veux pas tous les énumérer ? il y en a qui doivent être encore bien identifiés.

Mais je trouve intéressante l'ouverture que vous faites par rapport au fait que peut-être que cette responsabilité qui est toujours la nôtre en tant que femmes, je crois que vous avez raison, mais que cette responsabilité-là, elle doit être partagée par d'autres, si on veut mobiliser les décisions, si on veut s'assurer que les décisions se prennent, les solutions se trouvent et que les actions soient concrètes sur le terrain, dans l'objectif du résultat.

Alors, moi, je vais laisser la parole à mes collègues. J'aurais encore beaucoup, beaucoup de choses à échanger avec vous, mais, M. le Président, à cette étape-ci, je voudrais que mes collègues aient le temps de poser des questions.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Maskinongé.

Mme Gaudet: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci pour votre présentation passionnée. On sent que ça vient du fond du coeur.

n (10 h 10) n

Vous savez... Moi, j'ai deux questions. La première. Je rencontre beaucoup de groupes de femmes, et on m'interpelle sur mon cheminement qui m'a amenée en politique, comme femme, particulièrement dans les groupes d'AFEAS. Je pense que les femmes ici présentes, là, on a des cheminements différents. Je pense que c'est à force de conviction, hein, qu'on a passé outre à certains préjugés ou à certaines façons de faire et certaines difficultés qui touchent particulièrement les femmes. Et ce que me reflètent les femmes du beau grand comté de Maskinongé ? c'est un comté en région, qui est composé de 17 municipalités, des petites municipalités aussi, là ? ce que me reflètent ces femmes-là, c'est qu'elles voient une différence entre les jeunes femmes d'aujourd'hui, les jeunes femmes, là, qui ont autour de 25 ans, pour les amener à la mobilisation que, nous, les femmes un petit peu plus âgées, on a été appelées à faire, cette mobilisation-là pour justement arriver à l'égalité ou à atteindre cet objectif d'égalité.

Alors, ce que me disent les femmes de mon comté, c'est que les jeunes, aujourd'hui, elles ont l'impression ? et là je vous parle vraiment d'impression, là ? qu'elles ont... elles ont fait des pas de géant, ça, je pense qu'on doit en convenir, là, les femmes au Québec ont fait des pas de géant, mais elles ont l'impression qu'elles sont arrivées à cette égalité. Et je vais vous donner les exemples que me donnent les femmes de mon comté. En faculté de médecine, tu sais, si on retourne il y a 50 ans passés, des femmes médecins, bien ça faisait... c'était l'exception. Aujourd'hui, là, ce que nous disent les jeunes: les portes sont ouvertes partout. Il y a tellement de portes ouvertes que ça crée un problème d'orientation chez nos filles. Alors, moi, je vous demande: Avez-vous concrètement des moyens que je pourrais transmettre aux femmes de mon comté?

Et, moi, je leur dis, aux jeunes... parce qu'il y en avait juste deux, dans l'ensemble des rencontres que j'ai faites, il y en avait juste deux qui étaient vraiment beaucoup plus jeunes que les autres, et je les ai rencontrées. Après les exposés, je leur ai dit: Vous deux, là, je vous invite à poser votre candidature en politique. Je vous invite à le faire malgré... puis je ne comprends pas pourquoi vous ne le faites pas, non plus. Et là, bien, elles sont parties avec des petits devoirs de réflexion à faire, bon, tout ça. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Trudel.

Mme Trudel (Anne-Marie): Bien, écoutez, pour les... Je ne peux pas parler au nom des jeunes femmes. Moi aussi, j'en rencontre beaucoup, je fais des conférences dans les cégeps, aussi à l'université, c'est sûr qu'il faut considérer que les jeunes femmes d'aujourd'hui ont une socialisation différente de la mienne ou de la vôtre, mais, même moi, j'ai été élevée, moi, avec l'idée que j'étais égale, ça, c'est un fait, et ce n'est que quand je suis devenue une jeune femme adulte que là je me suis frappée à des obstacles, à des inégalités, que là j'ai réalisé que ce n'était pas vrai que j'étais égale. Mais, quand on se... Puis il faut que ces inégalités-là, elles soient grossières, tu sais, grosses, parce qu'on n'est pas habituées...

Quand tu es égale, tu ne penses pas en termes de genre nécessairement et, si tu ne penses pas en termes de genre, tu n'as pas le réflexe de te demander si, toi, comme femme, c'est pareil que comme un gars. Et ça prend... Moi, j'ai eu des enfants très jeune, et c'est en ayant des enfants que je me suis rendu compte que, tiens, ce n'était pas tout à fait comme ça. Et ces jeunes femmes là vont le découvrir, et c'est difficile de mobiliser sur cette base-là. Par contre, quand on leur reconnaît... quand on ne leur reproche pas de ne pas être mobilisées, on est capables, dans le discours, d'aller les chercher. Et je pense que cette question d'égalité là, le discours... Parce que, je répète, là, parler d'égalité, on ne change pas les objectifs, là, qu'on a depuis... Parler d'égalité, pour moi, c'est une stratégie, c'est une façon effectivement d'aller chercher, parce que c'est un vocable, c'est une expression qui réfère chez les jeunes, qui résonne. Mais c'est sûr qu'au niveau des jeunes femmes il faut travailler autrement.

Mais je dirais que ce sont des beaux produits du féminisme, en même temps, parce qu'on les a élevées avec cette conscience d'être égales, on les a élevées avec cette conscience-là qui les empêche de se considérer inégales et donc d'être mobilisées. Tu sais, c'est un peu un cercle vicieux, mais c'est la condition pour qu'effectivement ces femmes-là prennent leur place et ne se sentent pas moindres, qu'elles aient toutes le guts pour prendre la place qu'elles ont à prendre, parce qu'elles ont cette conscience-là. Mais l'effet pervers, c'est quand on leur parle: Hé! tu n'es pas égale, ils entendent mal, mais ils peuvent entendre.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Oui, merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Une petite minute seulement.

M. Paquin: Je vais aller très rapidement. D'abord, je ne poserai pas la question que j'avais prévue, je vais simplement un peu aborder dans le même sens de Mme Trudel. Sauf erreur, je crois, Mme Trudel... puis on chuchotait un peu, malheureusement... mais pas malheureusement, mais rapidement pendant que vous parliez, parce qu'on portait beaucoup d'intérêt, mais c'est un peu ça, vous touchez un sujet, puis Mme la députée de Maskinongé, ma collègue, aussi: chez moi, j'ai eu le privilège d'être éduqué de façon à ce que c'était égal, les sexes, que ce soit homme ou femme, il n'y avait pas de... l'homme n'était pas supérieur, nous étions égaux, et, aujourd'hui, bien je vois ça de la même façon, puis on recule quand même beaucoup d'années en arrière. Je pense que c'est là qu'il y a un effort important qui doit être fait par les mamans et les papas du Québec, d'aller, au niveau de l'éducation, envers l'égalité des sexes, et on peut changer beaucoup, beaucoup de choses. En tout cas, moi, je suis content d'avoir eu la chance d'avoir cette éducation-là, parce que sinon, si c'est différent, je pense que c'est plus difficile pour l'homme de changer ou d'arriver à la logique dans tout ça.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Une réaction très rapide, madame...

Mme Trudel (Anne-Marie): Très, très rapide, juste pour dire que cette conscience-là de la nécessité de l'égalité est fondamentale, mais elle n'est pas suffisante, parce que les inégalités, elles sont structurelles, aussi, hein, elles sont systémiques. Alors, moi, je prêche pour qu'effectivement cette adhésion-là à l'égalité fasse que les gens acceptent mieux ces changements-là, mais il ne s'agit pas juste de convaincre les gens de vouloir être égaux, parce qu'il y a des changements systémiques majeurs à faire. Il ne faudrait pas...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Merci de cette réponse claire. Nous passons maintenant au deuxième bloc d'échange, avec les députés de l'opposition. Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, Mme Trudel, Mme De Luca, de votre présence puis de votre action en Outaouais. Effectivement, l'Outaouais, c'est une région où j'ai eu la chance d'aller vous rencontrer et où le travail est très dynamique. Vous avez bien utilisé les outils qui étaient à votre disposition. Mais, c'est la réalité, vous présentez bien, je pense, toutes les raisons pour lesquelles les jeunes filles se sentent moins interpellées. Elles se considèrent effectivement... Et, dans l'éducation, on a mis des années à travailler là-dessus, pour rappeler cette égalité-là, sauf ? et j'étais contente de votre dernière phrase ? qu'il y a des discriminations systémiques, et une discrimination systémique, c'est le système. Pourquoi on a fait une loi sur l'équité salariale? Parce que, de tradition, on paie moins les fonctions, les métiers, les professions occupés majoritairement par des femmes.

Et c'est très confus, vous avez raison, au niveau de la mobilisation, c'est très confus. Les gens qui sont convaincus... donc, les jeunes filles elles-mêmes, jusqu'à ce qu'elles deviennent mères ou jusqu'à ce qu'elles travaillent dans un métier où elles voient qu'elles ont un moins bon salaire, c'est visible, elles ne le savent pas, puis c'est normal. Et en même temps plus les femmes ont fait certains progrès, plus le groupe plus réfractaire à ces progrès-là a commencé à agir, certains subtilement ? ça passe toujours mieux ? et d'autres, d'une manière plus extrémiste, qui passe moins bien mais qui a quand même une influence, parce que les gens commencent à se dire: Oui, dans le fond, c'est peut-être vrai. Et là c'est un petit peu pernicieux et c'est pour ça que c'est des concepts difficiles, pas très bien connus, mais ça reflète la réalité.

n (10 h 20) n

Et, en m'en venant sur l'autoroute, lundi soir, j'entendais une annonce pour annoncer... Il va y avoir un grand reportage au niveau des femmes, dans un journal, samedi, mais la façon de l'annoncer! On nous disait: Vous êtes femme, vous avez choisi de faire une carrière, vous avez des enfants, est-ce que vous donnez vraiment le 100 % de vous-même à vos enfants? Vous sentez-vous coupable? Un grand reportage, samedi. Tout ce qu'on peut voir, là, dans cette annonce-là! Et, les annonces, je les examine, là, de plus en plus, il y a vraiment un recul. Donc, on a le recul en même temps. On a fait les avancées, mais on subit le recul de nos avancées, et donc c'est pour ça qu'il faut continuer à avancer.

Au niveau... je reviens au niveau de votre mémoire. Bon. J'ai senti des nuances dans votre présentation puis votre mémoire, et il y a des éléments dans le mémoire que je trouvais importants puis que je vais relire, parce que, quand vous parlez de l'approche sociétale, vous dites: «[L'approche sociétale] engendre [...] plusieurs craintes ? page 4 ? notamment parce qu'elle pourrait être propice à une récupération de la question de l'égalité à des fins sociales, économiques et politiques qui n'auraient rien à voir avec la discrimination systémique basée sur le sexe et les rôles sociaux hiérarchisés entre les hommes et les femmes.»

Vous nous parlez aussi que... dans le mémoire, il y a effectivement beaucoup d'exemples au niveau des garçons, hein, on nous en parle beaucoup, des difficultés qui sont vécues par les enfants, et il y a toujours le risque effectivement de les comparer à des discriminations systémiques, alors que ce n'est pas ça. Et j'aimais bien votre petit paragraphe: «...l'État réaffirme son idéal d'égalité pour les Québécoises.» Il y a ce bout-là qui était là, là-dedans. Et vous preniez même la précaution de dire: La reconnaissance de cet idéal n'est pas atteint. Il faudrait maintenir dans le discours un élément qui rappelle à tous ? j'ajouterais peut-être «et à toutes ? aux décideurs particulièrement, que l'égalité n'est encore qu'un idéal à atteindre. Dans le cas contraire, il sera difficile de les mobiliser, même en élargissant les approches utilisées.

Et je pense qu'effectivement il y a un risque, si dans notre... Parce que les mots ne sont pas neutres. Si on a dit que l'égalité, comme, dans l'esprit des gens, elle est déjà atteinte, on oublie cet élément-là, que, moi, je ne veux pas qu'on l'oublie, il faut que les mots qui vont être choisis viennent le rappeler. Alors, votre nuance par rapport à votre présentation puis ce bémol-là, là, qui était... m'apparaissaient importants.

Mme Trudel (Anne-Marie): C'est central. Mais on peut faire le pari. Si on se dit: on va parler d'égalité, les gens vont comprendre qu'on est égaux. Mais en même temps, pour moi, parler d'égalité, on va être obligé de voir... Mais, si on veut travailler sur l'égalité, on va être obligé de la mesurer, cette égalité-là, on va être obligé de parler, donc de nécessairement voir les inégalités, si on fait des démarches sérieuses. Comprenez-vous? C'est que l'égalité, le danger, c'est qu'effectivement on dise, et la nuance est importante ici, on veut que, dans les communications, on soit clairs, nous sommes dans une démarche d'égalité, dans une quête d'égalité, nous ne travaillons pas au maintien de l'égalité, hein? C'est important. Mais en même temps parler de l'égalité, quand on va se pencher sur la question de l'égalité, c'est parler des inégalités.

Et vous avez raison en disant que les reculs, ils sont là, les reculs dans l'acceptation, dans ce qu'on considère être pertinent comme moyens auprès des femmes. Je trouve qu'aujourd'hui on remet en question les... Tu sais, c'est un pari à prendre. Aujourd'hui, on remet en question trop souvent les mesures spécifiques en disant: C'est atteint, cette égalité-là, elles sont fatigantes. En même temps, il faut qu'on redémontre que ce n'est pas atteint. Et, pour moi, parler d'égalité, c'est parler des inégalités, et ça me paraît important. Mais je suis contente que vous insistiez sur ce bout du mémoire là, effectivement, dans les communications, il faudra être sensibles et faire attention. C'est clair.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, merci, M. le Président. Parce que, écoutez, elles ne sont pas là. Les mots le disent présentement que ce n'est pas là, puis les gens pensent que l'égalité est là. Alors, moi, je vois difficilement que, même si je mets le mot, il faut que j'explique en plus que ce n'est pas là puis que les gens, là, vont voir qu'elles ne sont pas là.

Moi, je pense que nos inégalités, vous l'avez bien dit, c'est très, très lié aussi à la sphère privée et publique, il faut se donner des moyens d'action. Vous avez insisté sur l'importance du suivi au niveau des régions, des répondantes dans les ministères. Je pense bien sincèrement que, si on n'arrive pas à faire des pas plus rapidement, c'est parce qu'on a effectivement des faiblesses, on n'a pas des répondantes partout, le message, il n'est pas clair, et on n'a pas des ressources humaines, donc, on vient de le dire, puis financières aussi. Est-ce que les tables des groupes de femmes au niveau des régions ? et, dans votre cas, AGIR ? ont les moyens financiers pour être capables d'obtenir les résultats qu'elles souhaiteraient? Moi, je pense que non. Est-ce que, notre politique en violence conjugale, pour qu'elle puisse descendre dans les régions, on a toutes les ressources financières et toute la formation du personnel pour bien comprendre? Non. Alors, il faut... Puis ce n'est pas parce qu'on changerait de nom que ça donne des ressources financières additionnelles, hein, on s'entend. Donc, je pense que notre vrai problème, il est beaucoup plus au niveau des ressources qu'on ne met pas et de la compréhension et de la formation des choses. Vous pourrez revenir là-dessus aussi.

Puis je veux que vous reveniez absolument sur l'ADS, l'analyse différenciée selon les sexes. Effectivement, pour moi, c'est majeur, c'est important. Et vous précisez dans votre mémoire que vous pensez que ça devrait être, l'ADS, l'outil privilégié pour l'approche transversale, plutôt que l'analyse intégrée de l'égalité. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Et, moi, je dis que, l'ADS, on commence à peine. On a eu des projets pilotes, on commence à expliquer aux gens, puis recommencer à expliquer d'autres choses, c'est beaucoup de temps perdu. Alors, je veux vous entendre sur l'ADS.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme Trudel, deux questions pour le prix d'une.

Mme Trudel (Anne-Marie): Deux réponses aussi? Sur les ressources manquantes, effectivement il n'y a pas suffisamment de ressources; ça, c'est clair. Je vous dirais qu'en région les tables actuellement, avec le budget qu'elles ont, on est, en moyenne, une permanente, des fois deux, comme avec une chargée administrative, et je vous dirais que la participation, l'implication dans différents conseils, lieux de pouvoir, tel que vous le voyez là dans l'affiche que je vous ai donnée, c'est une seule et même personne qui tente de travailler auprès de ces intervenants-là. Alors, c'est ce que ça veut dire aussi, des ressources limitées.

Et ces ressources-là, pourtant c'est de valeur qu'on ne les ait pas plus, parce que, je vais vous dire, concrètement, un, il y a le problème que les consignes ne descendent pas en région, pour l'instant, suffisamment clairement. Ça, c'est clair. Puis je vais vous dire un exemple bien précis. Avec les CRE, il y a l'article 99, qui a été adopté finalement, qui nous permet de jouer là-dessus, sur la question de l'égalité, de la parité des femmes. Par la suite, la ministre Normandeau a déposé auprès des présidents des CRE un plan... en fait ça s'appelle... une espèce de guide pour faire le plan quinquennal, dans lequel on stipule que l'article 99 devra se traduire dans le plan quinquennal. Bien, figurez-vous que j'ai mis la main là-dessus cette semaine ? ça a été déposé au mois de novembre ? mais que personne dans ma CRE ne savait que ça existait. Donc, ça ne devient pas... C'est hyper utile, parce qu'au niveau national on s'est dit: On va donner des poignées au FAI dans les régions. Mais il faut s'assurer qu'à travers les ministères qui ne dépendent pas nécessairement de la ministre responsable de la Condition féminine on fasse descendre les consignes. C'est hyper important.

En même temps, pour les ressources, je vais répondre là-dessus, on peut faire descendre des consignes. Vous savez, des consignes, on peut les appliquer parce qu'on est obligé puis on peut les appliquer parce qu'on y croit, puis, pour que les gens dans les organismes, dans les organisations, ils les appliquent parce qu'ils y croient, mais, moi, il faut que je sois allée les voir puis que je les ai convaincus que c'était important, puis ça, ça prend du temps, puis ça prend des ressources, puis ça prend des connaissances dans plein de domaines différents. Mais la consigne, l'interprétation formelle est importante, je ne le répéterai jamais assez, elle n'est pas suffisante, il faut convaincre les gens.

Et je vais faire le pont avec l'ADS là-dessus. Actuellement, on voit... Entre autres dans le système de la santé, c'est là où ça descend le mieux, là, on est en train de vouloir former au niveau des régies. Mais là on va faire des formations sur la technique, comment on fait de l'ADS. Mais figurez-vous que, moi, je pense que les gens, ils entendraient mieux la technique si on avait un plan de marketing pour aller leur vendre pourquoi c'est tellement important de faire de l'ADS en santé, et puis qu'après ça on les forme. Mais, pour ça, ça prend des ressources. Il ne faut pas former quelqu'un qui va aller former d'autres personnes à peu près. Ça prend quelqu'un qui va être capable d'aller démontrer comment ça va leur être utile, à eux, comme gestionnaires de systèmes de santé, dans leur efficacité. Donc, l'ADS, oui, c'est important. Puis changer de nom, là, ça va remélanger. Les gens commencent à être habitués, là, de... ils savent de quoi qu'on parle, il ne faudrait pas mélanger les choses.

Mme Caron: Merci beaucoup. Je vais laisser ma collègue...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Laurier-Dorion.

n(10 h 30)n

Mme Lefebvre: Merci. Merci pour votre intervention dans cette commission, c'est très enrichissant. Depuis le début de cette commission, moi, j'écoute beaucoup, puisque... mais, comme l'a mentionné ma collègue, moi, j'ai 25 ans, donc je me sens interpellée par la situation, la condition des femmes. Mais en même temps vous avez bien exprimé la position que peut-être j'ai et celle de ma génération, comme quoi, oui, l'égalité, pour nous, semble peut-être un peu plus acquise. Cependant... Et c'est pour ça que j'écoute avec beaucoup d'attention tous les intervenants qui sont venus ici, qui, pour la plupart, ont passé une grande partie de leur vie à oeuvrer à l'accroissement de cette égalité pour les femmes, et puis ce que je constate, bien c'est deux choses. Bien, premièrement, la plupart des groupes viennent intervenir dans un contexte particulier et qui, selon moi... on ne peut pas le nier, parce que le contexte de ces audiences se fait dans un contexte budgétaire, plusieurs groupes l'ont rappelé, dans un contexte également de réingénierie qui fait en sorte que plusieurs personnes sont venues déposer des mémoires dans la crainte que peut-être quelques structures disparaîtront, pas nécessairement en fonction de, disons, des valeurs ou des principes fondamentaux de la cause féministe, mais plutôt par une réingénierie de structures due à des coupures budgétaires potentielles. Donc, ce qui fait en sorte que j'ai l'impression que par moments le débat peut être un peu biaisé quant au contenu formel.

Comme, par exemple, sur les trois moyens d'arriver à cette égalité, spécifiquement quant à l'approche sociétale, parce que la plupart des groupes, ce qu'ils mentionnent, c'est qu'il faut, oui, miser sur les trois, les trois ont déjà été... ont déjà prouvé qu'ils pouvaient amener des avancées à cet égard, donc... Puis, également, quant au concept même de la condition féminine, par rapport à l'égalité, donc il y a ça aussi, parce qu'il ne faut pas se leurrer, dans le contexte actuel mais également dans le passé, les luttes féministes ne se sont pas faites non plus dans l'allégresse et la plus grande, disons, préoccupation étatique ou du gouvernement, donc il y a toujours eu des budgets assez restreints.

Donc, ce qui est important pour tout le monde et pour toutes les femmes qui ont lutté depuis, je pense que c'est le maintien minimal de ce qui existe déjà, puis, ensuite de ça, on peut commencer à parler de ce qui s'en vient. Donc, je pense que ce que vous avez exprimé et ce que d'autres groupes ont exprimé, c'est un peu cette sonnette d'alarme qu'on envoie à la ministre, comme quoi... Assurez-nous d'un maintien de ce qu'on a déjà pour pouvoir continuer dans le bon sens, puis, ensuite de ça, bon, on pourra...

Si on part de cette prémisse-là, comme vous l'avez mentionné, que les ressources seront maintenues et peut-être ajoutées, comment on peut essayer d'intégrer le concept d'égalité sans pour autant réduire la mobilisation, là, spécifique autour de la condition féminine? Je le sais que c'est... dans le fond, vous en avez parlé, puis c'est ça, le... Pour moi, c'est un débat, c'est un débat important, là. Comment on peut tenter d'aller chercher plus large, peut-être une nouvelle génération, en cette matière, mais sans pour autant réduire la force? Ce qui est fondamental, c'est l'atteinte de l'égalité des femmes, parce que c'est ça qu'il faut ramener.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Trudel, oui.

Mme Trudel (Anne-Marie): Écoutez, ce que vous nommez là, on y a réfléchi puis, avant de, comme groupe, de prendre position, on a beaucoup hésité, parce que cette crainte-là, elle est là, elle est au coeur des choses, la crainte qu'effectivement, dans le contexte actuel, il y ait une perte au niveau des moyens, au niveau des ressources, puis qu'on finisse par choisir l'approche qui coûtera le moins cher. Puis, je veux dire, je dis souvent au... Chez nous, on dit souvent: C'est sûr que la vertu n'est pas un argument politique dans ces cas-là. Alors, ce ne sera pas juste l'égalité qui suffira à maintenir les ressources.

En même temps, une politique d'égalité, une politique de condition féminine, ce n'est pas quelque chose qu'on va faire sur deux ans. Et là, ce à quoi on est convié, ce n'est pas de réviser ou de... On avait senti, chez nous, qu'on était conviées à un débat de société, qu'on était conviées... Comment on conçoit la lutte pour les 10 prochaines années pour les femmes? Est-ce qu'on décide de regarder ça... Quels seront les moyens que peu à peu on construira... on essaiera d'obtenir? Et, en ce sens-là, oui, le pari est là. Vous le cacher, ce serait vous mentir. C'est une crainte, tout le monde va le répéter, je vais le répéter haut et fort, mais, dans une perspective de débat de société, on dit: Bon, après 30 ans, est-ce qu'on va élargir ou essayer de prendre les choses autrement? Mais ça ne nous dégage pas du contexte actuel où... Puis on le dit bien: L'État doit être un leader et un modèle. C'est sûr que c'est risqué, quand on pense que l'État, dans certains domaines, est en train de se désengager, il ne faut pas être naïf, mais en même temps, en termes de débat de société, en termes de voir comment on construira, pour les 10 prochaines années, notre action en matière d'égalité, on a pensé que ça valait la peine d'aller dans... Parce que, entre autres, avec ce qu'on fait actuellement, on a des gains, mais, vous l'avez mentionné, il y a des reculs en termes de l'acceptation de la pertinence de ce qu'on fait. Ça fait que, nous, on veut réinscrire les inégalités comme pertinent.

Vous me dites: Si on parle d'égalité, est-ce qu'on ne risque pas, en parlant de condition féminine, de justement perdre ça? Bien, écoutez, la conviction qu'on a, c'est que, si on parle d'égalité, on va être obligé de la regarder et de constater les inégalités. Puis savez-vous c'est qui qui est inégal? La plupart du temps, toujours les femmes. Donc, quand on va travailler l'égalité, on va essayer de corriger des inégalités. Ça va être les inégalités de qui? Ça va être les inégalités de femmes. Si on ne trafique pas le processus, si on ne récupère pas le processus pour essayer de faire passer des problèmes sociaux pour des problèmes d'inégalités. Ce n'est pas la même chose.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme De Luca.

Mme De Luca (Tina): Oui. Suite à votre intervention, j'ajouterais à ce que Mme Trudel a mentionné. Excusez-moi, je ne suis pas très en voix ce matin. Bon, il m'apparaît nécessaire de regarder, d'examiner à nouveau ce qui se passe actuellement ici, en 2005, parce que, bon, la politique est échue. Sans le changement du gouvernement, on ferait quand même toute cette démarche, alors... Puis on parle d'égalité, il s'agirait peut-être de revoir aussi le slogan qui sera utilisé, parce que... On est en route vers l'égalité, c'est vers l'égalité qu'on veut tendre, alors peut-être de revoir un petit peu les termes, là, se dire: Bon, oui, on est en route, on veut se rendre... on a un objectif, on a un but.

Puis, moi, je vois actuellement qu'on est dans une période, aussi, de consolidation, parce qu'on peut justement voir les progrès qui sont tangibles, ça a donné des résultats, il y a eu des avancées, sauf qu'en même temps on se rend compte qu'il y a du recul. Mais la discussion va permettre justement de voir qu'est-ce qui est à changer, qu'est-ce qui est à modifier. Mais, quand même, on est dans une période de consolidation. On veut maintenir certaines choses mais en même temps en améliorer d'autres. Alors, je pense qu'il y a des moyens à court terme, moyen terme et long terme à examiner. Alors, travaillons avec ceux qui sont prêts à travailler, puis d'autres éventuellement pourront se joindre au travail qui est fait. Mais je pense qu'actuellement... Pour parler des hommes, il y a des hommes qui sont prêts. Alors, on se disait, en discutant hier soir, que, oui, nos copains ou des gens qu'on connaît, des hommes qu'on connaît, bien, qu'ils sont sensibles à cette situation-là. Alors, on dit: Oui, il y en a, des hommes qui sont prêts à travailler avec nous.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme De Luca, vous aurez eu le dernier mot. Je vous remercie de votre contribution, ainsi que Mme Trudel. J'invite les membres, les représentants du prochain groupe à s'installer à la table, s'il vous plaît, et je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 38)

 

(Reprise à 10 h 44)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): La commission reprend ses travaux. Nous recevons les représentants du Groupe Femmes, Politique et Démocratie. Je laisse le soin à Mme Claire Prévost-Fournier, présidente du conseil d'administration et cofondatrice, de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Groupe Femmes, Politique
et Démocratie (GFPD)

Mme Prévost-Fournier (Claire): Merci, M. le Président. Alors, je suis accompagnée de deux autres membres fondateurs du groupe: alors, Mme Élaine Hémond, qui est la directrice générale du groupe et qui était la présidente du groupe jusqu'à janvier 2005, jusqu'à tout récemment, et M. Michel Umbriaco, qui est le trésorier, qui est membre du conseil d'administration.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci et bienvenue à tout le monde. Il vous reste 19 min 45 s.

Mme Prévost-Fournier (Claire): Alors, dans un premier temps, je vais vous présenter le groupe, qui nous sommes, et donner une petite idée de ce que nous faisons. Ensuite, c'est Mme Hémond qui va présenter le mémoire du groupe.

Bon, le groupe existe depuis cinq ans. Il est né un midi autour d'une table où l'on exprimait des préoccupations concernant l'évolution de la démocratie au Québec, on s'inquiétait du cynisme des citoyens et des citoyennes face à la chose politique, on s'interrogeait aussi sur le fait que les femmes ne s'engagent pas suffisamment en politique. On pensait que, si elles étaient... s'il y avait autant de femmes que d'hommes, elles changeraient quelque chose dans la manière de faire de la politique. Alors, bien, on s'est posé des questions, des questions de base: Pourquoi y a-t-il si peu de femmes qui se lancent en politique? Pourquoi y a-t-il si peu de femmes qui participent à la prise de décision de haut niveau? Et comment faut-il faire pour accroître le nombre de femmes dans toutes les sphères de la politique, que ce soit au fédéral, au provincial, au municipal, partout? Alors, rapidement, on a identifié un besoin, le besoin de formation à l'action citoyenne et à l'engagement politique. Bon, l'objectif s'est précisé, et six personnes ont décidé de mettre en commun leurs énergies et leur savoir-faire pour répondre à ce besoin particulier. Alors, le groupe est fier de ce qu'il a pu accomplir depuis cinq ans grâce à l'enthousiasme et la motivation de ses membres. Il est reconnu aujourd'hui pour ses activités de formation à l'action citoyenne et pour l'accompagnement qu'il propose aux aspirantes candidates. Il rejoint maintenant directement plus de 8 000 personnes par année, ce qui n'est pas rien.

Alors, comment fait-il ça? Alors, évidemment, je ne vous parlerai pas de l'ensemble des activités et je ne parlerai pas des publications ni des vidéos qui sont disponibles. Disons, je donnerai trois exemples. D'abord, il y a l'École citoyenne, sur Internet, visitée par plus de 2 000 internautes. Il y a aussi une pièce de théâtre intitulée L'Esprit des femmes, qui a été présentée à plus de 8 000 garçons et filles dans les écoles secondaires. Cette activité éducative comprend un atelier d'animation et un guide pour les enseignants du secondaire. Et aussi il y a l'école d'été, Femmes et Démocratie municipale, pour les futures candidates aux prochaines élections municipales. C'est très concret. Cette formation est rendue possible grâce à un partenariat avec l'ENAP, et, l'été dernier, 25 futures candidates inscrites à la formation ont pu profiter d'une bourse offerte par la fondation de notre groupe.

Alors, vous comprendrez que le C.A. a jugé important de participer à la présente consultation. Par son intervention, il veut attirer l'attention sur le chemin qu'il reste à parcourir.

Bon, il y a des acquis certains. Les femmes participent à la politique et à la prise de décision, on le sait. Elles peuvent jouer les règles du jeu avec leurs collègues masculins. Toutefois, elles ne sont pas assez nombreuses, avec 25 % ou 32 %, pour pouvoir influer sur les règles entourant la prise de décision et l'exercice de la démocratie. Il y a là un saut qualitatif important, entre participer à des décisions et influencer la manière de les prendre. Le groupe veut mettre en lumière que ce passage n'est pas fait et qu'il faut s'en préoccuper et surtout s'en occuper. Alors, c'est le sens du mémoire du groupe que vous présente notre directrice générale, Mme Hémond.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Hémond, s'il vous plaît.

Mme Hémond (Élaine): Merci, Claire. Bonjour, M. le Président, bonjour, Mmes les parlementaires. D'abord, je voudrais dire qu'on a beaucoup apprécié la rigueur puis la précision de la rétrospective qui était dressée par l'avis. Le constat qui situait les femmes encore bien en deçà des hommes sur plusieurs plans est éloquent puis rejoint à peu près ce que l'on constate dans notre réseau, un réseau qui n'est pas monolithique mais qui est constitué de femmes de plusieurs milieux, d'âges et d'allégeances politiques variés. Nous avons d'ailleurs ici des alliées, des fondatrices, des membres qui sont de plusieurs partis et même de plusieurs paliers gouvernementaux.

n(10 h 50)n

On a trouvé, dans cet avis, que c'était pertinent de parler de questions préoccupantes pour les hommes, notamment pour les jeunes hommes, et on a apprécié que soit évitée la tentation de neutraliser les difficultés, qui sont toujours prégnantes chez les femmes en raison de notre sexe... que la tentation de neutraliser les difficultés rencontrées par les hommes et les femmes ait été évitée. À notre avis ? en tout cas, je le dis clairement tout de suite ? aller trop vite vers la voie de l'égalité basée sur une symétrisation des constats reviendrait à entériner cette espèce de négationnisme nouveau genre qui occulte actuellement l'histoire. Puisqu'on parle d'égalité, plusieurs nient ce qu'il y a derrière nous et qui a fait qu'à l'heure actuelle on est encore à l'âge de pierre de la citoyenneté des femmes.

Maintenant, comme le disait tout à l'heure Claire Prévost-Fournier, la participation des femmes aux instances décisionnelles ? je dis «participation» entre guillemets ? même si cette participation s'est largement accrue, n'est pas suffisante. Dans notre réseau, on trouve que ce n'est pas assez, parce que, siéger aux assemblées politiques de tous ordres, on sait qu'il y a une avancée énorme, mais ce n'est pas suffisant pour influer sur la façon dont se fait la politique, dont se prennent les décisions. Parce que l'obtention du droit de vote, c'est-à-dire 1940, là, c'était hier, hein? On doit toutefois rendre hommage à toutes les femmes qui, depuis Mme Casgrain, ont participé à l'Assemblée nationale, et plusieurs sont ici. On leur rend hommage, on les remercie d'être là pour nous représenter et puis pour porter notre parole et notre vision.

En 2005, cette représentation politique que d'aucuns jugent suffisante ? je veux dire, 32 %, ce n'est quand même pas rien ? ce n'est pas assez. Comme je vous le disais, dans notre réseau, on veut aller plus loin et on va travailler pour ça. En fait, c'est la possibilité de contribuer à changer les règles du jeu de l'exercice politique que veulent bon nombre de femmes. En politique comme dans le monde des affaires, se contenter d'une représentation minoritaire à une instance décisionnelle, c'est mathématique, ça limite notre pouvoir de faire adopter des visions et des façons de faire différentes. Pour ça, si on veut influer vraiment, il faut plus de femmes candidates, plus de femmes élues, plus de femmes aux exécutifs des partis. Pourquoi pas des femmes chefs de partis et pourquoi pas d'autres partis?

Alors là, ne croyez pas qu'on apporte une vision monolithique des femmes, là, et qu'on croit que les femmes vont arriver avec des valeurs démocratiques et sociales identiques. Ce n'est pas du tout notre propos. Par contre, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on arrive au monde public, puis là je serais quasiment tentée de dire «nous naissons au monde public», avec une expérience humaine, commune, de filles, souvent de mères, et, la plupart du temps, avec une culture d'écoute, une culture rassembleuse, de conciliation et d'efficacité quotidienne, concrète. Là, je n'ajouterai pas sur ce que vient de dire ma collègue Mme Trudel tout à l'heure, mais... Écoutez, c'est ça.

Cette expérience-là, même si elle n'a pas beaucoup été valorisée, ne sabote en rien notre capacité de gérer quelque dossier que ce soit, ni nos compétences individuelles ou professionnelles, qui sont de moins en moins d'ailleurs cloisonnées au monde des aidantes. Au contraire, nous sommes plusieurs à penser, et la présence au sein de notre groupe de femmes politiques de la plupart des partis le démontre, que l'expérience privée et sociale des femmes est actuellement l'une des voies les plus prometteuses pour le renouveau des pratiques démocratiques.

La composition même du groupe et de la fondation politique Femmes, Politique et Démocratie, qui rassemble des femmes des milieux communautaires, des universitaires, des étudiantes, des professionnelles, des cadres de l'administration publique, des syndicalistes, des femmes d'affaires, témoigne d'une foi convergente des femmes vers la nécessité d'un nouveau modus vivendi de la chose publique, un nouveau modus vivendi qui serait porté par les femmes. C'est un peu le défi qu'on se fait. Toutefois, on est loin de croire que ce modus vivendi, ce changement auquel on aspire, qu'on est les seules à y croire. Je veux dire, il n'y a pas besoin de regarder loin pour penser que de nombreux citoyens, hommes et femmes, croient en une quête de démocratie améliorée, et, nous, notre pari, c'est de faire en sorte que les femmes soient actives dans ce qui va sûrement se développer au cours des prochaines décennies, je veux dire, on voit à moyen terme et à long terme. Bon, là, ne pensez pas que je vais vous demander une loi sur la parité, là. On pourrait croire ça, mais ce n'est pas du tout ça, nos propos. On préfère pour l'instant faire le pari que notre société est suffisamment ouverte pour soutenir par d'autres moyens l'accès égalitaire des femmes aux postes de pouvoir et l'égalité de fait.

Aussi, je vais juste apporter quelques petits commentaires sur l'avis. Bon, d'abord, d'entrée de jeu il nous semble important que le gouvernement réaffirme sa préoccupation pour l'égalité en nommant une ministre... Alors, on avait écrit «à la Condition féminine», mais on n'est pas fermées à une ministre de l'égalité. Je veux dire, l'important, c'est vraiment d'avancer et d'écouter ce qu'ont à dire les autres générations de femmes; on n'est pas fermées à cette idée-là. Par ailleurs, on trouve prématuré de remplacer le Conseil du statut de la femme par un conseil de l'égalité qui soit mixte. Si on fait ça, on va amplifier le signal ambiant voulant que l'égalité soit maintenant atteinte, puis on risque de donner une valeur symétrique aux embûches rencontrées par les hommes et par les femmes. En fait, on insiste sur notre préoccupation pour continuer et consolider les différents instruments que s'est donnés le Québec depuis 30 ans.

Ceci dit, on ne voit pas pourquoi le Québec ne se doterait pas d'une loi-cadre sur l'égalité, et là j'ajouterai, entre les femmes et les hommes. Récemment, on a vu la loi-cadre, l'avant-projet de la loi-cadre du ministre Mulcair sur le développement durable, et on trouve qu'une telle loi-cadre institue, écrit dans des textes des valeurs profondes; là, c'est pour le développement durable, mais on ne voit pas pourquoi une telle loi ne porterait pas le concept de l'égalité un peu partout. En fait, ce serait un levier transversal qui assujettirait les ministères, les organismes ainsi que leurs politiques, programmes et actions à l'utilisation de l'ADS, par exemple. Puis on croit qu'une telle loi serait compatible, voire complémentaire, avec le maintien des organismes spécifiquement orientés femmes. Tout comme l'avant-projet de loi sur le développement durable, il s'agirait d'instaurer un nouveau cadre de gestion subordonné à une valeur sociétale. Parce que, pour s'ancrer dans les pratiques, on le sait, il faut d'abord inscrire dans les textes. Ça, on l'a vu dans plusieurs exemples récents, que ce soit la loi sur le patrimoine familial, ça ne se serait pas fait par la bonne volonté seulement et par l'ouverture des gens.

Bon, je vais peut-être en passer... aller un peu plus loin, en disant qu'il faut pour l'instant continuer à regarder avec modestie la proportion des 32 % de femmes à l'Assemblée nationale. Il ne faut pas s'asseoir là-dessus, parce que des reculs sont prévisibles et même probables si aucune mesure ne vient assurer cette base. Il suffit parfois de peu de chose.

Alors, maintenant, si on prend les leviers les uns après les autres, on croit qu'il est essentiel que des mesures d'action spécifiques soient adoptées par le gouvernement pour que les partis, provinciaux et municipaux, n'aient, à terme, pas le choix de présenter autant d'hommes que de femmes aux élections. Ainsi, les propositions récentes de financement accru qui se trouvent dans l'avant-projet de loi de la réforme du mode de scrutin sont intéressantes et rejoignent les recommandations qui avaient été déjà faites par le DGEQ l'année passée. Malheureusement, le principal levier du mode de scrutin proportionnel ou mixte, c'est-à-dire les listes paritaires, ne s'y retrouve pas, et ça, on le déplore. Et les femmes le savent, que notre levier pour une présence accrue, voire paritaire, c'est par le biais des listes.

Il semblerait aussi que la parité au niveau de tous les comités et exécutifs des partis devrait être atteinte. Et là il y a des pays qui ont fait des lois puis des règlements pour ça.

Enfin, en ce qui concerne le programme À égalité pour décider, bien je pense qu'il faut souhaiter qu'il soit maintenu, accru et peut-être qu'il tienne davantage compte des projets à long terme des groupes.

n(11 heures)n

L'approche transversale. Alors, on a trouvé intéressant l'importance que l'avis donnait à la Charte de l'égalité de la France. On a trouvé ça important, surtout dans un contexte québécois qui a largement diabolisé la loi sur la parité. Mais cette loi, qui a beaucoup été critiquée ici et qu'on nous a ramenée souvent sur le nez, a quand même permis que les conseils municipaux de France, des municipalités de plus de 3 500 habitants, soient constitués maintenant à 47,5 % de femmes. On trouve ça intéressant donc de s'inspirer de ce qui se fait en France, en tout cas de ce qui s'écrit, hein? Et une loi-cadre sur l'égalité des hommes et des femmes pourrait s'inspirer de la Charte de l'égalité de France. Et puis, aussi, moi, je vois, dans l'avant-projet de loi sur le développement durable, des principes qu'il serait intéressant de transposer à la préoccupation de l'égalité.

Bon, à court terme, c'est sûr qu'il faut déployer des efforts pour inciter les femmes d'abord à se présenter aux niveaux municipal et local. À cet égard, on appuie ce qui a été dit récemment par le Réseau régional des groupes de femmes, hier, et par aussi ce qui vous a été écrit par le Centre d'intervention pour l'accès des femmes au travail. On appuie tout à fait ces options.

J'avais aussi prévu de parler des CRE, mais je pense que ça a été tellement abordé. Parce que, moi-même, je siège à une CRE, et puis, même si officiellement les chiffres sont parlants, il faut bien dire que, par exemple à Québec, il y a une élue sur 30 élus municipaux qui siègent à la CRE. De la société civile, nous sommes sept femmes. Mais c'est sûr que ce qui nous semble important, c'est de travailler à l'élection de femmes, et c'est ce qu'on fait par le biais de l'école d'été Femmes et Démocratie municipale et d'autres choses. Bon, c'est déjà bien qu'il y ait des femmes de la société civile, hein?

L'approche sociétale, misant sur l'association des hommes et des différents acteurs sociaux à la solution des problèmes d'inégalité, nous semble cruciale même si elle ne nous paraît pas très facile à mettre en oeuvre. Il faut bien voir que dans bien des cas ce que j'appelle la normalisation du statut égalitaire des femmes remet en question des privilèges et des suprématies historiques d'individus et de groupes. Aussi, miser exclusivement sur la bonne volonté et la bonne foi des partenaires, ça comporte des limites. Ceci étant dit, on constate aussi que la responsabilité des hommes face à l'affranchissement des rôles traditionnels s'accroît et se développe, et on s'en réjouit. D'ailleurs, notre groupe travaille de plus en plus avec des hommes et avec des jeunes hommes.

Je vais maintenant conclure. Le pouvoir politique des femmes constitue une question transversale qui s'applique aux sept orientations de l'avis. Aucun des thèmes traités dans cet avis ne peut être dissocié de la participation des femmes aux décisions.

Deuxièmement, je dirais qu'il sera difficile, long et peut-être impossible de renverser la tendance à la suprématie masculine dans le champ du pouvoir politique si aucune mesure contraignante n'est adoptée. L'exemple français le démontre. La loi sur la parité, appliquée pour la première fois aux élections municipales de 2001, a eu des effets seulement là où les contraintes étaient claires et sans appel, c'est-à-dire la constitution des listes de candidates. Mathématiquement, avec ces listes-là, les résultats devaient varier entre 47 % et 53 %; c'est exactement ce qui est arrivé, on s'est retrouvé avec 47,5 %.

En matière de pouvoir, il est illusoire de miser sur le progrès des mentalités et la contagion naturelle de l'égalité. Encore en France, l'effet d'entraînement, sur lequel on misait pour l'élection de plus de mairesses et la nomination de plus d'adjointes, ça ne s'est pas produit.

Au-delà de la progression quantitative des femmes aux postes de pouvoir, il faut se préoccuper de l'attachement des femmes à une vision actualisée de la démocratie. Sans une remise en question des paradigmes exclusivement partisans de l'exercice du pouvoir, il va être difficile d'associer autant de femmes que d'hommes à la politique. Bien sûr, on ne prétend pas que cette nécessaire remise en question soit exclusivement une préoccupation féminine; on pense que de nombreux hommes citoyens pensent comme nous.

Parmi les visions d'avenir présentes auprès des femmes de notre réseau, plusieurs sont liées à une réforme des institutions démocratiques. Élections à dates fixes: les femmes sont très cyniques face aux enjeux de calendrier et de sondage des partis. Mode de scrutin: les femmes ont compris que ce n'est pas le mode de scrutin proportionnel en soi qui leur sera favorable, mais un mode de scrutin de liste.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Si vous voulez bien conclure dans quelques secondes.

Mme Hémond (Élaine): Oui, j'ai fini, ça tombe bien. La revalorisation du rôle des députés: les femmes se montrent critiques et sceptiques face au faible poids du législatif sur l'exécutif des gouvernements. Les lignes de partis assouplies: les femmes ont tendance à se désolidariser des députés lorsque ces dernières ou ces derniers adoptent sans nuance les discours dictés par le chef et perdent tout esprit critique.

Enfin, je conclurai là-dessus: les femmes de notre réseau se montrent très préoccupées par la formation citoyenne. Même si toutes les femmes de notre réseau n'ont pas l'intention de se présenter en politique active, elles sont très préoccupées par des formations, des ateliers, de l'information qui développent le sens critique et l'esprit citoyen chez elles et chez leurs enfants. Voilà, j'ai terminé.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci beaucoup. Nous passons au premier bloc d'échange, avec le groupe de députés gouvernemental. Je rappelle que plus les questions sont longues, moins il y a de questions. Alors, allez-y, s'il vous plaît.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, d'abord, bienvenue à cette commission, et c'est un aspect très intéressant de notre travail à faire que vous abordez aujourd'hui. Plusieurs groupes avant vous sont venus nous dire que la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes passe par le pouvoir politique et le pouvoir économique des femmes. Je dois vous dire que je partage volontiers cette opinion. Et vous soulignez dans votre mémoire des conditions de base, essentielles, pour que les femmes non seulement accèdent, mais se sentent à l'aise avec l'exercice du pouvoir à travers des valeurs démocratiques. C'est une question à laquelle je réfléchis depuis fort longtemps, puisque, la première fois que j'ai été élue, j'avais 28 ans. Ensuite, j'ai pu mesurer à travers un séjour de sept ans comme sous-ministre, donc j'ai fréquenté de près le pouvoir, et aujourd'hui je me retrouve, quelque 15 ans plus tard, ministre. Et, depuis 28 ans, depuis cette première fois, la question est toujours la même ? ça, c'était en 1981: Comment faisons-nous pour intéresser les femmes?

Vous dites dans votre mémoire que vous n'adhérez pas nécessairement à une loi sur la parité, vous ne nous recommandez pas nécessairement une loi sur la parité, mais par ailleurs vous nous dites: Ça prend aussi des mesures contraignantes. Pas incitatives. Vous avez bien utilisé le mot «contraignantes». Donc, on n'est pas loin de loi quand on parle de contraintes à cet égard-là. Et vous illustrez abondamment l'exemple français.

La grande question pour nous, les femmes, c'est: Est-ce qu'on veut qu'on nous choisisse pour notre compétence, pour ce que nous pouvons apporter comme contribution, ou si on nous choisit parce qu'on doit représenter 50 % des femmes dans les postes d'élection? Il y a toujours un peu ce malaise-là aussi quand on parle de parité ou qu'on parle de contraintes; on veut toujours qu'on nous choisisse pour ce que nous sommes. Et donc, ma question, c'est... Et vous parlez du programme À égalité pour décider, bon, que j'ai annoncé plusieurs fois, qui est reconduit et auquel on croit, mais très franchement, je l'ai dit hier, je trouve que ce programme-là a aussi des limites, a des limites dans sa capacité d'avoir des résultats très concrets sur le terrain et pour faire en sorte que les femmes passent vraiment à l'action.

Alors, je voudrais que vous me disiez davantage ce que vous entendez par ces «mesures contraignantes» dans le cadre de... si on ne passe pas de loi sur la parité, faire la différence avec des mesures incitatives, puisque le ministre Dupuis a déjà ouvert sur des mesures incitatives. Et qu'est-ce qu'on peut faire de plus? Et je vous félicite pour votre école d'été; d'ailleurs, c'est déjà quelque chose qui est formidable. Mais qu'est-ce qu'on peut faire de plus pour inciter les femmes?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): La parole est à Mme Hémond ou à madame... Mme Hémond, c'est beau.

n(11 h 10)n

Mme Hémond (Élaine): Merci, Mme Courchesne, pour vos questions. Vous avez raison quand vous dites qu'on ne veut pas être choisies parce qu'on est femmes. Il y a cinq ans, six ans, on l'entendait beaucoup, ça. Mais maintenant on l'entend moins, parce que, je veux dire, plus personne ne croit que ça prend une compétence ou une formation particulière pour aller en politique; on sait tous que c'est le bon jugement et l'intérêt pour le bien commun qui comptent et on sait tous, par les milieux qu'on fréquente, que ça, ça n'a pas de sexe. Donc, les femmes se qualifient aussi bien que les hommes n'importe où.

Alors, je ne crois pas que le fait d'obliger les partis à présenter autant de femmes que d'hommes puisse nous désavantager ou nous humilier, je dirais. Moi, je ne le vois pas comme ça, parce qu'on est toutes et tous capables de voir la qualité quand même des femmes dans notre société et de voir que cette qualité-là, elle n'est pas... elle ne pose plus question vraiment. Alors donc, pour ça, je pense que la question que vous posez, je ne la vois plus tellement, Mme Courchesne.

Mme Courchesne: Me permettez-vous de réagir tout de suite?

Mme Hémond (Élaine): Oui, bien sûr.

Mme Courchesne: Vous avez raison. Le problème, c'est que, si les femmes ne veulent pas... Il n'y en a pas suffisamment pour se présenter, c'est là que le bât blesse et c'est là qu'on force la note pour atteindre l'objectif de parité. Et vous le dites vous-même, c'est difficile d'intéresser les femmes. Alors, qu'est-ce qu'on fait quand, par exemple... Mettons qu'on en aurait une, loi de la parité, 50 de chaque côté, trois partis, puis qu'on ne les trouve pas, ces femmes-là. Parce que vous touchez l'aspect que je trouve... dont on ne parle pas suffisamment, c'est l'exercice du pouvoir. Vous dites: Il y a des femmes qui sont rebutées par la façon dont on exerce le pouvoir, et ça, je trouve que... on ne prendra pas trop de temps, mais est-ce que, pour vous, ce n'est pas aussi un élément qui freine, en dehors du fait qu'on est mère, qu'on travaille, que c'est exigeant, les horaires, etc., les déplacements, tout ça? Comment on peut contrer aussi ces obstacles-là et comment on peut amener les pouvoirs politiques à aborder la démocratie au-delà de la partisanerie, autrement? Est-ce que c'est juste le fait d'être plus nombreuses? Moi, je pense que, déjà à 32 %, on le voit. Effectivement, le pouvoir s'exerce un peu différemment, mais... Moi, j'ai l'impression qu'il y a un cercle vicieux, là, c'est l'oeuf avant la poule ou la poule avant l'oeuf.

Donc, ma question: Comment... est-ce qu'il y a d'autres moyens, plus convaincants que À égalité pour décider, que d'autres... que ce qu'on fait partout pour s'assurer que les femmes font tomber les obstacles qu'elles se mettent pour se présenter?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Hémond, s'il vous plaît.

Mme Hémond (Élaine): Oui. Vous avez raison, Mme Courchesne. Ce n'est pas une loi de la parité. D'abord, on ne demande pas une loi de la parité, ce serait trop rapide, et on n'est pas prêt pour ça. On croit plus que c'est une série d'actions que vont poser des femmes de différents horizons. Et on pense que c'est comme en éducation: quand on élève un enfant, ce n'est pas juste sur une chose qu'il faut travailler, c'est sur plusieurs choses. Et c'est pour ça qu'en même temps on travaille sur les jeunes, en même temps on travaille sur les aspirantes candidates, en même temps on travaille sur les groupes de femmes, et c'est toutes ensemble qu'on va vers ça.

Et quand je parle de mesures coercitives, je pense, par exemple, à des mesures financières sur les partis, qui les obligent à présenter, dans un premier temps, autant de femmes que d'hommes. Quand on dit «obliger à présenter», on n'oblige pas à élire, hein? Avec une loi sur la parité, «tchok-tchok-tchok», les listes, chabada, là, c'est sûr, c'est incontournable. Mais, avec des mesures incitatives financières pour les partis, déjà ce serait vu comme coercitif, mais ce serait un bon incitatif.

Quant au programme À égalité, je pense qu'il a encore sa place, et il faut appuyer des projets qui sont à plus long terme et plus... qui lient davantage de monde. Et par ailleurs la loi-cadre que j'imagine, qui ressemblerait un peu à la loi sur l'environnement durable, c'est-à-dire une loi qui inclurait, qui transposerait à tout le monde nos principes d'égalité et qui donnerait des outils aux gens qui ont à faire l'administration publique, ça, imaginez si on avait ça, on pourrait travailler, à plusieurs niveaux, à faire en sorte que les femmes se sentent à l'aise d'arriver avec leur façon différente de voir les choses.

Si vous me permettez, je vais juste rappeler le colloque qu'on a eu en 2002, sur des femmes et des partis. Des femmes depuis longtemps nous signalaient leur malaise face à la culture des partis, puis des femmes de partout, là. Alors, on a dit, nous autres, un peu naïvement: On va convoquer les partis puis on va convoquer les femmes, puis là, parlez-vous. On a écrit aux chefs de différents partis. Ils nous ont tous délégué une femme pour parler de ça, hein, et les femmes qui sont venues, c'est des alliées, c'est des amies du groupe, et elles pensaient toutes comme nous, qu'il faut faire quelque chose. Mais, quand on arrivait à la proposition de mesures qui favoriseraient les femmes, elles étaient obligées de nous dire: Notre parti, il ne veut pas; notre parti, il ne veut pas, parce que les gars vont se sentir discriminés. Alors, c'est une culture profonde qu'il faut changer par différents moyens.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Alors, je donne la parole à la députée de... Il faut vous entendre.

Une voix: Nelligan.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): O.K., de Nelligan.

Mme James: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la députée de Nelligan.

Mme James: Merci beaucoup. Mesdames, monsieur, merci beaucoup pour votre présentation. Je vous ai écoutées et j'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. Vous savez que ça fait seulement quelques mois depuis mon arrivée à l'Assemblée. Alors, je me sens particulièrement interpellée par ce que vous présentez, et particulièrement par rapport aux jeunes, hein, parce qu'on n'arrête pas de le dire, justement on en parlait avec le groupe qui vous a précédés, de regarder des moyens, quels sont les moyens à faire avancer la présence des femmes non seulement au niveau politique, mais partout dans les réseaux décisionnels.

Je pensais, entre autres... Justement, la semaine passée, on m'a invitée, à l'Université McGill, à rencontrer les jeunes qui étudiaient, hommes et femmes, mais il y avait quand même plusieurs femmes, en majorité, qui étaient là, de parler des jeunes en politique. Puis on s'échangeait sur un peu mon cheminement et les raisons pour lesquelles ils étaient là. Et ce que j'ai réalisé et ce qu'on a discuté, c'est que souvent les jeunes femmes, on ne pense pas nécessairement à aller en politique, que ce soit en tant qu'élue ou travailler, que ce soit dans des partis ou à l'Assemblée, ou quoi que ce soit. Et la question que je me pose, c'est: Pourquoi? Pourquoi qu'on... souvent, on n'y pense pas. Est-ce que ça a une question seulement par rapport à la présence des autres femmes qui sont là? Je vous pose la question, parce que je me dis... Est-ce que vous pensez que les femmes, les jeunes, on se reconnaît dans des groupes que vous présentez? Qu'est-ce qu'on a besoin de faire pour se rapprocher?

Parce que je pense que c'est important de le dire, que... Oui, en tant que jeune femme, moi, je reconnais tout ce que l'État a fait jusqu'à maintenant, tout ce que les féministes ont fait jusqu'à maintenant. Mais on veut que les choses continuent à évoluer. Et je pense que c'est la raison même pour laquelle on fait la consultation, c'est parce qu'on veut vraiment s'assurer qu'on va présenter des mesures concrètes qui vont assurer cette évolution-là. Oui, il y a une question de regarder des moyens et comment qu'on va faire. Mais je pense que, si on fait ce genre de consultation, c'est parce qu'on veut s'assurer qu'on va y donner des moyens pour y arriver. Mais concrètement je pense que c'est important qu'on regarde le contexte puis qu'on évalue les choses de façon globale. Et comment allons-nous arriver finalement?

Parce que, juste pour revenir encore à un autre commentaire, et là je vous laisse intervenir ? vous voyez que je suis très passionnée par le sujet... Je dirais que j'ai toujours pensé que j'étais égale aux hommes. Ça n'a jamais été une question pour moi. Et je reconnais que c'est parce que souvent... c'est parce que... le travail que toutes les femmes ont fait avant moi. Mais en même temps on le dit, on n'arrête pas de le répéter, il reste qu'une discrimination existe. Mais qu'allons-nous faire et qu'est-ce qu'on peut faire? Parce que je pense qu'un des secrets, c'est justement de se rapprocher par rapport aux générations pour assurer cette représentation-là. Oui, on a parlé de lois, on a parlé d'incitatifs, mais qu'est-ce qui va faire en sorte qu'on va être capables d'intéresser davantage les jeunes?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui. Alors, Mme Prévost-Fournier, s'il vous plaît.

n(11 h 20)n

Mme Prévost-Fournier (Claire): Alors, lorsqu'on a formé le groupe et qu'on a réfléchi à qu'est-ce qui empêchait les femmes de se lancer en politique, alors on a identifié vraiment un besoin et, pour nous, c'est apparu comme un trou en éducation, c'est-à-dire la formation à l'action citoyenne. On parle beaucoup de l'éducation à la citoyenneté, là, c'est la mode. Il y a eu un avis du Conseil supérieur de l'éducation là-dessus. Au ministère de l'Éducation, on en a parlé aussi. On fait de l'éducation à la citoyenneté pour apprendre à vivre ensemble. Mais la formation à l'action citoyenne et à l'engagement politique, bien ça n'existe pas, hein? On a publié un petit bouquin qui s'appelle Folles de la politique, le métier de politicienne. Alors, on parle de tous les métiers, on parle de formation professionnelle, on fait toutes sortes de trucs pour bien décrire les compétences, et tout ce que vous voulez, pour pratiquer un métier, mais le métier de politicien, ça s'enseigne à nulle part. Et ça, c'est la réalité.

Donc, il y a comme un trou dans la formation à l'action citoyenne et qui devrait pouvoir rejoindre les jeunes et tout le monde. Et ça, là, ça n'existe pas. Il me semble qu'il y aurait quelque chose de très important à faire à ce niveau-là. On le pratique, on le pratique sous une formule formation continue, mais la façon dont ça se fait actuellement dans les écoles, je veux dire, à travers le cours d'histoire, à travers le cours de je ne sais pas trop quoi, là, mais ce n'est pas vraiment une formation à l'action citoyenne.

Et les jeunes qui s'engagent dans leurs écoles, soit comme président de leur classe, président de leur école, président... il n'y a comme pas de retour sur l'apprentissage qu'ils ont appris, sur les compétences qu'ils ont acquises et sur une sorte de reconnaissance de ces acquis-là, parce qu'on ne les a jamais définies, ces compétences de politicien là. Alors là, il y a comme... pour nous, là, il y a comme un trou qu'on essaie de combler du mieux qu'on peut, mais, je veux dire... on fait des choses, mais il faudrait que ça entre dans les structures. Alors, voilà ce que je donnerais comme réponse.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci, madame. Alors, la députée de Chauveau, s'il vous plaît.

Mme Perreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à vous. Écoutez, je vous connais, mais je ne vous connais pas autant que j'aimerais vous connaître, honnêtement, et je m'en confesse. Je devrai remédier à ça, parce que je trouve que dans votre groupe il y a quelque chose de spécial qui fait que concrètement on incite vraiment les femmes à entrer en politique. Et je veux rester dans le même sujet parce que, moi, ça me préoccupe beaucoup.

Moi, je suis mère de trois enfants, je le dis souvent, et j'ai toujours été active politiquement, que ce soit... et ça, c'est le premier ministre qui dit souvent ça... moi, j'étais toujours représentante de ma classe, j'ai commencé à faire de la politique au berceau. C'est un trait de caractère chez moi, mais ce n'est pas un trait de caractère peut-être chez toutes mes collègues de travail. Mais, chez moi, c'était ça, je suis tombée dedans, comme Obélix dans la potion magique. Je dis ça parce que, moi, ça me préoccupe beaucoup. J'ai beaucoup d'amies de femmes qui ont des enfants, avec qui je vis, et, moi, je pensais que ma venue en politique peut-être leur permettrait de comprendre que... Je ne voulais pas devenir un modèle, je n'ai pas la prétention de ça, mais de dire: Oui, c'est faisable et, oui, ça fait partie des choses que, nous, les femmes, on peut faire. Et, à ma grande stupéfaction, ça a eu l'effet contraire, je suis comme devenue une extraterrestre. Moi, je ne suis plus une femme comme elles, je suis devenue une femme différente. Alors, je me dis: C'est...

Puis ça, c'est une grande question, parce qu'au-delà du fait qu'on veut mettre en place des éléments pour faire venir les femmes en politique, qu'on facilite le travail... Il y a des femmes qui sont médecins, qui ont des horaires semblables au mien, là. Il ne faut pas se leurrer, on travaille fort, on a un métier qui est exigeant, mais il y a un paquet de métiers qui sont exigeants, puis autant exigeants que le métier de politicien. Alors, je me questionne sincèrement sur qu'est-ce qu'on doit faire concrètement pour amener les femmes en politique. Vous avez parlé d'éducation, vous avez parlé de modifications, vous avez parlé de changer le mode de scrutin, puis on en discute, on a un comité là-dessus, sur la réforme électorale. On a des collègues de tous les partis confondus qui travaillent là-dessus.

Mais j'ai encore une question, puis je pose la question, puis ce n'est pas sexiste: Est-ce que la politique est féminine, en ce sens que: Est-ce que les femmes se reconnaissent dans l'action politique puis est-ce qu'elles n'ont pas l'impression souvent que les femmes qui font de la politique, ce ne sont pas de vraies femmes?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Qu'est-ce que vous pensez de cette question, M. Umbriaco?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, qui veut répondre?

M. Umbriaco (Michel): Je peux bien répondre, ça va me faire plaisir. Si vous avez l'impression d'être une extraterrestre, vous avez le même sentiment que plusieurs gars qui arrivent en politique, qui ont l'impression d'être des extraterrestres dans leurs milieux aussi. Alors, bienvenue dans le club.

Deuxième réponse, les premières femmes qui sont allées en médecine, les premières femmes qui sont allées à l'École polytechnique, en génie, les premières femmes qui sont allées dans les métiers non traditionnels ont vécu exactement la même chose.

Maintenant, très concrètement, comment est-ce qu'on arrive à attirer du monde dans la galère politique? Parce que souvent, pour ceux qui y ont été, on voit les heures, le temps, etc. Il y a des actions à très court terme, mais il y a des actions beaucoup plus, selon nous, à moyen puis à long terme. À très court terme, si on essaie de trouver un truc, un remède, une pilule, quelque chose, un gadget qui va faire que dans six mois, un an, là, woups, il va y avoir 50 %, 60 % de candidats féminins, on n'y croit pas, on n'y a jamais cru, puis on n'y croira pas.

Le premier défaut, quand on a fait... il y a six ans, quand on s'est rencontrés, le premier défaut qu'on trouvait à la politique ? on était dans un creux ? c'est le cynisme ambiant sur la politique. Alors, que ce soit pour les gars ou pour les filles, le métier de politicien. Alors que, certaines années, c'était vu comme très honorable, c'était un métier qui n'était pas loin du prêtre ou du psychologue, là c'est rendu, bon, assez bas, là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ne me nommez pas, s'il vous plaît.

M. Umbriaco (Michel): Non, je ne ferai pas ça. Donc, il y a une question de revalorisation du métier, revalorisation du métier par la revalorisation des outils démocratiques, comme Élaine et Claire le disaient, et éducation non seulement au cégep puis à l'université, en disant: Avez-vous déjà pensé... ou dans le milieu. On pense que, par la conscientisation... Si on pense que tout est égal, puis que tout est déjà fait, puis: Pourquoi est-ce que j'irais dans quelque chose, pourquoi j'irais perdre mon temps à ouvrir des portes ouvertes... C'est ça... Alors, on pense que, si les gens sont conscients de ce qui se passe, ils risquent de s'engager.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci.

M. Umbriaco (Michel): De rien.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Et je passe maintenant du côté des membres de l'opposition. Mme la députée de Terrebonne, s'il vous plaît.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, Mme Hémond, Mme Prévost-Fournier, M. Umbriaco. C'est extrêmement important, votre présentation ce matin, parce que la presque unanimité des mémoires nous parle beaucoup de l'importance du pouvoir économique et du pouvoir politique, mais on n'a pas eu la chance d'élaborer vraiment en profondeur sur la question du pouvoir politique, et votre présence nous permet de le faire, et ça, c'est extraordinaire.

Je vous remercie infiniment de... Vous avez dit que vous avez comblé un vide, et c'est réel. Ce besoin de formation, d'information à l'action citoyenne, 8 000 par année, c'est énorme. C'est un travail extraordinaire, qui ne donne pas 8 000 candidates, c'est clair, là, mais qui donne au moins le goût de commencer à participer, à s'impliquer, parce que... Il y a beaucoup de raisons. La députée de Chauveau disait qu'elle avait trois enfants, puis, oui, il faut le dire, parce que, dans les postes en politique, chez les femmes, il y a beaucoup de femmes dont les enfants sont déjà grands, beaucoup de femmes qui n'ont pas d'enfants, de jeunes femmes... Nous avons deux jeunes femmes, deux preuves vivantes ici. Mais, des femmes qui sont en politique avec de jeunes enfants, il n'y en a pas beaucoup. Et on n'en a pas eu, en tout cas, beaucoup de notre côté, là. J'avoue, là, les exceptions, Louise Harel qui avait une petite fille, Pauline Marois qui en a quatre puis qui les a eus tout le long de sa carrière politique. Mais il n'y en a pas beaucoup, là. Donc, je pense qu'il faut pouvoir montrer que ça se peut aussi.

Mais vous avez touché à l'angle, aussi, très, très important: il faut arriver à au moins une égalité pour influencer la manière de faire la politique, de prendre les décisions. On va juste regarder dans toutes les tables de concertation des groupes de femmes, et c'est frappant, c'est toujours par consensus, on va consulter, on rencontre. C'est un processus qui est plus long, mais, une fois que c'est fait, par exemple, les décisions sont ancrées plus solidement. La politique travaille d'une manière beaucoup plus rapide, et d'ailleurs, au niveau des choix des candidats et des candidates, nous sommes très souvent défavorisées par ce processus rapide, parce que les femmes vont commencer par penser: Bon, est-ce que j'ai les compétences? Toujours, elles commencent par poser la question, vérifier autour d'elles si elles devraient y aller, et ça, c'est vrai pour toutes les femmes. Et, le temps que tu fais ça, souvent les hommes ont commencé... sont déjà en train...

Une voix: ...

n(11 h 30)n

Mme Caron: C'est ça. Alors, il y a une façon différente d'être et de faire les choses qui effectivement ne nous avantage pas au point de départ, pas du tout. Sans compter les embûches face au niveau municipal, comment c'est assez compliqué, au niveau des financements, c'est bien différent qu'au niveau du Québec, là, et ça rajoute des embûches additionnelles. Donc, votre travail, il est important, parce que, oui, il faut arriver à pouvoir influencer la façon de faire les choses, de prendre les décisions. Et d'ailleurs, au niveau municipal, on s'aperçoit, les acquis, là, ce n'est jamais là, là. On s'aperçoit, au niveau municipal, elles font des carrières beaucoup moins longues, elles restent beaucoup moins longtemps, pour toutes ces raisons-là.

Je voudrais vous entendre un peu sur la loi-cadre, à nouveau, sur la loi-cadre sur l'égalité entre les femmes et les hommes. Je crois beaucoup aux lois-cadres. On l'a fait pour la lutte à la pauvreté; c'est vraiment une façon... Ce n'est pas une garantie, c'est un peu comme le mode proportionnel, là, il faut les mesures spécifiques puis il faut une volonté réelle, et les ressources humaines et financières après pour mettre en application. Mais je pense que c'est un outil qui nous permet de faire avancer les choses. Alors, mesdames, monsieur, sur la loi-cadre?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Hémond, s'il vous plaît, oui.

Mme Hémond (Élaine): Oui, O.K. Je vais juste dire quelques mots. Quand j'ai vu l'avant-projet de loi sur le développement durable, j'ai vu que l'on posait là des balises de valeurs. Quand on dit: Ce qu'on veut, c'est travailler pour faire en sorte que les générations futures héritent non seulement d'un pays développé économiquement, mais aussi développé suivant des règles durables, qui vont assurer non seulement la santé, mais la qualité de vie des générations futures, alors je me disais: c'est intéressant, ça. Puis, en plus, dans l'avant-projet, on parle... on dit: «La présente loi a pour objet d'instaurer un nouveau [mode] de gestion.» Mais, en quelque part, moi, je me disais que, si cette valeur de l'égalité était posée en prémisse, en prémisse qui s'appliquerait aux différents outils, aux différents organismes de la société, on pourrait baliser un nouveau mode de gestion.

Parce que, quand on entend tout ce qui est réclamé, notamment par rapport aux CRE, qu'on voudrait travailler avec l'ADS, ce n'est pas facile de faire... Déjà de parler de l'ADS, juste le mot, il fait sursauter pas mal de gens. Mais dans le fond ce qu'on voudrait, c'est que les différents projets qui sont discutés aux tables où nous sommes tiennent compte des impacts sur les femmes et sur les hommes, et ça, si c'était appliqué, ça changerait beaucoup de choses. Et je me dis que la loi-cadre, elle pourrait permettre de défendre non seulement des valeurs, mais aussi des outils, avec une formation bien sûr qui serait largement dispensée aux gens qui ont non seulement à prendre les décisions, mais à les dispenser. Alors, bon, c'est peut-être... À quelque part, cette loi-cadre, je la vois comme un élément de projet de société, au même titre que le développement durable. En tout cas, je ne sais pas si mes collègues ont des avis à ajouter...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ça va comme ça? Merci. Autre question?

Mme Caron: Oui.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Oui, effectivement, l'ADS, là, l'analyse différenciée selon les sexes, n'est pas encore... On a commencé avec Beijing en 1995, on a fait des projets pilotes, sept ministères, neuf projets pilotes, et ce n'est pas encore vraiment connu. Souvent, on va limiter l'analyse différenciée selon les sexes à des données ventilées. On recueille les pourcentages, puis ça arrête là. Et ça, c'est très, très dangereux, parce qu'on peut carrément même nuire à l'égalité de fait, là, pour les femmes. Mais c'est effectivement un outil qui nous permet de... à partir du moment que tu as tes données ventilées, si on analyse, ça nous permet de voir les véritables problèmes vécus par les hommes et les femmes et ça nous permet de voir si c'est une problématique, si c'est un problème ou si c'est une discrimination systémique, et ça nous permet d'agir sur les deux, peut-être pas nécessairement par la même instance, par les mêmes ministères, mais ça nous permet d'agir sur les deux, et je pense que c'est important. Puis, oui, il faut de la formation pour ça, aussi. Il faut effectivement former, parce que, si on lance ça dans les régions puis il n'y a pas de formation, bien tout ce qu'on a, c'est des données, des statistiques. Puis souvent ils vont choisir les mauvais moyens, parce qu'ils n'ont pas poussé l'analyse. Alors ça, c'est extrêmement dangereux.

Je voudrais vérifier avec vous, dans votre mémoire, vous nous dites, dans la vision et les réflexions: «La proposition d'asseoir les stratégies des années à venir sur les trois leviers que sont l'approche spécifique, l'approche transversale, l'approche sociétale nous semble pertinente dans la mesure où ces approches seront modulées en donnant encore prééminence aux deux premières ? donc à l'approche spécifique et transversale, puis ? [...] force est de constater [aussi] que l'interpellation et la mobilisation des bonnes volontés des partenaires n'ont jamais suffi à changer les cultures et à inverser les pratiques.» Et on le voit bien, là, dans votre champ spécifique de pouvoir politique. Alors, vous voulez qu'on accorde plus de poids à l'approche transversale et spécifique, je suppose, tant et aussi longtemps qu'on n'arrive pas à une vraie égalité de fait?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Prévost-Fournier, s'il vous plaît.

Mme Prévost-Fournier (Claire): Oui. C'est certain qu'il faut voir que toute la question de l'égalité, c'est d'abord améliorer la condition des femmes en politique, en particulier. Quand on dit: Ce qui est intéressant dans notre démarche, c'est la préoccupation qu'on a pour se sentir à l'aise en politique, ça veut dire en même temps qu'on ne se sent pas nécessairement à l'aise en politique. Quand on pose la question: Est-ce que c'est un monde masculin, est-ce que c'est un monde pour les femmes, la politique? je vous dirais que l'histoire de la politique, ça n'a pas été un monde des femmes. Le parlementarisme est né en l'an 1000 à peu près, et ça a progressé, et c'était pour mettre fin à des guerres, et, au lieu de s'entretuer, on se parlait. Je veux dire, je résume, là, je caricature, mais c'est ça, le monde de base de la politique, là. Et ça a évolué beaucoup. Maintenant, ce n'est pas, à la base, un monde de femmes. C'est très clair.

Maintenant, il faut changer les règles pour se sentir à l'aise, pour que des jeunes mères puissent accéder à la politique, pour que les femmes puissent accéder à la politique. Et tout le discours que j'entends sur, bon, on est des extraterrestres, on ne veut pas être choisie... on veut être choisie pour ses compétences et non pas parce qu'on est sur une liste, ce sont en soi des indicateurs d'inégalité. Alors, pour les jeunes, pour dire: On se sent égales, ça, là, c'est des indicateurs d'inégalité. Et il faut prendre des actions pour enlever ces inégalités-là. Et l'approche sociétale, pour nous, si on avait une loi-cadre, c'est de l'ordre de l'approche sociétale, cette loi-cadre. Ça, c'est de cet ordre-là, l'approche sociétale. Mais c'est très clair qu'il faut faire des choses spécifiques prioritairement pour les femmes.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci.

n(11 h 40)n

Mme Caron: Oh! c'est très éclairant. On parlait tantôt au niveau des jeunes femmes, et c'est vrai, écoutez, moi, quand j'étais allée à une formation... Contrairement à la députée de Chauveau, là, je n'étais pas présidente de classe, non, j'avais plutôt le prototype habituel, qu'on dit que les femmes de ma génération, là, n'allaient pas dans les postes décisionnels, et souvent... même encore, je regarde au niveau des partis politiques, les femmes sont bénévoles. Ah! elles travaillent. Elles sont partout dans les structures comme bénévoles, comme dans le monde communautaire, comme partout, mais, quand vient le temps des postes décisionnels, oups!, il y a comme un recul. Et la première formation qu'on avait eue quand on avait réuni des femmes pour savoir si on voulait être candidates, vous ne me croirez peut-être pas, là, mais, la première réaction, on avait eu une formation pour prendre le micro, la prise du micro! Et c'est vrai. Et je regarde dans nos congrès, les femmes préparent des mémoires, écrivent les choses, et tout ça, mais, aller défendre au micro, mon doux que nous n'en avons pas beaucoup! Et, même moi, dans le congrès, ce n'est pas ma prédilection d'être au micro pour... D'aller les rencontrer pour qu'on organise les affaires, qu'on les prépare, et tout ça, oui. Mais on a comme...

On ne ressent pas le besoin de la visibilité. C'est comme si, nous, on aime faire les choses, faire le travail, hein, on aime ça, mais, d'avoir la visibilité qui va avec, c'est comme si c'est un autre élément. Et, même en politique, on aime des choses concrètes, hein, on est sur du concret, philosopher politique, moins. Je veux avoir des résultats, qu'est-ce que ça donne concrètement. Donc, il y a tout cet élément-là qui est toujours là aussi, et c'est dans la manière, vous le disiez tantôt, de faire les choses qui est différente. Donc, il faut vraiment continuer à travailler sur...

Puis démystifier aussi. Parce que les femmes souvent croient qu'il faut des compétences extraordinaires, puis elles ne voudront pas partir tant qu'elles ne savent pas tout, tout, tout, tout ce que ça comporte, contrairement aux hommes, qui souvent ont le réflexe... On leur demande d'être candidats, ils sont très heureux, très fiers qu'on ait pensé à eux comme candidats. Alors, c'est... le réflexe est plus là, alors que le réflexe des femmes est plutôt de dire: Ah! Moi? Vous êtes sûrs? Vous pensez? Ah, mon Dieu! Je ne sais pas, j'ai toutes ces choses-là, c'est compliqué.

Et, moi, j'aimerais que vous nous disiez, dans les rencontres que vous avez faites, bon, vous avez des outils promotionnels extraordinaires, vous continuez à vous donner des outils, un vidéo, des ateliers, dans les cours spécifiques que vous avez donnés, qu'est-ce qui revient le plus souvent et qu'est-ce qu'elles demandent comme soutien le plus pour passer à l'action. Qu'est-ce qu'elles veulent le plus comme soutien?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, vous offrez des cours d'atelier de, je ne sais pas, élimination de la crainte du micro? Allez-y.

Mme Hémond (Élaine): C'est drôle, ce que vous dites là, Mme Caron, parce qu'au début, c'est vrai, les premiers ateliers qu'on a faits, il y en a un, atelier, ça s'appelait La communication publique a-t-elle un sexe? Après, on en a eu d'autres sur la façon de parler en public, on en a eu un récemment, ça s'appelait Participer à une élection et en sortir vivante. C'était beaucoup lié à la communication. Les femmes avaient une crainte en communications. Mais, étonnamment, nous nous sommes aperçus et elles se sont aperçues qu'elles étaient très bonnes. On a fait venir des formateurs qui étaient des conseillers qui avaient travaillé auprès de plusieurs premiers ministres puis qui étaient très surpris parce qu'on faisait des simulations de débats, ils nous ont dit: Mais, les femmes, vous êtes bonnes! Puis d'ailleurs, je veux dire, je dois vous dire que, des deux côtés de la table, là, vous êtes assez éloquentes à cet égard-là. Je pense que le problème des communications, ce n'est pas celui des femmes, et les femmes l'ont compris.

Maintenant, ce que les femmes réclament, je vais vous le dire: c'est beaucoup, bon, accroître leur confiance en elles, accroître leur réseautage et accroître leurs habiletés politiques. Alors là, on a du travail à faire, et, nous-mêmes, on le découvre avec elles, parce qu'on n'est pas des gens... on n'a pas l'impression qu'on apporte un savoir aux femmes, on travaille sous le mode de l'andragogie. Alors, on apporte avec elles, et c'est beaucoup elles qui nous alimentent. Et là on est au niveau de l'habileté politique. Parce que, c'est évident, l'influence qu'on veut avoir à moyen puis à long terme, c'est-à-dire contribuer vraiment à changer les règles du jeu, il faut des habiletés politiques pour le faire, et c'est là-dessus qu'on travaille, à travers la confiance en soi, à travers un réseautage nouveau genre, qui est différent du réseautage que font... que jouent ces messieurs. Et je pense qu'on est en train d'innover là-dedans, et puis les prochaines années montreront, voir si ça donne des résultats.

Michel, as-tu quelque chose à ajouter là-dessus?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Umbriaco.

M. Umbriaco (Michel): Oui. La sociologie des gars et des filles en politique est extrêmement différente. C'est la première chose sur laquelle on s'est entendus il y a six ou sept ans et c'est à ce moment-là qu'on a, je dirais, pris en compte et décidé que l'égalité, ce n'est pas un idéal pour nous; pour nous, c'est une nécessité vitale pour le renouvellement démocratique. S'il n'y a pas égalité, on va arriver à une sorte de faillite ou des gouvernements représentatifs comme on les a. Alors, ce qui nous anime, ce qui nous pousse, c'est vraiment... pas un idéal, mais une nécessité de survie des institutions démocratiques.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Alors, il reste une petite minute et quelques secondes pour une dernière question. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci. Donc, rapidement, quand vous mentionniez, tantôt, que les modèles masculins étaient très présents, juste ici, dans l'enceinte du parlement, si on regarde la peinture qu'il y a dans le salon bleu, ce n'est que des hommes qui sont là, et si on regarde tous les présidents qui ont été là, à part Mme Harel, ce n'est que des hommes. Mais vous avez ouvert la porte à la parité puis vous avez mentionné que la parité, ce serait bien, mais que, dans les partis, que vous avez mentionné, vous ne privilégiez pas cette option dans les élections en tant que telles. J'aimerais savoir pourquoi.

Puis, tout à l'heure, quand on mentionnait... si on ne trouvait pas nécessairement assez de candidates féminines lors... s'il y avait des listes, là, on était obligé d'avoir 50-50. Moi, je pense qu'à ce moment-ci c'est un cercle vicieux, puisque ce sont des hommes qui sont dans les postes de pouvoir, mais leurs références sont masculines, leur entourage est masculin, puis, quand ils pensent à des candidats éventuels, bien ils pensent aux personnes qu'ils connaissent autour d'eux, puis c'est souvent des hommes. Donc, en forçant peut-être à choisir des femmes, bien ils vont être obligés de peut-être creuser davantage, mais c'est ce qui permettrait de faire ressortir des nouvelles figures puis des nouvelles leaders pour demain. Mais pourquoi ne pas privilégier du côté électif?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Hémond, s'il vous plaît.

Mme Hémond (Élaine): Oui. Pour revenir sur le terme «parité», pour l'instant on ne réclamera pas une loi sur la parité, mais je vais vous livrer un secret, c'est la parité qu'on veut, c'est là où on veut arriver, mais pour l'instant on estime que ce n'est pas en passant par une loi sur la parité. Surtout avec le mode de scrutin qu'on a, ce serait difficile à appliquer, mais c'est à la parité qu'on veut arriver.

Par ailleurs, quant aux modèles, vous avez raison, les modèles, c'est des hommes, on en a plein les couloirs ici. Quand les partis cherchent des candidats, ils cherchent souvent des candidats-vedettes. Des candidats-vedettes, c'est rarement des femmes. Et, d'autre part, la culture des partis fait en sorte que, dans les partis, on sollicite peu les femmes. Vous connaissez sans doute l'étude qui a été faite par Mme Évelyne Tardif sur le Parti libéral du Québec et le Parti québécois, et elle a démontré que les femmes sont sollicitées deux fois moins que les hommes pour se présenter comme candidates, alors que, pour les décider, il faudrait les solliciter deux fois ou trois fois plus, parce que les femmes commencent par dire non. D'ailleurs, on a fait une vidéo là-dessus qui s'intitule Moi... candidate?, et les femmes nous disent: Ah non! pas moi candidate, mon chum, ma soeur, pas moi.

Pourtant, je pense que les femmes veulent aller en politique, et la réponse qu'on a actuellement à notre École d'été Femmes et Démocratie municipale ? on est en cours d'aller chercher des candidatures, des aspirantes candidates ? mais il y en a, de l'intérêt. Les femmes, vous savez, elles nous appellent, elles veulent savoir comment ça va se passer, tout ça. Ce n'est pas l'intérêt qui manque, c'est qu'elles ont besoin d'être encouragées puis d'être sollicitées un peu plus. Et ça, ça incombe aux partis politiques, ça incombe aussi aux femmes d'abord, c'est vrai, de pousser leurs consoeurs, qu'il y a une attitude particulière pour ça.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, ceci met fin à nos échanges. Je vous remercie beaucoup, Mme Prévost-Fournier, Mme Hémond, M. Umbriaco. Et j'invite les membres de la CSQ à prendre place à la table de négociation, s'il vous plaît. Je suspends les travaux pour quelques minutes, deux petites minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 49)

 

(Reprise à 11 h 54)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, s'il vous plaît! La Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Nous accueillons des représentants porte-parole de la Centrale des syndicats du Québec, et je demande à son président, M. Réjean Parent, de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

M. Parent (Réjean): M. le Président, donc, à ma gauche, la première vice-présidente de la centrale, Louise Chabot, qui est au sein du conseil exécutif et responsable du dossier de la condition des femmes ? je pourrais dire, c'est en quelque sorte la ministre de la condition des femmes, chez nous ? et, à l'extrême gauche, pas sur un plan politique, mais géographiquement parlant, Chantal Locat, qui est responsable du Comité de la condition des femmes, à la CSQ.

Évidemment, M. le Président, je ferai une petite introduction et...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Si vous me permettez, M. le président de la centrale, je vais d'abord demander à ce qu'on puisse consentir, comme membres de cette commission, à dépasser l'heure prescrite, là, 12 h 30, de telle sorte à ce qu'on puisse vous accueillir convenablement et discuter avec vous le plus sereinement possible. Est-ce que vous consentez à ce qu'on passe au-delà?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci bien. Alors, la parole est à vous de nouveau.

M. Parent (Réjean): Bien, là, vous me rassurez, avec ce qui vient d'être pris comme décision, dans le sens où, quand vous nous invitiez à venir nous asseoir à la table de négociation, j'ai dit: Hé! si la commission est comme les négociateurs patronaux, on va avoir très peu d'écoute et on n'avancera pas beaucoup dans le dossier. Mais je comprends que les députés souhaitent nous entendre.

Je voudrais, strictement en termes de botté d'envoi, avant de laisser la parole à Louise, dire à quel point, pour la centrale et son président, le dossier de la condition des femmes, le mouvement des femmes nous apparaît comme une force sociale, une force progressiste sociale. Si on regarde au fil de l'histoire du Québec, si on regarde les 20, 25 dernières années, les progrès enregistrés sont beaucoup à l'enseigne du mouvement des femmes, à commencer par les droits parentaux, à commencer par la Loi sur l'équité salariale, à commencer par la lutte contre la pauvreté, à commencer par les avancées sur la conciliation travail-famille, à commencer par des politiques publiques qui visent l'aide aux familles. Donc, de ce côté-là, je veux dire, c'est un dossier qui nous est très sensible, très sensible surtout dans un contexte de mondialisation, où de plus en plus, je veux dire, on met le profit à l'avant-plan, on met l'argent à l'avant-plan, on chosifie les personnes, et, au bout de la course, je pense que, derrière le mouvement des femmes, il y a encore un espace, que je pourrais qualifier d'«humanitude», de tendre vers l'humanité.

Donc, de ce côté-là, vous aurez compris que, comme centrale, le fait de ne pas avoir de ministre à la condition des femmes, d'avoir eu un peu de brasse-camarade autour... de voir ce dossier-là faire les frais de la réingénierie, avec le secrétariat, le Conseil du statut de la femme, c'est avec beaucoup d'inquiétude qu'on a perçu cette action gouvernementale, et, bien qu'on pense que ça aurait dû être, aujourd'hui, par rapport à un mémoire ou un avis du secrétariat, on a un avis du Conseil du statut de la femme, on se présente.

C'est sûr qu'on a des prétentions, on a des orientations, mais... Et, chose certaine, il ne faudrait pas croire que la discrimination systémique est chose du passé, que l'égalité de droit est rendue une égalité de fait. J'entendais, hier, à la télévision, un débat, à TQS ? il y avait d'ailleurs un député de cette auguste Assemblée qui était présent ? sur les libérations conditionnelles, avec un Dr Mailloux ? ça, ça a été à l'école, ça, le Dr Mailloux, là ? et de s'élever contre le fait qu'il y avait des femmes sur la Commission des libérations conditionnelles qui se laissaient embobiner, comme si les femmes n'étaient pas capables de faire preuve de jugement. Donc, on est bien loin de l'égalité, il y a encore un paquet de manifestations dans cette société qui nous le prouvent, que ce soit la violence faite aux femmes, la pauvreté, on ne se contera pas d'histoires, a un sexe.

Donc, de ce côté-là, il nous apparaît important ? puis je pense que le premier ministre pourrait profiter, dans son éventuel remaniement, qu'il fera quand lui sait quand il le fera ? de nommer une ministre à la Condition des femmes ? il pourra l'appeler à «l'Égalité des femmes», là, s'il faut mettre le mot «égalité» à tout prix, on pourra en faire les frais ? de maintenir le Secrétariat à l'Égalité des femmes et de maintenir le Conseil du statut des femmes. Je vous dirais que... globalement.

Et, pour ce qui est des orientations qui pourront s'asseoir sur cette vision-là, je vais laisser la première vice-présidente vous l'exposer.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la vice-présidente.

Mme Chabot (Louise): Bonjour. Bien je pense que je commencerais en vous disant que ça aurait été... bien, d'ailleurs, bien sûr nous sommes contents d'être entendus à cette commission, mais on aurait été doublement fiers de participer à une commission qui viendrait nous faire état d'un bilan de 30 ans, de 30 ans de travail et d'évolution du mouvement des femmes au Québec, comme l'a illustré le président, qui a été des mouvements qui ont contribué à une société plus démocratique, plus juste, plus équitable. Et, ce mouvement-là, je pense qu'au Québec on a quelque chose de particulier, qui est envié partout ailleurs, dans nos structures, depuis les années soixante-treize pour le conseil, soixante-dix-neuf pour le secrétariat, dans les récentes politiques, et donc ça aurait été avec beaucoup d'honneur qu'on aurait accueilli le maintien de tout ça et le renforcement pour aller encore plus loin dans l'avancement de l'égalité des droits des femmes.

n(12 heures)n.

Et, bon, malheureusement, ce n'est pas sur ce terrain-là, en tout cas ce terrain-là ne semble pas clair. Ce n'est pas par hasard qu'on a intitulé notre mémoire Le leurre de l'acquis, c'est-à-dire qu'il faut bien prendre conscience qu'au Québec, malgré les nombreuses avancées, la discrimination systémique, et le patriarcat, est encore profondément enracinée, et je pense que c'est cette lutte-là qu'il faut continuer et que le mouvement des femmes et qu'une approche spécifique pour les femmes doivent demeurer dans cet objectif-là.

On a voulu, à partir de la page 7, un peu illustrer ? je pense que le Conseil du statut de la femme, dans son avis, a commencé à le faire ? constituer l'évolution du débat. Il faut se rappeler aussi qu'il y a eu des instruments qui ont permis que l'égalité des droits soit une réalité. On pense à la charte, à l'article 10, on pense aussi à de nombreuses conventions internationales. Je pense que le mouvement des femmes... Puis c'est à partir de ces instruments-là qu'on a pu réaliser des manifestations de discrimination, dont la discrimination systémique, qui a été maintenant reconnue comme une norme fondamentale. Et je pense que le mouvement des femmes a su tirer profit de ces outils-là pour forcer l'adoption de législations, de programmes de plus en plus, donc, qui visaient l'atteinte de l'égalité.

Récemment, j'étais à Genève, à la conférence préparatoire à Beijing +10. Je ne m'y attarderai pas longtemps, je pense qu'il y a d'autres collègues qui y étaient aussi, du secrétariat, mais juste pour dire à quel point, à quel point... et le document, la Déclaration de Beijing, en 1995, ça demeure encore le document le plus important et le plus volumineux à l'endroit des femmes, mais combien à la fois les gouvernements, mais aussi les ONG qui représentent des femmes croient nécessaires de réaffirmer ce plan d'action là et d'avoir un préjugé favorable en faveur de l'action des femmes.

Ce qui nous inquiète un peu, c'est qu'on voit que les pressions sont de plus en plus fortes pour que le Québec s'éloigne de la reconnaissance de l'asymétrie des rapports sociaux entre les hommes et les femmes. Et, pour plusieurs, on sent ça un peu comme ça en raison du progrès qui a été fait, bon, que l'accessibilité... Les femmes, les filles à l'école, leur succès, ou qu'on ait accès de plus en plus à d'autres disciplines, on dirait que ces réalités-là font en sorte que l'atteinte de l'égalité dans la société québécoise, ce serait comme chose faite ou réalisée, et on le démontre par des statistiques. Et, pour nous, ça vient comme minimiser l'effet de la discrimination systémique et ça fait comme rendre résiduels un peu l'existence des inégalités qui persistent et le recours à la violence.

Mais, dans un contexte ou une logique comme ça, ça peut conduire effectivement à faire en sorte de rendre caduques des lois qui ont été proactives en faveur de l'égalité, comme les programmes d'accès à l'égalité, ou de vouloir abolir des structures qui sont plus spécifiques pour les femmes. Et ça, sans parler des discours violents; je pense que ces manifestations-là de discrimination, elles sont encore très présentes et même renforcées. Moi, je lisais M. Foglia à l'endroit de Mme Jeannette Bertrand, je pense que... pourtant, on parle d'intellectuels, au Québec, de personnes qui viennent effectivement donner de l'information au public, et de voir de tels propos, de peau de lapin, à l'endroit d'une femme qui a contribué, je pense, à sa manière, dans des conjonctures, à l'avancement, c'est assez désolant. Donc, je pense que ces discours-là qui remettent en question le bien-fondé de l'existence du féminisme, d'organismes gouvernementaux et de politiques publiques qui s'adressent spécifiquement à la discrimination fondée sur le sexe et proposent une approche intégrée de l'égalité trouvent écho maintenant au sein du gouvernement.

Le contexte de la proposition qui nous est soumise, bien on ne se le cachera pas, là, on ne se contera pas d'histoires, je pense qu'au Québec on travaille depuis longtemps à travailler une société plus juste, plus égalitaire, à un projet de société plus démocratique, et les politiques néolibérales et les avancées du conservatisme depuis le gouvernement en place, sur plusieurs sujets, nous laissent craindre que ce débat-là s'inscrit dans des mesures de rationalisation de nos structures étatiques, de nos mécanismes institutionnels pour promouvoir le droit des femmes, et donc ça nous inquiète au plus haut point.

On a voulu illustrer quelques concepts. Je vais passer assez rapidement. Je trouve intéressant de citer à votre attention la page 10, quand on parle de L'égalité des droits: une approche systémique, M. Varikas, qu'on retrouve en citation dans le Dictionnaire critique du féminisme, qui dit que «l'égalité est une des promesses les plus inachevées de la modernité». Donc, pour nous, c'est très clair que, pour passer de l'égalité de droit à l'égalité de fait ? puis ça, je pense que tout le monde reconnaît que l'égalité de fait, c'est encore une chose à réaliser ? je pense que ça nécessite une direction politique et une mobilisation sociale encore plus grande pour que l'égalité entre les hommes et les femmes s'appuie sur une conception libérale de l'égalité qui sous-tend la pleine reconnaissance politique et sociale des femmes, non pas à la lumière de la norme masculine, mais plutôt en termes d'atteinte d'égalité des droits entre les femmes et les hommes. C'est bien ça qui est recherché.

Je pense que les règles institutionnelles en cause, quand on parle de discrimination systémique, ne remettent pas en question les rôles de sexes qui sont au fondement de la division sexuée du travail, et, en d'autres mots, les acquis juridiques ne se traduisent pas toujours par des changements. Donc, il faut aussi regarder... vous retrouvez toute notre analyse à la page 11, sur l'atteinte d'égalité; ça doit être aussi appréhendé par l'analyse du patriarcat, qui est encore très présent. On cite cette analyse: Qui décide du rôle que les femmes joueront ou ne joueront pas dans la société? Et donc, la sphère privée, où s'incarne le patriarcat, bien on voit que de plus en plus, dans des sociétés où ce n'est pas des valeurs collectives, où on va accorder beaucoup plus d'importance aux libertés individuelles plutôt qu'aux libertés ou aux droits collectifs, bien, de vouloir s'immiscer dans des rapports privés comme ça et de favoriser les libertés individuelles bien peuvent faire en sorte que l'égalité des droits, qu'on recherche, va demeurer une réalité à atteindre. Parce que, si on ne réussit pas, quand on va parler d'approche sociétale, tout à l'heure, à faire en sorte qu'on exerce toujours une vigilance constante et un engagement de toute la société, on n'enrayera jamais cette discrimination-là, systémique, qui est faite à l'endroit des femmes, parce qu'on ne changera jamais fondamentalement les institutions, ou les règles institutionnelles, ou les règles dans nos pratiques qui la mettent en place.

Je vais aller tout de suite dans l'approche qui nous est proposée par le Conseil du statut de la femme, une approche en trois volets. L'approche intégrée de l'égalité, on va la retrouver en trois volets: l'approche spécifique, l'approche transversale et l'approche sociétale, qu'on retrouve à la page 13 de notre mémoire. On sait que, depuis 1997, l'administration gouvernementale expérimente l'ADS, et donc, devant les faibles résultats ? je pense qu'on sait que l'approche différenciée selon les sexes a été, et à juste titre, là, mise à l'essai en projet pilote ? le Conseil du statut de la femme nous propose de la recadrer en adoptant une politique de l'égalité qui établirait un nouveau contrat de genre dans le respect des différences, donc une nouvelle manière de vivre les rapports hommes-femmes.

Et là on se fie beaucoup sur des exemples européens pour favoriser cette approche. Et il faut peut-être voir un peu plus longuement comment cette approche-là, aussi, de l'accès ? on l'appelle plus l'accès... l'égalité... l'AIE, en Europe, ici, c'est l'ADS ? voir comment cela s'est traduit. Je pense qu'il faut interroger plus cette influence-là, les programmes qu'ils ont eus en Europe, surtout quand on côtoie nos collègues européennes, comme les Françaises ou les Belges, qui envient justement les avancées du mouvement québécois des femmes et l'interaction entre le mouvement des femmes et le féminisme d'État et leur réelle influence.

Je pense que L'Intersyndicale des femmes a fait une bonne critique quand même de ce mouvement-là. On ne dit pas que ce n'est pas sans intérêt puis que ce n'est pas inintéressant, qu'est-ce qui se passe, mais, à la page 15, je pense que c'est utile de se rappeler que l'AIE et les actions spécifiques qui visent les femmes, il faut que ce soit loin d'être considéré comme mutuellement exclusif, mais constituent des approches complémentaires et étroitement imbriquées. En d'autres termes, même dans un document du Conseil de l'Europe, on dit que l'AIE ne peut se substituer aux politiques spécifiques qui visent à redresser les situations d'inégalité à l'endroit des femmes.

Et on peut effectivement, comme je le disais tantôt, s'inquiéter des visées du gouvernement, puisque l'approche... l'AIE, quelle que soit l'acceptation qu'on lui prête, est une démarche exigeante qui voudrait que l'État renforce justement ses politiques, donne plus de... devienne un élément de régulateur central dans ce sens-là. Et les femmes des groupes, les femmes européennes justement disent que souvent, quand il y a des changements au niveau des gouvernements, ces mesures-là, soit qu'on ne leur accorde pas assez d'importance, soit qu'il n'y ait pas assez de personnes qui en soient responsables, ou qu'on n'accorde pas assez de budget. Donc, il n'y a pas de continuité.

n (12 h 10) n

Je pense que, de notre avis, c'est vrai que les femmes ne doivent pas être les seules à porter le projet d'une société plus égalitaire, mais je pense que les approches ? je suis à la fin, j'arrive à la page 16; les approches ? qui nous sont présentées, spécifique, transversale et sociétale, ne sont pas toutes sur le même pied d'égalité. Quand on parle de l'approche spécifique, pour nous, c'est important de maintenir un organisme national qui serait financé par les deniers publics, donc le Conseil de l'égalité pour les femmes. Il faut qu'une approche, pour qu'elle soit spécifique, elle cible particulièrement des femmes et que... pas qu'elle soit particulière, mais qu'elle agisse spécifiquement, pas juste pour illustrer les discriminations, mais aussi pour étudier, les débusquer, nommer les causes et voir, là, comment on peut s'attaquer au caractère systémique.

Tant qu'à l'approche transversale, bien je pense que c'est une approche qui vise l'ensemble des lois, des programmes, des politiques, et, pour que ces politiques-là aillent dans le sens de l'égalité entre les hommes et les femmes ou n'y contreviennent pas, à notre avis, le Secrétariat à la condition des femmes, les femmes qui agissent, les femmes d'État, que nous appelons, qui agissent avec le gouvernement... dans ce sens-là, on est d'accord avec l'orientation du Conseil du statut de la femme, que ce n'est pas à remettre en cause, cette approche-là, et que le secrétariat, qu'on pourrait effectivement nommer le Secrétariat de l'égalité pour les femmes, devrait être maintenu et poursuivre dans l'approche transversale. Bon, on l'a vu, c'est plus l'approche différenciée selon les sexes. Là où on a plus de questionnements, c'est: Pourquoi cibler dans certains secteurs, quand on regarde les limites qu'il y a eu? Pour nous, c'est important que ces mesures-là soient intégrées dans l'ensemble, dans l'ensemble.

Il y a des illustrations fortes qui nous poussent à croire qu'au-delà des discours c'est loin d'être enraciné. Parce que, s'il y avait eu une volonté de l'État et si nous avions été convaincus que les femmes ont encore bien des acquis à acquérir et que l'égalité n'est pas réalisée, qu'il y a encore des discriminations, jamais on n'aurait adopté des lois comme on a adopté dans les services de garde, qui sont venues nommément toucher des femmes au plus haut point; jamais on n'aurait adopté des lois qui empêchent la syndicalisation des services de garde en milieu familial puis des ressources intermédiaires; jamais on n'adopterait des politiques d'aide sociale ou de logement social qui en bout de course vont pénaliser des femmes; et jamais on n'adopterait des politiques d'État en matière de santé... qui vont se retrouver en sorte qu'il y a 65 000 aidantes naturelles au Québec qui sont des femmes, ou des politiques en matière du travail qui vont favoriser les emplois atypiques.

Ça fait que, oui, nous sommes inquiets de l'approche qui est présentée, de l'approche de l'égalité, parce que, sous ce concept-là, effectivement c'est de prendre pour acquis que, bon, ce serait relativement fait et que là on a besoin ? puis là j'arrive dans l'approche sociétale ? d'autres acteurs sociaux, incluant des hommes, pour faire avancer ces questions-là.

Pour nous, l'approche sociétale, nous en sommes. Le mouvement des femmes, dans les organisations syndicales, a évolué dans des mouvements mixtes. Le mouvement des femmes, dans la société, aussi... D'avoir une approche sociétale, ça veut dire d'avoir une approche intégrée où tous les acteurs, mais au premier chef l'État et le gouvernement, prennent fait et cause pour la réalité que vivent les femmes au Québec, et par des politiques où l'égalité de droit des femmes devrait être signalée... donne le ton, je pense, à ce que la société doit faire comme mouvement pour s'engager derrière la discrimination qui doit être enrayée.

Ça fait que, sur les programmes et les orientations gouvernementales, ce qu'on aurait souhaité et ce qu'on souhaite, Mme la ministre, c'est qu'on puisse revenir en débat public là-dessus afin de faire le bilan, le bilan des réalisations qui ont été faites au Québec à l'égard de la condition des femmes. Et ce qui aurait été intéressant aussi, au-delà qu'on a assez bien illustré ce qui se passait, c'est d'avoir un bilan de comment le Conseil du statut de la femme, par ses avis, par son caractère autonome, et comment le Secrétariat à la condition féminine, au Québec, depuis plus de 30 ans, ont contribué... et une ministre responsable ont contribué à cela.

Et ça aurait été intéressant que ceux qui sont invités à cette commission parlementaire connaissent nos institutions d'État, nos mécanismes institutionnels pour faire avancer la cause des femmes... aurait pu les mettre plus en valeur. Et ça, c'est ce qu'on déplore. C'est qu'on n'a pas de bilan de ça dans ce qui est là. Donc, pour les orientations gouvernementales et pour les politiques, je pense qu'il faut faire un bilan et que l'ensemble du mouvement de la société s'assoie pour définir un nouveau projet qui va, oui, mettre tous les acteurs au bénéfice que la discrimination doit être enrayée, mais il va mettre aussi à profit l'expertise des femmes, qui doit être maintenue entre elles pour continuer d'enrayer cette discrimination. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci pour cette présentation. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Alors, M. le président Parent, Mme Chabot, Mme Locat, d'abord, bienvenue à cette commission. Merci d'avoir pris la peine de vous y rendre et de nous avoir remis ce mémoire, mais, je dirais, Mme Chabot, je vous remercie de la synthèse que vous venez de nous présenter.

Vous savez, quand j'aborde une commission comme celle-ci, je l'ai dit plusieurs fois, pour moi, l'égalité et la cause des femmes, ça demeure un enjeu de société primordial, au premier plan, et, quand on accepte... Et c'est la première fois, je vous le resouligne, c'est la première fois, au Québec, qu'il y a une commission parlementaire sur l'égalité et sur ce type d'enjeu avant d'écrire une politique. Alors, ce n'est quand même pas un geste anodin, là, ce n'est pas une commission en passant, là. Ça a été voulu comme ça. Quand je l'ai demandé et que je l'ai présenté au gouvernement, je l'ai fait après une longue réflexion et je l'ai fait en sachant exactement pourquoi il fallait le faire et vers quoi... À cause de l'importance de l'enjeu, je sentais que c'était un bon moyen de... À travers le choc des idées, à travers des divergences d'opinions, à travers surtout la richesse de l'expérience de tous ceux et celles qui viennent devant nous, je croyais sincèrement que nous pouvions et que nous allions nous mobiliser pour faire avancer l'enjeu de l'égalité au Québec.

Et je vais être très franche avec vous, mes collègues d'en face le savent, puis je crois que le ton de cette commission le reflète depuis deux jours et demi, je crois que la cause des femmes est tellement importante, que l'égalité de fait n'est tellement pas atteinte qu'on doit aussi élever le débat au-dessus de toute partisanerie. Et je trouve qu'on a une immense... et je tiens à féliciter mes collègues parce que jusqu'à maintenant, après deux jours et demi, je pense qu'on a réussi ça. Et donc, même s'il y a des éléments de ce que vous apportez qui sont critiques à l'égard du gouvernement, ça fait partie de ce qu'on écoute et entend, et je ne suis pas du tout mal à l'aise avec ça, au contraire.

D'abord, M. Parent, vous reconnaissez d'emblée que le Québec, et les gouvernements, et le gouvernement actuel, parce qu'il y a... Dans ce que vous avez mentionné, a priori, il y a quand même des pas dans la bonne direction, surtout pour atteindre une plus grande justice sociale. Est-ce qu'il y a place à amélioration? Est-ce que tout est fait? Mme Chabot nous relate, en terminant, certains projets de loi qui effectivement, de votre point de vue... et je ne veux pas qu'on débatte de ça ce matin, ce n'est pas l'objet de la commission, mais, tu sais, je suis capable de vivre avec ça. Donc, dans ce sens-là, je vous dirais que c'est pour ça que je reçois positivement votre remarque.

Mme Chabot, je l'ai dit plusieurs fois, l'approche spécifique est une approche qui doit demeurer, être mise à l'avant-plan. Dans votre document, à moins que je ne me trompe, vous ne ciblez pas... vous dites: Nous devons cibler les femmes dans une approche spécifique. Je suis très d'accord avec ça, mais vous ne ciblez pas nécessairement certains enjeux par rapport à cette approche spécifique. Alors, comme nous sommes ici pour entendre, pour ensuite écrire une politique, j'aimerais vous entendre sur quels seraient ces enjeux d'une approche spécifique. Est-ce qu'il y a certains éléments que vous souhaiteriez voir traiter en priorité?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Chabot, oui.

n (12 h 20) n

Mme Chabot (Louise): Non, on ne l'avait pas regardé sous l'angle... Quand on l'a regardé sur l'approche... pas juste particulière mais spécifique, je pense qu'on voulait peut-être beaucoup plus illustrer qu'en raison, comme vous le partagez, que l'égalité de fait est encore loin et en raison aussi de notre analyse que la discrimination systémique, c'est encore important, que, quand on parle d'une approche spécifique pour les femmes, pour nous, ça veut dire qu'il y a place... Parce que c'était ça, l'enjeu qu'on voyait aussi dans les approches qui nous étaient présentées, c'est que ce n'était pas clair c'est qui, les personnes qui seraient les plus appropriées, dans cette approche spécifique là. Bon, c'est comme si on mettait les approches sur le même pied d'égalité puis qu'au terme il y aura un conseil pour l'égalité. Puis, pour nous, c'était plus que ça, quand on dit: l'approche spécifique, pour les femmes, c'est de dire aussi que c'est les femmes qui devraient continuer, dans une approche spécifique, à promouvoir puis à défendre.... les inégalités soit à l'égard de la violence soit à l'égard de plusieurs questions.

On n'a pas ciblé de sujets, on voulait apporter en disant: C'est tellement important, l'approche spécifique, avec les nombreuses réalités, que c'est ce qui devrait nous amener à maintenir nos structures strictement représentées par des femmes. C'est comme ça qu'on l'a abordé, et non pas en ciblant des sujets plus particuliers que d'autres.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Je voudrais faire le lien alors avec l'approche sociétale, parce que, moi, je pense que vous avez raison de dire que vous exercez cette approche-là. Je pense que le mouvement syndical en général est représentatif de vouloir élargir dans les débats qui sont les... Ce que vous revendiquez, dans ce que sont vos revendications, vous êtes quand même, de façon générale, un mouvement qui effectivement élargissez à l'ensemble et interpellez en tout cas, certainement, tous les acteurs sociaux. Ça, c'est bien évident.

Moi, je voudrais discuter d'un sujet qui touche beaucoup, beaucoup le milieu scolaire, parce que... et ça, tous les groupes nous le disent, hein, pour réduire les inégalités, très honnêtement, presque tous les groupes sont venus nous dire: Ça commence très tôt, ça commence à l'école, ça commence quand on est jeune, et le sujet qui est très lié à ça, c'est la lutte aux stéréotypes. Et donc on nous dit depuis deux jours: Il faut commencer à l'école.

Et on nous dit beaucoup, dans cette approche élargie: Est-ce qu'on n'a pas là, dans le cadre de la lutte aux stéréotypes sexistes, est-ce qu'on n'aurait pas là avec vous une belle occasion justement d'élargir à l'ensemble et de mobiliser à différents intervenants? Parce que j'imagine que le ministère de l'Éducation a une responsabilité dans cette lutte-là, les professeurs en ont, le mouvement syndical dans son ensemble, pour ce qu'il représente. Allons jusqu'à la publicité sexiste, donc toute la sphère privée est interpellée aussi, parce que souvent... en fait pas souvent, toujours, c'est la sphère privée qui les fabrique, ces stéréotypes-là. Alors, est-ce qu'au fond on ne dit pas un peu la même chose? Tout ça pour vous dire qu'on dit un peu la même chose. Moi, j'ai l'impression que l'avantage de cette commission ou du document du conseil, pourquoi c'est là, c'est qu'on va possiblement, dans une politique, dire haut et fort... et ce sera une politique gouvernementale, c'est le gouvernement qui là, à travers ces orientations-là, élaborera les moyens pour, par exemple, lutter contre les stéréotypes. Donc, est-ce qu'on n'est pas en train de camper publiquement, de rallier, de mobiliser pour justement lutter contre ces inégalités? Et, à travers, par exemple, l'exemple de la lutte aux stéréotypes, on a un super bel exemple d'approche sociétale qui pourrait être renforcée. Et dites-moi, si vous êtes d'accord avec ce que je viens de dire, là, parce que j'essaie de faire vite, et dites-moi qu'est-ce qu'on peut faire avec vous pour... et qui devrait participer à cette lutte aux stéréotypes, qui, moi, me préoccupe énormément chez les jeunes.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, alors, Mme Locat.

Mme Locat (Chantal): Moi, je pense que la lutte aux stéréotypes, tout le monde doit être interpellé, et particulièrement le gouvernement en légiférant au niveau des publicités, des campagnes publicitaires qu'on voit un petit peu partout. Je pense que, seul, le mouvement ne peut pas travailler, et ça nous prend des lois qui régissent tout ça.

Puis, oui, on va travailler avec le monde de l'éducation, mais le gouvernement... On sait que l'échec scolaire des garçons, une des raisons, c'est le milieu socioéconomique: où les gens sont pauvres, en général il y a plus d'échecs scolaires là que dans les domaines où ils sont plus favorisés. Donc, là aussi, par des mesures qui sont apportées par le gouvernement. Mais, je veux dire, la pauvreté, on ne pense pas que ce soit tellement réduit.

Après ça, aussi, on sait que ce qu'il est important de travailler pour la réussite scolaire, c'est le français, l'apprentissage du français, auprès des garçons particulièrement, parce que là on parle de la réussite scolaire des garçons, l'échec scolaire des garçons. Puis là, bien, effectivement, dans les familles, on aurait besoin d'une implication particulière des parents, particulièrement les pères; je pense qu'on manque de modèles là-dessus. Et, à ce moment-là, oui, les groupes, les mouvements de femmes, le gouvernement et le milieu de l'enseignement sont prêts à travailler, et puis, dans nos rangs aussi, il faut faire une sensibilisation à ce niveau-là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci, Mme Locat.

Mme Chabot (Louise): J'irais peut-être un peu plus loin...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise): ...la lutte aux stéréotypes, je pense que ce n'est pas d'hier que c'est amorcé, ça fait partie justement des questions importantes, si on veut changer les rapports sociaux entre les sexes. La lutte aux stéréotypes, c'est tant dans le mouvement syndical que... comme centrale et aussi comme mouvement des femmes, je pense que c'est une question importante. Quand on la regarde dans une approche sociétale... Là, je ne voudrais pas qu'on mêle les cartes, là, la lutte aux stéréotypes, bien c'est une des luttes fondamentales qu'on fait justement pour faire en sorte qu'il y ait des rapports plus égalitaires, de réduire, donc de l'aborder sous l'angle de l'approche sociétale. L'approche sociétale ne doit pas devenir... oui, il y a des questions préoccupantes, mais, là où je trouve ça... comme les stéréotypes qu'il faut encore... ce que vous parlez, comme d'autres questions, mais de l'amener sous la barre de l'approche sociétale, qui est une des raisons...

Mme Courchesne: Non, non, ce n'est pas ce que je dis, là. Ce que je dis, c'est que tous les mémoires ou presque ? et c'est une orientation du document du conseil ? disent que nous devrions mettre des moyens pour lutter davantage et plus fortement contre la lutte aux stéréotypes, qui sont en accroissement; ils ne sont pas nécessairement en diminuant, ces stéréotypes, ils ont tendance à augmenter, particulièrement dans les milieux scolaires, à l'université... bien, je comprends que vous n'êtes pas université, là, mais, dans les milieux scolaires, les jeunes au secondaire, c'est en train de devenir un fléau, et on nous demande effectivement de regarder cette question-là.

Parce que vous avez élaboré sur l'approche sociétale, j'essaie de l'utiliser comme exemple concret de ce que nous pourrions faire dans une poursuite de réduction d'inégalités, ce que nous pourrions faire ensemble. Quand je dis «ensemble», c'est ça, le but, c'est d'élargir le débat, c'est-à-dire: est-ce que ça ne doit pas être porté que par les femmes, la lutte aux stéréotypes? Vous êtes d'accord avec moi, la lutte aux stéréotypes, à mon avis, ce n'est pas qu'une affaire de femmes, c'est une affaire qui est beaucoup plus large et qui doit être portée par bien d'autres acteurs sociaux, majoritairement masculins, dans un certain sens. Et, dans ce sens-là, est-ce qu'on n'a pas là une belle occasion pour unir nos forces et combattre réellement? Et c'est là que j'essayais de faire la démonstration et le lien entre votre position et l'avis du Conseil du statut de la femme, c'est tout, c'est dans ce sens-là que je l'abordais.

Mme Chabot (Louise): C'est un bel exemple. Mais c'est vrai que ça n'appartient pas juste au mouvement des femmes. Mais, quand on le regardait, l'approche sociétale, ça veut dire... et qu'on disait que les gouvernements, quels qu'ils soient, ça doit faire partie des... Quand on parle de l'approche sociétale, ce qu'on ne veut pas, c'est que ça devienne des acteurs sociaux, dans leur ensemble, qui doivent se responsabiliser, que ce soit le mouvement des femmes ou d'autres, qui doivent se responsabiliser à l'égard de certaines questions, dont celle-là, mais que la réunion de ces acteurs sociaux là viendrait comme désengager une responsabilité de l'État et des gouvernements envers ces questions-là.

Ça fait que ce que je vous répondais, c'est: oui, on le fait déjà, mais on doit continuer de le faire. Mais est-ce que c'est une priorité parmi d'autres dans une approche sociétale? C'est pour ça qu'on vous proposait plus une approche intégrée des questions dans tous les ministères.

Mme Courchesne: Je veux juste terminer, parce que je veux laisser à mes collègues la possibilité de poser des questions, je veux juste vous dire que, dans mon esprit, l'approche sociétale ne veut en aucun cas dire qu'on déresponsabilise l'État.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, Mme la députée de Fabre. Mme la députée de Maskinongé, s'il vous plaît.

n (12 h 30) n

Mme Gaudet: Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour la présentation de votre mémoire. Vous savez, je suis présidente des femmes parlementaires francophones et à ce titre j'ai le très grand privilège d'avoir des rencontres avec des femmes qui représentent différents pays, entre autres les femmes africaines et les femmes européennes. Et, lors de notre dernière rencontre, on a échangé justement sur la place des femmes en politique et comment ça se passe, là, dans les pays respectifs, là, que les femmes représentaient.

Je dois vous dire que les femmes... les Françaises ont mentionné que le Québec a une longueur d'avance au niveau de l'égalité des hommes par rapport aux femmes. Et ça, bien on a été quand même un peu surprises de cette constatation-là, considérant un peu ce que vous avez mentionné, hein? Au niveau législatif, on installe des lois ou des règles qui visent le pourcentage égal des hommes et des femmes qui se présentent au niveau politique, et, nous, on questionnait: Bien, comment ça se fait qu'il y a pas plus de représentation de femmes que ça, malgré toutes ces règles législatives qui sont inscrites, là, au niveau... bien, de façon très concrète, hein, au niveau législatif?

Les femmes... On a parlé aussi de la féminisation du discours. Vous savez, en Europe, on ne dit pas «Mme la mairesse», mais on dit bien «Mme le maire», et les femmes elles-mêmes ne sont pas d'accord à la féminisation du discours. Je vous illustre ça en disant: C'est certain qu'au Québec on n'a pas encore atteint l'égalité des droits, on en est conscients. Comment on peut faire pour que ça passe, que ce soit intégré, hein, et qu'on poursuive dans l'élan de... au niveau de l'égalité, mais que ça fasse partie de la volonté tant des hommes et des femmes d'atteindre ce droit à l'égalité? Puis je dirais même, au-delà de la législation, là, parce que ce qu'on m'a exprimé au niveau des parlementaires françaises, bien en tout cas ce n'est pas facile pour elles, là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, qui prend la parole? Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise): Bien, d'abord, je pense que ça illustre un peu, les rencontres qu'on a, de voir comment ? puis je pense qu'il faut en être fier; comment ? en Europe, où on pense qu'il y a des approches peut-être qui nous semblaient plus progressistes, on envie un peu ce qui s'est... on envie même ce qui se passe au Québec, on envie les mécanismes qu'on s'est dotés. Puis peut-être que cette réalité-là est beaucoup due justement au bilan qu'on peut faire du travail qui a été fait puis des mécanismes qu'on a choisis pour faire en sorte que cette réalité-là...

Cette problématique-là des femmes dans des postes décisionnels, tant au niveau des parlementaires que, je dirais, au sein de nos propres organisations, c'est une problématique qu'on regarde, même nous, à l'interne. D'ailleurs, on est en train actuellement de faire une étude qui nous avait été demandée par le congrès de nos instances: qu'est-ce qui fait en sorte que les femmes, parce que c'est des postes de décision, aussi, les présidences syndicales ou... qu'est-ce qui fait en sorte que les femmes s'impliquent moins ou ont des résistances à s'impliquer? Mais ça a été amendé en disant: Qu'est-ce qui fait, qu'est-ce qui peut faire, aussi, que des femmes ont le goût de s'investir, ont le goût de... Donc, à la fois les contraintes puis à la fois les motivations.

Donc, on pourrait élaborer longuement sur ces questions-là parce qu'il y a sûrement beaucoup de facteurs, comme les questions de conciliation travail-famille, comme les questions des valeurs, comme les questions, des fois, où on veut bien, dans nos organismes politiques, qu'il y ait des femmes qui soient nommées, mais est-ce qu'on veut leur donner des responsabilités plus élevées? Il y a toutes ces questions-là qu'il faut prendre en compte. Et, justement, je pense que ça vient illustrer à quel point, oui, tout le monde, ça doit être une préoccupation de tous, ces rapports égalitaires là.

Mais ça va peut-être répondre à une autre partie de la question où on est préoccupés. Souvent, les femmes sont... parce qu'encore discriminées même s'il y a eu des pas, souvent les femmes sont les mieux placées pour illustrer ces phénomènes-là, pour en débusquer les causes puis pour faire en sorte que par leur présence spécifique elles peuvent apporter les réflexions utiles. Puis je pense qu'elles l'ont fait.

Quand on parle d'une plus grande parité, bien actuellement les femmes travaillent en mixité avec des hommes sur les questions des réformes de nos institutions démocratiques, dont la proportionnelle, regarder ses limites. Je pense qu'il y a des outils. Mais je pense qu'il y a des conditions enracinées des fois dans nos valeurs, dans nos pratiques, qu'on n'a pas encore enlevé toutes les barrières à ce qui permettrait une réelle présence des femmes.

Puis d'ailleurs, des fois il y a des barrières qu'on n'avait pas qui sont... Je vais prendre les CRD, les conseils régionaux de développement, qui prévoyaient une parité au niveau des femmes et des hommes dans la représentation, qui ont été représentés par les... remplacés par les conseils régionaux des élus. Et vous avez en annexe de notre mémoire le taux de représentation des femmes, à 15... à 35 % au maximum. Ça fait que comment on peut continuer d'avancer si on propose des mesures étatiques qui nous font faire des reculs?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Je dois passer de l'autre côté. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Locat, Mme Chabot, M. Parent, merci beaucoup. Merci pour votre mémoire, merci pour la présentation. Je pense que, M. Parent, vous avez bien démontré que le mouvement des femmes a permis des avancées pour toute la société québécoise puis une meilleure qualité de vie, côté plus humain, et ça, je pense que c'est important de le redire, parce qu'on a encore certains groupes qui ne reconnaissent pas cet élément-là et qui considèrent que les femmes n'ont fait des avancées que pour les femmes, ce qui est complètement faux.

Je suis contente que ma collègue de Maskinongé ait ramené l'expérience; nous l'avions vécue ensemble l'été dernier. Et ça démontre bien ce que vous exprimez dans votre mémoire, c'est que le Québec, avec ses outils et ses moyens, avec le Conseil du statut de la femme, avec le Secrétariat à la condition féminine, avec des politiques en condition féminine, a réussi à faire des avancées que la majorité des pays d'Europe n'ont pas faites, dont la France. Et, au lieu de fortes résistances... Et je crois même que finalement leur loi de la parité, là, elle n'a pas changé les résistances, et les résistances autour sont encore plus fortes.

Donc, je pense que ce que nous avons réussi... c'est important de maintenir nos outils essentiels, parce que c'est ça qui nous a fait avancer. Et, si plusieurs pays d'Europe n'ont pas réussi à faire ces avancées-là, c'est qu'ils n'avaient pas ces outils-là, non plus. Et on doit dire que nous avons aussi non seulement les outils de l'État, mais nous avons, au Québec, ce qui a permis à amener la création des outils de l'État puis à pousser les gouvernements successifs à agir, c'est le mouvement des femmes. Et, à cet égard-là, le syndicat a toujours été partie prenante de ce mouvement-là.

Au niveau de la représentation, vous vivez à peu près les mêmes difficultés que la représentation politique, hein, au niveau des instances. Bon, quand il vient le temps de prendre les postes décisionnels, vous avez un peu les mêmes résistances, là, qu'on ressent, nous, au niveau du monde politique. Vous avez donné les bons éléments, conciliation famille-travail, peut-être parfois de ne pas vouloir avoir le poste qui va avoir toute la visibilité. C'est toujours là.

Je veux soulever un élément extrêmement important; vous en avez parlé, vous le ramenez dans votre conclusion. Effectivement, vous dites: «Nous pensons que le temps est venu ? dans la conclusion; le temps est venu ? de mener une enquête sur la situation des femmes au Québec. Elle permettrait de procéder à une analyse en profondeur des obstacles qui entravent l'atteinte de l'égalité pour les femmes.» Et vous avez parlé un petit peu, dans votre présentation, que ça aurait été intéressant d'avoir un bilan. Je pense que c'est vrai. On n'a pas... On a adopté beaucoup de politiques: une stratégie à l'égard de la main-d'oeuvre féminine, un plan d'action en violence conjugale, en 1995, des orientations en matière d'agression sexuelle;, la ministre a déposé un nouveau plan d'action en violence conjugale, mais on n'a pas le bilan des résultats.

n (12 h 40) n

Puis c'est pareil pour l'analyse différenciée selon les sexes; c'étaient des projets pilotes. Il faut plus de formation. On n'a pas le bilan, ce qui nous permettrait de pouvoir mieux actualiser la politique qu'il faut adopter pour arriver à une véritable égalité de fait pour les femmes puis adopter aussi un plan d'action précis, parce que... Les plans se ressemblent beaucoup, là. Le plan d'action en violence conjugale, 1995, ou celui que je viens de déposer, là, les éléments sont à peu près les mêmes, il y en a même qu'on répète exactement la même chose. Mais ça ne nous dit pas où ça n'a pas réussi à atteindre des résultats.

Alors, moi, je veux vous entendre sur ce bilan-là, sur votre vision, comment on peut faire les choses, puis les moyens qu'il faut aussi donner. Parce qu'on a nos politiques ? et ça, c'est vrai pour tous les gouvernements, là, je l'ai dit tantôt ? souvent, nos politiques sont bonnes, elles ne descendent pas nécessairement en région, on n'atteint pas nos résultats au niveau des régions, mais on n'a pas nécessairement aussi les ressources financières et les ressources humaines pour atteindre nos résultats.

Mme Chabot (Louise): Je pense que dans notre conclusion, là, où on faisait appel... Puis je vais reprendre un peu les... pour y répondre. Je pense qu'on reconnaît, là, cette commission parlementaire là, ça nous permet de dire, vous l'avez dit d'entrée de jeu... qui est une première avant d'élaborer une politique où on nous propose des axes d'intervention puis d'orientation. En soi, là, même celle proposée, on ne peut pas être contre. Mais pour dire que c'est celle-là qu'il faut appliquer... Est-ce qu'on devrait, dans certaines, juste avoir une veille stratégique, dans d'autres avoir des actions plus musclées ou avoir des politiques comme... C'est quoi, le bilan de nos programmes d'accès à l'égalité, là, au-delà de qu'on a un programme? c'est quoi, le bilan qu'on fait?

Les projets pilotes, bon, on a vu qu'il y a certaines limites avec l'ADS. Mais, nous, on dit, c'est... Puis on sait que le secrétariat, à moins que quelqu'un nous corrige, le secrétariat devait faire cette partie de bilan là avant de procéder. Hier, on n'était pas présents. Le secrétariat devait le faire. Ça fait que là on a demandé au Conseil du statut de la femme d'élaborer des orientations, des stratégies, puis il n'y a comme pas de bilan. Peut-être qu'ils ont pu le faire à la lumière de ce qui a été fait, mais, pour nous, ce serait beaucoup plus engageant.

Et, quand on parle d'une approche collective et sociétale, si on pouvait se mettre tous en mouvement derrière un bilan... Les gouvernements du Canada le font, là, dans le cadre des orientations puis des plans d'action au niveau international; on a demandé à tous les États de faire les bilans de leur politique en vertu de leurs engagements. Bien, le Québec aurait pu... Avant de revoir des orientations qui peuvent être aussi stratégiques, je ne voudrais juste pas qu'on renie ce qui est mis là. Mais on dit que ça ne va pas assez loin et que c'est ensemble qu'on doit le faire à partir d'un bilan. Et on sera prêts à y contribuer.

Mme Caron: Et d'ailleurs le gouvernement va devoir en déposer un, le suivi, 10 ans après Beijing, au mois de mars, il va être obligé d'en déposer un. Ça fait que ça aurait été intéressant qu'on l'aie avant la commission, c'est sûr.

Une petite précision avant de passer la parole à ma collègue, quitte à revenir après si on a du temps. La ministre a dit que le ton de nos débats, et tout ça, n'était pas partisan. Je tiens à préciser quand même qu'à l'instar de votre mémoire, autant dans les remarques préliminaires que régulièrement au niveau des interventions et des questions, nous ramenons les reculs qui ont été faits depuis 2003. Et c'est les mêmes reculs, là, que vous avez notés dans votre mémoire. Elles étaient là dans les remarques préliminaires, elles reviennent... Ça revient régulièrement dans nos discussions, on ne peut pas ne pas le dire. Et c'est évident que ça amène certaines inquiétudes par rapport à la suite des choses, c'est évident.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Laurier-Dorion, s'il vous plaît.

Mme Lefebvre: Mais, dans la même veine, je suis contente que vous ayez rappelé les reculs importants qu'ont subis les femmes depuis que ce gouvernement est en poste. En fait, moi, je me demande... parce qu'il y a quelques années, avant même que je sois élue députée, j'avais lu le livre de Lise Payette, Le Pouvoir? Connais pas!. Puis elle avait la responsabilité, elle avait été nommée ministre à la Condition féminine, puis elle expliquait très bien comment, autour de la table du Conseil des ministres, ça pouvait faire une différence qu'une personne ait cette responsabilité-là, puisque dans chacun des dossiers elle pouvait intervenir si jamais il y avait des politiques ou des orientations qui allaient à l'encontre de l'avancement vers cette égalité.

Donc, peut-être que, si le premier ministre avait nommé une ministre, peut-être qu'on n'aurait pas connu ces reculs-là, là, dans les derniers mois, puis peut-être qu'on n'aurait pas adopté non plus certaines politiques, comme vous les avez nommées, qui ont eu ces conséquences finalement sur l'atteinte d'une plus grande égalité pour les femmes.

Donc, dans cette voie-là, vous parliez tout à l'heure d'une vision intégrée que devrait adopter le gouvernement. Que pensez-vous de l'idée d'une loi-cadre, qui a été amenée par différents groupes ici, de manière à ce que justement le gouvernement puisse avoir une vision plus large lorsqu'il adopte des projets de loi?

Mme Chabot (Louise): Bien, je pense qu'on va être cohérent avec ce qu'on avance. Si on trouve important qu'avant de définir des politiques il y ait des orientations, d'avoir des bilans, peut-être qu'une loi-cadre sera un moyen. Mais, comme on le dit dans notre mémoire, on pense que les différentes politiques ou programmes adoptés devraient avoir comme indication ou comme grille d'analyse que le droit à l'égalité pour les femmes en fasse partie. Donc, c'est une façon, je pense, de rendre plus visible cette action-là que l'ensemble... une approche intégrée que l'ensemble... qu'il y ait d'abord un préjugé favorable envers du droit à l'égalité pour les femmes. Ce serait déjà quelque chose qui serait déjà une avancée.

Et je terminerais en disant que, c'est vrai, je vais reconnaître que ces questions-là, quand on parle de toutes les approches, là, ce n'est pas juste des questions partisanes et que des fois il faut s'élever autour de ça. Mais je pense que, pour vraiment atteindre l'égalité, il faudra profondément changer les mentalités qui traversent encore beaucoup nos sociétés, beaucoup nos rapports sociaux. Et, dans ce sens-là, ça vient renforcer l'idée ? puis je peux peut-être l'illustrer d'une autre manière ? que les femmes ont encore besoin, au niveau de l'État, de leur institution strictement représentée par des femmes.

Je peux citer un exemple à la fin. Vous savez que, pour la communauté des gais et lesbiennes, bien que par leur mouvement ils aient pu faire des avancées en termes d'égalité de droits maintenant, est-ce que pour autant les discriminations à leur endroit viennent de s'atténuer? Ils auront encore beaucoup besoin, eux autres aussi, de travailler sur le terrain des mentalités à changer pour enlever les préjugés. Bien, je pense que les femmes ont fait des grands pas, mais la lutte n'est pas finie, puis on vous invite vraiment à reconnaître et à renforcer le travail qui a été fait.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, s'il vous plaît, Mme la députée de Terrebonne.

M. Parent (Réjean): ...M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ah! Excusez-moi. M. Parent voulait vous dire quelque chose?

M. Parent (Réjean): Pour compléter sur la question de la députée par rapport aux lois-cadres, c'est sûr qu'en attente d'un bilan, mais en même temps pas de portes fermées, avoir des éléments qui sont cadrants ou contraignants dans une éventuelle loi. Puis, faire une analogie avec la politique de conciliation travail-famille, à ce niveau-là, on nous parle encore d'incitatifs, malgré un 10 ans où on est obligé de constater, là... en tout cas, un bilan sommaire, c'est que les avancées sont très, très, très minces, à partir du portrait qui nous est fourni par le gouvernement. Donc, à ce niveau-là, on dit: Bien, à un moment donné, il y a des éléments. Quand on constate que, malgré les intentions, malgré les politiques, ça n'a pas avancé, bien là il faut pousser d'un cran plus loin et avoir, je dirais, une loi qui cadre, qui contraint jusqu'à un certain point, tout en laissant un espace pour pouvoir progresser. Je pense qu'on ne peut pas contraindre les mentalité, mais, à un moment donné, on peut les aider à avancer.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Mme la députée de Terrebonne.

n (12 h 50) n

Mme Caron: Merci, M. le Président. Effectivement, vous avez raison, ça ne peut pas être juste par bonne volonté, et on l'a vu. Et même l'adoption des lois qui ont permis une meilleure égalité de droits ne se sont pas encore toutes traduites par une égalité de fait pour les femmes. Et les résistances même à l'adoption de ces lois-là, en commission parlementaire, ont été énormes, et même dans nos caucus respectifs, ça a été extrêmement difficile, et il a fallu qu'il y ait une solidarité, je dirais, des femmes des différents partis politiques pour arriver à convaincre les différents caucus des différentes lois qui ont été adoptées. Ça, ça a été essentiel, autant pour la loi du patrimoine que la Loi de l'équité salariale.

Une dernière question. En page 20, vous avez posé une question, qui n'est pas revenue dans votre présentation, sur les mécanismes... donc, en page 20, vous questionnez les mécanismes qui étaient présentés dans l'avis du Conseil du statut de la femme: «Quelle sera l'influence des hommes aux décisions concernant la situation des femmes? Quelle place sera accordée dans les débats aux enjeux sur la condition des femmes versus celle des hommes? Et, si un rattrapage social, économique, politique est à faire, dans quel sens ira-t-il? Le document du CSF occulte ces questions pourtant essentielles.» Et je pense que vous démontrez, dans votre mouvement, que vous avez un comité de la condition des femmes qui vous permet effectivement d'influencer par la suite au niveau plus global.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Luca.

Mme De Luca (Tina): Oui. Nous avons un comité de la condition des femmes, mais c'est un espace qu'on a besoin, qui est essentiel pour nous, à la CSQ. Mais nous sommes quand même 70 % de femmes à la centrale. Et puis, sur notre expertise, on travaille beaucoup et, après ça, on va dans les instances, et c'est avec les hommes, aussi, les hommes et les femmes de la centrale qu'on peut avancer. Mais on a absolument besoin de cet espace-là, et il ne nous viendrait pas l'idée d'enlever cet espace-là qui est essentiel, pour nous, à la centrale.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Merci. Je comprends qu'il n'y a pas d'autres questions du côté de l'opposition? Alors, je vous remercie, Mme Chabot, Mme Luca, M. Parent, de votre contribution.

Les membres de la commission parlementaire, vous pouvez laisser votre matériel sur les tables durant la suspension de travaux. Les travaux sont suspendus et reprennent à 2 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 51)

 

(Reprise à 14 heures)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, si vous permettez, nous avons quorum, nous allons donc reprendre les travaux de cette séance de la Commission des affaires sociales. Nous accueillons comme prochain groupe Gai Écoute et Fondation Émergence. Nous avons devant nous le président, M. Laurent McCutcheon, et je vous prie, M. McCutcheon, de nous présenter la personne qui vous accompagne. Vous avez 20 minutes, comme vous le savez, pour présenter votre mémoire, suite à quoi nous avons deux blocs d'échanges avec vous de 20 minutes chacun.

Gai Écoute et Fondation Émergence

M. McCutcheon (Laurent): D'accord.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Bienvenue.

Mme Deleuze (Magali): Oui. Mon nom est Magali Deleuze, je suis la vice-présidente de Gai Écoute.

M. McCutcheon (Laurent): Alors, bonjour. D'abord, merci de nous accueillir et de nous permettre de pouvoir faire nos représentations devant la commission parlementaire. Nous avons intitulé notre mémoire: Le contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes indépendamment de l'orientation sexuelle.

Je vais vous dire d'abord quelques mots sur Gai Écoute pour présenter notre organisme. Gai Écoute est un organisme qui existe depuis 1980, c'est un des plus vieux organismes dans les communautés gaies et lesbiennes. C'est un service à la population, un service d'aide, d'écoute téléphonique et de renseignement. Gai Écoute mène aussi des campagnes d'éducation, de sensibilisation, de lutte aux préjugés. On a aussi des sites Web, un service d'aide par courrier électronique, c'est un service qui est offert 365 jours par année. C'est un des seuls services spécialisés ligne téléphonique au Québec qui n'a pas encore les ressources pour dispenser ses services 24 heures par jour, alors que la plupart ou je dirais la grande majorité des autres services comparables sont à 24 heures par jour, ce qu'on n'a pas réussi à faire au bout de 25 ans. On s'intéresse beaucoup à la prévention du suicide; on sait que le suicide, chez les personnes homosexuelles, est un grave problème.

Nous représentons aussi la Fondation Émergence. La Fondation Émergence a été mise sur pied pour faire un travail aussi d'éducation, de sensibilisation. Nos communautés arrivent à l'égalité juridique. Dans les prochains mois, on espère, avec le débat qui va se terminer sur le mariage homosexuel, on espère qu'on aura l'égalité juridique. Cette égalité juridique ne s'accompagne malheureusement pas nécessairement de l'égalité sociale. Donc, le rôle de la Fondation Émergence, c'est de prendre un peu la relève, après les revendications au niveau des droits qu'on aura réussi à obtenir au cours des 25 ou 30 dernières années, de façon à travailler à la reconnaissance de l'égalité sociale. Donc, promouvoir l'épanouissement des personnes homosexuelles et élever le niveau d'éducation, voilà le mandat que s'est donné la Fondation Émergence, qui est l'initiatrice de la Journée nationale de lutte contre l'homophobie, qui se tient le premier mercredi du mois de juin avec l'aide du ministère des Relations avec les citoyens.

L'objectif de la comparution. Évidemment, à la lecture du document, quand on parle de l'égalité des rapports entre les femmes et les hommes... on n'a pas parlé beaucoup d'orientation sexuelle. Donc, on a cru, comme organisme, ici, qu'il serait intéressant de sensibiliser les parlementaires aux réalités homosexuelles de façon à ce qu'on prenne en compte ces réalités dans la définition des politiques, ce qui n'est pas encore le cas actuellement ici, au Québec ou au Canada, dans l'ensemble des politiques; et c'est très rare qu'on va parler des réalités homosexuelles. Donc, nous visons comme objectif par notre comparution d'assurer l'égalité entre les femmes et les hommes indépendamment de l'orientation sexuelle; de favoriser les rapports égalitaires entre les gais et les lesbiennes; de favoriser la visibilité des lesbiennes et rappeler qu'elles vivent une double discrimination; sensibiliser les parlementaires et toutes les personnes en situation de pouvoir à la nécessité de prendre en compte les réalités homosexuelles; rappeler que les lesbiennes et les gais sont les seuls groupes de la société qui ne disposent d'aucun ? et j'insiste sur le mot «aucun» ? lien structural: entre l'État et les communautés homosexuelles, il n'y a pas de lien structural comme tel de mis en place encore, ce qui fera l'objet sûrement de nos recommandations; sensibiliser les parlementaires à la nécessité de faire la lutte à l'homophobie.

Je laisse à Mme Deleuze de poursuivre.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Deleuze.

Mme Deleuze (Magali): Oui. Alors donc, l'égalité, un idéal à atteindre. Quelques commentaires sur les leviers d'intervention proposés par le document. Tout comme les femmes, les personnes homosexuelles ont subi, on le sait tous, une discrimination en raison de leur identité. La reconnaissance juridique bien sûr doit s'accompagner de la reconnaissance sociale. Donc, c'est très important et c'est pour ça qu'on essaie de prendre la parole publiquement. Ces personnes homosexuelles nécessitent d'abord la reconnaissance que notre société a été construite sur la règle voulant que toute personne est à sa naissance présumée hétérosexuelle. Ce qui signifie que l'hétérosexisme est la règle qui conditionne les rapports entre les personnes, les rapports entre particulièrement les personnes homosexuelles et les personnes hétérosexuelles. Donc, une femme, on présume, comme moi par exemple, on me demande comment va mon mari, etc., on ne va pas présumer bien sûr que mon mari ne porte pas un nom masculin.

Donc, c'est cet hétérosexisme évidemment qui est important. Et je crois qu'il y a beaucoup d'éducation à faire là-dessus. Alors, pour ça, nous proposons d'ajouter au deuxième levier, c'est-à-dire l'approche transversale qui vise à ce que l'appareil gouvernemental intègre dans ses façons de faire et ses décisions une préoccupation pour l'égalité entre les femmes et les hommes, et on pourrait rajouter «indépendamment de leur orientation sexuelle», ce qui est très important et qui participe à la fois à la sensibilisation et à l'éducation populaire.

Également, concernant le troisième levier, en regard à l'approche sociétale, il s'agirait de prendre, encore ici, l'orientation sexuelle en compte, ce qui aurait évidemment pour effet donc de favoriser une égalité dans les rapports entre les lesbiennes et les gais, parce qu'il peut y avoir aussi des différences entre femmes hétérosexuelles et hommes hétérosexuels, mais il y a aussi des différences dans la communauté gaie. Donc, l'égalité, aussi, des femmes, ça concerne également la communauté gaie et c'est important de le préciser.

L'autre thème et la raison pour laquelle on est ici, je suis ici aujourd'hui, c'est pour parler plus principalement de l'invisibilité des lesbiennes sur la scène publique en général. Je crois que c'est une constatation que tout le monde fait. Au-delà de la double discrimination vécue en tant que femmes et en tant que personnes homosexuelles, les lesbiennes sont confrontées donc à une problématique supplémentaire. Elles sont à toutes fins pratiques invisibles ou en tout cas très rarement visibles. Peu de femmes homosexuelles prennent la parole publiquement ou dévoilent leur orientation sexuelle et s'engagent dans différentes causes ensuite.

Alors, cette invisibilité ne favorise pas une égalité dans les rapports entre les femmes et les hommes homosexuels, par exemple dans la communauté, mais aussi dans la société en général. Pour être reconnu, je crois qu'il faut exister. Alors, est-ce qu'on existe vraiment? Oui, à des petites échelles, mais ce n'est pas évident donc de pouvoir s'identifier avec des modèles politiques de femmes qui sont d'orientation homosexuelle, qui sont heureuses, qui ont réussi dans la vie, etc. Donc ça, c'est très, très important et je crois que c'est un point, en tout cas à mon avis, qui est central.

Alors, les politiques visant l'égalité entre les femmes et les hommes devraient tenir compte de cette réalité et favoriser la visibilité le plus possible des lesbiennes ou de celles en tout cas qui ont envie de l'être. Il ne s'agit pas évidemment de forcer les gens à sortir du placard. À ce titre, nous nous inquiétons... Gai Écoute s'inquiète du peu de données et d'études sur une base générale concernant la communauté lesbienne, qui pourraient être utilisées dans le cadre de campagnes publiques de sensibilisation. Nous avons des études, mais qui sont des microétudes très, très précises, et c'est très difficile évidemment de travailler à partir de ces études-là.

Donc, en 2005, nous sommes encore incapables de connaître en profondeur, par exemple, le portrait socioprofessionnel des lesbiennes, de chiffrer les principales difficultés rencontrées par les lesbiennes pour exercer, par exemple, leur droit à l'égalité dans la société québécoise. Donc, c'est quelque chose bien sûr sur lequel on devrait travailler.

Alors, peu étudiées, peu connues et peu présentes dans les sphères du pouvoir et de décision, on comprend bien que les femmes donc d'orientation homosexuelle vivent chaque jour ? c'est ce qu'on a écrit avec du lyrisme, mais je crois que c'est vrai ? dans l'ombre la difficile marche vers l'égalité. Donc, vous comprendrez bien que c'était important pour nous donc d'être présents ici aujourd'hui. Puis ça fait partie bien sûr des réflexions plus générales et des orientations. Alors, je vais laisser la parole à Laurent pour les commentaires sur les différentes orientations et axes d'intervention, à la page 6 donc de notre mémoire.

n (14 h 10) n

M. McCutcheon (Laurent): Vous allez constater qu'on n'a pas des commentaires sur toutes les orientations. Donc, là où ce n'est pas nommé, ce n'est pas un oubli, c'est qu'on n'avait pas de commentaires à faire. Donc, je vais faire sur la première orientation: Favoriser la transformation des rôles sociaux par la lutte aux stéréotypes féminins et masculins, par la promotion des valeurs et de comportements égalitaires.

Comme il est affirmé, l'État, comme dépositaire de valeurs de la société québécoise, est le principal responsable de la concrétisation et il joue un rôle de premier plan. On est d'accord avec l'orientation qui vise à documenter les manifestations et les effets des stéréotypes sexuels et sexistes. Cette orientation devrait englober la réalité homosexuelle, car on ne peut ignorer que les stéréotypes sexuels sont construits sur l'hétérosexualité. De même, le soutien et l'apprentissage du rôle parental, dans une perspective égalitaire, ne devrait pas ignorer que les parents sont susceptibles d'avoir des enfants homosexuels. Vous savez, aujourd'hui, les parents... à la naissance, tous les enfants sont présumés hétérosexuels. Donc, je pense que les parents doivent comprendre qu'à la naissance d'un enfant cet enfant a des possibilités qu'il soit aussi homosexuel et, dans la façon de l'élever, de l'éduquer, je pense que les parents doivent apprendre à tenir compte de cette réalité. Mme Deleuze va y aller sur les deuxième et troisième orientations.

Mme Deleuze (Magali): La deuxième orientation, qui s'intitulait Promouvoir l'égalité économique entre les femmes et les hommes et corriger les inégalités qui persistent dans le contexte, dans une économie ouverte et mondialisée, de manière générale, le commentaire qu'on peut faire, c'est que tous les efforts qui visent à promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes sur le marché du travail devraient, là encore, considérer que les femmes lesbiennes subiront une double discrimination souvent, pas toujours mais souvent, sur le marché du travail. Et la promotion de l'égalité devrait inclure une préoccupation visant à faire échec à la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle en milieu de travail. Il y a encore beaucoup de problèmes aujourd'hui. On en entend à tous les jours, à Gai Écoute, sur le dévoilement de son homosexualité en milieu de travail, sur l'inconfort des femmes à cause de différentes peurs reliées évidemment à leur carrière, à leur promotion, etc., qui fait qu'il y a donc des situations qui demanderaient donc encore d'être, disons, améliorées et corrigées. L'effort donc est à poursuivre certainement pour l'application de la tolérance zéro en matière de discrimination sur les lieux de travail, parce que souvent les femmes, à cause de cette double discrimination, seront pénalisées.

La troisième orientation qui nous intéresse précisément, c'est celle intitulée Susciter la reconnaissance de la parentalité et du soutien aux personnes dépendantes et mettre en place les conditions pour une meilleure articulation des temps sociaux. Alors, il ne faut pas se le cacher, depuis la nouvelle Loi sur l'union civile et les règles de filiation, la parentalité des couples de même sexe, c'est chose reconnue par le Code civil du Québec. Et, comme l'a dit Laurent en introduction, comme souvent dans ce cas-là, l'égalité juridique n'est pas forcément accompagnée d'une égalité de fait. Il faut qu'on travaille bien sûr pour donc faire de la sensibilisation et pour arriver à cette égalité de fait.

Les politiques familiales devraient donc tenir compte que la famille n'est plus uniquement l'affaire donc de couples composés d'un homme et d'une femme ou de familles monoparentales, mais qu'il y a une nouvelle réalité familiale où deux parents sont du même sexe et en particulier où vous avez deux femmes qui ont des enfants, donc pour x raisons, mais donc il y a bien sûr des besoins particuliers. Alors, l'intégration donc de cette nouvelle réalité doit contribuer à l'égalité bien sûr des rapports entre les personnes et doit aussi principalement assurer la protection et le bien-être des enfants; c'est ça qui doit guider certainement donc un certain nombre de politiques, et il faut donc penser à ces réalités de ces familles qu'on appelle homoparentales, qui existent et qui ont des besoins donc particuliers. Je laisse Laurent sur...

M. McCutcheon (Laurent): Sur la quatrième orientation, d'améliorer la santé et le bien-être en assurant que les services soient adaptés aux réalités de femmes et des hommes, on souhaiterait que les services soient aussi adaptés à la réalité des gais et des lesbiennes. Il y a des besoins particuliers, et je pense qu'un médecin, un homme ou une femme médecin qui reçoit des personnes dans son cabinet, ne peut pas présumer au départ que la personne est hétérosexuelle, ne serait-ce que dans l'approche; si le médecin demande à une femme si elle est mariée avec un homme, etc., tout de suite en présumant que la personne est hétérosexuelle, le médecin vient mettre un frein à la nécessaire franchise et relation qu'il doit y avoir entre un patient et son médecin. Et c'est une question d'attitude, et il faut que les médecins soient sensibilisés à cette réalité.

Je reviens un tout petit peu sur la question du suicide, que j'avais énumérée dans les objectifs au départ. Et on a énormément de difficultés, malgré toutes les études qui ont été faites sur la question, à faire admettre que les personnes homosexuelles puissent être considérées un groupe à risque élevé de suicide. Dans le passé, on a fait des approches à niveau-là et on a toujours eu une fin de non-recevoir. On va déposer un nouveau rapport d'un groupe de réflexion, qui a été déposé d'ailleurs la semaine dernière au ministre Santé et des Services sociaux. Il faut qu'on prenne en considération que les personnes homosexuelles, à un période précise de leur vie... On ne veut pas faire d'association entre le suicide et l'homosexualité. Être homosexuel, ce n'est pas une raison de se suicider, sauf qu'il y a une période dans la vie des personnes homosexuelles, au moment où on découvre son orientation sexuelle, qu'on en prend conscience, à aller jusqu'au où on peut l'assumer, ces personnes-là sont à risque élevé de suicide. Il faut que nos dirigeants acceptent cette réalité-là et qu'on puisse investir à ce niveau et de considérer que les personnes homosexuelles peuvent être à risque de suicide durant cette période.

Mme Deleuze (Magali): Concernant la sixième orientation, qui m'intéresse plus particulièrement, bien sûr, soutenir l'exercice du pouvoir et de la participation sociale en toute égalité pour les femmes et les hommes, sur le plan national.

Alors, Gai Écoute soutient les axes bien sûr d'intervention proposés tant aux plans politique, économique que social et administratif. Et nous recommandons d'inclure l'orientation sexuelle au niveau quatre de l'axe, qui se lirait ainsi, et je cite: «Soutenir les actions en vue de renforcer le potentiel de participation sociale des personnes vulnérables à l'exclusion, plus particulièrement les personnes pauvres, faiblement scolarisées, vivant avec un handicap, issues de l'immigration, des communautés culturelles ou autochtones ou ? et on rajouterait ou à cause de leur orientation sexuelle.» Ici encore, il est donc utile de rappeler que les lesbiennes sont invisibles, comme j'ai dit tout à l'heure, dans la société québécoise à titre public, dans le milieu des affaires ou même dans les milieux artistiques, et il est donc important de faire, donc à l'intérieur de cette sixième orientation, la promotion... d'aider en tout cas la visibilité donc des lesbiennes sur la scène publique.

Gai Écoute a d'ailleurs initié un comité pour promouvoir la visibilité publique des lesbiennes qui s'y sentent prêtes. Et, le 8 mars, pour la première fois, on a réuni autour de nous beaucoup d'associations et de lesbiennes pour faire un colloque, une journée de réflexion sur la visibilité lesbienne, les enjeux, comment donc l'améliorer, comment discuter donc et présenter ce point-là. Et donc, c'est pour nous une action qui rentre évidemment dans le cadre de cette orientation et qui est très importante. Il faut faire quelque chose assez rapidement, parce que sinon il y aura beaucoup de dossiers, là, qui vont rester sur les tablettes. Et c'est difficile donc aujourd'hui de faire avancer un certain nombre de points, avec des gens qui sont complètement invisibles. Alors, bien sûr cette orientation-là, on la reçoit avec beaucoup d'intérêt. Laurent.

M. McCutcheon (Laurent): Septième et dernière orientation, assurer l'ancrage...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. McCutcheon, excusez-moi, il ne vous reste que deux minutes.

M. McCutcheon (Laurent): Oui. Je termine avec celle-ci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci.

M. McCutcheon (Laurent): Donc, assurer l'ancrage de l'égalité entre les femmes et les hommes au sein du gouvernement. Je pense qu'il n'y a pas de politique possible s'il n'y a d'organisation de soutien. Et les communautés gaies et lesbiennes n'ont pas de structure, de lien structural avec l'État. Il n'y a pas d'organisme. C'est que la ministre des Relations avec les citoyens a été désignée comme la ministre pour être notre interlocuteur. Mais il n'y a pas de structure à l'intérieur du gouvernement. La ministre ne peut pas s'appuyer comme sur un Conseil du statut de la femme ou d'une autre organisation, avoir un organisme conseil, de recherche pour monter le dossier sur la question homosexuelle. Il y a les groupes communautaires avec très peu de moyens.

n (14 h 20) n

Donc, pour réussir, je pense qu'il faut que le gouvernement accepte de créer un secrétariat à la condition homosexuelle ou un institut. Peu importe le nom, peu importe la forme, on ne s'attardera pas à ça. Mais je pense qu'il faut arriver à donner des moyens, si on veut que les choses puissent se produire. La réponse qui nous est donnée évidemment depuis quelques années... La tendance des gouvernements étant de diminuer les organismes et de ne pas en créer. Mais je pense qu'au moment où on a créé les organismes, qu'on a fait les structures gouvernementales, nous étions tous dans la garde-robe. Disons qu'on a échappé à ça. Et je pense qu'on ne devrait pas faire les frais, il faut que le gouvernement trouve le moyen, il y a des réaménagements à faire, il y a des révisions de structures à faire, mais je pense que nous ne devons pas, comme communauté qui sommes la dernière communauté peut-être à être au grand jour, à faire les frais du passé. Et on est rendu là, c'est une nouvelle réalité, et je pense qu'elle doit être prise en compte par le gouvernement. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Merci, M. le président. La parole est à la ministre.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Monsieur, madame, merci d'être parmi nous et bienvenue surtout.

Je suis très heureuse que vous ayez pris la peine de faire cette démarche. Je pense que vous touchez à des points qui sont très importants, très sensibles, et je veux réitérer toute mon attention à votre problématique. On a déjà eu l'occasion d'en discuter, puis je vous écoute et je vous dirais spontanément... puis je sais que vous ne lâcherez pas, mais spontanément je vous dis: nous devons continuer. Je ne vous dis pas: vous devez continuer, je vous dis: nous devons continuer à travailler dans le sens que vous l'indiquez.

On a mis, vous le savez, un comité en place pour établir des moyens d'action pour lutter contre l'homophobie. Est-ce que c'est suffisant? Non, ce n'est pas suffisant. Ça a été ma façon à moi de commencer dans ce dossier-là pour, je pense, effectivement arriver à regrouper dans un document qui pourrait être soumis au gouvernement, regrouper des orientations... En fait, commençons par les problématiques des enjeux et des orientations et voir comment on peut, à travers... parce que je crois qu'il faut le faire de façon horizontale, ça interpelle plusieurs ministères, ça n'interpelle pas que le mien, bien au contraire, vos enjeux. Oui la lutte des droits, mais la santé, c'est un des volets qui est important, l'aspect légal et juridique, et tout ça. Donc, je pense que, pour moi, ce travail qu'on a amorcé est capital pour être capable de franchir d'autres ponts. Alors, je répète: je crois que nous ne devons pas laisser tomber, il faut poursuivre avec ténacité, parce que vous regroupez de façon visible, pour reprendre l'expression de madame, et j'y arriverai, de plus en plus d'hommes et de femmes. Et cette sensibilisation que vous nous faites, bien nous la recevons positivement.

Si vous me permettez, j'aimerais quand même parler davantage des lesbiennes, parce que je crois sincèrement, et vous le dites, qu'elles sont doublement discriminées, d'abord comme femmes et ensuite parce qu'elles sont lesbiennes. Et je sais que vous avez raison quand vous parlez de leur invisibilité. J'imagine, vous ne l'avez pas dit, vous dites: on manque d'études et de statistiques, mais possiblement que même à l'intérieur de la communauté gaie... c'est-à-dire les lesbiennes, dans un milieu de travail, par exemple, si elles étaient affichées, seraient probablement même peut-être plus discriminées qu'un homme homosexuel. Je ne sais pas, peut-être que je me trompe, peut-être que les études ne sont pas faites à cet égard-là, mais je pense, pour avoir vécu dans des milieux de travail et côtoyer des collègues de très, très près qui étaient ou gais ou lesbiennes, je crois que d'instinct on pourrait dire que les préjugés sont, dans certains milieux, encore plus forts à l'égard des femmes qu'à l'égard des hommes. Je ne sais pas si vous voulez me contredire là-dessus, et vous dites: Les lesbiennes doivent être visibles et surtout accéder à des postes.

Alors, ce que je crois comprendre, c'est qu'il y a des femmes qui s'empêchent même d'accéder d'elles-mêmes à des postes. Il y en a d'autres, j'en ai connu, moi, dans un de mes derniers postes, j'avais une collègue qui était vice-présidente exécutive d'une très, très grande entreprise, et elle était lesbienne, et elle faisait le choix de le dire très rapidement, et combien de fois j'ai entendu la question qu'on lui posait: Que fait votre mari? Et, elle, elle leur disait, là, mais très crûment, tu sais: Moi, je n'ai pas un mari, j'ai une blonde, puis je suis en amour avec ma blonde. Elle faisait exprès. Elle en rajoutait, tu sais.

Mais c'était effectivement très difficile, et je sais que son cheminement a été extraordinairement difficile pour arriver là. Et comment donc, pour ça, il faut donc qu'il y ait des femmes qui acceptent d'être visibles et qui acceptent de porter la voix, de porter la voix. Alors, comment on fait, vous avez un comité, mais comment on s'y prend pour faire en sorte que ces femmes soient sécurisées, pour être capables de sensibiliser, parce que là vous partez un peu à la case départ par rapport à ça, et donc comment on peut amorcer ces étapes-là?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): La question s'adresse à Mme Deleuze, je pense.

Mme Deleuze (Magali): Oui. Je peux répondre. On y a pensé, bien sûr. Deux choses très simples, je crois: La première chose, pour régler, ou en tout cas commencer, à la base ce problème-là, c'est très certainement de faire des recherches et de comprendre les raisons pour lesquelles les femmes, encore aujourd'hui, qui sont d'orientation homosexuelle ont de la difficulté à dévoiler leur homosexualité sur la scène publique ou en milieu de travail. Moi, je n'ai pas de réponse. Je ne sais si c'est parce qu'elles ont peur et que ce n'est pas justifié et que c'est ce qu'on peut appeler de l'homophobie intériorisée. Peut-être qu'une fois qu'elles l'auront dit ça se passera très bien, mais c'est une peur qui existe. Je ne sais si, au contraire, c'est parce qu'il y a effectivement une discrimination qui est très forte. Rappelons quand même qu'il y a des lois qui indiquent que la discrimination sur l'orientation sexuelle est interdite. Je pense que ces lois normalement doivent être respectées. Il y a les moyens. Donc, on part de zéro, donc on ne sait pas. Donc, la première chose, c'est peut-être de favoriser des études, des sondages, en tout cas il y a toutes sortes effectivement de choses qu'on peut mettre en place et qu'on va mettre en place avec notre comité.

Mais je crois aussi que la deuxième chose, c'est de faire des campagnes de sensibilisation qui valorisent les femmes qui prennent la parole et qui montrent l'homosexualité féminine, à la limite, comme normale ou quelque chose qui existe, peut-être 10 % de la population ? mais je ne sais même pas combien nous sommes, on est incapables de se chiffrer ? et qui valorisent le fait qu'il y a des femmes qui ont des choses intéressantes à dire, qui sont des citoyennes à part entière, qui sont lesbiennes, oui, mais qui peuvent appartenir à d'autres minorités, et ce n'est pas pour ça qu'elles n'ont pas le droit de parole, ce n'est pas pour ça qu'on ne leur donne pas des prix, ce n'est pas pour ça qu'on ne les nomme pas à un poste important, pour leur travail et pour leurs qualités évidemment de travail, mais aussi parce qu'en reconnaissant qu'elles sont lesbiennes.

Alors ça, je crois que c'est quelque chose qui est réalisable et que, j'imagine, on peut faire tous ensemble: valoriser et le souligner quand on le peut. Pour commencer, en tout cas.

M. McCutcheon (Laurent): Si je peux ajouter un petit mot de perception de gai masculin. je pense qu'on a dit que les femmes lesbiennes sont victimes de double discrimination. Donc, par le passé, en tout cas, j'ai vu beaucoup de femmes lesbiennes militer dans les mouvements pour la condition féminine. Donc, au moment où elles travaillaient à défendre leur première discrimination comme femmes, ne s'occupaient pas de la deuxième. Et c'est une partie de mon explication. Et je pense qu'il faut que les lesbiennes maintenant disent: On s'occupe maintenant de notre condition de lesbiennes. Il n'y a pas que notre condition de femmes qui est discriminée, mais s'occuper aussi de la deuxième dimension. Je pense que c'est la problématique principale que je vois de l'extérieur.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Je suis très d'accord avec ça. Vous savez, ma deuxième question, c'est toujours: Comment? Tu sais, c'est ce qui m'intéresse tout le temps. Et je crois que vous avez raison de dire qu'on peut commencer à cet égard-là. Moi, je vous fais l'ouverture très sincèrement. Je vous le dis aujourd'hui, je vous fais cette ouverture, que rapidement on puisse peut-être s'asseoir et regarder ce qu'on pourrait faire au cours de la prochaine année à cet égard-là.

Mme Deleuze (Magali): ...reçoit avec un grand intérêt, et la dizaine de lesbiennes qui sont avec moi sur le comité l'apprendra aussi avec beaucoup d'intérêt, je crois.

Mme Courchesne: Oui, on pourrait initier une rencontre certainement à cet égard-là, et j'ai demandé au secrétariat... vous avez le colloque le 8 mars, je souhaiterais qu'il y ait une représentante du secrétariat qui puisse y assister et écouter ce qui s'y déroulera, avec intérêt.

n (14 h 30) n

Maintenant, si on revient un peu au dossier qui est devant nous, je crois comprendre que vous voulez aussi, puis à juste titre, là, je ne tire pas de conclusion, mais vous inscrire à l'intérieur de cette démarche de l'égalité. Et là vous l'abordez, par exemple, sous l'angle de l'opposition entre homosexualité et hétérosexualité. Au fond, ce que vous nous dites, c'est que, s'il y avait une telle politique de l'égalité, est-ce que c'est dans le cadre de cette politique-là que vous souhaiteriez qu'on puisse renforcer le fait qu'il ne devrait pas y avoir de discrimination entre les deux? C'est-à-dire qu'il faut parfois qu'on dise les mots, qu'on établisse véritablement... il faut nommer les situations.

Alors, c'est un peu ça que je comprends à la lecture de votre mémoire, c'est que vous souhaiteriez que les choses soient nommées pour justement éviter qu'on puisse faire ce type de discrimination et qu'à cet égard-là, bien, les femmes homosexuelles ont là aussi leur place pleine et entière. Et vous le dites, qu'il y a effectivement des femmes lesbiennes qui ont milité, qui militent encore, qui militent encore, donc que nous puissions faire cette jonction. Ce que vous nous dites, c'est qu'il manque la jonction entre les deux, donc vous souhaiteriez que ça fasse partie d'une éventuelle politique. Est-ce que c'est ça que je comprends ou...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. McCutcheon.

M. McCutcheon (Laurent): Oui. Il y a l'égalité des rapports entre les gais et les lesbiennes et il y a aussi, je pense, de façon générale, l'égalité sur la base de l'orientation sexuelle. Je pense que, chaque fois que l'on parle de politique gouvernementale, on devrait toujours prendre en compte que dans la société il y a 10 % de la population qui est gaie ou qui est lesbienne. Qu'on soit dans ce dossier-ci, qu'on soit dans le dossier de l'éducation, de la famille, de la santé, dans tous les secteurs de la sphère gouvernementale et des politiques, on devrait toujours prendre en compte...

Et aujourd'hui nous faisons des représentations à cette commission. On va en faire... il y en a une, une commission, qui s'en vient pour les aînés. Bon. Il n'y a personne qui a pensé, des aînés, des femmes âgées ou des hommes âgés, qu'ils pouvaient avoir une problématique, une dimension particulière sur la base de l'orientation sexuelle. Bon. Donc, je pense qu'il faut inclure cette réalité-là et, dans les travaux qui nous concernent aujourd'hui, je pense que l'égalité entre les hommes et les femmes, dans les rapports entre nous, c'est que nous souhaitons, nous, nous souscrivons à cet objectif-là.

Mme Courchesne: La seule chose, M. McCutcheon... vous comprenez qu'on essaie de parler d'une réalité qui est le sexisme. Alors, évidemment, on n'essaie pas d'introduire à la fois une lutte contre le racisme, une lutte contre l'homophobie ou une lutte contre l'âgisme. Ça, je pense qu'il faut... C'est pour ça que j'échange avec vous, là. Je ne tire pas de conclusion, je ne suis pas en train de vous dire qu'est-ce qu'on fera ou qu'est-ce qu'on ne fera pas. Je vous dis juste que je suis très sensible à cette réalité-là. Mais la difficulté que nous pourrions avoir, c'est ça, c'est qu'on ne veut pas sectoriser par rapport à ça. Par contre, quand on parle des stéréotypes sexuels, bien je crois que là vous marquez un bon point. Je crois que les lesbiennes font partie aussi d'un stéréotype et qu'il faut faire attention pour bien départager les choses, et j'insiste sur la double discrimination des lesbiennes à cet égard.

Quand on parle de l'égalité entre les hommes et les femmes, bien, comme hommes, vous avez aussi votre lot, en tant qu'homosexuels, par rapport à ça, mais je ne suis pas sûre qu'il faut mélanger une politique de l'égalité avec une politique contre l'homophobie ou contre une reconnaissance. Mais je ne veux pas rentrer là-dedans. Je vous dis juste que je ne suis pas fermée à ce que vous dites, mais il va falloir départager qu'est-ce qui appartient à quoi. M. le Président, ça va.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, merci, Mme la ministre. Je cède la parole à M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Deleuze et M. McCutcheon. Je suis content de votre présence ici aujourd'hui. Moi, je demeure à Rouyn, ça fait maintenant 19 ans, et j'ai le plaisir d'avoir dans mon entourage beaucoup de gais et de lesbiennes, des amis dans plusieurs volets d'activité, soit économiques ou artistiques. Une chose que j'ai pu voir, l'évolution que... Rouyn-Noranda, vous savez, c'est quand même éloigné, et j'ai vu la différence au travers des années que je suis là-bas. Quand je suis arrivé là-bas, beaucoup des gens partaient de l'Abitibi parce que la perception était très négative, s'en allaient plus vers Montréal et Québec pour pouvoir assumer leur sexualité et leur orientation sexuelle.

Maintenant, depuis, je dirais, une période des cinq dernières années, la communauté gaie a commencé à se manifester et être présente. Et on les voit, ils sont présents dans le milieu artistique, ils ont leurs restaurants, leurs cafés, ils sont là, et c'est côtoyé par l'ensemble de la population. Il y a une avancée qui est faite. Et malheureusement je trouve... puis ce que je déplore encore, puis je pense que vous soulignez très bien le point, ceux qui ont tendance le plus à s'afficher sont quand même les gais, et non les lesbiennes, et c'est perceptible. Puis, à cet égard-là, vous avez entièrement raison, on le voit même, ils sont plus présents et ils s'assument plus.

Un des volets qu'encore... puis je pense que ça fait partie des stéréotypes, malheureusement une grande majorité de ceux qui encore s'affichent de manière ouverte sont quand même du milieu culturel. Où on a de la difficulté, encore une fois, c'est au niveau professionnel. Au niveau professionnel, au niveau travail, les stéréotypes semblent être très, très forts à cet égard-là, puis on les voit très, très peu.

Puis ce que j'ai trouvé intéressant, ce qui me ramène... juste avant les Fêtes, je suis allé voir les films publicitaires qui sont annuellement présentés, et il y a eu plusieurs publicités qui ont gagné et qui ont été primées, c'était sur l'homosexualité en milieu de travail. Je ne m'en rappelle plus si c'étaient des publicités américaines ou anglaises, mais j'ai trouvé ça très intéressant. C'est la première fois qu'on en voyait et c'était vraiment pris dans le contexte du travail, entre autres dans le contexte de partys de Noël et ces choses-là, et les gens... Et j'ai trouvé ça très intéressant, puis je me suis dit: C'est quelque chose qui nous manque, ici, dans le volet, de dire... commencer vraiment, surtout en milieu de travail, de sensibiliser les gens, que les gens s'intéressent aux gens qui sont autour d'eux dans le milieu du travail.

Un des points, à partir de ça, puis j'aimerais avoir... vous l'abordez, puis, moi, je crois qu'un gros travail doit être fait au niveau scolaire. À partir de très jeune, les sensibiliser, les jeunes, dès surtout le secondaire, à la présence de l'homosexualité. Et, à cet égard-là, croyez-vous qu'il y a du travail, vous-mêmes, si vous mentionnez qu'il se fait de manière satisfaisante, ou il y aurait une emphase à mettre, plus importante, au niveau scolaire pour informer et éduquer les jeunes?

Mme Deleuze (Magali): Je vais commencer, Laurent pourra compléter. Oui...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Deleuze.

Mme Deleuze (Magali): Oui, absolument, au niveau scolaire, c'est très important. Juste un commentaire: Vous avez mis le doigt sur le bobo, là, c'est exactement ça. Donc, plusieurs gais sortent de la garde-robe, mais les femmes, c'est encore effectivement difficile. Et vous avez effectivement peut-être vous-même, je ne sais pas, une part de la solution: c'est le milieu du travail. Dans les milieux de travail qui sont considérés comme plus ouverts, moins risqués, on sort peut-être plus facilement. Dans les milieux de travail où c'est plus conservateur, et l'éducation en est un, bien c'est très difficile. On a décidé de faire des sondages Léger & Léger, je pense, l'année dernière, et il y avait encore plusieurs Québécois qui étaient très réticents au fait que la maîtresse d'école ou la professeure soit lesbienne ouvertement. Et ils avaient beaucoup de mal... je ne me rappelle plus, mais il y avait un pourcentage significatif de gens qui avaient du mal...

Alors, oui, au niveau des écoles, c'est très important. Il y a cependant beaucoup de travail qui est fait aujourd'hui, mais la masse des écoles est tellement grande que le travail est évidemment encore à faire. Et ça ne doit pas, je crois, être simplement un travail dans les écoles, enfin, précis, ce doit être aussi un travail, comme vous dites, de publicité et de sensibilisation générale à travers effectivement des affiches, des publicités, parce que, les mentalités, on ne les change pas du jour au lendemain, ça prend beaucoup de temps effectivement. Si, Laurent, tu veux...

M. McCutcheon (Laurent): Bien, j'ajouterais peut-être que, chez les jeunes, là, vous savez, souvent, malheureusement, on va valoriser le côté masculin. Les petits garçons vont se faire malmener s'ils sont plutôt efféminés. La petite fille qui est plutôt masculine souvent va être valorisée dans le milieu, parce que c'est les parents qui ont enseigné ça. Et je pense que c'est ça. Quand on parle des stéréotypes, des stéréotypes féminins ou masculins, ça commence même à ce moment-là, à l'école, et c'est le rôle de l'école que d'être capable de faire de l'éducation. À ce niveau-là, je vous rejoins tout à fait.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, très brièvement, si vous avez un commentaire supplémentaire.

M. Bernard: Oui. Bien, en dernier point...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mais très brièvement.

M. Bernard: Oui, très brièvement. Au niveau des communautés culturelles, O.K., puis des perceptions religieuses, quel travail y aurait-il à faire à cet égard-là plus particulier?

n (14 h 40) n

M. McCutheon (Laurent): Moi, je vais vous dire que je suis personnellement très inquiet. Je vais vous dire la vérité, je suis personnellement très inquiet, parce qu'il y a beaucoup de communautés culturelles qui arrivent ici avec leurs valeurs. Et évidemment on doit respecter les valeurs des immigrants qui arrivent, on doit leur faire de la place. Mais beaucoup de ces immigrants-là arrivent avec des valeurs où l'homosexualité est réprimée. Et évidemment quelle place ils vont faire aux homosexuels, à leurs enfants, dans notre société québécoise? Et je pense qu'à ce niveau-là évidemment, dans la politique, là, qu'on va aborder, je pense qu'il devrait y avoir une large part qui devra être faite pour l'accueil des immigrants.

J'ai participé déjà, antérieurement... on avait fait faire des groupes de discussion, d'évaluation chez Léger Marketing, et, pour beaucoup de communautés culturelles, l'homosexualité, c'est inadmissible, c'est condamné, c'est réprouvé. Donc, ces gens-là arrivent dans notre société, ils doivent épouser les valeurs de notre société, mais il va falloir les aider à le faire, parce que, quand ils arrivent ici, ces personnes-là, ce sont des adultes qui ont un système de valeurs qui est construit sur le fait que l'homosexualité doit être réprimée, condamnée, interdite, et toute la gamme possible, dépendant d'où ils viennent. Donc, je pense que, comme société québécoise, dans l'accueil des communautés culturelles qui arrivent ici, il va falloir s'occuper de la dimension de l'éducation sur la base de l'orientation sexuelle, parce que, moi, ça m'inquiète beaucoup.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Nous passons du côté des membres de l'opposition. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, madame, monsieur, de nous présenter cet aspect qui effectivement est peu traité dans l'avis du Conseil du statut de la femme. Et j'étais très heureuse de voir votre mémoire arriver. J'espérais aussi avoir le mémoire d'un organisme que j'avais rencontré, là, à la fin de mon mandat de secrétaire d'État à la Condition féminine, spécifiquement, exclusivement réservé aux lesbiennes, et malheureusement on n'a pas eu de mémoire de leur part. Et ce que vous soulevez est particulièrement vrai et réel, et vous touchez en même temps toute la question des doubles discriminations et même, vous l'avez ajouté, les multiples discriminations, parce que c'est souvent non seulement une double discrimination, mais ça peut être aussi une multiple discrimination.

Vos propositions concrètes de changement dans le texte, je pense que c'est des éléments importants qui viennent ajouter une autre discrimination, puis il faut effectivement en tenir compte. Je pense qu'il faut aussi, au niveau des actions, des moyens d'action à se donner, pouvoir aller en chercher. Je me rappelle que cet organisme des lesbiennes avait un bagage documentaire extraordinaire sur l'histoire des lesbiennes. Elles avaient les films, les vidéos, tous les documents, mais ce n'était pas répertorié ailleurs. C'est elles qui les avaient, mais ça n'avait pas été accepté par aucune autre structure.

Puis l'invisibilité, c'est réel, mais même... L'invisibilité des femmes est déjà là en partant. Souvent, dans mon discours, je vais dire ça: Tu sais, il y a une invisibilité des femmes sur la sphère publique, donc ça devient une double invisibilité. Et effectivement, dans vos mouvements aussi, c'est ce qu'elles m'avaient dit, c'est pour ça qu'elles avaient un mouvement indépendant, c'est qu'elles ne se sentaient pas non plus dans un rapport d'égalité. Alors, je suis contente aujourd'hui de vous voir tous les deux, parce qu'elles dénonçaient que, même dans le mouvement des homosexuels, lorsqu'elles participaient à des groupes mixtes ou des rencontres mixtes, elles ne se sentaient pas dans un état d'égalité de fait.

Je voulais vous demander quelques petites... Puis, ah oui! Quand vous parlez qu'il n'y a pas de recherche, on ne connaît pas le nombre, les professions, et tout ça, je pense que ça pourrait ? je dis bien «ça pourrait» ? être une... parce que je n'ai pas de décision à prendre à ce niveau-là, mais je pense que ça pourrait être un avis du Conseil du statut de la femme, qui pourrait faire une recherche plus poussée. Et je pense qu'on a souvent, à chaque année, des recherches, là, qui sont retenues, puis ça pourrait être concrètement une façon de commencer à travailler.

Et, au niveau... deux petites questions. Quand vous dites que Gai Écoute est le seul organisme à ne pas avoir les ressources suffisantes pour offrir un service continu de 24 heures par jour, sept jours par semaine, j'aimerais que vous me disiez quels autres organismes, là... Vous vous comparez à quels autres organismes qui ont des écoutes 24 heures sur 24?

M. McCutcheon (Laurent): Je vais vous donner quelques exemples. Il y a un organisme qui est venu au monde il y a à peine quelques années, pour les gens qui ont des problèmes de jeu, donc qui est venu au monde 24 heures par jour. Nous, on a 25 ans, on n'y est pas encore. Il y a un organisme qui est venu au monde il y a à peu près quatre ans ou cinq ans, pour les gens qui ont des problèmes avec la drogue. Bien, je veux dire, tout de suite l'organisme est venu au monde subventionné, 24 heures par jour. Nous, on commence à avoir un peu de financement, mais ça prend 25 ans, puis c'est morceau par morceau, puis c'est très, très difficile, là, tu sais. Et la plupart des lignes téléphoniques spécialisées ? je vous en nomme deux, mais il y en a plein d'autres, là, SOS Violence conjugale ou d'autres ? sont tous des services 24 heures par jour.

Mme Caron: Au niveau de ces lignes-là, effectivement, est-ce que les lesbiennes communiquent autant que les homosexuels, ou dans les activités qui sont organisées au niveau de la fondation, la participation?

Mme Deleuze (Magali): Alors, la participation des lesbiennes... Par exemple, à Gai Écoute, il y a à peu près 30 % de lesbiennes, donc, à Gai Écoute, parmi les bénévoles, les gens qui travaillent, il y a de 30 % à 40 % ? ça varie beaucoup ? sur la ligne d'écoute, d'appels de femmes. Par contre, on a un pourcentage beaucoup plus fort avec les courriels. Les femmes utilisent beaucoup les courriels. Les femmes trouvent peut-être que c'est moins impressionnant que téléphoner.

Mais, là encore, dû à l'invisibilité, on a beaucoup de difficultés à recruter des lesbiennes dans la communauté gaie, dans les organismes. Nous, à Gai Écoute, on a de la chance. Bon, on est quand même très connus puis on essaie de travailler très fort, mais c'est effectivement une réalité. Mais il y a un besoin, et je dirais qu'il y a un besoin qui augmente de plus en plus. Du moins, je suis à Gai Écoute depuis sept ou huit ans maintenant, et le nombre a vraiment augmenté, peut-être à travers nos campagnes. Donc, c'est évidemment très important. Et ce sont des appels qui ne sont peut-être pas... les femmes ont encore beaucoup de difficultés avec l'acceptation de leur orientation sexuelle. Il y a des problèmes effectivement de solitude, mais on en est encore là: acceptation, dévoilement. Et donc, oui, il y a des besoins effectivement.

Et juste, si je peux revenir à votre préambule de départ, le regroupement, c'est le Réseau des lesbiennes du Québec, et la personne certainement que vous avez rencontrée, c'est Diane Heffernan, et elle fait partie bien sûr, comme plusieurs autres, de notre comité sur la visibilité. Et, oui, ils ont des ressources documentaires merveilleuses, mais encore faut-il pouvoir les publiciser. Donc, c'est le travail qu'il reste à faire.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Terrebonne, oui.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Probablement que le colloque devrait effectivement apporter une visibilité. Vous avez fait référence aussi tantôt que les femmes lesbiennes ont travaillé pour lutter contre les discriminations faites aux femmes, et peut-être que cette discrimination-là a fait en sorte qu'elles n'ont pas pu travailler sur la double discrimination. Et effectivement ceux, aussi, qui s'opposaient au mouvement féministe associaient toutes les féministes aux lesbiennes automatiquement, et elles se sentaient donc encore plus doublement et triplement discriminées, je pense, à ce moment-là.

J'aimerais vous entendre sur des moyens pratiques, au niveau, parce que vous l'avez bien souligné... toute la question de l'apprentissage du rôle parental dans une perspective égalitaire. Et, oui, effectivement il y a des parents qui ont des enfants, et ces parents-là sont ou des homosexuels ou des lesbiennes. Et, dans les suggestions qui ont été apportées, quels éléments vous croyez qu'il faudrait viser le plus? Je pensais, c'est plus au niveau de l'égalité de fait ou de l'égalité de... Parce qu'au niveau de l'égalité de droits, elle est là. Je pensais aux différents éléments des politiques familiales. Quels sont les éléments qu'il faudrait le plus travailler?

n (14 h 50) n

Mme Deleuze (Magali): Pour commencer à répondre, je crois que l'éducation populaire, c'est certainement... et notamment dans les écoles, travailler à la lutte évidemment des stéréotypes. Quand on a des enfants, tout ce qu'on nous montre comme modèles au niveau d'éducation sexuelle ou des petits livres à l'école, c'est deux enfants, un papa, une maman. Ça, évidemment, un couple de femmes qui a des enfants, bien le petit enfant, à un moment donné: Moi, je n'ai pas de papa, comment ça se fait? Bien, non, tu n'as pas de papa. Donc, la documentation, hein, les livres scolaires également, la façon dont on présente la famille, qui a quand même évolué bien sûr, parce que maintenant on a des familles, bon, éclatées. Mais les réalités de l'homoparentalité évidemment sont très importantes. Il y a un organisme qui travaille bien sûr là-dessus, c'est l'Association des mères lesbiennes, qui fait aussi partie de notre comité, et donc je crois que c'est très important.

Toute la sensibilisation du réseau, également, des garderies, du réseau des enfants donc en bas âge. Là, on ne parle pas du secondaire. Garderies, primaire, secondaire, comment deux mamans sont reçues dans une commission de parents à l'école? Est-ce que leur enfant ne va pas... Est-ce que l'instituteur ou la personne qui est en charge de l'éducation de l'enfant à l'école va appliquer la tolérance zéro et sera sensible à ce que cet enfant-là ne pâtisse pas d'une différence qui est au-dessus des autres différences? Hein, il y a plusieurs différences: vous pouvez être de couleur, vous pouvez être physiquement différent, mais il ne faudrait pas que l'homosexualité soit une différence en plus des autres. Donc, c'est ça qui est une sensibilisation, là, qui, je crois, est très importante et qui commence peut-être au début, et au soutien aussi, tout simplement, peut-être, à ces familles-là qui sont encadrées par la loi, mais, dans les faits, c'est toujours les mentalités.

Et puis faire connaître, aussi. On a peur de ce qu'on ne connaît pas, hein? Donc, on a peur peut-être d'envoyer ses enfants jouer avec un petit enfant qui a deux mamans ou qui a deux papas, on ne sait pas ce qui va se passer. Bon, alors, peut-être, en favorisant cette connaissance et en expliquant que ce sont des gens enfin qui sont normaux, là, de toute façon, dans la vie quotidienne, ça peut évidemment démystifier, certainement.

M. McCutcheon (Laurent): J'aimerais ajouter juste un petit commentaire sur la question, parce que je m'intéresse beaucoup, moi, à la protection des enfants. J'estime avoir été privilégié dans la vie, sauf que je n'ai pas eu d'enfant, ce qui me manque beaucoup. À ma génération, on ne pouvait pas penser que deux hommes pouvaient élever des enfants, donc je n'ai pas eu ce plaisir d'avoir des enfants.

Mais je m'intéresse beaucoup au sort des jeunes enfants actuellement qui entrent à la garderie, à l'école, qui ont deux parents du même sexe. Il ne faut pas que ces enfants-là subissent de discrimination. Ce n'est pas eux qui ont choisi des parents de même sexe, et il n'y a pas de raison qu'on les discrimine, il n'y a pas de raison qu'on discrimine leurs parents. Mais ils n'ont pas de raison, ces enfants-là, de subir de discrimination, et c'est malheureusement le cas, ça existe. Il y a des enfants, même à la garderie... parce qu'ils savent, les autres petits enfants: Ah! Tu as deux papas, tu as deux mamans. Et les enfants épousent évidemment les valeurs qu'ils ont reçues de leurs parents, à la maison, et on exerce déjà de la discrimination sur des enfants parce qu'ils ont des parents de même sexe. Donc, je pense qu'il faut s'intéresser, et je dirais même de façon prioritaire et urgente, au sort de ces enfants-là. Pour moi, c'est essentiel.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Terrebonne, peut-être?

Mme Caron: Merci, M. le Président. Puis, tout de suite après, ça va être ma collègue. Je me pose la question: Est-ce qu'il y a eu des liens de faits entre votre organisme avec le Syndicat des enseignants et des enseignantes ou avec notre organisation des CPE pour essayer de parler de cette problématique-là?

M. McCutcheon (Laurent): Il y a, dans les grandes centrales syndicales, des comités de gais et lesbiennes qui travaillent sur ces questions-là. Il se fait certaines choses, il y a des initiatives. Vous savez, les groupes gais et lesbiens ont très, très peu de moyens, il y a très peu d'organismes. Nous sommes le plus gros... le plus gros organisme subventionné au Québec, et on est très, très limités, or donc on a peu de moyens. Mais, par le biais des comités de gais et de lesbiennes, il y a certaines initiatives qui se font à ce niveau-là. Je sais qu'il y a eu, à un moment donné, la production d'un vidéo, etc., mais il y a du travail à faire là, là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci. Merci à vous pour cet exposé, c'est très instructif et enrichissant. La ministre a ouvert la porte tout à l'heure, quand elle parlait des meilleurs moyens pour faire avancer ce dossier, cette problématique, puis, dans votre mémoire, vous parlez... bien suggérez que soit mis en place un organisme, ou un institut, ou un secrétariat dédié à travailler sur cette problématique. Puis, en même temps, il y a le Secrétariat à la condition féminine et puis le Conseil du statut de la femme ? je pense que je me trompe de terminologie...

Des voix: Non, non, ça va.

Mme Lefebvre: Non? Ça va? O.K.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ça va très bien.

Mme Lefebvre: Donc, O.K., je me demandais quelle est votre position sur ça. Est-ce que vous pensez que le Conseil du statut de la femme et le secrétariat devraient avoir un pan spécifique qui devrait traiter de cette question-là plus en profondeur, ou la question devrait être transférée à un autre organisme qui traiterait spécifiquement de ça? Je voudrais avoir une précision.

M. McCutcheon (Laurent): Moi, je pense que le Secrétariat à la condition féminine et le Conseil du statut de la femme doivent s'intéresser évidemment aux rapports égalitaires entre les hommes et les femmes, c'est leur mission, et, dans ces rapports égalitaires entre les hommes et les femmes, ils doivent prendre en compte la question de l'orientation sexuelle. Mais, au-delà de ça, je pense qu'il y a une nécessité d'avoir une structure. Je pense que des politiques, il n'y a aucune politique qui va aboutir, obtenir des résultats si on n'y met pas des moyens. Il s'agit de moyens, à ce moment-là, et l'idée d'un secrétariat à la condition homosexuelle, c'est une façon de mettre des ressources, d'affecter des ressources à une problématique et à une question.

Donc, c'est autour de ça qu'on pense qu'il y a nécessité que le gouvernement affecte des ressources, mais ça ne voudra pas dire pour autant que le Conseil du statut de la femme ou le secrétariat doit se désintéresser des rapports entre les hommes et les femmes sur la base de l'orientation sexuelle. Je pense qu'il faut considérer que les deux sont nécessaires.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Il reste du temps pour une très courte question.

Mme Caron: Une très courte question. Au niveau du colloque, pour essayer de rejoindre le plus de personnes possible ? donc, c'est le 8 mars, votre colloque ? comment vous allez procéder pour effectivement essayer de rejoindre... Est-ce que c'est réservé à partir des membres de votre organisme ou si vous l'ouvrez d'une manière plus générale?

Mme Deleuze (Magali): Non, c'est un colloque que l'on veut public, qui aura lieu de 5 heures à 8 heures, à Montréal, au Centre Saint-Pierre. Bien sûr, on aimerait avoir le plus de monde possible. Nous allons d'ailleurs, Gai Écoute, sortir à cette occasion une affiche pour faire la promotion de la visibilité des lesbiennes, donc c'est très important pour nous. Le colloque est un premier essai de réunir une quinzaine de lesbiennes ensemble, ce qui est déjà merveilleux comme réussite, pour travailler ensemble et de voir déjà les axes principaux: qu'est-ce qu'il nous manque, quelles sont les choses qui sont les plus importantes. On a réuni des lesbiennes qui ont une expertise sur le terrain, parce qu'on n'a pas de données prioritaires.

Mais c'est un colloque que nous allons publiciser, bien sûr, nous allons envoyer des invitations, vous êtes d'ailleurs tous invités. Si vous êtes là, nous avons invité Mme Michèle Asselin, de la FFQ, qui normalement, si elle a du temps, va être là peut-être, on l'espère beaucoup, pour le mot d'ouverture. Et donc, oui, c'est un colloque important, une première. On appelle ça Les lesbiennes sortent, et c'est une première. Alors, on espère bien sûr qu'il va y avoir beaucoup de monde et que... Il va y avoir donc des grands invités, et j'invite bien sûr Mme la ministre à se joindre à nous dans cette journée fort occupée, si elle est libre, donc. Mais, en tout cas, l'invitation est lancée.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, voilà. Ce sera votre invitation qui met fin à nos échanges. Alors, je remercie Mme Deleuze et M. McCutcheon qui ont représenté Gai Écoute et Fondation Émergence. Et je demande aux représentants de la Table des groupes de femmes de Montréal de prendre place à la table, s'il vous plaît. Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, si vous voulez, on reprend les travaux le plus rapidement possible.

Une voix: M. le Président, vous tenez ça d'une main de fer.

n (15 heures) n

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Bien, là, une demi-heure de retard ce matin, je ne referai pas ça cet après-midi, là.

Alors, nous poursuivons nos travaux et nous accueillons Mme Anne Pasquier ? oui, bonjour, madame ? et Mme Francesca Dalio ? bonjour, madame ? qui sont les porte-parole de la Table des groupes de femmes de Montréal. Vous savez que vous avez 20 minutes pour nous présenter l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi nous aurons deux blocs d'échange de 20 minutes chacun. La parole est à vous. Bienvenue à la commission.

Table des groupes de femmes
de Montréal (TGFM)

Mme Dalio (Francesca): Bonjour. La Table des groupes de femmes de Montréal est une table de concertation régionale qui réunit une soixantaine de groupes de femmes impliqués dans plusieurs secteurs d'activité, comme par exemple les dossiers en santé des femmes, la place des femmes dans la politique municipale ou dans les instances décisionnelles, les femmes en développement régional. Nous avons des dossiers aussi pour travailler sur la réalité des femmes immigrantes et des femmes handicapées.

Notre travail, notre mission, nos activités s'inscrivent dans cette réflexion de l'égalité des femmes et des hommes. Nous faisons la promotion du droit des femmes à une réelle égalité sociale. Nous travaillons à ce que les femmes se réalisent complètement en tant qu'êtres humains sexués, sans discrimination basée sur leur sexe et tant dans leur vie de travailleuses que dans leur vie intime, familiale, sociale, culturelle et politique. Cependant, tous les jours nous sommes à même de voir que les inégalités persistent pour les femmes, dans tous ces domaines, et souvent de manière encore plus grave pour les femmes immigrantes, les femmes handicapées et, comme on vient juste de le voir, pour les femmes lesbiennes.

Depuis deux ans, de nombreux groupes de femmes, dont la Table des groupes de femmes, réclament un bilan de la politique en condition féminine, Un avenir à partager, et des actions gouvernementales qui ont été prises suite à la mise en place de cette politique-là. Nous pensions être consultées sur ce bilan et aussi sur la portée sociale de cette politique pour éliminer la discrimination basée sur le sexe, cependant nous avons été un peu surprises de plutôt être consultées sur les jalons d'une éventuelle politique de l'égalité qui va dans le sens de s'assurer que les femmes ne sont plus les seules à porter le projet d'une société plus égalitaire.

L'opinion publique qui est fortement répandue ? et ça, c'est une citation que j'ai prise de l'avis ? l'«opinion publique fortement répandue considère que l'égalité pour les femmes au Québec est atteinte, grâce en grande partie à leur réussite scolaire». Malheureusement, on peut voir que c'est un constat auquel se heurtent de plus en plus les groupes de femmes, c'est-à-dire qu'on nous dit que l'égalité est faite, l'égalité est atteinte, et, quand on tente de démontrer une augmentation de la pauvreté chez les femmes, de la violence, de la publicité sexiste, de l'esclavagisme sexuel et par conséquent de la dégradation des conditions de vie et de travail des femmes, on est heurtées constamment à ce constat que l'égalité est atteinte.

Nous sommes d'accord que les femmes ne peuvent pas faire seules tout le travail vers l'égalité, que les hommes et les femmes doivent travailler et joindre leurs efforts pour éviter, entre autres, un ressac des conditions de vie des femmes. Toutefois, nous ressentons une inquiétude à l'idée que la discrimination ne devienne qu'un enjeu social sans appui réel de l'État, et ce, malgré ce souhait d'une politique de l'égalité engageant l'ensemble des acteurs et actrices de la société. Pour nous, il est parfaitement clair qu'il ne faut pas confondre politique et volonté politique de l'atteinte de l'égalité. Il a été démontré l'importance de la volonté politique et du rôle de l'État pour vraiment favoriser au sein de la société de réelles transformations. On l'a vu en matière d'équité salariale, de lutte à la pauvreté, de violence conjugale, au niveau de la fiscalité, qui est socialement progressive, d'éducation non sexiste. C'est quand l'État est derrière et appuie les groupes qui réclament ces transformations sociales... on voit que ça a plus de chances, à ce moment-là, d'être mis en place.

On trouve un peu surprenant d'entendre parler d'un nouveau contrat social, parce qu'on a plus l'impression, chez les groupes de femmes, à la Table des groupes de femmes, mais aussi partagé par quand même une grande majorité du mouvement des femmes, on a plutôt l'impression d'assister, ces dernières années, à un recul social de la condition de vie des femmes. Dans des contextes de rationalisation des finances publiques, dans des contextes de retrait de l'État, il nous semble que les femmes voient une perte de leurs acquis et une perte des demandes qu'elles ont faites depuis de nombreuses années.

Ici, au Québec, on l'a vécu plus particulièrement, par exemple, avec la loi n° 34, la mise en place de la loi n° 34, qui a été mise en place sans aucune analyse différenciée des impacts qu'elle pouvait avoir sur la représentation des femmes dans les instances décisionnelles et le développement régional. Nous pensons aussi à l'abolition du poste de ministre déléguée à la Condition féminine. Nous pensons à la perte des postes de répondante en condition féminine au ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous pensons aussi à un chef d'État, du gouvernement qui, en 2004-2005, s'adresse aux Québécois sans s'adresser aux Québécoises. Nous pensons aussi à l'abolition de l'obligation de formation de la main-d'oeuvre dans les petites et moyennes entreprises; ce sont des entreprises dont la main-d'oeuvre est majoritairement féminine, et les femmes sont maintenant privées d'une obligation de l'entreprise de voir à des formations de qualité et transférables.

C'est pourquoi, dans ce contexte, nous croyons qu'il est prématuré de parler d'une politique de l'égalité à laquelle pourraient souscrire les acteurs sociaux, hommes et femmes, car il nous semble que les conditions sociales ne sont pas encore complètement en place pour vraiment appuyer cette démarche des femmes vers l'égalité. C'est pourquoi nous recommandons d'abord la reconduction et le renforcement d'une politique nationale spécifique en conditions de vie des femmes.

Cette politique-là doit s'accompagner d'un plan d'action, d'un budget significatif, de répondantes en condition féminine dans tous les ministères et aussi d'une méthode de reddition de comptes annuelle sur la portée de la politique. Nous recommandons aussi la nomination d'une ministre déléguée à la Condition féminine, supportée dans son mandat par le Conseil du statut de la femme, et par le Secrétariat à la condition féminine, et par les groupes de femmes.

La politique en condition féminine doit mettre en évidence l'interdépendance des rôles et des rapports sociaux comme source de division et de discrimination. Elle doit aussi mettre en évidence la transversalité de la condition féminine dans tous les échelons de la société et bien confirmer le rôle central de l'État dans l'atteinte de l'égalité entre les femmes et les hommes.

La politique en condition féminine doit répondre aux enjeux suivants: l'autonomie et la sécurité économique des femmes, le respect de leur intégrité physique et psychologique, l'abolition de toutes les violences faites aux femmes, l'élimination de toutes les formes de discrimination et la place et la représentation paritaire des femmes dans des instances décisionnelles et politiques à tous les niveaux de la société.

Mme Pasquier (Anne): C'est pourquoi nous désirons le maintien des deux instances en condition féminine. En effet, il est essentiel de maintenir ces deux instances actuelles dont nous reconnaissons la qualité incontestable du travail. L'exécution de leurs mandats a contribué, depuis plus de trois décennies, à réaffirmer la vision de l'égalité des femmes et à combattre la discrimination systémique basée sur les rapports sociaux inégalitaires entre les femmes et les hommes.

C'est pourquoi la Table des groupes de femmes recommande que le Conseil du statut de la femme soit maintenu dans son intégrité, c'est-à-dire autonome du gouvernement, et dans son intégralité, c'est-à-dire avec ses antennes régionales. Son nom peut être changé pour le moderniser, mais il doit toujours refléter la poursuite de l'égalité des femmes.

Nous recommandons aussi que des postes de répondante en condition féminine soient instaurés ou réinstaurés dans chacun des ministères et des instances régionales.

Enfin, nous recommandons aussi que le Secrétariat à la condition féminine soit maintenu comme structure administrative inhérente au gouvernement et avec des ressources financières adéquates à son fonctionnement, une bonification du programme À égalité pour décider et la prise en compte des disparités régionales des groupes de femmes.

Au sujet du secrétariat d'État et aussi surtout du programme À égalité pour décider, je voudrais reprendre une expression qui a été donnée hier par la coordonnatrice de la Table de concertation de Gaspésie?Les Îles: il faut donner la chance aux coureuses, et nous aurons des résultats. Et je vais vous donner un exemple de ce qu'il s'est passé à la Table des groupes de femmes de Montréal dans le cadre d'un projet À égalité pour décider.

n (15 h 10) n

Nous avons ce type de projet depuis trois ans. La Table des groupes de femmes s'est donné comme objectif d'inciter les femmes à aller en politique à tous les niveaux et aussi de créer des liens entre les femmes qui sont déjà élues et les citoyennes. Pour cette raison, on a toujours combiné des formations et des rencontres entre élues et Montréalaises.

Il y a trois ans, nous avions eu beaucoup de mal juste à recruter des femmes intéressées par les formations qui portaient sur ce sujet-là, mais une journée sur la parité avait quand même attiré 70 personnes. L'année dernière, les ateliers étaient pleins, et les deux soupers que nous avions organisés avec des femmes élues ont regroupé chacun plus de 100 personnes, et on avait une liste d'attente. Je dis 100 personnes, mais c'est 100 femmes, évidemment. Aujourd'hui, on organise des rencontres avec des conseillères municipales et des mairesses en vue des élections municipales de l'automne 2005. Toutes les... disons, les rencontres avec les conseillères affichent complet, on est obligées aussi de refuser du monde, et, dans les formations, il y a des femmes qui se disent intéressées à se présenter.

Donc, la démarche: Même pas intéressées à la formation jusqu'à aujourd'hui, prêtes à se présenter aux élections ou à participer à des équipes de soutien pour les femmes qui aimeraient se présenter. Alors, comme on disait, le temps est essentiel, et le travail, aussi, des groupes de femmes.

Mais, à côté des groupes de femmes, qui ont un travail essentiel à jouer, il reste aussi que le gouvernement a toujours un rôle important à jouer pour nous soutenir, mais aussi prêcher par l'exemple. Et on vient justement de vous faire passer un exemple assez triste d'un exemple justement donné par la publicité qui a été envoyée, je pense, hier ou avant-hier, dans tous les journaux, de la Direction générale des élections, et on lit: «Vous désirez vous porter candidat?» Alors, il y a une petite mention ? quand même, il ne faut pas oublier ? que... les femmes apparaissent en petits caractères, au milieu des autres minorités, alors qu'on représente 52 % de la population. Alors, au fond, tout le travail qu'on peut faire sur le terrain, en une seule petite affiche... peut être assez déstabilisant pour les femmes qui voulaient se présenter.

Mme Dalio (Francesca): On voudrait aussi rappeler que le Directeur général des élections fait partie d'une table des partenaires Québec-régions sur la politique municipale, à laquelle les tables des groupes de femmes sont invitées à participer. Alors, lors de ces rencontres-là, on met de l'avant comment on va favoriser la présence des femmes aux prochaines élections municipales. On discute de ça lors de ces rencontres-là, le Directeur général des élections est là, et voilà qu'on nous sort cette affiche qui est partie partout, dans plusieurs journaux. On trouve ça impardonnable, on ne peut plus accepter des choses comme ça. Et on a encore beaucoup, beaucoup de travail, et on va vous expliquer aussi pourquoi il faut travailler peut-être différemment, là, sur les politiques d'égalité.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Pasquier.

Mme Pasquier (Anne): Oui. Le travail, aussi, consiste à lutter contre les inégalités qui persistent à Montréal. Je sais que vous avez déjà eu des chiffres, les derniers jours, mais je vais quand même en rappeler quelques-uns, parce que, malgré le fait qu'on constate une présence accrue des femmes sur le marché du travail, les Montréalaises constituent encore le groupe social défavorisé et affecté par la division sexuelle du travail, rémunéré ou non rémunéré. Alors, je vais vous citer quelques lieux où il y a encore cette discrimination.

Évidemment, la sous-représentation des femmes dans les instances décisionnelles. Nous avons, à Montréal, 33 % de mairesses, on est donc loin de la parité. Le revenu ? je ne vous rappellerai donc pas les chiffres, parce qu'il semble qu'on soit un peu en retard ? à 70 % de celui des hommes, et on peut dire aussi que le revenu annuel des femmes handicapées est, là aussi, 70 % du revenu des femmes, donc c'est encore plus bas.

La pauvreté au féminin bien sûr implique... Pardon. Vivre sous le seuil de faibles revenus et travailler à temps partiel vont souvent de pair. La population féminine montréalaise vit sous le seuil de faibles revenus dans une proportion de 36 %, et la situation est alarmante face aux femmes aînées, et 50 % des femmes handicapées vivent sous ce seuil. Il y a évidemment les femmes monoparentales aussi et le fait aussi que le travail non rémunéré, tel que les soins aux enfants, les soins aux personnes âgées et le travail ménager, reste très majoritairement assumé par les femmes.

Je vais passer quelques... Il ne faut pas non plus oublier la violence, et on voudrait vous donner comme exemple la recrudescence de la violence conjugale et dans les rapports amoureux chez les jeunes du Québec; il y a plusieurs études qui le font.

En ce qui concerne plus particulièrement les femmes immigrantes, les femmes handicapées et les femmes autochtones, nous trouvons que l'avis les laisse pratiquement invisibles, occulte leur réalité. Et l'apport de ces femmes à la vie sociale, économique, politique et culturelle de Montréal vaut plus qu'une simple mention. Les discriminations, la violence qu'elles vivent, tant dans la communauté d'accueil mais aussi dans leur propre communauté, comme on disait tout à l'heure, ne permettent pas cet oubli. Si on veut vraiment un nouveau contrat social, il est impératif d'inclure toutes les Québécoises dans une approche qui insiste sur la façon dont la société les traite, plus que sur leurs caractéristiques individuelles.

Mme Dalio (Francesca): Quelques mots sur les trois approches. Disons d'abord que nous croyons que le mouvement des femmes et les groupes de femmes se servent déjà des trois approches à différents niveaux et dans différentes grandeurs d'action. La Table des groupes de femmes continue de privilégier l'approche spécifique parce que selon nous c'est vraiment l'approche qui met en place des mesures pour corriger et redresser les écarts vécus par les femmes dus, entre autres, à la division sexuelle des rôles sociaux et du travail. Et on a pu voir, au fil des années, que des mesures de rattrapage au niveau de l'équité salariale, de l'accès aux métiers non traditionnels, des plans d'accès à l'égalité sont des mesures qui ont vraiment bénéficié et servi les femmes pour les amener où elles sont aujourd'hui. On vient de le voir, il y a encore beaucoup d'inégalités persistantes.

Pour ce qui est de l'approche transversale, nous la trouvons aussi très intéressante parce qu'elle permet l'implication de multiples acteurs tant au niveau des instances politiques, gouvernementales et sociales. Toutefois, nous croyons qu'il faut quand même faire attention, parce que ça peut laisser supposer que les deux genres, c'est-à-dire hommes et femmes, vivent une discrimination systémique basée sur le sexe. On associe l'égalité à une symétrie des besoins et des problématiques, sans reconnaissance des écarts persistants, ce qui peut amener à un traitement symétrique des inégalités.

Pour ce qui est de l'approche sociétale telle qu'elle est véhiculée au sein du mouvement des femmes, nous préconisons depuis longtemps, et nous travaillons depuis longtemps en collaboration avec des hommes et des leaders sociaux tant dans les milieux institutionnels que syndicaux et communautaires, et nous sommes d'accord que nos collègues prennent enfin la parole pour dénoncer la discrimination. Toutefois, nous avons quand même une inquiétude par rapport à cette approche, car nous croyons qu'elle peut amener des glissements dans les priorités, c'est-à-dire qu'on peut parler des inégalités des femmes, des collaborations des hommes, pour ensuite se retrouver avec des balises qui n'encadrent que les besoins des hommes et... de travailler sur les stéréotypes masculins.

En conclusion, et face à ces questionnements, et à cause des enjeux que l'approche sociétale suscite pour les femmes dans leurs rapports avec les hommes et dans un contexte où l'État peut se désengager de l'arbitrage des valeurs sociales, nous croyons qu'il est trop tôt pour s'engager dans une approche sociétale, ou uniquement dans une approche sociétale, qui n'a pas fait l'objet d'une plus vaste consultation sociale. Faut-il rappeler que les délais pour présenter nos mémoires ont été assez brefs? Nous croyons qu'une politique de l'égalité, pour vraiment qu'elle induise une transformation sociale, doit d'abord être précédée d'une vaste campagne de sensibilisation auprès des hommes afin qu'eux-mêmes se questionnent sur les discriminations. Nous croyons que l'approche sociétale est une bonne approche mais qu'elle est prématurée à cette étape-ci du développement et de l'atteinte de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci beaucoup. Je cède la parole à Mme la ministre pour une première période d'échange de 20 minutes.

n (15 h 20) n

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mesdames, merci. Bienvenue à cette commission. C'est intéressant de voir certains angles par lesquels vous abordez la question. Si vous me permettez, j'irai peut-être sur certains aspects qu'on a moins touchés jusqu'à maintenant, parce qu'aussi, comme vous êtes de la région de Montréal, quand vous abordez certaines réalités, je voudrais qu'on en parle peut-être un peu plus spécifiquement.

Mais avant je veux revenir sur l'affiche que vous nous avez transmise. Effectivement, le titre porte non seulement à confusion, mais n'est pas juste, même par rapport à ce qui est écrit. Parce que, quand on lit, on s'aperçoit que quand même il y a un paragraphe qui nous dit que «la démocratie, c'est l'affaire de tous» et qui dit: «Afin d'assurer une représentation plus équitable et un débat démocratique enrichi, le Directeur général des élections invite particulièrement les femmes, les jeunes et les minorités ethnoculturelles à prendre une place plus importante sur la scène politique municipale.» Évidemment, vous allez me dire que le titre, c'est plus important que le texte, parce que, pour lire le texte, il faut qu'on soit intéressé par le titre, et, si le titre ne parle pas des femmes, bien évidemment les femmes ne sauront pas qu'on invite particulièrement les femmes à occuper une place plus importante sur la scène politique municipale.

Alors, je tenais à le mentionner parce que c'est... en fait, c'est effectivement une difficulté qu'on retrouve combien de fois dans des textes qui sont soumis ou dans des... où finalement les titres... Et, croyez-moi, nous, les politiciens, en sommes victimes quotidiennement, victimes des titres, comparativement à ce qui est écrit dans les textes...

Une voix: ...

Mme Courchesne: Et politiciennes, oui. Je suis fatiguée, Jocelyne. Quatrième journée, on est jeudi. Oui, mais, nous, les politiciens et politiciennes... M. le Président. Donc, je comprends que vous faites bien de le souligner, cela dit, et qu'il faut continuer à travailler davantage avec les répondants. Je disais à la sous-ministre: Voici un exemple où la répondante du ministère de la Justice devrait se rendre auprès du DGE et dire: Bien... Et, évidemment, ça aurait été préférable qu'on voie avant l'impression qu'après l'impression, mais qu'au moins, après l'impression, on puisse trouver le moyen de dire: Bien, faites attention, pour la prochaine fois à tout le moins.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): J'ai comme l'impression que ça va se rendre. Alors...

Mme Courchesne: Deuxième aspect que je voudrais aborder avec vous plus précisément, c'est lorsque vous parlez ? et vous le dites avec assez de force ? que nous devrions adopter «un plan d'action, un budget significatif [...] et une méthode de reddition de comptes annuelle à et par une instance désignée». Quelques groupes ont parlé de reddition de comptes, depuis quelques jours, et on n'est pas revenus beaucoup sur cette question-là, nous, dans les périodes d'échanges. J'aimerais ça que vous nous disiez davantage pourquoi cette reddition de comptes pourrait aider la cause des femmes et nous amener davantage vers des actions qui vont diminuer les inégalités ou les... pas les diminuer, les enrayer. Et, quand vous dites «à et par une instance désignée», est-ce que vous aviez une idée de qui était cette instance? Et comment vous... Quand vous avez fait cette recommandation-là, là, qu'est-ce que vous aviez vraiment comme objectif?

Mme Dalio (Francesca): Tout d'abord, juste quelques mots, je vais revenir sur l'affiche, et puis après ça on l'oublie. Ça nous a frappées d'autant plus que le Directeur général des élections, depuis quelques années, a porté beaucoup d'attention à la féminisation des textes, qu'on sait aussi que les mots témoignent d'une certaine mentalité, et, pour nous, c'est un exemple, lorsqu'on parle de recul de la condition féminine ou d'un ressac, pour nous, ce sont des exemples comme ça, parce que c'est médiatisé et que l'opinion publique se fait aussi à partir des médias. On l'a vu dans la présentation précédente, où on a parlé de l'éducation et du rôle des parents, il ne faut pas négliger le rôle des médias sur la transformation des mentalités.

Pour ce qui est de la reddition de comptes, pour nous, ça nous semble important, dans le sens où on le voyait plus comme régulièrement lorsqu'on met une politique en place ou lorsqu'on met une structure qui est désignée pour transformer, réduire des écarts, réduire la discrimination, qu'elle soit pour les femmes ou qu'elle soit pour d'autres groupes discriminés. Il nous semble important d'être capables de faire régulièrement des bilans sur: Est-ce que les mesures en place donnent vraiment des résultats? On n'est pas nécessairement toujours obligé d'attendre cinq ans ou huit ans pour examiner si ce qu'on met en place va donner vraiment des résultats, mais régulièrement on peut voir où est-ce qu'on en est et comment corriger, à ce moment-là, ce qu'on a adopté. Parce qu'on peut adopter certains principes et certaines actions, mais c'est uniquement sur le terrain qu'on peut voir l'application.

Peut-être qu'une reddition annuelle, c'est trop, parce que souvent, comme on le voit avec le programme À égalité pour décider... On est à cinq ans d'existence et on commence à peine à voir des résultats positifs. Et, si on avait dû regarder ça après un an, on se serait peut-être dit: Bon, ce programme-là ne donne pas des effets. Mais, maintenant, on peut le voir, et on vous l'a expliqué tantôt, le nombre de femmes va en augmentant, sur toute la question de la politique municipale.

Mais, pour nous, c'est très important qu'il y ait régulièrement des bilans qui soient faits puis qu'on réajuste le tir par rapport aux mesures qu'on a prises.

Mme Courchesne: Je profiterai de l'occasion pour vous dire qu'il y aura un bilan qui sera rendu public à la fin mars, qui est en cours actuellement. Je partage un peu l'avis de la députée de Terrebonne qu'il aurait été préférable de l'avoir maintenant. Par contre, vous comprendrez, je le répète, que nous ne sommes pas une commission parlementaire qui se prononce sur une politique gouvernementale. Ce qui est important pour moi, c'est d'avoir le bilan avant d'écrire la politique gouvernementale; et donc, dans un processus continu de consultation, on aura l'occasion d'échanger davantage à cet égard-là.

Mais j'aime bien que vous parliez d'À égalité pour décider, parce que, vous le savez, c'est un programme que je reconduis et que j'apprécie énormément, que je juge très important. Par contre, comme nous sommes dans une année à la veille d'élections municipales à la grandeur du Québec, il me semble aussi qu'une année d'élections... peut-être qu'on devrait faire une espèce de surenchère non seulement de sensibilisation, mais d'actions, parce que, veux veux pas, c'est très difficile pour quiconque de penser que dans quatre ans nous serons candidates. Habituellement, on décide d'être candidate un an ? ou à peu près un an, c'est une bonne période, un an ? avant une élection. Je ne pense pas qu'on décide très, très, très longtemps d'avance, de surcroît quand on est une femme. Je ne pense pas que les femmes songent à ça encore, ou en tout cas ce sont les exceptions. Donc, il y a peut-être quelque chose à repenser à cet égard-là.

Bien sûr, vous dites: On ne parle pas suffisamment des femmes handicapées, des femmes aînées et des femmes de communautés culturelles. Je n'aurai pas le temps de vous parler des trois, mais il y a un groupe dont je voudrais vous parler parce que c'est une caractéristique de Montréal, mais ça deviendra aussi une caractéristique de Québec, de certaines régions, l'Estrie, par exemple, où il y a beaucoup de femmes des communautés culturelles. Il y a un chapitre, encore trop timide, dans le plan d'action sur l'intégration de l'immigration, sur les femmes immigrantes. Je suis très préoccupée par ces femmes, particulièrement dans certains arrondissements de Montréal. Vous travaillez avec des groupes de femmes et, même quand je parle avec des groupes de femmes qui sont très, très impliquées ? puis je pense à la députée de Laurier-Dorion, qui est sûrement aussi préoccupée que moi parce qu'elle est au coeur de ce quartier où il y a tellement de femmes isolées ? et, quand je parle à ces groupes de femmes, je leur pose la question: Comment? Et, tu sais, la réponse, elle est unanime: C'est tellement difficile de rejoindre ces femmes. Comment voyez-vous cette possibilité pour vraiment les réunir, les sensibiliser à leurs droits, les sensibiliser à tout le potentiel qu'elles ont, à toutes... et briser surtout leur isolement?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Pasquier.

Mme Pasquier (Anne): Oui. Je vais essayer de répondre un petit peu. Par rapport à À égalité pour décider, c'est aussi un moyen pour nous de les intégrer, c'est-à-dire qu'elles participent en tant que membres... En tant que participantes des groupes membres qui sont à la table, on essaie d'avoir toujours une présence autant des femmes handicapées que des femmes immigrantes et issues de l'immigration, parce que...

n (15 h 30) n

Il y a deux sortes de problématiques. C'est le financement, aussi, des groupes de femmes immigrantes qui est extrêmement difficile. Il y a des groupes à Montréal, comme Afrique au féminin, qui ne sont, par exemple... je pense que ça ne fait que deux ou trois ans qu'elles ont vraiment pu rentrer dans le système du financement des centres de femmes. Donc, c'est une lutte qu'il y a à faire et qui... Elles sont discriminées même dans les centres de femmes, par rapport à l'administration. Donc, c'est vraiment difficile. Il y a vraiment un problème de sous-financement de ces groupes-là. Mais il y a aussi un souci de les insérer systématiquement dans toutes les activités qui sont faites. En fait, quand, nous, on fait le bilan de nos activités, un des critères de réussite ou de non-réussite, c'est justement la présence de ces femmes, comme les femmes immigrantes ou les femmes handicapées, qui sont aussi un groupe membre à la Table des groupes de femmes.

Donc, ça part vraiment d'une préoccupation permanente, en fin de compte, mais pas pour se dire: Ah! bien, tiens, il y avait une représentante des minorités, on a gagné quelque chose. Ça, c'est l'alibi. Ce que, nous, on veut vraiment, c'est que ce soit progressivement, d'abord qu'il y en ait de plus en plus, mais qu'elles se sentent concernées par les débats qui se passent là. Comme, par exemple, on parle des difficultés pour une femme, en général, de se présenter comme conseillère municipale. Il faut que ce soit toujours pour nous une préoccupation de ne pas voir juste les difficultés pour une femme blanche francophone qui a un doctorat en quelque chose, mais pour toutes les femmes, et aussi, par exemple, pour elles, la difficulté qu'elles ont à rencontrer dans leurs communautés... De se présenter, pour des femmes de certaines communautés, c'est très difficile, elles vont avoir des difficultés à le faire accepter même par leurs proches, par leur mari, etc. Donc, il faut tenir compte de tout ça quand on propose des solutions.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Madame.

Mme Dalio (Francesca): J'ajouterais aussi qu'au niveau de la Table des groupes de femmes on a fait une recherche sur la participation des femmes immigrantes dans les activités des groupes de femmes. On a aussi organisé un forum sur l'emploi et les femmes immigrantes. C'était un forum où on avait pour objectif de rencontrer des travailleuses qui vivent dans des milieux et qui vivent de la discrimination. Et je dirais qu'on a eu un bon succès pour réussir à rejoindre ces femmes-là, parce que généralement on rejoint des intervenantes qui travaillent auprès des femmes, alors qu'au niveau du forum on a vraiment fait un effort pour envoyer... pour faire des recherches au niveau des femmes qui travaillaient dans des entreprises, des manufactures de textile, qui sont venues nous démontrer, là, vraiment les discriminations qu'elles vivent en tant que femmes immigrantes nouvellement arrivées dans une société d'accueil.

Cependant, presque toutes les activités que l'on mène avec les femmes immigrantes, on doit quand même faire le constat que la discrimination qu'elles vivent en arrivant dans une société d'accueil est aussi doublée d'une discrimination qu'elles vivent au sein même de leurs communautés respectives. Les rapports sociaux que vivent, par exemple, les femmes haïtiennes ou les femmes asiatiques, par rapport au rôle de la femme, c'est différent de ce qu'elles rencontrent quand elles arrivent ici. Et il y a parfois des chocs culturels importants; elles arrivent dans une société où ça fait déjà 20 ans, 30 ans que les femmes ont décidé de quitter la maison, d'être sur le marché du travail, de partager le travail auprès des enfants, les soins, et tout ça, et elles ne viennent pas nécessairement de communautés culturelles qui ont fait cette approche-là. Alors, je crois que l'idée de travailler en concertation, de s'écouter mutuellement, de comprendre où ces femmes-là se trouvent et comment elles vivent le contact, c'est le travail qu'on fait quotidiennement dans toutes nos activités.

Cependant, il ne faut pas oublier que beaucoup de ces femmes-là sont très éduquées et qu'elles ont aussi des façons de faire de la politique. Ce sont des femmes entrepreneures, assez souvent. Et on doit dire qu'au niveau municipal il y a plus de femmes immigrantes qui se retrouvent dans des positions d'instances décisionnelles et politiques, mais on en entend moins parler qu'à des paliers régional ou national. Mais, au niveau municipal, parce que c'est local, et ce sont des femmes qui travaillent beaucoup dans leurs communautés, alors, localement, elles sont plus connues, mais on en entend moins parler.

Je reviendrais un petit peu sur le programme À égalité pour décider, pour dire qu'une des choses qu'on fait à la Table des groupes de femmes, ce n'est pas seulement de former des femmes et de sensibiliser des femmes à la vie politique, c'est d'amener aussi des conseillères municipales, des députées à venir nous parler de leur expérience et de créer comme un réseau de... je ne dirais pas un réseau de support, mais un réseau d'échange pour que les femmes, une fois qu'elles sont élues, qu'elles n'oublient pas les demandes des groupes de femmes et aussi pour que les femmes comprennent que, lorsqu'on est en politique, on a aussi des règles à comprendre et à jouer. Alors, il y a cette notion-là.

Je dirais aussi qu'il y a beaucoup de conseillères, par exemple, au niveau de la loi n° 34, qui siègent maintenant à des CRE et qui n'ont pas même été encore avisées de l'amendement qu'on a fait aux articles 98 et 99, et qu'elles n'ont pas encore vu les documents que Mme la ministre Normandeau a déposés auprès des présidents des CRE. Alors, il y a beaucoup de travail à faire de ce côté-là. Et ça, ce n'est pas nécessairement les groupes de femmes qui doivent faire ce travail-là, le gouvernement doit aussi s'assurer que les informations se rendent partout.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Nous avons le temps pour une dernière question du côté du groupe gouvernemental. Alors, la députée de Nelligan.

Mme James: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Deux petites minutes.

Mme James: Deux petites minutes. Je serai très brève.

Premièrement, merci, mesdames, pour votre présentation, pour votre mémoire et surtout pour le bon travail que vous faites.

J'ai pu comprendre, après votre présentation et après avoir pris le temps de regarder votre mémoire, que vous privilégiez l'approche spécifique. Mais plus particulièrement vous demandez, puis j'aurais une question un peu à deux volets qui va revenir à ce qu'on parlait tantôt, là, vous demandez au gouvernement d'adopter une politique nationale spécifique touchant la condition de vie des femmes et non... plutôt qu'une politique de l'égalité. Mais pourquoi que vous privilégiez cette politique-là?

Et juste pour revenir un peu sur la discussion ou l'échange que vous avez fait par rapport à... des communautés culturelles, des femmes handicapées. Tantôt, on écoutait le groupe Gai Écoute. C'est sûr qu'en principe tous ces groupes-là... on a en commun cette double discrimination, mais les réalités sont très différentes. Alors, ma question est: Comment, dans la politique d'égalité ou de condition de vie des femmes, comment allons-nous inclure, ou s'assurer, ou promouvoir cette égalité tout en tenant compte des différences, des expériences selon les groupes?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme Pasquier ou...

Mme Pasquier (Anne): Oui, je vais commencer parce que tout de suite me vient...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous allez commencer et terminer, j'ai l'impression.

Mme Pasquier (Anne): Ah! O.K. Parce qu'une idée m'a tout de suite... juste en vous écoutant, madame. C'est de dire qu'on a en commun la discrimination qui est basée sur notre sexe. Au-delà des différences qui sont à l'intérieur de la communauté des femmes, je dirais, il y a une discrimination que toutes ont subie, ou on a subi, ou on subit encore toutes, c'est la discrimination selon notre sexe. Après, il y a des particularités qui correspondent à notre place dans la société. Mais, une place qu'on a en commun, c'est celle d'être discriminées selon notre sexe.

n (15 h 40) n

Mme Dalio (Francesca): Je dirais aussi qu'un travail qu'on a à faire, c'est de poursuivre tout le travail de sensibilisation, de contact, d'échange pour voir comment une politique en condition féminine peut et à la fois traiter de la discrimination vécue par l'ensemble des femmes et les particularités de certains types de discrimination.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Nous passons du côté des membres de l'opposition. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je vous en prie.

Mme Caron: Alors, Mme Pasquier, Mme Dalio, merci beaucoup de votre présentation, de votre travail, de votre mémoire. Et vous nous permettez d'aborder un peu plus les doubles discriminations, et je dis aussi les multiples discriminations, parce qu'on les aborde peu dans l'avis du Conseil du statut de la femme, mais aussi parce qu'au niveau des multiples discriminations, je me souviens très bien, et elles avaient participé au colloque organisé par le Secrétariat à la condition féminine, il y a aussi un organisme de femmes immigrantes handicapées et qui vivent des problématiques multiples. Il faut qu'on arrive ? on n'est pas arrivé encore, je le dis, là ? il faut qu'on arrive à pouvoir assurer une espèce de cohérence, là, là-dedans, au niveau des moyens d'action pour atteindre l'égalité de fait entre les femmes et les hommes, donc il faut que les femmes aient une égalité de fait, mais aussi il faut que les femmes entre elles arrivent à une égalité de fait aussi.

Votre exemple, je tiens à le dire, parce que... la publicité, là, vous aviez pris la peine, mesdames, de spécifier qu'il y avait une petite phrase qui faisait une référence. Vous l'aviez dit en présentant votre... la publicité. Mais, même... c'était en tout petit, hein. Puis, au-dessus de ça, c'est écrit: La démocratie, c'est l'affaire de tous, hein? Bon. Mais il y a d'autres exemples. Effectivement, le discours n'est plus féminisé. Exemple bien simple, le Forum des générations, quand ils ont fait une tournée dans les différentes régions du Québec, ça s'appelait Place aux citoyens. J'inverse, disons qu'on l'aurait appelé Place aux citoyennes. Est-ce que les citoyens se seraient sentis concernés? Non. Ils auraient dit: C'est une rencontre pour les femmes. Donc, je pense qu'il faut revenir à nouveau sur cette féminisation du discours, des textes, des publicités. Puis ce n'est pas facile, puis c'est vrai qu'on échappe facilement, et même parfois dans des bonnes volontés... Je me souviens très bien, et la présidente du Conseil du statut de la femme s'en souvient, nous avions dû arrêter une publicité pour contrer la violence faite aux femmes, qui était tout à fait discriminatoire et que le ministère de la Santé aurait laissé passer, et il a fallu faire intervenir le premier ministre pour arrêter la publicité. Donc, il faut une vigilance de tous les instants. Donc, il faut le rappeler, c'est important de le dire.

Je comprends aussi que vous preniez la peine, dans le mémoire. en page 3, de dire: «Il est un peu surprenant qu'on nous parle d'un nouveau contrat social alors que les groupes de femmes ont plutôt l'impression d'assister à un recul social de la condition de vie des femmes, surtout dans un contexte de rationalisation des finances publiques et du rôle de l'État prôné par le gouvernement actuel.» Il y a ça aussi qui est là. On ne le dit pas tout le temps, mais on le sent, qu'il y a cette inquiétude-là qui est là, et c'est compréhensible aussi.

Je voulais également ramener un élément que je trouve intéressant dans votre mémoire. Je sais que, pour les groupes de femmes, pour tous ceux et celles qui ont travaillé à l'avancement de la cause des femmes, c'est très clair que... c'est ce qu'on pense, mais ce n'est pas souvent dit, et vous l'avez mis avec des mots, en page 9: «Beaucoup de travail a été réalisé et ce document en témoigne. Mais il reste beaucoup à faire car toutes les luttes n'ont pas été encore gagnées. Si ? puis là, c'est la nuance entre l'individuel puis le collectif ? plusieurs hommes vivent un malaise dans leur identité masculine et des problèmes plus sérieux, on peut dire que la majorité d'entre eux se portent relativement bien. [La majorité d'entre eux] ne se suicident pas, réussissent à l'école, travaillent [dans] différentes échelles salariales, sont célibataires ou conjoints, pères ou époux et tentent, tout comme les femmes, de réfléchir et de trouver un équilibre et une part de bonheur relativement stables. Ils ne véhiculent pas de comportements violents ou misogynes, sans toutefois questionner ou voir la discrimination vécue par les femmes de leur entourage, car le fonctionnement de notre société leur permet encore de bénéficier de privilèges associés à leur sexe.»

Et je trouve ça important qu'on le dise, parce que souvent, quand on lutte contre les discriminations, on se fait dire qu'on accuse tous les hommes d'être violents, tous les hommes d'être misogynes, et ce n'est pas ça. Je pense qu'au contraire, et on le dit régulièrement, ce n'est pas une majorité. La discrimination systémique, elle est bel et bien là. Et le danger de symétrie est toujours là.

Mme Dalio (Francesca): Bien, juste en reprenant ce que vous venez de dire, on croit que les... On ne s'est pas prononcé sur les orientations du document; on les a lues, mais on trouvait que ces orientations-là nous amenaient vers les jalons d'une politique d'égalité, alors qu'on trouve qu'elle est prématurée. Alors, on ne s'est pas prononcé dans notre document. Toutefois, ces orientations-là, dont, entre autres, toute la question du travail sur les stéréotypes masculins, pour nous, sont tout à fait nécessaires et louables. Là où on ne voudrait pas confondre les choses, c'est que les problématiques actuelles masculines autour du suicide, de l'échec scolaire des garçons, de la santé au masculin et des problèmes vécus par les pères après rupture soient vues comme une discrimination basée sur le sexe. Nous ne croyons pas que c'est le cas, nous croyons plutôt qu'il s'agit de problèmes sociaux. Et la société a actuellement en place des mécanismes qui permettent de prendre soin de ces problématiques-là, mais nécessairement aussi avec des modifications peut-être dans les façons d'intervenir. Alors, on ne voudrait pas que les problématiques deviennent le centre de cette politique de l'égalité, dans un premier temps.

Nous croyons aussi que le ressac que vivent les femmes ? nous l'avons abordé au niveau de ce qui se passe au Québec, et plus... plus proche de nous dans les dernières années ? mais ce ressac-là ne se vit pas uniquement au Québec. C'est un ressac qui se vit à une échelle mondiale, qui se vit dans un contexte de valeurs néolibérales et aussi d'oppression. Il y a pour nous un système qui est en place, un système patriarcal qui refuse d'être délogé, qui s'accompagne bien de mesures néolibérales et qui font en sorte que le ressac se vit partout au monde. L'augmentation de la pauvreté à travers le monde, c'est aussi la dégradation des conditions de vie des femmes à travers le monde. Alors, on ne voulait pas en faire uniquement quelque chose, ici, mais on le voit dans notre réalité québécoise aussi.

Vous avez parlé aussi, je pense, de l'Association multiethnique. Nous sommes en contact avec les femmes de l'Association multiethnique, et plusieurs groupes de femmes immigrantes sont membres de la Table des groupes de femmes, siègent au conseil d'administration. La même chose pour les femmes handicapées. Il y a trop peu de groupes féministes pour les femmes handicapées, et on souhaite qu'il y en ait plus. Mais on fait un travail de sensibilisation en rencontrant les regroupements de personnes handicapées, en leur demandant: Est-ce que vous avez une approche différente par rapport aux femmes? Ce qui est intéressant, c'est que la plupart n'en ont pas. Parfois, les femmes handicapées ne veulent pas nécessairement être associées à une démarche féministe, mais, par contre, de plus en plus, en parlant de ces choses-là, on se rend compte qu'il y a un intérêt à discuter de ça avec différents regroupements de personnes handicapées, et pas seulement avec les associations de femmes handicapées. Voilà.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Terrebonne.

n(15 h 50)n

Mme Caron: Merci, M. le Président. Oui, souvent... c'est que souvent ? on l'a dit au tout début, les premières commissions ? c'est que souvent le mot «féministe» est mal connu. Donc, elles ne s'associent pas au mot. Mais, dans les faits, ce qu'elles souhaitent, ce qu'elles veulent, c'est exactement ce que défend le mouvement féministe. Et je me souviens très bien ? mais elles vont revenir nous en parler ? au niveau des femmes handicapées qui sont mères et qui, au niveau du transport adapté, ne peuvent pas amener plus qu'un enfant avec elles; et donc, si elles ont plus qu'un enfant, il y a un sérieux problème au niveau des déplacements qu'elles ont à faire.

Vous proposez probablement... parce que, dans vos recommandations, on retrouve à peu près ce qu'on retrouve, je dirais, dans la très grande majorité des mémoires. Donc, vous voulez une politique nationale spécifique en condition de vie des femmes; un plan d'action, les budgets, les ressources qui vont avec; la nomination d'une ministre en titre, vous dites «déléguée», donc une ministre en titre à la Condition féminine; le maintien du Conseil du statut de la femme et du Secrétariat à la condition féminine; les répondantes dans tous les ministères et dans les régions; l'analyse différenciée selon les sexes; les données statistiques sexuées ? c'est la base pour pouvoir faire l'analyse après, mais il faut faire l'analyse; si on ne la fait pas, c'est dangereux ? les sept orientations... Mais vous ajoutez une proposition qu'on n'a pas nécessairement dans les autres mémoires: une campagne de sensibilisation auprès de la population, en faveur de l'élimination de la discrimination sur la base du sexe. Alors, vous nous offrez donc un outil précis, ce n'est pas le seul, mais un outil précis qui pourrait venir compléter, là, les différents éléments que l'État et les groupes de femmes possèdent.

Mme Dalio (Francesca): En fait, c'est ce qu'était la conclusion de notre mémoire. Comme vous l'avez bien cité, nous croyons que la majorité des hommes ne sont pas des hommes misogynes, violents, qui entretiennent nécessairement une... qui ont nécessairement une attitude de dénigration envers les femmes. Ce n'est pas le constat qu'on fait dans nos rapports quotidiens intimes et dans nos rapports quotidiens de travail. Hein, on l'a dit à plusieurs reprises, on collabore depuis longtemps.

Cependant, ce qu'on dit aussi, c'est que les hommes n'ont pas nécessairement, je dirais... on peut dire un intérêt, mais ils n'ont pas nécessairement une sensibilisation à la discrimination, parce qu'ils ne la vivent pas, et ça, ce n'est pas... on ne peut pas mettre nécessairement un blâme. On l'a dit tantôt, j'ai parlé un peu d'oppression du patriarcat, un oppresseur ne va pas nécessairement chercher à libérer ses opprimés. On ne veut pas utiliser ce discours-là dans notre mémoire. Mais ce qu'on dit, c'est que, si tu n'es pas victime de discrimination toi-même, si les privilèges de la société te sont accessibles, c'est difficile de remettre en cause et de voir que d'autres personnes puissent vivre cette discrimination-là.

C'est pour ça qu'il nous semble important qu'une campagne de sensibilisation qui amène les hommes à cette réflexion-là vis-à-vis de leurs compagnes et collègues de travail, une campagne de sensibilisation qui pourrait aussi inclure les multiples discriminations nous semble essentielle et préliminaire à ce qu'on appelle l'approche sociétale et la politique d'égalité. Nous croyons qu'une politique d'égalité, pour réussir, doit d'abord s'accompagner de cette réflexion-là. Et on considère que le gouvernement est en partie le maître d'oeuvre de cette campagne de sensibilisation là et doit prêcher par l'exemple.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Simplement dire là-dessus qu'effectivement cette campagne-là serait très utile aussi pour les femmes qui ne vivent pas d'inégalités individuelles et qui donc voient moins aussi les discriminations au niveau du groupe social. Donc, ça pourrait être utile, à ce moment-là. Ma collègue de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Oui, merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Pardon... Mme la députée de Laurier-Dorion, vous avez la parole.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Mais je voulais vous féliciter pour cette présentation. Réellement, vous apportez une contribution importante et nouvelle. On n'avait pas beaucoup discuté depuis le début en fait ? j'étais absente hier, mais... ? des communautés culturelles, qui est quelque chose d'important que vivent principalement... que vit principalement la région montréalaise, et d'autres régions au Québec, mais principalement à Montréal, la ministre l'a souligné. Et d'ailleurs, quand vous parlez du maintien des instances vouées à l'égalité ou à la promotion de la condition féminine, l'importance des bureaux régionaux à cet égard-là le démontre, puisque, si vous n'étiez pas là, au niveau régional, pour le mettre de l'avant, ce serait peut-être parfois oublié.

Important aussi de souligner que vous mentionnez que le... le dossier des femmes autochtones est évacué du mémoire, chose aussi qui est importante, qui nous fait réaliser l'importance en fait ? moi, ça me frappe ? d'avoir une instance comme le Conseil du statut de la femme ou le secrétariat, puisque, si des instances qui sont vouées à la promotion de la condition des femmes en tant que telle peuvent omettre ? bien, c'est un oubli ? un aspect aussi important, que ferait-on si nous n'avions pas cette instance-là? Donc, je trouve ça fondamental.

Alors, en fait, c'était davantage un commentaire, mais pour dire que, oui, la situation des femmes immigrantes reste quelque chose de très préoccupant au Québec. Le travail que vous faites en ce sens-là est à mon avis incommensurable.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme Pasquier, oui, vous avez une réaction à ce commentaire.

Mme Pasquier (Anne): Oui, je veux juste réagir par rapport justement à toute la multiplicité de la condition féminine à Montréal en particulier, et c'est même un défi pour la Table des groupes de femmes de Montréal d'impliquer toutes ces femmes-là. Par exemple, les femmes autochtones, oui, il y en a à Montréal, il y en a beaucoup, il y a des femmes métisses, etc., et c'est des femmes qu'on essaie aussi, depuis quelques années, je dirais, de rejoindre. Autant on peut dire qu'on a réussi quand même à intégrer dans beaucoup de nos projets des femmes des communautés culturelles, autant c'est très embryonnaire au niveau des femmes autochtones. Et, si c'est oublié dans des avis qui viennent des instances gouvernementales, nous, on a d'autant plus de mal peut-être aussi à avoir des arguments pour solliciter l'aide en fait de ces femmes-là à la participation à l'amélioration de la condition de vie des femmes et de toutes les femmes de Montréal.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Oui, Mme Dalio.

Mme Dalio (Francesca): Oui, juste quelques mots sur la campagne publique. Le mémoire le dit, on le pense, l'approche spécifique et l'approche transversale sont pour nous encore des méthodes qui n'ont pas complété, là, leurs... tout ce qu'on peut réaliser au niveau de l'égalité des femmes... ces méthodes-là, avec des instances actuelles... Et on peut, dans le cas d'une campagne publique, commencer aussi à penser à des comités parallèles ou des comités qui vont étudier la question des stéréotypes, la question d'autres formes de discrimination. Mais, pour nous, c'est important, l'approche spécifique et l'approche transversale, et nos instances qui nous supportent dans ces domaines-là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Il nous reste un tout petit peu de temps. Vous me permettrez de vous poser une question tout à fait hypothétique, une situation tout à fait hypothétique. Supposez une société, par exemple, où les juges penseraient en majorité que les mères sont plus aptes que les hommes à assumer la garde des enfants et que leurs jugements suivraient cette pensée systématiquement ou quasi systématique... Est-ce que vous pensez que nous avons affaire, là, à un problème social ou à une discrimination systématique? Vous avez une minute pour y réfléchir.

Mme Dalio (Francesca): Pour y réfléchir. Ha, ha, ha!

Mme Pasquier (Anne): Étant donné que ce serait un phénomène récent, on ne peut pas dire que ce serait une discrimination systémique, parce qu'il y a un mouvement historique, dans la discrimination systémique, qu'il n'y aurait pas là. Ce serait une apparition d'un phénomène nouveau qui serait... qui deviendrait peut-être systémique dans 100 ans s'il continuait à avoir lieu systématiquement contre les hommes. Mais, aujourd'hui, si ça arrivait, on ne pourrait pas concevoir que ça repose sur une discrimination systémique. C'est une discrimination, oui, c'est évident, mais ponctuelle. Ça ne repose pas sur le système actuel de la société québécoise.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Donc, dans mon exemple, il manquerait... «supposons une société où les juges, depuis quelques siècles, pensent que...»

Mme Pasquier (Anne): Bien, là, je dirais oui. Oui. Là, je dirais oui. Mais il manque le «quelques siècles».

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous remercie beaucoup de votre contribution.

Je demande au prochain groupe, s'il vous plaît, de prendre place à la table et je suspends les travaux pour trois minutes. Pause physiologique. Je reprends avec la présomption de quorum.

(Suspension de la séance à 16 heures)

 

(Reprise à 16 h 4)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): S'il vous plaît! La Commission des affaires sociales reprend ses travaux en consultation générale sur le document Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Alors, nous accueillons avec plaisir la Chaire d'étude Claire-Bonenfant sur la condition des femmes. J'accueille Mme Pierrette Bouchard, titulaire, et je lui demande de présenter ses consoeurs.

Chaire d'étude Claire-Bonenfant
sur la condition des femmes

Mme Bouchard (Pierrette): M. le Président, Mme Courchesne, mesdames, monsieur, membres de cette commission, bonjour. Alors, je vais me présenter et je vais présenter mes collègues. Je suis titulaire de la Chaire d'étude Claire-Bonenfant sur la condition des femmes, professeure en sciences de l'éducation. Mes recherches portent sur la question des écarts de réussite scolaire entre garçons et filles, sur la sexualisation précoce des jeunes femmes et sur nombre d'autres domaines. À ma gauche, il y a Micheline Beauregard, qui est docteure en littérature, et elle est mon adjointe. Et, à ma droite, il y a Christine Piette, ma collègue, historienne et présidente du Comité directeur de la Chaire d'étude; elle a été également directrice de la revue Recherches féministes, une revue scientifique, à l'Université Laval, où nous sommes, et elle a également siégé au Conseil du statut de la femme pendant cinq ans.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Donc, bienvenue, mesdames. Il vous reste 19 minutes.

Mme Bouchard (Pierrette): D'accord. Alors, nous aimerions vous dire dans un premier temps notre intérêt réel pour la démarche gouvernementale qui est en cours. Depuis de nombreuses années, nous sommes impliqués à la Chaire d'étude mais également avec les membres du Groupe de recherche multidisciplinaire féministe, qui nous entourent, qui sont à l'Université Laval, nous sommes impliqués dans la recherche sur les femmes et sur les rapports sociaux de sexe.

Le féminisme est un mouvement social, mais c'est aussi un ensemble de théories. Les chercheuses féministes ont produit des connaissances qui ont permis de mieux comprendre et de faire voir sur le travail, la maternité, la délinquance, la scolarisation, qui ont montré finalement comment une... on dirait aujourd'hui une analyse différenciée montre que ces réalités ne sont pas les mêmes pour les hommes et pour les femmes. Par exemple, toute la contribution des chercheuses féministes sur la notion de travail permet aujourd'hui de considérer le travail domestique comme étant du travail. C'est également le cas de la délinquance, où on a pu montrer que la délinquance des filles n'était pas la même que celle des garçons. Alors, vous comprenez que je vais présenter au nom de mes collègues et qu'elles interviendront au moment des questions.

Pour les fins de la présentation et pour tenir compte du temps imparti, nous ne lirons pas notre rapport, notre mémoire, mais nous allons en faire une synthèse. Alors, nous allons commenter uniquement la première partie du document de consultation qui a été produit par le CSF, autrement dit la perspective d'ensemble et les approches, sans discuter des orientations proposées et des axes d'intervention.

Le contenu du document soulève des interrogations et suscite des inquiétudes. Nous tenons à exprimer des réserves sur la vision d'ensemble qui inspire le document et sur les approches. Cependant, la critique que nous présentons n'implique pas la mise au rancart de toutes les propositions présentées dans le document, et nous tenons à souligner le sérieux de la démarche qui a été entreprise et les efforts consentis pour produire un bon document.

Permettez-moi d'abord de parler des arguments qui sont invoqués pour justifier le changement auquel nous assistons, c'est-à-dire d'aller d'une politique de condition féminine vers une politique d'égalité. Alors, une des premières séries d'arguments qui étaient invoqués concerne ou part de la désuétude des appellations, autrement dit que ce serait démodé de parler de condition féminine ou de statut de la femme. Alors, nous remarquons de prime abord un changement de perspective. L'accent n'est plus mis sur l'approche spécifique, en condition féminine. Il faut noter, avec toutes celles qui nous ont précédées, qu'on y consacre une page, alors que l'approche sociétale en compte 12 et l'approche transversale en compte trois. Sous prétexte de mettre à jour des appellations considérées désuètes: «le statut de la femme», «la condition féminine»... on en convient, on est ouvert au changement, mais il faut quand même noter que ces formulations avaient quand même le mérite d'indiquer clairement qui était visé par la politique: les femmes. Le changement proposé dépasse de loin l'objectif de changement de nom, car il atteint les assises et les orientations mêmes. Au nom de la modernisation, on risque d'évacuer le principe derrière les appellations, soit une action gouvernementale contre des inégalités vécues par les femmes comme groupe social.

Pour répondre à la demande d'élargir la notion d'égalité, on ferait désormais place aux demandes en provenance de groupes d'hommes qui se prétendent lésés, comme si les situations et les conditions de vie des hommes et des femmes étaient équivalentes. Autrement dit, on se dirigerait vers un principe d'égalité de traitement. Ce faisant, on introduit le principe de symétrie, principe non fondé, puisque ce sont les femmes qui continuent, comme groupe social, à souffrir des inégalités issues de la discrimination systémique.

n(16 h 10)n

J'ai entendu beaucoup à cette commission la notion de: Il y a deux pôles à l'équation. Je crois qu'il serait plus adéquat de parler d'inéquation, c'est-à-dire que Y est plus grand que X. Il n'y a pas de développement sur les rapports de pouvoir qui s'inscrivent au coeur même des relations entre les hommes et les femmes, ce qui mène à des contradictions à l'intérieur même du document et donne l'impression d'une réflexion pas tout à fait achevée.

J'aimerais rappeler les orientations des institutions internationales, qui jusqu'à ce jour ont toujours été claires par rapport aux destinataires des politiques d'égalité. En 1979, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, convention à laquelle les États liés sont encore partie prenante aujourd'hui, cette convention spécifiait de façon parfaitement claire les destinataires et les fondements de sa perspective d'égalité. «Les États parties ? et je cite ? s'engageaient à accorder aux femmes des droits égaux à ceux des hommes.» Ces engagements sont toujours d'actualité. C'est également le cas avec la Déclaration et le Programme d'action de Beijing, qui réaffirmait, en 1995, son objectif de promouvoir les femmes. Il y a eu Beijing +5, Beijing +6... Donc, une orientation très claire à ce niveau.

Une deuxième série d'arguments que j'aimerais relever pour justifier le changement, c'est les arguments sur le fait que les jeunes femmes auraient maintenant d'autres désirs, qu'elles souhaiteraient collaborer avec les hommes. On invoque généralement, dans les textes et les déclarations de présentation des orientations soit de l'avis ou encore des orientations vers cette nouvelle politique d'égalité, que les jeunes femmes d'aujourd'hui souhaitent collaborer avec les hommes mais ne se reconnaissent pas dans un certain discours qui aurait atteint sa limite.

La perspective féministe des rapports de pouvoir serait devenue démodée. Il faudrait faire attention à ne pas généraliser cette position à toutes les jeunes femmes. Depuis de nombreuses années, personnellement je fais de la recherche sur différents aspects de la vie des jeunes femmes et des jeunes filles. Celles que j'ai interviewées, autant... pardon, celles que j'ai interviewées, bien nombreuses, qui travaillent... sur toute la question finalement de l'abandon scolaire ou de la réussite scolaire, ou encore dans mon projet de recherche sur la sexualisation des petites filles, ou encore dans le projet de recherche que j'ai mené avec le Regroupement des groupes de femmes de la région 03 sur les jeunes femmes de la région 03, les jeunes femmes qui m'écrivent, des cégeps et même du secondaire, suite au projet de recherche sur la sexualisation des petites filles, sont très intéressées et très conscientes de la discrimination qui continue d'exister, et elles demandent... elles sont intéressées par le féminisme. Elles veulent en savoir davantage, comprendre et s'impliquer.

Le groupe Salvya vient de publier son mémoire sur le site Sisyphe et réclame, lui aussi, plus de place pour le féminisme et ne le considère pas démodé, bien au contraire. C'est très encourageant. Nous sommes donc étonnées de cet argument, que, pour faire progresser le féminisme, des jeunes femmes verseraient, si on peut dire, dans l'âgisme. C'est une première dans l'histoire du mouvement des femmes de fonctionner ainsi. Les efforts et les avancées pour la cause des femmes se sont toujours placés sous le signe de la continuité, de la sororité, de génération en génération. Je me permettrais de dire que c'est une mauvaise stratégie que celle qui mise sur la division des femmes. Le problème n'est pas celui de la collaboration avec les hommes dans le cadre de certaines balises dont je vais parler, mais celui de la mise au rancart du féminisme.

Maintenant, je vais vous parler des approches proposées. Les approches transversale et sociétale souffrent de la même lacune: croire uniquement en la bonne volonté des gens, miser sur leur implication individuelle pour changer une société afin que les femmes puissent vivre dans un monde égalitaire. Même si le document fait référence à la discrimination systémique, le système en question n'est ni décrit ni lié aux approches retenues. On met sur le même pied des situations individuelles et des problèmes sociaux, les initiatives de changement personnel et des mesures collectives portées par un gouvernement. La future politique d'égalité doit reposer sur des bases théoriques solides: développement sur les rapports sociaux de sexe, discrimination systémique expliquée, construction sociale des identités de sexe, les logiques catégorielles, la hiérarchisation entre les sexes. Nous demandons: Comment les forces de maintien des inégalités sociales entre les sexes pourraient être renversées par des approches qui ne misent que sur la bonne volonté personnelle et un éventuel changement des mentalités pour atteindre l'égalité? Comme le dit le Lobby européen des femmes, lorsque les hommes ont des avantages économiques sur les femmes, ils ont un privilège à défendre.

L'approche transversale, plus particulièrement, pourrait s'avérer porteuse de changement si, d'une part, l'État n'avait pas l'ambition d'imposer d'en haut l'harmonisation des rapports sociaux de sexe dans la société et si, d'autre part, les élus, femmes et hommes, manifestaient une réelle détermination à suivre et à faire progresser les dossiers concernant l'égalité des femmes avec les hommes de concert avec la société civile. Comment ne pas avoir des doutes quand se multiplient les signes de recul dans la société ? nous n'avons pas été les seules à vous le signaler ? et que la discrimination systémique revient sans cesse et revisite les principes d'égalité de droits?

De plus, ce qui sème aussi le doute... Dissocier une politique d'égalité de ces appareils qui ont fait leurs preuves ? le Conseil du statut de la femme et le Secrétariat à la condition féminine ? soulève le doute sur une stratégie qui mise sur le leadership de l'État. Il est primordial pour nous de maintenir les deux institutions qui ont fait avancer la cause des femmes au Québec en matière de condition féminine ? et nous reprenons ce qui vous a été dit par les autres groupes du mouvement des femmes ? à savoir le Conseil du statut de la femme et le Secrétariat à la condition féminine, qui sont plus que jamais nécessaires pour empêcher des reculs. Il faut garder au CSF son indépendance et préserver sa mission de recherche également. Un véritable ministère de la Condition féminine doté de budgets appropriés s'impose également.

L'approche sociétale. Elle mise, là encore, sur la bonne volonté, celle des hommes, dont le succès découle de l'intérêt que pourra réussir à susciter le mouvement des femmes auprès d'eux. Comment se fait-il que la responsabilité de l'engagement des hommes envers l'égalité soit attribuée aux femmes? Pourquoi l'initiative de transformer des structures et des rapports sociaux qui discriminent les femmes ne vient-elle pas d'eux? La démarche se résumerait donc à une quête de la part des femmes, alors qu'il devrait certainement s'agir d'impératifs dans un contexte où l'égalité et les besoins socioéconomiques se conjuguent. C'est le cas de l'articulation famille-travail, par exemple. Faire référence à des pratiques individuelles de changement est certes réconfortant, et celles-ci peuvent être encouragées, mais il ne faut cependant pas en déduire qu'une conscience sociale des inégalités en découle automatiquement ni s'attendre à ce que des pratiques individuelles débouchent sur une action collective engagée.

Il y a, dans le texte, des glissements dangereux. Si l'on ne peut qu'approuver le fait de collaborer avec les hommes, l'idée de financer des projets ? et je cite, ici, là ? l'idée de «financer des projets soutenant les efforts d'hommes» et celle de «[renforcer le] soutien apporté aux hommes» sont fort différentes. Il ne s'agit plus du tout de la même chose. Comme d'autres avant vous, je demande et je me questionne: Allons-nous réduire les maigres ressources attribuées aux groupes de femmes?

D'autres glissements sont présents également dans le document. Ils témoignent d'une méconnaissance de la dynamique antiféministe qui a cours au Québec actuellement. On retrouve dans l'avis une proposition particulièrement inquiétante, soit que les hommes deviennent concepteurs d'actions, un ajout par rapport à l'énoncé général du troisième levier, ou de l'approche sociétale ? point 2.4, page 39. Que signifie une telle proposition? Que des hommes vont siéger sur les organismes ou comités voués à la promotion de l'égalité des femmes? Il existe là un danger réel de récupération par les groupes d'hommes réactionnaires qui aspirent à un retour à la famille traditionnelle. Bien que le document propose clairement de refuser avec fermeté toute alliance ou toute collaboration avec les hommes ou les groupes qui rendent les féministes responsables de tous les maux et qui aspirent à un retour à un ordre social inégalitaire, il ne semble pas, le document, cerner de près la dynamique de l'antiféminisme et ses courants, ses différents courants. Il y a bien sûr des groupes et des individus extrémistes; ils sont faciles à identifier, et l'on doit soutenir une prise de position courageuse à leur égard. Mais il y a aussi des individus et des groupes qui se prétendent plus modérés, mais ils alimentent les points de vue des premiers ou s'en font les relais et développent et réfèrent à des théories discutables et peu rigoureuses. Les deux courants ont en commun de faire pression sur l'État pour obtenir des ressources.

n(16 h 20)n

Bien que la vigilance y soit suggérée, on ne retrouve pas suffisamment de balises pour limiter l'influence de ces groupes. Si le CSF vise la participation des hommes qui appuient le mouvement des femmes, il ne précise toutefois pas quels mécanismes seront mis en place pour les coopter. Être sympathique à la cause des femmes ou encore vouloir s'impliquer par un congé de paternité ne suffit pas à débusquer les ou ses préjugés. Comment s'assurer que les hommes qui siégeraient à ces comités ne seront pas remplacés un jour ou l'autre par des antiféministes? Ceux qui participeront à des structures paritaires d'égalité seront probablement l'objet d'énormes pressions de la part de ces personnes. Il est justifié de se demander comment on en est arrivé finalement à inclure des hommes sur les structures ou comités qui ont toujours visé jusqu'à maintenant à corriger des situations dont souffrent encore les femmes. Les hommes qui sont engagés à nos côtés socialement et qui sont ouvertement en faveur de l'égalité des femmes, comme les collectifs proféministes ou encore les hommes progressistes, pardon, ne réclament pas cette participation.

Dans le contexte social actuel de l'antiféminisme et des revendications des tenants du retour à l'autorité paternelle et à la société traditionnelle, il y a un danger de récupération. L'État doit être sans équivoque sur ses engagements à l'égard des femmes, le groupe socialement discriminé. Il doit les traduire dans des orientations et des actions conséquentes.

Nous reconnaissons qu'individuellement toutes les personnes, quels que soient leur origine, leur sexe, leur âge, peuvent affronter, à un moment donné ou d'autres de leur vie, des difficultés. Cela ne signifie pas pour autant qu'elles résultent d'une discrimination systémique, comme ce fut le cas pour la condition des Noirs, des ouvriers ou des femmes. Nous reconnaissons également que certaines problématiques sont plus présentes chez un groupe de sexe. C'est le cas du suicide ou de l'abandon scolaire des garçons, par exemple. Cependant, ces situations ne résultent pas d'une discrimination sur la base du sexe par le système social ou par le système d'éducation; elles sont liées à des attitudes, des comportements, des représentations sociales qui résultent d'une socialisation différenciée, par exemple le fait que les hommes utilisent des moyens plus violents pour se suicider, ou dans le cas du décrochage scolaire ? j'y reviendrai, si vous le souhaitez, au moment des questions ? mais qu'il y a beaucoup d'autres variables qui jouent: le milieu social, la classe sociale, la provenance géographique, s'il y a une usine dans le coin pour offrir de l'emploi, le fait que c'est concentré en français surtout, les différences, et ainsi de suite.

Donc, je vais terminer, je vais conclure. Pour nous, la collaboration avec des groupes d'hommes proféministes et des hommes progressistes doit se poursuivre et même prendre plus de place dans le mouvement social, mais elle est prématurée dans les structures gouvernementales. Les femmes travaillent déjà avec les hommes, c'est mon cas et c'est aussi le cas de plusieurs des initiatives qu'on a entendues ici, également le cas de l'Université féministe d'été que nous mettons sur pied depuis quelques années, ma collègue Huguette Dagenais, où il y a plusieurs conférenciers masculins.

Dans ce contexte, il faut mieux cerner les courants de résistance de certains groupes réactionnaires à l'égalité. Il faut mieux les connaître, les distinguer les uns des autres, identifier les organisations progressistes, avant d'ouvrir des structures qui visent à corriger de tout temps des situations d'injustice contre les femmes. Et il faut cerner plus clairement les motivations. Il y a toujours eu du sexisme, de la misogynie. Ce qui est nouveau, c'est qu'elle soit portée par des groupes d'hommes organisés. Le gouvernement doit définir sans équivoque sa conception de l'égalité comme une lutte contre des inégalités vécues par les femmes comme groupe social. Autrement dit, qu'il évite le piège de la symétrisation. À ce titre, les noms, les mots sont importants. Qu'il soit clair que les appareils d'État et la politique visent à corriger la discrimination contre les femmes et n'ouvrent pas la porte à d'autres problèmes. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, Mme Bouchard. La parole est à la ministre, 20 minutes, pour un premier bloc d'échange.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mesdames, bienvenue à toutes les trois et merci d'être là. Je dois vous dire que j'ai lu ligne par ligne votre mémoire, mais j'ai surtout bien écouté ce que vous venez de dire. J'avais déjà annoté abondamment le texte. Vous allez me permettre quelques remarques par rapport à vos propos, qui m'apparaissent très importantes à faire, et je vais reprendre des remarques que j'ai faites depuis deux jours. Vous semblez avoir écouté la commission. Je suis convaincue qu'à titre de chercheuses vous allez reprendre les galées et que vous allez relire très certainement certains des échanges qui ont eu lieu, mais je vais réaffirmer, mesdames, des choses que j'ai dites depuis deux jours.

Parce que vous nous résumez votre mémoire, et c'est pour ça qu'on a une commission parlementaire, là; je suis très à l'aise avec ce que vous venez de nous dire, au sens suivant: c'est que vous résumez le mémoire en manifestant beaucoup, beaucoup, beaucoup de craintes. Je vous dirais que c'est normal d'avoir des craintes. On est ici pour les entendre. Mais, très sincèrement, il me semble qu'au Québec on aborde la société d'aujourd'hui et celle de demain en tenant compte de celles qui ont passé et ouvert le chemin avant nous. Je pense qu'on aborde le Québec quand même avec... et qu'on doit aborder le Québec avec une confiance beaucoup plus large entre les individus et les institutions. Que des groupes aient des craintes à l'égard d'un gouvernement, et c'est ce que vous voulez marquer très fortement, et c'est comme ça que je reçois votre mémoire... très franchement, c'est comme ça que je le reçois, parce que je suis convaincue que ? et je l'ai dit, je l'ai répété ? qu'il est évident ? et là je le dis devant vous ? qu'au Québec il y a encore des inégalités de fait pour les femmes, et que notre démarche, elle est avant tout pour travailler dans la perspective d'enrayer ces inégalités de fait... que nous soutenons fortement l'approche spécifique ? c'est très important pour moi ? parce qu'il y a là des enjeux qui sont absolument incontournables. Je suis membre d'un gouvernement, là. Ce n'est pas, comme disait ma collègue députée de Chauveau, une extraterrestre qui vous parle, là, c'est une membre du gouvernement qui vous dit que ça, c'est à mon avis absolument, totalement incontournable.

Ce que je trouve aussi un peu dommage dans votre... ce que je comprends de ce que vous dites, quand on parle d'ouverture aux hommes... encore là, remettons les choses dans la bonne perspective. Vous nous dites: C'est excellent, travailler avec des proféministes, on le fait déjà. Mais, si, vous, dans une approche plus large, vous travaillez avec des hommes, ah! automatiquement, vous allez ouvrir la porte aux masculinistes. Encore là, nous sommes très, très fermes, très fermes, et pas que la ministre qui est devant vous, ça a été échangé au Conseil des ministres, entre nous, entre collègues, dans les comités ministériels: il n'est pas question pour nous d'ouvrir à des groupes masculinistes, violents, avec des propos haineux qui voudraient attribuer aux féministes tous les maux de notre société, c'est non acceptable.

Honnêtement, il y a des hommes... j'ai des fils, nous avons des fils de 35 ans, des gendres, des gendres bien ordinaires, franchement, là, des citoyens à part entière bien ordinaires. Mais il y en a un, il est président d'une petite, petite entreprise, bien ordinaire: père de deux enfants, problèmes conciliation travail-famille, va à la garderie, va chercher ses enfants, sa femme travaille le soir, des fois la fin de semaine, mêmes problèmes que tout le monde. Ces jeunes-là, ils souhaiteraient et ils aimeraient et ils devraient surtout, ils devraient surtout être bien mobilisés pour ouvrir leurs portes d'entreprise puis régler ces inégalités. Moi, je veux m'assurer que mon fils de 35 ans, président de son entreprise, traite les femmes avec équité et justice. Mais, si lui veut participer à ce genre de débat sur l'égalité, pourquoi il ne serait pas bienvenu? Pourquoi, dans un enjeu spécifique dans sa région, il ne serait pas bienvenu, dans une perspective d'égalité?

n(16 h 30)n

Quand je vous écoute, quand vous parlez à la ministre qui représente le gouvernement: Ah! non, vous allez accueillir des groupes qui vont vouloir se faire financer puis qui vont nous enlever de l'argent. Franchement, je comprends, je peux comprendre, mais il me semble qu'on doit, dans ce débat-là, quand des jeunes femmes sont venues nous dire, hier, quand une, ce matin, nous a dit ? Anne-Marie Trudel, de l'Outaouais: On pense que le mot «égalité» va en rallier davantage, de femmes, qui vont mieux se reconnaître, oui, ça peut être un outil stratégique... Est-ce que c'est négatif d'avoir un outil stratégique? Est-ce que, si c'est pour en rallier plus... Puis, je suis d'accord avec vous, la plupart des jeunes femmes sont contre la sexualisation, sont contre ce genre de discrimination «jeune fille». Mais, si on est capables d'aller en chercher plus avec nous, si on est capables de faire des pas plus rapidement, si on est capables d'être plus inclusifs dans une cause commune, hommes et femmes, est-ce que c'est négatif? Et est-ce que ça veut dire, M. le Président, qu'on renie automatiquement le féminisme? Est-ce que ça veut dire qu'automatiquement on met de côté tous les acquis que toutes ces femmes avant nous ont lutté... et est-ce que ça veut dire qu'il n'y a plus d'organismes de femmes?

Et, moi, quand j'ai lu l'avis du conseil, je n'ai pas vu que le conseil prônait la mixité du Conseil du statut de la femme; on n'a pas parlé de ça. Et, si on écoute actuellement... Puis c'est important, ce que vous nous dites, là, je vous le dis, c'est important, parce que, quand on va rédiger la politique ? parce que c'est ça, on va la rédiger ? bien, à ce moment-là, on va devoir s'assurer que les craintes que vous nous annoncez aujourd'hui, bien, qu'elles sont clairement comprises et qu'il n'y aura pas d'ambiguïté. Sauf que déjà, depuis deux jours, il y a un certain nombre de choses qui ont été dites pour effacer ces ambiguïtés-là.

L'autre question... Parce que, vous savez, j'ai beaucoup de respect pour la chaire Claire-Bonenfant et je pense que c'est une institution qui doit demeurer, qui est importante. Et je salue l'immensité de votre travail et surtout le très grand degré de savoir, et d'expertise, et de relève, vous sensibilisez la relève à ça. Et ce qu'on discute là, c'est discuté à l'échelle internationale, c'est discuté en France, c'est discuté surtout dans les pays européens. Alors, ma question à vous: Est-ce que ça veut dire que cette position que vous nous livrez aujourd'hui, si vous étiez devant la ministre française, Mme Ameline, vous auriez les même craintes, vous auriez les mêmes difficultés? Est-ce que, si vous venez... Je ne sais pas si vous venez à New York, en février, à Beijing +10, mais est-ce que c'est le même genre de réaction que vous auriez si vous parliez à des ministres qui ont des lois sur la parité, qui ont des chartes de l'égalité, en Norvège, en Suède? Déjà, on va les rencontrer en février. Est-ce que vous aurez ce même genre de craintes, franchement et honnêtement, ou si c'est vraiment parce que vous vous adressez à une ministre du gouvernement Charest?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Bouchard, vous avez suscité une réaction de 8 min 30 s. La parole est à vous.

Mme Bouchard (Pierrette): Alors, Mme la ministre, il est bien certain qu'en Europe la situation n'est pas la même que celle du Québec. Ce qui était une force et une caractéristique de la politique que nous avions ici, c'est justement qu'elle avait commencé très tôt, qu'elle avait permis finalement de faire des rattrapages, ce qui faisait aussi qu'on était enviés par plusieurs gouvernements européens. Alors, il est bien certain que, lorsque nous arrivons, dans notre contexte, vers une politique qui est semblable à celle de l'Europe ou de la France, dans le fond nous sommes un peu à faire un recul, parce que nous étions en avance. Donc, ces femmes-là n'ont pas eu la chance d'avoir ce que nous avons eu précédemment. Alors, non, je pense que j'expliquerais en ces termes certainement...

J'aimerais revenir sur certaines de vos remarques, aussi. Nous venons non seulement vous présenter des craintes, ce ne serait pas en ces termes-là que j'aurais décrit mon travail, mais bien des analyses, des analyses sociopolitiques, et c'est le travail des chercheuses de fonctionner ainsi. Vous nous faites dire des choses que je ne dis pas. J'ai reconnu votre position courageuse à l'égard des groupes masculinistes extrémistes. Ce que je dis, ce que nous disons dans notre mémoire, c'est qu'il faut mieux cerner les courants qui sont en cours actuellement. Le mouvement des hommes... les hommes, plutôt, comme groupe, ne sont pas... ce n'est pas un groupe social homogène. Le groupe qui a passé avant moi l'a très bien présenté, les hommes ne pensent pas tous la même chose, ils ne sont pas tous à la même place et, même finalement chez les groupes qui sont en réaction par rapport aux féministes, il y a différents courants. Nous disons qu'il faut continuer de faire le travail de bien identifier quels sont ces courants et de réussir à cerner quels sont ceux qui peuvent être nos alliés, ceux qui peuvent nous faire avancer, non seulement les collectifs proféministes ? il faut saluer leur courage ? mais également les hommes progressistes.

Alors, il y avait beaucoup d'autres choses, là, mais j'ai noté ça. Je ne sais pas si mes collègues ont quelque chose à ajouter à ce moment-ci?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Piette, Mme Beauregard, vous voulez prendre la parole?

Mme Piette (Christine): Bien, peut-être quelques mots en fait sur ces questions justement de stratégies qui auraient atteint leurs limites. Je ne suis pas sûre de ça, moi. En fait, je ne sais pas... Est-ce que mon micro fonctionne mal ou...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien.

Mme Piette (Christine): Non? Non? O.K.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ça va très bien, allez-y.

Mme Piette (Christine): C'est parce que je vous voyais faire des gestes, là, qui avaient l'air de dire que vous m'entendiez mal.

«Ces stratégies ont atteint leurs limites», je ne sais pas ce que ça veut dire. Sur quoi ça repose comme analyse, en fait? Est-ce que ça repose sur une analyse ou sur des études? Moi, j'ai vu... en fait j'ai suivi de près, il n'y a pas si longtemps, les 30 ans du Conseil du statut de la femme, avec beaucoup de manifestations autour. Cette question-là ne revenait pas du tout à ce moment-là, elle a émergé après, on n'en a pas parlé à ce moment-là. Au contraire, on n'avait pas atteint des limites, on était sur une belle lancée.

En fait, ce qui était en place était envié effectivement à l'échelle internationale. Ce qui était en place avait permis des avancées évidentes, mais on était juste, justement, au moment où on commence à comprendre les mécanismes sociaux qui sont à l'oeuvre, là, dans les rapports hommes-femmes, et ce n'est pas le moment, là, d'abandonner les recherches, les travaux et l'action qui doit en découler. Parce que, si on a identifié des mécanismes qui expliquent la violence, qui expliquent la pauvreté, on n'a pas encore dépassé la violence et la pauvreté.

Donc, je pense qu'il faut continuer, et c'est pour ça qu'un organisme spécifique qui est consacré à l'étude de ces questions-là m'apparaît encore essentiel. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne peut pas... Enfin, moi, la mixité ou non-mixité au conseil... Vous dites: Bon, les garçons devraient être sensibilisés. Parfait. Qu'un homme siège au Conseil du statut de la femme, ça ne me pose pas de problème. Qu'il siège au conseil de l'égalité, il va siéger à un autre nom. Il ne va pas être là pour aller défendre les femmes, il va se sentir obligé d'être là pour aller défendre les hommes. Quel type de dynamique va exister dans un conseil comme ça? Moi, pour y avoir siégé, au Conseil du statut de la femme, j'imagine bien mal, si une partie du conseil était des hommes qui sont là pour défendre l'égalité des hommes, des femmes qui sont là pour... Ça va amener, il me semble, un champ de bataille. Au lieu d'amener les gens à travailler ensemble, vous allez les amener à s'opposer et à se disputer en fait les maigres ressources.

Il me semble qu'à ce moment-là, si on garde un organisme spécifique, parallèlement le gouvernement peut prendre des actions qui favorisent une meilleure scolarisation ou une meilleure réussite scolaire des garçons, les problèmes de suicide. Ce serait normal que le ministère des Affaires sociales, par exemple, ait des programmes visant directement ces problèmes sociaux qu'on a identifiés. Ça ne veut pas dire qu'il faut confier ces problèmes-là à un conseil général qui s'occupe à la fois des femmes et des hommes, qui ne s'occupera plus de ni un ni l'autre, à mon avis.

Mme Courchesne: Si vous me permettez, là...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Un instant, s'il vous plaît. Oui, Mme la ministre.

Mme Courchesne: Merci. Si vous me permettez, ce n'est justement pas ça. On ne veut pas associer les hommes pour régler les problèmes des hommes. Ce n'est pas ça le but. Le but, c'est...

Mme Piette (Christine): C'est ambigu, là.

Mme Courchesne: Bien, je vous le dis, je vous le dis...

Mme Piette (Christine): J'ai l'impression qu'un conseil de l'égalité va s'occuper de tout...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): La parole est à Mme la ministre. Je vous la donne tout de suite après, Mme Piette.

n(16 h 40)n

Mme Courchesne: Si vous me permettez, ce que je veux vous dire, d'abord, je ne pense pas que les stratégies utilisées par les groupes de femmes ont atteint leurs limites. Ce n'est pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est que... et la question que l'on se pose, là, c'est de dire: Est-ce que justement, si on parle d'égalité, ça ne rejoindra pas davantage d'hommes et de femmes qui vont contribuer ensemble à corriger les inégalités faites aux femmes? Oui, ça va peut-être aussi mettre en évidence d'autres problèmes sociaux, comme le décochage chez les hommes, chez les jeunes hommes, comme le suicide, et comment, face à ces problématiques-là, on peut adopter une cause commune. C'est dans ce sens-là.

Je trouve qu'on fait un peu trop rapidement l'adéquation que, s'il y a des hommes qui participent, c'est parce qu'on veut régler le problème des hommes. Ce n'est pas ça, ce n'est pas dans cette perspective-là. Et je vais m'arrêter ici parce que je voudrais que mes collègues puissent aussi poser d'autres questions. Mais je pense qu'il faut... En fait, on se démontre mutuellement la nécessité de poursuivre le débat.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Piette, vous avez certainement droit de réagir, si vous voulez.

Mme Piette (Christine): Non, non, c'est tant mieux si on a mal compris, qu'il ne s'agit pas de ça et qu'il s'agit de conserver la spécificité du Conseil, par exemple, ou des institutions qu'on a autour des problèmes de la condition féminine. C'est impeccable, c'est ce qu'on souhaite.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, Mme Bouchard.

Mme Bouchard (Pierrette): J'aimerais également ajouter que l'impression circule qu'une approche spécifique serait une approche en quelque sorte peut-être sectaire ou, je ne sais pas trop, uniquement limitée aux femmes et pas ouverte à d'autres problématiques. Mais je pense que c'est erroné comme perception. Ce qu'on voit du passé finalement, si le passé peut informer également, c'est qu'on a vu... Au forum qui a été mis sur pied par l'ancien gouvernement pour faire le bilan en vue de la nouvelle politique, il y avait beaucoup de projets... Moi, j'y étais, j'ai entendu, il y avait beaucoup de projets où on intégrait, par exemple, toute la situation des lesbiennes, la situation des femmes autochtones, des femmes immigrantes, la question des multiples discriminations, la question également de la paternité, la question de la réussite des garçons, c'était à l'intérieur des dossiers qui étaient portés par les féministes. Donc, je trouve qu'il faut faire attention à ne pas laisser croire qu'une approche spécifique, une approche de condition féminine n'est pas une approche intégratrice.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Alors, Mme la députée de Chauveau.

Mme Perreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Bouchard, Mme Beauregard, Mme Piette, bienvenue à vous. C'est extrêmement intéressant, la discussion qu'on a. Je vous dirais que d'emblée et spontanément je pense que les objectifs que nous poursuivons sont les mêmes et qu'on discute actuellement des moyens qu'on devra mettre en place pour atteindre ces objectifs-là.

Moi, j'ai lu attentivement votre mémoire et je veux vous ramener à des considérations qui sont un peu personnelles et que je partage aussi avec peut-être d'autres femmes.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous avez deux minutes.

Mme Perreault: Alors, ce ne sera pas très long. Ce matin ? je fais référence à votre mémoire, je veux juste être brève ? ce matin, la députée de Nelligan nous a dit: Moi, je ne me suis jamais questionnée à l'effet si je suis égale ou non, je me suis toujours considérée comme égale. Et ça m'a fait beaucoup réfléchir, parce que j'ai une jeune adolescente, et je dois vous dire que parfois je cherche le moyen de lui faire comprendre quelles luttes sa grand-mère, sa mère et son arrière-grand-mère ont dû mener pour qu'elle bénéficie aujourd'hui de cette pensée-là qu'elle a, qu'elle a toutes les chances, à n'importe quel titre et indépendamment du sexe qu'elle a.

Et je reviens à votre mémoire. Je suis en page 21, où vous nous dites ? et ça m'a comme un peu... puis je veux vous entendre là-dessus parce que je trouve ça extrêmement important, en ce sens que c'est peut-être là où on doit se rejoindre, avec les générations qui nous suivent: «Il fallait tenir compte du fait que les jeunes femmes d'aujourd'hui, dont on suppose qu'elles forment un groupe homogène, souhaitent collaborer avec les hommes et ne se reconnaissent pas dans un certain discours qui aurait atteint "sa limite".» Vous en avez parlé tout à l'heure. Alors, vous dites qu'il y a un certain nombre de jeunes femmes qui ne partagent pas cette vision-là, d'où la non-homogénéité aussi de la perception chez les jeunes femmes, et vous dites que ça...

Là, je reviens, parce que je veux faire vite, mais vous dites à quelque part qu'on utilise ? puis là je vous ramène à votre résumé, et ça, ça m'a un petit peu... ouf, j'ai fait: Oh là là!: «Par ailleurs, une stratégie politique qui mise sur l'utilisation abusive des jeunes femmes, qu'on présente comme plus ouvertes et plus conciliantes que leurs aînées, est décevante à plus d'un titre.» Et ça, j'avoue que c'est là où, moi, j'ai une crainte, en ce sens que je pense que le mouvement féministe et que les femmes en particulier, on a une responsabilité d'aller chercher la génération qui nous suit. Et je pense à ma petite fille de 14 ans et je peux vous dire que ce discours-là, moi, je ne suis pas capable d'aller la chercher. Je ne sais pas comment faire pour lui expliquer qu'elle a une responsabilité. Et, quand j'entends ma jeune collègue, qui est une femme scolarisée, qui a vécu une campagne électorale, qui est une femme engagée, qui me dit: Je me sens égale, c'est là où je veux vous entendre et vous dire: Dites-moi, à moi, comment on fait pour les rejoindre.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, on va vous entendre. S'il vous plaît, rapidement.

Mme Bouchard (Pierrette): Alors, je suis contente que vous souleviez cette question-là, parce qu'elle rejoint beaucoup mes travaux de recherche à moi en éducation puis auprès des jeunes filles puis des jeunes femmes. Je pense qu'il est très important de ramener les jeunes femmes à leur propre réalité, à leur époque, à ce qu'elles vivent présentement. Toute la question finalement de... le projet que je fais sur la sexualisation précoce des jeunes filles, c'est par là qu'il faut aller les chercher. Il faut aller les chercher par des problématiques actuelles, qui leur parlent. Il faut aller chercher comment ça s'exprime dans les cours d'école, qu'est-ce qu'il en est des relations amoureuses entre les jeunes et, tout comme nous d'ailleurs, il faut que ce soit quelque chose qui colle à notre réalité. Je pense que c'est comme ça qu'on va les chercher puis qu'on va faire du chemin. Et là on pourrait entrer beaucoup dans les moyens d'intervention concrets, mais ce n'est pas le lieu ici, à la commission. Mais nous avons produit, en tout cas mes différentes équipes de recherche et moi, beaucoup de matériel d'intervention pour faire ce type de travail là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, Mme Bouchard. La députée de Chauveau va sans doute communiquer avec vous pour avoir accès à ce matériel. Maintenant, de l'autre côté, la députée de Terrebonne. Mme la députée de Terrebonne, s'il vous plaît.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Bouchard, Mme Beauregard et Mme Piette. Je vous avoue que je devrai faire bien attention pour garder un ton serein, parce que personnellement je n'accepte vraiment pas que vous ayez reçu, suite à votre présentation, des commentaires avec un ton plutôt virulent, alors que vous venez présenter la même chose que la grande majorité des groupes qui sont venus nous voir, où vous présentez les mêmes concepts, vous présentez les mêmes inquiétudes et craintes, mais vous le faites avec une analyse sérieuse. Vous êtes des chercheuses spécialisées, avec une expertise, une expérience, et cette réaction-là, j'avoue, qui est presque, en termes de temps en tout cas, aussi longue que celle du groupe masculiniste haineux, hier, je n'accepte pas vraiment cette réaction-là. Vous ne présentez pas les choses différemment, vous les présentez d'une manière plus scientifique, plus analysée, mais ce n'est pas une raison pour que vos...

Je suis très mal à l'aise. Sincèrement, là, je n'accepte pas cette façon de faire. Vous avez mis le doigt sur des enjeux importants, vous avez bien dit que la misogynie, les propos sexistes ont toujours existé, dans cette lutte des femmes pour l'égalité de fait, mais maintenant il y a une différence: ils sont aussi portés par des groupes antiféministes ici, au Québec, et mondialement.

Vous avez aussi ramené un élément très important: que les hommes progressistes et proféministes qui soutiennent votre action et qui sont venus nous parler ont clairement dit qu'ils ne voulaient pas se retrouver sur les structures, ils voulaient accompagner, et ils n'ont pas reçu ces remarques-là.

Les jeunes femmes, vous avez raison de ne pas les traiter d'une manière globale. Et, les autres générations, est-ce que toutes les femmes s'associaient au mouvement féministes? Bien non, bien non. Elles faisaient faire les avancées, mais ce n'est pas toutes les femmes... D'ailleurs, dans la société, on a toujours joué sur cette division-là, joué sur les mots pour les dénigrer, pour éviter qu'il y ait effectivement des avancées plus fortes, et plus vites, et plus rapides. Et il y a des jeunes femmes féministes, des chercheuses qui vont venir nous parler. Moi, j'aurais aimé ça les entendre, j'avoue d'ailleurs, avant un groupe masculiniste haineux, parce qu'effectivement on appuie les prémisses là-dessus. Alors, j'aurais aimé ça les entendre, elles, bien avant les propos qu'on a entendus hier après-midi. Je reconnais votre expertise et je trouve qu'on se doit de la respecter.

n(16 h 50)n

Vous avez aussi une expertise importante... Et vous avez une petite note, dans le bas de page, que je veux que vous puissiez prendre le temps de nous éclairer, c'est sur l'analyse différenciée selon les sexes. Je trouve ça important de vous entendre là-dessus. Je sais que vous avez travaillé à ce niveau-là et que vous pouvez éclairer la commission, et j'aimerais ça vous entendre là-dessus, au niveau de l'analyse différenciée selon les sexes et l'approche intégrée d'égalité.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Bouchard, j'imagine? Oui. Alors, voilà.

Mme Bouchard (Pierrette): L'analyse différenciée, elle est une approche intéressante qui... On doit lui donner la chance encore de faire ses preuves, et je pense qu'il est très important, dans l'esprit... Justement, il y a eu un très bon texte de produit par le Secrétariat à la condition féminine, par Hélène Massé et une collaboratrice, qui présente l'esprit de l'approche différenciée, qui est une approche finalement qui vise à voir les effets, avec une excellente compréhension des inégalités entre les sexes, avec une très bonne compréhension que le groupe social discriminé, ce sont les femmes. Et on essaie de voir les effets des politiques, des mesures sur chacun des sexes, mais non seulement à très court terme en alignant des statistiques qui peuvent être récupérées par n'importe qui pour n'importe quoi, mais également de voir à plus long terme.

L'approche intégrée de l'égalité comprend et peut comprendre l'approche différenciée, mais elle... en tout cas, d'après les expériences qui ont lieu ailleurs et qu'on regroupe sous l'approche du «gender mainstreaming», elle inclut l'approche sociétale, que nous avons ici différenciée en faisant l'approche transversale, l'approche sociétale. Alors, l'approche transversale est également incluse évidemment dans l'approche intégrée de l'égalité. La différence, elle est là, elle est finalement dans le fait qu'elle ne comportait pas cette dimension-là d'approche sociétale mais qu'elle visait plutôt, à ma compréhension en tout cas, à tenir compte des effets et évidemment de toute la question de la transversalité au niveau de l'appareil d'État.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Avant de revenir, s'il reste du temps, je vais laisser ma collègue de Laurier-Dorion.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Laurier-Dorion, est-ce que vous êtes d'accord pour prendre la parole?

Mme Lefebvre: Oui, M. le Président. Merci. Bonjour. Donc, dans tout ce débat concernant l'appellation puis l'implication des deux genres dans un conseil, ou un secrétariat, ou... de quelle façon, selon vous, selon les recherches que vous avez faites ou selon votre expérience, il serait profitable ou avantageux d'impliquer davantage l'autres sexe afin d'arriver à l'égalité qu'on recherche tant?

Mme Bouchard (Pierrette): M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Certainement. Allez-y, Mme Bouchard.

Mme Bouchard (Pierrette): Alors, nous, comme je l'ai présenté, je pense qu'on considère très important de continuer à soutenir la participation, la collaboration avec les hommes au sein du mouvement social, parce qu'on a eu de beaux exemples ici, à la commission, depuis le début, comment, au sein de la société civile, que ce soit par les syndicats ou que ce soit autrement... Il y a des comités de femmes à peu près dans tous les syndicats. La FEUQ a présenté hier... On voit comment hommes et femmes peuvent participer ensemble à faire avancer la cause des femmes.

Nous, tout ce que nous disons, c'est qu'actuellement, dans le contexte actuel où il y a ces changements, cette montée de la droite puis aussi, au plan international, d'autres forces réactionnaires, c'est prématuré d'aller sur les structures gouvernementales, mais ce n'est pas du tout un rejet ou un refus de collaboration. C'est là dans nos pratiques, c'est là au sein du mouvement social des femmes et c'est là également dans l'approche spécifique, j'en ai parlé tantôt.

Mme Lefebvre: Une toute petite question.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci. Dans ce jonglage des concepts, quand on parle de discrimination systémique, si c'était possible de m'éclairer, selon vous, si, par exemple, l'application de la loi n° 7, de la loi n° 8, de la loi n° 34, qui a été adoptée récemment, se prolongeait dans le futur, est-ce qu'il y aurait lieu de voir une certaine discrimination systémique à l'égard des femmes?

Mme Bouchard (Pierrette): C'est bien certain qu'il y a des ? il faut continuer d'être observatrices, vigilantes ? recherches à faire. Hier, on a vu finalement, avec la démonstration de la FEUQ, qu'il y avait, alors qu'on ne le percevait pas à prime abord, qu'il y avait là des mécanismes qui faisaient qu'il y avait une discrimination systémique contre les étudiantes mères de famille monoparentale.

Alors, il est bien certain qu'il faut continuer finalement de poursuivre cette observation vigilante là. Et je pense que c'est ce que promet une approche transversale, si effectivement ? quand je la dis prometteuse, là ? si elle va vraiment dans le sens où elle doit aller. C'est-à-dire que la plupart des critiques à l'endroit de cette approche, dans les pays européens, disent que souvent l'État ne montre pas la bonne volonté qui est... ou en tout cas les gouvernements en place n'ont pas la bonne volonté qu'ils devraient montrer. En fait, tout le monde est supposé s'en occuper, mais personne ne s'en occupe. Mais, en soi, c'est une approche qui peut être intéressante.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je veux revenir aussi sur votre lecture de l'avis du Conseil du statut de la femme. Je pense que, comme chercheuses d'expérience, vous avez l'habitude et l'expertise pour lire des documents de recherche, ce que vous faites régulièrement, donc que vous voyez et rappelez des glissements dans le texte, puis je pense que c'est parce qu'ils existent vraiment. Votre professionnalisme fait en sorte que vous avez une crédibilité à cet égard-là.

Je n'ai pas votre expertise. Je suis porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine depuis deux ans, j'ai été secrétaire d'État à la condition féminine durant deux ans, et, moi aussi, j'y ai vu des glissements et une certaine ambiguïté. Et j'ai même dit, dans mes remarques préliminaires, que c'était très habilement fait, parce que quelqu'un qui n'a pas travaillé beaucoup avec les différents concepts ne peut pas voir les glissements.

Et le discours de la ministre, aussi, avant de donner ces mandats-là, au moment où elle avait lancé l'idée d'un conseil de l'égalité, a aussi amené des interrogations, ce qui était tout à fait normal. Et, quand on fait la lecture du document à partir de ce qui avait été dit, c'est évident qu'on les voit plus. Et quand le Conseil du statut de la femme parle, vers la fin, d'une structure gouvernementale, avec des mandats, bien ça ne vient pas nous dire qu'on a besoin de deux structures, qu'on a besoin d'une structure, d'un conseil autonome, plus un appareil gouvernemental, là, le Secrétariat à la condition féminine. D'ailleurs, ce n'est pas eux qui ont eu le mandat de remplir la commande des orientations et des axes.

Alors, moi, je veux vous entendre sur cette importance des glissements... à nouveau là-dessus. Pas sur les orientations comme telles, mais sur la vision d'ensemble qui fait en sorte que, oui, il faut qu'on le dise, puis c'est le temps de le dire, avant qu'on se retrouve avec une proposition de politique qui va nous amener des moyens d'action précis. C'est le temps de le dire.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): La parole est à vous, Mme Bouchard.

Mme Bouchard (Pierrette): Bien, j'aimerais dire dans un premier temps que nous croyons absolument à la bonne foi de Mme Courchesne et à celle du CSF finalement qui ont travaillé à faire cet avis. Il faut replacer finalement ce que nous avons amené comme critique dans un contexte, aussi, dans un contexte où il y a finalement... On a entendu ici, à la commission, finalement des gens dire qu'ils envoyaient 50 courriels, là, ou 50 lettres, et ainsi de suite, qu'ils publient dans les journaux, qu'ils font connaître finalement leur insatisfaction. Ça met sûrement beaucoup de pression sur les parlementaires. Et il est finalement difficile de régler cet état de tension qui s'installe. Et une façon peut-être de le faire, ça a été d'essayer de réguler, ce que j'appelle réguler, finalement les rapports entre les sexes de cette façon-là.

n(17 heures)n

Mais, une fois le projet mis en place pour essayer de contenter tout le monde et sa mère, il apparaît qu'il est très difficile de composer finalement en ayant une approche aussi rigoureuse qu'elle devrait être. Je vais vous donner l'exemple des stéréotypes. Je veux dire, je suis très près finalement de cette préoccupation-là; c'est mon travail de travailler à la socialisation différenciée et les stéréotypes. Mais les stéréotypes ne sont pas la cause de la discrimination systémique ou de la hiérarchie entre les hommes et les femmes, ils sont l'effet, l'effet de la division sexuelle des rôles et de la société. Donc, voyez-vous, c'est le genre de chose qui n'apparaît pas, qui n'est pas expliquée et qui fait qu'en fait on a de la difficulté à voir, et à interpréter, et à bien comprendre, et qui fait probablement aussi qu'on mésinterprète, de part et d'autre, certaines affaires. Parce qu'à l'intérieur du document même finalement on fait attention pour, un, suivre un projet qu'on a et, deux, en même temps d'intégrer tout un chacun.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Y a-t-il d'autres questions? Il reste un petit peu de temps, oui, pour une dernière question.

Mme Caron: D'accord. Comme il ne reste pas beaucoup de temps, je vais vous demander tout simplement, pour ne pas que ce soit moi qui choisisse à votre place, je vais vous demander de nous dire les messages les plus importants que vous souhaitez que la commission retienne de vos analyses, de vos recherches et de ce que vous avez travaillé.

Mme Bouchard (Pierrette): Alors, on voit la commission cheminer, et également je pense qu'il se dégage non seulement de notre intervention, mais de celle de plusieurs groupes, ce qui revient dans nos recommandations, c'est-à-dire... et finalement que Mme Courchesne dit de plus en plus clairement aussi, c'est-à-dire donc des prises de position... que le gouvernement dise clairement ce qu'il entend faire, que le gouvernement dise clairement qu'il reconnaît que la discrimination, elle est à l'égard des femmes, alors ça a été fait encore aujourd'hui, que... On travaille également à asseoir plus solidement les bases de la future politique d'égalité, pour que tout ça soit bien ficelé, que ce soit cohérent et qu'il n'y ait pas cette confusion-là. Je ne sais pas si mes collègues veulent ajouter avant qu'on termine?

Alors, Mme Caron, c'est ce que je dirais brièvement, sinon je vous redis tout mon mémoire au complet.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous remercie. Je remercie donc Mme Bouchard, Mme Beauregard, Mme Piette et j'invite Mme Jacinthe Lemire, d'Épreuves de la Coupe du monde cycliste féminine, à prendre place à la table, s'il vous plaît.

Je ne suspends pas les travaux.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la commission poursuit... S'il vous plaît! Je vous demanderais de reprendre vos places, si vous voulez que le président vous amène à 6 heures et pas après.

Alors, la commission poursuit ses travaux. Nous accueillons avec plaisir Mme Jacinthe Lemire, directrice, Communications et marketing d'Épreuves de la Coupe du monde cycliste féminine. Mme Lemire, vous connaissez les règles du jeu. Vous avez 20 minutes pour exposer ? vous n'êtes pas obligée de toutes les prendre ? l'essentiel de votre mémoire, et ensuite on aura des périodes d'échange de plus ou moins 20 minutes.

Épreuves de la Coupe
du monde cycliste féminine

Mme Lemire (Jacinthe): Merci, M. le Président, merci, Mme la ministre et MM., Mmes les députés, de m'avoir accueillie.

Bon, mon mémoire étant court, comme vous l'avez remarqué, j'ai décidé de le lire mais d'ajouter quelques exemples qui pourraient être intéressants, là, pour l'étoffer un petit peu.

Je vais tout d'abord vous présenter brièvement l'organisme que je représente, qui est Épreuves de la Coupe du monde cycliste féminine. Depuis sa création, en 1998, notre organisme a réalisé plus de 29 événements en sept ans, donc sept éditions de la Coupe du monde de cyclisme féminin, qui est la seule coupe du monde de cyclisme sur route dans toutes les Amériques, et trois éditions du Tour du Grand Montréal, qui est la seule épreuve de grand tour dans toutes les Amériques.

Parmi les nombreux prix que notre organisme s'est mérités, notons le lauréat Or, au Gala national des Grands Prix du tourisme, 2004 dans la catégorie Manifestations touristiques d'un budget de moins de 500 000 $. Mais rappelons surtout que le président de l'organisme, Daniel Manibal, a été désigné pendant deux années consécutives, en 2002 et en 2003, par l'Union cycliste internationale comme étant la personne qui a contribué le plus au cyclisme féminin dans le monde. Cette nomination le porta candidat au diplôme Femme et sport remis par le Comité international olympique, qu'il remporta également en 2002 et en 2003 pour sa contribution remarquable à la cause des femmes et du sport dans le monde.

Malgré la précarité financière dont notre organisme fait face, notre président, M. Manibal, tient à poursuivre sa mission de l'équité des femmes dans le monde du sport, allant même jusqu'à investir personnellement des sommes considérables vu le manque de fonds en termes de commandites et de subventions. En tant que femme, j'ai cru bon de venir discuter puis de présenter un peu nos visions, un peu, là, de la situation des femmes dans notre société et surtout dans le monde du sport.

Maintenant, on va passer au mémoire. Bon, c'est sûr que ce mémoire porte sur l'équité entre les femmes et les hommes, mais son contenu va sûrement différer de la plupart des mémoires que vous avez lus, en ce sens que c'est un mémoire qui est peut-être une base plus pratique que théorique et surtout aussi qu'il traite d'un sujet qui est peu connu mais pourtant important, dans la voie de l'équité entre les femmes et les hommes, qui est le sport. Moi, j'aimerais rappeler que le sport, on dit souvent que c'est le reflet de la société, et c'est pour ça que j'ai cru important de vous en parler.

L'équité entre les femmes et les hommes dans le sport est loin d'être acquise, au Québec. Nous croyons que quatre acteurs principaux sont impliqués dans l'amélioration des conditions de vie des athlètes féminines, des événements et de tout ce qui a rapport au monde du sport féminin, c'est-à-dire le gouvernement, le secteur privé, les médias et la société en général.

Lorsque je parle de sport féminin, bien c'est sûr que je parle de sport amateur, parce que les femmes ne peuvent même pas encore espérer de faire partie du monde du sport professionnel, qui diffère principalement du sport amateur par les salaires élevés des athlètes et aucunement sur la charge de travail effectué par ceux-ci. En effet, selon les moeurs québécoises, la culture sportive est un phénomène purement masculin et purement professionnel. Le hockey, le baseball, le football occupent, la plupart du temps, plus de 80 % de la couverture sportive dans les médias et, par le fait même, sont les seuls sports dont les athlètes sont connus de la population québécoise.

Non reconnues, les athlètes féminines ont également moins de chances de se développer. Les programmes sportifs pour jeunes filles sont presque inexistants. Par ailleurs, une fois que les athlètes féminines sont au niveau élite, les bourses sont trop basses pour qu'elles puissent vivre de leur sport. Je vais prendre seulement l'exemple du cyclisme, puisque c'est mon domaine, où l'Union cycliste internationale a établi la bourse du gagnant à une épreuve sur route d'une journée à 4 500 FS et la bourse d'une gagnante à une épreuve similaire à seulement 525 FS, soit neuf fois inférieure à la bourse remise à un homme. Le total des bourses remises à une telle épreuve, du 1er au 20e dans les rangs, etc., pour les hommes, ce serait à 20 000 FS et, chez les femmes, à 3 250 FS, soit une somme six fois moins élevée.

Mais, en même temps, comme, les événements féminins, on n'a pas beaucoup de sous, heureusement qu'on ne nous demande pas de donner autant d'argent que ça ici aux athlètes, parce que sinon c'est sûr qu'on mourrait demain matin, ce qui est malheureux. De plus, pour les quelques événements féminins internationaux, qui survivent de peine et de misère, les difficultés sont de plus en plus grandes année après année. Les programmes de subventions gouvernementales ne font pas de distinction du fait que les événements féminins ont de plus grandes difficultés à trouver des commandites privées que des événements masculins.

Dans le cadre de cette commission parlementaire, nous nous sommes demandé: Comment les Québécoises et les Québécois peuvent-ils améliorer le sort du sport féminin amateur élite? On croit que les divers paliers de gouvernement, les entreprises privées, les médias et la société, surtout le monde de l'éducation pris au sens large, doivent, à des degrés divers et sous des angles qui leur sont propres, être les acteurs de premier ordre dans l'avancement de l'équité entre les femmes et les hommes dans le domaine du sport.

n(17 h 10)n

Maintenant, le rôle du gouvernement. Je vais commencer avec ça. Je ne parle pas seulement du gouvernement provincial, je vais parler de municipal, scolaire, fédéral, etc. Bien, le rôle du gouvernement dans la promotion de l'équité entre les femmes et les hommes est double. D'une part, le gouvernement a un rôle de soutien financier dans le monde du sport féminin, c'est-à-dire qu'il devrait augmenter le montant des subventions aux athlètes féminines, aux programmes d'incitation des jeunes filles à faire du sport et aux événements sportifs destinés à l'élite féminine. La raison est simple: les athlètes féminines, les clubs sportifs, les événements, les programmes sportifs destinés aux femmes et aux jeunes filles reçoivent moins de soutien financier de la part des entreprises privées que leurs homologues masculins. On croit qu'afin de rétablir l'équité financière en matière de sport entre les femmes et les hommes, comme on s'est dotés d'un gouvernement social, on devrait ajuster ces subventions selon la réalité financière de chacun.

D'autre part, le gouvernement a pour rôle d'élaborer des mesures incitatives pour encourager les femmes à faire partie des décideurs des fédérations sportives. Les fédérations sportives n'ont encore très peu de femmes sur leur conseil d'administration et dans les postes de décideurs. En encourageant la présence de femmes à la tête de ces fédérations, le gouvernement aidera à promouvoir l'équité entre les femmes et les hommes au sein des décideurs des fédérations sportives.

Je vais vous donner un petit exemple de ce qui a été fait en Belgique francophone. Le ministre des Sports, Rudy Demotte, a écrit à toutes les fédérations sportives dernièrement pour qu'elles veillent à ce qu'au moins 20 % de femmes soient présentes au sein de leur conseil d'administration, et ce, dès la plus proche assemblée générale ordinaire ayant le renouvellement des conseils d'administration à l'ordre du jour. Pourquoi il a mis 20 %? C'est peu, mais ce serait... c'est déjà beaucoup plus. En fait, le 20 %, c'est parce que c'est le pourcentage qui est souhaité par le CIO d'ici la fin de l'année 2005. Puis, bien, le ministère de Belgique, comme ça, là, il considère que c'était déjà une première étape.

Le rôle des entreprises privées. Bon, les entreprises privées, à l'heure actuelle, soutiennent très peu le sport féminin, pour plusieurs raisons. Certaines firmes croient que la commandite d'une athlète, d'une équipe ou d'un événement sportif féminin n'apportera pas la visibilité que peuvent apporter les messages publicitaires à la radio, à la télévision ou des événements masculins. On sait cependant qu'un seul message publicitaire de 30 secondes peut coûter jusqu'à 20 000 $, pour un cote d'écoute de 1 million d'auditeurs dont une partie optera pour le «zappage» lors de la pause publicitaire. Les messages publicitaires étant habituellement achetés en blocs de 13, six minutes et demie d'antenne coûteraient à l'entreprise 2 600 $.

D'un autre côté, la commandite en titre d'un événement sportif féminin donnera de 30 à 50 fois plus de visibilité, rejoindra le même nombre de personnes pour 10 fois moins cher. Malheureusement pour nous, heureusement pour les commanditaires, je peux vous affirmer que notre événement ou n'importe quel événement féminin est une véritable aubaine en termes de coût versus la visibilité obtenue, mais on a l'impression que les entreprises privées ne le reconnaissent pas et ne savent pas ça, même si, quand je vais les rencontrer, j'essaie de leur expliquer. On dirait que le message ne passe pas.

D'autres firmes iront même jusqu'à l'insulte en affirmant qu'elles ne peuvent contribuer à la cause du sport féminin parce que leur fondation de bienfaisance, c'est plutôt les enfants malades, les gens défavorisés, la lutte contre le cancer. Bien que je n'aie absolument rien contre les dons et, bon, tout ce qu'on sait, là, par rapport aux gens qui sont plus défavorisés, je ne considère pas que le sport féminin est une cause humanitaire auprès de laquelle on devrait faire des dons. En tant que directrice marketing des Épreuves de la Coupe de monde cycliste féminine, je vais vous avouer que je me suis heurtée à quelques reprises à cette réponse qui est, ma foi, désolante. Mais, à en voir la qualité de vie des gens qui en vivent, du sport féminin, je peux vous dire que peut-être que ça a tout d'une cause humanitaire, avec l'injustice, la pauvreté, le harcèlement et les préjugés qui font partie de cet environnement, mais qui fait également partie en général de l'environnement de la société, puisque le sport, c'est le reflet de la société, comme j'ai dit plus tôt.

Il faut cependant que le potentiel de marketing du sport féminin soit utilisé à son plus haut potentiel et considéré par les entreprises comme un véritable canal de visibilité, tout comme le sont les événements de sport masculin tels le hockey, qu'il soit junior ou professionnel, le football, mais aussi le cyclisme et le tennis. En effet, les entreprises oublient souvent que les femmes sont la plupart du temps les décideuses en termes de consommation domestique.

Une des entreprises encourageant le plus le sport féminin au Québec est RONA, et puis RONA a bien compris ce fait. Profitant de la mode du cocooning, de la décoration et de la rénovation intérieures, l'entreprise RONA a percé le marché féminin en commanditant la cycliste Geneviève Janson ainsi que son équipe cycliste. Pour un montant minime compte tenu de la visibilité que l'équipe a donné à l'entreprise, RONA a réussi à percer le marché féminin et à amener les femmes dans ses magasins. RONA poursuit présentement avec brillance son soutien au sport féminin en étant le commanditaire de Mélanie Turgeon, la skieuse.

J'ai aussi une anecdote intéressante à vous communiquer. C'est une entreprise allemande d'assurance, qui s'appelle Nuremberg, qui autrefois investissait massivement dans une équipe masculine en cyclisme, mais, après analyse, se sont rendu compte qu'en investissant massivement également, mais toujours quand même un peu moins, dans une équipe cycliste féminine ? ils investissent maintenant 800 000 euros ? et ils se sont rendu compte qu'ils ont le double de la visibilité par rapport au prix que ça coûte, par rapport au temps où est-ce qu'ils commanditaient leur équipe masculine. Et puis maintenant, bien, en 2004, l'équipe Nuremberg, c'est la meilleure équipe au monde.

Il est grand temps que le secteur privé réalise que le sport féminin est une excellente source de visibilité. Les athlètes, les équipes, les événements sportifs permettent à l'entreprise de se donner une image de marque à des coûts beaucoup moins élevés que ce que proposent d'autres médias.

On invite aussi les femmes dirigeantes d'entreprise à faire le premier pas dans cette direction afin d'appuyer les femmes dans l'atteinte de l'égalité dans le monde sportif. Je dois vous affirmer que rares sont les femmes dirigeantes qui s'impliquent dans le monde sportif, comme si c'était un monde réservé strictement aux hommes. Devant cette situation, je me trouve devant l'évidence que le monde économique féminin n'est pas solidaire à la cause de l'émergence des femmes dans des domaines aussi masculins que le sport.

Le rôle des médias, maintenant. Les médias jouent un rôle très important en ce qui concerne l'équité entre les femmes et les hommes, mais malheureusement, à l'heure actuelle, la plupart des médias couvrent le sport féminin de manière médiocre. Alors que certains diront que le sport féminin n'est pas assez populaire pour qu'il ait une couverture médiatique semblable au sport masculin, on peut également se demander si un sport devient populaire suite à la couverture dans les médias ou si les médias attendent qu'un sport devienne populaire avant d'en faire une manchette. Dans plusieurs cas, ce sont les médias qui apportent la popularité à un sport, comme en témoigne l'effervescence subite qu'a connue le football universitaire l'automne dernier. La rivalité Montréal-Québec que représentaient les équipes Rouge et Or de l'Université Laval et les Carabins de l'Université de Montréal, conjuguée à l'absence de sport professionnel, a amené les médias à parler du football universitaire, qui passait totalement inaperçu dans les années passées auprès de la population.

Il semble que les médias ne couvrent presque pas le sport féminin, parce que dans notre société la culture sportive ne fait référence qu'au hockey, au baseball, au football ou à la boxe, qui sont des sports de toute évidence qui évoquent beaucoup plus la masculinité, comme l'agression, la force et la musculature, que le dépassement de soi.

Bon, maintenant, ici, je ne vais pas parler de la visibilité comme telle de nos événements cyclistes. Tout ce préambule-là n'est pas pour me plaindre en tant qu'événement, parce qu'on est chanceux, on a une très bonne couverture. Et puis, puisque nos événements locaux donnent la chance à des athlètes de très haut niveau, dont plusieurs Québécoises, je peux dire que notre revue de presse est fortement enviée par d'autres événements ou d'autres actualités traitant du sport féminin. Sauf que, pour atteindre ce niveau de visibilité, nos athlètes féminines qui participent à nos événements ont dû effectuer des prouesses immenses pour avoir le respect des journalistes.

Je vais donner un exemple, je vais prendre l'exemple de Lyne Bessette, qui est une cycliste qui a participé aux Jeux olympiques, qui est arrivée 17e au Championnat du monde, qui a gagné cinq grands tours internationaux l'an passé, qui a reçu une visibilité médiatique, certes, mais pas à outrance non plus. Je vais prendre aussi, en comparaison, les armes de Charles Dionne, qui est un bon cycliste, un cycliste de la région de Québec qui a donné une performance, je dirais, l'année passée, des performances modestes, mais qui a gagné un seul tour l'an passé, c'est le tour de San Francisco, parmi lesquels participants il y avait Lance Armstrong, et puis ce titre lui a valu les grands titres dans les quotidiens, puis même la Personnalité de la semaine dans La Presse.

Ceux qui diront qu'il y a moins de femmes cyclistes, qui vont dire que Lyne Bessette ou Geneviève Janson ont moins de mérite, je dirai que, lors des coupes du monde européennes, telle la Flèche Wallonne, en Belgique, il y a au-delà de 180 coureuses, ce qui est à peu près le même nombre que de coureurs, puis que, depuis le début de la Coupe du monde de Montréal, ici, le nombre de coureuses a plus que quadruplé depuis huit ans.

En 2004, plusieurs journalistes se sont plu à dénigrer le sport féminin, que ce soit le cyclisme, le tennis ou le hockey, en disant que les filles ne savent pas rouler sur un vélo, que le tennis féminin est lent et ennuyeux et que les hockeyeuses sont toutes des lesbiennes. Quelle honte pour une société moderne comme la nôtre! Nous croyons que les médias devraient appuyer le sport féminin en lui donnant une image et la couverture médiatique qu'il mérite en interdisant la publication de propos misogynes.

n(17 h 20)n

Enfin, je vais vous parler un peu du rôle de la société. Comme le souligne Jennifer Hargreaves dans son live Sporting Females, le corps idéalisé d'un homme sportif, fort, agressif, musclé, c'est un symbole populaire de la masculinité contre lequel les femmes, qui sont caractérisées comme inférieures, est mesuré. En fait, les valeurs fondamentales du dépassement de soi, de la bonne forme physique et de la santé, dans le monde du sport, ont été mises au rancart au profit d'une image machiste du sport. Hargreaves qualifie ce phénomène de «musculinité». Les femmes seront traitées comme des être inférieurs tant que le sport sera unilatéralement lié à cette musculinité, qui fait partie intégrale de l'éducation des garçons et des filles. Je pense que les filles ont besoin de modèles comme l'ont été Nadia Comaneci, Manon Rhéaume, comme le sont présentement Mélanie Turgeon, Dominique Maltais, en surf des neiges, Lyne Bessette, Chantal Petitclerc, etc. Et je pense que c'est en appuyant fortement le sport féminin qu'on va pouvoir poursuivre ces modèles-là puis qu'on pourra en avoir encore dans le futur.

En conclusion, j'espère que ce mémoire pourra éclairer les auditeurs de la consultation générale en ce qui a trait à l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine du sport amateur. La prochaine étape et l'atteinte de l'égalité dans le domaine sportif serait selon moi de rendre le sport professionnel accessible aux femmes et d'éliminer tous les préjugés entourant le sport féminin. On est encore loin de cette situation, mais nous croyons sincèrement que les Québécoises et les Québécois peuvent commencer dès aujourd'hui à changer les moeurs déchues du monde du sport en ce qui a trait au traitement des femmes.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci, Mme Lemire. Nous ouvrons un premier bloc d'échange avec les membres du parti gouvernemental. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mme Lemire, bienvenue. Malgré l'heure tardive, je veux vous remercier d'être présente avec nous. C'est toujours ingrat d'être la dernière, mais soyez assurée de l'intérêt. D'abord, je veux vous féliciter, parce que c'est super intéressant d'apporter cette dimension dont on ne parle pas suffisamment, et vous avez raison, et vous avez eu raison de prendre la peine d'écrire ce que vous avez fait et en plus d'être là, parce que ce que ça démontre, ce que votre mémoire démontre et votre présentation, c'est le très, très haut niveau de préjugés à l'égard d'un secteur d'activité, puis un secteur d'activité sur lequel on met de plus en plus l'importance, parce qu'on dit de plus en plus que le sport est certainement la mesure préventive pour maintenir la santé. Mais, en plus, quand on fait affaire à des niveaux comme celui que vous représentez, bien là, évidemment, on a affaire à véritablement un calibre d'athlètes, de femmes qui sacrifient beaucoup, qui mettent des heures et des heures d'entraînement, qui souffrent parce que c'est souvent très, très dur physiquement et qui ont fait des choix avec des obstacles qui sont immenses devant elles.

Donc, j'apprécie que vous veniez rappeler à la commission ce niveau de préjugés, et vous le citez à différentes... en fait, ce qu'on constate à la lecture, c'est que les préjugés sont partout, ils sont partout puis ils entraînent aussi des conséquences qui sont importantes. Donc, on les a dans la publicité, on les a dans les médias, on les a dans l'entreprise privée, on les a à toutes les étapes de cheminement de l'athlète. C'est quand même... et on en parle peu. Alors, ce qu'on voit au cours de la commission, tous les groupes sont venus le dire, c'est toujours ce nécessaire exercice de sensibilisation ou d'essayer de faire en sorte qu'on prenne conscience qu'il faut corriger ces iniquités.

Vous parlez aussi de la présence des femmes dans les fédérations, donc dans le lieux de pouvoir, de décision pour changer le cours des choses, parce que, si vous êtes... si les femmes sont dans les fédérations, bien elles vont pouvoir porter la voix que vous portez devant nous aujourd'hui, c'est la façon dont je le comprends.

Ma première question ira un peu dans ce sens-là. Vous parlez du rôle du gouvernement pour avoir des mesures incitatives, mais est-ce qu'on peut faire plus? C'est-à-dire, déjà dans le programme... le plan d'action de violence conjugale, on a une mesure pour justement faire tomber les stéréotypes, les préjugés, pour combattre la violence verbale, la violence psychologique et même physique dans les sports, particulièrement chez les jeunes. Ça, c'est un premier pas. Mais est-ce que vous voyez autre chose du gouvernement... est-ce que le gouvernement peut s'associer davantage à des organismes comme le vôtre pour faire tomber ces préjugés-là?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Lemire, je pense que vous avez évoqué l'idée, là, de subventions qui seraient ajustées au soutien que l'entreprise privée vous donne ou ne donne pas.

Mme Lemire (Jacinthe): Je peux vous dire que... je vais parler pour mon événement, malgré que j'imagine que c'est comme ça dans d'autres événements féminins. Je peux vous dire que je sens malheureusement une certaine discrimination également de la part du gouvernement quand il vient le temps d'octroyer des subventions, dans le sens où il y a des événements cyclistes masculins qui sont de moins grande envergure, dans le sens où ils sont de niveau continental et non des coupes du monde, qui vont recevoir notamment des plus grandes subventions de la part des ministères, du ministère du Québec... du gouvernement du Québec, mais également de sociétés fédérales, comme Postes Canada, comme d'autres... comme Sports Canada, comme... bon, des choses comme ça. Ça, je peux vous dire que, oui, c'est sûr que c'est frustrant de s'être battues pendant huit ans, d'avoir amené une coupe du monde... Je vous rappelle qu'il y en a seulement que 11 dans le monde, on n'en a pas beaucoup. Puis c'est sûr que, oui, on a de la misère à aller chercher de la commandite d'entreprises privées, mais également on a des montants de subvention qui sont moins élevés, du côté du gouvernement, par rapport à des événements masculins. Donc, je pense que le gouvernement pourrait en faire... faire beaucoup, là.

Puis également, par rapport à ce que vous me disiez par rapport aux fédérations sportives, moi, j'avais apporté l'exemple, là, de la Belgique, où seulement que le ministre du Sport avait écrit des lettres pour inciter, là, les fédérations à avoir plus de... Des fois, c'est de donner un exemple, mais c'est d'inciter sans, mettons, mettre une règle, une politique auprès des fédérations, c'est de les encourager en fait, une petite tape en arrière du dos, puis dire: Vas-y, tu sais, on vous incite, puis c'est important, on juge que c'est important.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Quand vous parlez de discrimination, et vous avez donné des exemples de sports, là, où on est méchant, là, c'est des discriminations qui sont très... qui attaquent les femmes personnellement, où on préjudice leur orientation sexuelle, on préjudice de leur... beaucoup à cet égard-là, mais à d'autres égards. Est-ce que, d'après vous, dans les milieux scolaires ou dans les... est-ce que vous sentez qu'on... parce que vous parlez de l'entreprise privée, du gouvernement, des médias ? parce qu'ensuite je veux laisser la parole à mes collègues ? mais est-ce qu'il y a des efforts, par les fédérations, qui sont faits dans les milieux scolaires, par exemple, ou si vous considérez, là, que, tous les intervenants confondus, là, vraiment, on part vraiment, vraiment à zéro ou à...

Mme Lemire (Jacinthe): Je pars de ce que je me rappelle, de mon expérience personnelle, de quand j'étais toute petite et dans mes cours d'éducation physique, je me rappelle qu'on avait... qu'on nous inculquait ce genre de respect là entre les genres. Moi, j'avais des cours qui étaient mixtes et puis que: Les petits garçons, faites attention aux petites filles, dans les sports, tout ça. Mais on a ça au primaire, et puis, à un moment donné, les enfants deviennent des adolescents, puis par la suite bien c'est sûr qu'il devient un plus grand sexisme, là, par rapport à ça. Et puis, pour ce qui est des fédérations, je peux vous dire que malheureusement... en tout cas pour ce qui est de notre fédération à nous, ils ne vont pas... malheureusement, ils ne vont pas essayer d'aller dans les écoles puis de faire face...

Premièrement, ce ne sont presque que des hommes, dans ces fédérations-là, ils ne voient pas l'importance... J'ai même déjà entendu des histoires d'horreur d'une fédération sportive qui avait fermé les yeux devant des agressions sexuelles face à des athlètes. Et puis, je veux dire, ces personnes-là, il y en a là-dedans qui ont des filles, mais qu'est-ce qu'elles font? Moi, je trouvais ça... Je trouvais que c'étaient vraiment des histoires d'horreur.

Mme Courchesne: Une dernière petite question. Est-ce que vous avez déjà sensibilisé justement les parlementaires ou les ministres? Est-ce que... Écoutez, moi, je ne suis pas dans ce domaine-là, mais est-ce qu'à votre connaissance c'est la première fois qu'on en parle, aujourd'hui, ouvertement, publiquement, dans une commission parlementaire? Est-ce que selon vous il y a des démarches de faites auprès des élus? Parce que, moi, je trouve ça très important, là. On est tous des parlementaires. Soyez assurée que... Je suis convaincue, du côté de l'opposition comme de notre côté, on va porter votre voix, là. Mais est-ce qu'il y a déjà quelque chose qui a été tenté?

Mme Lemire (Jacinthe): Bien, de notre part, c'est la première fois qu'on vient en commission parlementaire, c'est la première fois que j'écris un mémoire comme ça. Mais je pense qu'avec les événements qu'on a faits puis avec... on fait des courses pour jeunes aussi, puis qu'on incite vraiment... Un garçon, une fille, on a autant... on essaie d'avoir l'équité. Dans les courses pour jeunes, on amène des garçons, des filles à venir participer à des courses pour jeunes. Puis aussi, je pense que, juste en faisant nos événements puis en essayant d'amener les femmes, comme ça, sur la place publique, on essaie de faire un peu notre part dans ce sens-là. Mais c'est la première fois vraiment, là, qu'on dépose un mémoire comme ça, là, par rapport à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, s'il vous plaît.

n(17 h 30)n

M. Bernard: Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Mme Lemire. Puis je dois vous dire tout de suite que votre mémoire, je pense, reflète très bien la réalité. Puis, à cet égard-là, il ne fait aucun doute, quand on regarde qu'est-ce qui se passe de manière générale ou au niveau du sport, vous exprimez très bien une réalité, puis je pense que c'est indéniable. Puis il y a du travail à faire à cet égard-là.

Toutefois, je vais vous poser une question: Est-ce que le Québec... mais surtout, est-ce que Montréal est encore une ville sportive et est-ce que le Québec est une société sportive? Puis je vais vous donner une série d'exemples qui expriment mon point, puis je pense que qu'est-ce que vous vivez souffre de ça.

On regarde qu'est-ce qui s'est passé récemment, avec la saga des jeux de natation qui s'en viennent: l'industrie privée ne s'est pas impliquée dans le financement, O.K., puis là ce n'est pas rien que féminin, c'est le volet natation, en partant. Alors, on voit déjà qu'il y a une problématique à cet égard-là. Montréal, je lisais un article récemment, puis il disait: C'est la ville d'un seul club, le Canadien de Montréal.

Puis les exemples que je vais vous donner à cet égard-là... Regardez Rouyn-Noranda. On a des clubs de hockey junior. Au Québec, Montréal n'a jamais réussi à garder un club de hockey du junior majeur. Ça a été Laval, ça a été Verdun, des petites; ça a duré quelques années, ça a fait faillite, les gens n'y allaient pas. Financement difficile. Regardez, après ça, Rouyn-Noranda, Abitibi-Témiscamingue. On a un tour cycliste, que vous devez connaître, depuis de nombreuses années. Cette année, on fait face à un problème: plus de municipalité qui veut le garder.

Et ce qui m'amène à dire... Moi, je regarde la dynamique du sport depuis longtemps, avec la saga des Expos, etc. Actuellement, moi, je me dis que la société québécoise a changé. La société québécoise maintenant investit dans les activités familiales, c'est-à-dire les festivals. Rouyn, ils ont fait un choix, ils ont dit: Nous autres, on ne met plus d'argent nécessairement dans le Tour cycliste, on envoie ça sur les feux d'artifice qui vont avoir lieu maintenant à Rouyn-Noranda. On met l'argent là. C'est une activité familiale, qui rejoint toute la famille. Montréal, c'est maintenant inondé de festivals, que ce soit celui du jazz, les Francofolies, etc. Québec, c'est la même chose.

Alors, moi, je pense, actuellement, ma vision, c'est que la société québécoise a évolué vers d'autres activités et que le milieu sportif, qui est un milieu, puis vous l'avez très bien souligné, à grande majorité masculin, n'est plus là, n'est plus là pour aider à subventionner du sport amateur, et vous souffrez malheureusement de toute cette dynamique-là, en plus de la discrimination que vous vivez. Alors, moi, c'est ma perception par rapport à ça: on n'est plus une société de sports.

Mme Lemire (Jacinthe): Bon. Bien, merci pour vos...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Est-ce que vous pouvez faire un lien avec votre mémoire?

Mme Lemire (Jacinthe): Oui.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien.

Mme Lemire (Jacinthe): Oui, parce qu'en fait, quand j'étais dans l'auto, tantôt, je m'en venais ici, puis justement je pensais à ça, à toute la saga des événements qu'on a eus dernièrement. Je n'entrerai pas dans l'organisation qu'a faite ou que n'a pas faite la FINA, parce que, bon, je ne voudrais pas embarquer là-dedans, je trouve ça trop frustrant. Mais j'ai un exemple, par exemple, pour vous, dans la région de Québec, que, le Tour de France, on a parlé ? et vous en avez sûrement entendu parler beaucoup, on est dans la région de Québec ? on voulait amener le Tour de France à Québec...

Une voix: Seulement une étape.

Mme Lemire (Jacinthe): Une étape du Tour de France. Alors que, nous, étant dans le bain, et connaissant les gens du Tour de France, et connaissant les gens à l'Union cycliste internationale, savions pertinemment que ça ne pouvait pas avoir lieu, le gouvernement a quand même décidé d'investir des sommes d'argent très importantes, le maire de Québec également. Et puis pourquoi? Pour se faire dire un non.

Quand on a la FINA, où la ville de Montréal nous a refusé un montant d'argent qu'on leur avait demandé l'an passé ? parce qu'on ne leur demande pas d'argent, même s'ils ont la commandite en titre, je pourrais dire, parce que c'est la Coupe du monde de Montréal ? quand on leur a demandé une demande d'aide ponctuelle, parce qu'on avait beaucoup de difficultés l'an passé, ils nous ont refusés ? c'était, là, dans les cinq chiffres, là, ce n'était pas dans les six chiffres ? et puis que j'entends M. le maire de Montréal dire qu'il est prêt à donner 12 millions à un événement qui n'est pas récurrent, moi, ça me désole.

Ça fait que peut-être que, oui, vous avez raison de dire que le Québec... Montréal n'est pas une ville sportive tant que ça, comme on peut en voir ailleurs. Mais, moi, je peux dire qu'il y a des grandes injustices, quand on nous refuse des petits montants d'argent juste pour qu'on survive. Moi, je vais vous dire que je travaille presque bénévolement, là, pour la Coupe du monde, puis je le fais à temps plein, O.K.? Puis M. Manibal a investi beaucoup d'argent d'une manière... personnellement. Et puis, quand on est là puis on voit dans les journaux qu'on est prêt à investir 12 millions, 10 millions, 40 millions pour des événements qui ne sont même pas récurrents, en tout cas, moi, ça me laisse perplexe, vraiment.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Maskinongé, s'il vous plaît.

Mme Gaudet: Alors, merci de votre présentation. Vraiment, vous nous faites une belle sensibilisation, là, des problématiques vécues par les athlètes féminines.

Moi, avant d'être députée, j'étais directrice d'une école secondaire, j'ai été directrice aussi d'une école primaire, et je me demandais, à vous écouter, qu'est-ce qui aurait pu être fait de plus pour inviter nos filles à faire davantage de sport. Parce que toute cette éducation ? puis je pense à l'activité physique, ça commence jeune, hein, ça commence dans nos écoles. Et l'image que j'ai, c'est que très souvent les filles n'aiment pas l'activité sportive, tu sais?

Si je fais des comparatifs au niveau, par exemple, d'un groupe de garçons, même si c'est mixte, là, les filles demandaient beaucoup des exemptions des cours d'éducation physique, et tout ça. Et, pour moi, au niveau du secondaire, c'était une préoccupation extrêmement importante, parce que je n'arrivais pas à comprendre, et j'ai fait beaucoup d'échanges avec les enseignants en éducation physique, avec les parents pour inciter davantage les filles à aller dans... au niveau des activités physiques.

Alors, j'aimerais ça vous entendre et que vous nous disiez aussi qu'est-ce qu'on peut faire de plus pour vous supporter.

Mme Lemire (Jacinthe): Bien, nous, en fait, je peux vous dire que déjà on veut commencer un programme de courses pour les jeunes dans les écoles. Parce que c'est sûr que là, bon, le gouvernement, on le sait tous, là, c'est vraiment «Québec, on bouge», bon, tout ça, «Le Québec au jeu», tout ça, vont... puis le ministère de l'Éducation veulent amener les élèves puis les jeunes à faire du sport. Puis nous, un peu dans ce cadre-là, on veut amener les jeunes à venir faire du vélo, à faire des activités de vélo, dans les écoles. Cette année, on aura approché peut-être cinq ou six commissions scolaires déjà, pour notre première année; on aimerait étendre ça à toute la province de Québec pour que... Un vélo, tout le monde en a un, un vélo, ça ne coûte pas cher, il n'y a pas d'équipement de hockey, il n'y a pas de location de glace puis ça se fait une bonne partie de l'année. Ça fait que c'était vraiment quelque chose qu'on trouvait intéressant.

Nous, on fait ça de manière indépendante, on fait ça de manière... tu sais? On n'a pas attendu, là, d'avoir une subvention, là, du gouvernement, ou «whatever», tu sais, pour commencer. C'est sûr que, bon, il va falloir qu'on aille chercher des sous à quelque part, mais il y a moyen de... J'invite en fait tous les organismes et tous les professeurs. Moi, j'ai rencontré des professeurs qui étaient totalement dévoués, des conseillers pédagogiques qui étaient totalement dévoués pour que les jeunes bougent.

Pour ce qui est des filles, je lisais, là, bon, je fouillais un peu dans mes textes, parce que j'avais fait des recherches quand j'ai fait mon mémoire, puis comment, bon... Oui, c'est vrai que souvent les filles vont moins aimer le sport. Des fois, ça peut être par gêne de montrer son corps, bon, quand tu es à la puberté, tout ça, en short, tout ça. Puis aussi, ils disaient que c'est sûr qu'il y en a des préjugés parmi les petits gars: Ah, tu n'es pas bonne! Ah, non, on ne veut pas des filles! Je me rappelle, quand j'étais au primaire, comment, nous, on était confinées à notre ballon-poire et que les jeunes garçons, eux autres, c'étaient des terrains, puis ils jouaient au ballon-chasseur, tout ça. Puis c'est sûr que la ségrégation, elle commence là.

Maintenant, c'est de voir: Est-ce que les professeurs peuvent faire plus? Est-ce qu'il peut y avoir une plus grande sensibilisation? Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir des athlètes féminines qui pourraient faire le tour des écoles? Il y en a, il y en a eu. Émilie Mondor, dans ma région, la région des Moulins, à Mascouche, fait ça activement; c'est une coureuse de fond qui va voir les jeunes. Lyne Bessette, en cyclisme, le fait également. Je pense qu'il y a des belles choses qu'on pourrait faire.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Si vous permettez, nous allons passer du côté des membres de l'opposition. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Lemire, citoyenne de Terrebonne. Et nous avons la chance effectivement que l'épreuve de la Course du monde cycliste féminine, la dernière, troisième étape, se tient à Terrebonne depuis quelques années, donc on a la chance de la voir de près. Et je dois dire que je n'ai pas incité Mme Lemire à déposer un mémoire, c'est venu vraiment... Et j'ai été très heureuse de voir arriver le mémoire, parce que c'est un secteur moins connu, donc dont on parle moins effectivement et qui est aussi important.

n(17 h 40)n

D'ailleurs, c'est assez révélateur que, lorsqu'on présente un mémoire sur des discriminations systémiques ? parce que ça en est ? dans un secteur dont on n'a pas parlé jusqu'à maintenant, on dérive assez facilement. Le député de Rouyn-Noranda?Témiscouata? ? ...

Une voix: Témiscamingue.

Mme Caron: ...Témiscamingue nous l'a démontré, tantôt, sur quelque chose de beaucoup plus général. Mais c'est une discrimination systémique, parce que, quand ce n'est pas les mêmes subventions, quand on donne moins de subventions, que le gouvernement en donne moins, non seulement les entreprises privées, mais le gouvernement en donne moins, donc il fait directement une discrimination.

Et les propos que vous avez rapportés, au niveau des médias, là, qui sont assez lamentables. Et quand on voit que, pour une femme cycliste, cinq tours du monde et peu de couverture, et, un homme cycliste, un tour du monde, une grosse couverture, on voit bien qu'il y a une discrimination systémique. Et j'ose même dire qu'on l'a vu avec Chantal Petitclerc, qui vit une double discrimination et qui a dû, au retour, partager des prix. Et c'était la première fois, dans les deux cas, les deux prix, ça a été des prix avec... pour deux athlètes... ou un athlète et un autre domaine. Donc, je pense que, oui, il y a de la discrimination, puis il faut le dire.

Moi, j'aimerais que vous me reveniez sur ? on va revenir au gouvernement après ? les entreprises privées. Les arguments qu'ils donnent, outre qu'ils ne veulent pas faire de bienfaisance, là ? ça fait que la bienfaisance, ils la mettent dans d'autres choses ? quels sont leurs arguments?

Mme Lemire (Jacinthe): Je pense que déjà, pour des événements... C'est sûr que, si j'étais à une chaîne de télévision, j'aurais plus de facilité à avoir ma visibilité, mais déjà, pour les événements, je pense que c'est difficile. Mais je me suis déjà fait... Je me suis fait dire dernièrement, là... en janvier, je suis allée rencontrer un commanditaire potentiel, et puis, nous, on songe fortement à organiser une nouvelle course masculine, qui serait de niveau continental, qui serait très intéressante. C'est en projet, je n'en parlerai pas plus, mais on songe à faire ça pour financer la course féminine. On s'entend, là, c'est vraiment pour financer la course féminine. On commence à... Maintenant, c'est notre truc: on attise des commanditaires, on leur parle de ça un peu, puis: Ah, oui! Venez nous rencontrer.

Bon, c'est sûr que, nous, on dit: Bon, bien, écoutez, cette année... bien, cette année, c'est la Coupe du monde, c'est le Tour du Grand Montréal, qu'on aimerait que vous commanditiez, pour qu'on se connaisse, pour que, l'an prochain, on puisse faire de plus grandes choses. Et puis: Bien, non, mais, des femmes, ça ne nous intéresse pas. Pourquoi? Ça, c'était quelqu'un du monde financier, O.K., dans le domaine des actions, là, et des produits dérivés, puis: Bien, non, nous, les femmes, ça nous... non, les femmes, ça ne nous intéresse pas, parce que, bon, ce n'est pas des femmes qui sont intéressées par nos produits, ou quoi que ce soit. Puis, c'est drôle, parce qu'il parlait à une fille qui a une maîtrise en gestion, puis, moi, ça m'a vraiment... j'ai fait: Non, non, là, moi, j'en connais plein, de femmes qui sont intéressées à vos produits, et puis, si ce n'est pas...

Et puis pourquoi dire «des femmes», dans le sens où nos spectateurs sont 50 % hommes, 50 % femmes? Seulement que le produit qu'on met, bon, sur la route, ce sont des femmes. Je ne voyais absolument pas le lien en disant: Les femmes ne nous intéressent pas, alors que la visibilité que je lui offrais, c'était une couverture médiatique, de la télévision mur à mur, «coast to coast», Radio-Canada, c'était des spectateurs, 100 000 spectateurs, des hommes, des femmes. Je trouvais ça vraiment spécial. Ça fait que ça, c'est un exemple que je peux vous donner, là.

Mme Caron: Merci. D'autant plus qu'au niveau des achats, ils devraient le savoir, là, les achats, c'est principalement les femmes qui font les achats, dans toutes sortes de domaines, et c'est connu. Mais on dirait que le lien ne se fait pas encore.

Du côté du gouvernement, quelles raisons qu'on vous donne pour subventionner moins les organisations sportives féminines?

Mme Lemire (Jacinthe): On ne donne pas de raisons. C'est sûr, là, que le gouvernement ne dira pas: C'est des femmes, ce n'est pas... On ne donnera pas de raisons, là, c'est sûr, O.K.?

Mme Caron: Il y a une prudence.

Mme Lemire (Jacinthe): Ils sont plus, je vous dirais... plus intelligents, plus brillants, plus subtils. Mais, en fait, les raisons vont être... Dernièrement, là, on va vécu ça dernièrement, O.K., cette semaine: Bon, bien, ton dossier, il fallait que tu nous le donnes il y a... tu sais? Bon, il y a eu un... Ça ne marche pas, la date n'était pas bonne, on le refuse, ou quelque chose comme ça. Ou on finit par rejoindre nos fonctionnaires, puis: C'est quoi, ce dossier-là? Quel dossier? Ah! oui, oui ? en dessous de la pile, là. Ça fait que c'est peut-être plus là.

Je veux dire, ce n'est pas, si je peux mettre ça, un cause-à-effet, là, par rapport au fait qu'on a un événement féminin, O.K.? Mais, sauf que, moi, la seule preuve que je peux avoir, c'est que je sais qu'il y a des événements masculins qui ont beaucoup d'argent, de subventions. Mais, bon, pour nous, je ne sais pas c'est quoi, la cause, là, mais je pense qu'il y a sûrement un grand lien.

Mme Caron: Tout à fait, puis c'est sûr que, quand on veut refuser, c'est souvent une raison technique qui est utilisée, hein, c'est la voie, la sortie de garage, là.

Et aussi, au niveau de la fédération, vous avez démontré la discrimination réelle au niveau des prix, au niveau des bourses. C'est très, très clair. J'aimerais ça que vous rappeliez... parce que, nous, on l'a dans votre mémoire, mais que vous nous rappeliez vos quatre recommandations bien précises, parce que ce serait important qu'on les entende correctement, au niveau de la commission, pour qu'elles soient bien enregistrées. Nous, on l'a dans votre sommaire exécutif, mais ce serait intéressant qu'on entende les quatre recommandations.

Mme Lemire (Jacinthe): Je vais les lire. J'avais trop peur de faire plus que 20 minutes, ça fait que je me suis dit: Ça va passer à la période de questions. Alors, nos recommandations...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Pourtant, Mme Lemire, vous êtes bien habituée au chrono.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lemire (Jacinthe): Oui, contre la montre, oui. Bon:

«Le gouvernement doit appuyer financièrement le sport féminin et encourager les femmes à devenir décideuses au sein des fédérations sportives.

«Le secteur privé doit commanditer le sport féminin et être conscient que cette commandite peut rapporter sur le plan de la visibilité et du marketing.

«Les médias se doivent de traiter le sport féminin de la même manière que le sport masculin, en ne s'attardant pas aux préjugés sexuels et en évitant la publication d'articles misogynes.

«Et la société se doit éliminer les préjugés dans le sport féminin, d'encourager les filles à faire du sport et de ramener le sport aux valeurs fondamentales qu'il devrait souscrire.»

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien.

Mme Caron: Merci. Je trouve que c'était important que vous puissiez les présenter. Du côté du gouvernement, je pense qu'il faudrait que, dans une prochaine politique en condition féminine, on couvre cet aspect-là aussi, qu'on fasse des recommandations précises dans les ministères concernés pour porter une attention particulière. Parce que, comme gouvernement, on a le devoir de rétablir l'équité, dans le sens général, et de corriger les discriminations systémiques qui sont aussi dans le système. Et il faut, vous avez bien raison, prêcher par l'exemple.

Au niveau de nos jeunes filles au niveau des écoles, oui, c'est comme dans tous les autres domaines, il faut des modèles; Émilie Mondor est un exemple, vous l'avez dit, à cet égard-là, d'aller directement sur le terrain. Mais il faut aussi qu'on choisisse, dans les activités sportives, au niveau secondaire principalement, des activités qui intéressent davantage les jeunes filles. On avait fait certaines études là-dessus et on avait... Je me souviens, là, au niveau du conseil, il y a des données qui nous disent qu'il y a certains sports que les femmes préfèrent, et il faudrait qu'on aille beaucoup plus du côté de ces activités-là, donc qu'il y ait un choix. Et une analyse différenciée selon les sexes le permettrait au niveau de ça.

Et je pense qu'il faut aussi qu'elles sentent qu'elles ne sont pas discriminées. Parce que, pour aller dans le sport amateur puis dans le sport élite ? celles qui peuvent se rendre au niveau professionnel ? quand elles voient qu'il y a une discrimination comme ça, ce n'est pas très encourageant et intéressant, ça ne facilite pas. Alors, je pense qu'elles doivent aussi sentir que c'est un domaine qui est accessible, et qu'il n'y a pas de discrimination, et qu'elles peuvent y oeuvrer de plein droit.

Alors, dernière question: Est-ce que, un, vous allez nous remettre les petits tableaux de données que vous avez ajoutés, des exemples de discrimination? Je pense aux bourses ou... parce que, ça, on ne l'a pas dans le mémoire. Est-ce que vous allez pouvoir...

Mme Lemire (Jacinthe): Je ne l'ai pas en plusieurs copies. Je l'ai en une copie cependant, là, mais...

n(17 h 50)n

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Lemire, vous pourrez faire parvenir une copie au secrétariat, aux soins de Mme Lamontagne, et elle prendra soin de nous les refiler.

Mme Lemire (Jacinthe): Oui. Je vais faire ça.

Mme Caron: J'ai une dernière question: Est-ce qu'il y a des éléments que vous n'avez pas eu le temps de dire, dans votre présentation ou au niveau des réponses, que vous souhaiteriez ajouter?

Mme Lemire (Jacinthe): Bien, je voulais juste ajouter un peu, par rapport à votre dernière intervention, par rapport aux modèles et puis par rapport au fait que les jeunes filles vont se décourager.

Je vais prendre l'exemple de Clara Hughes, qui est une cycliste mais également une patineuse de vitesse, qui a été la seule athlète au Canada qui a gagné une médaille olympique aux Jeux d'hiver et aux Jeux d'été, ce qui est quand même quelque chose que... ce n'est pas rien. Et puis, Clara, j'ai lu ça dans un livre, elle relatait comment, elle ? ça fait quand même longtemps, là, qu'elle fait du cyclisme; comment, elle ? pour se pratiquer, a dû participer à des courses pour hommes et comment elle s'est fait traiter, là. Plusieurs organisateurs refusaient totalement de l'admettre, et puis, deuxièmement, elle se faisait vraiment tirailler par les hommes, par les gars contre qui elle courait durant la course, et puis souvent, bien, elle les battait. Mais ça a été vraiment... Ça, c'est un exemple frappant.

Un autre exemple que je pourrais donner: d'une canadienne qui s'appelle Lynda Jackson, qui a maintenant 46 ans et qui a gagné le Giro d'Italie, qui est vraiment un très, très grand tour européen. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui se souvient d'elle maintenant? Non. Steve Bauer, on s'en souvient, par exemple; Louis Garneau, on s'en souvient. Mais Linda Jackson? Est-ce que, Lyne Bessette, on va s'en rappeler dans 20 ans?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): On peut compter sur vous là-dessus, hein? Alors, Mme Lemire, je vous remercie de votre contribution. Et, en tant que président, j'ajourne la commission, les travaux de la commission à mardi le 1er février, à 9 h 30, dans cette même salle. Merci, tout le monde.

(Fin de la séance à 17 h 52)


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