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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 14 avril 2005 - Vol. 38 N° 114

Consultation générale sur le document intitulé Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Évidemment, nous sommes toujours sur le même mandat; c'est-à-dire, nous poursuivons la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme la secrétaire, j'ai cru comprendre qu'il n'y a pas de remplacement.

La Secrétaire: C'est exact.

Le Président (M. Copeman): Alors, pour la troisième journée de suite.

Auditions (suite)

Je vous rappelle, chers collègues, que nous avons deux groupes qui vont faire des présentations et avec lesquels nous allons échanger. Nous allons débuter, dans quelques instants, avec la Fédération des ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec, et nous allons terminer l'après-midi avec la Table de concertation pour la condition paternelle. Alors, Mme Savard, Mme Thélus... Est-ce qu'on prononce le s?

Mme Thélusmond (Marie Guylda): Thélusmond.

Le Président (M. Copeman): Thélusmond. Bonjour.

Mme Thélusmond (Marie Guylda): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Comme je le fais avec tous les groupes, je vous indique que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Est-ce Mme Savard qui va débuter?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Savard, la parole est à vous.

Fédération de ressources d'hébergement
pour femmes violentées et
en difficulté du Québec

Mme Savard (Lise): Merci. Mme la ministre, M. le Président, mesdames et messieurs, membres de cette commission, il nous fait plaisir d'être ici pour présenter notre point de vue, d'autant plus que nous croyons que les recommandations entendues seront considérées avec le plus grand intérêt.

Je me présente, mon nom est Lise Savard, présidente de la Fédération des ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec. Je suis aussi directrice d'une maison d'hébergement de la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Je suis accompagnée par Mme Marie Guylda Thélusmond, coordonnatrice de la fédération.

n(15 h 40)n

Dans un premier temps, je vous présenterai la fédération et ses maisons membres. Dans le respect des libertés individuelles et collectives et des différences idéologiques, sociales et culturelles, la fédération fait la promotion des droits et le développement de l'autonomie des femmes aux prises avec des difficultés liées à la violence sous toutes ses formes, à la toxicomanie, la prostitution, l'itinérance, les problèmes de santé mentale, de logement, de revenus et bien d'autres, de même que les diverses problématiques vécues par les femmes autochtones et par les femmes immigrantes.

La fédération défend les intérêts des maisons membres en tenant compte de leur autonomie, de leurs particularités, de leurs similitudes et de leurs différences dans un esprit de partenariat et de concertation. Elle participe aussi à différents projets de recherche. Elle offre de la formation dans un objectif d'atteinte d'un haut niveau de compétence pour venir en aide et répondre à la complexification des problématiques que vivent les femmes. La fédération défend les valeurs d'égalité, d'équité, de justice, de solidarité, de démocratie et de liberté.

Les maisons, au nombre de 39, se déploient dans 11 régions du Québec. Elles offrent toutes une présence professionnelle 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Outre le gîte et le couvert dans un lieu sécuritaire, les maisons offrent du support psychosocial individuel et de groupe, du suivi posthébergement, de la prévention, de l'intervention de crise et d'accompagnement dans diverses démarches, telles juridiques, médicales, immigration, recherche de logement, comblement des besoins de base, autant que... On parle même de nourriture et d'habillement.

Le suivi externe fait aussi partie des services offerts. La sensibilisation, l'information, la prévention dans le milieu et la formation font partie intégrante de nos approches. Des activités socioculturelles font aussi partie des cadres de vie des maisons d'hébergement. Les maisons d'hébergement offrent des interventions adaptées aux besoins des femmes et des enfants. D'ailleurs, ces derniers y reçoivent une attention spécifique et des services spécifiques. Cette année, en 2003-2004, les maisons membres de la fédération ont reçu 4 000 femmes et 2 000 enfants, ce qui nous indique que notre travail n'est pas encore terminé.

Je pourrais vous parler plus longuement des maisons, et peut-être même des heures de temps, pour y vivre au quotidien avec ces femmes, et de leur spécificité, mais il est important d'abord que nous abordions ici le sujet de la commission, soit l'égalité entre les hommes et les femmes.

Maintenant, je passe la parole à Mme Thélusmond, qui va présenter nos réflexions et commentaires sur l'avis produit par le Conseil du statut de la femme.

Mme Thélusmond (Marie Guylda): Alors, mesdames, messieurs, bonjour. Je vais commencer par vous dire que notre lecture de l'avis s'est faite à la lumière de la réalité que vivent nos maisons membres ainsi que l'expertise qu'elles ont développée au Québec depuis bientôt trois décennies, à la fois par rapport aux femmes victimes de violence et aux femmes en difficulté. Notre lecture tient en même temps compte de notre vision et de notre analyse féministe de la société, basée sur des valeurs, dont l'égalité de droit, la justice, la démocratie, valeurs d'ailleurs consacrées par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, valeurs aussi reprises par la Charte mondiale des femmes pour l'humanité, issue de ce grand mouvement qu'est la Marche mondiale des femmes.

Les maisons d'hébergement, ressources de première ligne, ont été parmi les premières à faire sortir la violence du domaine privé et aussi à interpeller la société sur ses causes, ses conséquences et sa fonction. Elles ont pu également identifier les obstacles qui empêchent les femmes de briser le cercle vicieux de la violence. Les différentes discriminations vécues par les femmes sur les plans économique et social ont été identifiées comme des barrières. La pauvreté des femmes, leur absence dans les instances décisionnelles sont certes des facteurs déterminants qui empêchent les femmes de faire des choix.

Nos principaux constats sont que les femmes qui font appel à nos services en hébergement sont parmi les plus démunies de la société. Ainsi, au fil des années, les maisons d'hébergement ont accueilli des femmes ayant des problématiques multiples avec leurs enfants. Ces femmes sont pour la plupart financièrement défavorisées, ont un réseau social quasi inexistant. Ces femmes que nous accueillons sont parfois incapables de répondre à leurs besoins physiques et émotionnels. Des facteurs du contexte social sont à prendre en compte dans ce contexte: marché des drogues en essor, désinstitutionnalisation des personnes atteintes de maladie mentale, marché de l'emploi de plus en plus spécialisé, donc de moins en moins accessible, instabilité du noyau familial, etc.

Donc, les femmes qui font appel à nos services sont victimes de violence et de sévices sexuels, dans la majorité des cas, et ont toujours des problèmes concomitants qui les placent dans des situations complexes et difficiles pour elles et leur entourage. La complexité de la situation et des réalités vécues par ces femmes demande une expertise de plus en plus spécifique tant au point de vue humain, légal et institutionnel. Les lois, les infrastructures sociales et médicales, l'accès aux services, en plus des préjugés, peuvent constituer des obstacles majeurs à la résolution des problèmes vécus. Les maisons d'hébergement sont souvent les seuls endroits où elles reçoivent des services professionnels adaptés à leurs besoins, dans un contexte sécuritaire et accueillant. Alors, comment à ce moment parler d'égalité pour ces femmes qui arrivent à peine à se loger, à se nourrir, à planifier, à vivre, donc des femmes qui essaient de survivre dans un milieu souvent hostile?

À la lumière de ces réalités, comment intégrer les hommes dans la recherche de solutions pour l'atteinte d'une égalité de fait sans que ces derniers aient préalablement reconnu les causes de bien des problématiques vécues par les femmes, liées au patriarcat et au rapports sociaux inégaux entre les sexes?

Les maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale ont fait valoir à maintes reprises, depuis des années, les défis à relever afin d'agir avec cohérence et continuité en vue de répondre aux besoins des victimes et diminuer l'incidence de la violence conjugale. Parmi ces défis, nous identifions une réponse adaptée aux besoins de sécurité et de protection, également aux besoins liés à la reprise de pouvoir et de contrôle sur leur vie.

La satisfaction des besoins psychologiques, sociaux, économiques et matériels commande que les mesures, lois et programmes soient spécifiques et cohérents. Dans ce contexte, les différentes mesures touchant la sécurité du revenu, l'emploi, la conciliation travail-famille, études-famille, le système judiciaire, le logement prennent toute leur importance et doivent converger vers l'atteinte d'une société juste et sécuritaire pour les femmes victimes de violence ou en difficulté, dans un but ultime d'éliminer la violence et les inégalités que vivent les femmes. La Politique d'intervention en violence conjugale, avec ses neuf principes directeurs, le Plan d'action en violence conjugale constituent des avancées indéniables à l'atteinte de ces objectifs.

Nous sommes tout à fait en accord avec l'avis du Conseil du statut de la femme, qui parle des obstacles persistants en montrant clairement que l'égalité est loin d'être atteinte et qu'il reste encore beaucoup à faire pour une égalité dans les faits. Mais ce que nous constatons aujourd'hui, c'est que non seulement les inégalités persistent, mais les écarts persistent entre les femmes elles-mêmes. Par exemple, il est très difficile, pour une femme d'origine ethnique ou culturelle différente des Québécoises ? noire, autochtone ou autres ? ou pour une femme monoparentale, d'avoir accès à un logement même si cette dernière occupe un emploi stable ou a les revenus nécessaires pour défrayer les coûts. Les études tendent à démontrer que les femmes immigrantes et des communautés culturelles font peu appel aux services d'aide lorsqu'elles sont victimes. Alors, le fait que nous côtoyons quotidiennement ces femmes victimes de violence, victimes d'injustice également, nourrit notre croyance qu'il est fondamental et primordial de travailler à corriger les inégalités avant toute chose. C'est pourquoi nous souscrivons pleinement à l'analyse faite dans l'avis, à l'effet de réaffirmer la vision de l'idéal d'égalité entre les hommes et les femmes qui doit servir d'assise à l'action.

Nous sommes d'accord à dire que l'idéal d'égalité entre les hommes et les femmes qui est recherché suppose la correction des inégalités selon le sexe et l'élimination de toutes les discriminations sur cette base. Il se manifeste, sur le plan formel comme du point de vue des résultats, par une égalité de droit, de responsabilité et de possibilité. Il implique que la société soit libérée de la hiérarchisation des rapports sociaux entre les femmes et les hommes et que le sexe ne soit plus un marqueur des rôles sociaux.

Réaffirmer la vision de l'État suppose la préservation et le renforcement des acquis de certaines politiques et de certains programmes en faveur des femmes, élaborés grâce aux longues luttes menées par le mouvement des femmes en vue d'une égalité dans les faits. Réaffirmer la vision de l'État suppose également la prise en compte, dans les faits, des réalités spécifiques de toutes les catégories de femmes qui composent la société québécoise ? les femmes immigrantes, les femmes des communautés culturelles ? de sorte que l'atteinte de l'égalité puisse être un objectif visant à établir l'égalité entre toutes les femmes. Réaffirmer la vision de l'État, mesdames messieurs, suppose pour nous une volonté ferme de ce dernier de respecter ses engagements, conformément aux accords internationaux que le Canada a signés et dont le Québec est tributaire, particulièrement la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

n(15 h 50)n

Alors, pour ce qui est des approches ? on va commencer par l'approche spécifique ? nous avons amplement démontré que les maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence et en difficulté, grâce à cette approche avec laquelle elle compose quotidiennement, ont pu contribuer efficacement à répondre aux besoins de sécurité et de protection des victimes ainsi qu'à leur besoin de reprise de pouvoir et de contrôle sur leur vie. Cette approche a permis également de prendre en compte les besoins spécifiques des enfants témoins et de diminuer les impacts négatifs de la violence. Il en est de même des réalités particulières de certaines catégories de femmes pour lesquelles des solutions adaptées à leurs besoins particuliers sont nécessaires.

Alors, à l'instar des autres groupes qui nous ont précédées, nous réitérons la nécessité que l'approche spécifique soit maintenue et définie comme indispensable à la prise en compte des besoins spécifiques des femmes victimes de violence, de leurs enfants, ainsi que ceux des autres femmes discriminées dans la société.

Au niveau de l'approche transversale qui vise à ce que les droits, politiques, programmes et services publics dans leur ensemble, et particulièrement ceux qui soulèvent les enjeux les plus importants, aillent dans le sens de l'égalité entre les femmes et les hommes ou n'y contreviennent pas, nous estimons que l'État québécois doit maintenir son engagement à mettre en pratique l'analyse différenciée selon les sexes et que cette dernière devrait être utilisée à tous les niveaux de manière à en mesurer les effets distincts sur les hommes et sur les femmes.

Pour nous, l'approche transversale suppose une volonté politique mais aussi des ressources et des moyens de sorte qu'elle puisse se traduire, dans la pratique, par des mesures concrètes en faveur de l'amélioration des conditions de vie des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous situons, dans cette optique, le rôle du Secrétariat à la condition féminine en matière de cohérence des actions gouvernementales en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que le rôle aviseur du Conseil du statut de la femme par l'exercice de son rôle conseil auprès du gouvernement.

Mme Savard (Lise): Enfin, pour ce qui a trait à l'approche sociétale, l'avis du Conseil du statut de la femme préconise d'accentuer le travail visant à faire de l'égalité entre les hommes et les femmes un enjeu socialement partagé en intégrant davantage les hommes comme sujets et acteurs et en interpellant et mobilisant les diverses composantes de la société québécoise.

Dans le même esprit que les autres groupes de femmes, l'approche sociétale, en dépit des tentatives de balises apportées dans l'avis du conseil, soulève pour la fédération de vives préoccupations, surtout dans un contexte où un certain discours porté par des groupes de défense des droits des hommes tend à discréditer le mouvement féministe et ses acquis. Lorsqu'il est question de problématiques qui mettent en cause le pouvoir des hommes, comme la violence envers les femmes, ces groupes évoquent des problématiques masculines qui selon eux sont engendrées par le trop grand pouvoir des femmes, qui auraient atteint l'égalité avec les hommes tant au niveau de la famille, du marché du travail, de la scolarisation et des postes de pouvoir au sein des instances gouvernementales. Les revendications des groupes de femmes seraient donc maintenant dépassées et auraient même eu pour effet de créer des inégalités et des injustices envers les hommes.

L'analyse des rapports hommes-femmes développée par ces groupes se situe uniquement au niveau individuel et ne tient pas compte des privilèges des hommes, comme groupe, sur le plan économique, politique et social. Aborder la question des rapports sociaux de sexes sur la base d'expériences individuelles entraîne des dérives tant sur le plan des analyses que des interventions. Nous ne nions pas pour autant les problèmes que vivent les hommes. Loin de là l'objectif en ce qui nous concerne. Nous voulons une approche sociétale balisée, tel que nos maisons la pratiquent, en travaillant en partenariat à développer des façons de faire, en tenant compte des principes déjà reconnus. Nous préconisons donc une approche sociétale et partenariale avec des hommes qui reconnaissent la violence conjugale comme un exercice abusif du pouvoir et une volonté de domination découlant des rapports sociaux inégaux entre les hommes et les femmes, des hommes qui veulent remettre en question les règles sociales qui favorisent le maintien et le développement de la violence envers les femmes ainsi que les inégalités entre les femmes et les hommes et qui veulent agir pour l'établissement de nouveaux rapports en vue d'une société juste où femmes et hommes peuvent vivre dans le respect et la dignité.

Mme Thélusmond (Marie Guylda): Alors, au niveau des orientations toujours et des axes, nous sommes tout à fait en accord avec la première orientation, qui incite à favoriser la transformation des rôles sociaux par la lutte aux stéréotypes féminins et masculins et par la promotion de valeurs et de comportements égalitaires, en lien principalement avec l'axe 5 d'intervention, à favoriser aussi des relations plus égalitaires afin d'aider les jeunes à développer leur sens critique quant à l'exercice de leur sexualité et la construction de leurs rapports amoureux. Nous dirions à cet effet que la prévention de la violence à tous les niveaux, incluant les premières relations, constitue une des préoccupations de la fédération dont la mention au titre des engagements au niveau du plan d'action gouvernemental en matière de violence conjugale est rassurante. La fédé et ses membres sont impliqués à ce niveau en travaillant avec les enfants qui sont hébergés et aussi en étant impliqués dans différents partenariats. On a des outils très intéressants développés à la fois par la fédération et par nos membres. Je pense, par exemple, à un outil qu'on a développé, qu'on appelle Stop la violence! Il y a un outil qu'on appelle SAISIR, sessions d'ateliers interactifs de sensibilisation, d'information et de réflexions, qui a gagné le Prix d'excellence du réseau de la santé et des services sociaux de la Gaspésie, dans la catégorie Prévention, promotion et protection de la santé et du bien-être. On est aussi impliqués dans des partenariats avec des universités en vue de développer aussi d'autres outils. Nous recommandons donc, dans ce cadre aussi, que des programmes visant à aider les jeunes dans la construction de rapports amoureux égalitaires soient développés en partenariat avec les ressources spécialisées en violence conjugale et qu'ils soient disponibles sur l'ensemble du territoire québécois.

Au niveau de l'axe d'intervention 6, de soutenir les groupes qui interviennent en faveur de l'égalité, il s'agit pour nous d'une reconnaissance du rôle que les groupes de femmes ont joué dans la société québécoise pour améliorer les conditions de vie des femmes. Nous apprécions donc beaucoup que l'avis témoigne de cette nécessité et réitérons que ce soutien se fasse dans le respect de leur autonomie en vue d'accomplir efficacement leur mission.

Au niveau de la quatrième orientation, d'améliorer la santé et le bien-être en s'assurant que les services soient adaptés aux réalités des femmes et des hommes, nous devons souligner que des liens étroits ont pu être démontrés entre santé, bien-être, qualité de vie et violence. On a donné des exemples dans notre mémoire. Les statistiques sont très, très, éloquentes à ce sujet. Nous avons fait des recommandations dans le cadre des consultations sur le Programme national de santé publique et nous demandions aussi que tout programme de santé publique se doive de tenir compte et de saisir toute l'ampleur du phénomène, soit des liens entre violence et problèmes de santé.

Au niveau de la cinquième orientation, d'éliminer toute violence et atteinte à la dignité en raison du sexe, orientation qui nous concerne particulièrement, on ne peut aborder cet aspect-là sans souligner que l'une des caractéristiques fondamentales de toutes les sociétés patriarcales, où les rapports entre les femmes et les hommes sont marqués par l'inégalité et l'infériorité du sexe féminin, demeure la violence à l'égard des femmes. En dépit des avancées indéniables dans le domaine, le phénomène est toujours aussi prévalant dans notre société, et on estime que la société québécoise ne doit faire aucune économie en vue d'enrayer le phénomène de la violence. Au niveau de la...

Le Président (M. Copeman): Mme Thélusmond, je m'excuse, je veux juste vous indiquer: il reste 1 min 30 s.

Mme Thélusmond (Marie Guylda): Alors, rapidement, la septième orientation, on dit: On veut maintenir les deux instances en condition féminine que sont le Secrétariat à la condition féminine et le Conseil du statut de la femme. Et je passe la parole rapidement à la présidente pour la conclusion.

M. Savard (Lise): O.K. En conclusion, en dépit des efforts de la société québécoise, on constate que les fossés s'élargissent, et les acquis sociaux ont tendance à se fragiliser. Les conditions de vie des femmes sont encore marquées du sceau de la violence, de la pauvreté, de l'exclusion, de l'inégalité avec les hommes. Ces derniers détiennent encore des privilèges qui s'élargissent avec la mondialisation de plus en plus marquée de l'économie et la montée de la droite. L'État, en tant que responsable de l'organisation générale de la société et garant du bien-être des citoyens et citoyennes, se doit de questionner les politiques, les structures en place et, de manière articulée, de définir les stratégies d'action au bénéfice de l'ensemble de la population. Pour nous, l'objectif recherché doit consister, d'abord et avant tout, à réduire les écarts entre les femmes et les hommes. Il ne s'agit pas de céder aux pressions de certains groupes qui voient, dans les justes revendications des groupes de femmes, une menace à la position privilégiée que les hommes occupent en tant que groupe social.

Le cheminement vers l'égalité de fait devrait certes associer les hommes, mais ceux de bonne volonté qui sauront que leur position privilégiée dans la société est une construction sociale qui affecte surtout les femmes mais aussi les hommes. Ces derniers ont autant que les femmes à gagner dans l'instauration des rapports égalitaires dans la société, à tous les niveaux. Nous convions ainsi le gouvernement à penser des stratégies pertinentes en se basant sur les meilleures pratiques d'ici et d'ailleurs pour une société québécoise réellement inclusive. Sur ce, je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, mesdames. Afin de débuter l'échange, Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Chers collègues, Mme Savard, Mme Thélusmond, bienvenue. Merci d'avoir accepté l'invitation de vous présenter à cette commission parlementaire.

Vous avez tout à fait raison, dans votre conclusion, en disant qu'effectivement l'égalité, ou l'amélioration de l'environnement de vie, je vous dirais, des hommes et des femmes va se faire avec les hommes et les femmes, quand on pense à nos jeunes, entre autres. Je sais que dans votre mémoire vous en parlez, de quelle façon nos jeunes peuvent cohabiter cette planète de façon agréable et de quelle façon les rapports aussi doivent se construire entre les hommes et les femmes.

n(16 heures)n

Évidemment, lorsqu'on parle d'égalité et lorsqu'on regarde le titre dans le fond du document de consultation, Vers un rapport d'égalité entre les hommes et les femmes, on est conscient qu'il y a eu 30 ans de grands travaux, 30 ans d'avancées, certains acquis en même temps, puis qu'il y a encore beaucoup de pas à faire ensemble, et c'est en le faisant justement ensemble, hommes et femmes, qu'on va arriver, je pense, à créer un climat de vie des plus productifs en tous sens pour nos concitoyens et concitoyennes.

Vous parlez évidemment beaucoup de violence parce que c'est votre quotidien. Je voudrais tout d'abord aussi vous remercier d'avoir participé, à l'instar de plus de 35 autres groupes, à l'élaboration du plan pour contrer la violence conjugale. Merci de votre collaboration. Et vous avez tout à fait raison quand vous dites que, dans un environnement de violence, en fait tout le monde y perd et tout le monde en pâtit. Souvent, ça touche une personne, c'est son entourage au complet qui est touché, et on le voit. Moi, je le vois parce que, quand je prends mes autres chapeaux de famille, aînés, évidemment que c'est là aussi. La famille au complet peut être touchée, les aînés aussi subissent de la violence. Et, quand on parle de la petite enfance, bien, évidemment, je pense que, là, malheureusement, il y a encore des cas. Évidemment qu'on voudrait bien que tout ça soit réglé. Malheureusement, ce n'est pas le cas, et c'est pour ça qu'on met en place des mesures, on met en place des politiques justement pour aider, contrer, prévenir et supporter dans le fond aussi les gens qui en sont victimes, et les victimes sont souvent multiples, malheureusement.

Je vous parlais, tout à l'heure, de notre plan d'action pour contrer la violence conjugale. Vous savez que c'est 72 engagements et 65 millions d'argent neuf et vous savez aussi, parce que vous avez participé à l'élaboration, mais peut-être pour le bénéfice de la commission, qu'il y a aussi de l'argent pour les centres d'hébergement, pour les groupes d'hommes, pour différents groupes qui ont à travailler dans ce contexte. Alors, je vous dirais que c'est une des belles réalisations à mon avis de notre gouvernement pour supporter tous les groupes qui ont à travailler au quotidien, et j'espère qu'un jour on pourra dire: Mission accomplie. J'espère qu'on pourra le dire.

Ceci dit, dans votre rapport, vous parlez que le concept d'égalité devrait être plus large que celui proposé dans l'avis du conseil. Vous savez que cette commission-là évidemment est à la recherche de moyens concrets, de mesures concrètes, et j'aimerais vous entendre pour voir de quelle façon vous auriez soit élaboré cette partie-là plus précisément ou quelles sont vos attentes, les attentes de votre fédération à ce niveau-là.

Mme Savard (Lise): O.K. Pour nous, le concept d'égalité, quand on en parle, il y a des lois, il y a des règles qui sont établies, mais la cohérence entre le fait qu'elles soient appliquées ou non ou appliquées de façon correctement fait que l'égalité n'est pas nécessairement atteinte ou l'objectif de certaines lois est plus ou moins atteint.

On a parlé de plusieurs lois. Entre autres, c'est qu'on parle des lois sur, entre autres, la pension alimentaire qui obligent une femme qui s'en va sur l'aide sociale d'aller demander une pension alimentaire à un conjoint violent. Donc, elle doit rentrer en contact encore avec certaines personnes, etc. Donc, entre autres aussi, tout ce qui est le logement, la capacité de briser un bail quand on est victime de violence ou autres, donc il y a plein de lois qui sont installées et instaurées mais qui ne sont pas nécessairement traitées de la même façon, et encore moins selon les régions administratives, naturellement.

Dépendamment aussi selon les connaissances des personnes en cause, qu'on parle des milieux policiers, qu'on parle des milieux judiciaires, etc., où, là, c'est complètement différent... On parle aussi beaucoup de multiproblématiques chez des femmes. Imaginons une femme victime de violence, noire, monoparentale, en tout cas avec plein de strates de société, ce qui fait qu'elle est déjà défavorisée au départ. Et il y a beaucoup de préjugés encore présents sur la violence et sur la façon de s'en sortir. Beaucoup de gens se posent encore la question: Mais qu'est-ce qui fait qu'elle reste encore là? Elle a tout ce qu'il faut pour s'en sortir. Maintenant, il y a des maisons d'hébergement, il y a des groupes d'entraide, il y a plein de choses. Mais la complexité de cette problématique-là fait que parfois ? vous excuserez mon langage ? c'est moins compliqué d'avoir une claque sur la gueule que de s'en aller parce que ça équivaut aussi à perdre ses biens, sa famille, couper les liens avec des gens qu'on aime. On n'aime pas le comportement de l'individu, mais on aime tout le reste qui va à côté de ça. Donc, ces femmes-là, nous, au quotidien, c'est ce qu'elles nous expriment.

C'est ce qui fait aussi... Je vous donnerais comme exemple, entre autres, une dame que j'ai reçue dernièrement, qui voulait tout simplement... Ce n'était pas nécessairement un cas majeur de violence, c'était de la violence plus psychologique, qui est aussi grave, en passant, que celle physique. Elle paraît moins, mais elle est très destructive. Cette femme voulait tout simplement aller chercher ses affaires chez elle, mais il aurait fallu qu'elle porte plainte contre son conjoint pour que la loi l'aide à aller chez elle chercher ses affaires. Elle ne voulait pas en arriver là, elle ne voulait pas tout briser tout ce qui était déjà très fragile entre elle et son ex-conjoint, donc ce qui fait que parfois, quand on parle d'égalité, c'est là qu'on perd toute cette notion, parce que, dans l'application des lois, pour qu'elle soit protégée, il aurait fallu qu'elle porte plainte au criminel, ce qu'elle ne voulait pas du tout, ce qui fait qu'elle est retournée, en fin de compte, chez elle, c'était moins compliqué.

Mme Théberge: Mais, si je comprends bien, dans le fond votre réponse serait... Je comprends que les lois selon vous, là, ne desservent pas également certaines clientèles à cause des problématiques, mais, au niveau de l'égalité... J'ai de la misère à faire le lien honnêtement entre le concept d'égalité et ça. Je le comprends, ce que vous me dites, là, mais...

Mme Savard (Lise): Je vous expliquerais que, quand on parle d'égalité entre les hommes et les femmes, c'est qu'au départ, avant de pouvoir parler d'égalité, il faut avoir atteint un certain niveau, et après ça on pourra travailler pour atteindre une égalité plus grande, etc. Mais on part tellement de loin, entre les hommes et les femmes, qu'il est un peu tôt pour essayer de voir d'autres approches, parce qu'on n'a pas atteint un plancher qu'on dirait... Je ne saurais pas comment le qualifier, là, mais il nous manque encore une marge pour dire que, oui, maintenant on peut aller plus loin dans...

Mme Théberge: O.K. Ça fait que dans le fond le qualificatif, ce n'est pas que le concept d'égalité doit être plus large, mais il est plus éloigné dans des cas comme les vôtres, dans un sens. C'est plus dans ce sens-là. C'est ça. Bien, vous savez aussi que le plan pour contrer la violence conjugale a été signé par huit ministres concernés. Alors, quand vous parlez des actions cohérentes d'un ministère à l'autre, il y a vraiment des engagements, il y en a au-dessus de 72, dont 42 nouveaux, mais des engagements entre les ministères justement pour que la main gauche sache ce que la main droite fait ou provoque en mettant en place certaines mesures ou règlements et aussi faire en sorte qu'on puisse améliorer ce lien-là effectivement pour faciliter la vie, parce que souvent ce sont de petits gestes comme ceux-là qui enveniment une situation qui n'a pas besoin de l'être nécessairement quand les gens sont tous de bonne volonté pour essayer d'améliorer, là... Alors, effectivement, il y a ce volet-là.

Il y a un élément dont vous traitez dans votre mémoire, qui n'a pas été traité beaucoup ici, durant la commission, en tout cas pas depuis que c'est moi qui est là, c'est tout le volet de la mondialisation. Vous mentionnez que les hommes détiennent encore des privilèges qui s'élargissent avec la mondialisation, qui, elle, est évidente et de plus en plus marquée et qui monte de plus en plus. Mais j'aimerais juste que vous me précisiez à quoi vous faites allusion concrètement, comment ça peut se traduire, ce volet-là.

Mme Thélusmond (Marie Guylda): En réalité, ce qu'on voulait dire par ça, c'est que, par exemple, avec la compétition, la concurrence qui se développe de plus en plus ? on ne l'a beaucoup développé, on a mis le point rapidement ? c'est qu'on demande beaucoup plus de spécialisation au niveau du marché du travail. On va avoir des métiers où c'est vraiment beaucoup plus pointu, et le plus souvent ces métiers-là vont s'adresser spécifiquement à des hommes. À ce moment-là, plus justement on a ces aspects-là qui se développent, il y a encore beaucoup plus de barrières pour les femmes... d'accéder vers l'égalité avec les hommes.

Mme Théberge: O.K. Et comment vous faites les liens avec ça? Je sais que j'ai des collègues qui veulent poser des questions, là, mais le fait qu'il y a plus de jeunes filles dans le fond qui finissent leurs études, qui ont accès aussi à des études supérieures... Quand on regarde, il y a plus de femmes en fait que d'hommes dans plusieurs... On ne parle pas juste de facultés d'université, là, même au secondaire il y a plus de décrochage chez les jeunes hommes. Ça, c'est une autre problématique. Évidemment, il faut y travailler aussi, là. Mais vous ne pensez pas que la venue justement massive, là, ou plus importante des jeunes femmes dans les secteurs d'éducation va aider? Ça me fait penser à tous ces métiers non traditionnels, aux nouvelles approches, parce qu'il y a tout ça en même temps, je vous dirais. C'est une question à paliers multiples, là, mais... Comment vous faites le lien, vous, avec le fait que la mondialisation demande... en tout cas exige des emplois spécialisés? Mais par contre, d'un autre côté, on a cette formation qui est plus pointue, plus adéquate pour justement suivre nos entreprises.

n(16 h 10)n

Mme Savard (Lise): Je suis d'accord avec vous quand vous dites que, oui, il y a de plus en plus de femmes dans les études supérieures, etc. Mais, de ce qu'il en advient sur le marché du travail, les différences sont encore marquées, dans le sens... que ce soit le salaire, que ce soient les conditions de travail, le fait aussi que les femmes sont encore en charge de la famille. Donc, il y a des choix que les femmes doivent faire, et se retirer à un certain moment donné. Bon, il y a maintenant... d'accès travail-famille qu'on essaie d'améliorer, etc., on voit qu'il y a des choses qui tendent vers ça, mais actuellement ce n'est pas encore ça, ce qui fait que souvent on va perdre une information importante sur un an, et il y a des secteurs de travail où on sait fort bien, quand on arrête un an, que de récupérer tout ce qu'on a perdu en information, en nouveautés, etc., c'est difficile de faire le rattrapage, et c'est souvent les femmes qui doivent faire cette partie-là dans un couple.

Mme Théberge: O.K. Je vous remercie. Je vais passer la parole à mes collègues.

Le Président (M. Copeman): Oui. Mme la députée de Chambly.

Mme Legault: Merci, M. le Président. Merci, mesdames, puis merci aussi pour tout le travail que vous faites auprès des femmes en difficulté puis des enfants. Moi, je pense qu'on est tous, ici, très sensibles à la violence qui est faite aux femmes puis je pense qu'en quelque part ça interpelle peut-être, le fait qu'on ait certaines valeurs de société qui s'érodent, à tout le moins, là. Je pense minimalement au respect qu'on doit avoir les uns pour les autres. Puis, dans tout ça, la souffrance des enfants aussi, moi, je trouve que c'est critique parce que c'est les enfants qui vont devenir les adultes de demain.

Est-ce que vous avez des approches différenciées vis-à-vis justement la souffrance des petits garçons ou des petites filles? Parce que, tu sais, on sait qu'un petit garçon, d'une façon instinctive, son père est son héros; les petites filles, bien elles sont plus ou moins en amour. Tu sais, on connaît le processus psychologique, l'évolution des enfants. Est-ce que, dans votre action, vous avez des approches différenciées pour traiter de ces difficultés-là?

Mme Savard (Lise): Écoutez, nous, ce qu'on fait en intervention auprès des enfants, c'est qu'on n'accuse jamais le père comme individu, on parle d'un comportement qui n'est pas agréable pour personne. Et on n'essaie pas de briser l'image du père face à son fils ou de la mère face à la fille, peu importe dans quel domaine, etc. Ce qu'on essaie de dire, c'est que...

Souvent, bon, ils sont en hébergement et donc ils sont privés de la présence du père, parce qu'on ne pourra pas se cacher qu'encore la majorité des gens violents sont des hommes, même si on essaie de nous dire qu'il y a des femmes violentes ? on en convient aussi. Mais, à savoir maintenant pourquoi elles sont violentes, on pourrait en parler longuement. Oui, en hébergement, on rencontre aussi quelquefois des femmes violentes et on travaille avec elles sur leur comportement. Donc, ce qu'on fait, nous, avec les enfants, c'est qu'on ne fait pas d'accusation parce qu'on sait fort bien que...

On essaie de comprendre aussi la violence au masculin, dans le sens de dire: Écoutez, on ne lancera pas la pierre. C'est sûr que ça demeure un comportement inacceptable. C'est ce qu'on essaie de transmettre à l'enfant, et surtout qu'il ne le reproduise pas. Et souvent on voit des enfants violents qui donnent des coups de pied à leurs mères, qui donnent des coups de pied à d'autres enfants, qui ont des langages assez particuliers. C'est sûr que les enfants apprennent avec l'exemple, et malheureusement les milieux scolaires ont encore des approches différenciées qui ne sont pas nécessairement adéquates, dans le sens de dire qu'un gars, ça ne pleure pas puis qu'une fille, c'est correct, ça peut pleurer. On ne doit pas soutenir de telles choses, qu'il y a des comportements qui sont plus acceptables chez un garçon que chez une fille. C'est encore comme ça. Donc, on doit gérer ça de cette façon-là. Mais, nous, on fait très attention pour ne pas accuser les individus mais le comportement, et ça, c'est la seule façon, parce que ces enfants-là, ils les aiment, que ce soient des abus sexuels... Il y a des enfants qui sont abusés sexuellement, etc., tout le kit, et essayer de faire dire à un enfant que son père n'a pas d'allure, ce n'est pas notre objectif du tout.

Et d'ailleurs les maisons d'hébergement ont eu souvent comme réputation d'être des personnes qui faisaient divorcer les couples. Au contraire, nous, ce qu'on veut, c'est équiper les femmes et les enfants à ne plus tolérer des situations qui sont inqualifiables et qui sont intolérables, et c'est vraiment l'objectif que toutes les maisons de la fédération, on a accepté, et on tend vers ça. Donc, c'est sûr que nos enfants...

Et, de plus en plus, ça a été une des bonnes nouvelles, c'est qu'on a eu des financements spécifiques pour l'intervention aux enfants. La plupart, je dirais... la totalité des maisons ont maintenant des intervenants jeunesse, et on essaie beaucoup de faire attention. C'est notre avenir. Les enfants, c'est les gens de demain, c'est notre société qui va prendre les rênes de notre société.

Mme Legault: Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Nelligan.

Mme James: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci pour votre présentation.

Moi, j'aimerais vous poser une question, faire aussi un commentaire de la situation des femmes immigrantes et des communautés culturelles. J'ai écouté avec beaucoup d'attention ce que vous avez dit et j'ai trouvé ça très important. On a, depuis le début de cette consultation, entendu plusieurs groupes à ce sujet-là, et une des choses qui revenaient souvent, justement c'était la question de l'intégration. D'ailleurs, je dois dire que ma collègue de Chambly a présidé un comité qui a remis un rapport sur la reconnaissance des acquis et qui va faire en sorte... Parce que pour nous il faut dire que pour le gouvernement c'est important d'assurer une meilleure intégration des femmes immigrantes et des communautés culturelles. Mais, en vous écoutant ? puis c'est quelque chose que j'ai constaté moi-même personnellement ? on sait que c'est seulement une première étape, hein? Même avec les acquis, même avec tous les outils dont on devrait avoir besoin pour intégrer... on constate que les femmes immigrantes et aussi des communautés culturelles ont cette double barrière face à l'intégration.

Vous avez mentionné l'exemple du logement, par exemple. Mais, je me dis, vous avez mentionné les chartes et tout ce qu'on a fait, et, malgré tous les progrès qu'on a faits pour les femmes en général, en quelque part, lorsque vous avez dit plus particulièrement que ces femmes-là sont moins portées à aller chercher les services qui sont disponibles... La question que je me pose, et je ne sais pas si vous avez une réponse, c'est pourquoi. Est-ce que c'est parce que ces femmes-là n'ont pas confiance justement que le système en place pourrait les aider? Je pose la question très sincèrement.

La raison pour laquelle je demande cette question-là, c'est parce que je me dis: Oui, le gouvernement a son rôle à jouer, mais, en tant que société, en tant qu'individus, on a nos responsabilités aussi. Je réfléchis sur ça et on le fait tous, durant cette consultation... d'essayer de déterminer les meilleures façons justement pour arriver à changer ces mentalités-là. Parce qu'on a des chartes, on a des politiques, puis on va en faire d'autres, puis on va les améliorer, mais je pense que c'est seulement un point de départ... pas de départ, parce qu'il faut dire que le travail se fait depuis des années, là, mais on veut continuer, mais on veut aller encore plus loin. Mais comment fait-on, justement? Quels gestes peut-on poser non seulement en tant que gouvernement, mais individuellement et pour vous soutenir dans ce que vous faites?

Mme Thélusmond (Marie Guylda): D'abord, la première chose que je dirais, c'est qu'il faut prendre en compte la réalité que ces femmes ont vécue dans leur pays d'accueil. Il y a beaucoup de femmes immigrantes qui viennent de pays... Si je prends l'exemple d'Haïti, moi, je viens d'Haïti. Ces femmes-là ont vécu dans des pays où les institutions n'existent pas, par exemple. Les femmes n'ont pas confiance dans les institutions. Moi, je vous dirais: Une femme haïtienne qui a un problème va hésiter à appeler le 9-1-1, à appeler la police parce qu'en Haïti on a peur de la police. Quand les femmes appellent la police, la police ne vient pas. Donc, quand on arrive ici, il faut que la société soit organisée, d'une façon ou d'une autre, de manière à comprendre d'abord la réalité de ces femmes qui arrivent. Il faut que la société travaille à intégrer ces femmes-là.

Souvent, les femmes qui viennent ici aussi viennent parce qu'elles ont des situations difficiles. Des fois, ça peut être des situations économiques difficiles dans leur pays d'origine. Ces femmes arrivent à l'occasion d'un mariage avec leur conjoint, et le plus souvent elles ont peur. Elles ont peur de porter plainte parce qu'elles ne savent pas toute la sécurité qu'elles vont avoir en laissant un conjoint. Moi, je connais des femmes qui vivent de la violence. Ces femmes sont informées des ressources, mais ces femmes ne veulent pas porter plainte.

Moi, je pense qu'il faut comme un travail énorme de sensibilisation, il faut un travail pour que l'ensemble de la société puisse intervenir à aider ces femmes-là, et à ce titre je vous dirais que la fédération pour l'instant est impliquée dans un partenariat avec le Service aux collectivités de l'UQAM. On va travailler avec différents intervenants de manière à informer, à sensibiliser les gens. On va aussi travailler à former différents intervenants pour pouvoir mieux dépister la violence dans le cas justement des communautés culturelles. Je pense que c'est absolument important. C'est très important. Le plan d'action justement aussi en violence conjugale souligne des mesures spécifiques en faveur des femmes immigrantes. Je pense qu'on doit vraiment travailler, oeuvrer à intégrer les femmes immigrantes dans la société québécoise.

Le Président (M. Copeman): Très brièvement, Mme la députée.

Mme James: O.K. Je vais essayer. Ha, ha, ha!

Merci. C'est très complet. À une des questions, je me disais: On a beaucoup de communautés culturelles et beaucoup d'immigrants de plusieurs pays, et un des défis qu'on a, justement c'est de s'assurer de cette représentation de toutes ces communautés-là afin de comprendre justement la réalité et le contexte dont vous avez expliqué... en particulier parce qu'il est d'Haïti. Mais je pense qu'une des solutions, justement c'est d'essayer qu'on ait cette représentation de ces communautés-là dans les organismes comme vous représentez.

n(16 h 20)n

Et j'aimerais vous entendre brièvement sur des façons qu'on pourrait justement s'assurer de cette représentativité-là dans des organismes comme vous, mais aussi du gouvernement, pour s'assurer que ces personnes-là vont faire... Lorsqu'on voit quelqu'un qui nous ressemble, qui vient peut-être de notre pays, qui comprend bien notre situation... Ils seront peut-être mieux placés justement pour les aider et ces personnes-là seront peut-être plus portées à faire confiance. Comment peut-on aborder cette...

Le Président (M. Copeman): En 30 mots ou moins.

Mme Thélusmond (Marie Guylda): Bien, rapidement, c'est que toutes les structures mettent... fait en sorte que les structures soient appropriées à la réalité de ces gens-là. Moi, je pense juste à l'histoire de la langue. Il y a des femmes qui viennent ici, qui ne parlent ni français ni anglais. Il faut qu'il y ait des gens déjà avec qui ces gens-là peuvent communiquer. Je pense que ça, c'est juste un minimum.

Le Président (M. Copeman): Très bien. Merci beaucoup. Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, Mme Savard, Mme Thélusmond. Merci pour votre mémoire. Merci pour votre présentation. Merci pour votre travail au quotidien avec les femmes et les enfants qui vont dans vos maisons d'hébergement et qui arrivent avec une vie brisée, qui arrivent avec une estime de soi au plus faible, sans ressources, et qui se sentent souvent, je pense, très coupables aussi parce que c'est un échec. Et je pense que ce qui est difficile à comprendre, c'est que la violence, c'est un cycle. Ça n'arrive pas du jour au lendemain. Ce n'est pas: une bonne journée, quelqu'un se lève et la femme reçoit un coup, là. Et, quand on regarde tous les témoignages des femmes qui ont réussi à s'en sortir, on voit bien que d'abord il y a eu une destruction psychologique, et elle a pu s'étendre sur une période brève, mais elle a pu s'étendre sur une grande période.

Je relisais, dans une revue, quelques femmes qui s'en étaient sorties, puis il y en a une qui disait: J'avais peur de me retrouver toute seule, mais je craignais encore plus que sa colère ne se retourne contre ma fille. Une autre: Il m'écrivait des lettres de 40 pages si convaincantes que même l'intervenante qui s'occupait de moi est tombée dans le panneau. Mon modèle maternel était une femme forte et solide. Je trouvais qu'il avait raison de me frapper, que je ne méritais pas le titre de mère, même si j'adorais mon fils. Donc, on les a convaincues de choses, et ça fait partie du modèle dominant de contrôler, d'essayer de convaincre. C'est pour ça que très souvent il y a des plaintes, mais très souvent les plaintes sont retirées parce que le conjoint réussit à la convaincre que bon ça ne se passera plus puis que tout va revenir, tout va se replacer. Et c'est une base de relation amoureuse, là.

Et c'est pour ça que ma première question, ça va être évidemment sur une partie que vous abordez dans votre mémoire, toute la question des rapports amoureux chez les jeunes. En pages 11 et 12, les chiffres sont assez catastrophique. Ce n'est pas d'hier qu'on a commencé à travailler là-dessus. Le plan, en 1995, c'était un plan qui ressemblait beaucoup à celui qui vient d'être déposé. C'était une union de tous les ministères. Et il y a eu beaucoup de gestes aussi qui ont été posés avant, depuis que les maisons d'hébergement existent, travaillent, les ressources, les centres... Pourtant, du côté des jeunes, on s'aperçoit toujours que c'est un des aspects importants.

Alors, moi, j'aimerais vous entendre. Les statistiques, là, je regarde 1999, 20 % des jeunes filles de 16 ans avaient été victimes, lors de la dernière année de fréquentation, de violence physique, 34 %, violence psychologique ? mais on l'a dit, c'est un cercle; ça commence comme ça ? 11 %, violence sexuelle de la part de leurs partenaires. C'est beaucoup. Et, du côté des plaintes, du côté des victimes, c'est 25 % des victimes dans les dossiers policiers qui étaient des jeunes de 12 à 24 ans. Puis, quand on pense à toutes celles qui ne portent pas plainte, c'est beaucoup.

De votre côté, vous avez parlé qu'il y a eu des expériences intéressantes. Vous avez parlé de Stop et de SAISIR. Alors, parlez-nous de cette réalité-là au niveau des jeunes ou des expériences, là, que vous avez vécues.

Mme Savard (Lise): C'est sûr que, pour les maisons d'hébergement, la prévention est un volet qui arrive... On en a plein les mains, à essayer de régler... en tout cas de vivre au quotidien, de régler les urgences. La prévention malheureusement arrive souvent dans les derniers moments qu'il nous reste, etc. Donc, on commence de plus en plus, nous, à la fédération, à dire: Il est urgent de parler de prévention.

Le problème majeur qu'on rencontre chez les jeunes, c'est qu'elles ne sont pas capables d'identifier les situations de violence. Des situations qui pour nous sont de la violence ne le sont pas pour eux autres. Le fait de se faire dire par son chum: Regarde, je n'aime pas ça quand tu portes cette jupe-là, pour elles c'est une preuve d'amour, de dire: Regarde, il tient à ce que je sois belle et à mon avantage, etc., tout le kit. On le voit, le même problème, en relations sexuelles, en disant: Écoute...

Moi, en tout cas, avant, je travaillais dans le domaine du sida. Quand j'allais dans les écoles, je disais: Écoutez, porter le condom, c'est une preuve d'amour, et c'est le contraire qu'il te dit: Bien, écoute, regarde, montre-moi que tu m'aimes, porte-le pas. Ça veut dire que tu as confiance en moi, etc. Et c'est tellement subtil! Et le besoin d'aimer et d'être aimé est tellement important que les jeunes filles vont passer outre à toutes des choses qu'on voit, des aberrations. Les filles vont se faire conter des mensonges par leurs chums en ayant comme raison: Écoute, c'est parce que je t'aime. Et tout ça, là, ça... C'est la même chose pour les femmes violentées: ils les aiment. Au départ, il y a un sentiment d'amour entre ces deux personnes-là. Ça n'a pas toujours été quelqu'un... Il était fin, puis des fois il l'est encore tellement! Et c'est la même chose, le même phénomène qu'on retrouve chez les jeunes.

Entres autres, un des programmes qu'on a développés, SAISIR, qui est un programme qui a été fait en Gaspésie, où les jeunes de secondaire III... Tous les secondaires III se sont rencontrés, et on parle vraiment de négociation, de relations, de communication, donc tout ce qui est la base d'une société où on n'a plus le temps de le faire, où on ne prend plus le temps de le faire. Apprendre à s'exprimer, autant chez les garçons que chez les filles, c'est compliqué. Et vous regarderez parfois, dans nos polyvalentes, le langage que nos jeunes ont. Ils se traitent de façon incroyable: de cons, de tartes, en tout cas toutes les affaires de nourriture qu'on peut imaginer, etc. Ils ne se parlent plus, ils se toquent, comme on dit. Donc, la façon d'entrer en communication est rendue... On se croirait un petit peu parfois en préhistoire. Ils disent: Heu, heu, heu, etc. C'est vraiment particulier, et ils ne le voient pas, et c'est ça, le problème majeur. Et, quand ils le voient, ça fait déjà longtemps que c'est instauré, et les jeunes filles pensent déjà...

Écoute, j'ai une femme, moi, qui me disait: J'ai toujours pensé que j'étais une poubelle et je crois encore aujourd'hui que je suis une poubelle. Et qu'est-ce qu'on fait avec un sac de poubelle? On tape dessus, on le tasse ou on le met à quelque part pour pas que ça paraisse. Et c'est comme ça qu'elle se sent encore aujourd'hui, même si elle s'en est sortie. Et souvent les relents de ça reviennent, et ça fait des gens et des filles insécures et qui ont besoin d'amour. C'est vraiment la recherche de l'amour qui fait la différence, et les programmes de ça vont parler de ces...

Le jeu Stop la violence!, entre autres, est un jeu qui a été créé par la fédération. À travers le jeu, il y a des choses qui nous reviennent: Hein! c'est vrai que ça m'arrive! C'est vrai! Donc, les jeunes peuvent s'identifier à des situations qu'ils vont maintenant identifier comme quelque chose de pas correct, d'anormal. Et on pourrait en faire beaucoup plus que ça, malheureusement, ce qui fait que ça va en second plan.

Mme Caron: Oui. Je vous remercie beaucoup. Oui, puis je ne dis pas que tout le rôle repose sur les épaules des maisons d'hébergement, qui effectivement en ont plein les bras pour l'accueil, le service aux femmes, le suivi, même pour le suivi après. Mais, toute cette question-là de prévention, je pense qu'elle doit faire partie d'une politique parce que c'est toujours là. Peu importent les générations, cette base-là, c'est ça qui existe, là, au niveau de cette violence. Alors, c'est là-dessus qu'il faut effectivement réussir à agir.

Au niveau de la mondialisation, bien, là, je pense que vous avez tout à fait raison, il y a d'excellentes documentations qui existent. ATTAC a écrit un livre extrêmement intéressant au niveau de la mondialisation et des femmes. Et j'étais un petit peu surprise de la question de la ministre, parce qu'elle nous avait dit qu'elle avait bien pris connaissance de l'étude Les femmes et le marché de l'emploi qui a été déposée par le Comité aviseur des femmes en développement de la main-d'oeuvre, qui exprimait vraiment très clairement que, malgré le fait qu'il y a des femmes au niveau des études supérieures, la réalité économique des femmes est encore et de beaucoup inférieure à celle des hommes, indépendamment des diplômes. Et, du côté les emplois les moins bien rémunérés, c'est une grande majorité de femmes qui sont là encore. Donc, ça, c'est bien différent.

Important. Vous parliez aussi que, quand on fait des revendications au niveau de l'égalité, ce n'est pas une question de base individuelle, c'est une question collective et c'est une question de discrimination systémique, à ce moment-là, et non ce qui arrive pour une personne ou une autre.

n(16 h 30)n

J'aurais une autre question, parce qu'on n'en a pas beaucoup parlé, et c'est réel aussi, toute la question des problèmes que les femmes vivent, qui ne sont pas finalement... Ça ne devient pas seulement un problème. Il y a un problème au niveau de la violence, mais ça amène tout une kyrielle de problèmes, tant au niveau de la santé... qui amènent de multiples problèmes, donc vous vous retrouvez avec beaucoup de problèmes à régler, et c'est dans ce sens-là que vous faites une recommandation aussi sur l'importance de toutes les problématiques psychosociales qui découlent et toute la question de la cohérence qu'on doit avoir entre notre politique en matière de violence conjugale et toute la question de la santé et même au niveau de la justice et de la sécurité. Alors, plus sur les problèmes concomitants, finalement.

Mme Savard (Lise): O.K. Il est rarement... En tout cas, moi, depuis le nombre d'années que je suis en maison d'hébergement, je n'ai jamais vu juste violence, c'est vraiment... On sait fort bien les effets de la violence, on le voit sur les enfants, on documente, de plus en plus, les effets qu'a la violence chez les enfants témoins, donc toute l'estime de soi, etc. Donc, tout ça amène, entre autres, des problèmes de santé. On parle de dépression qui se nourrit à l'intérieur de tous les problèmes que les femmes rencontrent, la pauvreté, toutes ces... À un moment donné, on dit: Dans quel bout on va les prendre? On commence par quoi? Parce que beaucoup de femmes n'ont même pas de pain ou de nourriture à partir de la troisième semaine du mois. Oui, il y a des soupes populaires qui sont en... mais est-ce une solution? Est-ce normal qu'à toutes les fins de mois on se doit d'aller manger dans une soupe populaire avec les enfants? Et là ce qui devient une particularité encore, parce que, là, on côtoie la pauvreté, c'est tous nos préjugés qui entrent en ligne de compte. Souvent, les femmes ne veulent pas emmener leurs enfants dans les soupes populaires, pour mille et une raisons que je ne jugerai pas ici, excepté que c'est comme ça, ce qui fait que souvent, en maison d'hébergement, on va accepter que les femmes viennent manger, en fin de mois, sans être hébergées, pour des raisons... Entre autres, les enfants sont encadrés, sur l'heure du dîner, avec les mères, etc.

Il y a tout l'aspect, si on regarde, de pauvreté, le temps que tout se règle. Vous le savez fort bien, quand une femme va à l'aide sociale, elle se doit de demander une pension alimentaire. Ce serait donc facile si on pouvait mettre fin à la relation puis rien demander en retour! Mais le système fait qu'on nous oblige à.

On parle aussi, entre autres, de la médiation familiale. Pour nous, il est inconcevable que nous puissions penser à la médiation familiale en contexte de violence où le... de pouvoir est installé. Je pense que le meilleur exemple, c'est qu'à un moment donné il y avait une femme qui négociait avec un homme, et l'homme, comme signe, jouait avec sa chevalière. C'est avec ça qu'il la frappait. Ça fait qu'imaginez-vous quand l'avocat ou la notaire demandait: Est-ce que vous voulez avoir le set de salon? Le monsieur la regarde, il n'y a rien qui paraît. Est-ce que quelque chose voit ? quelqu'un ? que je joue avec mon alliance? Et c'était le signe qui disait: Regarde, tu as besoin de refuser, parce que tu vas y goûter après. Quand on parle de multiproblématiques, c'est tout ça qui fait qu'outre...

On parle beaucoup de santé mentale. On a beaucoup, beaucoup de problèmes en santé mentale qui sont développés, et souvent, soyons réalistes, les femmes victimes de violence l'ont souvent été dans leur enfance et sont aussi en majorité victimes de violence sexuelle, que ce soit dans leur enfance ou... été perpétué. C'est des femmes qui sont dysfonctionnelles depuis beaucoup d'années, et c'est pour ça qu'on retrouve mille et une problématiques à l'intérieur de... et sans compter, si on regarde le pouvoir médical, qui indique souvent... ou qu'il y a des modes qui disent: Bien, prenons des antidépresseurs, prenons des Prozac, prenons des...

Je peux vous dire que, moi, je commence à être une spécialiste en pharmacie, parce qu'il y a tellement de médicaments qui rentrent, et, nous, on gère les médicaments, question de sécurité pour les enfants, pour ne pas qu'ils aient accès à ça facilement. Le pouvoir des connaissances que les femmes n'ont pas est dramatique. Parce que c'est sûr qu'il faut croire en quelque chose, et souvent le médecin, masculin dans 85 % des cas, je dirais ? je ne mettrais pas un chiffre exact ? qui a une connaissance et à qui on se fie... Et les femmes prennent des décisions en pensant bien faire, mais je vais vous dire qu'il y a beaucoup de femmes qui ont peu ou pas conscience de leurs journées, tellement elles sont médicamentées. Donc, comment voulez-vous qu'on puisse aider ces femmes-là à reprendre du pouvoir sur leur vie? Parce que, là, il faut se battre contre des systèmes où, là, on n'a pas le savoir et la science infuse. Donc, c'est sûr, quand on parle de cohérence entre différents systèmes, l'accès aux services de santé...

Vous savez que, pour avoir un diagnostic quelconque, des fois c'est compliqué, surtout en santé mentale, etc., et des systèmes font que, pour être dans telle case, il faudrait avoir un diagnostic schizophrénie, des choses comme ça. Si c'est juste dépression, ça ne marche pas, etc. Donc, c'est toute cette panoplie de problématiques que l'on gère au quotidien.

Mme Caron: Oui, puis là-dessus je pense que ce qui est aussi important à dire, c'est qu'au point de départ ces femmes-là étaient des femmes comme toutes les autres, là. C'est la violence sexuelle, jeune, ou le... Peu importe le moment où ça arrive, c'est ces événements de violence qui ont transformé la personne et qui... Effectivement, au début, si elle se plaint qu'elle ne file pas, qu'elle ne va pas bien, on va peut-être effectivement commencer à la médicamenter. Mais le vrai problème, ce n'était pas ça, c'était un autre problème, peut-être un problème de violence, et il aurait fallu la sortir plus vite du milieu.

Je veux revenir aussi dans vos recommandations. Sur votre cinquième orientation, vous demandez que les engagements définis dans le cadre du Plan d'action 2004-2009 en matière de violence conjugale soient assortis de moyens concrets pour rendre les objectifs opérationnels. Vous parlez aussi évidemment du financement consolidé des maisons d'hébergement. Mais, au niveau de cette recommandation-là précisément, qu'est-ce que vous souhaitez au niveau des moyens concrets pour rendre les objectifs opérationnels? Est-ce que c'est des moyens nationaux, des moyens au niveau régional, des moyens au niveau local? Quel genre de moyens vous souhaitez? C'est peut-être un peu de tout ça.

Mme Savard (Lise): Je partais pour vous dire: Toutes ces réponses sont bonnes, en effet.

Mme Thélusmond (Marie Guylda): Moi, je pourrais commencer par dire d'abord le financement. Ça fait des années que les maisons d'hébergement ont revendiqué d'avoir un financement adéquat afin de rendre accessibles et disponibles les services pour toutes les femmes, qu'elles soient en région rurale, qu'elles soient en région urbaine. Mais je vous dirais qu'à ce niveau-là on pense que, oui, il y a eu des efforts qui ont été consentis, puisque nos discussions avec le ministère de la Santé et des Services sociaux nous ont permis d'avoir quand même une partie de ce financement-là qui a été demandé. Encore une fois, les discussions se poursuivent, et on espère, même à un moment où l'on parle beaucoup de coupures, beaucoup de déficit, on espère que cet engagement va être respecté. Mme la ministre vient de le dire, que les engagements seront assortis de ces moyens financiers pour permettre de rendre accessibles les services pour les femmes, quel que soit l'endroit où ces femmes-là se trouvent au Québec, que ce soit une femme immigrante qui veut avoir des services, que ces services-là soient adaptés, soient adéquats, pour que ces femmes puissent briser le cercle vicieux de la violence. Donc, nous, à ce niveau-là, c'est cet aspect-là qu'on voit.

Par ailleurs, on avait justement, dans le cadre des consultations qui ont été entreprises avant de déterminer le plan d'action, on avait identifié toute une série de mesures, tous les défis qu'il fallait relever pour contrer la violence: la formation... Il y en a, parmi ces mesures-là, qui ont été mentionnées au titre des engagements du plan d'action: la formation de tous les intervenants, que les CLSC, par exemple, puissent pouvoir dépister la violence conjugale, que, je dirais, tous les organismes puissent travailler, pouvoir travailler justement à atteindre cet objectif de donner des services aux femmes et aux enfants victimes de violence. Donc, nous, on voit, comme je l'ai dit, cet engagement-là à tous les niveaux, d'abord au niveau financier, et puis que ça puisse se répercuter à travers toutes les instances justement qui ont pour mandat de travailler à offrir ces services-là.

Mme Savard (Lise): Puis, à ce moment-là, on parle de concertation. Qu'on parle au point de vue local, il y a beaucoup de gens... Il y a des exemples d'ailleurs heureux, comme, on parle, en Gaspésie, qui se sont assis ensemble, en parlant de CLSC, centre hospitalier, Protection de la jeunesse, milieu policier, etc., qui se sont assis ensemble pour faire une suite de services pour ne pas qu'il y ait de trou de services pour les gens, à partir du moment où il y a une action violente, et qu'ils soient guidés un petit peu dans les dédales de toutes les procédures possibles.

n(16 h 40)n

Soyons réalistes, c'est qu'actuellement quelqu'un me dirait: Écoute, Lise, est-ce que tu conseillerais à quelqu'un de porter plainte? J'hésite encore à dire ça, mais pour moi quelqu'un qui dirige une maison d'hébergement... C'est qu'actuellement, dans le délai à ce que la plainte soit portée et que la plainte soit traitée, je dois vous dire que les femmes vivent dans une peur incroyable, avec des... Écoute, des fois, ça prend jusqu'à un an avant que ça se règle et qu'il y ait une sentence ou qu'il y ait des consignes un petit peu plus particulières, etc. Donc, ces femmes-là sont en otages. Et, cette concertation-là, quand on parlait des moyens, entre autres, la concertation est extrêmement importante au niveau local et sous-régional, naturellement, puis tout s'ensuit, là. Je veux dire, il n'y a pas un palier qui ne doit pas s'impliquer, c'est extrêmement important, parce que, qu'on parle au niveau des lois, quand les lois sont réglées, il faut maintenant les vivre au quotidien, dans chaque région et chaque sous-région, et même, jusqu'à la limite, certaines municipalités.

Le Président (M. Copeman): Est-ce que ça va? Bien, il reste comme 25 secondes. Ça fait que je pense que ça va, hein? Ha, ha, ha! Alors, Mme Savard, Mme Thélusmond, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Fédération des ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec. Et j'invite immédiatement le représentant de la Table de concertation pour la condition paternelle de prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): La commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons M. Yves Pageau, président de la Table de concertation pour la condition paternelle.

En premier lieu, M. Pageau, je tiens à vous remercier d'avoir accepté, un peu à pied levé, de venir avec un avis de convocation assez court. Il y a eu un désistement d'un groupe, et M. Pageau a consenti de venir avec un délai d'à peu près une journée. On vous remercie beaucoup de cette flexibilité, ça nous permet d'avancer un peu nos travaux.

Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et c'est suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. La parole est à vous.

Table de concertation
pour la condition paternelle

M. Pageau (Yves): Bon, merci. Alors, mon nom est Yves Pageau, je suis ici à titre de président de la Table de concertation pour la condition paternelle, pour vous présenter le contenu du mémoire préparé par l'organisme auquel je préside. Je suis également impliqué, sur une base bénévole, auprès d'autres organismes, notamment le cybermagazine Content d'être un gars, un organe d'opinion et d'information bien connu, dont la grande qualité est de ne pas plaire à tout le monde, la Fondation pour la coopération homme femme, un organisme dont le mandat est de favoriser la solidarité conjugale.

La fondation opère un site Internet qui s'appelle Couple complice, que je vous invite à visiter. Il organise, sans l'aide de l'État, des soirées de discussion sur des sujets relatifs à la conjugalité. J'ai également été impliqué, pendant des années, auprès de la Maison Père Enfant du Québec qui offre, sans l'aide de l'État toujours, des services aux pères séparés qui souhaitent maintenir la relation filiale malgré les obstacles auxquels ils doivent faire face.

Parce que je m'intéresse de près à tout ce qui touche les conditions de vie des hommes et à l'exercice de la paternité, je suis en mesure d'affirmer être un observateur privilégié de ce que j'appellerais la guerre des sexes que, Mmes et MM. les élus, livre, aujourd'hui, l'État québécois à la moitié masculine de vos électeurs. J'ai suivi attentivement les travaux de la Commission des affaires sociales et je crains que les membres de la commission s'entêtent à nier l'existence de la guerre des sexes à laquelle je fais allusion. Pour que tout soit clair entre nous, je résumerai la situation ici: il existerait une légendaire entité spirituelle et occulte, appelée le patriarcat, qui régirait les relations sociales en fonction du sexe des individus. La moitié masculine de la population serait constituée d'individus violents, irresponsables, dominants, de piètres pères, des conjoints inadéquats, des violeurs, des pédophiles, pire, des suppôts du patriarcat opposés au féminisme vertueux. La moitié féminine de la population serait constituée pour sa part d'êtres vertueux mais opprimés par le patriarcat.

En conséquence des situations que je viens de décrire, la moitié féminine de la population serait en droit d'exiger la part du lion des ressources gouvernementales, des services et des privilèges qui sont refusés aux hommes, qui, eux, profitent déjà largement des avantages du patriarcat.

Si les hommes sont traités de façon inéquitable par l'État québécois, ce serait un juste retour des choses. En effet, toutes les études féministes confirment que, de tout temps, toutes les femmes ont toujours souffert de discrimination systémique. Ceux qui le contestent ne sont de toute façon que des masculinistes haineux, des ennemis de la vérité vraie, des serviteurs du patriarcat. Ça résume un peu la situation.

Selon l'idéologie qui sous-tend la guerre des sexes, les récriminations de la moitié masculine de la population ne sont qu'au nombre de trois et toutes facilement rejetées du revers de la main. Je vous les énumère: premièrement, les hommes se suicideraient en grand nombre; deuxièmement, le taux de décrochage scolaire des garçons serait élevé; et, troisièmement, les pères divorcés auraient des difficultés à rester en contact avec leurs enfants. Selon la même idéologie, les récriminations de la moitié féminine de la population sont aussi au nombre de trois, mais irréfutables, celles-là: premièrement, à cause d'une conspiration patriarcale, les femmes ont un revenu inférieur à celui des hommes; deuxièmement, les femmes sont les seules à subir une légendaire violence faite aux femmes, infligée par le patriarcat; et, troisièmement, c'est à cause d'une conspiration patriarcale que la moitié féminine de la population est sous-représentée dans les postes de pouvoir. Ça résume bien la situation.

Il existe une autre superstition selon laquelle tous les hommes qui souhaitent une trêve dans la guerre des sexes ne serait en fait que des antiféministes patriarcaux, aussi appelés des masculinistes haineux. Bien que le vocable ait été largement utilisé au cours des derniers mois, personne n'a jugé nécessaire de le définir. J'aimerais prendre quelques instants pour le faire. Le terme est habituellement utilisé pour injurier et discréditer ceux qui réclament que l'équivalent des droits, des ressources et des privilèges qui sont accordés à la moitié féminine de la population soit également accordé à l'autre moitié.

Le Grand Dictionnaire terminologique, publié par l'Office de la langue française du Québec, en offre la définition suivante: «Le masculinisme serait un mouvement qui se préoccupe de la condition masculine. "Masculinisme" désigne à la fois un mouvement de défense des droits des hommes, de leurs rôles sociopolitiques et un mouvement de protestation qui vise à affranchir les hommes de leurs rôles sociaux traditionnels. Il est étonnant qu'on puisse grouper sous la même étiquette deux mouvements dont les orientations sont passablement divergentes, mais pour l'instant on semble désigner par "masculinisme" tous les mouvements qui se préoccupent de la condition masculine.» Ça, c'était la définition du dictionnaire.

Selon un document devenu célèbre, que publiait Condition féminine Canada en 2003 et qui s'intitule Les réussites scolaires comparées selon le sexe: catalyseur des discours masculinistes, il existerait quatre types de groupes masculinistes. Je vous les énumère: il y a les groupes de défense des droits des hommes, il y a, deuxièmement, les proféministes, troisièmement, les groupes de thérapie de la masculinité ? ça, c'est normal; puisque la masculinité est une pathologie, il faut la soigner et puis, quatrièmement, les conservateurs. Vous noterez qu'à l'époque où le document a été publié c'était Joe Clark qui était le chef du Parti conservateur.

Le 26 février 2004, à l'occasion d'une conférence de presse au cours de laquelle Mme la ministre Courchesne annonçait la présente Commission des affaires sociales, elle déclarait en substance ceci. Bon, le journaliste lui posait la question suivante: «Mme la ministre, vous avez dit tout à l'heure que le discours très masculiniste vous inquiète. À qui faites-vous référence?»

Elle a répondu: «Écoutez, tout ce que je peux dire, je le dis parce que ça circule sur Internet. C'est ça, l'avantage des moyens de communication aujourd'hui, de la technologie. Avec Internet, on a accès. Et je ne veux pas les nommer, je ne veux pas les citer, je ne veux pas non plus leur donner de l'importance, je veux vous dire que ça m'inquiète ? on n'a jamais su c'était qui.

«Il y a des propos de groupes masculinistes qui frisent carrément les propos haineux, et ça, je trouve ça totalement inacceptable. C'est dans ce sens-là. Si on associe le mouvement dit masculiniste à ce type de propos ou de prise de position, croyez-moi que je m'en écarte très rapidement. Moi, ce qui m'intéresse, c'est de travailler avec l'ensemble des acteurs sociaux qui veulent contribuer à faire en sorte que les femmes accéderont très rapidement à une égalité de fait dans la plupart de nos secteurs d'activité.» L'égalité pour les femmes, hein?

n(16 h 50)n

«Il y a un courant d'hommes qui sont très agressifs par rapport aux revendications des femmes, et ça, je m'inscris en faux parce que ce n'est pas non plus de cette façon-là qu'on va arriver à trouver des solutions égalitaires. Moi, je suis plus intéressée à entendre les hommes qui ont des solutions à proposer, des points de vue constructifs et positifs et qui reconnaissent l'importance de la place des femmes dans notre société.»

Un peu plus loin, elle dit aussi: «Je vous dirais que l'avantage pour moi de cette commission parlementaire est d'écouter l'ensemble des intervenants. C'est certainement peut-être pour faire comprendre à ces hommes qu'au fond ils ne sont peut-être pas dans la bonne voie, qu'ils ont peut-être un caractère marginal qui est nocif, plus nocif qu'aidant, y compris pour eux-mêmes.»

Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on a été invités à participer à la commission parlementaire, en se faisant dire finalement qu'on n'avait pas d'affaire ici.

Il existe aussi un mouvement qui bénéficie de l'aide financière de l'État et qui prétend s'opposer à ce qu'ils appellent le patriarcat. Ces groupuscules s'acharnent à persécuter ceux qu'ils appellent les masculinistes. Leurs représentants ont été accueillis chaleureusement par la Commission des affaires sociales et ont reçu l'appui du Conseil du statut de la femme. Avec l'appui du féminisme d'État, les groupuscules en question font la promotion de ce qu'ils appellent l'antimasculinisme ? aïe! là on est rendu loin ? c'est-à-dire l'opposition systématique à tout ce qui pourrait menacer les intérêts de la caste des femmes. Une table ronde sur cette question aura lieu à l'Université de Montréal, le 19 avril, et un colloque sur le même thème est organisé à l'UQAM, le 23 avril. Des manifestations sont prévues à l'occasion du colloque Paroles d'hommes, du 22 au 24 avril, dans le but de saboter l'événement, auquel les protestataires reprochent de ne pas condamner tout ce qui est masculin.

Écoutez, quand l'État prend parti contre une partie de sa population, ça s'appelle une guerre civile. Dans ce sens-là, la guerre des sexes, c'est une guerre civile. Quand on établit une distinction en fonction du code génétique des individus afin de décider des privilèges qui leur seront accordés, il est question de racisme. De ce point de vue là, j'affirme que l'État québécois est raciste envers les hommes, dont il juge le code génétique inférieur.

En janvier 2004, le Comité de travail en matière de prévention et d'aide aux hommes, qui avait été formé par le ministère de la Santé et des Services sociaux, remettait à M. le ministre Philippe Couillard son rapport intitulé Les hommes: s'ouvrir à leurs réalités et répondre à leurs besoins. À ce jour, les 16 recommandations que comporte le rapport sont restées lettre morte. La première des quatre recommandations que comporte le mémoire que nous avons déposé auprès de la Commission des affaires sociales est de leur donner suite sans délai.

Plusieurs des organismes qui ont été chaleureusement reçus par la Commission des affaires sociales ont signé une pétition qui demandait à l'État de ne pas donner suite aux recommandations contenues dans le rapport du Comité de travail pour la prévention et l'aide aux hommes. On craint qu'en offrant un service adapté aux besoins spécifiques de la moitié masculine de la population l'État ne menace le contrôle qu'exerce le pouvoir féminin sur les ressources de l'État. Selon nous, le prétendu mouvement masculiniste n'est qu'une superstition visant à faire croire que ceux qui souhaitent la fin de la guerre des sexes ne sont en fait que des adversaires qu'il faut combattre avec l'aide financière de l'État. Un groupe de pression qui paraissait devant la Commission des affaires sociales, il y a quelques jours, n'a-t-il pas d'ailleurs déclaré que l'égalité entre les femmes et les hommes représente un danger pour l'intérêt de la caste féminine? Il y a lieu de s'inquiéter.

La Table de concertation pour la condition paternelle est un collectif formé d'individus impliqués auprès d'organismes voués à favoriser l'exercice du rôle des pères. Nous avons invité tous ceux qui se préoccupent de la condition masculine et de l'exercice du rôle de père à former un groupe de réflexion chargé de l'élaboration du mémoire intitulé Vers une égalité véritable. Les auteurs du mémoire se rangent du côté des pères qui sont évacués de la vie de leurs enfants à la suite d'une rupture conjugale, réclament un partage équitable des ressources gouvernementales pour répondre aux besoins spécifiques des hommes et s'objectent au mépris qui leur est manifesté par les institutions gouvernementales sous prétexte de féminisme d'État.

Les auteurs du mémoire sont indignés que la moitié masculine de la population ait été écartée du processus d'élaboration du document qui est l'objet de la Commission des affaires sociales. La notion d'égalité proposée dans le document préparé par le Conseil du statut de la femme perpétue la notion que l'égalité entre les femmes et les hommes n'est réalisable qu'en accordant toujours plus de privilèges à la moitié féminine de la population.

Nous rejetons le document du Conseil du statut de la femme et proposons aux membres de la commission des pistes dans la perspective de la création d'un éventuel conseil de l'égalité. Nous craignons cependant que cet éventuel conseil ne soit constitué que d'hommes et de femmes qui adhèrent tous à une même tendance, celle du féminisme sectaire. Nous proposons de changer l'antagonisme envers la moitié masculine de la population, prôné par le Conseil du statut de la femme, par une coopération entre les femmes et les hommes.

L'État a affirmé pendant 25 ans que 300 000 femmes sont battues chaque année, au Québec. Cette information est fausse et sans fondement. Les politiques gouvernementales mises en place depuis 1980 étaient basées sur ce mensonge. La plus ignoble de ces politiques, celle de la tolérance zéro en matière de violence conjugale, avait été instituée en 1986. Elle ne s'applique qu'envers la moitié masculine de la population. Elle continue, à ce jour, d'attiser la guerre des sexes dans tous les foyers québécois. Rappelons qu'elle est le fait d'un mensonge.

Dans le meilleur intérêt de tous, nous demandons que les responsabilités du dossier de la violence conjugale soit retirées au Conseil du statut de la femme et qu'elles soient confiées à une agence gouvernementale indépendante. Parce que le Conseil du statut de la femme est engagé à faire la promotion des intérêts de la caste des femmes, il lui est impossible de servir les intérêts de la population québécoise. Nous demandons qu'une campagne de publicité gouvernementale corrige la diffamation dont les hommes ont souffert et valorise le rôle des hommes et celui des pères.

Nous proposons enfin d'entreprendre un processus de réconciliation au cours duquel les erreurs du passé seront admises et corrigées. Ce processus de réconciliation est nécessaire pour que cesse enfin la guerre des sexes. La fragilité des unions conjugales et le taux de natalité des Québécois indiquent que le Québec souffre d'un important malaise et qu'il est urgent de le soulager.

Comment est-ce qu'on se comporte, côté temps?

Le Président (M. Copeman): Pardon?

M. Pageau (Yves): Est-ce qu'il reste du temps?

Le Président (M. Copeman): Il vous reste, M. Pageau, un peu moins que six minutes. 5 min 45 s.

M. Pageau (Yves): Bon. Je vais utiliser le temps qu'il me reste pour vous faire part... Dans le mémoire, on fait... Bon. Parce qu'il semble ? je ne comprends pas pourquoi ? il semble que les difficultés que vivent les hommes soient l'objet d'un mystère. On dit: Bien, les hommes se suicident, mais ce n'est pas vrai. Ils ne réussissent pas à l'école, mais ce n'est pas vrai. Ici, dans notre mémoire, on a fait une liste, qui n'est pas complète évidemment, de problèmes que vivent les hommes, auxquels il serait urgent que l'État commence à faire de quoi.

Et puis, au cas où il y aurait quelqu'un quelque part qui n'aurait pas compris qu'il y a des problèmes, je vais vous en énumérer quelques-uns. Il y a, entre autres, l'aliénation parentale. Quand un couple se sépare, il y a un parent gardien qui est, à 92,26 % des cas, une mère puis il y a un parent visiteur qui voit ses enfants, si le parent gardien le permet, quatre jours par mois. O.K.? L'aliénation parentale est le processus par lequel l'un des deux parents discrédite l'autre aux yeux de son enfant. C'est un piège sans issue parce que, écoutez, ce n'est pas compliqué, si le parent gardien discrédite le parent visiteur ? ou enfin le contraire ? puis là le parent qui est discrédité, il plaide sa cause auprès de son enfant, qu'est-ce qu'il fait? Il se livre, lui aussi, à l'aliénation parentale. Là, il n'a aucun pouvoir pour s'en sortir. La seule façon de s'en sortir, ce serait que l'État fasse une campagne de publicité gouvernementale pour dire: C'est des choses qui ne se font pas. Comme boire en conduisant, ça ne se fait pas.

On a écrit, nous, au ministère de la Famille, et puis là on nous a répondu: Bien, écoutez, les hommes, on s'en occupe déjà beaucoup, on saisit leur salaire pour payer la pension, on s'occupe des hommes violents et puis on s'occupe aussi, ils nous ont dit ? attends un petit peu, là ? des médiations familiales. Alors, pour les autres problèmes des hommes, je pense qu'on a fait notre part. Allez jouer ailleurs.

Ah! oui. Tantôt, la dame qui était ici, elle dit: Il y a la violence conjugale qui peut être de la violence psychologique. Moi, que je sache, la violence psychologique ne devrait pas avoir de sexe. Mais pourtant, quand on parle de violence conjugale, c'est toujours la violence faite aux femmes. Le 6 décembre, on va célébrer, la journée du 6 décembre, la violence faite aux femmes. Quand est-ce que c'est qu'on va comprendre que ce problème-là...

n(17 heures)n

On a prétendu pendant 25 ans qu'il s'agissait de 300 000 femmes battues. On vient de comprendre, là, qu'il y a 4 000 condamnations par année, 4 000 condamnations d'hommes par année pour un petit peu moins de femmes. Ce n'est pas infini et zéro, là. Il y a un problème aussi. Les hommes qui souffrent d'un coup de couteau dans le dos, il n'y a personne qui s'en occupe, de ça, là. Ça n'existe pas. Les femmes qui souffrent de violence psychologique, c'est important; mais des hommes qui souffrent de violence psychologique, c'est zéro, ce n'est pas important. Ça aussi, il faudrait peut-être qu'on... Mais là on est enfermés dans une boîte où il faut lutter contre le patriarcat. Le féminisme d'État est une religion. C'est aussi pire, au Québec, avec le féminisme qu'on l'est dans les pays pour les religions d'État. Il va falloir qu'on en sorte à un moment donné.

Attendez un peu, j'en ai un autre. Ah! bien, il y a le problème aussi, bon, de la formation des juges et le Tribunal de la famille. On est en train de se rendre compte que le lobby des avocats, le Barreau, est très important et profite allégrement de toute cette chicane-là. Puis là on va faire un procès, puis on va faire des procédures, puis, woup! on a un droit de visite qu'on n'est pas capable d'exercer parce que la dame ne veut pas. On retourne en cour, on a un autre 1 500 $. Là, le monsieur tombe en grève, il ne peut plus payer sa pension alimentaire, il faut qu'il retourne en cour, un autre 1 500 $ pour demander de la baisser. Ça ne finit plus, cette histoire-là. Il va falloir qu'on simplifie ça. Je pense que, s'il y a quelqu'un qui est capable de tenir tête au Barreau puis de leur dire: Ça commence à faire, là, vous êtes en train de vider le Québec de ses richesses en alimentant la guerre des sexes... Ça aussi, c'est un problème.

Mon problème, c'est qu'il n'y a personne, auprès de l'État, avec qui on puisse en discuter, parce que les seuls qui aient accès à l'État, c'est des féministes. Le Conseil de la famille et de l'enfance, c'est des femmes, puis on s'est fait dire: Bien, si vous voulez venir, on peut peut-être vous ouvrir la porte, mais il faut que vous vous comportiez comme il faut, parce que, les problèmes des hommes, on n'est pas toujours prêtes à les entendre. Donc, il manque d'ouverture, il manque d'interlocuteurs, il manque...

Ce que les femmes ont, j'ai hâte qu'on l'ait, et je me languis qu'il y ait une ouverture qui se fasse, qu'il y ait quelqu'un qu'on puisse appeler, qu'on dise: On peut-u se rencontrer? Les hommes ont leurs problèmes. Bon, voilà.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Pageau. Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Pageau. Merci de vous être joint à nous aujourd'hui.

Permettez-moi peut-être un mot d'ouverture, c'est le cas de le dire. Vous parliez, tout à l'heure, des différents groupes qui se sont présentés à la commission. Évidemment, je n'étais pas là au début, j'en entends plusieurs depuis une semaine ou deux, on va en entendre encore plusieurs et on s'efforce justement, si l'agenda de la commission le permet, de recevoir le plus de groupes possible, incluant les groupes d'hommes et femmes, le plus possible, en fait, pour justement entendre les détails de leur présentation de mémoire.

Je vous dirais que ces rencontres par contre doivent se faire, pour tout le monde, dans un esprit d'ouverture, un esprit d'ouverture, je dirais, guidé par l'atteinte d'objectifs, tout le monde ensemble. On est rendus à une étape importante lorsqu'on regarde le sujet de la commission, un rapport d'égalité entre les hommes et les femmes. C'est bien évident que nous vivons tous présentement une étape importante de ce processus-là, une étape qui n'est jamais arrivée avant, parce que c'est la suite des choses qu'on est en train de vivre, et on est en train de préparer la suite des choses non seulement pour les hommes et les femmes d'aujourd'hui, mais pour les jeunes, la relève et tout le monde qui nous suivra. Il est heureux que nous ayons des acquis et des succès déjà tous ensemble, et je pense que nous en avons encore plusieurs à venir.

Ceci dit, je pense que tout ce volet d'égalité, tout ce contrat en fait social, si on l'appelle comme ça, ou cette procédure ne se fera pas si on ne travaille pas ensemble, les deux groupes qui sont impliqués, c'est-à-dire les hommes et les femmes, et c'est dans cet esprit qu'on demande à tous les groupes évidemment d'avoir de l'ouverture, d'arriver avec des idées qui peuvent nous faire avancer, en nous faisant part évidemment de leurs préoccupations selon la mission de leurs organismes et de quelle façon se vivent, dans leurs organismes et leur environnement, tous ces principes d'égalité hommes-femmes. Je suis d'accord avec vous, ce n'est pas toujours facile. Il y a des réalités qui nous surprennent toujours, qui nous désolent bien souvent. Comme je disais aux gens qui vous ont précédés, on voudrait, à un moment donné, dire: C'est parfait, tout est réglé, se lever un bon matin, on a tout réglé, mais malheureusement je pense que ce ne sera pas cette semaine. Mais, moi, j'ai beaucoup d'espoir qu'ensemble on va y arriver puis je pense que, si on veut faire la différence, c'est de travailler positivement à la suite des choses.

Maintenant, peut-être rectifier... pas rectifier mais peut-être que vous avez des précisions sur certains éléments de votre allocution. Au niveau du document de présentation que vous avez devant vous, il y a plusieurs groupes qui ont travaillé à l'élaboration et qui ont contribué à l'élaboration. Le Conseil du statut de la femme a été un des organismes évidemment qui ont, je vous dirais, là, dirigé les groupes de travail, mais il y a plus de 36 groupes qui se sont prêtés, qui ont contribué à élaborer le document, à faire part de leurs préoccupations à ce moment-là, et des attentes, et de différentes réalisations qu'ils avaient. Alors, je trouve ça fort important. Il faut que vous le sachiez, il y avait des groupes d'hommes dans ces groupes et il y avait des groupes aussi qui sont des hommes sans être des groupes d'hommes, et ça aussi, c'est important. Et ce n'est pas que des groupes de femmes qui ont fait ce document-là et ce n'est pas que des femmes non plus qui vont y travailler pour la suite des choses, évidemment, parce qu'on y croit profondément, nous, à l'égalité entre les hommes et les femmes. Comme je vous disais, tout ce qu'on fait, on l'entreprend dans un esprit d'ouverture.

Il y a des gens que vous connaissez probablement qui ont travaillé sur ce document. Entre autres, nous avons rencontré, à part les groupes, là, individuellement, M. Gilles Rondeau, qui est rédacteur du rapport Rondeau, que vous connaissez bien, de l'Université de Montréal, M. Germain Dulac, de l'Université McGill, Francis Dupuis-Déri, de l'Université de Montréal, et M. Normand Brodeur, de l'Université Laval. Alors, je pense que c'est sans conteste des gens qui s'y connaissent bien sur le sujet et qui peuvent nous aider justement à préciser certaines choses, nous faire avancer sur certaines autres options.

Également, dans le cas du plan d'action du gouvernement sur la violence conjugale, je disais encore une fois au groupe qui vous a précédé: Il y a neuf ministères qui sont impliqués, neuf ministres qui ont signé le document, neuf ministres qui sont responsables de faire en sorte que les 72 engagements ? il y en a 42 nouveaux, là, évidemment, cette année ? que ces engagements-là soient mis en oeuvre, appliqués, réfléchis et que l'interaction entre les ministères aussi se fasse bien, et ça, c'est important que vous le sachiez parce que je veux enlever l'inquiétude que vous ou vos membres pourriez avoir quant au suivi de ce plan-là.

Il y a plusieurs mesures qui touchent... en fait tous les points. Évidemment, la Condition féminine est impliquée, la Famille, les Aînés, mais la Justice, le Revenu. Tous les ministères sont là pour s'assurer qu'on fasse bien les choses et qu'on contribue, tous et chacun, au bien-être de la société.

Vous avez parlé également au niveau des gardes partagées. Vous savez, il y a eu une époque où effectivement les femmes étaient privilégiées presque sans condition, mais c'est révolu parce que, de plus en plus, et les chiffres le démontrent, la majorité des gardes ne sont pas exclusives mais plutôt partagées, et ça continue d'augmenter et de s'améliorer, et ça, je pense, que c'est une bonne nouvelle en fait pour les enfants et pour les parents, qui demeurent parents, malgré tout ce qui peut arriver, comme on l'a entendu à plusieurs reprises, au cours de cette commission. Alors, ça aussi, ça devrait vous rassurer pour en fait améliorer encore une fois les relations hommes-femmes.

Ceci dit, vous avez aussi parlé de certaines statistiques, entre autres d'un document du ministère de la Justice. Peut-être que vous le savez, mais le document a été retiré, il y avait effectivement des erreurs. Ils sont à le refaire. Alors, le dépliant a fait l'objet d'une révision puis il va tenir compte des données plus justes. À quel niveau ça s'était fait? Je ne peux pas vous dire, là, mais je sais qu'on a été avisés que le document avait été retiré, alors, ça aussi, pour ne pas évidemment donner de fausses informations et mettre en évidence plutôt de bonnes informations.

Si on revient directement à votre mémoire, vous avez évidemment une opinion qui peut être particulière sur certains points, mais en même temps elle est la vôtre. Mais j'aimerais ça vous entendre parler. Vous dénoncez l'existence d'une misandrie ambiante. Pourriez-vous expliquer aux membres de la commission ce que vous entendez puis en quoi le Mouvement des femmes pour l'atteinte de l'égalité pourrait être tenu responsable de ces comportements?

M. Pageau (Yves): Le Mouvement des femmes pour l'égalité, vous dites?

Mme Théberge: Bien, vous parlez... vous dites... En fait, si je reprends le texte, vous dites: «La haine ou le mépris des hommes se manifeste de bien des façons: dans le domaine de la publicité, dans les médias», politiques, publications, déclarations. Attendez un petit peu. «L'image négative de tout ce qui est masculin a des conséquences funestes particulièrement pour les jeunes hommes dont l'identité, encore en formation, est continuellement remise en question.» Vous dénoncez ainsi l'existence d'une misandrie ambiante.

M. Pageau (Yves): Oui.

Mme Théberge: Alors, je veux juste savoir...

M. Pageau (Yves): Je pense que c'est un secret de Polichinelle, on n'a qu'à ouvrir les journaux. Dans la publicité, même dans les publications gouvernementales que publie le gouvernement du Québec, c'est clair. La dame qui était assise à ma place tantôt, il y a une heure, quand elle parle de violence conjugale, c'est toujours d'hommes, hein? Quand elle donne des exemples, c'est toujours les hommes qui sont méchants, et jamais, jamais... Bon.

n(17 h 10)n

C'est sûr que l'homme est démonisé au Québec, c'est sûr qu'on va représenter l'homme soit comme un idiot soit comme un dangereux. D'ailleurs, si vous regardez attentivement, en vous disant: Je suis un homme puis je regarde ça, les célébrations qui entourent la fête du 6 décembre, c'est insupportable de se faire traiter comme ça au Québec. Je veux dire, bon, il y a un imbécile qui a fait un crime en 1989 et puis bon je ne peux pas le défendre, mais je ne veux pas en porter la responsabilité non plus, pas plus que les gens qui sont dans cette salle, ici, peu importe notre sexe, avons à en porter la responsabilité. Et pourtant, là, on est des Marc Lépine en puissance. On l'a dit abondamment, ça.

C'est vrai devant les tribunaux. Devant les tribunaux, pour un crime équivalent, quand c'est un homme, la peine est toujours plus grave; quand c'est une femme, bien ce n'est pas grave, on l'envoie à la prison de Joliette et puis elle peut garder ses enfants en prison. On est très tolérant.

On a comme une notion des hommes qu'ils sont tributaires, qu'ils sont comme possédés d'un démon qu'on appelle le patriarcat, et puis ça, j'ai hâte qu'au Québec on aille au-delà de cette notion-là qui est absurde, qui est obscurantiste, qui me fait penser, là, à une époque qu'on a connue, où le Québec était possédé par le démon puis ces choses-là. Voilà. Ce n'est pas facile d'être un homme au Québec, aujourd'hui.

Mme Théberge: Je peux être d'accord avec vous sur le fait qu'il y a encore beaucoup de travail à faire à différents niveaux, effectivement, mais en même temps vous dites: Les hommes, on ne les prend pas au sérieux. Je ne crois pas. Mais dans les faits il y a des statistiques aussi qui prouvent qu'il y a plus de dénonciations ou plus... Les femmes sortent-elles plus de l'ombre de la violence que les hommes? Je ne le sais pas. Dans vos groupes, qu'est-ce qu'on dit là-dessus?

M. Pageau (Yves): Bien, regardez, combien existe-t-il de refuges pour hommes victimes de violence conjugale au Québec? Je pense qu'il y a deux lits à la Maison Oxygène. Et puis, des maisons de femmes battues, on ne sait pas combien il y en a. Des fois on dit 150, des fois on dit 85. Ça varie. Il y a un mystère alentour de ça. Mais il semble que les fonds ne manquent pas, on vient de débloquer un autre 65 millions.

Écoutez, nous, on est la Table de concertation pour la condition paternelle. Je vais juste vous donner un exemple, là, pour bien qu'on se comprenne. On a dit: On va regrouper des organismes qui s'occupent des hommes, qui offrent des services aux hommes, puis on se rend compte que les organismes qui offrent des services aux hommes, ça ne dure pas parce que l'État ne veut pas financer. Les hommes n'ont pas droit à de l'aide de l'État, hein? Alors, par la force des choses, autour de la Table de concertation, qui, elle non plus, n'est pas financée, soit dit en passant, on retrouve des individus qui à l'occasion font partie d'un groupe et puis que la condition paternelle préoccupe. Mais comment se fait-il qu'on soit incapable d'obtenir du financement pour des services offerts aux hommes? Comment se fait-il que le rapport Rondeau, qui a été déposé le 7 janvier 2004, soit encore à l'étude 15 mois plus tard? Puis comment se fait-il... Ça ne vous inquiète pas de penser qu'il y a un groupe de 15 organismes féministes qui font une pétition pour demander qu'on ne donne pas suite au rapport Rondeau, qu'on n'offre pas de services aux hommes? Pourquoi? Parce que, si on offre des services aux hommes, ça va enlever des ressources aux femmes, aux groupes de femmes. Moi, je trouverais ça inquiétant si j'étais à votre place.

Mme Théberge: Je vous remercie de vos précisions.

Le Président (M. Copeman): M. Pageau, je n'embarquerai pas dans la même dialectique odieuse que j'ai eue avec un autre groupe au sujet du 6 décembre, je pense que ça a été assez bien diffusé. Mon point de vue est bien connu, je crois. Quand vous utilisez le terme «célébration», je dois vous dire, M. Pageau, encore une fois en tant qu'homme, là: Moi, je suis ici, ça va faire 11 ans au mois de septembre. Je n'ai jamais eu une impression que c'était une journée de célébration, la commémoration de l'assassinat de 14 jeunes femmes au Québec. Évidemment, vous êtes auteur et responsable de vos mots, mais encore une fois ça me choque. Vous avez le droit de le dire, il n'y a personne qui va enlever votre droit, mais vous vous plaignez en même temps que vous n'avez pas accès à des interlocuteurs au gouvernement, que vous n'êtes pas pris au sérieux, l'essentiel d'une partie de vos propos, et vous utilisez des paroles, semble-t-il, chocs, là, pour faire valoir votre point de vue, qui est encore une fois votre strict droit.

Mais vous croyez sérieusement qu'il y a une atmosphère de célébration ou de fête autour de cet événement tragique? Je pense que tout le monde constate que c'était très tragique. Moi, je n'ai jamais entendu... Encore une fois, M. Pageau, j'ai participé à ces commémorations. C'est le mot que j'aurais tendance à utiliser. Je pense que c'est le mot qui serait probablement utilisé le plus souvent par tous les Québécois et Québécoises. Je n'ai jamais entendu dire qui que ce soit... condamner tous les hommes au Québec à cause de nos chromosomes, hein, non pas de nos gènes, question de chromosomes. Mon épouse est généticienne, alors vous savez fort bien, autant que moi, je l'espère, que ça n'a a rien à voir avec la génétique mais plutôt avec nos chromosomes, le sexe. Alors, c'est un point que je voulais vous faire valoir.

Et deuxième, vous décrivez à juste titre certains stéréotypes et généralisations. Je suis d'accord avec vous, il ne faut pas généraliser, il ne faut pas donner des stéréotypes, mais vous dites en même temps, le plus sérieux du monde: Ce n'est pas facile d'être un homme au Québec. Bon. Il me semble que c'est pas mal généraliser, ça.

Je suis père de famille, j'ai deux garçons et une fille. Moi, je dois dire que... Écoute, c'est anecdotal, mon affaire, là. Je n'ai pas fait une étude scientifique. Je ne suis pas sûr que c'est pertinent de dire que ce n'est pas facile d'être un homme au Québec. Je ne néglige pas qu'il y a des problématiques sérieuses, hein, le rapport Rondeau en fait l'énumération. Le taux de suicide, là, chez les hommes est dramatique au Québec, et c'est inquiétant, et c'est inquiétant pour tous les parlementaires. Je n'ai jamais entendu un parlementaire dire: On ne devrait pas s'en occuper parce qu'ils n'ont pas le bon chromosome. Le taux de suicide chez les hommes est inquiétant, il est la plus importante cause de décès des hommes 18-45. Le suicide est la plus importante cause de décès dans cette catégorie d'hommes. Alors, il n'y a pas personne qui va nier ça. Et, même dans le rapport Rondeau dont vous faites référence et dont vous réclamez la mise en application, on indique qu'au ministère de la Santé et des Services sociaux il y a des travaux en cours actuellement, au ministère de la Santé et des Services sociaux, pour actualiser la mise en oeuvre de cette stratégie, stratégie contre le suicide, aux hommes. Le comité souligne ces initiatives et préconise leur poursuite. Alors, il y a des choses qui sont faites.

Le taux de décrochage des jeunes garçons est préoccupant. Moi, je n'ai jamais entendu un parlementaire dire le contraire. Je travaille avec des collègues activement pour tenter de regarder la source de ces problèmes-là et de pallier et de remédier... Alors, vous croyez, apparemment sincèrement, que ce n'est pas facile d'être un homme dans les temps qui courent. Moi, je ne partage pas ce point de vue. Je ne sais pas si vous avez une base scientifique pour faire cette affirmation. Est-ce qu'un sondage que vous avez effectué révèle que ce n'est pas facile d'être un homme au Québec?

n(17 h 20)n

M. Pageau (Yves): J'ai une base politique pour l'affirmer, c'est que je constate que... Là, vous me dites que je me plains de ne pas être entendu parce que je n'ai pas le bon alphabet pour parler à des gens de pouvoir. Bien, je constate aussi que, l'autre fois où vous avez fait des remontrances à des gens qui sont venus ici, c'était aussi pour les même raisons, ils n'avaient pas la bonne façon de vous adresser la parole, et c'étaient aussi des hommes. Bien, je constate que politiquement il n'y a pas beaucoup d'ouverture. Je constate qu'il y a un conseil du statut de la femme puis que le Conseil du statut de la femme préconise de faire un conseil de l'égalité sans inviter les hommes. Politiquement, je vois qu'il y a un gros problème.

Je vois aussi qu'il y a un problème parce que les groupes qui offrent des services aux hommes ne sont pas capables d'obtenir de financement de la part de l'État, alors que, semble-t-il, les groupes qui offrent des services aux femmes ou qui prétendent en offrir ne semblent manquer de rien. Oui, effectivement... Là, vous pouvez ne pas me croire si vous voulez, vous pouvez continuer à m'obstiner jusqu'à demain, mais, je vous dis, il y a un problème au Québec. Les hommes au Québec ont un problème avec l'État. Les hommes ont un problème avec le pouvoir féminin, qui a intérêt à attiser la guerre des sexes. Parce que, quand on veut dire: Arrêtez la guerre des sexes, qu'est-ce qui arrive? On nous accuse d'être des masculinistes. Puis, quand on est des masculinistes, on est des ennemis contre lesquels il faut se battre. Justement, on peut-u arrêter cette folie-là un peu? On peut-u arrêter de se faire traiter de violents tout le temps? Je veux dire, à un moment donné, on ne peut rien faire, on va se faire signaler le 9-1-1, on va se faire embarquer. C'est assez, là.

Tolérance zéro est une politique... la tolérance zéro envers la violence conjugale est une politique inhumaine. Ça veut dire, ça, là, que, depuis que je suis assis ici, j'ai commis suffisamment d'actes pour justifier qu'on m'embarque. J'ai commis des gestes brusques, et puis, dans un contexte domestique, ces gestes-là justifieraient qu'on porte plainte pour violence domestique. Tolérance zéro, c'est ça que ça veut dire. Ça veut dire que n'importe quoi sert de prétexte à persécuter les gens et c'est quelque chose d'inhumain.

Le Président (M. Copeman): ...

M. Pageau (Yves): Je veux juste terminer. Au sujet de la célébration, si vous aviez regardé comme il faut, le 6 décembre dernier, c'est des célébrations. Je m'excuse, là, mais on fait venir des comédiens à un show télévisé, des sons et lumières, tout ça pour rappeler que les hommes seraient des violents, hein? Parce que, là, là, ce n'est plus un fait divers qui s'est passé en 1989, c'est rendu une religion d'État, cette histoire-là. C'est assez, là.

Le Président (M. Copeman): Mme la ministre, il reste peu de temps. Allez-y.

Mme Théberge: Oui. En fait, c'était plutôt un commentaire, pas vraiment une question, mais ces événements-là, M. Pageau, sont peut-être pour plutôt rappeler que la violence est intolérable, quelle qu'elle soit, et ça, j'ai souvent à me prononcer là-dessus. Par qui que ce soit, pour qui ce soit, c'est intolérable. C'est peut-être pour ça tout simplement qu'on le fait. C'est intolérable, qu'importe si on est un homme ou une femme. J'espère que vous le comprenez aussi comme ça. Je pense que c'est ce que les gens disent. C'est pour ça qu'il y a autant d'hommes et de femmes qui se joignent à ces événements-là, pour dire qu'ensemble on va faire la différence puis qu'on va améliorer la société.

Par contre, quand on regarde au niveau des statistiques, malheureusement il y a plus de femmes qui font appel aux services policiers que d'hommes, sept fois plus dans les dernières statistiques de 2002. Alors, là aussi, il y a quelque chose là qu'il faut, nous... Évidemment, quand on a à prendre soit des mesures ou offrir des services, il faut se fier sur certains éléments qui sont, par exemple, des statistiques, des rapports que des gens nous soumettent, que des organismes nous soumettent, des statistiques que l'Institut de la statistique fait, des organismes qui sont objectifs. Ça aussi, il faut tenir compte de tout ça. Alors, comme je le disais au tout début, je suis d'accord qu'il y a encore beaucoup de travail à faire à plusieurs niveaux, mais je pense qu'on va finir par y arriver si on démontre assez d'ouverture et si on le fait dans un esprit de collaboration. C'est terminé. Merci de vous être joints à nous.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, vous comprendrez bien, M. Pageau, que je ne partagerai pas beaucoup de vos points de vue. Effectivement, comme l'a bien dit M. le président, le 6 décembre, ce n'était pas une célébration, ce n'est pas une fête et c'est encore moins un fait divers. C'est une commémoration de l'assassinat de 14 jeunes filles, et le meurtrier a clairement exprimé qu'il les avait tuées parce qu'elles étaient féministes et qu'il n'acceptait pas qu'elles étudient dans un lieu qui aurait dû normalement être réservé pour des hommes. C'était très clair.

Cela ne vient aucunement dire que tous les hommes sont violents. Dans tous les mémoires que j'ai entendus ? puis je travaille en condition féminine depuis très longtemps et j'ai travaillé énormément avec des groupes féministes, avec des groupes de femmes dans toutes les régions du Québec, dans des lieux publics, dans des lieux privés ? jamais je n'ai entendu une femme de ces groupes ou une autre femme qui n'était pas dans les groupes non plus dire que tous les hommes sont violents. Jamais! Je n'ai jamais non plus entendu dire qu'il ne fallait pas s'occuper du suicide chez les hommes. Je n'ai jamais entendu dire ni lu qu'il ne fallait pas s'occuper du décrochage scolaire des garçons. Jamais je n'ai entendu ça. Votre présentation est à l'effet tout à fait contraire: tous les hommes sont violents, les hommes sont malheureux au Québec. Vous l'étendez, vous l'élargissez à tout le monde.

Je ne peux pas non plus accepter qu'on parle de la caste des femmes. Je m'excuse, là, je ne peux vraiment pas accepter une expression comme celle-là. Je n'ai jamais non plus entendu, dans tous les groupes féministes, parler de la caste des hommes.

Il y a des réalités. Les écarts salariaux chez les femmes, c'est là, c'est une réalité. La dernière étude qui vient de sortir est toujours là, puis malgré un taux d'études élevé. La représentation, bien on a regardé partout, au Parlement même, 40 femmes sur 125 parlementaires. C'est une majorité d'hommes. C'est une réalité. Le droit de vote a été obtenu seulement il y a 65 ans pour les femmes ? bientôt, la semaine prochaine. C'est une réalité et c'est reconnu non seulement au Québec, mais au niveau international. Il y a une convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes parce qu'elles existent. Et, quand on se parle de violence conjugale, de violence faite aux femmes, c'est une réalité, c'est 85 %. Et, quand je regarde les meurtres, depuis la tragédie de Polytechnique, c'est 119 femmes et enfants qui ont été tués à ce jour ? en 2003, ça, le tableau, 2003, décembre 2003 ? 32 femmes en 1998, 36 en 1999, 35 en 2000, 30 en 2001, 39 en 2002, puis, si on continue, il y a les résultats de 2003, 2004. C'est des chiffres avoisinants aussi. C'est une réalité.

Est-ce que cette réalité-là vient dire que tous les hommes sont des meurtriers? Absolument pas. Absolument pas. Et tout le travail qu'on a fait pour réussir, avec des luttes acharnées... L'obtention du droit de vote, là, a duré 20 ans. 13 projets de loi rejetés. Chaque demande de financement pour les groupes, c'est des batailles qui durent des années. Et ça a été fait, quand on a obtenu ces gains-là, avec des hommes et des femmes.

Au Parlement, il y a toujours eu une majorité d'hommes. Ça ne s'est pas fait exclusivement avec les femmes, c'était une majorité d'hommes qui était au Parlement, et qui reconnaissait ces discriminations, puis qui reconnaissait qu'il fallait agir puis qu'on ne pouvait pas tolérer ça. Puis ils ne sentaient pas qu'ils étaient violents puis qu'ils étaient coupables pour ça, c'est de reconnaître des réalités puis d'agir, tout comme, au ministère de la Santé, on doit reconnaître toute la question du suicide et qu'on doit intervenir, puis au niveau du décrochage scolaire, au niveau de l'éducation. C'est une reconnaissance des faits, puis il faut agir.

Le langage violent, il existe chez certains groupes, puis c'est une minorité, là aussi, je le dis. Ça fait partie d'une minorité. Ce n'est pas une majorité de groupes d'hommes qui interviennent, et qui souhaitent une véritable égalité, puis qui interviennent, et qui ont des propos qui sont des propos que la ministre Courchesne avait traités de propos masculinistes haineux, puis je suis d'accord avec son expression. Pour une fois, vous avez su rallier les deux formations politiques. Ha, ha, ha! Je suis d'accord avec ce qu'elle avait dit là-dessus, tout à fait. Ce n'est pas acceptable, et ce n'est pas ça qui fait avancer et qui fait réduire les écarts, et ce n'est pas ça non plus qui fait avancer une société québécoise plus harmonieuse.

n(17 h 30)n

Moi, je ne me sens pas, au Québec, vivre dans une guerre des sexes. Je me sens vivre dans un Québec qui fait des efforts, peu importent les gouvernements, qui fait des efforts pour s'assurer qu'on vive dans une société où il y a une égalité de fait. C'est ça qu'on a fait, gouvernements après gouvernements, là, qui se sont succédé, essayer d'avancer dans cette marche-là pour une égalité de fait, et c'est toute la société québécoise qui en a profité.

Avant la perception automatique des pensions alimentaires, c'était presque régulier effectivement que la garde des enfants était accordée aux femmes, puis 70 % de ces femmes-là n'avaient pas de pension alimentaire. Oui, il y a eu une loi pour mettre une perception automatique des pensions alimentaires, ce qui nous amène, aujourd'hui, à des chiffres très, très minimes, là ? il en reste encore ? un pourcentage qui ne paie pas de pension alimentaire, un pourcentage. Je n'ai pas vu les derniers, derniers chiffres, là, mais on était autour de 10 %, 12 % à peu près.

Et il y a eu de plus en plus de gardes partagées. Pourquoi il y a eu de plus en plus de gardes partagées? Pourquoi on a réclamé un congé parental et non seulement un congé de maternité? C'est les groupes féministes qui ont demandé un congé parental. Ils ont fait des alliances avec les syndicats, avec les différents groupes. Mais c'est parti de là pour une société plus juste et plus équitable. Puis le congé parental, il s'applique aux hommes, il s'applique aux femmes, et c'est très bien. Puis une politique familiale doit permettre justement ce partage des tâches là, c'est à la base du discours féministe. Et j'ai toujours dit: Chaque revendication qui a été demandée, ce n'était pas pour exclusivement les femmes, mais c'était pour une meilleure société, plus juste et plus égalitaire.

Alors, vous comprenez que je ne partage vraiment pas la présentation que vous nous avez faite, mais pour moi ça ne vient aucunement dire que tous les hommes du Québec ont la même vision que celle que vous présentez, absolument pas, au contraire. J'ai des exemples quotidiens du contraire. C'est une minorité d'hommes qui le voient dans une guerre des sexes, mais ce n'est pas une guerre des sexes. Et, quand je regarde les publicités, je vois surtout une hypersexualisation des petites filles, et c'est surtout ça que je vois présentement, donc un retour à un modèle que nous croyions qu'il avait disparu, mais je pense qu'il faut continuer. Et même, l'autre jour, je n'ai pas retenu le nom parce que, quand je suis arrivée sur le poste, son nom était déjà passé, mais c'est un psychologue, un homme, qui disait que toute cette question-là venait rétablir à nouveau un rapport dominant, et que ce n'était pas acceptable, et qu'il fallait agir.

Moi, je pense que, si on veut effectivement avancer, il faut reconnaître les faits. Nous reconnaissons que les hommes vivent des problèmes, il y a une réalité, puis c'est individuel aussi, ils peuvent vivre différents problèmes aussi, mais il y a des discriminations systémiques qui sont faites aux femmes et il faut travailler pour les enlever. Alors, moi, j'ai bien compris votre message, j'ai bien entendu, j'ai bien lu votre mémoire, nous connaissons bien les sites auxquels vous avez fait référence et je pense que votre point de vue a été entendu. Pour ma part, je n'ai pas d'autre question... je n'ai pas de question.

Le Président (M. Copeman): Je ne sais pas si M. Pageau désire réagir, mais je présume qu'il y a consentement à dépasser légèrement le temps prévu. Consentement? Avez-vous quelque chose à dire, M. Pageau?

M. Pageau (Yves): Bien, Mme Caron, vous dites que vous êtes d'accord qu'il y a des sites masculinistes haineux. Mme Courchesne ne les a pas nommés, elle n'a pas dit de quoi il s'agissait, elle a porté des accusations. En fait, elle n'a pas dit qu'ils étaient haineux, elle a dit qu'ils frisent carrément les propos haineux. Je ne sais pas c'est quoi, ça, puis elle n'a pas voulu dire de qui il s'agit. Mais vous, vous avez parlé à plusieurs reprises de propos haineux, de sites masculinistes sans jamais les nommer. Pouvez-vous les nommer? Ça m'intéresserait de savoir de qui on parle.

Mme Caron: Oh! monsieur, vous les connaissez très bien, puisque vous les fréquentez.

M. Pageau (Yves): Bien, on est en pleine inquisition, là, on parle de choses qu'on refuse de nommer puis on porte des accusations dont on refuse de porter la responsabilité. À la limite, là, c'est désagréable.

Mme Caron: Très sincèrement, M. Pageau, quand on compare le 6 décembre à... et qu'on compare les féministes au nazisme, c'est des propos haineux. C'était L'Après-rupture.

M. Pageau (Yves): Bon!

Mme Caron: Quand vous avez parlé tantôt, quand vous avez parlé tantôt d'une célébration, d'une fête du 6 décembre puis d'un fait divers, bien, pour moi, c'est des propos haineux.

M. Pageau (Yves): Bon! Je suis content qu'on ouvre le dialogue sur cette question-là. Le 6 décembre 1989... Là, je vais vous demander de faire une distinction entre la réalité médiate et la réalité immédiate. «Immédiate», ça veut dire que, le 6 décembre, ce qui est arrivé, c'est qu'il y a eu un... c'est un fait divers. La réalité médiate, c'est qu'on en a fait un événement religieux dans lequel le patriarcat aurait pris la possession du corps d'un homme puis aurait créé un événement d'une symbolique incroyable, aussi important que Jésus sur la croix. Ça, je n'embarque pas là-dedans. Moi, c'est ça... Ce qui s'est passé, si ce n'est pas un fait divers, est-ce que c'est un fait... Qu'est-ce que c'est?

Mme Caron: Ce n'est pas un fait divers, l'assassinat de 14 jeunes femmes avec une raison...

M. Pageau (Yves): Expliquez-moi ce que c'est.

Mme Caron: Ce n'est pas un fait divers. Vous avez le droit de penser ça, mais pour moi ce ne sera jamais un fait divers.

M. Pageau (Yves): Bien, qu'est-ce que c'est, alors, si ce n'est pas un fait divers? Je vous demande de me l'expliquer.

Mme Caron: Pour vous, c'est un fait divers?

M. Pageau (Yves): Et pour vous qu'est-ce que c'est?

Mme Caron: Oh! vous avez juste à reprendre tous les discours à chaque 6 décembre.

Le Président (M. Copeman): Bon.

M. Pageau (Yves): Voilà. On n'a plus rien à dire.

Le Président (M. Copeman): Très bien. Alors, merci, M. Pageau, d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Table de concertation pour la condition paternelle.

Je vous signale, chers collègues, que nous allons, à ce moment-ci, interrompre l'exécution de ce mandat. C'est-à-dire, est suspendue l'exécution de ce mandat. La consultation générale sur Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes est suspendue pour une période de temps indéfinie afin d'effectuer un autre mandat, et j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à demain, vendredi le 15 avril, à 10 heures, dans la salle de l'Assemblée nationale, afin d'effectuer un autre mandat. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 17 h 37)


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