L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des affaires sociales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des affaires sociales

Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 22 mars 2005 - Vol. 38 N° 108

Consultation générale sur le projet de loi n° 83 - Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle notre mandat: nous sommes réunis afin de poursuivre l'étude... pardon, la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Girard (Gouin) va être remplacé par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve).

Le Président (M. Copeman): Merci. Nous avons, chers collègues, un horaire très chargé aujourd'hui. Nous allons écouter la présentation et échanger avec quatre groupes ce matin et trois groupes cet après-midi. Ça va demander beaucoup de discipline de la part de tout le monde, incluant nos invités, évidemment les parlementaires également. Nous allons débuter dans quelques instants avec la Commission des établissements publics juifs, qui sera suivie par le Regroupement des Sages-femmes du Québec, le Conseil des sages-femmes du Centre de santé et de services sociaux Côte-des-Neiges, Métro, Parc-Extension, terminer la matinée avec la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles.

n (9 h 40) n

Je vous rappelle également, suite à une entente entre les groupes parlementaires, que nous allons consacrer 45 minutes pour l'audition des organismes entendus ce matin, soit 20 minutes pour la présentation des groupes et 25 minutes, divisées équitablement entre les deux côtés de la table. Ça va demander encore une fois une discipline de la part de tout le monde.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Commission des établissements publics juifs. M. Orenstein, M. le président, Mme Gold, bienvenue à cette commission parlementaire. Comme je l'ai déjà fait valoir, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange avec les parlementaires des deux côtés de la table. Welcome and, as we say in English, we're all ears.

Commission des établissements publics juifs

M. Orenstein (Avrum): O.K. Merci, M. le Président. Nous avons présenté notre mémoire, qui a été assez court, et j'espère que notre présentation sera aussi assez courte. Ce que nous n'avons pas mentionné dans notre mémoire, mais c'est assez clair: que nous appuyons les buts de la loi. Nous appuyons clairement l'idée d'améliorer la qualité des services, traitement des plaintes, les droits des usagers et d'avoir des accréditations de résidence privée. Et clairement un système de santé intégré sera dans le bénéfice de toute la population. Clairement, planification et responsabilité de la population, tel que prévu pour les CSSS, sera quelque chose d'importance, ainsi que la coordination en matière de financement, d'allocation des ressources humaines et de services personnalisés.

Notre mémoire était plus limité. Notre mémoire a tenté de simplement souligner la manière que nous fonctionnons dans la communauté juive, et là-dedans nous avons présenté ça à peu près dans une page et demie. Nous avons souligné le fait qu'il y a un lien continu entre la communauté qui avait créé les services dans nos établissements et les établissements qui les fournissent et que les services assurés sont appuyés par la communauté juive par le biais de contributions financières et sous forme de bénévolat ? je vais retourner à ça parce que ce sont les changements que nous suggérons ? qu'il y a des dizaines de milliers d'heures de travail, des campagnes de financement viennent s'ajouter chaque année aux fonds du gouvernement par ces corporations propriétaires dont les conseils d'administration désirent maintenir dans ces établissements une dimension socioculturelle.

Il y a une participation locale, mais de plus c'est par le biais de ces corporations dynamiques qu'il existe un appui communautaire ainsi qu'un apport financier continu envers les établissements.

Dans ce contexte, nous avons tenté de représenter, dans les amendements apportés, les modèles qui, d'après nous autres, devront être reproduits et non démantelés. Les corporations propriétaires dans notre communauté sont elles-mêmes des associations bénévoles, très actives et engagées dans leur mission de soutien. C'est précisément par le biais de ces corporations dynamiques que nos établissements publics bénéficient d'un appui communautaire. Et ce que nous voulons faire, c'est de maintenir, stimuler, favoriser l'engagement positif des communautés locales et afin de maintenir, encourager et développer un équilibre entre les responsabilités de l'État, et des individus, et des communautés.

Nous avons demandé des amendements, mais les amendements que nous avons demandés, c'était surtout au sujet de la gouvernance, la manière de mettre en place un conseil d'administration. Et nous sommes sensibles au fait qu'un conseil d'administration a beaucoup de choses à faire. Clairement, c'est le conseil d'administration qui prend des décisions sur les orientations et les priorités d'un établissement, toujours à l'intérieur de ce qui était prévu par le ministre.

Il y a la planification des tâches, qui prévoit aussi d'adopter des orientations approuvées, les grandes politiques, adopter les objectifs, adopter le budget, faire le suivi de ces décisions. Il y a un paquet de choses qu'un conseil d'administration doit faire. Et ce que nous avons tenté de mettre dans notre présentation, c'est la manière qu'un conseil d'administration peut faire son travail de manière adéquate.

C'est facile, chaque fois, dire que nous voulons avoir, sur nos conseils d'administration, des citoyens ordinaires. Je pense que, ça, c'était ce qui était prévu au début. Nous appuyons précisément ce type d'implication. Ce que nous avons tenté de faire, c'est d'expliquer que, dans notre communauté, nous avons, à l'intérieur des établissements, des fondations, des auxiliaires bénévoles, nous avons là-dedans aussi les corporations propriétaires, et des centres, et des comités.

Notre idée, c'était toujours pour... avant qu'une personne devienne membre d'un conseil d'administration, cette personne doit être capable de connaître qu'est-ce qu'il se passe dans l'établissement. C'est nécessaire d'apprendre avant de diriger. Les modifications que nous avons apportées, c'était précisément ça. Nous avons dit: Tiens, c'est fantastique, une personne serait élue comme membre d'un conseil d'administration. Est-ce qu'elle doit avoir la capacité vraiment de faire ce qui était prévu par la loi ou est-ce que ce qui est nécessaire, c'est d'avoir un système semblable à ceux que nous avons implantés, un système qui voit à la formation, un système qui voit l'entraînement, la possibilité d'apprendre et comprendre avant qu'une personne soit nommée à un conseil d'administration? Par le biais de nos corporations propriétaires, nous faisons précisément ça. Par le biais de nos auxiliaires bénévoles et fondations, nous faisons précisément ça. Une personne doit être sur un comité, la personne doit être formée, entraînée avant qu'elle puisse représenter le groupe, tel que la corporation propriétaire et la fondation.

Pendant les années qu'elle travaille sur ces types de comité, c'est là qu'elle peut apprendre et comprendre par après si nous parlons des auxiliaires bénévoles. Ces personnes travaillent directement avec des patients. En travaillant directement avec les patients, elles apprennent ce qu'il est besoin pour les patients, pas comme des médecins ni des infirmières professionnelles de santé, mais ce qui est nécessaire pour la vie quotidienne normale pour une de ces personnes à l'intérieur de nos établissements. C'est là que nous avons dit: Tiens, les auxiliaires bénévoles doivent être capables de nommer quelqu'un, d'élire quelqu'un sur notre conseil d'administration.

Si nous parlons des fondations, les fondations, c'est vraiment des levées de fonds. Mais, des levées de fonds, on doit savoir le pourquoi. Et ce qui est présenté chaque année, ils travaillent avec. C'est des programmes qui sont recherchés, l'équipement qui est nécessaire, des explications pour quelle raison l'équipement et les programmes sont nécessaires. Ces personnes apprennent effectivement les besoins et font du travail pour trouver les moyens financiers. Nous comprenons que ce n'est pas une entreprise privée, mais, à la fin de ça, il y a un besoin toujours de moyens financiers, O.K., pour l'édifice, pour remplacer des lits, pour faire d'autres changements qui peuvent être nécessaires.

Cette personne est formée pendant des années sur les comités et sur la fondation pour être capable d'être le citoyen ordinaire sur le conseil d'administration. Elle n'est pas un professionnel de santé, mais sensible déjà et connaît déjà ceux qui existent dans l'établissement. C'est la même chose avec les corporations de propriétaires, avec un paquet de leurs comités, un comité qui regarde ce qui se passe au sujet de l'édifice et tout ce qui vient avec, les personnes ont l'opportunité d'apprendre l'établissement, s'impliquent dans les établissements et pas seulement se présenter pour une élection. Parce que la plupart des changements que nous avons prévus, c'était pour un établissement qui est vraiment surprarégional, comme les établissements juifs, qui ne desservent pas nécessairement seulement une population dans leur territoire, mais plutôt, O.K., du Québec au total, et que le conseil d'administration doit être capable de faire les décisions.

Mais, nonobstant le fait que nous avons parlé seulement de nos établissements, c'est plutôt là que nous suggérons des changements, pas seulement pour nous autres, mais effectivement nous devons trouver des moyens pour obtenir des personnes qui s'impliquent dans les établissements, pas seulement qui se présentent pour une élection et vont passer huit séances devant...

Je vois que le café arrive. J'espère que tout le monde a bien dormi hier soir, hein? Je ne vois pas... ce doit être la présentation qui cause de la nécessité pour le café.

n (9 h 50) n

Le Président (M. Copeman): But... but... M. Orenstein plaisante parce qu'il sait pertinemment bien que, si les parlementaires ont bien dormi, ça a été court. Allez-y, M. Orenstein.

M. Orenstein (Avrum): Oui. D'accord. En conséquence, ce que nous suggérons effectivement... de trouver le moyen d'avoir une implication quotidienne pour une longue durée, dans les établissements, à la place de penser que quelqu'un sera élu et va se présenter à huit séances de conseil d'administration. Et ce sera effectivement le citoyen ordinaire qui va assurer que les services offerts sont de haute qualité, que ces services répondent aux besoins des citoyens visés, que les employés offrent le meilleur d'eux-mêmes, que les employés sont soutenus dans leurs efforts, et les ressources financières et matérielles disponibles soient utilisées efficacement.

À la fin de ça sont répétés chacun de nos commentaires là-dedans. Nous avons des changements qui sont assez courts et nous suggérons que ces types de changements doivent être examinés par la commission, ce qui va avoir pour effet d'améliorer l'implication des citoyens dans les établissements. Ça, c'est à l'intérieur de votre 20 minutes?

Le Président (M. Copeman): Amplement, M. Orenstein.

M. Orenstein (Avrum): Amplement? O.K.

Le Président (M. Copeman): Je vous remercie beaucoup. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Nous voilà donc tous frais et dispos, ce matin, pour entreprendre les échanges avec nos invités. M. Orenstein, Mme Gold, bienvenue parmi nous, ce matin.

Il est certain que l'ensemble des parlementaires reconnaît l'importante contribution de la communauté juive dans l'édification du système de santé du Québec, particulièrement, et pas seulement, mais particulièrement dans la région montréalaise, avec les institutions qu'on connaît, à partir des institutions surspécialisées, comme l'Hôpital général juif, jusqu'aux hôpitaux de soins prolongés que vous connaissez également très bien. Cet élément également a mené à la réalisation, par le gouvernement, du fait que, pour certaines communautés culturelles, l'établissement de santé a une mission qui va au-delà de sa mission propre de santé et agit également comme élément d'identification socioculturelle, pourrions-nous dire. Ce n'est pas le cas uniquement pour la communauté juive, c'est également le cas pour la communauté italienne ou d'autres qui ont mené, je dirais, à certaines considérations lors du dessin des réseaux locaux d'établissements.

Cependant, je pense que ? et je crois qu'on va se rejoindre là-dessus, personnellement et l'ensemble des collègues, je crois, également ? nous ne voulions pas qu'on fasse une distinction artificielle entre, ce qu'on entend parfois, les hôpitaux pour anglophones, les hôpitaux pour francophones, les hôpitaux pour tel groupe religieux par rapport à tel groupe religieux, et c'est... En fait, c'est des établissements de santé financés par tous les contribuables du Québec, dans une grande mesure, et qui doivent donc répondre aux besoins de tous les Québécois, mais avec toujours ce souci de représenter la communauté d'origine. Par exemple, l'Hôpital général juif, que je connais bien, je pense que plus de 60 % des patients qui y sont traités sont des patients québécois francophones. Donc, c'est un établissement qui est profondément ancré dans la communauté.

Alors, c'est là qu'on arrive donc, lorsque nous faisons nos propositions pour les conseils d'administration, à ce souci d'équilibre, ce souci d'équilibre entre le respect de la contribution de la communauté d'origine de l'établissement et d'autre part également la reconnaissance factuelle, dans le conseil d'administration, du fait que les services donnés par l'établissement s'adressent à l'ensemble de la communauté québécoise. Et je pense que jusqu'à maintenant, dans les établissements que vous connaissez bien, on a bien réussi cet équilibre, et nous croyons que les modifications que nous suggérons pour les conseils d'administration vont également dans ce sens-là parce qu'il y a plusieurs dispositions qui permettent à la communauté d'origine d'avoir des représentants au conseil d'administration, que ce soit les groupes socioéconomiques ou même le mode électif. Le mode électif, que certains trouvent imparfait dans un établissement qui a une large clientèle, je dirais, d'une communauté spécifique, est propre à assurer cette représentation de façon importante.

Il y a également la question du nombre dans un conseil d'administration. Vous-mêmes, vous le savez, il ne faut pas que ce soient des structures très grosses parce que, si ça devient trop important, ça ne fonctionne plus très bien, un conseil d'administration. Alors, on sait que, pour les centres de santé et de services sociaux, c'est 16 ou 17 membres. Il y a un des centres de santé et de services sociaux de Montréal, René Cassin, et autres, qui est très centré sur votre communauté. Et, pour les établissements universitaires, c'est 20 ou 21. Donc, on ne veut pas non plus augmenter outre mesure la taille de ces conseils, et je vois que vous nous suggérez d'ajouter quatre membres supplémentaires finalement, en plus de ce chiffre-là. Est-ce que vous ne craignez pas de rendre les conseils dysfonctionnels?

M. Orenstein (Avrum): O.K. Je vais tenter de répondre à toute votre présentation. Nous sommes sensibles que les règles doivent s'appliquer à tous. Mais, nonobstant ce commentaire, notre mémoire a tenté de dire que les règles qui sont prévues, par exemple les élections, sont défectueuses. Et, quand je dis défectueuses, ce n'est pas une question d'avoir un établissement fermé. C'est plutôt dire à quelqu'un: Il y a place pour vous sur le conseil d'administration de notre établissement, mais ce qui est nécessaire pour vous, c'est de travailler premièrement à l'intérieur de cet établissement, plus particulièrement travailler comme un auxiliaire bénévole, travailler sur la fondation, travailler sur la corporation, travailler sur un de ses comités, qu'effectivement nous ne voulons pas simplement un intérêt transitoire.

Ce que nous exigeons: apprendre avant de diriger. N'importe quelle profession a une période de formation, des apprentissages, des stages pour être capable vraiment de gérer, de diriger, de savoir si votre directeur général fait une bonne job ou pas. Ce ne sera pas quatre personnes choisies par le directeur général, ce qui était dans le passé, qui vont se porter pour une élection. Parce que, nous devons être réalistes à la fin, les élections, c'est, quoi, 6 % de la population qui votent. Pour une place où il y a quatre sièges, il y a cinq personnes qui se présentent, si ce n'est pas seulement trois, et le directeur général doit chercher pour trouver le quatrième.

Ce que nous avons mis en place, on dit: Tiens, si vous voulez avoir un modèle de quelque chose qui va fonctionner, si vous voulez vraiment avoir les personnes ordinaires, les citoyens ordinaires qui vont avoir la connaissance nécessaire pour faire les décisions, pour vérifier si effectivement le directeur général fait son travail ou pas, que ce qu'il était besoin, c'est d'avoir ce type de formation, d'apprentissage, de stage.

Et, sur votre question des autres, oui, peut-être nous avons élargi un peu mais pas énormément. Et, quand nous avons élargi, nous avons dit que, tiens, si nous avons, dans les établissements comme Maimonides, 300 auxiliaires bénévoles qui travaillent avec les patients chaque jour, ces personnes doivent être capables d'élire un membre du conseil d'administration pour avoir un mot à dire dans la direction de l'établissement. Sinon, nous ne pouvons pas avoir ces 300 personnes.

So, oui, ça, c'est une chose qui, peut-être, était née de la communauté juive, mais, comme nous avons indiqué là-dedans, ce modèle que nous suggérons, ce n'est pas seulement pour nous autres, nous pensons que ce doit être pour tous les établissements. À la place de simplement se présenter à une élection, apprendre ce qui se passe dans l'établissement et par après se présenter à une élection.

Mme Gold (Barbra): Je peux ajouter quelque chose?

Le Président (M. Copeman): Mme Gold, allez-y.

Mme Gold (Barbra): Merci. Comme directrice générale, je suis très, très chanceuse d'avoir des membres de comité, les membres de conseil comme M. Orenstein. J'en ai plusieurs, bénévoles, qui sont impliqués à notre établissement depuis cinq ou 10 ans. Avant de devenir les membres de conseil d'administration, ils étaient tous impliqués dans la corporation, la fondation, comme bénévoles, comme membres sur un comité de qualité ou un comité de l'édifice, puis c'est tout fait avant qu'ils se trouvent au conseil d'administration, puis vraiment je suis très chanceuse.

Puis, quand je discute de ça avec mes collègues dans les autres établissements, ils n'ont pas les membres de conseil comme nous avons. Parce que, quand j'arrive à mon conseil d'administration, tout le monde est très, très au courant avec qu'est-ce qui arrive chaque... pas minute, mais certainement chaque mois, chaque semaine à l'établissement, alors ça fait une façon très, très facile de diriger un établissement comme ça parce que je peux toujours compter sur nos membres de conseil.

Alors, avec mes discussions des collègues, vraiment je crois que c'est quelque chose qu'on peut faire dans les autres établissements du Québec.

n (10 heures) n

M. Couillard: Merci, Mme Gold et M. Orenstein, pour ces explications, mais là il y a, je dirais, une différence de perception. Évidemment, on a discuté à quelques reprises, dans cette commission, du mode électif de représentation des citoyens au conseil d'administration. Mon opinion et, je pense, celle d'autres parlementaires également, c'est que le fait que ce mode de désignation ne soit pas encore pleinement fonctionnel ? vous avez cité les faibles taux de participation n'est pas une raison pour nous en éloigner, mais peut-être plutôt au contraire pour déployer plus d'efforts pour rendre ce mode électif mieux identifié, plus accessible, de développer des intérêts. Moi, je cite souvent le même exemple d'une communauté de Charlevoix qui, lorsqu'il y a eu un enjeu très important dans leur communauté pour le système de santé, il y a eu beaucoup plus de candidats que de postes disponibles, parce que les gens voyaient là une occasion de s'impliquer.

Et, par rapport à ce que vous recommandez, la crainte que j'ai, c'est que les institutions deviennent très centrées sur elles-mêmes, c'est-à-dire qu'on retrouve seulement des gens qui sont dans l'institution, soit comme employés, soit comme médecins, soit même comme auxiliaires bénévoles, alors qu'il nous apparaît important, et d'autant plus important qu'on est près de la première ligne, au niveau des centres de santé et de services sociaux ? peut-être un peu moins pour les centres surspécialisés, mais encore ? il nous apparaît important qu'on élargisse la notion à l'ensemble de la population qui n'est pas nécessairement un usager du centre de santé ou de l'hôpital, mais qui pourrait et qui un jour, peut-être et certainement, malheureusement, en deviendra un. Mais il me semble important qu'il faut aller plus loin que cette notion d'usager et de personne qui oeuvre dans le centre hospitalier pour ouvrir l'établissement à sa communauté, ça me paraît souhaitable.

Et, moi, dans mes expériences professionnelles passées, j'ai eu l'occasion de voir des membres élus de conseil d'administration qui arrivaient sans aucune préparation préalable, qui bien sûr avaient besoin d'une formation initiale, qui leur était donnée par les membres plus anciens du conseil d'administration, et qui sont devenus des gens extrêmement productifs au niveau des conseils. Alors, ça ne me semble pas une opposition, là, absolue, cette question d'une représentation élective et de la compétence préalable pour être sur un conseil.

Le Président (M. Copeman): Ça peut même arriver à des députés et à des ministres.

M. Couillard: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Copeman): Alors, je ne sais pas si vous avez d'autres commentaires, M. Orenstein.

M. Orenstein (Avrum): Bien, le seul commentaire que j'aurais à faire, c'était que, pour les établissements de courte durée, nous n'avons pas écarté les personnes élues par la population, O.K.? Ce que nous avons discuté, c'était, pour les établissements de longue durée, que nous avons dit: Tiens, ce n'est pas simplement basé sur effectivement toute la population d'un territoire, surtout si le ministre cherche vraiment d'avoir des citoyens ordinaires. J'utilise toujours ce terme, parce que je pense que c'était utilisé dans les publications qui venaient du ministère.

C'est possible aussi de dire que tu peux avoir une régie centrale, comme ça a été fait pour les emplois dans les places indiquées, qu'une personne qui a un intérêt va le signaler au ministère ou l'agence, l'agence va trouver pour ces personnes, avant qu'elles deviennent membres d'un conseil d'administration, va trouver une place dans un des établissements dans le réseau, ce qui n'a pas pour effet, premièrement, d'exclure, et, l'autre côté, va avoir pour effet de les former, parce qu'un cours d'un week-end chez l'agence qui est suffisamment intéressant, ce n'était pas vraiment suffisant pour savoir qu'est-ce qui se passe dans le réseau.

En conséquence, nous suggérons de plus d'avoir une période d'apprentissage, un stage, quelque chose pour assurer la formation. Si notre modèle ne se conforme pas à ce qui était dans votre esprit, peut-être un autre modèle. Mais nous pensons que le nôtre fonctionne assez bien pour nous autres et, comme Barbra dit, nous avons toujours ? bien peut-être pas toujours, la plupart du temps ? des personnes suffisamment compétentes sur nos conseils d'administration.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Orenstein. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais vous souhaiter la bienvenue, M. Orenstein, Mme Gold, de la part de l'opposition officielle. En prenant connaissance de votre mémoire, dois-je comprendre, M. Orenstein, des propos, des remarques, là, finales, dans l'échange que vous aviez avec le ministre, que cette recommandation, qui est contenue dans votre mémoire, ne s'appliquerait qu'au Centre hospitalier gériatrique Maimonides?

M. Orenstein (Avrum): Non, pas du tout, pas du tout. Ce que nous avons tenté de faire, nous avons fait deux changements: un à 119a, pour créer un conseil d'administration différent pour les CHSLD, et un à 133, et les changements ne sont pas les mêmes. À 133, par exemple, les «deux personnes élues par la population [dans] l'élection tenue», nous avons laissé ça en place parce que ça, c'était pour l'établissement qui doit desservir un secteur et pas seulement une population. Et avec le 119a, c'était plutôt limité à des établissements qui vont servir une population à la place d'un secteur. Nous avons tenté d'avoir les deux, O.K., population ou secteur.

Deuxièmement, nous n'avons pas limité nos commentaires à des établissements juifs tels que Maimonides. Parce que franchement, moi, je suis impliqué dans un CSSS et, moi, je serais plus heureux d'avoir un conseil d'administration plus fort, plus connaissant pour être capables de faire notre fonction. Oui, je comprends que c'est simplement le point de départ des CSSS, et peut-être ça va déraper avec le temps, mais c'est facile de voir les niveaux différents en raison que les personnes arrivent là, et la seule information qu'ils ont, c'est celle que le directeur général fournit à notre conseil d'administration.

Et, moi, je n'étais jamais un directeur général, mais je suis certain que, si, moi, je suis le directeur général, je peux rédiger le procès-verbal avant que nous commencions notre rencontre, ce n'est pas nécessaire d'attendre après. L'explication que je vais donner va amener un résultat. Et ce que nous ne voulons pas... et franchement c'est ce que la loi ne veut pas. Elle veut avoir la direction qui vient d'un conseil.

Mme Harel: J'essaie de comprendre. Tantôt, vous disiez qu'il y avait une distinction dans ce que vous proposiez entre la longue durée et la courte durée. Alors, vous avez dans votre mémoire, à la première page, présenté la liste des établissements. Ce sont des établissements publics, vous dites, publics juifs.

Bon, je dois vous dire que, moi, j'ai eu ce privilège, après avoir accouché à Sainte-Justine, d'utiliser les services pédiatriques avec le suivi de l'Hôpital général juif. Donc, ce sont des établissements civiques. Ce ne sont pas des établissements ethniques, ce sont des établissements ouverts à la population, avec les fonds publics.

Alors, ce que je veux comprendre, c'est quelles sont exactement les propositions que vous faites. Je comprends qu'à 129 vous remplacez «la population» donc uniquement par «une communauté». Est-ce que c'est ça, le vrai changement que vous voulez?

M. Orenstein (Avrum): Oui. Ça, c'est 129, c'est pour un établissement de longue durée.

Mme Harel: Ça, c'est pour les établissements...

M. Orenstein (Avrum): De longue durée.

Mme Harel: De longue durée. Bon. Alors, vous savez qu'il y a des établissements nombreux aussi, je pense entre autres à la communauté polonaise dans l'Est de Montréal, qui ont aussi des établissements. Il y a des établissements... Par exemple, dans Hochelaga-Maisonneuve, vous savez qu'il y a eu 22 candidatures, lors de la dernière élection au conseil d'administration du CLSC pour représenter la population, là, et la population est convaincue que les CLSC sont nés grâce à l'initiative du milieu communautaire. Et je dois dire que, dans les années soixante-dix, il y a eu 52 personnes qui ont conçu ce modèle qui a émané de la communauté.

La question est toujours de savoir est-ce qu'on évolue. C'est certain que les établissements que l'on connaît sont venus des communautés religieuses ou sont venus des communautés ethnoculturelles. En général, au Québec, ce n'est pas l'État qui les a créés, ce sont les communautés religieuses, les communautés ethnoculturelles. Mais, dans les années soixante, l'État, disons, a pris ses responsabilités, mais ce sont maintenant des établissements publics.

Alors, je voulais être certaine de ce que vous proposiez. Donc, pour la longue durée, vous proposez en fait qu'il n'y ait pas de représentation de la population élargie, mais de la communauté juive seulement. C'est ça qu'on comprend?

n (10 h 10) n

M. Orenstein (Avrum): O.K. Ce que nous proposons, nous avons proposé qu'effectivement, pour un établissement de longue durée avec un mandat suprarégional, O.K., parce que ce que nous avons proposé, c'était d'ajouter un 119a, qu'il y ait un conseil d'administration formé pour administrer chaque établissement avec un mandat suprarégional. Ça veut dire que nos établissements pour le moment ont tous un mandat suprarégional, et je vais vous expliquer le pourquoi. Parce qu'effectivement, dans nos établissements, nous avons l'alimentation casher, et ce sont les seuls établissements qui ont l'alimentation casher, ce qui nous permet de prendre les Juifs de n'importe quel secteur de Montréal ou de Québec. C'est-à-dire, s'il y a quelqu'un qui a besoin de Maimonides qui habite dans la ville de Québec, cette personne est éligible pour aller chez Maimonides. La différence entre notre établissement, nos établissements et ceux qui se trouvent avec les CSSS, parce que, rappelez bien, la plupart étaient fusionnés avec les CSSS, c'est que ces établissements ne desservent pas un secteur de Montréal mais plutôt tout le Québec. C'est pour ce type de conseil d'administration que nous avons limité la représentation de l'extérieur. Pour ceux qui sont, par exemple, avec les CSSS, il y a déjà, à l'article 119... Parce que, moi, par exemple, je suis aussi sur le conseil d'administration d'un CSSS qui a un hôpital de longue durée, un CHSLD attaché. Ça sera couvert par 119, pas 119a.

Le Président (M. Copeman): Mme Gold.

Mme Gold (Barbra): Madame, peut-être je peux expliquer aussi. Quand on fait une demande pour les représentations élues par la communauté concernée, ça ne change pas l'idée que l'établissement est un établissement public ouvert à tout le monde, comme l'Hôpital général juif. Les choses qu'on vraiment demande, c'est, si on prend la direction du conseil d'administration, c'est les membres, les bénévoles, les personnes impliquées, ça fait une grande différence, à la gestion d'établissement, puis c'est peut-être une des raisons que l'Hôpital général juif, Centre gériatrique Maimonides, Mont-Sinaï et les autres sont vraiment les établissements excellents parce qu'on avait toujours les conseils d'administration très bien impliqués. Ça ne fait rien qui utilise les établissements comme clients; c'est la direction au conseil qui fait une différence.

Mme Harel: M. le Président. Il y a donc une assez grande implication. Vous parliez de 300 bénévoles auxiliaires, n'est-ce pas?

Mme Gold (Barbra): Une partie, oui. C'est une très petite partie. Peut-être on a 5 000 au total des bénévoles.

Mme Harel: Dans tous les établissements, mais vous parliez de Maimonides, hein, je crois.

Mme Gold (Barbra): Oui, en ce moment, parce que je suis la directrice générale là-bas, oui.

Mme Harel: Bon. Mais alors les personnes sont des citoyens et citoyennes aussi qui peuvent, à ce titre-là, se faire élire au conseil. Parce que sinon j'imagine que l'Hôpital Santa Cabrini, qui dessert aussi avec un mandat régional la communauté italienne, ou encore l'Hôpital chinois, qui dessert avec un mandat régional la communauté chinoise, ou encore le Centre d'accueil polonais, qui dessert avec un mandat régional, va dire: Nous, on veut que ce soit notre communauté qui nomme les représentants de la population et non pas la population, alors que c'est ouvert, c'est-à-dire que les bénévoles auxiliaires peuvent s'impliquer dans l'élection puis élire, se présenter puis élire, si vous voulez, des gens impliqués dans l'établissement.

Mme Gold (Barbra): Vous avez raison, mais, si on regarde la proposition dans la loi n° 83, ça vraiment coupe la possibilité de la communauté d'un grand, grand nombre. À ce moment, on n'a pas besoin, peut-être, tout le monde au conseil d'administration de la communauté, mais on a vraiment besoin plus d'une personne de la corporation puis une personne de la fondation. Il y a plusieurs années, on avait quatre, cinq représentants de ce groupe, puis c'est ça qu'on ne veut pas perdre.

Mme Harel: Je crois qu'il y a eu beaucoup de représentations, depuis le début de la commission, le 9 février dernier, il y a eu beaucoup de représentations pour qu'il y ait des représentations garanties aux fondations et aux corporations.

Mme Gold (Barbra): Ça existe, à ce moment, un siège à chaque groupe, deux sièges au total.

Mme Harel: Mais dans le projet.

Mme Gold (Barbra): Dans le projet.

Mme Harel: Oui.

Mme Gold (Barbra): C'est tout.

Mme Harel: Mais je pense qu'il y a eu des représentations pour augmenter le nombre.

Mme Gold (Barbra): Peut-être, oui, il y a l'AHQ, les autres groupes qui ont fait la même demande.

Mme Harel: Oui, oui, oui. Alors, mais...

Le Président: ...

Mme Harel: Oui. Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Orenstein, Mme Gold, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Commission des établissements publics juifs. Et j'invite maintenant immédiatement les représentantes du Regroupement Les Sages-femmes du Québec à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux. C'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes du Regroupement Les Sages-femmes du Québec. Mme la présidente Lemay, bonjour, c'est un plaisir de vous retrouver. Comme je le fais avec chaque groupe, j'explique rapidement les règles du jeu. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et il y aura un échange d'une période maximale de 25 minutes réparties équitablement entre les deux côtés de table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

Regroupement Les
Sages-femmes du Québec

Mme Lemay (Céline): Merci. Alors, je vous présente ici, à ma gauche, Mme Christine St-Onge, qui est membre de notre C.A., qui est une sage-femme qui a eu une formation en Ontario et qui a une pratique en région, à Mont-Joli, à ce moment-ci, et, à ma droite, il y a Mme Monique Beauchemin qui, elle, a eu une formation en Europe et qui a une pratique ici, à Mimosa. Alors, c'est un échantillon des différentes réalités chez les sages-femmes.

Alors, je veux juste vous rappeler que le Regroupement Les Sages-femmes du Québec représente les sages-femmes, puis il est reconnu comme tel par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Il a toujours prôné la légalisation d'une profession autonome au Québec. Il défend le libre choix des lieux d'accouchement pour les femmes, en conformité avec les normes de pratique de la profession et sa philosophie de pratique. Mentionnons enfin qu'il affirme son adhésion pleine et entière aux principes fondamentaux d'un système public de santé et de services sociaux: le caractère public, l'universalité, la transférabilité, l'intégralité et l'accessibilité et la gratuité.

Parmi ses objectifs, le regroupement veut faire connaître la pratique des sages-femmes auprès du grand public, des intervenants communautaires et des professionnels de la santé. Il veut promouvoir la formation continue et la recherche dans le domaine de la pratique des sages-femmes en organisant des activités de formation et notamment une formation en urgence obstétricale. Et enfin il veut établir des liens de coopération, d'échange et de formation avec d'autres associations de sages-femmes, que ce soit au Canada ou ailleurs dans le monde.

Durant la dernière décennie, la société québécoise a vu émerger et se concrétiser deux éléments majeurs en ce qui concerne les soins en maternité: la légalisation de la profession de sage-femme et la réalité des maisons de naissance. Ce fut le résultat d'un mouvement social significatif qui a critiqué depuis près de 30 ans la fragmentation des soins et la médicalisation de la naissance. Citoyens et intervenants voulaient que soient reconnus les besoins des femmes et leur implication dans les soins qui les concernent. Ils ont réclamé non seulement l'humanisation des soins dans les hôpitaux, mais la mise sur pied de maisons de naissance autonomes comme lieux possibles pour accoucher et enfin la légalisation des sages-femmes.

Les sages-femmes ne sont pas seulement une nouvelle profession, un ajout dans le panier de services. Elles correspondent aussi à une façon différente de voir la maternité comme expérience singulière de transformation multidimensionnelle et dont on doit reconnaître et protéger la normalité. La présence des sages-femmes dans différents lieux de naissance est d'abord reliée à leur engagement à collaborer au projet de vie des femmes et des couples.

n (10 h 20) n

Au Québec, l'étude qu'il y a eu sur la pratique des sages-femmes en maison de naissance a démontré qu'avec les sages-femmes il y avait une diminution de nombreuses interventions et donc des coûts par rapport à la pratique médicale traditionnelle pour une clientèle à bas risque. On peut voir ici mentionné qu'il y avait, avec les sages-femmes, quatre fois moins de forceps, huit fois moins de ventouses, cinq fois moins d'épisiotomies, deux fois moins de césariennes, une réduction de plus de 70 % des déchirures du troisième et quatrième degré, trois fois moins d'hospitalisations en cours de grossesse, près de deux fois moins de prématurité, près de deux fois moins de bébés de faible poids, sans compter que les clientes des sages-femmes ont un taux d'allaitement de plus... de près de 98 %.

L'accouchement en dehors de l'hôpital est donc une réalité qui ne cesse de croître au Québec. Les besoins sont là, et la question de la sécurité est soutenue par les données probantes, car les études scientifiques démontrent de façon systématique que, pour des situations à bas risque, un accouchement en dehors de l'hôpital est aussi sécuritaire que celui à l'hôpital. Les maisons de naissance sont donc un choix normal pour une femme enceinte en santé.

Aujourd'hui, les sages-femmes sont reconnues depuis les débuts d'ailleurs par le gouvernement comme des partenaires pour atteindre les objectifs liés à la transformation du système de santé. En même temps, il voudrait faire remarquer à la commission, le regroupement, qu'il y a un décalage entre la vision qui est proposée pour transformer le système et la réalité du terrain.

Avec le projet de loi n° 83, le ministère fait valoir l'importance de valoriser la prévention, la promotion de la santé et l'approche communautaire près des milieux de vie des citoyens. Il est important et nécessaire d'affirmer et de consolider la première ligne comme l'assise principale du système de santé et des services sociaux.

Dans sa politique de soutien à domicile, pour le ministère, «dans le respect du choix des individus, le domicile sera toujours envisagé comme la première option au début de l'intervention ainsi qu'à toutes les étapes». Alors, les intervenants doivent contribuer à l'objectif de soutien à domicile qui constitue le fondement même de la loi sur la santé et les services sociaux. Le ministère parle enfin de faire différemment, tout en répondant à de nouveaux besoins.

Selon le regroupement, les sages-femmes sont exactement en lien avec cette vision et les orientations du ministère. Elles offrent déjà ce genre de soins que le gouvernement souhaite instaurer à travers la transformation du système de santé en favorisant une approche efficiente, centrée sur le client, qui permet de replacer les soins dans la communauté.

Cinq ans seulement après leur légalisation et en dépit d'un manque important d'information sur leur existence, leur spécificité ainsi que celle des maisons de naissance, nous constatons une demande croissante pour les services de sage-femme. Depuis l'instauration des sages-femmes en projet pilote, il y a eu une augmentation de la demande pour les sages-femmes de plus de 200 %. Alors, c'est significatif.

C'est la complémentarité et la hiérarchisation des lignes de soins ainsi qu'une vision sociale de la santé qui vont permettre des soins optimaux auprès des femmes et des familles. Cela correspond tout à fait à la vision d'organismes nationaux et internationaux, comme la SOGC, la Fédération internationale des obstétriciens gynécologues, la Confédération internationale des sages-femmes, Santé Canada et l'Organisation mondiale de la santé. Ces organismes confirment la reconnaissance du droit des femmes à être informées et à décider de l'endroit où elles se sentent le mieux pour mettre au monde leur enfant.

Cependant, la réalité est que l'accessibilité des sages-femmes fait gravement défaut et qu'il n'existe pratiquement pas de planification du développement de la profession. Cette situation devient encore plus préoccupante si on tient compte de la situation de crise d'effectifs médicaux en obstétrique. En tant que seule professionnelle formée spécifiquement pour les soins en maternité normale, la sage-femme pourrait alléger la pression sur les spécialistes, que ce soient les obstétriciens gynécologues ou les pédiatres, qui se retrouvent à faire de la première ligne. Et elles allégeraient aussi d'autres professionnels qui sont surchargés.

La réalité du terrain, c'est aussi celle des projets de maison de naissance qui sont difficilement perçus comme une oeuvre de promotion de la santé. Nous constatons la force de l'hospitalocentrisme et la culture médicale en santé des femmes. Comment un système de santé peut-il évoluer vers la concrétisation d'une vision globale et sociale de la santé, affirmer vouloir contrôler les coûts, développer le virage ambulatoire et ne pas soutenir en même temps le développement des alternatives à l'hospitalisation pour des personnes en santé qui constituent au moins 80 % des mères et des nouveaux-nés? La réalité des infections nosocomiales et l'ensemble des données probantes seraient des leviers suffisants pour amorcer une sérieuse réflexion sur nos habitudes et nos croyances en rapport avec l'organisation des soins en maternité. Il s'agit ici de concrétiser la promotion et la protection de la santé.

Alors, concernant le projet de loi n° 83 et parce que les sages-femmes veulent vraiment assumer leur rôle dans le système de la santé, nous considérons que les sages-femmes doivent avoir les leviers pour participer à l'organisation et au développement des services de première ligne.

Alors, les propositions que l'on fait concernent l'article 99.7, là, au quatrième alinéa. Comme les sages-femmes offrent un soin continu de haute qualité aux femmes enceintes et en santé et à leurs nouveaux-nés, alors en respect de leur champ de pratique et leur champ de compétence, les sages-femmes ont besoin d'avoir de bons mécanismes de consultation et de référence pour la population du territoire du réseau local des services sociaux où elles exercent. Elles font partie des services généraux des CSSS et sont des partenaires essentielles des spécialistes pour donner des soins optimaux aux femmes enceintes et aux familles. Leur travail inclut évidemment l'accès au plateau technique et diagnostique, au laboratoire et à des médecins spécialistes dans une perspective de hiérarchisation des services.

Donc, nous proposons de remplacer les «services médicaux généraux», à la première ligne du quatrième alinéa, par les «services généraux» tout simplement pour inclure les sages-femmes. Et ajouter, à la fin de ? comment on dit ça? ? d'ajouter «et les sages-femmes», de telle sorte que ça puisse vraiment inclure le plein potentiel du travail des sages-femmes en complémentarité.

La deuxième proposition concerne l'article 129. Un CSSS doit responsabiliser tous les intervenants du réseau afin qu'ils assurent de façon continue à la population du territoire de ce réseau l'accès à une large gamme de services de santé et de services sociaux. Le conseil d'administration a donc une lourde tâche et doit compter dans ses rangs tous les acteurs susceptibles de mener à bien sa mission.

Le problème, avec l'article présenté dans le projet de loi n° 83, est que les sages-femmes sont absentes. Les sages-femmes sont des professionnelles distinctes du nursing et de la médecine et sont les seules à offrir un suivi complet de maternité. Elles doivent donc avoir leur place spécifique pour contribuer à la construction du projet clinique de l'instance et faire profiter au C.A., comme chacun des autres membres, de leur perspective et expertise. C'est la concrétisation d'un réseau intégré. L'argument du nombre ne tient pas la route. Quand un CMDP, ou un CII, ou un CSF est constitué sur un territoire, il doit avoir une représentation sur le conseil d'administration.

Alors, le regroupement propose d'ajouter, à l'article 129, qu'il y a «une personne désignée par et parmi les membres du conseil des sages-femmes, le cas échéant».

En relation avec cet article-là, ça concerne l'article 133.0.1, parce qu'il n'y a que les sages-femmes pour représenter les sages-femmes. En tant que nouvelle profession dans le système de santé, il ne serait pas logique de créer une confusion et de niveler en quelque sorte les différences. Ce semblant d'économie ne servirait pas l'évolution des soins en maternité ni la transformation souhaitée par le projet de loi n° 83. Pour faire une différence, il faut minimalement la nommer.

Alors, le regroupement propose d'abolir l'addition proposée au deuxième... de l'article 133.0.1.

La quatrième proposition concerne un article qu'on a nommé 370.9. Le regroupement a constaté l'institution, pour chaque région du Québec où le gouvernement a institué une agence, d'une commission médicale, infirmière et multidisciplinaire régionale. Ces commissions sont responsables envers le C.A. de l'agence de donner leur avis sur les réalités et l'organisation des services sur leur territoire.

Le regroupement constate qu'il n'y a aucune commission régionale sages-femmes. En tant que profession distincte de la médecine et du nursing et en tant que profession en émergence, le regroupement croit qu'une instance sages-femmes serait nécessaire et même essentielle lorsqu'il y a des sages-femmes sur le territoire. La réalité et les préoccupations de cette nouvelle profession demandent qu'elle puisse parler pour elle-même et ne pas être littéralement oubliée ou négligée par d'autres instances professionnelles qui ont leurs propres préoccupations et responsabilités.

n (10 h 30) n

En ce qui concerne l'accessibilité, l'organisation, la distribution des services de sages-femmes, son intégration sur le territoire, la planification de la main-d'oeuvre à la lumière des plans régionaux et d'organisation des services, il serait essentiel que ce soient des sages-femmes qui donnent leur avis au conseil d'administration de l'agence de leur région. Le regroupement considère qu'une commission de sages-femmes aurait donc les mêmes responsabilités face au conseil d'administration de l'agence.

Cependant, compte tenu de l'état actuel des effectifs sages-femmes, il faudrait pouvoir penser différemment la composition de cette commission à court terme et à moyen terme. L'argument du nombre ne peut avoir d'effet lorsque l'on considère la spécificité des services offerts. Le regroupement considère que, dans les faits, il s'agira d'un comité. À notre sens, il est essentiel d'instituer quand même une commission dès qu'il y a présence de sages-femmes sur un territoire afin d'assurer la contribution la plus pertinente des sages-femmes à la mission d'une agence et de permettre la meilleure intégration au réseau régional. C'est la logique de l'intégration des sages-femmes dans le système de santé québécois.

Alors, comme vous avez pu regarder, dans le mémoire, on a proposé une formulation ? on ne connaît à peu près rien sur les termes légaux, et tout ? mais une formulation pour quand même dire qu'on propose qu'il y ait une commission sages-femmes régionale et dont la composition devrait être déterminée, là, en collaboration, bien évidemment. Elle serait responsable envers le conseil d'administration de l'agence de donner son avis sur l'organisation, la distribution et l'intégration des services de sages-femmes sur leurs territoires et sur la planification de la main-d'oeuvre sages-femmes à la lumière des plans régionaux de services. Elles seraient responsables de donner leurs avis sur certaines questions relatives à l'accessibilité et la coordination des services dans la région, de donner leurs avis sur les approches novatrices et leurs incidences sur la santé et le bien-être de la population, d'exécuter tout autre mandat que lui confie le conseil d'administration et de lui faire rapport périodiquement.

Et en dernier, le regroupement a une préoccupation qui concerne les maisons de naissance. Les maisons de naissance québécoises sont uniques au Canada et sont un modèle qui inspire plusieurs pays d'Europe. Elles correspondent à une vision sociale et communautaire de la maternité et de la santé. Les études en démontrent systématiquement la sécurité, leur pertinence et leur efficience, alliant la qualité et la diminution des coûts. Elles sont enfin, au Québec, il ne faut pas l'oublier, un lieu de formation essentiel pour les futures sages-femmes.

Le regroupement est préoccupé du flou de leur statut dans le système de santé. Ce flou risque de mener à une certaine dérive néfaste pour la préservation de leurs spécificités comme lieux de naissance accueillant les personnes en santé et des familles. Pour les femmes et les familles, une maison de naissance n'est pas un CLSC et encore moins le département d'un centre hospitalier. On connaît, sur le territoire, un type de flou qui commence à être exprimé par rapport aux maisons de naissance; un peu de tout et n'importe quoi peut être nommé «maison de naissance».

Alors, les maisons de naissance ne sont plus des projets pilotes. Elles auraient avantage à avoir un statut reconnu et surtout protégé. Le regroupement aimerait que la commission tienne compte de cette préoccupation. Ailleurs dans le monde, des mécanismes pour protéger l'identité et la mission des maisons de naissance existent.

Nous proposons qu'il y ait un mécanisme d'agrément pour protéger l'identité et le sens des maisons de naissance, mais nous sommes à la fois conscientes qu'il y a eu une demande ou une proposition pour que l'étude de leur statut comme un établissement soit vraiment amorcée, en tout cas au moins regardée, ce qui leur donnerait, concrétiserait une mission en santé de la maternité, probablement en santé des femmes, et protégerait vraiment leur sens dans notre système de santé.

Alors, les sages-femmes du Québec font maintenant partie intégrante du système de santé, puis nous croyons qu'elles contribuent à sa richesse. Leur pratique est respectée et reconnue pour son excellence par des organisations de sages-femmes ailleurs dans le monde. Elles correspondent aussi à la vision que le ministère veut concrétiser en amenant des changements dans l'organisation des soins et des services.

Alors, malgré de nombreuses imprécisions dans les termes légaux, nous soumettons quand même toutes nos propositions à la commission, puis c'est vraiment dans un esprit constructif et d'intégration concrète des sages-femmes dans le système de santé que nous souhaitons travailler. Nous vous remercions de nous avoir permis de nous exprimer. Et voilà.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Lemay. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Lemay, Mme St-Onge, Mme Beauchemin, pour votre, je dois dire, excellente présentation, très bien exprimée, très balancée également et constructive, j'ai trouvé. Alors, je vous remercie de nous faire profiter de vos suggestions.

Vous avez raison, il y a une chose, une phrase que vous avez dite, au début, qui m'a frappé, parce que c'est vrai pour tout le monde, incluant ceux qui veulent changer des choses et ceux qui ont à administrer le changement au gouvernement. Vous dites qu'il y a une différence, il y a un décalage entre la vision et la réalité. C'est toujours comme ça, hein, on va être d'accord, il y a toujours un décalage entre les deux. Et le travail qu'on doit faire, c'est essayer de combler le décalage et de rapprocher la vision de la réalité, ou vice versa. Il faut voir qu'est-ce qu'on essaie de pousser vers quoi. C'est, au début, la question qu'on doit se poser.

Et, moi, je suis entièrement favorable au développement de la profession de sage-femme au Québec. On sait que, dans d'autres pays, c'est une question qui n'est même plus débattue, pour la plupart des pays européens occidentaux au moins; je ne sais pas dans l'Europe de l'Est quelle est la situation, mais, dans ces pays, il est normal et attendu qu'une femme qui accouche dans des conditions de bas risque soit, la plupart du temps, accouchée ou accouche avec une sage-femme. Vous avez vu comme j'ai bien appris la sémantique.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: Mais ce que je voudrais dire là-dessus, pour revenir à la vision et la réalité, c'est que vous avez mentionné la maison de naissances, vous avez raison, c'est une innovation québécoise que beaucoup de gens viennent étudier. Moi-même, j'ai une cousine française qui est sage-femme, et, vous savez, là-bas, la pratique sage-femme est très répandue dans les centres hospitaliers, mais elle veut venir faire les stages au Québec à cause de la présence des maisons de naissance.

Mais ce que je voulais vous exprimer là-dedans, c'est que la réalité d'aujourd'hui fait que les femmes veulent avoir le choix d'accoucher dans les trois milieux, mais qu'à chaque endroit il y ait une sage-femme disponible. Alors, c'est vrai pour la maison de naissances bien sûr, c'est vrai pour le domicile ? puis on espère qu'on va pouvoir régler les problèmes d'assurance, là, assez rapidement ? mais il y a encore un grand nombre de femmes québécoises qui, pour des raisons qu'elles trouvent valables, veulent accoucher en centre hospitalier. Et je pense qu'il faut tenir compte de cette réalité-là. Si on essaie de tordre la réalité trop vite, on risque de ne pas avoir leur suivi, et je pense que l'avenir de votre profession passe nécessairement par un contact de plus en plus fréquent et quotidien entre les femmes du Québec et les sages-femmes, et souvent ça va commencer dans le centre hospitalier.

Et je sais que, dans votre groupe, il y a des différences idéologiques là-dessus. Mais, moi, je suis persuadé de ça. C'est-à-dire que, si on ne continue pas... en même temps qu'on avancera dans les maisons de naissance et l'accouchement à domicile, si on ne continue pas à favoriser les projets pilotes d'inclusion de sages-femmes dans les centres hospitaliers, on risque de retarder la venue de plein droit de cette profession dans tout l'horizon du système de santé du Québec. Et je pense qu'il faut bien expliquer que les trois options sont disponibles, et, nous, on est entièrement favorables à ce que, dans les trois endroits, les femmes puissent choisir d'accoucher avec une sage-femme.

Vous ne pensez pas qu'il faut garder le choix? On ne peut pas dire qu'on veut que les femmes aient le choix puis enlever un choix de la liste, hein?

Mme Lemay (Céline): On est d'accord, on veut que les femmes aient un choix et on est d'accord que les changements ne sont pas rapides. Excepté que notre philosophie fait qu'on croit sincèrement que, pour la plupart des accouchements normaux et des femmes en santé, le milieu hospitalier n'est pas le meilleur choix. Excepté que des changements, ça se fait lentement, et c'est pour ça que, nous, on a demandé que la pratique sage-femme soit basée dans la communauté.

Donc, une pratique sage-femme, ce n'est pas basé soit à l'hôpital, soit dans une maison de naissances, c'est basé dans une communauté. Et l'essence même d'une maison de naissances, c'est ça, c'est dans la communauté et non dans un hôpital, et que la naissance, c'est une journée dans la vie d'une femme, et que la naissance, le choix du lieu de naissance, pour nous, c'est un détail et c'est un détail que c'est les parents qui décident.

Et c'est pour ça qu'on a voulu les trois lieux, et que, doucement, probablement qu'avec l'information du public la population va se répartir un peu équitablement dans les trois lieux. Mais il faut pour ça de la formation et de l'information au public. Et je suis certaine qu'en ce moment c'est 99 % qui veulent accoucher à l'hôpital, parce que c'est le connu, c'est ce qui sécurise. Mais je pense que notre rôle est d'informer les gens que les trois choix sont acceptables, sécuritaires, raisonnables.

M. Couillard: Puis, M. le Président, je suis d'accord avec vous entièrement là-dessus. C'est-à-dire que l'erreur qu'il ne faut pas faire, c'est d'apparaître de vouloir dire aux gens: Le choix que vous faites, ce n'est pas un bon choix. Je pense qu'il faut être très prudents avec ça. Oui?

Mme Beauchemin (Monique): Tout à fait. Puis ça, ce n'est pas dans notre mission, ce n'est pas dans notre objectif. C'est de laisser les femmes choisir le lieu de naissance.

M. Couillard: Puis pour nous également, dans la vision qu'on a du réseau de la santé ? vous l'avez bien identifié, vous avez très bien identifié les principes qui sous-tendent le projet de loi n° 83 et la réorganisation en cours ? la sage-femme pour nous est clairement identifiée comme une intervenante de première ligne, donc qui est du milieu, qui autrefois se joignait au réseau de santé par le CLSC ? maintenant par le CSSS via sa mission CLSC. Donc, la philosophie de première ligne et d'appartenance communautaire est confirmée.

On est également très ouverts au fait d'ajouter au conseil d'administration, là, une représentante du conseil sages-femmes. On l'a déjà dit avec d'autres représentants, et je pense que ce serait logique de le faire.

n (10 h 40) n

Je me pose une question cependant sur votre remarque finale sur le statut des maisons de naissance. Vous insistez toujours sur le fait, avec raison, qu'il s'agit d'établissements qui doivent être le plus autonomes possible, tout en étant relatifs, parce qu'il faut quand même qu'il y ait un lien avec l'organisation des soins périnataux sur le territoire. Il faut que ça vienne de la communauté, il faut que ce soit très citoyen comme milieu. On sait toute la philosophie que les maisons de naissance représentent. Ça m'apparaît difficilement compatible avec un permis d'établissement, ça, là. On peut risquer à mon avis de perdre ce que vous avez, en rentrant dans le réseau comme un établissement, comme le sont les CSSS, ou les CH, ou les CHSLD. Je n'ai pas l'impression que c'est compatible avec la vision même que vous avez des missions des maisons de naissance.

Mme Lemay (Céline): C'est-à-dire que, si elles étaient considérées comme un établissement, on pourrait justement... pas concrétiser, mais protéger une mission particulière dans les soins en maternité, santé des femmes. Et ce n'est pas le CH et ce n'est pas un CLSC, et donc il y aurait vraiment quelque chose qui serait nommé au moins. Parce que, sinon, il n'y a que cinq types d'établissement, et les sages-femmes, bien qu'elles soient reliées à un CLSC, vont aussi aller dans un CH, et tout ça.

Et les maisons de naissance n'ont pas de statut propre. C'est à repenser, mais il va falloir trouver un mécanisme pour que ça puisse être nommé ou protégé comme... Nous, on a proposé un mécanisme d'agrément, mais je ne suis même pas sûre que c'est quelque chose qui puisse être fait. Mais comment concrétiser la mission particulière d'une maison de naissance? Je n'ai pas les compétences légales, et tout ça, mais il faudrait y penser, vraiment.

M. Couillard: Je voudrais vous donner un parallèle que vous pourrez peut-être étudier, là, parce que ce n'est pas nécessairement une question qu'on va résoudre à court terme. Vous allez dire: Il n'y a pas de commune mesure. Mais, oui, il y a un point commun. Les maisons de soins palliatifs, par exemple, c'est des gens qui fonctionnent exactement sur la même philosophie, hein: des gens qui sont près du milieu, qui veulent se distinguer du milieu hospitalier pour offrir des soins de fin de vie. Là, vous êtes aux soins de début de vie, oui, ce n'est pas la même chose, mais vous avez un peu la même vision. Et ces gens-là, ce qu'ils nous ont dit, c'est: Effectivement, nous, on ne veut pas avoir un permis d'établissement, on ne veut pas être un établissement du réseau; on veut avoir une relation avec le réseau bien sûr, de type communautaire ou autre. Il faut trouver la formulation qui les satisfasse et qui respecte la loi également. Mais je pense que c'est une réflexion qui devra se poursuivre de ce côté.

Pour ce qui est de l'organisation régionale que vous suggérez, je ferais également un autre parallèle, c'est avec celui des services pharmaceutiques. Vous savez que les pharmaciens, jusqu'à maintenant, n'ont pas de représentation régionale et n'ont pas non plus de structure, là, qui permet de coordonner les services pharmaceutiques dans une région. Ce qu'on a proposé, dans ce qu'on propose dans le projet de loi n° 83, comme il s'agit d'un premier pas, c'est un comité pharmaceutique régional. Et je me demande si, dans le cas des sages-femmes, ce ne serait pas également une voie à suivre pour une première étape. Parce que des fois, si on va trop vite, on peut avoir des problèmes et regretter d'avoir brûlé les étapes.

Donc, je laisse ça à votre réflexion également, cette... Parce que, vous-même, vous avez dit que vous vous attendiez que ça fonctionne, dans le concret, comme un comité, là, dans la plupart des régions, compte tenu du nombre, et je pense que ce serait peut-être une voie à envisager.

Le Président (M. Paquin): Mme Lemay.

Mme Lemay (Céline): Est-ce que la mission ou les responsabilités d'un comité pharmaceutique est du même ordre qu'une commission régionale, par exemple?

M. Couillard: Ça n'a pas un statut officiel aussi fort, parce que la commission est un organisme constitué de l'organisation régionale des soins de santé, mais la façon dont on le propose pour le comité pharmaceutique régional ? vous pourrez le regarder dans les articles, là ? on leur donne le mandat de coordonner, organiser les services pharmaceutiques dans le territoire régional, et je pense que c'est exactement ce que vous voulez faire. Ce qui n'empêche pas qu'un jour on accède assez facilement, techniquement, là, soit à une commission pharmaceutique régionale, soit à une commission sages-femmes régionale. Je pense qu'il faut avoir une vision encore une fois qui part de la réalité. Merci.

Le Président (M. Paquin): Oui. C'est tout? Merci, M. le ministre. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue au Regroupement Les Sages-femmes du Québec, Mme Lemay, Mme St-Onge, Mme Beauchemin, de la part de ma collègue la députée de Rimouski et de moi-même.

Alors, vous avez mentionné, dans votre présentation du mémoire, cette expression: Les sages-femmes veulent parler pour elles-mêmes. Je crois qu'il y a une étape qui doit être franchie, là, une nouvelle étape à franchir. Sur le plan théorique, il y a possibilité, on dit «d'accoucher avec une sage-femme»? C'est la bonne formule, hein? Bon. Alors, il y a possibilité d'accoucher avec une sage-femme, sur le plan théorique, je crois, dans un établissement de santé au Québec, actuellement, à Verdun, je crois, ou...

Mme Lemay (Céline): Ville Lasalle.

Mme Harel: ...Lasalle, Lasalle. Lévis, éventuellement? Ou c'est fait déjà?

Une voix: Oui. C'est fini.

Mme Lemay (Céline): Il y en a d'autres qui s'en viennent.

Mme Harel: Oui? Bon. Donc, ça évolue sur le plan du terrain. Les maisons de naissance, il y en a eu une nouvelle récemment, mais... Je pense à celle des Laurentides, là, qui est en attente depuis presque 10 ans. À la maison, il ne se passe rien, même si beaucoup de femmes aimeraient avoir le choix aussi d'accoucher à la maison ? pour en avoir rencontré quelques-unes d'entre elles ? parce qu'il y a un problème d'assurance responsabilité. J'avais fait préparer, par la Bibliothèque de l'Assemblée nationale, un état de situation sur l'assurance responsabilité dans les autres provinces, et où en est-on à ce niveau-là? Dans les autres provinces, c'est le ministère concerné qui a pris à sa charge l'assurance responsabilité, comme c'est le cas d'ailleurs pour tous les professionnels de la santé dans les établissements. Alors, on aura l'occasion d'en parler au moment de l'étude des crédits; on a transmis les questions à ce sujet au ministère.

Bon, là on en est à une étape qui est finalement plus institutionnelle. Quel est le pas de plus que vous franchisez... franchissez, plutôt ? franchissez ? dans la reconnaissance de l'acte, disons, de sage-femme, hein? Quel est le pas de plus que vous allez franchir au regard des autres? Parce qu'on peut être, si vous voulez, reconnus par les femmes qui veulent accoucher, mais, si l'ensemble du réseau de la santé et services sociaux public, parapublic, si vous y êtes absente... C'est ce que je comprends dans votre mémoire. Moi, j'ai pris en note, là, dans mon projet de loi, pour l'étude article par article, des amendements que vous proposez. Là, on est à une croisée des chemins quant à la reconnaissance institutionnelle, mais qui ne fait pas de vous... une reconnaissance qui vous engagerait dans la dynamique d'un établissement public.

En fait, vous voulez demeurer, les maisons de naissance veulent demeurer autonomes et en même temps être reconnues au niveau des instances de décision, hein? Parce que vous avez beaucoup d'amendements au niveau des instances de décision, là, je les ai tous pris en note. Est-ce que la recommandation que le ministre nous a faite vous paraîtrait aller dans le sens que vous souhaitez, c'est-à-dire cet équivalent, là, du niveau pharmaceutique?

Le Président (M. Paquin): Mme Lemay.

Mme Lemay (Céline): C'est difficile à évaluer à court terme. Mais, si un comité institué est capable de s'occuper, sur le territoire, de ce qui concerne la profession, comment elle s'est organisée, comment elle s'articule avec les autres instances des services de santé sur le territoire, en autant qu'on a des leviers pour continuer à se développer mais aussi faire part de notre spécificité comme service dans le système de santé...

On se fait souvent dire qu'on est plutôt isolés, que personne ne nous voit, et c'est évident que, non seulement au niveau de la population, mais au niveau de nos partenaires du système de santé, on est non seulement inconnus, on est méconnus surtout. Mais, au niveau du terrain, depuis le début des maisons de naissance, les sages-femmes ont des liens partout, dans les tables de concertation, dans les comités, avec les infirmières, elles participent à des «rounds», qu'on appelle, dans l'hôpital. Il y a plein de mécanismes qu'on a développés avec le temps pour, au nom de nos clientes dans le fond, avoir les meilleurs soins pour elles. Et donc, s'il faut des références, des consultations, ces choses-là se passent. Donc, on n'est pas en vase clos, et c'est une perception, ça. Et donc en ayant des leviers plus institutionnels, on va se faire connaître aussi.

n (10 h 50) n

C'est comme... je pensais l'autre fois à un groupe de médecine familiale. Je veux dire, personne ne sait qu'est-ce qui se passe là, il n'y a que des médecins généralistes avec peut-être une infirmière pivot. Dans une maison de naissance, il y a des sages-femmes avec des aides natales. Alors, les cultures se font souvent, se bâtissent de façon différente, que ce soient les CLSC et les CH. J'ai remarqué, en étant sur une table de concertation en périnatalité, comment les infirmières de CLSC versus le CH ne savent pas ce que les unes font ou les autres font. Et donc c'est avec le temps puis c'est au fur et à mesure des besoins que les contacts se font et la connaissance mutuelle, la confiance mutuelle aussi se construit. Mais c'est déjà là. Ce n'est pas quelque chose qui va être là, c'est déjà très installé partout où il y a des sages-femmes.

Alors, le but du regroupement, aujourd'hui, c'était vraiment de s'assurer aussi qu'il y ait des leviers pour aller un petit peu plus loin et contribuer, par ce qui apporte une façon particulière de travailler et de voir la maternité, de voir la santé des femmes, de contribuer à l'organisation, le modelage dans le fond de tout l'arrimage des différents services de santé.

Mme Harel: Je comprends que vous nous dites: C'est déjà là sur une base interpersonnelle, mais ça ne l'est pas sur une base institutionnelle et ça dépend donc de la bonne volonté. Actuellement...

Mme Lemay (Céline): Comme partout.

Mme Harel: Oui, mais en même temps, pour ne pas reculer, il faudrait qu'il y ait dans la loi une reconnaissance institutionnelle qui fasse que ça ne dépende plus simplement de la bonne volonté des relations interpersonnelles. C'est ça qu'il faut comprendre, hein?

Mme Lemay (Céline): Complètement. Vous avez bien compris.

Mme Harel: Alors, je vous remercie. Vous vouliez dire un mot?

Le Président (M. Copeman): Ça va?

Mme Beauchemin (Monique): Oui.

Le Président (M. Copeman): Oui, Mme Beauchemin.

Mme Beauchemin (Monique): Moi, j'ai une préoccupation importante. On parle des sages-femmes sur les instances, sur les agences, là où il y a des sages-femmes. Ma grosse préoccupation, c'est qu'il y a beaucoup de régions où il n'y a pas encore de sage-femme. Qu'est-ce qu'on fait, là, pour que ces C.A. là soient conscients de l'importance de développer une pratique sage-femme? Comment on pourrait faire que, dans une loi sur la santé et les services sociaux, on mette un mécanisme pour qu'il y ait un développement dans des régions où il n'y en a pas? Parce que, dans des régions où il n'y en a pas, il n'y aura pas de conseil sage-femme et donc il n'y aura pas de représentation sage-femme dans les instances et les agences, alors comment on va favoriser le développement? Et c'est ça qui me préoccupe beaucoup: il n'y a pas de mécanisme, on ne fait pas de promotion, il n'y a pas de mécanisme de développement puis il n'y a pas d'incitatif.

Une autre chose. L'incitatif, c'est le salaire des sages-femmes; il vient directement des budgets globaux des agences, tandis que le salaire des médecins, il vient de la RAMQ. Alors, les agences ne sont pas intéressées à engager des sages-femmes, ça pige directement dans leur budget, tandis qu'ils sont intéressés à utiliser les médecins de leur coin parce qu'ils sont payés par la RAMQ. Donc, ça nous désavantage pour le développement.

Mme Harel: Oui, parce qu'en fait je comprends que globalement il s'avère... avec la démonstration que vous faites dans votre mémoire, globalement, si vous voulez, pour la société... je dirai peut-être une formule, disons, moins heureuse, mais c'est rentable que d'accoucher avec une sage-femme.

Mme Lemay (Céline): Complètement.

Mme Harel: D'abord, on évite les établissements où le ministre dit lui-même qu'il ne peut pas éradiquer les maladies nosocomiales, d'une part...

M. Couillard: Personne ne peut.

Mme Harel: Bon, personne ne peut. Alors, il le dit, que personne ne peut, donc, si personne ne peut, il vaut mieux ne pas aller dans un établissement où personne ne peut, hein? Il vaut mieux éviter un établissement où personne ne peut. Donc, on aurait tout intérêt à ne pas mettre en contact la mère qui accouche et le bébé, dans un établissement où on reconnaît qu'il va toujours y avoir des maladies nosocomiales, d'une part, avec toutes les statistiques que vous nous transmettez sur les bas risques et sur les avantages que ça peut représenter, indéniablement.

Mais il y a certainement un problème systémique en quelque part pour que ça ne se développe pas. Puis ce que vous venez de nous dire certainement touche du doigt un des problèmes: dites-nous le mode de financement ou de rémunération, puis on comprendra pourquoi finalement les sages-femmes continuent à avoir de la difficulté à se développer dans les milieux où on les attend pourtant. Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Oui. Alors, Mme Lemay, Mme Beauchemin, Mme St-Onge, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Regroupement Les Sages-femmes du Québec.

Et j'invite immédiatement les représentantes du Conseil des sages-femmes du Centre de santé et de services sociaux Côte-des-Neiges, Métro, Parc-Extension à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux, un peu beaucoup sur le même thème, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes du Conseil des sages-femmes du Centre de santé et des services sociaux Côte-des-Neiges, Métro et Parc-Extension. Mme la présidente Piltan ? j'espère que je le prononce bien...

Mme Piltan (Anne): Parfait. Merci.

Le Président (M. Copeman): ...très bien ? bienvenue à cette commission. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation; ce sera suivi par un échange de 20 minutes... 25 minutes, pardon, avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je vous prie de présenter vos collaboratrices et de débuter votre présentation par la suite.

Conseil des sages-femmes du Centre de santé
et des services sociaux de Côte-des-Neiges,
Métro et Parc-Extension

Mme Piltan (Anne): Parfait. Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Merci de bien vouloir nous permettre aujourd'hui de nous exprimer sur un sujet d'importance pour notre conseil effectivement, mais également pour l'ensemble de notre profession, à savoir la représentation des sages-femmes sur le conseil d'administration des CSSS.

Donc, je m'adresse à vous en tant que présidente du Conseil sages-femmes du CSSS Côte-des-Neiges, Métro, Parc-Extension, et je suis accompagnée de Mme Marleen Dehertog, qui est vice-présidente du conseil et responsable des services sages-femmes de la Maison des naissances, et de Catherine Gerbelli, qui est secrétaire de notre conseil.

Le service sage-femme existe depuis 10 ans, dans notre CSSS Côte-des-Neiges; il s'agit d'un service de première ligne avec le mandat particulier d'offrir des services sage-femme à une population régionale de sorte que toute la population de l'île de Montréal pourrait potentiellement avoir accès à ces services. Je dis bien potentiellement, car dans les faits seules 30 % des demandes sont actuellement satisfaites. En effet, la Maison des naissances Côte-des-Neiges refuse à elle seule 60 % des demandes de suivi, et ce, sans aucune publicité.

Pour vous donner un aperçu de ce que cela représente, je vous dirai que 350 couples se sont retrouvés sur notre liste d'attente, depuis janvier, entre janvier et mi-mars de cette année, soit en deux mois et demi. Ceci représente déjà plus que la clientèle d'une maison de naissance en un an. L'année passée, seulement 306 couples sur les plus de 1 000 inscriptions ont pu bénéficier de nos services; plus de 600 couples désirant un suivi ont été obligés de requérir un service qui ne répondait pas à leur demande initiale. Cela représente la clientèle annuelle de deux nouvelles maisons de naissance.

Nous pouvons donc affirmer qu'une nouvelle maison de naissance, sur l'île de Montréal, démarrerait, demain matin, avec déjà une liste d'attente de plus de 600 noms. Un pareil engouement pour les services sage-femme et les maisons de naissance démontre sans conteste à quel point elles répondent à un besoin et à une demande de plus en plus grande de la population. Les maisons de naissance sont dorénavant pour la population intimement liées à la pratique sage-femme.

Les maisons de naissance ont permis que se concrétise une vision de l'accouchement normal en dehors d'un contexte médical. Elles ont confirmé que l'accouchement hors milieu hospitalier est sécuritaire, elle est un espace physique, intermédiaire entre le domicile et le milieu hospitalier. C'est un espace communautaire et convivial à l'intérieur duquel les femmes et les familles développent un sentiment d'appartenance. Ceci permet que se renforcent à la fois la confiance en soi et en ses capacités, l'autonomie, la prise en charge et la solidarité.

Nous devons considérer que le lieu physique dans lequel les femmes et les familles se retrouvent durant la grossesse et l'accouchement va directement influencer leurs perceptions, leur sens du bien-être et de la sécurité, avec un impact certain sur la promotion de la santé. Il nous paraît donc primordial de faire connaître et reconnaître ce besoin au niveau décisionnel des instances locales. Seule une représentante sage-femme peut faire valoir cette réalité au conseil d'administration des différents CSSS.n(11 heures)n

Cette vision, pour reprendre les termes du projet clinique, aucun autre professionnel ne peut la présenter d'un point de vue quantitatif, mais également qualitatif. En effet, la demande des couples n'est pas d'ajouter un autre professionnel dans la gamme des intervenants pour augmenter leur nombre, mais bien d'obtenir un service d'une autre nature répondant à d'autres projets de naissance. Cette distinction fondamentale est très mal comprise de plusieurs, y compris par des personnes clés du réseau, qui ne voient pas l'utilité d'ouvrir de nouvelles maisons de naissance alors que les sages-femmes pourraient très bien pratiquer à l'hôpital et à domicile. Oui, certainement, mais ce n'est pas ce que les femmes souhaitent dans la grande majorité et ce n'est pas non plus de cette manière que les sages-femmes pourront préserver leur excellent résultat en termes de santé publique, que ce soit du point de vue de l'impact sur la santé en termes de promotion et de prévention mais également sur les coûts. Cette dimension, seule une sage-femme peut la percevoir de manière aussi fine et la transmettre aux différents partenaires, et pour cela elle doit faire partie des conseils d'administration des CSSS, comme cela a été d'ailleurs prévu dans la Loi sur les sages-femmes.

Les objectifs poursuivis par le projet clinique concernant l'amélioration de la santé sont, et je cite, «de répondre aux besoins de santé et de bien-être de toute la population du territoire grâce à des modes de prestation adaptés, articulés entre eux et englobant l'ensemble des interventions, que ce soit la promotion-prévention, le diagnostic, l'intervention ou le traitement. Cette promotion-prévention... non, cette démarche, pardon, se réalise en fonction du potentiel des ressources locales. Elle tient compte des responsabilités et des possibilités de chacun des acteurs sectoriels et intersectoriels. Enfin ? je cite toujours ? il exige que chacun se rende imputable des services qu'il offre.» Ici encore, et puisqu'il est question de potentiel, de responsabilisation et d'imputabilité, il paraît évident que chaque professionnel ne peut agir qu'au nom de sa propre profession. Les sages-femmes axent avant tout leur pratique sur la promotion et la prévention de la santé. Les résultats sont là pour prouver qu'elles y parviennent parfaitement.

Pour toutes ces raisons, le Conseil sages-femmes... Je crois qu'il manque une page. Merci, mes... Je trouvais que c'était un peu court, excusez-moi. Vous deviez vous réjouir un peu, mais, bon.

L'accent mis sur le renforcement des capacités parentales a également des impacts très importants. Par exemple, le taux d'allaitement à la naissance est de 100 % et de 97 % à six semaines, à l'arrêt du suivi. Lorsque l'on sait que le haut taux d'allaitement est un des témoins de la bonne santé d'une population, ces résultats sont très parlants. Le taux de dépression postnatale est, quant à lui, fortement diminué à 0,5 % à quatre mois, persistant jusqu'à 12 mois.

Nous pourrions avancer d'autres chiffres significatifs, mais nous savons que vous les connaissez déjà et les avez entendus à nouveau tout récemment lors de précédentes consultations à ce sujet. Je souhaiterais toutefois souligner l'importance de ces statistiques sur la diminution des coûts de santé, que ce soit à court terme, à moyen terme, mais aussi à long terme.

Le troisième volet du projet clinique concerne les ententes à développer entre les différents partenaires. Il est donc important pour les sages-femmes d'être représentées afin d'assurer leur visibilité et leur crédibilité au sein du CSSS. Elles pourront ainsi être en mesure de faire valoir leur point de vue sur la manière d'articuler les services autour des objectifs communs, au même titre que l'ensemble des autres professionnels. Les instances locales sont responsables d'assurer l'accessibilité, la continuité et la qualité des services pour leur population. Il est donc important de créer des corridors de services entre les différents niveaux de spécialisation. La sage-femme peut être amenée à utiliser ces ressources, et il est donc important qu'elle participe à leur élaboration et à leur suivi.

La Maison de naissance Côte-des-Neiges est sur le point de signer une entente de services avec son hôpital de référence depuis plus de 10 ans. Comment imaginer le bon déroulement de ce partenariat si les sages-femmes ne font pas partie du conseil d'administration?

Pour toutes ces raisons, le Conseil sages-femmes du CSSS Côte-des-Neiges, Métro et Parc-Extension recommande qu'un siège soit réservé pour une de ses membres au conseil d'administration. Nous avons d'ailleurs reçu l'appui de notre conseil d'administration en ce sens. Nous recommandons donc que soit modifié l'article 129 par l'ajout, entre les paragraphes 4° et 5°, de l'énoncé suivant: «le cas échéant, une personne désignée par et parmi les membres du conseil sages-femmes de l'établissement».

J'aimerais également attirer votre attention sur le fait que les différents CSSS doivent établir les besoins de leur population et y répondre le mieux possible en fonction des ressources disponibles. Or, les CSSS qui ne connaissent pas la profession de sage-femme parce qu'ils n'offrent pas ce service ne peuvent pas même imaginer la demande de leur population à cet égard. Pour les mêmes raisons, ils ne peuvent pas anticiper les avantages qu'ils auraient à offrir ce service. Si l'on prend l'exemple de Montréal, comme je l'ai déjà mentionné, la demande est très forte provenant de l'ensemble de l'île. Il serait donc important que l'ensemble des CSSS de l'île de Montréal soient informés de cet état de fait afin de pouvoir étudier la possibilité d'offrir les services.

Nous comprenons bien que la présence d'une sage-femme sur chaque conseil d'administration paraît prématurée pour l'instant, mais nous pensons que des moyens devraient être mis en place et des démarches entreprises afin d'informer les conseils d'administration. Là encore, seule une sage-femme serait à même de mener cette tâche à bien par sa parfaite connaissance de la profession et des enjeux. Par exemple, une sage-femme pourrait faire partie d'un comité de travail de l'Agence de développement afin de sensibiliser les différents acteurs à cette question et leur rappeler l'existence de cette ressource. Si un projet doit faire partie des priorités de l'Agence de développement pour aboutir, encore faut-il que les personnes qui le portent puissent le faire connaître.

Nous vous remercions infiniment de votre attention.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, Mme Piltan. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Piltan, Mme Dehertog et Mme Gerbelli. Je veux dire que les deux mémoires consécutifs originant de votre profession sont certainement éloquents quant à votre capacité de présenter les choses et également de présenter des suggestions qui sont constructives et utiles.

Pour ce qui est de la représentation au conseil d'administration, vous avez peut-être suivi nos débats des derniers jours, on a déjà donné notre accord de principe à cette orientation, et donc, je crois que vous la retrouverez dans la forme finale du projet de loi, lorsque nous ferons l'étude article par article.

Je suis très intéressé par votre commentaire sur l'intérêt des gens de Montréal d'avoir accès aux services de sages-femmes dans n'importe lequel des milieux de naissance, plus particulièrement les maisons de naissance. C'est un peu l'essence de votre représentation. Moi, je dirais que la façon de procéder maintenant dans la nouvelle organisation du système de santé, à Montréal et ailleurs, c'est que vous avez maintenant 12 territoires à Montréal. C'est moins compliqué d'aller faire de la représentation dans 12 territoires que dans 56. Alors, il s'agirait, je crois, puis votre capacité de leadership sur l'île de Montréal étant depuis longtemps reconnue, de vous assurer que, dans les projets cliniques de chacun de ces 12, qui sont en train d'être élaborés actuellement, on instaure et on introduit la question de l'offre de service sage-femme, le tout étant bien sûr sujet à validation et arbitrage par le niveau régional. Parce que, si les 12 territoires décident qu'ils veulent mettre dans leur projet de développement une maison de naissance, bien il faut que quelqu'un fasse l'arbitrage puis décide à quel endroit géographiquement ça doit se situer. Parce que je ne pense pas que votre solution pour la liste d'attente, c'est de tripler ou de quadrupler la capacité de votre maison de naissance, mais je suppose plutôt d'offrir d'autres ailleurs sur l'île de Montréal.

Mme Piltan (Anne): Oui, parce que les deux maisons de naissance qui sont déjà... Je peux intervenir comme ça? Les deux maisons de naissance qui existent déjà sur l'île de Montréal sont à pleine capacité. Une maison de naissance, c'est quelque chose de restreint aussi comme lieu physique et puis comme vision. On ne peut pas transformer ça en petit hôpital. Donc, à un moment donné, on atteint notre pleine capacité et il faut développer d'autres points de services pour arriver à faire face à la demande.

M. Couillard: Il y a un renseignement utile qu'on me passe actuellement. Il y a huit maisons de naissance actuellement dans sept régions, dont deux à Montréal et dont vous êtes l'une d'entre elles, 77 sages-femmes. Quatre régions sans maison, mais en demande pour obtenir une maison de naissance: Laurentides, l'Estrie, la région de la Capitale-Nationale et la Montérégie. Alors, ça nous donne l'état des lieux.

Mais certainement qu'étant donné la densité de population sur l'île de Montréal il y aurait intérêt à susciter la présence, dans les différents projets cliniques, de l'offre de service sage-femme. On n'a aucune objection. Au contraire, on souhaiterait que ce soit là. Mais il faut que ça vienne du milieu. La philosophie qu'on a, c'est que le centre de santé et de services sociaux a une responsabilité envers sa population et non pas seulement les usagers du système de santé. Donc, il faut qu'ils considèrent avec leur représentation de la population à même leur conseil d'administration que c'est dans l'intérêt de la population d'avoir ce service et que ça répond à une demande également. Je pense que, si on veut garder notre pyramide dans le bon sens, il faut que le besoin origine d'un endroit où la population est représentée.

Donc, encore une fois, ma suggestion à vous qui êtes très expérimentée dans le développement des services sage-femme à Montréal, c'est peut-être prendre un peu la bâton de pèlerin puis aller voir les 11 autres territoires, puis c'est de d'assurer que partout le service est inclus dans le projet clinique.

Mme Piltan (Anne): Oui.

n(11 h 10)n

M. Couillard: Parce qu'après ce sera... Tu sais, si on l'oublie maintenant, une fois que le projet clinique est déposé, adopté, validée, arbitrée, de lever la main six mois, un an plus tard: Bien, on voudrait rajouter telle ou telle chose, c'est plus difficile que de le faire maintenant.

Mme Piltan (Anne): Ça fait près de 10 ans qu'on lève la main quand même, là. Si on parle des Laurentides, le dossier est sur... 10 ans. L'île de Montréal, ça fait quatre ans, cinq ans?

Mme Gerbelli (Catherine): Bien, c'est ça. Moi, je voulais intervenir là-dessus. C'est qu'actuellement on ne dessert pas l'est de l'île de Montréal. C'est très clair, là. De Pointe-aux-Trembles jusqu'à la rue Saint-Laurent, il n'y a absolument rien pour les femmes de l'est de l'île de Montréal, et, depuis 1988, le CLSC, à l'époque, du Plateau Mont-Royal, avec les femmes de la communauté des sages-femmes, et porteur de ce dossier, avait demandé à l'époque un projet pilote qui, bon, n'avait pas été retenu. Et, depuis 2001, il y a eu des contacts qui ont été faits avec le CLSC du Plateau qui est porteur, qui est d'accord pour que, sur ce territoire, se développe une maison de naissance qui soit capable de desservir l'est de Montréal. Et l'année dernière, au mois de juin, nous sommes allées au C.A. de l'Agence régionale proposer l'établissement d'une nouvelle maison de naissance.

Maintenant, tout... Bon, la restructuration du système de santé fait en sorte que les démarches se font au niveau du CSSS Jeanne-Mance. Mais il y a une volonté de la population mais aussi des intervenants à ce qu'une nouvelle maison de naissance se développe actuellement sur l'île de Montréal, ce qui n'exclut pas le fait... Bon, il y a déjà un hôpital qui est intéressé, des ententes avec un hôpital pour des accouchements en centre hospitalier et des accouchements à domicile... les assurances professionnelles. Mais, je veux dire, toutes ces représentations-là, M. le ministre, elles sont déjà très avancées.

M. Couillard: Mme la députée de Chambly.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Chambly.

Mme Legault: Oui. Bonjour, mesdames. Moi, j'aimerais vous entendre sur le rôle ou l'approche des sages-femmes spécifiquement au CSSS Côte-des-Neiges, Métro et Parc-Extension, dont la clientèle est composée de femmes issues de beaucoup de différentes communautés culturelles. Comment est-ce que ça teinte votre action?

Mme Piltan (Anne): En fait, elles ne sont pas... On ne touchait pas un milieu aussi pluriethnique qu'on le pensait en s'installant dans ce secteur-là, parce que c'est vrai que Côte-des-Neiges, c'était un secteur très pluriethnique. Mais ce qu'on constate, c'est qu'on touche l'ensemble de la population, et c'est pour ça qu'on touche surtout l'ensemble de l'île de Montréal. La population est très diversifiée. Ce sont des gens qui sont très scolarisés, pas forcément fortunés, là, mais on touche beaucoup de personnes des milieux artistiques, des milieux médicaux aussi. On a beaucoup d'infirmières en obstétrique, là, qui viennent, qui sont suivies chez nous. Donc, c'est beaucoup plus diversifié qu'on aurait pu le penser au départ. Beaucoup de clientèle québécoise, mais aussi beaucoup d'étrangères, surtout d'Europe, puisque, comme on l'a mentionné tout à l'heure, en Europe, les sages-femmes pratiquent 80 % des accouchements en milieu hospitalier.

Mme Legault: Merci.

Le Président (M. Copeman): Peut-être vous me permettrez une question, mesdames, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Tous mes collègues savent que j'ai un intérêt particulier dans ce dossier-là étant, je pense, probablement le seul parlementaire, membre de cette Assemblée, dont l'épouse a été assistée par une sage-femme pour la naissance de notre fille, précisément à la Maison de naissance Côte-des-Neiges. Une expérience, comme je l'ai déjà indiqué auparavant, absolument fantastique. On s'est sentis dans la sécurité, dans une atmosphère très détendue, comparé aux accouchements précédents dans le milieu hospitalier. Je dois dire que les deux premiers accouchements, ça fait un certain temps. Peut-être que la pratique a changé. Mon fils aîné a maintenant 19 ans, mon fils cadet, 16 ans hier. Alors, ça fait un bout, comme on dit. Mais quand même l'expérience était très positive.

Là, le ministre nous a engagés un peu dans un échange concernant la possibilité de développement, et Mme Gerbelli a répondu: Il y a des porteurs de dossiers, régional, ainsi de suite. Mais, si je vous demandais peut-être un ou deux obstacles majeurs au développement de votre profession et le développement... je ne devrais pas dire le développement de votre profession, ce n'est pas ça qui vous intéresse, mais le développement des services que vous fournissez, ce serait quoi, les deux obstacles majeurs, et si vous êtes capables... Trois? Bien, le ministre... En tout cas...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): La générosité d'esprit du ministre, ça peut aller à trois, à quatre... Ma foi! Il nous reste quelques minutes. Et surtout des solutions à ces obstacles-là.

Mme Piltan (Anne): Concernant les obstacles, je vous avouerai qu'on a un petit peu du mal à les identifier parce que, quand on présente l'état des faits, tels qu'ils ont été présentés, donc avec nos deux exposés, on a du mal à comprendre en fait pourquoi on ne parvient pas à développer les services. Alors, on ne peut qu'imaginer, pour ma part en tout cas... je vais laisser la parole ensuite à mes consoeurs, là, Marleen qui est plus administrative que moi, là, probablement... On ne peut qu'imaginer probablement des raisons financières essentiellement, là, parce qu'on sait à quel point le réseau de la santé est en prise avec des difficultés de ce côté-là, donc probablement aussi des pressions. C'est sûr que le conflit entre le milieu médical et la profession sage-femme a fait que ça a pu ralentir aussi de beaucoup, parce que, sur certaines visions de l'accouchement, toute la vision de la grossesse et de l'accouchement, les médecins et les sages-femmes n'ont pas du tout le même angle. Donc, ça prend beaucoup de temps, comme l'a dit Céline avant moi, là, pour arriver à se comprendre mieux et puis à se faire confiance. Donc, ça, c'est les deux raisons que personnellement j'identifierai en priorité.

Le Président (M. Copeman): Mme Dehertog.

Mme Dehertog (Marleen): Qu'est-ce qui arrive, quand je regarde surtout pour l'île de Montréal, quand on a démarré en 1994, avec la maison de naissance, on a vite obtenu notre pleine capacité. On n'a jamais fait de publicité... comme tel, parce que c'était très frustrant de voir des personnes qui s'inscrivent et qu'il faut refuser pour un service qu'elles ont droit, qui est gratuit, d'une certaine façon, on paie par nos impôts, mais, je veux dire, c'est quand même un service qui est offert à toute la population.

Et suite à cela on n'est pas connues non plus. Les projets pilotes, comme on a oeuvré quand même quelques années dans les projets pilotes, n'ont non plus aidé à laisser connaître la profession sage-femme par les autres intervenants dans le réseau de la santé. On est un peu isolées dans notre petite maison de naissance, dans notre petit projet pilote, et puis, en 2000... à grand échelon, il fallait acquérir le terrain. Donc, c'est l'inconnu et le mal connu de notre profession. C'est vrai, l'année passée, quand le règlement de l'accouchement à domicile a été adopté... Maintenant, l'année passée, quand l'Hôpital LaSalle a fait sa première entente... nous qui sommes sur le point de signer une entente, et, bon, dans la région de Québec, qui sont aussi sur le point de signer une entente avec le centre hospitalier, ça va aider. Parce que, bon, on va rentrer...

Bon, on est déjà dans le milieu du centre hospitalier, mais ça va quand même élargir notre pratique et notre visibilité comme telles et ça va aider. Mais il faut avoir quand même un mouvement derrière pour aider sur le niveau d'agence de développement et sur le niveau des instances locales pour atteindre toute la population. Nous, on... très bien aussi, en répertoriant les 1 000 demandes par année pour un suivi sage-femme, sur celles qui nous téléphonent. On sait de bouche à oreille aussi qu'il y a une population, c'est peut-être la tendance de la population québécoise que nous sommes... on reste assis, on n'obtient pas... on ne fait pas un mouvement, mais on sait qu'il y a beaucoup de femmes qui veulent avoir un suivi sage-femme mais qu'elles sont déjà rendues à 10 ou 12 semaines de grossesse, elles ne prennent plus la peine de nous téléphoner parce qu'elles savent qu'elles sont sur une liste d'attente. Donc, il y a tout un mouvement à faire.

Le Président (M. Copeman): Mme Gerbelli, en terminant.

Mme Gerbelli (Catherine): Oui, moi, je voulais... Bon, je crois que ce qui est important, c'est qu'il n'y a pas encore une prise de conscience que le déploiement des services sages-femmes pour la population québécoise dans son ensemble est un investissement en santé. Ce n'est pas une dépense, et ça, je crois que c'est pertinent quand on regarde à court terme, à moyen terme et à long terme ce que ça signifie par rapport aux indicateurs, aux déterminants de la santé.

n(11 h 20)n

L'autre chose, c'est qu'il faut que les sages-femmes puissent se rendre sur les lieux où vivent les femmes, et je pense particulièrement à l'est de Montréal où on a rencontré, la semaine dernière, le directeur Enfance, Famille du CSSS Jeanne-Mance pour lequel il y a une population qui a un taux de natalité très élevé. À l'intérieur de cette population, il y a des femmes qui aimeraient avoir accès aux services de sages-femmes mais qui n'ont pas les moyens de se déplacer du quartier centre-sud à la Maison de naissance Côte-des-Neiges. Donc, l'idée, c'est de reconnaître que les sages-femmes doivent pouvoir être accessibles largement à des populations qui vont bénéficier, et ça, on l'avait déjà exprimé... Aujourd'hui, les femmes qui viennent aux sages-femmes sont des femmes qui ont les moyens largement de faire cette démarche-là, mais la pratique des sages-femmes s'adresse à toutes les femmes du Québec de tous les milieux du Québec, et en particulier les milieux qui sont défavorisés dans les... Voilà, c'était mon...

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, mesdames. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, Mme Piltan, Mme Gerbelli et Mme Dehertog, merci de votre contribution.

D'entrée de jeu, le ministre vous a dit: Vous avez été entendues. N'est-ce pas? Alors... Mais je comprends que cela ne remet que la situation au statu quo, puisque la loi, présentement, prévoyait, à l'article 131, qu'il y ait la désignation d'une sage-femme au sein du conseil d'administration sur le territoire où elles pratiquaient. Donc, c'est le statu quo, tout simplement. Il y aurait eu recul autrement. Donc, vous gagnez le statu quo.

Bon, là, la question étant: Puisque c'est une loi majeure, là ? c'est quoi, presque 300 articles ? est-ce qu'il y a moyen de faire plus, hein? Je pense que c'est la question de... Faire un pas après l'autre, hein, c'est l'histoire des sages-femmes au cours des 20 dernières années, c'est un pas de plus, un pas de plus. Alors, quel serait ce pas de plus?

Mme Piltan (Anne): Bien, c'est d'avoir le développement des services sages-femmes, c'est surtout ça, la grosse priorité en ce moment, parce qu'un point dont on n'a pas parlé c'est aussi de la formation, avec l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il sort tous les ans en moyenne une dizaine de nouvelles sages-femmes. Et donc, sur les 19 diplômées qu'il y a actuellement, il n'y en a que sept qui ont un emploi stable, les autres sont sans emploi. On a des consoeurs qui travaillent dans des dépanneurs après avoir fait un bac de quatre ans qui est très, très exigeant, et il n'y a aucune perspective pour l'instant. Donc, ça aussi, c'est dramatique. C'est dramatique aussi pour l'avenir du programme, parce qu'évidemment ce bac étant très exigeant, bien, quand les nouvelles étudiantes demandent des débouchés possibles pour cette profession, bien, ça les décourage beaucoup. Et donc, à l'université où j'enseigne également, là, on est très préoccupé par ce point-là, parce qu'on se dit: Qu'est-ce que ça va devenir, là? Peut-être que le programme risque d'être obligé de fermer ses portes à un moment donné. Donc, il y a des enjeux vraiment très importants.

Mme Harel: Faute d'étudiantes qui ne voudront pas s'y engager s'il n'y a pas de débouchés.

Mme Piltan (Anne): Bien, c'est ça. À un moment donné...

Mme Harel: Et en fait je comprends qu'on forme des sages-femmes qui vont aller pratiquer ailleurs, actuellement.

Mme Piltan (Anne): C'est possible pour les... Ça ne s'est pas produit encore, mais c'est possible.

Mme Dehertog (Marleen): Bien, il y a possibilité, avec la réciprocité qui existe entre les provinces, qu'une sage-femme québécoise va aller pratiquer en Ontario ou Colombie-Britannique, comme tel. Parce qu'on livre quand même une main-d'oeuvre d'une haute qualité, qui est très convoitée dans les autres provinces.

Mme Piltan (Anne): Est-ce qu'on peut se permettre une question?

Mme Harel: Oui.

Mme Piltan (Anne): Parce que votre question, M. le Président, m'a inspirée un petit peu tout à l'heure, là. J'aurais envie de la retourner et puis de dire: Qu'est-ce que c'est, les obstacles? Parce qu'on ne sait plus. On en fait beaucoup, beaucoup, de recommandations. Toutes les sages-femmes sont des sages-femmes cliniciennes. Donc, pour ceux qui nous connaissent, vous savez ce que ça implique: une disponibilité 24 heures sur 24 pour nos clientes. Les représentations pour nous sont très difficiles à faire, hein? Venir ici, là, pour deux jours, c'est transmettre notre clientèle, assurer les couvertures. Chaque fois qu'on doit faire des représentations, c'est très compliqué. Donc, on en fait beaucoup, autant qu'on peut. On présente des faits qui ressortent maintenant de 10 ans de pratique et d'études, comme ça n'a été fait nulle part ailleurs au Canada. Le Québec est la seule province à avoir imposé cinq ans d'expérimentation avant de légaliser la profession. C'est fait. C'est efficient, c'est sécuritaire, ça pourrait être très bénéfique pour le milieu de santé pour toutes les raisons qu'on a déjà citées. Alors, qu'est-ce qu'on peut faire de plus pour arriver à avoir d'autres services qui se développent là où il y en a besoin?

Mme Harel: C'est une très bonne question. Ça suppose évidemment d'avoir des crédits budgétaires pour élargir l'offre de service sage-femme dans toutes les régions et dans tous les quartiers, notamment des villes comme Montréal. Alors, c'est une question d'argent. On en est rendu là.

Mme Piltan (Anne): Ceci dit, il y a de temps en temps des dossiers qui nous surprennent un petit peu aussi, comme par exemple des régions où il n'y a pas suffisamment de médecins de famille et où on propose de former des infirmières six mois en obstétrique, de payer cette formation très cher et de payer ces infirmières très cher ensuite pour assurer des suivis de grossesse normale.

Dans cette région que je cite en exemple, il y a des sages-femmes qui sont déjà formées...

Mme Harel: ...

Mme Piltan (Anne): C'était à Gatineau. Donc, le projet évidemment... l'Ordre des sages-femmes s'est insurgé, là, le projet... mais les crédits y étaient, là. Donc, il y a des petits points comme ça, là, qui nous paraissent... Bon, c'est sûr, on n'est pas des spécialistes dans tous les rouages politiques, là, mais le gros bon sens, comme on dit, là, on se dit: Mais il y a des incohérences des fois dans les dossiers quand on parle de crédits qui nous paraissent un peu curieux. La pénurie de médecins de famille et tout ce qu'on pourrait apporter, nous, en prenant en charge la plus grande partie de la population à bas risque, les obstétriciens hautement qualifiés qui... on est obligé de retenir les bébés pour qu'ils puissent arriver à temps, là, pour qu'ils les attrapent, c'est quelque chose qu'on a du mal à comprendre.

Mme Harel: Il faut, à ce moment-là, toujours chercher au niveau systémique quels sont les obstacles, les résistances systémiques. Bon. Sont-elles du côté également... Bon, elles sont du côté financier, je crois que le Regroupement des sages-femmes qui vous a précédées en a bien identifié un, le fait que ce soient des crédits budgétaires plutôt que le financement du Fonds de santé de la RAMQ, de la Régie d'assurance maladie du Québec. Ça peut être, là, certainement une opposition, une résistance systémique. Puis, quand on peut les identifier... Est-ce qu'il y a cette ouverture du Collège des médecins aussi grande que son jovialiste président le prétend? Ça, il faut vérifier. Parce que, vous voyez, dans tous les secteurs, soit les secteurs... les super ambulanciers dans les soins préhospitaliers, dans le dossier des infirmières cliniciennes, qui sont aussi très attendues, dans le dossier des sages-femmes, dans le dossier des médecins étrangers, on en revient aussi, finalement, à une certaine résistance systémique malgré les apparences. Alors, sur ce, merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Mme Piltan, Mme Gerbelli et Mme Dehertog, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Conseil des sages-femmes du Centre de santé et de services sociaux Côte-des-Neiges, Métro et Parc-Extension. Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 28)

 

(Reprise à 11 h 33)

Le Président (M. Copeman): Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. C'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, un acronyme qui ne se prononce pas, hein, je pense. C'est... difficilement.

M. Théoret (Robert): Non, malheureusement.

M. Couillard: En russe.

Le Président (M. Copeman): TRPOCB... En russe, comme le ministre dit, hein? Peut-être que ça a une certaine connaissance en russe, mais en français et en anglais, je pense que ce ne serait pas une bonne chose.

Alors, M. Théoret, M. Tanguay, bienvenue à cette commission. Comme je le fais pour chaque organisme, je vous rappelle nos modes de fonctionnement. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange de plus ou moins 30 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Sans plus tarder... je ne sais pas si c'est M. Théoret qui commence.

M. Théoret (Robert): Oui.

Le Président (M. Copeman): Nous sommes à l'écoute, M. Théoret.

Table des regroupements provinciaux
d'organismes communautaires
et bénévoles (TRPOCB)

M. Théoret (Robert): Mesdames messieurs, bonjour. On remercie d'une part la commission d'avoir été patients avec nous parce qu'on avait été cédulés la semaine dernière, mais malheureusement, faute de disponibilité, on a été obligés de demander un report, ça fait qu'on remercie les membres de la commission de nous avoir octroyé le privilège d'être entendus aujourd'hui.

La Table des regroupements provinciaux, c'est toujours utile de rappeler qui on est. Effectivement, c'est un acronyme imprononçable, mais c'est quand même une réalité très tangible. C'est formé de 35 regroupements ? vous avez la liste de nos membres dans le mémoire qu'on vous a déposé ? 35 regroupements d'organismes communautaires autonomes du domaine de la santé et des services sociaux qui agissent dans une multitude de secteurs, qui ont développé toute une série de pratiques, au fil des ans, pour venir en aide à des populations qui sont dans le besoin. La Table des regroupements provinciaux, c'est aussi un interlocuteur du ministère sur des questions qui touchent effectivement l'application ou plus particulièrement les questions relatives aux organismes communautaires autonomes et leur rôle dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Ce n'est pas moi qui va vous faire la présentation du mémoire, c'est M. Tanguay, mais, écoutez, je pense qu'à la lecture de notre mémoire vous avez sans doute constaté qu'il y a beaucoup d'inquiétudes par rapport à cette réforme-là dans le milieu communautaire. On va essayer de vous faire part de certaines de ces inquiétudes-là. On ne touchera pas à l'ensemble des points du mémoire, là, vous comprendrez bien qu'en 20 minutes on n'a pas le temps, mais toute la question de l'intégration du communautaire, sur laquelle on avait été entendus lors du projet de loi n° 25, là, continue à soulever énormément de questionnements parmi les organismes et parmi les regroupements. Ça fait que c'est un peu là-dessus que je vais passer la parole à M. Tanguay pour qu'il puisse vous exprimer un peu nos craintes et nos appréhensions par rapport à certains aspects de la loi.

Le Président (M. Copeman): M. Tanguay.

M. Tanguay (André): Bonjour. Tout au moins une partie. Je n'avais pas l'intention de vous lire le mémoire, sinon une toute petite partie qui se trouve à la page 5 où on dit: «D'entrée de jeu, la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles rappelle les principes qui sous-tendent son action et celle de ses membres: le désir de faire advenir une société plus juste, plus démocratique; une vision globale de la santé et du bien-être des personnes et de la société; une approche globale des problèmes sociaux et de santé vécus par des personnes; une action basée sur l'autonomie des groupes et des individus; une capacité d'innover; l'enracinement dans la communauté; une vision autre que le service; une conception plus égalitaire des rapports entre intervenants et participants.»

J'attire particulièrement votre attention sur «une action basée sur l'autonomie des groupes et des individus». Historiquement, le communautaire s'est construit autour de ce principe. Je dirais que la compétence du communautaire ou l'expertise du communautaire s'est bâtie à partir de l'acceptation mutuelle de la personne par le groupe et du groupe de la personne. Sans ce consentement mutuel de l'une et l'autre des parties, le communautaire se sent démuni, il se sent déplacé dans sa mission.

Nous avions, dès octobre 1990, mentionné au ministre d'alors que nous n'avions pas les ressources humaines, financières et matérielles pour suivre le momentum de cette réforme. À titre d'exemple, quatre personnes, qui étaient quatre personnes ? selon les régies, il y en avait trois ou quatre ? personnes du communautaire qui siégeaient au conseil d'administration, étaient incapables de lire les documents qui circulaient. Ils n'avaient pas le temps matériel de lire même les documents ? de là à les comprendre, de là à les interpréter et de là à réagir... ? et, à partir de ce moment-là, nous nous sommes sentis débordés de tous les bords et de tous les côtés, et je vous avoue qu'on se sent encore un peu, beaucoup débordés dans le processus des multiples réformes.

Le réseau communautaire, ce n'est pas un réseau qui est en compétition, ce n'est pas un réseau qui est complémentaire, ce n'est pas un réseau spécialisé non plus, c'est un réseau alternatif. Même si on commence déjà à discuter de la définition de l'alternatif dans le communautaire, ça reste un réseau alternatif qui est basé fondamentalement, comme je le disais, sur l'acceptation mutuelle d'être ensemble mais fondamentalement sur le fait que le réseau communautaire ne prend pas en charge les personnes. Le réseau communautaire aide les personnes à se prendre en charge, à développer des moyens et des mécanismes pour que la personne elle-même se prenne en charge.

n(11 h 40)n

Inutile de vous dire que la loi n° 25 d'abord et la loi n° 83 nous inquiètent de façon particulière. Ne citons ici que la possible obligation, par entente de services, d'accueillir des personnes que le mouvement communautaire n'est pas à l'aise d'accueillir, ou que les personnes ne sont pas à l'aise de fréquenter le mouvement. D'avoir une personne qui arrive, par exemple, avec un dossier, un diagnostic, ce n'est pas notre habitude de fonctionner, et avec des obligations de poursuivre dans le dossier l'évolution déjà entreprise de la personne.

On va passer par-dessus 1971, la période de 1971, pour arriver à la partie de 1991, où nous avons accepté de collaborer dans le processus de changement de la réforme et de devenir ? ce qui nous inquiétait ? de devenir complémentaires du réseau.

Ce qui nous avait amenés à collaborer, c'était la reconnaissance, par les groupes communautaires, de la vision des éléments de santé, les éléments sociaux qui apportent soit le déséquilibre ou qui apportent l'équilibre. Alors, les organismes communautaires se sont placés face aux déterminants de la santé, intéressés à collaborer dans la réforme.

Les inquiétudes se sont vite transformées en réalités, les groupes communautaires ont été appelés à modifier leur mission, certains de façon volontaire, et on les considère aussi autonomes vis-à-vis nous que l'on souhaiterait les voir autonomes vis-à-vis le réseau. Ceux qui ont changé de mission de façon volontaire se retrouvent dans une situation assez intéressante aujourd'hui. Par contre, le financement, qui a été ciblé sur des besoins ou des priorités, a amené des organismes communautaires à modifier leur mission sans que ce soit aussi volontaire qu'on le souhaiterait.

La loi n° 25 et la loi n° 83, disais-je, nous inquiètent de façon importante parce qu'il semble qu'on veuille intégrer le communautaire dans un processus de services. Est-ce que ce communautaire-là sera toujours libre d'accepter les personnes en fonction des capacités de leur rendre service ou devront-elles accepter des personnes dans un processus très bien établi par d'autres dans un diagnostic et avec un dossier? Ce qui met en cause la confidentialité, bien évidemment, où on n'est pas très habitué à ce type de processus là où on est lié à la loi sur la confidentialité, c'est-à-dire qu'à ne demander que ce qui est absolument nécessaire, j'oserais même dire à ne recevoir que l'information que les personnes veulent bien nous donner dans ce libre consentement ou de cette libre entente entre le groupe qui accueille et la personne qui entre dans le groupe communautaire. Nous avons donc, là, des inquiétudes.

Il y a eu, à travers les années quatre-vingt-dix, des batailles, par exemple, même avec des ententes de services avec les régies régionales, à l'effet qu'on ne pouvait pas, dans les organismes communautaires, accepter une personne qui ne correspond pas aux critères d'admissibilité de l'organisme. Les organismes communautaires, ayant souvent le coeur plus large que les budgets, ont quand même souvent accepté des personnes, et, si on fait le décompte des problèmes qu'on a eus dans le communautaire, autant des plaintes par exemple, c'est généralement à cause de cette acceptation d'accueillir des personnes qui ne correspondaient pas aux critères d'admissibilité de l'organisme. Nous nous demandons si les organismes communautaires vont devoir modeler leur action sur les besoins des centres de santé, par exemple, ou s'ils vont pouvoir maintenir cette autonomie.

Ce qui nous inquiète également, c'est les standardisations de pratique, cette volonté d'harmoniser. Est-ce qu'on va respecter la mission? Est-ce qu'on va respecter l'autonomie de l'organisme communautaire? Puis j'attache cette autonomie au choix libre d'accepter ou pas les personnes. Ce sont des inquiétudes, pour nous, qui sont profondes et qui sont susceptibles de modifier la mission des organismes et de les amener à ne pas nécessairement jouer le rôle pour lequel ils ont les habitudes et les compétences et sur lequel ils ont bâti leur activité.

Pour la suite, je passerai la parole à M. Théoret.

Le Président (M. Copeman): M. Théoret.

M. Théoret (Robert): Un des aspects qui effectivement, comme dit André, nous inquiètent énormément, c'est toute la question de la capacité qu'on va avoir de préserver des pratiques spécifiques, des pratiques autonomes.

On ne se cachera pas qu'il y a une volonté, on l'a vu dans les documents qui touchent, entre autres, l'élaboration des projets cliniques, une volonté de standardisation, une certaine volonté d'homogénéisation des pratiques. On pense que, dans le réseau public, il y a probablement un besoin à ce niveau-là, mais on n'est pas certains que, dans le milieu communautaire, c'est quelque chose qui est souhaitable, particulièrement en ce qui touche, je dirais, tout l'aspect de la confidentialité du rapport de la personne avec l'organisme. Dans le projet de loi, il y a beaucoup, beaucoup de dispositions qui font en sorte, particulièrement quand on va toucher à l'article 108 de la loi actuelle, qui pourraient faire en sorte que les organismes pourraient être amenés à devoir d'une part recevoir des informations qu'ils ne sont pas certains d'être en mesure... en tout cas des informations confidentielles sur les personnes et aussi éventuellement d'avoir à tenir des dossiers sur ces personnes-là.

C'est pour ça que, nous, on... En tout cas, il y a une des recommandations qu'on fait dans notre mémoire qui va dans le sens de faire en sorte que, même dans le cas des ententes de services avec des organismes communautaires, pour tout ce qui concerne la confidentialité des informations des personnes, nous, on pense qu'il faut qu'il y ait un dispositif qui fasse en sorte qu'il y ait un consentement, que les gens nous donnent leur consentement. Parce qu'à ce niveau-là une des craintes, c'est qu'on perde l'espèce de rapport privilégié. Je disais, quand on est passés sur le projet de loi n° 25, il ne faudrait pas faire en sorte que les maisons de jeunes deviennent, je veux dire... ou qu'on fasse en sorte que les jeunes n'aillent plus dans les maisons de jeunes de peur de voir des informations concernant leur comportement se retrouver à la DPJ, se retrouver dans les centres jeunesse ou se retrouver auprès des intervenants professionnels avec lesquels ils ne sont pas nécessairement à l'aise.

Je prends tout l'exemple aussi, tout le monde de l'itinérance, tout le monde de l'itinérance où effectivement... Moi, j'ai travaillé pendant cinq ans dans le milieu de l'itinérance, et, dans le milieu de l'itinérance, là, les gens, ils fréquentent les organismes communautaires parce qu'ils ne veulent pas fréquenter les établissements publics parce qu'ils ont une réticence. Il ne faudrait pas qu'on fasse en sorte que les gens ne fréquentent plus les organismes communautaires parce qu'effectivement ils vont savoir qu'on collecte des informations et que ces informations-là sont transférées là où peut-être qu'ils ne veulent pas nécessairement que ça se retrouve.

L'autre exemple que je vous donnerais, c'est: est-ce qu'un bénévole qui travaille, qui donne des heures dans un centre d'action bénévole a besoin de savoir toutes les informations sur les personnes à qui il va aller donner de l'aide? Ça, c'est inquiétant sur cet aspect-là. L'autre aspect, c'est, je dirais ? puis je reviens un peu sur ce qu'André disait ? c'est la question de l'intégration comme telle. Puis là il y a des centres de santé, il y a des établissements qui commencent à faire circuler des offres de service dans lesquelles on ne se retrouve pas, mais pas du tout, où on a la conviction que c'est une tentative de prise de contrôle du communautaire par certains établissements.

n(11 h 50)n

Puis je pense que le ministre est sincère quand il dit que le ministère puis le ministre veulent respecter l'autonomie des organismes communautaires, mais souvent on se demande si ce n'est pas juste notre autonomie administrative qu'on respecterait, mais il faut aussi qu'on respecte notre capacité, nos façons de faire avec les gens. Et souvent, dans certaines ententes... On lisait tantôt, avec André, des questions qui touchent l'intervention des professionnels du réseau dans les organismes qui seraient à contrat. On commence à voir ça. Je pense que là-dessus, nous, on va être très vigilants. Mais il va falloir aussi qu'on fasse attention du côté de la planification des services pour ne pas faire en sorte de mettre en opposition les pratiques du réseau public avec celles qui se sont développées dans le milieu communautaire.

Écoutez, on a beaucoup regardé... puis on a tendance, depuis plusieurs années, à orienter l'intervention ou l'action, tant au niveau des services publics qu'au niveau gouvernemental en général, sur la question des fameuses données probantes. On regarde les chiffres, on regarde la... On a dénoncé, dans les années quatre-vingt-dix, vous vous rappellerez, toute l'approche épidémiologique, là, le découpage des problématiques en rondelles, et là on nous ressert la même chose un peu, quand on parle de données probantes qui reflètent plus une intention, à notre sens, d'évaluer le mérite relatif des stratégies d'intervention.

Par exemple, pour lutter contre la violence faite aux femmes, on pose un diagnostic sur la violence en général. Mais notre intention, l'intention des organismes aussi, c'est de venir en aide de façon directe à des femmes qui sont dans des problématiques particulières puis qui vivent la situation. Est-ce qu'on a besoin, pour ça, de savoir l'impact que ça a? Est-ce qu'on a besoin de savoir que les cuisines collectives, les milliers de cuisines collectives au Québec, est-ce qu'on a besoin de savoir est-ce que c'est utile pour.... Les gens qui fréquentent les cuisines collectives savent, pour eux autres, que c'est utile et que ça améliore leurs conditions de vie, que ça va dans le sens effectivement de travailler sur les déterminants de la santé.

Le Président (M. Copeman): M. Théoret, je veux juste vous signaler, il reste un peu moins que deux minutes.

M. Théoret (Robert): Oui. Je conclus. Je dirais: malheureusement, ce n'est pas la première réforme, mais, de réforme en réforme, on a le sentiment qu'il y a un certain nombre de principes qu'on perd de vue. On disait tantôt: L'article 1 de la loi, par exemple, qui nous rappelle que les bases de notre système de santé, c'est effectivement de permettre ? je vais vous trouver le passage ? de permettre... La santé, c'est «la capacité physique, psychique et sociale des personnes d'agir dans leur milieu et d'accomplir les rôles qu'elles entendent assumer d'une manière acceptable pour elles-mêmes et [...] les groupes dont elles font partie». On se demande des fois si on n'est pas plutôt en train de faire en sorte que les économistes de la santé, les experts-comptables, les planificateurs, qui jouent un rôle déterminant, ne sont pas en train de nous transformer notre système de santé puis de nous passer, je dirais, une déresponsabilisation des services publics par la porte d'en arrière. C'est la crainte qu'on a, et le communautaire, là-dessus, le mouvement communautaire autonome le répète, on n'a pas l'intention de participer à cet exercice-là.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Théoret et M. Tanguay. Et effectivement, bien, je suis content de voir que vous reconnaissez la sincérité du ministre et du ministère dans la protection de l'autonomie parce que c'est quelque chose qui m'est cher. Lorsqu'on fait des plans d'action et lorsqu'on fait des textes de loi, j'insiste, moi, pour que cette notion soit très explicite, qu'on ne dise pas: Bien, on le sait que c'est ça, on n'a pas besoin de le dire. Il faut que ce soit inscrit, cette question de l'autonomie et également du libre choix des organismes d'adhérer ou non à des ententes avec les établissements publics. Parce qu'il est certain que l'effort particulier du mouvement communautaire, la connaissance du milieu, la connaissance des gens qui sont dans ce milieu-là, leur façon particulière d'agir également sont incontournables dans plusieurs domaines, notamment celui de la santé mentale, mais, comme vous le savez, il y en a beaucoup d'autres.

Et encore une fois, moi, ce que je vous indique, c'est qu'il n'y a pas de velléité du tout d'intégrer le mouvement communautaire. Je comprends que, sur le terrain, il y a toujours une marge, hein, comme je le disais tantôt, entre la vision et la réalité. C'est humain, c'est normal, il y a des marges, puis il faut essayer de les rapprocher, ces deux choses-là. Mais ce n'est pas du tout, je dirais, l'instruction, ou la philosophie, ou l'ambiance qui est transmise par le ministère au niveau des centres de services sociaux.

Pour ce qui est des consentements pour les transmissions d'information, on est d'accord avec ce que vous avez dit. D'ailleurs, plusieurs organismes nous ont fait la même représentation que, lorsqu'on offre à une personne un plan de services individualisé, jusqu'à maintenant, dans le projet de loi, on disait que c'était implicite que ça s'accompagnait du consentement. Mais non, on va le rendre explicite qu'il faut que la personne soit au courant de la nature des informations qui peuvent être transmises.

Je dis bien «transmises». Ce n'est pas le milieu qui va aller chercher... Le milieu communautaire ou les autres partenaires n'ont pas accès à tout le dossier, là. Il y a une inexactitude qu'il faut toujours rectifier. C'est les informations qui sont transmises par l'établissement, par le professionnel, le travailleur social par exemple, qui fait affaire avec une entreprise qui fait du maintien à domicile. Bien, les informations pertinentes pour cet organisme-là doivent être jugées par le travailleur social, puis ça va être le nom, l'adresse puis la présence ou non d'une limitation physique, par exemple. Ça, je pense que c'est de nature à améliorer les services. Il faut quand même, je pense, essayer de gagner ce qu'on peut à travers cette opération-là.

Mais vous avez raison, c'est un argument intéressant que vous présentez, qu'effectivement notre souci, dans le réseau public, c'est d'aller vers une plus grande homogénéisation des pratiques, sans aller vers le mur-à-mur, quand même permettre des initiatives. Mais je comprends que cette notion pour le milieu communautaire n'est pas celle qui a eu lieu, lors de la naissance et de la croissance du milieu communautaire. Donc, je voudrais quand même vous dire que, dans notre option, dans notre idée, dans notre vision, qu'on va essayer de rapprocher de la réalité, le milieu communautaire reste un partenaire volontaire, autonome, qui s'engage ou non, selon son choix, avec les activités du réseau public. Pour nous, c'est très important.

M. Tanguay (André): Si je peux me permettre d'ajouter, nous avons constaté effectivement votre volonté de maintenir l'autonomie autant des pratiques... dans le communautaire. Nous devons vous signaler par contre que ça ne descend pas dans le réseau de façon aussi homogène, et aussi loin, et aussi rapidement que probablement vous le souhaitez. Il y a encore des centres de santé, par exemple, qui ne semblent pas trop au courant. Il y a probablement encore un effort à faire pour que ça descende. On comprend que le réseau est gros et très divers aussi, il n'est pas si uniforme qu'on pourrait le croire, et que c'est difficile de descendre, mais il y a encore des problèmes, à ce niveau-là, de communication de haut en bas, il y a encore des centres de santé qui ne semblent pas être au courant des discussions qu'on a eues, là.

M. Couillard: Bien, là-dessus ? M. le Président là-dessus, moi, je vous engage à être partenaires avec nous. Si vous identifiez des situations qui d'après vous vont contre vos principes, je vous engage à aller communiquer d'abord avec votre agence régionale, puis éventuellement au niveau plus élevé, si vous pensez que c'est quelque chose de majeur qui doit être signalé.

M. Tanguay (André): On va le faire avec plaisir.

M. Couillard: C'est une façon... c'est comme ça qu'on va rapprocher la vision de la réalité.

M. Tanguay (André): Oui. Oui.

M. Théoret (Robert): Sur la question du libre choix de, je dirais, s'inscrire dans une dynamique de partenariat avec des établissements publics, je ferai remarquer quand même que la question du libre choix ne fait pas partie actuellement de la loi, elle n'est pas nommément exprimée dans le projet de loi. C'est sûr qu'on peut bien dire qu'une relation contractuelle, c'est toujours une relation librement consentie, sauf que, dans les faits, dans la réalité des choses, quand on va... puis on le vit sur le terrain, il y a des groupes qui subissent des pressions.

Je pourrais vous donner un exemple que... Il y a eu un téléphone, il y a deux semaines, d'une maison d'hébergement pour jeunes, puis je pourrais même vous donner la région, dans le Centre-du-Québec, où un jeune a fait une crise de décompression un soir, puis la maison d'hébergement appelle le centre de santé, et le centre de santé lui dit: Bien, écoute, on n'a pas de protocole avec toi, débrouille-toi avec tes troubles. C'est assez... Écoutez, là, ce n'est pas... Je ne l'invente pas, on me demande mon conseil là-dessus. Moi, je leur ai suggéré d'appeler la police puis de dire: On ne peut pas refuser d'aider quelqu'un qui est en situation de détresse. Mais ça exprime quand même, je dirais, au-delà de l'aspect un peu scandaleux de la chose, les pressions qui peuvent être mises.

n(12 heures)n

On ne doute pas des intentions du ministre sur la question du respect de l'autonomie puis on a participé. On a même dit au sous-ministre, à un moment donné, qu'il faudrait peut-être l'écrire, il faudrait peut-être l'écrire à quelque part clairement. Parce que ce n'est pas juste de dire, il ne suffit pas de dire que ça doit respecter l'autonomie. Quand ça arrive, quand ça descend dans l'appareil, quand ça se rend jusqu'aux centres de santé qui, eux, ont des obligations de résultat envers l'appareil gouvernemental, la tendance risque d'être forte à dire: On va refiler les affaires à d'autres puis à ce moment-là on va faire des pressions. Dans notre mémoire, on le souligne, même si le financement de la mission des groupes communautaires reste au niveau régional, et ça, on est d'accord avec ça puis on remercie les efforts qui ont été faits dans ce sens-là. Mais la tendance risque d'être forte que ce soit le niveau local qui détermine ou qui dise aux agences l'orientation que doivent prendre le financement et la mission, et ça, on va être très vigilants par rapport à ça. Mais disons qu'on aimerait qu'il y ait des éclaircissements qui soient apportés sur la portée de cet élément-là.

M. Couillard: Bien, c'est expliqué dans la loi actuelle. Il y a un article de la loi actuelle qui n'est pas modifié par le projet de loi, qui est l'article 335, vous pourriez peut-être y avoir recours à l'occasion, qui dit, et je le cite parce qu'il est très court: «Un organisme communautaire qui reçoit une subvention en vertu du présent titre définit librement ses orientations, ses politiques et ses approches.» Alors, je pense que c'est très explicite et très succinct mais très complet également et, s'il le faut, il faut rappeler aux gens l'existence de cet article-là.

M. Théoret (Robert): Je vous dirais qu'on le fait depuis une bonne quinzaine d'années ou une bonne douzaine d'années, de rappeler la portée de cet article-là, sauf qu'il y a des limites aussi, là, il y a des limites par rapport à... On n'a pas aucun pouvoir de recours. Vous admettrez avec moi qu'on n'a pas de pouvoir de recours si une agence, ou si une régie régionale à l'époque, ne respecte pas cette autonomie-là. On est dépendants, il faut se le dire clairement. Le financement des groupes communautaires, plus particulièrement au niveau du financement de la mission, ça représente à peu près 50 % à 55 % des budgets d'opération des organismes.

Donc, il y a une certaine forme de dépendance, et on connaît tous... particulièrement ceux qui travaillent dans le milieu de la santé savent très bien jusqu'où peut conduire la dépendance, d'un côté comme de l'autre, de la part de celui qui est dépendant mais aussi de la part de celui qui provoque cette dépendance-là ou qui l'entretient. Dans ce cas-là, il faut, je pense, davantage de mesures de protection, et c'est pour ça que, quand on parle des modifications à l'article 108, je pense, pour ce qui nous concerne, que c'est le coeur. C'est le coeur de la réforme en ce qui nous concerne. On sent qu'il va y avoir une tendance très forte à vouloir davantage utiliser, je dirais, le contexte de contrat ou d'entente de services pour faire en sorte qu'on va davantage attacher le communautaire.

L'autre aspect aussi qu'il ne faut pas oublier puis qui n'est pas dans le projet de loi, mais c'est aussi toute la réforme, disons, au niveau de comment on applique... Le fait de mettre, par exemple, les organismes communautaires dans des programmes services, est-ce que ça ne conduira pas à une espèce de... est-ce que ce n'est pas une façon de dire: Pour recevoir ton financement de mission, il va falloir que tu sois conforme au programme services? On est en train de le faire de manière administrative, là, on a réparti les organismes dans différents programmes services. Comment, à l'intérieur de ça, quand les objectifs de ces programmes services là vont être déterminés, quand ils vont être appliqués, filtrés au niveau régional puis après ça appliqués au niveau local... qu'est-ce qui nous garantit qu'on va préserver... on va considérer que les services qui sont donnés ou les activités qui sont faites par des organismes communautaires, dans ce contexte-là, vont continuer d'être déterminés par les organismes eux-mêmes puis s'il n'y aura pas une volonté de vouloir les assujettir aux objectifs des programmes services? Ça, c'est quelque chose qui nous préoccupe drôlement, pas parce qu'on ne veut pas collaborer, mais parce qu'on ne veut pas non plus y perdre notre chemise en collaborant.

M. Tanguay (André): D'autant plus que le communautaire est né de besoins de la communauté auxquels ne pouvait pas satisfaire bien souvent le réseau public. Est-ce que ça, ça va se poursuivre? Est-ce qu'on va pouvoir obtenir du financement pour des besoins qui ne sont pas dans les priorités de l'État? Et on comprend que l'État ne peut pas avoir toutes les priorités en même temps, là. Mais le communautaire a vu son développement, même est né de besoins de communauté que l'État ne pouvait pas satisfaire, et on a de multiples exemples où c'est le communautaire qui a finalement incité l'État à se préoccuper d'un problème qui était lancinant dans la société. Alors, l'État n'a pas des capacités, surtout aujourd'hui, infinies, est obligé de fonctionner par priorités. Le communautaire souvent ramasse les personnes de la communauté qui ont un problème qui n'est pas encore ciblé comme une priorité, même des fois pas ciblé comme existant. Alors ça, c'est important pour nous que ça puisse continuer, que ça puisse se poursuivre de la même façon, en compensation, peut-être, aux approches ou aux besoins du réseau des organismes communautaires.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue aux porte-parole du regroupement... de la Table, plutôt, des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, M. Théoret et M. Tanguay. Ma collègue la députée de Rimouski, qui est porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux, me glissait à l'oreille que c'était certainement un des meilleurs mémoires que nous avions reçus en commission parlementaire, depuis le début de nos travaux le 9 février dernier, parce qu'il y a une perspective citoyenne, et je trouve que c'est là un sujet qu'on a peu abordé. Je sais que la table regroupe les principaux organismes qui travaillent dans le secteur tant de la déficience intellectuelle, ou physique, ou mentale que dans les secteurs de la santé mentale ou encore de l'offre de services, tels les cuisines collectives, les regroupements de centres de femmes, et autres. En fait, vous avez un spectre très, très, très large de l'intervention citoyenne. Certainement, cela concerne des milliers de personnes.

Alors, ce que j'ai compris en lisant votre document, votre mémoire, c'est que la crainte que vous avez, c'est finalement d'être intégrés et non plus d'être complémentaires à un système santé et services sociaux qui a une vision épidémiologique de la société et non pas une vision citoyenne, puis je vois vraiment la différence. Malgré ce dispositif, avec l'article, dont l'existence est maintenue, qui dit que le communautaire est autonome, il n'en reste pas moins ? et c'est ça, dans le fond, que vous nous dites, je pense, qu'il faut retenir de votre présentation aujourd'hui ? vous ne nous en dites pas moins: Le danger est réel. Faites attention, parce qu'il y a une déperdition, si c'est de la sous-traitance dont il s'agit.

Et je vis dans un milieu, moi, depuis 24 ans, où, vous savez, il y a une action communautaire exemplaire: 222 organisations dans tous les secteurs. Les cuisines collectives ? il y en a 1 600 au Québec ? ça a commencé dans mon quartier. Et j'ai bien vu la différence entre ce que vous disiez tantôt ? là, je garde la formule, parce qu'elle est simple ? entre aider les personnes à se prendre en charge ou prendre en charge les personnes. Mais la différence, c'est dans le développement de l'entraide. C'est certain que c'est le développement aussi de la confiance en soi, de la compétence aussi, de la reconnaissance de ses compétences, souvent pour des gens qui se pensent incompétents par rapport aux professionnels, hein? Ça, c'est fondamental, là. Ça, je le comprends très bien.

Puis je comprends aussi qu'est-ce que c'est, une vision épidémiologique d'un quartier. Moi, j'habite dans ce quartier puis je vois les professionnels qui ont une vision de tout ce qui va mal et puis je me tourne vers les citoyens, puis eux sont capables d'avoir la vision et de capitaliser sur ce qui va bien. Je vois bien, là, je vois la différence.

Alors, ce que j'aimerais ? vous avez eu peu de temps pour nous en parler ? c'est... Dans votre mémoire, je pense que c'est à la page 14, vous nous faites écho d'un questionnement, là, qui commence à prendre de l'ampleur sur la réforme du droit associatif. Encore aujourd'hui, ce sont... pas les bedeaux, là, mais, voyons, les fabriques qui s'inquiètent de cette réforme du droit associatif qui est en cours. J'aimerais ça que vous nous en parliez.

n(12 h 10)n

M. Théoret (Robert): O.K. On ne passera pas à travers l'ensemble, il y a 54 propositions qui ont été élaborées par le Registraire des entreprises. Il y en a certaines qui nous inquiètent particulièrement, concernant... Ça pourrait servir à dénaturer un peu la définition d'un organisme communautaire. Il y a une des recommandations qui est à l'effet qu'un organisme pourrait être créé par une seule personne puis que, pour avoir accès au financement gouvernemental, ça prendrait trois personnes sans assemblée générale, sans conseil d'administration. Donc, ça pourrait être tout simplement trois personnes qui gèrent un organisme. Ça, ça nous inquiète parce que, dans le contexte actuel, advenant, là... Faisons l'hypothèse qu'un centre de santé, là, sur son territoire, les organismes communautaires n'acceptent pas de bon gré de s'impliquer dans l'élaboration d'un projet clinique pour une population spécifique. Qu'est-ce qui nous dit que le centre de santé ne se retournera pas puis n'ira pas chercher ce qu'on appelle des supercitoyens ou deux, trois personnes puis qu'on ne créera pas de toutes pièces un organisme qui va être au service du centre de santé? C'est des hypothèses qui... La table a fait aussi un mémoire au Registraire des entreprises, et, dans le mémoire, on pose cette question-là.

L'autre élément aussi... Parce que, quand on parle de pratique citoyenne, ça concerne les organismes communautaires, mais ça concerne aussi, je dirais, l'implication ou la possibilité des citoyens et des citoyennes de s'impliquer dans la gestion de leurs propres outils collectifs que sont les établissements. Et à ce niveau-là, même si on ? puis on le dit dans le mémoire ? même si on accueille favorablement le fait qu'on réintroduise les citoyens dans les centres de santé et de services sociaux, la question qui se pose, parce qu'on l'a vécu depuis 12 ans, c'est la capacité des citoyens puis des citoyennes à vraiment s'impliquer puis à vraiment comprendre l'ensemble des enjeux. Ce n'est pas simple, là.

Écoutez, moi, dans une autre vie, j'étais aussi... j'encadrais, si on veut, des représentants au conseil d'administration d'une régie régionale. On les rencontrait avant la tenue de la rencontre de la régie, on arrivait avec des piles de documents que ces gens-là avaient reçus cinq jours à l'avance puis qu'ils avaient de la difficulté... André disait qu'ils avaient de la difficulté à passer à travers. Imaginons-nous, dans un centre de santé, le sort qui va être réservé aux cinq citoyens qui vont siéger là. Moi, je pense... Et ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est qu'il faut regarder aussi comment on va faciliter, comment on va favoriser la prise de parole citoyenne puis l'implication des citoyens puis des citoyennes. Ce n'est pas juste de siéger, parce que, là, on risque de développer effectivement une espèce... les gens risquent de dire: Ah, bien, c'est trop compliqué, moi, ça ne me tente pas de m'impliquer dans cette affaire-là. Puis là on va aller à l'encontre du développement des pratiques citoyennes. Ça fait que ça, c'est un élément qui nous inquiète, je dirais.

Puis je conclurais avec le troisième élément aussi. C'est que... qu'est-ce qu'il va arriver si les organismes communautaires deviennent ou qu'on les amène de plus en plus à être des producteurs de services? Ça va être quoi, l'intérêt des citoyens et des citoyennes à s'impliquer dans un organisme communautaire qui est vu uniquement comme un producteur de services? Il faut aussi que ce soit un lieu autre, un lieu de citoyenneté autrement exprimée, et ça, on souhaite que ça demeure.

M. Tanguay (André): L'autre volet des nouvelles incorporations, c'est que l'organisme sans but lucratif peut, sur simple résolution, devenir un organisme à but lucratif. Mais, moi, je me suis dit: À ce moment-là, les fraudeurs, ils n'ont même pas besoin d'être habiles, ça va être très facile de pénétrer dans un organisme d'hébergement qui a une bâtisse, par exemple, de s'organiser pour réduire le nombre des participants ? et c'est relativement facile à faire, quand c'est des bénévoles, de les décourager ? de se retrouver deux, trois propriétaires de l'organisme communautaire avec une bâtisse, de changer ça privé, de la vendre, de prendre l'argent puis de partir avec. Il y a dans cette loi des aberrations qui ont été signalées par pas mal tout le monde, je pense.

Mme Harel: En fait, c'est dans une consultation qui est menée présentement par le Registraire qui relève du ministre des Finances, je crois, hein?

M. Théoret (Robert): C'est vrai.

Mme Harel: C'est bien ça. Dans le mémoire que vous présentez, également il y a toute cette question qui réfère à la définition de la santé, hein? Je pense qu'on devrait tous relire cette réflexion, là, du professeur d'anthropologie, M. Bibeau, et cette définition de l'Organisation mondiale de la santé, et aussi cette Politique de la santé, introduite en 1991, là, qui plaçait le citoyen au coeur du système, comme vous le rappelez. Finalement, les projets cliniques dans le projet de loi n° 83, ceux qui sont élaborés au niveau des centres locaux, n'ont plus à tenir compte de la référence de la Politique de la santé. C'est donc dire qu'il n'est pas impossible, là, il n'est pas impossible de concevoir qu'il y a un glissement vers une approche comme vous la décrivez, c'est-à-dire une approche qui n'est plus celle, si vous voulez, de la santé comme un... telle que vous l'avez décrite tantôt ? il me semble que je l'avais notée...

M. Théoret (Robert): De façon globale.

Mme Harel: Pardon?

M. Tanguay (André): Le bien-être de la personne.

M. Théoret (Robert): C'est ça, globalement, beaucoup plus.

Mme Harel: C'est le bien-être, mais plus comme une absence de maladie, d'une certaine façon, avec la gestion des soins pour ne pas être malade et non pas pour agir sur son milieu. Parce que vous avez donné tantôt une définition de l'OMS qui était encore beaucoup plus large.

M. Théoret (Robert): Ce n'est pas une définition de l'OMS, je vous rappellerai, c'est l'article 1 de la loi actuelle qui reprend...

Mme Harel: C'est l'article 1, oui, qui reprend, oui. Oui, c'est l'article 1 de la loi actuelle qui est resté.

M. Théoret (Robert): C'est ça.

Mme Harel: Alors, on est actuellement comme, si vous voulez, dans la superposition de deux visions, et puis c'est comme si, sur le terrain, ça va être au petit bonheur du rapport de force, si je comprends bien.

M. Théoret (Robert): Je vais prendre un exemple pour illustrer ce que vous dites puis ce qui rejoint nos préoccupations, je vais prendre l'exemple des maisons de jeunes. Dans les priorités, dans les populations cibles visées dans la planification du ministère, il y a les jeunes en difficulté. C'est vrai qu'il y a beaucoup de jeunes qui sont en difficulté, qui sont abandonnés, qui ont des problèmes familiaux, ou des problèmes au niveau de leur système scolaire, ou de délinquance. Il y a tout un réseau de maisons de jeunes. Le jour où, dans un centre de santé, on dira: Bien, les maisons de jeunes, ça sert uniquement pour les jeunes en difficulté, on vient de perdre. On vient de perdre quelque chose parce que ce n'est pas ça, le rôle, ce n'est pas ça, la mission d'une maison de jeunes, ce n'est pas juste de travailler avec des jeunes en difficulté. Il y a des organisations qui sont spécialisées dans ce domaine-là ou qui sont ? puis, je n'aime pas le terme «spécialisées» ? mais qui sont plus à l'aise à travailler dans ces contextes-là.

J'étais, l'année dernière, à l'Assemblée générale des maisons de jeunes et j'ai assisté à un atelier où il y avait juste des jeunes de 14 à 16-17 ans à peu près, et on leur posait la question par rapport à des jeunes en difficulté: S'il arrive un jeune dans votre maison de jeunes, là, puis qu'il prend de la drogue, là, qu'est-ce que ça va... Les jeunes ont eu la réaction de dire: Non, il ne viendra pas chez nous. Ça fait que, tu sais, ça risque de créer des problèmes si on veut changer ou si on veut inciter les organismes à modeler leur mission sur des besoins qui sont déterminés de manière, je dirais, épidémiologique ou de manière clinique.

C'est sûr qu'il faut qu'il y ait un grand aspect du système de santé qui traite la maladie, mais ça ne doit pas être la finalité du système de santé que d'uniquement traiter la maladie. Je pense que le système de santé doit aller aussi dans le sens de l'article 1, c'est-à-dire de développer toutes la capacités, toutes les formes de capacité pour permettre à l'ensemble des citoyens puis des citoyennes de jouer pleinement leur rôle. C'est ça, avoir une vision sociale, je dirais, une vision globale de la santé aussi. Quand on travaillait avec les personnes, quand, dans les organismes, on travaillait avec les personnes avec une vision globale, on n'a pas la vision globale de l'ensemble de leurs problèmes, on a la vision globale de la personne dans la société.

M. Tanguay (André): Pour aller juste peut-être un peu plus loin, si vous me permettez, je travaille en toxicomanie, et les maisons de jeunes sont des maisons qui font beaucoup de prévention au niveau de la toxico. Mais, s'il y avait un programme comme on a voulu instaurer dans les maisons de jeunes, un programme de prévention en toxico, les jeunes vont partir. Ils ne veulent pas aller dans une maison où il y a un programme de prévention. Ce qui n'empêche pas de faire de la prévention. C'est avec eux... Moi, c'est très différent, le communautaire, du réseau, dans ce sens-là. Ils n'ont pas de programme mais ils en font, et c'est pour ça qu'on est en contact. Moi, j'ai 300 quelques téléphones par année avec des maisons de jeunes qui posent des questions sur des problèmes de toxico: Qu'est-ce que tu ferais? Qu'est-ce que... Est-ce que tu peux nous référer? Etc. Mais, ils ne veulent pas de programme. Le fait même d'avoir un programme va faire fuir les jeunes.

Mme Harel: À part, disons ? et c'est vraiment utile que vous l'ayez fait, de nous alerter sur le danger de devenir des coquilles vides malgré les articles qui prévoient l'autonomie des groupes communautaires ? qu'est-ce que vous recommandez globalement? Parce que ça se présente tout autant au niveau d'Emploi-Québec et de la main-d'oeuvre, présentement. Vos groupes le savent, ils se font prescrire en fait des mandats obligatoires, etc. Comment... Est-ce que vous voyez un débat public sur le communautaire? Le voyez-vous dans le Parlement? Vous le voyez comment?

n(12 h 20)n

M. Théoret (Robert): Écoutez, on n'a pas réfléchi sur la question d'un débat public sur le communautaire. On parle... Il y a un ministre responsable, il y a une ministre actuellement responsable. Étant membre aussi du Comité aviseur de l'action communautaire autonome, j'espère qu'on va être capables de rencontrer Mme Courchesne prochainement pour voir un peu la vision des choses. Sauf qu'il faut être très, je dirais, il faut être très attentif à ce qu'il se passe, et, je pense, quand on dit «protéger ou défendre l'autonomie des organismes», c'est tout mettre en oeuvre pour ne pas uniquement protéger les organismes comme étant... On ne protège pas des organismes pour des organismes. Il faut tout mettre en oeuvre pour faire en sorte que la capacité de rejoindre les citoyens et les citoyennes, la capacité de développer avec les citoyens et les citoyennes des façons différentes de faire les choses, il faut tout mettre en oeuvre pour préserver ça. Et ce n'est pas, je pense, dans le contexte, en renforçant les dispositions ou en modifiant les dispositions de l'article 108 qu'on va arriver à ça parce que, là, on donne le signal presque qu'il faut aller avec les organismes communautaires dans une relation contractuelle.

Le Président (M. Copeman): M. Théoret, M. Tanguay, merci beaucoup d'avoir accepté à participer à cette commission parlementaire au nom de la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles. Et, malgré le fait qu'il est prévu que nous siégeons cet après-midi, je conseille aux parlementaires d'écouter attentivement les avis donnés pour les travaux de la commission.

J'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 21)

 

(Reprise à 15 h 35)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et nous poursuivons toujours le même mandat, c'est-à-dire les auditions, les consultations générales et les auditions publiques, les consultations générales et les auditions publiques sur le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives.

Nous avons trois groupes sur l'ordre du jour, cet après-midi: dans quelques instants, nous allons entendre la présentation et échanger avec les représentants du Centre de recherche en informatique de Montréal; ce sera suivi par la Conférence des centres hospitaliers universitaires du Québec; et nous allons terminer l'après-midi avec les représentants d'Emergis inc.

Je vous rappelle, chers collègues, que nous allons consacrer 50 minutes pour l'audition des groupes, cet après-midi, c'est-à-dire 20 minutes pour les présentations et un échange de 30 minutes divisé évidemment en toute équité entre les parlementaires des deux côtés de la table. Sans plus tarder... Je présume, comme il n'y a pas eu d'incident ce matin, que les téléphones cellulaires ont été mis hors tension. Je vous félicite. Je n'avais pas fait le rappel, ce matin, puis on n'a eu aucun problème. Alors, merci; ça devient redondant, mon appel à cette fin.

Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants du Centre de recherche en informatique de Montréal. MM. Martin et Mercier, bienvenue. Tel qu'annoncé, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et par la suite il y aura échange avec les parlementaires. Je ne sais pas qui commence. M. Martin, c'est vous?

M. Martin (Christian): Oui.

Le Président (M. Copeman): Alors, bienvenue à cette commission, et nous vous écoutons.

Centre de recherche en informatique
de Montréal (CRIM)

M. Martin (Christian): Merci beaucoup. J'aimerais tout d'abord remercier le président de la commission parlementaire de nous accueillir aujourd'hui, ainsi que le ministre et tous les députés qui participent à la commission, pour la qualité de votre travail et votre engagement à faire de la loi n° 83 un document d'encadrement de grande qualité.

Je vous prie aussi d'excuser M. Yves Sanssouci, président-directeur général du CRIM, qui ne peut être avec vous aujourd'hui parce que retenu à l'extérieur du pays. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Alain Mercier, conseiller senior au CRIM et spécialiste des questions de sécurité et de qualité du logiciel.

Notre présentation s'inspire principalement du mémoire déposé et de la perspective que le CRIM est en mesure d'apporter en regard de la loi et de ses objectifs. Nous allons d'abord vous présenter le CRIM rapidement puis situer notre intervention. Nous vous présenterons ensuite les éléments du projet de loi qui ont retenu notre attention, en y ajoutant des explications et données pertinentes au besoin. Enfin, il nous fera plaisir de répondre à vos questions tel que prévu.

Le CRIM se définit comme un accélérateur technologique dont la mission vise essentiellement le transfert des technologies et des connaissances. Ses ressources sont des experts neutres et objectifs oeuvrant dans divers domaines des technologies de l'information. On peut considérer le CRIM comme un réseau de réseaux, comptant plus de 120 membres, surtout des PME, mais aussi les grandes entreprises, universités, ministères et organismes et centres de recherche.

Ça fera 20 ans cette année que le CRIM met les technologies de l'information au service des entreprises et institutions, notamment au moyen de recherche et développement appliquée, de formation de pointe, de services de tests de logiciels reliés à la qualité du logiciel en général ainsi que de la veille technologique. Cette année marque aussi le lancement, par le CRIM, de l'ISIQ, l'Institut de sécurité d'information du Québec, qui vise à créer une culture de la sécurité informatique et accroître la confiance dans les réseaux.

Vous aurez donc compris que notre expertise se situe dans le domaine des technologies de l'information et surtout pas en soins de santé. Par contre, la réforme de l'organisation des soins de santé nous interpelle pour deux raisons principales: premièrement, nous travaillons régulièrement avec le ministère de la Santé et Services sociaux, la RAMQ et les différentes composantes du réseau, et, deuxièmement, parce que le projet de loi n° 83 intègre les TI dans la dispense des soins de santé.

De façon générale, le succès de l'intégration des technologies de l'information est essentielle, premièrement, pour mieux servir la population, deuxièmement, pour optimiser les retombées des investissements réalisés, et enfin pour augmenter la productivité des systèmes et des opérations.

n(15 h 40)n

Nous avons donc lu et analysé le projet de loi en concentrant notre attention sur les aspects reliés aux technologies de l'information et plus particulièrement à la sécurité relativement au dossier de santé électronique et aux bases de renseignements interopérables. Nous pouvons dire d'emblée que nous acquiesçons au principe qui supporte la loi à ces égards. Nous commentons, dans notre mémoire et dans la présentation d'aujourd'hui, ce qui nous semble particulièrement important quant à leur mise en oeuvre.

L'organisation et la gestion des soins de santé posent deux défis majeurs: premièrement, mieux servir les citoyens et, deuxièmement, contrôler les coûts. Il est clair que les technologies de l'information peuvent contribuer à l'atteinte de ces objectifs en favorisant une diminution des risques d'erreur et aussi en favorisant une économie nette qui pourra se concrétiser à long terme. Une étude américaine, citée dans notre mémoire, parle d'une économie de l'ordre de 5 %. Mais il est important, en bout de ligne, de garder à l'esprit que les technologies de l'information doivent demeurer au service des soins de santé et non l'inverse. Les technologies de l'information sont un moyen et non une fin en soi.

Nous avons donc retenu six éléments sur lesquels nous voudrions élaborer dans les prochaines minutes: premièrement, les conditions de succès du plan d'informatisation en support au déploiement du dossier santé électronique; le dossier santé électronique et les bases de données centralisées; troisièmement, l'organisation et le fonctionnement des réseaux; quatrièmement, le déploiement des bases interopérables; cinquièmement, la gestion des risques; et finalement la responsabilité de l'organisation.

Un déploiement de technologies de l'information d'une ampleur telle que le prévoit la nouvelle loi constitue un changement majeur qui requiert une stratégie de changement et un suivi rigoureux qui s'appuie sur plusieurs éléments: premièrement, un plan d'action clair et complet ainsi qu'un budget qui vise autant les aspects d'acquisition et d'exploitation mais aussi le contrôle qui doit être exercé par la suite; deuxièmement, la sensibilisation et la formation continue du personnel à tous les niveaux de l'organisation; troisièmement, l'engagement continu de la direction; quatrièmement, une gestion des risques.

À cet égard, il importe de considérer la sécurité globalement, c'est-à-dire autant pour ses aspects physiques, logiques qu'administratifs. Il est aussi important d'identifier les actifs importants ? donc on parle de catégorisation des actifs ? de façon à ne pas chercher inutilement à tout protéger. Si on veut faire un parallèle: les biens personnels que les gens ont, il y en a certains qu'on va aller mettre dans un coffret de sécurité, à la banque, il y en a d'autres qu'on va conserver sous clé, à la maison, il y en a d'autres qu'on va garder simplement dans notre tiroir. Donc, les moyens de sécurité qu'on s'impose ou qu'on met en oeuvre dépendent de l'importance des actifs qu'on veut protéger. Et enfin, le recours à des méthodes de gestion éprouvées et des communications régulières sont deux autres conditions de succès importantes.

Deuxième élément qui a retenu notre attention: le dossier santé électronique et les bases de données centralisées. Il faut ici insister sur l'élaboration de principes et de mécanismes d'encadrement rigoureux tels que la protection des renseignements personnels, le consentement requis de l'usager, la responsabilité continue des intervenants et enfin l'imputabilité et une reddition de comptes annuelle.

Le dossier santé électronique et les bases de données centralisées sont deux piliers de l'informatisation de la gestion des soins de santé. On sait que tous les pays développés y travaillent actuellement, mais aucun ne l'a encore implantée à 100 %. Il faut pour ce faire une approche préventive et curative, c'est-à-dire que, oui, il faut essayer de tout prévoir, tout planifier, mais il faut aussi pouvoir gérer rapidement les imprévus avant qu'ils ne provoquent une perte de confiance. Ainsi, malgré les avantages indéniables du dossier santé électronique et les bases de données, il faut gérer l'ensemble des risques, qu'ils soient de nature technologique, organisationnelle ou procédurale.

Troisième élément qui a retenu notre attention: l'organisation et le fonctionnement des réseaux d'information. On parle ici d'infrastructures physiques et logicielles, de processus de travail et de gestion du contenu. Ainsi, relativement à l'infrastructure physique et logicielle, il sera essentiel, tout d'abord et bien évidemment, de faire les bons choix, mais aussi d'assurer une adaptation adéquate aux besoins des établissements et des intervenants. Il faut en vérifier la robustesse et la fiabilité avant d'autoriser les déploiements. Il faut de plus s'assurer que les solutions retenues offrent les meilleures garanties quant à la sécurité et à la protection des renseignements personnels.

Quand on parle de sécurité ici, on sous-entend les caractéristiques de disponibilité, d'intégrité et de confidentialité de l'information ainsi qu'à l'authentification des utilisateurs et à l'irrévocabilité des gestes posés. Les aspects d'interopérabilité sont aussi très importants.

Quant aux aspects liés aux processus de travail, il est recommandable de prévoir un déploiement par projets pilotes. Une approche des petits pas aide à générer des succès qui créent un effet d'entraînement. Il faut bien faire valider le fonctionnement des solutions.

Par ailleurs, la période de transition d'un monde de dossiers papier vers des dossiers électroniques exigera une gestion rigoureuse pour assurer une migration harmonieuse vers de nouvelles méthodes de travail, et ce, sans perte de renseignements. Il est impossible, voire inimaginable, de cesser les activités, ne serait-ce que pour une courte période, pour permettre la numérisation de dossiers, par exemple. Il faut donc apprendre à exploiter en même temps qu'on développe de nouvelles solutions.

Il sera aussi essentiel d'informer et former en continu tous les intervenants. Il s'agit là d'un travail récurrent parce que le déploiement s'étalera nécessairement sur plusieurs années. Et quand on parle de former et d'informer, il est essentiel de comprendre que la nouveauté des dossiers électroniques fait en sorte qu'il y a de nouvelles caractéristiques qui viennent avec les dossiers. Donc, on peut parler, par exemple, de traçabilité des dossiers, qui n'existait pas d'un point de vue dossiers papier. Donc, avec les dossiers électroniques, on est en mesure de savoir qui a consulté quel document, quand, ce qui n'existait pas au niveau des dossiers papier.

Donc, c'est un simple exemple, mais ça illustre qu'au niveau des façons de faire, des façons de travailler des gens dans le réseau de la santé il y aura nécessairement des changements auxquels ils devront s'adapter. Et il faut enfin se donner le temps requis pour bien faire les choses.

Dernier point quant à l'organisation et au fonctionnement des réseaux d'information: la gestion du contenu. Les réseaux étendus et complexes augmentent les risques, bien qu'ils offrent une foule de possibilités. Il est donc essentiel de bien protéger les renseignements personnels tout en prévenant les incidents préjudiciables durant tout le cycle de vie de l'information. On parle ici de destruction, de divulgation ou, par exemple, de modification non autorisée, que ce soit le résultat d'erreurs ou de malveillance, par exemple. En bout de ligne, c'est la confiance du public à l'égard des établissements et des intervenants qui en dépend.

On peut mentionner, ici, deux exemples pour illustrer ces enjeux. En 2003, en Angleterre, le dossier de 13 patients atteints de cancer, qui avait été copié sur une clé de mémoire USB ?  les petites clés de mémoire qu'on retrouve maintenant de plus en plus ? bien, ces clés-là se sont retrouvées dans le marché et vendues comme étant des clés neuves; par contre, les dossiers patients étaient restés sur les clés. Donc, on voit ici... bien, ça a créé évidemment une crise de confiance, une perte d'image, et évidemment ça a engendré des coûts importants pour rebâtir cette confiance. Même chose, un autre cas, aux États-Unis, même genre de situation, où cette fois-ci c'est les ordinateurs qui se sont retrouvés dans le marché. Mais, suite à une enquête, il a été démontré que tous les gens dans l'organisation savaient qu'il fallait que les dossiers, que les disques soient adéquatement effacés avant que les ordinateurs soient remis en circulation.

Donc, ces deux cas là illustrent que, bien qu'on parle de problèmes... de questions technologiques, les enjeux n'étaient pas, à ces moments-là, uniquement technologiques, mais bien liés à des nouvelles façons de faire que les gens ne maîtrisent pas toujours. D'où l'importance de la formation, sensibilisation et communication. Donc, les règles régissant l'utilisation d'équipements et des moyens de communication, comme le courriel, par exemple, qui est un autre exemple, devront être clairement identifiées et communiquées à tous les intervenants.

Quatrième élément qui a retenu notre attention: le déploiement du dossier santé électronique interopérable. Il est essentiel de communiquer le projet d'architecture détaillé et le plan de mise en oeuvre, qui doit s'appuyer sur un échéancier réaliste, pour bien gérer les attentes puisque le projet se déroulera sur une période de plusieurs années. On peut citer que la stratégie américaine en ce domaine parle d'un horizon d'environ 10 ans.

Il faut reconnaître et gérer tous les enjeux, qu'ils soient liés à l'organisation, aux solutions à mettre en place ou aux données. Il faudra aussi miser sur l'expertise et les expériences probantes issues des projets actuels, et aussi réussir les nouveaux projets pilotes qui seront lancés, pour apprendre de nos erreurs et reproduire idéalement les bons coups qu'on fera.

n(15 h 50)n

Cinquième élément qui a retenu notre attention: la gestion des risques et des responsabilités. Le pivot central doit être l'intérêt de la personne puisque la confiance des citoyens est un objectif essentiel ici. Il faut donc penser à la sécurité dès le début et bien identifier les risques et vulnérabilités. Par «risques», on entend aussi bien une attaque informatique, des virus dont on entend parler souvent, le vol d'équipements, des sinistres naturels ou simplement des pannes.

Il faut se donner une approche de gestion intégrée de la sécurité de l'information, et ce, tout au long du cycle de vie de l'information et du cycle de vie des systèmes. Donc, on entend par là des politiques, des directives, des procédures et pratiques de travail, les mécanismes de suivi et de surveillance et ainsi que d'évaluation et de contrôle.

À cet égard, le ministère de la Santé et des Services sociaux a déjà défini un cadre global de gestion de la sécurité des actifs informationnels qui permet de faire le lien entre les diverses lois et règles et les mesures qui sont et seront mises en place dans les établissements en s'appuyant sur les exigences du cadre global. Ainsi, toutes les activités dans le réseau de la santé se rattachent à des lois qui sont d'ordre général. Donc, on pense, par exemple, à la Loi sur l'accès aux documents d'organismes publics, le Code civil, la Loi sur le cadre juridique des technologies de l'information par exemple; il y a des lois spécifiques telles que la loi LSSSS, dont on parle aujourd'hui, des lois fédérales, par exemple, relativement à la protection des renseignements personnels, les exigences de la Commission d'accès à l'information. Donc, tout ça définit un cadre réglementaire, et le cadre global permet de faire un certain «mappage» ? excusez ? des exigences réglementaires en fonction des contrôles qu'on voudrait implanter dans ce cadre global. Et, par la suite, les mesures à implanter pour respecter le cadre vont être définies au niveau de chacun des établissements. Donc, on pourra parler, à ce moment-là, de périmètre de sécurité, de surveillance des systèmes, etc. Encore là, déjà, au ministère de la Santé, un mécanisme de certification des applications sur des aspects de sécurité a été mis en place et vise essentiellement les questions de sécurité et de performance.

L'assurance du maintien de la conformité au cadre global s'obtient par la réalisation d'un ensemble d'activités constituant ce qu'on peut appeler le cycle de vie de la gestion de risque, à savoir qu'à partir du cadre ou des politiques il doit y avoir publication et mise en oeuvre, évidemment. Suite à la mise en oeuvre et à l'exploitation, on a des étapes d'audit ou d'analyse des façons de faire, de façon à rapporter les non-conformités et à signer des actions correctives qui, une fois mises en place, devraient permettre de régler les problématiques qui ont été entrevues. Et il y aurait une étape de vérification, s'assurer que les mesures mises en oeuvre ont vraiment apporté les résultats escomptés. Et ce cycle se répète indéfiniment.

Enfin, le sixième élément qui a retenu notre attention: la responsabilité d'organisation. Cette responsabilité va bien au-delà des services informatiques. Il faut un engagement clair de la direction des établissements, qui doit assumer le leadership et la responsabilité de la mise en oeuvre autant pour les aspects opérationnels qu'organisationnels. Il importe encore là de bien analyser l'ensemble des facteurs de risques et de s'assurer que la gestion du changement devienne une préoccupation prioritaire de la direction, tout en faisant appel à un ensemble d'activités de formation et d'information autant à l'égard du personnel que des usagers.

En conclusion, les technologies de l'information sont au service des soins de santé et ne constituent qu'un élément de la transformation proposée. Les principaux ingrédients pour la réussite de la mise en place des dossiers santé et électronique sont la fiabilité, l'interactivité, l'accessibilité mais en toute sécurité. Le citoyen, qui est au coeur du projet, doit avoir accès à des soins de qualité partout et en tout temps. Les enjeux importants de ce projet tout aussi important exigent responsabilité, discipline, communication et imputabilité, et ce, à toutes les étapes de son plan de réalisation. Voilà.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Martin. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, MM. Mercier et Martin, pour votre présentation. Évidemment, c'est intéressant que vous veniez de l'extérieur du réseau pour nous donner une perspective plus générale des technologies de l'information.

Certainement, un des aspects qui préoccupe avec raison la population, c'est tout l'aspect sécurité, et vous avez probablement constaté, à la lecture du projet de loi, que cette question est assez bien encadrée, pour les services de conservation, avec des mécanismes tels que la journalisation des accès, l'identification, l'authentification des intervenants et la gestion des profils d'accès, et on pourrait dire également l'impossibilité, une fois qu'on a eu accès à un profil, d'effacer la trace de notre accès.

Est-ce que ces éléments-là font partie des standards en vigueur dans l'industrie en général, ou il faudrait faire plus ou moins, d'après les standards que vous connaissez?

M. Martin (Christian): Je laisserai Alain répondre à cette question.

M. Mercier (Alain): Je pense que la loi n° 83 va toucher beaucoup de fonctions de sécurité. Vous les avez mentionnées: intégrité, confidentialité, authentification. Je pense que c'est tous des principes qui sont touchés.

Ce qu'il va être intéressant de regarder, et où l'accent doit être mis, je pense, c'est dans la mise en oeuvre de ces mécanismes-là. Il faudra toujours doser finalement: Est-ce qu'on arrive avec une authentification qui nous empêche de fonctionner? On sait qu'on a des soins de services à donner; donc, si on va avec une authentification trop forte, on va être pris avec des mécanismes, les gens vont trouver des voies d'évitement.

Donc, je pense que les grandes fonctions de sécurité sont touchées; c'est dans l'application qu'il va falloir faire preuve, je pense, d'une grande diligence. Et vous avez déjà beaucoup de pistes, là, de projets pilotes qui sont en place, là, pour étudier les différentes avenues viables.

M. Couillard: Évidemment, on parle au départ d'un projet d'une assez grande importance, on essaie d'identifier quels sont les écueils ou les zones de risque. Il y en a un que, moi, j'ai identifié dès le début et qu'on a essayé de contourner avec la façon dont on présente l'informatisation du réseau, c'est que tout ça évolue vers un vaste projet technologique ou de «hardware», plutôt qu'un concept de fonction qui, dans le cas du réseau de la santé et de services sociaux, doit être essentiellement un concept de fonction clinique. Alors ça, ça m'apparaissait comme l'écueil auquel se sont heurtés beaucoup d'États et dont le Québec, dans le passé, quant à la façon de présenter des dossiers comme celui-là.

Quels sont, d'après votre expérience et ce que vous avez vécu dans d'autres organisations, quels sont les autres écueils, là, qu'on doit maintenant regarder ou prévoir?

M. Martin (Christian): De façon générale, il y a toujours une question, dans ce genre de grands projets là, de dégager une vision claire de la solution et des objectifs finaux et de partager à tous les niveaux de l'organisation cette vision-là. Donc, elle doit être partagée et communiquée.

Il y aura une question de volonté claire de l'ensemble des directions dans tous les établissements. On parle d'un déploiement qui va être sur une très longue période. Par contre, dans les établissements, bien, ils vont continuer à être obligés d'opérer, puis ils vont avoir leurs impératifs quotidiens, là, d'opération en même temps qu'ils auront, sur une très, très longue période, un projet majeur de mise en oeuvre de nouvelles solutions. Donc, ces aspects-là à la longue peuvent devenir un problème, parce qu'il y aura toujours un conflit, entre le nouveau projet puis les opérations, qui aura à être géré. Donc, au niveau de test de la volonté claire des directions dans les établissements, ce sera un bon test, en fait.

Il y a toute la question d'imputabilité aussi qui va faire en sorte que vous allez être en mesure ou non de compléter la mise en oeuvre de tout ça.

Évidemment, dans les établissements, la mise en oeuvre se fera essentiellement là, donc il faut qu'ils disposent des moyens requis pour ce faire. Alors, on a parlé dans la présentation de la stratégie de changement. Donc, cette stratégie-là doit impliquer l'ensemble de tous les niveaux, de tous les intervenants dans les organisations, le personnel en général, mais aussi et surtout les spécialistes.

Il y a tous les aspects de complexité technologique évidemment, qui sont là, et les coûts, qui sont des dangers et des risques importants.

À la limite, on pourra aussi parler d'éthique. Il y a des questions d'éthique qui pourront se poser et faire en sorte que ce sera des empêchements à certaines solutions. Donc, c'est un peu l'essentiel. Est-ce que tu en vois de supplémentaires?

M. Mercier (Alain): Peut-être le côté bonnes pratiques aussi à faire ressortir. On tombe dans des grands chantiers informatiques, donc il y a beaucoup de bonnes pratiques, que ce soit au niveau de la gouvernance, au niveau de la gestion de projets, au niveau de l'opérationnalisation de ces différents mécanismes. Donc, je pense qu'il y a une attention particulière de ne pas répéter les erreurs, d'apprendre, hein, de nos projets passés et de mettre en place les meilleures pratiques. Et il y a déjà des choses, hein, dans le réseau, qui sont en train de s'opérationnaliser pour préparer, je dirais, la base de ces grands services là ou de cette nouvelle, là, architecture.

M. Couillard: M. le Président. Messieurs, lorsque vous conseillez une grande organisation ? évidemment, le réseau de la santé, c'est une très grande organisation: 225 000 employés, plus de 20 milliards, pour 2004-2005, de budget de fonctionnement ? et que vous avez donc cette organisation qui vous dit: Voici, en gros, la marge d'investissement qu'on veut consentir au cours des deux, trois, cinq, 10 prochaines années, qu'est-ce que vous leur conseillez d'affecter, à partir de cette marge, à tout ce qui est de la stratégie d'implantation, je veux dire la gestion du changement, la formation des gens? Est-ce qu'il y a, je dirais, un critère reconnu dans cette question-là, ou on y va selon les besoins spécifiques de l'organisation?

n(16 heures)n

M. Martin (Christian): En fait, c'est assez difficile de... C'est parce que des projets de cette ampleur-là, il n'y a pas nécessairement beaucoup de comparables, et, au niveau des organisations, il n'est pas toujours clair que les comparables sont vraiment applicables comme on voudrait. Donc, c'est pour ça qu'on parle beaucoup de petits projets pilotes qui vont permettre de faire des petits pas et de mieux contrôler ce qu'on met à l'essai et ce qu'on veut vraiment tester dans les projets pilotes pour arriver à justement mieux encadrer quelles sont les exigences en termes de formation, en termes de... bien, justement, tous les aspects de gestion de changement, de réorganisation. Donc, ce genre de choses là qui pourra être mesuré à petite échelle dans le cadre d'un projet pilote pourra vous permettre par la suite de mieux planifier pour l'ensemble du déploiement à la grandeur du réseau. Mais d'arriver simplement avec un chiffre qui serait 8 %, 10 %, 15 %, là, c'est relativement impossible de le faire parce que... au niveau comparable, c'est assez difficile.

M. Couillard: Une dernière question, M. le Président. Comment est-ce qu'une organisation comme la vôtre, vous êtes un centre de recherche, une sorte de consortium, comment est-ce que vous pourriez collaborer ou contribuer à la mise en oeuvre d'un plan semblable? Est-ce que vous voyez un rôle comme pour une organisation comme la vôtre dans la dispersion ou la diffusion de ce plan?

M. Martin (Christian): En fait, comme je le disais durant la présentation, on est déjà présent, on travaille déjà avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, notamment sur des questions de certification des applications qui sont actuellement déployées sur le Réseau de télécommunications sociosanitaire, le RTSS. Donc, on travaille à certifier les applications sur des aspects de sécurité et de performance, et pour cela c'est... Bien, ce qui fait qu'on est bien positionné pour ça, c'est le caractère neutre et objectif du Centre de recherche, qui nous permet de poser des diagnostics ou faire des constats qui sont complètement détachés, là, des intervenants en place.

Au CRIM, on est un centre de liaison et transfert. Vous avez aussi, au CRIM, la volonté de transférer les technologies existantes ou les connaissances existantes vers nos clientèles. Donc, ça permettra aussi de bien conseiller, si on veut, le ministère, les décideurs au ministère, dans le cas de choix technologiques qui pourraient être un peu complexes.

Il y a tout l'aspect de formation et sensibilisation dans lequel le CRIM travaille déjà de façon très régulière, si ce n'est avec le MSSS, avec d'autres ministères ou organismes, à réaliser en partenariat des mandats de sensibilisation, par exemple. Et il y a un fort volet formation technologique qui se donne au CRIM.

Et je conclurais en disant que, cette année, comme je disais précédemment, le CRIM lance l'Institut de sécurité de l'information du Québec. Le rôle de l'institut est de créer un climat de confiance à l'égard de la sécurité des systèmes d'information. Donc, je pense qu'il y a là beaucoup d'éléments qui rejoignent les préoccupations que le ministère aura par rapport au déploiement du dossier de santé électronique.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Chambly.

Mme Legault: Oui. Bonjour, messieurs. Vous allez voir par ma question que je ne suis pas spécialiste en la matière, là. Mais je voulais savoir: Les différentes applications auxquelles vous participez, là, par exemple par la certification, au moment où on se parle, est-ce que ces applications-là se parlent entre elles? Quel est le niveau d'intégration de ce que nous avons déjà et comment peut-on tabler sur ce niveau d'intégration là pour imaginer un déploiement qui soit plus important dans le futur?

M. Mercier (Alain): C'est certain que vous avez beaucoup d'applications dans le réseau, O.K.? Ces applications-là commencent à se parler, à échanger. Vous avez un RTSS, qui est un petit bijou, qui permet à tout le monde, tous les établissements de discuter ensemble. Donc, on commence à échanger. Vous avez un système admission, départ, transfert qui va nourrir un autre système. Donc, on commence à voir cette interopérabilité-là. Ce qui s'en vient avec l'architecture, avec le plan d'information, c'est qu'on va faire une couche de services communs où on va échanger des messages. Donc, au lieu de s'adapter aux 600, ou plus, applications différentes dans le réseau, par exemple, vous allez avoir une couche commune, mais on va essayer de parler, tout le monde, le même langage. Donc, le défi va être de mettre cette couche-là d'interopérabilité qui va faciliter beaucoup plus les échanges par la suite. Donc, les applications qui tournent en ce moment, oui, on échange de l'information, oui, on respecte le cadre global, mais là on s'en va vers une plus grande uniformité, on va normer un petit peu plus, puis on va utiliser à meilleur escient le réseau dont vous pouvez tirer profit.

Mme Legault: Merci.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue au nom de l'opposition officielle, M. Martin et M. Mercier. Vous-mêmes, vous êtes tous deux de l'Institut de sécurité de l'informatique du Québec, hein, c'est bien ça, l'ISIQ.

M. Martin (Christian): En fait, c'est le CRIM, le Centre de recherche en informatique. L'ISIQ est un projet que le CRIM a lancé et qui devient graduellement un projet, je dirais, québécois. Donc, il y a beaucoup de partenaires autour de ce projet-là qui se greffent graduellement. Donc, tranquillement, le CRIM devient un partenaire de ce projet-là. Ça illustre bien les préoccupations de sécurité, l'étendue des préoccupations de sécurité dans l'ensemble du marché.

Mme Harel: Est-ce que vous avez un pendant qui existe dans une autre société que la nôtre, dans d'autres sociétés que la nôtre, un pendant équivalent, là, c'est-à-dire un organisme sans but lucratif qui met en collaboration tant des gens du privé que du public?

M. Martin (Christian): En fait, il y a, au Québec... On est un centre de liaison et transfert, donc il y a, si ma mémoire est bonne, il y en a cinq ou six maintenant, donc on peut penser au CEFRIO ou au CIRANO, qui sont des centres de liaison et transfert, qui ont un peu le même genre de mission. Ils ne sont pas tous dans le domaine des technologies de l'information. Et l'aspect qu'on couvre, nous, c'est vraiment les technologies pour les technologies. Donc, il y a ce concept-là. Au CRIM, de la façon qu'on le fait, c'est qu'on a nos propres équipes de chercheurs chez nous, résidents, pour faire de la recherche appliquée, ce qui n'existe normalement pas dans les autres centres de liaison et transfert. Donc, au niveau comparaison au Québec, c'est la comparaison, je dirais, qu'il est possible de faire, là, entre d'autres organismes.

Mme Harel: CEFRIO et CIRANO sont membres de votre organisation.

M. Martin (Christian): Oui.

Mme Harel: Et non l'inverse.

M. Martin (Christian): Bien, en fait, il y a des memberships croisés.

Mme Harel: Croisés. Et ailleurs qu'est-ce qui serait votre pendant?

M. Martin (Christian): Ailleurs... Bien, en fait, il y a toutes sortes de centres de recherche ailleurs dans le monde. Il y en a qui sont aussi des membres du CRIM. Mais, avec ce volet liaison et transfert qui finalement est devenu notre mission première de s'assurer que la technologie se rend dans l'industrie, que ce soient des technologies développées au CRIM ou des technologies développées ailleurs, dans d'autres universités ou dans d'autres entreprises, ça, à ma connaissance, bien, il n'y en a pas des tas, là.

Mme Harel: Rappelez-moi qui était fondateur du CRIM il y a 20 ans.

M. Martin (Christian): En fait, c'était un consortium d'entreprises privées, à l'époque c'étaient de grandes entreprises, et d'universités. Donc, au niveau du concept initial, il n'y avait pas un fondateur unique, donc je ne pourrais pas vous identifier une personne ou même des groupes, là, spécifiquement.

Mme Harel: Y avait-il d'autres universités que l'UQAM? Je sais que l'UQAM était impliquée dès le départ, mais...

M. Martin (Christian): Oui, bien, en fait, je pense au départ qu'il y avait Montréal et McGill principalement, là, dans les...

Mme Harel: Principalement.

M. Martin (Christian): ...dans les principales.

Mme Harel: Alors, en fait, vous offrez vos services au ministre. Dit en termes, disons, plus élégants, vous dites détenir l'expertise avec ce membership croisé, 626 membres, je crois, qui se retrouvent au CRIM. Alors, vous dites avoir été associés ou avoir piloté depuis 20 ans plusieurs projets multipartenaires de conception et de solutions informatiques innovantes. C'est dans votre mémoire, ça, à la page 17. Comment vous le voyez dans le temps? Aviez-vous été associés à la carte santé?

M. Martin (Christian): De mémoire, non.

Mme Harel: Non. Alors, vous le voyez comment, ce projet, là, tel que vous le décrivez, avec ces six conditions de réussite? Dans le temps, vous le voyez échelonné sur combien d'années? Vous nous citez des projets; aux États-Unis, c'est 10 ans, le Secrétaire à la Santé aux États-Unis qui a présenté sa stratégie américaine sur 10 ans. En Grande-Bretagne, là, ce n'est pas... c'est 10, mais c'est 10 milliards de dollars américains pour se procurer les systèmes d'information clinique. Alors, au Québec, pour vous, ça va représenter quel calendrier d'implantation et pour un montant équivalant à combien approximativement?

M. Martin (Christian): Bien, en fait, c'est assez difficile à identifier. On n'a pas une connaissance intime de tous les tenants et aboutissants, puis les solutions ne sont pas entièrement non plus conçues actuellement. Quand on parle d'un déploiement sur une période de 10 ans, compte tenu de l'ampleur et de la complexité des changements que ça va exiger, ce n'est pas déraisonnable de penser à une période de ce style-là. Par contre, ce qui va faire en bout de ligne les... pas les choix, mais qu'est-ce qui va faire en sorte que les coûts vont être tels ou tels ou que le délai va être plus ou moins long, ça va beaucoup être en fonction des choix stratégiques qui seront faits en cours de déploiement, les solutions, là. Donc, à ce moment-ci, c'est assez difficile de donner une réponse précise à ce genre de question là. Il y a beaucoup de choix, il y aura beaucoup de décisions à prendre en cours de route.

Mme Harel: Vous parliez de privilégier des petits projets, avez-vous dit, petits projets pilotes. Vous semble-t-il que ceux qui sont en cours présentement peuvent être coiffés de ce qualificatif, «petits projets pilotes», à Laval entre autres?

M. Martin (Christian): Oui. Je ne comprends pas vraiment, là. C'est quoi, l'objectif, la question, en fait.

n(16 h 10)n

Mme Harel: Est-ce qu'il y a des projets pilotes en cours, selon vous?

M. Martin (Christian): Oui, oui, oui. Bien, c'est ça, il y a des projets à Laval. Il y en a d'autres... Est-ce que...

M. Mercier (Alain): Tout déploiement généralement dans la santé pour un système national va débuter par un projet pilote. On va travailler dans quelques régions, peut-être pas nécessairement les plus grandes, ça dépend de l'objectif du projet. Ensuite, on va étendre, on va comprendre un petit peu plus, là, avec le projet pilote, comment les intervenants réagissent, comment la technologie nous a aidés, puis on va étendre généralement la solution. Ça se fait généralement sur plusieurs années.

Mme Harel: Mais la conservation des données, comme vous le savez, dans le projet de loi n° 83, est à dimension régionale. Vous êtes d'accord avec ce choix?

M. Mercier (Alain): D'accord dans le contexte où on balise bien avec la sécurité, hein, c'est... On a déjà fait des choix dans le passé où on avait des architectures qui étaient peut-être plus coûteuses mais qui étaient plus proches des établissements. Là, on s'en va vers peut-être une productivité plus grande, une mobilisation de l'information, puisqu'on a des réseaux locaux de services qui vont être créés. Donc, je pense, ça doit être accompagné des bonnes pratiques qu'on mentionne tout au long du mémoire au niveau de la sécurité. Et la sécurité, ce n'est pas seulement la technologie, c'est 50 %... c'est les gens, hein, c'est les gens. Le problème, on le voit sur Internet ou à tous les jours, on le voit avec ces petites clés là. Vous avez beau avoir tous les mécanismes de sécurité, les plus belles politiques, si vous passez à côté de l'être humain... Donc, gestion du changement-être humain, très important, et la technologie bien encadrée avec les mécanismes et les grandes fonctions de sécurité qui sont énumérés dans la loi.

Mme Harel: Dans votre mémoire, je crois que c'est à la page 12, oui, vous dites qu'un des inconvénients d'un système actuel, là, du système papier actuel, c'est notamment lorsqu'une personne subit un accident loin de son domicile et de sa région, que l'accès à son dossier de santé devient plus compliqué. Est-ce que ça peut aussi être le cas avec la conservation des dossiers au niveau régional?

M. Mercier (Alain): Je vous dirais pas vraiment. Du moment qu'on circonscrit l'accès à l'information ? on pourra avoir des dépôts régionaux, vous avez 18 régions actuellement ? il n'est pas impossible, avec la couche d'interapplications qu'on parlait tout à l'heure avec les services communs, d'échanger au besoin entre les diverses régions. Donc, c'est quelque chose qui va être possible. Est-ce que ce sera la norme? On verra à l'utilisation avec les projets pilotes, mais l'information pourrait être accessible, selon le cas.

Mme Harel: Ce serait possible a priori ou...

M. Mercier (Alain): Ça dépend toujours des règles d'accès et de contrôle que vous allez...

Mme Harel: ...ou a posteriori?

M. Mercier (Alain): Tout va dépendre de l'implémentation que vous allez faire. Disons que, si on décide en partant que ce n'est pas permis, ce n'est pas permis, et on y va avec des mécanismes, des listes de contrôle d'accès, hein. Les politiques vont régir cet accès-là.

Mme Harel: Mais, dans le projet de loi, c'est donc impossible qu'il y ait cette transférabilité, là, dont vous parlez.

M. Mercier (Alain): Tant qu'on n'a pas vu l'implémentation, hein... C'est l'implémentation... Lorsqu'on va dire: Oui, on fait des dépôts régionaux, on va mettre des règles, des politiques d'accès, c'est là qu'on va définir... Je pense que c'est très clair dans le projet de loi qu'il doit y avoir des profils d'accès, il doit y avoir de l'authentification, mais on ne parle pas de limite territoriale. Donc, ce sera à l'implémentation qu'on va mettre des règlements un petit peu plus élaborés, selon les projets pilotes qu'on aura vécus.

Mme Harel: Pourtant, le ministre a très souvent parlé du fait qu'il y avait conservation seulement au niveau régional et que ce n'était pas au niveau national. Est-ce que vous avez retrouvé ça dans le projet de loi?

M. Mercier (Alain): Effectivement, il y a certaines informations qui vont être gardées de manière régionale, ce qui ne veut pas dire que ça ne peut pas être accessible d'une région à l'autre. Lorsqu'on garde des bases de données parfois nationales, elles sont généralement dénominalisées, donc on ne retrouve pas l'information qui permet d'identifier l'usager. Tout dépend de la finalité, hein, de la base de données ou de l'information que vous allez implanter.

Mme Harel: Dans le fond, la question, c'est de savoir: Est-ce qu'une base de données régionale pourrait par la suite se transformer en base de données nationale?

M. Mercier (Alain): Tant que vous avez l'information disponible dans les régions, il reste à faire ensuite ce pourquoi on a recueilli les données. Est-ce qu'on veut les rendre au niveau national? Est-ce que c'est le besoin? Il y a des règles qui encadrent aussi les dépôts, là, de cette manière-là. Donc, ça dépend de la finalité de votre information.

Mme Harel: Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Martin, M. Mercier, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Centre de recherche en informatique de Montréal.

Et j'invite immédiatement les représentants de la Conférence des centres hospitaliers universitaires du Québec à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Alors, messieurs, bienvenue. Aux représentants de la Conférence des centres hospitaliers universitaires du Québec, M. Dao, M. Rouleau, bienvenue. Je vous répète nos règles de fonctionnement. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et par la suite une période maximale de 30 minutes d'échange avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je ne sais pas qui commence. M. Dao? Alors, encore une fois, bienvenue, et nous sommes à l'écoute.

Conférence des centres hospitaliers
universitaires (CHU) du Québec

M. Dao (Khiem): Merci beaucoup. M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission. Je vous remercie tout d'abord de recevoir la Conférence des centres hospitaliers universitaires du Québec, la Conférence des CHU du Québec. Surtout avec tout ce que vous avez entendu au cours des dernières semaines, je pense que c'est important pour nous de venir vous faire part de nos commentaires et de notre avis.

Je me présente, je suis Khiem Dao, directeur général du CHU Sainte-Justine et président de la Conférence des CHU du Québec, et je suis accompagné, à ma droite, par M. René Rouleau, directeur général du Centre hospitalier universitaire de Québec. La Conférence des CHU du Québec réunit les directeurs généraux des cinq CHU dans un but de partager les enjeux et préoccupations propres aux CHU, de mettre en commun les expertises et les meilleures pratiques dans nos milieux, de coordonner les actions des CHU dans les dossiers de partenariat intraréseau et surtout de proposer au ministère de la Santé et des Services sociaux les solutions pertinentes aux problématiques des établissements universitaires, par exemple, des dossiers sur les médicaments où nous avons proposé un système de gestion des médicaments à l'intérieur des réseaux universitaires, un système de gestion de la qualité des pratiques professionnelles, les propositions concernant la gestion de la pénurie des ressources professionnelles, et il faut dire aussi qu'en automne 2003 la Conférence des CHU du Québec a déposé au ministre une proposition de découpage de territoires du Québec en quatre territoires, et c'est ce qu'on vit actuellement, ce sont les RUIS. Alors, je pense que c'est tous ces efforts-là de travail en partenariat et en complémentarité qui témoignent donc de la volonté de la Conférence des CHU à contribuer intensivement à l'évolution de notre système de santé.

Quant à nos commentaires sur le projet de loi n° 83, ce que nous avons à mentionner, c'est qu'en introduisant notamment des dispositions sur les réseaux locaux, les RUIS, ainsi que de nouvelles responsabilités pour les agences régionales de la santé et des services sociaux le projet de loi n° 83 vient confirmer la nouvelle dynamique dans le système de santé, annoncée par le précédent projet de loi n° 25. Comme tous les acteurs du réseau, les CHU sont interpellés à participer à cette approche fondée essentiellement sur une responsabilité populationnelle et la mise en réseau. Et c'est pourquoi nous souhaitons avoir l'opportunité de vous présenter nos réflexions et nos recommandations sur certains éléments de ce projet de loi.

n(16 h 20)n

Tout d'abord, au niveau du partage des responsabilités. D'entrée de jeu, nous considérons que le projet de loi n° 83 manque de clarté quand on s'arrête aux responsabilités, aux mandats ou aux devoirs des différents acteurs que sont les instances locales, les agences, les RUIS et la nouvelle venue qu'est la Table régionale des chefs de département de médecine spécialisée. On y voit un amalgame d'avis, de recommandations ou de propositions formulés à l'agence ou au ministre, plusieurs lieux de coordination et une apparence de chevauchement sur les domaines d'intervention de l'un et de l'autre. Plusieurs des responsabilités énoncées relèvent davantage de questions administratives que légales; le texte du projet de loi aurait pu être ainsi allégé.

Dans le même sens, nous estimons qu'il y a lieu de questionner comment se profile la ligne d'autorité et de décision entre toutes ces instances. Le projet de loi introduit une décentralisation au niveau des instances locales, mais les multiples possibilités d'intervention de l'agence pour des fonctions qui s'apparentent à de l'arbitrage soulèvent des questions sur le réel lieu d'exercice du pouvoir en matière d'organisation et de programmation des services.

Concernant l'organisation des services, notre compréhension est que l'instance locale détient la responsabilité d'apprécier les besoins de la population de son territoire de desserte et de préparer une offre de services en conséquence. Cette offre de services inclut les services dispensés par l'instance elle-même et les services complémentaires attendus des établissements spécialisés et des autres partenaires. Les CHU, comme les autres établissements universitaires, ont alors, par l'entremise du RUIS, à préparer aussi une offre de services en réponse aux demandes des instances locales. Cette offre de services aura à tenir compte des domaines d'expertise reconnus aux établissements membres du RUIS, de leur production de services à la clientèle de proximité et des ressources disponibles. L'agence agit exceptionnellement comme intermédiaire et comme agent facilitateur pour la conclusion d'ententes entre les parties.

Nous sommes globalement en accord avec cette approche. Reste à voir comment la nouvelle dynamique va s'articuler concrètement sur le terrain. L'apparence de subordination des établissements de soins spécialisés et surspécialisés par rapport aux instances locales reste difficile à imaginer, notamment dans les régions universitaires. La clientèle de proximité des CHU provient de toutes parts, largement sur référence des médecins en pratique privée et qui ont peu ou pas de lien avec les instances locales. La notion de territoire de desserte et d'appartenance appliquée aux instances locales reste virtuelle dans les régions urbaines à forte densité, surtout en ce qui a trait aux services en santé physique. Les probabilités sont élevées de se trouver devant un écart entre les attentes de l'instance locale, elle-même appuyée par l'agence, et l'offre de services des CHU qui tiendra compte de sa propre clientèle et des habitudes de référence des médecins de la région et d'ailleurs.

On peut facilement anticiper que le projet clinique des instances locales donnera lieu dans bien des cas à de véritables projets de développement. Par sa fonction sur l'allocation des ressources, le poids que l'agence pourra exercer en faveur des instances locales de sa région et de l'application de leurs projets cliniques sera source de tensions et viendra s'opposer, en matière de financement par exemple, aux services tertiaires et quaternaires des CHU et à l'ensemble de leur mission universitaire.

Dans ce contexte, en tant que premier décideur en matière d'allocation des ressources, le ministère doit se donner un mécanisme de vigilance et d'arbitrage des décisions d'allocation des ressources dans les régions universitaires.

Nous allons passer à un autre aspect qui est l'aspect financement, et je céderai la parole à mon collègue, René Rouleau, pour vous développer cette partie.

Le Président (M. Copeman): M. Rouleau.

M. Rouleau (René): Merci, M. le Président. Incidemment, nous regrettons que le projet de loi ne soit pas l'occasion pour enfin préciser les conditions relatives à l'allocation des ressources pour la mission universitaire des CHU. La Conférence des CHU du Québec réitère une position déjà énoncée, à savoir que le financement des CHU pour les volets enseignement, recherche et évaluation soit différencié du budget d'opération pour les soins surspécialisés. De plus, l'ensemble du financement requis pour les quatre volets de la mission universitaire devrait selon nous provenir directement du ministère de la Santé et des Services sociaux, et la reddition de comptes à cet effet devrait se faire auprès des autorités ministérielles. Cette modalité permettra de mieux situer la contribution des CHU dans la mise en oeuvre des réseaux complémentaires de services surspécialisés et suprarégionaux. On peut penser aussi au défi que représente l'arrivée des nouvelles cohortes en matière d'enseignement, la mutation de la recherche fondamentale vers la recherche clinique et la volonté du gouvernement de valoriser la fonction d'évaluation. Sans financement spécifique en ces matières, ça va être très difficile de faire les arbitrages entre les soins surspécialisés et le développement de ces fonctions académiques.

J'aimerais attirer maintenant votre attention sur les responsabilités des RUIS. En tant que CHU, nous avons évidemment considéré avec beaucoup d'intérêt les dispositions portant sur les RUIS. À notre avis, le RUIS devrait détenir directement un mandat de coordination pour les fonctions liées à l'organisation des services spécialisés et surspécialisés dans les domaines d'expertise reconnus à ses membres et non seulement la fonction de faire des propositions. Au cours de la conférence de presse tenue le 10 décembre 2004 présentant le projet de loi n° 83, le ministre de la Santé et des Services sociaux affirmait ceci: «On donne une existence légale à une organisation très prometteuse pour notre réseau de santé que sont les réseaux universitaires intégrés de santé, quatre réseaux universitaires intégrés de santé, un par faculté de médecine, sous la responsabilité du ministère, qui ont pour mission bien sûr de coordonner ce qui se fait comme services surspécialisés ou services universitaires au Québec, non pas seulement du haut vers le bas, mais également en répondant aux besoins exprimés par les centres de santé et services sociaux en termes de soutien, de formation médicale continue, par exemple, et d'autres mécanismes de corridors de services.» Cette affirmation du ministre reflète déjà mieux la réalité que le libellé du projet de loi actuel et le rôle que devraient éventuellement détenir les RUIS... et dont il s'acquittera dans les faits.

Les RUIS selon nous devraient avoir, avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, un lien plus direct et plus marqué dans la loi, d'abord en raison, selon nous, de la méconnaissance des agences pour les activités d'enseignement et de recherche et des autres activités académiques. Aussi, le fait que plusieurs agences différentes pourront intervenir avec les établissements membres des RUIS pour la desserte en soins surspécialisés laisse présager quelques difficultés d'arrimage, d'où le besoin d'un mécanisme d'arbitrage de la part, croyons-nous, du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Poursuivant nos commentaires sur les fonctions d'un RUIS, l'article 436.6.12° qui porte sur l'élaboration d'un plan d'effectifs médicaux universitaires dans le cadre d'un plan régional des effectifs médicaux inclut deux notions contradictoires. Un plan d'effectifs médicaux universitaires devrait faire état des effectifs requis pour assumer la fonction de la recherche et celle de l'enseignement pour laquelle le territoire dépasse la région de localisation du centre universitaire. Le plan doit inclure de plus les effectifs requis pour la couverture extraterritoriale, extrarégionale pour les soins surspécialisés dont le territoire peut être différent de celui reconnu pour les fonctions de formation. Ainsi, à notre avis, le plan d'effectifs médicaux universitaires ne peut prendre place dans un plan régional et devrait nécessairement faire l'objet d'un plan spécifique en soi.

n(16 h 30)n

Quant aux responsabilités d'un établissement membre des RUIS. Nous en venons maintenant aux responsabilités d'un établissement membre d'un RUIS, par exemple un CHU. À cet effet, l'article 436.7 introduit non plus une sollicitation de propositions, mais bien des devoirs imposés aux établissements membres d'un RUIS. Si la contribution de ces établissements à l'offre de services proposée par le réseau va de soi, il est plus difficile de souscrire d'emblée et sans condition à l'apport d'une contribution auprès des autres établissements du réseau pour prévenir toute rupture de services. Nous le vivons actuellement, là, dans la région de Québec, en radiologie, par exemple.

Cette disposition risque de créer des attentes à notre avis irréalistes dans un contexte d'abord de pénurie d'effectifs médicaux et de rareté de ressources financières. Cette difficulté pourrait être diminuée si le plan d'effectifs médical universitaire, dont il a été question précédemment, permet de prévoir ces situations et que les centres universitaires soient dotés d'effectifs en conséquence, en conséquence des risques de rupture analysés par le RUIS, sur son territoire de desserte.

Et il y a lieu de se demander pourquoi le CHU devrait nécessairement transiger par l'intermédiaire d'une agence pour offrir des services aux instances locales du territoire alors que, dans bien des cas, des ententes existent déjà entre les médecins, et ça, depuis plusieurs années. Les ententes devraient seulement être déposées à l'agence, et celle-ci devrait intervenir seulement si c'est nécessaire, lorsque l'entente de services en question engage une transaction financière, et non devenir un passage obligé. On vise la simplification.

L'article 436.7 soulève de plus un questionnement sur la ligne d'autorité, à savoir qui du conseil d'administration de l'établissement, par exemple d'un CHU, ou du RUIS aura préséance dans la situation où les obligations confiées à l'établissement, comme membre du RUIS, à l'égard du territoire de desserte viendraient en opposition à la volonté du conseil pour des activités du centre qui l'administre. Vous pouvez voir un peu le dilemme qu'on aurait, par exemple, si on est à la recherche de l'équilibre budgétaire et qu'il nous est imposé d'aller offrir l'offre de services ailleurs sur le territoire de desserte, ça va créer une tension assez forte, là, au sein de nos propres instances.

M. Dao (Khiem): Ce questionnement nous amène à la formation du conseil d'administration d'un CHU qui doit porter, par ses membres, à la fois les préoccupations propres au centre, mais aussi celles de favoriser l'émergence et le fonctionnement optimal du RUIS. Dans notre mémoire, nous énonçons une proposition détaillée, avec motifs à l'appui, en ce qui a trait à la composition attendue du conseil d'administration d'un CHU. Je n'élaborerai pas maintenant sur le détail de cette proposition, sinon de vous sensibiliser à la haute importance que revêt ce sujet pour nos institutions, et en particulier en ce qui a trait à la place qui revient aux personnes morales et aux fondations.

Les personnes morales, donc les corporations propriétaires qui sont reconnues comme des personnes morales, sont les représentantes des fondateurs de nos établissements actuels. Nos institutions ont su, à travers les époques et à travers les différents projets de loi, maintenir l'intérêt de la communauté envers les hôpitaux qu'elles avaient créés en faisant preuve d'un solide engagement et d'apports financiers tangibles. Les fondateurs de nos hôpitaux méritent le respect, et leur place au conseil d'administration témoigne de la reconnaissance de leur engagement passé et actuel.

Quant aux fondations, elles se sont développées en complémentarité à l'action des personnes morales dans le même objectif d'améliorer la prestation des services de santé et des services sociaux pour la population québécoise. La contribution financière des fondations hospitalières est importante et reconnue comme essentielle pour appuyer les projets de développement de nos institutions dans le contexte de fonds publics insuffisants pour répondre aux multiples besoins, notamment en matière de recherche, de technologie et d'immobilisations. Par ailleurs, la participation des fondations au projet des nouvelles installations pour le Centre hospitalier de l'Université de Montréal, le CHUM, et pour le Centre universitaire de santé McGill, le CUSM, fait partie des conditions sine qua non imposées par le gouvernement pour la réalisation de ces deux projets. Pour toutes ces raisons, la réduction du nombre de sièges réservés tant aux représentants de la personne morale qu'à ceux des fondations est irrecevable et a même un effet démobilisateur auprès de ses bénévoles.

Le Président (M. Copeman): M. Dao, je veux juste vous signaler qu'il reste deux minutes.

M. Dao (Khiem): Merci. Vous aurez compris que nous recommandons le statu quo pour les sièges prévus pour les personnes désignées par les fondations, c'est-à-dire deux sièges, et la personne morale, deux autres sièges. Sur la proposition des conseils d'administration des CHU, nous vous avons donné des recommandations, mais nous avons aussi une recommandation concernant le conseil d'administration de l'agence régionale. À notre avis, le conseil d'administration de l'agence devrait inclure, pour que ce soit cohérent, un représentant du ou des CHU de sa région, parce que c'est important, cette synergie au niveau de ces deux entités.

Rapidement, je vous parle un petit peu du plan de pratique, que, dans notre mémoire, nous avons formulé une recommandation sur le plan de pratique, car, à ce chapitre, la loi est actuellement mal adaptée, sinon silencieuse, étant donné que le législateur ne propose aucun encadrement juridique qui pourrait guider les établissements et les médecins dans la réalisation d'un plan de pratique à effet obligatoire, notamment dans les CHU.

Une autre recommandation importante dans notre dossier, c'est le comité de révision. Comme plusieurs autres organismes qui ont réagi au projet de loi, nous avons été étonnés par les nouvelles dispositions relatives au comité de révision. Nous avons cru bon de formuler à notre tour une recommandation. Ainsi, considérant la nature des sujets traités par ce comité de révision, nous recommandons qu'un comité de révision soit formé pour chaque établissement, laissant par ailleurs la possibilité d'avoir recours à un comité de révision pour le territoire, pour les établissements qui le souhaitent, notamment en raison d'un faible volume d'activités médicales et du peu de médecins dans le centre.

Et je terminerais en laissant la parole à mon collègue sur notre dernière recommandation.

M. Rouleau (René): Très rapidement. Nous souhaiterions que le FRSQ, Fonds de recherche en santé du Québec, retrouve sa place dans la grande famille du ministère de la Santé et Services sociaux. Nous pensons très sereinement que les hauts milieux scientifiques de nos institutions ont d'abord un sentiment d'appartenance à la santé, et le décalage FRSQ vers un autre ministère ne nous a pas rendu une année très facile au cours de la dernière année. On trouvait qu'il y aurait plus intérêt de converger les intérêts de la santé avant les intérêts économiques. Donc, c'est une demande qu'on vous fait comme CHU. On comprend que les universités ont une importance majeure au niveau du développement économique, mais on pense que le réseau de la santé et services sociaux, à la croisée des chemins, a besoin de la recherche en santé, une recherche en santé en bonne santé, pour être capable de faire face aux défis de demain. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, messieurs. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Rouleau, M. Dao. C'est toujours avec beaucoup de plaisir qu'on vous reçoit puis qu'on écoute vos recommandations.

Je retrouve en filigrane, dans votre mémoire et votre présentation, aujourd'hui, quelque chose que j'ai bien connu, moi, au début, comme praticien dans un CHU, puis quelque chose, je vais vous dire, dont je me suis progressivement éloigné avant de devenir quelqu'un qui fait de la politique et qui gère le ministère de la Santé, c'est ce désir des CHU, qui date de longtemps, d'avoir une sorte de statut particulier dans le réseau de la santé, autant sur le plan de l'organisation des services que du financement, que la gestion des effectifs. Je vais vous dire ma réflexion personnelle, qui n'est pas amenuisée par mon expérience comme gestionnaire du réseau maintenant, c'est qu'à mon avis ce n'est pas vraiment une bonne idée. Pourquoi? Parce qu'on ne peut pas faire une limitation des centres hospitaliers universitaires du réseau de la santé, pour l'organisation des services, pour la bonne raison, puis on l'a répété 100 fois pendant la commission sur le CHUM, que la plupart des services objectivement donnés ? il faut peut-être faire une exception pour Sainte-Justine, hein, mais la plupart des services donnés dans les CHU adultes, au Québec ? sont des services de proximité.

Par exemple, si vous allez à l'urgence de l'Hôpital Notre-Dame aujourd'hui, vous allez trouver des personnes âgées avec une pneumonie, complications d'influenza, vous allez trouver des diabétiques, vous allez trouver des choses qui ne sont pas nécessairement du niveau de la haute spécialité. Il y en a, et c'est la mission de cet hôpital-là, en partie, de faire ça. Mais il faut que l'ensemble de ces activités-là soient reflétées dans l'organisation des soins. Donc, pour être logique, il faut que toute cette partie de proximité soit en lien avec les organisations de première ligne.

Et bien sûr on n'a pas voulu, loin de là, que les CHU fassent partie des réseaux intégrés. Là il y aurait eu un déséquilibre absolument flagrant dans ces organisations-là. Mais on ne peut pas les déconnecter de ça, là. D'autant plus que, vous avez très bien analysé le projet de loi en ce qui a trait du projet clinique, on veut que le projet clinique origine de la base et monte vers les institutions spécialisées, au lieu du contraire. Et je crois qu'on a reçu de vos commentaires et d'autres également la nécessité de renforcer le rôle d'arbitrage ? et qui dit arbitrage dit autorité ? de l'agence régionale sur, par exemple, des projets cliniques qui seraient conflictuels ou qui entreraient en contradiction les uns avec les autres. Ceci pour l'organisation des services.

n(16 h 40)n

Pour ce qui est du financement maintenant, la difficulté vient essentiellement du fait... Bon. Comme vous le savez, dans le nouveau mode d'allocation, on a essayé de dégager une composante universitaire. Ce n'est pas facile. Pourquoi ce n'est pas facile? Puis ce ne serait pas plus facile selon le modèle que vous proposez. C'est que c'est extrêmement difficile de disséquer, dans les activités d'un CHU, qu'est-ce qui est du niveau tertiaire, qu'est-ce qui est du niveau secondaire, hein? La ligne, comme vous le savez, change pour le même patient en cours d'hospitalisation. Quelqu'un peut arriver avec, je ne sais pas, moi, une péritonite, faire une complication majeure, faire une insuffisance rénale, aura besoin éventuellement d'une greffe rénale. Donc, il passe par tous les niveaux de soins progressivement. Où est-ce qu'on met l'allocation des ressources? Comment est-ce qu'on l'ajuste à ce cheminement-là? Ça m'apparaît difficile.

Troisième élément, la gestion des effectifs, et là on vous rejoint, on est également dans la mouvance d'aller vers un plan d'effectifs universitaires. Mais encore une fois je rejoins ce que j'ai vécu, et puis vous connaissez très bien, c'est que, lorsqu'on demande aux institutions universitaires: Donnez-nous le pourcentage d'activités de vos médecins, qu'est-ce qui est soins cliniques, qu'est-ce qui est enseignement, qu'est-ce qui est recherche, on reçoit toutes sortes de réponses, hein, vous savez comme moi. Et les endroits où on a les meilleures réponses, et là je rejoins également votre suggestion, c'est les endroits où il y a un plan de pratique avec, par exemple, un système, moi, que j'ai connu, d'unités académiques, où on peut très bien dire: Bien, ce médecin-là fait tant pour cent de sa tâche en enseignement, tant pour cent en recherche. Parce que l'enseignement clinique en CHU, c'est pas mal la même chose, hein, on fait de la clinique en enseignant aux internes et aux résidents. Donc, pour ces raisons-là, puis ayant moi-même déjà été sympathique à cette demande, je vous dis, historiquement, après réflexion, je ne suis pas sûr qu'on irait dans la bonne direction et, compte tenu, je dirais, de la continuité historique du ministère de la Santé et des Services sociaux depuis maintenant plus de 30 ans, je doute fort ? on ne peut jamais être sûr de rien, là ? mais qu'un ministère du futur aille dans une autre direction, compte tenu de toute cette logique d'organisation à laquelle on assiste depuis quelques années.

Maintenant, la question des RUIS, parce que ça, c'est important et c'est une grande source d'espoir que nous avons placée dans la mise sur pied de cette structure-là, effectivement il y a quelque part une obligation d'aider ou de soutenir les régions de desserte au niveau des professionnels. Cependant, il est certain que, si un CHU avait des problèmes budgétaires en raison de cette modalité-là, il est certain que ce serait pris en considération dans la détermination de la cible budgétaire. Ce serait tout à fait illogique, à la limite même inacceptable de ne pas le faire. Vous le dites vous-même, si on demande quelque chose, il faut que ça se reflète dans la façon dont on calcule les besoins financiers.

Maintenant, les RUIS, tout le monde veut y être. Je ne sais pas si vous avez suivi les travaux, là, il y a très peu d'organisations qui ne veulent pas également être assises sur cette table-là. Vous y êtes, vous, et qu'est-ce que vous nous recommandez en termes de taille de cette table des... d'abord les RUIS eux-mêmes et la table centrale des RUIS, où beaucoup voudraient se voir invités? Qu'est-ce que vous pensez qui est du niveau fonctionnel, si on ne veut pas verser dans une immense structure où finalement il n'y aura pas grand-chose qui va se décider?

Le Président (M. Copeman): M. Rouleau.

M. Rouleau (René): M. le Président, je pourrais juste vous faire un petit commentaire sur votre commentaire introductif, parce que je sais que vous avez vécu ça de très près. On ne veut pas s'isoler, puis avoir un traitement de faveur, puis être traités différemment, on veut être traités comme n'importe quel producteur de services puis participer à l'offre de services générale. Mais, à vivre dans les CHU d'aujourd'hui, on réalise que, pour les missions académiques, on n'a pas de lieu d'accueil pour reconnaître, de façon professionnelle ou de façon... un système d'expertise pour être capables d'assumer pleinement ces missions-là. Nos agences régionales ont développé de l'expertise de haut niveau dans l'organisation des services. Ils sont capables de faire des corridors de services, faire les passerelles interrégionales, ils le font très bien. Mais, quand on arrive pour discuter des fonctions académiques avec les universités, avec les responsabilités d'enseignement, avec les responsabilités de recherche puis la fonction évaluation que vous tenez à développer au Québec, on n'a pas de lieu d'accueil.

Puis on n'a pas de lieu d'analyse pour savoir le coût réel de ces choses-là. On nous dit que ça a été mis dans la base budgétaire historique, que ça a été redressé, etc., mais il n'y a pas de critère objectif, il n'y a pas d'analyse faite par des gens, comme vous à l'époque qui le faisiez chaque jour, pour réussir à sortir ce coût marginal là qui existe. En France, par exemple, ils ont décidé que c'était 15 % de l'enveloppe générale d'un CHU qui était protégé pour les activités académiques. Ça, ils l'ont débattu dernièrement, les 29 CHU de la France ont reconnu cet aspect-là. Ici, au Québec, soit pour des raisons de rareté de ressources, ou soit pour des raisons de base historique, ou je ne sais pas quelle sorte de raison, on ne réussit pas à trouver l'agenda, ni au ministère ni à nos agences, pour prendre en compte cette réalité-là. Et, quand on ne la tient pas en compte, bien elle est mise en danger par... J'ai déjà dit que c'était très énergivore d'organiser des services tertiaires et quaternaires, bien ces fonctions-là sont mises en danger. On essaie de les protéger, mais, comme il n'y a pas de mur coupe-feu... À la fin, vous savez, quand on doit rentrer dans l'équilibre, on fait les arbitrages les plus optimaux pour les services à la population. Donc, nous, on pense que la pérennité de ce financement-là, dans ces secteurs-là, devra passer par une réflexion pour la reconnaître. Que vous la donniez à l'agence pour qu'elle nous le redonne, ça ne nous fait rien, là, mais on doit la placer à quelque part, cette préoccupation-là. Ça, c'est un propos sur lequel je suis profondément convaincu, puis j'aimerais bien vous convaincre. Bon.

Sur la taille...

Mme Harel: ...convaincre la présidente du Conseil du trésor. C'est ça, le problème.

M. Rouleau (René): Oui, j'ai déjà travaillé là, puis ce n'est pas facile, j'en conviens. Maintenant, sur la taille optimale des RUIS, je pense qu'elle doit être plutôt modeste dans l'exécutif, mais plutôt inclusive dans les orientations générales. Je vais m'expliquer. Il y a beaucoup effectivement d'attraits, d'attentions pour influencer les mécanismes décisionnels de cette table-là. Donnons la chance à plus de joueurs possible de collaborer, de contribuer, mais donnons-nous un mécanisme de gestion et d'harmonisation plus souple, parce qu'à 30 autour d'une table, là, c'est très difficile d'avoir un mécanisme d'opération. Donc, créons un mécanisme exécutif. Je pense que vos sous-ministres sont bien au fait, là, des enjeux pour trouver la bonne ligne puis déterminer la taille optimale de gestion puis la taille optimale de consultation. Je dirais que passé huit, 10 autour d'une table pour décider, ça commence à être un peu compliqué.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Couillard: Moi, je dirais que la solution, une des solutions, au problème de financement puis de protection de la mission tertiaire, c'est d'avoir la définition de ce qui est l'activité tertiaire. Il faut faire attention, le système de santé français, comme vous le savez, n'est pas structuré du tout comme le nôtre, donc il faut se garder de faire des transferts comme ça. Mais je suis d'accord avec la démarche cependant, mais la démarche nécessite d'après moi un plan de pratique. Si vous n'avez pas de plan de pratique dans le CHU, vous ne serez jamais capables de déterminer c'est quoi, le pourcentage de la mission qui est véritablement surspécialisé et qu'il faut protéger. Donc, sur la base du concept, oui, mais il faut développer le bon instrument de mesure puis le bon instrument de monitoring, et je pense que ça, c'est essentiel.

Puis, pour ce qui est de la question du financement, et je ne pense pas qu'il y ait d'opposition entre notre vision et ce que vous dites aujourd'hui, si on regarde ce qui s'est passé dans d'autres pays, par exemple en Grande-Bretagne où je pense que, là, ils sont allés dans une direction dans laquelle nous ne voulons pas aller et que la population n'accepterait pas de toute façon... Vous savez comment ce qu'on appelle les Primary Care Trusts fonctionnent là-bas, c'est qu'ils donnent tout le budget du National Health Service à l'organisation de soins, ou la grande majorité, je pense que c'est 75 % des budgets du NHS qui vont à l'organisation de première ligne, et cette organisation, elle, entre guillemets, achète des services spécialisés aux institutions plus hautes. Mais ça, ça nécessite quoi? Ça nécessite une sectorisation extrêmement rigide, c'est que le patient, il n'a pas le choix, là, il faut qu'il aille voir ce médecin-là dans ce quartier-là parce que l'argent qui est attaché à lui ? c'est un mode de capitation ? il est là. Et je ne pense pas que, dans notre société, avec la tradition nord-américaine, avec la tradition de notre système de santé, je ne pense pas qu'on puisse aller ou qu'on veuille aller dans cette direction-là.

Mais, le financement, moi, je ne vois pas vraiment d'opposition, là, entre la nécessité de... et je ne crois pas non plus que les CSS vont siphonner votre financement. Personnellement, je ne crois pas que ce danger existe. Au contraire, ils risquent de mieux vous aider, vous instrumenter pour justifier vos demandes de financement, compte tenu des ententes de services que vous aurez faites, avec les volumes de cliniques qui en découlent, vous serez beaucoup plus outillés pour présenter les demandes, et on sait que vous savez très bien comment... vous vous pratiquez, c'est ça.

La question des plaintes, je vais terminer là-dessus parce que le temps file vite ? c'est dommage parce que vous avez touché beaucoup de points passionnants du système de santé, là ? moi, je trouve ça un peu correct qu'on puisse faire traiter une plainte dans un autre établissement, dans un autre... parce que vous savez que les gens se méfient beaucoup, hein, ils disent que le processus est partial, que c'est opaque, qu'ils n'arrivent pas à savoir ce qui s'est passé. Ils ont toujours l'impression que les gens ont une sorte de code de protection dans l'établissement. Il me semble que leur donner la possibilité de faire examiner par un autre établissement, c'est de nature, me semble-t-il, à renforcer la confiance du public. Mais je comprends que, quand on est gestionnaire d'établissement, on ne voit pas ça de la même façon. Mais on essaie de se placer du point de vue des usagers. Mais vous ne pensez pas que c'est de nature à donner plus confiance aux gens dans le système de plaintes?

M. Rouleau (René): Bien, moi, M. le ministre, je vous dirais, ça va être un exercice qui... on va voir à la pratique si, dans le temps, la vertu de cette mesure-là va demeurer. Moi, ma crainte, là, c'est qu'il y ait une espèce d'aplanissement ou banalisation un peu de ce processus-là. Je trouve que l'idée est bonne, mais à la pratique, vous savez, ça va devenir assez difficile si... Imaginez-vous, qui va venir faire les validations des plaintes de gros CHU ou... bon, des choses comme ça. Il faut regarder à la pérennité de la mesure, et, dans ce domaine-là, je serais plutôt prudent, moi, avant de bouger quoi que ce soit. D'abord, il n'y en a pas tant que ça, des plaintes. Ce n'est pas... On en fait un plat, là, mais il n'y en a pas tant que ça. Ils sont de mieux en mieux traités avec les citoyens, nos comités de plaintes, les membres du conseil ont une sensibilité sur ces questions-là. Puis je souhaiterais que ce soit asymétrique, c'est-à-dire qu'il faut s'adapter au milieu environnant. Traiter les plaintes dans un centre local où tout le monde se connaît versus traiter les plaintes au CHUM, une plainte est une plainte, mais ce n'est pas les mêmes processus. Donc, si vous étiez capable de garder une forme d'asymétrie, vous rendriez service au système des plaintes, à mon avis.

M. Couillard: L'asymétrie, on aime ça, vous savez.

Des voix: Ha, ha, ha!

n(16 h 50)n

M. Couillard: Je vais brièvement terminer par une remarque sur les effectifs, justement qui va dans le sens de mes raisonnements sur la nécessité de garder le plus de liens possible entre le CHU et le réseau de santé avoisinant. Vous savez qu'il y a souvent des demandes de dérogation d'effectifs de la part des centres hospitaliers universitaires. On sait que le problème de la relève universitaire est un problème important, et, comme vous le savez, on est devant un problème de pénurie d'effectifs. Donc, on essaie de répartir de la façon la plus juste possible les effectifs qu'on a. Mais une solution qu'on met de l'avant de plus en plus puis que je pense que vous connaissez vous-même pour l'avoir vécu en pratique, et également l'autre institution universitaire à Québec, c'est que, lorsqu'une institution universitaire nous demande une dérogation d'effectifs en anesthésie ou en radiologie, pour des régions éloignées ou modérément éloignées, on assortit la dérogation, si elle est accordée, à une entente ferme de desserte, et non pas pour l'individu qui obtient la dérogation, pour tout le service, pour que ce service-là nous garantisse... Moi, je suis très optimiste. On l'a vu, là, par exemple à Lévis, en psychiatrie, avec Etchemin, Beauce, etc. On l'a vu, Québec, avec, je crois... c'est la radiologie à Rimouski, récemment. Et je pense que, si on veut satisfaire les demandes justifiées ? elles sont justifiées ? des milieux universitaires, il ne faut pas oublier les citoyens des autres régions. Et c'est là que le concept des RUIS prend toute son importance et c'est là qu'il faut... que les agences régionales et les centres de santé aient leur mot à dire là-dedans. Vous comprenez? Pour moi, c'est un renforcement de ce que je vous disais au début. Voilà.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le ministre. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. Dao, M. Rouleau, bienvenue de la part de l'opposition officielle. Il y a une formule qui dit que l'on juge l'arbre à ses fruits, n'est-ce pas? Alors, on verra ce qu'il en est, si tout cela se jouera dans la complémentarité ou dans la rivalité, ce qui pourrait entraîner la paralysie en fait.

Vous savez qu'on a siégé toute la nuit. Nous étions ici à 5 heures ce matin, il est bientôt 5 heures. Alors, je ne sais pas si nous...

M. Couillard: ...s'en ressentent, il faut le dire, là.

Mme Harel: Ça, c'est gentil, mais je n'ai pas l'impression qu'on a la même vivacité que celle habituelle.

Écoutez, je dois vous dire que, dans la présentation et dans le mémoire, il me vient le même sentiment que j'avais au moment de la présentation des mémoires des fédérations, tant celle des spécialistes que des omnis, particulièrement celle des spécialistes, à savoir que les choses sont dites à mots couverts, et l'impression que ça s'adresse à... qu'on lit entre les lignes, et que tout ça se joue entre initiés, en quelque sorte, hein? Alors, j'aimerais ça que vous me traduisiez, pour... Donc, très, disons, très, très concrètement: La difficulté peut venir du fait de dépendre de l'agence? Vous êtes à côté de l'agence? Comment se joue l'organigramme?

Le Président (M. Paquin): M. Rouleau.

M. Dao (Khiem): Alors, merci, Mme Harel.

Le Président (M. Paquin): M. Dao.

M. Dao (Khiem): Oui. Je pense qu'essentiellement, et c'est ce qu'on a résumé, la réforme se repose sur deux aspects: l'aspect de responsabilité populationnelle et l'aspect de travail en réseau, et ça, pour nous c'est incontournable, et pour nous c'est essentiel. Le reste, le reste, c'est de la mécanique, c'est de la technique, c'est comment maintenant agencer et coordonner le tout. Et ce qu'on retrouve dans le projet de loi, on pense que ça devrait être amélioré, mais ça ne veut pas dire pour autant qu'on conteste les agences ni les réseaux locaux ou les centres de services sociaux. Mais ce qu'on se dit, c'est: C'est un grand défi.

Ce qu'on vit actuellement, c'est une révolution, c'est une révolution dans notre réseau de santé, et cette révolution-là, elle est bénéfique en autant qu'il y ait un mécanisme de coordination et d'ajustement de toutes les instances qui sont là-dedans. Et c'est normal que cette révolution-là, qui est arrivée en un très court laps de temps ? je pense qu'en dedans d'un an, quelque chose, on est arrivés à réussir ça ? c'est un défi énorme que le Québec a relevé, et je pense que c'est important de le souligner, mais de souligner aussi les éléments à corriger dans l'implantation de cette réforme ou de tous ces changements-là. Et pour nous nos commentaires se situent à un niveau plutôt d'ajustement que des niveaux de dire: Bon, bien, on n'est pas d'accord avec une telle entité, et qu'on le fasse à mots couverts, ou quoi que ce soit.

Mme Harel: Alors, M. Dao, toutes ces mises en garde étant faites et votre adhésion aux objectifs poursuivis étant réitérés, maintenant quels sont ces ajustements que vous voulez?

M. Dao (Khiem): On a dit qu'il faut que le texte de loi soit un petit peu plus explicite. Par exemple, quand on parle au niveau des partages des responsabilités, on parle que les instances locales mobilisent les établissements de soins spécialisés, peut-être qu'on doit changer qu'est-ce que ça veut dire, «mobiliser», parce qu'en matière de gestion mobiliser n'arrive pas à des résultats. Donc, pour nous, c'est important qu'on ait ces choses.

Dans l'importance que le RUIS... L'introduction des RUIS, c'est une nouveauté. C'est peut-être regardé de loin par des Français, par exemple, qui nous posent des questions sur c'est quoi, cette affaire-là qu'on a au Québec. Bien, quand on parle que les RUIS font des propositions sur l'offre de services, mais ça aussi, en langage de gestion, ça ne donne pas de résultat.

Mme Harel: En fait, on est dans une obligation de moyens et non pas d'obligation de résultat. Donc, les moyens, vous devez faire des propositions ou d'autres doivent mobiliser, mais il n'y a pas inscrit, dans la loi, l'obligation de résultat.

M. Dao (Khiem): Il y a un résultat ultime, c'est l'approche populationnelle. Mais le résultat, c'est les soins à la population. Et ce résultat-là, il est incontournable et il appartient à tout le monde.

Mme Harel: Oui, mais je reprends ma question ? le diable se cache dans les détails. Habituellement, les objectifs, tout le monde s'entend, hein? L'approche populationnelle, il n'y a pas personne ici qui la conteste. C'est comment, hein? Alors, moi, ce sur quoi je veux vous entendre, c'est sur le comment.

M. Rouleau (René): Je pourrais vous amener, moi, une perception générale. L'économie générale de cette loi-là, elle est très bonne, il faut le reconnaître. C'est-à-dire de regrouper, sur une base territoriale, un réseau d'établissements ensemble, de se donner un plan d'organisation clinique pour le citoyen, moi, comme citoyen payeur de taxes, je suis content de ça, qu'il y a une bonne trajectoire de services, qu'on arrête de mettre des cloisons entre les établissements, je trouve ça tout à fait adéquat. Où c'est qu'on était un peu, nous, comme CHU, là, comme vous dites, lire entre les lignes... C'est qu'on a une frousse. Bon, la frousse, c'est qu'on soit considérés juste pour notre mission de soins de proximité, première, deuxième ligne, comprenez-vous, puis, pour les services très onéreux, à petits volumes mais très onéreux, qu'on soit un peu mis en porte-à-faux, puis, compte tenu de ce que ça prend comme ressources pour traiter les gens qui ont le cancer puis traiter les pathologies complexes, l'économie générale de la loi met tout le focus là-dessus. On relève encore des agences pour ces fonctions-là puis on pense que ça va rentrer en confrontation, puis c'est ça qui nous fait peur. Puis on aurait voulu avoir, pour les fonctions académiques, des choses un petit peu plus programmées puis différenciées. Donc, c'est ça, notre propos. Il n'y a rien de malin là-dedans, c'est juste l'expérience qui nous fait parler comme ça.

Mme Harel: Ça peut se traduire de toutes sortes de manières, hein? On regardait le rapport de l'Agence régionale de Montréal, là, qui a été déposé aujourd'hui, je pense... non, la semaine passée, excusez-moi, et puis on voyait qu'il y a des choix qui sont faits. Ça peut être des choix de volume, par exemple. Le fait est que, dans le cas, par exemple, de la cataracte, hein, de la chirurgie d'un jour, il y a beaucoup de progrès, mais... C'est l'inverse, excusez-moi, exactement l'inverse. Parce que, dans le cas justement de la cataracte, chirurgie d'un jour avec pédiatrie, alors on passait de 24 000 à presque 30 000 en attente, alors que, par exemple, si on prend la cataracte sans pédiatrie, là l'attente est un peu moins, mettons autour de 8 000 à 6 000. Bon. Ça signifie qu'il y a des choix qui se font par l'agence qui sont des choix importants en termes, si vous voulez, de l'argent qu'ils vont mettre pour du volume dans tel, tel, tel domaine. Vous dites: Ça va influencer le fonctionnement de l'hôpital universitaire. C'est ça qu'il faut comprendre?

n(17 heures)n

M. Rouleau (René): Bien oui, d'une certaine façon. C'est très difficile, puis le Dr Couillard a vécu ça comme praticien. Quand on va me demander, moi, de faire des choix de programmer le bloc opératoire de l'hôpital pour faire des hanches puis des genoux ou faire les cataractes ? quoi qu'on pourrait presque les faire en externe, mais ça, c'est une autre affaire ? puis en même temps, dans la même semaine, la même journée, j'ai des cas à haute morbidité, des cas de cancer, des cas majeurs, si je suis payé pour faire des cataractes puis faire des hanches, des genoux, je vais être bien tenté, compte tenu des règles du jeu, d'aller faire tous mes volumes possibles parce que ce sont des activités payantes, puis je vais faire fâcher mes chirurgiens ou je vais avoir des problèmes avec mes gens dans le domaine parce que je vais faire des activités à petit débit mais à très grosse consommation de ressources puis je ne suis pas payé pour. Comprenez-vous?

Mme Harel: ...ça qu'on se parle vrai, là. Je suis sûre que, s'il y a des gens qui nous écoutent, ils comprennent, là ? vous comprenez, là ? ils comprennent ces arbitrages dont on ne leur parle presque jamais, qu'on leur explique quasi jamais, bon. Et d'autant plus que vous êtes en situation de sous-budgétisation.

M. Rouleau (René): Bien, ça, je n'oserais pas affirmer ça comme ça. Ce que je peux vous dire: C'est très difficile de fermer les années financières dans un CHU, compte tenu qu'on est le dernier rempart, hein, pour donner des services à la population. Puis ce n'est pas... D'abord, le mandat, il est difficile, l'équilibre est difficile à tenir entre les besoins de la population, les services à donner, les capacités de production puis les argents qu'on a. On réussit, par toutes sortes de façons, à garder cet équilibre-là, mais c'est très précaire. Et c'est de là que je reviens encore argumenter sur la dichotomie entre les missions académiques d'enseigner et de former avec les nouvelles cohortes puis la mission des soins. Et là, moi, ces arbitrages-là, je trouve qu'en 2006-2007, 2007-2008, si le corps de partage n'est pas mieux défini, ça va être encore plus difficile de maintenir cet équilibre-là.

Mme Harel: Surtout dans le cadre de la négociation en cours, là, avec les fédérations de médecins spécialistes, qui ont chiffré, en comparaison avec leurs collègues des autres provinces, la portion de rémunération manquante, je pense qu'ils l'évaluent à 40 millions, pour l'enseignement académique qu'ils professent dans les milieux universitaires.

M. Rouleau (René): Mais ça, ça relève de la RAMQ.

Mme Harel: Oui, d'accord. Ah, ce n'est pas dans vos crédits! C'est vrai, ça.

M. Rouleau (René): Non, les salaires des médecins en général ne sont pas dans nos crédits.

Mme Harel: Bon, une autre chose... D'accord. Allez-y.

M. Rouleau (René): Bien, l'idée, c'est que... bien, d'une certaine façon, c'est peut-être mieux comme ça parce que, quand les ressources sont rares puis on a un tiers payeur, ça nous fait ça de moins à arbitrer. Mais ce n'est pas optimum comme modèle ? le Dr Couillard a bien connu ça ? ce n'est pas nécessairement le modèle optimal. Mais, écoutez, il fonctionne, le modèle, là, il faut vivre avec.

Mme Harel: ...aucun ministre de la Santé passé, actuel et à venir qui voudrait changer ça pour que tout ça soit subordonné aux décisions du Conseil du trésor. Alors ça, c'est une remarque, mais je comprends aussi que vous souhaitez que, dans les plans d'effectifs... Ça ne tourne pas rond, là, sur la question des plans d'effectifs médicaux dans les régions universitaires, sur les territoires universitaires. Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Dao (Khiem): C'est que je pense que, dans un CHU, les plans d'effectifs médicaux universitaires sont conçus en fonction de la quadruple mission des CHU, et ce qu'on craint, c'est que le plan d'effectifs médicaux de la région ne puisse pas s'accorder à ce plan d'effectifs médicaux universitaires, et d'autant plus que l'expérience nous a démontré que l'agence régionale ne maîtrise pas tous les paramètres et tous les aspects de la dimension académique des CHU.

Mme Harel: Mais c'est toujours l'arbitrage final du ministre qui prévaut en matière de plan d'effectifs.

M. Rouleau (René): Oui, et je pense que c'est bien comme cela. Le problème, c'est que les citoyens de Rimouski, puis les citoyens de Val-d'Or, puis les citoyens de Dolbeau paient des taxes eux autres aussi puis ils veulent avoir accès aux ressources médicales. Ce que le ministre met sur la table, c'est intéressant. C'est que, si on a un poste universitaire pour combler des besoins d'enseignement et des besoins de services spécialisés, surspécialisés, il soit jumelé à une région d'appartenance pour une couverture, c'est quelque chose d'intéressant. Puis, compte tenu de la rareté des ressources au niveau des surspécialités ? vous savez, au Québec, on a une capacité de production qui est limitée, puis il n'y a pas des grosses cohortes pour les quatre, cinq prochaines années ? ces mécanismes-là sont très intéressants. Puis, nous, dans notre RUIS à l'Université Laval, on signe déjà des ententes avec les Îles-de-la-Madeleine, avec Rimouski, notamment en radiologie, pour faire arriver ça. Mais c'est très difficile parce que ça tient sur la volonté de nos médecins d'embarquer généreusement dans ce processus-là, puis ce n'est pas tout le monde qui a la même générosité. Ça fait qu'il faut travailler là-dessus aussi, puis ça prend des incitatifs.

Mme Harel: Des incitatifs financiers, là.

M. Rouleau (René): Et d'équipements et de plans de carrière universitaire.

Mme Harel: Alors, bon, il me restait une question. Sur la ligne d'autorité, ça ne semblait pas être une difficulté pour le ministre, en fait c'est la question budgétaire qui prime toujours, ça a été en fait ce que j'ai compris de l'intervention qu'il a faite. Donc, entre, par exemple, subordonner l'hôpital universitaire au fait de faire le déficit mais d'assurer qu'il n'y a pas de rupture de services, le choix devrait être de ne pas faire de déficit. C'est bien ça?

M. Rouleau (René): Bien, ce n'est pas aussi clair que ça.

Mme Harel: Bon, d'accord.

M. Rouleau (René): Bon, bien, d'après moi, il ne faut jamais faire de déficit. À mon avis, là, il faut essayer de gérer les crédits publics puis faire tous nos efforts pour rester à l'intérieur parce que c'est les impôts puis les taxes. La santé consomme 42 % des impôts et des taxes, il faut...

Mme Harel: Sur le déficit autorisé.

M. Rouleau (René): Bon, il y a des déficits programmés, parce qu'on est en train de redresser les bases budgétaires, mais on est supposés le faire sur quatre ans, là, si tout va bien avec le Conseil du trésor, on est supposés s'en sortir. Bon. Ceci étant dit...

Mme Harel: ...payer les intérêts entre-temps, sur les opérations courantes.

M. Rouleau (René): Oui, ça, ça fait mal un petit peu. Bon. Mais, ceci étant dit, il ne faut jamais mettre en opposition l'équilibre budgétaire puis les services. Ce n'est pas une bonne équation, c'est une équation qui est toxique. O.K.? Il faut s'organiser pour donner les services de la meilleure façon possible, de bien gérer les temps d'attente, que ce soit raisonnable, etc., mais à quelque part il faut être capable de documenter les points de rupture. C'est un peu ce qu'on a essayé d'annoncer. Il y a des risques de point de rupture, puis on a essayé de vous les démontrer, peut-être entre les lignes, comme vous dites, on pouvait comprendre. Les risques de point de rupture sont reliés au volume qu'on attend de nous, la couverture des services régionaux qu'on attend de nous, les fonctions académiques. Il faut enseigner, et il y a des grosses, grosses cohortes de médecins qui s'en viennent, des grosses cohortes d'infirmières à former. Il va falloir trouver les moyens de les accueillir en nos murs parce qu'on n'a même pas la place physique pour les accueillir. Donc, il faudra penser à ça aussi. Puis on veut continuer à faire de la bonne recherche au Québec, puis muter un peu vers la recherche clinique. Ce n'est pas gratuit; ça coûte quelque chose mais ça vaut beaucoup. Mais c'était un peu l'esprit de notre mémoire.

M. Dao (Khiem): Est-ce que je peux rajouter quelque chose?

Le Président (M. Copeman): Très brièvement, M. Dao, s'il vous plaît.

M. Dao (Khiem): Oui. Alors, concernant le financement ? puis je pense que c'est plus fort que moi, je vais le dire, là ? c'est que chacun des CHU qu'on est, on gère des centaines de millions de dollars de budget par année. On a cette difficulté, là, qu'on doit les gérer et, contrairement à n'importe quelle autre macro-organisation, on les gère en dedans de 12 mois, toujours, et, quand les crédits arrivent en retard et quand les choses... On a beaucoup de difficultés à planifier nos 300, 400 millions par année, sur une échelle de 12 mois, comme ça, et ce qu'on souhaite, comme n'importe quelle grande organisation, c'est d'avoir un horizon plus long que le 12 mois, minimalement de 36 mois, ou quelque chose, pour qu'on puisse mettre des mesures en place, faire des planifications, avoir une assurance que les ressources sont là pour pouvoir réaliser nos objectifs. Et ça, je pense que ça nous soulagerait de beaucoup au niveau de notre charte de gestion budgétaire.

Mme Harel: Je veux juste terminer... Je crois que je n'ai plus de temps du tout, là, hein?

Le Président (M. Copeman): Exact.

Mme Harel: Bon, bien, je vous remercie, mais je vais quand même en profiter pour vous dire, M. Dao puis M. Rouleau, que nous sommes chanceux, au Québec, d'avoir des gestionnaires, dans le secteur public, de votre calibre.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Dao, M. Rouleau, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Conférence des centres hospitaliers universitaires du Québec.

J'invite maintenant les représentants d'Emergis inc. à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants d'Emergis inc. M. Côté, M. Larochelle, bonjour. Je vous rappelle brièvement nos règles de fonctionnement: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 30 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je ne sais pas qui commence ou qui fait... M. Côté?

M. Côté (François): Ça va être moi.

n(17 h 10)n

Le Président (M. Copeman): C'est bien. Alors, nous vous écoutons.

Emergis inc.

M. Côté (François): Merci beaucoup. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, membres de la commission, mesdames et messieurs, d'entrée de jeu je veux vous souligner notre appréciation et vous remercier de l'opportunité qui nous est offerte de venir présenter notre point de vue sur un projet de loi qui aura des impacts importants sur le système public en santé. Emergis, comme citoyen corporatif responsable, se sent directement interpellée par le volet qui concerne la circulation de l'information clinique.

Permettez-moi d'abord de me présenter: mon nom est François Côté, et je suis le président et le chef de la direction d'Emergis. Je suis accompagné par mon collègue M. Alain Larochelle, qui est vice-président, Solutions en santé.

Emergis est particulièrement concernée par la circulation sécurisée de l'information, étant donné son expérience d'une vingtaine d'années dans l'échange et le traitement d'information confidentielle et plus spécifiquement d'information reliée aux médicaments. Emergis est une société québécoise qui compte plus de 900 employés. Notre entreprise s'est taillé une réputation enviable de chef de file nord-américain et de leader canadien pour le développement et la gestion des technologies de l'information adaptées aux secteurs de l'assurance santé, des pharmacies ainsi que les banques. Nos principales activités consistent à fournir des solutions qui automatisent les transactions et l'échange d'information sécuritaire par voie électronique. Nos solutions, entre autres, aident les organisations à simplifier les échanges d'affaires et à optimiser leur efficacité. Toutes nos solutions visent l'intégration transparente des technologies aux logiques d'affaires de nos clients. Notre modèle repose en grande partie sur l'utilisation de nos solutions par nos clients.

Depuis près de 20 ans, Emergis travaille notamment au développement de dossiers pharmacologiques électroniques et d'aviseurs thérapeutiques. Notre compagnie fournit des logiciels d'officine ou encore logiciels de gestion de pharmacie à plus de 60 % des pharmacies au Québec et à une pharmacie sur quatre au Canada. À chaque année, nous traitons, au Canada, en temps réel, plus de 180 millions de demandes de règlement de médication, de frais de dentistes, de chiropraticiens et d'autres professionnels de la santé. Ces demandes couvrent 2,6 millions de familles au Canada, c'est-à-dire environ 7 millions d'individus. Nous gérons plus de 50 000 plans de couverture de médicaments. En fait, nous composons quotidiennement avec les réalités du réseau de la santé. Vous comprendrez qu'avec de telles quantités d'information les normes de sécurité d'Emergis doivent répondre aux standards les plus élevés au monde. En 20 ans d'opération dans le secteur de la santé, nos systèmes n'ont fait l'objet d'aucune intrusion. Notre équipe compte sur un chef de la confidentialité et un chef de la sécurité de l'information.

Au Canada, Emergis compte parmi sa clientèle les principales compagnies d'assurance vie ainsi que certains gouvernements provinciaux et plusieurs sociétés d'État. Emergis est aussi un fournisseur de services de la Régie de l'assurance maladie pour tous les services d'aiguillage de demandes de règlement pour les médicaments avec l'ensemble des assureurs privés.

Par notre présentation aujourd'hui, nous souhaitons faire connaître au législateur un exemple concret des bénéfices que les Québécoises et les Québécois pourraient obtenir d'une circulation électronique sécuritaire, structurée, des informations cliniques. Il nous apparaît pertinent et même nécessaire pour le Québec de renouveler le cadre législatif actuel afin de se doter d'un nouveau modèle qui permettra la mise à profit des nouvelles technologies de l'information. Cet objectif est un défi en soi-même. Il est, à notre point de vue, incontournable. Il constitue un rendez-vous qui ne doit pas être reporté.

En santé, la connaissance est l'élément clé d'une bonne intervention. L'accès à la bonne information, par la bonne personne, au bon moment, peut faire toute la différence. Selon le ministère de la Santé, 10 % des hospitalisations au Québec sont dues à un mauvais usage des médicaments. Chez les personnes de plus de 50 ans, ces statistiques s'élèvent à plus de 30 %. Pour un patient hospitalisé, une étude relève qu'entre le moment où le médecin prend une décision pour prescrire un médicament et le moment où le patient reçoit le médicament il y a plus de 50 étapes. En faisant l'hypothèse que même si 99 % de ces étapes se déroulent adéquatement, une erreur surviendra quand même dans 39 % du temps, dans un processus avec autant d'étapes. Une autre étude mentionne qu'une proportion de 6,7 % des patients sont victimes d'une erreur médicamenteuse dangereuse ou potentiellement dangereuse. C'est beaucoup trop, selon nous.

Si les enjeux sont évidents, les bénéfices d'une circulation sécuritaire de l'information clinique le sont autant. En effet, l'information clinique instantanément accessible permettrait au médecin d'éviter de refaire l'historique médical à chaque consultation. Le nombre d'analyses et de consultations spécialisées en serait autant réduit. Ensuite, la connaissance du profil pharmacologique permettra de diminuer considérablement le nombre d'hospitalisations reliées aux interactions médicamenteuses indésirables. De plus, la qualité des interventions qui doivent être réalisées très rapidement s'en trouvera nettement améliorée. Enfin, selon nous, ces bénéfices généraux ont un important gain d'efficacité pour l'ensemble du réseau de la santé en plus de renforcer une valeur chère aux Québécois, à savoir la liberté de choix de leurs médecins.

Tous ces bénéfices pour les professionnels de la santé auront un impact positif direct sur les patients. Ceux-ci profiteront d'une plus grande rapidité des services. À titre d'exemple, ils devront prendre moins de rendez-vous pour des examens diagnostiques, qui sont présentement une source de délai dans la dispensation des services. La qualité des services reçus en sera améliorée; pensons, par exemple, à la diminution des effets néfastes d'une médication inadaptée ou d'une intervention qui tarde trop à se réaliser.

Afin de réaliser ces bénéfices, le Québec doit investir sur des nouvelles façons de faire et doit s'outiller avec des solutions technologiques qui supporteront les objectifs du projet de loi. Pour mener à bien le déploiement de ces solutions technologiques, qui permettrait une circulation sécurisée de l'information, nous croyons que le gouvernement devrait, premièrement, promouvoir le consentement des citoyens, se doter d'une méthodologie d'adoption pour s'assurer de l'utilisation des solutions par les professionnels de la santé, minimiser les risques opérationnels et finalement optimiser les argents déjà investis.

Maintenant, je demanderais à Alain de présenter les avantages des conditions de succès qui selon nous sont essentielles à l'atteinte de ces objectifs.

Le Président (M. Copeman): M. Larochelle.

M. Larochelle (Alain): Merci, François. M. le Président, comme François vient de le mentionner, la première condition de succès à la mise en place d'un projet de circulation sécuritaire de l'information clinique est l'existence du consentement. Selon un sondage effectué par une firme indépendante, commandé par Emergis, que vous trouverez en annexe de notre mémoire, 88 % de la population québécoise s'est dite prête à transmettre ou à consentir à la transmission électronique de son profil pharmacologique. La compilation des résultats révèle aussi clairement qu'après une brève description du projet la population cerne bien les enjeux, les avantages et les inconvénients liés à une telle circulation électronique du profil pharmacologique et qu'elle est prête à y adhérer.

Cependant, la même étude révèle que quatre personnes, quatre répondants sur 10 émettent certaines craintes quant au respect de la vie privée et la confidentialité de l'information. Ça fait que, pour que le maximum de citoyens donnent leur consentement, il est nécessaire que le système inspire confiance, surtout quant à la confidentialité de l'information. De plus, comme nous le recommandons dans notre mémoire, il est primordial que le gouvernement mette en place une vaste campagne de sensibilisation afin d'informer la population des conséquences et des avantages relatifs à ce qu'ils donnent leur consentement. Le gouvernement ne doit pas compter uniquement sur les professionnels de la santé afin de divulguer ou de diffuser de l'information auprès de la population. Si ces conditions sont respectées, selon nous nous envisageons une adhésion complète, à terme, de la population au système.

Pour rendre accessible de façon sécuritaire un profil pharmacologique complet de chaque citoyen et citoyenne au Québec, il faut que le système qui se retrouve en pharmacie, qui se retrouve dans les hôpitaux, qui se retrouve dans les cliniques puisse communiquer avec le réseau et interpréter des données, et ce, le tout en temps réel. Le défi est de taille. D'autre part, il faut minimiser les risques opérationnels du projet. Un des risques est celui de la mauvaise utilisation de l'information. Il est clair que les données cliniques doivent être accessibles uniquement aux intervenants qui en ont absolument besoin. Pour ce faire, il faut avoir des registres contrôlés des patients, de leurs consentements, des professionnels auxquels le ministère aura donné accès, ou droit d'accès, et également la journalisation des accès.

n(17 h 20)n

Ces aspects technologiques à eux seuls ne peuvent être garants de l'utilisation du système. C'est pourquoi le projet doit être accompagné d'une gestion du changement, qui est la deuxième condition de succès. À vrai dire, les enjeux liés à l'implantation d'un système d'information sur les médicaments, et plus largement à une meilleure circulation de l'information clinique, résident beaucoup plus au niveau humain qu'au niveau technologique.

Il va sans dire qu'une solution technologique n'est ni valable ni bénéfique si elle n'est pas utilisée par les professionnels qui doivent s'en servir. Voilà d'ailleurs pourquoi Emergis élabore, pour chacun de ses projets, un plan stratégique d'adhésion ciblée précis et adapté, qui suit une méthodologie éprouvée. Le taux d'utilisation des solutions que nous implantons d'ailleurs est directement intégré à notre modèle d'affaires.

Ce plan d'adhésion vise vraiment à préparer graduellement les utilisateurs aux changements à venir afin d'optimiser les résultats. À cet effet, Emergis a organisé des groupes de discussion, des «focus groups», avec des médecins, des pharmaciens afin de valider notre approche. Il s'agit en fait d'amener les professionnels à acclimater, à adapter leurs cultures aux changements tout en s'assurant que les nouvelles méthodes de travail, les nouvelles façons de faire s'implantent sans problème et s'intègrent sans problème dans leur pratique. En d'autres termes, si le système ne supporte pas les professionnels dans les changements des façons de faire, ils n'y adhéreront tout simplement pas. Devant l'importance des enjeux liés à la gestion du changement, Inforoute Santé du Canada a ajouté un volet à son offre de financement, qui permettra à des provinces, comme le Québec d'ailleurs, à financer de tels projets, des projets qui sont centrés sur la gestion du changement.

La troisième condition de succès est la gestion efficace de l'envergure et des échéanciers du projet. Une façon de minimiser ce risque est de procéder par étapes. C'est tout à fait possible de mettre un système d'information sur les médicaments de façon progressive, sans mettre en place... sans être dépendant plutôt du développement des autres volets du dossier santé électronique tels que l'imagerie médicale ou les résultats de laboratoire. Cette approche permettra d'obtenir des bénéfices immédiats tout en éliminant les risques associés à un très gros projet intégré.

La quatrième condition de succès réside dans l'interopérabilité. Celle-ci est tout à fait possible en technologies de l'information en standardisant les échanges et les messages, permettant à plusieurs systèmes de communiquer entre eux et de se comprendre. À cet effet, il existe une norme internationale d'échange électronique d'information clinique, la norme HL7 version 3, qui, lorsque déployée dans les logiciels, permet aux différents systèmes de se parler et de se comprendre.

Enfin, l'utilisation de solutions qui ont déjà fait leurs preuves est un élément facilitant. On connaît déjà les conditions de mise en oeuvre et la performance des ces solutions. Notre approche préconise la réutilisation de ce qui fonctionne déjà et qui peut être adapté afin de répondre aux critères de fonctionnement spécifiques au Québec. Il faut éviter de se lancer dans un vaste chantier où le Québec deviendrait un laboratoire d'une solution toute fraîche certes, mais jamais testée pour autant.

Il existe toujours un risque concernant le coût trop élevé d'un projet ou plutôt celui d'un coût qui dépasserait les bénéfices. Pour réduire ce risque, il est tout à fait nécessaire d'optimiser les ressources en place. Comme vous le savez, les établissements du réseau de la santé ainsi que les pharmacies communautaires ont investi des sommes importantes dans l'achat de logiciels, dans leurs systèmes locaux, dans leurs sites respectifs. De plus, tout le personnel clinique a été formé sur ces outils. Il est possible de déployer une solution qui minimisera les changements d'application et minimisera les changements dans les applications dans les différents systèmes locaux. De plus, toute solution retenue devra, tout en rencontrant les exigences de performance, être la plus économique possible, il va sans dire. Enfin, toute contribution d'Inforoute Santé du Canada permettra de réduire d'autant le coût pour le gouvernement du Québec. Il est à noter que les solutions retenues doivent satisfaire, entre autres, les critères techniques d'Inforoute Santé du Canada. La norme d'interopérabilité dont j'ai fait mention plus tôt, HL7 version 3, est un de ces critères d'admissibilité au financement d'Inforoute Santé du Canada.

Voilà donc les quatre conditions du succès d'un projet visant la mise en place d'un système d'information sur les médicaments: tout d'abord, développer une campagne de sensibilisation afin d'obtenir le consentement de la population; en deuxième lieu, se doter d'une stratégie d'adhésion afin de maximiser l'utilisation par les professionnels de la santé; également, il faut procéder par étapes pour accélérer les bénéfices; et finalement, nous recommandons au gouvernement de déployer des solutions interopérables.

Je cède maintenant la parole à François pour conclure.

Le Président (M. Copeman): Allez-y.

M. Côté (François): En conclusion, M. le Président, avec l'adoption des dispositions qui concernent la circulation d'information prévues au projet de loi n° 83, le gouvernement du Québec pourrait permettre au système de santé et des services sociaux de s'améliorer grandement, en étant plus efficace, grâce à l'utilisation des nouvelles technologies. Améliorer la circulation de l'information clinique offrira des avantages importants aux professionnels de la santé ainsi qu'aux patients, tout en permettant des économies à moyen terme sur plusieurs plans.

Nous tenons à souligner que le Québec est face à une obligation de résultat. Garder les méthodes d'échange d'information telles qu'elles le sont aujourd'hui entraînerait un retard important. Il est par ailleurs essentiel de réaliser que l'échange électronique des informations cliniques représente à notre avis un des principaux moyens de réduire les coûts du système de santé tout en améliorant la qualité des soins.

Nous sommes convaincus que l'implantation du projet de circulation de l'information clinique des patients peut commencer par le déploiement du profil pharmacologique électronique complet. Sur ce plan, nous croyons être en mesure d'appuyer un bon usage de médication par le déploiement d'une solution éprouvée. Le Québec a déjà démontré son génie au niveau des technologies de l'information. Le déploiement d'un SIM tel que proposé par Emergis peut se faire en permettant... en mettant plutôt à profit des infrastructures existantes, sans investissement majeur. Toutefois, l'État doit garder le contrôle de la démarche en mettant à profit les meilleures ressources du secteur privé dans une démarche stratégique, planifiée, encadrée et surtout ciblée sur l'obtention de résultats porteurs d'amélioration rapide de la qualité des soins. Il s'agit d'un projet enthousiasmant et porteur d'avenir que le Québec n'a plus les moyens de reporter. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, messieurs. Afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Très bien. Merci, M. le Président. Merci, M. Côté et M. Larochelle, pour votre présentation. Je dois dire qu'on est pas mal sur la même longueur d'onde, avec ce que vous nous dites. On reconnaît également la nécessité de déployer la transmission électronique d'information clinique, une nécessité pas relative, une nécessité absolue à l'aube du XXIe siècle et dans le cadre de ce qu'on veut envisager pour le système de santé du Québec, en particulier parce qu'on fait toujours face à des ressources financières qui ont des limites, en particulier parce qu'on fait face à la pénurie d'effectifs qui, compte tenu des changements démographiques des prochaines années, vont probablement être avec nous pour longtemps.

Effectivement, on a choisi, plutôt qu'une étape que je qualifierais de «tout inclus tout de suite», une étape préalable qu'on fait de trois façons: on fait d'abord, avec les réseaux locaux ? vous savez qu'on a mis à la disposition des réseaux locaux une somme assez importante cette année ? l'immobilisation pour acquérir et mettre en place les premiers éléments du dossier électronique au niveau de ces instances locales; deuxièmement, le partenariat avec Inforoute Santé Canada, qui progresse bien, comme vous le savez, on est en train de développer la phase test d'un projet qui, lorsqu'approuvé, va nous permettre de déployer rapidement, à Laval, Montérégie, une partie de Montréal, des solutions qui sont très utiles; et, troisièmement, toujours des projets pilotes ? on en parlait plus tôt, avec les gens du CRIM, un peu avant vous ? toujours y aller pour prévoir ce qui s'en vient après, par exemple avec les aviseurs thérapeutiques, que vous connaissez; et d'autres types de solutions.

n(17 h 30)n

Alors, au niveau technologique, évidemment, parce que c'est là qu'il faut faire attention à ne pas aller dans l'approche que je qualifie de gadget, là, aller dans l'approche clinique, répondre aux besoins cliniques des gens, les trois éléments qu'on veut implanter d'abord, c'est l'index patient, la requête résultats pour laboratoire et radiologie, et effectivement le profil pharmacologique. Donc, on est d'accord avec vous que le profil pharmacologique fait partie des priorités. Vous avez cité avec raison les chiffres d'interactions médicamenteuses, d'hospitalisations dues à des mauvaises utilisations. Puis, en passant, la mauvaise utilisation, ce n'est pas nécessairement d'en prendre trop, ça peut être d'en prendre pas assez, dépendant de la situation. Et donc, on est d'accord. On pensait cependant que, pour mettre en place le profil pharmacologique, il faut nous doter des changements législatifs qui sont proposés dans le projet de loi, compte tenu de la nécessité qu'on doit donner, par exemple, à la RAMQ le mandat d'agir comme courrier de transmission pour transmettre aux agences... pardon, aux banques de données régionales les profils pharmacologiques. Est-ce que vous appuyez notre orientation d'utiliser la RAMQ comme courroie de transmission pour le réceptacle de ces profils pharmacologiques?

M. Côté (François): En fait, je vais donner plusieurs commentaires à votre intervention, si vous permettez. En fait, essentiellement, on est d'accord, on partage la même philosophie, que l'échange d'information est cruciale au XXIe siècle. Beaucoup de pays ont déjà légiféré ou sont en train de légiférer, sont en train de regarder comment on peut accélérer l'échange d'information, et on pense que c'est nécessaire, ça fait qu'on abonde dans le même sens.

D'un point de vue de la RAMQ, je vais laisser mon collègue Alain répondre à ça, mais effectivement on pense que la RAMQ a un rôle important.

M. Larochelle (Alain): On croit que c'est un choix de gouvernance, ici, et le gouvernement dote la RAMQ d'un mandat pour être la courroie, comme vous dites, la courroie de transmission, et Emergis, dans cette foulée-là, ce qu'on veut faire, c'est qu'on veut mettre à profit notre expertise du privé au service du gouvernement.

M. Couillard: Pourriez-vous, sans aller nécessairement dans la description de votre catalogue de produits, mais nous donner, je dirais, un aperçu de ce qui pourrait être possible sur le terrain? Donnez-nous un aperçu de ce qui est possible pour l'infirmière praticienne ou le médecin dans un groupe de médecine de famille avec le genre de solution que, vous pensez, il est réaliste de déployer dans une phase initiale.

M. Larochelle (Alain): Dans la phase initiale, ce qu'on préconise, ce serait un accès à un profil pharmacologique complet par les intervenants, par les professionnels de la santé. Donc, sans toutefois requérir que le médecin ait un ordinateur ou un «tablet PC», une station à sa station de visite, on peut permettre, par exemple, de faire imprimer le profil pharmacologique complet et le remettre dans le dossier du patient pour amener des informations qui ne sont pas disponibles aux médecins aujourd'hui. Ce qu'on est capable de faire et ce qu'on a prouvé qu'on a été capable de faire dans d'autres provinces pour des solutions similaires, c'est de donner, de mettre en réseau tous les systèmes afin de donner l'information pertinente aux professionnels de la santé.

M. Couillard: Vous venez de mentionner que vous avez des activités dans d'autres provinces canadiennes. Donnez-nous donc un panorama de ce qui se fait au Canada actuellement. Puis où se situe le Québec en termes de retard, avance ou statu quo par rapport à ce qui se fait ailleurs au pays, là?

M. Côté (François): Je vais répondre à cette question-là. Dans d'autres provinces canadiennes, je pense qu'il y a plusieurs projets qui ont eu lieu. On regarde en Alberta, il y a eu un projet aussi au niveau pharmacologique. En Colombie-Britannique, il y a des projets. L'Ontario a eu un focus un peu plus avant-gardiste au niveau peut-être de la gestion, au niveau de la CSST ou ce qu'on appelle la Workplace... Board. La Colombie-Britannique vient de faire un projet aussi où est-ce que... En fait, c'est peut-être avant-gardiste ou différent, ils sont allés avec un consortium dans lequel on fait partie, au niveau carrément de jumeler le privé avec l'expertise qui existe au niveau du ministère dans l'adjudication de réclamation médicale. Ça fait qu'il y a plusieurs volets. Je ne dirais pas que le Québec est en retard ou en avance, je dirais que chaque juridiction, chaque province prend des approches qui ne sont pas nécessairement les mêmes. Mais c'est pour ça, je pense, qu'on a dit clairement dans notre allocution puis dans notre mémoire qu'il est important que le Québec se dote de ce cadre législatif là pour justement fixer des règles puis pouvoir rentrer dans le déploiement de solutions comme ça.

Puis mon collègue Alain, tantôt, parlait... Le tangible, ces données-là existent. Ce n'est pas un projet qui, au niveau du médicament, qui est extrêmement... oui, il est complexe, c'est certain, on parle d'un projet à l'échelle provinciale. Par contre, c'est des données qui existent, c'est des données qui existent dans des pharmacies, c'est des données qui existent déjà autant au privé qu'au public. Il s'agit maintenant de se doter d'outils qui permettent d'accélérer et la collecte d'information et la... d'information. Ces technologies-là sont existantes. Comme on en a parlé, est-ce qu'il y a moyen d'y aller par des projets pilotes? Oui, mais aussi il y a des façons de faire où est-ce qu'on peut carrément arriver avec un livrable à court terme au bénéfice des professionnels de la santé.

M. Larochelle (Alain): Si vous permettez.

Le Président (M. Copeman): Oui, allez-y, M. Larochelle.

M. Larochelle (Alain): Merci, M. le Président. Si vous permettez. Vous parlez: Est-ce que le Québec a une longueur d'avance, est en retard, le statu quo? Permettez-moi d'ajouter que Terre-Neuve a sorti dernièrement un appel d'offres sur un système d'information sur les médicaments. Et, comme vous le savez, Inforoute Santé du Canada octroie des financements où le pourcentage des financements... dépendant qui qui arrive au fil d'arrivée en premier. Donc, la première province qui déploiera ou qui implantera un système d'information de médicaments pourra vraisemblablement bénéficier d'un taux de financement plus haut que les secondes. Donc, c'est important, pour que le Québec ne perde pas l'opportunité de se faire financer à un juste niveau, de rapidement, avec un cadre législatif qui le soutient, déposer une proposition pour justement aller chercher, si je peux le dire en d'autres mots, le financement d'Inforoute Santé du Canada. Ça fait que, de ce côté-là, je crois que l'heure est vraiment à l'action pour le Québec.

Le Président (M. Copeman): Brièvement, Mme la députée de Chambly. Allez-y.

Mme Legault: Oui, très, très brièvement. Bonjour, messieurs. Vous nous avez dit tout à l'heure, dans votre présentation, que vous élaboriez des plans d'affaires qui incluaient spécifiquement des plans d'adhésion. Par rapport aux déboursés totaux d'un projet, quel est le pourcentage que représentent ces plans d'adhésion par rapport aux ressources financières qui sont investies? Une moyenne.

M. Larochelle (Alain): Je vais prendre plutôt la réponse avec des discussions qu'on a eues avec Inforoute. Comme vous savez, Inforoute a ouvert un nouveau volet de financement sur des projets qui sont directement liés à la gestion du changement, et maintenant, pour tout grand projet, ils accordent à peu près 30 % du projet en gestion du changement. Emergis, de toute évidence, on utilise comme levier déjà nos relations qu'on a avec les professionnels de la santé. Donc, quand on commence à zéro versus quand on utilise une compagnie ou quand on utilise comme levier déjà des assises, bien le montant va changer. Mais juste pour vous donner un ordre d'idées, Inforoute maintenant, les projets, ils attribuent ou ils assignent 30 % du financement à la gestion du changement.

Mme Legault: Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. M. Côté, M. Larochelle, bienvenue de la part de l'opposition officielle.

Alors, la première question... En fait, ce qui a attiré ma curiosité ? c'est la première question que je voudrais vous poser ? dans le mémoire que vous nous présentez, je crois que c'est à la page 5, vous mentionnez que c'est pour la quatrième année consécutive que vous recevez un financement d'Inforoute Santé Canada. Ce financement, j'aimerais bien vous entendre là-dessus parce que, jusqu'à tout récemment, comme les autres provinces d'ailleurs, le Québec refusait les conditions qui étaient assorties à un financement et qui étaient imposées par Inforoute Santé Canada, ces conditions étant qu'Inforoute Santé Canada voulait directement négocier avec les établissements, sans avoir à passer par les ministères, et voulait, je pense... Quelle était-elle, cette autre condition? Directement passer par les établissements, je crois que c'était majeur parce qu'il ne pouvait pas y avoir planification par les ministères de Santé des différentes provinces. Alors, j'avais fait vérifier, et je ne sache pas qu'aucune province avait accepté de se faire imposer ces conditions-là. Alors, où en êtes-vous pour avoir été financés depuis quatre ans?

M. Larochelle (Alain): Laissez-moi tout d'abord préciser que le financement a été octroyé par Inforoute à l'ICIS, et Emergis faisait partie de la table de travail qui a bénéficié du financement d'Inforoute. Ça, c'est juste pour mettre en contexte, puisque vous savez qu'Inforoute ne finance pas directement des entreprises privées, on doit passer par les provinces pour ce faire.

n(17 h 40)n

Juste pour vous expliquer le cadre du projet, c'est que la première implantation ou le premier déploiement de la norme HL7 v3 dans un système de production a été faite par Emergis avec un client qu'on a en Ontario. Donc, dans ce cadre-là, depuis quatre ans en fait, depuis quatre ans, Inforoute a financé la table de travail qui s'affairait à développer la norme pour les projets en pharmacie et pour les messages des dentistes, puis ainsi de suite. Lorsqu'Emergis a vu l'opportunité de déployer la norme, on a accéléré le déploiement de la norme. Donc, on est un petit peu en avance de l'ICIS et d'Inforoute quand on regarde le calendrier de déploiement, et ils nous ont aidés en partageant le coût de certaines des ressources spécifiques pour monter toute l'infrastructure puis monter toute la définition des messages. Et, dans ce cadre-là, on a bénéficié du financement d'Inforoute Santé du Canada. Soit dit en passant, cette norme... Il y a des normes, aujourd'hui, qui sont en développement, qui seraient utilisées pour le système d'information des médicaments. Donc, tout le travail qu'on a fait serait réutilisé dans le cadre d'un déploiement dans un SIM, un système d'information de médicaments.

Mme Harel: Vous sembliez dire tantôt qu'il fallait être chef de file ou parmi les premiers des provinces à déposer des projets, parce qu'Inforoute Santé Canada, en en choisissant certains, pourrait refuser d'autres. Est-ce à dire qu'Inforoute Santé Canada veut imposer une technologie uniforme, comme disait un collègue à l'Assemblée nationale, à la période de questions, «One...

Une voix: One size fits all.

Mme Harel: ...size fits all.»

M. Côté (François): Écoutez, je pense, puis si on se réfère... mon collègue Alain, tantôt, a mentionné, il y a eu un appel d'offres qui a été sorti à Terre-Neuve, c'est... En fait, il y a probablement un effort de recommandation, ce qu'on comprend du rôle d'Inforoute Santé, de recommandation de certaines normes pour aussi tenter d'assurer une réplicabilité des technologies utilisées, donc pour avoir un meilleur ratio bénéfices-coûts. Je pense que c'est ce qu'Infoway tente de faire. Et maintenant, c'est des propositions qui sont faites aux différentes provinces. Il y a un cadre qu'Infoway recommande au niveau aussi de l'acceptation de financement, on en a fait référence un petit peu tantôt dans notre allocution. Alors, de dire qu'Infoway veut imposer, je n'irais pas jusque-là; mais qu'il y ait une tentative d'uniformiser, si possible, et d'assurer une réplicabilité et des standards, ça, c'est définitivement. On le voit chez Infoway.

Mme Harel: Par exemple, à la page 20 de votre mémoire, vous faites écho, là, de la décision de l'Ontario qui a plutôt choisi une formule d'«opting out» en matière de consentement plutôt que la formule privilégiée, semble-t-il, au Québec, là... Je dis «semble-t-il», mais en fait je ne sache pas qu'il y a eu aucune voix discordante de tous les organismes qui se sont présentés en commission parlementaire pour préférer le consentement formel... spécifique, n'est-ce pas? Alors... Mais vous semblez le regretter, là, dans la façon dont vous rédigez votre mémoire.

M. Côté (François): Je ne dirais pas, M. le Président, qu'on le regrette, on a tout simplement, je pense, fait un constat. Puis on a fait, on a essayé de faire un inventaire tant au Canada qu'aux États-Unis, même en Europe: Y a-tu des tendances qui se dégagent? Est-ce que l'«opting in» versus l'«opting out» est une solution plus envisageable, plus viable? Les deux semblent avoir du mérite. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est: L'«opting in» ou l'«opting out», c'est des solutions viables, on peut vivre avec les deux en tant que fournisseur, puis on pense que c'est un choix qui appartient au législateur. Mais les deux sont définitivement des formules viables.

Mme Harel: Est-ce qu'Emergis est retenue par l'Ontario dans le cadre de la mise en place, là, de sa formule d'«opting out»?

M. Côté (François): En fait, il n'y a pas un projet qui est défini encore en Ontario. En Ontario, on fait tout simplement... Ils ont pris une décision, l'«opting out» est quelque chose qui a été retenu. Je pense que le pendant de la CAI était absolument aussi confortable avec ça. Mais je pourrais vous pointer dans d'autres directions, des États américains qui ont pris une formule d'«opting in». Et puis, dans le sens... pour être plus spécifique, il n'y a pas encore eu de projet. On travaille avec l'Ontario sur différents dossiers. On les a comme clients, certains ministères ou sociétés d'État, dans différents... mais dans d'autres projets que l'«opting in» ou l'«opting out» n'a pas d'incidence.

Mme Harel: J'aimerais bien qu'on revienne à la page 21 de votre mémoire, c'est sur l'interopérabilité, et il y a, il me semble, plusieurs aspects intéressants. Bon, vous souhaitez qu'il y ait uniformité de l'architecture en semblant penser que la... Attendez, non, pas la conservation, parce que la conservation en matière de médicaments, elle n'est pas régionale, hein, elle est centrale.

Une voix: ...

Mme Harel: Elle est régionale. Elle vient de la RAMQ. Il y a un aspect intéressant dans ce que vous mentionnez qui attire mon attention, c'est le fait que l'architecture de tout le système va non seulement permettre ce qu'on appelle l'opérabilité entre la RAMQ ? la Régie d'assurance maladie du Québec ? et les agences régionales, et les établissements locaux, mais aussi entre les régions. C'est la première fois, là, qu'on aborde cette dimension-là. Parce que finalement, dans l'architecture telle que décrite dans le projet de loi n° 83, c'est conservé par la RAMQ... c'est conservé régionalement, mais c'est prélevé par la RAMQ... non plus. Alors, allez-y, c'est quoi?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Trois minutes plus tard.

Une voix: Un appel à tous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: C'est conservé régionalement. Tout est mis en place régionalement, sauf le profil pharmacologique qui transite par la RAMQ mais qui est conservé régionalement. Et pour ce qui est du transfert interrégional, on en a déjà parlé devant la commission parce que... Un des mandats confiés à la RAMQ, c'est d'agir comme agent localisateur. Par exemple, vous êtes quelqu'un de l'Estrie, vous êtes en vacances en Gaspésie, vous avez besoin de consulter un médecin pour un problème de santé, ce médecin a besoin de connaître votre profil pharmacologique et des éléments qui sont dans votre base de données d'Estrie, alors c'est la RAMQ qui va lui pointer l'endroit, dans quelle base régionale votre dossier se situe.

Mme Harel: ...

M. Couillard: C'est ça. Donc, on assure comme ça la communication interrégionale, ce qui est très important pour les patients.

Mme Harel: Vous voyez, dans l'actuel projet de loi n° 83, l'amendement qui est proposé prévoit que tout pharmacien qui exerce sa profession dans une pharmacie communautaire, qui est en fait une pharmacie privée, là, est tenu, lorsqu'il délivre un médicament à une telle personne, de transmettre à la Régie de l'assurance maladie du Québec une copie des renseignements. Je dois vous dire que les porte-parole des pharmaciens propriétaires sont venus dire qu'ils ne voulaient pas du tout que ça leur coûte quoi que ce soit, que toute cette opération-là leur coûte cher, pas simplement en technologies mais en temps. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Côté (François): Alain, veux-tu...

M. Larochelle (Alain): Tu peux y aller.

M. Côté (François): En fait, on a entendu ce commentaire-là aussi. Et comme je vous disais aussi, Emergis, on est fournisseur, on a 60 % des pharmacies déjà, au Québec, qui travaillent avec nous. On pense que c'est plus une décision qui relève de l'État. On a entendu leur commentaire. On peut le comprendre, le respecter. Maintenant, je pense qu'avant d'avoir des débats il va falloir aussi comprendre qu'est-ce que ça représente comme déboursé. De notre point de vue, ce n'est pas nécessairement quelque chose qui peut être très important d'un point de vue technologique.

Maintenant, il y a aussi la question, je pense, qui a été abordée, la gestion du consentement, mais là, je pense, ça sort un peu de notre cadre et de notre intervention. Nous, d'un point de vue technologique, on ne voit pas ça comme une barrière extrêmement complexe à surpasser.

Mme Harel: Mais vous dites être en contact avec 60 %...

M. Côté (François): Ce sont nos clients, effectivement.

Mme Harel: ...des pharmaciens. Il y a des banques de données actuellement de profils pharmacologiques, par exemple qui existent selon les bannières. Là, on m'indique que... Est-ce que vous êtes aussi impliqués dans la fabrication de ces banques de données à profils pharmacologiques?

M. Larochelle (Alain): En fait, chaque pharmacien qui utilise nos systèmes est doté d'un profil pharmacologique local. Sans parler des différents modèles des bannières, lorsque de l'information se retrouve dans deux pharmacies d'une même bannière, pour qu'elle soit consolidée, ça requiert le consentement du patient aujourd'hui. Donc, nous, en tant que fournisseurs d'un système de gestion en pharmacie, on permet à un pharmacien d'inscrire toutes les données relatives à un patient, un assuré, pour monter ou développer son profil pharmacologique dans une instance locale.

Mme Harel: Donc, il n'y a pas d'informations nominatives qui sont centralisées...

M. Larochelle (Alain): Qui sont?

Mme Harel: ...à moins qu'il y ait consentement.

M. Larochelle (Alain): Exactement. Exactement.

n(17 h 50)n

Mme Harel: C'est ça. D'accord. Me permettez-vous juste une toute dernière? C'est un aspect important. Je crois que, celui-là, on ne l'a pas encore abordé. C'est la question du dossier qui est... qui est... enfin, je cherche mes mots, je m'excuse, c'est la nuit, c'est la nuit blanche...

M. Côté (François): ...une longue journée.

Mme Harel: C'est la nuit blanche, oui... qui est ? excusez-moi, là ? détruit, oui, le dossier qui est détruit si, après cinq ans de consentement, la personne choisit de retirer son consentement. Vous, vous dites: Ce serait important que le dossier soit en fait gelé et que personne ne puisse y avoir accès aussi longtemps que, par exemple... ou jamais ou jusqu'à ce que la personne donne à nouveau son consentement. Ça, il me semble qu'il y a un aspect important...

M. Côté (François): C'est une recommandation effectivement qu'on a faite par rapport au projet de loi, on pense que... Technologiquement, ce n'est pas compliqué, ça se gère bien, d'avoir une donnée qui, pour utiliser le terme, qui est gelée dans le système. Donc, si un patient retire son consentement, on pense que ce serait inutile de détruire l'information, mais plutôt de la rendre inaccessible dans une banque de données. Et lorsqu'un patient, pour une raison qui est la sienne, décide de redonner son consentement, qu'on puisse rebâtir un dossier pharmacologique avec des données existantes. C'est une recommandation qu'on fait.

Mme Harel: On peut mettre ça en banque mais de manière totalement étanche sur le plan de l'accessibilité?

M. Côté (François): Technologiquement, oui.

Mme Harel: D'accord. Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Côté et M. Larochelle, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom d'Emergis.

Et, pour nos collègues, juste avant de lever la séance, je vous signale de façon informelle qu'il est prévu que nous poursuivions nos consultations sur le projet de loi n° 83 le 5 décembre... pardon, on est fatigué, le 5 avril, le 5 avril, et probablement, pour terminer la consultation ? je vous le dis de façon informelle ? le 6. Ça n'empêche pas évidemment que, demain et après-demain, la commission soit appelée à exercer un autre mandat de l'Assemblée nationale, et ça, les avis touchant les travaux de la commission vont nous l'indiquer demain. Et, sur ce, madame, madame...

Mme Harel: ...5?

Le Président (M. Copeman): Selon mes informations, oui. Oui.

Mme Harel: Et le 6?

Le Président (M. Copeman): Exact.

Mme Harel: Bon, le 5 et le 6.

Le Président (M. Copeman): Exact. Alors, sur ça, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Fin de la séance à 17 h 53)

 


Document(s) associé(s) à la séance