(Neuf heures trente-quatre minutes)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales.
Auditions (suite)
Je vous rappelle notre mandat. Nous sommes toujours sur le même mandat, c'est-à-dire la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Politique du médicament.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, Mme Lefebvre (Laurier-Dorion) va être remplacée par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M. Copeman): Très bien. Je rappelle à mes collègues ainsi qu'à tous ceux qui sont ici présents dans la salle en si grand nombre que l'utilisation des téléphones cellulaires et appareils semblables... les appareils semblables sont défendus dans la salle pendant la séance de la commission.
Nous avons, sur l'ordre du jour, trois groupes ce matin. Nous allons commencer dans quelques instants avec l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, qui sera suivie par l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux, et nous allons terminer la matinée avec Génome Québec.
Association québécoise des
pharmaciens propriétaires (AQPP)
Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue à M. le président Bonin, de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires. Je sais... C'est peut-être votre deuxième...
M. Bonin (Normand): Deuxième fois.
Le Président (M. Copeman): Deuxième fois devant la commission, vous commencez à être un vétéran comme...
M. Bonin (Normand): Pas vraiment.
Le Président (M. Copeman): Mais ça s'en vient, M. Bonin. À ce rythme-là, à cette cadence-là, ce ne sera pas long. Je vous rappelle tout simplement nos règles de fonctionnement: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et c'est suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je vous prie de présenter, quoique ce n'est pas vraiment nécessaire mais pour les fins d'enregistrement, également les personnes qui vous accompagnent et, par la suite, d'enchaîner avec votre présentation.
M. Bonin (Normand): Merci. Normand Bonin, président de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires. Je suis accompagné de M. Normand Cadieux, directeur général, et de Mme Annick Mongeau, directrice des relations publiques.
M. le Président de la commission, Mmes, MM. membres de la commission, je tiens d'abord à vous remercier de nous donner à nouveau l'occasion d'échanger avec vous de vive voix sur un sujet de première importance, celui de l'évolution de notre système de santé. C'est toujours pour nous un privilège autant qu'un devoir de participer à la réflexion du législateur dans les domaines relatifs à la santé, et tout spécialement ceux qui touchent spécifiquement l'exercice de la profession de pharmacien. Je parle aujourd'hui au nom de tous les pharmaciens propriétaires du Québec. Nos membres détiennent 1 632 pharmacies arborant différentes bannières dans toutes les régions du Québec.
Les pharmaciens propriétaires jouent un rôle central dans le cheminement des Québécois vers une meilleure qualité de vie. Leur travail favorise une bonne utilisation des médicaments et aide notamment à prévenir les interactions néfastes entre différents médicaments. Il est certain qu'en tant que spécialistes du médicament ce projet de politique nous concerne très directement et nous préoccupe assurément. Il y a des points précis que nous voulons aborder, mais, avant d'entrer dans le détail de nos propositions, je commencerai par le commentaire suivant.
Le projet d'une nouvelle politique du médicament est à ce point important parce qu'il interpelle tous ceux qui ont un rôle à jouer. Au terme de la démarche, cette nouvelle politique sera déterminante dans l'utilisation, la consommation et le prix des médicaments. Cette première politique québécoise du médicament a la vertu de viser des bénéfices durables plutôt que des résultats immédiats et passagers. C'est une politique vivante, qui évoluera dans le temps, et c'est justement cette vision à long terme que nous partageons.
Avec la mise sur pied du régime général d'assurance médicaments, en 1997, la question du prix et de la croissance des coûts en médicaments a cessé d'être une question de spécialistes pour devenir un enjeu public. Contrairement à une impression répandue, nous ne sommes pas devant une récente explosion des coûts mais bien davantage un retour au rythme de croissance historique après une période d'adaptation, après l'entrée en vigueur du nouveau régime général d'assurance médicaments. Dans les faits, la croissance actuelle de la consommation de médicaments au Québec est conforme à la tendance observée depuis plus de 20 ans. La situation n'est pas moins préoccupante pour autant, mais il est important d'aborder les enjeux dans leur juste perspective. La politique proposée le fait.
La façon d'y arriver, c'est par une action concertée des différents professionnels de la santé. C'est par un décloisonnement des tâches et des missions et par une évolution vers une réelle interdisciplinarité. Le premier objectif vise à assumer une meilleure utilisation des médicaments. À cet égard, les pharmaciens sont prêts à participer pleinement à toutes les mesures et activités destinées à atteindre ces objectifs. Nous sommes heureux de voir que le gouvernement a retenu la proposition de projet de la révision de la médication à domicile. Nous assurons le gouvernement de notre pleine collaboration avec service Info-Médicaments. Nous participerons avec enthousiasme à toutes les campagnes de sensibilisation des citoyens que le gouvernement voudra bien mettre sur pied. Enfin, nous avons déjà assuré le gouvernement de notre collaboration au projet de circulation de l'information clinique entre les professionnels de la santé. Nous réitérons aujourd'hui cet appui.
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(9 h 40)
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Mais on pourrait aller encore plus loin, par exemple créer des conditions favorables à l'interdisciplinarité en matière de surveillance de la pharmacothérapie, qui est certainement une des clés importantes dans l'atteinte des objectifs vers une utilisation optimale des médicaments. Je pense à l'enseignement et au suivi des patients traités pour certaines maladies chroniques où l'observance au traitement est un enjeu critique. C'est le cas notamment pour les patients souffrant d'asthme, d'hypertension et de ceux qui doivent suivre un traitement d'anticoagulothérapie.
Dans sa politique, le gouvernement indique comme condition de réussite que la collaboration entre les professionnels de la santé passe par une nouvelle organisation du travail qui favorisera l'interdisciplinarité. Nous sommes parfaitement d'accord. D'ailleurs, je soulignerai aux membres de cette commission qu'en mai dernier, lors du symposium sur l'utilisation des médicaments, s'il y a une chose qui a été admise par tous, c'est que le pharmacien, de par son expertise et son engagement dans le milieu, faisait plus que jamais partie de la solution. Il faut toujours garder ça à l'esprit.
Toujours dans cet esprit d'une utilisation optimale du médicament, le gouvernement, avec raison, s'intéresse au Conseil du médicament, c'est un outil stratégique. L'idée de réunir autour d'une table les intervenants clés est excellente. Fabricants de médicaments, médecins et pharmaciens sont des acteurs de premier plan, et leur concours est essentiel pour la mise en oeuvre d'interventions concrètes et efficaces. L'AQPP est d'avis que la table de concertation devrait être nommée Conseil pour l'utilisation optimale des médicaments. Ce conseil devrait avoir le mandat de concevoir et de mettre en oeuvre des programmes visant à rapprocher les comportements des acteurs des objectifs visés par la politique. Initialement, cet organisme devrait présenter, dans un délai relativement court, un plan d'action sur les déterminants de l'utilisation des médicaments. Je dirais aussi qu'il faut viser moins de tracasseries administratives et plus de temps consacré aux personnes qui ont besoin de soins et de services. Il faut que la politique du médicament simplifie les choses au bénéfice des citoyens, et là-dessus nous ne pouvons pas rater la cible.
La proposition ministérielle 3, qui vise à assouplir davantage le processus administratif lié à la liste de médicaments, en est une illustration. L'objectif visé est louable, et nous sommes d'accord. Pour y arriver, le gouvernement envisage, entre autres, les validations administratives à partir des fichiers de la RAMQ. Prenons un cas courant. Un patient se présente avec une ordonnance de Symbicort, un médicament d'exception pour les difficultés respiratoires. Le pharmacien achemine la réclamation et obtient l'autorisation automatique mais seulement si la régie lui a déjà remboursé du Flovent, qui est un médicament de première ligne. Or, si ce dernier médicament n'a jamais été utilisé, la réclamation sera refusée. S'ensuivra une perte de temps pour le patient, pour le médecin et pour le pharmacien, et c'est précisément tout ce qu'on veut éviter. Pour que cela fonctionne, il faut deux choses. Premièrement, il faut que le prescripteur inscrive l'intention thérapeutique sur l'ordonnance. Deuxièmement, dans le cas de médicaments d'exception, qui sont généralement des médicaments de deuxième ligne, il faut que le pharmacien ait le droit d'effectuer la substitution en faveur d'un médicament de première ligne dans certaines circonstances bien définies.
Permettez-moi maintenant d'aborder la question des pratiques commerciales des fabricants. Comme vous le savez sans doute, en matière de pratiques commerciales, les stratégies des fabricants sont radicalement différentes selon qu'il s'agit de l'industrie novatrice ou de l'industrie générique. La mise en marché de l'industrie novatrice vise essentiellement les médecins en leur faisant valoir les avantages thérapeutiques de telle ou telle molécule. Cette approche de mise en marché fait la promotion d'une stratégie thérapeutique pour un certain nombre de situations. Ces pratiques sont déjà encadrées dans la mesure où les fabricants ne peuvent faire d'affirmations qui ne soient pas supportées par des études cliniques.
La proposition ministérielle 26 suggère d'établir des règles claires pour encadrer ces pratiques mais ne propose pas de les interdire. D'ailleurs, bien encadrées, les pratiques commerciales des fabricants de médicaments novateurs demeureront une source d'information pour les prescripteurs. À cet égard, nous endossons le gouvernement dans sa volonté que la promotion des médicaments aux médecins par les compagnies se fasse en respect des critères d'utilisation optimale des médicaments.
La mise en marché de l'industrie générique, pour sa part, s'adresse aux pharmaciens. Elle ne cherche qu'à influencer le choix d'une marque parmi un ensemble de produits identiques entre eux. La seule stratégie viable est d'offrir des incitatifs financiers aux pharmaciens en fonction du volume acheté chez un fabricant donné. C'est pourquoi partout ailleurs, au Canada, aux États-Unis et en Europe, la stratégie de base des fabricants de médicaments génériques consiste à accorder des escomptes de volume aux pharmacies. Comme le pharmacien ne génère pas de prescriptions, la politique des fabricants n'a aucun impact sur sa pratique professionnelle. Elle l'incite simplement à regrouper ses achats chez un nombre limité de fabricants. J'insiste là-dessus, elle n'a aucun impact sur la nature, la fréquence ou la qualité de nos services professionnels, de même qu'elle n'influence d'aucune façon notre jugement professionnel.
Les escomptes de volume offerts par les fabricants constituent une incitation efficace pour le pharmacien à stocker des génériques en quantité suffisante et à en faire la promotion auprès des patients. À ma connaissance, le Québec est le seul endroit au monde où les fabricants sont dans les faits empêchés d'offrir de telles escomptes, alors que les pharmaciens ont le droit de proposer la substitution générique. Cette particularité a suscité le développement de méthodes de contournement qui ont mené à une controverse très médiatisée mais qui passe complètement à côté des enjeux véritables. La question des pratiques commerciales des fabricants de médicaments génériques demande une approche lucide, centrée sur des objectifs d'efficacité et de transparence. La situation actuelle n'est ni efficace ni transparente.
Nous avons d'ailleurs dénoncé le système actuel dès 1999 en le qualifiant d'inéquitable, inutile et contraire aux objectifs de contrôle de coûts du gouvernement. L'AQPP a déjà proposé au gouvernement d'établir une politique de fixation des prix des médicaments génériques. Nous sommes heureux de voir que le gouvernement va dans ce sens. Nous laissons à son bon jugement la détermination du prix payé.
Le gouvernement propose ensuite de fixer aussi le prix payé par les pharmaciens aux compagnies fournisseurs de médicaments génériques et il impose au pharmacien de retourner au gouvernement tout rabais qu'il aurait pu obtenir en lui retirant du même coup le droit d'utiliser son pouvoir d'achat comme outil de négociation. L'exercice de la pharmacie comporte une fonction de gestion des approvisionnements. À ce titre, il est soumis à des impératifs commerciaux. Je vous soumets respectueusement qu'il faut mieux utiliser ces impératifs, à l'avantage de tous, plutôt que de nier la réalité.
Sur le plan déontologique, les pratiques commerciales visant les pharmaciens n'ont jamais porté quelque préjudice que ce soit aux patients. Jamais la qualité des soins et des services n'a été en cause ni le jugement professionnel des pharmaciens. Néanmoins, je dis haut et fort que les pharmaciens du Québec adhèrent aux plus hauts standards en matière d'éthique professionnelle. Cependant, si on persiste à nier ou dénaturer la relation commerciale du pharmacien avec son fournisseur, on crée le terreau le plus fertile qui soit à des stratégies de promotion discutables. Par ailleurs, on crée un repoussoir permanent aux médicaments génériques parce que les pharmaciens n'auront plus d'incitatif à favoriser le médicament générique et ainsi contribuer à réduire les coûts du régime, avec comme résultat de torpiller un des objectifs de la politique du médicament.
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(9 h 50)
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Voici ce que nous proposons. Le gouvernement doit fixer le prix du médicament générique. Ensuite, il doit laisser la relation d'affaires entre le pharmacien et son fournisseur de produits génériques prendre sa place en balisant clairement les règles, c'est-à-dire d'autoriser la conclusion de rabais facture et d'interdire formellement toute autre forme d'avantages personnels. Ces rabais apparaîtront sur les registres de transaction et seront traités selon les lois fiscales en vigueur. Cette façon de faire est transparente, éthiquement irréprochable et cohérente avec la dimension commerciale du travail du pharmacien propriétaire. En contrepartie, nous nous engageons à modifier l'entente entre l'AQPP et le ministre de la Santé pour y responsabiliser le pharmacien quant au respect des règles de rabais sur facture. Autrement, si les pharmaciens sont soumis à un système de prix réel d'acquisition, ils n'auront plus d'incitatif à acheter rationnellement ni à faire la promotion du médicament générique.
Rappelons par ailleurs que les pharmaciens propriétaires doivent, année après année, réinvestir de façon importante dans leurs pharmacies. Par exemple, s'il est aujourd'hui permis de discuter de l'informatisation du dossier-patient, c'est parce que les pharmaciens ont pu réinvestir dans leurs entreprises et développer une infrastructure technologique dont tous bénéficient aujourd'hui. De plus, les pharmaciens sont les professionnels de la santé les plus accessibles. Ils sont disponibles les soirs, les week-ends, sans rendez-vous ni file d'attente. Les pharmaciens sont des intervenants de première ligne et offrent des services dont les standards de qualité sont enviés et qui contribuent à assurer la continuité des soins avec le réseau public. Cette qualité de service nécessite, elle aussi, des investissements adéquats.
Mmes, MM. membres de la commission, vous avez entre les mains un projet de politique du médicament qui contribuera de manière significative à une évolution vers une utilisation optimale au Québec. Cette politique ambitieuse mais réaliste, elle comporte toutefois un écueil majeur relativement aux pratiques commerciales des fabricants de médicaments génériques à l'endroit des pharmaciens. C'est pourquoi, en cette matière, nous proposons une approche alternative qui est selon nous plus réaliste, plus efficace et plus transparente. Hormis cette pierre d'achoppement, les pharmaciens seront heureux de contribuer à la mise en oeuvre de la politique du médicament, qui est dans l'intérêt de notre système de santé et de tous les Québécois. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Bonin. Alors, afin de débuter l'échange, je cède la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Bonin, M. Cadieux et Mme Mongeau. C'est toujours intéressant de vous recevoir à la commission, et évidemment les questions que vous avez abordées lors de votre présentation verbale sont les questions, je suppose, les plus importantes pour les membres que vous représentez parce qu'elles reflètent leur réalité, là, quotidienne. Et donc cette question du prix réel d'acquisition, je crois, est votre accroc principal par rapport à la politique qui est devant nous, actuellement.
Vous avez expliqué pourquoi à votre avis cette pratique du prix réel d'acquisition n'est pas possible sur le plan des opérations commerciales des pharmacies. Cependant, vous avez également fait la distinction entre deux types de mécanismes de mise en marché de la part des fabricants de génériques, d'une part ce que vous appelez les rabais volume ou les rabais sur facture qui vous permettent, dites-vous, de stocker une grande quantité de génériques pour en faire la promotion éventuellement, lors des recommandations de substitution, et vous demandez également la transmission de l'intention thérapeutique pour pouvoir faire cette substitution. Est-ce que vous ne pensez pas que, de ce côté-là, on crée, sinon la réalité, mais au moins l'apparence d'un conflit d'intérêts?
M. Bonin (Normand): Bon, premièrement, je vais répondre à votre question sur la question de l'intention thérapeutique. En fait, l'intention thérapeutique, ce que nous voulons et ce que nous entendons par intention thérapeutique, et ce qui me semble très clair, c'est: l'intention thérapeutique égale effet recherché. Alors, pour nous, les pharmaciens, il n'est pas du tout question, quand on parle d'avoir l'intention thérapeutique, de penser à substituer ou modifier le médicament. Ce qu'on veut avec l'intention thérapeutique, c'est d'être capables de faire correctement notre travail.
Je vais vous donner un exemple. Je vais vous donner l'exemple d'un bêtabloquant, le Propranolol, qui peut être soit prescrit dans des cas d'arythmie ou pour prévenir les migraines. Je vous dirais que, quand je reçois une ordonnance semblable à la pharmacie, et que je parle avec mon patient, puis que je connais le patient depuis un certain temps, puis je lui dis: Oupelaïe! c'est nouveau, on a un problème cardiaque, puis qu'il me regarde, puis qu'il dit: Non, non, ce n'est pas pour ça que je suis allé voir le médecin, moi, là, là, j'ai des migraines, si ça avait été inscrit, l'intention thérapeutique, ce ne serait pas arrivé. Il y a une possibilité, à ce moment-là, de bris de confiance dans la relation soit entre le patient et le pharmacien ou le patient et le médecin parce que le patient, suite à l'information que je lui donne, il n'est pas nécessairement certain, là, qu'il a le bon médicament. Alors, ce qu'on veut, ce qu'on recherche, c'est ça, c'est de connaître l'effet visé.
Je vous dirais qu'en plus l'intention thérapeutique, elle ne servira pas uniquement au pharmacien, elle pourrait servir très facilement au médecin à l'urgence qui aura, avec le projet de loi n° 83, la possibilité d'avoir accès au profil pharmacologique du patient. À ce moment-là, ce sera marqué aussi, l'intention visée par le médicament. La même situation pourrait se présenter lors d'une visite médicale d'urgence dans une clinique. Le médecin aura accès au profil et aussi à l'intention thérapeutique visée par le médicament en question. Mais jamais il n'a été question pour nous de penser modifier la médication, jamais.
M. Cadieux (Normand): Peut-être, M. Couillard, pour compléter la réponse de notre président, la substitution thérapeutique qu'on propose, là, on le propose dans un seul cas, c'est dans le cas des médicaments d'exception où le médicament prescrit est un médicament de deuxième ligne qui ne serait pas approuvé. À ce moment-là, il faudrait recommuniquer, comme dans l'exemple que M. Bonin donnait plus tôt, il faudrait recommuniquer avec le médecin pour obtenir sa permission de prescrire le médicament de première ligne. Alors, c'est la seule circonstance où, nous, on aborde la question d'une substitution thérapeutique. En d'autres temps, d'aucune façon, là, l'intention thérapeutique ne vise à porter un jugement sur l'ordonnance du médecin ou à la modifier de quelque façon que ce soit. Et, dans ce contexte-là, évidemment je pense que ça répond à la question, là, de la possibilité d'un conflit d'intérêts, là. Il n'est pas question de substituer en faveur d'un médicament générique pour lequel le pharmacien aurait reçu un rabais, d'aucune façon.
M. Couillard: Effectivement, si c'est basé sur uniquement les médicaments d'exception, ce que vous recommandez, il faut dire que les médicaments d'exception sont très rarement, sinon jamais, des médicaments génériques. Il s'agit, dans la grande majorité des cas, de médicaments brevetés. Mais vous considérez donc que cette question des rabais volume est essentielle pour l'opération normale des pharmacies?
M. Bonin (Normand): Oui, c'est essentiel. Écoutez, il est clair que, pour opérer une pharmacie, on a absolument besoin d'une marge de manoeuvre et d'une certaine profitabilité. Et règle générale, comme je l'ai mentionné tantôt, l'industrie générique fait affaire directement avec les pharmaciens. Ces gens-là ont tous des produits qui sont identiques, de même couleur, le même effet, tout. Alors, ces gens-là doivent être capables de faire le marketing de leurs produits. Et je vous dirais qu'une des seules façons de le faire ? ce serait à mon avis la plus transparente ? ce serait de le faire avec un rabais volume et...
Mme Mongeau (Annick): Et je peux peut-être me permettre d'ajouter: les pharmaciens généralement, aux six ans, doivent renouveler leur laboratoire, donc ils vont faire des investissements pour moderniser l'équipement dans le laboratoire, automatiser, investir dans la construction de salles de consultation pour faire des suivis plus rigoureux avec les patients, pour faire du conseil, pour faire de l'enseignement. Alors, ces investissements-là sont pris à même les profits qui sont générés par la pharmacie. Ça permet aux pharmaciens aussi d'avoir des heures d'ouverture qui sont allongées, de pouvoir offrir des services le soir, les week-ends et de pouvoir aussi ajouter des pharmaciens au laboratoire pour développer des nouveaux actes qui sont permis dans la n° 90 et ainsi assurer une meilleure continuité des soins. Alors, tout ça requiert un certain nombre d'investissements.
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(10 heures)
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M. Couillard: Mais entendons-nous bien, M. le Président, je pense qu'il n'y a personne, là, autour de la table qui s'objecte à ce que les pharmacies, qui sont des entreprises, fassent des profits, là. Ce n'est pas de ça qu'il est question. Ce qu'on veut cependant, c'est que tout soit bien transparent et que ce qui est éventuellement transféré au contribuable ou à l'utilisateur du régime ne soit uniquement que des pratiques acceptées et acceptables sur le plan éthique et qui ne donnent même pas l'apparence d'un conflit d'intérêts. Je pense que là-dessus on a un intérêt commun à ce que les choses soient mieux encadrées.
Pour ce qui est des échantillons, vous suggérez que leur distribution soit encadrée en les distribuant par l'intermédiaire des pharmacies. Pourriez-vous donner un peu plus de détails là-dessus? Parce qu'on comprend que ça pourrait se traduire, par exemple, par une visite à la pharmacie pour un médicament qui ne lui coûterait rien, sous forme d'échantillon, et, pour la visite suivante, pour le même médicament, il aurait à payer donc la contribution. C'est une façon de fidéliser la clientèle? Comment est-ce que vous voyez ça?
M. Bonin (Normand): Bon, en fait, c'est déjà utilisé dans certains cas pour certains produits. Ce qui est visé, c'est que l'échantillonnage à notre avis devrait se faire chez le pharmacien parce qu'aussitôt qu'on remplit une ordonnance le médicament est inscrit au dossier du patient. Alors, il va le suivre constamment, et ce qui n'est pas le cas nécessairement quand l'échantillon est remis par le médecin. Le patient, des fois, peut partir avec une semaine, deux semaines, trois semaines de traitement, et je vous dirais que, si le patient vient à la pharmacie pour renouveler ses ordonnances, moi, je ne suis pas en mesure de savoir ce que le patient a entre les mains. Et, à ce moment-là, il pourrait être possible que, quand je fais l'étude de son dossier, si j'avais su qu'il utilisait ce nouveau produit, qu'il y avait interaction, j'aurais pu l'avertir.
Ce que nous recommandons, c'est ce qui est déjà pratiqué par certaines compagnies. C'est que l'échantillonnage soit fait en pharmacie, que le médecin remette une carte au patient. Le patient se présente à la pharmacie avec une ordonnance. La carte, c'est comme une carte d'assurance. C'est cette carte-là qui va défrayer le coût de l'échantillon. En fait, c'est la compagnie pharmaceutique qui défraie les coûts autant du médicament que des honoraires professionnels. Et, comme je vous l'ai mentionné tantôt, ce que ça va permettre, c'est qu'à tout le moins ces produits-là, ces médicaments-là vont être inscrits au dossier du patient, et il va le suivre partout. Alors, avec ce qui s'en vient avec la communication pour l'ensemble des professionnels de la santé, tout le monde va être au courant vraiment de ce que le patient prend, ce qui n'est pas nécessairement le cas aujourd'hui.
M. Cadieux (Normand): Je pense que, peut-être pour compléter cette réponse-là, là, finalement cette forme d'échantillonnage là est en quelque sorte une façon d'initier une thérapie, c'est une pharmacothérapie initiale. Ça permet d'essayer le médicament, de voir comment le patient répond, de l'inscrire au dossier du patient et évidemment sans coût pour le système non plus plutôt que le régime, là, d'échantillonnage qui se fait actuellement où personne n'a l'information. Alors donc, c'est une pharmaco initiale. C'est bénéfique pour le patient, c'est sans coût pour le patient puis c'est sans coût pour le régime aussi. Alors donc, il y a des avantages à le faire sous cette forme-là.
M. Couillard: Pourquoi ? à moins que je comprenne mal ? pourquoi êtes-vous opposés à la création d'un fonds spécifique pour la formation continue?
M. Bonin (Normand): Non, c'est... Bon, ce qu'on dit, c'est: Comme il est mentionné dans notre mémoire, ce qu'on veut se garantir, c'est l'indépendance de l'éducation continue. Et les questions qu'on se posait, c'est: D'où vont venir les fonds? Et je pense que, si les fonds devaient venir de l'industrie pharmaceutique, il y aurait possibilité de conflit d'intérêts. Alors, c'est dans ce sens-là que nous sommes un peu contre l'idée d'un fonds spécial sur...
M. Cadieux (Normand): Je pense aussi qu'au niveau de la formation d'un fonds une des préoccupations qu'on a est à l'effet que, bon, pour accéder à ces fonds-là, pour organiser des activités de formation continue, ça exige, là, souvent des tracasseries administratives, et c'est ça qui nous inquiète plus que d'autre chose, là, l'accès à ces fonds-là pour organiser l'éducation continue de façon à répondre aux besoins dans le temps des pharmaciens. Alors, c'est plus, là, toute la complexité administrative qui pourrait entourer un fonds, là, qui est de nature à nous préoccuper.
M. Couillard: Bien, il est certainement possible d'imaginer un système dans lequel, par exemple, l'industrie contribuerait financièrement tout en étant conservée à distance de la gestion du fonds d'éducation continue, tant pour son attribution de subventions que pour les programmes, que pour le soutien des conférenciers. Je pense que c'est ça qui est visé, là. Ce qu'on ne veut pas avoir, c'est des participations directes de l'industrie dans les activités elles-mêmes en ce qui a trait aux programmes, au choix et au soutien des conférenciers. D'ailleurs, il y a déjà des codes d'éthique qui sont en action entre Rx & D, par exemple, et l'Association médicale canadienne, le Collègue des médecins qui vont dans ce sens-là. Donc, vous ne pensez pas qu'il est possible d'imaginer une structure pour que le financement de l'industrie soit quand même possible mais sans créer justement le conflit d'intérêts auquel vous faites allusion?
M. Cadieux (Normand): Je pense que la participation de l'industrie à l'éducation continue n'est pas remise en question et je pense que, sans la participation de l'industrie à cette formation-là, il s'en ferait peut-être beaucoup moins qu'il s'en fait actuellement. Alors, elle est nécessaire, la participation de l'industrie, mais vous avez tout à fait raison de dire qu'elle doit être encadrée. Et je pense que ce qui pourrait se faire du côté des pharmaciens, plutôt que de travailler avec un fonds, c'est de travailler sur le même modèle que celui qui a été mis en place entre les entreprises novatrices, le groupe... l'association Rx & D et le Collège des médecins. Alors, la même chose pourrait se faire du côté des pharmaciens pour bien baliser l'implication de l'industrie et s'assurer que l'éducation continue qui est offerte aux pharmaciens est basée non pas sur des intérêts commerciaux, mais bien sur des données scientifiques probantes. Alors, vous avez tout à fait raison, mais je pense que ça peut... on peut atteindre le même objectif par un mécanisme qui est beaucoup moins lourd et qui pourrait être piloté par l'ordre professionnel.
M. Couillard: Je ne sais pas si vous avez suivi les conversations d'hier avec les optométristes, qui sont venus. Je ne sais pas si un d'entre vous ou une d'entre vous était là pour écouter les débats, mais il a été question des journées santé organisées par les pharmacies. Et de façon assez critique, je dois le dire ? vous pourrez revoir les commentaires, et c'est contenu dans leur mémoire ? bien ils semblaient indiquer que ces journées santé souvent avaient des côtés plus ou moins éthiques en ce qui a trait aux pratiques commerciales et aux techniques de marketing. Qu'est-ce que vous en pensez? Parce que c'est vos pharmacies qui souvent... toujours en fait organisent ces journées.
M. Cadieux (Normand): Ce qu'on pense de ça, là, c'est qu'on appuie la recommandation que vous faites dans le mémoire de les encadrer, ces activités-là, de les évaluer, de les réviser et de les encadrer. Je pense que ça doit être fait. Et ce n'est pas pour rien que vous l'avez reconnu, que vous l'avez identifié. Alors, nous, on est d'accord avec cette approche-là.
M. Couillard: Merci.
Le Président (M. Copeman): M. Bonin, avez-vous une idée, soit dans votre pratique professionnelle à vous-même ou parmi vos membres, de la fréquence avec laquelle le pharmacien va substituer le médecin générique rendu devant le patient? Est-ce que c'est très fréquent?
M. Bonin (Normand): Je pense, si mes souvenirs sont bons, là, c'est dans 50 % des cas qu'on a la possibilité de substituer pour un générique.
Le Président (M. Copeman): O.K. Quand vous dites «substituer», ça veut dire que le prescripteur vous permet de le faire. Mais, moi... Est-ce que c'est fait dans 50 % des cas où il est permis ou est-ce que c'est 50 %...
M. Bonin (Normand): Non, ce n'est pas fait dans 50 % des cas, par exemple, là. Je disais qu'on a, 50 % des fois, la possibilité de le faire, mais ce n'est pas fait constamment, non.
Le Président (M. Copeman): O.K. Qu'est-ce qui motive... ou qu'est-ce qui explique que le pharmacien ne va pas nécessairement proposer le générique au patient?
M. Bonin (Normand): Je dirais, premièrement, au Québec, il semble culturel que les gens semblent être très attachés à l'original. Alors, déjà là, il y a une difficulté à faire la substitution. Si on compare le pourcentage de substitution qui se fait au Québec par rapport aux autres provinces, il est bien clair que, dans les autres provinces, ils sont obligés de substituer tandis qu'au Québec c'est que nous avons la possibilité de substituer. Alors, c'est ce qui fait qu'il y a un écart. Mais, comme je vous dis, les gens semblent quand même encore très attachés à la compagnie, la marque originale.
Mme Mongeau (Annick): Si je peux me permettre, il y a encore aussi au Québec, je vous dirais, une... les gens pensent encore que les médicaments génériques sont de moindre qualité, alors que c'est complètement faux. Ces médicaments-là sont rigoureusement identiques et permettent en fait d'économiser des coûts. Alors, il y a peut-être un travail d'éducation à faire auprès de la population pour les sensibiliser à cette réalité-là. Il y a aussi cet élément-là, je crois, qui joue dans la balance.
Le Président (M. Copeman): Vous dites dans votre mémoire, en ce qui concerne les pratiques des fabricants, que «par ailleurs, les politiques commerciales des fabricants de médicaments génériques ont constitué un incitatif à effectuer la substitution générique, ce qui a également entraîné des économies pour l'État et les assurés». Vous faites le lien un peu entre les pratiques des fabricants et l'incitatif que vous avez à offrir le générique. Puis même, dans votre présentation, vous êtes allés un peu plus loin, si j'ai bien compris, si j'ai bien écouté, et vous avez dit: C'est que, si ces pratiques des fabricants n'existaient plus, le pharmacien n'aurait aucun incitatif à proposer les substituts génériques. Je pense que vous avez dit: Aucun. C'est un peu plus fort que votre mémoire où vous dites: C'est un des éléments. Mais il me semble en tout cas qu'il y aura un autre incitatif: pour le patient. C'est-à-dire, la vaste majorité des patients font une contribution, que ce soit la franchise ou la coassurance, alors, l'avantage pour le patient, c'est qu'il ou elle va payer moins cher. Est-ce que ce n'est pas un incitatif suffisant pour vous de proposer la substitution?
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(10 h 10)
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M. Bonin (Normand): Je vous dirais que, point de vue patient, c'est clair qu'il peut y avoir un intérêt. Mais je vous dirais que, quand on regarde le prix puis les différences de prix pour l'instant avec les médicaments génériques et la plupart des médicaments originaux, l'écart n'est pas effrayant, là. Il n'y a pas d'économie à réaliser de façon effrayante de ce côté-là. Mais je vous dirais que, pour les pharmaciens propriétaires, il y a un enjeu majeur, c'est réel.
M. Cadieux (Normand): Pour compléter peut-être cette réponse-là, il faut comprendre que la substitution générique n'est pas obligatoire au Québec. Le pharmacien peut proposer à son patient une substitution générique. Il y a des patients qui la refusent, hein, qui sont inquiets pour toutes sortes de raisons. Alors, pour en faire davantage, le pharmacien doit faire de l'éducation, il doit expliquer à son patient. Ça prend un certain temps. Donc, ce qu'on dit, là, c'est qu'il y a un travail à faire de ce côté-là. Le patient n'est pas obligé de l'accepter, cette substitution-là, donc il y a de l'éducation à faire.
Et ce qu'on dit aussi, c'est que, sans les incitatifs, d'abord le pharmacien n'a pas d'intérêt à tenir un double inventaire, le produit original et son équivalent générique, d'une part, et, d'autre part, il n'a pas intérêt non plus nécessairement à consacrer cinq, 10, 15 minutes à convaincre le patient que c'est à son avantage. C'est clair qu'au niveau du prix les patients comprennent ça très, très vite, mais il y a toujours un doute dans leur esprit quant à la réelle équivalence de ces produits-là ou à la qualité de ces produits-là. Alors, il y a de l'éducation à faire à ce niveau-là.
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. Bonin, M. Cadieux, Mme Mongeau, bienvenue de la part de l'opposition officielle. J'aimerais poursuivre l'échange sur cette question. Dans votre mémoire, à la page 3, vous insistez... c'est-à-dire pas à la page 3, mais dans le sommaire, en fait. Mais, dans le mémoire, vous insistez sur la nécessité d'obtenir l'intention thérapeutique, en fait qu'elle soit transmise au pharmacien. Alors, est-ce qu'une des raisons pour lesquelles il y a moins de substitution présentement, c'est que le pharmacien ne veut pas risquer de substituer sans connaître l'intention thérapeutique?
M. Bonin (Normand): Non, ça n'a absolument aucun lien. Il n'y a pas... le fait de ne pas substituer n'a aucun rapport avec l'intention thérapeutique.
Mme Harel: Le pharmacien ne se pose pas la question à l'égard d'un patient actuellement qui vient... Parce qu'il peut le faire. Vous m'avez dit tantôt, vous disiez qu'il pouvait le faire, il pouvait donc substituer un médicament générique. Il ne se pose pas la question présentement: Sans connaître l'intention thérapeutique, est-ce que ce médicament générique pourrait avoir des effets secondaires non désirables?
M. Bonin (Normand): Non. Pour l'instant, la loi canadienne fait en sorte que les médicaments génériques sont identiques aux médicaments originaux. Alors, quelle que soit l'intention thérapeutique visée, ça n'a aucun effet sur l'efficacité du médicament, là, qu'il soit générique ou original.
M. Cadieux (Normand): Oui. Je crois qu'on confond peut-être deux choses, là, Mme Harel, on confond peut-être la substitution générique et la substitution thérapeutique. Il est clair que la question que vous soulevez, par rapport à la question thérapeutique, se poserait, mais elle ne se pose pas par rapport à la substitution générique.
Mme Harel: Est-ce qu'on comprend que la substitution thérapeutique que vous souhaitez voir autorisée au pharmacien, c'est une substitution thérapeutique sur des médicaments d'exception uniquement?
M. Bonin (Normand): Oui.
Mme Harel: Uniquement des médicaments d'exception?
M. Bonin (Normand): C'est clair dans notre mémoire et dans ma présentation. Quand on parle de substitution thérapeutique, c'est uniquement dans le cas de médicaments d'exception. Quand il y a un médicament de première ligne et un médicament de deuxième ligne qui feraient en sorte que le médicament pourrait être refusé... le remboursement pourrait être refusé par la régie de l'assurance médicaments. Alors, ce qu'on veut éviter dans ces cas-là, c'est toute la tracasserie autant pour le patient, le pharmacien et le médecin, de pouvoir substituer automatiquement pour un médicament de première ligne.
Mme Harel: Mais est-ce qu'il ne peut pas, à ce moment-là, y avoir apparence de substitution pour un médicament pour lequel il y aurait eu un rabais ou un escompte de volume?
M. Cadieux (Normand): Écoutez, non, parce que, comme M. Couillard le soulignait tout à l'heure, dans la plupart des cas, les médicaments d'exception sont rarement des médicaments génériques. Et, si c'était le cas ? si c'était le cas, je dis bien ? et que le médicament de première ligne était un médicament qui a un équivalent générique, que le pharmacien distribue à son patient le médicament de marque ou le médicament de générique, il n'y a aucun conflit d'intérêts là-dedans, il n'y a aucune implication déontologique parce qu'à ce moment-là il y a un avantage pour le patient, comme on le soulignait tout à l'heure, au niveau des coûts, il y a un avantage pour le régime, et le patient reçoit exactement la même médication mais d'un fabricant différent.
Mme Harel: Pour lequel il y aurait eu, à ce moment-là, un rabais volume, c'est ça?
M. Cadieux (Normand): Pour lequel il pourrait y avoir eu un rabais volume.
Mme Harel: Vous parliez tantôt, M. Bonin, de profitabilité. Est-ce qu'à votre connaissance il y a des pharmacies qui ont fermé, faute de profitabilité, soit des pharmacies, là... le pourcentage de celles qui auraient fait faillite ou qui auraient dû fermer, faute de profitabilité, disons, dans le courant des dernières années.
M. Bonin (Normand): Je vous dirais, j'imagine qu'il y en a eu, mais je ne pense pas que ce soit un phénomène très, très grand, là, pour l'instant, là. Je vous dirais qu'il est clair que la marge bénéficiaire, année après année, diminue constamment. Je vous dirais qu'à une certaine époque la marge bénéficiaire était aux alentours de 30 %, et, en 2004, on est rendus aux alentours de 22 %.
Mme Harel: Ça, ce sont les marges bénéficiaires déclarées. Le syndic de l'ordre évaluait, je crois, à 200 millions environ, pour les années 2000, 2001, 2002, à ma connaissance, l'ensemble des... Où est-ce que j'avais ça, ici, là? ...évaluait à 200 millions...
M. Bonin (Normand): C'est un extrait d'un article dans un journal, là. Si mes souvenirs sont bons, c'est La Presse.
Mme Harel: Les ristournes...
M. Bonin (Normand): C'est La Presse qui...
Mme Harel: ...? c'est ça ? ristournes ou avantages lors de l'achat de médicaments génériques, qu'il évaluait environ à 200 millions pour les années 2000, 2001, 2002.
M. Bonin (Normand): Oui. Bien, il...
Mme Harel: Est-ce que ça fait partie du 22 % de marge de profit... bénéficiaire?
M. Cadieux (Normand): Oui.
M. Bonin (Normand): Oui.
Mme Mongeau (Annick): Oui.
Mme Harel: Oui. Est-ce que c'est inclus?
M. Bonin (Normand): Oui.
Mme Mongeau (Annick): Oui.
Mme Harel: C'est inclus. Mais ce n'est pas...
M. Bonin (Normand): Oui, c'est inclus. Mais j'aimerais revenir quand même sur le 200 millions, Mme Harel.
Mme Harel: Mais ça ne fait pas partie du revenu imposable?
M. Bonin (Normand): Pardon?
Mme Harel: C'est déclaré dans le revenu imposable?
M. Bonin (Normand): Ça, pour l'instant, c'est une question qui est étudiée par le ministère du Revenu, oui.
Mme Harel: D'accord. Vous alliez dire autre chose?
M. Bonin (Normand): Non. Je voulais mentionner tantôt que le 200 millions, c'est... Le syndic, à cette époque-là, s'est servi d'un chiffre qui avait été mentionné dans La Presse, et je vous dirais qu'on est encore, après deux ans, à se questionner à quelle place qu'il a pu prendre son chiffre de 200 millions. Je pense que, pour l'instant, la RAMQ, c'est public, a des réclamations pour à peu près 40 millions. Alors, d'où vient son 200 millions? Je pense que les chiffres ont été très exagérés, très exagérés.
Mme Harel: Ils sont de quel ordre, selon vous?
M. Bonin (Normand): Je vous dirais que je l'ignore complètement, là. Je n'ai aucune idée. Mais 200 millions, c'est beaucoup.
Mme Harel: Vous préconisez également, dans le mémoire que vous présentez, des modifications pour simplifier la gestion des paramètres financiers du programme: prime, franchise, coassurance, plafond. Vous proposez de supprimer la franchise et de garder un seul taux de coassurance en faisant varier la prime et le plafond. J'aimerais ça vous entendre là-dessus pour voir quel impact ça a, notamment sur les personnes à très faibles revenus.
M. Bonin (Normand): Si vous permettez, je vais demander à M. Cadieux de répondre. C'est très technique comme question, là.
M. Cadieux (Normand): Alors, c'est une recommandation, Mme Harel, pour répondre à votre question, qu'on a faite à plusieurs reprises. On l'a faite au moment où le régime d'assurance médicaments a été mis en place. On a réitéré cette suggestion-là, cette recommandation-là au moment où la loi n° 98, là, qui venait réviser le régime, a été faite. Et la raison pour laquelle on fait cette recommandation-là, c'est qu'encore aujourd'hui, après plusieurs années d'existence du régime, je vous dirais que, quand les Québécois viennent en pharmacie puis les assurés du régime public viennent en pharmacie, ils ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas le régime. Ils ne comprennent pas les contributions. Et on pense que ce serait une façon de le simplifier et d'aider la compréhension de la population, tout simplement. C'est la raison pour laquelle on fait cette suggestion-là, et on l'a répétée à plusieurs reprises.
Mme Harel: Avez-vous fait des projections qui pourraient être disponibles pour appliquer un modèle comme celui que vous suggérez?
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(10 h 20)
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M. Cadieux (Normand): Non, on n'a fait aucune analyse là-dessus, mais il est évident que, nous, on ne suggère pas nécessairement d'abolir simplement, par exemple, la franchise sans faire d'autres ajustements ailleurs. Je pense que le gouvernement a une préoccupation sur le plan financier, et il doit être capable de gérer des budgets, lui aussi. Alors, c'est sûr que, si on abolit la franchise, ce qu'on suggère, c'est d'ajuster peut-être d'autres paramètres du régime. Mais, plutôt que d'en faire varier plusieurs, c'est d'en faire varier un qui pourrait être la prime, qui pourrait aussi être la contribution maximale payée par les citoyens.
Bon, maintenant, vous soulevez la question de la capacité de payer des gens, et je pense que c'est un point très pertinent. Et là c'est le rôle de l'État comme assistance, parce qu'il faut réaliser que notre régime général d'assurance médicaments joue plusieurs rôles, hein? Il a un rôle d'assistance, et c'est là où l'État doit intervenir pour établir la contribution des citoyens. Il a un rôle d'assurance aussi. Les adhérents au régime traitent avec la Régie de l'assurance maladie comme si elle était un assureur dans le secteur privé. C'est le même rapport qui est là. Et aussi le régime s'est donné un rôle d'aide ou d'appui à l'industrie, à une industrie pharmaceutique dynamique, qui à notre avis relève plus d'un ministère à vocation économique que du régime de la santé. C'est une autre question, ça. Mais c'est clair que, si on faisait des ajustements comme ceux-là ou si on éliminait la franchise, il y aurait à ajuster, d'une part, les autres paramètres du régime et, d'autre part, l'aide ou le support qui est donné à la population en fonction de leur capacité de payer.
Mme Harel: Alors, j'aimerais bien aussi obtenir votre point de vue sur ce qu'on a entendu ici, en commission parlementaire, de la part d'un certain nombre d'ordres professionnels qui sont assez résistants à la question de transmettre l'intention thérapeutique. Et un des motifs qu'ils invoquent, c'est que l'inscription de l'intention thérapeutique sur l'ordonnance serait susceptible d'en révéler encore plus en regard de la pratique d'un professionnel que la seule dénomination du médicament prescrit. Et leur crainte, c'est que des tiers colligent ces informations relatives à chaque prescripteur. Ils les colligent déjà et bâtissent des profils nominalisés et non pas dénominalisés, c'est-à-dire le nom du prescripteur, médecin, ou optométriste, ou autre, le nom, l'adresse, etc., toutes les informations qui demandent le consentement mais qui n'est pas requis, sauf si la personne se retire, comme vous le savez, de la collection de ces informations.
Alors, je fais référence notamment aux données IMS, là, entre autres IMS, il y en a d'autres, mais qui recueillent de l'information sur les ordonnances. Alors, pour recueillir ces informations sur les ordonnances, il faut que les pharmaciens le leur transmettent. Et, en le leur transmettant, est bâti un profil nominalisé. On nous en a montré d'ailleurs en dehors des travaux de cette commission, là, en parallèle. On nous a montré des profils nominalisés de médecins prescripteurs par cohortes de médicaments prescrits, et on retrouve également ceux des concurrents, par exemple, de telle industrie qui sont prescrits aussi sur les mêmes tableaux.
Alors, est-ce que ces données nominalisées qui sont en circulation présentement, si elles contenaient l'intention thérapeutique, seraient de nature de... en fait d'introduire des pratiques commerciales qui ne sont pas éthiques?
M. Cadieux (Normand): Oui. Je comprends votre inquiétude, et c'est certain que nous la partageons. Je voudrais peut-être apporter une précision, là. En aucun temps, les données, qui circulent ou qui sont vendues à des entreprises comme celles que vous avez mentionnées ne sont des données nominalisées, en aucune circonstance. Ce sont des données dénominalisées quant aux patients. On peut voir apparaître le nom du médecin.
Mme Harel: C'est-à-dire quand je parle de nominalisé, c'est à l'égard du prescripteur. Mais le prescripteur, ces données sont nominalisées. On sait combien tel médecin prescrit tel médicament, de telle compagnie ou de telle autre compagnie, puis là on fait des profils, et puis on envoie quelqu'un pour tenter d'augmenter, de maximiser les ventes.
M. Cadieux (Normand): Oui. Je comprends ce que vous dites, mais ce sont des agrégats de données, je peux vous dire, parce que, moi, j'ai participé à un comité aviseur chez IMS et que je siège à ce comité-là avec des représentants des médecins, de la Fédération des médecins omnipraticiens, de la Fédération des médecins spécialistes, qui sont tous très sensibilisés et qu'ils acceptent le fait que ces données-là ne sont pas nominalisées non plus quant aux médecins. Le nom apparaît là, mais ce sont des données agrégées. Les médecins participent à ces discussions-là eux-mêmes. Et d'autre part la Commission d'accès à l'information surveille les travaux et les données qui circulent. Ils font même un audit à toutes les années, donc une vérification à toutes les années.
Pour ce qui est de la question de la préoccupation quant à l'intention thérapeutique, je pense qu'il y a des façons très simples de régler ça et de satisfaire cette préoccupation-là ou d'éviter même que ces données-là soient transmises. Parce que, quand on transmet une information à un payeur, que ce soit la Régie de l'assurance maladie du Québec ou un payeur privé, il y a, pour des fins de paiement, des données ou des champs de saisie de données qui sont obligatoires, par exemple le nom du patient, sa date de naissance, etc., pour que le payeur puisse reconnaître ce patient-là comme étant un de ses assurés puis autoriser la transaction. Alors donc, il y a des champs ou des données qui sont obligatoires pour des fins de réclamation. Certainement qu'il n'y a qu'une décision à prendre pour dire que l'intention thérapeutique ou la raison pour laquelle un médicament a été prescrit ne fait pas partie du champ obligatoire de transaction, sauf dans le cadre du régime, des données qui seraient transférées à la régie pour les fins de la politique du médicament. Alors, c'est très simple de ne pas transmettre cette information-là, et ça se contrôle relativement facilement, et ça peut être vérifié aussi facilement par la Commission d'accès à l'information.
Mme Harel: Alors, merci, M. Cadieux. Je comprends donc que l'existence de ces données nominalisées avec profil de prescription des médecins doivent être interdites pour des fins commerciales. C'est ce que je comprends de vos propos et...
M. Cadieux (Normand): Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.
Mme Harel: Ah, ce n'est pas ce que vous avez dit. Ah bon!
M. Cadieux (Normand): Ce n'est pas du tout... Ce n'est pas du tout ce que...
Mme Harel: Non. Vous êtes favorable à ce qu'il y ait un profil de prescription avec des données nominalisées sur les médecins, sur chacun?
M. Cadieux (Normand): Écoutez, moi, je n'ai pas... puis, à l'association, on n'a pas une position, on n'a jamais discuté ça. L'association, l'AQPP, comme association, ne s'est jamais penchée sur la question pour développer une position sur l'utilisation de ces données-là. Ce que je vous dirai, c'est que les médecins participent eux-mêmes à ces discussions-là, et ils sont d'accord avec. Alors, je ne vois pas, là...
Mme Harel: ...
M. Cadieux (Normand): Les médecins sont parfaitement au courant et les médecins participent aux discussions dans les entreprises. Ils sont parfaitement informés du fait que les données qui sont vendues à l'industrie ou à d'autres à des fins de recherche, parce qu'il n'y a pas que...
Mme Harel: Les données nominalisées?
M. Cadieux (Normand): Bien, c'est parce que vous insistez sur le fait que ce sont des données nominatives, et je vous dis que ce sont des données qui sont agrégées. Alors, ce n'est pas des données nominatives. Alors, c'est parce qu'on ne s'entend pas là-dessus, là.
Mme Harel: Ça signifie...
M. Cadieux (Normand): Parce que, si les données étaient nominatives, Mme Harel, il est clair que les médecins s'y opposeraient vertement, et avec raison, et je serais parfaitement d'accord avec eux.
Mme Harel: Parfait.
M. Cadieux (Normand): Sauf que, s'ils participent à la discussion, c'est qu'ils comprennent que les données ne sont pas nominatives. Ce sont des données qui sont agrégées par groupes d'un minimum d'au moins 30 médecins.
Mme Harel: Et, s'il vous est démontré que ces données sont nominalisées, vous allez être en désaccord, c'est ce que je comprends.
M. Cadieux (Normand): Absolument.
Mme Harel: Très bien. Alors, prochaine étape. Merci. Merci bien.
Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, M. Bonin, M. Cadieux, Mme Mongeau, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires.
n
(10 h 30)
n
Et j'invite immédiatement les représentants de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux à prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, la commission poursuit ses travaux.
Des voix: ...
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux. Je ne sais pas qui fait la... ou qui commence.
Mme Blouin (Huguette): Huguette Blouin.
Le Président (M. Copeman): Mme Blouin, bonjour. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et c'est suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent.
Et Mme la secrétaire m'a fait remarquer que c'est la première fois, en tant que nouvelle association, que vous faites une présentation. Nous sommes habitués à voir d'autres... peut-être parfois les mêmes acteurs, mais sous d'autres chapeaux, mais là vous portez une nouvelle...
Une voix: Dénomination.
Le Président (M. Copeman): Dénomination, exact, nouvelle association. Alors, c'est un plaisir pour nous de vous accueillir dans ces circonstances. Nous sommes à l'écoute, Mme Blouin.
Association québécoise d'établissements
de santé et de services sociaux
Mme Blouin (Huguette): Alors, merci, M. le Président, mesdames, messieurs. Pour le bénéfice de tous, je vais vous préciser que vous avez reçu de notre part, en février dernier, un mémoire qui était identifié à l'Association des hôpitaux du Québec et à l'Association des CLSC et des CHSLD du Québec. Or, comme vous l'avez mentionné, là, jeudi dernier, nos associations, lors d'une assemblée générale, ont convenu d'un acte d'accord pour une fusion. Donc, désormais, on s'identifie sous le nom de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux.
Ceci dit, je suis Huguette Blouin. Je représente, aujourd'hui, la direction générale de cette nouvelle association. Et je suis accompagnée: à ma droite, du Dre Joëlle Lescop, qui est directrice des affaires clinicoadministratives; et, à ma gauche, du Dr Alain Larouche, qui est médecin-conseil; et tous deux dans la nouvelle association.
D'entrée de jeu, nous convenons avec le ministre de la Santé et des Services sociaux qu'il importe de se doter d'une vision concertée en matière de médicament. En effet, comme le mentionne le document de consultation, le médicament est une technologie de pointe dans l'arsenal thérapeutique moderne de lutte contre la maladie. Les sommes grandissantes allouées dans ce domaine font que la croissance des dépenses pour les médicaments devient la plus importante parmi toutes celles de la santé. Nous adhérons à la proposition que la politique du médicament soit le moyen choisi pour se donner une vision commune et un guide pour les mesures à entreprendre.
Dans notre mémoire, sans reprendre toutes les propositions ministérielles, nous avons insisté sur les points qui nous paraissent les plus importants pour les établissements du réseau et pour les divers intervenants afin de nous assurer que les médicaments puissent demeurer accessibles aux personnes qui en ont besoin, et ce, peu importe leur condition socioéconomique.
Le ministre soumet 11 propositions afin de maintenir, voire d'améliorer l'accessibilité aux médicaments, dans la mesure de la capacité de payer de l'État.
Actuellement, en raison de la coexistence de deux régimes, à savoir le régime général d'assurance médicaments et le régime de l'assurance hospitalisation, les établissements et le réseau font face à plusieurs problématiques. Une de celles-ci concerne la responsabilité financière des médicaments administrés sur une base ambulatoire.
De multiples directives ministérielles encadrent l'administration des médicaments sur une base ambulatoire ainsi que la responsabilité financière relative à ces produits. Les contraintes budgétaires imposées aux établissements font en sorte que les politiques qui ont cours dans les établissements sont très variées d'un endroit à l'autre et, disons-le, font preuve à l'occasion d'une certaine créativité.
Il y aurait donc lieu d'harmoniser les deux régimes afin d'assurer une uniformité de compréhension et une standardisation de pratiques à travers le réseau au regard de l'administration des médicaments sur une base ambulatoire. Ce sujet devient d'autant plus important avec la création des instances locales qui résultent de la fusion d'établissements qui avaient des pratiques différentes.
Nous soumettons une recommandation selon laquelle les établissements devraient facturer le régime général lorsqu'un médicament est administré sur une base ambulatoire, que le lieu d'administration soit le domicile, le CLSC ou l'hôpital. Ainsi, la politique énoncerait qu'un médicament qui est administré sur une base ambulatoire est à la charge du régime général. Tous conviennent que le mode ambulatoire doit être le mode privilégié de prise en charge lorsque cela est possible. Il ne faudrait pas que des politiques et des procédures de responsabilité de paiement viennent empêcher ou limiter cette approche de traitement.
Pour plusieurs des établissements du réseau de la santé, particulièrement pour les hôpitaux, les médicaments orphelins, c'est-à-dire les médicaments qui n'ont pas encore fait l'objet d'un avis de conformité et qui ne sont donc pas inscrits sur la liste des médicaments, posent des problèmes financiers de pratique et même d'éthique. C'est le cas par exemple du Fabrazyme pour traiter la maladie de Fabry dont il a été souvent question.
Il nous apparaît important que le Conseil du médicament ait sa table de concertation, émette des directives quant à l'utilisation de ce type de médicament et ainsi évite que chaque établissement concerné ait à développer ses propres directives. Ces directives devraient être émises dans un délai raisonnable afin d'éviter que les établissements soient piégés dans une situation de non-retour avec les patients. Pour certains de ces médicaments qui s'adressent à un très petit nombre de patients, il pourra être difficile de démontrer leur efficacité sur la base de données probantes et donc de les voir inscrits sur la liste des médicaments. Ceci n'est pas une raison pour que le conseil s'abstienne d'émettre un avis à l'intention du réseau avec la collaboration des experts des établissements, en particulier ceux des centres hospitaliers universitaires qui utilisent ces produits. Cette approche nous apparaît moins délétère pour le réseau que l'actuelle façon de faire souvent initiée par les médecins sur une base individuelle ou qui répond aux pressions des patients, de la publicité qui entoure les produits et des fabricants qui poussent vers une utilisation toujours plus grande de leurs produits.
La proposition ministérielle 6 évoque le choix des médicaments fait par l'établissement, mais reste silencieuse quant à la valeur de la liste locale. Il faut statuer sur la place de la liste de médicaments-établissements locale par rapport à la liste de médicaments-établissements générale établie par le ministre. Tous les établissements dressent une liste des médicaments disponibles dans l'établissement qui n'est évidemment pas aussi exhaustive que la liste générale. Cette liste, révisée régulièrement par les comités de pharmacologie, assure une accessibilité tout à fait adéquate aux médicaments et en permet une utilisation rationnelle, efficiente et la plus économique possible. Rappelons au passage que la croissance des coûts des médicaments en établissements est moindre que celle des coûts du régime général en raison des travaux interdisciplinaires qui ont cours dans les établissements au regard de l'utilisation des médicaments.
Il faudrait donc que la liste locale ait un statut officiel comme base de référence du médicament dans un établissement et que les gestionnaires responsables de l'utilisation des médicaments aient le pouvoir de la faire respecter tout en reconnaissant toutefois que des situations d'exception continuent d'exister.
Nous sommes surpris de constater que le texte du document de consultation aborde la question d'un financement adéquat des médicaments dans les établissements du réseau, mais n'en fasse pas une proposition officielle. Nous recommandons que le ministère s'engage à assurer un financement adéquat, à la bonne hauteur de l'enveloppe des médicaments des établissements, et que ce financement reçoive une indexation spécifique au même titre que le régime général en fonction des responsabilités cliniques des établissements. Nous devons mettre fin aux compressions déguisées qu'engendre un sous-financement des médicaments dans les établissements.
n
(10 h 40)
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Sur la recherche. Nous doutons respectueusement que les mesures proposées dans le document de politique puissent permettre de contrôler l'introduction par les compagnies pharmaceutiques des médicaments dans les établissements, des échantillons, que ce soit par la fourniture gratuite ou par les études cliniques de phase IV. Nous proposons que le Conseil du médicament, en collaboration avec les établissements, élabore et soumette au ministre un train de mesures applicables par les gestionnaires des établissements afin d'assurer que la recherche puisse continuer à se développer dans le réseau. Le médicament doit demeurer accessible sans pour autant que les activités de recherche ou les pratiques de coupes de prix draconiennes des fabricants ne deviennent une façon déguisée d'introduire le médicament auprès des patients pour en assurer la vente et parfois à des coûts importants par la suite.
La gestion regroupée des achats des médicaments permet de contrôler la croissance des coûts de façon importante en procédant par appel d'offres pour une foule de produits pharmaceutiques et assure l'intégrité du processus malgré les pressions du marché. Il ne faudrait pas perdre les avantages acquis par cette façon de faire en créant obligatoirement des groupes d'achats distincts, groupes qui s'intéresseraient à des classes de médicaments particuliers, par exemple ceux de l'oncologie.
Une utilisation optimale du médicament par le patient exige préalablement une information juste, complète et à jour des médicaments qui sont utilisés par ce dernier. Or, cette information de qualité est encore aujourd'hui impossible à obtenir dans la majorité des cas. Comme nous le mentionnions au symposium sur le médicament, tenu à l'automne 2004, il nous apparaît que la mise en place d'un système d'information intégré ? intégrant établissements et communautés ?et universel pour les cliniciens est le premier et le plus important geste à poser pour assurer une utilisation optimale du médicament.
Par ailleurs, il est aberrant de constater que l'industrie du médicament ainsi que les distributeurs puissent avoir accès à une très importante et très complète banque de données sur l'utilisation du médicament par les citoyens du Québec aux fins de promotion et de marketing de leurs produits, alors que les cliniciens et les décideurs sont encore à se questionner sur la façon de faire et sur les questions légales qui entourent l'informatisation des données pharmaceutiques.
Les données informatisées sur la consommation des médicaments de toute la population sont disponibles grâce au système d'information des pharmacies communautaires. Ces données sont compilées dans des banques centrales et transmises à des compagnies comme IMS Health aux fins de gestion commerciale du médicament. Il faut disposer d'une réglementation pour encadrer la diffusion de ces données.
Il y a lieu de se demander pourquoi il n'est pas possible de mettre en place un système qui permettrait aux cliniciens de connaître réellement ce qu'il en est de la médication d'un patient. La littérature est limpide sur le sujet. Les systèmes informatisés de gestion clinique du médicament diminuent les erreurs et favorisent une utilisation efficiente de la médication. De plus, la proposition ministérielle 19 avance l'idée de produire des profils de prescription et des projets de révision de la médication à domicile. Mais avec quels moyens et quand? Sérieusement, ces projets ne verront le jour que lorsque l'information sera disponible et accessible en ligne.
Les systèmes d'information et de prescription informatisés sont également indispensables dans les établissements et d'autant plus indispensables qu'ils viennent appuyer des effectifs restreints. Il faudra mettre en place un déploiement intégré de ces systèmes qui répondent par ailleurs à des exigences propres au milieu d'utilisation. Les informations concernant l'utilisation du médicament en établissement devront être disponibles pour les intervenants dans la communauté, et vice versa.
L'utilisation optimale du médicament nécessite une transmission des bonnes et des meilleures pratiques dans le domaine. Pour ce faire, les experts doivent diffuser la connaissance. Ainsi, il est du devoir du Conseil du médicament d'assurer cette diffusion de la connaissance, bien que le conseil paraisse en conflit d'intérêts, à tout le moins qu'il risque de perdre sa crédibilité, en raison de son double mandat de contrôle de l'utilisation et de promotion des bonnes pratiques.
Le conseil devrait être responsable de mettre en chantier la production de manuels de référence. Un exemple réalisé récemment et que nous félicitons au passage est la production par le conseil du Guide de pratique sur l'utilisation des antibiotiques.
Nous en profitons pour soumettre des recommandations au regard de la composition du Conseil du médicament et de la table de concertation du conseil. Toute cette connaissance qui sera diffusée n'aura de portée pratique que si les prescripteurs reconnaissent la valeur et la crédibilité scientifiques et cliniques des pratiques qui leur sont présentées. Il faut donc à notre avis associer des médecins experts, tant au niveau du conseil que de la table de concertation. Les guides de pratique devront être élaborés avec la participation de nombreux médecins au sein des équipes de rédaction. Autrement, les guides produits n'auront pas une utilisation optimale.
Enfin, la littérature nous indique que les informations contenues dans un guide de pratique trouvent écho dans la pratique quotidienne du clinicien pour autant que cette information soit disponible au chevet du patient. Voici une autre bonne raison pour mettre en place un système informatisé de prescriptions.
La proposition ministérielle 20 introduit l'idée d'un canal de communication avec les citoyens, appelé Info-Médicaments. Avant de penser à ajouter ce volet à l'Info-Santé CLSC, il faudrait apprécier l'opportunité de miser sur les initiatives déjà existantes comme les centres d'information pharmaceutique qui sont déjà en fonction à Québec et à Montréal.
Une utilisation optimale du médicament nécessite également une expertise professionnelle suffisante pour réaliser les tâches requises dans un processus complexe. Ainsi, le pharmacien ne doit pas se contenter de distribuer le médicament. Il est, d'abord et avant tout, l'expert du médicament. Or, dans les établissements, la pénurie de pharmaciens est telle qu'il est parfois difficile de soutenir les fonctions de distribution. Bien que non traitée dans cette politique, la pénurie de pharmaciens devra être sérieusement prise en compte au plus tôt. Les conditions de travail de même que les modes de rémunération des pharmaciens d'établissement doivent être revus pour mieux soutenir la comparaison avec la pratique en pharmacie communautaire.
En matière de formation continue des professionnels, tant des médecins que des pharmaciens, il faut reconnaître que nous avons collectivement laissé ce champ d'intervention aux compagnies pharmaceutiques. Ce faisant, nous avons enlevé une charge à notre système de santé publique et permis au gouvernement d'investir ailleurs les sommes normalement dévolues à cette responsabilité. Maintenant, nous ne pouvons plus écarter l'industrie de ce champ d'intervention. Il ne serait pas responsable de le faire. Les différentes autorités dans le domaine de la santé, les corporations professionnelles, les fédérations médicales, le gouvernement et l'industrie doivent s'entendre pour assurer une formation professionnelle exempte de biais où ce sont les cliniciens qui dictent le contenu. Par ailleurs, nous convenons que l'industrie doit pouvoir utiliser ce moment de rassemblement pour faire la promotion de ses produits. Un juste équilibre doit être établi sur cette question de la formation.
Pour conclure, ajoutons que la mise en place d'une politique du médicament nous apparaît comme un moment privilégié pour associer tous les intervenants du réseau et les citoyens non seulement à une vision commune quant à l'utilisation des médicaments, mais et surtout à un plan d'action. Celui-ci nous permettra de mettre en place des outils pour assurer une utilisation optimale du médicament, une approche interdisciplinaire de meilleures pratiques, une collaboration avec l'industrie dans une approche qui soit profitable bilatéralement.
L'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux espère que cette réflexion et les recommandations énoncées permettront de bonifier la politique fort attendue et qui sera adoptée prochainement.
Je vous remercie de votre attention, et les Drs Lescop et Larouche vont répondre à vos questions.
Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Blouin. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Blouin, Mme Lescop, M. Larouche, pour votre visite aujourd'hui. Évidemment, je ne pourrais commencer notre échange sans saluer encore une fois la naissance de votre nouvelle association que, je suppose, nous appellerons maintenant l'AQESSS, ou quelque chose du genre, l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux. Voilà un puissant symbole, là, de changement et d'un mouvement d'un réseau d'établissements vers un réseau de services. Je pense que quelqu'un qui aurait prédit, il y a trois, quatre ans, qu'un jour les deux associations d'établissements du Québec se réuniraient dans une seule aurait été taxé de visionnaire ou d'utopiste. Mais on voit que, parfois, la vision rejoint la réalité, et c'est à votre crédit de l'avoir fait. Parce qu'il a fallu, de part et d'autre, beaucoup d'accommodement, je crois, et de volonté pour que ça se fasse, et encore une fois toutes nos félicitations.
Je vais commencer par parler de la question des médicaments ambulatoires, parce que je voudrais comprendre le sens de votre proposition. Ce que vous recommandez, et dites-moi si je me trompe, c'est que l'ensemble des médicaments administrés dans un contexte ambulatoire, donc en clinique externe, par exemple CLSC, soient transférés au régime général d'assurance médicaments. C'est ce que je comprends, mais ça me semble présenter des problèmes assez importants, là.
D'une part, il y a une partie de ces patients-là qui sont sous des assureurs privés. Donc, pourquoi les imposeraient-on au régime général d'assurance médicaments? D'autre part, si on s'engage dans cette voie, bien c'est aux établissements que va revenir le fardeau de prélever les franchises, coassurance et autres contributions. Ça me paraît assez lourd. Est-ce que vous avez réfléchi à cet aspect des choses?
Mme Blouin (Huguette): M. Larouche.
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(10 h 50)
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M. Larouche (Alain): Oui. Essentiellement, la réflexion est démarrée sur l'observation qu'on faisait de pratiques de plus en plus différentes d'un milieu à l'autre avec la croissance de l'utilisation du traitement en ambulatoire par les différents milieux. Qu'est-ce que je veux dire par là, c'est que la pression devenait tellement forte, les technologies médicamenteuses devenaient de plus en plus raffinées et de plus en plus coûteuses que certains milieux ont fait preuve d'imagination, et ça a provoqué l'inéquité dans l'accès aux services pour certaines personnes, à savoir, là... Dépendamment si la personne était couverte déjà par un régime d'assurance ou encore dépendamment de la pathologie, dépendamment du déficit de l'hôpital, les gens pouvaient se voir demander de se présenter à la pharmacie communautaire pour se procurer les médicaments pour le recevoir en CLSC ou à l'hôpital, alors que d'autres recevaient la même médication de façon tout à fait gratuite.
Or, on observe ? et puis la réforme actuellement en cours va le démontrer, j'en suis convaincu ? qu'on devrait se servir de moins en moins de l'hospitalisation comme méthode d'intervention puis d'avoir recours de plus en plus au traitement ambulatoire. Et une des difficultés qu'on a sur le terrain, c'est d'avoir une définition précise de ce qu'est le traitement ambulatoire. On sait à peu près quand ça commence: au congé du patient. Mais quand ça se termine puis quelle couverture ce traitement ambulatoire là doit-il avoir fait en sorte que là aussi il y a une grande marge d'interprétation. Et, en tout état de cause, en conclusion, c'est que certains patients ont un accès beaucoup moins facile à ce médicament-là ? je parle d'un accès financier, là.
Notre proposition à l'effet de demander au gouvernement d'accepter de transférer ces coûts-là sous la couverture du régime général ? évidemment on a utilisé le terme «régime général», mais on comprend que c'est à la fois public et privé, quand on parle du régime général, ce qui n'est pas de l'assurance hospitalisation ? est à l'effet qu'on veut maintenir l'accessibilité pour par ailleurs les services qu'on a à rendre intra-muros, puis s'assurer évidemment d'une accessibilité égale pour tout le monde qui ont recours au traitement ambulatoire.
M. Couillard: Bien, sur le principe, je pense qu'on s'entend bien sur la nécessité de mieux définir ces situations. Cependant, il faut réaliser que votre suggestion vous amène à devenir des gestionnaires de régime d'assurance médicaments dans les établissements. Vous allez devoir gérer les remboursements, prélever les franchises des coassurances. Ça m'apparaît assez ambitieux, comme entreprise administrative. Mais enfin vous aurez peut-être l'occasion d'y réfléchir puis d'y revenir.
Je voudrais parler également de quelque chose sur lequel on va revenir à plusieurs reprises, c'est les médicaments orphelins, et peut-être préciser un peu votre propos. Il existe en fait deux types de médicaments orphelins: il y a les médicaments orphelins qui n'ont pas de certificat de conformité de Santé Canada et qui sont introduits directement dans l'établissement, mais il y en a d'autres qui ont le certificat de conformité de Santé Canada ? le Fabrazyme est un bon exemple ? mais qui n'ont pas été approuvés par le Conseil du médicament dans la deuxième analyse pour l'inscription à la liste. Donc, on a deux situations qui se ressemblent en termes de résultats pour vos établissements.
Et vous avez entièrement raison lorsque vous dites que le défi de l'évidence scientifique pour des maladies rares à faibles cohortes est particulièrement important et vous suggérez qu'on utilise d'autres mesures pour encadrer ces situations-là. Est-ce que vous avez des suggestions particulières de ce côté-là?
Mme Blouin (Huguette): Dre Lescop.
Mme Lescop (Joëlle): Bien, par rapport à des médicaments orphelins qui n'ont pas d'avis de conformité, je pense qu'il faut qu'on se dote d'une politique qui clarifie pour les milieux cliniques quelles sont les étapes à franchir pour obtenir l'approbation d'introduire ce médicament orphelin auprès d'une clientèle effectivement extrêmement limitée mais qui a des besoins. C'est souvent des enfants d'ailleurs qui ont des problèmes de maladie génétique qu'ils vont avoir toute leur vie.
Donc, il y a ce besoin de définir les balises pour qu'à chaque fois qu'on veut utiliser ce type de médicaments qui n'ont pas obtenu d'avis de conformité et qui, à toutes fins pratiques, n'en obtiendront pas parce que c'est des médicaments qui sont utilisés de façon très, très exceptionnelle, alors qu'on sache un peu c'est quoi, le parcours du combattant pour arriver à obtenir que nos patients ou qu'un certain nombre de patients puissent bénéficier de ces médicaments orphelins sans avis de conformité.
Et il y a des pays où il y a des politiques... je pense aux États-Unis, au Japon et, je pense, en Australie où on a développé une politique nationale qui précise bien les balises qu'on doit respecter pour faire en sorte qu'un certain nombre de patients, dans les cas particuliers, puissent avoir accès à ces médicaments orphelins.
Quand il y a l'avis de conformité, c'est différent. Là, c'est le médecin qui... Ces médicaments-là ont été approuvés par Santé Canada, donc ils sont disponibles, mais ils ne sont pas sur la liste. Et là on parle de patients d'exception. Et encore là il faudrait peut-être mieux définir pour les cliniciens quelles sont les règles du jeu pour pouvoir obtenir que ces patients-là obtiennent la possibilité d'avoir ces médicaments-là gratuitement et qu'on ne soit pas obligés de recommencer le processus à chaque patient. Je pense que ce type de patients sont regroupés dans des cliniques spécialisées, et, pour certains médecins, c'est un grand nombre de leurs patients qui devraient bénéficier de ce type de médicaments, et ils doivent recommencer la procédure pour chacun des patients. Alors, c'est peut-être simplifier la procédure.
Mais c'est sûr que, quand on a un avis de conformité, le problème est différent que quand on n'en a pas, parce que, quand on n'en a pas, en plus il y a toutes les démarches auprès de Santé Canada qui doivent être faites et qui pourraient aussi peut-être, par une insistance de la part du Québec et peut-être des autres provinces, faire pression sur Santé Canada pour qu'ils clarifient et simplifient les démarches pour obtenir une autorisation pour utiliser des médicaments qui n'ont pas obtenu d'avis de conformité.
M. Couillard: Bien, le cas, M. le Président, le cas de la maladie de Fabry est un exemple tout à fait frappant. Il y a, au Québec, environ une douzaine de patients connus, et peut-être un nombre x de patients inconnus encore qui vont se rajouter à la cohorte.
J'apprenais récemment, lors d'une rencontre interprovinciale, qu'en Nouvelle-Écosse il y a 60 malades qui sont actuellement... pour une raison probablement de type génétique, là, il y a une population très concentrée. Et, compte tenu de l'économie de la Nouvelle-Écosse, c'est un problème qui est absolument majeur. Ils sont exactement dans la même situation que nous sommes actuellement. Et ça me paraît présenter un problème éthique et à la fois... bien sûr d'abord un problème éthique et à la fois un problème de cohérence gouvernementale qui est très important. Probablement que l'avenue de solution là-dedans, c'est de mettre sur pied des programmes de recherche qui regroupent plusieurs populations de plusieurs provinces de façon à avoir des cohortes suffisantes et là obtenir la participation soit du gouvernement fédéral soit de l'industrie pour financer ces projets-là.
Il y a des solutions qui ont été apportées. Il y en a une en particulier que j'ai beaucoup aimée, parce que ça me semblait nouveau, de façon à renforcer les liens entre ce qui se fait au Conseil du médicament et ce qui se fait dans les établissements. Dans le cadre par exemple des revues d'utilisation de médicaments, les fameux RUM, on nous a suggéré que chacune de ces revues d'utilisation, lorsque complétée et particulièrement lorsqu'elle est faite dans un hôpital universitaire, soit automatiquement transmise au Conseil du médicament. Qu'est-ce que vous pensez de cette suggestion?
Mme Lescop (Joëlle): Je trouve ça extrêmement intéressant. Maintenant, je vous dirais que malheureusement il y a beaucoup d'établissements qui ne sont pas équipés, sur le plan informatique, pour faire des revues d'utilisation de médicaments de façon un petit peu plus globale, et que c'est beaucoup encore du travail qui se fait à la mitaine, et que, tant qu'on n'aura pas mandaté les pharmaciens et qu'on n'aura pas équipé les pharmaciens, sur le plan informatique, pour faire ces revues d'utilisation, ce domaine-là va rester un parent pauvre dans nos centres hospitaliers. Ça, c'est clair.
Actuellement, le gros du travail du pharmacien est de distribuer des médicaments et de voir à l'introduction de nouveaux médicaments sur la liste locale de l'établissement. Et malheureusement il n'y a pas suffisamment de temps qui est dévolu pour assurer la bonne utilisation du médicament et les revues d'utilisation dans les hôpitaux. Mais on a beaucoup à faire, et c'est sûr que les milieux universitaires, dans ce sens-là, peuvent beaucoup aider l'ensemble des établissements du réseau.
M. Couillard: Je suis un peu surpris par votre position sur la suggestion de l'Info-Médicaments, pour la raison suivante: c'est que d'abord l'Info-Santé a du succès, mais on voudrait qu'il en ait plus. Il faut savoir qu'il y a près d'un appel sur quatre actuellement qui est perdu, hein, à Info-Santé. Donc, on est en train de voir les façons d'améliorer la fiabilité de ce système-là qui vise essentiellement, également, à diminuer la pression sur les établissements. Mais ailleurs, comme en Colombie-Britannique où le versant médicament a été ajouté, ça a été un grand, grand succès, et ils avaient également d'autres forums de consultation, mais les citoyens ont été extrêmement satisfaits de ce service-là. Donc, je suis un peu surpris de vous voir vous y... sans peut-être vous y opposer fermement, mais ne pas y adhérer.
M. Larouche (Alain): On n'a pas une opposition. Probablement que le libellé aurait mérité une meilleure écriture. On voulait tout simplement attirer votre attention sur des expériences qui sont déjà existantes dans au moins trois milieux universitaires: Sacré-Coeur, le CHUQ et Cité de santé de Laval ? qui n'est pas un milieu universitaire, mais qu'importe ? où déjà ils ont constitué une banque de données, une banque de connaissances pour équiper leurs cliniciens, parfois même les patients, sur l'utilisation du médicament.
Alors, oui, le libellé est peut-être dans le sens que vous le disiez ou que vous le compreniez, mais, au contraire, Info-Santé, on applaudit à deux mains, uniquement de signaler votre attention sur des expériences qui ont du succès actuellement.
M. Couillard: O.K. Il faut rappeler qu'il s'agit de deux populations visées différentes. L'Info-Santé vise la population, les citoyens, tandis que les centres de consultation pharmacologique visent essentiellement surtout les professionnels de la santé et les gens du milieux. Donc, c'est deux missions un peu différentes.
M. Larouche (Alain): Tout à fait.
M. Couillard: Brièvement, deux éléments d'éclaircissement. Lorsque vous remarquez, comme d'autres l'ont fait, qu'il faudrait ajouter des médecins experts au Conseil du médicament, ça me dit une chose, c'est qu'on n'a pas assez dit que ça existe déjà, il faut le dire plus. J'expliquais, hier, qu'il y a 120 experts externes qui sont utilisés par le Conseil du médicament, dont 78 médecins spécialistes. Et je pense que ce qu'on a devant nous comme tâche, c'est de rendre ça beaucoup plus visible. On nous l'a dit, hier, de la part des fédérations médicales. Lorsque les avis sont émis, de façon à ce qu'ils soient partagés et qu'on y adhère dans le milieu professionnel, il faudrait qu'on établisse de façon très claire quels ont été les participants et les experts externes qui ont été retenus. Et, ça, vous le répétez, donc je vois qu'il y a du travail à faire de ce côté-là.
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(11 heures)
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Pour ce qui est du financement des médicaments en milieu institutionnel ou dans les établissements, il faut noter que, depuis 2003, l'indexation spécifique des établissements est accordée. Cependant, il y a probablement des problèmes pour le versant médicament lui-même. Alors, ce qu'on pourrait peut-être travailler, c'est isoler, dans l'indexation spécifique, l'aspect médicament, et je crois que c'est quelque chose qu'on pourrait regarder.
Vous avez dit quelque chose d'intéressant. Vous avez dit: Le coût des médicaments en milieu hospitalier ou institutionnel augmente moins rapidement que dans le milieu général, et intuitivement on penserait que c'est le contraire parce qu'en milieu institutionnel il y a des patients plus lourds, des maladies plus graves, des médicaments plus coûteux. Comment expliquez-vous cette différence dans l'augmentation des coûts entre les deux milieux?
M. Larouche (Alain): Bien, écoutez, je n'ai pas d'étude à vous citer, mais intuitivement je vous répondrais que ça s'explique principalement par des mesures beaucoup plus standardisées dans les établissements comparativement au milieu ambulatoire.
Une image que j'utilise souvent, c'est qu'actuellement on investit dans le fait qu'on utilise le médicament de manière non optimale. À partir du moment où on n'a pas accès au profil médicamenteux du patient... Par exemple, lorsqu'il se présente dans un établissement ou même dans un cabinet privé de médecin, à partir du moment où on n'a pas d'outil pour nous aider à prendre les meilleures décisions possible, compte tenu de la multiplicité des produits, à partir du moment où on n'a pas d'outil pour faire une prescription pour éviter les erreurs par exemple, pour éviter la nuisibilité de certaines prescriptions pour s'assurer qu'il n'y a pas d'interaction médicamenteuse, il est sûr qu'il y a un coût qui est énorme rattaché à ça; on parle d'au moins 20 %, là, dans le secteur de la non-qualité.
Qu'est-ce que la mauvaise utilisation du médicament implique là-dedans? On ne le sait pas. Il n'y a aucune étude qui est capable de le chiffrer de manière précise. Mais ce qu'on sait, c'est qu'il y a 7 % des patients qui sont admis dans un milieu hospitalier en moyenne qui vont souffrir d'événements médicamenteux indésirables. Il y a des coûts humains, il y a des coûts monétaires rattachés à ça.
Alors, qu'on puisse penser que, dans le milieu ambulatoire, la prescription, le taux de non-pertinence en milieu ambulatoire soit plus élevé qu'en milieu institutionnel, ça pourrait être une explication. Qu'on puisse penser que le fait que la personne puisse voir plusieurs médecins dans une courte période de temps puis se retrouve avec des médicaments qui provoquent des interactions médicamenteuses pourrait expliquer l'écart entre les deux, là, mais il y a un dénominateur commun aux deux. Le fait qu'on n'ait pas accès à cette information-là représente un coût énorme, puis ce coût énorme là pourrait nous permettre, au-delà de toujours penser de rajouter des sommes neuves, pourrait nous permettre d'avoir une marge de manoeuvre intéressante. Puis l'investissement, à mon point de vue, dans un système d'information, est de loin, pour un assureur comme vous, M. Couillard, est de loin un geste qui devrait être posé.
M. Couillard: J'en profite pour rectifier: On n'est pas un assureur. Parce que c'est important de le dire. Je comprends le sens dans lequel vous le dites, mais c'est très important, pour la population puis les collègues, de bien comprendre: la Régie de l'assurance maladie du Québec n'est pas un assureur. Pourquoi? Parce qu'elle ne fait pas de gestion de risques.
Un assureur décide: Bien, cette personne-là ou ce groupe de personnes là, je vais leur charger plus parce qu'ils sont plus risqués sur le plan de développer des problèmes pour lesquels j'aurais à payer des services. La Régie de l'assurance maladie du Québec, oui, fournit les services assurés, mais n'est pas, entre guillemets, un assureur qui se permet de faire de la gestion de risques. On applique uniformément des lois et des règlements qui visent à couvrir l'ensemble de la population. Je vous dirai que c'est une différence minime, mais c'est une différence à mon avis qui est très importante pour la compréhension des gens de ce qu'est la fonction d'assureur de l'État.
M. Larouche (Alain): Oui. Mais je devrais me permettre de vous faire remarquer que vous avez entendu «Régie de l'assurance maladie», mais je m'adressais à l'État et à son bras exécutif qui est le gouvernement.
M. Couillard: Mais c'est, hein, c'est assez près l'un et l'autre.
Mme Blouin (Huguette): Dre Lescop pourrait continuer...
M. Couillard: Oui.
Mme Blouin (Huguette): ...sur la question du...
Mme Lescop (Joëlle): Oui, par rapport au coût des médicaments dans les établissements, je dirais que, dans les dernières années, le coût des médicaments a augmenté beaucoup plus vite que les autres dépenses, et ça a créé une pression énorme sur les centres hospitaliers. Et je pense que cette pression énorme a permis de sensibiliser les prescripteurs et les pharmaciens à l'importance de bien gérer le médicament. Et je crois que, dans les milieux hospitaliers, dans les dernières années, il y a une conscientisation beaucoup plus grande de la profession médicale et des pharmaciens sur l'importance de bien utiliser le médicament. Il nous manque encore les outils pour mieux le faire, mais c'est clair que, dans un hôpital, les gens sont très conscients que le médicament coûte très cher et que, si on maintient cette dépense-là pour les médicaments, ce que ça entraîne, c'est une diminution d'argent pour faire d'autres services. Donc, il y a eu une prise de conscience qui fait que je crois que, dans les établissements, on est plus conscients de l'importance de bien utiliser les médicaments. Mais, comme je disais, on n'a pas encore tous les moyens de bien le faire, mais on est au moins conscients qu'il faut le faire.
M. Couillard: Oui, bien, je me souviens, dans l'établissement où j'étais, quand on faisait les bilans budgétaires mensuels, les deux grandes pressions, c'étaient les médicaments et les fournitures style prothèses vasculaires, par exemple, qui étaient excessivement coûteuses en termes de volume. Et les médicaments, c'étaient particulièrement les médicaments d'oncologie qui étaient associés aux augmentations de coûts. Est-ce que c'est une expérience qui est généralisée dans les établissements?
Mme Lescop (Joëlle): Les médicaments d'oncologie continuent à coûter très cher, mais il faut bien se rendre compte qu'avec l'augmentation du cancer et avec toutes les nouvelles technologies médicamenteuses dans le traitement du cancer, c'est un poste budgétaire qui va augmenter. Ça va nous coûter de plus en plus cher. Et, pour ces patients-là qui viennent chercher leur traitement justement dans les cliniques ambulatoires, on les hospitalise de moins en moins. C'est pour ça qu'il nous apparaissait important qu'on puisse rembourser aux patients ces médicaments-là, donc que le régime public puisse rembourser aux patients ces médicaments-là, mais que ça ne vienne pas grever le budget de l'hôpital, donc qu'il y ait un poste budgétaire à part pour des médicaments qui ont besoin d'être donnés dans le centre ambulatoire, qui ont besoin de l'infrastructure hospitalière, de l'équipe multidisciplinaire, etc. Mais, lorsqu'on augmente les patients suivis en ambulatoire, on se trouve à augmenter le coût des médicaments dans le budget général de l'hôpital, et tout de suite ça a un impact sur les autres services.
Donc, on voudrait que le centre ambulatoire qui nécessite l'infrastructure de l'hôpital, le plateau technique de l'hôpital... qu'au moins les médicaments donnés dans ce contexte-là ne soient pas comptabilisés au budget général de l'hôpital. C'était le sens de notre recommandation de facturer au régime public ces médicaments-là, parce que de toute façon ils sont déjà payés par le régime public, puisqu'ils sont payés à l'intérieur du budget de l'hôpital. Alors, c'est un peu dans ce sens-là qu'on voulait clarifier l'augmentation du coût des médicaments particulièrement en centre ambulatoire.
M. Couillard: Il y a une partie de ces personnes-là cependant qui sont sous des régimes privés collectifs, puis là la gestion de ça va être assez compliquée.
Vous avez raison de rappeler la présence pour le cancer, parce que rappelons que c'est de 3 % par année que ça augmente, le nombre de cancers au Québec, d'où toute l'importance de la prévention, les habitudes de vie, la lutte contre le tabagisme, puis on va y revenir dans quelques jours, d'ailleurs.
La question de la liste, ce que vous appelez la liste locale, je suppose que vous voulez dire la liste d'établissements?
Mme Lescop (Joëlle): ...
M. Couillard: Bon. Il y a des gens qui ont demandé ou qui ont suggéré que la liste d'établissements soit unifiée avec la liste du régime général d'assurance médicaments. Ça semble logique, mais, en termes pratiques, pour quelqu'un qui a été dans l'établissement, ce n'est peut-être pas une si bonne idée que ça. Qu'est-ce que vous en pensez, vous?
Mme Lescop (Joëlle): Bien, c'est qu'il y a des établissements à vocation spécialisée, prenons les établissements pédiatriques, l'Institut de cardiologie, l'Institut neurologique, donc des établissements qui traitent un certain type de patients. Ils n'ont certainement pas besoin de tout l'arsenal thérapeutique de la liste établissements. En plus, il y a des pratiques, dans certaines régions, et je crois que, sur le plan budgétaire, c'est intéressant de peut-être limiter un petit peu la liste, de ne pas avoir des inventaires trop grands.
Mais c'est sûr qu'on doit avoir cette préoccupation de concilier les listes des établissements d'une même région, parce que par exemple un patient qui est suivi au Royal Victoria, qui a eu sa prescription de médicaments et qui vient se faire faire une prothèse de hanche à l'Hôpital Lakeshore, et que l'Hôpital Lakeshore n'a pas les mêmes médicaments que la liste du Royal Victoria, on est pris ou bien à changer de médicament, ce qui n'a pas grand bon sens pour cinq, six jours, ou bien à donner le médicament qu'il avait, donc l'acheter ad hoc pour ce patient-là. Donc, il y a une question d'harmoniser des listes, surtout pour les hôpitaux qui ont un mandat général, un hôpital qui a une mission très, très large, mais de permettre aux hôpitaux de maintenir leur liste locale.
Maintenant, il y a une initiative intéressante, c'est que les cinq CHU se sont concertés, et ils mettent en fait à jour une liste de nouveaux médicaments avec toutes les études qui permettent de décider si ce médicament vaut la peine d'être introduit dans la liste. Et donc on utilise l'expertise des centres hospitaliers pour élaborer les listes de médicaments locales dans chacun des hôpitaux. Mais qu'on ne refasse pas, dans chacun des hôpitaux, tout le travail de valider ce nouveau médicament qu'on veut introduire dans la liste. Donc, oui pour une liste locale, mais une façon souple d'ajuster cette liste-là aux besoins de l'hôpital, mais pas une imposition d'avoir une liste générale, alors que la pratique dans cet hôpital ne justifie pas d'avoir tous ces médicaments.
M. Couillard: Je vais très brièvement terminer, M. le Président, sur la question des projets de recherche. Ce qu'on suggère dans la politique, c'est minimalement que les conseils d'administration soient informés de tous les projets de recherche qui ont lieu dans leur établissement, ce qui n'est, comme vous le savez, pas toujours le cas, et que les participants aux projets de recherche, autant les personnes, citoyens et citoyennes, qui y adhèrent que les médecins qui les gèrent, soient bien au courant et au fait des conditions d'une inscription de médicament à la liste, de façon à ce que personne n'ait l'impression ou assume que, parce qu'un médicament est introduit sous le couvert d'un projet de recherche dans un hôpital, il va automatiquement figurer sur la liste du Conseil du médicament. Est-ce que vous êtes d'accord avec ces propositions?
Mme Lescop (Joëlle): Oui. On est d'accord, et ce qu'on se dit, c'est qu'à l'intérieur des hôpitaux les structures sont en place pour assurer un contrôle de l'introduction d'un médicament dans le cadre de projets de recherche. Et on pourrait étendre ça aussi à l'introduction d'échantillons qui ne sont pas sur la liste de médicaments. Théoriquement, le chef pharmacien a un droit de regard sur tous les médicaments ? et, dans la loi, on ajoute même «et poisons» ? qui sont utilisés à l'intérieur de l'hôpital. Et l'introduction de ces médicaments doit se faire après une étude par le comité de pharmacologie. Donc, les mécanismes sont en place.
Le problème, c'est que ces mécanismes-là ne sont pas utilisés de façon systématique, et je crois qu'il y aurait un rappel à faire par le Conseil de médicaments et par l'Association des établissements de santé, c'est de vraiment suivre les mesures qui sont présentes dans la loi. Il ne suffirait que de les appliquer pour obtenir ce que vous cherchez à obtenir, c'est-à-dire un encadrement de cette...
Le Président (M. Paquin): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
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(11 h 10)
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Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, Mme Blouin, Dre Lescop, Dr Larouche, bienvenue, de la part de l'opposition officielle. Je salue moi aussi la création de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux. Je n'avais pas fait l'exercice qui permet de voir que ça va s'appeler... comment avez-vous dit? L'AQESSS. L'AQESSS. Enfin, j'espère que ça va avoir de la résonnance à Québec, cette AQESSS.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Couillard: ...
Mme Harel: Oui, c'est ça. Elle ne sera pas occulte, comme dit le ministre. Est-ce que... Ah oui! d'ailleurs, j'étais, jeudi soir, à la soirée où les cuistots, trois cuistots, en fait trois hommes cuistots ont fait le menu, si vous voulez, qui était un peu chargé, un peu indigeste de ce regroupement, mais... Alors, la meilleure des chances.
Je comprends que, dans le mémoire que vous présentez, il y a la vision sur comment desservir un patient ambulatoire, n'est-ce pas? Je crois que vous êtes, peut-être avec l'association des pharmaciens et pharmaciennes en établissements, là, l'organisme qui a le mieux introduit cette problématique-là.
En lisant votre mémoire, je me suis demandée: Hors toute autre considération, hors la considération de financement, le Transfert social canadien qui finance une partie du régime d'assurance hospitalisation mais qui ne finance pas le régime d'assurance médicaments, le régime d'assurance médicaments qui est à la fois public et privé aussi, puisque, quand vous mentionnez qu'il faudrait permettre aux établissements de facturer le régime général, c'est aussi de facturer les régimes privés, enfin, indépendamment de toutes ces contraintes où origine le financement, pour vous, là, quelle est selon vous la façon optimale d'administrer des médicaments à nos concitoyens qui reçoivent des soins sur une base ambulatoire? Est-ce que c'est par... Ce qui est proposé dans le projet de politique, c'est que les personnes aillent à leur pharmacie privée. Vous, ce que vous proposez, c'est que ce soit la pharmacie de l'établissement qui facture. J'aimerais ça comprendre pourquoi. Quels sont, en matière de santé publique, les avantages de votre proposition?
Mme Lescop (Joëlle): Moi, je dirais, les patients qui viennent en centre ambulatoire dans un CSS à mission hospitalière, c'est parce qu'ils ont besoin du plateau technique de l'hôpital. Donc, ils ont besoin de l'équipe multidisciplinaire, le spécialiste; ils ont besoin de l'infirmière clinicienne; ils ont besoin du pharmacien qui est spécialiste dans les médicaments; et ils ont besoin souvent d'une intraveineuse; puis ils ont besoin d'une surveillance pendant l'administration du médicament. Ces patients-là ne peuvent pas aller chercher leur... avoir ces médicaments-là ailleurs qu'à l'intérieur de l'hôpital.
Alors, ceux-là devraient pouvoir obtenir leurs soins à l'hôpital, donc au centre ambulatoire, et ça pose des problèmes parce qu'actuellement les médicaments sont chargés au régime général de l'hôpital. Mais, ces patients-là, on ne les hospitalise pas, ils sont en externe. Théoriquement, ce n'est pas des patients hospitalisés. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut pouvoir payer pour ces patients-là, et, quand ils sont au régime public ou au régime privé, il y a possibilité d'avoir un remboursement.
Le problème du régime privé, c'est qu'à long terme ça coûte quand même très cher au patient si c'est un traitement très coûteux. Ça peut aller jusqu'à 10 000 $, 12 000 $ par année. Alors, effectivement, il y a un problème pour ces patients-là de continuer à obtenir leurs traitements en centre ambulatoire et de payer la franchise et la coassurance de son régime privé.
C'est sûr qu'il y a un certain nombre de problèmes. Mais, nous, ce qu'on dit, c'est que la façon dont les gens détournent ce problème-là ou le règlent, c'est de... ils reçoivent leur traitement à l'hôpital, donc c'est l'hôpital qui le paie et on ne se pose pas de question. Je pense qu'il y aurait lieu d'aller chercher de l'argent, à la fois au régime général et au régime privé, pour compenser pour le prix de ces médicaments-là et éviter aussi, parce que c'est ce qui arrive, que les patients abandonnent le régime privé pour aller sur le régime public et donc pouvoir avoir accès à une thérapie qui est coûteuse.
Mais ce qu'on veut dire, quand on parle de traitement ambulatoire en centre hospitalier, c'est vraiment des patients qui ont besoin de l'ensemble du plateau technique de l'hôpital, et tous les autres patients devraient être soignés soit en cabinet privé soit dans la mission CLSC, qui est une mission plus générale.
Mme Harel: Mais, Dre Lescop, vous semblez nous dire qu'actuellement les patients traités en ambulatoire avec l'utilisation des plateaux techniques comme vous les décrivez, etc., actuellement la pratique était de recevoir leurs médicaments de l'établissement, alors que ce qu'on nous a dit depuis le début de cette commission, c'est que la pratique qui s'est généralisée, c'est de leur demander d'aller chercher leurs médicaments dans les pharmacies privées.
Mme Lescop (Joëlle): Oui. Il y a des hôpitaux où on va... effectivement, on envoie les patients... Pour essayer de diminuer les coûts du médicament en centre hospitalier, on les envoie les chercher en officine, et ils viennent à l'hôpital pour se les faire administrer, effectivement. Il y a ces deux pratiques-là.
Mme Harel: En quoi cette pratique, là, la dernière que vous décrivez, est neutre sur le plan de la santé publique? Je sais qu'elle dérange les patients, surtout ceux à mobilité réduite, en perte d'autonomie, qui ont beaucoup de déplacements à faire. Mais, en termes de santé publique, est-ce qu'il y a un problème?
Mme Lescop (Joëlle): Je pense que c'est un inconvénient pour le patient surtout d'aller chercher son médicament à la pharmacie communautaire. Parfois, ce sont des médicaments qui sont relativement rares, que la pharmacie n'a pas en stock non plus, donc il y a des problèmes d'avoir accès à ce médicament-là. Alors, il y a un certain nombre de problèmes lorsque les patients doivent aller chercher un médicament pour un traitement, par exemple, dans un cas de cancer... qui doivent aller chercher ces médicaments-là en pharmacie communautaire et qui reviennent à l'hôpital. Si on regarde au point de vue logique, il y a comme un problème d'imposer au patient qui déjà est malade, qui vient régulièrement à l'hôpital, de faire des démarches additionnelles, alors que finalement il y aurait peut-être une façon administrative de régler ce problème-là.
Mme Harel: Évidemment, il y a toutes les conditions de conservation aussi. La personne n'a peut-être pas les conditions idéales, là. Je pense en particulier, en fait, dans certains quartiers, là, entre autres à Montréal, pour conserver le médicament dans les meilleures conditions de froid entre autres, et autres, là, et ça peut mettre en cause la responsabilité professionnelle de celui qui l'administre, hein, ou de celle qui l'administre.
M. Larouche (Alain): Mais, si vous permettez, Mme Harel, en termes de santé publique, il faut se rappeler qu'au départ l'utilisation du traitement en ambulatoire a un impact positif sur la santé publique parce que c'est un traitement qui est justement approprié, compte tenu de l'état d'avancement des connaissances, de la science... d'utiliser ce genre de traitement là. Donc, globalement, effectivement, le recours au traitement en ambulatoire a un effet positif, on l'espère, sur les gens.
Puis d'ailleurs les expériences ? qui, dois-je l'avouer, ont été souvent initiées auprès d'assureurs américains, par exemple, qui avaient une marge bénéficiaire à dégager ou, à tout le moins, pour ne pas faire de déficit, pour ceux qui sont sans but lucratif ? de s'aventurer sur... Le recours aux thérapies ambulatoires a provoqué une banque de connaissances exceptionnelles depuis 15 ou 20 ans. Aujourd'hui, il est reconnu que les gens sont beaucoup mieux traités de cette façon-là que d'attendre qu'ils tombent suffisamment malades pour qu'ils rebondissent à l'urgence.
Mme Harel: Définitivement. Mais la question étant, je crois que, dans le régime d'assurance hospitalisation, la contribution du gouvernement fédéral, par l'intermédiaire du Transfert social canadien, amène donc un financement du fédéral d'une partie du moins des coûts des médicaments. Avec l'ambulatoire, on voit bien que le fédéral, lorsque l'établissement renvoie au régime d'assurance privé ou public québécois, exclusivement financé par la population et par le gouvernement, on voit que le fédéral fait des économies. Je ne sais pas si elles ont été évaluées, ces économies qui sont faites, parce que ce que je constate, dans le projet de politique, là, qui est sur la table présentement, dans ce projet de politique, ce n'est pas votre proposition qui est retenue, c'est l'inverse: c'est d'harmoniser, si vous voulez, à l'inverse, c'est-à-dire de demander aux personnes qui sont en ambulatoire d'aller en fait se procurer leurs médicaments sur le régime public ou privé, à l'extérieur de l'établissement.
Tantôt, il y a un groupe qui vous a précédés, qui en fait représentait l'Association des propriétaires pharmaciens, qui ont dit qu'ils étaient bien contents de ça. Alors, vous, vous dites: Non, il faut faire le contraire. Et, à ce moment-là, le ministre vous a interrogés, à savoir: Êtes-vous prêts à facturer à la fois le régime public, c'est-à-dire facturer à chaque mois, là?
M. Larouche (Alain): On n'a à vrai dire pas discuté de cette question-là, mais, à la blague, si Jean Coutu est capable de le faire, Sainte-Justine doit être capable de le faire aussi.
Mme Harel: Bien...
M. Larouche (Alain): Et sous réserve qu'on n'a jamais discuté de cette question-là sous cet angle-là, Mme Harel.
Mme Harel: D'accord.
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(11 h 20)
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Mme Lescop (Joëlle): C'est sûr que ça demanderait des ajustements importants, et c'est sûr qu'il faudrait bien baliser ce qu'on veut dire par traitement en centre ambulatoire, qui nécessite encore, comme je vous disais, de restreindre un peu le plateau technique... et non pas clinique externe, qui est équivalente à un bureau de médecin, c'est sûr.
Mais ce qu'on doit se demander: Est-ce que c'est le patient qui est notre préoccupation et la thérapie médicamenteuse ou bien c'est le régime qui permet d'administrer le médicament pour l'ensemble des patients? Alors, à quoi on donne notre priorité?
Mais, nous, on pense que l'inconvénient de faire faire au patient l'aller-retour entre l'hôpital, la pharmacie communautaire, avec tous les inconvénients dont on a parlé et tous les risques sur la conservation du médicament, on pense que ce n'est certainement pas idéal.
Mme Harel: Je suis souvent surprise... Moi, je suis ici, dans le Parlement, depuis 24 ans, et je suis souvent surprise de voir à quel point des décisions des gouvernements ? successifs, hein, pas un en particulier ? ont été prises en fonction du mode de financement, partagé avec le fédéral ou non, en fonction d'un mode de financement qui fait que finalement on essaie, si vous me permettez l'expression, de fitter dans des programmes à frais partagés pour tenter d'aller chercher ? en tout cas récupérer une partie ? de nos impôts, hein? Il y a une manière plus simple, hein, vous savez?
Une voix: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Dans votre mémoire, à la page 3, en bas de page, vous dites: «Nous devons mettre fin aux compressions déguisées qu'engendre un sous-financement des médicaments dans les établissements.» Vous considérez qu'il y a sous-financement ou... Comment le... Parce que finalement il y a des achats regroupés, il y a des listes locales. Le sous-financement, qu'est-ce que vous entendez par ça?
Mme Blouin (Huguette): Bien, je pourrais répondre brièvement. C'est que les taux d'indexation qui sont consentis aux budgets dans le réseau et aux budgets hospitaliers ne sont pas suffisants pour couvrir finalement les coûts, l'augmentation des coûts, là, des médicaments. Alors, c'est... Je vois ici que Mme Lescop me donne des taux de croissance, là, entre, par exemple... À titre d'exemple, entre 2000-2001 et l'année 2001-2002, les médicaments totaux, l'augmentation de la dépense a été de 14,7 %, donc près de 15 %. Et, pour les médicaments antinéoplasiques, elle est de 47 % en particulier dans ce pourcentage.
Alors, la dépense de médicaments est importante et elle n'est pas couverte finalement par les taux d'indexation. Alors, c'est ce qu'on veut dire par finalement une compression en quelque sorte peut-être pas déguisée, mais enfin qui est spécifique aux médicaments, par rapport aux taux d'indexation qui sont consentis.
Mme Harel: Dans la partie des déficits autorisés dans les établissements, est-ce que vous avez une idée approximative du pourcentage qui est dû justement à cette croissance des coûts des médicaments?
Mme Blouin (Huguette): Par rapport aux déficits autorisés...
Mme Harel: Oui.
Mme Blouin (Huguette): ...non, je m'excuse, je ne saurais pas vous dire le taux.
Mme Harel: J'aimerais aussi vous entendre sur la question des achats regroupés. Vous dites: Ne nous faites pas perdre les avantages des achats regroupés. J'aimerais ça que vous puissiez, là, nous expliquer votre position là-dessus.
Mme Blouin (Huguette): Par rapport aux achats regroupés, on sait que les achats en commun ont apporté, là, des bénéfices importants en termes de prix d'achat, et il est question de faire des achats regroupés spécifiques pour certaines catégories de médicaments ou les médicaments relatifs à un domaine. Et on n'est pas nécessairement contre, mais il nous apparaît qu'il faut bien évaluer s'il y aura des avantages et si on va maintenir autant d'avantages que les achats en commun. Alors, il s'agit d'aller plus loin dans l'analyse, là, de cette modalité et s'assurer qu'on en tire vraiment les bénéfices, là, comparables à ceux qu'on a actuellement avec les achats en commun de tous les médicaments dans leur ensemble.
Mme Harel: Il me reste quelques secondes, m'a-t-on informée. Sur les études cliniques de phase IV, celles dont vous parlez et qui sont dans le fond financées par le fédéral, je comprends que, quand c'est une médication intraveineuse, même si ce n'est pas encore homologué, ça peut être financé par le fédéral?
Mme Blouin (Huguette): Ah! là, je réfère à une clinicienne, là, ou à un clinicien.
Mme Lescop (Joëlle): C'est financé par les compagnies pharmaceutiques, essentiellement.
Mme Harel: Financé par les compagnies. Mais qu'est-ce que le fédéral finance? Parce qu'il y a un... là aussi, hein, de ces recherches ou de cette médication qui est financé par le fédéral, en établissement.
Une voix: ...
Mme Harel: Bon. Très bien, merci. Si vous ne le savez pas, là, pour moi, là, il y a... Je vais vérifier mes informations.
Le Président (M. Paquin): Oui, d'accord? C'est bien? Mme la députée de Lotbinière.
Mme Roy: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue au nom de l'Action démocratique. Ma question... et j'ai quelques petites questions disparates, puisqu'on a couvert un large champ de votre mémoire déjà.
Vous avez parlé de la hausse des coûts des médicaments, mais, hier, on avait ici la Fédération des médecins spécialistes qui disait que pour un établissement, admettons, un médicament qui pouvait être plus cher ? l'exemple précis, c'étaient des médicaments en oncologie ? étaient quand même assez chers, mais moins chers qu'une greffe de la moelle osseuse, ce qui faisait diminuer un autre poste budgétaire, un autre de vos postes budgétaires. Mais là vous semblez tempérer ça en disant qu'il faudrait indexer au niveau des médicaments. On ne retrouve pas ce gain-là au niveau d'autres départements dans l'établissement?
Mme Lescop (Joëlle): Je dirais, les besoins sont tellement grands dans les hôpitaux que, dès qu'on fait un gain à un niveau, c'est pris, c'est compensé par un investissement ou une perte à un autre niveau. Donc, oui, les médicaments ont diminué le nombre d'hospitalisations, la durée d'hospitalisation ? certains médicaments. Ça nous permet donc de diminuer, par exemple, les durées de séjour, ou des technologies, ou des interventions très coûteuses. Mais par contre on n'a pas moins de patients. Les patients à la salle d'urgence sur civière, ils attendent d'être hospitalisés. Donc, on est toujours en train d'offrir des services à beaucoup de patients. Et ce qu'on regagne en diminuant l'hospitalisation d'un groupe bien est compensé par l'augmentation d'hospitalisation d'autres groupes. Alors, finalement, on ne fait pas d'économie au bout de la ligne.
Mme Roy: C'est la demande qui augmente tout le temps.
Mme Lescop (Joëlle): La demande augmente tout le temps, oui.
Mme Roy: O.K. Par chance qu'on avait ça, minimalement. Votre page 4, le paragraphe 4: La recherche et l'introduction de médicaments dans les établissements. Vous parlez de... bon, ce qui est facile à comprendre pour le commun des mortels, là, c'est les «pratiques de coupe de prix draconienne [par les] fabricants [de médicaments et qui] deviennent une façon déguisée d'introduire [un] médicament auprès des patients pour en assurer la vente» à sa sortie.
C'est facile à comprendre. Les études cliniques de phase IV, pouvez-vous nous dire un peu qu'est-ce que ça veut dire? Vous marquez: «que ce soit par la fourniture gratuite ou par les études cliniques de phase IV». Qu'est-ce que ça veut dire exactement, dans des mots peut-être un petit peu moins scientifiques?
Et puis l'ensemble de ce paragraphe-là, quand je lis ça, ce que je comprends, c'est que, si vous n'avez pas plus d'aide au niveau de votre poste budgétaire médicaments, ces pratiques-là, de pratiques de coupe de prix draconienne, vous n'aurez pas le choix de les continuer, c'est-à-dire d'avoir des médicaments qui sont beaucoup en deçà du prix du marché pour fidéliser la clientèle qui est en établissement. C'est ça que vous dites?
M. Larouche (Alain): Bien, essentiellement, c'est qu'il y a certains médicaments qui sont introduits, qui ne sont pas des médicaments courants. Et puis une des pratiques qui est observée dans plusieurs hôpitaux, c'est qu'on se voit offrir ces médicaments-là à une fraction du prix ou parfois même sous le couvert d'un protocole de recherche ou d'expérience. Et, comme vous le dites si bien, une fois que la clientèle est fidélisée avec ces médicaments-là bien, après une certaine période de temps, l'hôpital peut se faire dire par la compagnie pharmaceutique: Bon, bien, voilà, ma contribution est faite, et puis le vrai coût du médicament est ceci. Alors, l'odieux revient à l'établissement de trancher.
En l'absence, par exemple, de données probantes ou en l'absence d'une cohorte suffisamment large de patients, l'odieux revient au clinicien de dire: Bien, là, écoutez, madame, on coupe votre traitement parce que ça coûte trop cher ou on le continue, mais sans vraiment savoir si l'effet recherché est au rendez-vous parce que la recherche est encore en cours ou encore les données probantes ne sont pas encore au rendez-vous. C'est le genre de situation qu'on veut décrire par ce paragraphe-là.
Mme Roy: Mais est-ce que ça arrive... Est-ce que c'est des situations qui sont... En termes de volume, pouvez-vous nous dire si c'est courant ou pas?
Mme Lescop (Joëlle): Oui, c'est assez courant. Mais encore là on n'a pas des données très, très précises. Mais on sait qu'il y a des études comme ça de médicaments qui sont faites. Donc, c'est des médicaments qui souvent ont été approuvés par le comité de pharmacologie. Il y a eu le comité d'éthique aussi qui a regardé l'introduction de ces médicaments. Mais ils sont introduits dans l'hôpital; ils ne sont pas encore sur la liste officielle des médicaments. Mais on habitue les cliniciens à utiliser ces médicaments-là, et effectivement, à la fin du projet, eh bien, les gens ont envie d'utiliser... Là, les coûts des médicaments augmentent. C'est un peu une façon détournée d'introduire, dans les hôpitaux, et pas seulement dans les hôpitaux, dans la pratique clinique des médecins, des médicaments qui ne sont pas encore approuvés mais qui éventuellement le seront, et on crée une habitude d'utiliser ces médicaments-là.
Mme Roy: Est-ce que...
Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît, Mme la députée, quelques secondes.
Mme Roy: Oui. Une question très courte. Est-ce que cette pratique-là se fait pour des médicaments qui sont inscrits déjà, là, qui ont passé toutes les phases? Coupe de prix draconienne...
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(11 h 30)
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Mme Lescop (Joëlle): À la phase IV, normalement ils ne sont pas encore reconnus comme médicaments homologués.
Mme Roy: Mais il n'y en a pas, des médicaments homologués qu'on vous vend beaucoup moins cher pour...
Mme Lescop (Joëlle): Mais ça, c'est les échantillons aussi. Effectivement, les échantillons, donc des médicaments qui ne sont pas sur la liste officielle et qu'on va utiliser à l'intérieur des hôpitaux.
Mme Roy: O.K. Merci.
Le Président (M. Paquin): C'est malheureusement tout le temps que nous avons. Donc, Mme Lescop, Mme Blouin et M. Larouche, de l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux, merci pour la présentation de votre mémoire.
J'invite maintenant les représentants de Génome Québec de bien vouloir prendre place.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Paquin): D'accord. Donc, permettez-moi, mesdames messieurs de Génome Québec, de vous souhaiter la bienvenue à la commission parlementaire. Je vous rappelle le fonctionnement de la commission. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, 20 minutes d'échange du côté ministériel, et tout ça se poursuit avec 20 minutes du côté de l'opposition. Donc, si vous voulez bien vous présenter, présenter ceux qui vous accompagnent, nous présenter votre mémoire, nous vous écoutons.
Génome Québec
M. L'Archevêque (Paul): Merci beaucoup et merci de nous recevoir. Alors, M. le Président et chers membres de la commission, d'abord j'aimerais vous remercier de nous permettre de faire valoir notre point de vue dans le cadre des consultations sur la politique du médicament.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent. D'abord, à ma droite, le Dr Thomas Hudson, médecin au Centre universitaire de santé McGill, division d'immunologie et des allergies, et chercheur spécialisé en maladies génétiques complexes. Le Dr Hudson dirige le Centre d'innovation Génome Québec et Université McGill. Il est également l'un des principaux investigateurs du projet mondial de la cartographie du génome humain. À ma gauche, le Dre Bartha Maria Knoppers, professeure à la Faculté de droit de l'Université de Montréal et chercheure principale au Centre de recherche en droit public de cette même université. Le Dre Knoppers est présidente du Comité d'éthique international du Human Genome Organization. Elle a également été membre du comité de bioéthique international de l'UNESCO. Je me présente: je suis Paul L'Archevêque, président-directeur général de Génome Québec. Je ferai la présentation, et, lors de la période de questions, mes collègues agiront à titre d'experts en matière de médecine, de génomique et d'éthique.
Notre présentation portera sur un angle bien spécifique, soit l'impact des nouvelles technologies sur l'utilisation optimale des médicaments et sur le maintien, au Québec, d'une industrie dynamique des sciences de la vie. Nous profiterons du temps qui nous est alloué pour vous démontrer qu'il existe déjà des exemples où l'utilisation de technologies génomiques ou protéomiques permettent la sélection de médicaments associés à une meilleure réponse thérapeutique ou à une diminution d'effets secondaires. Ces exemples sont issus d'une nouvelle science, qui s'appelle la pharmacogénomique, laquelle aura un impact majeur pour les citoyens du Québec dans les prochaines années. Les bénéfices associés aux nouveaux outils de gestion thérapeutique permettront d'améliorer la qualité de vie des patients et favoriseront également une meilleure utilisation des ressources limitées qui existent dans le système de santé.
Nous ne pourrons pas vous donner, aujourd'hui, des réponses à plusieurs questions importantes comme l'économie des coûts pour le système de santé lorsqu'on inclut des tests cliniques additionnels pour vérifier l'impact des médicaments avant de les utiliser. Ces tests sont complexes, et, avant de les intégrer dans la pratique, il faudra des analyses très critiques des bénéfices cliniques et des bénéfices socioéconomiques et une réflexion sur les questions éthiques entourant leur utilisation. Ainsi, il est impératif que la politique du médicament tienne compte de ces questions relatives à l'arrivée imminente de ces nouvelles technologies qui permettront l'optimisation des choix.
La génomique est une discipline qui a pour objectif de déchiffrer et de comprendre l'information génétique d'un organisme. Elle est devenue essentielle à toute recherche biologique. Et, à titre illustratif, la génomique est à la biotechnologie ce que les fondations sont à un édifice, et elle offre les fondements scientifiques essentiels à l'essor du secteur des biotechnologies.
Jusqu'à présent, on utilisait la génétique pour étudier un gène, une mutation et ainsi diagnostiquer une maladie dite monogénique comme la fibrose kystique. Mais, aujourd'hui, les possibilités de la science nous amènent beaucoup plus loin. La puissance de la génomique vient de sa capacité à aller bien au-delà de l'étude d'un seul gène en regardant en même temps tous les gènes impliqués dans un tissu malade, ou bien les interactions entre les gènes et l'environnement, ou l'ensemble des gènes pouvant modifier les risques de maladie et la réponse thérapeutique. La démarche, nous la connaissons, il suffit simplement, maintenant, de l'appliquer à un niveau de complexité plus grand: pour des maladies plurigéniques comme le cancer, les diabètes et les maladies cardiovasculaires.
Au cours des dernières années, la génomique est devenue un pilier du domaine de la recherche dans les secteurs des sciences de la vie. Cette discipline aidera à mettre au point plus rapidement que jamais des médicaments plus performants, plus précis et moins toxiques. Elle permettra également de développer de nouveaux outils de gestion thérapeutique qui permettront d'accroître significativement l'efficacité des soins de santé par le biais d'approches adaptées aux besoins de différents groupes.
En matière de santé humaine, plusieurs retombées tangibles de la génomique permettront de prévenir et repousser l'apparition de certaines maladies, d'améliorer les diagnostics médicaux, d'améliorer les traitements, adaptant le choix des médicaments aux profils génétiques des individus, et finalement d'éviter la morbidité et la mortalité associées à l'utilisation de certains médicaments.
Ainsi, nous allons brièvement vous parler de prévention, de diagnostic, d'utilisation de médicaments et d'encadrement et finalement d'une industrie dynamique des sciences de la vie dont le Québec peut être fier.
Sachant qu'environ 30 % des patients réagissent mal ou pas du tout à leur médication et que pour leur part les traitements sont conçus en fonction des profils génétiques généralisés les plus répandus dans la population, nous ne pouvons pas nier l'impact potentiel des nouvelles approches comme la pharmacogénomique. Ainsi, pour élaborer une politique sur le médicament efficace et visionnaire, on doit impérativement tenir compte de l'impact de ces nouvelles technologies.
On reproche souvent à tort à la génomique de ne pouvoir offrir des applications concrètes qu'à très long terme. C'est faux. Reprenons maintenant un par un les outils thérapeutiques listés précédemment et voyons en quoi ils peuvent être utiles dès maintenant pour des interventions efficaces.
Premièrement, la prévention. Qui dit détection précoce dit aussi prévention car, une fois le problème identifié, on augmente nos possibilités d'intervenir avec des traitements plus efficaces, et ce, souvent à moindre coût. Les technologies simples, comme l'Hémoccult, un test de dépistage qui détecte le sang dans les selles, pourraient engendrer une diminution de 15 % à 20 % du taux de mortalité associé au cancer colorectal. Cependant, c'est un test qui est très peu spécifique. Pour ce type de cancer, plus il est dépisté rapidement, meilleures sont les chances de guérison. Nous sommes en mesure de vous affirmer aujourd'hui qu'un kit de dépistage des individus à risque sera bientôt disponible. En effet, une équipe de chercheurs, financée par Génome Québec, va générer 1 milliard de lectures génomiques pour identifier des facteurs de risque aux formes fréquentes de ce cancer du côlon. Ces marqueurs génétiques serviront à la production du kit de dépistage pour les individus à risque. Plus spécifique que la simple détection de sang dans les selles, ce produit devrait être mis sur le marché d'ici trois à cinq ans. Au Canada, le cancer colorectal représente une infection qui présente 19 600 patients par année, dont 8 600 en mourront. C'est le troisième plus fréquent cancer et la troisième cause de mortalité au Canada.
Parlons maintenant des outils diagnostiques. Grâce à la génomique, le secteur des soins de santé se verra graduellement doté d'un nouvel ensemble d'outils appuyant l'établissement de diagnostics avec rapidité, fiabilité et efficacité. Il sera donc possible de déceler plus rapidement et de diagnostiquer de façon plus précise les maladies.
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(11 h 40)
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À titre d'exemple, dans les maladies infectieuses, des travaux sont présentement en cours afin de concevoir de nouvelles technologies de dépistage qui permettront d'identifier le type de bactérie en cause, et ce, en moins d'une heure. Aujourd'hui, les technologies disponibles, c'est 48 heures que ça prend, donc c'est un progrès quand même assez incroyable. Ce type de test sera disponible d'ici trois à cinq ans.
Conséquemment, dans les cas très précis, comme le C. difficile ou la bactérie mangeuse de chair, par exemple, on pourra rapidement poser un diagnostic beaucoup plus précis. Ceci permettra de mettre un frein à certaines maladies et d'éviter des problèmes dévastateurs tant pour les patients que pour les problèmes de santé publique qu'elles génèrent. Ce genre de technologie contribuera également à éviter une surutilisation d'antibiotiques à large spectre, un problème bien connu, et donc à diminuer le problème d'augmentation de résistance aux antibiotiques.
Qu'en est-il de l'utilisation des médicaments? Prenons l'exemple de la pharmacogénomique, une discipline en émergence issue de l'union de la génomique fonctionnelle avec la pharmacologie, qui utilise l'information génétique pour prédire l'innocuité, la toxicité et l'efficacité des médicaments sur un individu ou sur des groupes d'individus. Grâce à cette nouvelle application, il est possible de prédire si, oui ou non, un individu réagira à un médicament, et quel type de médication serait plus adéquat, et s'il aura ou pas des effets secondaires. En anticipant la réaction du patient, ceci permet au médecin de pouvoir ajuster la dose, ou la durée de traitement, ou même de juger s'il doit y avoir traitement. Conséquemment, il y aura un impact sur la qualité de vie du patient et sur l'utilisation des services de santé beaucoup plus précise.
Cette année, le U.S. Food and Drug Administration, le FDA, annonçait plusieurs politiques reliées à la pharmacogénomique et en particulier l'utilisation des tests pour cibler le choix des médicaments. L'intérêt du FDA, et de l'industrie pharmacogénomique, et de plusieurs intervenants du système de santé, fait suite à un grand nombre d'exemples dont l'impact clinique a été démontré. Nous notons que, malgré l'évidence croissante, le Québec n'offre toujours pas ces tests, et il va sans dire que la politique du médicament ne peut pas faire abstraction de ce nouveau phénomène si important.
Un exemple classique est celui des enfants atteints de leucémie qui doivent subir un traitement au 6MP, et cette drogue est dégradée via une enzyme très spécifique. Cette substance, le 6MP, est toxique pour les enfants qui produisent trop d'enzymes et complètement inefficace pour les patients qui ne produisent pas assez d'enzymes. Il faut trouver la bonne fenêtre d'intervention. Et c'est pourquoi il y a des cliniques prestigieuses, comme la Clinique Mayo, qui utilisent un test pour déterminer le profil génétique de l'enfant avant d'utiliser le médicament, avant de décider de la thérapie à utiliser.
Bien qu'il existe, ce test permettant de détecter ce type de profil, ce test-là n'a pas encore été intégré ici à la pratique médicale, au Québec. On continue donc à administrer parfois des traitements potentiellement inefficaces, causant ainsi parfois des souffrances et des espoirs inutiles.
Une étude pharmacoéconomique, effectuée par l'équipe de David Veenstra, à Seattle, a montré récemment que le coût pour traiter les patients pendant six mois avec ce médicament-là sans faire de dépistage préalable était égal à celui engendré par un dépistage systématique. L'un équivalait à l'autre. Et conséquemment il est préférable d'avoir un dépistage pour éviter des traitements souvent toxiques chez les patients pour lesquels ces traitements-là pourraient être inutiles.
Parlons maintenant des personnes à haut risque de thrombose, c'est-à-dire de voir un caillot de sang se former dans un vaisseau sanguin. Des milliers de Québécois à haut risque de thrombose doivent prendre, pendant des années, des substances anticoagulantes comme le Coumadin. Dans ces cas, une prescription inadéquate peut entraîner des effets secondaires relativement majeurs, des saignements très importants pouvant aller jusqu'à la mort du patient.
Il existe plusieurs gènes qui dégradent les médicaments dans le foie, et nous savons qu'un de ces gènes est particulièrement responsable du métabolisme du Coumadin. Les gens porteurs de ces séquences éliminent mal ce médicament et conséquemment, s'ils l'éliminent mal, se retrouvent en surdose, donc problème de saignement. La connaissance du gène a permis la mise en marché d'un test grâce auquel bien des complications peuvent désormais être évitées.
On reconnaît le besoin d'études pharmacoéconomiques pour évaluer et démontrer l'impact de faire un dépistage systématique de ces séquences chez les gens ayant besoin d'anticoagulants. Toutefois, ces études pharmacoéconomiques ne doivent pas être simplement faites aux États-Unis, mais également ici, au Québec, dans des conditions où les systèmes de marchés ne sont pas nécessairement les mêmes.
Enfin, il y a au moins six autres gènes connus qui affectent le métabolisme des médicaments tels les antidépresseurs, la codéine et des agents anticancéreux. Certaines séquences génétiques augmentent les risques de neurotoxicité, d'autres de myélosuppression. D'autres séquences ont un effet tout à fait contraire, et certaines séquences contenues dans certains gènes rendent les médicaments antidépresseurs complètement inefficaces.
Les technologies pouvant évaluer le profil génétique des patients ont déjà un impact dans le choix des thérapies. Cependant, elles ne sont pas les seules, il existe également des technologies qui permettent aussi d'étudier les tissus affectés par ces maladies-là. Les technologies de micropuces, par exemple, analysent des gènes activés dans les tumeurs.
Certains exemples récents d'utilisation clinique impliquent l'identification de profils tumoraux permettant de reconnaître deux sous-types de lymphomes, une classification qui nous était inconnue auparavant. Encore aujourd'hui, on traite tous les gens atteints de ces lymphomes avec la même chimiothérapie, bien qu'on sait qu'environ 50 % ne répondront pas à ce type de traitement. Il serait donc possible d'éviter au groupe de patients ne répondant pas à la chimiothérapie classique, dans ce cas-là, un traitement très toxique qui n'aura aucune efficacité pour ces patients. Notons que ces technologies ne sont pas encore disponibles ou ne sont pas encore intégrées complètement dans nos pratiques médicales, ici.
Enfin, en matière du cancer du sein, l'une des causes les plus importantes de mortalité chez les femmes, au Canada, on rencontre également des résistances au traitement dues au profil de la tumeur. Ainsi, grâce à la protéomique, l'étude des protéines, on peut maintenant mesurer la capacité d'un organisme de répondre favorablement ou non au traitement prescrit. Par exemple, 25 % à 30 % des cas de cancer du sein surexpriment une protéine spécifique, et les patientes qui surexpriment cette protéine vont répondre davantage à un médicament fort coûteux qui s'appelle le Herceptin. Il y aurait avantage à utiliser cette technique-là, avant de décider si on utilise ce médicament-là, pour bien faire le test.
Passons maintenant à notre quatrième thème, qui est l'encadrement. Bien sûr, avant d'introduire des nouveaux outils de gestion thérapeutique, le gouvernement voudra non seulement mesurer les rapports coûts-bénéfices, mais aussi s'assurer d'un encadrement responsable. D'ailleurs, nous croyons comprendre que le gouvernement a déjà amorcé des discussions avec certains de ses partenaires à cet effet-là. Pour ce faire, le gouvernement devra se doter de paramètres, à savoir: Comment devrait-on déterminer quelle sous-population aura accès à des tests de dépistage? Comment devrions-nous gérer l'accès à ces tests génétiques? Et quelle en devrait être l'utilisation?
Plusieurs questions d'ordres éthique et juridique viennent aussi s'ajouter aux enjeux scientifiques. Sans aller dans tous les détails, il faudra d'abord réitérer l'obligation légale d'accréditation de ces tests pour en déterminer la spécificité, la sensibilité et la validité clinique. De plus, les notions éthiques de sécurité, de protection de la vie privée ainsi que de stratification populationnelle devront être mises en place. En outre, la finalité du test doit être respectée et être limitée à l'utilisation initiale prévue pour ce test-là. Enfin, le résultat du dépistage doit être validé par un diagnostic clinique, et colligé au dossier du patient, et être discuté dans le cadre de la relation médecin-patient et dans le respect de la déontologie médicale.
Finalement, j'aimerais vous dire un mot sur cette industrie dynamique des sciences de la vie dont le Québec peut être fier. Mesdames et messieurs, membres de la commission, le Québec est présentement en plein virage technologique. Cela influencera inévitablement l'industrie du médicament, et ce, notamment en raison de la convergence d'avancées significatives scientifiques, combinées à des nouvelles technologies, qui enrichiront largement l'inventaire des possibilités qui s'offrent à nous. Au Québec, nous sommes particulièrement performants dans le secteur des sciences de la vie, un volet fondamental de l'économie du haut savoir, et notre communauté scientifique a su développer des niches extrêmement porteuses dans ce domaine.
À titre d'exemple, le Centre d'innovation Génome Québec et Université McGill se définit comme une infrastructure de calibre mondial qui favorise le positionnement du Québec sur la scène internationale dans le domaine de la génomique. Notre technologie permet à la fois de recruter les meilleurs chercheurs dans le domaine et d'obtenir des économies d'échelle substantielles. Les technologies les plus avancées sont disponibles et pourraient être mises à contribution dans le cadre de la mise en place d'une infrastructure de diagnostic ou de dépistage à grande échelle.
À ce jour, le centre abrite près de 200 chercheurs, et plus de 400 projets nationaux et internationaux viennent y chercher les ressources. Parmi les découvertes, depuis son inauguration, il y a à peine deux ans, on retrouve l'identification du gène de l'acidose lactique, des gènes de prédisposition à l'asthme et même des facteurs génétiques qui protègent les gens contre des infections comme la lèpre.
La présence d'une industrie dynamique des sciences de la vie est un actif important pour le Québec. En effet, selon la grappe des sciences de la vie du Montréal métropolitain, près de 40 000 emplois sont générés dans ce secteur, d'où son importance pour l'économie et aussi pour la recherche et le développement.
Chez Génome Québec, nous finançons des initiatives majeures via des investissements annuels d'environ 50 millions de dollars qui sont faits avec les milieux académiques et avec les milieux privés. Notons que, depuis notre création en l'an 2000, nous avons investi plus de 220 millions de dollars, créé près de 700 emplois et formé plus de 230 chercheurs. Grâce à l'avènement de Génome Québec, nous sommes désormais compétitifs sur la scène internationale en matière de génomique.
En terminant, sachez que nous appuyons le document de consultation déposé en décembre dernier. Nous considérons cependant important de porter à votre attention le fait qu'il y a de plus en plus d'outils novateurs utilisés dans la gestion des soins thérapeutiques et qu'ils seront appelés à jouer un rôle grandissant dans l'avenir, particulièrement lorsqu'il s'agit d'optimisation dans la gestion des soins de santé.
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(11 h 50)
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Nous souhaitons donc nous assurer que notre réflexion contribuera à améliorer cette première politique du médicament. Nous sommes persuadés qu'une participation d'intervenants externes et disposant d'une solide expertise pertinente favorisera la mise en oeuvre de cette politique et tiendra compte d'innovations scientifiques issues notamment des secteurs de génomique et protéomique.
Ainsi, Génome Québec est disposé à s'investir activement afin de mettre son expertise à contribution et remplir son rôle, en complémentarité avec les autres acteurs du système de santé, pour cette nouvelle politique du médicament.
Merci de votre attention. Et mes collègues et moi sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Paquin): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, nous vous écoutons.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. L'Archevêque, M. Hudson et Mme Knoppers, pour votre présentation aujourd'hui. Effectivement, vous ouvrez des horizons que la plupart des autres groupes n'ouvriront pas, et donc d'où l'importance de votre présence parmi nous.
Je commencerais par la fin de votre présentation sur l'industrie des sciences de la vie au Québec, l'aspect stratégique pour notre société. Vous savez qu'au coeur du projet de politique se trouvent les méthodes actuelles de soutien de l'industrie pharmaceutique, particulièrement celle de l'innovation, qui s'incarnent notamment par la règle des 15 ans, la non-utilisation du prix de référence. Et ce qu'on propose actuellement, c'est de mettre fin au gel des prix qui est en vigueur depuis 1994, mais d'une façon encadrée.
Effectivement, dans cette commission, on a deux types de représentation: on a une représentation qui nous dit que ? et je dirais que c'est le préjugé qu'on a, de ce côté de l'Assemblée ? c'est une activité essentielle pour générer la prospérité du Québec, prospérité collective qui nous amène plus de ressources, qui nous permet, à son tour, de financer les programmes sociaux; d'autres nous disent, à l'opposé, qu'il faut mettre fin à ces méthodes parce qu'elles se font, disent-ils, sur le dos ou au détriment de la population qui reçoit lesdits programmes sociaux.
Quelle est votre position là-dessus, quant à l'équilibre entre, disons, la genèse de cette prospérité, les retombées économiques et l'administration des programmes sociaux?
M. L'Archevêque (Paul): Bien, M. le ministre, par rapport à cette question-là, je pense que la pensée qui est en développement présentement et celle que l'on partage, c'est le fait qu'il existe un continuum dans les sciences de la vie et que l'ensemble du continuum doit être supporté si on veut continuer d'avoir du succès dans ce secteur-là. Et ça, ça part de la recherche. On doit supporter la recherche, on doit supporter le transfert technologique, on doit supporter le financement des entreprises qui sont en démarrage, et finalement le secteur de l'industrie doit être supporté, donc la pharmaceutique.
Et, nous, au Québec, le fait qu'on ait eu la pharmaceutique, les biotechs et la recherche et les grandes universités, c'est un élément très, très important dans les succès qu'on a eus dans les sciences de la vie. Et de toucher à un de ces éléments-là ou de venir enlever un certain support à un de ces secteurs-là viendrait mettre en péril l'ensemble de la pyramide. Et, dans ce sens-là, nous, on pense qu'il faut continuer de supporter l'industrie dans le sens que vous le proposez.
M. Couillard: Et devant les...
Le Président (M. Paquin): ...
M. Couillard: Merci, M. le Président. Les perspectives d'avenir de votre secteur particulier d'activité sont immenses, et je pense qu'on discerne à peine maintenant tout ce qui est devant nous, au cours des prochaines décennies, dans ce secteur-là. Vous avez mentionné l'utilisation des techniques génomiques pour le diagnostic de certaines maladies, particulièrement les infections et les bactéries. Au lieu de faire des cultures de bactéries ou de microbes, on peut les identifier par l'ADN dans les tissus plus rapidement. La prédiction de la réponse au traitement, également, dans plusieurs cancers. Vous avez donné de très bons exemples.
Si je vous amenais, maintenant, sur le terrain du futur, l'avenir, à faire un peu de prospective et de futurisme, de futurologie, comme on dit, pensez-vous qu'on est à la veille, en termes d'années, du développement de profils génétiques de susceptibilité à divers types de maladies, et là développement de produits qui empêcheraient le développement des maladies auxquelles on est théoriquement susceptibles, étant donné notre potentiel génétique? Mais vous voyez tout l'immense problème éthique que ça représente sur le plan des assurances, par exemple, ou du fait que ces profils génétiques de susceptibilité pourraient devenir très répandus. Comment est-ce que vous entrevoyez l'avenir dans ce domaine-là?
M. L'Archevêque (Paul): Je vais sûrement passer la question au Dr Thomas Hudson, parce qu'on tombe dans une spécificité quand même relativement grande. Ceci étant dit, dans une réponse préalable, je vais quand même dire qu'entre les promesses qu'on entend parfois, qui disent que la génomique va nous permettre d'avoir des traitements individualisés ou des choses comme ça, je pense qu'il faut être prudents par rapport à ça et ne pas penser que ça va aller nécessairement, là... J'entendais une conférence, l'autre jour, où les gens disaient: Oui, tu vas rentrer à la pharmacie, puis on va te faire ton médicament sur mesure pour toi. Je pense qu'il faut faire attention à ces choses-là. Ceci étant dit, pour la question futuriste, je ne sais pas si, Dr Hudson, vous pouvez commenter?
M. Hudson (Thomas J.): Oui. Bien, je pense que cette question est très importante, et puis c'est une préoccupation qui n'est pas seulement au Québec, hein, c'est au Canada, c'est à travers le monde: Comment qu'on va intégrer ces nouvelles technologies là? Puis la raison qu'on voit une réaction actuelle, là, qu'on ne décide pas qu'on va attendre cinq ans pour y penser, c'est que, déjà, il y a des applications qu'on voit, qui sont visibles, qui feraient une différence dans la vie, dans nos pratiques médicales.
Puis justement la FDA, l'U.S. Department of Health Services, Center for Drug Evaluation and Research puis beaucoup d'autres institutions américaines viennent de déposer un mémoire là-dessus, sur la pharmacogénomique, en mars 2005, parce que justement «some», pas beaucoup, mais «some pharmacogenetic tests [...] have well-accepted mechanistic and clinical significance and are currently being integrated into drug development decision making and clinical practice». Donc, il y a des exemples concrets, aujourd'hui, que ça fait une différence chez les enfants, les chimiothérapies, avoir les tests. Et alors là, comment... Donc, il y a un besoin. Puis, le Conseil du médicament, vous nous avez ouvert la porte avec votre axe III, qui est l'optimisation des traitements médicamenteux, parce que c'est ce que la pharmacogénomique veut faire.
Mais c'est le fait qu'il y a déjà des exemples qui sont tellement proches de la clinique ou déjà en pratique clinique à des places que la FDA puis d'autres pays décident de s'y attarder actuellement puis pour deux raisons: une, c'est le temps pour certaines choses, mais aussi il y a la question du futur. Le système de santé, il n'est pas prêt à recevoir des tests, faire des tests génétiques. Il n'y a pas de clinique, il n'y a pas de laboratoire organisé pour le faire. Donc, il faut aussi préparer, avec un changement pas juste scientifique, mais il faut changer le système.
Ces exemples-là, les tests qui prédisent les chimiothérapies qui vont avoir des effets secondaires, on parle d'effets secondaires majeurs: les enfants qui sont déficients avec certaines enzymes ont une myélosuppression parce que, comme ils ne peuvent pas éliminer l'agent de chimiothérapie, le poison reste à des niveaux élevés dans le sang pendant des jours, ça détruit la moelle, puis ensuite ils ont des effets importants.
Les anticoagulants. Quand il a été trouvé, le gène, ils se sont aperçus ? le facteur qui augmente le risque de saignements importants ? que tous les décès, à l'intérieur de l'hôpital, de saignements qui sont arrivés deux semaines après, en Angleterre, là, après le début de traitement, c'étaient des gens qui étaient porteurs du déficit. Donc, il y avait un impact important. C'est pour ça que c'est sorti dans The Lancet.
Il y a beaucoup de choses qui sont beaucoup plus compliquées, puis je ne sais pas comment qu'on va les amener, mais ça a des effets sur le coût de la santé. Les statines, par exemple, c'est un médicament qu'on sait qu'en moyenne ça baisse le taux de maladies cardiaques de 30 % chez les hommes ou les femmes qui ont un cholestérol en haut d'un certain niveau. D'après les recommandations, il y a 100 000 Québécois qui devraient recevoir des statines. C'est un médicament qui coûte dans les 1 000 $ par année.
Les tests génétiques. On sait que les gens... Il y a deux formes du gène, la forme D puis la forme I, puis on peut être DD, DI ou II. Je ne veux pas rentrer trop en génétique, ça dépend de ce qu'on a hérité de nos parents. Mais les formes DD, qui est 25 % des gens, ils ne répondent pas aux statines, ils ont peut-être même une augmentation de maladies cardiaques, aux statines, tout l'effet contraire. Tandis que, s'ils sont ID, la baisse de mortalité est de 20 %, ça, c'est 50 % des gens. Puis ceux qui sont II, c'est une baisse de 80 %, un effet énorme sur le risque cardiaque. Donc, au lieu de penser à la moyenne de baisse... le 30 % où est-ce qu'on baisse la maladie cardiaque chez les gens qui prennent des statines, c'est vraiment... il y a trois groupes: ceux qui ont une réponse énorme, ceux ont une réponse faible, puis ceux qui n'ont pas de réponse.
Mais tester 100 000 personnes, ça aurait un coût. Puis, si on fait les tests de la façon qu'on fait ça dans les laboratoires, chaque hôpital fait ses propres tests, bien ça pourrait coûter 30 $, 40 $, 50 $, le test. Donc, on pourrait voir que ça pourrait coûter quand même 10 millions. Un médicament qui pourrait éliminer... donc vraiment... Et je pense que, pour un médicament qui coûte peut-être 60 millions au Québec, pour éliminer au moins les DD, là, 25 % des gens, pour une économie de 20 millions, il faudrait faire un test qui coûte 10 millions. En plus, les gens vont prendre d'autres médicaments, si le test est négatif, pour baisser leur risque cardiaque.
Donc, la pharmacogénomique est juste... ça va donner un bénéfice pour la société, ce n'est pas clair. Mais, si on a un système de santé qui crée des laboratoires centralisés... ou des tests génétiques coûtent 30 $ parce qu'une technicienne fait 30 tests par semaine, là, une technicienne ferait 1 000 tests par jour, les coûts baissent. Comme on le voit en recherche, là, les coûts de génotypage ont baissé de 1 000 fois depuis qu'on a commencé ça à Génome Québec, c'est énorme, avec une centralisation, avec une équipe, etc. Tout d'un coup, la pharmacogénomique nous dit que, oui, ça va coûter moins cher au système de santé, on va traiter les bonnes personnes, puis les personnes qui n'ont pas d'effet, qui n'en ont pas besoin, elles ne l'auront pas.
Puis ça, c'est des études pharmacoéconomiques faites en Hollande, faites aux États-Unis. Il n'y en a pas faites au Québec. Je ne pourrais pas vous dire exactement les chiffres, là, ce n'est pas mon domaine, là. C'est assez complexe, la pharmacoéconomique. Mais on peut voir que, dans d'autres pays, déjà les gens voient qu'il y a un avantage pour le système de santé.
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(12 heures)
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Ce que, nous, on... Le but, aujourd'hui, ce n'est pas de rentrer dans tous les exemples qui existent déjà mais pour mettre la puce à l'oreille que le Conseil du médicament doit s'y pencher, comme le FDA puis comme les autres agences, comment traiter les gens de façon optimale. Puis peut-être qu'on va être capable, sans augmenter les coûts au système de santé, de façon précise être capable d'améliorer des... d'amener des tests qui vont baisser le coût global de certains médicaments mais aussi baisser les effets secondaires, augmenter l'efficacité.
Mais la difficulté du transfert de ces technologies-là vers la clinique est une problématique qui, je dois dire, me dépasse moi-même, là, comme chercheur. Ce n'est pas seul que je pourrais vous dire comment le faire, mais il y a quand même beaucoup d'intervenants dans le système de santé, dans le Conseil du médicament, où est-ce qu'ils devraient s'y pencher. Donc, on voulait ajouter un mot à votre axe 3, qui était la pharmacogénétique, la pharmacogénomique.
M. Couillard: Je pense que vous avez déjà très bien réussi. Je me demandais, des fois, moi, si j'accepterais, si je voudrais voir mon profil génétique puis mon niveau de susceptibilité à diverses pathologies. Je ne suis pas sûr. C'est une question que je me pose des fois.
M. Hudson (Thomas J.): Je vais répondre, je vais répondre aussi parce que c'est une question qu'on me pose, à Chicoutimi, quand je vais rencontrer les patients, qu'on me pose partout. Puis, en médecine, on fait des tests seulement quand ça va changer l'acte médical. Donc, si, aujourd'hui, on m'offrait un test... Il y a un test d'Alzheimer que ça fait au moins 10 ans qu'on connaît. 10 % d'entre nous ont un facteur de susceptibilité qui augmente le risque de quatre fois. Personne ne le fait, on ne le fait pas, en médecine, ce test-là, à aucune place, là, à travers le monde, un test de la maladie d'Alzheimer, parce que ça ne changerait pas le risque. Moi, je ne voudrais pas le savoir.
Mais, si quelqu'un arrive, dans trois ans, puis il y a un médicament, ceux qui sont porteurs de la mutation, on pourrait retarder l'Alzheimer de 10 ans parce qu'on pourrait retarder la formation de plaques ? et puis, bien, j'en ai une, tante, qui fait de l'Alzheimer, je sais ce que c'est, d'en avoir dans sa famille ? peut-être que là je voudrais me faire tester parce que là je serais peut-être prêt à prendre un médicament, pendant 10 ans, pour retarder la maladie.
Donc, le principe, c'est le risque modifiable. Si on ne peut pas modifier le risque, c'est important du côté des connaissances scientifiques, mais ça n'a aucune utilité clinique, ça ne devrait pas se retrouver en clinique. Mais, quand le risque est modifiable, avec un bénéfice, un coût-bénéfice amélioré, là, les gens... il y a quelqu'un comme moi qui se serait dit prêt à dire non, on serait peut-être capable de dire oui. Mais je vais laisser Bartha faire un...
Mme Knoppers (Bartha Maria): Oui. C'est vrai qu'en parlant de susceptibilité génétique on parle toujours des dangers puis possibilités non seulement de faire des profils des individus, mais des populations et des sous-populations. Mais on oublie qu'il y a un côté de protection, puisqu'on connaît sa susceptibilité génétique ou même génomique, puisqu'on peut planifier la protection en termes de maladies infectieuses, par exemple. Puisqu'on connaît ce profil de susceptibilité génétique, on peut aussi prévenir... il y a certaines maladies qu'on pourrait, avec un changement de style de vie dès l'enfance, prévenir: l'arrivée des crises cardiaques à 40 ans.
En parlant de profil de susceptibilité génétique, on peut aussi éviter, comme a mentionné Paul L'Archevêque, la toxicité. On oublie que, dans beaucoup des médicaments ? et je ne parle pas juste de la rechercher phase I ? il y a un niveau de toxicité, et donc de morbidité et mortalité, d'à peu près 10 % attaché à l'utilisation des médicaments.
Donc, pour moi, il y a aussi un facteur de sécurité, donc protection, prévention et sécurité... bon, efficacité bien sûr et sécurité, qu'on peut inclure ou exclure des gens. On parle beaucoup de traitement, aujourd'hui, mais même avant, lors de la recherche, pour éviter des accidents, si on pouvait faire un génotypage avant de les inclure dans une recherche phase I, par exemple.
Pour moi, les dangers des profils de susceptibilité génétique proviennent plutôt de ce que j'appelle l'exceptionnalisme génétique ou le déterminisme génétique, cette notion que nous sommes la somme totale de nos gènes et nous sommes prédéterminés, prédestinés, etc. Si on pouvait normaliser les données génétiques, comme les données environnementales, comme les données médicales comme étant un facteur parmi d'autres et concentrer nos efforts plutôt de protéger des données génétiques comme des données médicales sensibles et d'augmenter la protection de toutes les données médicales, psychiatriques en même temps, etc., je pense que c'est là où on pourrait diminuer encore cette notion que la génétique est dangereuse. Et donc on va éviter même de faire de la recherche en pharmacogénomique même si la preuve est là que ça pourrait sauver la vie, parce qu'on est encore pris avec cette notion de génétique fatalité, mortalité, qui vient de l'âge des Grecs.
M. Couillard: Et bien sûr toutes les présentations à cette commission sont intéressantes, mais je soupçonne que nos concitoyens et concitoyennes vont regarder la vôtre avec énormément d'intérêt, parce que c'est une avenue qui n'est pas souvent discutée, là, dans le domaine public. Puis on a une occasion, au cours des prochaines semaines, là, de mettre au point une politique du médicament ? c'est un document de consultation qui est devant nous ? et voilà donc l'occasion d'introduire ce que vous mentionnez dans la philosophie générale du médicament québécois. Et je remarque que vous suggérez la participation de votre secteur d'activité au conseil et à la table de concertation. Je crois que particulièrement, compte tenu de ce que vous venez d'illustrer, ça m'apparaît très intéressant d'envisager cette hypothèse, et on va certainement le faire.
Maintenant, je ne peux pas vous laisser terminer ? mon temps, il doit être un peu réduit ? ...
Le Président (M. Paquin): 4 min 30 s environ, M. le ministre.
M. Couillard: ...sans vous demander votre opinion sur le cas de ces maladies génétiques rares orphelines, comme la maladie de Fabry, par exemple, dans lesquelles on est confrontés avec un problème éthique majeur qui est qu'il s'agit de maladies rares avec un faible nombre de personnes, donc cohortes qui ne permettent pas nécessairement la mise au point d'études de taille suffisante pour statuer sur l'efficacité thérapeutique.
Est-ce que vous avez réfléchi à ces questions? Est-ce que votre domaine d'activité permet d'apporter un éclairage sur ce dilemme entre l'introduction d'une médication pour un problème enzymatique extrêmement rare, des médicaments qui ne peuvent être vraiment validés, comme on l'entend d'habitude, sur la base d'évidences probantes de niveau élevé? Quelle serait votre approche pour cette situation?
M. L'Archevêque (Paul): Bien, je pense qu'en ce qui nous concerne l'avantage qu'on aurait, dans ce genre de circonstances là, et sans promettre des choses qu'on ne serait pas capables de livrer, mais... l'avantage, c'est qu'on fait de la recherche fondamentale également. Et, dans le cadre de programmes de recherche fondamentaux, c'est probablement plus facile d'accorder une attention très spécifique et très précise à ce genre de problématiques là. Et, si on voulait, par exemple, faire des études génomiques dans ce sens-là, ce ne serait pas impossible pour nous de faire ça.
M. Hudson (Thomas J.): Aussi, les maladies rares, c'est rare à un endroit mais peut-être pas rare à travers le monde. Je veux dire, c'est des chiffres importants, puis là on parle d'une... Les mécanismes pour augmenter le nombre puis... C'est vraiment d'avoir plus de liens, de réseautage international pour les maladies rares. L'ataxie de Charlevoix-Saguenay, ça n'existe pas seulement en Charlevoix-Saguenay; il y en a en Italie, il y en a en Tunisie, il y en a en Espagne. On a peut-être donné un nom à une maladie, mais ça existe ailleurs. Puis donc, quand on parle aussi... Puis c'est seulement 100 familles atteintes à travers le monde, mais c'est des milliers de familles à travers le monde et peut-être que t'es capable d'avoir le chiffre nécessaire pour faire les études, mais, dans ce cas-là encore, ça demande de... La problématique, dans la... de médicaments qui... Des fois, ce n'est pas seulement un pays qui peut faire l'étude clinique. Ça demande des collaborations entre les systèmes de santé pour faire ces choses-là.
M. Couillard: Et, vous savez, c'est intéressant, c'est un peu les efforts qu'on déploie actuellement pour mobiliser tous les patients, au moins les patients canadiens. Vous savez que la maladie de Fabry... il y a une douzaine de patients Québécois, mais il y a apparemment 60 malades en Nouvelle-Écosse et d'autres dans les provinces de l'Ouest. Donc, il y aurait la possibilité de réunir une cohorte plus grande. Et, avec le Fonds de recherche en santé du Québec, on essaie de voir comment est-ce qu'on peut mobiliser cet effort-là. Et certainement que la partie de la recherche fondamentale est importante.
Mais, vous savez, ce qui est intéressant, dans les cas des systèmes publics de santé, c'est que ce n'est pas nécessairement tous les systèmes publics de santé qui veulent avoir la réponse ? et ça, c'est un autre problème éthique de société ? parce que c'est des médicaments extrêmement coûteux, qui représentent des charges puis qui représentent d'autres problèmes éthiques, parce que l'argent qu'on consacre à ces maladies-là évidemment est moins disponible pour d'autres types de problèmes de santé.
Donc, je vous remercie énormément pour votre visite aujourd'hui. Je trouve ça extrêmement rafraîchissant. Ça a été le... Probablement que ça aura été les moments les plus intéressants de ma journée, sans préjuger de l'intérêt de la période de questions bien sûr, qui dépend entièrement de la créativité de ma consoeur d'Hochelaga-Maisonneuve.
Le Président (M. Paquin): M. le ministre, merci. On poursuit nos échanges du côté de l'opposition officielle. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et à la condition des aînés. Madame, à vous la parole.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. L'Archevêque, Dr Hudson, Dre Knoppers... C'est bien ça? Je le prononce bien? Oui? Tant mieux. Vous êtes habituée.
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(12 h 10)
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Alors, c'est passionnant. En vous écoutant, je me disais: Qu'est-ce que ce serait intéressant qu'il y ait une émission grand public, une émission de télévision qui puisse présenter, comme vous le faites, là, dans votre mémoire, d'une manière très vulgarisée... Tout ça semble toujours un peu étranger à notre réalité, alors que les exemples que vous nous donnez réfèrent à des situations très réelles. Il y a peut-être une semaine ou deux, là, j'assistais à un forum de la coalition urgence cancer... ou solidarité, je crois...
Une voix: ...
Mme Harel: Pardon?
Une voix: ...
Mme Harel: Priorité Cancer, la Coalition Priorité Cancer. Et les chiffres étaient effarants, hein, de la progression absolument phénoménale des personnes qui sont atteintes de cancer, cancer du sein, cancer des poumons, les décès suite au cancer des poumons. Et là, aujourd'hui, ce que vous nous apportez, c'est une manière de voir l'avenir moins sombre, puisque peut-être justement à ces maladies galopantes va-t-il pouvoir correspondre des interventions humaines grâce aux sciences de la vie, là. C'est un peu la conclusion que je tirais après la présentation que vous avez faite.
Évidemment, vous savez que le centre Génome Québec a fait la fierté du gouvernement du Parti québécois qui a consacré, je sais, beaucoup, beaucoup, beaucoup d'intérêt. Et je suis très heureuse qu'il y ait une pérennité, que tout cela continue. Vous avez déjà 200 chercheurs, 400 projets nationaux, et vous faites état de découvertes depuis l'inauguration, il y a à peine deux ans, et vous parlez du gène de l'acidose lactique. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. L'Archevêque (Paul): Avant de passer la parole au Dr Thomas Hudson, qui est responsable justement de cette découverte-là, je voudrais quand même revenir sur le premier point que vous faisiez, Mme Harel, qui était le point de communication-éducation. Et effectivement je pense que c'est un grand défi auquel on fait tous face, comment sensibiliser les gens à ces nouvelles technologies là, à cette nouvelle science là, sans faire peur à personne d'une certaine façon puis en même temps en voyant tous les aspects positifs et constructifs qui peuvent y être amenés. Et c'est un défi auquel, nous, on s'attarde d'une certaine façon.
Et tout récemment on avait une exposition, à Montréal, qui s'appelait Le génie du génome, au Centre des sciences, et je pense qu'il y a 45 000 personnes qui sont allées voir cette exposition. Donc, on voit que peut-être il y a de l'espoir d'amener une certaine sensibilisation. Cette exposition-là revient en Sagamie au mois de septembre, et on pense que c'est très important de sensibiliser les gens. Ça, c'est ma petite intervention. Merci.
M. Hudson (Thomas J.): Donc, bien, je peux parler de l'exemple. C'est une mutation qui existe au Québec, qui est plus fréquente au Québec qu'à travers le monde, plus particulièrement dans le nord-est du Québec, Charlevoix-Saguenay, mais on en voit quand même à Montréal puis à Québec, des gens qui ont cette maladie-là.
Bien, ce que je veux dire, c'est une équipe de Boston ? j'étais directeur adjoint au MIT avant d'arriver à Montréal ? avec une équipe de Toronto, une équipe de Montréal puis l'équipe de Chicoutimi qui ont trouvé le gène, donc pas seulement moi, là. Et ce n'est pas le seul exemple de gène qu'on a trouvé. Presque toutes les mutations québécoises du Saguenay, là, les plus importantes ? tyrosinémie, ARSACS, ataxie, acidose lactique, etc. ? ont été découvertes, existent. C'est un peu un avantage.
Je sais, quand on parle de stigmatisation de la population, on en parle toujours... On trouve des maladies au Québec. Ça amène beaucoup de préoccupations qui sont vraies, là, parce que, des fois, on pense qu'il y a plus de mutations, plus de maladies, au Québec, génétiques qu'ailleurs, mais ce n'est pas vrai parce qu'il existe plein de mutations qui n'existent pas au Québec, parce que nos fondateurs n'ont pas amené beaucoup des mutations d'autres maladies, donc le fardeau génétique est le même.
Mais, si j'avais un mot à vous répondre, c'est un mot... c'est impuissance. C'est impuissance, même quand il y a des découvertes puis il faut faire les prochaines étapes, parce que c'est des maladies qui ne sont pas fréquentes. C'est quand même une certaine impuissance de continuer le financement, le momentum qu'on a avec le gène. Tout d'un coup, pendant deux ans, trois ans, on cherche d'autres sources de financement pour faire les prochaines étapes. Les prochaines étapes ne sont pas nécessairement mieux faites dans le laboratoire qui a trouvé le gène. Des fois, elles sont mieux faites dans le laboratoire qui connaît le métabolisme du gène qui a été découvert. Donc, c'est assez complexe. L'impuissance qui vient de groupes de familles.
Vous savez, je pense qu'au Saguenay il y a eu 10 décès en 22 mois pour des enfants, O.K.? Si c'était à Montréal, on parlerait d'épidémie. Mais c'est énorme, l'acidose lactique, parce que le taux de porteurs est 1 sur 20. Le taux de naissance: donc 1 sur 80 enfants naît avec la maladie.
On parle de dépistage, mais encore là il faut parler de dépistage dans les familles à haut risque. Mais il y a même des associations qui aimeraient faire du dépistage dans les populations ou donner l'information à l'école secondaire que ces maladies existent, puis vous êtes peut-être porteurs. Puis il y a des gens qui veulent savoir puis il y a des gens qui ne veulent pas le savoir. Ça, c'est normal. Mais quelqu'un qui voudrait savoir, ça veut dire qu'il faudrait avoir un conseil génétique. Il faudrait faire le test, ce qui est facile, qu'il faudrait faire du conseil génétique, ce qui n'est pas facile quand il y a deux conseillers génétiques dans la population du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Donc, il y a des mécanismes. Mais quand même c'est important pour le fardeau de la maladie.
Je suis au courant que le Département de santé publique, au Saguenay, a mis la génétique comme une priorité, il y a trois ans, puis à ma connaissance c'est un des seuls départements de santé publique à travers le monde qui a mis la génétique dans ses priorités. Donc, c'est très récent. Mais donc il y a de l'espoir, mais il y a quand même de l'impuissance au point de vue... du côté de la recherche vers les prochaines étapes. Manque de financement. C'est parce que ce n'est pas avec un 100 000 $ par deux ans qu'on est capables d'aller trouver le traitement. C'est ça que je réponds, c'est ma réponse pour l'instant.
Mme Harel: La question qui me venait à l'esprit lors de la présentation par M. L'Archevêque et encore plus suite à votre intervention: Est-ce que, dans le plan national, dans le plan d'action national de la santé publique, là, qui a été publié il y a deux mois, je crois... dans le programme, le programme national de santé publique, qui est sur 10 ans, je pense, est-ce que cette question, disons, de la science pharmacogénomique, là, a été prise en considération?
M. Hudson (Thomas J.): Malheureusement, je n'ai pas la réponse.
M. L'Archevêque (Paul): Moi non plus, je ne peux pas répondre à cette question-là.
Mme Harel: Non. Mais quels sont les liens avec la santé publique? Quels sont les liens de...
M. L'Archevêque (Paul): Ils sont quand même immenses, les liens avec la santé publique. Quand on pense à développer des outils de détection précoce qui nous permettraient de faire des programmes d'intervention rapide et avant même que les maladies se développent, ça a un impact de santé publique énorme. Je pense que ce qu'il faut faire... Et c'est un peu la recommandation qu'on fait présentement, et ça revient à l'autre question qu'on avait plus tôt, qui était: Comment on fait de la futurologie avec ça? Bien, je pense que ce qu'il faut faire, c'est être proactifs, puis peut-être créer un petit comité ou une étude, ou peu importe comment vous voulez le faire, mais qui va se dire: Quand on fait l'accumulation de toutes les possibilités qu'on a devant nous, c'est quoi qu'on voit qui se dessine? Parce que je ne pense pas que cet exercice-là a été fait à ce jour et probablement qu'il faut qu'il soit fait maintenant.
Mme Harel: Je comprends que, dans la future politique du médicament, sur le volet, là, utilisation optimale, je pense, j'ai compris que le ministre entendait introduire toute cette question de pharmacogénomique. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Couillard: Je vais y réfléchir activement.
Mme Harel: Vous allez y réfléchir. Bon, on va vous aider en tout cas à y réfléchir, parce qu'au moment où la politique va être adoptée il va falloir qu'elle soit traduite en législation.
Et dans le fond ce que vous nous expliquez aujourd'hui, c'est que ça va permettre une sélection de médicaments qui vont être plus appropriés pour le traitement thérapeutique, finalement. C'est ça que je comprends. Et votre notion de risque modifiable, là, ça, c'est peut-être l'élément le plus pédagogique, si vous voulez. Parce que c'est vrai que les gens ne veulent pas savoir. Si on ne veut pas aller chez une cartomancienne... mais en plus c'est que, vous, ça va être vrai.
Mais en même temps, comme vous l'introduisiez, il y a des cas très concrets comme les enfants, par exemple, là, je pense, les enfants atteints de leucémie. Je ne comprends pas, là, qu'au Québec on n'administre pas déjà, là, ce test. Je crois qu'il faut interpeller, c'est une pré-pré-préannonce de période de questions, ce ne sera pas cet après-midi, mais il faudrait que le ministre...
M. Couillard: ...peut répondre, si vous permettez.
Mme Harel: Ah! D'accord. Pourquoi? Pourquoi est-ce que le Québec n'administre pas ce test pour les enfants atteints de leucémie pour qui une médication peut être plus toxique que le contraire?
M. Hudson (Thomas J.): C'est que le test n'est pas facilement disponible. Il existe à Sainte-Justine. Je sais que le Dr Sinnett le donne. Il y a une possibilité. Mais ce n'est pas dans les recommandations parce que c'est le... Les mécanismes pour amener du côté clinique ne sont pas là: l'évaluation critique par le gouvernement, la santé publique, etc., que, oui, ce test-là, on devrait le faire, il devrait être fait à tel test, quels sont les coûts. Il n'y a pas de mécanisme pour vraiment amener ces technologies-là de façon rapide.
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(12 h 20)
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Les leucémies... Le test de la puce, en ce qui regarde les leucémies puis les lymphomes, on disait qu'il y a deux types: un qui répond à la chimio puis un qui ne répond pas, puis on peut le prédire. Un hôpital comme le Dana-Farber ou le St. Jude Hospital ont des mécanismes, des laboratoires disponibles, le système de... pour l'amener rapidement à la clinique. Mais, aujourd'hui, au Québec, il n'y a pas de laboratoires qui font des puces pour la clinique. Il y en a seulement qui en font pour la recherche. On en fait beaucoup en recherche, mais il n'y a pas de laboratoire clinique.
Les laboratoires de test génétique sont un peu éparpillés. Il y a un laboratoire dans un hôpital qui fait une maladie x, un autre laboratoire qui fait une maladie y, etc. C'est comme si on faisait de la microbiologie. Puis, si on pense que c'est un staph, on va l'envoyer à Sainte-Justine, si on pense que c'est un strep, on va l'envoyer à un autre hôpital. C'est de même que la microbiologie se faisait, il y a 50 ans. Mais on a créé des laboratoires centralisés où est-ce qu'on peut faire l'ensemble des tests majeurs. Ça n'a pas été créé en génétique. Même à l'intérieur des hôpitaux, des réseaux d'hôpitaux, etc., on a encore laissé le test génétique à une petite «cottage industry», des petits chalets de laboratoires, mais il n'y a pas vraiment d'organisation qui est fixe. Puis je pense que c'est une réalisation que... pas juste pour la pharmacogénétique, mais on a besoin de donner des laboratoires qui sont capables de rapidement évaluer les tests, créer les tests. Nous, au Centre génomique de Montréal, on fait 1,6 milliard de génotypes par année. L'année passée, pour le projet international HapMap, on a développé 100 000 tests. Donc, l'expertise, ces connaissances-là existent, mais elles n'existent pas du côté clinique.
Mme Harel: Et, pour qu'elles existent du côté clinique, il faudrait à ce moment-là que ce ne soit pas qu'un établissement par...
M. Hudson (Thomas J.): Moi, c'est très personnel, ce que je vous dis, là, ça ne vient pas d'un comité, mais je pense qu'il faudrait un petit nombre de grands laboratoires pour faire la majorité des tests génétiques parce qu'avec le petit nombre on finit par avoir beaucoup plus de débit puis beaucoup plus d'expertise à développer... à amener le prochain test vers la clinique, parce qu'il se développe une expertise pour le développement de tests, la standardisation, etc., puis il faut une masse critique.
C'est mon opinion personnelle, là, mais c'est ce qu'on voit en recherche. Avant, toutes les institutions avaient une machine de génotypage au sous-sol, toutes les institutions de recherche. Mais en général, aujourd'hui, quand on veut faire du génotypage, on l'envoie... Il y a 400 groupes de recherche canadiens, l'année passée, qui ont envoyé ça à McGill. Nos coûts de génotypage, qui étaient de 2 $ le test, sont rendus à 0,02 $ le test. Je veux dire, c'est... Puis, quand on fait des tests cliniques, on parle de 10 $, 20 $, 50 $, 80 $ des fois pour un marqueur, puis des 1 000 $ pour d'autres gènes. Donc, la raison que ça coûte peu pour le test, c'est qu'il y a eu une centralisation, une équipe de masse critique, etc.
Ça n'existe pas au Québec, en génétique, d'avoir un laboratoire qui est équipé avec les bonnes... en termes d'équipements puis de personnes, de personnel pour faire... pour prendre avantage de ces technologies-là. Mais ça existe au Dana-Farber puis ça existe à St. Jude Hospital, etc. Il y a quand même une masse critique pour aller... une nouvelle découverte qui a un impact certain pour aller assez rapidement, en termes de quelques années. Tu as les études cliniques qui durent deux ans pour vérifier que c'est vraiment... de façon prospective, que le test avait un bénéfice, pas juste l'analyse rétrospective, puis l'amener vers la clinique pour la sélection, le choix du traitement.
M. L'Archevêque (Paul): Et ça prend un mécanisme de transfert avec ça aussi parce que... Mais, un coup que vous avez votre test, il faut encore savoir: Est-ce que c'est socioéconomiquement correct, rentable, est-ce que c'est faisable? Alors, toute cette autre mécanique là est également nécessaire à celle que le Dr Hudson décrit.
Mme Harel: Est-ce qu'au ministère de la Santé et des Services sociaux il y a, dans l'organigramme, une responsabilité qui est attribuée dans le développement de ce secteur? La science de la vie, en fait, hein?
Le Président (M. Paquin): M. le ministre.
M. Couillard: En fait, il y a un secteur pour la génétique médicale, dans la Division des services de santé et des affaires universitaires, qui est également discuté à la table des RUIS, là, qui est en train de prendre forme. C'est le forum par excellence où ce genre de sujet là devrait être discuté. Et on est bien ouverts à en discuter, certainement, parce qu'il n'y a pas de doute que ce que déclare le Dr Hudson est essentiel.
Alors, on ne peut pas permettre... Le danger de ne pas adopter d'attitude là-dedans, c'est qu'on assiste à la prolifération de petits laboratoires, de petits nombres, de petites équipes qui sont tout à fait inefficientes et qu'on conclue à l'inefficience du fait en raison du mauvais déploiement. Alors, je pense qu'il faut certainement, là, s'intéresser à cette question. Mais il y a déjà des travaux en cours là-dessus, sur la génétique médicale en général.
Mme Harel: Alors, on va vous interroger au moment des crédits.
M. Couillard: Si c'est juste là-dessus, il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Paquin): Mme la députée de Rimouski.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Merci, madame et messieurs. Vraiment, je pense que, si on n'avait pas eu votre mémoire, il aurait manqué un élément majeur à nos réflexions. Si je comprends bien, la génomique est à la biotechnologie ce que les fondations sont à un édifice. Je voudrais savoir: Pour qu'une politique du médicament soit porteuse, visionnaire à long terme, et non pas pour régler les problèmes ici maintenant, et pour que la pharmacogénomique soit vraiment intégrée, c'est quoi qu'on devrait retrouver dans cette politique du médicament pour s'assurer que ces avancées soient incluses dans la...
M. L'Archevêque (Paul): Je pense que... Je ne me souviens pas du numéro de l'article comme tel, mais il y en a un qui parle d'optimiser l'utilisation des médicaments. Je pense qu'on devrait être explicites par rapport à l'utilisation des nouvelles technologies pour favoriser une utilisation optimale des médicaments, donc l'introduction de génomique, de pharmacogénomique comme outil d'évaluation et comme outil d'aide à la décision par rapport à l'utilisation optimale des médicaments. Il faudrait être explicite par rapport à ça. Il faudrait ajouter les expertises nécessaires pour être capable d'intégrer ces nouvelles technologies là aux preneurs de décision. Alors, je pense que c'est les deux recommandations les plus pertinentes, là.
Mme Charest (Rimouski): Merci. Dans un autre ordre d'idées, je voulais vérifier avec vous toute la question de la commercialisation de la connaissance scientifique, ça prend des sous, et je voulais vérifier le capital de risque. Pour vous, est-ce que c'est une difficulté? Est-ce que...
M. L'Archevêque (Paul): Je vais revenir à la réponse que je donnais, un petit peu plus tôt, par rapport à ce continuum ? que j'essayais de décrire ? dans les sciences de la vie, et c'est un continuum qui est très, très, très important. Sur un plan stratégique, c'est ce qui a fait la force du Québec et c'est ce qui est porteur pour le futur. Et, dans la même mesure aussi, si on abandonne le support à la pharmaceutique ou si on abandonne notre support à la recherche, de la même façon, si on n'est pas capables de se doter de suffisamment d'outils pour faire un transfert technologique efficace, bien, à ce moment-là, on se retrouve... ça devient le maillon faible de la chaîne, et on ne s'aide pas à continuer d'avoir du succès. Dans ce sens-là, le capital de risque est un outil important, et c'est un outil pour lequel on doit s'assurer, là, qu'on prend des mesures adéquates par rapport à ça. C'est un outil important.
Mme Charest (Rimouski): Là aussi, on va travailler fort pour que vous soyez entendus, parce que le capital de risque est plus difficile à trouver dans les premières étapes. Quand on arrive à la commercialisation, c'est toujours plus facile, les gens sont intéressés parce que, là, c'est concret, ils vont voir les profits, alors que les premières étapes de la chaîne, les investisseurs qui ont vraiment du capital de risque ne sont pas toujours intéressés, parce que ça ne se multiplie pas, les pains, hein? Alors, je trouve ça important.
M. L'Archevêque (Paul): Vous tombez sur un sujet qui est intéressant pour moi. Je travaille avec le groupe de Montréal International sur le comité de transfert technologique, justement. Et à cet effet-là ce comité-là a déposé des recommandations au groupe Fortier, qui étudie présentement comment ce prédémarrage-là ou comment ce démarrage-là, cette transition-là doit être faite. Et il existe ce qu'on appelle le «gap» ou la vallée de la mort. Entre le moment où le capital de risque arrive et l'innovation technologique est prête, il y a un trou qu'il faut combler, et on a fait des recommandations en ce sens au groupe Fortier.
Mme Charest (Rimouski): Alors, on va vous appuyer là-dedans parce que je pense que c'est majeur, c'est vraiment fondamental, et on comprend très bien l'importance de la chaîne et de tous ses maillons. Merci.
Le Président (M. Paquin): Merci, Mme la députée. Malheureusement, le temps disponible est écoulé. Donc, madame, messieurs, représentants de Génome Québec, merci de votre présence à la Commission des affaires sociales, ce matin. La commission ajourne maintenant ses travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 29)
(Reprise à 16 h 9)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues! Alors, la commission poursuit ses travaux toujours dans le cadre du mandat de la consultation générale et les auditions publiques sur le document Politique du médicament.
Sur l'ordre du jour, cet après-midi, nous avons trois groupes: l'Office des personnes handicapées du Québec, la Fédération des médecins résidents du Québec et la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec.
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(16 h 10)
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Au nom de tous mes collègues, je m'en excuse également d'avance à tous les représentants: vous voyez, il y a un décalage dans l'ordre du jour. La commission est tributaire des travaux de l'Assemblée nationale, et il y avait une série de motions qui nous empêchaient de débuter nos travaux avant ce moment-ci. On s'en excuse, mais c'est la vie des parlementaires parfois.
Compte tenu de l'heure et l'importance de l'ordre du jour, je vais demander à mes collègues d'être le plus disciplinés possible pour qu'on puisse terminer à une heure qui a une certaine allure.
Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec. M. le directeur général, M. Rodrigue, bonjour.
Office des personnes
handicapées du Québec (OPHQ)
M. Rodrigue (Norbert): Bonjour.
Le Président (M. Copeman): Je sais que vous connaissez nos règles de fonctionnement. Vous avez 20 minutes, puis, de façon très stricte, 20 minutes pour faire votre présentation, et c'est suivi par un échange de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter vos collaborateurs et par la suite de débuter votre présentation.
M. Rodrigue (Norbert): Alors, merci, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. membres de la commission. On pardonne à l'Assemblée nationale, c'est notre Assemblée, c'est notre instrument démocratique. Alors, le pardon est accordé pour les délais.
Je voudrais vous présenter mon collègue Jan Zawilski, qui est à ma gauche, qui est directeur de la recherche et de l'évaluation à l'office, ainsi que Jean-Marc Dionne, à ma droite, conseiller à l'évaluation.
Alors, M. le Président, l'Office des personnes handicapées du Québec d'abord voudrait remercier la Commission des affaires sociales de l'occasion qui lui est offerte de s'exprimer sur le projet de politique du médicament. Je voudrais que vous preniez par ailleurs note et pour acquis que nous ne sommes pas des spécialistes en assurance, nous ne sommes pas des spécialistes du médicament non plus. Cependant, dans l'application des mesures prévues par la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale, qui a été sanctionnée le 17 décembre 2004, plusieurs orientations doivent guider l'office, les ministères et leurs réseaux, les municipalités et les organismes publics ou privés dans leurs activités relatives à l'intégration des personnes handicapées.
Plus spécifiquement, l'une de ces orientations exprime l'impératif de viser une qualité de vie décente pour les personnes handicapées et leurs familles, une participation à part entière des personnes handicapées à la vie sociale, ainsi qu'une protection maximale contre les facteurs de risque d'apparition de déficiences.
À cet effet, l'office accueille favorablement plusieurs des propositions exposées dans le projet de politique du médicament. Nous croyons dans l'ensemble que les propositions ministérielles auront un effet positif sur la santé de la population. Cependant, nous tenons, par le présent mémoire, à faire certaines suggestions ou recommandations afin que le projet de politique réponde davantage aux besoins des personnes handicapées qui doivent consommer des médicaments.
D'entrée de jeu, j'aimerais vous signaler que, pour bon nombre de personnes qui ont des incapacités, la médication prescrite fait partie intégrante de leurs habitudes de vie. À cet égard, les données de l'enquête québécoise sur les limitations d'activité, de 1998, indiquent clairement que la présence d'incapacités a un effet important sur la consommation de médicaments. Par exemple, dans les deux jours précédant l'enquête, 62 % des personnes avec incapacités, comparativement à 29 % des personnes sans incapacités, ont consommé des médicaments prescrits par un professionnel de la santé, ce qui représente un écart de 33 %. Cette tendance s'observe dans tous les groupes d'âge.
Les besoins de consommation de médicaments apparaissent aussi importants chez les travailleurs qui ont des incapacités. À titre indicatif, un rapport d'évaluation du programme de subventions aux entreprises adaptées administré par l'office précise que 53 % des travailleurs handicapés de ces entreprises avaient consommé des médicaments prescrits par un médecin au cours du dernier mois qui a précédé l'enquête. Parmi ces travailleurs, 94 % ont indiqué l'avoir fait de façon régulière, tandis que 52 % d'entre eux ont déclaré consommer des médicaments sur une base régulière depuis plus de cinq ans.
Par ailleurs, la situation socioéconomique des personnes avec incapacité est de façon générale plus précaire que celle de la population sans incapacité. Or, 19 % de la population avec incapacité déclarait, en 1998, un revenu annuel personnel total de plus de 30 000 $, contrairement à 32 % chez la population sans incapacité. De plus, 28 % des ménages privés où vit au moins une personne avec une incapacité, toujours selon la même enquête, déclarait des revenus inférieurs à 15 000 $.
Bref, il faut retenir qu'une importante part des dépenses relatives aux soins de santé chez les personnes avec incapacité se rapportent à leurs besoins en médicaments prescrits et que ces personnes présentent en général un profil socioéconomique nettement plus défavorable que celui du reste de la population. C'est pourquoi, à l'office, nous accueillons d'ailleurs ou nous avons accueilli positivement l'introduction, dans le régime général d'assurance médicaments, de la mensualisation des contributions et la gratuité accordée, en juillet 1997, aux prestataires d'assistance-emploi ayant des contraintes sévères à l'emploi.
En ce qui concerne l'accès au régime d'assurance médicaments, il y a toute une question d'équité qui se pose pour nous. L'office estime, dans une optique d'équité, qu'il est important de rendre accessibles les médicaments pour tous les citoyens qui font partie de catégories vulnérables sur le plan financier. Rappelons qu'au-delà d'un certain seuil la contribution financière des personnes à faibles revenus qui consomment régulièrement des médicaments essentiels génère des effets négatifs sur la santé et sur leur autonomie. Il est donc important de renforcer la portée de la future politique du médicament dans sa capacité à améliorer la santé et à prévenir les situations de handicap en accordant une attention aux personnes en situation de vulnérabilité. Les différentes catégories de personnes à faibles revenus devraient en ce sens bénéficier de modalités de contribution similaires.
Les prestataires de l'assistance-emploi. Premièrement, il est important de considérer la situation des personnes prestataires de l'assistance-emploi consommant régulièrement des médicaments essentiels mais qui ne peuvent se qualifier à l'allocation pour contraintes sévères à l'emploi. L'étude du Pr Tamblyn et ses collègues, menée dans le cadre de l'évaluation de l'impact du régime, identifie les personnes vulnérables selon des caractéristiques de consommation qui ne correspondent pas nécessairement aux critères d'attribution de l'allocation supplémentaire pour les personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi. Ainsi, des mesures supplémentaires devraient être mises en place en vue d'offrir la gratuité à toutes les personnes prestataires de l'assistance-emploi qui consomment régulièrement des médicaments essentiels même si elles ne peuvent avoir accès à l'allocation pour contraintes sévères à l'emploi.
C'est pourquoi l'office recommande que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale et la Régie de l'assurance maladie du Québec puissent convenir d'une procédure d'identification des personnes prestataires de l'assistance-emploi qui consomment régulièrement des médicaments essentiels, lesquelles pourraient bénéficier de la gratuité des médicaments, même si ces dernières ne peuvent se qualifier à l'ensemble des critères requis pour recevoir l'allocation pour contraintes sévères à l'emploi.
Maintenant, une autre préoccupation que nous avons, c'est les personnes à faibles revenus bénéficiant de la rente d'invalidité du Régime de rentes du Québec. J'aimerais attirer votre attention sur la situation des bénéficiaires à faibles revenus de la rente d'invalidité. Ces derniers sont confrontés, selon les informations que nous avons recueillies, à des conditions qui peuvent être comparables, dans certains cas, à celles des personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi.
À l'heure actuelle, à revenu familial égal, les personnes déclarées invalides au sens de la régie ne bénéficient d'aucun ajustement de contribution au régime. Selon le rapport annuel de gestion de la Régie des rentes du Québec, la rente mensuelle d'invalidité moyenne était de 774 $ en 2003-2004. Cette situation est fort préoccupante et mérite certainement que des efforts soient faits à court terme, et en ce sens les personnes bénéficiant de la rente d'invalidité et dont la situation financière est équivalente à celle des personnes ayant des prestations pour contraintes sévères à l'emploi devraient pouvoir bénéficier de la gratuité des médicaments.
Pour ce qui est des autres bénéficiaires à faibles revenus de la rente d'invalidité, il pourrait être envisageable que ces derniers contribuent selon une logique similaire à celle appliquée actuellement aux personnes âgées qui bénéficient du supplément de revenu garanti en raison de leurs faibles revenus, c'est-à-dire une contribution modulée en fonction de l'importance du montant de l'allocation qui leur est attribuée et de leur statut civil.
La rente d'invalidité ? montant maximal, 1 010 $ ? est accordée sur une base individuelle, et ce ne sont pas toutes les personnes de ce groupe qui se retrouvent dans une situation de vulnérabilité, bien sûr. Nous croyons donc qu'il serait souhaitable, au minimum, que les autres prestataires à faibles revenus de la rente d'invalidité puissent bénéficier de conditions de contribution semblables à celles des aînés ou des personnes âgées bénéficiant du supplément de revenu garanti selon leur niveau de revenu familial.
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(16 h 20)
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J'aimerais aborder maintenant, M. le Président, un sujet que vous connaissez déjà, puisque, depuis un certain nombre de mois et d'années, il en a été question. Depuis le début des années 2000, l'office a été sensibilisé par le Conseil québécois des entreprises adaptées aux difficultés encourues par certaines entreprises adaptées qu'il subventionne, concernant les coûts importants reliés à leur régime privé d'assurance collective et en particulier au volet de l'assurance médicaments.
Lors des consultations relatives à l'adoption du projet de loi n° 56, devenu la loi assurant l'exercice des personnes handicapées en vue de leur intégration sociale, professionnelle et scolaire, le mémoire du Conseil des entreprises adaptées, soumis à l'attention de la Commission des affaires sociales, évoquait ces situations exigeantes et proposait des recommandations pour y remédier.
Les entreprises adaptées emploient une majorité de travailleurs handicapés, hein? C'est 60 % de leur main-d'oeuvre qui constituent des travailleurs handicapés, et la consommation de médicaments de ces travailleurs est règle générale supérieure à la normale. Étant donné que le coût d'une assurance privée est basé sur l'expérience de consommation du groupe d'assurés, cette situation a pour conséquence d'augmenter les primes des assurances collectives.
Le conseil en venait à la conclusion qu'il serait plus équitable pour les travailleurs handicapés et plus incitatif pour les employeurs de permettre aux travailleurs handicapés de s'inscrire au régime général d'assurance médicaments, tout en permettant aux entreprises adaptées de contracter un régime d'avantages sociaux, en modifiant la Loi sur l'assurance médicaments en ce sens. Bref, il faut considérer le poids financier que peuvent représenter les primes de l'assurance médicaments pour ces travailleurs à faibles revenus.
En ce sens, l'office souhaite qu'une attention particulière soit consentie pour évaluer la situation de ces travailleurs au regard du fardeau financier que représente la contribution de leur assurance médicaments et que des solutions soient trouvées en toute équité. Nous croyons donc qu'il serait pertinent que la régie et le ministère, en collaboration, évaluent le poids financier que représente pour les travailleurs handicapés en entreprises adaptées et les employeurs la contribution à leur régime privé d'assurance médicaments, en le comparant aux coûts qu'ils auraient à défrayer si ces travailleurs étaient admis au régime général d'assurance médicaments, afin que des mesures équitables soient établies.
Nous avons aussi la situation des travailleurs ayant des incapacités et qui consomment régulièrement des médicaments essentiels à leur santé. Il faut souligner que plus du tiers, soit 39 %, des travailleurs ayant des incapacités occupent un emploi dans une entreprise de moins de 10 employés et que deux tiers sont en emploi dans une entreprise de moins de 100 employés.
Dans ce contexte et sachant que le taux d'inactivité relevé chez les personnes avec incapacité s'élèvent à 52 %, deux questionnements s'imposent à nous. En ce qui concerne les travailleurs à faibles revenus qui consomment régulièrement des médicaments essentiels à leur santé, quel poids financier relatif représente pour eux leur contribution à un régime privé d'assurance médicaments en comparant leur situation à celle d'un travailleur de même niveau de revenus qui adhérerait au régime public?
Dans une autre perspective et sachant qu'une consommation supérieure à la normale aura un impact sur la prime du groupe d'assurés, la situation de consommation régulière de médicaments d'une personne a-t-elle pour conséquence de dissuader un employeur d'une petite entreprise de procéder à son embauche? Ces questions méritent, je pense, notre attention collectivement et toute l'attention du gouvernement qui par ailleurs consent actuellement des efforts certains par ses lois, ses politiques et ses plans d'action à doter le Québec de meilleurs outils pour favoriser l'intégration et le maintien en emploi des personnes ayant des incapacités.
Alors, l'office propose à cet effet que le ministère, en collaboration avec la régie ? vous voyez qu'on n'a pas toutes les solutions faites, on demande que ce soit regardé ? donc avec la régie et le ministère et ses partenaires, qu'on évalue le poids financier que représente pour les travailleurs ayant des incapacités consommant régulièrement des médicaments et pour les employeurs la contribution à un régime privé d'assurance médicaments, le comparant aux coûts qu'ils auraient à défrayer s'ils étaient admis au régime public. Il s'agit de favoriser un accès équitable aux médicaments pour ces travailleurs et que leur situation de consommation ne soit pas un obstacle à l'embauche pour les employeurs.
Dans un autre ordre d'idées, j'aimerais aussi souligner que la loi assurant l'exercice des personnes handicapées en vue de leur intégration sociale, professionnelle et scolaire établit la mise en place, d'ici décembre 2006, d'une politique visant à ce que les ministères et les organismes publics se dotent de mesures d'accommodement raisonnables, permettant aux personnes d'avoir accès aux documents, quelle que soit leur forme, et aux services offerts au public. Il s'agit là de l'information puis de la communication. Donc, en ce sens, la communication et l'accessibilité de l'information sur les traitements pharmaceutiques représentent des préalables à la responsabilisation des citoyens face à l'utilisation optimale des médicaments, et à cet égard l'office accueille positivement le fait que le projet de politique prévoit la mise en place de mesures de sensibilisation et d'information adaptées et accessibles aux citoyens afin de favoriser l'adoption et le maintien de comportements responsables au regard de la santé. Toutefois, cette initiative-là devrait comporter, semble-t-il, à notre avis, des précisions relatives aux mesures à prendre pour assurer une égalité d'accès à ces mesures par les personnes qui vivent des problèmes de communication à cause de leur handicap.
En conclusion, M. le Président, vous aurez compris que plusieurs personnes qui ont des incapacités présentent des besoins multiples et persistants en matière de médicaments. Plusieurs d'entre elles ont souvent à composer avec des barrières sociales, économiques et informationnelles. La position de l'office, exprimée dans ce mémoire, avait pour principal objectif de s'assurer que le levier d'action sociale que représente la politique du médicament garantisse une protection maximale des personnes qui ont des incapacités en couvrant leurs besoins au maximum, et ce, dans un contexte où le prix des médicaments augmente plus rapidement que le coût de la vie, et c'est ce qu'on constate en tout cas. Il s'agit en bout de ligne de favoriser l'intégration sociale des franges de la population les plus précaires au regard de leur situation socioéconomique et de leur état de santé.
Et je tiens, en terminant, à vous préciser bien sûr que l'office est prêt à collaborer avec les ministères, les organismes que nous interpellons dans le fond sur la réflexion ou les analyses qu'il nous faut faire par les suggestions que nous faisons. Alors, nous offrons bien sûr d'avance toute notre collaboration pour se mettre à la recherche de solutions par rapport aux objectifs dont nous vous avons parlé.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. Rodrigue. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Rodrigue, M. Zawilski et M. Dionne, pour votre présentation. Juste une brève question pour commencer. Vous parlez d'une possibilité d'identifier les personnes, parmi les prestataires de l'assurance-emploi ou les personnes recevant des rentes d'invalidité, qui reçoivent des médicaments essentiels pour faire... les exclure, je suppose, ces médicaments, du calcul des contributions. Le problème se pose maintenant quant à la définition de ce qu'on entend par médicaments essentiels. Ça semble très logique et attrayant. Cependant, à quel moment on indique qu'un médicament est essentiel par rapport à un autre? Ça risque d'être assez compliqué.
M. Rodrigue (Norbert): Bien, probablement que c'est assez complexe ? si vous le permettez, M. le Président ? mais, vous savez, nous, on pense que, l'imagination étant mise au service d'une finalité comme celle-là, on pourrait probablement arriver à trouver ou à cerner une définition que nous pourrions appliquer.
Vous le savez, M. le ministre, on a, par exemple, eu les mêmes types, un peu moins complexes, disons-le, de problèmes quant à la définition du handicap ou d'une personne handicapée, et il y a plusieurs visions, effectivement. Il faudrait y travailler, parce que nous n'avons pas ? Jan... si mon ami Zawilski veut intervenir ? nous non plus, à vous proposer une définition de ce qu'est le médicament essentiel. Mais ce que nous savons, c'est que, pour une personne par exemple qui est sclérosée en plaques, il y a une médication, dans plusieurs cas, qui est essentielle. Et, dans ? je ne sais pas, moi ? les médicaments pour quelqu'un qui a une transplantation rénale, il y a aussi... Alors, je n'ai pas la réponse définitive, moi non plus, et il faudrait se mettre au travail, en ce qui nous concerne, de notre côté aussi.
Le Président (M. Copeman): M. Zawilski.
M. Zawilski (Jan): Oui. Bien, si on définit ce besoin-là, ce serait un médicament qui contrôle une déficience et qui empêche... qui fait en sorte que, cette personne-là, son niveau d'incapacité ne soit pas aggravé à moyen et long terme. Donc, on peut penser à l'épilepsie, sclérose en plaques. Maladies mentales, je pense, c'est un domaine très important aussi, parce que, si la personne ne prend pas ses médicaments régulièrement, il va y avoir des rechutes. Et donc tout ce qui contrôle donc une déficience et qui empêche une aggravation, dans une optique de prévention, des incapacités.
M. Couillard: Oui. Ça m'apparaît cependant un terrain parsemé d'embûches et d'arbitraire, hein, malheureusement.
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(16 h 30)
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Passons à la situation des entreprises de travail adapté, parce qu'effectivement on a entendu ces représentations dans le projet de loi n° 56. J'aimerais que vous nous fassiez peut-être un peu plus de suggestions quant aux correctifs à apporter. Je comprends très bien le problème qui est vécu dans les entreprises. Cependant, il s'agit d'organismes qui sont déjà fortement subventionnés par l'État, auquel on demande d'ajouter un autre type de soutien en les transférant d'un régime privé collectif. Et, insistant eux-mêmes pour être appelés entreprises, ils ont la responsabilité quelque part d'offrir des régimes de protection collective. On demande d'ajouter à l'investissement public la participation au régime d'assurance médicaments. Alors, comment est-ce qu'on pourrait concilier tout ça?
Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. Zawilski.
M. Zawilski (Jan): Oui. Mais encore là je ne pense pas... on n'a pas avancé de solution très précise, là, mais on ne parle pas de sortir les CTA de l'assurance collective comme telle puis les amener sur le régime public. Encore là, ce serait une approche qui est basée sur les besoins. Comme vous le savez, on est peut-être achalant un peu là-dessus, mais à l'office on croit beaucoup aux besoins... de répondre aux besoins individuels des personnes. Puis ce n'est pas tous les travailleurs en CTA qui ont des cas, entre guillemets, coûteux en termes de médicaments. Mais on peut identifier, dans ces travailleurs-là, des gens qui ont des besoins récurrents importants de médicaments, et ce serait de faire en sorte qu'autant ces travailleurs-là que les entreprises ne soient pas pénalisés par cette utilisation, là, de médicaments par ces personnes-là.
Donc, notre optique, ce n'est pas nécessairement de sortir tous les CTA... les entreprises adaptées, c'est-à-dire, du régime collectif, mais de peut-être reconnaître pour certains travailleurs ? parce que c'est une forte concentration de personnes handicapées, puis on a vu qu'ils ont une utilisation quand même statistiquement significative supérieure, là, de médicaments ? de permettre à certaines de ces personnes-là d'aller sur le régime public.
M. Couillard: Merci.
Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, et bienvenue à la commission, de la part de l'opposition officielle. Je suis très heureuse de voir que votre mémoire repose vraiment sur la défense des intérêts des personnes handicapées, ça va tout à fait dans votre mission. Et on voit que tout ça est cohérent, là, avec votre mandat, qui vous a été confirmé dans le cadre de la politique 56 qu'on a adoptée en décembre dernier.
Je reviendrais sur la première recommandation que vous faites, parce que, quand vous demandez d'identifier les personnes prestataires de l'assistance-emploi et qui consomment régulièrement des médicaments, là, il n'y aurait pas un problème de confidentialité par rapport à cette recommandation? Parce que... Ce serait quoi, le processus? Et comment vous verriez cette procédure-là? Parce que c'est toujours un peu délicat d'identifier les personnes pour un service de ce type-là. Et là on parle de médicaments et, quand on parle de médicaments, c'est très facile de savoir aussi à quelle problématique médicale ? en tout cas, ça peut donner des indices ? à quelle problématique médicale on fait référence. Et tout ça ensemble me soulève l'interrogation: Est-ce qu'il n'y aurait pas là un problème de confidentialité?
Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. Zawilski.
M. Zawilski (Jan): Oui. Peut-être le mot «identification», ce n'est peut-être pas le meilleur choix. C'est surtout qu'on cherche une solution, c'est-à-dire une mesure... En bout de ligne, on cherche toujours des mesures pour répondre à des besoins. Donc, si on le met dans ces termes-là, c'est d'avoir une mesure qui va permettre à la personne d'avoir le même niveau de couverture de ses médicaments que la personne qui est considérée contraintes sévères à l'emploi. Donc, c'est sûr que, s'il y a une mesure qui existe, la personne serait informée de cette mesure-là et pourrait appliquer et demander aux gens qui appliquent... En démontrant qu'il y a un besoin important de médicaments, elle pourrait avoir un traitement égal à ces personnes-là.
C'est la même chose pour les gens de la Régie des rentes, parce que, même s'il y a des maximums de montants qu'ils vont payer, s'ils ont des revenus inférieurs à 12 000 $, par exemple, dans le cas de quelqu'un de la Régie des rentes, ça va être quand même un montant qui peut aller jusqu'à 853 $, je crois. Mais, quand quelqu'un gagne moins que 12 000 $ puis il doit assumer 853 $, ça se peut que cette personne-là néglige de prendre les médicaments pour satisfaire d'autres besoins essentiels aussi.
Donc, ce qu'on parle ici, je ne le mettrais pas en termes de question de renseignements personnels mais de disponibilité de mesures dont les personnes pourraient être informées. Les ministères concernés, le réseau, là, par exemple, de sécurité du revenu pourraient diriger ces gens-là vers une mesure qui reconnaîtrait le besoin pour un ensemble de personnes, là, qui ont effectivement le même besoin.
Mme Charest (Rimouski): Et, quand vous faites référence à des stratégies d'adaptation, là, pour faciliter l'accès des personnes qui consomment des médicaments, qui ont des problèmes de communication, on voit tout de suite des personnes comme ayant un problème d'aphasie, des problèmes de santé mentale ou... Quel type de stratégies vous voyez? Parce que, si vous proposez des stratégies, je suppose que vous en avez déjà à l'esprit. Ça pourrait être quoi, en termes d'indices?
M. Rodrigue (Norbert): Je vais demander à Jan d'amorcer la réponse. J'y reviendrai, si vous permettez.
M. Zawilski (Jan): Oui. Bon. Donc, on peut penser à des clientèles... Les plus évidentes, là, sont les personnes qui ont des déficiences visuelles, qui ont besoin d'un média de substitution, que ce soit le braille ou une accessibilité à l'imprimé habituel, là, en termes de déficience auditive ou en termes de déficience intellectuelle.
Ça se rejoint aussi, dans un certain sens, pour les gens qui utilisent le langage signé, ce qu'on appelle la langue signée québécoise, la LSQ. Leur niveau de français n'est pas très développé, et toutes les brochures qu'on publie, que la RAMQ publie, bien, c'est presque comme du Chinois pour eux. Ils ont besoin de, par exemple, ce qu'on appelle un vidéo LSQ, c'est-à-dire une personne qui signe sur une cassette vidéo. On en produit certains, documents, nous-mêmes, à l'office pour ces clients, et on voudrait que d'autres organismes dans le gouvernement fassent pareil. C'est essentiel pour, par exemple, ces personnes-là.
La déficience intellectuelle, c'est un autre domaine où il faut en arriver à une simplification des...
Une voix: ...langage.
M. Zawilski (Jan): ...du langage, et il y a des techniques particulières. Il y a de l'expérimentation qui s'est faite, là.
Le Président (M. Copeman): M. Rodrigue.
M. Rodrigue (Norbert): Oui. Moi, je pense aussi qu'il y a un volet très important, je veux dire, vous me pardonnerez les expressions, là, mais qui entre dans les contenus de formation des professionnels de la santé, par exemple. Je pense qu'un médecin doit faire le maximum d'efforts, avec un bénéficiaire qui a des problèmes par exemple au niveau de la santé mentale, pour les explications. Et, nous, par ailleurs, au plan sociétal, on doit essayer de fournir, comme Jan dit, des instruments qui sont le plus possible adaptés.
Mais il s'agit parfois aussi de problèmes spécifiques et de moyens spécifiques pour un groupe de personnes ou un individu. Alors donc, on ne peut pas généraliser toutes les solutions, mais il y en a qui sont généralisables. Les personnes mal voyantes ou non voyantes, on sait quoi faire. Les personnes sourdes, on sait quoi faire. Mais les personnes qui ont d'autres types de problèmes, il faut avoir des approches différentes.
Mme Charest (Rimouski): Donc, dans le fond, ce que vous demandez, c'est un accès à ce type de personnes qui ont des handicaps de différents ordres, et l'accessibilité, là, pour votre clientèle, c'est dans des mesures de ce type-là qu'elle pourrait se confirmer. C'est ce que je comprends de vos explications.
Moi, je reviendrais sur la ligne Info-Santé, là. Vous avez parlé d'Info-Médicaments, mais vous n'avez jamais fait... Là, vous venez de nous parler des médecins aussi qui pourraient vulgariser en quelque sorte pourquoi ils prescrivent tels types de médicaments, dans le fond, c'est quoi, leur intention thérapeutique quand ils vous disent de prendre telle et telle médication. Mais vous n'avez pas parlé des relations que les personnes handicapées ont avec leur pharmacien. Est-ce que, là-dessus, il y a quelque chose? Est-ce que vous êtes à même de nous dresser un portrait, là, de ce qui se passe?
M. Rodrigue (Norbert): Bien, pour moi, c'est le même phénomène qu'avec le professionnel en médecine, là, je veux dire. Il faut qu'il y ait, du côté du pharmacien par exemple ou de la pharmacologie, une préoccupation d'entrer en relation avec le consommateur et, qu'il soit aux prises avec un handicap ou pas, on devrait le faire pour tout le monde.
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(16 h 40)
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Alors, pour la personne handicapée qui a des problèmes, je ne sais pas, moi, d'épilepsie, de déficience intellectuelle, de santé mentale, bien, c'est une part importante, mais le pharmacien ne peut pas tout faire tout seul. Le médecin ne peut pas tout faire tout seul. Je pense que c'est un ensemble d'efforts qui vont nous permettre aussi, auprès de ces personnes-là, de les sensibiliser elles-mêmes à l'importance d'aller chercher l'information, parce que, ça aussi, c'est important.
Moi, quand je vais voir mon médecin, je n'ai pas de handicap apparent ? en tout cas ? mais, mon médecin, je l'interroge, puis c'est vrai pour... Tous les citoyens ont le droit d'interroger leur médecin. D'habitude, je pique une jasette de cinq minutes au moins avec mon médecin, moi, en dehors de ma maladie. Puis, des fois, j'essaie de voir comment ça va à l'urgence, puis s'il est tanné de faire de l'urgence, puis si ses collègues font leur effort, etc. Et, quand je sors, bien j'ai eu ma visite médicale, puis je suis au courant de plein d'affaires, puis j'essaie surtout de savoir qu'est-ce que tu viens de prescrire. Mais...
Mme Charest (Rimouski): ...je comprends, c'est que, pour être certain qu'il s'intéresse à vous, vous vous intéressez à lui, et vice versa. Ça facilite la communication, et l'information est peut-être plus accessible dans ces moments-là.
Mais, M. Rodrigue, ce que je retiens aussi de votre mémoire, c'est que vous avez la responsabilité d'une clientèle très défavorisée, on peut se le dire, dans le sens suivant: c'est que, premièrement, ils ont des handicaps de différents types. Ça, c'est un problème qui... C'est des obstacles qui font que les gens, en partant, ne sont pas gagnants, ne sont pas sur la ligne de départ au même titre que les autres, et, à cause de certains handicaps, ces gens-là ne gagnent pas... n'ont pas de revenus élevés. Donc, les médicaments sont très dispendieux, et ce que vous réclamez, c'est la gratuité pour certains.
Mais est-ce que le problème de la pauvreté, compte tenu qu'il est présent chez toute personne handicapée, en tout cas ceux qui ont des handicaps, là, majeurs... Ce n'est pas la même chose, là, que des personnes qui sont en perte d'autonomie, là, suite à des événements. Alors, on s'entend que je parle vraiment d'une personne avec un handicap majeur. Pourquoi vous ne réclamez pas l'accessibilité gratuite pour toutes ces personnes-là?
Le Président (M. Copeman): M. Zawilski.
M. Zawilski (Jan): Oui. C'est bien que vous fassiez le lien avec la lutte contre la pauvreté, parce que justement un des objectifs du Plan d'action de lutte contre la pauvreté, c'est de permettre aux personnes handicapées d'intégrer le marché du travail. Et, par exemple, une personne handicapée qui a des besoins importants de médicaments, elle doit être absolument à l'aide sociale puis considérée contraintes sévères à l'emploi pour avoir ses médicaments gratuitement, bien elle n'ira jamais sur le marché du travail.
Justement, ce qu'on propose, c'est de faire en sorte que ces personnes-là puissent aller sur le marché du travail, puis, selon son niveau de revenu, pouvoir continuer d'avoir la gratuité des médicaments. Puis c'est la même chose pour celui qui est sur la Régie des rentes, par exemple, et les personnes qui ne sont pas contraintes sévères à l'emploi. Mais il faut décloisonner ces gens-là, parce que la personne n'ira jamais sur le marché du travail si elle ne voit pas son besoin répondu entièrement, là.
Mme Charest (Rimouski): Ce que je retiens aussi de vos commentaires, c'est que, dans les centres de travail adapté, vous avez au-delà de 3 000 ? je ne sais plus si j'ai vu ça dans votre résumé ou dans votre mémoire ? au-delà de 3 000 et quelques personnes qui sont en centres de travail adapté. Ce sont souvent des gens qui sont sous médication. On sait très bien que les centres de travail adapté sont subventionnés, oui, c'est vrai, mais ils s'occupent de personnes handicapées qui travaillent. Ces entreprises-là ne sont jamais aussi performantes, parce que c'est les entreprises qui s'adaptent aux personnes, ce n'est pas les personnes qui s'adaptent à la rentabilité des entreprises, là, pour assurer une certaine rentabilité.
Alors, le poids des médicaments, est-ce que... pour les régimes... Vous voulez qu'ils passent d'un régime privé à un régime public. Est-ce que vous avez évalué qu'est-ce que ça coûte pour les 43 centres de travail adapté comme tels, là, d'assumer l'assurance-médicaments privée?
M. Rodrigue (Norbert): Écoutez...
Mme Charest (Rimouski): Avez-vous des chiffres? Parce que vous n'en avez pas marqué ici, là, en termes de coûts.
M. Rodrigue (Norbert): Non, on n'a pas mis de chiffres, mais on pourrait relever le coût des primes. On a tout ça, là: le coût des primes pour une personne seule, pour un ménage, etc.
L'objet de notre propos, c'était aussi de signaler qu'on ne demandait pas que tous les travailleurs soient sortis des régimes collectifs ou toutes les entreprises, c'est les cas de consommation forte, régulière, etc., et où il pourrait y avoir risque pour les personnes si elles ne prenaient pas leurs médicaments.
Prenons l'exemple d'un centre de travail adapté qui n'offre du travail qu'à des personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Ce n'est pas très répandu, mais il y en a. Alors, dans ce centre-là, dans cette entreprise-là, on peut arriver... et on a vu, il y a deux ans, l'assurance doubler, une augmentation de 50 % puis, à des places, 60 % d'augmentation de prime, bon.
Mme Charest (Rimouski): Mais la subvention n'a pas suivi de... la subvention au centre de travail adapté n'a pas été doublée.
M. Rodrigue (Norbert): Non, bien non, on ne modifie pas la subvention, c'est sûr. D'autre part, la préoccupation soulevée ou la question soulevée quant au fait qu'on subventionne les entreprises adaptées, elle est légitime aussi. Et, nous, on ne demande pas de subventionner en double ou en triple, là, on demande tout simplement d'examiner cette situation-là en fonction de l'état des travailleurs puis de leur condition de santé, etc.
Et d'ailleurs, je vous dis, là, je vais vous faire une confidence, j'ai résisté avant de venir vous parler de ça, notamment pour les travailleurs dans l'entreprise régulière. J'ai résisté beaucoup. Je me suis levé, ce matin, puis j'ai dit: Je vais leur en parler pareil. C'est un problème de société, c'est un problème de citoyens et de citoyennes, on va l'aborder. Parce que j'ai eu peur, pendant un certain... un petit moment, que, de plaider devant vous de venir en aide aux personnes qui sont sur le marché du travail ou qui cherchent de l'emploi puis qui ont un handicap, ça pouvait laisser penser à des employeurs d'exercer des préjugés, comme on connaît à l'occasion: Ça va coûter cher, hein? Et j'ai décidé quand même d'en parler parce que pour moi c'est fondamental. Et, pour un employeur, on devrait avoir une réponse aussi à servir.
Alors donc, si vous me permettez, là, je n'ai pas de chiffre global, mais on pourrait le faire, le chiffre, on pourrait le faire, le calcul. Mais il y a une chose certaine, pour finir par répondre à vos questions aussi sur l'application du régime: Est-ce que c'est l'universalité? Est-ce qu'on applique ça à toutes les personnes handicapées parce qu'elles sont vulnérables? Non. Le problème, c'est que, les personnes handicapées elles-mêmes, là, elles veulent être traitées sans privilège ni discrimination. Alors, il faut donc prendre en considération le fait qu'une femme ou un homme qui vit avec des incapacités de travail reçoit un salaire, est capable de contribuer économiquement à un régime.
Mme Charest (Rimouski): Merci, messieurs.
Le Président (M. Copeman): Alors, M. Rodrigue, M. Zawilski, M. Dionne, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom de l'Office des personnes handicapées du Québec. Et j'invite immédiatement les représentants de la Fédération des médecins résidents du Québec à prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Fédération des médecins résidents du Québec.
Dr Charbonneau, M. le président, bonjour. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale... je dis bien d'une période de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes, confrères et consoeurs, qui vous accompagnent et de débuter par la suite votre présentation.
Fédération des médecins
résidents du Québec (FMRQ)
M. Charbonneau (Guillaume): Merci, M. le Président. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme la porte-parole de l'opposition officielle en santé, Mmes, MM. les députés, mesdames, messieurs, je me présente: Guillaume Charbonneau. Je suis médecin résident en médecine familiale et président de la Fédération des médecins résidents du Québec.
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(16 h 50)
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J'ai, à ma gauche, le Dr Karine Sanogo, qui est secrétaire de la fédération et médecin résidente en médecine d'urgence; à ses côtés, le Dr Martin Girard, vice-président de la fédération, président de l'Association des médecins résidents de Montréal et résident en anesthésiologie; à ma droite, le directeur général de la fédération, M. Jean Gouin; ainsi que la coordonnatrice aux effectifs médicaux de la fédération, Mme Marie Cotton-Montpetit.
J'aimerais d'abord remercier la commission d'accueillir la fédération aujourd'hui. Comme vous le savez, notre fédération regroupe 2 200 médecins résidents. Ceux-ci dispensent des soins de santé dans les centres hospitaliers universitaires, les centres affiliés universitaires ainsi que les instituts universitaires à travers le Québec en plus de donner des soins également dans les régions périphériques, intermédiaires et éloignées pendant les deux à cinq années de leur formation postdoctorale, selon s'ils se destinent à une carrière en médecine familiale ou encore en spécialité, et parfois même plus s'ils se destinent à une carrière en milieu universitaire.
Pendant leur formation, les médecins résidents rédigent des ordonnances pour les patients hospitalisés dans les établissements où ils effectuent des stages de même qu'à la clinique externe de ces établissements ou encore à l'urgence. À ce titre, ils sont particulièrement concernés par la qualité de la formation qui leur est dispensée en pharmacologie.
Dans le cadre de notre présentation, aujourd'hui, nous mettrons donc en relief un certain nombre de mesures qui selon nous permettront d'améliorer les connaissances pharmacologiques des médecins en formation, et de s'assurer du maintien de leurs connaissances tout au long de leur pratique, et ainsi d'améliorer l'accès aux médicaments et l'utilisation optimale.
Soulignons d'abord que la Fédération des médecins résidents du Québec appuie la politique du médicament, déposée en décembre dernier, dans son ensemble. En effet, compte tenu du nombre croissant de médicaments, de l'augmentation du nombre de personnes assurées qui consomment des médicaments, de l'augmentation du nombre d'ordonnances par personne et de l'accroissement du coût moyen par ordonnance, il nous apparaît que l'utilisation optimale des médicaments est devenue un outil crucial dans le contrôle des dépenses liées aux médicaments.
Selon nous, l'utilisation optimale des médicaments passe par une meilleure connaissance de la pharmacologie par les médecins, par une connaissance accrue des médicaments par la population. L'utilisation optimale des médicaments sous-entend de la part du prescripteur une bonne compréhension du problème de santé à traiter ou à prévenir de même que du mécanisme d'action et des caractéristiques pharmacocinétiques du médicament, du rapport coût-efficacité du médicament, des caractéristiques du patient qui influenceront l'effet du médicament ainsi que des facteurs psychosociaux et économiques qui favoriseront ou défavoriseront la bonne utilisation du médicament par le patient. L'utilisation optimale des médicaments va au-delà du fait de prescrire le bon médicament; elle sous-entend également la possibilité de ne pas prescrire.
L'utilisation optimale des médicaments suppose par ailleurs que la population soit mieux informée et qu'elle soit responsabilisée quant à l'observance au traitement médicamenteux et que le réseau soit informatisé de manière à permettre un partage des renseignements concernant les médicaments utilisés par le patient, et ce, en temps opportun.
L'utilisation optimale des médicaments nécessite également que le gouvernement mette en place des mesures visant: à baliser l'inscription des médicaments sur la liste des médicaments; à assouplir le processus administratif lié à cette liste; à assurer une plus grande transparence quant aux processus utilisés et aux décisions prises relativement à l'inscription d'un médicament; à encadrer ses relations avec l'industrie pharmaceutique; et à élaborer des moyens et des outils qui permettront de diffuser l'information auprès des professionnels de la santé et aussi de la population.
Dans notre mémoire, nous avons fait valoir le point de vue de la relève médicale à l'égard des quatre axes qui sont compris dans le projet de politique du médicament. Toutefois, deux axes ont suscité un plus grand nombre de réactions de la part des médecins résidents, ce sont l'accessibilité aux médicaments et leur utilisation optimale.
Pour ce qui est de l'accessibilité aux médicaments, la fédération approuve d'emblée le maintien du régime général d'assurance médicaments, sans augmentation de la cotisation, et elle appuie la gratuité aux personnes âgées et aux citoyens à faibles revenus, et ce, dans un avenir rapproché. Néanmoins, il nous apparaît primordial que la liste des personnes assurées soit révisée afin de rediriger les citoyens qui ne sont pas éligibles et qui devraient plutôt être couverts par une assurance privée.
Par ailleurs, la fédération croit que d'autres mesures s'imposent: soit une mise à jour plus fréquente de la liste de médicaments afin de réduire en partie les coûts du régime général d'assurance médicaments du Québec, notamment en ce qui a trait au remboursement destiné aux pharmaciens; l'autorisation automatique des médecins prescripteurs pour certaines classes de médicaments inscrits sur la liste des médicaments d'exception en fonction de leur champ de pratique particulier; une mise à jour plus fréquente de la liste des médicaments d'exception; et la diffusion des travaux d'évaluation du Conseil du médicament sur une base régulière.
Une autre mesure qui serait bénéfique selon nous consiste à faire en sorte que les établissements harmonisent leurs listes de médicaments au sein d'une instance locale, d'un réseau local ou encore du territoire d'une agence pour favoriser la continuité des soins de la population, quel que soit l'établissement où ils sont servis.
De plus, la fédération est en désaccord avec l'intention du gouvernement d'assurer le financement public des médicaments utilisés dans le traitement des maladies métaboliques héréditaires uniquement pour ceux dont la valeur thérapeutique est démontrée. Comme ces maladies touchent un petit nombre de personnes, qu'elles évoluent très lentement, il est difficile de démontrer la valeur thérapeutique des nouveaux médicaments, et cela pourrait priver des patients d'une pharmacothérapie qui serait potentiellement efficace.
Enfin, une fausse note apparaît au tableau en ce qui a trait aux mesures proposées dans cette section. En effet, la fédération est en désaccord avec l'obligation pour les conseils d'administration d'établissement de déclarer les travaux de recherche sur les médicaments coûteux en voie d'être amorcés. Selon nous, c'est inacceptable que la recherche soit subordonnée à des impératifs financiers. On ne peut pas bloquer l'avancement de la recherche en raison du coût potentiel d'un médicament, et à cet effet nous rejetons la proposition n° 9 de la politique.
En ce qui a trait à l'utilisation optimale des médicaments, celle-ci exige, comme nous l'avons mentionné, la contribution, tant des médecins que de la population. Pour ce qui est des médecins, la fédération soutient que l'utilisation optimale des médicaments passe d'abord par des médecins bien formés et bien informés. À cet égard, de nombreuses études démontrent que les prescriptions inappropriées, les dosages erronés, les chevauchements, les interactions médicamenteuses dommageables entraînent des coûts importants pour le système de santé et augmentent la morbidité des patients. Les études rapportent en effet que les effets médicamenteux indésirables et les interactions médicamenteuses dommageables sont responsables de 3 % à 30 % des visites de patients aux services d'urgence. Par ailleurs, la complexité des traitements médicamenteux destinés aux personnes âgées requiert de la part des médecins une connaissance accrue d'une grande diversité de médicaments.
La première étape consiste à améliorer la formation des médecins en révisant le cursus actuel et en harmonisant les formations en pharmacologie des quatre facultés de médecine. Selon nous, la formation offerte aux autres prescripteurs ? sages-femmes, infirmières, optométristes, dentistes ? devrait aussi faire l'objet d'une révision même si le nombre de médicaments qu'ils prescrivent est restreint. De plus, la fédération privilégie le jumelage de médecins résidents avec des résidents en pharmacie afin d'établir, dès le début de la formation, l'habitude de collaboration souhaitée entre ces deux groupes de professionnels.
Enfin, il nous apparaît important que les lignes directrices soient établies pour les médicaments coûteux ou fréquemment prescrits, et que celles-ci soient transmises aux praticiens, et que la publicité concernant les médicaments destinée aux médecins soit davantage standardisée, notamment en ce qui a trait aux informations scientifiques requises à cet égard.
Dans un deuxième temps, la formation médicale continue sur le plan de la pharmacologie doit aussi être améliorée. Nous croyons qu'il est nécessaire, pour ce faire, de privilégier la mise sur pied d'un fond spécial financé en partie par l'industrie pharmaceutique, mais sans que celle-ci n'intervienne dans sa gestion. Ça permettrait aux médecins de maintenir leurs connaissances à jour. Et nous croyons également que les revues d'utilisation des médicaments devraient se faire plus fréquemment et que les conclusions de ces revues devraient être diffusées régulièrement auprès des médecins. Avec 20 000 médicaments au Québec, 33 000 interactions possibles, 6 500 contre-indications connues, il ne fait aucun doute que les connaissances en pharmacologie devraient être remises à jour sur une base régulière, et ce, de façon obligatoire.
Nous encourageons aussi la publication et la diffusion de protocoles et de guides cliniques d'utilisation des médicaments comprenant les lignes directrices du Conseil du médicament en matière de pharmacothérapie ainsi que le prix des médicaments, tant pour les médecins en formation que pour ceux qui sont en exercice, pour les sensibiliser à l'impact de leur choix dans ce domaine. D'ailleurs, à cet égard, la fédération, à la demande du Conseil du médicament, enverra prochainement plusieurs guides auprès de ces 2 200 membres, et nous tenons à souligner l'excellente initiative du Conseil du médicament à cet égard.
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(17 heures)
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Enfin, la fédération aimerait solliciter un siège au sein de la table de concertation du Conseil du médicament pour un représentant des médecins résidents afin de faire valoir le point de vue de la relève médicale à cette tribune en ce qui a trait à ses besoins sur le plan de la formation et de l'information.
Dans un troisième temps, nous aimerions vous faire part de la position de la fédération en ce qui concerne deux autres éléments qui ont suscité un intérêt particulier chez les médecins résidents à la lecture de la politique: la première, c'est la notion de transmission de l'intention thérapeutique et la deuxième, c'est l'élaboration et la diffusion de profils de prescription.
Mentionnons d'abord que la fédération est en désaccord avec la volonté du gouvernement de privilégier la transmission de l'intention thérapeutique dans le contexte actuel. L'intention thérapeutique seule ne constitue pas une information suffisante pour être en mesure d'évaluer les besoins pharmacologiques du patient en fonction de sa condition médicale globale. Cette mesure ne doit pas être mise en place tant et aussi longtemps que le pharmacien n'aura pas accès au dossier du patient, comme c'est le cas dans les milieux hospitaliers. La fédération recommande plutôt la mise sur pied d'un système d'information central dont les données seraient conservées régionalement dans les agences. Puis il va falloir s'assurer par contre que toute substitution de médicament proposée par le pharmacien fera d'abord l'objet d'une communication préalable entre le pharmacien et le prescripteur du médicament.
Nous suggérons par ailleurs que le gouvernement mette à la disposition des médecins un aviseur pharmacologique et un système d'aide à la décision pour qu'ils aient en leur possession toute l'information pour exercer un jugement éclairé. Ces outils informatisés devraient selon nous être intégrés à un programme de prescription électronique qui permettra de réduire les erreurs de prescription. D'ailleurs, certaines expériences sont en cours telles que le projet MOXXI, dans l'ouest de Montréal, qui donne des résultats très intéressants, notamment en ce qui a trait à la baisse du nombre de prescriptions non optimales.
D'autre part, la fédération est aussi d'avis que la diffusion d'un profil de prescription pour chaque médecin résident ou en exercice ainsi que le profil de prescription des autres médecins oeuvrant au sein d'un même département ou d'un groupe de médecine familiale favoriserait l'adoption de modes de prescription optimaux. De tels profils ne devraient par contre pas être utilisés pour régir la pratique d'un médecin.
En ce qui a trait aux campagnes d'information destinées à la population, la fédération est d'avis que le gouvernement doit axer ses interventions prioritairement sur l'observance de la médication et sur la mise en place d'une ligne Info-Médicaments. De surcroît, la fédération propose la mise sur pied de centres d'enseignement pour les patients nouvellement diagnostiqués souffrant de troubles métaboliques ou chroniques, par exemple le diabète, l'hypertension, les maladies cardiaques, l'asthme, pour ne nommer que ceux-là. Les patients seraient ainsi mieux informés et pris en charge par une équipe de professionnels, médecins, pharmaciens, diététistes, etc., notamment dans le but d'améliorer l'observance au traitement, de les alerter aux dangers de l'utilisation inadéquate des médicaments prescrits et de donner des conseils visant une saine hygiène de vie.
Cette mesure est d'autant plus intéressante qu'une étude réalisée par l'Association canadienne de l'industrie du médicament a démontré que 50 % des gens ne suivent pas correctement les directives quant à la prise de leurs médicaments, ce qui engendre des coûts exorbitants. À l'échelle canadienne, on parle de 7 à 9 milliards de dollars par année. L'investissement dans ces centres serait rapidement récupéré sur le plan financier par une réduction de l'achalandage dans les salles d'urgence, entre autres. Le Québec compte d'ailleurs un certain nombre de ces centres d'enseignement qui ont démontré leur efficacité, là, particulièrement pour le diabète et l'asthme.
Pour ce qui est des deux autres axes proposés dans la politique du médicament, la FMRQ a émis quelques recommandations. D'abord, sur le plan du maintien d'un prix juste et équitable des médicaments, la fédération croit que le gouvernement doit évaluer plus précisément l'impact de l'abolition de la non-augmentation des prix sur le régime général d'assurance médicaments pour lui substituer des mesures de réglementation de l'augmentation des prix. Elle est aussi d'accord avec la volonté du gouvernement de poursuivre l'objectif de réglementation du prix des médicaments génériques et de resserrer davantage les règles qui régissent les grossistes.
Par ailleurs, dans sa politique du médicament, le gouvernement insiste sur l'ampleur de l'apport de l'industrie pharmaceutique au Québec. Dans ce contexte, la fédération appuie la décision du gouvernement de maintenir la règle des 15 ans et d'établir des ententes de partage de risques avec les compagnies pharmaceutiques, s'interroge par contre sur les raisons qui ont conduit le gouvernement à rejeter l'adoption d'un prix de référence pour les médicaments et souhaiterait que les données qui ont mené à cette décision soient connues. La fédération souhaite souligner l'intérêt de regrouper les achats de médicaments dans la mesure du possible et l'importance de mettre sur pied un forum permanent d'échange. À cet égard, la fédération suggère qu'un siège à ce forum soit accordé à un représentant des facultés de médecine en raison du lien étroit qui existe entre les facultés et l'industrie pharmaceutique dans la réalisation d'essais cliniques et d'autres projets de recherche.
Mesdames messieurs, en conclusion, nous croyons que l'ensemble des mesures proposées dans le cadre de l'application de la politique du médicament favoriseront une meilleure utilisation des médicaments. Pour les médecins résidents, l'amélioration de la formation des médecins en matière de pharmacologie et une collaboration plus étroite entre ces derniers et les pharmaciens constituent deux éléments essentiels de cette politique. Toutefois, cette collaboration ne pourra se développer que si les deux groupes de professionnels disposent des moyens pour ce faire, notamment en matière de partage des dossiers de patients, et que si les collaborations médecins-pharmaciens s'amorcent dès le début de leurs formations respectives.
Par ailleurs, il est primordial de poursuivre les efforts de sensibilisation de la population du Québec à l'observance de leurs traitements médicamenteux de même qu'en ce qui a trait à la contribution qu'ils peuvent avoir à cet égard.
La politique du médicament du Québec est un premier pas vers une action concertée des acteurs du réseau. Toutefois, nous nous interrogeons quant aux outils que le gouvernement entend développer et implanter pour supporter la mise en place des propositions inscrites dans la politique.
D'autre part, compte tenu de l'augmentation significative du nombre d'assurés au sein du régime au cours des dernières années, la fédération se demande si les mesures comprises dans la politique que le gouvernement entend adopter seront suffisantes pour réduire les coûts. À cet égard, il serait important d'instaurer un mécanisme périodique d'évaluation de l'évolution des coûts du régime ainsi que des mesures implantées.
Enfin, il est clair que toutes ces mesures ne pourront être implantées que si le gouvernement accepte de consentir les budgets nécessaires afin de supporter l'informatisation du réseau, tant pour les établissements que pour les professionnels en cabinet. Souhaitons que cette collaboration apporte les résultats escomptés, tant sur le plan de l'accessibilité pour les patients de même que pour celui du contrôle de l'escalade des coûts des médicaments. Je vous remercie de votre attention. On serait prêts à répondre aux questions.
Le Président (M. Copeman): Merci, Dr Charbonneau. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. M. Charbonneau, mesdames et messieurs, merci pour votre présentation. Je commencerais par discuter de la question des maladies métaboliques héréditaires, pour laquelle vous avez eu un commentaire au début de votre présentation. Effectivement, il y a un problème d'utiliser la valeur thérapeutique sur la base de données probantes, compte tenu du faible nombre de patients. Une fois qu'on a dit ça, si on n'utilise pas la valeur thérapeutique démontrée, quel autre critère on va utiliser?
M. Charbonneau (Guillaume): Je pense qu'à ce niveau-là c'est sûr qu'il ne faut pas rembourser n'importe quoi non plus, là. Je pense qu'il devrait y avoir... Ça ne devrait pas être strict, là, c'est-à-dire d'avoir nécessairement démontré la valeur thérapeutique. Je pense qu'il doit y avoir un comité d'experts, avec nos experts, au Québec, en génétique et le gouvernement, pour s'entendre sur quelles thérapeutiques devraient être remboursées et lesquelles ne le devraient pas. Parce que, déjà que c'est difficile de faire de bonnes études pour nous démontrer la valeur thérapeutique chez ces patients-là, en plus c'est des maladies qui sont souvent négligées parce que justement c'est des petits nombres de patients, ça intéresse moins... il y a moins de potentiel de rentabilité pour les compagnies pharmaceutiques. Donc, d'après nous, c'est important de ne pas être trop strict et d'exiger nécessairement qu'une valeur thérapeutique ait été démontrée, d'avoir un comité ou un certain encadrement qui permettrait de discuter de ces thérapeutiques-là une à une, là.
M. Couillard: Évidemment, je comprends la motivation en dessous de cette suggestion, mais elle m'apparaît un peu risquée pour l'avenir du régime d'assurance médicaments, parce que vous avez bien souligné à plusieurs reprises qu'il est important d'en contrôler les coûts, d'encourager l'utilisation optimale, puis il est clair que l'utilisation de la valeur thérapeutique comme critère d'introduction à la liste est un élément essentiel, je dirais même la pierre angulaire d'un régime public d'assurance médicaments.
Vous savez que c'est un problème éthique assez considérable, hein? Par exemple, la maladie de Fabry, là, le Fabrazyme, il n'y a aucune province canadienne qui le paie actuellement avec les deniers publics. Le Common Drug Review, qui est l'équivalent canadien du Conseil du médicament, l'a jugé non utile cliniquement et n'a pas recommandé son inscription à aucune liste de médicaments. Au Québec, évidemment on a le problème que d'autres provinces ont et on a une taille d'économie qui fait en sorte qu'il faut avoir conscience des moyens en plus des bonnes façons d'évaluer les médicaments. On parle d'un médicament qui représente des coûts annuels de 200 000 $ à 300 000 $ pour la vie durant.
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Évidemment, sur la base d'un médicament utile, il n'y aucun problème pour la société de vouloir payer ça puis de demander aux contribuables d'y participer, mais, là où on est dans une zone grise, c'est quand on diminue le seuil d'introduction sur des critères qui deviennent forcément subjectifs. Parce que le mécanisme que vous suggérez, c'est une réunion de personnes qui effectivement sont des experts mais vont faire des recommandations sur la base d'expériences un peu empiriques ou d'impressions souvent, sur également un plus petit nombre encore de patients. Parce que, s'il y a un petit nombre de patients au Québec, il y en a encore un plus petit nombre par médecin, et là c'est très difficile d'arriver à des conclusions.
Nous, ce qu'on pourrait plutôt penser explorer, c'est la possibilité de faire un projet de recherche qui recueille toutes les cohortes de patients canadiens ou une grande partie des cohortes de patients canadiens, avec la participation du gouvernement fédéral et de l'industrie, pour arriver avec une cohorte qui nous permette d'arriver à une conclusion. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est une façon plus peut-être cohérente avec l'ensemble du régime de procéder?
M. Charbonneau (Guillaume): Bien, en fait, je comprends très bien la problématique puis la difficulté en fait, c'est ça, d'arriver entre nos ressources financières limitées puis le besoin des patients d'être traités de façon optimale. Je crois que c'est quelque chose d'intéressant, ce que vous proposez, sauf qu'il n'y a pas de solution magique. Ce que j'ai peur par contre, c'est que ces maladies métaboliques là... On en compte un nombre, là, très, très important. Il va probablement y avoir certaines initiatives qui vont être intéressantes avec d'autres provinces pour réunir... même au niveau international souvent qu'on a besoin parce qu'il y a certaines maladies où il y a 10, 15 patients à travers le monde. Donc, j'ai peur malgré tout qu'on fasse des orphelins dans ces maladies-là si on n'a pas un mécanisme qui nous permet d'humainement juger chacune des situations particulières.
M. Couillard: Bien, vous avez raison, l'aspect humanitaire est important. Cependant, à l'inverse, il est encore moins humanitaire ? je ne dis pas que c'est le cas pour le Fabrazyme, mais en général ? de permettre l'introduction de médicaments qui n'ont pas de valeur ajoutée en faisant croire à la population qu'il y a finalement une valeur à ce médicament-là. La question de l'aspect humanitaire, là, joue des deux côtés. Et, étant donné que le problème est, entre guillemets, un peu favorisé par l'émission d'un certificat de conformité par le gouvernement fédéral, parce que c'est le cas pour le Fabrazyme, on pense que celui-ci devrait jouer un rôle considérable dans le financement de ce type de maladie là. Et c'est le genre de représentation qu'on fait actuellement, et je suis certain que, comme organisme québécois, vous allez nous appuyer dans cette représentation.
Pour ce qui est des relations entre les conseils d'administration d'établissements et la recherche, votre position là-dessus, je dois dire, me surprend un peu. Je veux peut-être expliquer la raison pour laquelle cette recommandation est là et je dirais que, parmi les propositions qui sont contenues dans le projet de politique, c'est une d'entre elles qui a de fortes chances de demeurer, une fois la politique adoptée, pour la raison suivante. C'est qu'on assiste actuellement au phénomène suivant. C'est que l'industrie, avec un groupe de médecins, démarre un projet de recherche dans un hôpital sans que personne au conseil d'administration ne soit au courant, et, un jour ou l'autre, une fois la recherche terminée, l'industrie se retire du financement du médicament et transmet le bébé au conseil d'administration de l'établissement pour qu'il l'assume à même son propre budget.
Est-ce que vous ne pensez pas que c'est la moindre des choses que les conseils d'administration des établissements soient mis au courant du début? Il ne s'agit pas de les approuver ou de les empêcher mais d'être au moins informés qu'il y a des projets de recherche qui se déroulent dans leurs murs et que les participants à ces projets de recherche, autant les médecins que les patients et patientes qui y participent, soient informés des conditions d'inscription à la liste des médicaments du Québec, de sorte que le fait qu'un médicament fait l'objet d'une recherche dans un établissement n'est en rien une garantie qu'il sera éventuellement inscrit sur la liste. Je pense que c'est des éléments qui m'apparaissent minimaux, là, sur la base de l'encadrement.
M. Charbonneau (Guillaume): En fait, on est tout à fait d'accord que des projets de recherche ne doivent pas servir de moyen de promouvoir un médicament ou de stratégie de marketing par une compagnie. Par contre, ce qu'on voyait dans cette proposition-là, particulièrement où on disait que les conseils d'administration devaient annoncer au ministère les projets de recherche qui ont cours dans leurs établissements, c'est qu'on se demandait si... on avait une crainte puis un questionnement en fait à savoir si des projets de recherche seraient refusés d'emblée sur la base que le médicament est potentiellement coûteux pour le système. Donc, c'est surtout à cet effet-là qu'on questionne la mesure de demander au conseil d'administration de systématiquement annoncer tous les projets de loi. Et on serait totalement en désaccord avec tout projet de loi qui serait refusé non sur la base de son intérêt pour les patients mais sur la base de potentiels coûts que pourrait comporter une thérapeutique efficace pour certains patients.
M. Couillard: Et d'un autre côté je pense qu'il est important que le Conseil du médicament soit informé de ça, parce qu'il y aurait possibilité non seulement de permettre le projet de recherche, mais de le faciliter, mais en demandant au fabricant qu'il s'engage à rester sur place une fois que le projet de recherche est terminé, jusqu'à temps que le Conseil du médicament ait statué sur la question. Parce que c'est ça qui arrive actuellement. C'est très facile d'introduire le médicament, de le financer pendant quelques mois sur la base d'un projet de recherche puis d'évacuer les lieux dès que le projet de recherche est terminé en laissant le fardeau budgétaire sur l'établissement puis sur les contribuables. Je pense que là-dessus c'est important d'avoir une approche équilibrée. Et à mon avis l'approche qu'on a ne vise pas à contrôler la recherche mais à avoir une information minimale, là, pour les organismes publics.
Vous parlez des profils de prescription. Est-ce que vous pensez que la majorité des médecins seraient à l'aise avec le fait de recevoir des profils de prescription sur une base d'autoévaluation? Il ne s'agit pas de leur donner une coloration de police, ou de vérification, ou de punition mais uniquement une base d'autoévaluation. Est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui serait favorablement accueilli parmi les médecins?
M. Charbonneau (Guillaume): Je vais peut-être laisser mes collègues compléter. On ne peut pas parler nécessairement pour les autres médecins qui sont en pratique, mais on peut dire que, comme médecins résidents, nous, on y verrait un avantage au niveau académique, c'est-à-dire, nous, apprendre quel genre de profil de prescription est-ce qu'on a, est-ce qu'on est conformes à ce que nos collègues font. Nous, on y voit un intérêt puis on pense aussi que, comme futurs prescripteurs, il y a un intérêt aussi à continuer dans cette voie-là. Donc, nous, on voit ça de façon positive, là. Je ne sais pas si...
Mme Sanogo (Karine): Je pense que...
Le Président (M. Copeman): Mme Sanogo, allez-y.
Mme Sanogo (Karine): Je rajouterais à ça en fait que c'est clair que ces profils-là doivent demeurer confidentiels, là, puis dans le fond accessibles qu'au médecin qui prescrit. Ça, c'est bien important. Puis, l'autre chose, je pense que c'est important aussi que ces profils-là ne soient pas accessibles, là, aux compagnies pharmaceutiques, parce que dans le fond c'est le médecin qui a à évaluer ses propres prescriptions puis son évolution au cours du temps avec les guides cliniques qui nous sont fournis. Donc, je pense que ça, c'est deux points qui doivent être, là, très, très, très importants.
M. Couillard: Vous savez que les profils sont déjà accessibles. Ils sont dénominalisés bien sûr, mais ils sont déjà accessibles aux compagnies pharmaceutiques, en vertu d'une loi qui a été adoptée, là, ici, à l'Assemblée nationale, sans le consentement du professionnel ou à moins que le professionnel ne s'y désengage pas activement. Ces profils peuvent être concentrés sur base informatique déjà actuellement, là. Ça va avec un procédé qui s'appelle IMS. Peut-être quelque chose que vous ignoriez, mais qui existe actuellement. On pourra vous donner des détails sur ce système-là, éventuellement.
Le Président (M. Copeman): Dr Girard.
M. Girard (Martin): Oui. En fait, je suis un peu surpris que vous dites que c'est sur une base dénominalisée parce qu'on a de plus en plus d'exemples, souvent, de représentants qui se présentent dans les bureaux de cabinets de médecins de famille, surtout en fait, et qui savent pertinemment quels sont les médicaments prescrits par ce médecin et qui viennent faire de la publicité.
M. Couillard: Je parlais du patient.
M. Girard (Martin): D'accord.
M. Couillard: Le professionnel bien sûr est identifié parce que c'est pour ça qu'ils font ça. Mais c'est peut-être quelque chose qui devrait être un sujet de préoccupation pour votre fédération. O.K. Terminé.
Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, Mme la députée de Rimouski.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bienvenue de la part de l'opposition officielle. Votre mémoire est très intéressant à plusieurs égards. Ce que je retiens de vos échanges avec le ministre, c'est que vous nous donnez un message comme de quoi la question économique ne doit pas avoir préséance sur la qualité thérapeutique des médicaments qui pourraient être utilisés dans le cadre de la pratique médicale. C'est ce que je retiens, là, en gros de vos commentaires que vous avez faits suite aux interrogations du ministre de la Santé.
Moi, je reviendrais sur l'intention thérapeutique. Je suis un peu surprise, mais j'aimerais vous entendre parce que vous êtes contre la transmission de l'intention thérapeutique. Alors, j'aimerais que vous nous définissiez, selon vous, l'intention thérapeutique, elle couvre quoi, comme champ et pourquoi un pharmacien n'aurait pas droit à cette information, puisque lui va vous donner certaines informations par rapport aux médicaments. Il n'y a pas là un échange d'informations professionnelles qui permettrait une meilleure qualité: des effets pervers à certaines médications, etc., là? Vous les connaissez mieux que moi.
M. Charbonneau (Guillaume): Mais tout à fait. On est tout à fait d'accord que le pharmacien ait accès à cette information-là. Nous, c'est de la façon actuelle que c'est proposé. Nous, ce qu'on voit, c'est que, sur le billet de prescription, le patient n'aura plus seulement le nom de ses médicaments mais il va avoir les diagnostics qui viennent avec. Puis ça, ça nous pose problème parce qu'un médicament, ce n'est pas prescrit seulement... ce n'est pas une recette, là, ce n'est pas: Il y a un diagnostic puis il y a un médicament qui vient avec. Il faut être en mesure d'avoir toutes les informations nécessaires pour comprendre vraiment si l'utilisation du médicament est optimale. Donc, pour nous, tant et aussi longtemps que le pharmacien n'aura pas accès à toutes les données nécessaires pour comprendre l'utilisation du médicament, pour nous, on voit ça davantage comme un facteur confondant ou une problématique qu'une aide à la relation médecin-pharmacien.
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En plus, le fait d'avoir, dans le système actuel, encore des prescriptions sur papier, on y voit un grave problème pour le patient qui se présente à la pharmacie, qui met son papier avec tous ses diagnostics à la vue de tous ou qui peut perdre son papier. Donc, on y voit un problème aussi au niveau de la confidentialité de l'information pour le patient. Donc, on est d'accord avec la transmission de l'information au pharmacien sur une base d'informatisation du système de santé le jour où tout le monde va être réseauté, comme c'est le cas dans les centres hospitaliers, où la collaboration pharmacien-médecin est facilitée parce que le pharmacien a accès au dossier du patient et est en mesure de voir toutes les données qui sont nécessaires pour évaluer la qualité de la prescription.
Mme Charest (Rimouski): Donc, dans le fond, vous seriez d'accord pour transmettre en quelque sorte le diagnostic médical aux pharmaciens, puis, à partir de ça, bon, l'intention thérapeutique accompagnerait ce diagnostic. C'est ce que je comprends. Et est-ce que je vous interprète bien ou...
M. Charbonneau (Guillaume): Si c'est informatisé...
Mme Charest (Rimouski): Plus ou moins?
M. Charbonneau (Guillaume): C'est-à-dire que l'intention thérapeutique, c'est le diagnostic ou l'intention particulière quand ce n'est pas un diagnostic médical...
Mme Charest (Rimouski): Je comprends ça.
M. Charbonneau (Guillaume): Oui. Donc, on n'est pas en désaccord à ce que le pharmacien ait cette intention thérapeutique là, ait cette information-là, puis au contraire ça nous aiderait dans notre relation avec le pharmacien. Mais, si c'est juste de mettre l'intention thérapeutique sur un bout de papier, nous, on y voit plus de problèmes que d'avantages. Attendons d'avoir informatisé le système pour qu'il ait accès à toutes les informations dont il a besoin pour juger de la qualité de la prescription.
Mme Charest (Rimouski): Est-ce que la prescription électronique, en plus d'assurer une meilleure confidentialité, pourrait être un élément aussi pour éviter des erreurs? C'est reconnu que vous n'écrivez pas toujours très bien. Est-ce que c'est possible...
M. Charbonneau (Guillaume): ...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Charest (Rimouski): Est-ce que c'est possible que la prescription électronique ait un plus par rapport à la compréhension, puis aussi à la rapidité, bon, puis aussi à la confidentialité? Est-ce que vous avez évalué ça pour pouvoir proposer un programme de prescription électronique?
M. Charbonneau (Guillaume): Tout à fait. En fait, je crois que les médecins ont très hâte d'avoir cette possibilité-là parce que ça va simplifier beaucoup notre travail. Ça va augmenter aussi la qualité de notre travail à plusieurs égards, là. D'abord, on va être sûrs que les médicaments qu'on a au dossier ou qui nous sont fournis sont réellement l'ensemble des médicaments que le patient prend. Ensuite, ça peut assurer une meilleure collaboration avec les autres professionnels parce que l'information est plus facile à transmettre. Ça limite les erreurs, parce qu'effectivement il peut y avoir des erreurs de transcription lorsqu'on y va par papier.
On peut intégrer à ces systèmes informatiques là aussi des aviseurs qui vont nous suggérer des choix ou prévenir les médecins de certaines interactions médicamenteuses qu'ils n'auraient pas vues par des indicateurs informatiques. Je crois que la pratique médicale a beaucoup à tirer de l'informatisation, et les praticiens l'attendent avec beaucoup de...
Mme Charest (Rimouski): Quand vous proposez une ligne info, ce n'est pas strictement pour les patients, mais ça pourrait être aussi une ligne info différente, là, entre professionnels, c'est-à-dire entre pharmaciens et médecins prescripteurs. C'est ce que je comprends de votre mémoire.
M. Charbonneau (Guillaume): On l'avait vu surtout pour les patients, mais effectivement il pourrait y avoir un intérêt aussi pour les médecins d'avoir une ressource disponible téléphonique.
Mme Charest (Rimouski): Est-ce que ce serait plus acceptable pour les prescripteurs d'avoir une ligne info de ce type-là que d'avoir un guide de pratique ou ce genre de...
M. Charbonneau (Guillaume): Je crois que les deux sont complémentaires. Le guide de pratique a beaucoup d'intérêts.
Mme Charest (Rimouski): Et l'un ne vient pas en opposition à l'autre.
M. Charbonneau (Guillaume): Non, au contraire, je crois...
Mme Charest (Rimouski): Les deux pourraient être des outils complémentaires, utilisables à la fois par les deux types de professionnels.
M. Charbonneau (Guillaume): Si on veut obtenir une utilisation optimale du médicament, il faut combiner plusieurs mesures. Aucune mesure, prise de façon unique, ne pourra régler tous les problèmes. Donc, pour nous, ces deux options-là sont très intéressantes en complémentarité.
Mme Charest (Rimouski): Je reviendrais sur l'élément de la formation, parce que je trouve que vous y avez apporté beaucoup d'attention et je trouve pertinents vos commentaires. Enfin, j'aimerais que vous nous brossiez rapidement un portrait. C'est quoi, la formation, par rapport à la pharmacologie naturellement, qui est donnée aux futurs prescripteurs comme tels? Parce qu'il me semble que vous ayez des insatisfactions par rapport à la formation qui se donne présentement. Ça m'apparaît complètement inégal d'une faculté de médecine à l'autre d'après ce que vous nous dites. Alors, ça occasionne quoi, ça, comme problèmes lorsque vous vous retrouvez en termes de... sur le marché du travail, quoi, vous travaillez dans le cadre du travail puis des échanges professionnels avec d'autres?
M. Charbonneau (Guillaume): Je vais commencer et je vais laisser mes collègues compléter. En fait, il y a très peu d'heures qui sont dévolues à la pharmacothérapeutique dans les différentes facultés de médecine, et c'est très inégal d'une faculté à l'autre. Il faut voir que l'enseignement, en médecine, se fait beaucoup au chevet du patient, c'est-à-dire qu'à chaque fois, par exemple, moi, que je vois un patient, par la suite, je vais en parler avec mon patron, qui révise avec moi, bon, mon diagnostic et ma thérapeutique, puis c'est à ce moment-là qu'on a l'enseignement le plus intéressant parce qu'on a un retour directement sur le jugement que j'ai porté sur la thérapeutique idéale pour le patient que j'ai devant moi. On en discute avec le patron qui est disponible, et c'est surtout là que la formation en pharmacologie se fait, en plus des lectures qu'on fait par nous-mêmes.
Donc, nous, on voit qu'il y aurait quand même un intérêt à ajouter un nombre d'heures de pharmacothérapeutique, de pharmacoéconomie aussi dans les différentes facultés de médecine, d'harmoniser le nombre d'heures qui est dévolu à cet effet. Puis je pense qu'il faut être conscient aussi qu'en ce moment, au niveau de l'enseignement de la thérapeutique au chevet du patient, on vit un moment difficile parce qu'on est en pénurie de médecins. On demande de plus en plus aux médecins de donner des soins à la population. On limite la possibilité, avec les plans régionaux d'effectifs médicaux, pour les milieux de formation, de recruter de nouveaux cliniciens enseignants. Donc, en plus on demande aux facultés de médecine de former deux fois plus de nouveaux médecins qu'il y a cinq ans. Donc, la situation est très précaire au niveau... Parce que, si on a plus de gens formés avec autant ou moins de médecins disponibles, bien le temps de rétroaction après chaque patient que j'ai vu va être limité parce qu'on va être plusieurs. Donc, je pense que, malgré l'importance de la crise actuelle qu'on vit tous au niveau de l'accès aux soins, il ne faut pas négliger non plus la formation qui est donnée aux futurs médecins parce que c'est la qualité de la prescription qu'on va avoir dans 10 ans qu'on est peut-être en train de négliger.
Mme Charest (Rimouski): Je trouve important puis je trouve intéressant que vous le décriviez, parce que, pour les citoyens et les citoyennes qui écoutent les travaux de la commission, je pense que ça leur permet de comprendre bien des choses et de comprendre comment ça se passe. Et ce que je comprends, c'est que la formation comme telle en pharmacologie, c'est le patron qui la donne. Mais, si le patron a plus ou moins son information à jour ? ce qui peut arriver aussi, hein, il n'y a personne d'infaillible ? donc la formation peut avoir un problème là aussi. Donc, une formation vraiment théorique sur un certain nombre d'heures par des personnes qui sont formées en pharmacologie, ce serait l'idéal.
M. Charbonneau (Guillaume): Une combinaison des deux, parce que...
Mme Charest (Rimouski): Sans enlever l'autre ou... Ce serait complémentaire.
La Présidente (Mme James): M. Girard, allez-y.
M. Girard (Martin): Merci. En fait, je crois qu'au niveau de la formation théorique ? en tout cas, venant de l'Université McGill, puis je sais que c'est le cas à l'Université de Montréal aussi ? il y a des principes de pharmacocinétique, pharmacodynamique qui sont enseignés. Je crois qu'où le bât blesse, c'est probablement au niveau de la pharmacothérapeutique, au niveau de l'utilisation des médicaments comme tels.
En fait, je parle en tant... On m'a présenté comme résident en anesthésie, mais je suis un ancien résident en médecine interne, qui a défroqué après trois ans. Et en fait une des choses, moi, qui m'avaient profondément en fait choqué... C'est qu'en fait pour nous la prescription, c'est un peu notre scalpel, comme en fait on n'a pas d'autre moyen d'intervenir finalement au niveau, là, du devenir du patient. Et il y a certains médicaments, des médicaments très importants, qui peuvent avoir des effets secondaires très sérieux comme, par exemple, le Coumadin, qui est un médicament qui éclaircit le sang, qu'on peut prescrire à des patients pour de multiples raisons. Puis souvent il y a des prescriptions qui se font de façon un peu automatique.
Je vous donne un exemple. Le patient rentre et puis il a une arythmie cardiaque. Et puis, bon, on sait que, dans certains cas, le Coumadin est un moyen plus efficace de prévenir le risque d'ACV chez ces patients-là, comparé à de l'aspirine. Donc, on va prescrire du Coumadin. J'ai prescrit du Coumadin pendant, je vous dirais, une bonne année et demie, si ce n'est pas deux ans, sans nécessairement comprendre le Coumadin comme médicament dans son ensemble. Et pas de dire que ça a été fait de façon grossière, mais je crois que, pour des médicaments où est-ce que les gens... Par exemple, si c'est, par exemple, une interaction médicamenteuse qui n'avait pas été détectée, où est-ce que des patients peuvent revenir et puis avoir eu des problèmes d'avoir été trop anticoagulés, puis avoir des problèmes de saignement suite en fait à ne pas avoir reconnu d'interaction médicamenteuse... Donc, pour certains médicaments...
Et c'est sûr que l'emphase ne devrait pas être mise sur tous les médicaments, mais certains médicaments plus dangereux ou plus sérieux. Il devrait y avoir peut-être des cours plus spécifiques donnés sur ces médicaments-là. Et ça, à ce moment-ci, c'est un peu de l'enseignement qui est fait un peu au gré des rencontres entre les résidents et les patrons.
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Mme Charest (Rimouski): Ça m'apporte à vous questionner, à la page 9 de votre mémoire... Parce que, quand vous nous dites que la prescription de médicaments est en quelque sorte votre scalpel, on va parler de ce que j'appellerais les maladies orphelines, là, dans le sens que la médication qui doit être prescrite sur un petit nombre de personnes, qui ne fait pas non plus partie de la liste des médicaments qui est émise par le Conseil du médicament, là... Et vous réclamez que... Attendez que je vous relise, là. D'entrée de jeu, vous manifestez votre «désaccord avec l'intention du gouvernement d'assurer le financement public des médicaments utilisés dans le traitement de maladies métaboliques et héréditaires uniquement pour ceux dont la valeur thérapeutique est démontrée, lors de l'évaluation par le Conseil du médicament». Oui?
M. Girard (Martin): Je ne suis pas contre l'idée... nous ne sommes pas contre l'idée en fait d'avoir le gouvernement qui par certaines maladies... se substituer en fait à l'industrie pharmaceutique s'ils veulent organiser des recherches pour certaines maladies métaboliques. Ceci étant dit, lorsqu'on établit des lignes directrices, il existe plusieurs niveaux dans ce qu'on appelle le «evidence-based medicine», et le consensus d'un groupe d'experts est un niveau d'évidence qui n'est pas le meilleur niveau mais qui est aussi quelque chose d'accepté.
Donc, je trouve ça un peu dérangeant en fait de limiter le traitement de patients qui... pour des raisons essentiellement statistiques, on n'arrivera probablement jamais à démontrer des résultats probants, cliniques hors de tout doute. Je trouve ça un peu dommage de devoir exclure ces patients-là de toute forme de traitement compensé. Si ça... on ne doit pas traiter tout le monde. S'il y a d'autres gens ou un groupe d'experts qui disent qu'on ne pense pas qu'il y ait d'avantage à ce traitement-là et à ce qu'un gouvernement le défraie, soit, mais, je veux dire, je ne pense pas qu'il doit... je pense qu'il doit y avoir quand même une certaine forme d'appel, un mécanisme pour que ces gens-là soient traités hormis les conclusions d'une étude randomisée à double insu à large... faite sur un grand groupe de patients.
Mme Charest (Rimouski): Vous faites la recommandation également de créer le fonds, là, financé, oui, en partie par l'industrie mais indépendant de celle-ci dans sa gestion, surtout parce que cet argent-là est destiné à financer la formation médicale. C'est venu à la suite de quoi ou comment, cette réflexion ou cette recommandation: à partir de votre expérience terrain, des sollicitations que vous avez fait l'objet ou... Comment est venue cette recommandation de votre part?
M. Charbonneau (Guillaume): Bien, je crois que c'est l'idée de la collaboration entre l'industrie pharmaceutique, et les médecins, et le gouvernement dans le but d'atteindre une utilisation optimale du médicament. Puis c'est certain que l'industrie pharmaceutique a un apport à jouer à la formation des médecins. Je crois qu'on ne peut pas jouer à l'autruche puis dire que, pour l'instant, le financement peut venir d'un autre endroit pour la formation continue, en grande partie du moins. Mais par contre on doit s'assurer que l'information qui est transmise... Il doit y avoir une crédibilité, et on doit se dire: Moi, comme médecin, lorsque je reçois de l'information, ce n'est pas de l'information parce qu'on veut que je prescrive tel ou tel médicament, c'est vraiment de l'information qui est objective, qui vient de consensus d'experts dont la seule préoccupation est le bien-être du patient.
Mme Charest (Rimouski): Merci, monsieur, madame.
Le Président (M. Copeman): Alors, merci, Dr Charbonneau, M. Gouin, Mme Cotton-Montpetit, Dr Sanogo, Dr Girard. Merci pour votre participation devant cette commission parlementaire au nom de la Fédération des médecins résidents du Québec. Et j'invite immédiatement, sinon pas avant, la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec à prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec à cette commission parlementaire. Mme Boulanger, vous allez faire la présentation, j'imagine ? très bien ? assistée par Mme Mercier si l'ordre du jour est exact. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Nous vous écoutons.
Fédération des infirmières et
infirmiers du Québec (FIIQ)
Mme Boulanger (Sylvie): Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mme Charest, MM., Mmes les députés, alors le rôle du médicament dans le traitement ou la prévention des pathologies évolue. Il agit d'ailleurs de plus en plus comme un traitement de substitution. Et, malgré cela, le médicament n'a jamais vraiment été intégré au système de santé et de services sociaux. Il importe donc pour nous de démocratiser, dans la mesure du possible, de démocratiser l'accès au médicament. Ce sont là des raisons qui militent en faveur de l'adoption d'une politique du médicament et des motifs pour lesquels une telle politique est réclamée et attendue depuis plus de 10 ans.
Cependant, il est décevant de constater que le projet de politique des médicaments, d'une part, ne répond pas aux attentes et, d'autre part, s'avère davantage une politique industrielle qu'une politique de santé. En effet, tel qu'il est rédigé, le projet de politique s'avère davantage axé sur des préoccupations économiques, financières et industrielles et il ne vise ni plus ni moins qu'à assurer l'essor de la très puissante industrie pharmaceutique. Il ne faut pas oublier que le Québec ne représente qu'un petit marché en regard du médicament.
Essentiellement, une politique du médicament doit répondre à une logique de santé et être au service de la population. Selon toute attente, la politique du médicament devrait consacrer l'intégration des médicaments au système de santé et de services sociaux en vue de l'amélioration de la santé et du bien-être de la population et permettre ainsi une démocratisation de l'accès au médicament. Or, la lecture du document de consultation nous permet de constater que les objectifs de la politique du médicament consistent bien davantage à consolider la position stratégique de l'industrie au Québec et à assurer sa rentabilité qu'à intégrer le médicament dans le système de santé afin de permettre l'amélioration de l'état de santé de la population québécoise.
La FIIQ croit qu'une politique du médicament basée sur une approche de santé publique devrait être axée sur la prévention afin de favoriser la diminution de l'utilisation et de la consommation des médicaments. Évidemment, il s'agit là d'une approche qui ne vise pas nécessairement l'intérêt économique de l'industrie, vous comprendrez.
Une politique doit être basée sur des principes. Toujours avec l'objectif d'améliorer la santé et le bien-être, la FIIQ croit que la politique du médicament doit prendre des orientations en harmonie avec celle-ci. Ainsi, en opposition à deux des quatre axes retenus par le projet de politique, à savoir l'établissement du prix juste et raisonnable, l'axe 2, et une industrie pharmaceutique dynamique, l'axe 4, des principes d'indépendance, de transparence, d'objectivité, d'accessibilité et d'utilisation adéquate devraient plutôt prévaloir.
Une indépendance essentielle, disons-nous. Un principe qui est délaissé par le projet politique du médicament, c'est bien le principe d'indépendance. D'une part, les structures en place ou à mettre en place, qu'il s'agisse d'un forum permanent d'échange, de la table de concertation ou de nouvelles agences du médicament, ne répondent aucunement à ce principe d'indépendance. D'autre part, les acteurs identifiés dans les projets de politique, tels que les professionnels de la santé, les assureurs, les corporations formant l'industrie pharmaceutique ou encore le ministère du Développement économique et régional et de la Recherche, ont des objectifs divergents, voire complètement opposés. L'indépendance, tant intellectuelle que financière, doit être garantie par la politique du médicament, et ce n'est malheureusement pas le cas actuellement.
La transparence. Les fabricants de médicaments de même que les professionnels de la santé et les établissements réclament davantage de transparence de la part du Conseil du médicament lors de l'examen des produits à l'étude et sur l'avancement des travaux d'évaluation. D'aucuns souhaitent avoir accès aux recommandations émises par le Conseil du médicament. L'absence de diffusion de renseignements sur les produits et sur l'avancement des travaux serait motivée par la nécessité de confidentialité. Il serait bon de s'interroger sur les motifs qui militent en faveur de cette transparence et de ceux qui ont amené la pertinence du respect de la confidentialité. Ni l'un ni l'autre ne sont examinés dans le projet de politique du médicament soumis à la consultation.
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(17 h 40)
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Dans un autre ordre d'idées, toujours au chapitre de la transparence et dans l'intérêt des citoyens, qui financent l'industrie par le biais de leurs impôts et de leurs achats, il serait opportun de rendre le coût réel de la recherche pharmaceutique sur les médicaments d'origine plus transparent. Cette information permettrait notamment d'élaborer des critères de financement pour la recherche pharmaceutique, critères qui ne semblent pas exister à l'heure actuelle. Le gouvernement du Québec soutient, depuis plusieurs années déjà, une politique industrielle hautement favorable aux compagnies pharmaceutiques. Outre les mesures fiscales, le gouvernement, en plus de la protection des brevets reconnus par la loi canadienne, a adopté et continue de mettre en application la règle des 15 ans. Cette règle, dont il est le seul gouvernement provincial à appliquer, coûte cher aux contribuables et aux usagers du réseau de santé.
Dans un secteur industriel aussi concentré que peut l'être le secteur pharmaceutique, il n'est pas inutile de questionner à nouveau cette décision qui a été prise en 1993. Le Québec n'a plus les moyens de soutenir ainsi une industrie grandement plus riche que lui-même. Dans de telles circonstances, en matière de recherche et développement dans l'industrie pharmaceutique, n'y aurait-il pas lieu de resserrer la définition de l'importante notion de recherche et de revoir les incitatifs fiscaux démesurés et somme toute peu justifiables qui sont accordés à une industrie dont la rentabilité s'avère incomparable à l'échelle mondiale?
La recommandation du Conseil du médicament, c'est-à-dire la décision d'inscrire... revenant au ministre de la Santé et des Services sociaux quant à l'inscription à la liste aux fins de remboursement, repose sur quatre critères de décision, à savoir: un, la valeur thérapeutique démontrée scientifiquement; deuxièmement, la justesse du prix et le rapport entre le coût et l'efficacité; trois, l'impact de l'inscription de chaque médicament à la liste sur la santé de la population et sur les autres composantes du système de santé; et finalement, le quatrième critère, l'opportunité de l'inscription à la liste en regard de l'objectif à l'accès raisonnable et équitable aux médicaments.
Le projet de politique du médicament propose d'utiliser le critère de valeur thérapeutique pour éventuellement instituer une décision quant à l'inscription à la liste pour des médicaments destinés à soulager ou à soigner les maladies métaboliques héréditaires. Ceci vient à l'encontre de ce que certains groupes des milieux estiment, à savoir qu'il faudrait assurer une couverture pour l'ensemble de ces médicaments. La FIIQ appuie cette demande des groupes représentant les personnes malades à l'effet que la couverture pourrait être assurée même en l'absence d'études cliniques. Dans ce cas particulier, on ne devrait pas avoir l'obligation de démontrer la valeur thérapeutique du produit. Ces dépenses devraient être chiffrées par le gouvernement.
Le critère d'objectivité devrait également s'appliquer à la formation continue des professionnels. Actuellement, la majorité des activités de formation seraient financées par l'industrie elle-même.
Proscrire la publicité directe à l'endroit des usagers. Il est également nécessaire qu'une information objective sur les médicaments soit transmise aux patients et à la population en général. Ce caractère objectif de l'information est absolument inconciliable avec la publicité directe.
La situation aux États-Unis. À l'heure actuelle, seulement deux pays autorisent la publicité directe des médicaments d'ordonnance, c'est la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. Et à titre indicatif, selon les données compilées par Santé Canada, soulignons que les dépenses pour la publicité directe aux États-Unis ont crû en flèche. De 90 millions de dollars en 1990, en l'an 2000, les auteurs avançaient le chiffre de 2,5 milliards de dollars américains pour la publicité directe aux États-Unis. La progression des dépenses s'avère démesurée.
La situation au Canada. Cependant, le Règlement sur les aliments et drogues interdit la publicité directe auprès des consommateurs. La publicité est permise pour la comparaison des prix. Par ailleurs, la publicité à l'intention des professionnels de la santé est autorisée. Elle est sujette à l'approbation et à l'examen du Conseil consultatif de la publicité pharmaceutique.
Dans le fond, en ce qui concerne la question de la publicité, le but de l'interdiction de la publicité des médicaments de prescription est la protection de la santé. Toute modification législative devrait s'appuyer sur des preuves solides. Or, les preuves accumulées jusqu'à maintenant dénotent que de telles craintes sont justifiées et autorisent à croire que la publicité n'améliorerait pas la santé de la population canadienne. Essentiellement, seules les compagnies de recherche pharmaceutique au Canada et l'Alliance pour l'accès à l'information médicale, une coalition d'organismes médiatiques, sont favorables à l'introduction de la publicité directe pour les médicaments d'ordonnance.
L'argumentation et les recommandations des compagnies de médicaments de marque et des médias en faveur de la publicité directe résistent mal à l'analyse critique. Elles ne peuvent se justifier ni au plan scientifique ni au plan clinique. Les médicaments sont maintenant considérés comme des thérapies de remplacement. Il est de plus en plus fréquent qu'ils soient désignés sous l'appellation de «nouvelles thérapies». Ils permettent une diminution de l'institutionnalisation. Certains soutiennent également qu'ils permettent une diminution des services médicaux. Précisons ici que la publicité n'est pas destinée à être neutre, objective et éducative. Elle vise à faire vendre les produits et à maximiser les profits. La publicité ne vise pas à transmettre une information complète et objective sur les maladies et les traitements disponibles.
L'Association médicale canadienne s'est prononcée contre la publicité directe pour les médicaments d'ordonnance aux consommateurs, estimant que la publicité contribue à accroître la pression à l'endroit des médecins afin qu'ils prescrivent des médicaments publicisés. Ces informations ont été corroborées par l'étude financée au Canada par le Fonds pour l'adaptation des services de santé.
Le projet de politique du médicament rappelle à juste titre que, parmi les pratiques commerciales des fabricants, figure la publicité directe auprès du grand public. Le ministère réitère son opposition à un quelconque élargissement en cette matière, sans plus. Dans le contexte actuel où la législation en place est de plus en plus transgressée par les compagnies pharmaceutiques, on se demande si c'est suffisant. Comme la publicité directe vient en concurrence avec les objectifs du système de santé, la FIIQ estime que Santé Canada devrait faire preuve de plus de zèle en ce qui a trait au respect de la réglementation en vigueur relativement à l'interdiction de la publicité et, en conséquence, la FIIQ juge que le gouvernement du Québec doit aller plus loin que cette simple affirmation. La position du gouvernement du Québec doit être plus claire, plus ferme et plus proactive.
Il semble bien que l'accessibilité aux médicaments passe d'abord et avant tout par l'accessibilité financière aux produits. Le rapport Tamblyn, en 2000, a démontré le grave problème d'accès aux traitements chez les personnes âgées et les personnes assistées sociales. Le projet de politique du médicament, tel que rédigé, n'est pas de nature à modifier cette situation. Au contraire, il pourrait bien avoir l'effet contraire. En effet, le régime général d'assurance médicaments, au rythme des augmentations statutaires qu'il contient et tel que démontré dans le document précédent, se dirige vers un régime catastrophe, et nous considérons qu'il est important de revenir sur le rapport Montmarquette.
On se souviendra que le comité Montmarquette a appuyé sa démarche sur la théorie de l'assurance, qu'il applique aux médicaments. De plus, les membres du comité Montmarquette, après avoir échangé sur leur mandat, ont décidé de ne pas limiter leur réflexion à la seule question de la pertinence ou de la faisabilité d'un régime universel public et de défendre leurs réflexions aux différentes avenues envisageables en matière de financement et d'organisation de l'assurance médicaments. C'est ainsi qu'en quelques paragraphes le comité rejette le régime public universel sur la base qu'il ne serait pas souhaitable, bien qu'il soit possible, et qu'il ne constituerait pas la situation optimale. Il en est découlé que le comité a recommandé le maintien du régime mixte en vigueur actuellement. De plus, le comité a rejeté toute idée de déficit et il a fait des recommandations à l'effet que tout déficit doit être comblé. La viabilité financière du régime passe par un relèvement de la participation financière des personnes qui achètent les médicaments.
Le comité Montmarquette recommandait le maintien du caractère obligatoire du régime, le maintien de la participation financière des utilisateurs, le maintien de la formule de remboursement en vigueur à l'époque plutôt que le passage à la formule du prix le plus bas, et ce, afin de stimuler le développement de l'industrie pharmaceutique.
Contrairement à ce que soutient le projet de politique du médicament, s'appuyant en cela sur le rapport Montmarquette, les frais d'administration des assureurs privés sont nettement plus élevés que les frais administratifs de l'administration publique. En conséquence, étant donné la manière dont le comité Montmarquette a mené ses travaux, et notamment la façon cavalière dont il a rejeté l'examen d'un régime public et universel, tel que le stipulait pourtant son mandat, la FIIQ, à l'instar d'autres organisations, estime que le débat sur l'opportunité de mettre en place un régime public et universel est toujours d'actualité.
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(17 h 50)
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L'universalité d'un programme de médicaments est souhaitée par la commission Hall en 1964, par la commission Castonguay-Nepveu en 1967. Vous me direz: Ça date un peu, mais c'est toujours pertinent encore aujourd'hui. Pour ces deux commissions, les produits et services pharmaceutiques faisaient partie intégrante d'un régime qu'on voulait complet et universel. La FIIQ estime que les médicaments devraient constituer une partie intégrante du système de santé québécois, et, suite au virage ambulatoire, cette affirmation a encore plus de sens. La FIIQ considère que le gouvernement doit examiner, plus sérieusement qu'il ne l'a fait jusqu'à maintenant, la possibilité de mettre sur pied un régime public et universel d'assurance médicaments. À l'instar du Forum sur la santé, la FIIQ estime que les médicaments de prescription sont aussi médicalement nécessaires que les services médicaux et hospitaliers, ce qui laisse entendre que l'on devrait accorder autant d'importance à l'accès aux médicaments qu'à l'accès aux soins médicaux et hospitaliers.
Limiter la croissance des coûts. Dans le rapport Romanow, il y avait cinq méthodes pour limiter la croissance des coûts des médicaments, à savoir la liste des médicaments approuvés, le programme des médicaments de référence, la substitution d'un médicament générique équivalent sur le plan thérapeutique à un produit de marque déposée, les ententes de partage de risques et finalement le gel des prix en vue de limiter les coûts. Il ajoute de plus que les lois canadiennes sur les brevets liés aux médicaments sont un obstacle majeur au contrôle de leurs prix. Il termine en affirmant que la perpétuation des brevets constitue une pratique particulièrement préoccupante.
Au rythme où vont les choses, le projet de politique du médicament, loin de limiter la croissance des coûts des médicaments, suggère de mettre en place des conditions pour faire monter les prix, à tout le moins dans le cas des médicaments d'origine. Le Québec constitue la province canadienne où la consommation des médicaments génériques est la plus faible. Le coût de ces derniers aura beau diminuer, l'impact ne pourra qu'en être limité. Le gouvernement n'a donc pas d'autre choix que de reconsidérer ses annonces et d'examiner la politique du prix de référence, qu'il écarte dans le projet de politique du médicament, ce qu'il a refusé de faire jusqu'à maintenant. En Colombie-Britannique, on a mis en vigueur, à compter du 1er mai 2003, un nouveau programme qui s'appelle le Pharmacare. Ce programme s'applique pour cinq classes de médicaments et il aurait permis, en Colombie-Britannique, de réduire ses coûts de médicaments de 1 million de dollars.
Concernant l'accessibilité financière, limiter la croissance des coûts des médicaments vise un seul but: assurer l'accessibilité financière à l'ensemble des personnes malades. Le projet de politique introduit ou maintient différents éléments qui vont contribuer à l'augmentation des prix des médicaments d'origine. Entre autres, l'abandon de la non-augmentation des prix, le refus d'examiner la politique du prix de référence, le maintien de l'augmentation annuelle des paramètres du régime et le maintien de la règle des 15 ans en sont de bons exemples.
L'utilisation optimale de la pharmacovigilance. Le projet de politique du médicament consacre un axe et 14 propositions à l'utilisation optimale des médicaments. Toutefois, la teneur de ces propositions s'avère fort décevante. En effet, le projet de politique n'aborde d'aucune manière la question de gaspillage, celle de la prescription et de la consommation inadéquate des médicaments. La FIIQ estime que la politique du médicament devrait aller au-delà de l'utilisation optimale et intégrer le concept de pharmacovigilance, puisque le médicament ne constitue pas un produit banal.
En France, la pharmacovigilance consiste à surveiller les risques d'effets indésirables résultant de l'utilisation des médicaments et produits à usage humain et des médicaments et produits de contraception. Elle comporte le signalement des effets indésirables, l'enregistrement, l'évaluation, l'exploitation des informations à des fins de prévention et la réalisation des études concernant la sécurité d'emploi des médicaments et des produits.
Quant à la circulation de l'information, la Fédération des infirmières a déjà exprimé son opinion lors du mémoire soumis à la commission parlementaire sur la consultation sur le projet de loi n° 83. Elle y a fait valoir le fait que le projet de loi, en permettant que s'accroisse la circulation de l'information, affaiblit énormément la protection des renseignements personnels relatifs à la santé.
Le Président (M. Copeman): Mme Boulanger, je veux juste vous signaler: il vous reste une minute.
Mme Boulanger (Sylvie): Parfait. Bien, j'en arrive à la conclusion, finalement.
Le Président (M. Copeman): C'est bien.
Mme Boulanger (Sylvie): Dans le cas des médicaments particuliers, ils perdraient la protection supérieure actuellement conférée par la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Leur statut serait grandement affaibli, référé au rang d'une quelconque information personnelle. La FIIQ ne peut donc endosser ces modifications fondamentales au nom de la circulation de l'information. Je vous remercie.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, Mme Boulanger. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Boulanger et Mme Mercier. C'est bien qu'on soit accompagné par la musique en cette fin de journée. Ça va nous soutenir un peu.
Effectivement, vous avez raison, la meilleure façon d'améliorer l'état de santé de la population, c'est les efforts de prévention. Je suis certain que vous allez appuyer avec enthousiasme le dépôt prochain du projet de loi sur le contrôle du tabac de même que la campagne actuelle des saines habitudes de vie qui est commencée, parce qu'effectivement, si on a moins de monde qui a besoin de médicaments, ça va nous coûter moins cher pas mal.
Je voudrais juste clarifier quelque chose pour votre position par rapport au régime d'assurance médicaments, qui est un régime d'assurance médicaments, il faut le répéter. J'ai compris que pour vous il n'y aurait pas de problème à laisser aller la caisse d'assurance médicaments en déficit puis qu'il faudrait geler les paramètres et ne plus les ajuster annuellement. Est-ce que c'est la position de votre organisme?
Mme Boulanger (Sylvie): Non, sans la geler, je pense qu'il y a des moyens de contrôler d'abord, ne serait-ce que sur la question des brevets, ne serait-ce que sur la question du prix le plus bas, l'utilisation des médicaments génériques, etc. Je pense qu'on peut d'abord commencer à faire un peu de ménage de ce côté-là, puis ensuite on verra avec l'augmentation des coûts des médicaments. Mais là actuellement, évidemment, les gens qui bénéficient du régime général d'assurance médicaments sont principalement les personnes âgées, les personnes sans emploi ou à faibles revenus et donc assument une bonne part malgré tout du coût des médicaments.
M. Couillard: Donc, vous ne vous opposez pas au maintien de l'ajustement annuel des paramètres, là, tel que la loi le... Parce que, sinon, on va le geler puis on ne pourra pas le payer.
Mme Boulanger (Sylvie): Je pense qu'il faudra commencer sérieusement à procéder à d'autres ajustements avant de poursuivre dans l'esprit de l'augmentation qui est décrétée à chaque année.
M. Couillard: Donc, on gèle jusqu'à temps qu'on ait trouvé les autres moyens.
Mme Boulanger (Sylvie): Vous les avez, les autres moyens, il s'agit de les mettre en application.
M. Couillard: Mais, cette année, on gèle?
Mme Boulanger (Sylvie): Commencez par retravailler d'abord sur la question des brevets, commencez par travailler sur l'utilisation des médicaments génériques, vous allez voir qu'on va toucher déjà une bonne part du coût des médicaments.
M. Couillard: Il va falloir travailler fort pour trouver du monde pour payer ça, par exemple.
Mais parlons des brevets un petit peu, là. Évidemment, la question de la règle de 15 ans, vous y faites allusion, puis effectivement la position n'est pas commune parmi les gens qui sont venus devant nous. En passant, la FTQ, elle, préconise le maintien de la règle de 15 ans, donc ce n'est pas une position unanime parmi le mouvement syndical.
Et ce qu'il est important de rappeler ? puis on l'a fait encore aujourd'hui avec les gens de Génome Québec ? c'est toute cette question de l'industrie biomédicale au Québec, qui est excessivement stratégique pour le Québec, pour l'économie du Québec. C'est plusieurs maillons: c'est les universités, c'est les entreprises de génie biomédical, c'est finalement les entreprises pharmaceutiques. Et le fait d'affaiblir un des maillons de la chaîne risquerait de déstabiliser cette industrie qui est encore une fois d'une valeur stratégique majeure.
Et je rappellerais que même le Parti québécois, en neuf ans, n'a jamais remis en question la règle de 15 ans pendant toute son époque au gouvernement et qu'actuellement nous préconisons de la maintenir parce que, s'il fallait que le Québec voie cette industrie affaiblie... Et on sait que c'est une industrie extrêmement mobile, qui choisit le Québec, où elle est très concentrée, ce qui produit une valeur ajoutée puis une source de prospérité. Ça nous prend ça pour payer nos programmes sociaux au Québec. Si on commence à adopter des politiques qui nous font perdre ce type d'activité économique là, je ne vois pas comment on va continuer à se payer des programmes sociaux.
Vous savez qu'au Québec on a pour environ ? ce qui est bien ? 5 à 7 milliards de plus de programmes sociaux que d'autres provinces pour une taille comparable avec l'ajustement. Ça nous prend une prospérité économique constante pour payer ces choses-là. Et, moi, j'aurais la crainte qu'en adoptant des politiques similaires à ce qui existe ailleurs, bien, notre industrie pharmaceutique soit fortement fragilisée puis que ça nous fragilise, comme société, même pour nos programmes sociaux.
Le problème, c'est qu'une fois qu'on ferait cette décision-là... Disons qu'on abolit la règle de 15 ans, par exemple, bien on s'en rend compte après coup qu'on n'a pas eu raison, oups! l'industrie pharmaceutique est partie, il y a 20 000 emplois qu'on a perdus. Est-ce que ça ne vous inquiète pas, cette alternative-là?
Le Président (M. Paquin): Juste avant de répondre, madame, permettez-moi un petit instant. Y a-t-il consentement pour poursuivre après 18 heures? Il y a consentement. Très bien. Madame, vous avez la parole.
Mme Boulanger (Sylvie): Alors, j'espère que je n'entends pas, dans le commentaire que vous me faites, M. Couillard, que seule l'industrie pharmaceutique pourvoit au... que dans le fond l'économie puis les programmes sociaux du Québec sont basés seulement sur la rentabilité de l'industrie pharmaceutique. J'espère que je n'entends pas ça.
M. Couillard: Non, mais je vais le préciser par contre. Au XXIe siècle, l'industrie de pointe au Québec, on n'en a pas plus que les cinq doigts de la main: on a le biomédical, on a l'aéronautique, on a l'informatique. Puis ça, c'est l'industrie de valeur ajoutée des prochaines années puis du prochain siècle, et on a besoin de ces choses-là. Ce n'est pas bien sûr la seule chose qui assure la prospérité du Québec, mais c'est un déterminant extrêmement important de la prospérité du Québec.
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(18 heures)
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Mme Boulanger (Sylvie): C'en est un, j'en conviens, mais ce n'est pas le seul, et je pense que la santé de la population du Québec fait aussi partie de l'ensemble des préoccupations qu'on doit avoir.
Si, pour maintenir une industrie pharmaceutique flamboyante, qui produit, qui réussit bien, il faut pour ça demander à la population de se payer des médicaments qui coûtent de plus en plus cher ou bien qu'on demande à la population, par exemple, qui n'a pas les moyens de se payer des médicaments qui coûtent de plus en plus cher, de choisir de les laisser tomber puis de les rendre malades, non, la FIIQ ne fait pas ce choix-là. Je pense qu'il y a des moyens de contrôler sans tout abolir. Je ne vous parle pas de renverser tout au complet.
Et le contrôle de la règle des 15 ans, vous faisiez mention que le Parti québécois en a fait la même chose, on a fait exactement les mêmes représentations devant le Parti québécois, au moment où il était au pouvoir, à cet égard-là. Je pense qu'il y a quelque chose à regarder là.
M. Couillard: Bien, vous ne trouvez pas ça intéressant de voir que deux formations politiques qui, sur plusieurs sujets, ont des opinions divergentes, sur cette question, aient gardé la même attitude? Il y a quelque chose, là, qui dit qu'à l'analyse on s'est dit, des deux côtés, que c'était quelque chose qui était important pour le Québec, cette politique-là.
Mme Boulanger (Sylvie): Je constate, M. Couillard, que vous partagez, tous les deux... les deux partis partagent la même opinion à cet égard-là. Ça n'en fait pas moins que la FIIQ maintient son opinion à l'égard de la règle des 15 ans, et je pense qu'à cet égard-là il faut se donner les moyens de le regarder comme État.
M. Couillard: Vous avez parlé du prix de référence. C'est exact que la Colombie-Britannique, dans cinq classes de médicaments, a adopté la politique du prix de référence. Ce qui est intéressant à observer effectivement, c'est l'impact que ça a. Il y a d'une part une économie... Il y a une économie potentielle sur le système d'assurance médicaments, mais ce que ça signifie ? il faut bien expliquer aux citoyens qui nous écoutent ? ce que ça signifie pour le citoyen, c'est des déboursés au comptoir en dehors des règles de contribution du régime d'assurance médicaments.
Alors, la façon dont ça fonctionne, c'est qu'il y a quatre médicaments d'une même classe qui sont identiques sur le plan biologique, d'après les évaluations objectives. Le gouvernement décide qu'il paie le prix le plus bas des quatre, et, si le médecin ou le patient veut quand même un des trois autres, c'est le patient qui paie au comptoir, et ça, ça ne rentre pas dans le calcul de contribution maximale. Est-ce que vous pensez que les citoyens seraient confortables et les médecins seraient confortables avec ça?
Mme Boulanger (Sylvie): C'est ce qu'on propose dans la possibilité de regarder le Pharmacare qui s'est... qui sont installés, instaurés...
M. Couillard: ...décrire, là.
Mme Boulanger (Sylvie): Pardon?
M. Couillard: Je viens de vous le décrire, là.
Mme Boulanger (Sylvie): Oui, oui, c'est ça. Alors, c'est ce qu'on propose, nous, d'instaurer. En Colombie-Britannique, ils ont quand même eu des économies substantielles à cet égard-là. Si vous me permettez, Lucie voudrait rajouter quelque chose.
Le Président (M. Paquin): Mme Mercier.
Mme Mercier (Lucie): Oui. Alors, à propos de l'industrie pharmaceutique, en fait ce qu'il faut aussi prendre en considération, ce sont les critères de décision d'installation pour l'industrie pharmaceutique. La consommation des médicaments sur place, à ce que j'ai pu consulter dans la littérature, n'est pas un des premiers critères d'installation pour l'industrie, c'est d'abord... Il faut aussi que l'industrie ait un marché au niveau clinique, au niveau de la possibilité de faire les études cliniques. Alors, étant donné que le Québec est aussi une petite population et que ses possibilités d'études cliniques sont quand même relativement limitées de par la taille de la population, c'est une industrie qui a tendance à être obligée d'aller s'installer ailleurs au Canada également.
Et puis, bon, de plus en plus, l'industrie des médicaments de marque se diversifie. C'est vrai que le Québec actuellement a une majorité d'entreprises qui sont des entreprises de marque, mais ces mêmes entreprises là développent des filiales de génériques pour pouvoir aussi profiter des ventes qui vont se faire au moment où les brevets viennent à échéance. Alors, c'est une industrie qui se diversifie à plusieurs niveaux, et la consommation sur place n'est pas son seul critère d'installation.
M. Couillard: Là-dessus, vous avez raison, ce n'est pas le seul critère, c'est essentiellement la disponibilité et la concentration des équipes de recherche et le climat académique de l'endroit où ils sont installés, également pour eux le climat d'affaires qui entoure leur entreprise. Et c'est pour ça qu'au Québec on a concentré les entreprises d'innovation au Canada. Alors, ils ne s'installent pas beaucoup ailleurs qu'au Québec, et on est très chanceux, au Québec, d'avoir cette chose-là.
Et bien sûr ça ne veut pas dire que c'est un chèque en blanc pour l'industrie. Il faut les encadrer, et il y a plusieurs dispositions là-dedans qui d'ailleurs font en sorte de les encadrer. Et vous allez voir que certaines d'entre elles ne sont pas accueillies favorablement par l'industrie, et je pense qu'il faut quand même reconnaître qu'il y a un effort équilibré. Il y a les engagements des fabricants, par exemple, pour le respect des règles d'éthique, pour les ententes de compensation, pour le financement complètement indépendant de l'éducation médicale continue, qui vont à l'encontre des pratiques actuelles et certainement qui ne sont peut-être pas tout à fait vues favorablement par l'industrie, mais on croit que c'est important de les mettre en place. Pour ce qui est de... Vous avez pris une bonne partie de votre présentation pour parler de la publicité directe. On est d'accord, la publicité directe à la population devrait être absolument exclue. Vous savez que c'est le gouvernement fédéral qui légifère dans ce domaine-là. Ils n'ont pas l'intention, à ce que je sache, de le permettre non plus, mais c'est certain qu'on va être extrêmement vigilants, au Québec, pour cette question-là. Et on croit que ce serait un net recul. Il faut être allé aux États-Unis pour voir les panneaux-réclames de médicaments sur le bord de l'autoroute, pour immédiatement se demander qu'est-ce que ça voudrait dire chez nous.
Je veux juste terminer avec un certain étonnement de vous voir ne pas souhaiter l'extension de la transmission de l'information, ce qui est presque unanimement souhaité par tous les intervenants du réseau de la santé, y compris les infirmières, qui voient là une facilité de mieux servir les patients puis d'accélérer les traitements et les rendre plus continus. On a eu la discussion avec le projet de loi n° 83. Une grande partie, c'est le profil pharmaceutique. On a retenu les recommandations sur le consentement et d'ailleurs on ajuste le projet de loi en conséquence. Mais ça me paraît difficile de comprendre qu'un groupe représentant des professionnels de la santé s'oppose au concept même d'améliorer la circulation de l'information dans le réseau de la santé.
Mme Boulanger (Sylvie): Si vous me permettez, ce n'est pas une question d'opposition pour opposition, mais c'est opposition à une façon de fonctionner qui permettrait un trop large accès aux informations. On en a discuté suffisamment dans le projet de loi... quand on est venues pour le projet de loi n° 83, puis rappelez-vous que ce mémoire-là aussi était... l'appel de dépôt des mémoires était à une semaine, je pense, de délai du projet de loi n° 83. Alors, évidemment, c'est beaucoup teinté des préoccupations qu'on avait à ce moment-là. On est quelques mois plus tard, tant mieux si vous avez ajusté pour répondre à nos inquiétudes.
M. Couillard: Mais, sur la base du principe, vous souhaitez, j'en suis sûr, la facilitation de la circulation de l'information. Bien sûr, étant donné la protection des renseignements et la... Je veux juste qu'on ne laisse pas cette impression que vous vous opposez à ce que l'information circule plus efficacement dans le réseau de la santé.
Mme Boulanger (Sylvie): Bien, en fait, non. On souhaite évidemment qu'on ait de l'information puis qu'elle soit la plus objective possible et la plus fraîche possible, si je peux parler ainsi. Mais, dans la mesure où vous répondez: Le gouvernement a apporté les correctifs nécessaires sur les inquiétudes ou les dangers potentiels qu'on voyait, là, de risques d'ouverture à de l'accès à l'information qui ne devrait pas être, là, on n'aura plus de problème.
M. Couillard: Bonne nouvelle!
Le Président (M. Paquin): Merci, M. le ministre. On poursuit du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Rimouski.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames. Je constate que la FIIQ, représentante de 50 000 professionnels, que ce soient des infirmières, des infirmières auxiliaires ou des inhalothérapeutes, c'est quand même beaucoup de monde au Québec qui oeuvre quotidiennement dans le réseau de la santé et des services sociaux, d'où l'importance de votre mémoire. Je constate aussi que votre mémoire est quand même très élaboré. Écoutez, une bibliographie de 62 références, c'est quand même important. Ça nous donne une idée du sérieux avec lequel vous l'avez rédigé.
J'aimerais aborder une question avec vous. À la page 23, vous parlez de la pharmacovigilance et vous parlez du nouveau rôle octroyé au pharmacien, hein, à la fin du dernier paragraphe, et vous dites que, même «s'il est susceptible d'apporter des résultats intéressants en termes de santé, n'en demeure pas moins questionnable du point de vue du financement du projet». Et vous ajoutez que «la proposition de mettre [...] une ligne Info-Santé/CLSC, [même] si elle apparaît séduisante, soulève [quand même] des interrogations». Je ne comprends pas tellement ce que vous voulez dire exactement. Est-ce que vous pourriez m'éclairer là-dessus? Qu'est-ce que vous voulez nous faire comprendre, comme message?
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(18 h 10)
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Mme Mercier (Lucie): Bien, ce qu'on avait comme information, c'est que finalement les gens qui consultent Info-Santé pour ce qui est des médicaments en particulier, ça représentait finalement très peu de consultations. On parlait d'à peu près 2 % des consultations qui portaient sur les médicaments. Puis, dans la mesure aussi où il y a beaucoup de personnes âgées, où les plus grands consommateurs de médicaments sont des gens qui utilisent beaucoup les piluliers, qui sont rarement en mesure de savoir exactement quels médicaments correspondent à leur consommation quotidienne, alors on se demandait si c'était vraiment quelque chose qui allait servir autant que ce serait possible de le faire et puis, bon, que ça pouvait avoir une utilisation somme toute relativement limitée, comme forme d'intervention, là.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Donc, c'est plutôt des réticences versus l'âge des personnes susceptibles de vous appeler le plus, compte tenu de la démographie, de la courbe démographique. Et on sait très bien que l'utilisation des soins et des médicaments augmente avec l'âge, compte tenu que les problèmes de santé augmentent avec l'âge. C'est dans ce sens-là que vous mettez des bémols sur l'utilisation d'une ligne?
Mme Mercier (Lucie): Oui, c'était plus dans ce sens-là. C'est certain que ça ne voulait pas dire qu'on n'était pas favorables à la mise en place d'une ligne de cet ordre-là, mais c'est juste qu'on pensait que l'utilisation n'était peut-être pas aussi grande qu'on pouvait l'imaginer.
Mme Charest (Rimouski): Vous soulevez la question de l'efficience, de l'efficacité, dans le fond.
Dites-moi, les infirmières peuvent agir à titre de prescripteurs. Pouvez-vous nous parler du rôle de l'infirmière en ce sens-là?
Mme Boulanger (Sylvie): Bien, en fait, c'est tout récemment, là, que ça s'est confirmé, notamment avec la question de la pilule du lendemain. On pouvait déjà... les jeunes femmes pouvaient... les jeunes femmes et... Peu importe l'âge, là, finalement, quand on en a besoin et on pense qu'on est à risque de tomber enceinte et que ce n'est pas souhaité, on pouvait avoir accès à la pilule du lendemain à partir de la pharmacie. Maintenant, les infirmières vont pouvoir ? puis c'est tout récent ? les infirmières vont pouvoir, entre autres, la prescrire. Évidemment, il y a des protocoles établis à cet égard-là, mais c'est à mon sens à peu près le seul niveau de prescription, là, auquel les infirmières sont autorisées actuellement.
Mme Charest (Rimouski): De toute façon, c'est un acte délégué, il est limité. Et, dites-moi, dans la formation que vous recevez comme infirmières, pour les soins infirmiers, tout ça, quelle est la place de la formation par rapport aux médicaments?
Mme Boulanger (Sylvie): Écoutez, moi, ma formation remonte à plus de 25 ans déjà. À l'époque, j'ai fait ma formation au niveau du cégep. Nous avions une session pleine de cours, à trois heures semaine, là, de... En fait, c'était 45 heures de cours consacrées à la pharmacologie, et c'est questionné également dans l'examen pour l'obtention du permis à la corporation professionnelle. Donc, maintenant, j'imagine que c'est encore tout autant au niveau du collégial. Il doit y avoir également une partie au niveau de l'université. Cependant, je ne suis pas en mesure de vous répondre de façon très précise, là, sur le nombre d'heures, à l'université, qui sont consacrées à la pharmacologie, je vous parle de mon expérience propre.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Alors... Mais, au cégep, vous n'avez pas idée si ça s'est modifié, si le contenu des cours et le nombre d'heures consacrées, depuis ce temps, a été modifié ou quoi que ce soit?
Mme Boulanger (Sylvie): Non, je ne le sais pas. En fait, je n'ai pas eu récemment l'occasion de questionner cette dimension-là et... Non, je suis désolée.
Mme Charest (Rimouski): Parfait. Dites-moi, vous avez, j'allais dire une allergie, mais prenez-le pas mal, par rapport à l'axe 4, là, qui est le maintien d'une industrie dynamique. Et pour vous ça ne devrait pas être dans la politique du médicament. J'aimerais que vous nous en parliez, là, dans le sens de pourquoi on devrait exclure complètement, d'après ce que je comprends de votre mémoire, toute la question de l'industrie du médicament...
Mme Boulanger (Sylvie): En fait, une politique du médicament doit, d'abord et avant tout, être au service de la santé de la population. Et malheureusement, comme on le dit dans notre mémoire, il ne s'avère pas que la politique qui est présentée actuellement soit, d'abord et avant tout, au service de la population, et c'est ça qu'on regrette. On veut bien avoir une industrie de pointe, florissante, on en est, mais je pense qu'il faut être capables de se donner des priorités dans l'état de santé de la population, dans les politiques qu'on adopte, notamment en santé, en services sociaux. Et je trouve qu'il est difficilement conciliable de vouloir, par exemple, tout mettre en oeuvre... ou faciliter de façon fort évidente l'industrie pharmaceutique au détriment de la population, à tout le moins d'un certain nombre de notre population, là. Et éthiquement, moralement, on trouve ça difficile.
Mme Charest (Rimouski): Merci, mesdames. Bonne fin de journée.
Le Président (M. Paquin): Merci donc, Mme Boulanger, Mme Mercier, de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. Merci de votre présence à la Commission des affaires sociales. La commission ajourne donc ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 17)