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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le vendredi 25 novembre 2005 - Vol. 38 N° 175

Consultations particulières sur le projet de loi n° 124 - Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Nous sommes réunis afin de compléter les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 124, Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. St-André (L'Assomption) va être remplacé par M. Valois (Joliette).

Le Président (M. Copeman): Merci. Je rappelle à mes collègues qui sont assis dans la salle que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite. Je prierais tous ceux qui en font usage de bien vouloir les mettre hors tension. J'avise les collègues parlementaires que nous avons déjà une demi-heure de retard. Alors, il faut prévoir terminer, évidemment avec votre consentement, autour de 13 h 30 pour reprendre à 15 heures.

L'ordre du jour. Nous allons débuter dans quelques instants avec les représentantes du Regroupement des centres de la petite enfance de l'Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec et terminer la matinée avec les représentants du Chantier de l'économie sociale; reprendre à 15 heures avec le Conseil québécois des centres de la petite enfance et terminer avec des remarques finales et un ajournement prévu pour 15 h 30... pardon, 16 h 30.

Auditions (suite)

Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes du Regroupement des centres de la petite enfance de l'Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec. Mme Caouette, Mme la coprésidente du conseil d'administration, bonjour. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, et, par la suite, cette période sera suivie par un échange d'une durée maximale de 15 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter vos collaboratrices et, par la suite, immédiatement débuter avec votre présentation.

Regroupement des centres de la petite
enfance de l'Abitibi-Témiscamingue et du
Nord-du-Québec inc. (RCPE 08-10 inc.)

Mme Caouette (France): Donc, à ma droite, Mme Josée Biron, qui est responsable de garde en milieu familial au Centre de la petite enfance Bonnaventure de Rouyn-Noranda, et, à ma gauche, Mme Susan Synnett, qui est la directrice générale de notre regroupement. Pour l'instant, je vais laisser la parole à Mme Synnett.

Le Président (M. Copeman): Mme Synnett.

Mme Synnett (Susan): Merci. Bonjour. Moi, je vais tout simplement vous faire une brève description de notre regroupement.

Malgré l'étendue de notre territoire, le Regroupement des centres de la petite enfance des régions 08-10 est le plus petit quant au membership. À ce jour, 20 centres de la petite enfance sont membres de notre regroupement, dont cinq du Nord-du-Québec, et, parmi nos membres, nous comptons quatre centres de la petite enfance provenant de milieux autochtones. 3 860 places sont offertes aux parents de l'Abitibi-Témiscamingue, soit 2 373 en installation et 1 487... Oh! excusez-moi, j'ai fait une erreur. 2 373 places en milieu familial et 1 487 places en installation. Le Nord-du-Québec, quant à lui, offre 2 254 places, soit 327 en milieu familial et 1 917 en installation. De ce nombre, 1 725 places ont été développées en milieu autochtone.

De 1998 à 2005, notre région a connu un vaste effort concernant les places autant en installation qu'en milieu familial. Concernant les places en installation, l'Abitibi-Témiscamingue, au cours des huit dernières années, a vu son nombre augmenter de 154 %, et le Nord-du-Québec, de 328 %.

Je vais laisser la parole à Mme Caouette étant donné que le temps est quand même assez restreint.

Mme Caouette (France): Je dois vous dire que, ce matin, on a participé un peu, on a assisté un petit peu à la période des questions, et ça a modifié l'ordre dans lequel je comptais amener les choses, ici, parce que j'ai été assez troublée, je dois dire, par la suite des événements, quand le projet de loi va venir à étude, troublée entre autres par le fait que, même si je sais que les articles vont être étudiés un par un, le temps est court d'ici aux fêtes. Ce changement-là est majeur, et c'est nous qui en assumons déjà les conséquences et qui allons en assumer les conséquences. La suite, en fin de compte, c'est quand même nous, dans les milieux, qui vont avoir à la faire, et c'est colossal, ce qu'on attend de nous.

Personnellement, je suis dans le réseau depuis 1976. On a passé plusieurs années à faire comprendre au Québec que les petits enfants étaient importants. Si, au départ, c'était pour permettre aux femmes d'aller travailler, ce réseau-là, il reste que, pour nous qui avons travaillé avec les enfants dans le quotidien pendant toutes ces années-là, ça fait longtemps qu'on le sait, nous, qu'il faut miser sur les enfants au Québec. On a travaillé fort pour arriver enfin, en 1997, à se dire: Le Québec se centre sur les enfants, et on a travaillé fort pour développer les places, particulièrement dans une région comme la nôtre où les ressources sont limitées et où le réseau était fort peu développé. Si on pense que c'est un réseau à deux vitesses, chez nous, c'était la troisième vitesse. Et on est arrivés à développer un réseau qui a quand même pas mal d'allure, même s'il y avait pour nous encore des bonnes poches d'air, en particulier dans les milieux très périphériques.

Le projet de loi actuel, il vient aussi avec une gamme de mesures qui s'appliquent déjà en partie. D'ailleurs, c'était mis aussi dans les documents qui accompagnaient le projet de loi; on pense ici au règlement, au pense au financement du réseau aussi. Et les coupures financières sont déjà présentes, et, chez nous, ce qu'on voit, c'est déjà des pertes de responsables de garde en milieu familial qui ont mis fin à leur accréditation, d'autres qui ont décidé de retourner en garde non régie, qui était d'ailleurs la majeure partie des services en Abitibi, avant 1997. On a des conseillères pédagogiques qui ont perdu leurs emplois déjà et on en a qui vont les perdre d'ici Noël, et il y en a qui ont trouvé un emploi ailleurs devant toute l'insécurité qui se vit dans le milieu. On a des conseils d'administration qui s'interrogent, on a des éducatrices qui sont insécures, on a des gestionnaires aussi qui sont très insécures. Et on a beaucoup, beaucoup de centres qui ont des difficultés majeures à survivre compte tenu de leur petite taille, mais même ceux qui ont de plus grande taille aussi ne voient plus trop comment y arriver. On vit aussi dans une insécurité totale depuis le mois d'avril, depuis, en fait, le dépôt des prévisions budgétaires... du budget, c'est-à-dire, et on a dans le champ plein de choses qui ont circulé venant, entre autres, de rencontres qu'on a eues avec le ministère, qui ont semé un climat que, moi, je n'ai jamais connu, même quand on n'avait pas d'argent. Je dois vous dire, je suis très ébranlée par ce qui se passe.

n (11 h 50) n

Alors, ce matin, d'entendre que le projet de loi va s'étudier vite et que les choses s'attachent quand je sais par contre, dans le projet de loi, que l'article 160 prévoit qu'il n'y aura pas de consultation sur les règlements après et quand je vois la façon dont ça fonctionne depuis huit mois, vous ne pouvez pas savoir ce que ça me fait: j'ai peur. Et on n'a pas, nous, une batterie de spécialistes ni d'avocats, on est un petit regroupement avec deux employés puis des bénévoles sur un conseil d'administration. Donc, je ne peux pas vous argumenter ni par des spécialistes en petite enfance ni par des avocats. Ce que je vous dis, je vous fais part d'un état d'âme, et je suis inquiète, et on voit déjà sur le terrain, chez nous, c'est déjà actif, là.

Il y a des CPE même qui ont coupé le nombre de lavages par jour à deux, juste avec les compressions budgétaires. Il y a le CPE de Matagami qui est sur le bord de fermer. Et il y en a d'autres qui ne sont pas fermés, puis je pense qu'on va probablement entendre qu'il n'y a pas de places qui vont se perdre, mais je dois vous dire qu'il y a quand même une question de qualité. J'ai au moins, dans ma région, sur 20 CPE, cinq CPE qui n'ont même plus une personne au complet dans les bureaux, cuisines et entretien ménager. Il y a beaucoup de CPE qui n'ont plus de temps de désinfection, donc on ajoute à la tâche d'éducatrice, et là, moi, je pense que ça a une implication auprès des enfants. Donc, c'est quelque chose qui est sérieux partout, là, mais, pour nous autres, c'est encore plus grave, puis je pense qu'en plus, dans notre région, il n'y a même pas personne qui va vouloir nous racheter parce qu'il n'y en a pas de but lucratif, on n'est même pas assez payant pour ça.

C'est mon point de départ, je pourrais vous en parler encore longtemps, de la région avant. Notre région avant avait des services de garde avec du monde qui mettait tout leur coeur, même en garde non régie, mais ils ne restaient pas, ils n'avaient pas de salaire. Les RSG n'étaient pas capables de combler leur place, les parents n'avaient pas la capacité de payer dans les grands centres. On n'était pas capable d'avoir des contrats qui consolident le service. Alors, des services, il y en avait peu, puis ils survivaient. Ça fait que 1997, pour nous autres encore plus qu'ailleurs, ça a été de dire: Youpi! nous autres aussi, on va pouvoir offrir quelque chose qui a de l'allure pour nos parents puis pour nos enfants, surtout pour les enfants.

Je vais vous lire quelque chose qu'on a écrit en introduction, puis après ça, je vais vous expliquer comment, nous, on le voit, ce soutien-là aux enfants. Alors, une petite citation de Bertolt Brecht: «Souciez-vous, en quittant ce monde, non pas d'avoir été bon, ça ne suffit pas, mais de quitter un monde bon.» Le virage effectué en 1997 a été majeur, celui qui est sur la table maintenant marque un recul important. Le projet de loi actuel suggère une vision du développement axée sur l'économie. Pour le gouvernement, on dirait que les services de garde sont un morceau de ce monde ouvert au marché où tout devient objet de commerce. L'humain, le citoyen ne sont que des consommateurs potentiels. Les centres de la petite enfance proposent une autre vision du monde où le développement humain est prioritaire et où l'économie est un outil du devenir collectif, où l'enfant n'est pas une marchandise et où le parent n'est pas seulement un consommateur de services, lui-même au service du grand marché du travail.

Nous proposons aux adultes du Québec de mettre le développement des enfants au centre de notre projet de société et ainsi de nous projeter dans un monde autre que celui du commerce tous azimuts avec les injustices et les inégalités qui l'amplifient, en particulier dans les régions comme la nôtre. Pour ce faire, il faut placer le soutien aux parents dans une perspective beaucoup plus large que la conciliation travail-famille, car le support à ces derniers devient l'une des conditions pour créer des contextes de développement favorables aux jeunes enfants. Dans ce même ordre d'idées, il faut supporter adéquatement le développement de tous les intervenants qui entourent les enfants; nous pensons ici aux éducatrices en milieu familial ou en installation, au personnel soutenant l'oeuvre éducative et aux personnes prenant des décisions qui auront une influence directe sur le contexte de vie de l'enfant.

Il faut reconnaître et renforcer le potentiel d'action de la communauté que constitue chacun des centres de la petite enfance. Le rôle de l'État, lui, c'est d'assurer au milieu les ressources nécessaires afin de lui permettre de développer des services diversifiés et en fonction des besoins locaux. Ça implique de croire au potentiel des personnes qui oeuvrent dans les CPE, de reconnaître l'expertise déjà présente dans le milieu et enfin d'accepter qu'il n'y a pas une seule façon d'être et de faire avec les enfants.

Le projet de loi n° 124 est fondamentalement différent de la Loi sur les centres de la petite enfance. La mission suggérée aux services de garde en réduit le mandat à faciliter la disponibilité et la flexibilité de la main-d'oeuvre plutôt que d'être un outil de développement social. Et ce projet de loi est entouré par des règlements, par des règles budgétaires, par des règles de classification du personnel et beaucoup d'autres choses qui circulent déjà dans le milieu.

Alors, nous, on propose de mettre le développement des enfants au centre du projet social et on pense que les centres de la petite enfance doivent constituer un des contextes de vie importants pour ce développement-là des jeunes enfants. On doit donc soutenir adéquatement les parents et on doit donc avoir des services accessibles.

Dans notre région, l'accessibilité, elle est difficile parce qu'on est sur grand territoire, et il y a peu de personnes. En particulier dans le Nord-du-Québec, il y a de petits centres qui, grâce à la diversification et aux enveloppes qui pouvaient être transmises d'un volet à l'autre, ont pu agrandir cette offre de service là partout sur notre territoire et ont pu aussi donner le choix à des parents aussi loin qu'à Matagamie, Lebel-sur-Quévillon ou Lorrainville entre la garde en milieu familial et la garde en installation. En particulier au Témiscamingue, on n'avait que deux petites installations qui ont servi de tremplin pour une offre de garde en milieu familial partout, dans plusieurs petites municipalités. Ce n'est pas rien. Cette accessibilité-là, elle est fort importante. Et la garde en milieu familial représente d'ailleurs 60 % de nos places.

Donc, la diversification est importante et, comme je vous disais, les enveloppes budgétaires qui pouvaient communiquer ensemble aussi parce que, dans la plupart des milieux, c'est en pouvant bien identifier à partir de ce qu'on connaît, nous, les parents, les gestionnaires et les employés du milieu, de notre propre milieu, qu'on a pu développer la meilleure offre de service possible, et on a encore du travail à faire dans ce sens-là.

Donc, pour l'accessibilité, la question des bureaux coordonnateurs est une question majeure. Premièrement, on ne sait toujours pas combien il y en aurait sur le territoire, mais on a aussi des craintes que les CPE, le CPE qui garderait le milieu familial ne pourra pas aller aussi pointu dans chacun des villages, même quand on est plus près des centres urbains. Pourquoi on pense ça? C'est parce que ça s'accompagne aussi de coupures budgétaires. À moins qu'on nous dise qu'on veut réinjecter de l'argent dans les bureaux coordonnateurs.

Nous vivons actuellement avec une coupure importante pour la gestion du milieu familial qui va être de l'ordre de 63 % de nos budgets après Noël, et ça, ça fait en sorte que le bureau coordonnateur, il va être moins porté à aller accréditer quelqu'un qui est dans un fond de rang, qui souvent ne remplit pas toutes ses places pour une raison fort simple: il y a souvent des enfants à temps partiel. Donc, quand on accrédite à Bellecombe ou à relais, on prend une chance que la madame, elle ne soit pas pleine à 100 %. Mais pour un bureau coordonnateur qui va avoir de la route à faire et qui risque en plus d'avoir une baisse de financement parce que ses places ne sont pas pleines, on n'est pas certains qu'il va y avoir une grosse tentation d'aller aussi loin. Pour la responsable, elle, ça se peut qu'elle perde ses places si elle ne les remplit pas. Mais il faut en faire un métier qui permette de gagner sa vie. Perdre ses places, ça veut dire aussi qu'on baisse de salaire pour une responsable. Il n'y a pas aucune condition de travail autre que l'argent qui rentre quand on garde un enfant en milieu familial. Donc, nous, on pense que nos villages et nos rangs vont perdre la disponibilité des services, et ça, c'est très, très important pour la revitalisation ou même conserver les familles sur nos territoires.

Il y a une mesure, je pense, qui est très peu abordée d'ailleurs dans le projet de loi qui prévoit que les garderies pourraient recevoir, à plein tarif, des enfants d'âge scolaire. Ça, ça va avoir l'effet de faire fermer des garderies d'école dans les villages parce que plusieurs villages malheureusement ont très peu d'enfants dans leurs garderies d'école, et un enfant ou deux de moins, ça fait que la garderie va fermer.

La Présidente (Mme James): Juste vous laisser savoir qu'il reste une minute et demie, madame...

Mme Caouette (France): O.K. Je vais laisser maintenant... J'avais beaucoup d'autres choses à dire, mais je pense quand même que j'ai dit beaucoup. Je laisse la parole à Mme Biron.

La Présidente (Mme James): Parfait. Mme Biron.

Mme Biron (Josée): Alors, pour poursuivre dans le même sens, je n'aurai pas la prétention de connaître tout ce qui est en forme de législation de loi. Je suis une responsable de services de garde en milieu familial et je suis une fille de terrain. Donc, tout ce qui organise mon travail aujourd'hui, c'est l'amour que j'ai pour ces petits enfants.

n (12 heures) n

Alors, ce que je veux vous dire aujourd'hui, ce qu'il est important pour nous, c'est de maintenir cette proximité de travail avec les conseillères, qui sont nos premiers partenaires dans ce travail. C'est eux qui peuvent nous économiser énormément de temps de recherche, de temps de désespoir. Ils sont là à chaque jour, à chaque instant, au moment où on en a le plus besoin.

Bien que chacune des RSG ? j'en suis certaine ? de ma région soit une excellente RSG et qu'elle ait les compétences pour mener à bien son travail, il ne va néanmoins qu'au nombre d'heures passées auprès des enfants il nous reste peu de temps pour explorer tout le côté de la diversification des services qu'on peut donner ou de l'aide en ligne directe avec les services. Voilà.

La Présidente (Mme James): Merci beaucoup, Mme Biron. Alors, nous sommes maintenant à la période d'échange entre les parlementaires et vous. Alors, Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Théberge: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mmes Biron, Synnett et Mme Caouette. Merci beaucoup d'avoir fait le trajet pour venir nous rencontrer, ce matin, en finale de cette commission parlementaire.

On s'est rencontrées, il n'y a pas longtemps, justement, quand je suis allée dans votre région, on avait parlé, et votre député qui est à la commission, ici, avec nous, le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, m'avait fait part aussi de certaines préoccupations que vous avez de la réalité chez vous, la réalité non seulement géographique évidemment. Vous êtes probablement une des régions aussi qui avez les plus petites installations, les petits nombres, et tout ça, et vous devez répondre à des besoins particuliers.

Rappelez-vous, quand on s'était rencontrées, on ne parlait pas, à ce moment-là, du projet de loi. Mais je vous avais dit dans le fond qu'on était conscients de la réalité terrain que vous aviez chez vous, et, lorsqu'on a préparé le projet de loi, entre autres votre député m'a remémoré justement ce qu'on s'était dit, et je l'ai assuré qu'on prendrait en considération la réalité chez vous. Cette réalité-là, il y a d'autres régions, la Côte-Nord est venue en début de semaine, et tout ça, lorsqu'on parle de secteurs géographiquement où l'étendue du territoire est une problématique, et donc avec laquelle il faut travailler, et ce qui amène aussi une problématique parfois par rapport au suivi, par rapport à la formation, cela, on en est conscients, et par rapport aux besoins. Chez vous, vous devez en plus vivre avec, je pense, une réalité de baisse démographique. Il faut retenir nos jeunes et nos gens en région. Chez vous, c'est particulièrement criant, je dirais. Alors, moi, je veux quand même vous dire que, dans l'application de ce qu'on propose, on va tenir compte beaucoup de ça.

Je disais, ce matin, en Chambre, qu'il y avait des travaux de transition qui vont se faire de façon harmonieuse. Dans les travaux qu'on va annoncer dans les prochains jours, on veut vraiment faire en sorte que les régions qui ont des particularités différentes soient prises en considération, seront prises en considération, et que vous ayez le support aussi.

Vous parlez beaucoup des bureaux coordonnateurs; c'est un élément, entre autres, qui va être important justement pour maintenir ce service de soutien de proximité et ce soutien continue aussi auprès des responsables en milieu familial. On va le faire, je pense, dans un souci de poursuivre, je dirais, les liens qui sont là. J'avais dit... ? je ne sais pas si vous avez entendu, parce que vous étiez en Chambre, oui ? j'ai annoncé aussi, tout à l'heure, que je proposerais à l'Assemblée et au gouvernement la possibilité de faire des amendements dont, entre autres, confirmer de façon très claire, parce que je l'avais dit souvent en commission, que les centres de la petite enfance étaient les organismes dans le fond qui étaient privilégiés pour devenir les bureaux coordonnateurs parce qu'ils possèdent déjà l'expertise. Et, quand on regarde les critères que les gens doivent avoir pour devenir bureau coordonnateur, j'avais bien dit que les centres de la petite enfance étaient priorisés dans un sens, et je vais m'assurer que l'on comprenne bien, et que le libellé de l'article de loi soit très clair en ce sens aussi.

Pour d'autres éléments aussi, c'est le but d'une commission parlementaire justement, quand vous faites part de vos inquiétudes par rapport à un article, nous, notre mandat, c'est de prendre en considération un peu les inquiétudes de tout le monde ou les préoccupations, les suggestions de tout le monde, parce qu'il y a eu quand même beaucoup de suggestions aussi, pour faire en sorte de bonifier notre projet de loi. On veut qu'il soit le meilleur possible. Parce que, vous l'avez vu dans l'article 1 du projet, il est dédié à bien soutenir et supporter les enfants dans leur développement, que le service de garde éducatif soit le mieux proposé, et tout ça en soutien aux parents évidemment, et pour poursuivre dans le fond le travail qui se fait.

Moi, j'aimerais peut-être voir chez vous de quelle façon, au niveau justement de cette répartition sur le territoire, comment vous travaillez au quotidien avec soit vos responsables en milieu familial ou de quelle façon vous contrez cette difficulté-là de territoire agrandi?

Mme Caouette (France): Je dois vous dire que, pour les endroits plus urbains, c'est-à-dire urbains pour nous, on s'entend, c'est relativement facile parce qu'on a les ressources financières... on avait les ressources financières adéquates pour pouvoir avoir le personnel requis. Il aurait pu y avoir des ajouts au niveau des conseillères pédagogiques, mais ce n'est pas très différent de Montréal ou d'ailleurs pour ce qui est des endroits plus urbains. Dans les plus petits milieux, ça a toujours été difficile. Bien, c'est toujours lié au financement. Il y avait déjà un problème au niveau du financement des petits centres avant même les premières coupures budgétaires en 2003. Donc, il y avait quelque chose à regarder et, dans la consolidation, il y a quelque chose à regarder là.

Pour le reste, ça tourne beaucoup au niveau des compressions budgétaires, les difficultés que nous avons actuellement, parce que presque tous les centres ont coupé du temps, là, de soutien pédagogique aux éducatrices depuis le mois de septembre. On sait qu'il y a au moins sept postes d'éducatrices qui n'ont pas été comblés; sur 20 centres, c'est beaucoup, là. Donc ça, c'est une difficulté qui est grande, donc il faut lier entre elles, hein? Il faut lier le projet de loi et le cadre financier.

Par contre, pour nous, il est très important... notre région est très jalouse de sa diversité et de la diversité de chacun des milieux, et nos responsables, plusieurs d'entre elles nous disent qu'elles ont un attachement particulier à leur centre de la petite enfance. Malgré les problèmes financiers que causent les restrictions budgétaires, nous voulons pouvoir choisir avec qui on s'affilie, et c'est ce que nous disent nos responsables de garde. Et, nous, on pense que de soutenir les parents et de soutenir les personnes qui travaillent au quotidien auprès des enfants, c'est aussi leur permettre d'être une communauté vivante avec pas trop de monde à l'intérieur des rangs et avec des choix. Alors, dans le projet de loi, il y a beaucoup de choses qui viennent toucher, entre autres, le rôle des parents au niveau de l'administration, leur place, l'encadrement accentué de toute l'organisation du CPE. Et tout ça, par périphérie, vient hypothéquer la capacité du milieu d'être ce qu'il est lui-même sans être complètement les mains liées et chapeauté. Et on pense que ce milieu-là a démontré sa richesse, puisqu'il a triplé en grandeur en dedans de très, très, très peu de temps. Donc, ça ne doit pas être si mauvais que ça de laisser la richesse et la diversité s'exprimer. Donc, il n'y a pas seulement la question de la conseillère pédagogique dans la qualité, il y a toute la question du lien de proximité et la question de la possibilité pour les gens de travailler ensemble et non pas de se surveiller comme des polices. Et ça, on en voit beaucoup d'éléments.

Mais il y a beaucoup de choses. Le projet de loi, j'ai passé une page dans mon mémoire présentement. Et c'est pour ça que, nous, ce qu'on aimerait, c'est qu'on prenne le temps. On parle des petits enfants du Québec. Est-ce qu'on peut prendre le temps requis pour bien regarder ce qu'on est en train de faire? Et on est prêtes à travailler, on le sait qu'on est en consolidation. Mais, s'il vous plaît, donnez-nous le temps. On parle des petits enfants, il n'y a rien de si majeur actuellement à notre sens qui explique qu'on envoie tout si rapidement à la vapeur et qu'on risque de créer des problèmes énormes.

Et là-dessus je veux juste attirer votre attention sur une chose très pratico-pratique, là. Dans les mesures transitoires, on sait qu'il n'y aura pas de consultation sur les règlements si ça passe tel quel. Donc, très inquiétant pour le milieu, je le répète. Mais en plus on demande aux CPE de remettre toute la liste de leurs responsables de garde en milieu familial pour le 20 janvier. Mais là, nous, on a 63 % de coupures de budget, puis il faut qu'on claire du monde avec cet argent-là, puis qu'on continue de payer nos RSG. Il n'en reste pas beaucoup, là, d'argent pour le faire, le soutien au milieu... pour faire même la job de transférer les dossiers.

Après ça, il va y avoir un appel d'offres où il va falloir faire des demandes. Mais, nous, on n'est pas dans les officines du pouvoir pour savoir comment il va falloir présenter un bureau de coordination, là. Nous, en tout cas, on n'y est pas. Donc, rapidement, il va falloir qu'on se vire de bord avec nos C.A., qu'on présente quelque chose. Il va falloir que, vous, vous preniez des décisions à la grandeur du Québec. Il va falloir qu'on transfère 88 000 places de garde en milieu familial, 14 000 responsables de garde en milieu familial d'ici le 1er avril. C'est le chaos, Mme la ministre.

Dans notre région, là, on n'a pas de conseiller à la famille attitré depuis le 1er septembre, et on nous a répondu: Vous savez, c'est long, au gouvernement, remplacer quelqu'un. Puis, nous, il va falloir qu'on transfère 14 000 RSG en dedans d'à peu près deux mois. Ça ne se peut pas. Puis ça, c'est les dossiers de parents, puis les ordinateurs à acheter, puis les bureaux à louer. Puis les CPE, on a tout intégré notre milieu familial dans les dernières années, il va falloir qu'on continue de payer des locaux que le gouvernement a payés pour nous faire intégrer dans nos CPE. Il y a un chaos organisationnel, là, sans aller sur le fond du projet, qui est inquiétant.

n (12 h 10) n

Mme Théberge: Nous avons un plan de transition qui va être proposé, puis, d'après les évaluations que nous en faisons, avec la collaboration de tout le monde, tant les gens du ministère qui vont se déployer sur le territoire pour soutenir et tant les gens qui sont dans les services de garde, moi, je suis convaincue qu'on va y arriver. Je prends bonne note... les préoccupations. Mais, au niveau de votre mémoire, inquiétez-vous pas, on va le lire au complet. On va vraiment vérifier les suggestions que vous faites ou les préoccupations de comment, de quelle façon on peut préciser certains éléments dans les différents articles dont vous parliez tout à l'heure.

J'aimerais revenir sur une phrase que vous avez dite au tout début. Vous parliez, dans les petites installations, la consolidation des petites installations, vous avez dit: «Il y a sûrement des choses à faire.» Qu'est-ce que vous avez fait à date et qu'est-ce que vous feriez, ou ferez, ou suggéreriez pour le futur?

Mme Caouette (France): Quand vous étiez venue nous rencontrer au mois d'avril, on vous avait remis un petit document, émanant d'ailleurs de petites installations, et malheureusement pour ces milieux-là qui ne peuvent même pas fusionner avec quelqu'un d'autre parce qu'ils sont loin de tout, je pense qu'il va falloir regarder des alternatives financières, peu importe la situation. Et, moi, je pense et je vais prendre l'exemple de Matagami en particulier qui déjà a de la misère à rester ouvert, on sait que, s'il perd son milieu familial, il y a encore un 37 000 $ de moins qui lui revient. Puis là on vient de mettre fin à l'installation, si on ne le soutient pas plus financièrement.

Mme Théberge: Une installation de combien de personnes, là? De combien d'enfants?

Mme Caouette (France): 30 enfants.

Mme Théberge: 30 enfants. C'est celle de 30, ici, là.

Mme Caouette (France): Le milieu familial, pour sa part, si le bureau coordonnateur, par exemple, est à Val-d'Or sur les territoires comme les nôtres et avec moins d'argent, à moins que vous réinvestissiez dans les bureaux coordonnateurs, ça ne pourra pas se faire. Il ne survivra pas non plus. Alors, on vient dire aux gens de Matagami, qui sont déjà en difficulté pour pouvoir rester à Matagami, compte tenu de l'ensemble de la conjoncture économique, qu'on leur enlève potentiellement un service de proximité important pour les familles. C'est majeur.

Je prends l'exemple de Matagami parce que celui-là sort beaucoup, et, comme ils sont sortis en conférence de presse, bien on sait qu'on peut dire publiquement ce nom-là. Mais il y en a d'autres dans notre région qui ont des difficultés majeures.

Mme Théberge: Est-ce qu'il y a, dans votre région, certains regroupements soit de services ou de ressources humaines, par exemple, entre CPE? Ou en...

Mme Caouette (France): C'est peut-être une alternative qui peut être possible dans des milieux où il y a plus qu'un CPE, donc on pense encore aux milieux plus urbains. Mais ça, je pense que notre milieu est suffisamment dynamique pour qu'on puisse regarder ensemble ce qu'on veut faire, plutôt que de se faire imposer un bureau qui enlève par ailleurs le choix à la responsable de garde en milieu familial, là, de son partenaire. Donc, c'est peut-être des choses qu'il va falloir regarder. Le cadre budgétaire, lui, on le sait qu'il est là. On n'a pas le choix, puis on veut bien travailler avec vous. Mais on a toujours travaillé d'une manière très co-constructiviste avec le gouvernement, même depuis 30 ans, notre réseau. Alors, on vous suggère de continuer à le faire.

Mme Théberge: Parfait. J'aime dans le fond votre ouverture... Nous souhaitons travailler dans le fond avec tout le monde pour s'assurer justement que la suite des choses se passe bien, puis toutes les suggestions que vous pourrez apporter, on va les prendre en considération. Je l'ai dit au début de la commission parlementaire. On continue, les travaux ne sont pas terminés. On a encore plusieurs jours en fait de travaux en regard de ce projet de loi là. Tout ce qu'on pourra faire pour l'améliorer, le clarifier, l'améliorer, puis s'assurer d'atteindre nos objectifs tout le monde en gardant, comme je le disais tout à l'heure en Chambre, les enfants, les parents au coeur de nos préoccupations. Moi, je suis convaincue qu'on va y arriver. Alors, je vous remercie d'avoir été ici, aujourd'hui.

La Présidente (Mme James): M. le député de Rouyn- Noranda?Témiscamingue. Il vous reste trois minutes.

M. Bernard: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mmes Caouette, Biron et Synnett. Très content de vous avoir ici, aujourd'hui. Comme vous avez vu lors de la... Mme la ministre avait très bien compris les réalités quand même de la région avec les rencontres que vous aviez eues avec elle au mois d'avril. Alors... Puis il y a de l'ouverture, je pense, convaincue pour faire les choses correctement.

Mme la ministre a abordé un sujet qui m'intéressait à coeur, qui était les petits milieux, parce qu'on sait, moi aussi, au Témiscamingue, j'ai des difficultés à cet égard-là. Je pense que vous avez amené des pistes assez intéressantes. Un des points que j'aimerais... qui a été au coeur des discussions ici, lors de la commission, c'est la garde atypique, puis vous en parlez à la page 12 et 13 de votre mémoire et vous m'en aviez fait part. Puis vous parlez peut-être de la problématique, entre autres, la mesure du 115 % de taux d'occupation que vous dites dans votre mémoire: Ça n'a rien d'incitatif. Et je sais que vous avez fait beaucoup d'expériences et des tentatives.

J'aimerais, pour le bénéfice de la commission, pourquoi vous, vous pensez que c'est une mesure qui n'est pas vraiment utile, le 115 % pour des milieux comme nous autres en Abitibi-Témiscamingue et probablement les régions en général?

Mme Caouette (France): Je suis contente qu'on puisse parler de l'accessibilité sous ce volet-là aussi. C'est qu'évidemment, nous, on pense qu'il faut regarder la question d'accessibilité pour la flexibilité au travail comme étant une des manières de soutenir les parents, pour pouvoir mieux soutenir le développement des enfants. Chez nous, il y a un centre ? d'ailleurs, celui où je travaille ? qui, depuis deux ans et demi, offre des services de soir à horaire prolongé, des services de fins de semaine aussi.

On nous a... Il y a une nouvelle subvention qui existe pour soutenir... parce qu'il n'y a rien, rien, rien, dans les règles financières actuelles, qui ajoutait aux frais généraux, quand on offre de ce type de service là. Donc, si on a 115 % de taux d'occupation, on peut avoir une subvention supplémentaire, mais c'est presque impossible de l'atteindre parce que la garde atypique, même si c'est un besoin, je peux vous dire d'expérience, dans notre région, que, le besoin, les parents nous le disent. D'ailleurs, vous avez, dans votre pochette... on a intégré une recherche que le centre de femmes de Rouyn-Noranda a fait effectuer.

Donc, le problème est là, mais la solution, elle, est multiple, et je vous le dis vraiment parce qu'on le vit chez nous, là. Il n'y a pas une seule solution pour les parents. Parfois, ça peut être d'être dans un milieu de garde, installation ou milieu familial. Et là je reviens sur la question de la diversification. Comme centre de la petite enfance, moi, quand j'accueille un parent, et si je peux, moi, avec mes antennes, lui offrir ce qui lui convient le mieux ? et là je parle de la garde atypique, mais toutes les formes de garde ? le fait d'être diversifiée me donne une panoplie d'ouvertures, et le fait de ne plus l'être va rétrécir l'ouverture.

Donc, quand j'ai un milieu familial que je sais, lui, bien, le milieu familial, je l'envoie là ou dans l'installation. Mais le 115 %, il n'est presque pas atteignable parce que les parents souvent s'organisent eux-mêmes. Et ce sont surtout les familles monoparentales qui viennent dans nos services parce qu'elles, elles n'ont pas un conjoint qui ne travaille pas...

La Présidente (Mme James): Alors, merci...

Mme Caouette (France): ...et ça ne fait pas beaucoup de monde, là.

La Présidente (Mme James): Merci. M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Oui. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Caouette, bonjour, Mme Synnett, et bonjour, Mme Biron. Heureux de vous revoir. J'ai eu l'occasion de visiter votre région dimanche dernier. Je n'ai pas pu reprendre l'avion le soir, de fait. Air Canada avait survendu les billets. J'étais le dernier à me présenter. Mais heureusement m'ont-ils dit: Vous ne serez pas pénalisé, M. Bouchard. J'étais très content. Ça m'a permis de rester chez vous un petit peu plus longtemps et de constater combien vos organisations là-bas, combien votre monde était à la fois mobilisé, mais à la fois aussi préoccupé, et comment vous aviez reçu ce projet de loi comme un coup de poing dans le front, là. C'était évident de la part de vos gens. Il y avait quoi? 250 personnes, là, dimanche après-midi? Et je me souviens très bien d'ailleurs des interventions qui se sont faites au micro là-bas.

En même temps, je veux saluer, en passant, là, le travail qui a été fait par les députés du coin, dont mon collègue député d'Abitibi-Ouest, qui était à l'écoute tout au long de cette période, depuis le dépôt du projet et bien avant, là, mais depuis, surtout, le dépôt du projet, avec son personnel de bureau, qui a bien transmis d'une part les efforts que nous faisions aussi, mais qui me transmettait pas à peu près, régulièrement, vos préoccupations. Puis de fait la discussion et les conversations entre le député et moi avaient changé dramatiquement de nature durant les dernières semaines, parce qu'avant il me vantait vos prouesses, puis, durant les dernières semaines, il faisait part de vos inquiétudes.

Donc, je veux vous signifier que nous sommes solidaires, de ce côté-ci, en rapport avec un certain nombre de vos revendications, notamment une résistance, une résistance sans faille, et de votre part et de notre part, au démantèlement du réseau. Nous ne permettrons pas ça.

Ce matin, Mme la ministre a de fait annoncé qu'elle était prête à déposer des amendements pour la semaine prochaine. Moi, je donne toujours le crédit, le bénéfice du doute à mes interlocuteurs. Et je me dis: Bon, la ministre est de bonne foi, elle n'est pas en train de faire une opération de relations de presse. Non, elle n'est pas en train de faire ça, je pense qu'elle est sérieuse. Mais tout le sérieux va devoir être évidemment appuyé et étoffé par des gestes.

Vous venez de demander à la ministre plus de temps. Vous venez de lui dire: Il ne faut pas faire ça dans la précipitation, il faut travailler sérieusement. Et les ponts à rétablir entre la ministre et vos organisations aussi, là, c'est majeur, là, en termes de confiance puis en termes de capacité de travailler ensemble. Alors, je le réitère ici, je pense que c'est un chantier qui est extrêmement important que nous ouvrons à partir du moment où Mme la ministre fait état de son intention de modifier la loi. Et là, là, je lui rends hommage, parce que je me rappelle très bien quelles sont les paroles de la ministre à l'ouverture de cette commission. Elle a dit: Je suis venue pour tenter d'expliquer et de faire comprendre mon projet de loi. Et maintenant elle dit qu'elle a été là aussi pour écouter et tenter de voir ce qui pourrait être amélioré. Mais là on est dans la bonne direction.

n (12 h 20) n

Le réseau a huit ans, comme un enfant de huit ans, et je sais que vous le regardez comme un enfant de huit ans, puis je me demande... Mme Biron, quand vous avez appris et vous avez lu le projet de loi et les modifications en profondeur que l'on s'apprêtait à faire, quelle a été votre réaction comme... Vous êtes responsable de service de garde en milieu familial? C'est ça, hein?

Mme Biron (Josée): Oui.

M. Bouchard (Vachon): Est-ce que je peux vous demander quelle a été votre réaction lorsque vous avez lu ça?

Mme Biron (Josée): Ma première réaction, comme responsable de service de garde, a été une grosse plaie sur mon coeur. Étant, de première formation, technicienne en travail social et ayant travaillé dans le réseau de la santé et des services sociaux, je peux vous dire que j'ai de très près de mon coeur une bonne conscience sociale pour les enfants. Et le jour où j'ai décidé d'ouvrir un service de garde en milieu familial, c'est que pour moi c'était clair, net et précis qu'enfin au Québec on s'était doté de quelque chose pour pouvoir travailler avec ces petits enfants, de faire de la prévention, d'être là près d'eux, sur le terrain, avant qu'ils arrivent dans le gros domaine des services scolaires ou de la santé et des services sociaux, où là déjà les dommages sont importants, que ce soit dans le développement, que ce soit dans les conditions sociales.

Alors, pour moi, d'avoir réorienté mon travail plus vers une vocation que vers une rémunération, j'avais trouvé enfin quelque chose où je finirais par ne plus mettre de plasteurs sur les bobos, mais vraiment travailler sur le terrain avec ces enfants-là. Je me suis choisi un partenaire pour partir mon entreprise. Je ne voulais pas... Oui, je suis prête à me soumettre à une réglementation, comme toute entreprise, mais j'avais trouvé enfin un partenaire qui avait des voies, qui avait des visions, des valeurs comme les miennes, qui représentait beaucoup, beaucoup les couleurs qu'on voulait donner, chez nous, à notre milieu de garde, qui s'appelle chez Boule de rêve.

Alors, toutes, toutes ces... Et chacune des autres collègues que j'ai, qui sont dans d'autres CPE, où on se parle, on a toutes cette vision-là des enfants. Nous, on ne parle pas «des enfants», on parle «de nos enfants». On ne parle pas «des CPE», on parle «de nos CPE». Comprenez-vous? Pour nous, le travail avec un CPE, ce n'est pas une guerre, c'est une collaboration, c'est un partenaire. On leur apporte une expertise terrain, ils nous apportent une expertise terrain de leur côté, parce que ce sont deux mondes totalement distincts qui sont tout aussi, je vous dirais, bons l'un que l'autre.

Ça fait que, pour moi, de voir cette scission, de voir qu'on avait un risque de tendre vers des bureaux plutôt administratifs, je n'ai pas envie d'un partenaire comme ça. J'ai besoin d'un partenaire de travail qui va vraiment se retrousser les manches et travailler comme moi à faire avancer tout ce qu'on peut mettre de l'avant pour ces enfants, et non pas quelqu'un qui va me dire: Bien, s'il manque, je fais telle solution. Je ne veux pas une cause à effet, je veux un partenaire de travail pour aller beaucoup plus loin.

Donc, c'est sûr que, pour nous, les filles de terrain, ça nous serre énormément le coeur, d'autant plus qu'on remet en plus en cause notre connaissance, en disant: Bien, dans trois ans, on verra si vous faites encore l'affaire ou pas; dans trois ans, on verra si le milieu où vous demeurez, géographiquement parlant, nécessite encore autant ce nombre-là, parce que c'est des risques, c'est des ouvertures qui sont là. Et ça, ça nous inquiète énormément.

M. Bouchard (Vachon): Mme la Présidente, je pense que... Voulez-vous poser une question, chère collègue?

Mme Roy: Oui.

M. Bouchard (Vachon): Oui, la députée de Lotbinière voudrait poser une question.

La Présidente (Mme James): ...de Lotbinière. Allez-y, Mme la députée.

Mme Roy: Merci de votre présentation, elle est bien sentie. On comprend que c'est un appel du coeur, et on comprend également qu'en milieu rural ce qui est d'autant plus inquiétant pour vous, c'est qu'il n'y a pas de plan b. C'est la même situation qui se vit dans la plupart des milieux ruraux, là. Il n'y aura pas de garderie à but lucratif qui va reprendre la relève, étant donné le peu de concentration de population qui pourrait rentabiliser ce système-là. C'est bien compris.

Maintenant, une de mes préoccupations plus pointue pour les enfants du Québec, c'est que j'ai compris que vous étiez en contexte de pénurie de conseillères pédagogiques. Ça risque aussi de s'aggraver à ce niveau-là.

Est-ce que vous avez observé une tendance pour les responsables en services de garde qui perdent ce support, là, d'évacuer les enfants plus problématiques du système ou une résistance maintenant à prendre des enfants qui auraient des besoins particuliers?

Mme Caouette (France): Dans les deux volets. On sait, dans une de nos installations, dans un milieu particulièrement pauvre, où il reçoit huit enfants, à l'heure actuelle, et la perte du milieu familial, donc la conseillère pédagogique fait que les fins de contrat vont être dans les deux volets. Pour ce qui est des responsables, elles nous disent très clairement qu'elles ne se sentiront pas les reins assez solides pour accueillir des enfants dans plusieurs situations. Et une de nos préoccupations aussi, c'est que les responsables nous disent: Nous, on va retourner en garde non régie. Et ça, c'est la plus grosse menace, on ne se fera pas acheter, probablement pas, mais la garde non régie, elle, elle nous menace beaucoup.

Mme Roy: Donc, plus tôt dans cette commission, on a entendu M. Chagnon et des spécialistes venir nous dire que l'effet probant le plus clair, c'est que la perte de conseillères pédagogiques va nuire à ceux qui en ont le plus besoin. Les enfants qui sont en milieu défavorisé ou qui ont des besoins spécifiques parce qu'ils ont des problèmes langagiers ou de comportement, c'est ceux-là finalement qui paient le plus actuellement dans vos services?

Mme Caouette (France): C'est déjà commencé, ça va s'accentuer. Regardez chez nous, on fait l'intégration d'enfants assez handicapés. Il y a quelqu'un qui soutient les éducatrices, qui fait le pont avec la maison de réadaptation, etc. Moi, c'est certain que, si on doit diminuer le soutien à ces personnes-là, on ne les recevra plus, les enfants, parce qu'on ne leur offrira pas un bon service puis en plus on va brûler nos éducatrices. Oui, c'est très menacé. Et, pour le milieu familial, on nous dit que, dans les bureaux, il va y en avoir autant, mais où est-ce qu'on va prendre l'argent, le budget, là. S'ils ont le même budget que nous autres, c'est impossible.

M. Bouchard (Vachon): Mme Caouette, j'ai bien écouté et bien apprécié votre intervention d'ouverture. Et vous nous invitez, vous invitez tout le monde à mettre l'enfant au centre de notre projet social, et ce n'est pas moi qui va vous dire non. Mais c'est important de se le faire redire continuellement, parce que, depuis le début des discussions que nous avons autour de ce projet de loi là, ça a été continuellement le signe de piastre qui est au centre de nos discussions. Je suis désolé de le dire, là, mais c'étaient rationalisation, coupures, économies, 50 millions, puis on s'aligne à partir de ça. J'avais comme l'impression que c'était ça aussi, et surtout. Alors, écoutez, moi, je regarde le tableau que j'ai devant moi, là, vous avez, c'est bien 17 CPE maintenant dans...

Mme Synnett (Susan): On en a 20, mais 17 proviennent de l'Abitibi-Témiscamingue.

M. Bouchard (Vachon): 17 qui ont les deux modes, hein?

Mme Synnett (Susan): Oui.

M. Bouchard (Vachon): En Abitibi-Témiscamingue?

Mme Synnett (Susan): Oui.

Mme Caouette (France): Ça, c'est tout vérifié, sauf à la Baie-James.

M. Bouchard (Vachon): O.K. Selon le scénario qui nous a été soumis, là, parce que ce n'est pas tout de dire que... je crois avoir entendu la ministre dire, en point de presse, qu'elle avait l'intention de réserver les bureaux coordonnateurs aux CPE, là. C'est plus qu'une précision, ça, c'est un changement, là, si jamais c'était le cas, mais on verra bien le texte. Mais, selon le scénario, là, outre le fait qu'il pourrait y avoir une exclusivité aux CPE, moi, ce que je lis, c'est qu'avec 700 enfants dont les besoins devraient être rencontrés par un bureau coordonnateur en moyenne, là, vous tombez à 3,41. Qu'est-ce qu'on fait avec ça, chez vous? Trois CPE qui régissent, on ne parle plus des bureaux, on parle des CPE, là, mais 3,5 qui régissent les services de garde en milieu familial.

Mme Caouette (France): Bien, ça fait des distances énormes.

M. Bouchard (Vachon): Est-ce que l'enfant est encore au centre de notre affaire?

Mme Caouette (France): Bien non, mais de toute façon pour nous, le bureau coordonnateur, même s'il est avec un CPE, c'est sûr que c'est mieux qu'une entreprise privée, mais la formule même où les parents sont éjectés des conseils d'administration et de l'assemblée générale, la responsable de garde en milieu familial aussi, ça devient un appendice du CPE. C'est un autre quelque chose qui est à côté. Puis éventuellement, surtout avec la taille que ça va avoir, ça va même être dérangeant. Je me demande même comment dans trois ans, à la prochaine accréditation ou agrément, ça va être encore avec le CPE, on va avoir une grosse masse de gens avec un petit, petit CPE juste à côté. Ça fait qu'il y a quelque chose qui ne marche pas. Puis, moi, le côté qu'on éjecte les parents, c'est 60 % des parents de nos régions, ça, qui sont éjectés des lieux de décision face à leurs enfants. Et on reproche aux jeunes parents d'aujourd'hui de ne pas être responsabilisés face à leurs enfants. Mais les éjecter du lieu du pouvoir ou encore les mettre sous tutelle, comme dans plusieurs éléments de la loi, je me demande qu'est-ce que c'est si ce n'est pas déresponsabiliser les parents. Le bureau coordonnateur est un problème pour les responsables qui veulent choisir, pour les milieux qu'ils veulent pouvoir aussi être adaptées, mais il y est un problème aussi pour les parents. Il y a quelque chose là-dedans qui ne marche pas.

n (12 h 30) n

M. Bouchard (Vachon): Au moment où on se parle Mme Caouette, là, il y a au minimum 7 014 parents bénévoles sur les conseils d'administration. Il y a un roulement là-dedans. Durant les 10 dernières années, les huit dernières années, on peut compter par sans doute dizaines de milliers les parents qui se sont succédé, etc., et qui auront eux-mêmes succédé aux efforts que vous aurez faits, vous, Mme Caouette, et plusieurs femmes du Québec, dans les années antérieures, pour bâtir des services de garde communautaires avec les parents qui ont la clé... la clé de la cabane, hein? C'est important. C'est un modèle qui a à la fois correspondu au développement social et économique de nos régions et qui a correspondu à des valeurs fondamentales, chez nous, à savoir que les premiers responsables du bien-être et de la qualité des environnements que fréquentent les enfants, ce sont les parents.

Et ce que soulignez là me semble un point, un autre point extrêmement important du projet de loi, c'est-à-dire que ce n'est pas une question d'idéologie, c'est une question de valeurs. Ce n'est pas une question partisane, c'est une question de valeurs et d'enracinement d'un mode, d'un mode qu'on s'est donné, d'environnement éducatif pour nos enfants et qui a évolué, tout au long de ces années, mais sans jamais broncher, de cette capacité et de ce pouvoir des parents dans leur capacité de surveiller et de contribuer à la qualité de leurs enfants.

Alors, votre appel est entendu, l'appel de Mme Synnett aussi et l'appel de Mme Biron aussi. Je sais que des deux côtés il y a désormais des gens qui sont pas mal plus prêts d'entendre ça aussi. Alors, merci.

Mme Caouette (France): Merci.

La Présidente (Mme James): Merci, Mme Biron, Mme Caouette, Mme Synnett, pour votre présentation de la part du Regroupement des centres de la petite enfance de l'Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec.

Je demanderais maintenant aux représentants, aux représentantes du Chantier de l'économie sociale à venir prendre place pour leur présentation. Merci.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme James): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bienvenue à Mme Méthé et... Mme Huot et M... Robitaille?, du Chantier de l'économie sociale.

Des voix: ...

La Présidente (Mme James): À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue à cette commission parlementaire. Je vous rappelle que vous aurez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, nous allons... pardon, vous aurez 15 minutes... 20 minutes, et vous aurez 15 minutes d'échange entre les parlementaires d'une part du côté ministériel et ensuite 15 minutes avec l'opposition officielle. Alors, pour votre présentation de 20 minutes, la parole est maintenant à vous.

Chantier de l'économie sociale (CES)

Mme Méthé (Marie-Hélène): Alors, j'aimerais d'abord présenter les collègues qui m'accompagnent. À ma droite, Geneviève Huot, qui est une collègue de travail au Chantier de l'économie sociale et qui est aussi une jeune parent utilisatrice d'un service de garde en milieu familial; à ma gauche, Jean Robitaille, qui est administrateur au conseil d'administration du Chantier de l'économie sociale, représentant de l'AQCPE; et moi-même, Marie-Hélène Méthé, qui est membre de l'équipe de travail du chantier et qui est responsable des liens avec les régions et les réseaux.

On est bien sûr toujours très préparés, avec plein d'écrits, quand on vient ici. Et à écouter un peu tout le monde, et à relire, en m'en venant dans le train, ce matin, la loi, à relire le mémoire du chantier, à relire ce que Nancy Neamtan est venue dire ici même, à cette commission, il y a quelques semaines, j'ai un peu tout chamboulé mes choses. Je commencerais d'abord dans la foulée de ce que viennent de dire nos camarades de l'Abitibi-Témiscamingue, je poserais une question à la ministre: Et, pendant que le chaos s'installerait dans toutes les régions du Québec, qui s'occuperait des enfants? Je vous disais que je relisais, ce matin, en m'en venant dans le train, la loi. Ce que j'y ai revu encore une fois, c'est mille et une mesures de contrôle, sur quelque 34 pages, et à peine un paragraphe ou deux sur les enfants.

Pour le Chantier de l'économie sociale, il ne fait aucun doute que le projet de loi n° 124 constitue une attaque directe au concept CPE, tel que développé, il y a huit ans, par des acteurs de la société civile: parents, intervenants des services de garde, des services sociaux et du milieu communautaire, en partenariat avec l'État et axés jusqu'ici sur des services intégrés à la petite enfance.

La réforme que propose le gouvernement suggère un virage vers la simple prestation de services de garde, voire de gardiennage, et ouvre la porte, la voie à la commercialisation. Bien sûr, Mme Théberge propose des amendements ? on a lu sur l'article 38 ? mais nous resterons vigilants jusqu'à la dernière minute.

Contrairement à ce que prétend la ministre Théberge, ce projet de loi introduit des transformations majeures qui mettent en péril la formation et le soutien aux responsables des services de garde en milieu familial, retirent aux parents leur pouvoir décisionnel, et compromettent ainsi la qualité des services offerts aux enfants et aux familles.

Ainsi, d'un seul coup, toutes les composantes du projet social porté par les CPE depuis 1997 et porté d'ailleurs, depuis plus de 35 ans au Québec, par des milliers de parents seront évacuées avec comme seul prétexte une supposée économie d'échelle guidée par une vision dogmatique.

Le projet de loi n° 124 est irrecevable. Des mesures structurantes de reconfiguration du réseau, une consolidation articulée autour d'objectifs d'accessibilité, de flexibilité sont envisageables, en autant que ceux qui oeuvrent au quotidien dans le réseau, auprès des enfants et de leur famille, trouvent une oreille attentive pour entendre les alternatives qu'ils proposent, des alternatives qui sont, elles, en concordance avec les besoins des enfants du Québec et une amélioration des services.

Le chantier est au premier chef concerné par l'avenir des centres de la petite enfance. Depuis le Sommet sur l'économie et l'emploi, en 1996, le chantier et Concertation interrégionale des garderies du Québec ont présenté conjointement un projet pilote d'une douzaine de garderies intégrant différents services dont la garde en milieu familial. Accepté par les membres du sommet, ce projet a été inscrit dans la Politique familiale du Québec et s'est immédiatement traduit par l'implantation d'un réseau de centres de la petite enfance sur tout le territoire québécois.

Nous tenons à affirmer haut et fort que nous sommes fiers de ce fantastique réseau et de la contribution de ses artisans. Ces entreprises collectives sont reconnues comme une innovation sociale remarquable, ce système fait l'envie de l'ensemble du Canada et de plusieurs communautés à l'extérieur du pays.

Malheureusement, l'attitude du gouvernement actuel à l'endroit des CPE risque de nous faire perdre de vue le projet social à l'origine de la création des centres de la petite enfance. Rappelons qu'en 1997 la société québécoise a pris un virage important en choisissant de s'occuper de ses enfants de moins de cinq ans. Avec l'avènement des CPE, le Québec a mis le développement et l'épanouissement des enfants d'âge préscolaire au centre des préoccupations non seulement de l'État, mais de la communauté.

Je veux laisser plus de temps à mon collègue Jean Robitaille, parce que je trouve que c'est excessivement important qu'il fasse un survol de ce qui s'est passé ici, en commission, depuis quelques jours, quelques semaines voire.

M. Robitaille (Jean): Deux semaines.

Mme Méthé (Marie-Hélène): Deux semaines déjà. Alors, je conclurais non pas avec mes papiers, mais avec ce que je suis, travailleur... travailleuse plutôt ? je suis encore une femme ? et je suis également une mère de grands enfants maintenant. Alors, j'en profiterais pour rappeler qu'effectivement les services de garde au Québec c'est quelque chose qui nous est propre. On y a mis, depuis plus de 35 ans au Québec, les enfants au coeur de ce système d'innovation. Aujourd'hui et dans la foulée de ma patronne, c'est également un cri du coeur de mes collègues de travail, des membres du conseil d'administration du Chantier de l'économie sociale et de ses partenaires: Ce réseau doit survivre! Qu'on l'améliore, mais il doit survivre tel qu'il est.

n (12 h 40) n

Et je rappellerais aussi, en terminant, au gouvernement du Québec que, l'éducation, on devait en faire une priorité, il y a deux ans et demi ? je cherche encore, mes collègues aussi ? et une priorité de la petite enfance à l'université. M. Robitaille.

M. Robitaille (Jean): Merci. Merci, Marie-Hélène. Merci à vous toutes et tous, députés qui nous avez invités. Alors, je suis très heureux aussi de prendre la parole à titre de membre du conseil d'administration du Chantier de l'économie sociale, représentant l'Association québécoise des centres de la petite enfance.

Marie-Hélène l'a mentionné, le réseau des centres de la petite enfance, c'est le fruit d'une mobilisation passée, mais on s'aperçoit que c'est aussi une mobilisation actuelle qui désire sauver ce réseau. À travers tout le Québec, le réseau a été créé et édifié par des gens de nos communautés, des gens dans le réseau des CLSC, les organismes communautaires famille, les municipalités. Tout ce monde-là, avec les acteurs, les parents, les responsables de garde en milieu familial se sont mobilisés pour le bâtir.

C'est pour ça qu'aujourd'hui, à travers le Québec ? et honnêtement sachez que j'en suis tout aussi surpris que vous ? il y a des centaines, des milliers de personnes qui se réunissent, le soir, des parents, des responsables de garde, des partenaires, pour discuter d'un projet de loi. Je trouve qu'il y a quelque chose de formidable là: 225 personnes, à Rouyn, effectivement, le dimanche après-midi; 250, à Alma; 650, à Jonquière; 1 200, à Drummondville; 750, à Saint-Jérôme; 800, à Sherbrooke; 250, dans le village de Sainte-Adèle; 600, à Saint-Jean-sur-Richelieu; 1 200, à Longueuil. Ça n'arrête pas. Et, en fin de semaine, je pense que, dimanche, on sera également nombreux, nombreuses à se solidariser pour s'assurer que le réseau des services de garde éducatifs de qualité soit préservé.

Puis là je m'adresse tout particulièrement à Mme Théberge. J'ai le goût, et sans malice, de vous remercier, parce que vous avez soulevé un débat de société important, et vous avez le droit de le faire. On s'attend d'un gouvernement qu'il ne se comporte pas comme un gérant d'épicerie, c'est très légitime que vous soumettiez au débat des enjeux de société importants. Vous avez la responsabilité de le faire, de proposer ça; on a la responsabilité, dans la société civile, d'y participer. Puis vous le voyez, peut-être que ça vous dérange par moments, mais on le fait avec passion, parce que, oui, le sort des enfants, l'accompagnement des découvertes, des apprentissages des enfants nous préoccupent beaucoup. Puis effectivement je veux vous remercier parce que vous avez soulevé un débat important.

On n'a, effectivement, je pense, pas tout à fait la même vision de la mission des centres de la petite enfance. Bien des journalistes nous disent: C'est bien compliqué, ce débat-là de structures. Quant à moi, ce n'est pas un débat de structures, c'est d'abord un débat fondamental sur la mission première des centres de la petite enfance. Quand on l'a bâti... et, moi, j'ai été, pendant près de 10 ans, sur le conseil d'administration de la garderie populaire puis du CPE, chez nous: notre première mission, elle est éducative, sociale et communautaire. Bien sûr, l'activité principale, au quotidien, c'est d'offrir des services de garde éducatifs. On a l'impression, Mme Théberge, que ce que vous nous proposez, c'est que la mission première des CPE, ça soit de garder des enfants, et que, quelque part dans la journée, il y ait des activités éducatives. On a l'impression que c'est ça, le fossé qui nous sépare.

Mais je veux aussi vous remercier pour un deuxième élément. Au cours des dernières années, quand on a choisi de fusionner, d'intégrer la garde en milieu familial et en installation, il y avait là un rêve de sortir de dynamiques qui étaient par moment compétitives ou conflictuelles pour arriver à un réseau intégré de services aux parents puis aux enfants. Puis, au fond, la proposition que vous avez faite, elle a permis de révéler que la mayonnaise avait poigné. Le lien d'attachement, entre le milieu familial et les installations, il est affirmé haut et fort par une quantité incroyable de responsables de garde en milieu familial à travers tout le Québec.

Je donne un seul exemple. Au Saguenay, la semaine dernière, il y a un vote qui a été pris, une invitation qui a été faite. Les responsables de garde se sont réunis, ils étaient 330 sur 630 responsables de garde en milieu familial du territoire. Elles ont voté par vote secret, après avoir analysé le projet de loi entre elles; 96 % se sont opposées au projet de loi.

Finalement, vous remercier également, parce que, pour l'ensemble des acteurs du réseau, ça a été l'occasion de se dire: Aïe! on est des entreprises d'économie sociale, on n'est pas juste des sous-traitants de l'État. On a le goût de travailler en partenariat étroit avec le ministère, mais ce sont des corporations autonomes, de propriété collective, sans but lucratif, gérées par les parents. Et ça, cette caractéristique entreprise d'économie sociale, elle a été réaffirmée au cours des dernières semaines.

Mais, écoutez, vous vous doutez, je ne suis pas juste ici pour vous remercier. Il y a effectivement des différends actuellement qui nous opposent, et je pense qu'il est sain, dans la société québécoise, d'avoir de telles discussions.

Le projet de loi sème la consternation parmi de larges pans de la société québécoise. Après deux semaines de commission parlementaire, on arrive à un score assez implacable: 32 organisations qui s'opposent ou critiquent le projet de loi, huit qui l'appuient. Le verdict nous semble final et sans appel.

Et je vous en prie, ne mettez pas en doute l'intelligence et la capacité de discernement et d'analyse de tous ces gens provenant de multiples réseaux, en prétendant qu'ils n'auraient pas bien compris le projet de loi. Depuis deux semaines, le projet de loi est taillé en pièces, qu'il s'agisse des bureaux coordonnateurs, qui sont répudiés, et j'apprécie l'ouverture de Mme Théberge, faite ce matin, pour éviter le vent de commercialisation. Mais, à l'égard des bureaux coordonnateurs, il y a un problème fondamental, et on y reviendra peut-être dans les questions, c'est l'effet collatéral de la création de 130 bureaux coordonnateurs sur des CPE installation en milieu rural. Les gens de l'Abitibi l'ont invoqué tantôt, on pourra peut-être y revenir. Tout le phénomène de bureaucratisation aussi qui est associé ? je pense que Mme Roy l'a soulevé à quelques reprises ? bureaucratisation, qui a été condamnée, et une vision réductrice du rôle et de la mission des CPE vivement dénoncées.

Écoutez, on arrive au terme des travaux de la commission. Qu'est-ce qu'on fait maintenant? Des amendements. Qu'est-ce qu'on pourrait proposer? Si je pouvais vous dire comment ça aurait été infiniment plus simple pour nous de voir quel genre d'amendements on pouvait vous proposer. On le sait bien, hein, c'est plus simple d'arriver en disant: Tel article, pouvez-vous le modifier? On a fait l'analyse du projet de loi, et malheureusement cette voie-là ne nous semble pas réaliste. Toute l'architecture conceptuelle du projet de loi repose sur trois éléments problématiques qui démembrent le concept même des CPE: la rupture du lien de proximité milieu familial-CPE, le changement de mission des CPE, et tout un encadrement bureaucratique. On enlève ces trois éléments là du projet de loi, puis il ne reste pratiquement plus rien. Que fait-on? On vous le propose. On vous propose de reprendre les travaux ensemble cette fois.

Je m'adresse ici plus directement, et je conclurais là-dessus, aux parlementaires membres de l'aile gouvernementale, et ça, en tout respect pour les parlementaires de l'opposition. Dans la mesure où votre gouvernement nous indiquera clairement son intention ferme de préserver l'intégrité et la mission des CPE et qu'il exprimera, avec une volonté certaine, un intérêt à travailler dans un réel partenariat avec nous, je prends l'engagement solennel, au nom de l'organisation que j'ai l'honneur de diriger et les 700 membres que nous avons, d'offrir toute notre collaboration à votre gouvernement afin de mettre en oeuvre, dans le meilleur climat possible, afin de trouver ensemble des solutions structurantes et efficientes pour le réseau. Reprenons les travaux ensemble.

Nous avons déposé une proposition de consolidation et de restructuration du réseau au début de l'automne. Nous aurions souhaité la présenter plus tôt, mais, vous le savez, toutes les lignes avaient été coupées. Cette proposition, qualifiée d'exigeante, d'audacieuse et de structurante par tous ceux et celles qui l'ont examinée, tient toujours, mais elle est foncièrement incompatible avec le projet déposé par Mme Théberge, parce que notre proposition préserve l'intégrité des CPE tout en garantissant la qualité des services aux enfants. Il y a un seul point commun entre votre proposition et la nôtre: nous atteignons les mêmes économies que celles souhaitées par le Conseil du trésor.

Nous n'avons jamais été les défenseurs du statu quo. Seuls les gens de bien mauvaise foi ont pu prétendre de telles choses. Notre réseau s'est développé à vitesse grand V, depuis huit ans, et avec quel succès et sans dépassement de coûts, bien au contraire. Le ministère des Finances, en 2000, avait indiqué qu'il prévoyait que les coûts à terme pour l'État s'élèveraient à 1,9 milliard de dollars, en 2006, puis on est à 1,5. L'année prochaine, sera-t-on à 1,6? On est bien loin du 1,9 prévu par le ministère des Finances. Je suis fier de ça. Mais, dans un tel rythme de développement, effectivement il est normal qu'il y ait des failles, des ajustements à apporter en bout de course, et nous y sommes.

Mmes et MM. députés du gouvernement, je vous le répète, nous offrons notre pleine et entière collaboration si vous vous engagez de votre côté à reprendre les travaux comme ils auraient d'abord dû être engagés. Oublions le processus d'adoption du projet de loi et mettons-nous à l'oeuvre au plus tôt. Merci.

n (12 h 50) n

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, merci, monsieur et mesdames. Alors, pour le début de nos échanges, Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Bonjour, Mmes Méthé, Huot, M. Robitaille. Merci d'être ici, ce matin. Évidemment, nous avions entendu le plaidoyer de Chantier de l'économie sociale avec Mme Neamtan la semaine dernière. Alors, je pense qu'il y aura peu à redire ou à répéter là-dessus.

Ce que je veux vous dire par contre, Mme Méthé, que, si les services de garde n'avaient pas été là pour rester, ils ne seraient plus là. Nous avons confirmé, dès notre arrivée au pouvoir en 2003 ? je me souviens, c'était ma première réponse en Chambre ou la deuxième ? que les services de garde étaient là pour rester parce qu'ils étaient importants pour les enfants du Québec, pour les familles du Québec. Nous avons pris les moyens pour que ce service de garde là survive. On dit souvent que c'est un investissement qui est important, au niveau énergie, au niveau temps, au niveau argent, pour tous les contribuables du Québec, et c'est tous ces aspects-là dont un gouvernement responsable doit se préoccuper lorsqu'on s'engage à dire que les services de garde vont rester au Québec.

Il faut revoir des choses parfois, il faut repenser des choses, il faut travailler. C'est dans ce sens-là que, moi, je travaille, depuis deux ans et demi, peut-être pas à la satisfaction de tout le monde, mais je n'ai pas la prétention de vouloir et de pouvoir satisfaire tout le monde au Québec. Je le fais dans un esprit de vision au sens large, d'engagement au sens large et de vision à long terme également.

Je pense que comme d'autres vous prêtez des intentions à ce projet de loi. Je me suis engagée, ce matin, à préciser, avec l'accord de l'Assemblée et du gouvernement, préciser des éléments de cette loi qui pourraient porter ou à confusion ou à interprétation malsaine, que j'appelle, m'assurer que les articles qui y seront refléteront bien la volonté et l'esprit que nous voulons y avoir, et que, dans ce sens-là, nos objectifs d'un meilleur service aux parents et aux enfants soient confirmés.

Vous parlez également au niveau d'une... je ne sais pas exactement... je ne me souviens pas exactement vos mots, mais d'une annulation ou du moins d'un refus ou d'une négation du volet éducatif aux enfants. Je voudrais vous rappeler que, dans l'article 1 de la loi... et cet article-là confirme que nous souhaitons avoir un soutien, un service de garde éducatif aux enfants. Et en plus l'article 5 confirme l'obligation légale, pour un service de garde, de donner des services éducatifs. Aucun élément concernant les services éducatifs n'était dans la loi actuelle. De l'inclure dans la loi non seulement lui donne une force légale, mais fait du Québec aussi un gouvernement avant-gardiste d'avoir osé inclure l'obligation de donner un service éducatif à des enfants à la petite enfance. Et ça, j'en suis fière, et mes collègues également.

Quand je vous entends, j'espère que les 118 CPE qui ne donnent pas... qui n'ont pas le volet familial d'attribué à leurs mandats ne vous entendent pas. Vous semblez dire que, s'il n'y a pas de milieu familial rattaché à un CPE, la qualité diminue, tout diminue. J'espère que les 118 CPE qui n'offrent pas le milieu familial présentement ne pensent pas ça. En tout cas, nous, ce n'est pas ça que nous pensons d'eux. Et, également, moi, je pense que les gens ne perdront pas leur jugement parce qu'on fait un aménagement à la loi et qu'on ajoute des articles à une loi et qu'on revalide certaines choses. Les gens ont du jugement, moi, j'en suis convaincue, parce que j'ai été beaucoup sur le terrain depuis deux ans et demi. Les gens ont à coeur les enfants, tout comme nous. Les gens ont à coeur aussi de bien faire les choses, tout comme nous. Et, M. Robitaille, je veux vous rassurer que, la passion dont vous parlez, on l'a nous autres aussi. On doit s'obliger à faire des choix, on doit s'obliger, comme je disais tout à l'heure, à prévoir à long terme certaines choses justement pour que cette passion-là dure, et que des enfants, des générations qui viennent, qui viendront puissent en profiter.

J'ai dit et je répète que je fais cette commission parlementaire là dans un esprit d'ouverture. J'aurais aimé avoir la même ouverture du groupe que vous représentez, et ça, je vous l'ai dit en privé. J'aurais aimé que ce que vous me dites aussi, dans le fond, en privé, en réunion, ait un écho sur la place publique.

Alors, je pense que les torts ne sont pas que d'un côté. Tout le monde fait son possible, j'en conviens, mais il faut faire aussi... faire attention. Et, quand vous dites que les liens étaient coupés, je voudrais vous dire que jamais les liens n'ont été coupés, jamais. Vous avez eu les mêmes invitations, les mêmes convocations, les mêmes appels, les mêmes rencontres téléphoniques, soit avec notre cabinet, soit avec les gens du ministère, toujours dans les travaux qu'il y avait à faire. Ça, c'est important que les gens le sachent.

Ceci dit, on parle beaucoup, et vous dites: Il y a des moyens de consolider. Il y a des éléments à faire. Je pense que le projet de loi va en faciliter plusieurs, et, moi, je suis convaincue que c'est un bon projet de loi. Il y a encore des travaux à faire parce que la procédure fait en sorte que nous... je pourrai présenter des amendements que je vais préciser dans les prochains jours. Après ça, on aura l'étude article par article qui fera en sorte qu'on pourra discuter. Et je pense que le député de Vachon m'a offert sa collaboration, ce matin, et celle de son parti justement pour avancer dans la procédure, pour pouvoir expliquer vraiment l'implication de chacun des articles, qu'est-ce que ça veut dire un article, parce que c'est important de prendre chaque article dans son contexte.

Il y a une raison. Que l'on parle de tout le volet administratif ou que l'on parle de tout le volet éducatif ou de toute la qualité que nous exigeons de nos gens, je pense que c'est important de bien lire ce que ça dit, ce que ça implique, ce que ça permet, ce que ça ne permet pas, ce que ça oblige également. Et en ce sens je pense que notre projet de loi est très bon, est très valable, et fera en sorte que les services de garde, au Québec, pourront poursuivre, et ça, en tout respect de l'autonomie non seulement du milieu familial, mais également de l'autonomie des responsables qui sont en installation, que ce soit en garderie privée ou que ce soit en centre de la petite enfance.

Et je souhaite, moi, que les liens que les organismes ont développés avec leur communauté, entre eux ou avec des secteurs d'activité, demeurent. Il n'y a aucune raison qui ferait en sorte, aucun élément dans cette loi qui ferait en sorte que ce pourrait être différent. Il n'en tient qu'à la volonté des gens de travailler dans un esprit d'ouverture, de continuité et de vision, et ce, pour le bien-être des enfants du Québec, et je m'attends et je souhaite la collaboration de tout le monde.

Ce ne se voulait pas les notes de clôture, mais je pense que... Compte tenu que le Chantier de l'économie sociale est déjà venu ? vous avez entendu son plaidoyer, j'avais répondu à Mme Neamtan à ce moment-là, et que l'AQCPE est déjà aussi venue ? alors, moi, je n'aurai pas de questions de ce côté-ci. Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, solidarité sociale et famille.

M. Bouchard (Vachon): Bon. Il y avait une belle occasion, là, je pense, de tendre la main. Je n'ai pas vu ce geste de la part de la ministre, je l'ai vu de la part de l'AQCPE. Je suis un peu déçu de ça, là. Franchement, j'aurais vraiment souhaité que l'on puisse dès maintenant indiquer clairement qu'il y avait un nouveau climat, un nouvel esprit d'ouverture aux partenaires. J'espère qu'on pourra se reprendre, là, du côté de la ministre. Moi, je peux comprendre que les interactions n'ont pas été très faciles, là, durant la dernière année et demie. Prenons le temps, là, de prendre un petit peu de recul et de voir, parmi les propositions qui peuvent être mises sur la table, lesquelles peuvent contribuer dans le fond à créer le meilleur environnement possible et à maintenir et à renforcer le meilleur environnement possible pour les enfants et, par voie de conséquence, pour leurs parents, là.

n (13 heures) n

D'abord, bonjour. Excusez-moi. J'ai comme commencé à parler tout haut, là... commencé à penser tout haut.

Écoutez, là, les enjeux sont extrêmement importants. Nous avons eu des indications ce matin, de la part de la ministre, qu'elle entendait corriger les articles, en vertu des menaces qui se pointaient, là, et qu'elle avait vu d'ailleurs se pointer, depuis déjà plusieurs mois, là, dans son bureau, de marchandisation des services de garde.

Mais il y a d'autres enjeux extrêmement importants: la viabilité d'installations dont la précarité budgétaire a été mise à dure épreuve de deux façons, d'une part de par leur taille mais aussi de par les coupures budgétaires; la gouvernance, la place des parents, le pouvoir des parents ? c'est extrêmement important; l'intégrité du système ou l'intégralité du système, les deux mots peuvent être utilisés, où la proximité est autre chose que la simple distance, mais c'est une question de réciprocité et de familiarité. Il y a cette idée aussi, que la ministre comprend très bien, parce que, moi, je suis d'accord pour qu'un article comme celui de l'article 5 apparaisse dans un projet de loi, puis je pense qu'il reste à être amélioré, notamment sur la question du terme qu'on utilise pour décrire l'environnement éducatif. Mais ça, il faut très bien le mesurer, mais l'environnement éducatif, c'est aussi les ressources, c'est aussi les contextes, c'est aussi les échanges, bon, etc.

Alors, je ne sais pas si vous êtes en mesure... j'ai deux questions dans le fond, puis on pourra voir quel cheminement on peut faire là-dedans, mais la première question, c'est: Est-ce que l'effort qui a été déployé, depuis huit ans, pour asseoir ce système-là sur une base d'économie sociale, en quoi le projet de loi menace-t-il ce modèle? Parce qu'on a affaire à un modèle assez unique, là, où on a institutionnalisé, parce qu'on l'a inscrit dans le temps et dans la pérennité, une approche communautaire qui avait été développée, qui avait été développée à force de, à force de bras, de bénévolat et de ressources communautaires, on a donc institutionnalisé et tenté de pérenniser ce modèle-là. C'est quand même formidable, là: on a 1,5 milliard ou quasiment d'investissements dans une entreprise d'économie sociale. C'est une grosse locomotive économique en même temps que sociale, et j'aimerais vous entendre sur le projet de loi comme outil de renforcement ou comme outil de menace vis-à-vis de cela.

Le Président (M. Copeman): Peut-être...

M. Bouchard (Vachon): La deuxième question que je pose...

Le Président (M. Copeman): ...M. le député, avant de poursuivre, est-ce qu'il y a consentement pour permettre à la commission de poursuivre ses débats au-delà de 13 heures? Consentement?

M. Bouchard (Vachon): Merci.

Le Président (M. Copeman): Consentement. Allez-y, M. le député.

M. Bouchard (Vachon): Merci. Deuxième question que je pose, puis là vous mesurerez ce que vous voulez mettre comme temps sur chacune, là, et M. le Président nous indiquera combien de temps on dispose, mais la deuxième question que je pose, c'est: Est-ce qu'on peut savoir un peu, connaître un peu la nature du projet qui avait été proposé par l'association et qui a été comme ignoré jusqu'à maintenant? Parce que, si quelque part on veut que les députés des deux côtés de cette table puissent réfléchir correctement à ça, là, au moins les grandes lignes, pour qu'on puisse, pour qu'on puisse mieux juger, là... Parce que vous nous disiez, tout à l'heure, que vous arrivez à peu près aux mêmes économies, M. Robitaille, là, mais pas par le même chemin, alors j'aimerais ça l'entendre.

Une voix: Oui, oui.

Mme Méthé (Marie-Hélène): Bien, pour répondre à votre première question, je dirais que c'est beaucoup en regard de la gouvernance, de l'autonomie de gestion des centres de la petite enfance. Je pense que, là, dans ça, résident une des grandes qualités et une des grandes forces des entreprises d'économie sociale, et ça assure le raffermissement du tissu social, de la cohésion dans les milieux, la prise en charge individuelle et collective; on n'en parle pas dans la loi, c'est évacué. Au contraire, bien au contraire, on tend à mettre mainmise sur la gouvernance, la transformer, imposer des gens sur les conseils d'administration, social ou administration, ce qui est à notre avis un peu ridicule, parce que, si on faisait le tour de la composition des conseils d'administration des CPE dans l'ensemble du Québec, on retrouverait à peu près tout ce que Mme la ministre veut qu'on y voie. C'est évident. Alors, est-il besoin d'imposer, de dire à un milieu comment il doit composer son conseil d'administration et aller jusqu'à faire des règlements de régie interne? Et ça, c'est évacuer tout le principe de la prise en charge individuelle et collective. On en fera exactement ce que la loi veut qu'on en fasse: des coquilles vides.

Et je répondrais aussi pour le... Je prendrais une petite seconde pour dire à Mme Théberge que les mots ne sont pas neutres. Et on peut bien interpréter une loi, 10 personnes, de façon différente, mais, quand il y a plusieurs milliers de personnes, au Québec, qui l'interprètent de la même façon, c'est loin d'être malsain, et ce n'est pas neutre, et c'est loin d'être anodin également.

Mme Huot (Geneviève): Je voudrais juste peut-être ajouter deux mots là-dessus, sur la première question. Moi, je dirais que l'aspect de la gouvernance menace, oui, le concept d'économie sociale, mais les parents se sentent heurtés aussi par ça, les parents qui sont sur les conseils d'administration, des gens, qui, contrairement à ce que certains journalistes voudraient faire entendre, ne sont pas des militants aguerris, ne sont pas des gens qui ont l'habitude de sortir dans les rues, mais qui se sentent vraiment heurtés et menacés. Et je vous dis, j'ai des amis qui n'ont jamais été à une manifestation de leur vie et qui mobilisent pour celle de dimanche. Des gens qui ne savaient même pas ce que c'était, l'économie sociale, et je reprends un peu ce que M. Robitaille disait, qui maintenant se sentent mobilisés par ce concept d'économie sociale, qui veulent préserver les centres de la petite enfance selon le modèle actuel d'entreprise d'économie sociale. Donc, il y a quelque chose là, les parents se sentent interpellés parce que c'est leurs enfants qui sont là, c'est leurs tout-petits. C'est dramatique, pour eux, s'ils n'ont plus leur mot à dire ou s'ils l'ont beaucoup moins.

M. Robitaille (Jean): On a eu la chance ? à travers un petit mot, moi aussi, sur l'économie sociale, et je viens sur notre proposition, M. Bouchard; on a eu la chance ? de créer ce réseau-là grâce à la mobilisation des parents, là, qui l'ont fait très, très généreusement. Les parents qui étaient sur des conseils d'administration puis qui travaillaient pour développer une deuxième installation, pour faire l'accréditation des responsables de garde en milieu familial, eux autres, ils l'avaient, leur place. C'était pour le reste du monde dans la communauté qu'ils développaient ça.

Savez-vous qu'il y a quelque chose là? Il y a un investissement extrêmement considérable, et vous le savez, ça a été dur, dans les derniers mois, d'entendre des propos qui remettaient en question la qualité de l'investissement des gestionnaires ou des parents bénévoles qui s'investissent dans ce réseau.

Écoutez, Mme Théberge, je peux comprendre que des fois il y a des mots qui des fois vont plus loin. Moi-même, je tiens à vous dire qu'il y a deux semaines je n'étais pas très fier quand, dans une conférence de presse, j'ai eu des propos à votre égard qui n'étaient pas dignes du genre de débat qu'on veut avoir, et je m'en excuse.

Mais je pense qu'il faut reconnaître la qualité de l'investissement des gens dans nos communautés qui ont travaillé à bâtir ce réseau-là. Ce n'est pas parce... ce n'est pas parce que je suis un bon organisateur qu'il y a tant de monde que ça, là, à travers le Québec, qui... peut-être que je le suis, là, mais je vous garantis que ce n'est pas ça. On est dépassés, comme vous, positivement dans notre cas, en tout cas, par tout ce qui se passe. Mais c'est quelque chose de formidable.

J'en reviens sur notre proposition, M. Bouchard, parce que c'est important. Puis, évidemment, Mme Théberge, vous allez me permettre d'apporter quelques ajustements aussi sur l'état des discussions qu'on a eues. Au conseil d'administration de l'AQCPE, on a pris six réunions de travail de conseil d'administration pour travailler cette proposition. Il y a quelque chose de sérieux là, il y a quelque chose d'exigeant.

Elle est, vous le savez, en trois points principaux. La première idée, c'est de, tout en gardant une vision intégrée de l'offre de services du milieu familial et des installations, tout en reconnaissant qu'il y a des cas particuliers où ce n'est pas pertinent. Nous, on ferait lever l'obligation de la diversification. Vous savez, le CPE en milieu de travail, chez RONA, là, qui a développé 20 places en milieu familial, on s'entend-u que c'est bidon? Alors, effectivement, ils n'ont pas nécessairement l'expertise pour les accompagner. Il peut y avoir des cas d'exception comme ça.

Mais le premier principe, c'est d'avoir une vision, d'établir les masses critiques quant au nombre de places en installation comme en milieu familial. Il y aurait donc pour les CPE une obligation de fusions ou de regroupements, par voie de consortium, pour atteindre ces masses critiques.

n (13 h 10) n

Vous le savez, ce que ça représente, des fusions, le niveau de sensibilité qu'il peut y avoir, que notre association, que nos membres et, quand, pour certaines, l'impact que ça veut dire quand on en a discuté en conseil d'administration avec les 20 personnes qui sont autour de la table, il y en a pour lesquelles ça voulait dire: c'est leur job qui disparaît. Ce n'est pas rien.

Deuxième élément. On établit un taux unique ? vous savez, actuellement il y a des taux différenciés selon le nombre de places; on établit un taux unique ? pour arriver à la hauteur des économies demandées par le Conseil du trésor. Ce n'est pas rien, ça non plus. Et on travaille ça à l'intérieur d'un panier de services que les CPE s'engagent à offrir aux parents, aux enfants et aux responsables de garde en milieu familial. Bien évidemment, on associe à ça des mesures d'exclusion: des CPE en milieu rural pourraient être exclus, des CPE dans des conditions socioculturelles particulières, un CPE en milieu autochtone ou des réalités comme ça ne seraient pas... il pourrait y avoir quelques cas d'exception qui ne seraient pas soumis à cette restructuration, et ça, ça permet de garantir la qualité. On a validé cette proposition auprès des directrices. Elle tient la route. Les CPE demeurent viables. On garde l'offre de services de qualité. Et, à travers tout ça, on offre la création d'une liste centralisée de places, au sein desquelles les CPE devraient donc, par territoire ou sous-territoire régional, répondant ainsi aux besoins des parents qui cherchent des places, qu'ils arrêtent de s'inscrire à 12 CPE et également être capables de connaître les besoins. Parce qu'actuellement les listes d'attente ne servent absolument pas comme outil de gestion; les gens étant inscrits sur plein de listes, on ne sait plus c'est quoi, l'état des besoins. Bon.

Notre proposition, elle tourne autour de tout ça, elle respecte le principe d'autonomie des CPE. Et on y accole un élément, c'est que les conseils régionaux des élus, qui ont dans le passé été des organismes de concertation qui ont permis le développement et la planification, soient encore une fois associés dans cet exercice de concertation des acteurs ? nous autres, les CPE, le ministère, les CLSC, des municipalités ? pour soutenir ce processus-là pour qu'au fond l'exercice de regroupements, de fusions, de consortium ne soit même pas un exercice qui serait le fruit de: Moi, je t'aime bien, on va se mettre ensemble. Si ce n'est pas ça... Si les besoins des parents et des enfants ne sont pas bien desservis, il nous semble qu'il faut qu'il y ait un exercice d'objectivation... d'objectiva? visation? En tout cas, vous avez compris, hein?

Une voix: D'objectivation.

M. Bouchard (Vachon): Oui, oui.

M. Robitaille (Jean): Que ce soit objectif.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Robitaille (Jean): Il nous semble que, cette proposition-là, elle méritait au moins d'être débattue. Tout l'été, on aurait voulu la proposer. La première fois qu'on a entendu parler des bureaux coordonnateurs, c'est le 11 juillet. On nous l'a présenté. On nous a dit... On a dit: Oui, oui, il y a des problèmes. Il va y avoir tout de suite un effet collatéral: ça va clencher les installations en milieu rural, problématiques. On vient couper... Hi! Les autorités du ministère nous ont dit: Écoutez, prenez le temps de regarder ça, vous nous revenez. Et tout l'été il va y avoir des travaux, à toutes les semaines, une fois par semaine. Ils disent: Revenez-nous le 18 juillet.

On revient le 18 juillet. On exprime, là, de manière plus étoffée, nos critiques. Et là on nous dit: Ah! O.K., c'est intéressant, mais là, finalement, on va peut-être travailler autrement. Ce qu'on va faire plutôt, c'est avoir... On va vous revenir... On considérait le 18 août. On va plus vous revenir à l'interne au ministère. On a dit: O.K., c'est vous autres qui décidez. Et, finalement, le 18 août, on apprend que la réunion qui était prévue a été annulée ainsi que celle du 26 août.

À travers tout ça, Mme Théberge, on aurait souhaité vous rencontrer. Vous le savez, on a finalement pu se voir, à la fin septembre, au moment où je vous ai dit, d'entrée de jeu de notre discussion: Notre souhait le plus cher à l'AQCPE, c'est que, dans un mois, quand vous allez déposer votre projet de loi, on sera capables de dire, comme association regroupant plus de 700 CPE: Mme Théberge, votre projet, il va dans le bon sens. Mais on vous a dit: Avec ce qui nous a été présenté, on va devoir vous dire que malheureusement il ne va pas dans le bon sens. Qu'est-ce qu'on peut faire ensemble pour corriger le tir? Et on s'est fait dire: Il n'y a rien à faire.

Ça a été très dur. Ça a été très dur. Et, moi, jusqu'à la toute fin, j'ai sincèrement espéré que le projet de loi énonce des grands principes mais évite de cadenasser le débat. Malheureusement, le soir du dépôt du projet de loi, le seul élément qui nous est apparu intéressant, c'est l'article 5. On l'a dit à Mme Barcelo, qui était à vos côtés. On pense important cependant que ce soit inscrit dans un programme éducatif et non pas seulement dans une démarche éducative qui nous apparaît trop restrictive, ouvrant la porte à des blocs éducatifs dans une journée mais ne comprenant pas l'ensemble de l'action du CPE comme une démarche éducative. On le sait, hein, avec des petits prouts de deux ans, là, c'est dans la routine que ça se passe, la socialisation, l'apprentissage des habiletés langagières, motrices, et ainsi de suite, c'est autant sur l'heure du dîner que...

Voilà notre proposition, elle est encore là. On demande juste un espace pour être capables de la discuter avec vous sérieusement. Merci.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. Robitaille. On va faire notre possible pour dégager cet espace-là. Moi, je pense qu'il y a moyen, là, de lever un certain nombre de contraintes temporelles. Je pense qu'on va en discuter, là, Mme la ministre et moi, là, essayer de s'entendre sur un horizon temporel qui est raisonnable, sur une méthode de travail. J'espère que nos discussions iront jusqu'à pouvoir ouvrir la discussion avec vous, là. C'est ce que j'espère de tout coeur. On ne sera jamais assez d'experts autour de ce chantier-là; vous en êtes de sérieux, là, pour avoir développé les offres de services tel que vous l'avez fait durant les dernières années.

Cependant, je veux réitérer le fait que nous ne reculerons pas devant la menace de démantèlement, devant l'affaiblissement du pouvoir des parents, devant la capacité éducative du système, et que nous insisterons continuellement pour mettre à l'épreuve de l'intérêt de l'enfant chacune des propositions et des décisions qui seront soumises.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Méthé, Mme Huot, M. Robitaille, merci pour votre participation à cette commission parlementaire au nom du Chantier de l'économie sociale.

Et, sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 18)

 

(Reprise à 15 h 9)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes du Conseil québécois des centres de la petite enfance. Mme la présidente Gingras, bonjour. Vous avez, comme groupe, 20 minutes pour votre présentation, et cette période est suivie par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Nous procéderons après aux remarques finales, et je prévois terminer nos travaux autour de 16 h 30.

Je vous rappelle que l'utilisation des téléphones cellulaires n'est pas permise dans la salle. Et je rappelle à tous les membres du public également que, selon le règlement de l'Assemblée nationale, aucune manifestation d'approbation ou désapprobation n'est permise pendant les séances de la commission.

Alors, cela étant, comme a tendance à dire une de nos collègues, en vous souhaitant toujours la bienvenue, Mme Gingras, la parole est à vous.

n (15 h 10) n

Mme Gingras (Sylvie): Merci.

Le Président (M. Copeman): J'ai oublié de vous demander de présenter la personne qui vous accompagne. Évidemment, certains parmi nous la connaissent, mais il faut le faire pour les fins de nos transcripts également.

Conseil québécois des centres
de la petite enfance (CQCPE)

Mme Gingras (Sylvie): Tout à fait. Je suis accompagnée de Mme Francine Lessard, qui est la directrice générale du Conseil québécois des centres de la petite enfance.

Alors, M. le Président, Mme Théberge, M. Bouchard, membres de la Commission des affaires sociales, dans un premier temps, évidemment nous vous remercions de votre invitation à cette commission. Comme j'ai été présentée, je suis Sylvie Gingras, je suis présidente du Conseil québécois des centres de la petite enfance.

Alors, beaucoup de choses ont été dites, ah oui, beaucoup, beaucoup de choses, depuis le début de cette commission. Pour notre part, nous tenons d'emblée à vous mentionner que nos propos ont toujours pour but premier de faire valoir le bien-être et le développement harmonieux des enfants.

Alors, dans un premier temps, j'aimerais mettre en contexte les propos tenus dans notre mémoire. Alors, en décembre 2004, le ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine nous a avisés de l'intention de la ministre, Mme Carole Théberge, d'apporter des amendements à la loi régissant les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance.

En mars 2005, le Conseil québécois des centres de la petite enfance déposait son premier mémoire aux représentants du ministère. Celui-ci reflétait d'une part les préoccupations et les attentes des CPE de différentes régions qui ont été émises lors de la consultation sur la loi et le règlement menée en janvier 2005. D'autre part, il reflétait aussi les résultats de travaux menés par les membres d'un comité interne du Conseil québécois regroupant des employeurs ainsi que des directions générales.

Quelques mois après le dépôt de ce mémoire, soit en juin 2005, le Conseil québécois a accepté l'invitation du ministère à travailler sur les principaux paramètres qui serviraient à l'élaboration du projet de loi n° 124. Les discussions menées au sein de ce comité de travail nous ont permis de mieux saisir les enjeux et l'analyse du gouvernement. Ainsi, nous avons pu renseigner nos membres et recueillir leurs positions pour ensuite les transmettre au gouvernement.

La ministre Carole Théberge a déposé, le 25 octobre 2005, son projet de loi n° 124 sur les services de garde éducatifs à l'enfance dans un contexte qui a beaucoup évolué depuis le dépôt de notre dernier mémoire. Le Conseil québécois considère que le mémoire déposé aujourd'hui, le 25 novembre 2005, à la Commission des affaires sociales, doit être retenu comme la version actuelle des recommandations faites au gouvernement par l'ensemble des membres du Conseil québécois. De plus, s'il se devait, les recommandations à maintenir ont été reconduites.

Le Conseil québécois a mis en place un comité de rédaction du présent mémoire composé de six représentants de centres de la petite enfance. Les membres de ce comité ont animé quatre ateliers lors de la journée de consultation tenue le 2 novembre dernier, à laquelle ont participé des administrateurs, des gestionnaires de CPE ainsi que des éducatrices en milieu familial. Les travaux de rédaction du présent mémoire ont été soumis et entérinés par les membres du conseil d'administration du Conseil québécois lors de sa séance tenue le 16 novembre 2005.

Le contenu du présent mémoire reflète les préoccupations, les attentes et les opinions des membres du Conseil québécois, c'est-à-dire des employeurs et des gestionnaires de centres de la petite enfance, et ce, tant en milieux ruraux qu'urbains, ainsi que ceux des éducatrices en milieu familial, partenaires incontournables de cette restructuration.

Depuis l'importante réforme des services de garde au Québec enclenchée en 1997 avec l'adoption de la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance, les CPE ont consacré toutes leurs énergies à rencontrer les nouvelles exigences édictées par le ministère, dont, entre autres et surtout, l'obligation de diversification. En ce sens, les garderies à but non lucratif et les agences de services de garde en milieu familial de l'époque ont dû développer, souvent à leur corps défendant, faute d'expertise mais dans un souci de respect de la loi, l'autre volet, dont ils ignoraient à peu près tout en termes de fonctionnement et dont surtout ils n'en comprenaient ou n'en connaissaient pas toutes les valeurs intrinsèques. Le manque de support technique et administratif en provenance du ministère, lui-même en restructuration à ce moment de notre histoire, a mis les corporations dans l'obligation de faire beaucoup avec peu.

Le développement d'une telle multiplication des structures administratives a exigé des efforts très importants aux employeurs ainsi qu'aux gestionnaires et aux membres de personnel de nos organismes sans but lucratif, privés et autonomes. Malgré l'engagement des gens de notre réseau à travailler pour le bien-être des familles et des enfants, il n'en demeure pas moins qu'ils ont supporté à bout de bras la mise en place d'un projet qui n'avait pas été planifié à moyen et à long terme et dont les coûts s'avèrent aujourd'hui, selon l'estimé du gouvernement actuel, dépasser largement la capacité de payer des citoyens du Québec.

L'obligation de diversification mariée à des mesures gouvernementales mur à mur a provoqué ce qu'une partie du réseau avait dénoncé haut et fort à cette époque, c'est-à-dire une politique basée sur la multiplication des structures au détriment de la consolidation des expertises propres à chacun des volets. Toutes ces mesures n'ont pas réussi à ce jour, à cause des enveloppes consenties et de la rapidité du développement de l'autre volet, à permettre, malgré la volonté ferme du réseau, la mise en place efficace de services spécialisés aux tout-petits, soit des services pointus visant le dépistage précoce, l'application de plans d'intervention supportés par des intervenants spécialisés, l'intégration d'un plus grand nombre d'enfants ayant des besoins particuliers et l'accompagnement au développement des compétences parentales, et ce, autant en installation qu'en milieu familial. De surcroît, la mise en oeuvre de ce développement éparpillé des structures administratives n'a pas rencontré les résultats escomptés au niveau de la standardisation des interventions et du support auprès des éducatrices en milieu familial. Bien que certains CPE détenaient déjà ces expertises, il n'en demeure pas moins que le transfert des procédures de surveillance et de soutien n'a pu être appliqué uniformément et a créé beaucoup de friction entre les CPE et leurs éducatrices en milieu familial.

Oui, le gouvernement de cette époque a fait le choix de ses enfants. Oui, il a permis l'accessibilité sans condition à des services de garde. Oui, il a adopté des mesures qui ont permis la reconnaissance du personnel de notre réseau. Cependant, nous nous devons aujourd'hui, en tant que représentants des employeurs du réseau des centres de la petite enfance, ayant toujours pour objectifs d'assurer l'accessibilité, l'amélioration continue de la qualité et l'efficience, de demander au gouvernement de poser des gestes responsables en fonction de ce bilan au moment même où nous progressons dans la phase de consolidation de ces structures et de ces services. Le réseau a besoin, de la part des gouvernements, de croire à des gestes réfléchis et responsables qui permettront aux organisations un développement durable.

En apparence, l'improvisation des politiques adoptées en 1997 et la mauvaise évaluation du gouvernement de l'époque ont eu pour résultat qu'au cours des deux dernières années, après que les gens du réseau aient terminé à bout de souffle l'accroissement obligatoire des structures administratives, le gouvernement actuel a décidé, depuis deux ans, de procéder à la réduction de plus de 100 millions dans le financement direct accordé aux centres de la petite enfance. Selon le gouvernement, cette action visait à maintenir les places à contribution réduite, de terminer le développement des 200 000 places à contribution réduite, d'augmenter la rétribution aux éducatrices en milieu familial et de hausser le salaire des employés. Ces éléments étaient tous incontournables, nous en conviendrons, mais aussi tous prévisibles en 1997.

Par contre, l'effet négatif de ces coupures financières place maintenant les employeurs du réseau devant le constat qu'il est tout à fait impossible pour eux de développer des services élargis permanents, faute de moyens consentis et de planifier des mesures supportant les quelque 250 000 enfants fréquentant le réseau des services de garde. Depuis 2004, aucune somme n'a pu être investie à la mise en place de services spécialisés, pourtant nécessaires afin de rencontrer la mission même des centres de la petite enfance, à savoir des services directs et multiples aux enfants et aux parents. Les cadres financiers et législatifs en vigueur permettent uniquement le maintien des services actuels, qui pourtant nécessitent maintenant une adaptation pour répondre adéquatement à la réalité des besoins du monde de l'enfance. Notre réseau aura toujours besoin que l'on respecte son évolution naturelle, sa clientèle l'exige.

Afin de répondre à leur mission qui est d'offrir des services de garde éducatifs visant le développement harmonieux des enfants, les centres de la petite enfance se doivent d'être encore plus performants. Ils doivent offrir aux parents et aux tout-petits de notre société les services spécialisés auxquels ils sont en droit de s'attendre. Parmi ceux-ci, certains sont nécessaires pour accompagner l'enfant et sa famille pendant la période de la petite enfance. Le dépistage précoce, l'élaboration de plans d'intervention spécialisés, les ateliers de stimulation supportés par divers spécialistes en petite enfance se doivent d'être accessibles dans les centres de la petite enfance et les bureaux coordonnateurs, qui sont d'ailleurs les meilleures structures spécialisées au Québec pour les enfants de zéro à cinq ans.

n (15 h 20) n

Toute intervention qui permettra des économies dans l'avenir doit être au menu. Il nous faut être en mesure d'atteindre les résultats escomptés à travers les moyens consentis par le gouvernement. La population du Québec a fait le choix de ses enfants, elle verse des sommes importantes au réseau des centres de la petite enfance, alors nous nous devons, en tant qu'administrateurs de fonds publics, de voir à bien les gérer mais aussi et surtout de voir à ce qu'ils soient suffisants en fonction des mandats dévolus et des attentes de cette même population.

Le gouvernement du Québec doit être sérieux et responsable dans ses choix et ses décisions. Il se doit d'être réaliste et accorder au réseau des centres de la petite enfance les moyens proportionnels aux attentes manifestées par la population. Il doit s'assurer que les organismes auxquels il confie cette mission, soit les CPE, auront les moyens nécessaires à sa réalisation. Il doit, tout comme les employeurs du réseau, être courageux et leader du changement.

Nous avons pour point de vue que le projet de loi n° 124 vise avant tout la pérennité de notre réseau. Pour ce faire, il s'établit autour de trois axes d'intervention, soit l'efficience, l'accessibilité ainsi que l'amélioration continue de la qualité des services. Ces trois axes étant interreliés, ils commandent sans contredit des actions structurantes.

Le Conseil québécois reconnaît la nécessité de la mise en place de bureaux coordonnateurs. En ce sens, nous croyons que ce modèle aurait dû être retenu à la base, en 1997, et ainsi éviter la crise actuelle. Ce modèle imposera le regroupement des compétences et des expertises et augmentera ainsi les services aux éducatrices en milieu familial. De plus, ce réaménagement devrait permettre de diminuer les frais de gestion. Aujourd'hui, plus de 850 centres de la petite enfance reçoivent le financement pour la gestion de près de 90 000 places en milieu familial. En accordant l'agrément à plus ou moins 130 bureaux coordonnateurs, le gouvernement réalisera des économies d'échelle et libérera des sommes importantes qui devront être alors utilisées aux services directs aux enfants.

De plus, l'objectif de mandater les bureaux coordonnateurs pour maintenir un service centralisé d'information sur les services de garde en milieu familial facilitera les recherches aux parents et rendra plus accessibles les places disponibles. Évidemment, afin de réaliser avec succès cette restructuration, le gouvernement devra accorder un financement qui tient compte de nouvelles réalités liées aux mandats octroyés dans une perspective d'amélioration continue de la qualité et d'accessibilité des services.

Le Conseil québécois trouve cependant tout à fait inacceptable que le gouvernement puisse envisager d'agréer une autre structure qu'un centre de la petite enfance telle une société, une association à but lucratif ou une personne morale pour l'obtention d'un bureau coordonnateur. En ce sens, nous remercions la ministre, car elle vient de reconnaître l'expertise d'acteurs du réseau qui coordonnent avec succès la garde en milieu familial depuis plus de 25 ans. Ces expertises étant particulières et exclusives aux gens de notre réseau, elle vient maintenant de les reconnaître comme telles en changeant le libellé de l'article 38.

En ce qui concerne la période de transition, le Conseil québécois recommande au gouvernement d'être planificateur du changement. Pour ce faire, il devra mettre en place les mécanismes nécessaires à cette restructuration. Il devra bonifier, d'une part, le soutien de ces professionnels auprès des employeurs de notre réseau, et ce, autant à la mise en place des bureaux coordonnateurs qu'à la réorganisation des centres de la petite enfance; d'autre part, il devra élargir la période de transition, et ce, afin de garantir le succès de cette restructuration. Une modification trop radicale, c'est-à-dire sur une période trop courte, pourrait avoir pour effet de fragiliser des organisations qui, dans la majorité des cas, verront leurs places au permis doubler et tripler même.

La diffusion par territoire des bureaux coordonnateurs sans mesures transitoires pourrait être difficile pour certains centres de la petite enfance et éducatrices en milieu familial, considérant qu'un CPE pourrait se retrouver avec une majorité de dossiers d'éducatrices en milieu familial qu'il ne connaît pas et se voir départir de celles avec qui il travaille depuis plusieurs années. Il serait extrêmement positif et gagnant que les acteurs du changement, soit le gouvernement et les administrations des centres de la petite enfance, puissent accompagner et guider tout le réseau de la garde en milieu familial dans un mouvement qui nécessitera des transferts de dossiers d'accréditation mais aussi de dossiers d'enfants et de familles en besoins particuliers. Soyons clairs, nous parlons ici d'éducatrices en milieu familial, de familles et d'enfants qui ont des liens importants avec les intervenantes du centre de la petite enfance et qui doivent être respectés lors de cette transformation.

De plus, les territoires que le gouvernement déterminera pour la coordination de la garde en milieu familial doivent préserver les services de proximité en respectant les déplacements naturels de la population de certaines localités. Enfin, pour que les bureaux coordonnateurs puissent développer des relations harmonieuses et une offre de service répondant aux besoins de l'ensemble des éducatrices en milieu familial qu'ils coordonneront, l'agrément doit leur être accordé pour une période de cinq ans, soit la même durée pour un centre de la petite enfance, tel que prévu dans le projet de loi à l'article 21.

Les titulaires de permis sont extrêmement inquiets et interpellés des conséquences qu'aura cette restructuration sur les centres de la petite enfance qui ne recevront pas l'agrément de bureaux coordonnateurs. En effet, plus de 750 centres de la petite enfance se retrouveront, au lendemain de l'adoption de ce projet de loi, dans des situations financières très fragilisées et ils seront dépouillés, pour la plupart, de plusieurs membres de leur personnel. Quoique certains employeurs explorent déjà des scénarios de regroupement de services ou de fusion d'organismes, nous croyons qu'il est du devoir du gouvernement d'orchestrer ces ajustements. Pour ce faire, il se doit de soutenir nos employeurs afin de procéder à ces changements. Comme nous l'avons exprimé antérieurement et comme nous vous le rappelons tout au long de cette présentation, la finalité de ce projet de remaniement doit assurer avant tout la qualité des services offerts aux enfants et aux familles.

Nous reconnaissons l'importance de l'efficience financière de notre réseau et des orientations menant à des économies d'échelle, mais nous ne pouvons ignorer les impacts d'une telle restructuration sur notre personnel. À titre d'employeurs, administrateurs de fonds publics, nous considérons que cette restructuration rencontrera nos objectifs communs. Cependant, nous recommandons au gouvernement de retenir comme étant essentielle la planification à moyen et à long terme de cette réforme afin de ne pas reproduire les erreurs commises en 1997.

Pour les membres du Conseil québécois, les besoins des parents doivent aussi correspondre aux besoins et à la qualité de vie des enfants. Nous reconnaissons que plusieurs parents ont des besoins de garde qui dépassent de beaucoup les services présentement offerts et nous soulignons en ce sens l'initiative du gouvernement de vouloir répondre à ces besoins. Par contre, dans quelles conditions les enfants seront-ils reçus? Le développement de la garde atypique demande en effet des ressources financières importantes afin d'adapter les milieux de vie. Par conséquent, nous croyons que la garde de nuit ne devrait être offerte qu'en milieu familial, comporter des incitatifs financiers à son développement et à sa pérennité et respecter le choix des éducatrices en milieu familial, le tout basé évidemment sur des notions de probité et d'éthique professionnelle qui devront être inscrites au règlement qui accompagnera cette loi. Quant à la garde de soirée et de fin de semaine, elle doit être développée autant en installation qu'en milieu familial. Cette offre de service devra également être financée adéquatement afin de permettre que la qualité y soit présente.

Le Conseil québécois félicite l'initiative du gouvernement de reconnaître le choix des parents et de favoriser le bien-être des enfants d'âge scolaire. En permettant que ces enfants puissent être reçus dans les services de garde, il favorise, d'une part, le maintien de liens entre les enfants d'une même famille et, d'autre part, il optimise les espaces disponibles en installation. Enfin, il permet aux éducatrices en milieu familial d'accueillir le nombre d'enfants auquel correspondent leurs espaces sans être pénalisées par la capacité de places subventionnées qui pourraient être détenues par le bureau coordonnateur. Afin que cette intégration des enfants d'âge scolaire soit un succès, le gouvernement devra cependant définir, à l'intérieur de son règlement, des ratios intéressants qui assureront la santé, la sécurité, le développement et le bien-être de tous les enfants reçus en installation et en milieu familial, en respect avec les plus petits.

Le Président (M. Copeman): Mme Gingras, je veux juste vous aviser, il reste deux minutes.

Mme Gingras (Sylvie): Parfait. En regard... Oh! la gouvernance, conclusion. J'y vais avec la conclusion. J'ai fait mon possible, hein? J'avais une bonne cadence, quand même.

Le Président (M. Copeman): Une très bonne cadence, même.

Mme Gingras (Sylvie): Le Conseil québécois constate que le gouvernement place au premier plan de son projet de loi l'importance de l'amélioration continue de la qualité des services offerts aux parents et souhaite que ce soit fait dans le respect des besoins et le développement global des enfants du Québec. Depuis plus de 30 ans, les parents, les gestionnaires et le personnel de notre réseau travaillent pour atteindre ces objectifs, et ce, à travers les différents courants politiques et décisions prises par les gouvernements qui se sont succédé. Les membres du Conseil québécois défendent et continueront de défendre à travers toutes les mesures et décisions qui seront prises le fait que l'enfant doit être et doit demeurer au centre de toutes nos préoccupations. En ce sens, toutes les décisions et actions ne doivent avoir pour objectif que la finalité de la qualité des services qui lui sont offerts, et ce, peu importe le prestataire, qu'il soit en installation ou en milieu familial, et peu importe le gouvernement au pouvoir.

n (15 h 30) n

Le projet de loi n° 124 nous démontre cette volonté en regroupant les compétences et en réduisant les dépenses afin de libérer des sommes d'argent et ainsi permettre de bonifier l'offre de service. Ce réaménagement aura pour conséquence de poursuivre l'amélioration continue de la qualité des services offerts aux éducatrices en milieu familial en élargissant et en spécialisant l'offre de service mais surtout en répondant à des besoins ciblés par les éducatrices en milieu familial et donc d'atteindre cette finalité première: le bien-être et le développement harmonieux des enfants.

Le projet de loi n° 124 nous semble démontrer cette volonté en excluant le mot «contrôle» du mandat qu'il compte octroyer au bureaux coordonnateurs. Il reconnaît que l'on peut augmenter la qualité des services en ne procédant qu'à du contrôle. Il mise sur le soutien de qualité qui doit être offert aux éducatrices en milieu familial mais qui ne doit pas être imposé. D'ailleurs, comment pourrait-on soutenir quelqu'un qui ne le désirerait pas? Enfin et surtout, il reconnaît ainsi le professionnalisme des prestataires de services que sont les éducatrices en milieu familial. Ainsi, le gouvernement utilise des principes d'intervention pédagogique auprès des éducatrices en milieu familial, et cette évolution aura pour résultat d'améliorer les rapports entre les bureaux coordonnateurs et les éducatrices en milieu familial et de revenir à notre finalité, l'enfant. Est-ce qu'il me reste quelques minutes?

Le Président (M. Copeman): Non.

Mme Gingras (Sylvie): Non?

Le Président (M. Copeman): Malheureusement pas.

Mme Gingras (Sylvie): Je termine avec le dernier paragraphe, quelques mots. Au lendemain de cette restructuration...

Le Président (M. Copeman): Ça, c'est curieux. Moi, je réponds non, puis vous continuez, mais allez-y.

Mme Gingras (Sylvie): Oui, s'il vous plaît. J'ai un petit...

Le Président (M. Copeman): Manifestement, encore une fois, j'ai perdu contrôle de la commission, mais... Une couple de phrases, Mme Gingras, puis, après ça, je vous coupe.

Mme Gingras (Sylvie): Merci. Au lendemain de cette restructuration, le Québec devra pouvoir compter sur un réseau de services éducatifs solide, efficient et épanoui, mais surtout durable. Tous les acteurs de notre réseau ont maintes fois démontré leur savoir-faire et leur professionnalisme. Ils sont les pionniers de ce réseau et ils devront en demeurer les maîtres d'oeuvre. Je m'excuse, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Copeman): Aucune difficulté, Mme Gingras. Merci. Alors, afin de débuter l'échange, Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Gingras. Bonjour, Mme Lessard. Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation à participer à cette commission parlementaire. Vous clôturez la commission, vous êtes le dernier groupe que nous entendrons après plus de 40 groupes. Et je pense que vous le clôturez de belle façon, c'est-à-dire de façon constructive, en mettant en valeur certains points du projet de loi puis en nous mettant en garde aussi de certains éléments sur lesquels vous voulez qu'on se penche plus. Alors, je pense que c'est une bonne façon de travailler.

Vous avez, lorsqu'on parle des bureaux coordonnateurs en général, je pense, mis le doigt sur l'élément qui est le plus... un élément qui est important au niveau de la restructuration, c'est-à-dire moins de structures et plus de services. Parce que vous mentionniez que vous avez, à travers les années, manqué peut-être d'un certain soutien, que ce soit financier ou autre, pour assurer un service, surtout aux enfants avec problèmes, dans le fond avec des problématiques particulières, alors c'est ce que nous souhaitons faire justement par des regroupements d'expertise, et tout ça.

J'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu plus par contre au niveau de ces bureaux coordonnateurs là que l'on propose dans le projet de loi. Aussi, je veux faire une parenthèse, c'est que vous parliez des amendements qu'on a mentionnés ce matin, en point de presse. Il faut toujours savoir que je proposerai à l'Assemblée nationale les amendements. Il y a un processus à respecter, alors il faut proposer à l'Assemblée et au gouvernement les amendements au projet de loi. Alors, ceci dit, je reviens à ma question, j'aimerais que... peut-être élaborer un petit peu de quelle façon vous voyez les avantages d'un bureau coordonnateur.

Mme Gingras (Sylvie): Au niveau des avantages du bureau coordonnateur, évidemment, je pense, moi, qu'en regroupant de la garde en milieu familial sous un volet et avec un permis qui peut être plus gros... Moi, je connais, à titre d'expérience professionnelle, un centre de la petite enfance de 250 places et je sais pertinemment, parce que j'ai pu connaître pendant un petit moment le temps où on a été capables d'offrir à nos enfants et à nos familles des services davantage plus pointus... Tantôt, vous nommiez des enfants en difficulté, mais ce n'est pas que les enfants en difficulté. Ce sont parfois des difficultés qui sont tout à fait passagères mais qui doivent quand même être prises en compte et être travaillées par les intervenantes qui travaillent auprès de l'enfant. Alors, c'est sûr que, pour avoir connu ce type de structure là et avoir été obligée de m'en départir au moment où on a vécu la rationalisation, je dois vous dire que de retrouver ça au lendemain de l'adoption ou presque du projet de loi, je dois vous dire que je pense que, pour les enfants et pour les familles, c'est gagnant, et pour les éducatrices en milieu familial aussi.

Mme Théberge: Et à quel élément devrait-on s'attarder justement pour assurer un succès maximal de ça?

Mme Gingras (Sylvie): Assurer le succès maximal, moi, je vous dirais que, écoutez, on a entendu depuis le début... Moi, je pense que ce sont les conseillères pédagogiques, hein, qui font un beau travail auprès des éducatrices en milieu familial. Alors, il faut absolument maintenir un ratio qui est intéressant. On a entendu le 1-22, 1-25, je ne pense pas qu'il faut que ça dépasse 1-25. C'est ce qu'on a entendu aussi lorsqu'on a fait les rencontres avec nos gens. Vous savez, ce n'est pas la gestionnaire qui fait la qualité du service de la prestataire de services, hein, c'est la conseillère pédagogique qui l'accompagne. Alors, je crois qu'on doit surveiller de très près. Je dois vous dire que, pour moi, en tant que gestionnaire, que c'est extrêmement important que les bureaux de coordination prévoient des ratios qui tiennent compte de la logique et du besoin des éducatrices en milieu familial aussi.

Mme Théberge: Parce que ce sont elles beaucoup qui dans le fond vont être les premiers, j'appelle ça, répondants pour le soutien, puis on parle beaucoup de valeurs de prévention, de dépistage, et tout ça. C'est ça.

Mme Gingras (Sylvie): Ce sont elles qui les soutiennent, les éducatrices en milieu familial. Ces éducatrices-là ont développé des expertises extraordinaires, elles ont un travail énorme à accomplir dans une même journée. Je pense que les centres de la petite enfance et les bureaux coordonnateurs se doivent d'être là en termes de support. Ça, on ne peut pas passer à côté de ça.

Mme Théberge: O.K. Quand vous parlez d'un soutien aussi ou le maintien des ressources humaines, entre autres, vous parlez d'un agrément, entre autres, de cinq ans au lieu de trois ans que l'on propose au niveau du bureau coordonnateur?

Mme Gingras (Sylvie): Oui, c'est ça. On parlait ? je vais te laisser aller sur... ? on parlait de cinq ans, oui. Oui, tout à fait.

Mme Théberge: O.K. Parce que, selon vous, ça contribuerait... Dans quel sens ça pourrait aller?

Mme Gingras (Sylvie): Bien, voyez, moi, je pense que ça peut permettre de maintenir une bonne qualité de service. C'est-à-dire que quand on est, au bout de trois ans, à se requestionner sur un agrément et qu'on doit fournir... Moi, je pense que, sur une période de cinq ans, on a le temps de s'organiser, de se structurer, de prendre une erre d'aller, là, comme on pourrait dire, et je pense qu'au bout de cinq ans, là, on est en mesure vraiment de présenter... Il y aura des changements, hein, d'un cinq ans à l'autre, là, je pense qu'il va avoir... Comme pour les centres de la petite enfance, hein, il y a de l'évaluation d'une fois à l'autre lorsqu'on renouvelle les permis, je pense que ce sera la même chose, et que cinq ans serait très adéquat.

Mme Théberge: O.K. Sur un autre sujet, au niveau de la flexibilité, vous donnez vraiment des éléments très clairs sur la garde de soir, la garde de fin de semaine, la garde de nuit. Dans votre réseau, il y en a déjà qui offrent ces volets-là ou... Parce que vous dites: Nous, on suggère la garde de nuit, par exemple, seulement qu'en milieu familial, et tout ça. Qu'est-ce qui vous amène à être aussi, dans le fond, déterminée dans vos suggestions, catégorique dans vos suggestions?

Mme Gingras (Sylvie): Bien, vous savez, vous avez des enfants, j'en ai, on sait ce que ça peut représenter. Nous, on pense que, pour la garde de nuit, la garde en milieu familial est beaucoup plus vivable pour l'enfant. Il y a des dodos, il y a le petit bain, il y a la petite histoire, il y a le câlin, on se retrouve dans une maison où il y a de la chaleur, il y a de la vie, il y a de l'amour. Puis je ne dis pas qu'on n'a pas ça en installation, mais j'en dirige, une installation, et je sais que les murs ne sont pas faits de la même façon, je sais que ce n'est pas la même qualité de service. Évidemment, quand on parle, là, de garde de fin de semaine, bien, là, c'est différent, c'est très différent. Mais, pour les dodos de nuit, moi, j'ai connu des parents qui faisaient garder de 4 heures à minuit ou de minuit à 8 heures, et ils venaient chercher leurs enfants à minuit, la nuit, les parcs étaient installés, la maman ou le papa entrait chercher l'enfant, c'est... En volet familial, c'est bien différent, là. Je pense que la qualité y est pour beaucoup, là.

Mme Théberge: On s'entend par contre que, dans le projet de loi et dans l'esprit de la loi, cette flexibilité-là n'est pas exigée partout, hein?

Mme Gingras (Sylvie): Non, c'est nécessaire qu'elle ne soit pas exigée.

Mme Théberge: ...c'est ça. Évidemment, parce que le besoin n'est pas le même, puis je pense que les gens, en cours de route, l'ont bien compris, là, que la demande n'est pas la même d'une région à l'autre ou même d'un milieu à l'autre et que bien des services de garde présentement offrent le service adéquat, mais, nous, on veut s'assurer que, si jamais la demande est là, on puisse justement soutenir de la bonne façon et aux bons endroits aussi pour ces services-là.

Mme Gingras (Sylvie): Oui, tout à fait. Je pense effectivement que c'est important, il faut respecter l'offre de service, hein, de la prestataire, il faut respecter l'offre de service de la responsable, de l'éducatrice en milieu familial. Si, elle, elle désire faire le travail, pour en connaître qui l'ont fait, c'est sûr que c'est très, très différent faire de la garde de soir ou de la garde de nuit. Alors, il faut le vouloir, hein? Je pense que ça prend une offre qui est voulue, une offre volontaire de la part de la part de la responsable de services de garde, et, à ce moment-là, c'est beaucoup plus facile de l'accompagner aussi.

Mme Théberge: Parfait. J'aimerais ça que vous me parliez un petit peu de l'aspect de la gouvernance au niveau des services de garde. On en a beaucoup parlé au cours de cette commission parlementaire là. Au niveau des conseils d'administration, par exemple, comment vous voyez ça, la proposition que, nous, on fait? Parce que vous en parlez un petit peu, de la présence importante des parents dans les pouvoirs décisionnels.

n (15 h 40) n

Mme Gingras (Sylvie): Oui. Bien, Mme Théberge, nous, ce qu'on a entendu à toutes les fois qu'on l'a questionné, c'est sûr que les gens ? puis je relisais le mémoire; les gens ? des centres de la petite enfance sont d'accord que ce soient et exigent que ce soient les parents qui gèrent les corporations, et je pense aussi, pour le vivre depuis 20 ans, que c'est correct de cette façon-là.

Maintenant, de s'adjoindre deux personnes à l'externe, je dois vous dire que ça, ça peut peut-être être un peu plus compliqué. Je vous explique. Peut-être dans des petites municipalités, ou en région, ou dans des MRC, vous savez, les gens qui siègent sur les conseils d'administration, c'est à peu près tous les mêmes, à peu près dans toutes les mêmes corporations. Et, moi, pour avoir... j'ai, sur mon conseil d'administration, cette année, une directrice d'une polyvalente, et elle me disait: C'est extrêmement difficile. Nous-mêmes, sur les CE, on a de la difficulté à avoir les gens. On essaie, mais c'est extrêmement difficile. Alors, il ne faudrait pas non plus mettre en péril la gestion pour deux postes. La question que je me posais, moi: Est-ce que ces postes-là pourront-ils être vacants? Parce que je pense que ça va arriver. Je pense que ça va arriver.

Mme Théberge: À ce moment-là, de quelle façon vous répondriez à la préoccupation de certains groupes qui disaient: On a besoin, des fois, de soutien pour notre conseil d'administration? Au-delà de la formation du conseil d'administration, de quelle façon ce soutien-là et cette objectivité-là dans le fond... Parce que souvent on parle de conflits d'intérêts, mais des fois c'est des conflits d'intérêts émotifs. Quand on est parent, tout ça, c'est... Alors, ce n'est pas juste un conflit d'intérêts financiers, là, c'est un conflit d'intérêts émotifs, d'avoir quelqu'un qui est plus objectif sur un conseil d'administration, qui a un regard neuf aussi parfois, parce que, la personne, il pourra arriver que la personne n'ait même pas d'enfant dans le fond, mais elle ait une préoccupation pour les enfants, parce qu'il faut s'entendre que beaucoup de gens même qui n'ont pas d'enfant ont des préoccupations pour les enfants. Alors, de quelle façon on pourrait...

Mme Gingras (Sylvie): Je pense qu'on peut avoir l'ouverture d'accueillir sur les conseils d'administration des gens, d'avoir le droit de recevoir des personnes qui proviennent de l'externe, de le permettre, de le solliciter, de faire des efforts pour avoir des gens qui viennent supporter par intérêt, hein? Parce qu'il faut que ce soit par intérêt, on s'entend là-dessus, intérêt pour la cause, intérêt pour l'organisation. Mais, entre ça et une obligation, c'est le questionnement que l'on avait.

Ce qu'on se dit aussi, les éducatrices en milieu familial doivent être aussi sur les conseils d'administration, on doit les retrouver là, hein, bien évidemment.

Mme Théberge: Dans votre conseil, les membres de votre conseil, est-ce que la majorité ont des représentants du milieu familial sur le conseil d'administration du CPE?

Mme Gingras (Sylvie): Moi, je vous dirais que oui. Je vous dirais que oui. Je reste prudente là-dessus, mais je vous dirais que oui pour la majorité.

Mme Théberge: Des parents du milieu familial ou des responsables en milieu familial?

Mme Gingras (Sylvie): Il y a les deux.

Mme Théberge: Les deux?

Mme Gingras (Sylvie): Oui.

Mme Théberge: O.K. C'est bon. Parfait. Alors, je ne sais pas s'il y a des collègues qui veulent intervenir. Avez-vous des questions? Non? Moi, ça va. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, solidarité sociale et famille.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Mme Gingras, bonjour.

Mme Gingras (Sylvie): Bonjour.

M. Bouchard (Vachon): Et Mme Lessard, bonjour. Je vous écoutais parler, Mme Gingras, puis je me suis dit: Elle ferait une excellente présidente du Conseil du trésor, cette dame-là.

Mme Gingras (Sylvie): Vous trouvez ça, vous?

M. Bouchard (Vachon): Oui.

Mme Gingras (Sylvie): Ah oui? Vous direz ça à mon mari.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Vachon): Mais ma première question porte un peu là-dessus, parce que, dans le fond, je vois bien que vous avez un souci d'efficience, là, très...

Mme Gingras (Sylvie): ...

M. Bouchard (Vachon): Non, je n'en doute pas, puis je n'en doute jamais quant aux directrices des installations et des CPE. Je pense qu'elles font du bon boulot puis... Il peut y avoir quelquefois des erreurs de parcours, mais, sur 1 002 CPE, on pourrait peut-être se permettre quelques erreurs de parcours sans trop de surprise, hein?

Mme Gingras (Sylvie): Tout à fait.

M. Bouchard (Vachon): Mais règle générale je pense qu'il y a un souci, là, d'efficience puis de travailler le plus correctement possible. Mais, dans vos premières pages, j'ai comme l'impression que vous dites en même temps: Il faut réduire les ressources, il faut réduire les budgets, mais il faut que les budgets soient à la hauteur des attentes. Est-ce que ça veut dire qu'il faut changer les attentes?

Mme Gingras (Sylvie): Non, ça ne veut pas dire qu'il faut changer les attentes. Moi, je pense qu'il y a des façons de faire, il y a des façons de gérer les corporations qui peuvent faire en sorte qu'on puisse faire certaines économies qu'on devra ? et ça, j'y tiens, je le dis, je le redis; qu'on devra ? absolument réinvestir auprès des enfants. Je l'ai nommé tantôt. Vous savez, moi, j'ai connu un centre de la petite enfance qui a pu, pendant un petit moment de sa vie, accueillir dans ses murs une pschyco-éducatrice, et je dois vous dire que ça a été beaucoup, beaucoup, beaucoup apprécié de la part des parents. Et, quand est venue la rationalisation des coûts, on a dû se départir de ce métier, de ce corps de travail là, de cette professionnelle-là, et c'était extrêmement apprécié, et c'était extrêmement important pour le cheminement des tout-petits qui en avaient besoin et l'accompagnement des familles qui en avaient besoin.

Alors, quand on dit, nous, revoir l'administration des centres de la petite enfance, je le sais que le travail, il a été fait puis il a été bien fait, je l'ai fait moi-même puis je l'ai fait en collaboration avec des collègues de mon milieu. Mais, si demain on me met devant le choix où je dois choisir ? et je suis très consciente, je suis une payeuse de taxes, moi aussi, hein ? et je dois choisir sur une efficience et sur la qualité des services, bien je pense qu'il y a des moyens, des solutions, il y en a toujours beaucoup pour un problème. Mais je crois que cette solution-là, elle est intéressante et qu'elle vaut la peine d'être mise en place.

Tantôt, on a nommé qu'on demandait au gouvernement d'être responsable et de faire attention à la façon dont on fait la mise en place. Et je vous le demande encore, il faut faire attention à la mise en place de tout ça et ne pas le faire dans les airs, parce que, vous savez, c'est un réseau de tout-petits qu'on a, hein, et c'est avec des parents, et c'est une clientèle qui est sensible, qui est fragile, il faut faire attention à eux. Et, quand on bouleverse des choses, on le voit, là, ce qui se passe actuellement, comment c'est triste de voir les inquiétudes des parents. Alors, il ne faut pas laisser faire ça, il faut être en mesure d'aider, de faire une gestion qui va protéger tout ça et que, demain encore, au Québec, on pourra en avoir, un réseau de services de garde comme celui qu'on parle aujourd'hui.

Alors, vous savez, la qualité de service, je l'ai dit tantôt, ce n'est pas moi qui la fais comme gestionnaire, hein, ce sont mes équipes de travailleurs, et, moi comme gestionnaire, j'ai à les amener à bon port. C'est ça, mon travail. Alors, je leur demande d'être bien, d'être adéquats auprès des enfants, c'est ça qui est important. Mais je sais aussi qu'on peut le faire plus, qu'on peut le faire différemment mais tout aussi bien.

M. Bouchard (Vachon): Qu'est-ce que vous avez dû abandonner comme services lorsque vous avez, suite aux coupures, dû congédier la psycho-éducatrice?

Mme Gingras (Sylvie): On a abandonné tous les suivis. Je ne sais pas si je vais vous dire ça, mais, vous savez, en région, c'est difficile, hein, d'obtenir des services parfois en orthophonie, parfois en développement psychomoteur. Il y avait toutes sortes de problématiques qui sont parfois des problématiques aussi d'approche des enfants particulières, et la psycho-éducatrice, elle, elle permettait de venir supporter la responsable de services de garde, l'éducatrice en milieu familial dans son quotidien pour des cas particuliers qui sont parfois temporaires dans la vie d'un enfant. C'est parfois pas long. Et, quand on est capable de le prendre au bon moment, bien, vous voyez, souvent les choses se règlent, et on vient permettre à l'enfant d'évoluer davantage, d'évoluer harmonieusement. On vient stabiliser notre réseau familial, c'est-à-dire notre éducatrice en milieu familial qui a une tâche qui est énorme parce qu'elle, elle doit tout faire, hein? Et c'est ce qu'on est venu abandonner quand on a dû abandonner la psycho-éducatrice. Et on était bien partis, puis on espérait pouvoir continuer de d'autres façons. Maintenant, bien on en est là.

M. Bouchard (Vachon): Donc, ce que vous êtes en train de me dire, c'est que ce que signifiait... Ce qui n'est pas écrit, là, mais ce que vous venez de nous dire ? on aurait dû voir ça entre les lignes, là ? ce que vous dites, c'est que vous n'avez pas les moyens maintenant d'arriver à atteindre vos objectifs et de rencontrer les attentes.

Mme Gingras (Sylvie): C'est-à-dire que je vous dirais que le réseau a évolué énormément, hein, depuis 1997. Nos structures ont grandi, ont grossi, on a de plus en plus d'enfants. Ce que l'on voit aujourd'hui du développement de l'enfant n'est pas le même que ce qu'on voyait il y a 10 ans, et on a de plus en plus de demandes, on fait de plus en plus de dépistage, on fait de plus en plus d'interventions auprès des familles et des enfants. Alors, ce que je vous dis, c'est que ce réseau-là doit... Tantôt, on a nommé dans le texte... on nommait évolutif, c'est un réseau évolutif, et on doit le suivre, ce réseau-là, dans ses besoins. Ce qu'on voyait en 1997, ce qu'on voyait il y a 10 ans, c'est différent d'aujourd'hui, et on doit permettre d'offrir des services... Oui, bien je...

M. Bouchard (Vachon): Non, non.

Mme Gingras (Sylvie): D'offrir davantage de services aux enfants parce qu'on est davantage présents dans leur vie aussi, il faut dire ça.

M. Bouchard (Vachon): Regardez, à partir de cet exemple-là et à partir de ce que vous êtes, Mme Gingras, parce que vous êtes reconnue comme une excellente administratrice...

Mme Gingras (Sylvie): Je vous remercie.

M. Bouchard (Vachon): Il n'y a pas de quoi, ce n'est pas moi qui l'ai dit.

Mme Gingras (Sylvie): Ah, d'accord. En plus du Conseil du trésor.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Vachon): Non, non, mais il y a une logique là-dedans, là, hein?

Mme Gingras (Sylvie): Vous me choyez, monsieur...

n (15 h 50) n

M. Bouchard (Vachon): Il y a une logique là-dedans. Vous êtes une excellente administratrice, d'accord? Vous avez en même temps à coeur le développement et le bien-être des enfants. Vous me dites que, malgré vos talents, vous n'avez pas pu faire autrement que de diminuer les services offerts à vos enfants étant donné les dernières coupures. C'est ça que vous me dites, là.

Mme Gingras (Sylvie): On a dû faire des choix.

M. Bouchard (Vachon): Oui, c'est ça. Alors, je le sais, mais on n'est pas dans le gras, là. On n'est pas dans le genre: On va changer le tapis ou on ne le changera pas. On est dans: On va donner des services ou on ne les donnera pas; on va faire un suivi auprès de nos enfants qui ont des difficultés ou on ne le fera plus. C'est ça que vous me dites, là, Mme Gingras, n'est-ce pas?

Mme Gingras (Sylvie): Bien, ce que je vous dis, c'est qu'on avait eu la chance, pendant un petit moment, d'avoir des services spécialisés. Ce que je vous dis, c'est qu'à la suite de rationalisation... Écoutez, on en a eu pour deux ans, on en est là aujourd'hui. Quelle aurait été la décision de la corporation si on avait dû poursuivre dans la même veine? On aurait peut-être fait d'autres choix administratifs. Vous l'avez dit, je suis une bonne gestionnaire, vous avez raison aussi, on aurait peut-être fait d'autres choix, hein? Mais on n'a pas eu le temps, là on se retrouve ici, là.

M. Bouchard (Vachon): Bon. Mais regardez, Mme Gingras, c'est que la mission et les attentes, ils sont définis en termes d'offre d'un environnement éducatif de grande qualité à nos enfants, d'offre de compensation éducative pour les enfants qui auraient pris du retard ou qui risqueraient d'en prendre et d'offre de services de dépistage et d'intervention précoce et préventive aux enfants en même temps qu'on leur offre un environnement sécuritaire, bienveillant et chaleureux en termes de garde. Est-ce que je me trompe?

Mme Gingras (Sylvie): Non.

M. Bouchard (Vachon): Bon. Ce que vous me dites, c'est que les dernières coupures ont été directement affecter cela. Ce que vous me dites, c'est: On ne peut plus en prendre, de coupures. Puis, si le 50 millions qui est prévu comme économie n'est pas réinjecté dans le système, on va être encore pas mal plus abîmés qu'on l'est maintenant, diminués dans notre capacité d'offrir les services. Est-ce que je me trompe, là?

Mme Gingras (Sylvie): Ce qu'on vous dit dans le mémoire, c'est qu'actuellement on est en maintien des services. Ce qui nous est présenté à l'intérieur...

M. Bouchard (Vachon): Bien, ce n'est pas ce que vous venez de me dire, là. Ce que vous venez de me dire, c'est que vous avez dû couper dans les services, vous n'êtes pas en maintien.

Mme Gingras (Sylvie): Bien, j'ai dû couper dans des services qui, au bout d'un certain moment... Je n'ai pas eu une psychoéducatrice en 1997, vous le savez, hein?

M. Bouchard (Vachon): Non.

Mme Gingras (Sylvie): Bon. Puis je ne suis pas la seule, je ne suis pas le seul centre de la petite enfance qui s'est permis ça.

M. Bouchard (Vachon): C'est évolutif.

Mme Gingras (Sylvie): C'est très évolutif.

M. Bouchard (Vachon): Puis on espère que ce soit évolutif dans l'amélioration...

Mme Gingras (Sylvie): Par contre, je vous dirais ? puis ça, je dois vous l'ajouter aussi ? vous avez dit tantôt, au niveau du Conseil du trésor... Vous savez, je suis très consciente aussi qu'il y a une capacité de payer qu'il faut respecter. Ici, à l'intérieur de cette capacité de payer là, peu importe le gouvernement qui est en place, moi, je pense qu'on doit trouver des moyens pour le maintenir, ça, et le retrouver. Si on peut faire les deux, écoutez, moi, je pense que ce serait gagnant. Et, moi, c'est comme ça que je vois le projet de loi, je pense que c'est les deux conciliés et je pense que ça vaut la peine, je pense que ça vaut la peine d'être essayé, mais correctement et adéquatement.

M. Bouchard (Vachon): Dans votre cas, vous avez une installation de combien de bambins?

Mme Gingras (Sylvie): 24.

M. Bouchard (Vachon): 24. Et vous avez aussi des responsables de services de garde en milieu familial raccrochés à votre CPE?

Mme Gingras (Sylvie): Oui, à la corporation.

M. Bouchard (Vachon): À la corporation. Combien?

Mme Gingras (Sylvie): Combien de responsables?

M. Bouchard (Vachon): Oui.

Mme Gingras (Sylvie): 45.

M. Bouchard (Vachon): O.K. Donc, vous êtes parmi les CPE qui pourraient être éventuellement délestés de vos responsables de garde en service familial.

Mme Gingras (Sylvie): Oui, oui, oui, tout à fait. Tout à fait. Vous l'avez dit, hein, je pourrais être délestée... Moi, je pourrais être délestée de mon travail, mais les services vont toujours demeurer.

M. Bouchard (Vachon): Non, non, c'est ça. Donc, on constate la même chose, vous et moi, là, mais il va rester la politique.

Mme Gingras (Sylvie): Pour vous.

M. Bouchard (Vachon): Mais regardez, Mme Gingras, ça, ça va se répéter, là, à de multiples exemlaires, d'après le scénario qu'on a, là. On a un certain nombre d'installations qui, comme le vôtre, va perdre sa mission.

Mme Gingras (Sylvie): Bien, elle ne perdra pas rien, mon installation, là.

M. Bouchard (Vachon): Pardon?

Mme Gingras (Sylvie): Elle ne perdra rien, mon installation.

M. Bouchard (Vachon): Bien, elle va perdre sa mission de contrôle, de surveillance et de formation...

Mme Gingras (Sylvie): Bien, c'est-à-dire que le centre...

M. Bouchard (Vachon): ...des responsables de services de garde.

Mme Gingras (Sylvie): Je m'excuse, hein, je vous coupe un petit peu, parce que monsieur va me dire que je parle trop tantôt. Le centre de la petite enfance, vous savez, moi, je suis...

Le Président (M. Copeman): Un de vous deux, en tout cas. Je vais insister qu'on parle un à la fois. Ça, c'est certain.

Mme Gingras (Sylvie): Vous savez, moi, je suis une gestionnaire de cette organisation-là depuis 20 ans. J'ai un rôle de gestionnaire et je dois conduire mes équipes là où elles doivent aller. Ce que, moi, je sens et je vois dans ce projet-là, je vois la pérennité d'un réseau et je sais que le boulot que j'ai fait depuis 20 ans va rester. Moi, peut-être que je ne resterai pas, mais ce qui a été mis en place va rester. Si toutefois l'installation du centre de la petite enfance que je dirige se voyait départir des gardes en milieu familial, cette installation-là, elle va continuer d'exister, je n'en suis même pas inquiète, parce que probablement que les membres du conseil d'administration chez nous prendront d'autres décisions et feront en sorte que cette corporation-là sera annexée ou échangera des services avec une autre corporation pour être en mesure de continuer sa mission, et je n'en suis même pas inquiète.

M. Bouchard (Vachon): Vous êtes dans le mode, là, de solution regroupement, fusion avec d'autres éventuellement...

Mme Gingras (Sylvie): Je suis dans le mode de la gestion de ma corporation en fonction de ce qui m'est donné comme argent pour gérer.

M. Bouchard (Vachon): Lorsque les consultations ont été menées, Mme Gingras, votre organisation a été consultée, là, sur, j'imagine, le type de scénario qu'il faudrait adopter pour améliorer l'efficience du système ? parlons comme ça, là ? autrement dit, améliorer l'impact de chaque dollar qu'on y investit. Quelle a été votre suggestion?

Mme Gingras (Sylvie): Au niveau des rencontres qu'on a eues, là...

M. Bouchard (Vachon): C'était quoi, votre proposition pour améliorer l'efficience?

Mme Gingras (Sylvie): Bien, au niveau de l'amélioration de l'efficience, moi, je voyais, dans le projet de loi, le fait de...

M. Bouchard (Vachon): Non, avant le projet de loi, là. Avant que le projet de loi ne vous soit soumis, on vous a demandé des suggestions?

Mme Gingras (Sylvie): Oui. Bien, on nous a demandé des suggestions... Bien, c'était pour le projet de loi. Alors, on a travaillé le document bien autrement au niveau de la loi et du règlement. On ne l'avait pas travaillé en termes de bureaux de coordination parce qu'on...

M. Bouchard (Vachon): Non, excusez-moi, ce n'est pas ma question.

Mme Gingras (Sylvie): Non, je ne vous comprends pas, hein?

M. Bouchard (Vachon): Il y a une étape où le ministère a fait des consultations avant d'écrire son projet de loi, et vous avez été consultés dans cette étape. On vous a demandé certainement quelle pourrait être la solution ou ce que vous envisagez comme un élément d'amélioration de l'efficience du système, c'était un des buts visés. Quelle a été votre suggestion?

Mme Gingras (Sylvie): D'abord, on a travaillé avec nos gens, hein, on a travaillé avec nos membres. Moi, je n'ai pas, en tant que présidente du Conseil québécois, à donner mes propres suggestions personnelles, j'ai à consulter mes gens, et à aller avoir le réseau, et à lui demander ce que, lui, il verrait comme améliorations.

M. Bouchard (Vachon): Oui, mais qu'est-ce que vous avez ramené à la table une fois votre réseau consulté? Quelle est la suggestion que vous avez faite pour la consolidation?

Mme Gingras (Sylvie): Bien, excuse-moi. Bien oui, évidemment, il y a eu le regroupement des compétences. Ça, c'est sûr. Mais, quand, nous, on a présenté à nos gens, on a présenté avec le maximum d'information qu'on avait pour être en mesure de prendre les meilleures décisions possible. Mais il y avait, à l'intérieur de ça, le regroupement des compétences, c'est sûr, c'est certain.

M. Bouchard (Vachon): O.K. Mais la forme, la formule ne faisait pas partie... C'est-à-dire la façon de regrouper ces compétences ne faisait pas partie de vos recommandations. C'est-à-dire le bureau coordonnateur faisait-il partie de vos recommandations ou vous avez dit tout simplement: Il faudrait regrouper les compétences? Ça, il y a plusieurs façons de le faire, là.

Mme Gingras (Sylvie): Bien, je lisais le mémoire qu'on a présenté tout à l'heure, en février, et j'avais un sourire là-dedans parce qu'on parlait déjà de qualité, d'efficience, on parlait de besoins qu'avaient les centres de la petite enfance. Je vais vous dire, vous me posez la question un petit peu plus personnelle, je trouve ça un peu dommage parce que je me dis: Tout le monde entend mon histoire, mais...

M. Bouchard (Vachon): Non, non. Non, non, je dis vous en termes d'organisation, là, hein? Non, non, ce n'est pas personnel. Vous, en termes d'organisation, regroupement de compétences... Je vais arrêter là, là, parce que, quelque part, je ne veux pas qu'on en vienne à un niveau d'inquisition, là, sur ce que vous avez pu suggérer, mais j'ai une autre préoccupation.

Vous nous dites: Il faut avoir les moyens de nos finalités, là, tu sais, puis on les a nommées, les finalités, tantôt, puis vous me dites en même temps... Puis vous n'êtes pas la seule, là, il y a plusieurs CPE qui ont dû se départir de services qui, dans l'évolution des choses, se cristallisaient, là, autour de, par exemple, les services de dépistage, de prévention précoce, etc., puis, moi, ça me préoccupe beaucoup parce que je pense en même temps à la loi n° 125, là, qui va nous suivre, là, à propos de la protection des jeunes enfants, puis c'est évident que ça contribue énormément comme filet protecteur, hein? Vous le savez très bien. La question que je me pose, c'est... Je n'ai pas vu dans votre mémoire, nulle part, d'idée d'aller chercher de l'argent dans la cagnotte qui nous est venue du fédéral.

Mme Gingras (Sylvie): Bien non, vous ne l'avez pas vu.

M. Bouchard (Vachon): Mais, pour une bonne administratrice, je ne comprends pas ça.

Mme Gingras (Sylvie): Ah, bien, arrêtez donc, vous!

M. Bouchard (Vachon): Mais qu'est-ce que vous pensez de cette question-là?

Mme Gingras (Sylvie): Bien, écoutez, il y a différentes façons de le voir. Moi, j'ai connu le réseau au moment où il n'y avait pas beaucoup de sous d'injectés et j'ai connu le réseau dans sa pleine expansion. Il y a deux façons de voir les choses, hein? Il y a une façon qui est très émotive puis de dire: Bien, là, ça n'a pas de bon sens, allez chercher l'argent ailleurs. On gère auprès des enfants, ça nous prend ça. Puis, bon, c'est une façon de voir les choses.

n (16 heures) n

L'autre chose, c'est de dire: Notre gouvernement, depuis 1997, a décidé d'investir beaucoup de sous à l'intérieur de nos structures; est-ce qu'il y a moyen de travailler avec ces sous-là et d'essayer de stabiliser le tout? Moi, c'est un peu ce que j'entends, là, à l'intérieur du projet, est-ce qu'il y a moyen de stabiliser? Et, moi, je pense que oui.

M. Bouchard (Vachon): Regardez, là, je vais vous faire une dernière remarque, là, puis je m'attends pas à ce que vous répliquiez à ça, parce que Mme la députée de Lotbinière veut vous parler, mais je vous soulignerai que, dans votre mémoire, vous dites: Ça nous prend plus de ressources pour faire la transition.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Merci, M. le Président. Je vous remercie pour votre éclairage différent des autres que nous avons entendus aujourd'hui. Je vous souhaite la bienvenue à notre commission. J'ai une préoccupation. Nous aussi, les parlementaires, avons une préoccupation de gestion des deniers publics, mais on a entendu parler d'autres experts avant vous invités avec la Fondation Marie et André Chagnon, et puis je n'ai pas senti que c'étaient des commentaires émotifs, j'ai senti qu'on se reculait un petit peu du dossier des CPE. Parce que c'est votre univers dans lequel vous vivez, et puis vos enveloppes dédiées, et puis toutes vos ressources pour lesquelles vous vivez dans cet univers-là, depuis 20 ans, on s'est reculé un peu puis on a regardé, si on enlève un peu de soutien pédagogique, comme vous l'avez vécu dans votre... ou conseillère... bon, une spécialiste ? appelons-la une spécialiste ? bien, déjà, ça pouvait causer des problèmes, comme de prévention, de détection, d'accompagnement, et puis ces coûts-là sont de toute façon reportés plus tard au niveau des commissions scolaires, au niveau de la Direction de la protection de la jeunesse, au niveau du décrochage scolaire, au niveau de tout le Québec qui a besoin de ses enfants pour une main-d'oeuvre plus tard. Ça fait que je pense qu'il faut le regarder aussi avec ces yeux-là quand on parle d'argent pour nos enfants. Ça, c'est pour un commentaire.

Maintenant, l'autre question, là, la question... c'est à la page 4, vous dites: «L'obligation de diversification mariée à des mesures gouvernementales "mur à mur" a provoqué ce qu'une partie de ce réseau a dénoncé haut et fort à cette époque...» Là, on a 1 002 CPE répartis à la grandeur du Québec qui offrent leurs services différemment parce qu'ils ont des milieux différents. En Abitibi, c'est différent du Centre-du-Québec, qui est différent de la Gaspésie, de Montréal, de Québec. Avec 130 bureaux coordonnateurs, pensez-vous qu'on ne va pas uniformiser puis perdre ces petites spécificités puis ces façons d'intervenir plus originales sur le terrain?

Mme Gingras (Sylvie): Moi, ce que j'ai compris du projet de loi... Puis peut-être que j'ai mal compris aussi, mais, moi, je n'ai pas compris qu'il y avait des structures qui fermaient, j'ai compris qu'on travaillait au niveau des structures administratives. Je n'ai pas compris, et, si c'était le cas, je vais être obligée d'avoir complètement une autre opinion parce que, moi, je n'ai jamais pensé d'aucune façon qu'il y aurait des fermetures de services. Jamais, jamais. Alors, je pense qu'il y a 1 004 centres de la petite enfance aujourd'hui, il y en aura encore 1 004 demain. Peut-être que l'administration de ces structures-là sera faite différemment, mais les structures seront toujours là.

Et, moi, je proviens d'un petit milieu, d'ailleurs près du vôtre, hein, tout près du vôtre, mais je sais ce que ça veut dire offrir des services à proximité dans des petites municipalités, dans des régions, une collègue dit toujours dispersées, pas toujours éloignées, mais très dispersées. Et ça, c'est la couleur des services de garde au Québec actuellement, il ne faut pas perdre ça. Mais je n'ai pas entendu ça qu'on perdait ça. J'ai entendu qu'on revoyait la structure administrative, qu'on revoyait les façons de faire à l'administration, mais je n'ai jamais entendu qu'on fermait les services.

Mme Roy: Mais ces RSG, les ressources en service familial, qui ne relèveront plus des CPE mais des bureaux, vont la perdre, la couleur, puisqu'ils ne seront plus avec les CPE. Lorsqu'ils vont demander du support, là, pour leur milieu, ils vont le demander au bureau coordonnateur, donc il va y avoir une réponse égale dans toute la région que va couvrir ce bureau coordonnateur.

Mme Gingras (Sylvie): Ce que j'ai compris, pardon, ce que j'ai compris ce matin, c'est que les centres de la petite enfance seront ceux qui obtiendront les bureaux de coordination, et, à cet effet-là, ce seront les centres de la petite enfance qui continueront de gérer les services qui seront offerts aux responsables de services de garde. C'est comme ça que...

Mme Roy: Bien, ce que je veux vous dire, c'est que chacun des CPE qui deviendra bureau coordonnateur va gérer un plus grand territoire, donc il va y aller de façon uniforme sur un plus grand territoire qui peut être inégal ou différent.

Mme Gingras (Sylvie): Bien, moi, je reviens à ce que je disais tantôt, moi, je pense que ce qui est important, possiblement qu'il y aura des centres de la petite enfance qui auront des plus grands territoires, et d'autres, non, hein? D'autres sont déjà présents sur tous ces territoires-là, ils auront simplement plus de places au permis. Alors, dans les faits, c'est l'administration qui va changer, mais, dans les faits, le territoire ne changera peut-être pas. Alors...

Une voix: ...

Mme Gingras (Sylvie): Vous ne me suivez pas?

Le Président (M. Copeman): Nous avons déjà dépassé le temps, malheureusement, imparti pour cet échange. M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présence et vos propos. Je voudrais profiter de deux petites questions très simples.

La première, vous parlez de la période de transition. O.K.? Actuellement, si la loi et la volonté restaient la même, on parle de nouvelles structures pour le 1er avril. Donc, les propos qu'on a entendus, plusieurs trouvent que cette période-là est définitivement trop courte pour l'échéancier si je prends, entre autres, les propos des gens de ma région ce matin. Vous-même, vous dites que d'autre part, en bas de la page 6, «il devra élargir la période de transition». Selon vous, avec votre connaissance, quelle devrait être... Pour bien faire la transition, le transfert des dossiers, est-ce qu'on devrait parler d'une période de six mois, d'une période d'un an pour faire cette transition-là d'une manière harmonieuse?

Mme Gingras (Sylvie): Écoutez, moi, je pense que ça va dépendre des centres de la petite enfance, je pense que ça va dépendre des milieux. Il y a des milieux où ça pourra, je pense, se faire plus facilement que d'autres. Je n'oserais pas, ici, m'avancer sur un temps pour arrêter une période bien précise. Moi, ce que je vous dis, c'est qu'il vous faut avoir la délicatesse et le professionnalisme parce qu'on travaille avec des gens, des gens qui ont des liens, des gens qui ont développé des histoires avec les intervenantes des centres de la petite enfance, et il faudra prendre le temps que les choses se fassent le plus adéquatement possible. Alors ça, on pourra regarder et l'analyser, là, mais...

M. Bernard: O.K. L'autre, ma dernière question, à ce moment-là, revient ? vous êtes en faveur des bureaux coordonnateurs ? rejoindre un peu les propos qui ont été amenés puis aussi des propos un peu de l'AQCPE. Est-ce qu'il y a un nombre optimal en termes d'efficacité, je dirais, qualité et autres, par exemple, pour le nombre de places qu'il devrait avoir dans un CPE? Parce que, moi, j'ai des petits CPE, entre autres, de moins de 30 places, et plusieurs actuellement ont des problèmes quand même financiers et autres. Donc, en termes de CPE, devrait-il avoir des réformes que vous pouvez suggérer pour améliorer, bien supporter ces petits CPE là, premièrement? Et, deuxièmement, aussi, pour en termes d'efficacité, tantôt vous parliez d'un ratio 1-25, etc. Est-ce qu'il y aurait un ratio de nombre de places et/ou RSG optimal? C'est-à-dire dans un bureau coordonnateur, peu importe, si on commence à parler de 700 places dans un bureau coordonnateur versus un bureau coordonnateur qu'on dit: Pas plus que 300, 350 places, pour assurer vraiment le support optimal aux parents, puis aux enfants, et aux RSG, avez-vous une idée ou un modèle idéal, selon vous?

Mme Gingras (Sylvie): Je vais vous dire, à l'intérieur de nos membres, on a différents types de permis. Il y a de très petits permis, il y a des plus gros permis et il y a des gestionnaires qui travaillent auprès de deux et trois volets familiaux qui donnent peut-être un 500, 600 ou 700 places. Je pense, c'est 600, là, je ne veux pas aller trop haut. Ce que je peux vous dire, je ne peux pas vous dire pour un 1 000 places parce qu'on n'a pas connu cette expertise-là. Moi, ce que je peux vous dire, c'est que, pour les gestionnaires qui ont du 500 et 600 places actuellement, il semble que, pour elles, tant que le ratio de la conseillère pédagogique... et que cette conseillère pédagogique là, elle est bien soutenue et qu'elle peut elle-même soutenir les enfants, il semble que l'administration, après ça, c'est un aspect qui est très, très, très technique.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Gingras, Mme Lessard, merci pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom du Conseil québécois des centres de la petite enfance. Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

 

(Reprise à 16 h 14)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux.

Mémoires déposés

Avant de procéder à l'étape ultime pendant cette commission, je vais procéder au dépôt des mémoires pour les rendre publics et pour les valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission. Je dépose les mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus.

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Non. Il y en avait, à 14 heures, 157.

Remarques finales

Alors, pour les remarques finales, je vous rappelle que, selon l'ordre de la Chambre, nous devrons consacrer 30 minutes pour les remarques finales: 15 minutes pour l'opposition, dont cinq minutes pour la députée indépendante, et 15 minutes pour le groupe ministériel. Alors, Mme la députée de Lotbinière, la parole est à vous.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci, M. le Président. En tant que représentante de l'Action démocratique du Québec, il me fait plaisir d'avoir assisté aux travaux de cette commission. Depuis le début du dépôt du projet de loi, on a vu qu'il y avait beaucoup d'intérêt au Québec pour nos enfants, et cela me rassure. Beaucoup de personnes ont voulu intervenir, beaucoup de personnes se sont manifestées. Vous l'avez mentionné, 157 mémoires qui n'ont pas été entendus, en plus des 40 qui ont déjà été entendus.

Pour faire un bref historique de ce qui s'est passé, au début on avait anticipé le coup et on a dit qu'il y avait des propos alarmistes. On a aussi eu des accusations de désinformation, de démagogie. Tout ça n'était pas propice, il me semble, à la meilleure concertation, à la meilleure consultation, et ça aurait été, je pense, tout à notre honneur d'entretenir de façon sereine, de façon positive cette discussion aussi importante que celle de l'intérêt de nos enfants. Cela n'a pas été le cas. Je le regrette, mais, dans les circonstances, je dois continuer de m'attacher à la qualité des services aux enfants.

J'ai entendu les amendements, que j'accueille d'une façon positive, les amendements qui vont être déposés plus tard. Cependant, ce ne sont à mon sens que des corrections. J'aurais voulu plus que ça, j'aurais voulu une garantie de qualité de service à tous les enfants. Nous avons eu des personnes qui sont des scientifiques, des experts, du monde qui travaille sur le terrain, et ils sont tous venus nous dire leurs inquiétudes à l'effet du maintien de la qualité, des professionnels auprès de nos enfants. Chacune des intervenantes et les RSG, je pense, en particulier, ont aussi fait la promotion de la proximité, de laisser de la place aux forces vives du milieu, de continuer de faire la confiance aux parents, aux intervenants du milieu pour continuer d'améliorer cette situation-là versus la situation de contrôle de la bureaucratie qui prévaut dans la loi.

J'espère que ce qu'on a entendu, et ce qu'on voit au Québec, et ce qu'on verra dans les prochains jours va permettre un recul et qu'on va pouvoir retirer ce projet de loi là du feuilleton ou le laisser au feuilleton le temps qu'on discute, qu'on trouve les meilleures solutions possible, et ce, dans l'intérêt des enfants. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée. M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, solidarité sociale et famille, en vous signalant que vous avez 12 minutes pour vos remarques.

M. Camil Bouchard

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Mes premiers mots seront des mots de remerciement d'abord à la présidence, deuxièmement, à ceux et celles qui nous ont accompagnés, nous, les parlementaires, durant ces deux semaines. Je remercie particulièrement mon absent...

Une voix: Recherchiste.

M. Bouchard (Vachon): Il est où? Ah, il est là! Et les personnes qui l'accompagnent. Un clin d'oeil aussi très important aux gens du ministère qui ont suivi avec intérêt ces travaux et ont permis qu'on puisse, de temps en temps, avoir recours à leurs lumières. Contrairement à ce que vient d'affirmer la députée de Lotbinière, j'ai trouvé assez correct, et même très correct, le climat dans lequel nous avons travaillé ici. Ce n'était pas toujours le cas au salon bleu, ce ne l'était certainement pas non plus à l'extérieur, c'était... On a traversé des périodes certainement ? comment on dit? ? d'effervescence, mais je pense que nous avons mené nos travaux correctement. J'aurais souhaité qu'ils soient beaucoup plus longs, qu'on entende plus de personnes parce que ce qu'on aura vu nous aura convaincus qu'on pouvait encore cheminer un bout de temps, entendre encore des opinions; autrement dit, en langage de recherche, on n'était pas encore rendus à saturation dans l'accumulation de nos données. D'un point de vue démocratique, c'eût été aussi préférable, je pense.

n (16 h 20) n

Ceci m'amène à réaffirmer devant vous le fait que le temps va jouer en notre faveur. Il faut le mettre de notre côté et il faut lever cette menace du bâillon. Il faut être capable de prendre tout le temps nécessaire pour arriver à nos fins. Je pense que c'est possible, il n'y a pas une urgence en la demeure. Ce sera fait pour, j'imagine, un bon petit bout de temps avant qu'on y revienne; c'est trop douloureux quand on y revient. Et je pense qu'on peut arriver à faire quelque chose de bien si on recentre notre attention encore une fois dans le projet de loi sur le bien-être et le développement des enfants. Tel qu'il est maintenant et tel que j'ai entendu les témoignages devant cette commission... Et je ne présume pas des amendements qui pourraient être apportés, je ne présume de rien. Cependant, je constate une ouverture de la part de la ministre à la suite ? et une évolution d'ailleurs de ce côté-là; à la suite ? des travaux que nous aurons menés. Mais vous comprendrez, M. le Président, que je ne peux pas préjuger de la nature des amendements. Mais tel que je vois le projet maintenant et avec les observations qui auront été faites, j'y vois quatre grands défauts.

Le premier, c'est un affaiblissement de la qualité du réseau qui entoure le petit enfant alors qu'il est placé en services de garde. Je pense que les propositions qui sont sur la table mettent fin à un dialogue fécond et nécessaire entre les éducatrices en installation et en milieu familial et de fait amputent 90 % des CPE de leur nature vraie, c'est-à-dire sous une même enseigne, avoir une diversité d'offres de service. Le projet affaiblit le soutien aux éducatrices dans les deux modes de garde tel qu'il est concocté maintenant. Il diminue aussi la capacité de prévention des services. J'ai insisté beaucoup sur cette dimension durant les travaux. J'ai vu aussi que les gens qui nous ont fréquentés ont insisté beaucoup là-dessus. Et je pense que c'est une dimension qui s'est révélée très importante au cours de nos discussions, et beaucoup d'entre nous sans doute ont dû découvrir là un aspect important des centres de la petite enfance.

Deuxièmement, je pense que les enfants et les parents ont, quelque part, perdu leur préséance dans ce document, notamment au niveau d'une menace à la marchandisation et avec un signe de dollar au centre de nos discussions. Je pense qu'il faut remettre l'enfant là et voir comment on peut, avec la meilleure volonté du monde, réaligner nos perspectives non pas autour d'une personne morale, non pas autour d'une institution, non pas autour d'une corporation, mais autour de l'enfant, redonner préséance à l'enfant. Il y avait dans ce projet de loi, il y a toujours dans ce projet de loi, si on n'élimine pas cette possibilité, si on ne cadenasse pas cette possibilité d'une marchandisation, la menace du développement d'un système à deux richesses: des garderies à but lucratif qui iraient s'installer là où il y a des sous à faire et les autres qui s'installeraient là où il n'y a pas de sous à faire, et conséquemment qui rencontreraient des exigences beaucoup plus grandes du point de vue des demandes qui pourraient se présenter avec la population d'enfants auxquels ils seraient mis en contact.

Troisièmement, accessibilité, flexibilité. Je pense que le projet de loi manque de clarté sur la nouvelle flexibilité dont on nous parle. Il n'y a pas vraiment de dispositions très claires là-dessus, s'il en est. Deuxièmement, les parents perdent une diversité dans le mode de service parce que, sous la même enseigne, ils ne trouveront plus deux modes de service. Troisièmement, plusieurs installations se verront fragilisées. Par conséquent, l'accessibilité réduite si jamais elles devaient fermer leurs portes, ces installations. Je ne le souhaite pas, mais il y a une menace, il y a un danger, il y a un risque. Les responsables des services de garde ne pourront plus choisir leur milieu, leur lieu institutionnel d'appartenance; on gruge sur ce type de flexibilité là aussi. Et on aura trois listes d'attente plutôt qu'une si on gardait notre système intégré.

Quatrième point, M. le Président, la présence des parents dans les services. Il ne faut pas se départir de cette ressource fantastique de surveillance, de contrôle et, en même temps, d'alimentation de ces centres que sont les parents. Ce serait vraiment regrettable si on affaiblissait leur pouvoir de décision et leur capacité de se comporter comme des radars vigilants et très sensibles des conditions qui prévalent dans l'environnement de leurs enfants.

Au centre de tout cela, M. le Président, l'intégralité du système. Est-ce que je le dis par romantisme et nostalgie? Non. Je le dis tout simplement parce que je pense que, devant cette commission, nous aurons eu suffisamment de témoignages. Et là je me réfère à tous les témoignages mais aussi, principalement, le témoignage d'acteurs qui sont crédibles comme tous les autres mais, en même temps, qui n'ont pas d'intérêts corporatifs dans leur témoignage et qui sont venus nous dire que ce dialogue fécond et nécessaire entre les deux modes de garde devrait être maintenu. Et je ne crois pas que l'idée de refaire des passerelles entre des organisations qui n'en n'avaient pas besoin, puisqu'elles se retrouvaient dans la même barque, soit une très bonne idée.

Je souhaite vraiment très ardemment, M. le Président, qu'on puisse arriver à une amélioration, à des ajustements qui ne créent pas de perturbations inutiles dans le système. Ces gens-là, ces enfants, ces parents, ces éducatrices n'en ont pas besoin. Nous avons affaire à un système qui n'est pas à ce point malade où il faille amputer un de ses membres. Je pense que nous sommes dans un environnement au contraire d'amélioration plutôt que de restructuration.

Ceci étant dit, M. le Président, j'offre ma collaboration la plus entière au groupe ministériel. J'espère qu'on pourra aussi raccommoder un certain nombre de relations avec des partenaires sur le terrain. Encore une fois, je réitère mon souhait que nous utilisions le temps à notre disposition le mieux possible et le plus possible. Pour moi, c'est le nerf de la guerre. Plus on parle, plus on échange, plus on enrichit nos connaissances mutuelles, plus on arrive à des possibilités, à des solutions qui soient harmonieuses et dans le meilleur intérêt des enfants.

Alors, nous avons déjà convenu avec la ministre qu'on ne s'empresserait pas d'adopter le principe de la loi dans un environnement précipité; on verra ce que ça veut dire dans les faits. Je pense que ? et là je veux donner un coup de chapeau à la ministre; je pense que ? ça n'a pas été une période tout à fait facile. En même temps, elle a pu, je pense, durant les dernières heures, mesurer l'importance de se rallier non pas en termes politiques autour de cette question, mais en termes substantiels. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député de Vachon. Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine, pour une durée maximum de 15 minutes.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Nous terminons aujourd'hui les consultations sur le projet de loi n° 124 sur les services de garde éducatifs à l'enfance. Durant sept jours, des associations, des regroupements, des universitaires, des intervenants qui travaillent sur le terrain sont venus nous présenter leurs mémoires. Je les remercie au nom des enfants et des parents du Québec. Les échanges qui ont eu lieu tout au cours de cette commission ont contribué à enrichir notre réflexion sur un projet de loi qui nous concerne tous collectivement mais qui concerne avant tout l'avenir de nos enfants. Le résultat des travaux que nous avons menés ensemble permettra de faire en sorte que les décisions que nous prendrons et les gestes que nous poserons en regard de l'avenir des services de garde éducatifs le seront dans l'intérêt supérieur des enfants et pour assurer la pérennité des services.

Je suis heureuse de constater, M. le Président, que nous avons reçu, durant cette commission, des commentaires très constructifs. Ce projet de loi a reçu aussi des appuis significatifs, et je tiens à mentionner, entre autres, l'Association des éducatrices en milieu familial, le Conseil québécois des centres de la petite enfance, l'Association des garderies privées, certains CPE tels que le CPE La Grande Ourse et bien d'autres qui ont des préoccupations communes. Ces groupes, tout comme nous, croient que ce projet de loi contribuera à assurer aux générations actuelles et futures des services de garde éducatifs fondés sur la qualité, la flexibilité, l'accessibilité et une gouvernance exemplaire. Les communautés autochtones sont, elles aussi, venues indiquer comment le projet de loi pouvait être adapté à leur réalité.

M. le Président, je souhaite le dire et le redire, je suis fière, et très fière, du projet de loi n° 124. L'essence même de ce projet de loi, M. le Président, est d'assurer et de maintenir un environnement et un milieu de vie favorisant tous les aspects du développement de l'enfant, de sa personnalité et de son potentiel. Nous avons entrepris nos travaux législatifs en regardant vers l'avenir, en ayant à coeur la pérennité de nos services, et ce, dans le meilleur intérêt de nos enfants.

M. le Président, même les groupes que nous avons entendus l'admettent, après plusieurs années de développement, nous abordons aujourd'hui l'étape de consolidation, et à ce titre des modifications s'imposent sur des plans de services comme sur le plan de la gestion. Nous sommes tous d'accord pour dire que les enfants doivent être la motivation première de toutes les actions que nous mettons en place en matière de services de garde éducatifs. Nous partageons ces valeurs essentielles, et je suis donc convaincue que nous réussirons, au-delà de toute partisanerie, à rallier l'ensemble des acteurs sociaux au bien-fondé des mesures que nous proposerons. C'est pour le bénéfice des enfants que nous devons miser sur ce qui nous rassemble plutôt que de nous arrêter à ce qui nous sépare.

n (16 h 30) n

Nous sommes fiers des services de garde éducatifs à l'enfance. C'est un acquis que nous partageons avec tous les milieux de garde et c'est un constat qui fait l'unanimité dans l'ensemble de la société. La force des services de garde au Québec, M. le Président, réside dans leur diversité. Diversité de l'offre: trois prestataires, trois façons différentes mais complémentaires d'offrir des services. Diversité de la demande: le choix des familles quant à l'environnement et au milieu de vie qui leur conviennent. Et le projet de loi se fonde sur ces acquis solides, ces acquis seront bien sûr maintenus.

Ainsi, les parents continueront de jouer un rôle central dans la gestion des CPE. Les parents nous ont exprimé leur désir de demeurer majoritaires au conseil d'administration des CPE. J'en suis très heureuse, car cela correspond à ce que le projet de loi propose.

Les gens ont aussi réitéré la nécessité de mettre le volet éducatif au coeur des services de garde, et c'est une volonté que je partage entièrement. Aussi, dans le projet de loi, la démarche éducative, qui assure le développement global de l'enfant, est non seulement maintenue, mais elle est renforcée par son insertion au texte même du projet de loi. Et c'est là un élément très novateur, M. le Président, et cela réaffirme avec force la valeur que nous accordons au caractère éducatif des services de garde. J'ai noté que le terme «démarche éducative», au lieu de «programme éducatif», inquiétait inutilement; j'en ai pris bonne note.

Par ailleurs, les services continueront d'être offerts par des CPE, des garderies privées et des responsables de services en milieu de garde familial. Les parents auront toujours le choix du type de garde qui leur convient le mieux.

Les responsables des services de garde, pour leur part, auront non seulement accès au soutien pédagogique dont elles ont besoin, mais elles auront un soutien amélioré. Avec la création des bureaux coordonnateurs, elles disposeront, pour elles seules, du soutien de conseillères pédagogiques dédiées à la garde en milieu familial et sensibilisées aux réalités et aux besoins de ce mode de garde. Je pense qu'il s'agit là d'une nette amélioration aux conditions d'exercice des responsables de garde en milieu familial et à la qualité de nos services.

Et finalement, M. le Président, au coeur de ces acquis, les services continueront d'être offerts directement aux parents et aux enfants par les mêmes éducatrices, par les mêmes responsables de garde en milieu familial et dans les mêmes endroits. Contrairement à ce que nous avons entendu et ce qui continue d'être véhiculé, aucune place ne sera perdue, tous les services de garde resteront, que ce soit en région ou en milieu urbain. À partir du moment où le statu quo n'est plus une option, il importe de réaffirmer notre volonté ferme de consolider, de bonifier à la fois l'offre de services destinés aux enfants et la gestion de ces services. Les commentaires que j'ai entendus au cours des derniers jours seront analysés à travers ce prisme.

Nous investissons annuellement 1,5 milliard de dollars pour le financement des services de garde éducatifs. Nos éducatrices sont les mieux payées au Canada, les mieux formées et bénéficient d'excellentes conditions de travail. Personne, M. le Président, ne peut nous reprocher de vouloir contrôler certains coûts administratifs afin que nous puissions tout simplement continuer à investir dans les services directs aux enfants, dans la qualité de ces services, et ce, afin de contribuer à leur développement et à leur épanouissement.

À ce sujet, permettez-moi, M. le Président, de reprendre à mon compte les propos de M. J.-Jacques Samson publiés mercredi dernier, dans Le Journal de Québec, et je cite: «Je défie les opposants au projet de loi n° 124 de démontrer en quoi son application entravera le développement de l'enfant sur les plans affectif, social, moral, cognitif, langagier et moteur, ce qui est l'objectif des services de garde tel qu'explicité dans la loi.» Fin de la citation. Je le répète, les mesures que nous proposons viennent améliorer, bonifier le système actuel en misant sur les forces de chaque prestataire de services.

Nous arrivons aujourd'hui à une étape déterminante du processus législatif, et c'est pourquoi je tiens à énoncer encore une fois les grands principes de la réforme proposée. Le projet de loi a été conçu avant tout pour le bénéfice des enfants. Il reconnaît la qualité de travail des éducatrices et propose des solutions novatrices pour améliorer les services de garde éducatifs. Il vise à faire en sorte que, de façon concrète, ceux-ci favorisent réellement l'égalité des chances pour les enfants du Québec: égalité dans l'accessibilité des places, égalité aussi dans la qualité des services, peu importe le type de service choisi. Il vise également une plus grande flexibilité des services, à répondre davantage aux besoins des parents, aux réalités du marché du travail en facilitant la conciliation du travail et de la famille, et parfois des études et de la famille.

Nous arrivons au terme d'une phase de développement intense. En mars 2006, les parents auront à leur disposition 200 000 places à contribution réduite offertes par des services de garde plus accessibles, plus flexibles, répondant toujours à des critères très élevés de qualité. À cette étape, tous les acteurs de ce système, au même titre que le gouvernement et l'ensemble de la population, peuvent se féliciter d'être arrivés à développer des services de garde qui font l'envie des parents de toutes les provinces canadiennes.

Maintenant, je compte sur la collaboration de ces mêmes acteurs pour faire en sorte que l'avenir des services de garde s'envisage à long terme. Dans les prochains jours, nous allons analyser les propositions qui nous ont été soumises. Nous avons eu l'occasion de les entendre, nous en avons compris le sens, nous verrons maintenant ce qui peut être fait pour bonifier le projet de loi.

D'emblée, je peux affirmer, comme je l'ai annoncé ce matin, que nous allons revoir de façon particulière certains termes ou dispositions qui sont apparus ambigus ou qui peuvent avoir une connotation péjorative. Par exemple, l'appellation «démarche éducative»; nous proposerons qu'elle soit clarifiée afin de ne pas appauvrir le sens par rapport à ce qu'on appelait jusqu'à maintenant «programme éducatif», notre intention étant au contraire de donner force de loi à cette démarche, et nous entendons en préciser le sens et la portée.

Par ailleurs, nous prenons en compte les préoccupations que certains ont exprimées concernant l'agrément des bureaux coordonnateurs. Je vous répète que nous proposerons au gouvernement et au Parlement que les bureaux coordonnateurs soient des CPE. Tel que je le dis depuis deux semaines, il y a là une expertise incontestable qui doit être mise à profit dans la réforme du système actuel.

De plus, en ce qui a trait au milieu familial, nous proposerons d'ajouter une disposition au projet de loi qui clarifiera le fait que les responsables des services de garde en milieu familial pourront, en cas de non-renouvellement de leur permis, avoir recours au Tribunal administratif du Québec.

Et finalement, quant à l'inquiétude qui a été soulevée concernant la commercialisation des services de garde, l'étude détaillée du projet de loi nous permettra d'apporter toutes les clarifications nécessaires pour dissiper cette ambiguïté à cet égard. Je le rappelle, il n'est nullement dans mon intention de commercialiser les services, la qualité étant au centre de mes préoccupations. Je tiens néanmoins à rassurer nos partenaires des garderies privées, qui ont contribué au développement du réseau des services de garde en offrant un standard de qualité incontestable, et à cet effet je tiens à saluer leur apport inestimable.

D'autres ajustements pourront être apportés au cours de la lecture article par article du projet de loi, étape que nous espérons pouvoir entreprendre prochainement et évidemment avec la collaboration, l'ouverture de tous les parlementaires. Et j'accepte avec plaisir l'offre de l'opposition et des associations d'y contribuer.

En conclusion, M. le Président, l'exercice que nous venons de compléter a permis à toutes les opinions, à tous les courants de pensée de s'exprimer ouvertement. La démocratie qui caractérise notre société aura pleinement servi la cause des enfants, une cause, M. le Président, que tous ceux et celles qui sont venus nous rencontrer partagent de toutes leurs forces. Je souhaite encore les remercier non seulement pour leurs idées, leurs propositions, mais également pour leur engagement à contribuer au mieux-être des enfants.

Et en terminant j'aimerais, M. le Président, m'adresser aux parents. Je tiens à vous rassurer, qu'il y aura encore, au 1er avril 2006, 200 000 à contribution réduite, un investissement de 1,5 milliard, des éducatrices parmi les plus compétentes, les mieux formées et les mieux payées au Canada, 14 200 responsables de services de garde en milieu familial, 1 004 CPE et plus de 500 garderies, un programme éducatif d'avant-garde et un plan d'amélioration continue de la qualité. Cette base solide, elle est là aujourd'hui, elle sera là demain et elle sera là pour construire l'avenir, et j'en suis certaine.

Je vous remercie, M. le Président, et je veux remercier les membres de la Commission des affaires sociales de toute leur collaboration dans ces périodes, également le personnel de la commission, l'ouverture de l'opposition de la dernière journée, et vous, M. le Président, et également les gens qui sont venus nous voir et qui ont assisté à cette commission parlementaire. Et permettez-moi de dire un merci très particulier aux gens de mon ministère, qui nous soutiennent et qui sont là, qui nous entendent et qui font en sorte que les travaux pourront se dérouler et que la suite des choses pourra se faire de façon très harmonieuse. Merci à tous et chacun d'entre vous.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la ministre. Alors, avant de conclure, je souhaitais également souligner l'exceptionnel travail du secrétariat de la commission. Gérer des consultations particulières, ce n'est pas toujours facile: changements d'heure de dernière minute, remplacement de groupes pour accommoder et les parlementaires et les groupes, et évidemment la gestion d'un certain nombre de mémoires et de correspondances. Alors, je les remercie. Et je vous remercie comme d'habitude, chers collègues, pour votre collaboration habituelle.

Sur ce, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Fin de la séance à 16 h 39)


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