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Version finale

37e législature, 2e session
(14 mars 2006 au 21 février 2007)

Le jeudi 30 mars 2006 - Vol. 39 N° 6

Consultations particulières sur le projet de loi n° 89 - Loi sur les activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée et modifiant d'autres dispositions législatives


Étude détaillée du projet de loi n° 125 - Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Étant donné que nous avons quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Nous sommes réunis ce matin afin de compléter les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 89, Loi sur les activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée et modifiant d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, Mme Caron (Terrebonne) va remplacer M. Bouchard (Vachon) et Mme Beaudoin (Mirabel) remplacera Mme Champagne (Champlain).

Consultations particulières
sur le projet de loi n° 89

Le Président (M. Copeman): Oui, merci. Je suis convaincu que tous mes collègues ainsi que tous ceux qui sont présents dans la salle ont déjà mis hors tension leurs téléphones cellulaires, sinon je vous prierais de le faire immédiatement. Nous allons entendre et échanger avec deux groupes ce matin. Nous allons débuter dans quelques instants avec Me Édith Deleury, et ce sera suivi par la Fédération du Québec pour le planning des naissances. Il y aura, autour de 11 h 30, une période de remarques finales de 20 minutes au total, qui va nous permettre, je l'espère bien, de lever la séance à midi.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, au nom de mes collègues membres de la commission, je souhaite la bienvenue à Me Deleury. Bonjour.

Mme Édith Deleury

Mme Deleury (Édith): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires. Permettez-moi tout d'abord, dans un premier temps, de vous remercier pour m'avoir invitée à vous faire des représentations sur le projet de loi qui est aujourd'hui à l'étude. Je vous demanderais également de bien vouloir m'excuser, mais je voudrais aussi vous rassurer, parce que ce que je vais vous présenter oralement aujourd'hui, vous l'aurez aussi par écrit, mais je n'ai pas pu malheureusement faire compléter la dactylographie du texte en temps et lieu.

Le Président (M. Copeman): Maître, avant de commencer, je vais juste vous rappeler que vous avez 20 minutes, vous disposez de 20 minutes pour votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je vais vous prévenir quand il vous reste trois minutes, pour mieux vous aider à conclure. Allez-y, maître.

Mme Deleury (Édith): Alors donc, j'aimerais préciser dans un premier temps que c'est tout à fait à titre personnel, en tant que professeure d'université, que je suis ici aujourd'hui, parce que je peux porter plusieurs chapeaux, et j'aimerais être précise sur ce point.

J'aimerais dans un premier temps rappeler brièvement le contexte, ce qui expliquera en partie certaines de mes interrogations sur la portée en fait actuelle du projet de loi et sur certaines questions qui à mon avis devraient faire peut-être l'objet d'un débat plus poussé, compte tenu des questions que certains enjeux soulèvent, qui à mon avis sont des questions de société.

Donc, ce projet de loi, on nous le présente comme visant à encadrer les activités cliniques et les activités de recherche en matière de procréation assistée de manière à assurer une pratique de qualité, sécuritaire et conforme à l'éthique. Il vise, nous dit-on, également à favoriser l'amélioration continue des services en la matière.

On peut s'interroger dans un premier temps sur la pertinence d'un tel projet, si l'on considère que ces activités sont déjà encadrées par une loi fédérale et qu'à ce titre la Loi sur la procréation assistée encadre, interdit certains types d'activités, mais elle encadre, dans un deuxième temps, les activités impliquant la modification, l'utilisation et la manipulation du matériel reproductif humain et d'embryons humains.

En fait, on sera aussi conscients ? et sur ce point nous ne pouvons que suivre la voie suivie par le ministre de la Justice ? que cette loi fédérale empiète sur des champs qui sont de compétence provinciale et qu'elle contredit également... et qu'elle est incompatible avec certains des principes qui sont inscrits dans notre Code civil notamment, puisque, par le biais, la voie en fait, d'un mécanisme de remboursement pour les frais encourus par la femme qui s'y prête, les contrats de maternité subrogée, de gestation ou de procréation pour autrui se voient reconnaître une légitimité.

n (9 h 40) n

Mais, si l'on peut comprendre la volonté du gouvernement de revendiquer et d'exercer ses pouvoirs, puisqu'il s'agit ici de champs de compétence qui lui sont propres, on peut s'étonner par contre qu'il ne soit pas intervenu plus tôt dans le débat et plus encore que, pour encadrer ces activités, il emprunte la même technique que son homologue fédéral, puisque les normes et les conditions de pratique des activités que l'on cherche à encadrer seront déterminées par règlement. Donc, sur ce point, le projet, qui dans son ossature s'apparente en quelque sorte à un clone de la Loi sur la procréation assistée, loi fédérale, apparaît aussi comme une coquille vide, en fait.

Si l'on considère le dispositif mis en place, il s'apparente effectivement à celui qui a été mis en place par le législateur fédéral. On nous parle de délivrance de permis à des centres dans lesquels obligatoirement ces activités devront être exercées ? c'est l'équivalent des autorisations qui seront délivrées par l'agence de contrôle fédérale ? des permis qui, bon, seront d'une durée de trois ans, renouvelables, mais, après ces trois ans, il faudra également que ces centres soient agréés par un organisme qui est reconnu par le ministre. Et à ce titre on peut également s'interroger sur l'indépendance dont jouira ce même organisme. Les centres seront soumis à une reddition de comptes par le biais de rapports annuels qui permettront au ministère de la Santé et des Services sociaux d'établir des statistiques et d'assurer un suivi. C'est la même formule que les registres qui sont prévus dans le cadre de la loi fédérale, qui seront tenus par l'Agence de contrôle de la procréation assistée. On prévoit également un système d'inspection, des sanctions pénales.

Et par contre ce qui nous apparaît intéressant, c'est que la portée de ce projet de loi est plus large que celle du fédéral, si l'on s'en réfère à la définition en fait des activités de procréation assistée, puisqu'on nous parle de «tout soutien apporté à la reproduction humaine par des techniques médicales ou pharmaceutiques ou par des manipulations de laboratoire, que ce soit dans le domaine clinique en visant la création d'un embryon humain ou dans le domaine de la recherche en permettant d'améliorer [les techniques] ou d'acquérir de nouvelles connaissances». C'est à notre sens un plus. Et, sur ce point, je pense que le Collège des médecins, qui a longuement insisté sur les problèmes et les difficultés que soulève la stimulation ovarienne, vous a déjà, en fait, je pense, félicité.

Quant aux activités de recherche, on prévoit un système qui s'apparente un peu à celui qui a été adopté pour les projets de recherche qui sont régis par l'article 21 du Code civil, c'est-à-dire un système de désignation ministérielle. Mais on peut s'interroger ici sur la jurisprudence et la cohérence de cette jurisprudence qui sera établie par les comités d'éthique ainsi désignés. On peut se demander en effet s'il ne serait pas préférable d'établir un comité central, tout au moins pour certains types d'activités ? et en ce sens on serait curieux de voir quelles seront les orientations ministérielles ? bon, un comité qui, par exemple, pourrait jouer le même rôle que celui qui a été institué par les Instituts de recherche en santé du Canada, concernant la recherche sur les cellules souches.

Ce qui nous inquiète par rapport à ces comités, comités d'éthique de la recherche mais aussi comités d'éthique clinique, qui pourront être mis à contribution, c'est la question de la délimitation des frontières entre la volonté de savoir et la volonté de soigner. Bon. Pourquoi? Parce qu'on ne maîtrise pas toutes les conséquences de ces techniques et, partant, donc les risques qu'elles comportent tant pour la santé des femmes que pour les enfants qui en sont issus et dont la venue est pourtant perçue de plus en plus comme un droit, en raison précisément de la banalisation de ces mêmes techniques.

Pourtant, de l'avis d'un grand nombre, y inclus ceux et celles qui les pratiquent, ou les ont pratiquées, ou qui les analysent, ces techniques participent davantage de la recherche que de la clinique au sens strict. Il en est ainsi, par exemple, des pratiques de congélation, présentées, pour certaines, telle la congélation des ovocytes, comme une réponse à un problème éthique, celui de la surproduction d'embryons, ou encore de la greffe de tissus d'ovaires congelés, envisagée par d'autres comme une avenue que les femmes pourraient emprunter pour retarder une grossesse pour des raisons sociales et non pas purement médicales.

Que dire également de techniques comme l'ICSI, l'injection intracytoplasmique appliquée avant même d'être expérimentée chez l'animal et à laquelle on recourt de plus en plus fréquemment, parce que les taux de succès, semble-t-il, sont meilleurs, afin de donner aussi un enfant biologique à ces parents, dont on ne connaîtra cependant probablement pas avant les 20 prochaines années l'impact sur sa capacité reproductrice, sans compter les affections génétiques qui pourraient être liées à l'infertilité ainsi reproduite et dont il pourrait être affecté?

Que dire encore de la MIV, la maturation des ovules non matures in vitro, dont l'expérimentation animale a pourtant démontré les dangers, présentée ici encore comme une alternative à la stimulation ovarienne, sujette pourtant à caution ? qu'on pense ici aux grossesses multiples, prématurité, anomalies congénitales, etc., dont on a probablement déjà longuement parlé ? alors que le nombre de grossesses qui jusqu'à présent est résulté de l'utilisation de cette technique est inférieur à celui de la fécondation in vitro?

Pour quels types d'anomalies ou d'affections va-t-on autoriser le recours au diagnostic génétique préimplantatoire? Se profile ici une forme d'eugénisme consensuel dont l'impact sur la façon dont la société perçoit les personnes qui en sont atteintes risque de conduire à de nouvelles formes de discrimination et contribue également à entretenir le mythe de l'enfant parfait. Devons nous également, comme société, admettre qu'on sacrifie des embryons au motif qu'ils sont porteurs d'une maladie qui ne se manifestera que tard dans leur vie ? pensons, par exemple, à la chorée de Huntington ? ou parce qu'ils présentent une prédisposition à telle ou telle maladie que par ailleurs ils pourraient ne jamais développer?

Plutôt que de procéder au dépistage systématique du nombre de chromosomes chez les femmes d'un certain âge, pour ne pas dire d'un âge certain, ne devrait-on pas s'interroger justement sur l'âge limite auquel les femmes peuvent avoir recours à ces techniques de procréation? Au-delà des risques pour la santé de l'enfant et de la mère, ne doit-on pas penser aussi et peut-être avant tout à l'intérêt de cet enfant dont on proclame pourtant que les droits et l'intérêt sont la considération déterminante des décisions qui sont prises à son sujet? Que dire dès lors de l'enfant qui est utilisé comme source de tissus compatibles? Ce qui nous renvoie au typage cellulaire et à l'orchestration de la naissance d'un bébé dit «médicament». A-t-on pensé à l'impact psychologique qui peut en résulter pour l'enfant ainsi programmé, sélectionné et qui au surplus a peut-être été exposé à des risques pour sa santé lorsqu'on a procédé à un tel typage?

Il nous semble qu'il y a là des questions qui sont trop importantes pour être discutées au sein des officines ministérielles uniquement ou des bureaux des ordres professionnels concernés. Pensons ici au Collège des médecins, qui servira en fait d'organisme aussi aviseur pour le ministre de la Santé et des Services sociaux. À cet égard, d'ailleurs, nous soulignerons ici l'humilité mais aussi la lucidité du Collège des médecins qui, dans son mémoire, écrit, à propos de l'évaluation des risques et des bénéfices: «...il faut un encadrement assez proche de l'encadrement professionnel pour respecter cette dynamique de mise en équilibre des avantages et des risques[...], aussi bien aux médecins qu'aux patients, puissent quand même être pris au sérieux. La procréation assistée soulève des enjeux sociaux qui interpellent non seulement les patients et les médecins impliqués personnellement, ainsi que les responsables de leur encadrement professionnel, mais aussi les responsables de la santé publique, les responsables politiques et ultimement l'ensemble des citoyens.»

Or, il nous semble qu'au nombre des questions qu'on nous avait soulevées il y en a qui sont trop importantes, car elles nous interpellent tous en tant que membres de la société et elles nous confrontent au sens que représentent pour nous la capacité de transmettre la vie, ou tout au moins l'illusion que nous avons de pouvoir la maîtriser, et aussi le pouvoir que nous avons de modeler l'image de notre descendance, et l'image que nous voulons qu'elle ait, et les rapports que nous voulons entretenir avec elle.

n(9 h 50)n

Ce sont là à mon sens des questions dont on doit débattre collectivement, et, si l'on peut comprendre qu'on ne peut pas nécessairement tout dire dans la loi et que certaines questions, parce qu'à caractère technique, relèvent du pouvoir réglementaire, elles n'ont pas nécessairement à faire l'objet de discussions, il demeure qu'en face de tels questionnements des débats publics devraient être tenus, et le gouvernement devrait en ce sens faciliter la tenue de tels débats, ce qui permettrait également d'orienter ce même gouvernement et de prendre des décisions qui reflètent des consensus sociaux. De tels consensus d'ailleurs pourraient être suscités par un organisme indépendant, bon, qui pourrait les alimenter, et qui pourrait s'alimenter lui-même auprès de ces débats publics, et qui pourrait conseiller le ministre, un organisme qui à notre sens devrait jouir d'une indépendance totale, donc totalement à l'écart des conflits potentiels d'intérêts.

Un tel mécanisme permettrait également d'adopter une approche plus globale des enjeux qui sont liés à l'infécondité, de travailler en amont et donc pas seulement en aval, d'interroger les causes de l'infécondité et non pas seulement chercher à y pallier indépendamment des facteurs qui sont liés à des causes de nature médicale mais dont certaines sont liées aussi à des comportements. Nous pensons notamment à la précocité, chez les jeunes, des rapports sexuels ? question d'actualité sur un autre plan ? et des campagnes d'information et de dépistage symptomatique dans cette population à risque des maladies transmises sexuellement, qui, pour une bonne part, on le sait, sont une des causes de l'infécondité.

Plutôt que de demander aux femmes d'adapter leur corps aux lois du marché et aux contraintes sociales qui en découlent, ne devrait-on pas investir davantage dans nos politiques de santé publique ? prévenir donc plutôt que guérir ? nos politiques familiales ? conciliation notamment travail-famille ? et renforcer le train de mesures économiques et sociales déjà en place, sans oublier non plus nos politiques environnementales, puisqu'on connaît maintenant l'incidence des contaminants notamment sur la fertilité spermatogène?

Que dire enfin de l'instrumentalisation de l'enfant, un enfant qui en principe devrait être accueilli en tant que tel, en tant que personne à part entière et à qui pourtant on continue à nier le droit à connaître ses origines? Sur ce plan, on peut se poser la question à savoir si, dans le cadre de la foulée de l'adoption du projet de loi, on ne devrait pas s'interroger sur les dispositions du Code civil qui effectivement, contrairement d'ailleurs à ce qui existe en matière d'adoption, ne permettent pas à un enfant qui est issu de ces méthodes de procréation de pouvoir connaître ses origines. On pourrait adopter le même principe que celui que nous avons actuellement en matière d'adoption, de manière effectivement à trouver un équilibre entre la protection à la vie privée des donneurs et le droit de l'enfant à connaître ses origines, et cela permettrait également de faire en sorte que la discrimination que l'on connaît actuellement disparaisse, puisqu'on discrimine, contrairement à ce qui est affirmé dans le Code civil, en fonction de la naissance, alors qu'en principe les enfants, quelles que soient les origines de leur naissance, ont les mêmes droits et les mêmes obligations.

Telles sont donc les principales représentations que j'entendais vous faire, en insistant particulièrement, en conclusion, sur la nécessité d'une transparence quant aux règlements qui vont être adoptés. Et, sur ce plan, j'ai cru comprendre, et cela répond en partie à mes inquiétudes, que, lors de l'étude du projet de loi article par article, on entend déposer des orientations ministérielles qui permettront de nous éclairer justement sur certaines des interrogations que je vous ai soumises.

J'insisterai également, encore une fois, sur la nécessité, en regard de questions qui relèvent de choix fondamentaux quant à notre représentation de ce qu'est la reproduction humaine et de la façon dont nous entendons nous reproduire comme société et au sens qu'on entend lui donner, d'organiser des débats publics de manière effectivement à éclairer le gouvernement sur les consensus qui pourraient s'établir au sein de notre société.

J'entends bien, en conclusion, aussi affirmer que je ne suis pas contre l'utilisation des techniques de procréation assistée. Je pense qu'elles répondent à une demande. Mais il faut penser aussi aux dérives sociales que leur usage pourrait générer. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Copeman): Merci, maître. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Bien, merci, madame, pour votre présentation ce matin. Il y a plusieurs points intéressants qui ont été abordés au moyen de votre communication. Je dirais d'abord qu'un point intéressant à discuter est la comparaison entre le projet de loi qui est devant nous et la loi fédérale, et, à un certain moment de votre présentation, vous avez dit que c'était un clone de la loi fédérale, mais par contre, après, vous avez remarqué plusieurs différences importantes. Alors, ce n'est certainement pas un clone parfait, si c'en est un.

Mme Deleury (Édith): Un clone parfait, ça n'existe pas, M. le ministre, vous le savez!

M. Couillard: Voilà! Mais je dirais qu'il y a quand même des différences notables. Effectivement, là, la venue de la loi fédérale a joué le rôle un peu d'aiguillon, là, parce qu'on sait, depuis des années, vous l'avez vous-même noté, qu'il n'y avait pas de définition législative. Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu d'actions législatives. Comme, vous-même, vous l'avez dit, dans d'autres pièces législatives, le Code civil, etc., il y a déjà des gestes qui avaient été posés. Mais l'approche est quand même très différente. La loi fédérale est presque exclusivement basée sur la criminalisation de ces pratiques, alors que nous avons une approche qui est beaucoup plus axée sur la responsabilisation des professionnels, l'utilisation optimale, la sécurité, qui nous apparaît plus constructive et plus positive également.

Sur le plan des débats, il est clair que les débats publics sur cette question ont lieu depuis des années, et ils vont continuer pendant des années. Je pense que, dans 50 années, là, sans vouloir faire de futurologie, compte tenu des développements technologiques, il y aura énormément, encore, des débats éthiques dans notre société. Puis, le projet de loi ne met pas un terme à ces débats-là. On ne prétend pas mettre un terme aux débats, les débats doivent continuer. Il s'agit, comme vous le dites vous-même, de trouver des forums pour qu'ils existent, et qu'ils se fassent de façon continuelle, et alimentent également la réflexion des gouvernements successifs qui auront à rectifier la loi que bien imparfaitement l'Assemblée nationale adoptera, ou même y ajouter des dispositions.

À ce sujet d'ailleurs, on a eu, hier, la discussion un peu semblable et on suggérait que peut-être le Commissaire à la santé et au bien-être, qui va être nommé au cours des prochaines semaines et qui a un forum de la population, aurait potentiellement un rôle très actif à jouer là-dessus. Mais, vous-même, vous êtes membre d'une commission, d'une organisation, la Commission de l'éthique de la science et de la technologie, à laquelle on a fait allusion hier. En fait, on a dit: Il y a deux instances où on peut avoir un éclairage éthique au niveau du gouvernement: il y aurait le Commissaire à la santé, qui, comme vous le savez, a l'obligation d'avoir un commissaire adjoint à l'éthique et un forum de la population, et également votre commission, la Commission de l'éthique de la science et de la technologie. Est-ce que vous pensez que cet organisme-ci, mettant à part, de côté le Commissaire pour l'instant, pourrait jouer un... Quel est le rôle que vous voyez pour la commission dans le cadre de ces débats-là?

Mme Deleury (Édith): La commission pourrait certainement jouer un rôle, mais je pense que ce rôle ne devrait pas être exclusif. Par contre, ce qui m'apparaîtrait intéressant, je l'ai souligné, parce que la commission, en l'état, bon, est une commission du Conseil de la science et de la technologie, bon, il serait préférable qu'elle soit indépendante totalement, bon, qu'elle ne relève pas d'un ministère particulier. Et c'est la même chose peut-être pour la question du commissaire, bon, le commissaire aux plaintes, hein, bon.

Alors donc, c'est plutôt la question de la transparence, même si en fait, bon, je ne voudrais pas dire par là que nous sommes en conflit d'intérêts, hein, au sein de la commission ou même au niveau du commissaire aux plaintes, mais c'est une question, quant à moi, qui est importante, parce qu'on sait que les intérêts sont multiples et que les potentiels de conflits sont nombreux. Mais, ceci étant dit, la commission pourrait fort bien jouer un rôle sur la question de l'organisation de débats et de consultations de la population et émettre des avis effectivement en termes d'orientations possibles pour le gouvernement.

M. Couillard: Sans compter d'autres organisations de la société civile, là, dans la foulée du jugement Chaoulli qu'on s'apprête a débattre ici. Moi, j'ai participé, moi-même, à un forum de l'Institut du Nouveau Monde sur la question. Alors, il y a certainement beaucoup d'organisations de la société civile qui vont vouloir, au cours des prochaines années, intervenir de façon répétée sur cette question-là, compte tenu des progrès, là, technologiques.

Vous avez parlé également d'indépendance souvent dans votre présentation. Vous savez, j'aimerais avoir vos commentaires sur ce qui est prévu dans la loi fédérale. On prévoit une agence canadienne de contrôle, mais l'orientation dont on dispose actuellement pour sa constitution, c'est «des personnes intéressées» par le sujet. Ce qui m'apparaît assez vague. Est-ce que vous avez des commentaires à faire là-dessus, parce que le mot «intéressées» peut être interprété de bien des façons?

Mme Deleury (Édith): Je partage tout à fait votre avis. En fait, il s'agit de savoir en vertu de quels critères ces personnes-là vont être choisies, et, en ce sens-là, je ne suis pas non plus, j'aimerais vous le souligner, une adepte totalement de la loi fédérale. D'ailleurs, j'espère que le gouvernement ne prendra pas autant de temps pour adopter des règlements que ne le prend le gouvernement fédéral, si l'on considère le délai de deux ans qui est déjà écoulé et le fait que nous en sommes toujours à un projet de règlement sur l'article 8 de la loi, alors qu'on attend des dispositions, à mon sens beaucoup plus importantes, en ce qui concerne effectivement la portée de ladite loi.

n(10 heures)n

M. Couillard: Et ceci alors que, malgré la lenteur, comme vous le dites, à déployer les règlements, on est déjà très actifs pour déployer l'agence. Alors, pour la structure, on semble beaucoup plus pressé que pour le fond. Et effectivement, donc, lors de l'étude article par article, nous allons présenter les orientations réglementaires, là, sur plusieurs éléments, qui vont nous permettre d'avoir un début de discussion à ce sujet-là puis de réorienter certains points au besoin. Puis il y aura, comme vous le savez, une période de consultation lors de la publication des règlements, éventuellement. Et on a reçu beaucoup de propositions intéressantes sur ces règlements-là dans la commission, particulièrement hier.

La question de la filiation, là, et de l'information, ça m'apparaît un peu glissant comme sujet, de permettre aux gens de retrouver leurs origines. Quand c'est des donneurs de gamète, là, ça m'apparaît un peu ténu comme lien. Cependant, il y a déjà un article dans le Code civil qui permet que le juge détermine, là, la cour détermine des moments ou des raisons pour lesquelles, sur la base de raisons sérieuses, on pourrait divulguer cette identité, raison pour laquelle les identités des donneurs sont préservées, comme vous le savez. Ça me semble suffisant comme... Il me semble qu'il y a un gros degré de perturbation sociale, là, le fait d'ouvrir cette connaissance de façon non encadrée. Je suis certain que ce n'est pas ce que vous recommandez, là, mais pourriez-vous nous donner un aperçu de l'encadrement que vous verriez de cette question?

Mme Deleury (Édith): Écoutez, je ne suis pas certaine qu'en ouvrant des portes, en autant qu'on ne les ouvre pas toutes grandes, on sera confrontés à des problèmes sociaux. À mon sens, c'est bien plus en les fermant totalement qu'on risque d'être confrontés à ces problèmes. On peut penser au phénomène qu'on a connu avec le Mouvement Retrouvailles il y a plusieurs années, au Québec, et qui ont amené aussi à modifier le Code civil en matière d'adoption. Et, à partir du principe où on cherche un équilibre, hein, c'est-à-dire que les informations qui permettraient de retracer le donneur ne seraient évidemment révélées que du consentement du donneur, comme on le fait en matière d'adoption ? et j'aimerais peut-être attirer votre attention sur le fait que des pays en fait qui au départ avaient adopté, eux aussi, une attitude plutôt restrictive se posent la question à savoir si effectivement ils ne vont pas devenir plus ouverts. Je pense notamment à la Grande-Bretagne, actuellement, qui s'interroge sur la question. Il y a des pays qui l'ont fait. Ça permettrait aussi peut-être de responsabiliser davantage les donneurs, bon, puisqu'il faut admettre malgré tout que ça résulte d'un geste un peu machinal et qu'il n'est pas toujours envisagé dans ses conséquences, vous l'admettrez avec moi, M. le ministre, quand on sait dans quelle couche de la société, aussi, on les recrute.

M. Couillard: Bien, le terme «geste machinal» est particulièrement bien choisi! Mais effectivement, là, je m'interroge sur la motivation émotionnelle ou l'engagement émotionnel ou même social de quelqu'un. Puis c'est utile qu'il le fasse, parce qu'on a besoin de ça. D'ailleurs, on a un problème à ce sujet-là, depuis la loi fédérale, parce qu'il n'y a plus de donneurs, parce qu'on n'est plus capables de leur donner une petite rétribution. L'étudiant qui va, une fois ou deux par mois, à la banque pour faire un don, je ne pense pas qu'il a beaucoup d'engagement émotif ou social pour l'enfant à naître éventuellement, s'il y en a un, et bien sûr il n'y a pas de conjointe qui est impliquée dans le processus. Ça me paraît une déconnexion totale sur le plan émotif, et de vouloir la réanimer ultérieurement, ça me semble très artificiel, à moins qu'il y ait des raisons de santé ou des raisons majeures, là, qu'on puisse mettre en évidence, ce qui est déjà permis dans le Code civil. Quel intérêt y a-t-il de connaître qui est allé faire un don de sperme, en pensant à autre chose, il y a 20 ans?

Mme Deleury (Édith): Bien, en fait, peut-être qu'en posant ce geste on y réfléchirait davantage. Bon. Et l'expérience d'ailleurs a prouvé, si on prend l'exemple de la Suède, que, s'il y a eu effectivement dans un premier temps une chute des donneurs, les personnes qui faisaient un don n'appartenaient plus effectivement aux mêmes couches de la société, c'étaient des personnes qui étaient différentes, en général des personnes qui vivaient en couple et qui donc étaient un peu plus conscientes du geste qu'ils posaient.

Mais je pense, moi, à l'enfant, et, là-dessus, peut-être qu'il serait intéressant d'entendre les psychologues et les psychiatres, parce que, pour cet enfant-là, ça peut poser un problème d'identité. C'est les problèmes qu'on peut vivre à l'adolescence, ce sont les problèmes qu'on peut vivre également lorsqu'on met soi-même des enfants au monde ou que sa conjointe peut mettre un enfant au monde, c'est de pouvoir s'inscrire dans une histoire, dans un roman familial, au sens psychologique du terme, et je pense que, l'intérêt de l'enfant, on ne peut pas le négliger et qu'on peut avoir ou proposer des solutions qui permettent de respecter les intérêts des uns et des autres.

M. Couillard: D'ailleurs, sur cette question de, vous l'avez mentionné, la provenance sociale des gens qui font des dons, la situation actuelle nous place dans une situation pire que celle qui existait avant la loi fédérale, parce qu'alors que nous avions, entre guillemets ? puis je ne fais pas de jeu de mots ? un réservoir de donneurs québécois disponibles, depuis la loi fédérale, presque la totalité, la grande majorité des spermatozoïdes sont importés des États-Unis, des banques américaines, sur lesquelles il n'y a absolument, là, encore aucun contrôle.

Alors, en voulant soi-disant corriger un problème qui était de donner une petite rétribution à des donneurs pour les banques de sperme en particulier, à mon avis on a créé un problème bien pire, d'abord de disponibilité, puis, deuxièmement, une provenance qui là devient totalement obscurcie, là. Et j'espère que, dans vos représentations vis-à-vis la loi fédérale, vous allez nous appuyer sur cette question, parce que c'est un des objets de notre contestation.

Mme Deleury (Édith): Je pense qu'effectivement il faut ne pas confondre rémunération et compensation. Il demeure que le montant de la compensation, il faudrait quand même y penser.

M. Couillard: On ne remettra pas ça à l'heure, cependant! On va s'entendre là-dessus. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le ministre. Mme la députée... Ah! excusez. Excusez, désolé. M. le député d'Orford.

M. Reid: ...alternance, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Non, non, on va... Allez-y.

M. Reid: Oui? O.K.?

Le Président (M. Paquin): Allez-y. Allez-y, M. le député d'Orford.

M. Reid: Bonjour. Je vous remercie de votre présence, et c'est extrêmement intéressant, et j'ai hâte de lire votre texte, parce qu'évidemment on peut approfondir un peu plus, surtout quand c'est un sujet qu'on connaît moins bien.

Je voudrais juste avoir votre avis sur quelque chose qui peut paraître a priori contradictoire. Vous demandez et vous suggérez des grands débats publics sur certaines questions, et, si j'ai bien compris, une de ces questions, ça touche l'injection... je ne sais pas, moi... l'injection directe de chromosomes, finalement, masculins dans un ovule, là, parce que, si j'ai bien compris, on peut ainsi transmettre une infécondité aux descendants qui résulteront de cette fertilisation. Et, si on met ça dans un contexte de débat, moi, il me semble que ce débat-là, il est déjà réglé dans un choix de société, si on regarde de façon un peu plus large ? et c'est peut-être mon ignorance qui me fait penser ça ? dans ce sens qu'il me semble qu'on n'hésite pas, dans notre société, à apporter une aide médicale même quand on sait que le résultat de cette aide médicale sera quelqu'un qui aura peut-être des incapacités à se reproduire de façon normale ou, par exemple, qui va se reproduire avec des défauts génétiques peut-être qui seront amenés dans la population humaine, et qu'on a fait ce choix de société de ne pas essayer de contrôler la qualité de notre pool génétique, si je peux m'exprimer ainsi, et qu'on a fait le choix que la médecine sera encore là dans 30 ans ou dans 25 ans, ou au bébé naissant qui aura des difficultés mais pour lequel on pourra apporter des remèdes qui lui permettront de vivre.

Alors, si on regarde ça par cette lunette-là, cette question pour laquelle vous semblez demander un débat public me paraît, moi, a priori un petit peu réglée dans ce choix de société général, là, où on accepte qu'effectivement on va transmettre à des enfants des incapacités aussi à faire certaines choses ou à se reproduire, parce qu'il y a des incompatibilités ou autrement, et que, là, il y en a une, mais que ce n'est rien de nouveau a priori. Ce qui est nouveau, c'est simplement que ça s'applique à un phénomène nouveau, celui de fertilisation. Est-ce que je me trompe ou... Est-ce qu'il y a effectivement une possible contradiction?

Mme Deleury (Édith): En fait, j'aurais dû mieux distinguer le niveau de questionnement. Bon. Celui-ci, comme celui que j'ai posé par rapport à la MIV, par exemple, puisque c'est deux techniques qui interpellent quand même par rapport aux risques, qui sont encore inconnus, il faut l'admettre, bon, hein, ça nous renvoie à la question justement de savoir si ça doit être considéré comme relevant de l'expérimentation ou des pratiques standard. Je ne pense pas qu'on puisse les considérer comme des pratiques standard. Et il faut admettre aussi que, bon, les protocoles d'application ne sont pas nécessairement uniformes, et en ce sens-là il serait important effectivement de connaître les normes et les balises qu'on pourra fixer relativement à l'utilisation d'une telle technique. Parce qu'il est vrai qu'il faut toujours évaluer les risques et les bénéfices.

Mon questionnement porte davantage sur le sens que l'on donne à la reproduction lorsqu'on assiste, par exemple, à des demandes concernant... en fait des cas, des situations qui, sur un plan individuel, sont tragiques. Mais le bébé-médicament, parce que, là, je pense qu'effectivement on s'écarte un peu du projet parental et des risques que l'on est prêts à prendre pour sa descendance, on n'est plus du tout dans le même registre. Mais je pense que ces questions-là devraient être débattues.

M. Reid: Alors, si je comprends bien, la question relative à l'injection directe, votre questionnement est davantage lié au fait qu'on n'a pas fait d'expérimentation, on ne sait pas encore qu'est-ce que ça va donner, et c'est là-dessus où vous avez des interrogations, plutôt que sur le choix social.

n(10 h 10)n

Mme Deleury (Édith): Je pense qu'il y a là des interrogations. Parce que l'ICSI, on le sait, a été appliquée à l'être humain avant même d'avoir été expérimentée chez l'animal. Bon. Il y a eu des publications qui ont été faites, bon, quelques années avant que, chez l'humain, ce soit fait, mais ce n'était pas encore, chez l'animal, expérimenté, validé comme tel. Quant à la MIV, il y en a eu, mais par contre on sait que, chez l'animal, ça pose des problèmes. Alors, je pense que, là, on devrait peut-être dire que ça relève davantage de l'expérimentation que de protocoles cliniques standardisés, compte tenu en fait, bon, des aléas qui les entourent, et qu'on devrait être beaucoup plus vigilants sur l'encadrement, le recours à l'utilisation de telles techniques, assurer un meilleur suivi et faire en sorte qu'on soit plus exigeants que pour des pratiques standard.

M. Reid: Merci.

Le Président (M. Paquin): Ça va? Donc, on poursuit du côté de l'opposition, et je vais reconnaître Mme la députée de Terrebonne, porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine et d'action communautaire. Mme la députée.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Me Deleury, merci beaucoup de votre présentation. Nous attendons votre texte avec beaucoup d'impatience, évidemment.

Je pense que votre échange avec le ministre a bien démontré qu'effectivement le débat de société, même si des spécialistes en parlent depuis 20 ans, le débat de société comme tel, il n'a pas été fait. Et, plus j'écoutais l'échange, plus on voyait des sujets qui effectivement n'ont pas été abordés au niveau de l'ensemble de la société, que ce soit la question du droit à ses origines pour l'enfant. Et, lorsque nous avions adopté la réforme du Code civil ? je peux me permettre d'en parler, j'y étais ? les spécialistes étaient venus se prononcer, mais il n'y avait pas eu le débat, là, au niveau de la société comme telle.

Je pense qu'effectivement on devrait pouvoir avoir un forum, que ce soit un colloque, que ce soit un forum, tout simplement, un vrai forum national, ou peu importe la forme qu'on lui donnerait, mais qui pourrait ouvrir beaucoup plus et qui permettrait peut-être par sa visibilité de permettre à l'ensemble de la population de s'intéresser à ce sujet-là. Parce qu'au cours de la semaine ? je ne sais pas si vous avez regardé autour de vous, mais ? nos journalistes ont été très discrets sur le sujet, sauf le communiqué du Collège des médecins. Les personnes que j'ai côtoyées en dehors du parlement n'étaient pas vraiment au courant, ne savaient pas vraiment ce qui se passait.

Et, oui, je pense qu'on a des questions à se poser. C'est évident que tout adolescent, toute adolescente se questionne toujours sur son identité, et ça, c'est tout à fait normal. Comment on va pouvoir gérer ça? Votre suggestion par rapport à une comparaison un peu avec l'adoption m'apparaît intéressante, mais il faudrait qu'on puisse en discuter avec tout le monde. Donc, là-dessus, je suis parfaitement d'accord avec vous.

Du côté de votre comparaison avec la loi fédérale, hier, le Conseil du statut de la femme nous disait d'ailleurs qu'il y a un élément intéressant de la loi fédérale qui n'apparaissait pas dans la loi québécoise. Alors, j'aimerais ça connaître votre opinion. Il disait que, dans la loi fédérale, ils appréciaient beaucoup les sept principes qui étaient énoncés et qui donnaient une indication claire au niveau des valeurs ? mais, pour ça, il faut avoir fait un débat de société ? mais qui donnaient une... ? et ils l'avaient fait, le débat, là, le débat avait été fait, là, de ce côté-là ? mais ça donnait des indications intéressantes. Et ils ajoutaient un autre principe, et qui vous rejoint dans votre intervention de tantôt, quand vous avez parlé de l'approche plus globale de l'infertilité, ils souhaitaient qu'on ajoute un autre principe, celui de la prévention de l'infertilité. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce qu'effectivement notre loi québécoise devrait énoncer des principes comme ceux de la loi fédérale?

Mme Deleury (Édith): C'est effectivement une critique qu'on peut faire au projet de loi que nous avons devant nous. Mais on fait référence quand même, dans la loi, à la santé, la sécurité, qui en soi sont des valeurs. La référence à l'éthique est un peu plus large, et c'était un de mes questionnements aussi par rapport aux comités d'éthique qui vont être mis en place, à instituer ou déjà institués, parce que de quelle éthique parle-t-on? On parle de quoi? Des principes qui sont émis par des organismes subventionnaires, comme par exemple l'énoncé de politique des trois conseils, les standards du FRSQ, bon, les codes de déontologie professionnels? Mais de quelle éthique parle-t-on? Parce qu'au niveau de l'éthique il y a aussi un pluriel. Bon. Alors ça, c'est effectivement un problème.

C'est en ce sens-là d'ailleurs que, par rapport à certaines questions que j'ai soulevées, il m'apparaît important que les orientations ministérielles soient sur la table au moment où on va discuter article par article du projet de loi. Et je vous rejoins donc en partie sur la critique que vous faites au projet, sur la question des valeurs, bon, et sur la question bien sûr d'un débat public. Le ministre de la Santé et des Services sociaux a souligné tout à l'heure que des débats, il faut qu'il y en ait, qu'ils doivent continuer, mais il faudrait peut-être aussi qu'on les facilite, ces débats-là, et que, si on cherche à les orchestrer, on fasse en sorte aussi de rester en arrière et d'attendre ce qui va en résulter, non pas de s'y impliquer. Ça, c'est un message que j'entends passer.

Quant à la discussion sur le droit aux origines, je pense, je l'ai dit tout à l'heure, qu'on peut faire face, peut-être bientôt, à un mouvement identique à celui des Retrouvailles. Pourquoi? Parce que, bon, des enfants qui sont nés de ces techniques-là ? vous me direz, l'insémination artificielle, elle existe depuis longtemps ? bon, ils commencent effectivement à être en âge de se reproduire, bon, et à se poser des questions eux-mêmes, bon. Et on assiste à la création d'associations. Il y a des sites Internet qui sont créés effectivement, bon, et qui permettent à des enfants de faire état effectivement de la recherche qu'ils font de leurs antécédents. Alors, pourquoi ne pas effectivement en débattre vraiment? D'autant plus que nous vivons aujourd'hui dans une société où parentalité et parenté se distinguent. La parentalité, c'est une chose; la parenté, c'en est une autre. Et, en ce sens-là, moi, je pense qu'on est peut-être beaucoup plus ouverts. Mais on sait aussi que, pour les enfants, même ceux qui vivent dans des familles qui ont éclaté, qui sont recomposées, qui ont rééclaté, qui se sont reconstituées, il y a toujours en fait une identification à un père ou une mère, avec tout l'amour qu'ils peuvent porter à tous les autres qui sont dans le portrait.

Alors, je pense qu'on doit réfléchir à tout ça et à tout le moins s'interroger, hein, faire un peu d'études, se poser la question et ne pas être confrontés, à un moment donné, à effectivement des revendications qui pourraient être plus perturbantes.

n(10 h 20)n

Mme Caron: Merci beaucoup. Oui, vos réflexions m'amènent aussi à me dire qu'on a regardé beaucoup au cours des derniers jours toute la question physique, les conséquences physiques pour les enfants, les conséquences physiques pour la mère, on a abordé un petit peu les conséquences psychologiques pour la mère, dans certains mémoires, mais on n'a pas entendu de psychologue, par exemple, nous parler des conséquences psychologiques au niveau des enfants. De ce côté-là, on n'a eu personne. Il faut dire que, la consultation, les groupes ont été convoqués avec très, très peu de délai, donc plusieurs n'ont pas pu participer à nos travaux. Cela est d'autant plus regrettable, là, avant qu'on travaille sur l'adoption article par article.

Je veux revenir sur la réglementation. Vous en avez parlé, la transparence, l'importance de la transparence, et, dans mes remarques préliminaires, avec d'autres groupes d'ailleurs aussi, que ce soit le Conseil du statut de la femme ou la Fédération québécoise pour le planning des naissances, on avait qualifié le projet de coquille vide, parce que, sur 50 articles, il y en a 13 que c'est par règlement, donc en fait on ne sait pas véritablement ce que sera le projet de loi n° 89. Le ministre nous a dit que nous connaîtrions les orientations ministérielles... qu'au moment où elles seraient publiées il y aurait des consultations. Mais, moi, je souhaite davantage qu'on puisse prendre véritablement connaissance des réglementations. Ça se fait dans plusieurs projets, de plus en plus, je dirais, et, lorsqu'il y a eu des projets de loi qui engageaient des sujets plus sensibles, des ministres ont carrément déposé... on a carrément étudié la réglementation article par article, ça s'est fait dans le passé.

Alors, du côté de la réglementation, est-ce que vous avez certains avis à nous donner par rapport à ce que cette réglementation-là devrait contenir? Vous avez suivi un peu nos débats, on a eu des suggestions, autant de Dre Janvier, hier, que des autres groupes qui sont venus, est-ce que vous avez des recommandations précises au niveau de la réglementation?

Mme Deleury (Édith): Des recommandations précises, non, mais mes remarques s'articuleraient plutôt autour de grands principes concernant un certain nombre de questions et notamment, dans l'établissement des normes, des balises, de nous dire sur quels critères on va s'appuyer pour dire que ceci, par exemple, relève plutôt de la recherche que de la pratique standard. Ça, je pense que c'est un point qui m'apparaît important.

Et, quant à la technique législative et justement à la large part qui est reconnue au pouvoir réglementaire, il y a, par exemple, quelque chose du projet de loi fédéral qui pourrait être retenu et qui pourrait être intéressant, c'est le fait que, bon, les règlements, en principe, doivent être soumis aux deux chambres pour fins de discussion. Donc, on pourrait envisager aussi que certains règlements, tout au moins certaines parties des règlements puissent faire l'objet effectivement d'une analyse, comme vous l'avez proposé. Il faut reconnaître cependant que ce ne sont pas tous les règlements qui nécessairement soulèvent des questions aussi importantes, bon, que certains vont probablement avoir un caractère extrêmement technique, là, et qu'il faut faire aussi confiance au ministre qui est chargé de les élaborer. Mais je pense que, sur des questions comme celles-là, ça pourrait effectivement être fort intéressant qu'il puisse y avoir une discussion ici, à l'Assemblée nationale.

Mme Caron: J'aimerais revenir, avant de laisser la parole à ma collègue, sur cet aspect que vous avez élaboré beaucoup plus que tous les autres groupes, je dirais, sur cette nuance-là importante entre les activités de recherche et les activités cliniques, finalement. Vous souhaitez d'ailleurs, au niveau de la réglementation, qu'on fasse une distinction importante entre les deux. Selon votre connaissance actuelle, qu'est-ce qui devrait se retrouver du côté de la partie recherche? Sur quels critères on devrait se baser, justement? Qu'est-ce qui devrait se retrouver plus réglementation-recherche que la partie clinique?

Mme Deleury (Édith): Écoutez, quand on utilise des techniques qui n'ont pas fait l'objet d'expérimentation chez l'animal, je pense qu'on peut se poser une question. Ça devrait faire partie de protocoles de recherche, de protocoles de recherche clinique, je pense qu'il faut préciser bien les mots, mais ne pas faire croire non plus en fait aux personnes qui ont recours à ces techniques-là que ce sont des techniques éprouvées, qu'elles sont sans danger pour la femme et l'enfant qui peut en être issu. Donc, en ce sens-là, je pense qu'il faudrait baliser davantage effectivement en regard de techniques nouvelles.

Parce qu'il en apparaît effectivement, aussi, régulièrement, il faut bien l'admettre, des variantes, là, bon, et il faudrait peut-être s'interroger sur les préalables nécessaires avant leur application chez l'humain et le respect effectivement de certaines règles d'éthique qu'on retrouve inscrites et dans le Code de Nuremberg et dans la Déclaration d'Helsinki. Il est quand même inadmissible que certaines de ces techniques-là aient été effectivement utilisées sans que préalablement on n'ait pas scientifiquement en fait validé certains éléments, et s'assurer aussi qu'au plan des risques, même si on ne peut pas tout prévoir, eh bien, on a effectivement fait en sorte que les avantages l'emportent sur les inconvénients.

Mme Caron: J'ai une dernière question. Du côté du Conseil du statut de la femme, on suggérait, outre le registre qui permettrait d'avoir un suivi au niveau des enfants nés par procréation assistée, qu'on ait aussi un suivi au niveau des mères, pour mieux connaître les conséquences, autant physiques que psychologiques, du côté des mères aussi. Est-ce que vous iriez dans ce sens-là?

Mme Deleury (Édith): Effectivement, en termes de suivi, il faut non seulement suivre les enfants, mais aussi les mères. Parce que, bon, on a parlé tout à l'heure de la stimulation ovarienne; on sait que, bon, dans le cas du Clomid, par exemple, il y a eu au départ, quand même, des femmes qui ont fait des expériences douloureuses et parfois même mortelles, bon, et qu'à ce titre-là il va falloir effectivement, je pense, qu'on exerce un suivi sur la santé des femmes qui ont eu recours à ces inducteurs d'ovulation mais qui ont aussi subi, bon, un parcours du combattant, il faut bien l'avouer, là, ponction d'ovocytes, etc., bon, sans compter tout le stress que ça implique pour elles. Bon. Et je pense que le suivi doit être fait aussi bien, effectivement, chez les enfants que chez les femmes.

Et là, bon, il est important d'avoir des statistiques justement, parce qu'encore une fois on s'est lancés dans cette aventure, bon ? et je ne dis pas que ce soit effectivement à bannir ? mais sans mettre en place un dispositif qui permette effectivement de s'assurer qu'on le fait sans qu'il y ait trop de casse ? vous m'excuserez l'expression ? et qu'on puisse effectivement prévenir d'autres risques qui pourraient se présenter. Donc, la dimension prévention, là, prévention, précaution, je dirais, elle est importante, elle est très importante.

Mme Caron: Merci beaucoup. Je laisse la place à ma collègue.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Me Deleury, merci pour la présentation de votre mémoire. Et vous avez mentionné que vous êtes ici à titre personnel, comme professeure de la Faculté de droit de l'Université Laval, mais vous êtes également présidente de la Commission de l'éthique de la science et de la technologie.

Vous avez mentionné au début que, et j'emploie vos termes, ce serait bien d'avoir «un débat plus poussé». Comme ma collègue de Terrebonne le mentionnait, nous, de l'opposition officielle, nous avons demandé un débat public, et actuellement nous n'avons pas un débat public. Vous avez également dénoncé, tout comme ma formation politique, qu'il y a de nombreuses dispositions réglementaires et que ce projet de loi est une coquille vide. Vous avez également mentionné qu'il faudrait d'abord rechercher les causes de l'infertilité, puisqu'on parle de maladie, on parle de conciliation travail-famille, on parle de l'environnement également. Et vous avez soulevé le problème de la filiation. Par la suite, vous avez mentionné que, maintenant, dans d'autres pays, et en particulier la Grande-Bretagne, ils ont décidé d'avoir un débat public.

Est-ce qu'à votre connaissance ici, au Québec, ou au Canada, il y a des poursuites concernant les origines... par les donneurs, des origines de la filiation? Et, dans d'autres pays, est-ce que vous êtes au courant s'il y a des litiges à ce sujet-là?

Mme Deleury (Édith): En ce qui concerne l'établissement de la filiation par rapport aux donneurs, oui, la jurisprudence québécoise, déjà, en fait, en a des exemples, bon, mais il s'agit de dons bien particuliers dans ce cas-là, bon, en matière de filiation, comme vous le savez.

Il y a eu effectivement, dans d'autres pays, des poursuites qui ont été intentées pour des fins d'établissement de la filiation, mais à ma connaissance sans succès, notamment. Mais, si je comprends bien, votre question, c'est de voir si on pourrait établir un lien de filiation avec le donneur? Non?

Mme Beaudoin: Oui.

n(10 h 30)n

Mme Deleury (Édith): Bien, je pense que c'est tout à fait autre chose que le droit aux origines, par contre, hein? Je pense qu'il faut bien distinguer les deux. Et je pense que le principe qui est inscrit dans le Code civil, chez nous, il est celui qui est adopté partout, à ma connaissance, bon, hein, en ce qui concerne l'impossibilité justement d'établir un lien de filiation avec le donneur. Ça, je pense que ça doit rester le principe. Mais la connaissance de ses origines, c'est une autre chose, O.K.? Et c'est pour ça que je parlais tout à l'heure de la Grande-Bretagne qui avait, comme je l'ai souligné, une attitude restrictive et qui est en train d'envisager effectivement de changer de cap et de reconnaître cette possibilité, dans des conditions identiques à celles que j'ai décrites précédemment, là, concernant la recherche d'un équilibre entre les droits des uns et des autres.

Vous parliez de la Grande-Bretagne, et, en Grande-Bretagne, effectivement, bon, pour des questions en fait qui sont des choix de société, bon, on organise, de façon assez efficace, je dirais, des consultations de la population à grande échelle. Évidemment, ça implique beaucoup de moyens, mais ça m'apparaît extrêmement important.

Et quand vous parliez, tout à l'heure, aussi, pour reprendre une de vos interrogations, de la part importante qui est accordée à la réglementation dans le projet de loi, je pense que justement, bon, la présentation des orientations ministérielles et la présentation des règlements devraient faire l'objet... les règlements comme tels devraient faire l'objet d'une discussion, tout au moins quant à certains de leurs aspects.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, c'est tout le temps qui est imparti pour cet échange. Me Deleury, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire.

Et j'invite les représentantes de la Fédération du Québec pour le planning des naissances à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 32)

 

(Reprise à 10 h 34)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes de la Fédération du Québec pour le planning des naissances. Mme Parent, bonjour.

Fédération du Québec pour le
planning des naissances (FQPN)

Mme Parent (Nathalie): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Vous avez 20 minutes pour votre présentation; je vais vous indiquer, le cas échéant, quand il vous reste trois minutes, pour mieux vous aider à conclure, au lieu de vous couper à mi-phrase; et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et, par la suite, d'enchaîner avec votre présentation.

Mme Parent (Nathalie): Merci, M. le Président. Alors, j'aimerais tout d'abord vous présenter Mme Abby Lippman, qui est membre individuelle de la fédération. Abby est aussi présidente du Réseau canadien pour la santé des femmes; elle est aussi professeure au Département d'épidémiologie de l'Université McGill.

Je vous présente aussi Johanne Fillion. Johanne est membre du conseil d'administration de notre fédération; elle est aussi membre fondatrice du Réseau québécois des femmes en environnement; et Johanne travaille à titre de directrice des communications pour l'organisme Action Canada pour la population et le développement.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mme la représentante de l'opposition officielle, députés et membres de la commission. J'aimerais tout d'abord vous remercier d'avoir invité la Fédération du Québec pour le planning des naissances à venir présenter son point de vue sur le projet de loi n° 89, un moment que nous attendons depuis longtemps.

Notre fédération est constituée de groupes de femmes et d'individus qui travaillent à la promotion de la santé reproductive et sexuelle des femmes et à favoriser des choix éclairés en la matière. La fédération s'est intéressée aux technologies de la reproduction humaine depuis leur apparition au Québec, depuis les années quatre-vingt.

Afin de répondre aux demandes d'information que nous recevons, nous avons fait des recherches sur le sujet, analysé des informations disponibles, organisé des sessions de sensibilisation, de formation et débattu collectivement avec nos membres et au sein du mouvement des femmes des questions et des enjeux que soulève ce domaine d'activité. Notre perspective et nos représentations publiques et politiques découlent donc de ces nombreuses années de réflexion et de discussions au sein de notre fédération.

Notre lunette d'analyse étant la promotion et la protection de la santé reproductive et sexuelle des femmes et la promotion de choix éclairés face à la maternité, nous avons rapidement développé un regard critique envers la procréation assistée. Nos réflexions nous ont amenés à croire que des intérêts d'ordre scientifique, commercial ou médical prenaient largement le pas sur les intérêts des femmes individuellement et des être humains collectivement.

Nous avons aussi toujours déploré l'absence de véritables débats publics sur ces enjeux. D'ailleurs, la FQPN déplore le fait que ce projet de loi ne soit pas l'objet de consultation générale, tel que nous l'avions demandé. Nous pensons effectivement qu'un projet de loi qui porte sur des activités qui concernent la création de vies humaines et qui soulève autant d'enjeux éthiques et sociaux aurait mérité de faire l'objet de davantage de débats. Nous espérons que les étapes qui suivent pourront remédier à cette situation.

Le développement effréné des technologies de reproduction humaine s'est effectué dans un contexte caractérisé par un manque d'encadrement et de suivi et aussi par l'absence d'évaluations scientifiques rigoureuses indépendantes à moyen et à long terme. En matière de technologies de reproduction, nous sommes rapidement passés de l'état expérimental à l'état de la pratique clinique, et la science a rapidement pris le pas sur l'éthique. Or, ce manque d'évaluation et d'encadrement et cette expérimentation continue sur les femmes ont toujours été au coeur des préoccupations des groupes et des femmes que nous représentons.

C'est pourquoi nous avions beaucoup d'espoirs face au projet de loi n° 89. Nous souhaitions que ce dernier propose de mettre sur pied enfin un encadrement rigoureux visant en tout premier lieu la protection de la santé et le bien-être des femmes et des enfants qui en sont issus et visant aussi à nous prémunir contre les dérives possibles liées à ce domaine d'activité. Malheureusement, le projet de loi, tel que proposé, ne nous rassure pas du tout, même qu'au contraire il accroît nos inquiétudes, et voici quelques-unes des principales raisons.

Mme Fillion (Johanne): Merci. L'approche globale, ou à tout le moins son absence. En premier lieu, le projet de loi n° 89 malheureusement manque de vision et de perspective globales. En fait, le projet de loi n° 89 ne peut pas faire abstraction du contexte dans lequel s'inscrivent le besoin et le recours à la procréation assistée, qui, au Québec comme ailleurs, ira sûrement en augmentant. Or, le projet de loi ne propose aucune mise en contexte du besoin de recourir à la procréation assistée et ne fait aucune analyse des problèmes d'infertilité ni des nouvelles réalités sociales qui justifient le besoin à de tels services. Il néglige ainsi de prendre en considération les déterminants sociaux, économiques, culturels et environnementaux à l'origine de plusieurs des problèmes de la fertilité.

Une telle approche permettrait pourtant de développer une perspective d'intervention globale et intégrée en santé reproductive ainsi que de développer des alternatives crédibles au recours à des technologies lourdes, coûteuses, non efficaces et risquées pour la santé des femmes et des enfants. Par exemple, les causes possibles d'infertilité demeurent inexpliquées dans 20 % à 30 %, et, lorsqu'elles peuvent être expliquées, les causes sont d'origines multiples: elles peuvent être de nature médicale, comme l'obstruction de trompes ou encore les infections transmissibles sexuellement; comportementales: le stress, le tabac, les conditions de travail; environnementales: polluants organiques persistants, dont la dioxine et le furane, au Québec; ou de nature sociétale. En fait, le report de la première grossesse à des âges plus avancés, où la fertilité naturelle commence à décliner, peut certainement contribuer au recours croissant de la procréation assistée.

n(10 h 40)n

Alors qu'en 1970-1971 seulement 17 % des Québécoises de 30 ans étaient sans enfant, ce taux atteignait 42 % en 1999-2000. On parle d'une augmentation de 166 % chez les femmes de 40 ans et plus, dans un écart de 1981 à 2000, alors qu'on enregistre une baisse de naissances de 43 % chez les femmes de 20 à 29 ans pour le même intervalle de temps. La définition médicale de l'infertilité a également changé au cours des années. Alors qu'en 1968 on exigeait deux ans d'essais avant d'avoir accès aux tests de fertilité ? un délai que certains cliniciens d'ailleurs souhaitent qu'on rétablisse ? on demande maintenant seulement un an d'essai et parfois moins. L'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, quant à elle, établit ce barème à deux ans, et la France exige toujours deux ans.

Les NTR se présentent souvent comme une solution à l'infertilité des couples. Les taux de succès de ces technologies sont très faibles; la grande majorité des personnes qui y ont recours ressortent sans enfant. Pourtant, les NTR ne constituent pas un traitement à l'infertilité. Ces technologies contournent tout simplement le problème de fertilité sans les soigner ni comprendre la cause. On a délaissé la recherche, en fait, sur les causes et les traitements possibles et sur la prévention au profit de l'expansion de l'industrie.

Or, voilà divers exemples de facteurs liés à l'infertilité sur lesquels il serait possible d'intervenir en amont, par exemple: recourir au dépistage systématique de la chlamydia et de la gonorrhée lors d'examens de routine chez les femmes à risque; ou encore encourager la recherche sur les liens entre l'environnement et la fertilité et éliminer les contaminants l'affectant ? certains sont déjà connus; offrir aux personnes dans la vingtaine des mesures socioéconomiques facilitant le projet de fonder une famille lorsque la fécondité est à son maximum; ou encore avoir en milieu scolaire des programmes d'éducation reproductive et sexuelle étayés, complets, intégrant l'approche de santé et la prévention de l'infertilité. Il nous semble paradoxal d'encourager l'accès et le développement des services de procréation assistée sans soutenir la prévention. L'accès à la procréation assistée devrait être en réalité considéré comme un service de dernier recours.

Le projet de loi n° 89 devrait donc inclure, entre autres, une approche globale de promotion de la santé reproductive et sexuelle qui vise aussi à protéger la fertilité future des femmes et des hommes; prévoir des investissements significatifs en matière de recherche afin de clarifier les causes possibles de l'infertilité, de prévention et pour de véritables traitements possibles; s'assurer que le programme national de santé publique inclue des mesures de prévention de l'infertilité; exiger que le temps d'essai de procréation revienne à son rythme de deux ans; voir à l'harmonisation et à l'adoption de mesures pouvant faciliter le projet d'avoir un enfant au moment où la fertilité s'y prête, notamment dans le cadre de l'élaboration de politique familiale, de périnatalité ou de conciliation travail-famille, etc.

Mme Parent (Nathalie): Une autre de nos préoccupations concerne les risques pour la santé. Alors, le projet de loi n° 89 manque aussi de perspective et de préoccupation santé, ce qui nous inquiète au plus haut point. Le milieu de la reproduction humaine utilise encore des technologies et des médicaments controversés et dont les effets à long terme sont peu documentés et peu connus.

En procréation assistée, la ligne entre la pratique et la recherche est bien difficile à tracer. On offre, par exemple, déjà, au Québec, des services incluant la maturation d'ovules in vitro, alors que cette pratique est en réalité encore au stade d'expérimentation. En d'autres mots, la maturation in vitro est offerte aux femmes avant même que son innocuité n'ait été démontrée. L'ICSI, ou l'injection intracytoplasmique d'un spermatozoïde, a été utilisée directement chez les femmes, sans expérimentation animale préalable.

Ainsi, nous savons que des techniques dont l'innocuité et l'efficacité n'ont pas été rigoureusement démontrées sont utilisées. Le développement de ces techniques ne respecte ni le Code de Nuremberg, ni la Déclaration d'Helsinki, ni le principe de précaution. De plus, afin de pallier l'inefficacité de ces techniques et de réduire les faibles taux de succès, on soumet les femmes à des traitements agressifs, lourds et dangereux pour leur santé, tels que les protocoles de stimulation ovarienne. Nous savons que les médicaments administrés aux femmes lors de ces protocoles peuvent occasionner le syndrome de l'hyperstimulation ovarienne, qui, dans ses formes les plus graves, peut conduire au gonflement des ovaires, aux troubles thromboemboliques, des détresses respiratoires ou encore des défaillances rénales nécessitant hospitalisation. Certains soulèvent aussi des questions quant au lien entre ces médicaments et le cancer des ovaires. Donc, il reste encore beaucoup à faire en la matière.

Je ne reviendrai pas, aussi, sur les risques que provoquent ces méthodes-là en termes de provoquer un nombre de grossesses multiples élevé, je sais que plusieurs intervenants ici, à la commission, l'ont déjà fait, de même que les risques que ça occasionne sur les enfants. Moi, je ne reviendrai pas là-dessus, bien que ce soit évidemment une de nos grandes préoccupations aussi.

Donc, le manque d'évaluation des risques à long terme pour la santé des femmes et des enfants, lié aux technologies de la reproduction, est alarmant. Cette absence de suivi ne nous permet pas, encore aujourd'hui, de voir clairement les effets à long terme, et la modification continuelle des procédés ou l'apparition de nouvelles techniques nous démontrent que ce champ d'activité constitue toujours un domaine expérimental. Or, le projet de loi n° 89 ne propose rien de bien concret qui nous permettrait d'être assurés que le développement futur des technologies de la reproduction se fasse dans un cadre de suivi beaucoup plus rigoureux. Il est en fait consternant de constater que le mot «santé» et que la notion de protection de la santé n'apparaissent nulle part dans le projet de loi n° 89, alors qu'il est ici question de création de vies humaines et de recherche sur des sujets humains dans un contexte hautement technologique, expérimental et médicalisé. La FQPN croit que le rôle du MSSS ? du ministère ? n'est pas seulement d'assurer des services de qualité, mais, avant toute chose, de protéger la santé de sa population et de garantir le respect de leurs droits.

Au Québec, aucune donnée nous permettant d'évaluer l'impact des technologies n'est disponible. Le projet de loi québécois ne prévoit aucune disposition afin de pallier à cette lacune majeure non plus. En fait, seules des données statistiques sur les activités de procréation assistée, compilées à partir des rapports annuels soumis par les centres de procréation, sont prévues. Selon le site Web de l'unité d'éthique du ministère, ces statistiques québécoises permettront de connaître l'ampleur et la distribution des services qui sont offerts dans les centres, favorisant une amélioration continue des services de procréation assistée. Ce portrait de la situation est nécessaire, mais ce n'est pas une collecte de données pour des fins d'évaluation et de suivi, ce qui est pourtant essentiel ici.

En fait, la FQPN est d'avis que la collecte de données permettant d'alimenter la surveillance, l'évaluation et le suivi des problèmes de santé liés aux activités de procréation assistée devrait être traitée en priorité dans un projet de loi portant sur ces activités. En cas de problème de santé publique, sans même soulever la question de responsabilité, rien n'est prévu en matière de traçabilité en ce qui a trait aux femmes et aux enfants qui en sont issus.

La FQPN est aussi d'avis que les informations sur les activités des centres de procréation assistée sont d'intérêt public et devraient être accessibles à toutes et à tous. Ces informations, qui devraient être fournies par une instance indépendante et libre de tout conflit d'intérêts, sont cruciales afin de permettre aux femmes de pouvoir prendre des décisions éclairées. C'est pourquoi on propose que le projet de loi inclue donc des mesures visant à prévoir l'évaluation scientifique rigoureuse et le suivi à long terme des activités de procréation assistée quant à leur impact sur la santé des femmes et des enfants issus de ces technologies ainsi que la collecte de données pour ce faire. Le projet de loi devrait aussi s'assurer que les informations concernant les activités de chaque centre de procréation assistée soient accessibles et rendues publiques.

n(10 h 50)n

Mme Fillion (Johanne): La réglementation. Le projet de loi propose un mécanisme d'encadrement et de suivi sous la responsabilité du MSSS. Il est prévu que toutes les normes et conditions de la pratique seront déterminées par règlement, fort possiblement en collaboration avec les professionnels du milieu. En fait, il est impossible à ce stade-ci de connaître les véritables intentions du gouvernement en matière de procréation assistée ni de savoir quels principes celui-ci décidera d'appliquer.

Le projet de loi, s'il est adopté tel quel, consiste donc, dans une certaine mesure, à donner un chèque en blanc. Une loi forte devrait plutôt établir clairement, définir clairement des principes directeurs et des balises éthiques sur lesquels devrait reposer l'encadrement des pratiques et de la recherche.

Les nouvelles technologies de reproduction et les activités de procréation assistée soulèvent aussi de nombreuses questions éthiques. On ne peut pas les passer sous silence. Tout en permettant à quelques couples d'avoir un enfant, les NTR ont aussi ouvert la porte à toute une série d'expérimentations et de recherches sur le matériel humain, la fécondation, les biotechnologies et le génie génétique. On ne peut pas les diviser. Étroitement liées aux technologies de diagnostic préimplantatoire et prénatal, les NTR participent à un mouvement discutable de programmation de la conception, de sélection des enfants à naître pouvant mener tout droit à l'eugénisme.

Qui décidera quoi faire face aux mères porteuses, aux dons d'embryons pour des fins de recherche, à l'anonymat des donateurs? Une femme de 67 ans pourra-t-elle avoir accès aux services? Ouvrirons-nous la porte à la compensation des dons de gamètes? Dans quelles circonstances permettrons-nous l'utilisation du diagnostic préimplantatoire? Les questions éthiques et sociologiques que soulèvent les NTR sont, de notre avis, beaucoup trop importantes pour qu'elles soient discutées dans le cadre d'un processus d'élaboration de réglementations et qui vise malheureusement l'amélioration des techniques plutôt que leur délimitation, tel que le propose le projet de loi. Ces questions se doivent d'être l'objet de débats publics et de sensibilisation et d'éducation du public.

Ainsi, un projet de loi qui baliserait dans les grandes lignes ce qui constitue ou non une pratique acceptable nous semblerait plus à même de garantir les buts de protection de la population que de s'en remettre aux professionnels du milieu qui décideraient eux-mêmes ce qui constitue une pratique acceptable. De même, ces balises, compte tenu des enjeux éthiques et sociaux qu'elles soulèvent, se doivent d'être définies par l'entremise de processus garantissant transparence et absence de tout conflit d'intérêts.

Instances indépendantes. Le désir d'avoir un enfant exige que le caractère volontaire et éclairé du consentement soit évalué, inspecté de près. Il s'agit ici d'éviter certaines formes de rétention d'information ou certaines formes de manipulation.

Nous ne pouvons nier l'existence du rapport de pouvoir qui existe entre un médecin et ses patients et, qui plus est, entre un médecin et un couple qui souhaite ardemment avoir un enfant. Les médecins et scientifiques peuvent aisément se trouver dans une position délicate entre la protection de la santé d'une femme et son désir de devenir parent, d'une part, et la découverte possible par l'expérimentation ou encore l'augmentation des taux de succès, d'autre part.

Dans ce contexte...

Le Président (M. Copeman): Mme Fillion, il vous reste 2 min 30 s.

Mme Fillion (Johanne): ... ? excellent, merci ? est-il est réellement bien sage de promouvoir l'autorégulation? L'excitation de la percée scientifique est extrêmement compréhensible, mais, dans un contexte de santé, elle doit être contrôlée au meilleur de nos capacités, au meilleur des capacités de notre société.

Pour toutes ces raisons, la FQPN recommande que l'encadrement de la procréation assistée et de la recherche connexe soit assurée par une structure indépendante du milieu et redevable à l'Assemblée nationale. Cette structure devrait être composée de scientifiques qui ne sont pas en conflit d'intérêts, de spécialistes en éthique, de sociologues, de psychologues, de représentantes et représentants de la société civile, le tout comprenant, au moins à 51 %, des femmes. Cette instance québécoise pourrait donc avoir comme mandat, entre autres: définir des normes de pratique de la procréation; la promotion et la protection de la santé et du bien-être des populations et la préservation de l'intégrité humaine; réaliser l'évaluation scientifique et sociale et le suivi à long terme quant aux NTR et à leur efficacité et innocuité. J'en passe quelques-unes pour laisser le mot de la fin à ma collègue.

Mme Parent (Nathalie): Alors, nous questionnons grandement, en conclusion, comment les membres de cette commission et les députés de l'Assemblée nationale pourront exercer un vote éclairé, si ce projet de loi est adopté tel quel, alors qu'il ne propose ni mise en contexte, ni mécanisme rigoureux de suivi, qu'il renvoie l'élaboration des lignes directrices concernant les normes et conditions de pratique et de recherche en processus de réglementation et qu'il ne donne aucun alignement face aux nombreuses questions éthiques et sociales que soulève ce domaine d'activité.

Nous espérons donc vivement que les membres de cette commission verront à y apporter des modifications majeures, telle que la mise sur pied d'une instance indépendante, qui pourront rassurer les femmes et la population en général quant à leur santé, celle de leurs enfants et des générations futures. Nous espérons aussi que cette commission s'inquiétera de l'impact de ces technologies qui transforment les individus et leur capacité de transmettre la vie parfois en simples objets, en instruments ou, voire même, parfois en marchandises.

Ces questions doivent être l'objet de débats publics afin de s'assurer que le développement de la procréation assistée soit vraiment à l'image des valeurs, des besoins et des aspirations de l'ensemble de la collectivité, que l'éthique prenne le pas sur la science et non l'inverse. Merci pour votre écoute.

Le Président (M. Copeman): Merci, mesdames. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Parent, Mme Fillion, Mme Lippman, pour votre visite aujourd'hui, une communication, comme beaucoup dans cette commission, très intéressante. Je voudrais faire quelques remarques sur le mémoire que vous venez de présenter et ensuite, peut-être, faire un échange sur quelques éléments.

Je dirais que l'orientation réglementaire va être préservée, et ça apparaît nécessaire, parce que c'est un champ d'action en changement perpétuel, et, dans 10, 15, 20, 25, 30, 35 ans, il y aura, toutes les années ou tous les cinq ans, des changements auxquels il va falloir s'adapter.

Cependant, il y a un élément de votre critique ? et d'ailleurs on est là pour bonifier le projet, on n'est pas là pour adopter le projet comme il est là mais pour lui apporter des améliorations; mais, il y a un élément de critique ? avec lequel je dirais que je suis assez d'accord, c'est que le projet de loi, dans son préambule ou dans son introduction, manque probablement de vision globale ou d'énoncé de principes fondateurs. Et ça, la loi fédérale, par exemple, l'a fait, et ce serait peut-être utile de le faire. D'ailleurs, c'est souvent une omission que je remarque dans les projets de loi, c'est qu'on est tellement préoccupé de la façon dont on doit instrumentaliser tout ça qu'on oublie de décrire ou de nommer les principes sur lesquels on s'appuie pour la loi en question.

Je ne pense pas... là, je suis un peu en désaccord avec vous, je ne pense pas que le projet de loi est un encouragement à l'utilisation des technologies de reproduction assistée, mais, au contraire, plutôt un encadrement depuis longtemps souhaité. Vous le dites vous-même, ça fait des années qu'on attendait qu'on fasse ce geste-là. Bien sûr, la législation fédérale est un stimulant qui objectivement a joué un rôle dans cet élément-là. Mais, tant mieux; pourquoi pas utiliser ce stimulant-là pour poser ce geste-là?

Et, le débat public, il existe, il existe depuis des années, il existera. Et ce n'est pas que le gouvernement qui anime des débats publics, il y a également la société civile, les organismes tels que le vôtre, qui doivent le faire. Et ça n'arrêtera pas avec le projet de loi. On ne prétend pas l'arrêter avec le projet de loi.

Je dirais cependant qu'il y a, bon, un biais que je retrouve souvent dans les consultations en commission parlementaire sur les projets de loi, c'est qu'on essaie de trouver toutes les réponses à tout dans une pièce législative. Et ce n'est jamais ce qui se produit. Parce qu'il y a beaucoup de choses que vous mentionnez qui ne seront jamais dans un projet de loi sur le sujet en question au cours des prochaines années. Par exemple, il y a des pièces de loi qui existent déjà, et un des principes de législation, c'est que le législateur ne se répète pas: ce qui existe déjà dans un projet de loi, on ne le répète pas machinalement dans un autre projet de loi, mais on sait qu'il existe. Par exemple: la loi santé et services sociaux; le Code civil, comme vous le savez, a des dispositions importantes; les lois récentes sur le Commissaire à la santé, notamment sur l'éthique et le forum de la population... est également une disposition qui existe et qu'on n'a pas besoin de répéter dans ce projet de loi là; de même que la loi qui constitue l'Agence d'évaluation des technologies et modes d'intervention en santé. Donc, il y a plein d'éléments qui sont déjà dans le corpus législatif.

Et beaucoup d'éléments que vous avez mentionnés, comme les aspects sociaux, les aspects de prévention de l'infertilité, on ne les trouvera jamais dans un projet de loi comme ça. Par contre, on va les trouver dans la remise à niveau de la politique de périnatalité, qui va être publiée par le ministère à la fin de l'automne ou au début 2007 au plus tard. Donc, tous ces éléments de contextes sociaux, les éléments de prévention... Puis, on a vu, dans la commission parlementaire, qu'il y a des causes identifiables à l'infertilité, notamment la question des maladies transmises sexuellement, notamment la question de l'âge plus tardif auquel les couples décident de procréer. Mais ça, on ne trouvera pas ça dans un projet de loi, on n'a pas à le trouver non plus. Cependant, on le trouvera dans les énoncés de politiques et des actions qui sont multisectorielles dans cette question-là. Même chose également: l'encadrement des ordres professionnels, il existe déjà sur le plan législatif.

Bien, pour ce qui de votre recommandation sur la structure indépendante, je dirais que, ce n'est pas un secret, de notre côté, on assez réfractaires à l'addition de nouvelles structures gouvernementales, mais on pense plutôt que les structures existantes peuvent être mieux utilisées. Et je reviens encore une fois à cette suggestion qu'on a faite à plusieurs reprises et je crois que le Commissaire à la santé et au bien-être, qui est en voie d'être nommé actuellement par un comité de l'Assemblée nationale et extra-Assemblée nationale, avec un forum de la population et avec l'obligation d'avoir un commissaire adjoint à l'éthique, il peut agir de sa propre initiative, ou le gouvernement peut lui demander un avis sur une question, qui doit obligatoirement être soumise au forum de la population et déposée à l'Assemblée nationale. Donc, vous voyez, là, il y a énormément de possibilités d'encadrer tout ça. Alors, je voulais faire cette mise en contexte qui m'apparaissait utile.

Je voudrais vous demander votre position, parce que j'ai senti non pas une opposition, je ne pense pas que vous vous opposez aux technologies, vous êtes à bon escient prudentes devant leur utilisation et vous mettez certaines choses dont on doit se prémunir. On a eu plusieurs représentations ici, où on nous a dit que le Québec devrait être encore plus généreux financièrement qu'il l'est et plus financer, sur le plan public, les technologies de reproduction assistée. On a remarqué par ailleurs, et c'est toujours la réponse que nous faisions, que le Québec est déjà, au Canada, la province qui finance le plus généreusement ces technologies-là, avec un crédit d'impôt qui n'existe pas ailleurs. Mais quelle est votre position sur l'accessibilité à ces techniques-là et sur le financement public de ces techniques-là? Est-ce que vous avez réfléchi à la question?

Bien sûr, vous voulez qu'on investisse plus en amont, on a compris ça, puis c'est normal. C'est ce qu'on fait de toute façon, parce qu'il se fait beaucoup de choses actuellement dans les domaines de la prévention des MTS et autres. Mais, sur cette question spécifique du financement public et de l'accessibilité à ces technologies, comment est-ce que vous envisagez ça?

n(11 heures)n

Mme Parent (Nathalie): Effectivement, on en a déjà discuté un peu, et, premièrement, notre préoccupation pour mettre davantage de mesures de prévention est un premier objectif qu'on souhaiterait voir davantage réalisé, et, tant qu'on ne sentira pas qu'il y a autant d'effort qui est fait en matière de prévention que de développement des techniques, on serait bien malaisé de favoriser un financement de ces services-là.

Notre autre principale préoccupation, c'est aussi le fait qu'on ne connaît pas les effets à long terme de plusieurs de ces techniques. Elles ont été mal évaluées, elles sont peu documentées et elles sont encore... donc elles comportent encore des risques pour la santé. Et, tant et aussi longtemps que la majorité de ces technologies... l'innocuité de la majorité de ces technologies n'aura pas été démontrée, on s'inquiéterait aussi de prévoir la couverture de ces technologies qui demeurent encore risquées.

Donc, prévention, qu'on en fasse davantage, et aussi qu'on évalue davantage les risques pour la santé avant d'offrir la couverture de ces services.

Mme Lippman (Abby): Si je peux ajouter un commentaire?

Le Président (M. Copeman): Mme Lippman.

Mme Lippman (Abby): Merci. Je pense que les questions... on doit demander qu'est-ce que c'est, le problème, pour que les technologies soient les réponses. Si, le problème pour l'infertilité, c'est un problème social, pourquoi utiliser une technologie médicale pour une réponse pour ceci? Et c'est dans ce cas où vous avez demandé si nous sommes contre. Je pense que nous pourrions supporter des technologies où il y a des données qui disent que c'est efficace, c'est sain et ça fait des choses nécessaires pour les problèmes qui existent, mais pas utiliser les technologies raffinées pour les problèmes sociaux.

M. Couillard: Je vais vous poser un problème très concret qui nous a été présenté hier par Dre Janvier ? vous pourrez lire son mémoire, il est fort intéressant d'ailleurs ? qui est une néonatologiste de l'Hôpital pour enfants de Montréal. Elle nous fait remarquer que, dans le cadre actuel, il y a beaucoup de pression bien sûr des citoyens puis des femmes en particulier, pour cette question de la maternité déclenchée par les technologies, qui fait qu'en pratique il y a des implantations d'embryons multiples.

Et là il y a des problèmes qui viennent de l'implantation d'embryons multiples: d'une part, c'est que ? et c'est dur de dire ça comme ça, mais c'est la réalité ? il faut en sélectionner, il y a un moment où il faut décider qu'on en enlève un ou deux, une façon élégante de dire qu'on termine leur existence biologique; puis il y a également le fait que ces embryons multiples créent des naissances multiples, qui créent la prématurité, qui crée des problèmes médicaux chez les enfants, qui crée des dépenses pour le système de santé.

Alors là, il y a une sorte d'équilibre, puis je me demande où est votre zone d'équilibre à vous, là, entre l'accessibilité ? parce que les gens vont demander ces technologies-là, les femmes qui vous écoutent, elles vont se dire: Bien, j'espère qu'ils ne vont pas m'empêcher d'avoir accès à ça; alors, l'équilibre entre l'accessibilité ? aux technologies et puis les conséquences sociales et médicales des techniques, avec cet enjeu spécifique du nombre d'embryons, du financement public.

Parce que, si, par hasard, on normait le nombre d'embryons à implanter, parallèlement il faut avoir un financement quelconque, sinon il y aura une obstruction complète à l'accessibilité, parce que c'est plus de cycles, c'est plus de procédures, puis les femmes ne pourront pas se le payer. Alors, comment est-ce que vous faites cet équilibre? Quelle serait votre réponse à cette question-là?

Mme Parent (Nathalie): Effectivement, c'est un dilemme absolument... c'est très difficile à répondre. Je pense que notre préoccupation première, c'est de vraiment... que les femmes aient accès à des techniques dont l'innocuité a été démontrée. Tant que les techniques comportent encore des dangers importants et pour elles et pour les enfants, on trouve ça difficile de couvrir ce genre d'activités qui comportent quand même des dangers.

C'est vrai que l'efficacité des techniques aussi fait en sorte qu'on doit pallier à leur inefficacité en faisant plus d'essais, etc. D'après la littérature internationale, on est en train de dire que peut-être le transfert d'un embryon provoque des taux de succès... devient de plus en plus équivalent à des résultats suite au transfert de deux embryons. Il faut vraiment bien évaluer tout ça. On ne connaît pas vraiment ce qu'il en est en termes des résultats ici, dans les cliniques du Québec.

Je crois que ce qu'on voudrait, on voudrait que les femmes aient accès à des techniques et des technologies qui sont aussi en mesure de protéger leur fertilité future ou aussi de protéger leur santé. Dans le fond, c'est ce qu'on répondrait principalement aux femmes: que notre préoccupation de préserver leur santé va au-delà d'avoir accès à des services qui concourent des risques.

M. Couillard: Mais encore une fois pensons à ces personnes qui liront nos propos ou qui regardent puis qui sont dans un... Vous savez le niveau de désespoir auquel arrivent les couples quand ils veulent procréer; c'est un instinct qui est fort chez l'être humain. Alors, il ne faut pas se conter d'histoires, si on crée des barrières à l'accessibilité aux technologies au Québec, ces couples-là, ils vont aller les chercher où elles existent. Ce n'est pas très loin, il y a quelques milles de voiture puis on est rendu. Et là il n'y a absolument aucun contrôle de l'État québécois ou du système de santé sur ce qui se produit à Boston ou à Baltimore.

Est-ce qu'il n'y a pas lieu justement de préserver cette accessibilité-là de façon raisonnable, mais de l'encadrer, comme vous le dites? Je veux être certain que votre message n'est pas interprété comme étant un frein à l'accessibilité aux technologies pour les femmes du Québec.

Mme Parent (Nathalie): Peut-être qu'on pourrait regarder quelles sont les technologies qui sont les moins lourdes et qui ont le moins de conséquences. M. Bissonnette a présenté ici les cas de fertilité, de fécondation in vitro naturelle, ou quand on parle d'insémination artificielle sans hyperstimulation ovarienne. Ce sont des techniques qui, bon, sont moins lourdes de conséquences pour la santé. Donc, on pourrait évaluer quelles sont les techniques qui, on juge, sont assez adéquates, efficaces et aussi assez adéquates pour pouvoir les couvrir.

Il y a peut-être aussi, dans certaines circonstances, pour les causes d'infertilité qu'on pourrait couvrir ou non. Mais tout ça est un peu sujet à débat, justement. Et qu'est-ce qui prime comme préoccupation au sein de la population? Est-ce que c'est la protection de la santé ou est-ce que c'est le résultat au détriment de la santé? Donc ça, c'est une des questions, par exemple, qu'on aurait souhaité qui soient largement débattues et en commission et dans le public en général.

Mme Fillion (Johanne): Et je vous retourne la question éthique, parce que c'est une question aussi éthique, le droit à l'enfantement, et tout ça. Qu'est-ce qu'on dit aux femmes qui ont dépensé des sommes faramineuses et qui se retrouvent avec un échec en bout de ligne, après trois ou quatre reprises? Et ça, c'est la majorité, ce n'est pas la dame qui se retrouve aux prises avec un choix crucial de garder deux ou trois embryons. La majorité, dans les nouvelles technologies de reproduction, à l'heure actuelle, elles se retrouvent sans rien. Alors, je dirais qu'il faut absolument, si une femme décide de se tourner vers les nouvelles technologies de reproduction avec son conjoint, ou sa conjointe, ou peu importe, si elle décide de le faire, elle doit avoir toutes les connaissances, toutes les données possibles sur la table, parce que ce n'est pas une mince affaire psychologique à passer au travers.

Ça fait que je pense qu'il faut aussi... C'est la raison pour laquelle, nous, on favorise, un, le principe de précaution, parce qu'au moins on peut garantir une innocuité à quelque part, au moins on enlève toute la pression des effets secondaires de la santé dans le choix que la dame devra prendre; et, deux, pour suivre ce qui se fait à l'heure actuelle dans les cliniques, il faut se lever de bonne heure, et il y a des secrets professionnels, et il n'y a pas de partage d'informations, et tout ça. Alors, des instances... C'est dommage de devoir créer une instance, mais la science de la nouvelle technologie de reproduction est tellement avancée qu'on est à contre-courant, on essaie de rattraper son avancement et non pas de la régir et de la contrôler à son démarrage.

M. Couillard: Mais, très brièvement, M. le Président, encore une fois, soyons lucides, là, si on intervient de façon trop rigoureuse et trop étroite, il n'y en aura pas moins, il y aura autant de femmes sinon plus qui vont aller ailleurs, hors Québec, se faire faire des technologies puis qui vont complètement échapper au contrôle gouvernemental. Alors, moi, je dirais que cet aspect-là, il ne faut pas l'oublier.

Je vais faire un parallèle qui va vous sembler très lointain mais qui est quand même, d'après moi, un parallèle qui s'applique. Prenez la question du jeu, les casinos. Bon. On pourrait dire: Bien, qu'est-ce que l'État fait à encadrer le jeu, puis à avoir des casinos, puis tout ça? Mais on sait que l'alternative, c'est quoi? L'alternative, c'est le crime organisé puis tout ce qui vient avec le crime organisé. Alors, il y a un rôle puis il y a une justification à ce que l'État joue un rôle dans cette question-là. Puis il y a d'autres exemples comme ça.

Puis je dirais que ? je vais finir, parce que mon temps achève, puis bien sûr vous pourrez répondre, puis les collègues de l'opposition et du côté ministériel vont également vouloir discuter avec vous ? cette question-là, moi, je l'envisage essentiellement dans une question de santé, avec une définition large, «santé» incluant santé publique. Un jour, on m'a demandé pourquoi je ne finançais pas... ou pourquoi le ministère ne finançait pas les technologies de reproduction, et j'ai eu cette réponse qui m'a valu des critiques, mais à laquelle je crois: c'est qu'enfanter, ce n'est pas un droit fondamental, c'est un besoin, mais ce n'est pas un droit fondamental auquel absolument l'État doit répondre.

Cependant, assurer la santé et la sécurité des personnes, incluant les enfants à naître, ça, c'est une responsabilité qui est de l'ordre des responsabilités de l'État. Et, si l'État ? et encore je répète ça; si l'État ? est trop ambitieux dans son contrôle, fait en sorte qu'il brime l'accessibilité à ces technologies qui existent et existeront toujours, elles vont tout simplement se déplacer hors Québec, ces technologies.

n(11 h 10)n

Mme Parent (Nathalie): Le rôle de l'État aussi est de s'assurer que les technologies sont les plus saines et fiables possible. On a vu dans le passé des problèmes de protocoles et d'expérimentations qui ont exigé des retraits de médicaments ou de produits. On voit des compagnies qui se donnent elles-mêmes des mises en garde pour ne pas être poursuivies en recours collectif par la suite.

Moi, les questions que je... et ce sont toujours des questions éthiques, l'échange est intéressant, le jeu est comparable aussi. Est-ce qu'on va permettre à la femme qui réussit à enfanter par les nouvelles technologies de reproduction de se faire rembourser et, celle qui ne réussit pas, de ne pas se faire rembourser parce qu'il n'y a pas de résultat concluant en bout de ligne? Ça ne peut pas être pris à la légère comme type de décision.

Et pourquoi ne pas ? je fais l'analogie au jeu; pourquoi ne pas ? faire toute la prévention? On vient d'allouer, je pense, les 47 millions comme campagne de prévention pour le jeu compulsif; on est encore embryonnaires, à cette étape-là, dans le projet de loi.

M. Couillard: ...très, très brièvement. Le crédit d'impôt actuel, il n'est absolument pas lié au succès de la technique. Qu'il y ait ou pas succès, il est disponible, le crédit d'impôt.

Mme Fillion (Johanne): ...remboursement des coûts aussi.

M. Couillard: Très bien. Merci.

Le Président (M. Copeman): Dre Lippman.

Mme Lippman (Abby): Pour ajouter, parce qu'une de vos assomptions, M. le ministre, c'est que les choses ailleurs restent comme telles. Mais, dans plusieurs pays, même aux États-Unis, où on prend des cobayes dans ces domaines, on a créé des limites, et alors ce n'est pas nécessaire de penser que, si les limites existent ici, au Québec, on peut aller ailleurs pour faire les choses. Ce n'est pas le cas du tout. Tout le monde est au courant qu'on a fait les jeux avec la santé des femmes et des enfants qui sont issus de ces technologies, et on doit vraiment encadrer des choses.

Et une des autres raisons pour le faire, des questions d'accessibilité, c'était beaucoup des conflits d'intérêts chez les cliniciens qui font les choses. Parce qu'on peut lire des choses, chacun veut avoir le premier texte dans les journaux médicaux qui démontre que c'est la première fois que quelque chose est arrivé. Et alors on crée un glissement entre la recherche et la pratique clinique, et c'est une des autres choses.

Et, si vous me permettez vite une chose, juste pour la question de l'instance et toutes les choses... Je suis heureuse, si je vous ai compris bien, que vous pensez peut-être que ça vaut la peine d'un préambule dans le projet de loi. Parce que, s'il y a un préambule qui énonce des principes, ça donne, pour les personnes qui remplissent les lois, pour faire attention à ces principes: est-ce qu'une réglementation est en accord ou non avec ces principes?

L'autre chose avec les principes est la question de l'instance. Le problème pour moi dans ce domaine, et je travaille dans ce domaine depuis très longtemps, c'est: chacun fait ses choses dans un silo ? ce n'est pas un mot français, mais... ? chacun dans son coin, et on a besoin et c'est essentiel d'avoir un point qui fait une liaison entre chacun qui font des choses: la génétique, la reproduction, la procréation, chacun avance seul. Et, sans une instance qui peut avoir un chapeau pour toutes ces choses, on laisse la porte ouverte à des choses méchantes.

Le Président (M. Copeman): Il reste à peine deux minutes; je vais me prévaloir de mon droit de parole également. Il me semble, Mme Fillion, entre autres, vous avez mis le doigt là-dessus, toute technique, intervention, technologie médicale comporte des risques, tout. Moi, je n'en connais pas une qui est complètement sans risque, que ce soit un test d'amniocentèse, ça comporte des risques; je me suis fait opérer récemment pour les cataractes, ça comporte des risques; quand on prend des médicaments, ca comporte des risques.

Je pense que la question est plutôt la suivante: Est-ce que les patientes et les patients sont capables de prendre des décisions éclairées? Parce qu'il y a une zone de confort pour tout le monde. Est-ce que j'accepte une intervention chirurgicale pour corriger la cataracte? Dans mon cas à moi, on a tout fait pour éviter ça, parce que le chirurgien a dit: Écoutez, la dernière option, c'est la chirurgie. Alors, on a fait beaucoup de choses pour tenter. Mais, à un moment donné, on arrive à la conclusion, et j'ai assumé moi-même les risques associés à toute intervention. Alors...

Mme Fillion (Johanne): ...gens malades. Et on ne guérit pas l'infertilité, on contourne le problème de fertilité. À cet égard-là, je vous dirais que, et on en parle dans notre mémoire, on parle du principe de précaution, la médecine l'utilise depuis plusieurs années, on le voit plus notablement exprimé dans la question de l'environnement et le lien en santé, environnement et enfant.

Mais je dois vous dire que l'objectif principal de la Santé publique, qui est la prévention, c'est un mariage parfait avec le principe de précaution. C'est-à-dire que le principe de précaution ? et je sais qu'il y a eu des discussions autour de la table à cet égard-là; le principe de précaution ? c'est tout simplement de ? comment je vous dirais ça? ? de mettre en action... tenter de prévenir tout simplement un danger ou des risques, même si les liens de cause à effet ne sont pas démontrés scientifiquement.

Et on entreprend une démarche en quatre étapes, alors c'est quatre lignes directrices: on adopte une action préventive, alors il y a action; deux, on demande que le fardeau de la preuve de l'innocuité ne soit pas reposé sur la personne qui subit le risque, mais sur la personne qui risque de générer le risque ? dans ce cas-ci, on parlerait des gens qui sont responsables de l'activité; on demande aussi de considérer ça dans une perspective globale, c'est-à-dire qu'on regarde toutes les alternatives potentielles avant d'en arriver au combat ultime.

Le Président (M. Copeman): Je comprends. Et j'ai saisi la nuance, la différence importante entre des gens qui sont malades puis des gens qui ne le sont pas. La précaution... la prévention fonctionne, puis je pense que tout le monde autour de la table est favorable à ça. Néanmoins, rendu à un certain âge, un couple qui n'a pas réussi pendant des années à produire un enfant de façon naturelle va recourir à des techniques qui comportent des risques, on s'entend tous là-dessus.

Puis peut-être un dernier commentaire. Vous indiquez, à la page 5, une recommandation: «Que le temps d'essai de procréation sans contraception soit prolongé d'un à deux ans avant de rechercher les causes d'infertilité.» On a eu des débats à cette commission, sur un autre projet de loi, sur le rôle du législateur. Moi, mon point de vue, c'est que le rôle du législateur n'est pas de légiférer dans la pratique professionnelle. Je vois très mal comment un projet de loi va dire: Non, il faut que vous attendiez deux ans avant qu'on commence les recherches pour cause d'infertilité.

C'est la pratique médicale qui est encadrée par le Collège des médecins, par des comités d'éthique, par toutes sortes... Mais, quant à moi ? une opinion très personnelle ? ce n'est pas le rôle d'un législateur de déterminer, si vous me permettez l'expression, «to micromanage» notre système de santé à ce point-là. C'est le commentaire que je voulais faire. Dre Lippman, oui. Brièvement.

Mme Lippman (Abby): Juste sur une chose, sur la question du consentement éclairé. La question que je vous poserai est: Qu'est-ce que c'est, le consentement? C'est pour une pratique, une clinique, ou c'est pour la recherche?

Quand Mme Parent a parlé de maturation in vitro des ovules, pour nous, c'est vraiment une chose expérimentale. Quand une femme cherche une pratique comme ça, est-ce qu'elle signe un consentement de recherche, avec un protocole de recherche qui est approuvé par un comité d'éthique dans un hôpital, ou c'est un consentement pour la clinique? Si c'est pour une clinique, c'est tout un autre domaine. Et, si c'est pour la clinique, qu'est-ce que c'est, les données qu'on peut donner à quelqu'un? Parce qu'on n'a pas le suivi essentiel, nécessaire. Qu'est-ce que c'est, les risques liés aux traitements qui existent?

C'est bien évident, avec la mauvaise expérience en Corée, il y a quelques mois, où peut-être 20 % des femmes qui ont donné leur consentement pour avoir une extraction des ovules ont été hospitalisées. Et, dans ce cas donné, on ne sait pas le risque; c'est difficile de donner le consentement éclairé.

Le Président (M. Copeman): Je comprends. Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine et d'action communautaire.

n(11 h 20)n

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, Mme Parent, Mme Fillion, Mme Lippman. Merci pour votre mémoire, qui est très instructif, et plus de 25 recommandations. Mais je veux vous remercier aussi non seulement pour votre présentation, votre mémoire, mais toute l'action que vous menez depuis le début des années quatre-vingt sur ce sujet pour essayer justement de donner un meilleur choix éclairé aux femmes et aussi de demander au gouvernement de mieux encadrer tout ce qui touche ? et j'ai aimé beaucoup, beaucoup votre façon de le dire; tout ce qui touche ? la création de vies humaines.

Puis je pense que, quand on le dit comme ça, ça amène plus la perspective, aussi, sociale et non seulement technique. Parce que, quand on parle de procréation assistée, on dirait qu'on aborde plus l'angle très technique que lorsqu'on parle création de vies humaines. Alors, je vous remercie beaucoup pour toute cette action que vous avez menée partout à travers le Québec.

Concernant la réglementation, bien c'est bien évident que je partage votre avis et celui de nombreux groupes qui vous ont précédées sur l'importance de connaître la réglementation et s'assurer aussi qu'au niveau de la loi on ait des éléments précis dans la loi. Moi, je ne suis pas capable d'appuyer l'évaluation du ministre à l'effet que, parce que les techniques évoluent rapidement puis parce qu'il y aurait des changements dans 10 ans, 15 ans ou 20 ans, qu'on ne peut pas mettre des éléments précis dans la loi.

C'est vrai pour tous les domaines, peu importe le projet de loi qu'on adopte. Écoutez, je suis parlementaire depuis 16 ans, on a retouché à peu près à tous les projets de loi régulièrement. Ça se fait, là, on n'attend pas nécessairement 10 ans, 15 ans ou 20 ans. On le fait régulièrement. Alors, pour moi, là, relégiférer sur un sujet aussi capital parce qu'on sent qu'il y a un besoin, là, ce n'est pas un obstacle, c'est quelque chose qui se fait régulièrement, et je suis très à l'aise avec ça. Ce ne serait pas, là, quelque chose de différent par rapport aux autres lois qu'on adopte.

La question aussi d'un organisme indépendant, elle m'apparaît capitale. Le ministre disait qu'il n'aimait pas créer de nouvelles structures, mais le Commissaire à la santé, c'en est une, nouvelle structure, hein? On enlève des fois des choses. Nous aussi, on en a enlevé des... on en a enlevé certains, on avait même un rapport là-dessus, on en a ôté, on en a recréé, on en a refait. Je pense que ce qui doit nous guider, c'est beaucoup plus: Est-ce qu'on en a besoin? C'est ça, la vraie question: Est-ce qu'on a besoin d'un organisme indépendant?

Alors, ma première question, elle va être à ce niveau-là. Est-ce que vous pensez qu'on a besoin d'un nouvel organisme indépendant pour encadrer d'une manière nationale ce dossier-là, ou si vous croyez que, tel que semblait le proposer le ministre depuis hier, que ce soit le Commissaire à la santé, par son adjoint, là, à l'éthique, ou que ce soit la Commission de l'éthique de la science et de la technologie qui aurait une... ou les deux, là, qui auraient une partie chacun du dossier? Est-ce que vous seriez à l'aise avec ça ou vous préférez vraiment un organisme indépendant? Puis pourquoi?

Mme Parent (Nathalie): Nous, effectivement on préfère vraiment un organisme indépendant. On est conscientes que ça nécessite de nouvelles ressources, mais on ne croit pas que ce doit nécessairement être une structure très lourde. Elle se doit d'être flexible, comme c'est vrai que la pratique et l'évolution de ces technologies-là évoluent de façon très rapide.

On s'est penchées un peu sur la question à savoir si le Commissaire à la santé pouvait être une instance intéressante, et on en est venues à la conclusion que non, parce que le mandat du Commissaire semble être surtout d'apprécier la performance du réseau de la santé publique plutôt que de véritablement promouvoir et protéger la santé de la population. Et, nous, ça, c'est l'approche que nous trouvons que l'instance d'encadrement devrait privilégier.

Le Commissaire semble aussi avoir un mandat principalement au niveau du réseau public de la santé, ce qui ne couvrirait pas les cliniques privées de fertilité. Le Commissaire ne semble pas avoir de mandat d'élaborer des lignes directrices en matière de pratique et de recherche, ce que, nous, on souhaite que l'instance fasse.

Il nous semblait aussi qu'avec l'analyse des questions du financement du système de santé l'assiette du Commissaire nous semblait aussi assez pleine, et on doutait de sa capacité à prendre aussi en main l'encadrement de la procréation assistée, qui est un domaine très vaste, complexe et qui, on le sait, touche différents aspects aussi bien médicaux, que sociaux, qu'éthiques. Il y a certains groupes qui ont aussi remis en question l'indépendance du Commissaire à la santé parce qu'il est rattaché au ministère et non pas à l'Assemblée. Donc, les débats du forum qui se feraient, est-ce qu'ils auraient la... Je crois que, pour s'assurer de la crédibilité d'un débat public, on doit aussi s'assurer de l'indépendance de la structure qui l'organise et qui le promeut. Donc, pour toutes ces questions-là, nous, on trouvait que le Commissaire à la santé n'était peut-être pas une instance intéressante.

On a privilégié, dans notre critique du projet de loi, l'approche globale. On a dit qu'on trouvait qu'il manquait de vision globale, et on croit que l'encadrement doit se faire avec cette perspective-là globale. Et on ne voit pas très bien comment morceler l'encadrement, d'une part, entre la recherche au niveau d'une instance éthique, d'une part, entre une nouvelle technique, pour une instance de révision des nouvelles techniques, d'une part, médicales au Collège des médecins, comment on va faire le lien entre tout ça et comment on va pouvoir préserver une approche globale dans l'encadrement de la pratique. Nous, on est contre le morcellement de l'encadrement de cette pratique-là.

On l'a dit aussi, c'est très difficile de faire la distinction entre qu'est-ce qui est de l'ordre expérimental, qu'est-ce qui est de l'ordre de la pratique, etc. Donc, même savoir où envoyer les questions, à quelle instance, risque de poser des problèmes. Donc, oui, on serait en faveur d'une instance indépendante. On ne croit pas que de donner le mandat d'encadrement à différentes instances puisse nous permettre d'encadrer ça avec toute la vision d'ensemble dont on a besoin.

Mme Caron: Je vous remercie. Vous avez soulevé, c'était très, très clair... c'est vrai que, du côté des cliniques de fertilité, au Québec, présentement, ce sont quatre cliniques privées effectivement qui offrent les services, tout à fait, ce n'est absolument pas au niveau public.

Je veux revenir sur le dernier élément de notre président, parce que c'était une des questions que j'avais notée. Effectivement, avant de soumettre les femmes aux techniques proposées au niveau de la procréation assistée ou de la création de vies humaines, vous disiez dans votre mémoire qu'auparavant, donc avant 1968, c'était clair, on exigeait deux ans d'essai de procréation sans contraceptif avant qu'on puisse être admis au test de fertilité. Donc, cette norme-là, elle existait, là. Elle a été changée, modifiée; maintenant, c'est seulement un an, puis des fois moins. Donc, c'est variable selon les cliniques, selon les médecins? Donc, je vais vous poser cette question-là.

Et vous avez clairement dit qu'autant l'Organisation mondiale de la santé qu'au niveau de la France, c'est très clair, on exige deux ans. Alors, j'aimerais vous entendre: Qui décide finalement, présentement, ici?

Mme Parent (Nathalie): Je pense que c'est la pratique un peu, le milieu médical qui décide un peu de ça. Il n'y a pas de normes, à mon avis, bien concrètes, c'est la pratique qui établit cette norme-là. Et, oui, on voit de plus en plus de femmes qui nous appellent et qui nous disent qu'après trois mois d'essai elles ont eu une prescription de Clomid, par exemple, de leur médecin. Et je crois que Mme Janvier en a aussi fait mention hier. Et donc on va rapidement proposer des mesures... le recours à ce genre de technologies ou médicaments avant de bien expliquer aux femmes comment prendre le temps de repérer le moment de leur ovulation, etc.

Vous seriez surpris de savoir à quel point on manque encore d'information, à quel point, nous, dans notre évaluation des services de planning des naissances et des programmes d'éducation sexuelle, on manque de connaissances au niveau de la connaissance par rapport à son propre cycle menstruel. Donc, il y a encore beaucoup d'information à donner là-dessus. Et, cette norme-là, elle vient, on croit, principalement de la pratique.

Peut-être qu'effectivement la recommandation d'attendre deux ans d'essai avant de recourir aux techniques n'est pas de l'ordre d'un projet de loi. Par contre, si elle avait pu s'inscrire dans la réglementation... Malheureusement, elle n'a pas été déposée, on n'a pas pu avoir l'occasion de le faire. Mais on vous soumet, comme proposition qui pourra peut-être être ajoutée à la réglementation: je pense que, si on avait eu un préambule, dans le projet de loi, qui aurait fait part de l'approche globale, qui aurait pu émettre aussi... faire des liens avec toutes les autres politiques que le domaine de la procréation assistée touche, ça aurait été notre façon de voir, dans un projet de loi, qu'on se préoccupe aussi de toutes les mesures autres pouvant intervenir aussi dans le domaine, surtout en matière de prévention, par exemple les liens avec la politique conciliation travail-famille, et autres.

n(11 h 30)n

Mme Lippman (Abby): Une des autres raisons pour le changement, je pense, c'est la compétition entre les cliniques privées. La procréation médicalement assistée, c'est maintenant une industrie. Aux États-Unis, c'est plus que 1 milliard de dollars qui est le prix pour tout le processus. Le moins on attend une grossesse par les mesures normales, ordinaires... Laissez-moi changer. Si on intervient après un an d'essai normal, le taux de succès, c'est plus élevé qu'après deux ans, parce que les personnes... Si on est sur une liste d'attente pour une procréation médicalement assistée, il y a des études qui démontrent que le taux de succès, les grossesses sont assez semblables, les femmes qui attendent et les femmes qui ont suivi les technologies. Mais, si une clinique cherche des patientes pour gagner des sous, on a besoin du taux de succès le plus élevé, et, le plus élevé, c'est si on fait le processus avec les personnes les plus fertiles.

Mme Caron: Oui. Cet élément-là, là, je pense qu'il est effectivement extrêmement important au niveau de la réglementation, parce que, si, dans d'autres domaines qu'on considère même comme une maladie, là, on essaie d'autres choses avant, on essaie d'autres traitements avant de faire une chirurgie, je pense que ce serait un minimum qu'au moins on donne une chance à la nature d'agir avant d'utiliser les moyens, là, les plus drastiques.

Je vais vous poser une question que je n'ai posée à personne encore, parce que je pense que peut-être vous pouvez nous la donner, la réponse. Parce qu'on a de grandes absentes, hein, au niveau de cette commission. On n'a pas vu les psychologues, on disait les psychologues, mais on n'a pas vu non plus les mères qui ont fait des tentatives répétées, répétées, répétées puis qui ont eu des échecs, hein? On n'a pas vu non plus celles qui ont eu une grossesse suite à une technique assistée et qui ont eu des problèmes de santé ou que l'enfant a eu des problèmes de santé. Et on n'a pas vu non plus celles où ça a été un succès. Alors, du côté des mères puis des couples qui ont vécu des expériences, là, on n'en a pas vu. Alors, vous, comme fédération, est-ce que vous avez eu des témoignages de femmes qui ont fait des tentatives répétées? Est-ce que vous avez un éclairage là-dessus?

Mme Parent (Nathalie): On n'a pas fait de recherche largement. On a surtout des témoignages et des anecdotes comme quoi il y a des personnes qui ont effectivement eu recours à ces technologies et qui ont sans cesse, après beaucoup de pertes d'argent, d'investissement d'argent, etc., ont vécu beaucoup de détresse psychologique à l'annonce continuelle d'un échec. C'est un peu un deuil à chaque fois quand on apprend qu'on n'est pas enceinte. Il y a même des professionnels de la santé et des infirmières qui doivent donner les résultats des tests de grossesse et qui me disaient que c'était un des aspects de leur pratique le plus difficile à faire, puisque le résultat était la plupart du temps négatif et que ça entraînait aussi une réaction vive.

On sait aussi que c'est difficile pour une femme de ne pas être tentée d'essayer à nouveau. Et, quand on parle d'amélioration de techniques, etc., on se dit: Bon, bien, on a essayé une fois, on va essayer celle-là. Ça devient presque impossible pour elle de ne pas essayer à nouveau quelque chose d'autre. Ça devient un peu une obsession de l'enfant, si vous voulez. Ça devient un besoin d'enfant qui souvent se transforme en droit à l'enfant et en obsession de l'enfant. C'est un peu le genre de témoignage qu'on a, pour des personnes qui ont eu des expériences moins heureuses.

On a vu des témoignages aussi, dans le cadre de l'émission Enjeux, où est-ce que deux jeunes femmes, suite à avoir tenté ces procédures-là, qui n'ont pas porté fruit, se disaient: Bien, on aurait peut-être dû se tourner vers l'adoption, parce que, là, on aurait dépensé 20 000 $, mais on aurait été certains d'avoir un enfant en bout de ligne. Il y a un article de La Presse, tout dernièrement, qui parlait encore d'une femme qui disait: C'est un vrai parcours de combattante fait d'espoirs déçus et de souffrances, de décisions impossibles à prendre, aussi. On se rend bien compte qu'on met les technologies... place les femmes devant des choix parfois qui sont absolument déchirants et très difficiles à faire. Donc, c'est un peu le sens des témoignages qu'on a pu entendre, pour les femmes et les couples qui ont eu des expériences plus ou moins heureuses, ce qui malheureusement est encore la majorité des cas, comme les taux de succès, pour toutes les techniques mises ensemble, sont à peu près de l'ordre de 24 %.

Mme Caron: Exactement 24 %? Toute cette question d'obsession... Parce qu'à un moment donné, c'est sûr que ça devient une obsession, puis c'est très difficile, là, quand on vous propose un autre moyen, de dire non, hein, c'est comme un engrenage. Et d'ailleurs on s'est aperçu beaucoup, du côté des couples qui ont adopté des enfants, parfois, qui étaient jugés comme infertiles, puis ils ont adopté des enfants, puis ils ont eu des enfants après, parce que cette obsession-là, ce désir d'enfant, il était comme satisfait, et là la nature reprenait son cours.

Je vais laisser du temps pour ma collègue. S'il reste du temps après, je reviendrai.

Le Président (M. Reid): Alors, est-ce qu'il y a encore des questions?

Mme Caron: Ma collègue.

Le Président (M. Reid): Pardon?

Une voix: ...

Le Président (M. Reid): Ah oui, pardon. Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Alors, Mmes Fillion, Lippman et Parent, merci pour la présentation de votre mémoire. Et je tiens également à vous féliciter pour tout le travail que vous faites. C'est bien apprécié de toutes les Québécoises et de tous les Québécois.

Vous avez mentionné, au début de votre présentation, que vous étiez inquiètes, et je pense que le terme est exact, là. Je peux dire que, nous, de l'opposition officielle, également on partage cette inquiétude-là. Vous avez mentionné qu'il n'y avait aucun enlignement, qu'il fallait apporter des modifications majeures à ce projet de loi, et nous partageons également ce que vous dites.

Vous vous démarquez, parce que dans ce mémoire vous avez parlé du côté de l'environnement. Alors, je pense, ma question va s'adresser à Mme Fillion, c'est exact? Vous mentionnez et vous recommandez que le gouvernement favorise la mise en place d'un plan d'action environnemental visant à identifier et à éliminer les contaminants susceptibles d'affecter la fertilité des femmes et des hommes. Ma question est la suivante: Est-ce qu'à votre connaissance il y a des études qui ont été faites à ce sujet-là? Et est-ce que vous pensez que l'application du Protocole de Kyoto a une certaine influence? Et de quelle façon vous pensez qu'on pourrait remédier à cette lacune?

Mme Fillion (Johanne): Vous n'êtes pas loin. Il existe un protocole, mais il ne s'appelle pas Kyoto, il s'appelle Stockholm. C'est un protocole qui régit ce qu'on appelle la sale douzaine. Ce sont des produits notamment à base de chlore et ce sont des produits qui se retrouvent dans l'environnement et qui vont migrer également, parce qu'on sait qu'on ne vit pas en vase clos, on est dans une nature belle qui nous aime.

Alors, ces 12 produits-là, au Québec, on n'en retrouve qu'un en bonne quantité, et ça s'appelle les dioxines/furanes. Ce sont des émanations des incinérateurs. Alors, il y a une transformation chimique qui se fait en incinérateur, tant biomédical ? c'est drôle, hein, la médecine nous rattrape; tant biomédical ? que des incinérateurs domestiques ou des incinérateurs industriels, et c'est une transformation du chlore qui est libéré dans les produits qu'on va tout simplement mettre au dépotoir. Et ces produits-là sont à base de plastique, le PVC, ces choses-là. Les papetières, historiquement, ont fait beaucoup de cette libération de produits là et elles se sont améliorées en faisant des transferts technologiques.

Le protocole de Stockholm, ce qu'il demande, c'est une élimination virtuelle de ces produits-là. Le Canada a signé. Le Québec est, avec le bilan papetières, à travailler fort pour améliorer son bilan dioxines/furanes, mais à l'origine Magnola a soulevé toute une grande controverse en devenant l'un des plus grands pollueurs aux dioxines/furanes.

Ce que je dois vous dire, c'est que ce que ça fait, ces produits-là... Premièrement, ils sont invisibles. On a de la difficulté à les quantifier en nombres mesurables, parce qu'ils sont extrêmement dommageables et probablement à long terme... L'effet est à petites doses, à long terme. On parle de parties par billion, hein? Quand on parle d'un milliard, en dollars, on parle de petites réductions...

Le Président (M. Reid): Je vais vous demander de conclure en quelques secondes puisque le temps est écoulé.

Mme Fillion (Johanne): Oui. Et ce que ça fait, c'est que ça affecte... En fait, dans les causes qui sont connues et qui sont recherchées chez l'humain, on se rend compte qu'il y aurait une démasculinisation chez l'homme. On se rend compte aussi que ça pourrait sûrement être une cause ou ça pourrait avoir des impacts sur l'endométriose, qui est un des problèmes de fertilité qu'on retrouve, cancer du sein, prostate, débalancement hormonal. Et on sait que, lorsque les hormones sont débalancées, la procréation est affectée. Sommairement.

n(11 h 40)n

Le Président (M. Reid): Merci beaucoup. Le temps est vraiment écoulé, un peu dépassé, des deux côtés d'ailleurs, je pense. Ceci clôt votre intervention. Je voudrais vous remercier donc, Mme Fillion, Mme Lippman et Mme Parent, de votre présentation et d'avoir répondu à nos questions.

Mémoires déposés

Cette audition termine la période des auditions. Et, avant de passer aux remarques finales, je voudrais rendre publics deux mémoires qui n'ont pas été soutenus par les associations et pour faire valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission. Il s'agit du mémoire de l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées de même que le mémoire du Barreau du Québec.

Alors, nous allons passer maintenant aux remarques finales.

Une voix: ...

Le Président (M. Reid): Pardon? Oui. On va prendre le temps de saluer nos invitées, oui. On va suspendre pour quelques instants officiellement. C'est la procédure.

(Suspension de la séance à 11 h 41)

 

(Reprise à 11 h 42)

Remarques finales

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux. Nous sommes à l'étape des remarques finales. Alors, je cède la parole à Mme la députée de Terrebonne, porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine et d'action communautaire, pour une durée maximale de 10 minutes.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, mes premiers mots évidemment seront pour remercier l'ensemble des personnes et des groupes qui sont venus nous présenter leurs mémoires, remercier aussi les personnes qui n'ont pu se déplacer mais qui nous ont déposé des mémoires et les assurer que nous prendrons le temps de bien les lire. Nous aurons le temps sûrement d'ici l'adoption article par article. Je veux remercier aussi le ministre, les collègues parlementaires qui ont participé à ces travaux, vous-même, M. le Président, notre secrétaire, les personnes qui ont accompagné le ministre.

Vous savez, et je pense que tout le monde sera d'accord, que ces consultations particulières ont été très instructives. Et je pense que nous avons eu un intérêt soutenu durant ces trois jours et que nous avons appris beaucoup des personnes qui sont venues nous présenter leurs mémoires. Le sujet est extrêmement important, très sensible au niveau de la société, on a pu le voir, et les consultations ont été très révélatrices, nous ont permis de voir des aspects qui n'avaient pas nécessairement été vus au point de départ. Cela nous a permis aussi de nous conforter dans l'idée qu'il manquait un débat, qu'il manquait un débat public. Nous avons eu des groupes et des personnes qui étaient absentes de nos délibérations, et leur avis aurait été extrêmement précieux pour prendre des décisions sur ce projet de loi n° 89.

Donc, dans un premier temps, je souhaiterais encore que le ministre puisse ouvrir une porte au niveau d'un débat. Que ce débat prenne la forme d'un colloque ou d'un forum particulier avant l'adoption du projet de loi article par article, je pense que cela nous permettrait d'avoir une approche globale et de nous permettre non seulement de toucher aux questions d'éthique, mais de pouvoir ouvrir davantage sur les questions pratiques mais aussi sur les questions sociétales.

Les consultations particulières nous ont permis aussi de voir certaines faiblesses de la loi. Je sais que le ministre, dans ses remarques, lorsque certains groupes ont fait des recommandations, a démontré une certaine ouverture. Je pense en particulier à la possibilité d'inclure dans la loi des principes directeurs, des valeurs de la société qui nous permettraient de mieux définir le projet de loi n° 89, et qui nous permettraient d'asseoir cette loi-là sur des principes de base partagés par la société québécoise, et qui amèneraient davantage cette approche globale qui était souhaitée.

Parmi ces principes, évidemment je pense que le Conseil du statut de la femme nous a largement guidés en appuyant les principes qu'on retrouve dans la loi fédérale et en ajoutant le principe de prévention de l'infertilité. Et je pense que quelques groupes ont aussi rappelé l'importance qu'on retrouve le principe de précaution, d'autant plus que ce principe-là, on le retrouve au niveau de l'environnement, au niveau du développement durable. Donc, si on le retrouve dans ce concept-là, je pense qu'on doit encore plus, à plus forte raison, le retrouver lorsqu'on parle de création de la vie humaine.

Parmi les faiblesses de la loi, évidemment toute la question de la réglementation est ressortie dans à peu près tous les mémoires. Je pense que les seuls qui souhaitaient le moins possible de réglementation, c'est évidemment les spécialistes qui oeuvrent dans ce domaine, et ça, c'est tout à fait normal et humain d'avoir le moins de réglementation possible. Mais je pense que, pour tous les autres, il apparaît important que nous connaissions la réglementation qui va accompagner ce projet de loi là, d'autant plus qu'elle est omniprésente tout au long du projet de loi.

On ne peut pas se contenter de donner, de notre côté en tout cas, un chèque en blanc au ministre et de se dire que la réglementation arrivera plus tard, qu'il n'y aura pas de débat sur cette réglementation-là. Je le dis par expérience, dans d'autres commissions parlementaires il y a eu étude de réglementation, et ça m'apparaîtrait important, d'autant plus que j'ai eu comme signal que la réglementation ne serait quand même pas... Il n'y aurait pas énormément d'articles sur chaque sujet, donc on pourrait prendre le temps d'en débattre. Parce que, comme pour n'importe quel projet de loi, il y a la loi et il y a la réglementation. Et, pour les personnes qui ont à vivre avec ces projets de loi là, c'est la réglementation qui est la plus importante parce que c'est celle qui est appliquée au quotidien. Donc, on réitère notre demande de pouvoir prendre connaissance de la réglementation, que tout ce qu'on peut mettre directement dans la loi soit mis dans la loi. Et, qu'on ait à retoucher à la loi dans 10 ans, 15 ans, 20 ans, pour nous, ce n'est vraiment pas un problème, c'est ce qui se fait régulièrement au niveau de l'Assemblée nationale. Et même parfois on retouche à une loi l'année suivante, alors qu'on vient de l'adopter. Donc, ce n'est vraiment pas un problème.

L'autre faiblesse de la loi, c'est la question d'un organisme indépendant. Je pense que le dernier groupe, la Fédération du Québec pour le planning des naissances, a clairement exprimé pourquoi on ne souhaitait pas confier à un organisme déjà existant les conseils qui seraient donnés au ministre, les décisions qui seraient prises par la suite. Cette indépendance m'apparaît aussi extrêmement importante.

Je souhaiterais également qu'on n'oublie pas toutes les réglementations qui touchent plus l'approche globale et qui peuvent relever d'autres ministères que du ministère de la Santé et des Services sociaux. Mais certaines des recommandations touchent directement le ministère de la Santé et des Services sociaux, que ce soit toute la question de la politique de périnatalité, que le ministre nous a annoncée pour dans quelques mois, que ce soit toute la question des politiques familiales, conciliation famille-travail. Je pense qu'aussi toute la question qui touche l'environnement... Une application stricte des normes connues nous permettrait de faire des pas au niveau de la prévention.

Plusieurs nous ont aussi recommandé d'assouplir les processus d'adoption internationale et de l'adoption au Québec, qui sont aussi en lien direct avec le désir d'enfant des couples au Québec, qui est tout à fait normal et légitime.

n(11 h 50)n

Je retiens aussi l'importance, au niveau du suivi, non seulement du suivi auprès des enfants qui naissent de ces nouvelles techniques de reproduction, mais aussi le suivi des mères, pour qu'on puisse arriver à faire de la prévention aussi au niveau du futur, l'importance d'avoir des données publiques transparentes.

Ce qui doit nous guider, je pense, dans ce projet de loi là, le ministre l'a mis comme principe, c'est la question de la santé et de la sécurité. Mais je pense qu'au niveau des articles que nous aurons à étudier il faut que nous ayons des articles qui soient plus concrets et précis par la réglementation aussi, qui sera connue, de la santé et de la sécurité, parce que c'est ce qui doit vraiment nous guider, le droit de l'enfant et le droit des mères à cette santé et à cette sécurité.

L'autre élément que je veux apporter, M. le Président, c'est évidemment d'offrir notre entière collaboration au ministre et aux collègues pour qu'on puisse prendre le temps de bien faire le travail. Le ministre ne nous a pas indiqué à quel moment il souhaitait rappeler, faire rappeler par le leader ce projet de loi pour que nous puissions l'étudier article par article. Je souhaiterais qu'on ait une certaine indication, ce qui nous permettrait de poursuivre le travail.

Et en conclusion j'invite non seulement les groupes que nous avons rencontrés, les personnes que nous avons rencontrées, mais aussi toutes celles et ceux qui n'ont pu déposer un mémoire dans les temps requis, puisque c'était extrêmement court, de nous faire parvenir leurs commentaires, parce que nous aurons sûrement le temps de le faire avant l'adoption article par article. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): C'est moi qui vous remercie, Mme la députée de Terrebonne. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, pour vos remarques finales, pour une durée maximale de 10 minutes.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Merci, M. le Président. Chers collègues de l'opposition et du parti ministériel, je voudrais d'abord remercier toutes les personnes et représentants d'organismes qui sont venus s'exprimer à notre commission. Je les remercie en particulier pour la qualité de leurs présentations, et les bonnes réponses aux questions, et la qualité des dialogues également qui ont suivi les présentations. Ça nous a permis d'avoir un très bel aperçu de cette question et des enjeux qui sont en cause, comme l'ont mentionné plusieurs personnes. Le débat public existe. Il a déjà existé. Il va continuer à exister. Et le gouvernement n'est pas que le seul animateur des débats publics d'une société. Ils peuvent donc se poursuivre et ils vont se poursuivre, j'en suis certain, au cours des prochaines années.

Je voudrais également remercier les parlementaires qui ont participé aux échanges, et l'opposition également, de même que le personnel du ministère de la Santé et des Services sociaux, qui sont derrière moi, et mon cabinet, Mme Elger, qui est à ma gauche, pour leur soutien essentiel.

Merci également à vous, M. le Président. On a été, je crois, des parlementaires bien disciplinés. Par comparaison à d'autres exercices, on a été très, très attachés à suivre vos instructions.

Le Président (M. Copeman): Vous allez avoir une étoile dans votre cahier et le livre, M. le ministre.

M. Couillard: J'en ai besoin.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne également.

M. Couillard: Les échanges étaient empreints donc de réflexion très sérieuse et ils seront particulièrement éclairants pour la suite des choses. Ils ont réaffirmé notamment que la santé des femmes et des enfants à naître doit être au coeur de nos préoccupations et nous ont rappelé toute l'importance de favoriser la sécurité et la qualité des soins sans négliger les questions d'éthique. Et je pense qu'on peut retenir également l'importance de peut-être donner plus d'importance à cette question d'orientation générale ou globale dans le texte du projet de loi, et nous allons nous mettre à la tâche, et on l'a déjà fait dans d'autres projets de loi. C'est utile en général de le faire, parce que ça campe le reste du projet de loi dans un contexte qui est défini. Il faut se souvenir que, le Code civil ayant déjà posé les premiers jalons, il faut davantage encadrer ces pratiques médicales de même que les recherches, et peut-être la distinction pratique-recherche, qui est quelque chose qui a été touché souvent dans nos délibérations. Il faut le faire dans le respect des valeurs de notre société.

Nous avons cependant appris que les pratiques et les recherches réalisées au Québec se font dans le respect et le professionnalisme. Personne n'a mis en doute le dévouement et la qualité des soins qui sont donnés dans les cliniques de procréation assistée au Québec. Cependant, on nous a confirmé que les risques associés à certaines de ces pratiques et ces recherches existent bel et bien. Et on nous a aussi confirmé qu'il y a un grand besoin d'encadrement, d'autant plus que la grande majorité des gens que nous avons entendus à cette commission et à l'extérieur de la commission sont d'avis que la loi fédérale n'est pas appropriée et qu'elle repose sur une approche beaucoup trop criminalisante, trop fastidieuse, trop lourde également et parfois même très limitative, en plus d'intervenir bien sûr dans un champ de compétence qui est le nôtre et que nous entendons exercer, sans répondre véritablement aux besoins et aux valeurs de la société.

Nous avons besoin de mécanismes souples et évolutifs qui permettront de nous adapter rapidement aux découvertes scientifiques incessantes, et on peut prévoir que le rythme de ces découvertes va s'accélérer au cours des prochaines années. Nous voulons cumuler des données pour bien plus que cumuler des données seulement. Nous voulons être au fait du nombre exact d'enfants issus de ces pratiques, mais nous souhaitons surtout connaître les effets de ces pratiques qui comportent plus de risques, risques de grossesses multiples, risques pour les femmes et aussi pour les enfants qui sont issus de ces interventions. Nous avons besoin de savoir, par exemple, s'il y a lieu de réglementer davantage une pratique qui se révélerait problématique ou plus risquée.

Je vous rappelle que le projet de loi devant nous est innovateur parce qu'il comporte un précédent législatif au plan canadien, voire même international, parce qu'il couvre la procréation assistée dans une perspective plus large, notamment dans des aspects tels que la stimulation ovarienne, qui est incluse dans la définition de la procréation assistée, alors qu'elle ne l'est pas dans beaucoup de textes législatifs d'autres juridictions. Même si cette technique est moins sophistiquée, moins complexe, elle pourrait cependant, comme l'ont indiqué plusieurs intervenants, dont le Collège des médecins, entraîner plus de grossesses à risque, en particulier.

L'encadrement que suggère le projet de loi nous permettra de recourir à des données probantes réelles et de réglementer, le cas échéant, des champs d'intervention plus pointus afin de garantir aux Québécois et aux Québécoises une sécurité accrue. D'ailleurs, l'essentiel de ce que nous voulons privilégier lorsque nous suggérons un projet de loi évolutif et souple est également cet équilibre essentiel à définir entre le contrôle et l'encadrement, d'une part, et l'accessibilité, d'autre part, où nous devons prendre grand soin de ne pas miner l'accessibilité et de créer ainsi un déplacement des pratiques à l'extérieur du Québec, qui là échapperont totalement au regard et à l'encadrement que nous voulons créer.

Nous souhaitons également agir en amont bien sûr avec la politique de prénatalité pour les causes mêmes de l'infertilité, mais également grâce à l'accréditation des centres par les organismes reconnus, notamment le Conseil canadien d'agrément des services de santé, qui a une démarche extrêmement rigoureuse qui doit être répétée aux trois ans et qui est un gage de sécurité et de qualité également, et bien sûr, en aval, grâce à la reddition de comptes que devront faire ces centres.

On pourra donc apporter les correctifs nécessaires, favoriser une approche en partenariat qui nous évitera, entre autres, je crois, de nous piéger, comme le fait la loi fédérale, dans des dossiers comme le partage d'ovules. On a vu que cette législation fédérale a des effets pervers assez importants en termes de restriction justement d'accessibilité aux techniques, de même que la compensation raisonnable des donneurs de gamètes.

J'ouvre une parenthèse ici pour vous dire que le projet de loi n'est pas qu'une réponse législative à un problème constitutionnel ? bien sûr qu'il est important, ne le minimisons pas ? c'est également une réponse qui se veut concrète et humaine et qui doit placer au coeur de nos préoccupations les femmes, les couples et les enfants, qui sont en accord bien sûr, ces modalités, avec nos valeurs.

Au cours de nos consultations, on nous a également mentionné qu'il fallait éviter de limiter l'accessibilité, et nous partageons bien sûr cette préoccupation. À cet égard, j'ai pris bonne note des propositions qui ont été faites. Alors, j'en profite pour vous annoncer que nous sommes disposés ? on y travaille d'ailleurs déjà ? à amender certains articles pour permettre notamment aux gens de nos régions de recourir plus aisément, plus facilement à des services de procréation assistée. Je pense notamment à la stimulation ovarienne ou à l'insémination artificielle, qui, bien qu'elles doivent être encadrées, ne nécessitent pas d'être limitées aux seuls centres de procréation assistée.

On annonce également que, lors de l'étude article par article, nous déposerons des orientations en matière réglementaire. Et je comprends que l'opposition s'inquiète du caractère général du projet de loi et de la place laissée au processus de réglementation. Je comprends ces réserves, mais j'insiste encore une fois sur le fait que cette souplesse et cette façon d'encadrer est comprise et souhaitée non pas par tous ? il n'y a pas grand-chose qui fait l'unanimité dans une société ? mais par la majorité des intervenants concernés par la procréation assistée, comme nous l'avons constaté.

Et je rappelle que l'État doit éviter ? et, s'il le fait, le faire avec la plus grande prudence ? de légiférer dans les pratiques professionnelles. Nous sommes d'ailleurs convaincus qu'un recours aux règlements nous permettra de nous adapter rapidement sans passer par les étapes parfois fastidieuses, convenons-en, qui président tout changement législatif. Même si c'est possible de le faire, il faut quand même se garder ce caractère de souplesse qui est essentiel.

Nous devons favoriser un encadrement formel, applicable à l'ensemble des activités, et peut-être éviter l'approche du détail de dispositions précises pour chaque activité, qui risquent de nous entraîner dans des niveaux de complexité inutiles et qui peuvent parfois avoir l'effet inverse de ce qu'on a voulu corriger.

On tiendra compte bien sûr des réserves et des recommandations que l'on a entendues au cours de ces consultations spéciales, et nous évaluons les possibilités d'en faire des amendements. On s'assure ainsi d'avoir le projet de loi qui sera le plus pertinent possible, le plus rassembleur possible, qui ne nie pas les problèmes mais qui allie ouverture et souplesse. Et, quant au déploiement futur de nos travaux, il est clair que nous voulons prendre le temps d'améliorer le projet de loi et de présenter les règlements.

Dans un autre sens cependant, il faut se souvenir qu'il y a un débat judiciaire actuellement en cours, entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral, sur la place que nous devons occuper dans notre juridiction. Et il est clair, sans vouloir en faire un élément de pression vis-à-vis nos collègues de l'opposition, il est clair que d'avoir un projet de loi adopté par l'Assemblée nationale est un élément majeur pour la plaidoirie des avocats qui représentent le gouvernement du Québec et qui permettra de soutenir plus efficacement que l'intrusion fédérale n'est pas justifiée dans ce domaine, compte tenu du fait que l'Assemblée nationale du Québec se dote d'une législation appropriée. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le ministre. La commission ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Suspension de la séance à 11 h 59)

 

(Reprise à 15 h 20)

Projet de loi n° 125

Étude détaillée

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Nous sommes réunis cet après-midi ? parce que nous étions en séance ce matin également, mais nous sommes réunis cet après-midi ? afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 125, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives, Bill 125, An Act to amend the Youth Protection Act and other legislative provisions.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Bouchard (Vachon) va être remplacé par Mme Caron (Terrebonne).

Loi sur la protection de la jeunesse

Principes généraux et
droits des enfants (suite)

Le Président (M. Copeman): Très bien. Je suis certain que tous les téléphones cellulaires ont été mis hors tension pour ne pas déranger les travaux de la commission. Après plusieurs séances, nous sommes rendus, chers collègues... Quand nous nous sommes quittés, la semaine passée, j'avais mis sous étude l'amendement proposé par Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation, à l'article 5. Alors, nous étions essentiellement à l'étape de la présentation de l'amendement. Nous avons convenu d'arrêter nos travaux, il restait quelques minutes à peine. Alors, Mme la ministre, pour la présentation de cet amendement.

Mme Delisle: Alors, merci, M. le Président. Je n'ai pas besoin de refaire la lecture de l'amendement, à moins que quelqu'un souhaite qu'on le refasse, on l'avait fait. Mais vous vous rappellerez qu'une des raisons pour lesquelles je souhaitais qu'on n'entame pas la discussion, c'est que, puisque c'est un article qui est quand même important et que les termes prêtent à confusion beaucoup, même chez nous et dans la population, je pense que c'était important de s'arrêter un moment avant de faire la discussion puis de peut-être... en tout cas peut-être avoir le même vocabulaire pour qu'on parle des mêmes choses. Alors, j'ai demandé au ministère et aux gens qui nous entourent, là, de nous préparer un tableau qui pourrait bien illustrer ce qu'on entend par «mesure disciplinaire», «hébergement en unité d'encadrement intensif» et «isolement».

Puis, si vous me permettez, ce n'est pas parce que je veux allonger indûment les discussions, mais j'aimerais ça pouvoir peut-être lire les définitions, si tout le monde est d'accord, là, pour qu'on puisse le faire puis qu'on... Sincèrement, je pense que ça va permettre de mieux comprendre. Donc, une «mesure disciplinaire», alors la définition, c'est: une action prise par un intervenant envers un jeune suite à un manquement commis par ce dernier en vertu des règles de vie. Cela se traduit par la perte d'un privilège ou l'imposition d'une conséquence: être privé d'une activité ou d'une sortie, être envoyé à sa chambre pour réfléchir. Le retrait du jeune fait également partie des mesures disciplinaires utilisées en centre jeunesse. Alors, on donne un exemple: Kevin brise volontairement une chaise. Il devra aller dans sa chambre pour réfléchir, comme on ferait chez nous avec nos enfants. S'il s'agit d'une récidive, il pourrait perdre un privilège comme une sortie ou une participation à une activité.

Deuxième définition, «hébergement en unité d'encadrement intensif»: l'hébergement d'un jeune qui, en raison du risque potentiel qu'il présente pour sa sécurité ou celle d'autrui, réside dans une unité de vie offrant les activités prévues au programme de rééducation et dont l'architecture permet de restreindre de façon importante sa liberté de comportement et de déplacement. Quand on parle de l'architecture, évidemment c'est du bâtiment, de l'unité de vie dans laquelle vivent ces jeunes-là. L'exemple qui illustrerait le mieux ce que je viens de définir: Julie fugue fréquemment. Lors de ses fugues, elle s'adonne à la prostitution ou à l'itinérance. Elle se met donc en situation de danger. Elle sera hébergée dans une unité qui, par son aménagement architectural, des portes barrées et une cour extérieure disposant de clôtures plus sécuritaires, limite de façon importante sa liberté de déplacement. Durant son séjour dans cette unité, Julie a accès à la scolarisation offerte dans le centre de réadaptation et à l'ensemble des activités. L'unité d'hébergement en encadrement intensif constitue, à ce moment-là, un milieu de vie.

Maintenant, «isolement», ce qu'on appelle les salles d'isolement: une mesure de contrôle utilisée exceptionnellement envers un jeune dont le comportement constitue une menace immédiate à lui-même ou à autrui. Elle consiste à confiner un jeune dans un lieu, pour un temps déterminé et très court, d'où il ne peut sortir librement. Elle prend fin dès que les motifs qui ont justifié son recours sont disparus. Alors, un exemple: dans un moment de crise grave et incontrôlable, Antoine perd tous ses moyens et tente d'agresser un autre jeune. Antoine sera confiné dans une pièce dépourvue de tout objet pouvant être dangereux et d'où il ne peut sortir par lui-même, le temps que la crise se résorbe, soit pour une durée d'au plus une heure. Durant toute la période d'isolement, un éducateur demeure près de lui.

M. le Président, si j'ai demandé à ce qu'on nous fasse un tableau et, par ces définitions-là, qu'on nous les illustre, c'est que, lorsqu'on a... Je prends l'exemple dont tout le monde a parlé, c'est celui du film de Paul Arcand dans lequel il y avait les expressions «salle de retrait», «salle d'isolement». On n'a jamais utilisé l'expression «encadrement intensif». Moi la première, je vous le dis franchement... Pourtant, j'avais visité les salles d'isolement, j'avais visité des unités, ce qu'on appelle d'encadrement intensif, mais j'avoue franchement, là, que, quand j'ai quitté la salle après avoir visionné le film, j'ai réalisé qu'on ne parlait pas du tout de la même chose.

Ceux qui nous ont dit qu'ils avaient vécu en isolement, les portes barrées pendant, admettons, deux mois, ces gens-là n'ont pas menti, là. Ils ont vécu en encadrement intensif. Je ne connais pas du tout les raisons pour lesquelles ils ont vécu dans cet encadrement-là. Le but de l'exercice, ce n'est pas de savoir pourquoi ces gens-là plus spécifiquement étaient là. Mais j'ai aussi compris qu'on avait confondu ce qu'on appelle l'isolement, la salle d'isolement, qui est celle où, pour des raisons cliniques et non pas pour des mesures disciplinaires, j'insiste là-dessus, un jeune peut être amené à y aller parce qu'il peut être temporairement, là, pour 10, 20, 30, 40 minutes, en état de crise aiguë et que ce jeune a besoin vraiment, là, de se resaisir.

Donc, je pense que c'est important, parce que c'est un article qui est important puis, comme parlementaires, je pense qu'il faut aussi avoir le même langage. Je vous dirais que, dans toute cette réflexion sur la question des mesures disciplinaires, de l'hébergement en unité d'encadrement intensif, d'isolement, c'est sûr qu'on se pose des questions, parce que ce n'est pas évident, là, d'avoir à trancher là-dessus. Sauf qu'il faut aussi se rappeler que c'est toujours dans le cadre de la pratique clinique. En aucun temps, quelle que soit la mesure utilisée ? à moins que ce soit celle qui est disciplinaire, donc un jeune qui ne respecte pas les règles de vie, là, pour ce qui est de l'encadrement intensif et l'isolement ? ça ne doit pas être utilisé pour des motifs de discipline.

n(15 h 30)n

On a entendu une jeune fille... D'ailleurs, on a entendu des choses, que ce soit ici, en commission parlementaire... ou on a vu des reportages télé. C'est difficile pour nous, comme parlementaires, de faire cette part de choses là. Imaginez le citoyen, lui, qui écoute ça puis qui se dit: Ça n'a pas de bon sens. Il y a une femme qui est venue me voir, cette semaine, dans mon bureau de comté, qui s'était fait une liste de questions à me poser. Une citoyenne. Elle n'a jamais travaillé dans ce milieu-là. C'est une bonne grand-maman. Et puis, elle, elle voulait avoir des réponses à ces questions-là. Puis, quand je lui ai expliqué qu'est-ce qu'était l'isolement, par rapport à l'encadrement intensif, elle m'a dit: Mais pourquoi ça ne se dit pas? Puis j'ai dit: Madame, ce n'est pas évident non plus d'expliquer tout ça.

Il y a des protocoles. De toute façon, si je suis capable de répondre aux questions de l'opposition, je le ferai. Si c'est beaucoup plus pointu, plus technique, j'espère qu'on me permettra de céder la parole à celles et à ceux qui travaillent de façon beaucoup plus quotidienne dans ce milieu-là. Mais, chose certaine, dans toute discussion que nous allons avoir aujourd'hui sur cet article-là, il faut se rappeler qu'il y a des articles de loi aussi dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, la loi sur la santé, qui aussi régissent toute la question de l'isolement. Donc, il faut aussi s'arrimer à certains égards ? je pense entre autres à l'isolement ? avec l'article 118.1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Enfin, j'aimerais entendre ce que nos collègues ont à dire là-dessus. L'amendement que j'ai proposé en était un davantage pour... On a fait une réécriture de notre article pour qu'il corresponde davantage à ce qu'on avait entendu, mais aussi je pense que ça prenait une certaine clarification. Alors...

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Je dois dire qu'au départ ce tableau m'apparaît enfin quelque chose de très intéressant parce qu'il y a une définition de ce qu'est une mesure disciplinaire, versus l'isolement et l'encadrement intensif. C'est, je pense, quelque chose de très, très positif.

J'aimerais avoir quelques précisions sur... Lorsque dans un centre jeunesse on décide d'appliquer une mesure disciplinaire, ou l'isolement, ou il est décidé que l'hébergement en unité d'encadrement intensif serait le type d'encadrement que le jeune recevrait, est-ce que, si on applique une mesure disciplinaire, entre autres, il y a des notes de prises sur le contexte? J'aimerais que, pour les citoyens qui écoutent, on sache comment ça se passe. Et est-ce qu'on a une mémoire par rapport à ce qui s'est passé, une mémoire écrite? Ce n'est pas seulement un compte rendu verbal d'un intervenant à un autre, compte tenu que parfois l'intervenant peut être absent, pour toutes sortes de raisons, et que la personne qui prend la suite des choses auprès de ce jeune-là ait quelque chose de vraiment précis, concret pour savoir qu'est-ce qui s'est passé dans la vie du jeune au cours des dernières heures, des dernières semaines, etc., et aussi pour s'assurer que les droits du jeune sont respectés. Parce que, même si le jeune est sous la Loi de la protection de la jeunesse, il m'apparaît important que son droit de liberté soit quand même respecté dans ce cadre-là. Je sais qu'il y a des politiques et procédures relatives à l'isolement du jeune, là, qui existent dans différents centres jeunesse, mais ce que je veux savoir, c'est: Est-ce que c'est obligatoire? Est-ce que c'est dans tous les centres jeunesse? Qui fait quoi, qui consigne quoi, qui décide, et tout ça? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Delisle: Si vous permettez, je vais laisser Mme Bérubé, du ministère, répondre à vos questions, si les collègues sont d'accord.

Le Président (M. Copeman): Est-ce qu'il y a un consentement pour que Mme Bérubé puisse prendre part à notre... Oui. Et on a besoin de votre prénom et vos fonctions, madame.

Mme Bérubé (Line): Line Bérubé. Je suis directrice de la jeunesse et de la toxicomanie au ministère. Alors, bien, pour répondre à votre question, effectivement toutes interventions de la nature de celles qu'on définit ici, là, sont consignées au dossier du jeune, donc sont accessibles aux autres intervenants qui peuvent arriver sur un autre chiffre. Ou le supérieur immédiat aussi peut consulter le dossier et voir cette information-là. Par ailleurs, présentement il existe dans les centres jeunesse des protocoles aussi qui viennent baliser ces trois mesures-là. Par ailleurs, pour ce qui est de l'hébergement en unité d'encadrement intensif, il n'y avait pas de balise légale, hein, législative, alors que c'est ce qu'on vient introduire ici, là, avec l'article 5 du projet de loi.

Mme Charest (Rimouski): O.K. Dans le fond, compte tenu de l'architecture des établissements, des bâtiments dans lesquels se trouvent les centres de réadaptation, on vient préciser dans la loi ce qu'est un encadrement intensif pour un jeune, ce qui n'existait pas dans la Loi de la protection de la jeunesse actuelle. Mais on ne fait pas juste ça à cause de l'architecture, là?

Mme Bérubé (Line): Non, non, effectivement ça ne doit pas être pour cette raison-là. Si on vient introduire ici cette disposition-là, c'est parce que dans le fond on veut s'assurer d'encadrer de façon adéquate un jeune qui présente un danger potentiel pour lui-même ou pour autrui. Et on vient vraiment introduire des balises pour que ça se fasse parce qu'il y a un danger potentiel et non parce qu'on n'a que des unités, par exemple, avec des portes qui barrent, là. Ce n'est pas l'objectif. On veut restreindre et baliser pour des raisons sérieuses.

Mme Charest (Rimouski): Et qui décide que ce jeune doit être en hébergement, en unité d'encadrement intensif? À quel moment cette décision-là est prise?

Mme Bérubé (Line): Ici, avec le projet de règlement sur lequel on veut travailler, puis c'est introduit aussi dans l'article, ce sera le directeur général de l'établissement du centre jeunesse ou une personne qu'il aura désignée par écrit. Ce sera ou un directeur, par exemple le directeur de la réadaptation, ou un autre cadre, mais c'est une personne qu'il devra désigner par écrit.

Mme Charest (Rimouski): Mais à quel moment cette décision-là se prend? Une fois que le jeune est là puis qu'il commence à avoir des comportements à risque élevé pour lui et pour les autres ou si c'est dès le départ, compte tenu de son dossier puis le fait qu'on le mette ou qu'on l'envoie vivre dans un centre de réadaptation? C'est quand la décision est prise?

Mme Bérubé (Line): Non. Normalement, non. Ici, on a un jeune qui présente des difficultés importantes. C'est un jeune avec qui on a tenté un certain nombre d'autres choses. Il a déjà été dans une unité. C'est un jeune qui a probablement fait déjà l'objet de mesures d'isolement, avec qui on a vraiment tenté d'autres alternatives. Et, à un moment donné, on arrive à la situation où ce jeune-là doit vraiment bénéficier d'un encadrement plus étroit au quotidien, et là la décision va se prendre.

Mme Charest (Rimouski): Quand je vous écoute, ce que je comprends... Parce que là vous amenez un élément de plus. C'est que la mesure disciplinaire, l'hébergement en unité d'encadrement intensif puis l'isolement, bon, c'est trois choses, on s'entend là-dessus, mais l'hébergement en unité d'encadrement intensif vient après que des décisions comme celle de mettre un jeune en isolement n'a pas porté fruit et que... Bien, c'est ce que je comprends, là, de ce qui m'a été dit. Est-ce que c'est juste? Ou est-ce que c'est une hiérarchisation des pénalités vis-à-vis de l'enfant, vis-à-vis du jeune?

Mme Bérubé (Line): Non, non, non. C'est un jeune qui présente des difficultés importantes, qui présente un...

Mme Charest (Rimouski): Mais ce n'est pas un piège, là, j'essaie juste de voir si...

Mme Bérubé (Line): Non, non, non. Ce que je veux vous dire, c'est: Parce que ce jeune, il a une feuille de route... En fait, c'est un jeune qui a des grandes difficultés, à plusieurs niveaux, qui se sont manifestées plusieurs fois, de façons différentes, et qui font en sorte qu'à un moment donné on en arrive à la conclusion au plan clinique, quand on regarde sa situation, que, si ce jeune-là ne bénéficie pas d'un encadrement serré, c'est un jeune qui est à risque de se mettre en danger, soit lui-même ou soit les autres jeunes, là, qui sont dans la même unité que lui.

Mme Charest (Rimouski): O.K. Quand je regarde votre exemple par rapport à l'encadrement intensif, vous dites que durant son séjour le jeune a accès à la scolarisation en fait dans le centre de réadaptation. Ça veut dire qu'il ne peut pas aller à l'école à l'extérieur du centre. Donc, il n'a pas droit à d'autres activités non plus à l'extérieur du centre, c'est ça que je comprends. Mais c'est quoi, la scolarisation qui est offerte dans le centre de réadaptation? Est-ce que ça correspond au niveau où le jeune est rendu? Est-ce que... Comment c'est organisé, là? Parce que c'est important, ça, c'est toute la préparation de ce jeune-là pour sa sortie éventuelle du centre de réadaptation. Et je réfléchis puis je fais le lien avec un jeune de 18 ans, là, qu'on ne veut pas voir sur le bord du trottoir avec un sac vert, d'où l'importance d'avoir une scolarisation adéquate, compte tenu de son âge et des obstacles de la vie qu'il a rencontrés, là. C'est dans ce sens-là que je pose la question.

n(15 h 40)n

Mme Delisle: Je peux répondre à cette question-là, Mme la députée de Rimouski. J'ai eu l'occasion à plusieurs reprises, lors de la tournée que j'ai faite, d'arriver dans un centre de réadaptation où il y avait un professeur. Souvent, ce sont des professeurs qui sont prêtés par les commissions scolaires et qui viennent... En fait, c'est un peu comme une classe multiple, parce que tu vas avoir un jeune de 13 ans puis un jeune de 15 ans et qui ne sont pas rendus au même niveau au niveau scolaire, là. Donc, ils cheminent selon leur niveau d'apprentissage, là où ils sont rendus, pour qu'ils soient préparés à intégrer, lorsqu'ils sortiront de l'encadrement intensif... qu'ils puissent retourner dans leur milieu ou dans leur école, dans l'école du coin, là. Mais, même, j'en ai vu qui étaient tout contents et tout fiers de nous montrer les travaux qu'ils avaient faits. Donc, tous les centres jeunesse ont des classes, il y a des professeurs qui sont prêtés par les commissions scolaires, et la scolarisation se fait à leur rythme et là où ils sont rendus.

Mme Charest (Rimouski): Pas seulement, là, en fonction de certains cours de base, puis les autres, ça ira une fois que le jeune aura sorti du centre de réadaptation? Non? Pas vraiment?

Mme Delisle: Bien là, c'est difficile pour moi, je veux dire, de connaître le contenu, le cursus, là. J'ai posé la question, moi-même, à plusieurs reprises, et c'était vraiment en fonction du niveau de connaissances. Alors, peut-être qu'il est à l'âge de secondaire IV mais qu'il a un niveau de 6e année, là, tu sais. Alors, le professeur doit accompagner l'élève à partir du niveau où il est rendu. Et par la suite, lorsque le jeune peut retourner à l'école du quartier, bien, à ce moment-là, ça ne veut pas nécessairement dire, parce qu'il a l'âge d'être en secondaire IV, qu'il est en secondaire IV, là. Ça, c'est la difficulté, c'est sûr, pour ces jeunes-là. Mais il y a une bonne intégration qui se fait.

Mme Charest (Rimouski): Quand je regarde la définition de «mesure disciplinaire» puis «isolement», on peut envoyer un jeune à sa chambre pour réfléchir. Tous les parents, à peu près... En tout cas, moi, j'ai fait ça avec les miens. De temps en temps, je leur disais: Allez donc réfléchir un petit peu, là. Maman va se calmer, puis vous autres aussi. Alors, je veux voir la différence entre l'isolement puis... Puis ça, là, envoyer dans une chambre pour réfléchir... c'est sûr que, dans une maison privée, avec bon un noyau familial, ce n'est pas tout à fait pareil comme dans un centre de réadaptation. Est-ce que ça ne ressemble pas aussi à de l'isolement?

Mme Delisle: Moi, j'ai posé la question, j'ai parlé avec les jeunes. Je vais vous dire... Même, je peux vous donner un exemple. Je suis allée inaugurer l'unité La Balise, en Gaspésie ? c'est à Maria, je pense, hein, c'est à Maria? ? et justement il y avait des... C'était une unité pour des filles. Je pense que c'était d'une douzaine de chambres. La mesure disciplinaire... Il y a des règles de vie. On entend des gens dire: Bien là, on ne peut pas rien faire, puis... Mais, dans une famille, il y a des règles aussi, des règles de vie, il y a des règles qu'il faut que tu respectes: respecter les autres, être ponctuel, être poli, manger à table, en tout cas ce genre de règles là qu'on s'impose puis qui font partie de la vie normale.

Donc, la mesure disciplinaire, c'est un peu comme lorsqu'on dit à nos enfants: Écoute, si tu fais ça, tu vas pouvoir avoir telle récompense, mais, si tu n'es pas capable d'arriver à le faire, bien il va y avoir une mesure disciplinaire. Donc, c'est d'aller dans sa chambre ou peut-être... En tout cas, peut-être qu'ils vont l'envoyer dans un... Peut-être que ce n'est pas dans la chambre, ça peut être ailleurs, ça peut être dans la pièce où il y a la salle de musique, puis il n'y a pas un chat là parce que les autres sont sortis, là. Ou ça peut être être privé d'une sortie. Il faut évidemment le prendre dans le contexte où ce n'est pas une mesure où le jeune est constamment, là, mis en retrait ou... Bon.

Mais l'isolement, la salle d'isolement, c'est complètement différent. C'est une mesure clinique. C'est carrément une mesure clinique, là.

Mme Charest (Rimouski): Bien, j'ai vu les salles d'isolement, là, c'est vraiment austère. Les chambres sont un peu mieux. Mais est-ce que la mesure disciplinaire ne se distingue pas par la durée dans le temps, versus l'isolement?

Mme Delisle: La porte n'est pas barrée, là. Le jeune qui va dans sa chambre, la porte n'est pas barrée, là.

Mme Charest (Rimouski): Donc, ça veut dire que le jeune qui a une mesure disciplinaire, qu'on envoie dans sa chambre, peut rester une journée de temps, si c'est ça, la décision ? bien là, j'extrapole, là; je ne dis pas que c'est ça qui se fait, mais j'essaie de réfléchir tout haut ? alors que l'isolement, ça aussi, ça peut durer...

Mme Delisle: C'est une heure, l'isolement. C'est pour ça qu'il faut faire la distinction. C'est important qu'on le fasse, le débat, ici, là, parce que...

Mme Charest (Rimouski): Ce n'est pas toujours...

Mme Delisle: ...quand on parle de la salle d'isolement, ça ne peut pas dépasser une heure.

Mme Charest (Rimouski): L'isolement ne peut pas dépasser une heure. C'est déjà...

Mme Delisle: Ça ne peut pas dépasser une heure. Et en plus il y a un registre. Le nombre de fois que le jeune est envoyé dans la salle d'isolement est consigné. Le conseil d'administration en a connaissance, prend le... Ces mesures-là, là, ça ne peut pas être... on ne peut pas décider de l'envoyer là, dans la salle d'isolement, sans qu'il y ait eu autorisation par le centre de réadaptation, là. Mais peut-être que Line peut plus l'expliquer.

Mme Bérubé (Line): Oui, puis peut-être ce que j'ajouterais, c'est: le jeune que l'on envoie en isolement, c'est parce qu'il est en perte de contrôle de lui-même. C'est un jeune qui crie, qui hurle, qui frappe et donc qui risque de blesser une personne, ou de se blesser lui-même, ou de se mordre, ou de s'automutiler. Donc, la période d'isolement, qui est une période courte, vise à ce qu'il se calme, à ce qu'il reprenne possession de ses moyens et par la suite pouvoir retourner à ses activités.

Mme Charest (Rimouski): Mais à quel endroit... C'est dans le règlement qu'on va dire que l'isolement ne peut pas durer plus qu'une heure? Mais, une heure, vous savez, on peut l'isoler une heure, on le fait sortir 15 minutes, puis on le retourne une heure. Je veux dire, c'est quoi, là, l'heure? Dans combien de temps, sur une période de 24 heures? Est-ce que c'est une heure par période de 24 heures ou si c'est une heure, puis là on peut jouer sur l'heure?

Mme Delisle: Je vais demander à Line de vous l'expliquer. Je ne voudrais induire personne en erreur, là.

Mme Bérubé (Line): O.K. L'heure, ça n'apparaîtra pas à nulle part, parce qu'actuellement l'isolement est balisé par l'article 118.1 de la loi de la santé et des services sociaux, et ici, là, il n'y a pas d'introduction de changement à cet article-là. Quand on parle de l'heure, c'est qu'on a fait récemment une analyse de la situation dans les différents centres jeunesse du Québec, et ce qu'on a constaté, c'est que de façon générale la moyenne était d'une durée d'une heure, pour la période d'isolement. Mais il peut arriver que parfois ça excède un petit peu, mais c'est quelque chose qui est quand même plus dans l'ordre de l'exception, alors que l'heure est ce qu'on voit, là, le plus souvent. Et on voit aussi des 30 minutes, des 15 minutes, des périodes moins longues.

Mme Charest (Rimouski): Mais ce n'est pas un maximum puis ce n'est pas... Le règlement ne met pas de maximum. Il dit «d'au plus une heure», parce que, là, vous nous apprenez qu'il y a eu une étude qui détermine que c'est à peu près ça, la moyenne... Mais, pour éviter, là, des problèmes ou enfin... j'ose à peine dire «des excès»? parce que, bon, ça peut arriver, là, c'est un gros réseau, puis il y a beaucoup de monde, puis, je veux dire, il n'y a personne de parfait, là ? pourquoi on ne précise pas des durées maximales?

Mme Bérubé (Line): C'est-à-dire que, dans ce qui est introduit ici, au niveau du règlement, il y a effectivement, pour l'encadrement intensif, une durée maximale qui est proposée. Mais, pour ce qui est de l'isolement...

Une voix: ...

Mme Bérubé (Line): Oui, c'est parce que l'isolement, actuellement on n'introduit pas de changement à la loi sur la santé et les services sociaux, ce qui fait que ça ne fait pas l'objet, là, de ce qui est proposé ici, sur la table, là.

Mme Charest (Rimouski): Alors que la mesure disciplinaire, elle, elle n'a pas de balise en termes de temps?

Mme Bérubé (Line): Non. La balise disciplinaire, elle est balisée par des protocoles, mais il n'y a pas de balise dans le temps. Par contre, vous avez un article, pour ce qui est de la mesure disciplinaire, l'article 10. On va y revenir, parce que c'est la modification 4.2, sur laquelle on a sauté à la dernière séance.

Mme Charest (Rimouski): Je vais laisser... Oui?

Mme Delisle: Vous permettez?

Mme Charest (Rimouski): Excusez-moi.

Mme Delisle: Je voulais juste vous informer que, dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, là, à l'article 118.1, le troisième paragraphe... Si vous permettez, je vais le lire: «Tout établissement doit adopter un protocole d'application de ces mesures en tenant compte des orientations ministérielles, le diffuser auprès de ses usagers et procéder à une évaluation annuelle de l'application de ces mesures.» Mais ça prend un protocole à partir des orientations ministérielles.

Mme Charest (Rimouski): Oui, mais ça, c'est pour des établissements de santé.

Mme Delisle: Oui, mais c'est tous les établissements.

Mme Charest (Rimouski): Tous les établissements? On ne fait pas juste référence aux services en psychiatrie...

Mme Delisle: C'est les centres jeunesse.

Mme Charest (Rimouski): ...ni pour personnes âgées, ou tout ça, là? C'est pour tous les cas qui sont régis par la santé et les services sociaux?

Mme Delisle: Exactement.

Mme Charest (Rimouski): O.K.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne.

n(15 h 50)n

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je vais partir du dernier élément de ma collègue, sur l'isolement, puis je vais avoir quelques autres points à aborder.

Là où je vois une contradiction au niveau de l'isolement, c'est que, dans la définition, on dit que cette mesure-là, elle prend fin dès que les motifs qui ont justifié son recours sont disparus. Dans la définition que vous nous avez donnée. Donc, les motifs, ça pourrait être beaucoup plus qu'une heure puis ça pourrait être beaucoup moins. Ça ne vient pas nous dire, au niveau du temps... Et c'est dans la définition. Et, dans cette partie de définition là, quand on lit la définition, on a vraiment l'impression que le jeune ou la jeune sont seuls. Dans la définition. Alors que, quand on regarde l'exemple... L'exemple me rassure plus que la définition, parce que, dans l'exemple, c'est là qu'on nous dit... Bon, c'est: le temps que la crise se résorbe, soit pour une durée d'au plus une heure. L'exemple vient nous dire ça, mais ça devrait être dans la définition qu'on devrait retrouver ça. Et on nous ajoute même que durant toute la période d'isolement un éducateur demeure auprès de lui. «Demeure auprès de lui», en tout cas dans ce qu'on a vu, c'est plutôt que l'éducateur surveillait par la fenêtre pour s'assurer qu'il ne se passait rien, mais l'éducateur n'était pas dans la salle auprès du jeune, là.

Alors, moi, je veux savoir, dans la réalité, est-ce qu'effectivement il y a un éducateur qui est auprès du jeune ou si c'est seulement qu'il le surveille de l'extérieur de la salle d'isolement. Puis on n'aurait pas intérêt à ce que ce soit dans la définition qu'on vient préciser la durée? Parce que, dans un exemple, ça n'a pas vraiment une valeur, je pense, là... C'est intéressant pour nous, ça nous aide à mieux comprendre, mais, au niveau de la portée de décision de l'établissement, c'est moins fort.

Mme Delisle: Bon, une précision sur la question de la définition. Je l'ai demandée pour qu'on puisse, nous, mieux comprendre ce dont on parle, mais de toute façon la définition ne sera pas dans la loi, là, d'accord? Peut-être que, Line, vous pourriez répondre à son inquiétude par rapport au fait que le jeune puisse être seul dans cette pièce-là plutôt qu'être avec un éducateur. Ou est-ce que l'éducateur est à l'extérieur? Je pense qu'il y a un peu des deux, là.

Mme Bérubé (Line): Effectivement. Il faut voir que, dans certaines situations, on a des grands gaillards de six pieds qui sont désorganisés. Donc, l'objectif, c'est de les surveiller. Donc, il peut y avoir un surveillant à l'intérieur de la pièce, mais il peut aussi être derrière, derrière une petite vitre. Mais l'idée, c'est que le jeune est surveillé constamment parce qu'on ne veut pas qu'il se blesse. On veut éviter à tout prix des blessures, là.

Mme Delisle: Il faut se rappeler aussi que c'est souvent dans des circonstances où le jeune peut se blesser ou blesser autrui, là. Moi, j'insiste beaucoup sur le fait, puis j'espère que les gens qui nous écoutent vont comprendre, qu'il ne s'agit pas ici d'une mesure disciplinaire, c'est une mesure clinique. Ce n'est pas disciplinaire. D'aller dans la salle d'isolement, ça fait partie de la pratique clinique, mais il faut aussi la contrôler, cette pratique-là, là. Il faut avoir... il faut être capable aussi... D'ailleurs, on l'a demandé. Ça fait déjà plusieurs mois que j'ai demandé à ce qu'on ait un compte rendu à tous les mois du nombre de fois que les jeunes vont en salle d'isolement, les motifs pour lesquels ils y vont. Et le conseil d'administration de chacun des établissements doit aussi avoir accès au nombre de fois que ces salles-là sont utilisées. Ça fait partie de leurs responsabilités, là. Ils ne peuvent pas s'asseoir là sans... ignorer ça.

Mme Caron: ...comprenez, quand on lit votre annexe que vous avez fait préparer, la définition, ça ne nous dit rien sur la durée puis ça ne nous dit absolument pas que le jeune est surveillé, ni à l'intérieur ni à l'extérieur, alors que l'exemple vient comme nous rassurer, venir nous dire: Écoutez, ce n'est pas plus qu'une heure, puis il y a un éducateur qui est auprès de lui, donc il n'y a pas de problème. Alors, ça me laisse perplexe.

L'autre élément que je voulais aborder dans l'article 5, c'est le dernier paragraphe, quand on dit: «L'enfant ou ses parents peuvent saisir le tribunal d'une telle décision du directeur général. Cette demande est instruite et jugée d'urgence.» Les jeunes qui sont venus nous parler lors des consultations finalement nous disaient qu'ils n'avaient pas de moyen de contester, eux autres, tu sais, quand une décision était prise, que ce soit au niveau de l'isolement... Écoute, ils n'avaient pas accès à un téléphone, ils n'avaient pas de moyen pour vraiment contester quoi que ce soit. Puis c'est une demande qui doit être instruite et jugée d'urgence. Alors, c'est quoi, le moyen qu'ils ont pour contester la décision pratiquement, là?

Une voix: ...

Mme Delisle: Allez, mais il faut s'identifier.

Mme Noël (Marie-Camille): Oui. Marie-Camille Noël...

Le Président (M. Copeman): Est-ce qu'il y a consentement pour que Me Noël puisse prendre part à nos délibérations? Consentement. Allez-y, Me Noël, en vous identifiant.

Mme Noël (Marie-Camille): Oui. Je suis Marie-Camille Noël, avocate au ministère de la Santé et des Services sociaux. Évidemment, je veux dire, en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, l'enfant a droit d'être représenté par avocat et il peut faire appel évidemment à un avocat pour aller devant le tribunal. Alors, il y a quand même des articles de prévus à cet effet-là. Alors, l'enfant peut effectivement, je veux dire, faire valoir ses recours, là, devant le tribunal lorsqu'il est en centre jeunesse.

De toute façon, l'article 9 de la loi surtout prévoit que l'enfant a le droit de communiquer. Si on lit l'article 9 de la Loi sur la protection de la jeunesse, on y voit que «l'enfant hébergé par une famille d'accueil ou par un établissement qui exploite un centre de réadaptation a droit de communiquer en toute confidentialité avec son avocat, le directeur qui a pris sa situation en charge, la commission, les juges et greffiers du tribunal». Et on prévoit aussi, à cet article-là... bon, on prévoit également qu'«il peut [...] communiquer en toute confidentialité avec ses parents, frères et soeurs, à moins que le tribunal n'en décide autrement». Et on voit aussi que, si l'enfant est privé de ses droits, il «peut saisir le tribunal ? aussi à cet article-là ? d'une telle décision du directeur» dans les cas où effectivement, je veux dire, on ne lui permettrait pas, là, de le faire.

Mme Caron: Oui, mais, si je peux me permettre, c'est parce que, là, on n'est pas dans une famille d'accueil, là. Là, on est dans une unité d'encadrement intensif, et les jeunes qui y ont été sont venus nous dire: Écoutez, là, on n'a pas un téléphone proche, on n'en a pas, de moyen, là, de contester quoi que ce soit ou d'entrer en communication avec quelqu'un. Comment on peut s'organiser pour que dans la pratique, d'abord, ils sachent qu'ils peuvent le faire et qu'on leur donne un outil pour le faire?

Mme Delisle: J'aimerais répondre à cette question-là, M. le Président. On a justement ? d'ailleurs, un peu plus loin, vous allez le voir ? on a bien entendu, comme vous, les plaintes soulevées par les jeunes, qui disent ? bon, il y avait la question des téléphones: On ne peut pas communiquer avec personne. Entre autres, je pense à... Et on a tenu compte de ça. Et il y a des amendements qui sont proposés pour permettre aux jeunes... d'abord pour obliger, obliger dès le départ les centres jeunesse à informer les jeunes de leurs droits. Puis pas juste, là, le mettre dans la loi, là. Il va falloir qu'il y ait un mécanisme que les centres jeunesse vont devoir trouver pour informer les jeunes non seulement de leurs droits, mais aussi des mécanismes de plainte. Il faudra que ce soit bien étayé, tout ça. À partir du moment où le jeune connaît ses droits, bien, à ce moment-là, il pourra porter plainte.

J'en conviens, ce n'est pas évident non plus pour un jeune qui a 13, 14 ans, qui pense que ses droits ont été lésés puis qu'il n'aurait pas dû aller là, ou que les parents pensent que ça n'a pas de bon sens. Mais, si je me souviens bien, il y a un article qui dit que ça doit se faire... Écoutez, on dit ici, dans l'amendement que j'ai proposé: «Le recours à un tel hébergement doit s'effectuer à la suite d'une décision du directeur général de l'établissement ou de la personne qu'il autorise par écrit et en conformité avec les conditions prévues par règlement et doit faire l'objet d'une mention détaillée au dossier de l'enfant, qui en précise les motifs le justifiant ainsi que la période de son application. Les informations contenues dans ce règlement doivent être remises à l'enfant, s'il est en mesure de les comprendre, de même qu'aux parents de l'enfant et leur être expliquées.

«L'enfant ou ses parents peuvent saisir le tribunal d'une telle décision du directeur général. Cette demande est instruite et jugée d'urgence.»

Autrement dit, s'il y a une plainte, il faut que ce soit expédié, puis rapidement. Il ne faut pas que ça traîne. C'est pour ça qu'on l'a non seulement réécrit, mais on a rajouté aussi cet alinéa-là, pour que les parents le sachent, qu'ils pouvaient aussi intervenir au nom de leur enfant.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée, si vous me permettez, j'ai une question qui abonde exactement dans le même sens: Dans le cas où les parents ne sont pas dans le portrait, comment est-ce que l'enfant exerce ses droits de saisir le tribunal? Par quel mécanisme? Lui, il ne peut pas pétitionner la cour, là. Normalement, ça prend un avocat, ça prend un mécanisme, en quelque part. Alors, dans le cas où les parents ne sont pas dans le décor, comment est-ce que l'enfant peut se prévaloir de ce droit de saisir le tribunal?

Mme Bérubé (Line): L'enfant a le droit à son avocat, là. Non seulement les parents, mais l'enfant aussi a le droit à son avocat et il a le droit de communiquer avec son avocat en tout temps.

n(16 heures)n

Le Président (M. Copeman): O.K. Mais est-ce que c'est automatique, dans le cas d'un enfant qui est hébergé dans une unité de réadaptation, qu'ils ont automatiquement un avocat, si les parents ne sont pas dans le décor? J'essaie de prévoir, en tout temps, comment ce mécanisme va s'appliquer, là.

Mme Noël (Marie-Camille): Il a le droit de demander à avoir un avocat, là. Je veux dire, c'est sûr qu'il peut...

Mme Delisle: Le centre jeunesse est obligé de le dire.

Mme Noël (Marie-Camille): Oui, effectivement, le centre jeunesse est obligé de lui expliquer ses droits quand il arrive, et effectivement, s'il demande à avoir un avocat, le centre jeunesse doit lui permettre effectivement de rencontrer un avocat.

Le Président (M. Copeman): O.K. Alors, dans le cas où un enfant n'a pas déjà un avocat, parce qu'il n'en avait pas besoin, remarque, antérieurement, les parents ne sont pas dans le décor, il fait l'objet d'un encadrement dans une unité d'encadrement intensif, il veut contester. Mais là le processus, c'est qu'il demande en premier lieu un avocat.

Mme Noël (Marie-Camille): Oui.

Le Président (M. Copeman): Pour saisir le tribunal. Et le centre jeunesse est dans l'obligation de lui...

Mme Noël (Marie-Camille): Référer un avocat.

Le Président (M. Copeman): ...de lui référer un avocat.

Mme Noël (Marie-Camille): C'est ça, oui. L'article 9 est quand même clair, je veux dire, il a le droit. Là, c'est un droit qui lui est dévolu, là, qui lui est attribué. Alors, c'est un droit de communiquer en toute confidentialité avec son avocat. Alors, je veux dire, c'est certain, je veux dire, que l'établissement où il est n'a pas le choix, je veux dire, il doit donner suite à cet article-là, je veux dire, il doit donner suite aux droits de l'enfant, là.

Le Président (M. Copeman): En théorie, ça lui a déjà été expliqué qu'il a droit en tout temps à un avocat.

Mme Noël (Marie-Camille): Oui, parce que l'article, quand même, 2.4 de la loi prévoit que les personnes à qui la présente loi confie des responsabilités envers l'enfant ainsi que celles appelées à prendre des décisions à son sujet doivent «s'assurer que les informations et les explications qui doivent être données à l'enfant dans le cadre de la présente loi doivent l'être en des termes adaptés à son âge et à sa compréhension; de s'assurer que les parents ont compris les informations et les explications qui doivent leur être données dans le cadre de la présente loi». Alors, il y a plusieurs articles, là, je veux dire, qui prévoient explicitement que l'enfant doit être informé de ses droits.

Le Président (M. Copeman): O.K. Merci. Mme la députée de Terrebonne, vous voulez poursuivre?

Mme Caron: Oui, M. le Président. Quand vous dites que la demande qui est instruite est jugée d'urgence, dans la pratique, l'urgence, ça peut être combien de temps? Puis je m'explique, parce que j'ai un exemple précis en tête, un jeune qui dépose une plainte contre ses parents, un jeune adolescent qui vit des situations difficiles, pénibles qui dépose une plainte, et, dans le cas de celui que je pense, il a déposé plainte à plusieurs reprises, et sa plainte n'était toujours pas entendue, jusqu'à ce que finalement il menace de fuguer ou de s'enlever la vie si on ne le sort pas de cette situation-là. Donc, évidemment, menace, devient en danger pour lui-même ? mais dans le fond c'est seulement parce qu'il trouve que ça n'a plus de bon sens qu'on n'écoute jamais sa plainte puis qu'on ne le retire pas de ce milieu-là ? donc c'est sûr qu'il se retrouve en hébergement, en unité d'encadrement intensif. Mais est-ce que c'est vraiment sa place? C'est plutôt que le système n'a pas répondu à sa demande d'aide, d'appel au secours. Donc, dans un cas comme celui-là, il est resté effectivement assez longtemps, merci, dans l'hébergement en unité d'encadrement intensif.

Alors, si on ajoute que la «demande ? ce petit paragraphe là; que la demande ? est instruite et jugée d'urgence», ça peut correspondre à quoi comme délai? Parce que dans le fond cet enfant-là, si on avait examiné rapidement la situation, bien ce n'était pas là, sa place à lui. Ce n'était pas lui qui était le fautif, là, dans le système, là, c'étaient ses parents.

Mme Delisle: Moi, je voudrais, si vous permettez, répondre à ça, puis peut-être que Mme Bérubé pourrait compléter. Moi, je pense qu'il faut repartir de ce qu'il n'y avait pas dans la loi puis de ce qu'on inclut maintenant dans la loi, à partir de ce qu'on a entendu. Bon. Alors, il n'y en avait pas, de délai. Je ne pense pas qu'il y en avait, de délai, puisqu'on a senti l'obligation de le mettre. Bon.

Une voix: Non, il n'y avait pas d'article d'ailleurs sur l'encadrement.

Mme Delisle: Il n'y en avait pas du tout d'ailleurs sur l'encadrement intensif. C'est difficile, c'est sûr, de déterminer entre nous c'est quoi, «jugée d'urgence». Moi, une urgence, pour moi, ça veut dire que tu le fais vite, pas dans trois semaines puis un mois. Je ne suis pas avocate, là, je ne travaille pas dans un centre jeunesse ni dans un centre de réadaptation, mais je suis persuadée que ces gens-là nous écoutent aujourd'hui, et, si cet article-là était adopté, ça veut dire que non seulement les droits du jeune doivent être respectés, mais on doit s'assurer qu'il ait accès à son avocat puis que la plainte... C'est sûr que ce n'est pas évident de porter plainte contre ceux qui sont responsables, entre guillemets, de la situation pour laquelle tu te plains. Bon. La notion de responsabilité, ce n'est pas à nous à la déterminer, là, c'est au tribunal. Mais ce que je comprends de ce que nous introduisons, c'est que la notion d'urgence, le jeune, ça ne peut pas traîner en longueur. Alors, le message est clair pour ceux qui nous écoutent. On l'a souvent dit en commission parlementaire lorsqu'on a fait les... lorsqu'on a entendu les divers groupes.

Je pense qu'il y a eu quelques fils conducteurs, dont celui du changement de pratique aussi, là, pour ne pas tout chambarder du jour au lendemain. Mais je pense aussi, là, que, si on prend la peine de revoir la Loi sur la protection de la jeunesse maintenant ? la dernière fois, ça a été il y a 10 ans ? bien il y a des choses qu'il faut améliorer. Il faut améliorer la situation des jeunes. Mais il faut aussi retenir que l'article dont on discute touche évidemment l'hébergement en encadrement intensif, donc des jeunes qui... tellement malheureux

C'est malheureux, là, ce qu'on discute là, il ne faudrait même pas... Ce serait-u extraordinaire si on n'en discutait pas parce que ce n'était pas nécessaire d'en discuter, là? Mais il y a des jeunes, là, qui, pour toutes sortes de raisons, ont été retirés de chez eux, de leur milieu naturel, ils sont peut-être passés par une famille d'accueil, puis ça n'a pas fonctionné parce qu'il y avait de la... ils n'étaient pas capables de s'attacher parce qu'ils avaient des problèmes de comportement ? il y en a plein, d'exemples, là ? puis qui se sont retrouvés en centre de réadaptation. Puis, quand ils se retrouvent en centre de réadaptation, bien il y a des aires ouvertes, des unités à garde ouverte, puis il y en a en encadrement intensif. Puis l'encadrement intensif, ça doit être uniquement, comme on l'a dit, pour des raisons de sécurité, pour lui-même ou pour autrui.

Alors, si le jeune considère que vraiment, là... Comme l'exemple que vous avez donné, je trouve ça malheureux, sincèrement, surtout s'il s'est retrouvé dans une unité qui non seulement ne l'a pas servi, mais l'a sans doute desservi, là. Ça, il ne faut pas que ça se reproduise. Alors, la notion d'urgence, c'est sûr qu'elle est... ce sera au tribunal, j'imagine, à la qualifier. Mais c'est urgent. «Urgent», ça veut dire tout de suite.

Mme Caron: Est-ce que vous vouliez aussi couvrir par cet ajout-là ? vous les avez sûrement vues, tout comme nous ? certaines plaintes de centres qui recevaient des jeunes filles, où il y aurait eu ? je ménage mes mots, là, puis je ne nommerai pas de centre; où il y aurait eu ? des agressions? Vous les avez sûrement vues, comme nous, ça faisait partie de documents qui nous ont été remis lorsqu'il y a eu les consultations, documents remis par l'Association des grands-parents. Est-ce que par cet article-là, cet amendement-là que vous apportez, on veut aussi pouvoir corriger puis donner un outil finalement aux jeunes qui se retrouveraient victimes, là, dans un centre?

Mme Delisle: Je pense que toutes les situations sont couvertes. Puis, s'il y a de l'abus, quel qu'il soit, dans ma tête à moi ? c'est moi, la ministre, là ? «jugée d'urgence», pour moi, ça veut dire que tu n'attends pas. Alors, que ce soit une plainte pour agression sexuelle, que ce soit une plainte parce qu'on t'a installé là alors que tu n'avais pas d'affaire à être là, tu as des droits, le jeune a des droits, que tu sois un garçon ou que tu sois une fille, jeunes hommes, jeunes filles, ils ont des droits, hein, c'est sûr, là.

Alors, à ce moment-là, je ne suis malheureusement pas capable de vous dire ce que c'est dans... Est-ce que c'est 24 heures? Est-ce que c'est 12 heures? Est-ce que c'est 10 heures? Mais, «jugée d'urgence», le tribunal va devoir composer avec ça. Là, c'est le tribunal.

Une voix: ...

Mme Delisle: Non, non, mais il faut que le tribunal le juge d'urgence, mais il va falloir que la plainte se rende au tribunal. C'est ça.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Si vous me permettez, Mme la députée, pour que je comprenne bien, un peu, la nature de toutes ces définitions, là, si j'ai bien... Je vais vous exposer celles que je comprends, puis vous allez me dire si j'ai raison.

On a la notion d'isolement, qui, elle, se réfère à une notion de danger. C'est une réponse clinique à... c'est ça, temporairement, mais c'est en réponse à une notion de danger pour lui-même ou autrui, qui est régie par l'article 118.1 de la Loi sur les services de santé et services sociaux.

Il y a la référence, maintenant, dans l'article 5, si l'amendement est adopté, des unités d'encadrement intensif, où également il y a notion de danger, soit pour le jeune ou pour autrui, qui, elle, est encadrée par l'article 10 et les règlements, n'est-ce pas?

Puis il y a en un troisième, qui sont les mesures disciplinaires, qui, lui, est également encadré par l'article 10, et les règlements, et l'amendement proposé à 4.2 ? parce que pour moi c'était l'élément qui manque ? où on dit que les mesures disciplinaires, que... pardon, que l'isolement, et l'unité d'encadrement intensif, ne peut être utilisé pour des mesures disciplinaires. C'est nouveau, ça, à 4.2.

n(16 h 10)n

Mme Delisle: Ça, c'était l'amendement qui était proposé...

Le Président (M. Copeman): Et 4.1 a été adopté. 4.2 est suspendu à cause de la discussion qu'on faite à 5. Mais il me semble que c'est une nouveauté assez importante, là, où on indique très clairement, où on indique très clairement, à 4.2, qu'on ne peut pas mettre un enfant, un jeune dans une unité d'isolement ni dans une unité d'encadrement intensif pour des mesures disciplinaires.

Mme Delisle: C'est ça.

Le Président (M. Copeman): Parce que, comme vous, j'ai également vu le film en question, et on avait l'impression parfois que l'unité d'isolement, ou l'unité d'encadrement intensif, a été utilisée pour des fins disciplinaires. Une impression. Je dis bien «une impression». Moi, je ne suis pas en mesure de juger si c'est vrai ou pas. Mais c'est sûr que, si l'amendement à 4.2 est adopté, l'intention du législateur, c'est de dire noir sur blanc que ces types d'unités là ne peuvent être jamais utilisés pour des mesures disciplinaires. Si on apprend qu'il y a des pratiques qui font fi à la loi, bien j'imagine qu'il va y avoir des conséquences pour les administrations des centres jeunesse. Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Delisle: Vous avez très bien compris. En aucun temps l'hébergement en unité d'encadrement intensif ou la salle d'isolement doivent être utilisés pour des mesures disciplinaires. Jamais, jamais, jamais. Puis c'est important qu'on la fasse, cette distinction-là. La mesure disciplinaire, si on veut l'utiliser comme expression, c'est lorsqu'une règle de comportement ou de vie n'a pas été respectée. Puis, quand tu habites dans une même unité à 12 ou à 10, bien... D'ailleurs, on fait ça dans nos propres familles, là. Il y a des règles élémentaires, quand tu vis plus que deux dans une maison, dans un appartement, qui doivent être respectées, puis je pense que ça fait partie aussi des valeurs qu'on doit apprendre à nos jeunes. N'oubliez pas, là, que ces jeunes-là, là, qui sont rendus dans ces centres de réadaptation là, ils ont un parcours qui est absolument effrayant, là. Je veux dire, ce n'est pas une vie intéressante, là, qu'ils ont vécue, là. Alors, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de mécanismes à défaire ou à refaire sur le plan, là, de la vie en société. Mais, vous avez entièrement raison, l'hébergement en unité d'encadrement intensif, si jamais c'était utilisé pour ces raisons-là, j'espère qu'on mettra à la porte les gens qui le font avec cette intention-là. Ce n'est pas fait pour ça, puis on ne rend pas service aux jeunes, puis la salle d'isolement non plus.

Je voudrais vous donner un petit exemple. D'abord, je pense que tout le monde ici a dû lire les articles qu'a écrits Katia Gagnon, qui a passé cinq semaines ? il faut le faire, là, elle a passé cinq semaines ? en centre de réadaptation. Elle a parlé du cri primal d'un jeune qu'elle avait rencontré. Je le lisais puis j'essayais de m'imaginer ce que ça pouvait être, un cri primal. Mais j'étais moi-même, quelques semaines plus tard, avec ma directrice de cabinet, et on visitait un centre jeunesse. On venait de quitter une salle où il y avait des jeunes avec qui on avait parlé, des adolescents, des jeunes adolescents. Bon. Ils ont été polis. Évidemment, on leur a dit que la ministre s'en venait, ça fait qu'ils étaient fins, ils étaient polis, puis tout ça, là, puis ils ressemblaient à nos enfants puis nos petits-enfants, là: Bonjour, madame, puis ils répondaient aux questions. Bien, je ne vous mens pas, là, 10 minutes plus tard, j'ai entendu un cri épouvantable, là, tu sais, comme un chat qui est mal pris, ou je ne sais trop, là, ou un animal, je ne sais pas, qui se ferait écraser, je n'en sais rien, là. Bien, il est passé à côté de nous, là, puis il était complètement hors de contrôle. Il était accompagné avec deux éducateurs, puis il n'était pas brusqué, là, ils jasaient avec lui tout le long. Ils ont passé à côté de nous, puis c'était clair qu'il s'en allait en salle d'isolement, là. Puis ce n'était pas une mesure disciplinaire, là, cette personne-là était en état de crise.

C'est ça qu'il faut comprendre. C'est que, si ce jeune-là était resté dans la salle... Puis, ce n'est pas moi, la clinicienne, là, ça fait que j'hésite à en parler parce que je n'ai aucune compétence pour vous parler de ça, aucune, ce n'est pas moi qui travaille dans ce milieu-là, mais les cliniciens à qui on a parlé, il n'y a pas grand-monde qui est venu ici nous dire que ce n'était pas une bonne mesure, là. Les gens ont dit: Il faut l'utiliser comme il faut. Et ce que je trouve dommage de l'image que les gens vont avoir gardée du documentaire dont on parlait tout à l'heure, c'est la confusion dans les genres qu'on a... J'espère qu'on ne l'a pas fait délibérément, là. Mais, moi, je peux vous dire que, quand je suis sortie de là puis que j'ai entendu le jeune dire: J'ai passé deux mois dans cette salle-là, moi, je me suis demandée si on ne m'avait pas mal informée sur ce qu'était toute cette question d'encadrement et d'isolement, alors que ce n'est pas ça du tout. Donc, il faut, je pense, laisser aux cliniciens, ceux qui sont dans cette pratique-là...

Ça prend du bon jugement. On a rencontré des gens extraordinaires. La députée de Rimouski, elle l'a dit souvent, ce sont des gens qui travaillent avec beaucoup de coeur et beaucoup de passion, et ces gens-là ont aussi des comptes à rendre. S'ils décident d'amener le jeune dans une salle d'isolement, bien ça ne peut pas, comme le questionnait finalement la députée de Rimouski, ne pas être consigné en quelque part, là. On ne peut pas dire: Bien, j'ai amené Antoine à telle place, puis il a passé 10 minutes là, puis que ce ne soit pas consigné à nulle part. Ça doit être consigné. Puis, s'il y a des centres jeunesse où on s'aperçoit qu'ils font davantage l'utilisation de la salle d'isolement, c'est questionné maintenant, c'est questionné. Il faut le faire.

Le Président (M. Copeman): Peut-être une dernière question sur les mesures disciplinaires, parce qu'on indique qu'en ce qui concerne l'hébergement dans l'unité d'encadrement intensif il est fait mention dans le dossier de l'enfant. L'amendement que vous proposez me paraît assez étoffé, dans le sens du travail de législateur. En ce qui concerne les mesures disciplinaires par contre, je comprends, mais l'article 10 est un peu plus vague en ce qui concerne la façon dans laquelle on note ou on décerne les mesures disciplinaires. Autrement dit, par mesure disciplinaire... Est-ce que chaque mesure disciplinaire est confiée dans le dossier de l'enfant? Je comprends, c'est des règles internes, mais on a pris la peine, à l'article 5, de préciser, en ce qui concerne l'hébergement dans l'unité intensive, l'encadrement intensif, qu'il faut noter obligatoirement. Est-ce que c'est la même procédure pour les mesures disciplinaires, pour éviter, pour tenter d'éviter le potentiel d'abus en ce qui concerne l'application de ces mesures?

Mme Delisle: Sincèrement, je ne peux pas vous répondre à cette question-là. On peut revenir là-dessus. Mais tout ce que je sais, c'est que les mesures disciplinaires, il y a des règles de régie interne pour chacun des centres jeunesse... chacun des centres de réadaptation. Et il y a même des jeunes, quand on va là, qui nous disent: Moi, je m'en vais dans ma chambre, puis là tu leur demandes pourquoi: Bien, là, une telle, elle m'énerve, ou bien: j'ai été impolie. Puis ils disent eux-mêmes qu'ils sont contents finalement d'avoir cette discipline-là. On n'a pas donné d'orientation ministérielle là-dessus, parce que ces mesures-là appartiennent finalement... les règles sont internes à chacun des centres jeunesse, à chacun des... pas les centres jeunesse, les centres de réadaptation.

Le Président (M. Copeman): Je comprends, mais je réfléchis...

Mme Delisle: C'est des règles de vie. C'est des règles de...

Le Président (M. Copeman): Oui. Mais je réfléchis tout haut, dans le sens ? écoute, c'est simplement une réflexion ? si on a pris la peine...

Mme Delisle: Ce n'est pas la même chose, là, on ne parle pas de la même... Ce n'est pas du tout la même chose, là.

Le Président (M. Copeman): Je comprends bien ça. Mais, si on a pris la peine, dans le nouvel article 11.1.1, de dire qu'il faut qu'un séjour dans l'unité d'encadrement intensif soit indiqué dans le dossier de l'enfant, est-ce que ce n'est pas possible d'envisager que les mesures disciplinaires soient également notées dans le dossier des enfants afin qu'on puisse...

Mme Delisle: Bien, ça doit être noté...

Le Président (M. Copeman): ... ? bien, c'est ça, la question ? afin qu'on puisse faire le suivi, pour s'assurer qu'il n'y a pas d'abus potentiels ou réels dans l'application des mesures disciplinaires? S'ils ne sont pas notés, qui suit ça? Où est la reddition de comptes?

n(16 h 20)n

Mme Delisle: Bien, écoutez, on peut en discuter, moi, je n'ai pas de problème avec ça. Mais il faut comprendre que la mesure disciplinaire ? je réfléchis à voix haute, M. le Président ? la mesure disciplinaire, c'est: tu as manqué de respect auprès des filles qui sont avec toi. Est-ce qu'à chaque fois qu'il y a une mesure disciplinaire ce doit être consigné à quelque part? Il faut se poser la question. On n'a jamais eu de plainte là-dessus, là, je n'ai jamais rien entendu. Je dis «jamais», en tout cas, mettons, ça fait un an que je suis là, il y en a peut-être d'autres qui l'ont eu avant, là, mais ce n'est pas quelque chose qui a fait l'objet de débat, ni ici ni en commission parlementaire.

Il faudrait aussi essayer de le voir dans le contexte où on ajoute aussi au travail des intervenants. Ça peut paraître bizarre que je soulève ça, là. On peut peut-être regarder au niveau de la régie interne, on peut en parler avec les centres jeunesse, voir de quelle façon ils peuvent arriver à nous exprimer comment ça se fait, là. Mais je ne suis pas convaincue nécessairement que ça doit aller dans une loi.

Parce qu'on a déjà, à l'article 10, si je me souviens bien ? c'est l'article... excusez-moi, l'article où on fait référence aux mesures disciplinaires ? l'article 10, bon: «Toute mesure disciplinaire prise par un établissement qui exploite un centre de réadaptation à l'égard d'un enfant doit l'être dans l'intérêt de celui-ci conformément à des règles internes qui doivent être approuvées par le conseil d'administration et affichées bien en vue à l'intérieur de ses installations. L'établissement doit s'assurer que ces règles sont expliquées à l'enfant de même [qu'aux] parents.» Bon. On peut peut-être faire obligation au conseil d'administration de demander des comptes finalement au centre de réadaptation. «Une copie des règles internes doit être remise à l'enfant, s'il est en mesure de comprendre, de même qu'aux parents de l'enfant. Une copie de ces règles doit également être transmise à la commission, au ministre de la Santé et des Services sociaux ? ici on dit ? [la régie régionale] et à l'établissement qui exploite un centre de protection de l'enfance et de la jeunesse.» Je ne sais pas si ça vous satisfait?

Le Président (M. Copeman): Comme je vous dis, je réfléchissais tout haut, comme vous, là, je ne suis pas un expert là-dedans, dans le domaine, non plus. M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Merci, M. le Président. j'écoutais la ministre, et il y a plusieurs réflexions, plusieurs questions qui me viennent à l'esprit. D'abord, l'article 4.2, quand on dit que mesures d'isolement et mesures d'encadrement intensif ne peuvent jamais ? c'est clair, hein, «ne peuvent jamais» ? être utilisées à titre de mesures disciplinaires, à prime abord, je regarde ça puis je me dis: Ce n'est que le bon sens. Mais, dans la réalité, dans la vraie vie, il me semble qu'il y a des situations où la nuance entre une mesure disciplinaire puis une mesure clinique n'est pas nécessairement claire.

Je me mets simplement dans la peau d'un enfant, là, puis je vais partir de l'exemple qui est donné dans le tableau: «Dans un moment de crise grave et incontrôlable, Antoine perd tous ses moyens et tente d'agresser un autre jeune.» Pour le jeune, là, qui va se retrouver en isolement, moi, je pense qu'on ne pourra jamais lui enlever de l'esprit qu'il s'agit sûrement, pour lui en tout cas, dans sa perception des choses, d'une mesure disciplinaire, sûrement pas d'une mesure clinique. D'ailleurs, le sens commun nous amène à penser que, pour un adulte en tout cas qui tente d'agresser quelqu'un, puis la police s'amène, et on l'amène en prison, c'est une mesure disciplinaire à sa face même.

D'autre part, si on stipule dans la loi franchement et clairement que ce n'est pas une mesure disciplinaire... Là, je reviens à ce que je disais pour un adulte, bien c'est clair que, si on tente, comme adulte, d'agresser quelqu'un, on va encourir, en quelque part, une mesure disciplinaire, peut-être l'emprisonnement; bon, bien, si l'isolement, dans le cas du jeune, ce n'est pas une mesure disciplinaire, c'est une mesure clinique, j'imagine qu'en quelque part, si le jeune tente d'agresser un autre jeune, il y aura une mesure disciplinaire, à part la mesure clinique, et quelle va être la mesure disciplinaire à ce moment? Bien, je ne sais pas. Peut-être qu'on peut statuer que, dans ce cas-là, pour toutes sortes de raisons, ce n'est pas pertinent qu'il y ait une mesure disciplinaire, puis là, à ce moment-là, il faut se poser la question: Dans quels cas devra-t-il y avoir des mesures disciplinaires? Pourquoi est-ce qu'il n'y en aurait pas? Parce qu'il me semble qu'agresser quelqu'un, ça reste un geste grave, puis il faut amener le jeune à prendre conscience, peut-être pas par une mesure disciplinaire, mais à prendre conscience qu'il a commis un acte répréhensible puis qu'il ne faut pas que ça se reproduise. Je ne sais pas, j'essaie de comprendre l'économie de tout ça puis, dans mon esprit, ce n'est pas clair.

Mais de toute façon, au bout du compte, on s'entend sur une chose: peu importe ce qu'on va voter, il reste toujours bien que ce sont des professionnels qui devront travailler avec le jeune puis qu'il faut faire confiance à leur compétence puis en leur jugement professionnel. Mais n'empêche qu'ils vont devoir toujours travailler dans un cadre juridique, dans un cadre légal, puis là c'est nous autres qui le détermine ici.

Puis là je n'ai pas réponse, je réfléchis à haute voix, là, hein? C'est bien beau de dire que l'isolement, ce n'est pas une mesure disciplinaire, mais, moi, je suis persuadé que, pour la majorité des jeunes qui vont vivre ça, ils vont le percevoir comme une mesure disciplinaire. Puis, si ce n'est pas une mesure disciplinaire dans notre esprit, bien ça veut dire qu'en quelque part, quand on pose des gestes qu'on juge répréhensibles, il faut qu'il y ait des mesures disciplinaires qui vont être différentes des mesures cliniques. Je pose la question: Où est-ce qu'on s'en va avec tout ça, là?

Mme Delisle: Bon, alors, moi, je pense qu'il faut... On peut longtemps discourir sur la mesure disciplinaire, on pourrait l'appeler: Tu es puni, tu t'en vas dans ta chambre, mettons. O.K., là? Bon. La nécessité pour nous d'inscrire dans 4.2 que ce ne doit jamais être pour des mesures disciplinaires, c'est justement parce qu'il y a plusieurs groupes qui sont venus nous en parler en commission parlementaire.

Je suis d'accord ? je ne suis pas souvent d'accord avec le député de L'Assomption, mais je suis d'accord ? avec lui quand il soulève toute la confusion qui s'opère autour de ce dont on parle. Parce qu'il y en a une, c'est clair. Les jeunes, c'est certain que les jeunes qui y sont passés, on l'a vu dans le documentaire, pour eux autres, là, ils étaient en punition. Puis, pour eux autres, là, c'est clair que c'était une punition. Mais ceux qui nous ont parlé de l'isolement, là, ce n'est pas ceux qui sont allés passer 10 minutes, une heure, là. Rappelez-vous ? je suis sûre que vous avez vu le film ? ce sont des jeunes, qui aujourd'hui sont plus âgés, qui nous disaient: J'ai passé deux mois là, j'ai passé trois mois, j'ai passé un an. Bien là tu dis: C'est quoi, cette affaire-là? C'est de l'encadrement intensif. C'est que le tribunal a jugé... Parce qu'il faut que ce soit... ça ne peut pas être le centre jeunesse qui décide d'envoyer quelqu'un en encadrement intensif, c'est le tribunal qui fait ça ? je ne me trompe pas, là? Ça peut être le directeur général, mais ça peut être aussi... mais ça ne peut pas être fait comme ça, là, si je ne me trompe pas, là. En tout cas, je vais laisser Mme Bérubé répondre, mais ça ne se fait pas... tu ne décides pas de l'envoyer en encadrement intensif parce que c'est une mesure disciplinaire. S'il fugue, s'il part, fait de la prostitution, s'il est un danger physiquement pour lui-même ou pour les autres, il ne peut donc pas rester dans une unité où il y a 10 ou huit jeunes qui, eux, ne vivent pas cette situation-là. On s'entend bien?

Que les jeunes aient cette perception-là, je trouve ça parfaitement normal qu'ils pensent que c'est une mesure disciplinaire, parce qu'ils n'ont certainement pas demandé à être là, ils aimeraient bien mieux être ailleurs. On s'entend, là? Alors, je suis certaine que, si on réunissait ici 25 jeunes qui sont passés par les centres jeunesse dans les 15 dernières puis qui ont... par un centre de réadaptation, pardon, ils vont tous vous dire, bien, que c'était comme une punition pour eux de ne pas être chez eux, de ne pas avoir pu rester dans leurs familles d'accueil. Mais on ne peut pas non plus légiférer en se disant que les jeunes vont avoir cette perception-là.

C'est clair dans mon esprit que, pour les jeunes, ces mesures-là, ce n'est pas des mesures qui leur conviennent. Mais d'aller en salle d'isolement, qui est une mesure clinique et non pas disciplinaire... C'est très important pour nous, même le mot «jamais», on s'est questionnés sur la pertinence de mettre «jamais» dans la loi, parce qu'on voit rarement ça. Moi, je trouvais qu'il fallait le mettre, il fallait absolument insister sur le fait que ceux qui ont à appliquer ces mesures-là sachent qu'en aucun temps, jamais ils ne peuvent dire: Je l'envoie en encadrement intensif, ou je l'envoie dans la salle d'isolement parce qu'il mérite d'aller là. Ce n'est pas parce qu'il mérite d'aller là, c'est parce que la situation commande, dans le cas de la salle d'isolement, que, pour une période, une courte période donnée, le jeune ait un espace pour lui permettre de souffler, de désamorcer cette crise qu'il vit.

Pour ce qui est de l'encadrement intensif, c'est une situation qui fait en sorte que le jeune ne peut pas bien fonctionner ? on me corrigera, ça ne me fait rien, là, si on me corrige en public, là ? mais qu'il ne peut pas bien fonctionner, pour une certaine période de temps, à l'intérieur d'une unité où les règles sont plus larges, où ils peuvent...

n(16 h 30)n

Une voix: ...

Mme Delisle: C'est ça, il a besoin d'un encadrement plus serré parce que, pour lui-même ou pour les autres, il est un danger. Pas parce qu'il a été impoli avec ses amis, tu sais, pas parce qu'il n'a pas mangé son macaroni, là, c'est parce que pour lui-même il présente, pour lui-même ou pour les autres, un danger, pas momentanément, là, mais pour une période beaucoup plus longue.

Et je termine en disant, M. le Président... Je sais que c'est un peu long, là, mais je reviens aux témoignages de ceux qu'on a entendus ? puis on n'a aucune raison de penser que c'est faux, là. Ces témoignages-là, ces jeunes-là n'étaient pas dans la salle d'isolement, ces jeunes-là étaient en hébergement intensif, avec évidemment la clôture puis le... Je ne sais pas si vous avez eu l'opportunité d'aller dans ces centres de réadaptation là, ce n'est pas agréable de voir ça, là. Tu sais, moi, j'ai eu quatre enfants, j'ai des petits-enfants, puis je ne trouve pas ça agréable. Mais à quelque part il faut aussi se rappeler le cheminement que ces jeunes-là ont suivi, puis, si on veut les aider à s'en sortir, ça prend un encadrement qui est plus serré pour les aider. Il y en a plusieurs ici qui sont issus du milieu de l'enseignement, de d'autres milieux également, on sait comme ce n'est pas toujours facile. Mais la mesure disciplinaire ? je termine là-dessus ? faire de la discipline, ça ne se fait pas dans une salle d'isolement puis ça ne se fait certainement pas dans une unité d'encadrement intensif.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Petite question pour clore là-dessus. J'ai suivi attentivement, on s'est donné la peine de décortiquer un peu ce qu'il y avait dans le règlement, et, pour moi, au moment où j'en suis aujourd'hui, là, je fais une énorme distinction entre la mesure disciplinaire...

D'abord, au départ, on part d'un enfant, là, qui est placé, donc un enfant qui a des difficultés de fonctionnement puis un enfant anormal dans une classe, qui est perturbé puis qui est perturbant, là, on s'entend, là ? j'essaie toujours de me le remettre dans la tête, parce que parfois on est porté, là, à l'étendre à un grand nombre, là, et en tout cas j'espère et je souhaite que ce ne soit pas le cas, là. Bon. On parle souvent d'enfants qui n'ont pas de référence parents, comme disait le président tantôt, d'enfants qui n'ont pas vraiment de suivi. Supposons que ça nous arrivait, à une de nous, à un de nous qu'un de nos enfants ait eu à vivre cela et qu'on soit des parents significatifs ? puisque le mot nous suit depuis le début de la loi ? il est évident que ce ne serait pas du tout le même comportement, et on serait vigilant face aux mesures prises face à notre enfant qui nous échappe. On s'entend? Bon. Là, on parle souvent d'enfants et, pour avoir parlé avec mon directeur de DPJ, on parle d'enfants vraiment, là, en grande, grande, grande difficulté. Alors, qu'il y ait une mesure disciplinaire, au départ il est déjà coincé dans un endroit où il ne veut pas être. Ça marche? Au départ, on le voit, il ne veut pas être là, il n'est pas content d'être là, il est coincé là. Donc, mesure disciplinaire, hébergement plus intensif parce qu'il ne va pas bien. Puis, pour moi, l'isolement, il est évident que cet isolement-là... Il est en énorme crise pendant qu'on le met là, cet enfant-là, il ou elle, peu importe qui il est, ça ne doit pas durer longtemps, je le comprends.

Ce que je veux comprendre par contre, M. le Président, comme tout enfant qui est en maternelle ou tout enfant qui est à l'école où, le soir, quand tu vas chercher ton enfant, il y a comme un petit bulletin de jour où on fait un peu le rapport de cet enfant-là chaque jour, même en maternelle ? j'ai vu ça, pour avoir visité des petites maternelles avec des enfants parfois turbulents mais dits normaux, il y a comme un petit bulletin de fait, et le parent peut suivre son enfant ? alors, si, nous, on veut être rassurés sur la pratique, c'est ça qui nous questionne... Parce qu'on peut mettre tout ce qu'on veut dans le projet de loi, si ce n'est pas appliqué correctement, ça ne va pas. Et l'enfant qui est coincé là n'a peut-être pas la facilité, comme on le veut, d'aller référer à un avocat ou à une personne-ressource. Alors, moi, ce que je veux savoir: Est-ce qu'il y a à quelque part quelque chose que je n'aurais pas vu qui fasse qu'on peut me dire que, le soir, les intervenants qui ont eu affaire avec des enfants qui sont en situation de difficulté, il y a un petit rapport de fait, pas ajouter à leur tâche, mais minimalement un rapport de fait, surtout quand il y a un cas d'isolement, que ce soit toujours, toujours, toujours noté à leurs dossiers? Alors, si, un jour, Mme la ministre décide qu'elle veut savoir qu'est-ce qui s'est passé dans tel centre d'hébergement, elle pourra dire: Écoute, est-ce que je peux voir?

Supposons qu'il y a une plainte, deux plaintes, trois plaintes, il faut qu'on ait un moyen d'avoir cette référence-là. Parce que ce que le film a dit, ou peu importe ce qui a pu se dire sur les centres d'hébergement ou les centres jeunesse, ce sont les abus qui ont été dénoncés. Parce qu'il y a des enfants qu'on n'a pas le choix qu'ils aillent là, il n'y a pas d'autres endroits où qu'ils puissent aller ? j'espère qu'on l'évite à tout prix, le moins qu'il va y en avoir dans ça, mieux on va être content comme société. Alors, moi, mesures disciplinaires, hébergement en unité, isolement, on l'a même dit un peu, là, avec notre équipe, là, ça décrit quand même relativement bien; ce ne sera jamais parfait, là, on le sait très bien.

Mais j'ai-tu un moyen d'avoir cette espèce de suivi là? Si c'était nécessaire et si le ministère est interpellé à cause de plaintes nombreuses dans un centre d'hébergement x, quels sont les moyens pour les intervenants du ministère qui iraient là faire enquête pour savoir qu'est-ce qui s'est passé, s'il n'y a rien d'écrit sur le jeune, puis, on ne sait pas, tout à coup il a sauté une coche puis il passe trois mois en isolement, ou six mois? C'est là qu'on pourrait questionner. Si ce n'est pas écrit, on est fait, et c'est là-dessus que j'aimerais entendre la ministre, M. le Président.

Mme Delisle: Si vous permettez...

Mme Champagne: Oui.

Mme Delisle: ...je vais demander à Mme Bérubé de répondre.

Le Président (M. Copeman): Allez-y, Mme Bérubé.

Mme Bérubé (Line): Effectivement, c'est fait, ça, lorsque l'intervenant quitte son chiffre, il doit consigner dans un petit rapport ce qui s'est passé avec les enfants, pour chacun des enfants, et ça va au dossier de l'enfant et c'est disponible. Le ministère n'a pas le pouvoir d'aller enquêter dans les centres jeunesse. Par contre, la commission des droits de la jeunesse l'a, et effectivement, si vous avez la chance à un moment donné de consulter des rapports de la commission, c'est bien noté que la commission a été consulter ces petits rapports là, et souvent c'est sur cette base-là que la commission va faire ses recommandations.

Mme Champagne: Donc ça, c'était déjà fait. Parfait. Merci.

Mme Delisle: Mais j'ajouterais, pour vous rassurer sur la question de l'utilisation des salles d'isolement, j'ai demandé à ce qu'il y ait un rapport qui soit fait à tous les mois. Le ministère reçoit ce rapport-là à tous les mois, et le suivi est fait pour savoir s'il y a des centres jeunesse où il y a une surutilisation des salles d'isolement.

On en a parlé un petit peu, il y a certains centres jeunesse qui mettent en pratique des façons, peut-être en précrise, la voient venir, je ne sais pas, mais on a vu quand même un reportage là-dessus, on ne peut que souhaiter que plus de centres jeunesse prennent ces initiatives-là. Parce que le but qu'on vise, ce n'est pas de les envoyer là, là, hein? C'est sûr et certain. Alors, s'il y a des moyens qui peuvent être mis de l'avant, moi, je pense qu'il va falloir qu'ils les regardent, qu'ils les étudient. Et puis il y a plein de choses qui se font, là, dans les centres jeunesse, qui sont absolument extraordinaires puis qu'on ne sait même pas, là, qu'on ne soupçonne pas, là. C'est quand on fait le tour qu'on se rend compte que malheureusement tout ce dont on entend parler, c'est ce qui accroche, ce qui va mal. Mais il y a plein, plein, plein de choses, il y a plein de programmes, à part de ça, qui sont extraordinaires pour les enfants.

Moi, je veux rassurer tout le monde en disant que, tu sais, on est de passage, nous autres, ici, là, on fait le bout de chemin qu'on va faire puis on veut très bien le faire parce qu'on ne veut pas en échapper, de ces enfants-là. Puis je pense que de baliser dans la loi toute la question de l'encadrement intensif, c'est important de le faire. On ne peut pas penser qu'on ne peut pas utiliser ces mesures-là. On ne peut pas se mettre la tête dans le sable, on ne peut pas jouer à l'autruche, il y a des situations où on n'a pas le choix.

Je voudrais aussi corriger quelque chose que j'ai dit tout à l'heure, qui était faux en fait, sur la question du tribunal. C'est que, pour l'utilisation de... en fait pour le choix qui est fait d'envoyer un enfant en centre de réadaptation, ça, c'est le tribunal qui le fait. La décision de l'envoyer en unité garde ouverte, là, si vous me passez l'expression, et encadrement intensif revient au centre jeunesse. Donc, vous avez des jeunes qui rentrent dans une unité à aire ouverte, puis qui, pour certaines raisons, se retrouvent quelques mois en unité d'encadrement intensif, puis qui peuvent retourner en unité ouverte ou même retourner dans leurs familles par la suite, si c'est possible, là.

n(16 h 40)n

Le Président (M. Copeman): Il y avait le député d'Orford aussi. Alors, allez-y, M. le député d'Orford.

M. Reid: Si vous me permettez. Merci, M. le Président. Tout à l'heure, il y a plusieurs de mes collègues qui ont réfléchi à haute voix, ça stimule la réflexion. Je trouve que le député de L'Assomption a mis le doigt sur quelque chose d'extrêmement important, et l'article 4.2 me rassure beaucoup, moi, à ce sujet-là, c'est qu'il y a un élément qui est très fort dans notre civilisation judéo-chrétienne, c'est cet élément de culpabilité, punition, et souvent on a de la difficulté à voir comment est-ce qu'on peut être dans une approche de développement ou dans la pédagogie ? la députée de Champlain comprendra ce que je veux dire, certainement ? comment est-ce qu'on peut séparer cet élément d'affectif/punitif de la partie développement et la partie pédagogie, par exemple. Et c'est un avantage de la pédagogie assistée par ordinateur, parce que l'enfant sait bien que l'ordinateur ne peut pas avoir de relation affective, donc, si la réponse n'est pas bonne, ce n'est pas parce que l'ordinateur ne l'aime pas, alors qu'il peut penser que, si le professeur n'aime pas sa réponse, c'est parce qu'il ne l'aime pas.

Alors, il y a cet élément qui est toujours difficile, et je me rends compte, en écoutant les réflexions qui sont faites, qu'il y a effectivement cette même difficulté qui existe au niveau des intervenants et au niveau des enfants, c'est-à-dire: Dans quelle mesure est-ce qu'on sera toujours tenté... Il y aura toujours cette difficulté ? surtout dans notre civilisation ? de considérer comme punitif, comme étant un élément lié à cette espèce de civilisation de culpabilité et de punition dans lequel nous avons grandi et qui est la nôtre en fait. Et je pense que, malgré la difficulté qu'a très bien soulevée le députée de L'Assomption, je trouve que... Après avoir écouté tout le monde, je trouve qu'il est essentiel, tout autant que dans le côté de la pédagogie, il est essentiel de faire cet effort-là.

Et, moi, je dois vous dire, Mme la ministre, que je suis très rassuré par l'article 4.2, qui dit, dans une loi du Québec, qu'on ne peut utiliser ça à des fins punitives ou en tout cas disciplinaires, comme mesure disciplinaire. Et ça ne veut pas dire que c'est facile, et le député de L'Assomption a bien mis le doigt sur le bobo, ce n'est pas facile, mais néanmoins, en le mettant dans une loi, on donne cette indication très claire que, dans notre civilisation qui a une tendance à aller vers le punitif, on ne veut pas que ce soit le cas.

Le Président (M. Copeman): Alors, toujours sur l'amendement à l'article 5, s'il vous plaît, chers collègues. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Moi aussi, le 4.2 me rassure beaucoup. Mais je pense qu'on pourrait peut-être essayer d'aller un petit peu plus loin. À partir du moment où, un enfant, son comportement constitue une menace immédiate pour lui-même ou pour autrui, on considère qu'il faut qu'il y ait une mesure d'isolement. Mais est-ce qu'on a questionné davantage, par exemple, les psychologues ou si on est allé plus loin sur la forme d'isolement? Et je pense en particulier...

Chez nous, il y a un centre, qui s'appelle le Centre l'Envolée, où on a des jeunes qui ont vécu des difficultés énormes, des jeunes qui se sont retrouvés en prison, on a, bon, des difficultés fortes, et, dans cette école, on a aménagé une salle d'isolement mais qui ne ressemble aucunement, mais aucunement aux salles d'isolement qu'on a vues dans les films ou qu'on peut voir directement dans les centres d'hébergement, en unité d'encadrement intensif. C'est au contraire une salle où, bon, il y a de la musique apaisante, une salle où le jeune... Parce que souvent, en crise, la personne a comme besoin de fesser sur quelque chose, hein, de frapper sur quelque chose. Si je suis dans une salle avec juste des murs, je risque de me faire mal, hein? Alors, on a mis à la disposition des jeunes des choses sur lesquelles ils peuvent réagir, et c'est une salle où plein, plein, plein d'intervenants, même à l'extérieur du Québec, sont venus visiter, puis je me dis: On pourrait faire ce pas-là de plus aussi. Avec les connaissances des psychologues, avec les connaissances de la recherche, je suis certaine qu'on pourrait trouver une façon d'isoler les gens qui serait beaucoup plus pédagogique, je dirais, puis beaucoup plus... qui aiderait davantage la personne que de se retrouver dans un lieu qui t'agresse encore plus et qui ne te calme pas du tout, au contraire qui te fait sortir davantage ton agressivité.

Le Président (M. Copeman): Je suis sûr également, sauf que je suis également pas mal convaincu que c'est une décision qui est plus appropriée à 4.2 qu'il l'est à 5, et c'est pour ça que j'ai pris la peine de tenter de nous rappeler, tous ensemble, chers collègues... Je comprends, mais évidemment on peut poursuivre la conversation, la discussion, je souhaite tout simplement qu'on essaie de concentrer sur l'article 5, qui traite plutôt des unités d'encadrement intensif. Nous allons revenir sur 4.2, qui est en suspens, à un moment... O.K. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'article 5, sur l'amendement?

Mme Charest (Rimouski): Strictement sur les arguments en unité d'encadrement intensif?

Le Président (M. Copeman): Bien, on est sur l'amendement à l'article 5, oui, je souhaite, à ce moment-ci, qu'on essaie de...

Mme Charest (Rimouski): O.K., c'est correct. Je reviendrai, 4.2, sur l'isolement. J'ai quelques précisions.

Le Président (M. Copeman): Excellent, oui, parfait. Je comprends bien. Est-ce que l'amendement proposé par la ministre, l'article 5, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Copeman): Adopté. Est-ce que l'article 5, tel qu'amendé, est adopté? Adopté. Je pense que ce serait mieux, au lieu de poursuivre avec 6, de retourner, de tenter de terminer 4.2, hein, étant donné que nous avons déjà largement entamé la discussion. Alors, ça vous convient?

Mme Delisle: Sur la question... Oui.

Le Président (M. Copeman): Nous sommes à l'article 4.2, qui amende le 10, ça a déjà été présenté, il est sous étude. S'il y a des commentaires, allez-y.

Mme Delisle: Bon. Alors, on a quand même pas mal abordé ce sujet-là lors de la discussion précédente, en fait celle qui concernait l'amendement 5 et l'article 5, mais je voudrais, juste pour qu'on soit, tout le monde, au même diapason, puis si vous le permettez, relire le 4.2: L'article 10 de cette loi est modifié par l'addition, après le deuxième alinéa, du suivant:

«Les mesures, notamment l'isolement, prévues à l'article 118.1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux ainsi que la mesure d'hébergement en unité d'encadrement intensif prévu à l'article 11.1.1 de la présente loi ne peuvent jamais être utilisées à titre de mesure disciplinaire.»

Je ne sais pas si vous voulez qu'on refasse le débat là-dessus; j'aurais presque le goût de vous proposer, M. le Président, d'entendre que... parce que la députée de Rimouski avait plusieurs questions sur ça. Moi, je pense qu'on peut le repartir de ce côté-là, le débat.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Par rapport aux salles d'isolement, est-ce qu'il y a des standards physiques pour décréter que tel lieu, c'est une salle d'isolement? Est-ce que ça existe? Est-ce que ce sont les mêmes pour tous les centres de réadaptation, ou ça varie selon l'architecture du bâtiment?

Mme Bérubé (Line): Effectivement, il y a un guide, qui est produit par la CHQ, qui vient vraiment baliser de quelle façon doit être articulée, là, la salle d'isolement. C'est les mêmes partout.

Mme Charest (Rimouski): O.K. Moi, je reviendrais sur toute la question de l'isolement, là. Vous vous souvenez que Mme Julie Desrosiers, qui est professeure à la Faculté de droit de l'Université Laval, nous a quand même fait part de beaucoup de choses par rapport à ça, parce qu'elle a, avec Mme Lamonde, je pense, chercheure également, fait toute une thèse sur toute la question de l'isolement. Elle dit que... puis là je vous répète ce qu'elle nous a donné, parce que c'est sa feuille qui vient d'un mémoire, puis vous allez voir, là, je veux m'assurer qu'on parle tous de la même chose.

C'est sûr qu'elle dit que l'image emblématique de l'isolement des jeunes dans les centres de réadaptation, là, c'est l'isolement, c'est la salle d'isolement, qui demeure. Puis elle réaffirme que ça ne représente qu'une seule des modalités. Et, dans les centres de réadaptation, et plus particulièrement dans des centres de réadaptation sécuritaires, elle dit que les jeunes peuvent être enfermés à clé dans leurs chambres, dans une salle de retrait austère, pour des motifs disciplinaires variés. «De plus, certains programmes de réadaptation [tels que l'encadrement intensif] s'appuient sur un contrôle ? bon ? très strict des déplacements des enfants ? on l'a vu tantôt ? de sorte qu'ils sont enfermés à clé dans leurs chambres lors des changements de quart des éducateurs, lors de la période d'étude ou de sieste quotidienne, de même que pendant la nuit.»

n(16 h 50)n

Et ce qu'elle dit, c'est que c'est vrai que «le législateur réglemente le recours à l'isolement par le biais de l'article 118.1 de la Loi sur les services de santé et les services [sociaux]. Par contre, l'article 10 de la Loi de la protection de la jeunesse, qui régit l'emploi des mesures disciplinaires dans les centres de réadaptation, laisse une très grande marge de manoeuvre aux intervenants et ne proscrit pas expressément l'utilisation de locaux fermés à clé, tant et si bien que l'utilisation de l'isolement resurgit avec force dans le champ de l'action disciplinaire». Et ce qu'elle dit, c'est que l'article 5 ? mais là on vient de l'amender ? «autorise clairement les programmes de réadaptation très restrictifs de liberté, qui encadrent de façon importante le comportement du jeune et ses déplacements, intègrent sur une base usuelle l'utilisation de locaux fermés à clé». Alors, elle dit que les législateurs devraient saisir l'occasion qui leur est donnée pour... L'idéal, c'est de proscrire ou du moins encadrer l'utilisation des locaux fermés à clé à des fins disciplinaires et administratives. Ça, c'est une chose.

Mais je veux aussi rappeler, puis je voudrais qu'on interagisse là-dessus, le mémoire du Barreau, hein. Le Barreau, lui, nous dit que certaines mesures de protection peuvent être privatives de liberté ? on le sait, on l'a vu dans l'article 5 ? et ils disent que, si on adopte certaines modifications législatives proposées dans 125, ça permettrait d'avoir recours de façon répétitive et sans limite de fréquence à de telles mesures. Le Barreau suggère que leur utilisation soit balisée. Ils parlent autant d'isolement que mesures intensives, que mesures disciplinaires. Alors, le Barreau suggère que leur utilisation soit balisée, que des mesures de contrôle soient introduites afin de permettre aux parties de soumettre au tribunal toute situation de mésentente par rapport à l'utilisation de cela.

Et également il y a le bureau des services... la Commission des services juridiques qui, par rapport à l'article 11.1.1, là, trouve inadmissible que des enfants puissent se retrouver hébergés dans un centre de réadaptation dont l'aménagement physique est plus restrictif sans que le tribunal ne soit saisi de telles situations et sans qu'aucune limite de temps ne soit prévue. Les conditions d'un tel hébergement devraient être prévues directement à la loi.

Et, si je vous ai lu tout ça, c'est parce que ça reflète... Puis, ici, il y a même un avocat qui nous avait... ? qui m'a donné, moi, il n'est pas venu en commission parlementaire ? qui disait qu'il fallait vraiment être très encadrants par rapport à: mesure disciplinaire, unité d'encadrement intensif et isolement.

Et je reviens toujours sur l'isolement, parce que, quand je regarde les procédures qui sont utilisées dans les centres d'hébergement ? j'ai fait un grand détour, là, mais vous allez voir ? et je pense, entre autres, au Centre jeunesse du Bas-Saint-Laurent, sa politique et procédure relatives à l'isolement d'un jeune, O.K... ? puis c'est public, puis ils me l'ont donnée de façon tout à fait gentille, là... Il n'y avait aucun problème pour que j'aie accès à ça. On parlait tantôt de la durée. Quand vous nous donnez... Dans le tableau, ici, on dit que l'isolement est, dans votre exemple, soit pour une durée d'au plus une heure. Bien, moi, si je regarde les procédures de certains centres jeunesse que j'ai pu consulter ? je n'ai pas consulté toutes les procédures de tous les centres jeunesse, ça, je vous le dis bien franchement ? ce qu'on dit, c'est qu'ici, je pense, il ne faut pas qu'il dépasse six heures ? attendez, je vous... «La durée doit être la plus courte possible et ne peut excéder six heures ? O.K.? Au-delà de ce délai, le directeur des services de réadaptation doit autoriser la poursuite de la mesure.» Mais c'est six heures, ce n'est pas «au-delà d'une heure».

Et, si je regarde celle du Centre jeunesse des Laurentides, là encore, sur la politique de l'isolement, là-dessus, ici, on parle ? attendez que je retrouve le bon, là: «La durée de l'application...» Bon, ça, c'est... Ah! O.K., ici. Bon. Ici, on vérifie à chaque demi-heure auprès du jeune la pertinence de l'isolement comme tel, et on parle toujours... «Ils l'informent que la durée correspond au temps nécessaire et suffisant pour ne plus qu'il y ait de risques sur sa sécurité ? ça, c'est correct ? [...] l'autorisation de prolonger exceptionnellement l'isolement au-delà de trois heures». Donc, ça veut dire qu'on peut aller jusqu'à trois heures, dans les Laurentides.

Vous voyez, ce n'est pas égal. Ça veut dire que la mesure d'isolement peut être de trois heures comme elle peut être de six heures avant qu'il y ait vraiment une... Puis là je vous fais cas juste de deux centres jeunesse, et je suis persuadée que, si je faisais le tour de tous les centres jeunesse, la procédure sur l'isolement peut varier, en termes de temps, d'un centre jeunesse à l'autre. Vous allez me dire que ça va varier en fonction de la gravité, de l'intensité du problème que le jeune vit. Je veux bien, mais en quelque part il me semble que l'heure, là, elle n'est pas tout à fait... même si c'est une moyenne, là, elle ne reflète pas nécessairement la réalité, et ça, je trouve ça inquiétant parce que...

Puis, si je vous ai parlé du bureau jeunesse puis de Mme Desrosiers, et tout ça, ils se sont quand même posé des questions, et ils ont recommandé qu'on soit très vigilants par rapport à l'isolement, et ils ont même mentionné que ça pouvait aller jusqu'au fait qu'on ne respecte pas les droits des jeunes. C'est pour ça que j'ai fait le grand détour sur les mémoires de ces intervenants-là.

Alors, je me pose la question: Est-ce qu'on ne devrait pas rajouter dans la loi, ou en tout cas dans le règlement, vraiment dans la définition, entre autres, de l'isolement, des durées, de tant à tant, dépendamment des types de situation? Puis là je...

Mme Delisle: Non, non, ça va, on réfléchit.

Mme Charest (Rimouski): Oh! Je ne veux pas être embêtante avec ça, là, mais je...

Mme Delisle: C'est sûr que... Vous nous avez remémoré finalement, Mme la députée de Rimouski, ce qu'on a entendu ici, là, et puis qui nous interpelle, c'est certain, parce que c'est des choses qu'on n'aime pas entendre.

Mme Charest (Rimouski): ...

Mme Delisle: Non, c'est ça. Alors, je voulais d'abord vous dire que... Juste revenir sur l'hébergement en unité d'encadrement intensif. Je vous avais donné la proposition de règlement sur l'hébergement intensif ? c'est juste pour vous rassurer sur ce point-là. Si je vous amène à la page 4, la durée de l'hébergement et la révision de la situation, vous verrez que cet hébergement-là ne peut excéder trois mois, à moins que les motifs qui le justifient soient toujours présents, ce qu'on n'avait pas actuellement, là.

Mme Charest (Rimouski): O.K. Encadrement intensif, ça, c'est trois mois. O.K.

n(17 heures)n

Mme Delisle: Oui. Même si on a voté 5, je tenais à vous le dire parce que dans le fond c'est important, c'est très important, parce que... Je trouvais d'ailleurs qu'il fallait partager avec vous, avec toute l'équipe ici, là, les parlementaires, les grandes lignes du règlement qui sera adopté par le Conseil des ministres, là, une fois qu'il sera prêt.

Je voudrais aussi vous dire que je partage les craintes que vous avez par rapport à l'utilisation de la salle d'isolement, mais je veux partager avec vous aussi le fait qu'il y a une recherche qui se fait, puis qui ne date pas d'hier matin, là, mais depuis plusieurs mois, de méthodes alternatives, et, bon, on en a entendu... On a vu, à une émission ? je ne me souviens pas si c'est Enjeux ou Le point, enfin ? un centre jeunesse ? je crois que c'était sur la Rive-Sud, si je me souviens bien ? où on utilisait le ludique, hein, on amenait les jeunes en précrise, là, à essayer de désamorcer la crise qui s'en venait.

Je voudrais juste vous donner quelques exemples de ce qui est en train de... ce qui a été mis en place comme mesures alternatives par certains centres jeunesse, même par plusieurs, qui ont permis, au moment où on se parle, de réduire de façon importante le recours à l'isolement. Ce ne sont pas tous les centres jeunesse qui font ça, mais il y en a plusieurs qui le font puis il y en a d'autres qui vont emboîter le pas.

Les chambres de récupération qui sont équipées de matériel, dont des punching bags, permettant aux jeunes de gérer leurs sentiments destructeurs en toute sécurité; programmes d'intervention de crise et de gestion de colère: les intervenants sont habilités à déceler les signes avant-coureurs de désorganisation et interviennent plus rapidement, avant que la situation ne se dégrade. Ces programmes sont mis à jour régulièrement et, dans certains cas, supervisés par une équipe universitaire; mesures d'accompagnement individualisé pour les jeunes susceptibles, de par leur dynamique, d'être retirés du groupe; adaptation des programmes, dans chaque unité de réadaptation, aux besoins spécifiques de certaines clientèles: qu'on pense, entre autres, à la santé mentale ou à des jeunes qui souffrent de multiproblématiques, parce que ça, on en voit de plus en plus; présence de comités de solution qui se penchent sur les jeunes qui sont isolés de façon récurrente, afin de trouver des solutions alternatives. Et certains centres jeunesse ont également formé des comités qui réunissent à la fois les jeunes et les intervenants afin de trouver ensemble des alternatives à l'isolement.

Je voudrais aussi vous dire... on m'a soufflé à l'oreille tout à l'heure que les centres jeunesse ont décidé, lors de leur dernière rencontre du conseil d'administration, de mettre fin aux portes barrées, là, lorsqu'il y avait un changement de... il y avait un relais, là, au niveau des intervenants, parce que ça a été soulevé, ça, qu'à un moment donné...

Une voix: ...

Mme Delisle: Bien, ça n'a pas de bon sens, c'est vrai. Alors, ils mettent fin à cette mesure, puis, moi, je trouve que c'est correct aussi, là. Alors, ils sont... Je sais que les centres jeunesse évidemment ont pris connaissance et ont pris acte de l'ensemble évidemment des mémoires qui ont été présentés, et ils sont certainement très interpellés par certaines critiques qui ont été soulevées à l'égard de l'ensemble de ces mesures-là.

Mme Charest (Rimouski): Moi, je trouve que ce que vous venez de nous parler, là, ce sont des alternatives très intéressantes. Même nous, adultes, là, des fois, quand on a une montée d'agressivité, si on avait un petit pushing bag des fois, hein, même au parlement, ça ferait du bien. Mais...

Mme Delisle: Il faudrait l'avoir au salon bleu.

Mme Charest (Rimouski): Enfin! Ceci étant dit, je ne veux pas blaguer pour... parce que c'est important, ce dont on parle, puis je pense que... c'est peut-être juste pour nous faire du bien qu'on fait une blague en passant. Mais pourquoi ce n'est pas dans le règlement que ces mesures devraient être appliquées partout, dans tous les centres jeunesse, que...

Une voix: Des alternatives.

Mme Charest (Rimouski): ...ces alternatives-là devraient être utilisées en termes de mesures préventives, hein, pour aider à résorber les crises avant qu'elles arrivent? Parce que les intervenants, là, ils les voient venir, ces crises-là. Vous êtes allée dans un centre jeunesse, vous avez vu un enfant en crise. Moi aussi, je suis allée, et j'en ai vu un, un petit bout de chou, qui n'était pas tellement âgé, et je vous assure qu'on n'est pas bien, parce que ce que j'ai vu, c'est qu'on le conduisait vers une salle d'isolement. Et, compte tenu de l'âge et de la grosseur puis de la grandeur de cet enfant-là, il me semble que... Puis, la salle d'isolement que j'ai vue, là, ce n'est probablement pas la pire, mais c'était très, très austère, alors pas de fenêtre, puis des murs brisés, puis... Bon. Vous allez me dire qu'il y en avait d'autres qui s'étaient défoulés sur les murs avant qu'il passe, là, mais ça reste que le jeune, il s'est retrouvé dans cette salle d'isolement là. Et il me semble que... Et l'intervenante a fait une réflexion à l'effet que: Bon, à matin, là, on sent qu'il y en a plusieurs, là, qui sont sur le bord d'une crise.

Alors, je pense que les intervenants, qui sont des professionnels puis qui connaissent leurs jeunes avec qui ils travaillent, ne demanderaient pas mieux que d'avoir des moyens comme ceux que vous avez énumérés pour baisser la pression, permettre que la vapeur sorte, puis que, bon... que même de l'agressivité s'exprime, s'il faut que ça passe par là, mais de façon positive. On peut exprimer de l'agressivité de façon positive. Et je pense que, dans le règlement, il y aurait peut-être lieu de faire un ajout dans le sens de dire que ce que vous avez énuméré comme mesures alternatives devrait être utilisé par les centres jeunesse. Je ne sais pas qu'est-ce que vous en pensez, là?

Mme Delisle: Oui. Sur la question du règlement, il faut se rappeler que c'est un règlement sur l'hébergement en unité d'encadrement intensif, là. Ce n'est pas un règlement sur la salle d'isolement. Ce règlement-là touche uniquement l'encadrement... l'hébergement.

Mme Charest (Rimouski): Sur l'isolement, vous n'avez pas aucun...

Mme Delisle: Il y a des mesures, il y a des balises qui sont dans la loi, qui n'est pas dans la 125 mais qui est dans la loi sur la santé et les services sociaux, ? excusez-moi, je vais le trouver, là... En fait, le 118.1 de la loi sur la santé et les services sociaux, que j'ai lu tantôt. Mais vous avez illustré, Mme la députée de Rimouski, qu'il y avait quand même, dans les protocoles puis dans les règles, une certaine disparité. On me faisait remarquer tout à l'heure que, même si, dans le Bas-Saint-Laurent, au Centre jeunesse du Bas-Saint-Laurent, c'est marqué six heures, la moyenne est d'une heure.

Mme Charest (Rimouski): Mais je ne dis pas qu'ils le font...

Mme Delisle: Non, non, non, non, je le sais. C'est que la moyenne est environ d'une heure, dans la pratique.

Moi, je pense qu'il faut revenir... moi, en tout cas, je m'engage à le faire, là. Je suis certaine qu'il y a des gens qui sont rivés à leur petit écran et qui nous écoutent sur toute la question de l'isolement, je pense qu'il faut continuer dans notre recherche d'alternatives pour s'assurer, là, qu'on l'utilise le moins souvent possible. Mais on ne peut pas se substituer... comme législateurs, on ne veut pas non plus se substituer aux professionnels qui travaillent. On peut leur donner des guides, on peut soulever, au nom des citoyens puis au nom des groupes qui sont venus ici, les inquiétudes, soulever également qu'on doit continuer dans cette recherche de limiter, en autant que faire se peut, l'utilisation de la salle d'isolement. Il faut aussi comprendre que c'est une mesure clinique. S'il y a autre chose qu'on peut faire, il faut poursuivre dans cette veine-là, mais on ne peut pas exclure non plus... je sais que c'est gros de dire ça, mais, je veux dire, il faut aussi... on ne peut pas se mettre la tête dans le sable, là, je veux dire, il y aura toujours, fort malheureusement, des situations où les jeunes vont devoir y aller pour les raisons qu'on a expliquées tout à l'heure et non pas pour des mesures disciplinaires.

Moi, je pense qu'il faut continuer à interpeller nos intervenants, nos directeurs de centres jeunesse pour qu'ils mettent l'accent sur les mesures alternatives, sur les méthodes alternatives. Il y en a qui le font, là, je veux dire, ce serait intéressant de faire un recensement. On pourrait peut-être revenir aux crédits avec ça, si j'étais capable de le faire, là, et puis peut-être en reparler puis dire: Bon, bien, voici combien il y en a qui ont des mesures alternatives, quels sont les programmes qui ont été... Je ne sais pas si ça pourrait vous satisfaire, à ce moment-là. Mais on pourrait aussi en reparler. Mais c'est certain qu'on ne fait pas un règlement sur la salle d'isolement, on fait un règlement sur l'utilisation, évidemment, de l'hébergement, sur l'hébergement en unité d'encadrement intensif. Les règles de chacun des centres jeunesse sont...

Mme Charest (Rimouski): Je ne sais pas si c'est parce que... moi, je ne connais pas beaucoup ça, mais pourquoi vous faites un règlement sur les mesures d'hébergement en unité d'encadrement intensif puis vous n'en faites pas un sur l'isolement? Parce que, je veux dire, c'est une autre forme, là, de restriction de liberté. Je comprends qu'on puisse l'utiliser à des fins cliniques, mais ça reste que...

Mme Delisle: Non, non, l'utilisation de la salle d'isolement, elle n'est pas... on ne la retrouve pas dans la 125, on la retrouve dans la loi sur la santé et les services sociaux.

Mme Charest (Rimouski): O.K.

Mme Delisle: Donc, je vous refais mon offre, parce qu'on est tous très concernés par ça puis on est tous très intéressés par la suite des choses. On pourra vérifier à combien de centres de jeunesse on peut même donner des orientations, on peut... moi, je m'engage à le faire...

Mme Charest (Rimouski): Je vous crois, je suis persuadée que vous avez intérêt puis que vous allez le faire. Par contre, dites-moi: Est-ce qu'il y a un âge minimal où, un enfant, on ne le met pas en isolement? Parce que, dans les centres de réadaptation, on voit des enfants de sept ans, huit ans, neuf ans, hein? Ça commence assez jeune.

Mme Delisle: Mais, dans l'encadrement intensif, ils sont plus vieux, en encadrement...

Une voix: ...

Mme Charest (Rimouski): Parce que, moi, le petit jeune que j'ai vu partir en salle d'isolement, il avait huit, neuf ans.

Mme Delisle: Moi, j'en ai visité, quelques unités où il y avait des jeunes, vous avez raison, des six à 10, là. Ça aussi, c'est assez particulier, ça fait un peu mal au coeur de voir ça, là.

Mme Charest (Rimouski): Ça fait très mal au coeur. Et c'est pour ça que je me dis: Est-ce que ces enfants-là vont... qu'ils aient six ans et qu'ils soient en crise, il me semble qu'un enfant en crise à six ans...

Mme Delisle: Pour les mêmes raisons, je pense que les... en fait, pour les mêmes raisons, là, par rapport à leur sécurité, pour autrui ou pour les autres...

Une voix: ...

Mme Charest (Rimouski): L'automutilation, là, comme me glisse mon recherchiste, c'est sûr, mais, dans les départements de médecine pédiatrique, ils ont des cas d'enfants qui cherchent à s'automutiler, pour toutes sortes d'autres motifs, et ils ne sont pas nécessairement dans des salles d'isolement, là.

n(17 h 10)n

Mme Delisle: J'ai de la difficulté à vous répondre à cette question-là, sincèrement, parce que, je le dis bien candidement, je ne travaille pas dans ce milieu-là. C'est une bonne question à poser. Mais il y a des salles d'isolement dans toutes les unités.

Mme Charest (Rimouski): Ce serait peut-être à réfléchir, là, à partir de quel âge. On peut avoir l'avis d'experts cliniques. Je veux dire, moi, je suis comme vous, là, je ne suis pas la spécialiste de toutes ces questions-là. Mais ça reste que, veux veux pas, quand on voit en tout cas un jeune en aussi bas âge être dirigé vers une salle d'isolement, là, ça ne se peut pas qu'on sorte de là tout droit, hein, on sort de là croche.

Mme Delisle: Il n'y en a pas beaucoup, d'unités où il y a des jeunes de six à 10 ans, là. Ce serait intéressant de faire le décompte, là, mais il n'y en a pas tant que ça.

Mme Charest (Rimouski): De valider en quelque part comment ça se passe pour des jeunes aussi jeunes. Je comprends qu'un jeune de 14, 15 ans ? il y en a qui sont costauds ? qui décide, là, de s'automutiler ou d'être agressif physiquement, verbalement vis-à-vis un autre ou... en tout cas... ça, je comprends plus ça, puis je me dis: À la limite, ça peut être absolument nécessaire, la salle d'isolement. Mais, des enfants de six ans, sept ans, huit ans, ça, j'ai des malaises par rapport à ça... un malaise ou des malaises, je ne sais plus, mais en tout cas... Est-ce que ça va?

Mme Champagne: Oui, dans le même sens que ma collègue, c'est que...

Le Président (M. Paquin): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Merci. Quand je regarde le règlement sur l'hébergement en unité d'encadrement intensif, on spécifie, à la page 3, je pense, si je ne me trompe... c'est ça ? j'étais en train d'ailleurs de faire l'erreur: L'application d'une mesure semblable, là, doit s'effectuer uniquement auprès des jeunes de 14 ans ou plus. Or, de façon exceptionnelle, tu vas aller dans un encadrement intensif, si tu as moins de 14 ans, avec l'autorisation personnelle du directeur de la protection de la jeunesse. Alors, si on ne veut pas aller dans des mesures semblables à l'intérieur des centres jeunesse, l'unité que j'appelle l'encadrement intensif pour moins de 14 ans, comment on pourrait justifier d'amener en isolement des petits pits qui ont encore moins de 14 ans? Parce que je me dis: Pour moi, l'isolement, c'est une démesure, une perte de contrôle totale, où, là, tu décides de le mettre en sécurité parce que tu n'es même plus capable d'en venir à bout.

Peut-être que ça existe, là, parce qu'on le disait tout à l'heure, on n'est pas des cliniciens, personne, mais, si on ne permet pas d'envoyer dans des unités d'encadrement intensif un enfant de moins de 14 ans, à moins d'exception, comment peut-on amener dans une mesure d'isolement un enfant qui aurait en bas de 14 ans? Ça me questionne. C'est vraiment quelqu'un que tu ne contrôles plus du tout, du tout que tu amènes là, là. On parle d'un jeune enfant.

Mme Delisle: Je vais demander à Line de répondre... à Mme Bérubé de répondre à ça. Excusez-moi.

Le Président (M. Paquin): Allez-y.

Mme Bérubé (Line): Je n'ai pas la donnée sur le nombre d'unités qu'on a, au Québec, pour les plus petits, mais il reste que la plupart de nos unités d'encadrement, d'hébergement au Québec, c'est plus pour des plus vieux, donc des jeunes de plus de 12 ans, même de 14 à 18 ans. C'est ce qu'on retrouve de façon plus importante. Donc, on n'a pas beaucoup de jeunes placés... de tout-petits de six ans ou de huit ans, il n'y en a pas beaucoup dans les unités. Ceux qu'il y a sont des jeunes en grande détresse, avec des très grandes difficultés. Et on va chercher à prendre d'autres moyens pour les calmer, là. Mais il reste qu'il peut y arriver des situations exceptionnelles où effectivement il va y avoir utilisation de salles d'isolement, mais ça demeure dans l'exception, là. La majorité, ce n'est pas la situation qui est observée, là.

Le Président (M. Paquin): Ça va, Mme la députée de Champlain?

Mme Champagne: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): D'accord. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Si nous sommes capables, par l'amendement ? puis, l'amendement, on le salue, là ? de s'assurer que l'isolement ne peut...

Une voix: Jamais.

Mme Caron: ...jamais, ni les unités... les hébergements en unité d'encadrement intensif ne peuvent jamais être utilisés à titre de mesure disciplinaire ? c'est extrêmement important, cet amendement-là ? est-ce qu'on ne peut pas aller plus loin en précisant que l'isolement ne peut, tout comme l'encadrement intensif, là, ne peut être utilisé pour des enfants de moins de 14 ans? Et est-ce qu'on peut même dire, pour les autres aussi, que c'est utilisé... bien, c'est toujours le même principe, là, quand c'est dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui, mais que c'est utilisé lorsque des mesures alternatives ont été utilisées? Hein, ce serait comme le dernier recours, là, mais qu'avant qu'il se retrouve en isolement on ait tenté des mesures alternatives? Si on est capable d'imposer une structure physique précise, hein, une architecture pour des salles d'isolement, je ne vois pas comment on n'est pas capable de leur demander d'avoir des mesures alternatives avant. Puis, pour les plus petits, bien, qu'on l'interdise. Ils auront des pratiques alternatives à développer.

Mme Delisle: Je reviens avec ce que j'ai dit tantôt, l'utilisation des salles d'isolement, ce n'est pas dans la loi n° 125, c'est dans la loi sur la santé et les services sociaux, puis on ne veut pas l'amender...

Une voix: ...

Mme Delisle: C'est-à-dire qu'on dit que ça ne doit jamais être utilisé pour des mesures de... à titre de mesure disciplinaire.

Mme Caron: On en profite pour corriger.

Mme Delisle: Moi, j'ai un inconfort puis je vais vous dire c'est quoi. C'est que je n'ai aucune idée des conséquences que ça peut avoir, ça, cette proposition que vous faites, cliniquement. Je ne suis pas habilitée, je n'ai pas cette compétence-là, aujourd'hui, pour vous dire, si on incluait dans la loi... si on inclut dans la loi que, pour des enfants de six à 10 ans, on ne devrait jamais l'utiliser puis qu'on devrait... ou ça pourrait l'être seulement si on a utilisé des mesures... des méthodes alternatives. Il peut y avoir des circonstances, je ne le sais pas, et je réfléchis encore à voix haute, il peut y avoir des circonstances où il faut que l'enfant... Vous avez vécu un exemple, j'ai vécu un exemple qui est sans doute le même mais à un autre endroit, où c'était clair, là, je veux dire, qu'ils n'avaient pas le temps d'utiliser autre chose, là, que de l'amener là où ils l'amenaient, là. Est-ce qu'il est resté là une demi-heure, trois quarts d'heure? Moi, je pense qu'il faut laisser aux professionnels l'opportunité de décider, mais à l'intérieur d'un cadre. Et je pense que les messages non seulement sont clairs, mais il y a des balises aussi qui sont claires, là: tu ne peux pas l'utiliser, sauf si, dans un moment de crise, cet enfant-là peut être un danger pour lui-même ou pour autrui. On parle d'une situation de crise, là. On ne parle pas de troubles de comportement, là, de comportement grave ou... On ne parle pas de ça. Et il faudrait amender... Ce qu'on me dit, ce qu'on me souffle à l'oreille, c'est qu'il faudrait... On ne peut pas amender, nous, la loi sur la santé et les services sociaux. Donc, je pense qu'il faut amener les centres jeunesse à développer davantage de méthodes alternatives. Moi, c'est ce que je souhaite, là, c'est qu'on puisse faire ça.

Le Président (M. Paquin): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, merci, M. le Président. Mais je pense que l'amendement que la ministre elle-même apporte, hein, le 4.2: L'article 10 de ce projet est modifié... Elle vient elle-même, par cet amendement-là, rappeler l'article 118.1 de la loi de la santé et des services sociaux. Il n'y a rien, mais rien qui nous empêcherait d'ajouter que, lorsque c'est utilisé, c'est après des mesures alternatives. Parce que, quand quelqu'un est en crise, personne ne va me faire accroire que le fait de le mettre dans une salle ? et ma collègue disait: des murs qui avaient été brisés, massacrés ? ...que cet enfant-là n'est pas... ne se fait pas mal à lui-même en frappant sur ces murs-là, là. Alors, je l'aimerais bien mieux dans une salle où il pourrait frapper sur quelque chose où il ne se ferait pas mal. Donc... D'ailleurs, les centres qui utilisent maintenant des méthodes alternatives, il faut se le dire, c'est parce que ça a évolué, la connaissance aussi, là. Et je pense qu'il faut qu'on profite d'une nouvelle loi pour tenir compte de cette évolution des connaissances, là. Nous, on est prêts à ce que vous regardiez avec vos légistes, faites des vérifications...

Mme Charest (Rimouski): Avec les cliniciens aussi.

Mme Caron: ...avec les cliniciens, à savoir comment on peut intégrer à votre propre amendement ce qu'on propose. Mais je pense qu'il faudrait profiter des connaissances nouvelles pour améliorer nos pratiques.

Mme Delisle: Et justement c'est une pratique. Je vous dirais, et je répète, là, ce n'est pas parce qu'on fait référence à l'article 118 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux qu'on est en train d'amender la loi.

Mme Charest (Rimouski): La loi sur la santé et les services sociaux, non.

n(17 h 20)n

Mme Delisle: Non. Mais c'est parce que la députée de Terrebonne dit: Puisque vous l'incluez dans l'amendement, on peut donc prendre les dispositions nécessaires ? là, je mets des mots dans sa bouche, là, peut-être que ce n'est pas tout à fait ça qu'elle a dit ? pour profiter de l'occasion pour l'amender. On ne peut pas amender 118.1. Nous, on dit que, parce que 118... parce que l'isolement se trouve dans 118.1 de la loi sur la santé et les services sociaux... la Loi sur les services de santé et les services sociaux, on en profite pour dire qu'il ne faut jamais que la mesure d'hébergement en unité d'encadrement intensif et que... ? l'isolement, pardon; et que ? la mesure d'hébergement en unité d'encadrement intensif ne peut jamais être utilisée à titre de mesure disciplinaire.

Mme Caron: Et qu'on peut en profiter pour dire que ça peut seulement être utilisé après avoir utilisé des pratiques alternatives.

Mme Delisle: Bien, moi, je pense que c'est dans la pratique, ça. Il faut donc que le message soit passé, et on doit continuer à travailler à trouver des mesures alternatives à l'isolement, parce que, pour parler de l'isolement et y inclure la phrase que vous souhaitez inclure, Mme la députée de Terrebonne, c'est qu'il faut amender 118.1, et on ne peut pas, nous, dans le cadre de 125, amender la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Par contre, je suis parfaitement d'accord qu'on poursuive cette réflexion-là, que les centres jeunesse doivent continuer à poursuivre leur recherche, leur quête de méthodes alternatives. Il y a actuellement, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, des orientations ministérielles qui ont été données. Nous recevons à tous les... le ministère reçoit à tous les mois maintenant, depuis l'automne dernier, des statistiques sur le nombre de fois que ces salles-là sont utilisées. S'il y a surutilisation, il y a vérification qui est faite. Ça ne me gênerait même pas personnellement de prendre le téléphone puis de poser la question puis de dire: Expliquez-moi pourquoi vous avez utilisé 14 fois dans le mois cette salle-là, alors que d'autres centres jeunesse l'utilisent seulement une fois. Bon. Alors, je caricature un peu, mais on est déjà... la marche est déjà commencée vers l'utilisation de méthodes alternatives.

Et je répète ce que j'ai dit tout à l'heure, j'ai un certain inconfort, comme législateur, à me substituer à un clinicien qui doit, lui, chercher toutes sortes de formules, mais qui pourrait aussi être obligé à certains égards de dire: Bien, dans le cas X, je dois utiliser cette salle d'isolement là. Tu sais, j'aimerais bien mieux qu'il n'y aille pas, là. Mais, dans la loi sur la santé et les services sociaux, on fait référence à l'isolement, c'est une mesure clinique. Et je vous dirais aussi qu'il n'y a pas personne qui est venu ici nous dire que ce n'était pas... qu'ils en avaient contre l'utilisation des salles d'isolement. Ils en avaient contre l'utilisation des salles d'isolement comme mesure disciplinaire, c'est ça qu'on s'est fait dire ici, là, par divers groupes. Il n'y a pas un psychologue, il n'y a pas... Absolument, je mets au défi qui que ce soit de venir nous dire ici, aujourd'hui, qu'il y a un groupe qui est venu nous dire qu'ils étaient contre l'utilisation des salles d'isolement, même les personnes auxquelles vous avez fait référence tout à l'heure. C'est toujours dans le sens où c'est des mesures disciplinaires, où on a, de façon exagérée, barré des portes parce qu'il y avait un changement de... il y avait un relais dans les équipes, et puis que, bon, on... en tout cas, pour des raisons qui leur appartiennent, là. Mais, moi, je pense qu'il faut être conscient aussi que c'est une utilisation clinique, ça fait partie du champ de pratique et...

Mme Caron: Au niveau du rapport que vous demandez concernant l'utilisation des salles d'isolement, est-ce que tous les centres ont les mêmes critères à répondre pour ce rapport-là?

Mme Delisle: Oui.

Mme Caron: Oui? Quels sont ces critères-là?

Mme Delisle: C'est nous... Peut-être... bien, Mme Bérubé, vous pouvez peut-être répondre à la question concernant le rapport qu'on a demandé, là, sur une base mensuelle, pour l'utilisation des salles d'isolement.

Mme Caron: Qu'est-ce qu'on leur demande précisément? Ils ont tous le même rapport à faire, ils ont tous les mêmes demandes? Qu'est-ce qu'on leur demande?

Mme Bérubé (Line): C'est le nombre de fois où ils l'ont utilisée...

Mme Caron: Le nombre de fois.

Mme Bérubé (Line): ...et la durée aussi, la durée la plus longue, la moins longue et la moyenne.

Mme Charest (Rimouski): Et, à chaque fois que la salle d'isolement est utilisée, ils annotent au dossier du jeune? Et là on met quoi comme information ? pour le bénéfice, là, de ceux qui écoutent?

Mme Bérubé (Line): Dans le dossier, normalement ce que l'on va inscrire, c'est l'intervention qui a été faite, on va décrire l'intervention, on va décrire pourquoi l'intervention a été faite, puis, s'il y a d'autres personnes qui ont participé à la prise de décision, ça va être écrit aussi, normalement.

Mme Caron: On ne pourrait pas en profiter pour leur demander s'ils n'ont pas utilisé une autre mesure alternative?

Mme Charest (Rimouski): Mais, moi, je reviens, là, sur... Quand on fait... quand chaque intervenant... parce que, si je comprends bien, un intervenant qui décide qu'un jeune doit aller en mesure d'isolement, il fait un rapport au dossier du jeune et il fait des notes au dossier du jeune. Alors, c'est le surveillant qui dit: Après telle et telle... Il décrit la situation, je suppose? Il décrit les personnes présentes en termes d'éducateurs, ou de responsables, ou...

Mme Bérubé (Line): Pas nécessairement. Ce qu'on retrouve au dossier d'un jeune, c'est vraiment la description de ce qui a été fait auprès de lui, pourquoi on l'a fait, puis, s'il y a eu une décision, qui a été impliqué dans la prise de décision. Mais on ne va pas nécessairement parler de l'ensemble des autres personnes qui étaient dans l'environnement s'ils n'ont pas joué un rôle dans la situation.

Mme Charest (Rimouski): O.K., mais ce sont les intervenants qui ont pris part à la décision dont il est fait mention. Et est-ce qu'on donne aussi un détail sur la durée, sur la supervision du jeune? Est-ce qu'on donne ça au dossier du jeune, qu'est-ce qui a été...

Mme Bérubé (Line): Normalement, on doit avoir une description de l'intervention, là, oui.

Mme Charest (Rimouski): Sa durée, et tout ça?

Mme Bérubé (Line): Oui.

Mme Charest (Rimouski): Et le motif de la cessation aussi?

Mme Bérubé (Line): Normalement, oui.

Mme Charest (Rimouski): Tout comme le motif, pourquoi l'isolement a été prescrit, en quelque sorte. Ça devient une prescription. Bon. O.K. Alors, merci.

Mme Delisle: Je vais ajouter quelque chose...

Le Président (M. Paquin): Mme la ministre, allez-y.

Mme Delisle: ...si ça peut vous rassurer. 118.1 dit que «l'utilisation ? on fait référence à l'isolement, là; l'utilisation ? d'une telle mesure doit être minimale et exceptionnelle et doit tenir compte de l'état physique et mental de la personne».

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Non?

Mme Charest (Rimouski): Juste un instant...

Le Président (M. Paquin): Oui, madame... oui, d'accord.

Mme Charest (Rimouski): M. le Président, est-ce qu'on peut suspendre juste une minute, s'il vous plaît?

Le Président (M. Paquin): On va faire ça, madame.

Mme Charest (Rimouski): Merci.

Le Président (M. Paquin): Je suspends donc les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 27)

 

(Reprise à 17 h 28)

Le Président (M. Paquin): La Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Est-ce que l'amendement... Ça va, madame? Mme la députée de Rimouski, je vous écoute.

Mme Charest (Rimouski): Je demanderais quand même qu'on demande aux centres jeunesse que dans leurs rapports ils inscrivent s'ils ont fait appel à des mesures alternatives avant de passer à l'isolement. Est-ce qu'il y a possibilité que ce soit inclus dans le rapport, qu'ils fassent mention si, oui ou non, ils ont utilisé des méthodes alternatives avant de procéder à l'isolement comme tel?

Mme Bérubé (Line): Vous voulez dire au dossier?

Mme Charest (Rimouski): Oui.

Mme Bérubé (Line): On pourrait toujours faire une demande plus administrative, là. Maintenant, ce n'est pas nécessairement... ça n'a pas un caractère d'obligation, là, mais je pense qu'on peut soulever effectivement...

Mme Charest (Rimouski): Ça peut être un incitatif.

Mme Bérubé (Line): Oui. On peut souligner l'importance de demander... de faire...

Mme Charest (Rimouski): Parce que ce n'est pas facile de changer les façons de faire de professionnels, de tout milieu, hein? Que ce soit une shop d'outils ou que ce soit dans un centre de services, je veux dire, veux veux pas, on a tous des habitudes de pratique, et je pense que, si on met ça comme incitatif, bien ne serait-ce que faire réfléchir... bien, je sais qu'ils ont aussi beaucoup de préoccupations, là, et, sans abuser de leur générosité, il me semble qu'on pourrait leur suggérer fortement, et même le recommander, et que, bon,il n'y a peut-être pas de mesures disciplinaires aux intervenants qui ne le feraient pas, mais au moins on aurait un incitatif qui permettrait de rappeler que ça existe. Et, ceci étant dit, s'il y a possibilité de rappeler ça aux centres jeunesse...

Mme Delisle: On va en parler.

Mme Charest (Rimouski): Vous allez en parler?

Mme Delisle: Absolument, vous avez ma parole là-dessus.

Mme Charest (Rimouski): Merci, Mme la ministre. Nous sommes prêts à voter.

Mme Delisle: On va voir avec eux comment ça peut s'articuler.

Mme Charest (Rimouski): Oui, oui.

Mme Delisle: Puis on vous reviendra.

Mme Charest (Rimouski): Vérifier la faisabilité, là.

Mme Delisle: On va le regarder. Oui, oui.

Le Président (M. Paquin): Est-ce que l'amendement est adopté?

Mme Delisle: Oui.

Mme Charest (Rimouski): Adopté.

Le Président (M. Paquin): Donc, le nouvel article 4.2 est adopté. Article 6...

Une voix: Bravo! Bravo!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquin): Mme la ministre, article 6.

Mme Delisle: Bon. On avait un amendement, 5.1.

Le Président (M. Paquin): Allez-y, Mme la ministre, on vous écoute.

n(17 h 30)n

Mme Delisle: Là, je veux juste me remettre dedans, là. Donc, le 5.1: Insérer, après l'article 5 de ce projet de loi, le suivant... Bon, je vais prendre ma feuille à moi parce que je m'étais mise des... je m'étais mis des notes, pardon. Alors: Cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 11.2, du suivant:

«11.2.1. Dans le cadre de la présente loi, nul ne peut publier ou diffuser une information permettant d'identifier un enfant ou ses parents, à moins que le tribunal ne l'ordonne ou que la publication ou la diffusion ne soit nécessaire pour permettre l'application de la présente loi ou d'un règlement édicté en vertu de celle-ci.

«En outre, le tribunal peut, dans un cas particulier, interdire ou restreindre, aux conditions qu'il fixe, la publication ou la diffusion d'informations relatives à une audience du tribunal.»

Je vous dirais que cet amendement a pour but d'élargir l'interdiction de publication d'information à tous les enfants signalés et non pas uniquement aux enfants judiciarisés. Conséquemment, l'article a été déplacé à l'article 11.2.1 pour le rendre applicable à l'ensemble de la loi. Alors, ce que je veux vous dire, c'est que c'est l'équivalent de l'article 83 de la loi actuelle. On l'a ramené à l'article 5 pour lui donner une place plus stratégique dans la loi. Et je vais demander à Mme Noël, qui est bien plus compétente que moi dans le domaine de la législation, de vous donner plus d'information.

Le Président (M. Paquin): Je comprends qu'il y a consentement pour écouter Mme Noël et j'ai l'impression que c'est avec beaucoup de plaisir. On vous écoute, madame.

Mme Noël (Marie-Camille): Merci. C'est qu'à l'article 83 actuel on a l'interdiction de publication ou de diffusion d'«une information permettant d'identifier un enfant ou ses parents parties à une instance ou un enfant témoin à une instance dans le cadre de la présente loi». Alors, ce que l'on fait, c'est qu'on élargit cette interdiction de diffusion ou de publication à toute la loi et non pas seulement aux enfants ou parents parties à une instance, ce qui fait en sorte que maintenant ça va s'appliquer, tant dans les mesures volontaires que dans les mesures judiciaires... ça va s'appliquer à l'ensemble de la loi.

Alors, pour que ça puisse s'appliquer à l'ensemble de la loi, on l'a sorti du cadre du chapitre V, qui parlait de l'intervention judiciaire, pour le ramener finalement à l'article 11.2.1, qui se trouve, l'article 11.2.1, dans les principes généraux et droits des enfants. Alors, à ce moment-là, je veux dire, ça va être clair, on va le retrouver à cet article-là, et ça va s'appliquer à toute la loi. Il n'y aura pas de confusion possible, à savoir: Est-ce que ça s'applique uniquement à... à l'intervention judiciaire et aussi à l'intervention volontaire?

Une voix: Sociale.

Mme Noël (Marie-Camille): C'est ça, sociale.

Le Président (M. Paquin): D'accord. Des interventions? Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest (Rimouski): Écoutez, ce que je comprends ? c'est ça que je veux vérifier, si j'ai bien compris ? avant, avec la Loi de la protection de la jeunesse, c'était strictement des cas judiciarisés qui faisaient l'objet de la confidentialité absolue dans les médias...

Mme Noël (Marie-Camille): On ne parle pas ici... Ah! oui, excusez.

Mme Charest (Rimouski): Dans les médias.

Mme Noël (Marie-Camille): Dans les médias, de publication ou de diffusion. La confidentialité existe.

Mme Charest (Rimouski): Parce que la confidentialité s'appliquait à tous les cas.

Mme Noël (Marie-Camille): À tous, oui, oui. Là, on parle uniquement de publication ou de diffusion «permettant d'identifier un enfant ou ses parents parties à une instance».

Mme Delisle: Est-ce que je peux vous demander de nous donner un exemple? Il me semble qu'on comprendrait bien, tout le monde, là. Pouvez-vous nous donner un exemple pour illustrer...

Mme Noël (Marie-Camille): O.K. Mon Dieu! Si effectivement, je veux dire, un enfant témoigne dans le cadre... ou si des parents ou un enfant se retrouvent devant les tribunaux, les journalistes ne peuvent d'aucune façon rapporter effectivement, je veux dire, ce qu'ils voient, ou ce qu'ils entendent, ou...

Mme Charest (Rimouski): Ça existait avant, ça?

Mme Noël (Marie-Camille): Oui, c'est ça, ça existe à l'heure actuelle, à l'article 83.

Mme Charest (Rimouski): Mais qu'est-ce que ça amène de plus, cet article-là?

Mme Noël (Marie-Camille): Oui, c'est ça, c'est que ce qu'on a fait, c'est que maintenant on dit: «Dans le cadre de la présente loi. nul ne peut publier ou diffuser une information permettant d'identifier un enfant ou ses parents», on a enlevé les mots «parties à une instance ou un enfant témoin à une instance dans le cadre de la présente loi», ce qui fait en sorte que, pour tout enfant pour lequel il y a eu un signalement en vertu de la présente loi, il y a une interdiction formelle de diffusion ou de publication de cette information-là, ce qui n'était pas le cas avant. Quelqu'un pouvait savoir quelque chose et pouvait le diffuser si ce n'était pas dans le cadre d'une instance.

Mme Charest (Rimouski): Qu'est-ce que vous appelez une instance? Je m'excuse, là, je ne suis pas...

Mme Noël (Marie-Camille): Devant le tribunal.

Mme Charest (Rimouski): Ah! le tribunal. O.K.

Mme Delisle: Voulez-vous venir? On va faire venir M. Turmel, de la Justice.

Mme Charest (Rimouski): O.K. Parce qu'honnêtement, là, je veux bien qu'on...

Mme Delisle: Il va donner les explications. M. Turmel, ministère de la Justice. Il va tout nous expliquer ça.

Mme Charest (Rimouski): Puis on n'est pas contre, là, c'est juste pour comprendre ce qu'on veut...

Mme Delisle: Bien, voyons, vous avez le droit de poser des questions.

Mme Charest (Rimouski): On veut savoir qu'est-ce que...

Le Président (M. Paquin): Il y a consentement pour écouter monsieur?

Une voix: Oui.

M. Turmel (Jean): Alors, c'est une...

Le Président (M. Paquin): Il y a consentement. Allez-y.

M. Turmel (Jean): Excusez-moi. Alors, c'est une disposition, qui au départ était dans le volet justice, qui interdisait à un journaliste de diffuser l'identité d'un jeune ou toute information permettant de l'identifier, mais dans la mesure où le processus judiciaire était engagé, ce qui faisait en quelque sorte qu'on avait toute une section de jeunes qui rentraient dans le circuit social, et les journalistes, heureusement, comment je dirais ça, ils ont toujours appliqué l'article actuel. Sauf qu'on avait un trou dans la législation. Si un journaliste, par exemple, convoquait en entrevue un enfant de 14 ans, sur mesure volontaire, qui aurait été maltraité par ses parents, il n'y a rien qui interdisait, techniquement parlant, la diffusion de l'identité du jeune.

Une voix: ...

M. Turmel (Jean): C'est ça. Alors, ce qu'on fait dans le fond, c'est de dire: Peu importe que ce soit un enfant couvert sur le plan social ou au niveau judiciaire, à partir du moment que cette loi-là vient à s'appliquer, interdiction complète pour les journalistes de diffuser l'information touchant l'identité de cet enfant-là ou de ses parents, permettant de l'identifier. Et c'est le même système qu'on a en jeunes contrevenants. Peu importe si c'est une mesure sociale ou judiciaire, à partir du moment que la loi fédérale s'applique, l'identité est protégée.

Mme Charest (Rimouski): Donc, ça veut dire que cette protection à l'anonymat en quelque sorte, à la confidentialité, s'applique dès le signalement?

M. Turmel (Jean): Oui. À partir du moment qu'il tombe sous le couvert de cette loi-là, c'est interdit. Ce qui n'empêche pas les journalistes, par exemple, de rapporter, ce qu'on pourrait dire, une audition judiciaire, O.K., ça, c'est parce que les journalistes peuvent assister, à moins que le juge ne le permette pas, mais ils ne peuvent jamais diffuser toute information permettant d'identifier. Et, quand nos journalistes, disons, dépassent la limite, là il y a une infraction pénale, et c'est là que le Procureur général du Québec intervient et poursuit le journal, le journaliste et la maison d'édition, ou quoi que ce soit.

Mme Charest (Rimouski): Vous parlez du journaliste, mais c'est écrit «nul», ça veut dire tout individu?

M. Turmel (Jean): Nul... Exact.

Mme Charest (Rimouski): Moi, j'ai connaissance qu'il y a un signalement, je n'ai pas le droit d'en parler.

M. Turmel (Jean): De fait, quand on parle de «nul ne publier ou diffuser», c'est vraiment une diffusion...

Mme Charest (Rimouski):«At large». O.K.

Mme Delisle: Ça touche les médias.

M. Turmel (Jean): Oui.

Le Président (M. Paquin): D'accord. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Question très précise. Vu qu'on dit «d'identifier un enfant ou ses parents»... Exemple, lorsqu'il y a des accusations d'inceste, ça touche un parent. Auparavant, il y avait diffusion d'information au niveau du parent.

Une voix: ...

Mme Caron: Bien, il y en avait, je peux vous le dire, oui. Donc, est-ce que cet article-là, en précisant «enfant ou ses parents», ça vient enlever cette partie-là aussi?

M. Turmel (Jean): Si vous regardez de fait les journaux, vous allez vous apercevoir que, quand c'est un enfant qui est victime par un parent, le nom du parent n'apparaît jamais.

Mme Delisle: C'est vrai, ça.

M. Turmel (Jean): O.K.? Parce que c'est une règle... c'est une règle à la fois au niveau LPJ, mais c'est une règle également en matière criminelle. Il y a des interdictions, il y a des interdictions, au niveau des enfants, de publier des informations permettant de... dans ces circonstances-là. Vous regarderez...

Le Président (M. Paquin): M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Il y a eu le cas où...

Le Président (M. Paquin): Chers collègues, si vous permettez, on va, chacun à notre tour... vous allez me permettre de vous... de bien vous préciser à qui je donne la parole, sinon les téléspectateurs qui écoutent ça, c'est important qu'ils peuvent suivre de façon respectable. Donc, M. le député de L'Assomption, on vous écoute.

M. St-André: Alors, dans le cas de la cause Hilton, par exemple, le nom du parent était connu publiquement. C'est une information qui a été diffusée. On a appris beaucoup plus tard qu'il s'agissait de ses propres filles, mais tout le monde savait que... dans ce cas particulier là. Je veux bien croire que les faits ont été rapportés par les journalistes, au moment du procès, de telle sorte qu'on ne puisse pas identifier ses filles comme victimes.

Mme Charest (Rimouski): On l'a su après.

n(17 h 40)n

M. St-André: On l'a su après, puis il y a eu une ordonnance du tribunal qui permettait de diffuser l'information. Mais c'était M. Hilton qui était accusé. Et les journalistes ont pris soin d'ailleurs, dans ce cas-là, de préciser qu'il ne s'agissait pas d'accusations d'inceste. Dans le public, alors tout le monde aurait su que ça aurait été ses filles, finalement. Mais son nom a été diffusé tout de même, là.

Mme Delisle: C'est un cas particulier, ça. M. le Président...

Le Président (M. Copeman): Oui.

Mme Delisle: ...est-ce que M. Turmel peut répondre?

Le Président (M. Copeman): Bien, j'imagine que oui. Le consentement est donné.

Une voix: ...

M. Turmel (Jean): Alors...

Le Président (M. Copeman): Il suffit que le président le reconnaisse.

M. Turmel (Jean): Alors, il faut se replacer... Dans le dossier de M. Hilton, on était en matière criminelle, on n'était pas en matière de protection de la jeunesse, O.K.? Au départ, c'est qu'en matière criminelle, dans le fond, c'est tout le processus criminel en matière de... L'enfant, par exemple, qui est victime d'une agression à caractère sexuel, il y a un processus criminel également qui est concomitant. On a même une entente avec Santé et Services sociaux sur la façon de travailler à la fois sur le volet criminel et sur le volet protection de la jeunesse, O.K.?, et on travaille ça de façon conjointe, en collaboration. Dans le cas qui a été mentionné, ce n'était pas un dossier de protection, c'était un dossier criminel, et il y avait eu une interdiction de la part de la cour de diffuser l'identité de la victime. Ce n'est que par la suite que cette ordonnance-là a été relevée, O.K.? Il va falloir préciser ça. Et il y avait deux personnes, et il y a une seule personne dont la diffusion a été permise. Il faut être clair avec ça.

Alors, si on revient de fait avec l'amendement qui est ici, c'est un amendement en protection de la jeunesse qui vise la protection des enfants au niveau de leur identité ou de toute information permettant de les identifier. Évidemment, si j'identifie le parent de la jeune fille qui est victime, bien on le sait tous. Voilà.

M. St-André: Juste une petite question technique, à ce moment-là, là, parce que je veux bien comprendre l'article qui nous est proposé: «Dans le cadre de la présente loi, nul ne peut publier ou diffuser une information permettant d'identifier un enfant ou ses parents, à moins que le tribunal ne l'ordonne ou que la publication ou la diffusion ne soit nécessaire...» Le «ou» me laisse penser ou me laisse croire ? on me dira si j'ai tort ? qu'il y a quelqu'un d'autre que le tribunal qui peut permettre la publication ou la diffusion d'une information. Est-ce que je me trompe, ou je fais-tu une mauvaise lecture, ou...

M. Turmel (Jean): Vous ne faites pas une mauvaise lecture. La seule chose, c'est que l'information qui est transmise demeure confidentielle et est régie de fait par d'autres dispositions touchant la diffusion d'information, au niveau des enfants, c'est-à-dire 72 point... Vous avez de fait tout le chapitre des renseignements confidentiels, 72.5...

Une voix: Chapitre IV...

M. Turmel (Jean): IV.1. 72.5, 72.6, 72.7, 72.8 de la loi actuelle. Il y a des amendements ici qui sont déposés et qui prévoient la transmission d'information aux fins de l'application de la loi aux personnes qui sont dûment concernées par cette application-là.

Mme Charest (Rimouski): Est-ce que ça va? Est-ce que...

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Rimouski, allez-y.

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Quand vous dites «à moins que le tribunal ne l'ordonne ou que la publication ou la diffusion ne soit nécessaire», est-ce que vous faites référence à un jeune qui fugue, et là on peut publier sa photo, puis, parce qu'il est dans un dossier de protection de la jeunesse, lorsqu'il est en situation de protection, là on n'a plus le droit de publier sa photo, on n'a plus le droit de dire son nom, on n'a plus le droit... Bon, puis je ne dis pas que je suis contre ça, non, mais c'est que c'est un peu spécial, parce que, vu qu'il a fugué, je comprends qu'on veut le retrouver, mais là on publie sa photo. Pourtant, c'est le même jeune, là.

M. Turmel (Jean): O.K. D'abord, ça prend une ordonnance judiciaire, puis, dans cette ordonnance-là, le juge doit mesurer. Il mesure, dans le fond, quoi? Si on est obligé de faire un avis de recherche avec la photo, c'est qu'on considère que cet enfant-là est en danger et que ce danger-là dont il encourt est plus important que la diffusion de son identité. C'est le critère déterminant. Sinon, le tribunal ne l'accordera pas.

Mme Charest (Rimouski): J'avais entendu le commentaire que je vous ai transmis, c'est pour ça que je voulais avoir une réponse. Je pense que ça va être très éclairant pour des personnes qui soulevaient ce type d'interrogation. Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, est-ce que l'amendement créant l'article 5.1 est adopté?

Mme Charest (Rimouski): Adopté.

Le Président (M. Copeman): Adopté. Alors, le nouvel article 5.1 est également adopté.

Mme Charest (Rimouski): M. le Président...

Le Président (M. Copeman): Article 6. Oui?

Mme Charest (Rimouski): ...avant d'aborder l'article 6, moi, j'aimerais qu'on regarde l'article 31 de la Loi de la protection de la jeunesse, qui fait référence à toute la question du statut du DPJ, du directeur de la protection de la jeunesse, et pour lequel il n'y a absolument rien dans le projet de loi n° 125, hein... on ne peut pas proposer quoi que ce soit par rapport au statut du DPJ parce que la loi n° 125 comme telle n'aborde pas cet article-là. Et vous vous souvenez très bien qu'en commission parlementaire...

Le Président (M. Copeman): Mme la députée, écoutez, afin de permettre une discussion sur l'article 31, ça prend un amendement qui touche l'article... Bien non! Regardez, on n'est pas ici... On ne peut pas discuter d'un article qui n'est pas amendé dans le projet de loi. On est ici pour adopter le projet de loi n° 125. Si le projet de loi n° 125 est muet au sujet de l'article 31, il n'y a pas discussion. Si vous souhaitez engager une discussion pour fins de modifier l'article 31, ça prend un amendement en ce sens.

Mme Charest (Rimouski): O.K. Je comprends puis j'accepte, là, je n'ai pas le choix. Alors, on va quand même poser nos questions, nos interrogations à l'article 6, parce que je vois, là, qu'on parle du directeur quand même.

Le Président (M. Copeman): Excellent.

Mme Charest (Rimouski): Merci.

Organisme et personnes chargés
de la protection de la jeunesse

Le Président (M. Copeman): Très bien. Alors, l'article 6 du projet de loi. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.

Mme Delisle: Laissez-moi juste retrouver mon projet de loi, M. le Président, là, pour que je le lise. Qu'est-ce que j'ai fait avec, là? Bon. Alors, l'article 6 du projet de loi n° 125: L'article 32 de cette loi est modifié:

1° par le remplacement des paragraphes a et b du premier alinéa par les suivants:

«a) recevoir le signalement, procéder à une analyse sommaire de celui-ci et décider s'il doit être retenu pour évaluation;

«b) procéder à l'évaluation de la situation et des conditions de vie de l'enfant et décider si sa sécurité ou son développement est compromis;»;

2° par le remplacement du paragraphe e du premier alinéa par le suivant:

«e) mettre fin à l'intervention si la sécurité ou le développement d'un enfant n'est pas ou n'est plus compromis;»;

3° par l'addition, à la fin du paragraphe f du premier alinéa, de  «ou, dans les cas prévus à la présente loi, demander au tribunal la nomination d'un tuteur ou son remplacement»; 

4° par l'insertion, dans l'avant-dernière ligne du paragraphe i du premier alinéa et après le mot «deuxième», des mots «ou du troisième».

Alors, on a, M. le Président... On a-tu un amendement? Non... Oui, on en a un. Non, on n'a pas d'amendement. Alors, il n'y a pas d'amendement à cet article-là.

Maintenant, ce qu'on a fait évidemment, c'est qu'on a réécrit cet article-là pour bien spécifier quelles étaient les responsabilités parce que ça touche... Je peux peut-être vous lire, là, le premier paragraphe, qui nous amène à définir les responsabilités du directeur de la protection de la jeunesse. Donc, c'est: «Le directeur et les membres de son personnel qu'il autorise à cette fin exercent, en exclusivité, les responsabilités suivantes...» Alors, il y en a qui ont été reformulées, d'autres qui sont restées les mêmes. Je ne sais pas si vous souhaitez que je les relise au complet? Non.

Alors, si on compare avec l'article actuel de la loi, on avait, dans l'alinéa a: «déterminer la recevabilité du signalement de la situation d'un enfant dont la sécurité ou le développement est ou peut être considéré comme compromis». On l'a réécrit pour dire: «recevoir le signalement, procéder à une analyse sommaire de celui-ci et décider s'il doit être retenu pour évaluation». Alors, on a fait ça avec quelques-unes des responsabilités, on l'a réécrit pour que ce soit plus clair.

n(17 h 50)n

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. M. le Président, nous avions un questionnement sur le paragraphe b, parce qu'on nous disait, bon, «décider si la sécurité ou le développement d'un enfant est compromis», c'était exclusivement ça, puis là on ajoute «procéder à l'évaluation de la situation», ce qui est normal, ce qui est correct, et là vous ajoutez «et des conditions de vie de l'enfant», puis vous complétez avec ce qu'il y avait déjà, «et décider si sa sécurité ou son développement est compromis».

Notre inquiétude par rapport à l'évaluation des conditions de vie de l'enfant, on a peur que parce que, par exemple, un enfant vit dans un milieu pauvre, dans un milieu où il y a peu de revenus, par exemple un enfant qui vit avec une chef de famille monoparentale, par exemple, que cet élément-là vienne finalement prendre une décision qui ne serait pas prise si c'était dans un autre milieu. Parce que, parmi les conditions de vie d'un enfant, il y a toute sa sécurité financière aussi. Alors, cet élément-là nous inquiète particulièrement. On pense aussi... par exemple, les groupes qui sont venus nous parler des personnes qui vivent un problème de santé mentale, un intervenant ou une intervenante pourrait juger qu'un enfant qui vit avec une personne qui a un problème de santé mentale, bien, les conditions de vie de l'enfant sont compromises. Alors, c'est ça qui nous inquiète. Pourquoi avez-vous ajouté cet élément-là?

Le Président (M. Copeman): Mme la ministre.

Mme Delisle: Bon. Alors, je voudrais d'abord dire qu'une des raisons pour lesquelles on a ajouté «procéder à l'évaluation de la situation et des conditions de vie de l'enfant», c'est une concordance avec l'actuel article 49 de la section III de la loi actuelle, ce qui touche l'évaluation de la situation et orientation de l'enfant, et je vais vous le lire, là: «Si le directeur juge recevable le signalement à l'effet que la sécurité ou le développement d'un enfant est ou peut être considéré comme compromis, il procède à une évaluation de sa situation et de ses conditions de vie.» Donc, ça rejoint un peu ce que vous disiez tout à l'heure, les références que vous faisiez, finalement. Bon. Puis ça peut être aussi un enfant qui vit dans des conditions très précaires, il peut avoir des parents qui sont très négligents, qui n'ont pas nécessairement rapport avec la précarité non plus, ça peut être des cas de santé mentale, ca peut être aussi, parce que je sais que ce sont des situations qui vous interpellent beaucoup, là, toute la question évidemment de la violence conjugale, familiale, les abus. Alors, c'est une concordance finalement, là, pour que, dès cet article-là ? plutôt que d'arriver à 49 ? à 32, déjà on mette la table pour parler des conditions de vie de l'enfant, sur cet article-là.

Mme Caron: Bien, c'est sûr que ça peut dépendre aussi des intervenants et des intervenantes qui vont avoir à évaluer, là, mais on ne souhaite pas que le simple fait qu'un enfant vive dans une famille plus pauvre fasse qu'automatiquement on juge que...

Mme Delisle: En le disant, j'étais sûre que vous diriez ça, mais c'est pour ça que j'ai ajouté que ce n'est pas parce qu'on est pauvre qu'on...

Mme Caron: Tout à fait.

Mme Delisle: ...pas parce qu'on a une situation précaire qu'on est nécessairement des mauvais parents, là, c'est certain.

Mme Caron: Tout à fait.

Mme Delisle: Non, non, on s'entend là-dessus, là. C'est ça.

Mme Charest (Rimouski): Mais est-ce qu'il y a une façon de baliser qu'est-ce qu'on entend par «conditions de vie»? Parce que, veux veux pas, là, les conditions de vie correctes, acceptables, ça varie aussi d'une personne à l'autre, dépendamment de son milieu, dépendamment de ses habitudes de vie qui lui sont propres et dépendamment aussi de l'âge de l'enfant auquel on a à se pencher pour évaluer ses conditions de vie. Vous savez, si on parle des conditions de vie d'un bébé, hein, de 18 mois, ce n'est pas tout à fait la même chose qu'un jeune de 12 et même 14 ans. C'est pour ça que «conditions de vie»... c'est tellement large.

Mme Delisle: Bon, ce qu'on me signale...

Mme Charest (Rimouski): ...

Mme Delisle: Mais de toute façon on me signale que «conditions de vie» est dans la loi depuis 1977, ça n'a jamais été retouché. Alors, c'est...

Mme Charest (Rimouski): ...défini.

Mme Delisle: Jamais été retouché. C'est resté «conditions de vie».

Je voudrais qu'on se rappelle, tout le monde, parce que... Je sais que, nous, on ne le perd pas de vue, là, mais il faut aussi se ramener sur la loi d'exception qui est la 125, qui est la loi... c'est-à-dire, qui est le projet de loi, mais qui est la Loi sur la protection de la jeunesse, et qui est très claire sur les raisons pour lesquelles on doit retirer un enfant de son milieu ? c'est une loi d'exception ? il faut que la sécurité ou son développement soit compromis. Et je suis d'accord avec la députée de Rimouski qui nous dit: Bien, c'est laissé à l'arbitrage de certaines personnes de déterminer dans quelles conditions vit cet enfant-là. Je pense qu'on a suffisamment entendu parler ici, là, durant la commission parlementaire, lorsqu'on a reçu les divers groupes, de ne pas associer nécessairement mauvais parents à précarité. Puis ça, là, je veux dire, il y a plein de choses qui ont été dites, là, mais c'est tellement vrai qu'il y a des projets actuellement... Vous allez trouver que j'ai un dada, mais je le répète parce que je trouve ça important. Je vais parler du projet qui se vit actuellement dans le comté de Maskinongé... ? à Shawinigan... non, Shawinigan?

Une voix: Maskinongé.

Mme Delisle: ...c'est Maskinongé, c'est ça, oui, oui, Maskinongé ? Ensemble pour les enfants, où justement, dans le milieu le plus pauvre, le quartier Saint-Marc, je crois, et je ne veux pas porter de jugement là-dessus, où le... Il me semble... En tout cas, c'est un quartier qui est éminemment pauvre, où les intervenants, autant du centre jeunesse... Il y a une association qui s'est faite, là, avec des intervenants du centre jeunesse, la commission scolaire, le CSSS, les équipes d'intervention auprès des jeunes ? j'en oublie, là ? qui, plutôt que d'attendre un signalement, travaillent directement auprès des familles, sont dans le quartier, ils se sont installés dans une ancienne garderie, ils ont loué un endroit pour trois ans et ils travaillent... Vraiment, là, ils sont dans le milieu, là, ils travaillent, là ? c'est comme si, dans... vous pouvez vous imaginer, dans chacun de vos comtés, il y a des secteurs qui sont beaucoup plus vulnérables, plus à risque ? pour essayer de travailler en amont.

Moi, ça vient me chercher quand on parle des conditions de vie, quand on doit évaluer. Il ne faut pas retenir un signalement, à mon avis, juste parce que tu es pauvre. Il faut que tu essaies de les aider; ça, c'est certain. Mais il y a des situations où il faut le retenir parce que la sécurité et le développement de l'enfant sont compromis. Mais ça ne veut, à mon avis, pas dire qu'il ne faut pas les aider à essayer de s'organiser, là, puis de s'en sortir, là.

M. St-André: M. le Président, à ce stade-ci, puisque l'heure avance, j'aurais peut-être une question de règlement à soulever avant qu'on ajourne nos travaux. Tantôt, vous avez dit qu'on ne pouvait pas introduire d'amendement qui touche l'article 31 de la Loi de la protection de la jeunesse parce que, dans le projet de loi n° 125...

Le Président (M. Copeman): Écoutez, ce que j'ai dit, M. le député...

M. St-André: Oui.

Le Président (M. Copeman): ...c'est que, si un député souhaite amender l'article 31, il faut présenter un amendement.

M. St-André: Ah!

Une voix: Pour pouvoir parler sur l'amendement.

Le Président (M. Copeman): La nuance est toute là.

M. St-André: Donc, pour en parler, il faudrait introduire un amendement.

Le Président (M. Copeman): Bien sûr.

M. St-André: O.K. Très bien.

Le Président (M. Copeman): Bien sûr.

M. St-André: Alors, je retire mon intervention, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Excellent.

Mme Charest (Rimouski): M. le Président, moi, j'aurais juste une question, rapidement. Au point e, au lieu de décider de fermer le dossier, qui existait dans la loi, vous dites: on met fin à l'intervention si la sécurité ou le développement de l'enfant n'est pas ou n'est plus compromis. Ce que je veux savoir: Est-ce que le dossier demeure ouvert quand même pour un suivi, là, vous savez, genre sentinelle, là, pour voir qu'est-ce qui se passe après coup, là, pour voir si la situation se...

Mme Delisle: Oui, c'est que «mettre fin à l'intervention»... Le nouveau libellé est plus précis, mais le dossier, quand il est fermé, il est fermé. Là, on aura le débat sur la...

Mme Charest (Rimouski): ...

n(18 heures)n

Mme Delisle: ... ? attendez une minute ? sur la durée de temps où on va les garder, les dossiers; ça, ça va venir plus tard, là. Mais, sur «mettre fin à l'intervention si la sécurité ou le développement d'un enfant n'est pas ou n'est plus compromis», c'est plus clair, c'est plus clinique aussi, là, par rapport à décider de fermer le dossier.

Le Président (M. Copeman): Chers collègues, compte tenu de l'heure... compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à...

Une voix: On aurait pu l'adopter...

Le Président (M. Copeman): Bien, êtes-vous prêts à voter?

Une voix: Oui, sur celui-là.

Le Président (M. Copeman): Bon, O.K. Excusez-moi. Est-ce que l'article 6 est adopté?

Des voix: Adopté.

Mme Charest (Rimouski): Oui, adopté.

Le Président (M. Copeman): Adopté. Parfait. Là, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux...

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Excusez-moi, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à demain, vendredi le 31 mars, afin d'effectuer un autre mandat. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 1)


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