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Version finale

37e législature, 2e session
(14 mars 2006 au 21 février 2007)

Le jeudi 6 avril 2006 - Vol. 39 N° 10

Consultation générale sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès : un défi d'équité, d'efficience et de qualité


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales.

Nous sommes réunis afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Bouchard (Vachon) va être remplacé par M. Charbonneau (Borduas); Mme Charest (Rimouski) par M. Valois (Joliette). Voilà.

Le Président (M. Copeman): Merci. Je rappelle à tous mes collègues ainsi qu'à tous ceux qui sont présents dans la salle que l'utilisation des téléphones cellulaires est strictement interdite pendant les séances de la Commission des affaires sociales ? d'ailleurs pendant les séances de n'importe quelle commission ? et que je prierais en conséquence tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.

Je fais lecture rapidement de l'ordre du jour. Nous avons trois intervenants, ce matin. Nous allons débuter dans quelques instants avec l'Association des médecins ophtalmologistes du Québec ? pour qu'on puisse voir clair; à 10 h 30, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, autour de 10 h 30; autour de 11 h 30, le Conseil québécois sur le poids et la santé; notre suspension habituelle, 12 h 30. Et nous allons reprendre en après-midi, je ferai lecture de l'ordre du jour à ce moment-là.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue au Dr Arbour, au Dr Tardif. Bonjour. M. le président, Dr Arbour, je vous souhaite la bienvenue et je vous indique que vous avez 20 minutes pour votre présentation, je vais vous aviser quand il vous reste trois, pour mieux vous aider à conclure, et il y aura un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Sans plus tarder, la parole est à vous.

Association des médecins
ophtalmologistes du Québec (AMOQ)

M. Arbour (Jean Daniel): Oui, merci, M. le Président. M. le ministre de la Santé, membres de la commission et membres du Parlement, au nom de l'Association des médecins ophtalmologistes du Québec, j'aimerais remercier la Commission des affaires sociales de nous avoir invités, ce matin, à nous exprimer sur le document de consultation Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité qui avait été présenté par le premier ministre et le ministre de la Santé le 16 février dernier.

Alors, comme vous le savez sans doute, les ophtalmologistes sont les seuls médecins qui sont spécialisés dans le diagnostic et le traitement médical et chirurgical de toutes les maladies et de toutes les anomalies de l'oeil et de ses annexes. Et, parmi les 34 associations qui sont regroupées au sein de la Fédération des médecins spécialistes, l'Association des médecins ophtalmologistes, ou l'AMOQ, représente 268 membres qui sont particulièrement impliqués et interpellés par les développements qui sont envisagés par le gouvernement dans le document de consultation. Alors, pour cette raison, l'AMOQ désire vous transmettre de façon plus détaillée et spécifique ses opinions sur deux points précis du document visant à améliorer l'accès aux soins de santé, soit d'abord le recours à des services privés et prodigués par des médecins non participants payés à même l'argent du public et d'autre part le développement de cliniques spécialisées affiliées.

Alors, d'entrée de jeu, l'AMOQ salue les efforts du gouvernement visant à diminuer rapidement les délais subis par les patients en attente de chirurgie de cataracte et confirme effectivement que les temps d'attente ont diminué de façon très significative là où les ressources ont permis de le faire, finalement. Par exemple, dans certains grands centres, à Montréal, par exemple, le délai d'attente moyen d'un patient en attente de chirurgie de cataracte est passé de plus de un an, il y a trois ans, à moins de deux mois, et évidemment ce succès-là n'aurait pas pu se faire sans l'effort et l'appui des médecins ophtalmologistes qui ont procédé à ces chirurgies-là.

Cependant, il convient aussi d'ajouter qu'une fois cet équilibre atteint on ne doive pas renverser la vapeur et inverser la tendance en diminuant les ressources pour voir réapparaître des listes d'attente qui sont inacceptables et comme on avait il y a quelques années. Et à ce sujet les ophtalmologistes demandent au gouvernement que les quotas de chirurgie de cataracte ou les nombres de chirurgie de cataracte octroyés par établissement soient maintenus au minimum au niveau actuel pour faire face à une population qui vieillit et qui est en croissance démographique.

Maintenant, concernant le recours au privé, l'AMOQ, comme le gouvernement, croit que la priorité doit être donnée au système public dans la prestation des soins de santé à la population. Tous les efforts devraient être déployés pour que le public puisse continuer à offrir tous les services médicaux et chirurgicaux à tous les patients en se basant sur leurs besoins et non pas sur leur capacité de payer. L'offre de services devrait se faire localement, dans un délai considéré normal selon les standards reconnus au niveau national et évidemment selon le degré de gravité de la pathologie du patient, et sans avoir nécessairement à passer par l'urgence de l'établissement hors des heures ouvrables habituelles.

Dans ce contexte donc, le recours aux cliniques privées non participantes serait limité à certaines chirurgies électives comme la chirurgie de la cataracte nommément, lorsque le délai normal de six mois aurait été dépassé de trois mois, selon les balises émises par le gouvernement. Maintenant, étant donné que le coût unitaire d'une chirurgie effectuée dans le privé par des non-participants est de plusieurs fois supérieur au coût de la même intervention réalisée dans le système public, il serait un peu illogique d'utiliser les fonds publics pour avoir recours à ces services privés, et ces interventions-là devraient donc être utilisées de façon exceptionnelle. Il serait pour le moins paradoxal d'affirmer qu'on priorise le système public en diminuant les ressources disponibles pour pousser les gens vers le privé, et après ça payer plus cher pour des services privés, et augmenter le fardeau fiscal de l'ensemble des contribuables pour les mêmes traitements.

Les listes d'attente vont donc être la porte d'entrée vers les soins prodigués par les médecins non participants. À la fois le gouvernement et l'AMOQ reconnaissent que les listes d'attente ne sont pas actuellement très adéquates et que beaucoup de travail reste à faire pour en assurer l'exactitude. On sait, par exemple, qu'il y a de nombreux patients actuellement qui sont sur les listes d'attente mais qui ne sont pas disponibles pour être opérés. Un exemple facile, c'est des gens, par exemple des «snowbirds», qui vont passer deux, quatre, six mois en Floride et qui reviennent de leur séjour en Floride, ils n'ont pas eu vraiment deux, quatre, six mois d'attente, puisqu'ils n'étaient pas disponibles pour la chirurgie. Il y a d'autres patients qui doivent retarder leur chirurgie qui a été cédulée parce qu'ils ont une autre maladie ou ils sont en attente d'une autre chirurgie qui fait que leur chirurgie élective doit être retardée. Le troisième exemple, des patients qui sont inscrits sur une liste d'attente pour deux chirurgies consécutives, alors qu'on sait très bien qu'avant de faire la deuxième il y a un délai nécessaire qui doit se passer après l'intervention chirurgicale première.

Il faut dire que l'AMOQ a été déjà interpellée par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour déterminer les modalités d'inscription, de maintien et de retrait des patients sur ces listes d'attente là, et l'AMOQ désire continuer à s'impliquer comme expert-conseil auprès des agences et auprès des autres instances gouvernementales pour qu'on puisse assurer la validité des listes d'attente de façon continue et surtout avant d'avoir recours au privé. On croit qu'il faut éviter à tout prix que ces listes d'attente là deviennent des listes simplement comptables où les patients deviennent des numéros que l'on peut déplacer d'un établissement à un autre et d'un médecin à un autre, et ce qui aurait pour résultat de briser la relation médecin-patient.

Finalement, il faudrait certainement s'inspirer d'autres pays, de l'expérience de d'autres pays puis prendre en compte que les cliniques privées qui sont tenues par des non-participants ne s'occupent à peu près jamais des cas vraiment complexes ni des complications chirurgicales, et, selon le texte même du gouvernement ? et je cite ? «même avec un encadrement réglementaire supplémentaire, rien ne garantit la qualité des services qui seront offerts par le privé». Donc, on doit offrir, dans le public, tous les services ophtalmologiques.

Maintenant, deuxième point, concernant les cliniques spécialisées affiliées. L'AMOQ est très favorable au concept des cliniques spécialisées affiliées. Cependant, le document du gouvernement reste quand même assez vague sur leur encadrement et leur financement. Et l'AMOQ a certaines inquiétudes à leur endroit mais propose des solutions précises pour éviter des effets négatifs potentiellement sérieux que leur développement pourrait avoir sur le système public de soins de santé.

Premièrement, même si la chirurgie des cataractes a fait les manchettes depuis quelques années, il faut bien réaliser que la chirurgie de cataractes ne représente qu'une faible portion du temps de pratique d'un ophtalmologiste. Un ophtalmologiste moyen passe 20 % de son temps à opérer, donc environ une journée par semaine. Le reste, la majeure partie de son temps, soit 80 %, est passé soit, à l'établissement ou en cabinet, à investiguer, à diagnostiquer et à traiter des centaines d'autres maladies qui sont souvent beaucoup plus dangereuses et potentiellement dangereuses que la cataracte.

J'aimerais rappeler aux membres de cette commission que la cataracte demeure un problème rarement urgent et que, dans la très grande majorité des cas, l'attente pour une chirurgie de cataracte ne nuira aucunement à la vision obtenue en postopératoire, ce qui n'est évidemment pas le cas pour beaucoup d'autres pathologies, incluant trois maladies qui sont les trois principales causes de cécité légale dans le monde industrialisé: en bas de 50 ans, c'est la rétinopathie diabétique; en haut de 50 ans, la dégénérescence maculaire et le glaucome. Si ces maladies-là ne sont pas détectées et traitées adéquatement, elles vont encourir des pertes de vision complètement irréversibles qui vont entraîner à leur tour des effets très négatifs sur la santé et l'autonomie des patients. On a établi, par exemple, qu'un patient âgé avec une acuité visuelle diminuée modérément court quatre fois plus de risque de souffrir d'une fracture suite à une chute.

Alors, pour ces raisons, l'AMOQ s'oppose fermement à la venue de cliniques visant uniquement la chirurgie de cataracte. Les, entre guillemets, usines à cataractes nuiraient gravement à l'accessibilité des patients québécois aux soins ophtalmologiques médicaux en favorisant un déplacement de l'activité ophtalmologique vers la pratique exclusivement ou principalement chirurgicale. Alors, dans ce contexte, l'AMOQ propose que les cliniques spécialisées affiliées remplissent leur rôle d'augmenter l'accès des patients à des soins de qualité en ne se limitant pas à la simple chirurgie de cataracte, mais en offrant plutôt toute la gamme des services ophtalmologiques, tant médicaux que chirurgicaux, avec l'appui technologique requis.

Deuxièmement, pour éviter que les cliniques spécialisées affiliées entraînent un délaissement de la pratique en établissement, l'AMOQ propose que tous les médecins qui vont pratiquer dans ces cliniques soient aussi membres d'un conseil de médecins, dentistes et pharmaciens d'un établissement qui offre le service de garde en ophtalmologie pour être certains que les patients qui présentent des pathologies complexes ou des complications hors des heures ouvrables habituelles puissent avoir des soins.

Troisièmement, les gens d'affaires n'ont certainement pas les mêmes intérêts vis-à-vis d'un patient qu'un médecin. Les gens d'affaires recherchent d'abord et avant tout la rentabilité, le médecin recherche le mieux-être de son patient. Et d'ailleurs le code de déontologie médicale oblige le médecin à passer les intérêts de son patient avant toute autre considération. Alors, dans ce contexte-là, c'est évident que la qualité des soins médicaux et chirurgicaux offerts au patient sera certainement mieux assurée par un ou des médecins que par un entrepreneur dont encore une fois la rentabilité représente l'objectif ultime. L'AMOQ propose donc comme solution que les propriétaires de ces cliniques soient majoritairement des médecins.

n (9 h 50) n

Quatrièmement, le développement de cliniques spécialisées affiliées risque de déstabiliser des équipes déjà en place au sein des établissements parce qu'il n'est pas évident que tous les intervenants d'une même équipe de soins vont décider en bloc de se déplacer et de faire la majeure partie de leur travail dans la clinique spécialisée affiliée. Alors, lorsqu'il y aura une fracture ou une scission d'une équipe existante, il y aura un danger de déplacement inéquitable des ressources vers la clinique affiliée spécialisée au détriment des soins offerts aux patients dans l'établissement. Le danger apparaît encore plus grand évidemment en centre universitaire. L'AMOQ propose que l'établissement désireux d'établir un partenariat avec une clinique spécialisée affiliée obtienne au préalable l'assentiment de son service ou de son département d'ophtalmologie.

Cinquièmement, les cliniques spécialisées affiliées vont, selon le document du gouvernement, être liées de façon contractuelle avec des établissements concernés. Donc, elles devraient être impliquées selon nous dès le départ de l'épisode de soins et non pas, comme à la page 40, si je me souviens bien, ou 49, du document, être impliquées à partir de six mois seulement. Parce que comment peut-on demander aux gestionnaires de ces cliniques-là d'établir des prévisions budgétaires en se basant sur des dépassements possibles de listes d'attente qui sont très hypothétiques, à moins, évidemment, d'emblée, de limiter l'accès aux ressources dans l'établissement, en partant?

Sixièmement, l'accessibilité, encore une fois, dans le document, se définit d'abord en termes de lieu. Il apparaît donc primordial pour l'AMOQ que les établissements s'acquittent de leur mission d'offre de soins localement avant de songer à transférer une partie de leur population vers une clinique spécialisée affiliée d'une autre région, même rapprochée. Encore une fois, il faut préserver la relation médecin-patient.

Septièmement, le développement des cliniques spécialisées affiliées ne devra pas nuire aux missions d'enseignement des établissements, et ces derniers devront s'assurer de garder des masses critiques tant au niveau clinique que chirurgical pour assurer leur rôle de former la relève médicale d'une grande qualité et en nombre suffisant pour soigner une population qui vieillit et qui est en croissance démographique. Il faut en fait qu'il s'établisse une espèce d'équilibre entre ce qui doit rester dans l'établissement pour assurer les missions d'enseignement, de cas complexes et d'urgence et ce qui peut être transféré dans la clinique spécialisée affiliée.

Alors, en conclusion, les médecins ophtalmologistes participant au système public de soins de santé ont certainement répondu très favorablement à l'appel du gouvernement visant à diminuer les listes d'attente en chirurgie de cataracte. Grâce à une augmentation des ressources attribuées à la chirurgie de cataracte, les délais moyens subis par les patients ont diminué grandement et l'efficience a augmenté partout au Québec en trois années à peine.

L'AMOQ désire être impliquée directement dans le développement, l'application et la surveillance des listes d'attente des établissements, et surtout avant d'avoir recours au privé par des non-participants. Évidemment, l'AMOQ voit positivement le développement graduel de cliniques spécialisées affiliées en autant que celles-ci proviennent d'un souhait du département ou du service d'ophtalmologie de l'établissement en question; qu'elles offrent aux patients la gamme complète de services ophtalmologiques, tant médicaux que chirurgicaux; qu'elles demeurent sous contrôle médical; qu'elles soient un lieu de pratique pour les médecins participants membres actifs de CMDP de centres offrant le service de garde en ophtalmologie hors des heures ouvrables habituelles; et finalement ne nuisent ni à l'enseignement universitaire ni aux missions locales et régionales de soins complexes et d'urgence des établissements qui seront liés aux cliniques spécialisées affiliées.

En terminant, il faut bien comprendre que toutes ces recommandations et tous ces principes ne visent qu'une seule chose: augmenter l'accès des patients à des soins de grande qualité. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Merci, Dr Arbour. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, messieurs, Dr Arbour et votre collègue... je m'excuse, je ne me souviens plus de votre nom.

Une voix: ...

M. Couillard: Dr Tardif. Mes excuses. Merci pour votre visite, donc. Et puis on voudrait d'abord commencer par vous remercier pour la collaboration que vous apportez au ministère puis aux établissements. On voit le résultat concret, vous l'avez dit vous-même, là, la fonte des temps d'attente en moins de trois ans, c'est quelque chose dont on doit partager le crédit. Ce n'est pas uniquement des efforts gouvernementaux, c'est également l'engagement des professionnels, des ophtalmologues dans ce dossier-là.

Il y a eu également une collaboration entre votre association et le gouvernement pour l'établissement du délai médicalement acceptable pour la chirurgie des cataractes. Et là on pourra indiquer à nos collègues que c'est un des seuls endroits où il y a une différence entre les délais médicalement acceptables définis hors Québec, au Canada, et ceux définis au Québec. Hors Québec, on a décidé que c'était quatre mois lorsque la vision était atteinte de façon sévère, en gros. Au Québec, après conversation avec les ophtalmologues, on trouve tellement complexe cette mesure du degré d'atteinte de la vision puis la stratification des listes d'attente qu'on a décidé de faire six mois pour tout le monde, parce que, dans le reste du Canada, ils ne parlent pas des autres patients, ceux dont la vision n'est pas sévèrement atteinte.

Je vois encore une fois, avec votre présentation, que, voulant volontairement rester généraux dans notre concept de clinique affiliée pour voir les suggestions venir en commission, on n'a pas été aussi clairs qu'on aurait voulu, notamment sur le fait qu'il n'a jamais été, pour nous, prévu que la clinique affiliée n'avait un rôle à jouer qu'à partir de six mois d'attente. Dès le début, on peut y faire des volumes de chirurgie, qui vont être à déterminer, puis diminuer l'attente. Ce qui m'apparaît intéressant dans votre présentation, c'est que vous nous dites, par exemple, qu'à Montréal les temps d'attente, depuis trois ans, ont passé de plus de un an à deux mois. Est-ce qu'on a besoin des cliniques affiliées encore pour les cataractes ou est-ce qu'on ne devrait pas y faire d'autres choses pour lesquelles l'accès est difficile?

M. Arbour (Jean Daniel): ...exactement à la question. C'est dans le même sens que notre présentation. Il y a de la place pour les cliniques spécialisées affiliées. On a fait un «shock treatment», si vous voulez ? excusez le terme, là ? une thérapie de choc pour essayer de diminuer rapidement les listes d'attente en cataracte, mais le problème demeure tout entier dans beaucoup d'autres secteurs. Je parlais de la dégénérescence maculaire, je parlais de rétinopathie diabétique, le glaucome. Et les cliniques spécialisées affiliées arriveraient certainement à un bon moment pour offrir un environnement qui est plus convivial, qui est beaucoup moins lourd au niveau bureaucratique et qui permet une certaine flexibilité qui s'adapterait parfaitement à une relation médecin-patient beaucoup plus humaine pour pouvoir adresser ces autres problèmes là. Il n'y a pas juste la cataracte, et c'est un des messages que je voulais transmettre aujourd'hui, la cataracte n'est qu'un petit problème en ophtalmologie, c'était criant, à un moment donné, mais il y a des problèmes beaucoup plus graves en termes de perte irréversible de vision. Et les cliniques spécialisées affiliées arriveraient à un très bon moment pour permettre d'adresser ces autres problèmes là.

M. Couillard: Votre profession vous amène à tous les jours à vous préoccuper de prévenir la perte de vision chez les gens, puis vous avez identifié trois causes majeures de perte de vision, vous avez parlé de la rétinopathie diabétique, de la dégénérescence maculaire des personnes âgées et le glaucome. Évidemment, je suis loin d'être un ophtalmologue, là, mais les deux premières, les rétinopathies diabétiques puis dégénérescence maculaire, c'est des traitements avec laser et/ou pharmacologie, c'est des traitements qui sont non chirurgicaux. Est-ce qu'on devrait quand même les faire en clinique affiliée?

M. Arbour (Jean Daniel): En fait, on devrait tout faire en clinique affiliée, en ce qui me concerne, tout ce qu'il est possible de faire, là, tout ce qui ne requiert pas de gros services hospitaliers ou bureaucratiques. On n'a pas besoin de soins intensifs, on n'a pas besoin de gros départements de microbiologie, etc. Oui, toutes ces choses-là peuvent être faites en clinique spécialisée affiliée.

Vous parliez de laser. Le laser reste un acte chirurgical. On modifie un tissu, alors ça reste un acte chirurgical, mais ce n'est pas une chirurgie en salle d'opération, là, ça peut être fait dans un bureau, etc. Et toutes ces activités-là pourraient être faites, oui, effectivement, en clinique spécialisée affiliée.

M. Couillard: Par contre, le glaucome, lui, c'est un acte chirurgical...

M. Arbour (Jean Daniel): Même la chirurgie de rétine peut se faire en clinique spécialisée affiliée. Je suis revenu de Boston depuis six ans, et 99,5 % de mes patients sont faits sous locale, même des chirurgies très complexes, de vitrectomie, de plissements scléraux. Tout se fait sous locale maintenant. C'est exceptionnel qu'on doive endormir un patient, soit à cause de facultés affaiblies ou bien parce que le patient a une perforation oculaire. Alors, on doit absolument garder un temps opératoire sous anesthésie générale parce qu'on en a besoin, mais la grande majorité quand même des interventions peuvent se faire sous locale.

M. Couillard: Ce serait intéressant d'avoir des données précises là-dessus parce que ça nous évite de prévoir des... l'effet nocif de déplacer des anesthésistes dans les cliniques affiliées. Donc, on voit que, pour le gros de vos activités, sinon la totalité des activités que vous pourriez y faire, il n'y a pas nécessité de présence d'anesthésiste, vous continueriez à faire vos procédures sous anesthésie générale au centre hospitalier et les procédures sous locale en clinique affiliée. C'est comme ça que vous...

M. Arbour (Jean Daniel): Oui, sauf que, point de vue sécuritaire, je pense que ce serait intéressant qu'il y ait un anesthésiste dans le coin. On parle quand même de chirurgie intraoculaire avec des rétrobulbaires, et, lorsqu'il y a une rétrobulbaire, il peut y avoir des complications sérieuses, il peut y avoir un arrêt respiratoire complet. Alors donc, la présence anesthésique pourrait être un élément très positif dans ces cliniques-là, mais peut-être pas un anesthésiste par salle, ça pourrait être un anesthésiste pour plusieurs salles.

M. Couillard: Il va falloir discuter avec l'Association des anesthésiologistes sur cette question.

M. Arbour (Jean Daniel): Oui, tout à fait.

M. Couillard: Parce que, si on déplace un anesthésiste par ophtalmologue, on ne libérera pas de temps opératoire dans l'hôpital.

M. Arbour (Jean Daniel): Du tout, du tout. Ce n'est pas le but non plus, vous avez parfaitement raison.

M. Couillard: Pour ce qui est de l'enseignement, je ne vois pas, moi, d'objection formelle. Vous savez, de plus en plus, les programmes de formation demandent des séances de formation dans les milieux de type ambulatoire. Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle un résident ne pourrait pas être en formation dans les cliniques affiliées? Je n'en vois pas, a priori.

M. Arbour (Jean Daniel): Nous non plus.

M. Couillard: Bon. Donc, ça pourrait être...

n (10 heures) n

M. Arbour (Jean Daniel): Sauf pour une raison d'efficience. Il faudrait voir à un certain équilibre. Et il y a quand même aussi dans le... Dans le curriculum d'un résident, on pense toujours à des cas plus complexes, aussi. Alors, il faut voir ce qui se fait là. Mais certainement que ça pourrait se faire.

M. Couillard: Dans le cheminement des projets de cliniques affiliées, il est clair que ce serait absurde qu'un hôpital présente un projet de clinique sans aviser son service d'ophtalmologie puis d'orthopédie, pour donner deux exemples. Donc, certainement que l'approbation et l'assentiment des services concernés doivent faire partie de la chaîne qui mène à la présentation d'un projet.

Et on avait également songé à y ajouter la nouvelle structure régionale de la table des chefs de département de médecine spécialisée pour qu'il y ait une vision plus régionale, pour éviter les biais que vous avez mentionnés. Donc, le projet ne viendrait pas seulement de l'hôpital et de l'agence régionale, si vous voulez, la partie organisationnelle du système de santé, mais viendrait également parallèlement d'un cheminement médical avec le service concerné et la table des chefs de département régionale. Est-ce que vous trouvez que c'est une façon de s'assurer de la validité des projets, là?

M. Arbour (Jean Daniel): Bien, je dirais que vos propos sont très rassurants. Parce que c'était une crainte majeure qu'on avait, à l'AMOQ, que l'établissement puisse passer par-dessus les médecins pour établir un partenariat avec une clinique spécialisée affiliée qui serait d'un autre centre ou qui ne concernerait pas les médecins impliqués dans leur propre établissement.

M. Couillard: Il n'est certainement pas question de relâcher nos efforts sur la chirurgie de la cataracte. On va garder les volumes et se préparer pour le vieillissement de la population qui va augmenter le nombre de patients à opérer.

Mais, à brûle-pourpoint ? vous n'avez pas besoin de répondre de façon précise, mais on aura l'occasion de reprendre ça dans d'autres endroits ? quel serait le prochain domaine de votre spécialité sur lequel vous nous conseillez de nous pencher en termes de définition de délais médicalement acceptables avec vous, en termes de cheminement de patient et d'utilisation ou non des cliniques affiliées? Parce que, là, la cataracte, comme vous disiez, a fait l'objet de beaucoup d'attention.

M. Arbour (Jean Daniel): Ce serait définitivement les problèmes dont je vous ai parlé, les problèmes majeurs...

M. Couillard: Les trois, là?

M. Arbour (Jean Daniel): Oui, les problèmes majeurs de cécité, je pense qu'il faut s'y attaquer maintenant. Je pense qu'il faut développer des services de dépistage par imagerie. Il faut développer le réseautage aussi pour qu'on puisse voir ces patients-là, qu'on puisse éliminer aussi beaucoup de patients qu'on n'aurait pas normalement à voir et qu'on puisse se concentrer sur ceux qui ont vraiment besoin de traitement. Je pense qu'on pourrait aller chercher beaucoup plus de patients qui sont dans le besoin en faisant ça. Donc, ça passerait par de l'imagerie.

M. Couillard: Puis d'ailleurs, même pour l'orthopédie, c'est, pour nous, une circonstance qu'on qualifie déjà d'exceptionnelle, le recours à une clinique privée avec des médecins non participants. Je ne pense pas que, pour l'ophtalmologie, ce soit particulièrement utile de l'envisager. Je pense qu'on est capable, à l'intérieur du périmètre des établissements publics puis de ceux qui auront une clinique affiliée... Puis, comme vous savez, ce n'est pas tous les hôpitaux qui vont avoir une clinique affiliée, surtout on parle des zones urbaines, là, principalement. Je crois qu'on devrait être capable de bien contrôler la situation. Mais je retiens vos trois circonstances, là, sur lesquelles on devrait travailler ensemble. Je suis certain qu'on aura l'occasion de reprendre ça.

Il y a un point que vous avez amené, sur lequel il va y avoir beaucoup de discussions en commission parlementaire, c'est la question de la propriété des cliniques affiliées. Parce que, là, on va avoir des arguments des deux sens. Celui que vous présentez semble... bien sûr est logique parce que vous dites: Bien, c'est les médecins qui vont y opérer, ils ont à coeur l'intérêt de leurs patients puis bien sûr, naturellement, ils devraient être les propriétaires majoritaires des cliniques affiliées. L'autre point de vue va nous dire: Bien, vous savez, la distinction que vous faites entre gens d'affaires et médecins, elle devient un peu grise, là; le médecin, des fois il devient un homme d'affaires ou une femme d'affaires également. Et puis là c'est difficile de faire le partage. Des gens vont nous dire clairement: Il ne faut pas que ce soient les médecins qui soient propriétaires de la clinique affiliée.

Et ça va être difficile de faire l'arbitrage, là, parce que la crainte qu'on va nous apporter, c'est justement ce glissement du rôle professionnel au rôle affaires et également la tentation, si on est actionnaire de la clinique, de faire en sorte que moins de patients soient opérés à l'hôpital puis plus à la clinique affiliée. Et on ne porte pas de jugement moral sur les gens. C'est un phénomène naturel, lorsqu'on a une entreprise, de vouloir qu'elle réussisse bien. Alors, comment est-ce que vous pensez qu'on trouve l'équilibre là-dedans?

M. Arbour (Jean Daniel): Bien, je pense que la réponse est déjà connue. Vous savez qu'en ophtalmologie, par exemple, qui est notre domaine, une portion énorme de la population est vue dans des bureaux, actuellement. Ces bureaux-là sont possédés par des médecins, et les frais jusqu'à date ont été extrêmement minimes, on n'a pas de flafla dans ces bureaux-là, c'est vraiment le strict minimum pour avoir un contexte médical et un contexte où il y a une relation médecin-patient qui se fait d'une façon très humaine. Et ça se fait déjà depuis des décennies, tout ça.

Quand on parle de clinique spécialisée affiliée, on ne parle que d'ajouter un volet imagerie et un volet opératoire à tout ça. Alors, je ne pense pas que la mentalité va changer du jour au lendemain parce qu'on y fait des chirurgies. Je pense que le médecin va toujours rester le meilleur allié du patient pour s'assurer qu'il n'y a pas de profit qui est fait sur le dos du patient. Et je ne suis pas certain, mais même je m'inscris contre, de penser qu'un entrepreneur aurait la même façon de penser, un entrepreneur ou une personne... Les gens d'affaires ont pour but ultime la rentabilité, sinon le profit. Le médecin n'a pas cette préoccupation-là, et on le démontre depuis des décennies.

M. Couillard: J'aurais une dernière question, un dernier sujet sur lequel je voudrais échanger avec vous, et vous y avez fait allusion, quand vous parlez de la mesure validée de l'attente et des listes d'attente. Il faut qu'on définisse c'est quoi, un patient prêt pour la chirurgie. Moi, j'ai une définition que j'ai apportée aux orthopédistes hier puis je voudrais voir s'il y a moyen de la tester de façon préliminaire avec vous puis de la bonifier par la suite.

Je pense que c'est une personne pour laquelle une date de chirurgie a été prévue, pour laquelle les examens de laboratoire et les consultations médicales visant à connaître l'opérabilité de la personne sont complétés et pour laquelle le consentement opératoire est signé. Et le patient est prêt à être opérer.

Donc, l'exemple des «snowbirds», là, on voit que ce n'est pas un patient qui devrait être... S'il s'absente pour cinq mois de suite, on ne peut pas le transformer en échec d'accessibilité parce qu'il est parti en Floride puis il ne veut pas être opéré pendant cinq mois. Est-ce que vous êtes d'accord pour cette façon de valider ou de préciser les choses?

M. Arbour (Jean Daniel): Tout à fait. C'est les discussions qu'on avait eues d'ailleurs avec des gens de votre ministère pour établir ces modalités-là, et le gros consensus finalement, c'était qu'un patient ne devait être sur la liste que s'il pouvait être opéré tout de suite.

M. Couillard: Logique, hein?

M. Arbour (Jean Daniel): Non, mais effectivement. Donc, il faut que tout soit prêt, il faut que sa préparation ait été faite, il faut qu'il ait signé. Il ne faut pas qu'il soit en Floride ou ailleurs, et non pas malade aux soins intensifs. Alors, il faudrait qu'il y ait un mécanisme pour que ces patients-là soient sortis de la liste de façon... entre guillemets, en stand-by et puissent réintégrer la liste lorsqu'ils redeviennent disponibles pour la chirurgie.

M. Couillard: Je vais terminer là-dessus, M. le Président. Il y a des régions où la saison de la chasse apporte une désertification des salles d'opération pendant quelques semaines.

M. Arbour (Jean Daniel): Effectivement.

Le Président (M. Copeman): Dr Arbour, peut-être deux sujets que j'aimerais discuter avec vous. Dans un premier temps, la présence des anesthésistes m'intrigue. Moi, j'ai été opéré deux fois pour les cataractes, dans deux hôpitaux différents. Mon souvenir est que ? puis ce n'est qu'un souvenir en tant que patient ? il y avait un anesthésiste présent pendant la chirurgie des cataractes, dans mon cas. Est-ce la norme, en centre hospitalier, d'avoir la présence d'un anesthésiste pour effectivement être sur appel au cas qu'il y ait des complications, selon vos informations?

M. Arbour (Jean Daniel): Bien là, vous parlez de deux choses: être sur appel, c'est une chose, donc ça peut être quelqu'un qui est dans l'établissement; et être à côté du patient, au chevet du patient, c'est deux. Selon les normes actuelles, il y a des variations très importantes d'un établissement à l'autre, mais le consensus habituellement est que la présence anesthésique n'est pas requise de façon immédiate à côté du patient, pendant toute la durée de la chirurgie, en autant qu'il y ait quand même un anesthésiste qui soit disponible s'il arrive une complication. Parce que quand même c'est des patients âgés, on n'est pas à l'abri d'un arrêt respiratoire, d'un arrêt cardiaque, de toutes sortes de choses qui peuvent arriver. Donc, je pense qu'on ne pourrait pas faire des cliniques spécialisées affiliées comme ça, sans aucune présence anesthésique rapide.

M. Tardif (Denis): Et aussi c'est que la technique a tellement changé depuis une dizaine d'années. Au début, c'était beaucoup une chirurgie sous générale. Après ça, c'est devenu une chirurgie avec anesthésie derrière l'oeil. Et maintenant c'est devenu une chirurgie sous anesthésie topique, c'est-à-dire juste des gouttes. Donc, la technique a fait en sorte que le besoin anesthésique a beaucoup changé.

Le Président (M. Copeman): Je pense qu'en tout cas dans... On ne peut pas extrapoler forcément de chaque cas, mais il me semble que, dans un des hôpitaux, il y avait deux salles, il y avait un anesthésiste pour les deux salles. Le chirurgien se promenait entre les deux salles. D'ailleurs, la journée qu'il m'a opéré, j'étais sa 21e chirurgie de la cataracte dans la journée, ce qui m'a fait remarquer: soit il avait eu beaucoup de pratique dans cette journée-là et était bien bon ou soit il était un peu fatigué à la fin puis... En tout cas, je n'étais pas... je ne savais pas sur quelle des deux analyses je devrais me fier. Mais ça a très bien été, de toute façon. Et il y avait les deux salles; le médecin, le chirurgien se promenait entre les deux. C'était vraiment comme une chaîne de production presque, efficace sur le point de vue de l'utilisation des ressources. Je pense qu'il y avait un anesthésiste présent pour les deux salles pendant toute la procédure. Mais vous indiquez qu'il n'y a pas vraiment une norme en tout cas qui s'est établie dans la pratique, hein? Ça varie beaucoup d'un établissement à l'autre.

n (10 h 10) n

M. Tardif (Denis): Oui, et beaucoup de discussions avec l'Association des anesthésistes à ce sujet-là. Le dossier évolue constamment.

Le Président (M. Copeman): En ce qui concerne la référence, à la page 2 de votre mémoire, sur le coût unitaire des interventions réalisées dans le réseau public par les médecins non participants ? on revient à cette discussion ? est-ce que l'utilisation des cliniques spécialisées affiliées sera un outil efficace? Si j'ai bien compris, l'intention du gouvernement, si on va de l'avant avec ces cliniques spécialisées, c'est de s'assurer que les coûts de la rémunération pour ces... ou le coût unitaire n'est pas supérieur à ce qu'on verse actuellement dans le réseau public.

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): C'est ça, extra rémunération. Est-ce qu'il va y avoir, selon vous, des preneurs pour ces types de cliniques, compte tenu que le gouvernement va contrôler évidemment le déboursement des sommes pour ces types de chirurgies?

M. Arbour (Jean Daniel): Je suis absolument convaincu qu'il va y avoir des preneurs. Évidemment, les chiffres sont à valider avec le gouvernement et les agences à savoir quel est le prix finalement. Parce que, là, il y a plusieurs choses à considérer dans une chirurgie. Il faut que le montant au moins défraie la dépense. Alors, c'est des choses qui devront être développées. Mais je suis convaincu qu'il y aurait des preneurs immédiatement.

Le Président (M. Copeman): Il me semble que ça va dépendre également du volume, par contre, hein? Il faudrait assurer un certain volume.

M. Arbour (Jean Daniel): Effectivement, comme je disais tout à l'heure. Et je suis content d'entendre le ministre à ce sujet-là, qui me rassure en me disant que l'utilisation des cliniques affiliées spécialisées serait faite dès le début de l'épisode de soins et non pas après six mois. Alors ça, ça permet de faire des contrats. Évidemment qu'il faudrait qu'il y ait des contrats fermés pour une certaine période de temps, fermés et potentiellement ouverts à la hausse et non pas de façon négative, pour que les gens puissent engager du personnel, et avoir les équipements requis, et penser à une forme d'amortissement, effectivement.

Le Président (M. Copeman): Je vais terminer en disant que je suis bien content que vous vous êtes entendus avec le ministère et d'autres autorités afin de définir la période de délai d'attente selon les critères qu'on a adoptés, parce que je peux vous dire qu'en tant que patient essayer de définir à quel moment la vision est sérieusement ou gravement affectée devient, pour le patient, une opération très, très, très frustrante et délicate. À un moment donné, l'ophtalmologiste me dit: Bien, ce n'est pas affecté à un tel point où... ce qui est tout à fait normal. Mais ça varie tellement selon les circonstances: Est-ce qu'on fait beaucoup de lectures? Quelle est la circonstance du patient? Ça m'apparaît très difficile d'établir une norme. Et je suis content d'apprendre que, dès que la pathologie est détectée, le patient est considéré comme... le compte à rebours commence et non pas à un moment où on essaie de définir: Est-ce que la vision est vraiment affectée ou pas?

M. Arbour (Jean Daniel): Ce n'est pas ce que j'ai compris, moi. En fait, quand un patient se fait dire qu'il a une cataracte, ça ne veut pas dire qu'il doit être opéré nécessairement. Une cataracte, c'est un peu comme les cheveux gris, on commence avec un petit peu, et ça progresse, habituellement. Et la cataracte, c'est la même chose, on commence à avoir une cataracte, on peut le dire au patient, il peut se le faire dire, mais ça ne veut aucunement dire qu'il doive être opéré tout de suite. Si le patient continue à faire toutes ses choses, surtout des patients de...

Un patient de 70 ans conduit encore la voiture, voit à 20/30, 20/40 ? juste pour donner une idée, ça prend 20/50 pour conduire la voiture ? alors, il n'y a aucune urgence pour opérer ce patient-là. Et on le suit d'année en année. À un moment donné, quand la vision est plus affectée, le patient nous dit... ou avec la discussion ? d'où l'importance de la relation médecin-patient ? on va mettre en évidence avec le patient que sa vision est assez diminuée pour l'affecter dans ses tâches quotidiennes. À ce moment-là, le patient devient un patient qui devrait être opéré. Mais vous avez des patients qui ne sont pas très mobiles, qui ne veulent pas être opérés et que ça ne les dérange pas tellement. Par contre, un jeune avec la même acuité visuelle ne pourra même pas travailler. Alors donc, ça varie de patient en patient, et on doit vraiment se positionner sur la relation médecin-patient pour déterminer le moment où on doit inscrire le patient.

Le Président (M. Copeman): Vous avez entièrement raison. Mais l'input du patient est également important dans ça. Évidemment, quand le chirurgien m'a dit: Êtes-vous prêt à attendre un an?, on va essayer, on a changé la prescription, on a tout fait pour éviter la chirurgie. À un moment donné, par contre, là, ça devient à un point tel où il n'y a pas d'autre alternative, et le patient embarque dans le processus.

M. Arbour (Jean Daniel): Tout à fait d'accord.

Le Président (M. Copeman): Dans mon cas à moi, avec un franc succès dans les deux yeux. Alors, M. le député de Borduas.

M. Charbonneau: Bien, M. le Président, merci. Ce que je constate, c'est que d'une part la décision qui avait été prise par le gouvernement précédent à la suite de l'envoi d'une équipe du ministère de la Santé qui était allée visiter l'Hôpital général d'Ottawa, où on avait créé un centre spécialisé à haut volume, ça a porté fruit. Parce que finalement on s'était rendu compte qu'à Ottawa, à ce moment-là, en 2002, on opérait jusqu'à 10 000 chirurgies de la cataracte par année puis on avait constaté aussi que les coûts étaient presque deux fois moins cher que ce qu'on avait au Québec. Et c'est à ce moment-là qu'on avait autorisé d'abord à Québec l'ouverture d'un centre de l'oeil à l'Hôpital Saint-Sacrement, pour un investissement de 9 millions, puis après ça on avait commencé à aborder toute la création d'un centre d'expertise de l'oeil à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont puis des centres de chirurgie de la cataracte à Sainte-Marie puis à LaSalle.

M. Couillard: ...

M. Charbonneau: Bien, je veux dire... Est-ce que c'est vrai ou ce n'est pas vrai que finalement le ministère avait envoyé une équipe à l'hôpital? Ce n'est pas vous qui l'aviez envoyée, là.

M. Couillard: ...

M. Charbonneau: Ce n'est pas vrai. Je veux bien, là, que le...

Le Président (M. Copeman): Regardez, là, chers collègues, là, des deux côtés, ce n'est pas le moment propice de s'engager dans un dialogue mutuel entre nous. Nous avons des invités. Je suggère que...

M. Charbonneau: Bien, alors, vous direz au ministre que...

Le Président (M. Copeman): J'ai dit des deux côtés, M. le député, là. J'entends très bien. À un moment donné, je ne voyais pas bien, mais j'entends.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): Mais là je vois très bien et j'entends très bien des deux côtés. Les deux oreilles fonctionnent.

M. Charbonneau: Très bien.

Le Président (M. Copeman): Parfois, c'est entre les oreilles où ça ne fonctionne pas bien, mais pour l'instant les deux oreilles fonctionnent très bien, et j'ai pris la peine de dire aux deux.

M. Charbonneau: En attendant, c'est sur mon temps, M. le Président, hein?

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. le député. On va vous compenser, inquiétez-vous pas.

M. Charbonneau: Très bien. Alors, ceci étant... Parce que, tu sais, tout n'a pas commencé avec l'arrivée du Dr Couillard au ministère de la Santé, là, la vie, et les services de santé, au Québec, là, et puis les améliorations, puis les changements n'ont pas commencé le 14 avril 2003, ce n'est pas vrai, ça.

Ceci étant, ce qui est important pour nous, compte tenu du succès des centres à haut volume, c'est de voir... Et là vous avez commencé à expliquer un peu comment on devait voir la situation. C'est de voir: Est-ce qu'à cause du succès de ces centres à haut volume là dans les hôpitaux est-ce qu'on a vraiment besoin de cliniques affiliées externes, donc des cliniques privées affiliées avec contrat, puisqu'on a réussi à faire baisser les listes d'attente d'une façon significative dans les centres hospitaliers publics?

Si j'ai bien compris, votre réponse, c'est que vous dites: On l'a fait avec efficacité parce qu'on a mis les ressources puis qu'on a effectivement développé des centres à haut volume. Mais, une fois que ça, c'est fait, il reste une série d'autres problématiques qui ne nécessitent pas l'utilisation des équipements lourds des centres hospitaliers publics, donc des hôpitaux, et on devrait, à ce moment-là, à l'exception de certaines chirurgies où on prévoit des problèmes et par précaution, à ce moment-là, on veut opérer à l'hôpital parce qu'il y a des anesthésistes qui sont disponibles puis qui sont prêts à intervenir... le reste pourrait se faire en clinique externe affiliée. C'est ça que vous dites?

M. Arbour (Jean Daniel): En partie, oui. Il faut faire attention, quand on dit que les centres dédiés ont réglé le problème des cataractes, ce n'est pas vrai complètement, hein, parce que l'efficience a été augmentée dans tous les centres. J'en parlais avec les agences régionales, et ce qu'on constatait, c'est que le coût unitaire a diminué partout au Québec et partout l'efficience a augmenté. Alors, dans un endroit où vous aviez quelqu'un qui faisait juste sept cataractes, bien il en fait 12 maintenant, dans sa journée.

Les centres à haut volume ? vous parlez de Riverside, à Ottawa ? sont très intéressants en termes comptables, hein, on réussit à faire un nombre très élevé de cataractes. Le coût unitaire n'est pas si bas que ça parce qu'on a souvent une infrastructure qui est très grosse pour pouvoir supporter deux salles en même temps, avec plus d'infirmières, des anesthésistes, etc. Et le problème qu'on peut voir poindre à l'horizon ? et c'est ce qui est arrivé à Ottawa ? c'est qu'on a déstabilisé un peu ? et j'en parlais dans mon document ? en poussant les gens un peu trop vers l'ophtalmologie chirurgicale. Et, à ce moment-là, quand on est en situation de pénurie d'effectifs, on délaisse la pratique ophtalmologique autre. Et la cataracte, c'est beau, mais il y a autre chose.

Et vraiment c'est pour ça que la clinique spécialisée affiliée, on voit ça d'un bon oeil, sans jeu de mots, c'est parce que ça permettrait de faire tout ça dans un contexte qui est plus humain, qui est plus convivial pour le patient, avec son médecin, avec plus de flexibilité aussi. Et, quand vous êtes dans un hôpital et que vous voulez retarder votre clinique de deux heures, c'est impossible, je veux dire, à 4 heures, l'hôpital se vide, alors que, dans une clinique affiliée, comme à mon bureau, je peux faire ça demain matin.

Vous avez besoin d'équipement, une clinique affiliée spécialisée va pouvoir gravir les échelons très rapidement, de décision. Dans un hôpital, il y en a 20 ou 22, alors ça prend deux, trois ans avant d'avoir un équipement. Alors, c'est sûr, c'est inhérent aux grosses structures. Ces grosses structures là sont très importantes pour les soins qui en ont besoin, mais, pour l'ophtalmologie, on pourrait certainement développer plus d'efficience et plus de convivialité aussi, une relation plus humaine dans des endroits avec moins de lourdeur bureaucratique.

n (10 h 20) n

M. Charbonneau: Ce que vous dites dans le fond, c'est que tout le domaine de l'ophtalmologie, une bonne partie de cette pratique médicale spécialisée peut être faite, au plan chirurgical, à l'extérieur des hôpitaux. Et d'ailleurs c'est pour ça que, dans le plan du gouvernement précédent, en 2002, finalement, l'idée des cliniques affiliées avait été aussi achetée et proposée, parce qu'effectivement, dans certaines situations... Puis je pense que l'ophtalmologie, là, c'est une bonne démonstration de l'intérêt d'envisager ce genre d'approche là, parce que dans le fond c'est des équipements plus légers, moins coûteux puis qui dans le fond libèrent des blocs opératoires.

Mais est-ce qu'on peut avoir la garantie... Parce que ça, la préoccupation des citoyens, ça va être de dire: Est-ce qu'on peut avoir l'assurance, au plan du diagnostic, qu'il n'y a pas de risque à faire des opérations quand il n'y a pas d'anesthésiste de disponible? Autrement dit, est-ce qu'on peut, au plan du diagnostic, dire: Ça, c'est des cas où il faut que ça se fasse à l'hôpital, puis ça, c'est des cas où il faut... Est-ce qu'il y a une zone grise ou est-ce que c'est assez clair et que les médecins sont prêts dans le fond à accepter finalement la responsabilité de dire: Ça, ça va plus se faire en clinique externe affiliée, puis ça, ça peut se faire à l'hôpital, ou si...

M. Arbour (Jean Daniel): Bien, pour répondre à votre question, dans la grande majorité des cas, effectivement, ça peut être déterminé d'avance, et c'est pour ça qu'il faut garder... Tout ne peut pas se faire en clinique spécialisée affiliée, hein, à cause de l'enseignement, à cause des cas complexes, à cause des cas multidisciplinaires aussi. Il y a beaucoup de cas qui devront rester à l'hôpital, dans les établissements. Le ministre Couillard parlait de quelques cliniques, dans tout le Québec, on parle de quelques cliniques, on ne parle pas de 100 cliniques, on ne parle pas d'une clinique par établissement non plus, ce n'est pas ça du tout, parce qu'il y a beaucoup d'hôpitaux qui fonctionnent très bien avec leur ophtalmologie aussi, et qui ne sentiront pas le besoin de faire affaire avec une clinique spécialisée affiliée, et qui ont les ressources nécessaires pour que ça fonctionne très bien, et, dans ces centres-là, ça va continuer certainement comme ça.

Maintenant, pour ce qui est de faire la distinction clinique ou diagnostique entre un cas qui doit rester à l'hôpital et celui qui peut être fait à la clinique spécialisée affiliée, je pense que, dans la grande majorité des cas, ce ne sera pas un problème. Là où c'est un problème par rapport à l'anesthésiste, c'est qu'on ne peut pas dire, je pense: On a une clinique où on n'a aucunement besoin de présence anesthésique, parce qu'effectivement ça peut être un problème s'il arrive un problème pendant la chirurgie. Il y en a, c'est rare que ça arrive, mais il y en a. Alors donc, il faut avoir un back-up ou un support quelconque.

M. Charbonneau: À ce moment-là, ça voudrait dire que, même s'il n'y a pas beaucoup de ces cliniques-là... Mais, s'il y a une clinique spécialisée affiliée d'ophtalmologie, est-ce que je dois comprendre que vous dites que, dans cette clinique-là, il devrait y avoir en permanence un anesthésiste? Parce que, là, dans le fond, la question, c'est une question de risque. S'il n'y a pas de risque, très bien. S'il y a un risque, c'est vous autres qui le prenez, le risque, parce que c'est vous autres qui avez la responsabilité professionnelle, à ce moment-là. Et comment on fait? Parce que les ressources sont limitées, on le sait, il manque d'anesthésistes au Québec, là. Alors, comment on fait pour s'assurer que, les ressources, on n'enlève pas des ressources dans les hôpitaux publics pour les amener à pratiquer en clinique privée?

M. Arbour (Jean Daniel): Le but de ces cliniques-là est justement d'éviter qu'on prenne des ressources pour des activités qui n'en ont pas besoin. Alors, les cliniques spécialisées affiliées, c'est justement pour laisser les ressources nécessaires dans l'hôpital et permettre que des choses plus légères se fassent à l'extérieur.

Dans le détail de combien d'anesthésistes ça prend, tout ça, c'est encore en évolution actuellement. On est en discussion avec l'Association des anesthésistes, comme le Dr Tardif le disait tout à l'heure, et le dossier n'est pas assez avancé pour ça. Je crois qu'avec les mois qui vont passer, avec la commission qui va avancer aussi, on sera plus en mesure de déterminer quel ratio est nécessaire et comment tout ça va se faire. Mais actuellement on n'a pas la réponse à ça.

M. Charbonneau: Ça veut dire qu'on va devoir attendre la conclusion de ces discussions-là puis de ces précisions-là, parce qu'on ne pourrais pas autoriser... le ministère ne pourrait pas autoriser ? je l'espère, là ? une ouverture d'une clinique si ces précisions-là ne sont pas apportées. Parce qu'encore une fois il faut s'assurer que, les ressources, il n'y a pas une espèce de fuite de ressources du public vers le privé. Donc, il faut avoir les garanties, là.

M. Arbour (Jean Daniel): Mais ça reste du public aussi, quand même, hein, les cliniques spécialisées affiliées restent du public.

M. Charbonneau: Oui, oui. Bien, c'est-à-dire ça reste à financement public, on s'entend, là, c'est clair, sauf que l'anesthésiste qui est...

M. Arbour (Jean Daniel): ...privé, financement privé. Les cliniques spécialisées affiliées, c'est du financement privé.

M. Charbonneau: C'est prestation privée, mais c'est financement public...

M. Arbour (Jean Daniel): Financé public pour les interventions, effectivement.

M. Charbonneau: Bien, oui, c'est ça. C'est ça qu'on... Il ne faut pas faire... La confusion qu'on peut créer, là, c'est que... Ce n'est pas une clinique privée où le patient paie cash ou encore par assurance, là, tu sais.

M. Arbour (Jean Daniel): Je préfère le terme «participant» et «non participant», dans ce temps-là.

M. Charbonneau: Oui, mais c'est les médecins qui sont participants, non participants. Les médecins sont participants au régime public, mais ils pratiquent à l'extérieur, dans une clinique privée conventionnée, là. Dans le fond, que ce soit un médecin spécialiste ou un omni, tu sais, les cliniques, les cliniques où les citoyens vont, c'est des cliniques privées conventionnées...

M. Arbour (Jean Daniel): Où beaucoup, beaucoup...

M. Charbonneau: ...où les médecins sont participants, les omnipraticiens sont participants.

M. Arbour (Jean Daniel): Savez-vous que, si ces cliniques-là n'existaient pas, la moitié des patients ne seraient pas traités au Québec, actuellement? Les cliniques spécialisées affiliées, c'est une chose, mais tous les bureaux actuellement qui sont propriété de médecins fonctionnent, et on voit des...

M. Charbonneau: Bien, oui, je le sais, c'est exactement ce que je dis, docteur.

M. Arbour (Jean Daniel): C'est ça, on voit des milliers de patients à tous les... Moi, je vois, à chaque année, 5 000 patients dans mon bureau que je paie.

M. Charbonneau: Bien, oui, je le sais.

M. Arbour (Jean Daniel): Alors, c'est une forme de clinique spécialisée affiliée, là.

M. Charbonneau: Non, non, on s'entend, je veux dire, la propriété est privée, je veux dire. Mais, je veux dire, le financement est public. C'est ça, là. La prestation de services est privée, mais le paiement est public. C'est ça. Et dans le fond qu'est-ce qu'on permet de faire? C'est qu'on permet que... Ce qu'on veut faire, c'est qu'il y ait des centres spécialisés en chirurgie qui s'installent au Québec pour certains types de problématiques de chirurgie élective, sur le même modèle que finalement des cliniques d'omnis s'installent. Tu sais, dans le fond, dans votre cabinet, vous, vous ne faites pas de chirurgie, mais, si on vous permettait de faire une chirurgie puis que vous transformiez votre cabinet privé en un centre opératoire affilié à un ou plusieurs hôpitaux de la région où vous vous êtes installé... C'est de ça dont on parle, là.

Alors, moi, ce que je veux juste m'assurer et ce que je comprends, c'est que les discussions que vous avez avec les anesthésistes vont amener éventuellement à ce qu'on puisse préciser ce qui peut être fait en clinique externe et ce qui devra continuer d'être fait à l'hôpital, au-delà du fait que, comme vous le dites, même des cas qui normalement pourraient se faire en clinique externe affiliée devraient se faire à l'hôpital parce qu'on veut enseigner à l'hôpital. Tu sais, il y a de la recherche qui peut se faire, donc il y a une pratique qu'on voudra garder à l'hôpital ou un volume de pratique qu'on voudra garder dans les hôpitaux justement pour soutenir la recherche, l'enseignement, etc.

M. Arbour (Jean Daniel): Il y a aussi le fait que l'hôpital reste quand même ouvert 24 heures sur 24. Alors, il y a un certain service à maintenir dans les hôpitaux pour répondre aux cas plus complexes d'une part mais aussi aux cas urgents.

M. Charbonneau: Aux urgences possibles.

M. Arbour (Jean Daniel): Exactement, oui.

M. Tardif (Denis): Et, dans ces hôpitaux-là, il va devoir y avoir un équipement justement qui va permettre de faire en sorte que les cas urgents soient traités avec de l'équipement de qualité, et donc les hôpitaux doivent rester avec des soins d'ophtalmologie de base et plus que de base pour servir aux cas d'urgence et aux cas généraux qui vont se présenter et qui ne peuvent pas être déplacés.

M. Charbonneau: Est-ce que vous partagez l'opinion des orthopédistes qui sont venus nous dire hier, dans le plan qui est proposé, ils nous disaient... Bien, écoutez, là, il y a le six mois, là, qui est prévu, après ça il y a un délai de trois mois, donc la période de six à neuf mois, puis après ça neuf mois et plus. Eux autres nous disent: Tout ça devrait être ramené à six mois, et la garantie donnée, là, c'est une garantie que les opérations se feront dans les six mois, et il ne devrait pas y avoir un six, neuf mois, puis après ça une autre procédure pour après neuf mois. Est-ce que, pour l'ophtalmologie, ça devrait être la même chose? Il y a un délai de six mois qui a été établi, c'était de même, donc ça n'a pas changé, ça, après les élections.

M. Arbour (Jean Daniel): Non, pas vraiment. Moi, je vous dirais que, quand on en avait discuté avec les collègues, c'est des étapes qui semblaient correctes et acceptables.

n (10 h 30) n

M. Charbonneau: Donc, contrairement aux orthopédistes, pour vous, ça ne crée pas un problème qu'il y ait six mois plus une autre phase, entre six et neuf mois, puis une troisième phase...

M. Arbour (Jean Daniel): Non, non, on est d'accord avec cette procédure-là.

Le Président (M. Copeman): M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Merci, M. le Président. En ce qui concerne la propriété des cliniques spécialisées, dans votre présentation, vous avez indiqué clairement que, quant à vous, la propriété de ces cliniques-là, ça ne devrait pas être un entrepreneur, ça ne devrait pas être un investisseur, parce qu'ils ont un objectif de profit et de rentabilité financière qui est difficilement conciliable avec l'intérêt médical des patients.

Dans l'échange que vous avez eu avec le ministre, le ministre, lui, a plutôt indiqué que ce n'était peut-être pas une bonne idée que ce soient les médecins qui soient propriétaires de ces cliniques-là. Vous, votre choix était clair, en ce qui vous concerne, ça devrait être les médecins qui sont propriétaires de ces cliniques spécialisées là. Je vous pose simplement une question comme ça: Pourquoi ne pas considérer tout simplement une propriété publique de ces cliniques-là?

M. Arbour (Jean Daniel): Bien, je pense que le but est de trouver des sources de financement peut-être différentes, de trouver des façons de fonctionner qui sont différentes. Quand on parle de la notion de financement public, on parle aussi de tout ce qui entoure ça, une certaine lourdeur quand même bureaucratique. Et, dans les cliniques spécialisées affiliées comme dans les bureaux où on fonctionne actuellement, il y a quand même une certaine légèreté qui est extrêmement intéressante à ce niveau-là. Je pense que le gouvernement a avantage à explorer d'autres avenues pour tenter de rejoindre le plus de monde possible dans une plus grande efficience et sans alourdir le mécanisme. Et je pense que les cliniques spécialisées affiliées s'inscrivent tout à fait dans cette direction-là.

M. St-André: D'accord. Donc, si je comprends bien votre logique, vous êtes en train de nous dire que les médecins ? parce que vous suggérez que ce soient les médecins qui sont propriétaires de ces cliniques, des cliniques spécialisées en question ? les médecins, eux, auraient la capacité de financer de tels équipements, alors que l'État, lui, ne l'aurait pas. Est-ce que c'est ça qu'on doit comprendre?

M. Arbour (Jean Daniel): Ce n'est pas ça que j'ai dit. Ce que j'ai dit, ce qu'on demande au gouvernement, c'est que les cliniques spécialisées affiliées soient contrôlées par des médecins. Je n'ai pas mentionné que les médecins devaient...

M. St-André: Dans le cas de propriété publique, c'est évident que c'est les médecins qui contrôleraient ces cliniques-là aussi, comme...

M. Arbour (Jean Daniel): Excusez-moi, mais il n'y a rien d'évident là-dedans. Je peux vous dire que, quand je vais à l'hôpital pour opérer ou faire ma clinique, je n'ai absolument aucun contrôle sur l'établissement lui-même.

M. St-André: Pourtant, quand je rencontre des directeurs généraux d'hôpitaux, puis j'en ai rencontré un dans ma région récemment, au Centre hospitalier Pierre-Le Gardeur, lui, il semblait plutôt nous dire que c'est les médecins qui prenaient les décisions dans l'hôpital, en ce qui concerne les opérations.

M. Arbour (Jean Daniel): Oui, c'est une très belle affirmation; je peux vous dire le contraire, c'est tout. Et je suis chirurgien de la rétine, et ce n'est pas la situation que je vis à tous les jours. Je ne sais pas si mon collègue, le Dr Tardif, a l'impression de contrôler son environnement.

M. Tardif (Denis): Moi, j'ai été chef de service à Sacré-Coeur pendant huit ans et ça n'a pas été huit ans faciles. Et je peux vous dire que j'aurais peut-être aimé avoir le contrôle plus, avoir... J'opérais avec un appareil et j'aurais aimé ça qu'il y en ait un autre en back-up en arrière. Et ça a été un gros dossier d'essayer d'avoir un back-up en arrière, alors que, pour moi, c'était évident, si mon appareil était défectueux, d'avoir un back-up. Alors, le contrôle, je ne l'ai pas eu tout le temps dans mes 20 années de pratique, loin de là.

M. Charbonneau: Est-ce que, dans la logique du fait que vous aimeriez que ce soient des médecins donc pratiquant au Québec, est-ce que vous iriez jusqu'à dire par ailleurs que la propriété devrait être québécoise, de ces établissements-là? Est-ce qu'on accepterait qu'une compagnie américaine décide d'ouvrir une grosse clinique d'ophtalmologie au Québec, puis d'engager des médecins québécois, puis...

M. Arbour (Jean Daniel): C'est exactement... c'est un très bon point que vous soulevez, et on s'inscrit contre ça. On aimerait vraiment que les cliniques spécialisées affiliées soient un fait de médecins québécois et qu'elles soient contrôlées par des médecins québécois, à l'avantage de la population québécoise de toute façon. Et vous avez un très bon point, là. Si une compagnie américaine arrivait ici pour établir un centre et qu'elle engageait des médecins pour y réaliser des interventions, je pense qu'on s'en irait plus vers le système américain à ce moment-là.

M. Charbonneau: Donc, ça veut dire que vous seriez prêts... Ce que vous dites, c'est que le gouvernement et l'Assemblée... Parce que, si éventuellement il y avait une législation, je ne sais pas comment cette mise en place va... si ça va nécessiter une législation ou si ce seront juste des mesures administratives, mais il faudrait prévoir que justement la propriété de ces cliniques-là, dans les autorisations, soit québécoise en regard des médecins québécois qui justement...

M. Arbour (Jean Daniel): Je suis d'accord avec vous qu'il faudrait que ce soit sous contrôle des médecins québécois.

M. Charbonneau: Bien. Bien, M. le Président. Merci beaucoup. Merci, messieurs.

Le Président (M. Copeman): Alors, Dr Arbour, Dr Tardif, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom de l'Association des médecins ophtalmologistes du Québec, l'AMOQ.

J'invite immédiatement les représentantes de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Alors, au nom de mes collègues membres de la commission, je souhaite la bienvenue aux représentantes de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Mme la présidente Desrosiers, bonjour.

Ordre des infirmières et
infirmiers du Québec (OIIQ)

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Comme je le fais pour chaque groupe, je vous rappelle simplement nos façons de faire. Vous avez 20 minutes pour votre présentation, et je vais vous aviser quand il reste trois, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prierais de présenter vos collaboratrices et d'enchaîner par la suite avec votre présentation.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Merci, M. le Président. Alors, je suis accompagnée, à ma droite, de Lise Racette, qui est vice-présidente de l'ordre, également infirmière clinicienne au centre hospitalier... voyons, de Joliette, mais ce n'est pas Joliette, Laurentides-Lanaudière... Non.

Mme Racette (Lise): Non. Nord-de-Lanaudière.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Excusez, c'est parce que ça a tellement changé de noms, n'est-ce pas, qu'on en perd notre latin. Carole Mercier, directrice-conseil à l'Ordre des infirmières; et, à l'extrême gauche, Mme Monique Perazzelli, qui est vice-présidente de la Corporation des infirmières et infirmiers des salles d'opération du Québec.

Alors, je remercie la commission de nous recevoir pour présenter la position de l'ordre en réaction au livre blanc du ministre. Alors, d'entrée de jeu, l'ordre réitère toute l'importance qu'elle accorde à un système public universel, équitable et accessible pour tous. Évidemment, c'est une question de solidarité sociale et, je pense, de devenir de la société québécoise. C'est un acquis à préserver.

Alors, le gouvernement, le ministre, dans son livre blanc, nous fait quand même un tour d'horizon des orientations déjà amorcées au niveau de l'amélioration des services de première ligne et des pratiques professionnelles. Alors, devant l'ensemble du bilan présenté par le ministre, évidemment l'ordre encourage le ministre dans ses efforts d'amélioration et à poursuivre la consolidation des réseaux locaux. Cette réforme évidemment mérite d'être consolidée et évaluée pour qu'on puisse en mesurer éventuellement les réels bénéfices.

Le gouvernement s'engage également à accentuer les efforts de prévention ? mieux vaut agir en amont, n'est-ce pas? ? pour les jeunes et pour l'ensemble de la population. Cette orientation nous apparaît majeure. Même si ce n'est pas le coeur du débat aujourd'hui, il demeure que ça devrait être dûment appuyé en termes budgétaires, car la prévention a toujours été le parent pauvre du système de santé, nonobstant le fait que ça donne des effets significatifs puis qu'éventuellement ça coûte moins cher après.

L'ordre veut également insister pour que certaines mesures mises en place soient accélérées, notamment les plans de services de première ligne et l'introduction des GMF. Un certain nombre s'est déployé, mais l'objectif visé est loin d'être atteint. On visait 300 GMF pour 2005, malheureusement on n'est pas rendu là. Donc, il est urgent de poursuivre les efforts en ce sens.

À cet égard, au 31 mars 2005, il y avait déjà 1 100 médecins d'intégrés dans les groupes de médecine de famille et 184 infirmières cliniciennes exerçaient dans les GMF. Selon nos informations, on pense que le nombre d'infirmières par GMF sera insuffisant pour faire face à la demande des services dans les groupes de médecine de famille, et, pour permettre une amélioration notable de l'accès aux médecins de famille en première ligne, il faudrait envisager de doubler le nombre d'infirmières dans les GMF. Certains pays vont jusqu'à planifier un ratio de une infirmière clinicienne par médecin, de façon à ce que les citoyens puissent bénéficier au maximum de l'introduction ou de l'apport des infirmières en première ligne.

n (10 h 40) n

Un autre aspect d'amélioration des services de première ligne, ce serait... On profite de l'occasion pour signaler qu'avec la réforme des lois professionnelles les infirmières peuvent maintenant «initier des mesures diagnostiques et thérapeutiques, selon une ordonnance collective» pour améliorer justement les services de première ligne. Par contre, il y a des difficultés importantes d'application des ordonnances collectives en pharmacie privée qui nous amènent à croire que ce mécanisme est difficile à implanter en première ligne, et on interpelle le ministre pour savoir s'il y aurait une volonté à l'effet que ce mécanisme-là puisse se déployer adéquatement et qu'il puisse justement en faciliter le déploiement.

Un autre aspect de la première ligne ? rapidement ? c'est qu'on se rappelle que la commission Clair avait recommandé l'introduction non seulement d'infirmières cliniciennes, mais également d'infirmières praticiennes, qui sont des infirmières qui sont autorisées à prescrire des médicaments, notamment. On connaît l'orientation gouvernementale, l'orientation du ministre est claire à cet égard: des praticiennes seront introduites en première ligne évidemment quand nous aurons fini par nous entendre avec le Collège des médecins sur l'aspect réglementaire.

Toutefois, le retard du Québec à cet égard quand même s'accentue dans le temps parce qu'en 2004 il y avait déjà 598 infirmières praticiennes de première ligne en Ontario, et, nous, nous sommes encore en train de négocier la possibilité. Il devra y avoir également non seulement... quand bien même qu'on se serait entendus avec le Collège des médecins, il devra y avoir un plan d'effectifs. Ce n'est pas juste une affaire de réglementation, ça va prendre un plan d'effectifs avec une cible d'effectifs à introduire et un plan budgétaire pour assurer le financement des praticiennes de première ligne. Ça ne pourra pas être l'Ordre des infirmières, vous comprenez bien, qui pourra être le maître d'oeuvre de ça, ça va prendre un plan ministériel.

Donc, les garanties d'accès aux services médicaux spécialisés de deuxième ligne à notre avis pourront être atteintes quand le problème de l'accès à la première ligne sera quand même amélioré, hein? Il y a comme une certaine continuité dans la chaîne de services. On demeure convaincus à cet égard que la réorganisation des services de première ligne s'améliorera sensiblement avec le recours des infirmières cliniciennes et des infirmières praticiennes.

Pour en revenir peut-être à la question du jugement de la Cour suprême et de l'arrêt Chaoulli-Zeliotis concernant la question de l'invalidation, là, de certaines dispositions législatives québécoises et la proposition du ministre de permettre l'assurance privée duplicative sur trois problèmes de santé, nous, on prend acte du jugement et on juge raisonnable la proposition du ministre de déterminer les services qui pourraient faire l'objet de garantie d'accès, services pour lesquels des citoyens pourraient se prévaloir d'une assurance privée selon certaines modalités. Toutefois, on n'est pas d'accord avec le fait que ça puisse se faire par voie réglementaire. On pense que, malgré la lourdeur de l'approche, c'est tellement sensible, la question des assurances privées, qu'il faudrait que ça se fasse obligatoirement par amendement législatif et non pas par modalité réglementaire s'il y avait d'autres problèmes de santé qui pourraient recourir à une assurance privée.

Le ministre nous propose des garanties d'accès aux services. Il y en a deux sortes de garanties d'accès. On félicite le ministre pour cette proposition, cette mesure de garanties de services qui nous apparaît une amélioration sensible à l'efficience et l'efficacité de notre système. C'est vraiment un pas dans la bonne direction.

Par contre, notamment, plus particulièrement sur l'amélioration de la gestion des listes d'attente pour les différentes chirurgies, c'est sûr qu'il y a vraiment place à l'amélioration quant à l'inscription ou la gestion des listes d'attente, listes d'attente peut-être centralisées par type de chirurgie au niveau provincial, etc. Là, évidemment, le document du ministre ne va pas dans les détails, mais il y a vraiment lieu d'améliorer la gestion des listes d'attente.

Par contre, vous savez qu'il y a de l'attente en amont de la liste, c'est-à-dire le temps que ça prend pour avoir accès au plateau technique diagnostique et le temps que ça prend entre l'omnipraticien et le spécialiste pour avoir droit de voir un spécialiste. Donc, même si on gère la liste d'attente à partir du moment où on est inscrit, il ne faut pas sous-estimer les délais en amont qui, eux, ne semblent pas vouloir faire, à ce stade-ci, l'objet d'une gestion particulière.

Par ailleurs, s'il y a d'autres mesures complémentaires au niveau de la garantie d'accès, on pense que le ministère devrait établir des cibles précises sur la durée moyenne des séjours de certaines chirurgies qui sont visées par les garanties d'accès et prévoir des budgets pour les services de réadaptation et de soutien à domicile en amont de ces chirurgies-là pour lesquelles il va y avoir des garanties d'accès. Parce que souvent on ne peut pas opérer s'il n'y a pas de services postopératoires adéquats.

Enfin, on pense que le ministre devrait mettre davantage l'accent sur la meilleure gestion des salles d'opération, qui sont un élément clé évidemment pour améliorer la garantie d'accès. On pense que la gestion de la distribution du temps opératoire par spécialité demeure un enjeu majeur et qui n'a pas fait l'objet d'études peut-être optimales sur le plan de l'efficience optimale. On devrait sans doute revoir le cadre normatif de gestion des salles d'opération, qui est un peu désuet, qui date de 1995, et la question d'augmenter le budget des salles d'opération pour augmenter le temps opératoire.

On en a profité, de la commission, pour vous dire que le Québec avait innové, en 2000: on était la seule province au Canada à avoir légalisé la pratique d'infirmières premières assistantes en chirurgie. C'est des infirmières qui sont qualifiées, qui remplacent un deuxième chirurgien. Donc, cette initiative était très prometteuse. Malheureusement, elle n'a pas été accompagnée d'un plan de déploiement ou d'incitatifs auprès des centres hospitaliers qui, croyez-le ou non, se demandent si ce n'est pas trop cher payé, une infirmière première assistante. Quand c'est un chirurgien, vous savez, un deuxième chirurgien, c'est gratuit pour un hôpital, mais, quand c'est une infirmière, c'est très, très cher parce qu'il faut qu'ils le paient, eux autres, à même leur budget. Mais, pour l'État, il y a une différence quand même au niveau du coût et de l'efficacité. Donc, on a signalé qu'à peine la moitié des infirmières graduées premières assistantes avaient obtenu un poste d'infirmière première assistante. Donc, c'est un élément critique. Et donc, en conclusion là-dessus, c'est clair que la réorganisation du bloc opératoire ne peut se faire sans compter sur les infirmières premières assistantes si on veut améliorer l'efficacité de ce secteur-là.

Les cliniques spécialisées affiliées, cette idée qui originait d'une recommandation de la commission Clair, le gouvernement en fait nous propose ni plus ni moins que l'impartition de certains services médicaux dans des cliniques affiliées. Cette formule à notre avis ne nous a pas... en fait n'est pas vraiment nouvelle dans la mesure où il y a déjà des cliniques médicales privées, là, qui fonctionnent un peu sur ce modèle-là. Ce qu'on a compris, c'est que c'est l'affiliation contractuelle qui s'avérerait être la nouveauté pour des services qui présentement sont plutôt couverts par l'assurance hospitalisation, qu'il transférerait dans des cliniques à gestion privée.

On n'est pas contre, on est ouverts à cette hypothèse-là. On avait cependant un certain nombre de questions sur les motifs, la pertinence, dans quel contexte. Ça nous apparaît aussi une solution partielle parce que c'est une solution pour les zones urbaines, ça ne résoudra pas le problème en région. On a des préoccupations sur la logique de profit, la marge de profit, la question de la propriété des cliniques. Dans la mesure où on souhaiterait que ce soient les médecins qui soient propriétaires des cliniques, on pense que ça devrait être privé et sans but lucratif. Et on en profite, on ne l'a pas dit dans le mémoire, mais on dit non à la question de la propriété pour des multinationales ou des propriétaires hors Québec.

Dans le moment, en fait, on est un peu perplexes par rapport à la question des cliniques spécialisées. C'est parce que dans le fond il n'y a rien qui empêche actuellement le réseau public de se réorganiser, d'être plus efficient et de mettre de l'avant des cliniques avec une offre de chirurgies mineures. Pourquoi que le réseau public ne le fait pas davantage? Peut-être que poser la question c'est y répondre, là. On a supputé sur les raisons, qui sont probablement des raisons de lourdeur administrative et aussi peut-être d'investissement, etc.

Donc, cela étant dit, on mentionne dans notre mémoire également, un peu plus loin, des préoccupations quant à la qualité des services: comment on va assurer la qualité, l'encadrement qualitatif de ces cliniques-là, les critères de certification de ces cliniques-là, leur agrément, les éléments de... tu sais, qui va savoir le taux d'infection qu'il y a dans ces cliniques-là, le taux de réadmission, le retour à l'urgence, bref tout l'encadrement qualitatif. On a peur que, s'il y a une recherche de profit, les gestionnaires... Qui dit profit dit vouloir baisser ses coûts de production. Donc, sur quoi se ferait la baisse de coûts de production? Bien, est-ce que ce serait sur du personnel moins qualifié ou... En tout cas, bref, on a des questions là-dessus. Quel encadrement le ministre mettrait de l'avant?

Et également... Je reviendrai tantôt sur la question des infirmières... Bien, en fait, abordons immédiatement la question des infirmières. Vous savez que, pour ce qui est des infirmières de salle d'opération, de façon générale, au Québec, c'est un secteur extrêmement critique parce que c'est un secteur qui est plus vieillissant que d'autres secteurs cliniques. Alors, nous autres, selon nos statistiques, 43 % des infirmières de salle d'opération dans le moment ont plus de 50 ans. Donc, on peut présumer que 43 % et plus d'infirmières vont quitter au cours des 10 prochaines années, dans la mesure où elles resteraient au moins jusqu'à 60 ans. Donc, on est inquiet sur deux aspects.

n (10 h 50) n

Je comprends que le ministre nous dit que dans le moment ce serait extrêmement restrictif, les cliniques privées affiliées, mais il pourrait y avoir un engouement dans le futur. Bref, on se dit... Ça pose toute la question du drainage de ressources infirmières qui passeraient du public au privé. Il y en a qui nous disent: Il ne faut pas que vous pensiez que c'est une espèce de paranoïa qu'on a, là. Il y a déjà 5 000 infirmières au Québec qui travaillent en privé. Qui dit clinique privée dit pas de garde de fin de semaine, pas de soirée, pas de nuit. Il pourrait y avoir un engouement certain.

Et le problème, c'est que c'est le réseau public qui forme les infirmières de salle d'opération. Vous savez qu'il n'y a aucun cours, au Québec, de formation initiale infirmière, que ce soit le cégep ou l'université, qui qualifie pour exercer dans une salle d'opération. Donc, chaque hôpital individuellement doit avoir son plan de formation de la relève. Déjà, là-dessus, j'aurais des suggestions éventuellement à faire au ministère, là. Il y aurait sûrement place pour améliorer... avoir un programme national de formation des infirmières de salle d'opération. Mais le secteur public va toujours devoir assumer des coûts de formation que le secteur privé n'aura jamais à assumer dans ses fameux coûts de production. Et en plus non seulement eux autres vont avoir l'air hypercompétitifs parce qu'ils n'auront pas à assumer ces coûts-là, mais en plus ils vont voler les infirmières d'expérience. Donc, on pourrait avoir un problème que le ministre, dans son plan de match, devra tenir compte.

C'est pour ça qu'on proposait que les infirmières de salle d'opération du secteur public pourraient fonctionner dans des cliniques privées affiliées sur la base de prêt de services, un peu comme sur la formule des GMF, ça pourrait être une formule peut-être assouplie ou améliorée, mais prêt de services pour fonctionner dans les cliniques affiliées pour lesquelles il y a des contrats, là, je parle vraiment, là, pas la clinique du coin qui déjà engage une infirmière, là, mais... Donc, on a mis de l'avant une proposition de prêt de services et on estime que, pour le maintien de la mise à jour des compétences professionnelles, ce serait important que ces infirmières-là puissent garder une affiliation avec le conseil des infirmières et infirmiers de l'établissement avec lequel il est affilié.

Et on rappelle au ministre que le règlement du Collège des médecins qui habilite les infirmières à faire de l'assistance opératoire ne s'applique qu'en établissement public. Donc, c'est clair que ce règlement-là devrait être amendé pour permettre l'assistance chirurgicale en milieu privé. Même si on parle de petites chirurgies, il n'est pas exclu qu'il n'y aurait pas besoin d'assistance chirurgicale éventuellement. Ça, c'est de la technicalité, mais disons qu'on le signale.

Pour revenir aussi à la question des cliniques privées, on a une inquiétude quant aux frais que pourraient assumer les citoyens. Présentement, dans toutes les cliniques privées, au Québec ? et là je ne parle pas de médecins désengagés, mais je parle de cliniques privées où les médecins participent au régime public ? il y a beaucoup de frais qui sont assumés par les citoyens, des frais de fourniture, des frais de pansement, des frais d'injection, des frais de ceci, des frais de cela. Donc, est-ce que vraiment le ministre nous garantirait que, dans le cas de chirurgie ou de toute autre procédure qui ferait l'objet de contrat affilié, vraiment ça ne coûterait rien, comme ça ne coûte rien à l'hôpital? Est-ce que ce serait identique? Donc ça, je pense qu'il faudrait que ce soit clair parce qu'il faudrait rassurer les citoyens à cet effet-là pour ne pas se retrouver après coup avec des faux frais qui n'avaient pas été prévus.

Enfin, le financement du système de santé fait l'objet de quelques propositions... enfin réflexions du ministre dans le cadre de son livre blanc. Là-dessus, c'est certain qu'il faut continuer les pressions sur le rehaussement des paiements de transfert, là, toute la question de la participation du fédéral. Je n'élaborerai pas davantage là-dessus, je pense que tout le monde convient de la chose.

Mais je voudrais quand même prendre le temps pour dire que l'Ordre des infirmières soutient la mise sur pied d'un autre régime d'assurance. Là, je ne parle pas de caisse santé. On a trois régimes d'assurance, au Québec: le régime d'assurance maladie, d'assurance hospitalisation et d'assurance médicaments. Et, nous, nous soutenons l'idée d'un régime d'assurance contre la perte d'autonomie. Et, dans notre tête à nous, ce n'est pas une question de modalités de financement, c'est plutôt de garantir un droit citoyen qui présentement n'est pas couvert par la solidarité sociale, qui pourrait faire l'objet évidemment de cotisations particulières ? là, je ne rentre pas dans les détails, on en est au principe.

À notre avis, les services liés à la dépendance lors d'une perte d'autonomie présentement ne sont pas un droit acquis visé par la solidarité collective, et on se pose la question: Pourquoi les services médicaux et hospitaliers ? parce que tous les débats sont toujours sur le médicalement requis ? pourquoi les services médicaux et hospitaliers seraient-ils moralement et socialement plus importants que les services qui visent à préserver la dignité des personnes humaines lorsque celles-ci ne peuvent se nourrir, se laver, éliminer ou se déplacer?

Donc, la société doit établir un équilibre entre les services préventifs, les services médicaux et hospitaliers et les services aux personnes en perte d'autonomie. Ça nous apparaît une responsabilité collective. Et on pense que le gouvernement devrait mettre de l'avant une proposition d'un régime d'assurance ciblé pour les personnes en perte d'autonomie. Ça doit vraiment être prioritairement à l'ordre du jour, dans un souci de transparence et d'équité intergénérationnelle. Nous, on donne notre accord de principe à cette piste-là. Évidemment, on n'en connaît pas toutes les modalités ? allocation directe ou non, ceci, cela. Je pense qu'il faut qu'il y ait une proposition qui soit mise sur la table et qu'on aille de l'avant. Ça fait trop longtemps, là, que c'est dans l'air, depuis la commission Clair, le rapport Ménard, ça n'en finit plus. Ça va finir qu'on va tous être morts et enterrés, abandonnés de tous, et il ne se sera rien passé. Bon. Alors, on donne un appui... Oui.

Le Président (M. Copeman): Mme Desrosiers, il vous reste deux minutes.

Mme Desrosiers (Gyslaine): En plus, j'ai terminé.

Le Président (M. Copeman): Ah! Parfait, magnifique.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Alors, c'est pour ça qu'on donne un appui non équivoque au gouvernement pour lui donner le petit coup de pouce nécessaire pour faire une proposition en bonne et due forme. Merci de votre attention.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Desrosiers et mesdames, pour votre présentation et votre visite. Effectivement, on reconnaît très bien le problème d'accès en amont de la liste d'attente des chirurgies, notamment au niveau de la première ligne et également ce qui suit la chirurgie. On ne prétend pas que toute la chaîne de l'intervention médicale se limite à la liste d'attente ? et «médicale» dans son plus grand sens, là, le système de santé.

Effectivement, les groupes de médecine de famille, il y en a quelques-uns, là, il y en a quatre qui sont prêts à être accrédités, puis seulement 20 en préparation dans les régions. Alors, il y a certainement une sorte d'essoufflement de l'intérêt des médecins. On peut s'interroger sur les causes. Il faut dire qu'on est en période de négociation avec la FMOQ, ce qui peut expliquer parfois certains phénomènes cycliques dans les intérêts professionnels.

Les infirmières praticiennes de première ligne, vous avez effectivement raison, ça a été une grande surprise, et avant 2003 et maintenant, de voir à quel point le Québec a été tardif à s'inscrire dans cette démarche-là. Je pense qu'au moins on peut se féliciter qu'on a fait un grand progrès dans le sens des attitudes de la profession médicale, je pense, notamment. Donc, on espère bien que, pour le printemps ? le printemps est commencé officiellement depuis le 21 mars, là ? on espère bien, pour le printemps, être en mesure de disposer de la réglementation pour véritablement créer cette profession-là. Comme vous le savez, c'est un dossier qu'on suit de très près pour s'assurer que les délais ne s'éternisent pas.

Il y a certainement un grand rôle pour l'infirmière dans les dispositions qui sont contenues dans le document de même que dans vos recommandations. Je vois essentiellement la question de la meilleure gestion des blocs opératoires et puis la prise en charge individualisée des personnes sur les listes d'attente.

Alors, ce qu'on envisage, c'est que, dans chaque établissement où il y a une liste opératoire, un bloc opératoire, il y ait des personnes qui soient nominalement ou nommément mises en charge de contacter les gens sur la liste d'attente pour les procédures qui font l'objet d'une garantie de service et s'assurer qu'on est capable de suivre continuellement ce qui leur arrive et que la personne sache que quelqu'un s'occupe d'eux sur la liste d'attente.

Il me semble que l'infirmière est la personne possiblement désignée pour ça, ou les personnes qui sont au bureau d'admission, ou en collaboration, parce que les infirmières sont déjà très présentes et dans les bureaux d'admission et dans les cliniques de préadmission. Comment est-ce que vous voyez le fonctionnement, le rôle de l'infirmière dans cette prise en charge individualisée des gens, là, sur la liste d'attente?

n (11 heures) n

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien là, vous introduisez comme la notion d'infirmière pivot, alors ça pourrait être... Je sais, comme par exemple, l'Association des orthopédistes nous avait contactés pour que justement il y ait des infirmières qui jouent un rôle plus actif comme infirmières pivots dès l'inscription sur la liste d'attente ou bien dès la demande de consultation avant même qu'ils soient mis sur la liste d'attente pour la chirurgie. Donc, c'est clair que, si vous parlez de rôle de cette nature-là...

Je ne verrais pas l'infirmière jouer un rôle strictement administratif, de gestion de la liste d'attente proprement dite. Parce que, moi, je pense qu'il faut que votre proposition soit claire. Est-ce que, par exemple, on va avoir une liste d'attente par secteur de spécialité, une liste d'attente provinciale en chirurgie?

Mais c'est sûr que localement il pourrait y avoir une amélioration dès qu'il y a demande de consultation pour tout le secteur orthopédique de l'hôpital. Est-ce que d'ores et déjà il y a une équipe multidisciplinaire, avec une infirmière pivot, qui gérerait les problèmes en amont, quitte à pouvoir adresser au médecin le fait que, là, la priorité de ce patient-là a changé et qu'il serait urgent que sa priorité soit codifiée autrement?

Donc, oui, il y a de la place pour les infirmières là-dessus, oui, définitivement. Mais ça, je pense que ça s'inscrit beaucoup dans votre orientation de réseau intégré ou de prise en charge par programme clientèle. Mais je pense que la constitution elle-même de la liste d'attente, la façon de la constituer va demeurer un enjeu, je dirais, administratif, là. Il faut s'y attaquer de près.

J'inviterais peut-être... Il y a un aspect que vous avez dit sur la... Je sais que ce n'est pas l'objet principal de votre commission aujourd'hui, mais, pour revenir aux infirmières praticiennes, dans le fond, on essayait d'attirer votre attention sur le fait que, nous autres, là, quand on va avoir réglé la réglementation, un peu comme on l'a réglé pour des infirmières praticiennes en spécialité, là, bien, le lendemain, s'il n'y a pas de plan d'effectifs, s'il n'y a pas de plan de match, bien là vous aviez prévu d'en avoir 75 pour trois spécialités, puis on va en graduer 20, parce que... Ça prend un plan d'effectifs. Donc, le temps qu'on s'entende avec le Collège des médecins sur la réglementation, même si ça débouchait... ça devrait déboucher dans les prochains mois, la question du plan d'effectifs... L'Ontario, eux autres, pour la première ligne, ils avaient dit: On en veut, je ne sais pas, moi, 100 ou 150 par année, puis ils sont déjà rendus à 600, même, à l'heure qu'on se parle, ils sont probablement plus proches du 800. Donc, ça prend un plan d'effectifs avec la cible quantitative, la distribution régionale, puis comment c'est financé. Parce qu'on va avoir le même problème pour les infirmières praticiennes qu'on a pour les infirmières assistantes chirurgicales, c'est que l'hôpital trouve que c'est cher. Parce que chaque fois qu'une infirmière vient remplacer ce qu'un médecin faisait avant, pour l'hôpital, c'est une nouvelle dépense, parce que, lui, avant, ça ne lui coûtait rien, un docteur. Ils pensent que ça ne leur coûte rien. Vous, ça vous coûte très cher, mais, pour l'hôpital lui-même... Alors, il y a un problème au niveau du financement des nouveaux rôles infirmiers.

M. Couillard: Puis en fait l'infirmière praticienne de première ligne en fait ajoute à la dépense du système de santé, il faut être... Elle est plus efficiente, cette dépense-là...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Oui.

M. Couillard: ...mais elle ne remplace pas le médecin. C'est-à-dire, le médecin continue d'être payé, puis en plus...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, je ne dis pas remplacer au sens... Non, non, non, je sais que ce n'est pas politiquement correct de dire de remplacer. Je ne parle pas de remplacer au sens strict du terme, mais elle remplace certaines activités que faisaient les médecins pour lesquelles l'hôpital n'avait pas à débourser. Donc, ce n'était pas sur leur budget. C'est dans cet esprit-là que je le dis, là.

M. Couillard: Pour ce qui est de la gestion du bloc opératoire, c'est effectivement quelque chose, je pense, qui gagnerait à être amélioré. Il y a plusieurs éléments assez symboliques, hein, qui sont là, dans les pratiques médicales en particulier. Ça a été toute une histoire de faire changer les priorités opératoires. Puis je pense que c'est le cas maintenant partout, là. Classiquement, c'était des priorités nominales, c'est-à-dire que c'est le Dr X ou le Dr Y qui avait une priorité opératoire. Et de les changer juste pour les priorités du service, c'est déjà un progrès important. Parce que ce qui se produisait...

Puis c'est un biais, en fait c'est un des biais possibles de porter beaucoup, beaucoup d'attention aux listes d'attente, même si c'est un problème important, c'est que, quand les priorités opératoires sont nominales... Il y a de la compétition pour le temps opératoire, on le sait, c'est une denrée relativement rare et elle est recherchée. Et plus on a une grosse liste d'attente, plus on est en bonne position pour obtenir plus de temps opératoire. Il y a là un biais, là, du système qui a été introduit, de sorte qu'il est essentiel de garder cette orientation d'attribution des priorités par service et probablement d'améliorer les processus, le roulement entre les interventions. La constitution des équipes à l'intérieur de la salle d'opération également, je pense qu'il y a des progrès à faire là-dessus en termes d'assouplissement, même pour les infirmières.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Oui. Ah oui, ça, on l'a regardé, la question de la constitution des équipes de salle d'opération. Mais je pense que c'est global. Moi, j'inviterais ma collègue, Monique Perazzelli, qui est vice-présidente de la Corporation des infirmières de salle d'opération, qui m'informait que le cadre de gestion des salles d'opération qui avait été mis de l'avant par le ministère date de 1995, un peu comme on a... Quand le ministère a voulu forcer les urgences à améliorer leur fonctionnement, bien il y a eu non seulement un cadre de gestion ? donc, il serait à revoir ? mais également il y avait eu comme une équipe tactique ou même une équipe de consultants qui vient... bien, consultants, entre guillemets, d'experts. Il ne faut pas présumer que c'est géré de façon optimale. Donc, peut-être quelques mots là-dessus, Monique.

Mme Perazzelli (Monique): Je voudrais revenir peut-être pour le temps opératoire alloué. Quand vous dites que c'est amélioré par rapport au temps nominal versus le temps qui est par service, ça, sur papier, c'est très vrai; dans la réalité, ce n'est pas ce qui se produit. Malheureusement, dans la gestion des blocs opératoires, on sait que ce n'est pas tous les chirurgiens qui ont la même liste d'attente. On sait aussi qu'en réalité il y a des chirurgiens qui vont faire la clinique la veille, qui vont voir un patient et qui vont l'opérer le lendemain parce qu'ils n'en ont pas, de liste d'attente, mais ils veulent conserver leur priorité opératoire. Alors, il y a énormément de temps opératoire perdu dans juste ce petit bout là de gestion de bloc opératoire.

Effectivement, les recommandations qui ont été émises en 1995 ? c'est comme un petit peu un mode d'emploi de gestion des blocs opératoires ? sont encore très pertinentes. Ce qu'il faudrait faire, c'est d'une part peut-être les remettre à jour, à la saveur du jour, mais surtout les adapter, mais les faire appliquer, parce que tout ce qui est là au niveau du processus de gestion... On sait bien que, dans le fond, une procédure chirurgicale, bien, c'est un flux de transformation qui est adapté à l'humain, il y a un processus, et, si ça bloque soit en amont ou en aval dans le processus, si notre clinique de préadmission n'est pas prête, si notre inscription est sur la liste d'attente et la liste d'attente n'est pas gérée correctement, ça va créer des délais, le patient va arriver au bloc opératoire mal préparé, donc il va y avoir des annulations. Perte de temps opératoire.

Alors, je crois que le processus, il est très bien positionné actuellement, mais il n'est pas suivi par à peu près aucun centre vraiment de façon rigoureuse. Et malheureusement, étant donné qu'on a comme trois têtes de gestion dans un bloc opératoire ? on a la partie chirurgicale, on a les anesthésistes et on a la partie des soins infirmiers ? les trois veulent la même chose, le bien du patient, les trois ont des moyens différents pour y arriver et les trois ont des normes de pratique différentes pour y arriver. Alors, de faire un consensus entre ces trois têtes, ce petit monstre à trois têtes, c'est souvent difficile. Et, comme le chirurgien est finalement un travailleur autonome, souvent il va donner le ton, et ce n'est pas nécessairement toujours dans la bonne direction pour l'efficience d'un bloc opératoire.

M. Couillard: Oui, puis croyez-moi, disons, la connaissance que j'ai de ce problème-là n'est pas sur papier, là, je l'ai vécu sur le terrain pendant des années. Puis ceux qui pensent que l'Assemblée nationale, c'est un groupe de personnes avec des ego très importants, ce qui est vrai, attendez de voir un département de chirurgie.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: Effectivement, la question de l'attribution des priorités, c'est assez compliqué. Parce que ce que vous dites, c'est vrai, tout à fait vrai dans le concret. Lorsqu'il y a un chirurgien qui n'a pas de liste d'attente, pour occuper son temps opératoire, tout va être possible, je n'irais pas plus loin, là, mais tout va être possible pour occuper le temps opératoire, alors qu'il y a un autre collègue qui a une grosse liste d'attente. Cependant, ce n'est pas si simple que ça parce que la grosse liste d'attente, elle est faite de quoi également. Puis, si le chirurgien qui a moins de liste d'attente, il s'en va de l'hôpital parce qu'il n'est plus content de son temps opératoire, ça ne marchera pas non plus. Alors, c'est assez compliqué. Puis effectivement tout ça revient au statut du médecin qui est un entrepreneur autonome dans des établissements publics, c'est historiquement comme ça, et pour l'instant je ne crois pas que ça peut changer.

Mme Perazzelli (Monique): Il y a quand même une solution qui est faisable, mais encore là ça demande une rigueur, ça demande une participation de tous, c'est ce qu'on appelle le fameux «pré-booking», O.K.? Ça, c'est un moyen. Si le patient, la chirurgie du patient, elle est prévue comme une semaine à l'avance, alors là, à ce moment-là, il a le temps de mettre en place ces éléments. Si le chirurgien qui a sa priorité opératoire ne peut pas la combler une semaine à l'avance, il la cède à quelqu'un d'autre, à ce moment-là. Ça, c'est une forme de gestion qui m'apparaît pour ma part très, très efficiente mais qui malheureusement, dans la réalité, encore une fois, n'est pas mise en pratique. Si on avait ce système-là vraiment appliqué, on sauverait énormément de temps opératoire et on pourrait augmenter effectivement le nombre de cas qui passent dans une période.

M. Couillard: Effectivement. Et, pour revenir à la question des ego de tantôt, on pourrait se demander si la combinaison d'un ego de politicien et de chirurgien a un effet additif ou multiplicatif.

M. Charbonneau: C'est exactement la remarque que j'ai faite, que je vous ai faite, M. le Président. Et je vois que le ministre a dû la comprendre d'une certaine façon. Je laisse aux citoyens le soin de juger si l'ego du ministre est hors proportion maintenant.

Le Président (M. Copeman): M. le député, pour être vrai, je l'ai aidé en lui glissant une petite note, alors...

M. Charbonneau: Ah bon! d'accord.

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. le ministre.

M. Couillard: Les cliniques affiliées, effectivement c'est une solution qui est partielle. Dans la grande majorité des régions du Québec... en fait, la totalité des régions, sauf les régions très urbaines et densément peuplées, ce n'est pas nécessaire de faire des cliniques affiliées. Et il s'agit vraiment de les encadrer. Puis, sur le principe, je peux vous dire, l'orientation, on va aller de l'avant avec les cliniques affiliées, mais on est ici pour les définir, les encadrer sur le plus de plans possible, en commission particulièrement, avant de faire le texte législatif.

Juste clarifier un élément. Vous parlez de l'impartition, il faut définir un peu plus. «Impartition» voudrait dire qu'on prend la chirurgie qui est déjà faite, puis qu'on l'enlève de l'hôpital, puis qu'on l'envoie à la clinique affiliée. Ce n'est pas le cas. Le volume continue à se faire dans l'hôpital, c'est la chirurgie excédentaire qu'on veut faire en plus des volumes actuels, qui va se faire... Alors, ce n'est pas... je ne partage pas vraiment votre définition d'«impartition». On pourrait dire oui, mais, disons, une définition très large de l'impartition.

Mme Desrosiers (Gyslaine): L'impartition, c'est de faire un contrat avec un contractant, c'est un groupe de médecins qui acceptent de nous fournir 1 000 cataractes par année, tant de ceci et tant de cela. Je veux dire, dans ma tête à moi, ça ne veut pas nécessairement dire que l'hôpital n'en fera plus. Mais c'est clair qu'il faut contracter un nombre de chirurgies x, et ça ne pourra pas être improvisé, je ne vois pas... je veux dire, il faut que ce soit comme planifié, il faut s'entendre, sur un an, deux ans, trois ans, qu'est-ce que la clinique va nous fournir au centre de santé convenu. Donc, dans notre tête, là, c'est parce qu'on essayait d'éviter la guerre idéologique pour ou contre le privé puis de ramener ça à une espèce de rationalisation, là. On parle d'impartition. C'est pour ça qu'on... Parce qu'il y a toujours un aspect pédagogique, là, dans ces consultations-là, sinon des fois il y a une dérive dans l'analyse.

M. Couillard: Je vous félicite d'éviter le dogmatisme idéologique. J'espère que ce sera le cas tout au long de la commission. Ce que je voulais dire par là, c'est qu'il n'y a pas de fermeture de salles d'opération, c'est-à-dire qu'il ne faut pas craindre qu'on va fermer deux salles d'opération dans un hôpital puis transférer ça. Alors, il ne faut pas laisser s'accréditer non plus ce... Non, mais ce n'était pas votre intention.

Mme Desrosiers (Gyslaine): On n'a pas pensé ça, on le sait déjà qu'ils vont avoir de quoi s'occuper à l'hôpital.

n (11 h 10) n

M. Couillard: Alors, on va parler maintenant et effectivement de la prévention d'un glissement d'effectifs. On en a parlé avec les médecins puis on a déjà des pistes en tête, notamment la question de l'encadrement par le CMDP pour la qualité de la pratique notamment, la certification d'activités continues en termes de volume dans le centre hospitalier par les médecins, en termes de présence au bloc opératoire, clinique externe, etc., garde, les obligations qui doivent continuer. Et la même question se pose effectivement pour les infirmières: Comment est-ce qu'on encadre ça ou qu'on prévient ce biais, ce qui est un biais possible? Effectivement, là, le milieu des infirmières de salle d'opération, c'est un club un peu sélect, il n'y en a pas autant qu'on voudrait. Puis c'est un milieu par ailleurs qui avait été fortement affecté par les mises à la retraite. Je me souviens très bien, là, c'est les infirmières les plus expérimentées, qui étaient en position de montrer ou de faire la transition aux plus jeunes, qui sont parties d'un seul coup, et ça a eu un effet assez dramatique.

Ce qu'on a observé dans les autres provinces qui ont... Parce que ce n'est pas nouveau. Qu'est-ce qu'on fait au Québec s'est fait ailleurs au Canada puis certainement ailleurs dans le monde. Souvent, des infirmières qui vont être employées dans ces cliniques-là sont des infirmières qui désirent revenir de la retraite mais pas dans un milieu hospitalier classique ou qui veulent continuer un poste, disons, à trois jours-semaine dans le milieu hospitalier puis qui ne veulent pas... elles n'ont pas le désir de le transformer en poste cinq jours-semaine, donc elles vont faire deux jours excédentaires dans la clinique. Moi, j'avais posé spécifiquement la question dans celles que j'étais allé visiter ailleurs au Canada, et on m'avait dit qu'en pratique ça s'était fait comme ça et qu'il n'y avait pas eu de perte de personnel de l'hôpital vers la clinique affiliée.

Par contre, il faut que ce soit encadré. Alors, comment est-ce qu'on encadre ça? On pourrait y aller avec les volumes d'activité, c'est une façon indirecte d'arriver au résultat, mais on pourrait également avoir un mécanisme un peu similaire de celui qu'on envisage pour les médecins comme encadrement de pratique, etc. Je ne sais pas qu'est-ce que vous...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Nous autres, on a essayé de vous... D'ailleurs, on profitait de l'occasion pour vous sensibiliser au fait que justement il y a une dérive possible, mais, si c'est bien encadré par certains mécanismes... Nous autres, on vous en suggère certains, là, prêts de services, garder et maintenir l'appartenance au CI. Enfin, on vous a suggéré certaines modalités, mais on voulait surtout vous sensibiliser au fait qu'on a quand même lu d'autres mémoires ou d'autres débats sur la question de la participation du privé et de l'introduction de la compétitivité du privé et on ne veut pas que le secteur du public soit toujours blâmé par soi-disant d'avoir des coûts unitaires de production plus élevés.

Mais, dans le domaine des salles d'opération, ils doivent assumer le coût de formation de la relève, ce qui n'est pas rien dans la mesure où on va avoir à assumer le remplacement d'au moins une infirmière sur deux dans les 10 prochaines années. Et ça va être trop facile pour le privé dans la mesure où il y aurait un développement de cette... disons que ce serait très probant, le fonctionnement de ces cliniques-là. Il n'est pas dit que l'ambulatoire à la limite ne pourrait pas de plus en plus, de façon assez globale, être assumé par le privé.

Et là, bien, je tenais à signaler le fait que le secteur hospitalier doit non seulement former, donc il y a un coût à la formation, et, en plus de ça, que peut-être qu'il faudrait commencer, avec votre ministère, à discuter de planification d'effectifs sur une base sectorielle. Je pense que... et ce n'est pas nécessairement un blâme que je veux faire, mais le ministère est encore trop sûr. On voit des gros tableaux: Nous aurons besoin de 3 000 infirmières par année. Puis là je n'arrête pas de dire: Mais encore, combien de bachelières, combien d'infirmières de salle d'opération, combien en soins critiques? Si on ne le fait pas sur une base sectorielle, sincèrement, M. le ministre, on va passer à côté, parce qu'il y a des moyens spécifiques pour les salles d'opération qui vont devoir être mis de l'avant, qui ne sont pas nécessairement les mêmes que pour les soins critiques, qui ne sont pas nécessairement... Voyez-vous, il faut, je pense, aller un petit peu plus loin.

M. Couillard: Cette question de comparaison des coûts unitaires, elle va revenir dans la commission parce que... Votre argument est bon, notamment sur la formation. Par contre, il y a une tendance du réseau public à exclure certaines parties de leurs coûts unitaires qui n'ont pas nécessairement à être exclues. On aura l'occasion d'en discuter également avec ceux qui font la promotion des cliniques affiliées, ils vont venir se présenter ici, ils vont nous expliquer, eux, comment ils voient cette comparaison. Leur argument est: Il faut que ce soit comparé de façon comparable, à armes égales ou sur un terrain de jeu qui est bien défini. Mais il faut le définir, ce terrain de jeu là, puis l'élément que vous apportez est important.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Un point aussi sur le coût unitaire qui nous inquiète, qui est sur un autre aspect, mais c'est la question de la propriété des cliniques. J'ai vu, dans les débats précédents, que vous posez toujours la question. Mais prenez, par exemple, une grosse compagnie américaine, elle serait prête à venir s'installer une clinique, ils vont vous proposer un coût unitaire en bas du coûtant puis juste pour partir l'affaire pendant trois, quatre ans, cinq ans, puis évidemment ce ne sera pas battable, et évidemment tout le monde va sauter à pieds joints là-dedans. Et, dans cinq ans d'ici, on pourrait se retrouver pris à la gorge parce qu'il pourrait y avoir quand même un certain transfert d'expertise ou une... et, dans cinq ans, là, le prix serait sensiblement plus élevé.

Donc, là-dessus, toute la question du débat sur le coût unitaire, vous savez comment on peut jouer sur les chiffres, donc on a des préoccupations. Ce n'est pas vrai que le secteur public est à ce point non performant. Et ce n'est sûrement pas seulement pour... ce n'est pas tellement pour baisser le coût unitaire. Oui, on sait que le plateau hospitalier est plus complexe, mais, oui, ils font des chirurgies plus complexes et ils doivent faire face à une polyvalence. Donc, à sa face même, quand on a seulement 3 000 cataractes à faire... bien, seulement... une seule sorte de chirurgie relativement simple, à grand volume, toujours la même chose, le prix unitaire baisse tout le temps, mais il y a aussi des coûts, dans le milieu hospitalier, qui sont des coûts de formation des médecins et de formation des infirmières et qui viennent toujours augmenter le coût unitaire. Et on ne peut pas blâmer le secteur hospitalier pour ça parce que ça fait partie de leur mission.

M. Couillard: Il n'est pas question de les blâmer, hein?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Non, mais...

M. Couillard: C'est une question de comparer correctement. Mais il faut également être ouvert. Puis je pense que vous l'êtes, là, vous dites que, sur le principe, vous êtes ouverte à ça.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Oui, oui, oui.

M. Couillard: Parce que sinon on va fossiliser notre système de santé, là, on va rester là pour...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Non. Par contre, on vous recommande des choses sur... On va être très intéressés par la question du contrôle de la qualité des services, parce que, veux veux pas, on a regardé la littérature, et le taux de mortalité, le taux d'incidents, dans certains milieux américains, est plus élevé. On a regardé le fait qu'il y avait deux grosses cliniques affiliées au Canada, une à Toronto, une à Winnipeg, puis finalement le secteur public les a rachetées. Pourquoi? C'est sûr que, si on est dans une logique de profits, tôt ou tard la logique de profits pourrait ? comment je vous dirais ça? ? amener des préjudices à la clientèle si la certification de ces cliniques-là, les règles à suivre... On pense que ça pourrait...

Un peu comme les ophtalmologistes ont dit tantôt, c'est vrai qu'il y a une lourdeur administrative en milieu hospitalier. Quand il disait qu'il a été huit ans à opérer puis il n'était pas capable d'avoir son deuxième appareil au cas où le premier ferait défaut, c'est très insécurisant pour un chirurgien. C'est sûr que, s'il est propriétaire d'une clinique, il va les avoir, ses deux appareils, puis il n'aura pas besoin d'aller demander à Dieu et son père la permission d'en acheter un autre. Il peut avoir une flexibilité possible. Mais en même temps vous allez devoir, comme ministère, établir des paramètres pour qu'il y ait un cadre normatif sur le plan de la qualité des services qui va devoir être rencontré, et ça inclut la question de la qualification du personnel qu'il va y avoir dans ces cliniques-là.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Desrosiers. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien, d'abord, pour dire que, mesdames, j'ai une sympathie particulière pour votre profession, en fait pour deux bonnes raisons, parce qu'une de mes filles, la plus vieille, elle va être diplômée au niveau collégial en soins infirmiers, cette année, à la fin du printemps, et qu'elle va poursuivre à l'université, tout en étant engagée dans un hôpital de la région même du député de Saint-Jean, qui est ici.

Mme Desrosiers (Gyslaine): En fait, elle a réussi le fameux cursus D.E.C.-bac, c'est ça?

M. Charbonneau: Oui, je pense que oui.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Notre D.E.C.-bac intégré.

M. Charbonneau: Puis là elle est partie samedi, là, pour l'Afrique, avec une douzaine de ses collègues...

Mme Desrosiers (Gyslaine): De stagiaires, elles sont allées...

M. Charbonneau: ...de stagiaires, pour un stage dans un hôpital, en Guinée. Et puis ma belle-soeur, elle, est...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Vous savez, il y a 68 000 infirmières au Québec, on en connaît tous une.

M. Charbonneau: Non, non, je le sais. Mais je vous dis ça parce que l'autre, elle est infirmière à l'urgence, à Le Gardeur, une infirmière d'expérience. Alors, j'entends parler, là...

Mme Desrosiers (Gyslaine): O.K.

M. Charbonneau: ...tu sais, des problèmes que vivent les infirmières puis les infirmiers, et notamment les problématiques de rétention. J'écoutais, la semaine dernière, une nouvelle à l'effet qu'il y avait une baisse des inscriptions dans les cégeps de Montréal ? puis je ne sais pas si c'est vrai partout au Québec ? dans les soins infirmiers. Et par rapport au problème dont vous parliez tantôt, du vieillissement de la profession, tout ça, c'est un signal d'alarme peut-être qui... Je ne sais pas si vous avez des données sur ça. Est-ce qu'il faut s'inquiéter?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, nous, on monitore la situation des inscriptions. Là, on va voir qu'est-ce qu'il en est de façon particulière. C'est que l'ensemble des cégeps au Québec, toutes catégories confondues, vivent une baisse de clientèle, donc ça va rattraper les soins infirmiers comme les autres.

Puis, nous autres, on avait un peu échappé à ce phénomène-là, ces dernières années, parce qu'on avait mis de l'avant l'externat en soins infirmiers, qui permettait aux étudiants de deuxième année d'avoir des emplois d'été très bien rémunérés, une forme d'alternance études-travail. Là, on va se pencher: Est-ce que vraiment c'est le début de la baisse démographique ou est-ce que c'est strictement sectoriel? Il demeure que c'est un programme aussi exigeant parce que c'est un cursus maintenant qui est à la fois collégial mais en fait qui inclut un... qui est intégré à un cursus universitaire. Ce n'est pas seulement le taux d'inscription qu'il faut regarder parce qu'il y a eu des années qu'il y avait beaucoup d'inscriptions, mais il y avait un gros taux d'abandon. Donc, il pourrait y avoir moins d'inscriptions mais un taux de rétention, dans le programme, plus grand. Nous autres, on monitore tous les paramètres. Donc ça, c'est vraiment monitoré de façon...

Je ne peux pas vous dire, là, est-ce que cette année, là... Parce que, les deux dernières années, nous autres, on a gradué des records historiques, on a donné plus de 3 000 permis d'infirmière. On avait anticipé, selon les courbes d'âge, un début de déclin à partir de 2007-2008. Mais on va le monitorer, on va regarder ce qu'il en est, là, on va tous... Toutes les professions au Québec vont être confrontées au déclin démographique, et il va y avoir une compétition entre les professions. Est-ce qu'on va devoir prendre des mesures particulières pour notre secteur? On y travaille déjà, mais je...

n (11 h 20) n

M. Charbonneau: Pour rendre ce secteur-là ou cette profession-là plus attractive....

Mme Desrosiers (Gyslaine): Mais elle l'est, là. Nous autres, on a eu des inscriptions, là, des sommets d'inscriptions ces dernières années. Ce n'est pas nécessairement un problème d'attraction, il y a un problème de bassin démographique. Après ça, il y a des mesures particulières dans chacun des programmes. Nous autres, on a eu 30 % plus d'inscriptions l'année qu'on a introduit le cursus D.E.C.-bac intégré parce que les jeunes étaient contents d'être dans un cursus cinq ans ? trois ans de cégep complétés, deux ans d'université ? qui donnait accès au bac. Donc, il y a des nouveaux rôles infirmiers, il y a des... Je ne sais pas, moi, juste l'introduction des praticiennes en spécialité, ça introduit un plan de carrière au niveau du deuxième cycle avec des salaires au-dessus de 80 000 $ par année. Donc, il y a de la...

M. Charbonneau: ...mieux payé qu'un député, en passant, c'est bien.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bon. Qu'est-ce que vous voulez?

Des voix: ...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Digression, là, je parle... Non, mais tout ça pour vous dire que la pénurie dans les différentes professions, c'est un enjeu. Il demeure que là-dessus, nous autres, ce qu'on cherche à introduire et ce dont je sensibilisais le ministre tantôt, c'est qu'on ne peut pas juste regarder les chiffres, il faut un plan d'attaque à la fois global pour une profession mais aussi sectoriel. Parce que, créer de l'attraction pour les salles d'opération, créer de l'attraction pour les soins critiques, créer de l'attraction pour certains types de... les praticiennes de première ligne, il ne faut pas être là à dire: Bien, on espère que quelqu'un va se pointer. Non, ça prend... il faut être beaucoup plus proactif là-dessus.

M. Charbonneau: Un des problèmes dont on m'a parlé aussi, c'est le problème de l'incapacité actuellement de reconnaître les acquis, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup d'infirmières qui n'ont pas de diplôme universitaire mais qui ont une ancienneté puis une expertise et qui dans le fond, parce qu'elles ne sont pas diplômées, n'ont pas accès à certains niveaux, puis à certains postes, puis à... Et on n'arrive pas à reconnaître facilement leur expérience pour leur éviter de, tu sais... Parce que supposons qu'on exige, pour certaines fonctions, certains postes, le diplôme universitaire, puis, si elles ne l'ont pas, bien... Mais peut-être que finalement, quand ça fait 15 ans que tu travailles dans...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Oui, mais, M. le député, là-dessus, qu'est-ce que vous voulez, quand un médecin finit son cours comme jeune interne, souvent l'infirmière, elle peut lui en montrer grandement, mais elle ne deviendra jamais médecin même si elle a 25 ans d'expérience. C'est pareil pour les infirmières. Il y en a qui font un cours collégial, il y en a qui font un bacalauréat, il y en a qui font une maîtrise. On vient de s'entendre avec le Collège des médecins que ça prend une maîtrise pour être praticienne parce que c'est des infirmières qui vont prescrire des médicaments, qui vont décider des traitements, qui vont décider en toute autonomie, sans ordonnance, de commencer un traitement. Bien, l'expérience ne peut pas complètement compenser, ne peut pas compenser un certain niveau de savoir qui est requis.

Donc, la manière que le système de santé fonctionne, c'est que ça fonctionne par hiérarchisation des niveaux de compétence. Alors, il y a des techniciennes en travail social puis il y a des travailleurs sociaux. Il y a des techniciennes en nutrition puis il y a des nutritionnistes. Puis il y a des infirmières de formées au cégep, des bachelières et des maîtrises, et il y a une... Et c'est le centre... Par exemple, quand ils cherchent une infirmière pivot en oncologie, bien possiblement que l'hôpital peut décider qu'ils vont l'offrir aux infirmières d'expérience comme ils vont pouvoir décider qu'ils veulent l'offrir à des infirmières qui ont une formation universitaire, compte tenu de la nature de la fonction.

Donc, là-dessus, nous, on vit avec le cadre de gestion des ressources humaines qui a été mis de l'avant par le ministère ici et qui est historique. Et je pense qu'il y a de la place pour de la reconnaissance d'acquis, mais l'exemple que je viens de vous dire, c'est que l'expérience, à un moment donné, ne peut pas complètement compenser les compétences recherchées, là.

M. Charbonneau: On s'entend, là. Mais disons que ça faciliterait les choses, j'ai l'impression, si on avait un mécanisme de reconnaissance des acquis qui fait que tout est... Il ne s'agit pas de dire que quelqu'un qui a fait 15 ans automatiquement a une reconnaissance universitaire, mais peut-être qu'au lieu de passer trois ans ou deux ans à l'université... Parce que les gens, ils ont des familles, tu sais, ce n'est pas si simple que ça après ça de...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Je dirais que c'est l'inverse dans le moment, M. Charbonneau, le problème.

M. Charbonneau: Ah oui?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Parce qu'actuellement l'Ontario exige que des infirmières... Il faut avoir fait un baccalauréat pour être infirmière en Ontario, et la plupart des provinces, toutes les Provinces maritimes, c'est comme ça. Nous, le Québec, on exige le cégep, et on s'est entendu avec le ministère de la Santé que ça prendrait... la moitié des diplômées devraient être bachelières, et on en a à peine le tiers. Donc, ça veut dire que, compte tenu des nouvelles fonctions complexes qui s'ouvrent, le Québec est plutôt en retard sur toute l'Amérique du Nord dans la qualification d'infirmières de niveau universitaire. Et, vous, vous me dites: Le problème, c'est qu'on ne reconnaît pas assez l'expérience de celles... Donc, il y a une tendance...

M. Charbonneau: Non, non, ce n'est pas ça que je dis. Ce que je dis, là, je veux qu'on se comprenne bien, c'est que, pour qualifier des bachelières, par exemple, est-ce qu'on ne pourrait pas faire en sorte que l'expertise ou l'expérience soit reconnue...

Mme Desrosiers (Gyslaine): ...du problème des universités qui ne sont pas assez ouvertes à la reconnaissance d'acquis.

M. Charbonneau: Bien oui, c'est ça que...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien oui, ça, c'est la reconnaissance d'acquis pour obtenir un diplôme.

M. Charbonneau: Non, non, je ne dis pas qu'il ne faut pas exiger le diplôme universitaire, je dis que, pour que des infirmières qui sont dans l'action depuis des années, qui ont acquis une expérience, obtiennent un diplôme, peut-être qu'elles auraient plus...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Il y a sûrement de la place sur la reconnaissance d'acquis. Il y a sûrement de la place. Mais ça, toutes les professions, on est confronté à ça, les règles universitaires en matière de reconnaissance d'acquis. On a quand même réussi à aller chercher un 30 crédits de reconnaissance d'acquis avec le D.E.C.-bac intégré, qui n'existait pas avant. On a rehaussé les prérequis pour entrer dans le programme collégial, mais maintenant quelqu'un qui fait un programme collégial de techniques infirmières a l'équivalent d'à peu près 30 crédits universitaires reconnus, donc ils font trois ans plus deux, tandis qu'avant il fallait qu'ils fassent trois ans de cégep puis trois ans d'université. Donc, il n'y avait aucune reconnaissance d'acquis. Il y a eu un certain progrès, mais c'est sûr que c'est à poursuivre.

M. Charbonneau: À poursuivre, oui. Je suis content de savoir que vous considérez que c'est à poursuivre. Vous parliez justement des négociations avec le Collège des médecins. Où est-ce que c'en est rendu, ça?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, on devrait aboutir à une entente sur un projet de règlement ou en tout cas au niveau au moins des principes sur le projet de règlement pour ce printemps. À vrai dire, on avait visé pour la Saint-Jean-Baptiste. Donc, le calendrier suit son cours. Mais c'est comme...

M. Charbonneau: Comme dit l'expression, si la tendance se maintient, allez-vous y arriver?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Ça devrait. Il y a quelques problèmes techniques, là, parce que la manière que la loi avait été... Quand ils ont fait la révision de la Loi sur les infirmières, c'est qu'on avait fait une entente sur la praticienne en spécialité. Donc, on visait, comme dans le moment, cardiologie, néphrologie, néonatalogie, et ça n'avait pas nécessairement, ce cadre réglementaire là n'avait pas nécessairement été prévu pour la première ligne. Et là on a comme certaines difficultés au niveau de certains aspects de la Loi médicale pour appliquer ça en première ligne, parce que qui dit première ligne dit être en amont des médecins. En tout cas, il y a des problèmes techniques d'application. J'espère qu'on va y arriver, là. Je suis toujours optimiste, mais je ne peux pas garantir le calendrier de façon précise.

M. Charbonneau: Vous parliez tantôt qu'il faudrait augmenter le nombre d'infirmières de... Là, il y a un vocabulaire. Il y a les premières assistantes et les cliniciennes, les praticiennes, les pivots, là. C'est un peu compliqué dans le jargon, là. Mais, dans les GMF, vous trouvez qu'on devrait peut-être augmenter le ratio infirmières-médecin. Est-ce qu'on est capable de faire ça au Québec avec les effectifs qu'on a actuellement?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Oui, oui, absolument. J'aimerais ça peut-être que la vice-présidente qui est très... en tout cas, qui est concernée par le développement des GMF... Ce n'est pas une question d'effectifs, c'est vraiment une question d'objectifs à se donner.

M. Charbonneau: O.K. C'est intéressant de savoir ça.

Mme Racette (Lise): C'est sûr que j'ai travaillé au niveau du groupe de soutien à l'implantation des GMF et, dans ce sens-là, c'est sûr qu'initialement on avait demandé beaucoup plus que deux infirmières par groupe de GMF. C'était une demande conjointe, autant des médecins que des infirmières parce que, pour augmenter l'accessibilité à la population, il y a beaucoup de suivi à faire auprès des clientèles, des suivis pour lesquels le médecin n'a plus besoin de voir immédiatement la personne, et le médecin la voit beaucoup moins fréquemment mais assure un bon suivi médical aussi.

Donc, plus la clientèle vieillit, a des problèmes multiples, plus on a besoin de suivi. Si on parle de maladies respiratoires ou de d'autres types de maladies comme du diabète, ça vient souvent avec le vieillissement de la population. Donc, à ce moment-là, le travail de l'infirmière pour assurer la continuité puis la prise en charge de la clientèle a un rôle majeur. Donc, à ce moment-là, si on a plus d'infirmières, le médecin peut se consacrer davantage à son rôle de médecin qui assure un diagnostic et le suivi de cas complexes et l'infirmière peut assurer un suivi programmé, planifié avec le médecin régulièrement, sans que le médecin voie toujours le client. Donc, on a besoin de plus d'infirmières dans les GMF pour toute la population.

M. Charbonneau: Mais qu'est-ce qui bloque? Parce que, là...

n (11 h 30) n

Mme Desrosiers (Gyslaine): C'est parce que c'est la façon que ça a été... Le contrat de GMF, c'est deux infirmières par GMF. Alors, s'il y a 10 médecins... Actuellement, on est informé, Carole me disait que, dans certains GMF, il y a une infirmière pour sept médecins. Donc, s'il y a 14 médecins... Donc, c'est plutôt le projet même du GMF qui avait plafonné le prêt de services, Parce que c'est un prêt de services d'infirmière de CLSC, ça, qui est prêtée. Donc, les médecins nous disent que la formule est probante et que, si on veut vraiment que ça marche mieux... Parce que, sans ça, on va brûler les infirmières, les quelques-unes qu'on a mises dans un GMF, elles n'arriveront pas, là, on risque de brûler la formule.

M. Charbonneau: Ça veut dire pratiquement qu'il faudrait permettre aux établissements d'avoir les budgets pour permettre, dans leur contrat de prêt de services avec les GMF, de pouvoir dégager... ou engager plus...

Mme Desrosiers (Gyslaine): ...contrat de GMF qui devrait prévoir plus d'infirmières par GMF, c'est tout.

M. Charbonneau: C'est ça. Mais le contrat, c'est que les médecins dans le fond... Le contrat entre l'établissement puis le GMF fait en sorte qu'il y a un prêt de services, là.

Mme Desrosiers (Gyslaine): C'est le ministère qui a établi le contrat de base, donc ce serait...

M. Charbonneau: Oui, c'est ça. Mais, si on révise le contrat de base, par exemple, dans le sens où vous le souhaitez puis qui serait souhaitable, ça voudrait dire qu'il faudrait qu'il y ait des budgets additionnels dans les établissements?

Mme Desrosiers (Gyslaine): ...nécessairement. Écoutez, là, c'est des vases communicants, ça. C'est des infirmières souvent qui étaient en soins de santé courants de CLSC, et puis des fois même c'est le CLSC lui-même qui est devenu un GMF, donc. Sauf que c'est comme un point de services particulier qui est autonome de... qui est indépendant de l'établissement, le GMF.

Ce qu'on s'aperçoit, c'est qu'au début les médecins ne savaient pas trop qu'est-ce qu'ils feraient avec ces infirmières-là. Là, on a eu un comité de travail qui a duré un an avec la Fédération des médecins omnipraticiens, on a envoyé à tous le comment ça pourrait maximiser la contribution des infirmières avec les médecins, et là ce qu'on voit, c'est qu'on risque d'avoir un essoufflement de la formule dans la mesure où il y a... le quantum, excusez-moi, c'est que le ratio infirmières-médecins a été sous-estimé.

M. Charbonneau: Bien. Bien, c'est ça. Autrement dit, l'expérience maintenant...

Mme Desrosiers (Gyslaine): ...positive qu'il va falloir réviser ce cadre-là.

M. Charbonneau: Je prends note ? sur d'autres sujets, parce que le temps file ? que vous recommandez que finalement, à l'égard des assurances privées, là... Vous n'avez pas dit si vous étiez pour ou contre, là, mais ce que j'ai compris, c'est que...

Mme Desrosiers (Gyslaine): ...nous autres, là, écoutez, on a pris acte du jugement. On pense que c'est sûr qu'il aurait pu y avoir la clause dérogatoire, là, le nonobstant. Il y aurait eu peut-être... Est-ce que le ministre était vraiment obligé de faire une ouverture là-dessus, là? Nous autres, on a regardé les débats juridiques; il y en a qui disent oui, il y en a qui disent non. Bon. On a pris acte de la façon dont le ministre répond, puis on pense que c'est raisonnable, la proposition du ministre de faire une ouverture. Parce qu'il y a quand même eu un jugement de la Cour suprême qui considère que ça peut être un droit individuel de pouvoir s'assurer privément pour un risque qui serait mal desservi par l'assurance publique. Donc, on pense que la proposition du ministre est raisonnable.

La seule chose, c'est que, là, il dit: Ça va être bon pour trois types de problèmes. On dit que, s'il veut ouvrir la liste dans le futur, on ne veut pas que ce soit à partir d'une habilitation dans la loi qui puisse se faire par règlement. On dit: Vous irez, cas par cas, amender la loi, parce que ça va permettre un... C'est trop sensible. Donc, on veut amendement de la loi. Je sais ce que ça veut dire, pour un législateur, mais c'est justement ça qu'on veut. On veut que ce soit...

M. Charbonneau: Vous voulez revenir ici puis qu'à chaque fois...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Oui. Pas nécessairement... Oui, possiblement.

M. Charbonneau: Bien, c'est ça que ça veut dire. C'est-à-dire qu'on fait un débat public...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Oui, oui, oui. On veut par amendement législatif, pas par pouvoir réglementaire.

M. Charbonneau: Très bien. Mais je vous signale que les interprétations, c'est que ce n'était pas un droit. Parce que, si c'était la question de droit, là, je vais vous dire, il faudrait, à ce moment-là, qu'on ouvre aux assurances privées sur tous les actes médicaux. Puis c'est ça que l'Association médicale, hier, réclamait, c'est-à-dire pas uniquement sur trois chirurgies, mais sur tous les actes médicaux et hospitaliers qui sont actuellement assurés par le régime public. Bon, le gouvernement dit: Non, on va le faire d'une façon restrictive. Mais dans le fond il n'était pas obligé de le faire. Mais il y a un choix, qu'on peut contester. Mais, moi, je suis d'accord avec vous. Parce que c'est ça aussi qu'on dit, c'est qu'il faut que ça se fasse par débat public, là.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Oui. Puis on pense que c'est raisonnable. Parce que, là, on ne veut pas commencer: Est-ce qu'un autre citoyen va retourner en Cour suprême faire la preuve que, etc.? Donc, il y a une proposition raisonnable. Dans les faits... je n'ose pas dire le mot «cosmétique», là, mais on pense que, pour ces trois procédures là, ce ne sera pas... Écoutez, est-ce que quelqu'un, à partir de l'âge de 40 ans, va se payer une assurance de 150 $ par année au cas qu'il aurait une cataracte à 65 ans? Il est mieux de payer cash 1 500 $, là, parce que... Je ne pense pas qu'il y aura...

M. Charbonneau: ...assurances.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Mais je comprends qu'on peut faire le débat de principe. Sur le débat de principe, on voit qu'il y a beaucoup d'inquiétude: Est-ce que c'est le cheval de Troie qui s'introduit, l'infiltration? Il faut regarder le taux, qui va être capable de se payer vraiment une assurance privée.

Le vrai débat, ce n'est pas en introduisant l'assurance privée, ce n'est pas ça, le vrai débat, c'est comment on va préserver notre système public. Parce que, quand bien même qu'il y aurait 1 % de la population qui se payerait un hôpital sur le coin de leur rue puis qui se ferait faire toutes les procédures possibles et imaginables, si tout le restant du système public dégringole, on va avoir quoi, comme société?

C'est pour ça que j'ai beaucoup insisté sur le fait qu'il faut aussi regarder la question du régime perte d'autonomie, qui n'est pas du médicalement. Parce qu'on parle juste du médicalement requis, mais dans le moment, les citoyens, là, quand on a un enfant qui a des troubles d'apprentissage, ils paient des 5 000 $, 6 000 $ par année, des problèmes nutritionnels, des problèmes de psychologues, il y a tellement de choses pas assurées qui font que les riches sont capables de s'en payer puis les autres ne sont pas capables de s'en payer, donc il y a beaucoup d'iniquités. Puis on consolide toujours, toujours le médicalement requis. Oui, mais, si, à un moment donné, il y a des citoyens qui veulent se construire un hôpital au complet, bien, on les laissera faire, ça va être complètement à leur compte. Mais, en attendant, le vrai enjeu, c'est comment préserver la solidarité sociale, collective, face à la santé.

M. Charbonneau: Et donc, votre réponse...

Mme Desrosiers (Gyslaine): C'est pour ça que la proposition du ministre nous apparaît raisonnable et politiquement recevable, là. C'est ça qu'on a dit.

M. Charbonneau: Oui. Le terme que vous avez utilisé s'ajoute à d'autres termes gentils qui ont été utilisés: «cosmétique», «symbolique», tout ça. Mais en tout cas, peu importe, là, on se comprend.

Ce que vous venez de dire sur le régime collectif pour perte d'autonomie, c'est que dans le fond vous, vous dites: Entre cette option-là puis l'option d'une caisse santé, c'est-à-dire d'un fonds qui serait dédié pour l'ensemble des soins, vous, vous dites: Non, on trouve que... Compte tenu de ce que vous avez indiqué tantôt puis maintenant, on devrait accepter au Québec d'avoir un fonds dédié pour cette situation-là.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Pas un fonds, un régime d'assurance.

M. Charbonneau: Ou un régime.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Un régime d'assurance, ça donne un droit citoyen. Alors, il y a le droit citoyen à voir un docteur, l'assurance maladie, il y a le droit citoyen d'être hospitalisé, il y a le droit citoyen d'avoir le droit à des médicaments, mais là il n'y a aucun droit citoyen face à la perte d'autonomie. Puis, quand on n'a pas besoin d'une greffe cardiaque puis que malheureusement on vit jusqu'à 95 ans mais, entre 85 puis 95, on est Alzheimer, à quelque part peut-être que, si on créait un régime d'assurance perte d'autonomie...

C'est sûr, qu'il va y avoir cotisation, c'est sûr que ça veut dire... En arrière du régime, il y a un fonds, là, capitalisé, tandis qu'une caisse santé, c'est strictement dégager du fonds général ? comment on appelle ça? ? le fonds consolidé de l'État, une caisse pour laquelle il y a aurait une cotisation. Mais on ne change pas la dynamique, l'État, le ministère resterait entièrement maître du jeu d'à qui donne l'argent, alors. Et les CHSLD et les personnes en perte d'autonomie, ce n'est pas du médicalement requis, c'est de la protection de la dignité humaine, et ça, c'est toujours oublié. Donc, dans une société qui se respecte, il faut remettre ça sur le dessus du panier, et ça presse.

M. Charbonneau: Je crois que vous avez fait un plaidoyer intéressant, là. Je pense qu'on est loin d'avoir terminé le débat. Et, comme vous, on aurait aimé, après six ans, que le rapport de la commission Clair... que, dans le livre blanc, on ait au moins une indication du gouvernement. Là, dans le fond, c'est comme si on partait le débat, là, il y a six ans.

Mme Desrosiers (Gyslaine): ...du monde qui disent: Pas de caisse santé, mettez plus d'argent dans la santé, ou: Pas de ceci... C'est que, là, les positions en politique sont un peu figées. J'espère qu'à l'issu de cette commission-là le gouvernement va avoir vu assez de groupes pour lui donner comme le courage de mettre de l'avant une proposition. C'est ça que j'ai compris. Donc, nous autres, on se met du côté de ceux qui disent: Ayez le courage de.

M. Charbonneau: Bien, écoutez, je pense que c'est sur cet encouragement ou cette incitation au courage qu'on va terminer, je pense...

Le Président (M. Copeman): Exact. Vous avez raison. Mme Desrosiers, Mme Racette, Mme Mercier, Mme Perazzelli, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

Et j'invite immédiatement les représentants du Conseil québécois sur le poids et la santé à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): La commission poursuit ses travaux. Et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants du Conseil québécois pour le poids et la santé. M. Côté, M. le président, bonjour.

Conseil québécois sur le
poids et la santé (CQPS)

M. Côté (Raymond): Bonjour.

n (11 h 40) n

Le Président (M. Copeman): Comme je le fais pour chacun des intervenants, je vous indique que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation; je vais vous aviser quand il reste 3 minutes. Et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter la personne qui vous accompagne et par la suite d'enchaîner avec votre présentation.

M. Côté (Raymond): Certainement. Alors, je vous présente tout d'abord Mme Martine Haviernick, qui est directrice générale du Conseil québécois sur le poids et la santé.

Alors, je veux d'abord vous remercier de nous recevoir. Nous sommes conscients, et vous aussi probablement, que nous sommes un tout jeune organisme, pas tellement connu encore. Et c'est une de nos premières interventions publiques. Alors, pour nous, c'est un test fort intéressant. Et je veux juste vous situer un petit peu, bon, parce qu'il y a des gens parmi vous que j'ai déjà rencontrés, que je connais sous d'autres prétextes.

Alors, le Conseil québécois sur le poids et la santé a été créé par trois organismes: l'OPDQ évidemment, que vous connaissez, le Groupe Équilibre, dont les préoccupations majeures portent sur les problématiques du poids, et évidemment Sports-Québec, ce qui explique la raison pour laquelle, là, je suis présent avec vous ce matin.

Pourquoi nous l'avons fait ensemble? C'est que nous nous appuyons sur un concept ? et vous allez le voir à travers la présentation du mémoire ? le concept des environnements facilitants ou, traduit autrement, comment on peut rendre les choix santé plus nombreux, plus attrayants et surtout plus faciles. Alors, évidemment, on s'appuie sur une constatation, et c'est un peu la situation de crise par rapport à l'obésité qui nous y amène: c'est une responsabilité qu'il faut assumer collectivement, on ne peut plus laisser le soin strictement aux individus de faire leurs choix, il faut faire en sorte que ces choix-là soient accessibles, soient facilement accessibles.

Alors, évidemment, on s'appuie sur les résultats de deux groupes de travail que vous connaissez, alors le Groupe de travail sur les problématiques du poids, appelé, là, GTPPP, et l'autre évidemment, que vous connaissez et auquel j'ai eu l'occasion de participer, qui est ce qu'on appelle le rapport Perreault. Alors, ce sont des éléments sur lesquels nous nous appuyons, et c'est la raison pour laquelle les trois groupes se sont mis ensemble pour créer ce qu'on appelle maintenant le Conseil québécois sur le poids et la santé.

Alors, si vous le permettez, je vais laisser le soin à Mme Haviernick de vous faire la présentation, là, dans son essence, du mémoire, et après ça on sera disponibles pour vos questions. Merci.

Mme Haviernick (Martine): Merci à vous. Alors, le Conseil québécois sur le poids et la santé va présenter un mémoire sur le premier chapitre du document Garantir l'accès, puisqu'il traite de prévention et que c'est essentiellement notre mission, au CQPS, de faire la promotion des environnements facilitants pour la prévention des problèmes reliés au poids. Alors, notre mémoire s'intitule La prévention des problèmes reliés au poids: une solution de choix pour diminuer la demande de soins médicaux et garantir l'accès aux soins de santé.

Tout d'abord, les constats en ce qui a trait aux problèmes de poids. Malgré les investissements massifs dans le secteur de la santé, dans la recherche médicale, dans le développement technologique et dans le développement de nouveaux médicaments, les experts en santé publique craignent maintenant que l'espérance de vie diminue à cause des problèmes reliés au poids.

Alors, ces problèmes ne sont pas nouveaux, mais les dernières statistiques sont alarmantes: 57 % de la population québécoise âgée de 18 ans et plus présente un excès de poids, c'est 35 % d'embonpoint et 22 % d'obésité. La situation est d'autant plus inquiétante chez nos enfants, les enfants de 2 à 17 ans, qui sont près du quart à afficher un excès de poids, c'est-à-dire 15 % d'embonpoint et 7 % d'obésité.

Pourtant, ça fait des années que les chercheurs s'intéressent aux problèmes de poids. Il y a eu des dizaines et des dizaines de régimes miracles qui ont été mis sur le marché. Il y a chaque jour des reportages alarmants sur les conséquences des problèmes de poids. Il y a eu des campagnes de sensibilisation des individus qui ont été organisées, mais semble-t-il les choses ne s'améliorent pas, elles empirent même.

Alors, la majorité des informations qui circulent sur le sujet continuent de pointer les individus comme uniques responsables. Alors, les travaux menés depuis cinq ans par le Groupe de travail provincial sur la problématique du poids et l'Association pour la santé publique du Québec mettent en lumière comment les outils actuellement disponibles pour lutter contre l'obésité et les autres problèmes sont inadéquats parce qu'ils misent principalement sur les changements de comportement individuels.

L'Organisation mondiale de la santé mentionne toutefois que l'accroissement aussi rapide de l'obésité est difficilement explicable seulement par des facteurs individuels. Il faut plutôt imputer cette condition à la transformation du mode de vie des individus. Bien que les individus demeurent en dernier lieu responsables de leurs choix, il faut chercher maintenant la solution dans la transformation du mode de vie des individus, qui est largement influencé par les environnements physique, social, culturel, économique, commercial et politique. Donc, la clé du problème, c'est de modifier les environnements.

On sait que l'omniprésence de la publicité de produits alimentaires, la réduction du temps disponible pour la préparation des repas, la sédentarisation, le changement dans les activités de loisirs, surtout chez les jeunes, l'aménagement urbain et architectural qui ne favorise pas la dépense énergétique ou le développement de stratégies marketing ciblées font en sorte que l'ensemble de la société prend du poids. Il apparaît alors évident et urgent de proposer une autre approche qui pourrait changer significativement le mode de vie des gens, et cette approche, on l'appelle «les environnements facilitants». Et ça revient à dire, comme on disait tout à l'heure, qu'il faut élaborer des stratégies maintenant collectives pour rendre les choix santé faciles et les choix moins santé difficiles.

Les initiatives des dernières années, parce qu'elles visaient uniquement des changements de comportements individuels sans changer les environnements dans lesquels les gens évoluent, ont été décevantes. La preuve, les taux d'obésité sont plus que jamais à la hausse. Donc, sans la création d'environnements facilitants, il sera difficile, voire même impossible de gagner la bataille contre les problèmes liés au poids. Ce changement de paradigme est important car il amène à développer des solutions collectives à ce problème collectif. À l'instar de la lutte au tabagisme, la création d'environnements facilitants est le nouveau concept prometteur pour la réduction des problèmes reliés au poids et constitue en soi une nouvelle grille d'analyse pour la définition d'actions efficaces.

À titre d'exemple, il y a plusieurs interventions de nature collective qu'on peut mettre sur pied pour rendre nos environnements moins obésogènes. Dans le mémoire, on en a dressé une liste qui n'est pas du tout exhaustive mais qui donne quand même un portrait de ce qu'il est possible de faire, donc: adapter le design des villes de sorte que les déplacements à pied soient plus faciles et sécuritaires et accroître les voies piétonnières et cyclistes afin de favoriser les modes de vie alternatifs à la voiture et donc plus actifs; implanter des politiques alimentaires dans les écoles et les milieux de garde; sensibiliser les décideurs de l'industrie agroalimentaire à réduire les formats de leurs produits; réviser la réglementation sur la publicité faite aux enfants, notamment celle des produits alimentaires qui est très importante; mettre en oeuvre une politique nationale de nutrition; imposer une taxe sur les produits alimentaires à haute densité énergétique et à faible valeur nutritive; s'assurer d'une meilleure concertation entre les municipalités et les commissions scolaires en ce qui a trait aux plans d'urbanisme, par exemple, pour limiter la présence des établissements de restauration rapide près des écoles; inciter les municipalités à développer des ententes avec les écoles pour que les installations sportives soient disponibles en dehors des heures de classe; offrir des crédits d'impôt aux entreprises qui aménagent du temps et des ressources pour que leurs employés participent à une activité sportive. Et on pourrait continuer longuement.

Maintenant, l'obésité, fardeau économique. C'est l'Organisation mondiale de la santé qui estimait, en 2001, que les maladies chroniques contribuaient dans une proportion de 60 % aux décès rapportés dans le monde et dans une proportion de 46 % à la maladie. Donc, les problèmes de surpoids et d'obésité, surtout lorsque l'accumulation des graisses est localisée dans la région abdominale, sont reconnus comme une des principales causes du développement des maladies chroniques telles que le diabète du type 2 et les maladies cardiovasculaires et même certains types de cancers.

À titre d'exemple, au Canada, en 1999, les chiffres qui nous étaient donnés estimaient que 50 % des cas de diabète de type 2, 30 % des cas d'hypertension, 25 % des cancers de l'endomètre et 25 % des embolies pulmonaires étaient attribuables à l'obésité. L'OMS affirme aussi que l'obésité est en train de déclasser les maladies infectieuses en tant que menace à la santé. Donc, l'obésité représente un danger bien réel. Et c'est l'Angleterre qui a estimé tout récemment que les conséquences de l'obésité pourraient réduire de neuf ans l'espérance de vie des individus.

Au Canada, selon les données de 1997, les coûts directs de santé associés à l'obésité sont estimés à 2,4 % des dépenses de soins de santé, soit 1,8 milliard de dollars, et ça n'inclut pas les coûts indirects mais tout à fait réels, associés à l'obésité, qui sont, par exemple, le fardeau psychosocial lié à la discrimination, à l'isolement, au chômage et au rejet social.

Il y a deux grands pays, les États-Unis et la Grande-Bretagne, qui ont même déjà reconnu que, si on ne s'attaque pas à la lutte à l'obésité, si des efforts pour prévenir le problème ne sont pas consentis dès maintenant, les gouvernements courent à la faillite à cause des coûts astronomiques qu'atteindront les conséquences des maladies chroniques. Parce qu'elles ne font pas mourir à court terme, les maladies chroniques coûtent cher en médicaments, en suivis médicaux, en traitements récurrents. À l'heure actuelle, les coûts de santé au Québec grugent quelque 42 %, 43 % du budget de l'État. Quand les adultes et les enfants aujourd'hui en surpoids développeront les complications associées à l'obésité, ces coûts seront catastrophiques.

n (11 h 50) n

Les coûts associés à l'obésité et ses complications représentent généralement entre 2 % et 6 % du budget de la santé des pays industrialisés, c'est ce qui a été évalué dans les études internationales. Mais les coûts engendrés par cette épidémie vont bien au-delà des coûts imputés au système de santé seul. À titre d'exemple, c'est l'Angleterre encore une fois qui a estimé, en 1998, que l'impact de l'obésité sur l'économie du pays se chiffrait à 2 milliards d'euros par année. Et ça se traduisait ainsi: 18 millions de jours d'absentéisme, 30 000 décès annuels et 40 000 années de vie professionnelle perdues.

Alors, parce qu'on sait qu'intervenir une fois l'obésité installée donne peu de résultats, il semble que la formule gagnante pour réduire à long terme l'incidence des maladies chroniques et conséquemment la pression sur le système de santé est de prévenir l'obésité.

L'approche collective est profitable parce qu'elle permet d'obtenir des changements à l'échelle populationnelle. Bien sûr, un individu qui change ses habitudes, c'est certainement profitable pour lui, mais ce même changement multiplié par des dizaines ou des centaines de milliers de personnes produit un grand effet social. Et, si les changements sont appliqués à l'échelle de la population entière, le changement des habitudes deviendra même rentable.

Un petit mot rapidement sur la nécessité du chantier social qui doit être mis en place pour qu'on puisse prévenir de façon efficace les problèmes reliés au poids. C'est la lutte au tabagisme qui nous a démontré que la convergence des efforts entre les organisations issues de la société civile et les professionnels et les représentants du système de santé peut donner des résultats spectaculaires. Le mouvement social qui résulte d'une telle convergence devient la clé afin que soient créées les conditions nécessaires à l'amélioration de la santé collective. Dans le cas du poids, les conditions de création d'un mouvement social sont réunies... presque toutes, en fait. On a une crise, on a des preuves scientifiques et on a des victimes. On est maintenant rendus à l'étape de la volonté politique et des ressources financières pour gérer cette crise-là.

Donc, le Conseil québécois sur le poids et la santé en appelle à un grand chantier social qui veut faire de la prévention un meilleur moyen de réduire la demande des services de santé. Le but ultime du chantier, c'est de stabiliser le poids de la population. Parce qu'il est très important de comprendre une chose: le problème, ce n'est pas le lot d'un groupe de personnes isolées, mais ça réside plutôt dans le fait que peu de personnes arrivent à maintenir un poids santé dans la population, dans une société où notre mode de vie et nos environnements ont changé grandement, cette société qu'on qualifie souvent d'obésogène, où la nourriture est riche en énergie, abondante, facilement accessible, où les efforts physiques sont réduits au minimum, presque tous les individus en viennent à gagner du poids.

Alors, pour prévenir ce gain de poids là chez tous et le plus tôt possible, il faut favoriser une approche collective et intégrée au quotidien, où les gestes favorables à la santé deviennent pratiquement des automatismes. Si l'on s'attend à ce que l'approche individuelle réduise de façon significative la fréquence de l'excès de poids et ses conséquences, les résultats des expériences en matière de modification de comportements individuels nous obligent à être réalistes. Les forces sociales sont tout simplement trop puissantes et nuisent considérablement aux efforts des individus. Des changements sociaux sont requis pour créer des environnements favorables qui entraîneront ensuite des changements dans le comportement des individus.

Maintenant, les conditions gagnantes d'une réelle prévention. Bien avant qu'on identifie les interventions les plus efficaces pour prévenir les problèmes de poids et qu'on décide de les implanter, il faut être assuré que les éléments suivants soient présents: la volonté politique de s'attaquer au problème et le déploiement de ressources pour le faire. La volonté politique de notre gouvernement est essentielle pour soutenir et encadrer les initiatives des organisations citoyennes en matière de prévention. Elle doit faire partie du mouvement social qui opérera des changements dans les normes sociales et par conséquent dans les comportements des individus.

Le Conseil québécois sur le poids et la santé demande donc au gouvernement de manifester sa volonté de prévenir les problèmes reliés au poids dans la population en créant les conditions pour que puissent exister les environnements facilitants. Ces conditions, elles sont les suivantes.

La première, c'est le recours à des mesures législatives et réglementaires pour favoriser l'adoption de modes de vie sains, par exemple: la révision de la réglementation de la publicité destinée aux enfants ? comme je disais tout à l'heure ? notamment celle des produits alimentaires; l'adoption d'une réglementation de l'industrie de l'amaigrissement; ou la mise en application d'une réglementation visant à augmenter les heures d'activités physiques à l'école. On le disait tout à l'heure, la lutte au tabagisme a clairement démontré l'importance et la nécessité d'une intervention de l'État pour changer certaines habitudes de vie. C'est un concept qui fonctionne. Alors, les habitudes peuvent être changées et la sensibilisation de la population est possible parce que le changement des normes sociales amène les individus à changer leurs comportements. La législation et la réglementation sont une facette extrêmement importante du concept des environnements facilitants et présentent l'avantage de démontrer une véritable volonté politique de régler un problème sans nécessiter d'investissements supplémentaires de l'État.

La deuxième condition que l'on met de l'avant, c'est l'existence d'un consensus interministériel sur les enjeux et les moyens à prendre pour diminuer les problèmes de poids dans la société. La transformation du mode de vie ne pourra se faire que s'il existe une coordination des stratégies entre plusieurs ministères: l'Éducation, les Sport et Loisir, les Affaires municipales, le Transports, l'Environnement et l'Agriculture. Bien sûr, le leadership de ces actions interministérielles doit être assumé par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Et la troisième condition que l'on met de l'avant, c'est l'existence d'une meilleure coordination entre les intervenants du réseau de la santé et les organisations à vocation sociale. Le ministère dispose d'un réseau de santé publique bien organisé et bien implanté dans toutes les régions du Québec. Il faudra le mettre à contribution pour que leurs efforts et ceux des organisations citoyennes qui visent la prévention des problèmes de poids soient bien coordonnés. Il faudra multiplier les passerelles pour que tous soient bien informés des actions des autres. Encore une fois, c'est la lutte au tabac qui nous a démontré qu'une synergie comme celle-là produit des résultats spectaculaires.

Les mesures précitées sont essentielles pour amorcer de réels efforts de prévention en matière de poids et, comme on a dit précédemment, n'entraînent pas nécessairement de coûts supplémentaires. Cependant, d'autres mesures demanderont des ressources financières importantes. Il est donc à prévoir que, pour récolter les bénéfices de la prévention, il faudrait investir plus qu'à l'heure actuelle. Mais il est clair que l'État ne peut tout faire en matière de prévention, c'est-à-dire mobiliser les acteurs, promouvoir les nouvelles idées, organiser les campagnes de sensibilisation, légiférer et faire la recherche sur la problématique, mettre en place les interventions scolaires, communautaires, dans les milieux de travail, etc.

Donc, il y a des mesures essentielles, telles l'organisation de campagnes de promotion de changements environnementaux, la mobilisation de l'ensemble des acteurs sociaux autour d'une élimination des environnements obésogènes, la mise en place de stratégies efficaces pour modifier la demande des consommateurs, la sensibilisation des décideurs du secteur de l'agroalimentaire aux effets de certains produits qu'ils mettent en marché sont la responsabilité de groupes citoyens bien sûr comme le Conseil québécois sur le poids et la santé. La société civile reconnaît que cette partie du travail, c'est à elle de la prendre en charge et elle s'engage à le faire. Toutefois, elle aura besoin de soutien politique et financier de l'État pour y arriver.

Nous le savons tous, investir dans la lutte aux problèmes de poids réduira de manière significative la demande en soins de santé et, par le fait même, les coûts qui y sont associés. Le gouvernement du Québec investit actuellement environ 2 % du budget de santé en prévention. C'est peu, beaucoup trop peu pour que l'on puisse sentir l'effet des stratégies de prévention sur les coûts et l'organisation du système de santé.

Alors, en conclusion, le Conseil québécois sur le poids et la santé a quelques recommandations à donner. À l'instar des experts internationaux, le Conseil québécois sur le poids et la santé croit qu'il est nécessaire de consacrer dorénavant 5 % du budget de santé pour les initiatives de prévention. Ainsi, il serait possible de mettre en place les outils capables de diminuer les problèmes de poids. Les sommes requises s'avéreront importantes, et il faudra réfléchir collectivement aux méthodes à mettre en place pour augmenter les budgets à la prévention.

Mais le Conseil québécois sur le poids et la santé a déjà une première suggestion, celle de créer un comité de réflexion sur l'application de taxes sur la malbouffe. Ce comité pourrait réunir des représentants gouvernementaux et aussi des organisations citoyennes. L'expérience de la lutte au tabac encore une fois nous démontre que dans certains cas une augmentation des prix, c'est la meilleure manière de diminuer son taux de pénétration dans la population. Le ministre Fournier avait déjà évoqué la possibilité d'imposer une taxe spéciale sur les boissons gazeuses. Alors, ce sont des avenues qu'il faut explorer. Puisque nous sommes témoins à tous les jours d'incohérences telles que payer nos jus de fruits deux ou trois fois le prix d'une bouteille de boisson gazeuse et que nous croyons fermement qu'il est temps de changer cet état de chose, le Conseil québécois sur le poids et la santé pense que les sommes ainsi générées seraient judicieusement investies si elles l'étaient dans la prévention des problèmes de poids et non seulement dans le traitement de ceux-ci. La mise en place de ce type de taxe bien sûr aurait pour effet de diminuer la demande de certains produits, mais elle est complexe à mettre en place et on en est fort conscients, mais il sera fort probablement nécessaire d'y recourir comme ce fut le cas pour le tabac.

Le Président (M. Copeman): Je sais, vous êtes à votre conclusion. Il vous reste deux minutes et demie à peu près.

Mme Haviernick (Martine): Il nous semble aussi important de donner les moyens aux organisations qui oeuvrent en santé de remplir leur rôle. Si ces organisations n'ont pas les moyens de faire connaître leur discours et d'organiser leurs actions, d'autres voix pleines de ressources mais motivées par des valeurs comme l'engendrement de profits trouvent le champ libre et imposent leur message, comme c'est le cas actuellement. On n'a qu'à penser aux nouvelles lignes de produits alimentaires dits santé lancées par les distributeurs qui sont en même temps de grands promoteurs de malbouffe ou les systèmes de codification de choix santé élaborés par les compagnies privées elles-mêmes pour valoriser leurs propres produits ? on pense au programme Bien choisir, bien vivre de PepsiCo, comme exemple.

Il nous semble fondamental que l'évaluation des choix d'aliments santé et la promotion qui s'ensuit doivent être faites par les responsables gouvernementaux et les organisations ayant comme mission la promotion de la santé. Il semble évident aussi que, pour assurer la crédibilité et la véracité de ces choix, le discours ne puisse être tenu par les compagnies privées qui cherchent à valoriser leurs propres produits pour augmenter leur marge de profits. De tels outils pour guider les consommateurs dans leurs choix doivent être mis de l'avant par des structures neutres qui leur donnent une pertinence.

Alors, pour finir, l'avenir est extrêmement préoccupant. Puisque l'accroissement du taux d'obésité est le legs d'un nouveau mode de vie qui risque de coûter très cher, la solution passe nécessairement par la transformation du mode de vie. Et cette transformation ne se fera pas sans des changements dans les environnements physique, social, culturel, politique et financier des individus de manière à faciliter l'adoption de modes de vie sains pour eux. On connaît les responsabilités du réseau gouvernemental et celles des organisations de la société civile, on en a fait état tout à l'heure.

n (12 heures) n

Toute société a la responsabilité de garantir le meilleur avenir possible à ses enfants. Alors, au rythme où vont les choses aujourd'hui, la génération des enfants d'aujourd'hui sera peut-être la première qui aura une espérance de vie moins longue que celle de ses parents. Ce n'est donc plus une question de choix, c'est devenu une obligation. Il faut réagir et mettre l'accent sur la prévention. Sachant que l'accroissement des taux d'excès de poids et d'obésité entraîne de lourdes conséquences en termes de maladies chroniques et de coûts économiques associés, sachant qu'il est très difficile d'enrayer l'obésité une fois qu'elle est installée et qu'un enfant obèse court de grands risques de devenir un adulte obèse, nous avons l'obligation de tout mettre en oeuvre pour tenter de prévenir le plus possible les problèmes de poids dans notre société. Il en va de la santé de nos enfants et la survie de notre système de santé.

Et en conclusion, le meilleur moyen de garantir l'accès aux services de santé, c'est de faire en sorte que le moins de gens possible n'aient besoin d'y avoir recours. Le meilleur moyen pour que les gens n'aient pas besoin d'y avoir recours, c'est de s'assurer qu'ils ne soient pas malades et donc de prévenir la maladie. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, M. le député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue et je suis très heureux de vous entendre parler de choses dont on a beaucoup discuté déjà avec en particulier le gens de l'éducation physique et sportive.

J'ai envie de vous chicaner un petit peu. Et je vais juste lire un paragraphe ici et qui va vous permettre de comprendre, surtout quand on sait qu'on a discuté longuement de cette situation-là, comme gouvernement, autant en Éducation qu'à la Santé et d'autres ministères. À la page 8, vous avez un petit paragraphe qui introduit un ensemble de mesures et où vous dites: «Le Conseil québécois sur le poids et la santé demande donc au gouvernement de manifester sa volonté de prévenir les problèmes reliés au poids dans la population en créant les conditions pour que puissent exister les environnements facilitants. Ces conditions devraient être», etc. Ça donne l'impression qu'on n'a jamais manifesté cette volonté. Or, il me semble qu'on l'a manifestée de façon extrêmement significative, et surtout quand on regarde les budgets qui ont été mis en cause dans des situations difficiles sur le plan financier pour le Québec d'aujourd'hui.

Et je sais que, par exemple, au niveau de l'éducation physique, il y avait un programme intéressant qui n'avait pas été possible parce que le gouvernement précédent n'avait pas le financement, ne nous avait pas laissé non plus le financement. Je pense à Ça bouge après l'école, par exemple, pour lequel beaucoup d'éducateurs physiques ont été un petit peu déçus. Il y a beaucoup d'écoles qui ont trouvé des moyens de le faire. Mais nous avons travaillé avec notamment les gens de l'éducation physique, et plusieurs ministères, et plusieurs ministres ? je ne parle pas uniquement de l'Éducation ? pour faire en sorte qu'on puisse aller dans ce sens-là et manifester clairement notre volonté. Et c'est là-dessus, là, que je voudrais... pas chicaner plus que ça parce que je pense que nous avons les mêmes objectifs, mais nous avons déjà fait des pas très significatifs.

Et je voudrais pour preuve uniquement prendre des programmes comme Écoles en forme, que nous encourageons par ailleurs, dont on a eu l'occasion d'entendre parler lors de cette commission. Je pense aussi à des programmes pour lesquels les sommes, à l'échelle du Québec, ne sont pas très grandes, comme Écoles en forme et en santé, mais qui néanmoins permettent de mettre des enveloppes ciblées là où ça manifeste vraiment... là où ça a des impacts significatifs. Et je pense surtout à une mesure qu'on a annoncée alors qu'on était à la même table, au Forum des générations, qui était une mesure qui était donc classifiée sous le titre Prévention, parce que l'heure et demie supplémentaire à l'école, qui coûte plus de 100 millions de dollars par année au Trésor québécois ? et ça veut dire donc à tous ceux qui fournissent des impôts au Québec ? et qui permet à la fois d'assurer une plus grande quantité d'éducation physique à l'école, qui permet également de donner toute l'importance qu'on doit donner à cet aspect de l'éducation physique mais aussi, et autant dans le programme d'Écoles en forme et en santé que dans cette mesure-là, aux habitudes de vie des enfants...

Et nous souscrivons tout à fait à ce que vous dites, par exemple, quand on parle de recours à des mesures législatives ou réglementaires, quand on dit: «...en application d'une réglementation visant à augmenter les heures d'activité physique à l'école.» En fait, c'est quand même déjà très avancé et ça a été une décision qui est extrêmement coûteuse parce qu'à chaque fois qu'on met 100 millions à quelque part, c'est 100 millions qu'on ne met pas ailleurs forcément, puisque les revenus sont limités. Également, quand on dit: «...la nécessité d'une intervention de l'État pour changer certaines habitudes de vie», c'est bien dans ce sens-là qu'on l'a fait également.

Alors, il serait intéressant peut-être d'entamer notre conversation aujourd'hui sous le sens de comment est-ce qu'on peut faire pour continuer ensemble à faire des choses intéressantes, parce que... Et je vous dirai que c'est sous l'impact des discussions et des représentations qui ont été faites par ceux qui s'intéressent le plus à l'obésité, à mon sens, mis à part le côté strictement médical, c'est effectivement toutes les personnes qui travaillent dans le domaine de l'activité physique et qui depuis, je crois bien, sept ou huit ans au moins se sont intéressées à tout l'aspect du bien et du bien-être que peut amener l'activité physique pour réduire les problèmes liés à l'obésité.

Et, dans ce sens-là, il m'apparaîtrait intéressant peut-être si vous pouviez nous donner une petite coloration de vos recommandations qui tienne compte du fait qu'on fait déjà beaucoup de choses ensemble, parce que, quand on le lit comme tel, on ne se rend pas vraiment compte de ça. Et, par exemple, là, il y a des projets. Écoutez, on commence, l'année prochaine, l'heure supplémentaire, l'heure et demie supplémentaire à l'école primaire, et il y a des changements qui ont été faits au niveau également des programmes au primaire et au secondaire. De quelle façon est-ce qu'on peut travailler à des choses qui sont déjà dans les cartons, qui sont déjà en train d'être planifiées? De quelle façon est-ce qu'on pourrait travailler et aller encore davantage dans le sens de ce que vous souhaitez, c'est-à-dire nous assurer qu'on va véritablement commencer à la base ? et je me limite au niveau de l'éducation, à ce moment-ci ? à la base qu'on va commencer à changer les mentalités? Parce qu'évidemment le gouvernement peut faire des choses. Là où le gouvernement va faire le plus de choses, c'est là où il y a déjà des outils pour les faire, c'est-à-dire, par exemple, au système d'éducation, au système de santé. Il y a aussi, comme vous le dites, des mentalités très importantes à changer.

Et je voudrais terminer en vous disant seulement aussi un autre petit... un petit bémol, si vous voulez. Vous dites, et avec beaucoup de coeur et, je pense, de grand coeur, vous dites, à la page 9, à la fin du deuxième paragraphe: «La société civile reconnaît que cette partie du travail, c'est à elle de la prendre en charge ? jusque-là, ça va bien, mais vous dites avec beaucoup de courage ? et elle s'engage à le faire.» Évidemment, vous parlez au nom de ceux que vous représentez, mais la société civile, c'est l'ensemble de la société québécoise et elle ne peut pas parler que d'une seule voix, et on sait que c'est là qu'est la plus grande difficulté.

Mais ce qui serait intéressant, ce serait peut-être de voir avec vous, que vous nous donniez un petit peu une idée de comment on pourrait mettre concrètement en application ce que vous dites mais dans un contexte où on est déjà en train de faire des choses ensemble.

M. Côté (Raymond): Alors, je reçois très bien vos commentaires, et évidemment ça fait déjà un bon moment que nous insistons sur certains aspects. Or, il faut comprendre que le mémoire a été écrit, les engagements du gouvernement n'étaient pas encore dans le budget. Alors, il y a ça, d'une part. Ça restait, oui, après le Forum des générations, c'était une intention, une intention politique, et nous attendions que ça se traduise, et ça s'est traduit formellement dans le récent budget; même chose pour les infrastructures. Alors, je pense que, comme organisme indépendant ou séparé du CQPS, ça, on l'a reconnu, et on l'a reconnu chaque fois que des gestes intéressants sont posés. Alors, là-dessus, on fait notre mea culpa, et je suis très à l'aise. Et, quand c'est le temps de se réjouir, on se réjouit.

Comme élément pratico-pratique, je pense que, dans les priorités, il faut clairement, et le rapport Perreault l'a démontré, il faut viser d'abord les jeunes. Et ça, pour nous, c'est la priorité. Ça a été soulevé dans le mémoire, toute la question de la publicité. Il faut faire le tour de la question parce que les jeunes sont facilement influençables, ils en voient partout, et ? Martine pourra vous donner des chiffres plus précis ? le nombre d'interventions médiatiques qui sont faites auprès des enfants, c'est fort inquiétant. Donc, il faut agir là-dessus d'une façon certaine. Il faut aussi... Évidemment, les efforts qui sont déjà enclenchés, il faut les poursuivre et il faut les traduire concrètement donc sur le terrain.

Alors, au-delà de la publicité, il y a toute la question de la politique alimentaire. Et je dois vous passer un autre message en même temps, parce que, celui-là, il nous préoccupe et il nous agace. Autant on insiste pour une politique alimentaire dans les écoles, autant on est renversés de voir encore du fast-food dans les hôpitaux. Pour nous, là, c'est inadmissible. Quand on parle de cibles de départ, ça, ça devait être là. Il n'y a pas de tergiversation par rapport à ça. Alors, ça, pour nous, ce sont des éléments importants.

Quand on dit: Oui, la société civile, alors on espère en représenter un certain nombre. Bon, si on prend les organismes séparément, on a tous des membres, on a tous un réseau. Les gens se sont engagés à changer des choses, certains par rapport à l'activité physique, certains par rapport à la sécurité alimentaire, d'autres par rapport à ce qui semble qui est souvent oublié, toute l'image corporelle, ce qui passe dans les médias, dans les magazines. Ça aussi, il faut aller intervenir.

Alors, vous allez me dire: Oui, on a un projet qui est très vaste. Mais on est intéressés à le faire évidemment avec votre collaboration et avec la collaboration de l'entreprise privée aussi. On ne s'en va pas là-bas avec nos grosses bottines. Ce qu'on veut faire reconnaître par les gens, c'est une responsabilité que nous avons tous de régler ce problème d'obésité là. Et on va le faire en travail aussi, en collaboration aussi avec les différents organismes. Je ne sais pas si tu veux ajouter des choses.

n (12 h 10) n

Mme Haviernick (Martine): J'aurais des choses à ajouter. Votre question en revient un peu... ou votre commentaire en revient un peu à dire: Qu'est-ce qu'on pourrait cibler d'abord et avant tout? Quels seraient les premiers jalons d'une véritable intervention concrète en prévention des problèmes de poids?

Je pense ? et je reviendrai sur ce que M. Côté a dit précédemment ? pour aborder le problème de la bonne façon et en espérant avoir des résultats à court terme, je vous dirais qu'il faut axer notre prévention et nos interventions immédiatement vers les enfants. O.K.? Et, à ce compte-là... Pour plusieurs raisons. Parce que justement les résultats vont probablement être plus rapides que si on fait des interventions sur d'autres groupes d'âge, mais aussi parce que ? je l'ai dit tout à l'heure, à la lecture du mémoire ? les enfants qui souffrent de problèmes de poids aujourd'hui courent de grands risques de devenir des adultes qui ont aussi des problèmes de poids. Donc, on handicape tout l'avenir d'une société. Donc, je pense que c'est ce qui justifie notre lecture de la chose pour en faire des priorités.

Maintenant, il y a deux... S'il faut absolument cibler des priorités de façon concrète, je pense que la politique alimentaire dans les milieux d'enseignement ? et là, nous, on aimerait voir ça inclus des garderies jusqu'aux universités ? je pense que c'est une chose très importante. On a réagi, la semaine dernière, le Conseil québécois sur le poids et la santé a réagi à l'annonce du gouvernement d'implanter une politique cadre d'alimentation dans les écoles. Maintenant, on a aussi réagi en termes d'une certaine déception quant à la mesure volontaire qui entourait cette politique-là. Je pense que de grands changements de cet ordre-là, qui sont requis dans le domaine de la prévention de l'obésité... on ne peut pas s'attendre à de grands changements à court terme avec une mesure volontaire. Il faut absolument qu'il y ait une obligation de résultat. Alors, voilà pourquoi on pense que ça devrait être couplé de mesures un peu plus... un petit peu plus... qui ont un peu plus de dents, comme on l'a dit aussi.

Et, même si, dans le cadre de cette politique alimentaire là, bon, les intentions sont les mêmes, qu'elle soit imposée ou volontaire, il est important de mettre l'emphase sur le fait que cette politique-là, imposée, créerait un véritable environnement favorable à la santé de nos enfants. Je pense que c'est très différent de l'avoir d'une façon volontaire, de l'avoir d'une façon imposée.

Et c'est un peu déstabilisant d'entendre dire aussi qu'il faut responsabiliser les enfants en matière d'alimentation. Un enfant de neuf ans, 10 ans, 11 ans ne peut pas être responsable de sa propre alimentation. Alors, c'est les adultes qui sont impliqués dans sa vie qui sont responsables de ça. Donc, ça commence bien sûr à la maison, mais ça se poursuit certainement à l'école. Donc, cette mesure-là, disons que c'est l'appréciation qu'on en a faite.

Aussi, M. Côté a mentionné tout l'univers de la publicité qui cible beaucoup les enfants. Et il vous mentionnait aussi des statistiques qui étaient intéressantes. C'est que, simplement au niveau télévisuel, les enfants sont exposés à 30 000 messages publicitaires par année, et 95 % de cette publicité-là concerne des produits alimentaires. Et ce n'est pas des pommes qu'on annonce, c'est des friandises, des boissons gazeuses, des céréales sucrées et du fast-food. Donc, c'est très important d'agir à ce niveau-là.

Le Président (M. Copeman): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Oui, très brièvement. Bonjour, merci pour votre communication. Pour faire un peu suite à ce que vous dites là, l'expérience dans le domaine du contrôle du tabac a montré que, lorsqu'on s'adresse aux jeunes, il y a une façon qui apparaît de l'extérieur gage de succès mais qui en fait a l'effet inverse. Si on dit à un adolescent ou à un enfant: Ne fais pas ça, vous pouvez être garantis qu'il va augmenter la pratique en question. Par exemple, sur le tabac, il y avait des affiches dans les dépanneurs, qui étaient en fait distribuées par l'industrie du tabac, qui mettaient: Pas de tabac avant 18 ans. Alors, c'est bien, c'est une belle affiche qui, on peut dire, vise à diminuer le tabagisme sur les jeunes, mais en pratique ça a l'effet inverse.

Alors, même chose dans les écoles. Si on dit au jeune: Ne mange pas de poutine, si c'est un adulte qui le lui dit, ça risque d'avoir même l'effet inverse parce que, comme vous le dites vous-même, il n'y a pas de contrôle des établissements de restaurants juste autour de l'école. Alors, il me semble qu'une approche, oui, de responsabilisation, mais pas seulement les enfants, de sensibilisation et d'éducation, comme on a fait pour le tabac, est probablement plus gage de succès réel.

Et, dernière chose ? comme ça, vous pourrez répondre en vrac sur ces deux éléments-là ? la taxe sur la malbouffe, vous vous placez en faveur de cette méthode-là. Comment est-ce qu'on définit la malbouffe? Comment est-ce qu'on fait en sorte que les prix, au Québec, de certains produits soient déconnectés du marché du reste du Canada ou des juridictions voisines? Est-ce qu'on ne pénalise pas les gens à revenus plus bas? Parce que la malbouffe, c'est surtout les gens plus pauvres qui la consomment. C'est un de vos constats, d'ailleurs. Est-ce que des incitations plutôt positives ne sont pas meilleures, par exemple, une incitation fiscale à l'activité physique ou, par exemple, l'achat de certains produits alimentaires? Là, je vous laisse répondre à ça.

Le Président (M. Copeman): Et je fais appel à votre capacité de synthèse.

M. Côté (Raymond): Oui. Alors, sur la première partie de votre intervention, effectivement l'éducation est extrêmement importante. Mais en même temps ce que vous soulevez, c'est la préoccupation que nous avons des environnements facilitants. Faire des interdits aux jeunes, ça a un certain effet? Ce n'est pas ce qu'on souhaite. Sauf que, si, à travers la politique alimentaire, on institue un environnement qui va permettre d'avoir des choix santé, et ? allons-y concrètement ? si les frites à l'école sont permises deux midis par semaine et non pas cinq, c'est déjà un gain. Si on peut évoluer dans ce domaine-là, je pense qu'on aura progressé. C'est dans cet esprit-là qu'on parle des environnements facilitants.

Même chose quand on parle des entreprises de restauration rapide ou autres, autour de l'école. Dans le rapport Perreault, on l'a abordé, ça ne sert à rien de penser à une réglementation quand les organismes, les entreprises sont déjà là. Bien, ça fait partie des préoccupations qu'on a d'aller vers les entreprises. Et il y a déjà des choses, je vous dirais, de commencées dans ce domaine-là pour les sensibiliser en termes de responsabilité collective. Pourquoi elles n'arriveraient pas elles-mêmes, ces entreprises-là, à se contraindre et à se limiter? Si ça se génère et ça s'étend à l'ensemble de l'entreprise, on a des chances de succès. On n'arrivera pas à cinq jours pas de frites chez McDo ou chez Harvey's, etc., mais, si on peut les amener, exactement comme avec la politique alimentaire, à dire: Oui, on a une responsabilité, on va faire en sorte que... Alors, c'est dans cet esprit-là qu'on veut travailler. C'est sûr que ça prend du temps. On aura besoin des appuis politiques, alors c'est là où vous serez aussi utiles. Deuxième partie, oui.

Le Président (M. Copeman): Très rapidement, s'il vous plaît.

M. Côté (Raymond): Oui.

Mme Haviernick (Martine): Un petit ajout sur le commentaire de M. le ministre sur la taxe sur la malbouffe. C'est pour ça que, nous, on suggère qu'il y ait d'abord et avant tout un comité de réflexion qui soit mis sur pied. Parce qu'effectivement la taxe sur la malbouffe, c'est complexe. On le sait, les impacts ne sont pas tous connus, et il faut être en mesure, si on met une mesure comme celle-là sur pied... être sûrs de notre coup. Alors, je pense que d'abord et avant tout la première étape à franchir, ce serait d'avoir ce fameux comité là.

Et juste un mot sur cette malbouffe-là. Ce que disait M. Côté, c'est que l'idée des environnements facilitants, là, c'est que là, maintenant ? et l'exemple de la malbouffe en est un excellent ? c'est que les gens n'ont pas véritablement de véritable choix maintenant, devant eux. Notre environnement alimentaire est complètement intoxiqué par la malbouffe. Alors, le concept des environnements facilitants, c'est finalement de faire de la place à ces choix pour que les gens se retrouvent devant véritablement des choix.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Borduas.

M. Charbonneau: Bien, M. le Président, je vais d'abord prendre quelques instants pour donner la réplique au député d'Orford, ancien ministre de l'Éducation limogé. Et je le dis parce que ça a été assez choquant de l'entendre tantôt, là...

Des voix: ...

M. Charbonneau: M. le Président, est-ce que je pourrais intervenir sans que les gens d'en face...

Le Président (M. Copeman): ...poursuivre, M. le député.

M. Charbonneau: Alors, très bien. Alors, le ministre a blâmé l'ancien gouvernement, alors que c'est lui qui a pris la décision de couper et de mettre au rancart le programme Ça bouge après l'école. Son prédécesseur avait annoncé un programme de 102 millions de dollars...

Une voix: ...

M. Charbonneau: Non, je m'excuse...

Le Président (M. Copeman): Chers collègues, là!

M. Charbonneau: ...c'était 102 millions de dollars sur trois ans. Alors, c'était au gouvernement qui prenait le relais de poursuivre. Vous avez décidé, au mois d'août 2003, de mettre au rancart ce programme-là. Si, aujourd'hui, vous voulez jouer les vierges offensées, puis faire la leçon, puis donner l'impression que vous agissez aujourd'hui, vous avez perdu trois ans pour faire la démonstration que la prévention, c'était important pour vous. Vous n'aviez aucune sensibilité sur cette question-là, et tout à coup vous vous drapez de...

Le Président (M. Copeman): M. le député, à la limite, si vous voulez engager dans un débat avec des collègues, adressez, s'il vous plaît, vos commentaires au...

M. Charbonneau: Alors, je le fais à travers vous, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Oui, oui, mais avec un peu plus de rigueur.

n (12 h 20) n

M. Charbonneau: Alors, M. le Président, je vous dis que c'est choquant d'entendre ça. Parce que le choix politique de mettre de côté ce programme-là parce qu'il était un programme péquiste, là, ça a été pris par celui qui est intervenu tantôt, d'une part. D'autre part, vous avez une bonne occasion de faire la démonstration maintenant que vous avez changé d'attitude et que là vous avez enfin compris. D'abord, réinstaurez ce programme-là, d'une part.

Puis deuxièmement, hier, je suis intervenu parce qu'il y a un autre groupe qui nous a fait une présentation qui allait dans le sens de vos propos de ce matin et j'ai rappelé qu'on a mis sur pied, quand on était au gouvernement, avec la Fondation Chagnon, le programme Québec en forme, qui, au cours des quatre dernières années... programme qui s'est terminé vendredi dernier. Et, à notre connaissance, il n'a pas encore été renouvelé. Ce programme-là a nécessité, au cours des quatre dernières années, un investissement gouvernemental et privé ? c'est-à-dire par la fondation ? de 24 millions et a permis d'atteindre 35 000 enfants dans les milieux défavorisés, dans 30 communautés et 140 écoles qui ont été ciblées puis où il y a eu des interventions. Et là, dans le fond, ce que les gens nous disent, c'est qu'après l'expérience qui a été menée au cours des quatre dernières années, ce que ça nous prendrait, c'est vraiment de pouvoir avoir un budget significatif. Et dans le fond, quand vous plaidiez tantôt... quand les gens qui sont devant nous plaidaient, M. le Président, tantôt pour les mises de fonds significatives, c'est là que...

Tu sais, on peut tenir des discours vertueux. Je l'ai dit hier, je suis député à l'Assemblée nationale, ça va faire 30 ans, là, que j'ai été élu la première fois puis des discours sur la prévention, là, j'en ai entendu des deux bords, souvent, mais le problème, c'est que ça n'a jamais été au rendez-vous des ressources budgétaires autant que c'est nécessaire que ce le soit. Là, on nous dit que, pour 100 millions de dollars, on viserait non pas 140 écoles mais 500 écoles, non pas d'une trentaine de communautés mais d'au-delà de 100 communautés, peut-être jusqu'à 120 communautés qui pourraient être visées. On a une occasion non seulement de reconduire le programme qui s'est terminé vendredi dernier, mais de lui donner une impulsion pour faire en sorte que ça ait un impact réel et significatif sur plus d'enfants dans plus de communautés et qu'on atteigne une espèce de masse critique au niveau de l'intervention, qui crée un effet boule de neige.

Et là, dans le fond, je le dis au député d'Orford ? il n'est plus au Conseil des ministres, mais il est encore au caucus ? M. le Président, et je le dis aux collègues, je le dis au ministre, je l'ai dit hier: Vous avez une occasion, là. Vous êtes au gouvernement, vous voulez faire de ça une priorité? Bien, vous avez l'occasion, reconduisez le programme puis donnez-lui l'impulsion. C'était un projet pilote. Maintenant que les conclusions positives se sont avérées extrêmement significatives et positives, bien donnez-lui l'impulsion qui doit y être donnée. La Fondation Chagnon attend le signal du gouvernement et est prête à mettre des fonds considérables pour faire en sorte qu'on atteigne cette cible-là. Ça, c'est ce que je voulais dire d'entrée de jeu.

Je vous pose la question parce que finalement, quand vous faisiez appel aux choix politiques qui devraient être faits... Puis, d'une certaine façon, ce que vous faites aujourd'hui, comme le groupe d'hier, c'est un travail sur un éveil de conscience chez les décideurs politiques, parce que vous disiez tantôt... Puis le député d'Orford vous a un peu reproché en disant: Oui, mais la société civile, c'est tout le monde. Puis, bon, oui, mais sauf que, nous, ici, on est les représentants des citoyens et des citoyennes, et la responsabilité politique, c'est ici, dans cette Assemblée, puis de l'autre côté, dans l'immeuble du gouvernement, que ça se décide.

Et, si vous aviez, vous, comme citoyens puis comme des gens qui sont préoccupés par les problématiques de santé puis de l'ampleur dont vous nous parlez... Parce que passer d'un budget de 2 % en prévention à un budget de 5 %, là, ce n'est pas rien. Et je le dis avec assez... assez à l'aise parce que les deux chefs politiques, au cours des derniers jours, ont dit: Non, il ne faudrait pas qu'on diminue les taxes... c'est-à-dire il ne faudrait pas augmenter les taxes, il ne faudrait pas utiliser la baisse de la TPS qui est annoncée pour la réinvestir en santé ou en éducation, il faudrait laisser ça aux citoyens. Est-ce que c'est le bon choix à faire? Est-ce qu'investir en prévention ne serait pas, à ce moment-ci, en santé, un choix plus judicieux ? plus difficile, c'est clair, mais plus judicieux ? pour faire en sorte qu'on se retrouve dans une situation où on investisse puis on crée une dynamique favorable?

Ce n'est pas rien, là, c'est 1,3 milliard qu'on aurait pu avoir à la disposition du ministre de la Santé puis du ministère de l'Éducation. Vous, comme représentants d'un groupe, qui militez puis qui venez nous dire qu'on devrait augmenter les budgets, qu'est-ce que vous feriez à notre place?

M. Côté (Raymond): C'est évident que, pour nous, le choix prévention est inévitable, là. Et il est existant depuis longtemps. Ça a été dit, ça a été mentionné lors du Forum des générations, comme organisme associé au CQPS, on l'a dit, on l'a dit par rapport à l'activité physique puis on l'a dit par rapport à l'alimentation, c'est clair que c'est un choix important et essentiel. Si on ne le fait pas maintenant ? et M. le ministre de la Santé en sait quelque chose ? il y a des choix qui vont devenir impossibles à faire parce que tout l'argent va passer au même endroit. Alors, ou on fait un effort et on continue à faire l'effort qui est amorcé actuellement pour continuer à investir en prévention, puis obtenir des résultats...

Alors, ce que, nous, on vous dit: On est prêts à travailler dans cette lignée-là, on est prêts à faire des actions et à intervenir avec la société civile que vous représentez et avec laquelle, nous, on peut travailler à la base, à travers les organismes, pour faire avancer ce dossier-là. Et on est fort conscients que, si la société à la base dit: Oui, la priorité c'est telle chose... je pense que ça influence l'ensemble des politiciens et ça aide à faire des choix.

Ce ne sera pas facile, ça va être contraignant. Si on ne le fait pas ? et je ne suis pas un prophète ? si on ne le fait pas, on va tous s'étouffer avec les problèmes de santé. Alors, ou on prend le taureau par les cornes, et on avance, et on pose des gestes, ou bien, dans quelques années, on ne sera même plus capables d'être ici. Alors, c'est clair que, pour nous, la prévention, c'est la piste qu'il faut aborder et avec l'Éducation et avec la Santé, évidemment.

M. Charbonneau: Et avec les ressources financières. C'est ce que vous dites aussi. Parce que, dans le fond, encore une fois, il n'y a rien qui va se passer de significatif si on n'investit pas. Par exemple, il n'y aurait rien qui se serait passé dans ces 140 écoles là si le gouvernement et la Fondation Chagnon n'avaient pas mis d'argent. Et il n'y aura rien qui va se passer dans toutes les écoles... dans ces écoles-là puis dans toutes les autres qu'on a ciblées si on n'investit pas à la hauteur dont je parlais tantôt.

Il n'y a pas de magie, hein, tu sais? Les plans d'action sur la santé, là, avant le rapport Perreault, là, puis vous le savez très bien, il y avait le Programme national de santé publique 2003-2012 qui a été approuvé par l'ancien gouvernement à la suite d'une loi, puis c'est un programme, là, qui n'est pas partisan, là, c'est l'Institut de santé publique du Québec. Alors, dans le fond, ce que vous dites dans votre mémoire, comme le groupe d'hier, on le retrouve pour l'essentiel dans le Programme national de santé publique, dans toutes les stratégies qui sont proposées: le problème fondamental, c'est un problème de ressources et, dans le fond, de conscience citoyenne autant que de conscience politique à l'effet qu'il faut y accorder l'importance qu'on doit y accorder, autrement il n'y aura rien qui va se passer de significatif, on va travailler à la marge avec peu d'impacts réels sur les comportements et les changements.

D'autre part, moi, j'adhère à l'idée que dans le fond l'offensive contre le tabac menée depuis plusieurs années a apporté des enseignements positifs. Mais là ce que vous nous présentez aujourd'hui, c'est autrement plus ambitieux parce que, d'une certaine façon, amener, convaincre des gens à écraser, c'est une chose, mais là les convaincre à bien manger ? puis là ce n'est pas juste un aliment, c'est toutes sortes d'aliments ? à faire de l'exercice physique, à avoir une habitude de vie qui fait en sorte qu'ils vont avoir un poids santé, là, c'est un gros contrat de société que vous mettez sur la table, là.

Mme Haviernick (Martine): Il est d'autant plus important de considérer donc la solution des environnements facilitants. Parce que simplement dire aux gens de bouger, de bien manger, ça fait plusieurs années qu'on fait ça et manifestement ce n'est pas suffisant parce que les statistiques sont à la hausse et sont alarmantes. Alors, le concept des environnements facilitants propose ça: de donner d'autres choix aux gens pour qu'ils puissent faire des choix éclairés. Alors, je pense que c'est là la nouveauté.

Et, c'est sûr, ce que vous dites, la situation du tabac versus la prévention de l'obésité, c'est vraiment deux mondes parce que, dans le tabac, on a un ennemi qui est la cigarette; dans le cas des problèmes reliés au poids, on ne peut pas considérer un seul secteur, on parle d'alimentation, d'activité physique, de domaines socioculturels, d'environnements bâtis, de secteurs de l'agroalimentaire, il y a énormément d'acteurs qui vont être appelés à contribuer au changement. Donc, oui, c'est plus complexe et probablement plus coûteux.

M. Charbonneau: Et dans le fond, ce qu'il faut dire, puis mon collègue me le faisait remarquer...

Mme Haviernick (Martine): ...conséquences aussi, elles seront plus coûteuses, si on ne fait rien.

M. Charbonneau: Oui, c'est ça, exactement. Puis, comme mon collègue me le faisait remarquer, c'est que, dans le cas du tabac, l'ennemi est connu puis dans le fond les effets négatifs. Même ceux qui ne fumaient pas étaient souvent affectés et ils pouvaient avoir une réplique envers ceux qui fumaient, en disant: Écoute, tu te rends-tu compte que ce que tu as comme comportement me nuit, me dérange, affecte ma santé? Mais ce n'est pas nécessairement le cas, là. Quand on mange avec quelqu'un qui est en situation d'obésité, c'est bien gênant de lui dire que ça me dérange parce que dans le fond c'est lui qui vit le problème, alors ça ne nous dérange pas tellement. Et, dans ce sens-là, la lutte, elle va être encore plus difficile...

M. Côté (Raymond): Mais en même temps...

Le Président (M. Copeman): M. Côté, juste avant, je présume, chers collègues, qu'il y a consentement pour dépasser de quelques minutes l'heure prévue pour terminer l'échange? Consentement. Allez-y, M. Côté.

n (12 h 30) n

M. Côté (Raymond): Mais, en même temps et étonnamment, on ne part pas de rien parce que toute la lutte au tabac a fait en sorte que ça a sensibilisé toutes les entreprises d'alimentation. Et je vous dirais qu'à l'automne 2004 il y a eu une rencontre des procureurs des entreprises de tabac et celles de l'alimentation, et en conséquence, pour avoir eu des contacts avec une des entreprises de restauration rapide, dès qu'on a touché aux jeunes ou à la publicité aux jeunes, ils ont dit: Oup!, il faut être prudent là-dessus.

Alors, déjà, il y a une connaissance de la problématique et, je dirais, peut-être une certaine volonté de réagir. Alors, il nous reste, nous, du travail à faire pour continuer la sensibilisation, mais je trouve qu'on part dans une meilleure position que les gens qui avaient à faire la lutte contre le tabac. Alors, c'est complexe, mais on a peut-être plus d'appuis qu'on pense.

M. Charbonneau: Est-ce que, dans vos données, puis dans vos recherches, puis dans les études que vous avez consultées, on peut évaluer, disons, l'efficacité de la coercition versus le volontarisme et, par exemple, des approches législatives ou réglementaires versus juste l'incitation gentille? Est-ce qu'on a pu évaluer? Parce que dans le fond, juste sur la malbouffe à l'école, je regarde, on a fait des choix. En Grande-Bretagne, ils ont décidé de l'interdire. Nous, on décide d'essayer de convaincre le monde de le faire. Bon. C'est gentil, mais est-ce que finalement, au plan des données, on est capable d'évaluer qu'il y a une méthode qui est pas mal plus efficace que l'autre ou, une dans l'autre, ça s'équivaut?

Mme Haviernick (Martine): Écoutez, il y a un exemple québécois qu'on peut donner, qui démontre que la combinaison de l'éducation, de la réglementation puis des mesures de contrôle est extrêmement efficace, c'est l'exemple de la Société de l'assurance automobile du Québec, qui a réussi à réduire de beaucoup le nombre de victimes de la route parce qu'ils ont fait des campagnes éducatives, parce qu'il y a eu une législation et parce qu'il y a eu des mesures de contrôle. Sans ça, l'éducation à elle seule ne parvenait pas à avoir des résultats profitables. Donc, je pense que déjà là, chez nous, même, on a des exemples comme ça.

M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais juste terminer en voulant présenter mes excuses au député d'Orford, si je l'ai blessé tantôt, dans la réplique, par rapport à une situation qu'il a vécue. Je sais que, quand on est en politique puis qu'on perd une fonction, on n'est pas nécessairement... on ne vit pas ça d'une façon toujours très agréable. Alors, je ne voulais pas lui rappeler un mauvais souvenir, je voulais simplement lui rappeler qu'une de ses décisions par ailleurs, et sans doute était-elle prise collectivement par l'ensemble du Conseil des ministres, était allée en contradiction avec son propos. Et ça, j'espère au moins qu'il va reconnaître que ce n'était pas une bonne décision que d'abolir le programme Ça bouge après l'école.

Ceci étant, M. le Président, je voudrais remercier les gens qui sont venus nous...

Le Président (M. Copeman): M. Coté, Mme Haviernick, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom du Conseil québécois sur le poids et la santé.

Et, sur ce, malgré le fait que nous serons appelés, cet après-midi, à siéger, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

 

(Reprise à 15 h 25)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission poursuit ses travaux. Nous avons quatre intervenants, cet après-midi. Nous allons débuter dans quelques instants avec le Conseil des aînés, suivi par M. Michel Pelletier et M. Jean Lessard. On termine la journée avec Québec solidaire.

Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil des aînés. M. le président Lalande, bonjour.

Conseil des aînés

M. Lalande (Georges): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Je sais que vous n'êtes pas à votre première expérience. Je vous rappelle nos façons de faire quand même. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation ? je vais vous indiquer quand il reste trois minutes ? et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter par la suite votre présentation.

M. Lalande (Georges): Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais présenter Mme Johanne Villeneuve, qui est la spécialiste, chez nous, la professionnelle qui a mis en page, qui a pris en note les délibérations des séances du Conseil des aînés et donc qui est en bonne partie responsable de la rédaction du rapport, du mémoire. Je voudrais aussi vous présenter M. Daniel Gagnon, qui est le secrétaire général du Conseil des aînés.

Tout d'abord, M. le Président, je voudrais vous remercier ainsi que les membres de la Commission des affaires sociales, en particulier M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, de nous recevoir en commission parlementaire pour présenter notre mémoire dans le cadre de la consultation qui est de garantir l'accès, un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Je voudrais tout d'abord, très brièvement, vous rappeler la mission du Conseil des aînés, qui a principalement pour fonction d'une part de promouvoir les droits des personnes âgées, leurs intérêts et leur participation à la vie collective. Il a également comme mission, comme mandat, le Conseil des aînés, de conseiller la ministre responsable de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine de même que le gouvernement sur toute question qui concerne ces personnes, les personnes âgées donc, notamment quant à la solidarité intergénérationnelle, l'ouverture au pluralisme et le rapprochement interculturel. Le conseil s'assure en outre de promouvoir une image réaliste du vieillissement.

C'est ainsi que, par son mandat spécifique, M. le Président, le Conseil des aînés est situé au centre de cette discussion sur les profonds changements démographiques où le vieillissement de la population devient en quelque sorte le moteur des changements sociaux qui se profilent à l'horizon, que dis-je, des changements sociaux qui sont déjà là, qui sont arrivés. À l'instar de plusieurs, le conseil est d'avis que, pour revitaliser ou revisiter même les paramètres de notre organisation sociale, culturelle et économique du Québec, cela ne peut être fait sans un redressement vigoureux de la gestion et du financement du système public de santé et services publics.

Depuis plusieurs années déjà, plus d'une décennie, certains, dont le Conseil des aînés, avaient déjà allumé le feu rouge relativement à la situation actuelle. Avec la recherche du départ du déficit zéro, les gouvernements acceptaient dès lors de confirmer ces indicateurs d'alarme. Mais c'est vraiment lors de la vaste consultation du Forum des générations que le problème est apparu dans toute sa dimension à ceux et celles qui doutaient encore que la fragilité des finances publiques, jouxtée aux changements majeurs de la structure démographique, nous amenait à un carrefour historique et qu'il importait d'agir en conséquence. Nul doute que le constat de cet état de situation a contribué à l'émergence du débat sur le rôle et la place du secteur privé et de l'assurance privée dans le système public, notamment avec l'arrêt Chaoulli de la Cour suprême du Canada.

n (15 h 30) n

Le document de consultation qui nous a été remis s'articule d'ailleurs autour des trois ordres de réflexion suivants: d'abord, le premier, la poursuite des orientations ministérielles ? santé et services sociaux, il va sans dire; deuxièmement, la garantie d'accès à certaines chirurgies et une ouverture à l'assurance privée ? c'est en quelque sorte l'arrêt Chaoulli en particulier, proprement dit; et, troisièmement, les enjeux qui sont liés au financement à long terme de la santé et des services sociaux.

Tout de go, je ne vous lirai pas le mémoire qui vous a été présenté, mais j'essaie de résumer en vous disant que le conseil, dans un premier temps, appuie le premier ordre de solution qui consiste en la poursuite des orientations déjà amorcées, mais il souhaite un meilleur contrôle des dépenses et des services sociaux afin d'en améliorer l'efficience et l'efficacité par une rationalisation et un suivi des dépenses déjà consenties à ce secteur. Il demande en outre la révision du panier de services qui est offert et la priorisation de ces services. Et insiste également sur l'importance de réaliser les actions promptement, dans les meilleurs délais, afin de faire face aux défis le plus tôt possible.

Simplement pour illustrer le besoin de revoir, de reconsidérer le panier de services, rappelons-nous qu'en milieu d'hébergement, en 1985, hein, les personnes, l'âge moyen, qui étaient en milieu d'hébergement, en 1985, était de 77 ans. Aujourd'hui, ils sont à 87 ans. Il y a eu un changement qui est important. Et bien sûr que ça amène une nouvelle clientèle, des paramètres qui sont nouveaux. Et notamment cet avancement en âge, bien, amène des problèmes de démence, notamment les problèmes de maladie d'Alzheimer. C'est aussi tout ce qui est autour des services à domicile, les entreprises d'économie sociale et la formation des personnels. Donc, il est essentiel de revoir ce panier de services pour mieux cerner les besoins et mieux servir les besoins de la population.

Le conseil est aussi d'accord avec le deuxième ordre de solution qui consiste à garantir l'accès public à certaines chirurgies ? les chirurgies électives, qu'on dit, bon, la hanche, le genou et les cataractes ? tout en levant la prohibition d'assurance privée pour ces types de chirurgies. Bien que l'ouverture restreinte et encadrée à l'assurance privée paraît être un bon choix pour éviter de menacer l'intégrité du système public...

Et nous félicitons le ministre d'être le gardien du système public à cet égard parce que, je veux dire, ce qui est jouxté à public, à système public, c'est surtout l'universalité qui est liée à ça. Et, aussitôt qu'on parle du privé, sans monter aux barricades à cet égard, ce n'est plus les mêmes paramètres. L'universalité, ça ne couche pas nécessairement très facilement avec le privé.

Alors, bien que cette ouverture restreinte et encadrée à l'assurance privée apparaît un bon choix pour éviter de menacer l'intégrité du système public, cette proposition ne nous apparaît pas une piste qui est très prometteuse de résultats. Je vais vous expliquer. Je pense que vous le savez, mais je veux vous rappeler qu'avec, d'une part, la clientèle qui est visée, soit les personnes âgés de 65 ans ou plus dont le revenu moyen se situe à moins de 22 000 $ ou autour de 22 000 $ par année, et, d'autre part, avec la garantie fort intéressante, la garantie d'accès au réseau privé dans des délais qui sont pré-établis ? on parle de trois, six, neuf mois ? on peut légitimement se demander: Mais qui pourrait vraiment vouloir aller vers l'assurance privée? Les personnes, je pourrais même dire, de mon âge auront probablement un peu de difficultés à avoir une assurance. Même, elles ne sont peut-être pas couvrables. Les cotisations et les primes seraient probablement assez faramineuses pour être capables de couvrir.

Par ailleurs, à moins qu'il y ait des changements profonds dans la façon de penser des gens, je pense qu'à 25, 26, 30 ans, où on pourrait souscrire à une telle assurance, on pense qu'ils ne sont pas très nombreux, si on pense que ce sera pour dans 20, ou 30, ou 40 ans, pour avoir une assurance qui va couvrir les trois chirurgies électives que nous avons mentionnées.

Pour ce qui est du troisième ordre de solution, qui est relatif au financement, le conseil encore une fois est favorable aux pistes de réflexion proposées. Je ne vous dirai pas que cela est venu spontanément de la part des membres du conseil, mais nous avons eu trois séances où nous avons parlé de cet aspect et... Parce que c'est toute l'histoire qui est autour des fonds qui sont dédiés. Mais on pense que les pistes de réflexion qui sont proposées, tout en étant conscients qu'elles ne suffiront pas à résoudre tout le problème du financement du système de santé et des services sociaux dans sa globalité, sont souhaitables. Le conseil est d'avis cependant que tout financement versé, que ce soit dans le cadre d'une entente entre le Québec et le Canada ou dans le cadre de la création d'un compte santé et services sociaux, cela soit exclusivement, exclusivement pour les services de santé et de services sociaux.

Dans le même ordre d'idées et bien que favorable à l'instauration d'un fonds dédié contre la perte d'autonomie, le conseil demeure cependant relativement inquiet quant à sa gestion et à son utilisation. Je me permettrais, M. le Président, que... J'ai déjà été, dans une vie antérieure, président-directeur général de la SAAQ, la Société de l'assurance automobile, et je sais ce que ça veut dire quand on a un fonds dédié et puis qu'il est orienté quelque part ailleurs. Alors, cette inquiétude-là, je ne pense pas l'avoir suscitée, mais je n'ai pas réagi négativement à cela. Donc, il y a des inquiétudes pour la protection, et de faire en sorte donc que des mesures étanches doivent être prévues pour assurer cette protection-là.

Par ailleurs, puisque l'augmentation des coûts sera principalement due au vieillissement de la population... En tout cas, c'est ce que nous indiquent les projections. Les projections économiques, qui sont des projections mathématiques, nous indiquent, même si nous ne sommes pas d'accord avec toutes ces projections sur 30 ans... C'est toujours le défaut des projections économiques, où, à partir de la situation actuelle, on dresse une situation pour 30 ans, alors que bien des choses peuvent changer.

Par exemple, dans les projections qu'on a regardées, que ce soit dans la commission Clair, ou dans la commission Ménard, ou l'économiste Pierre Fortin, qu'il nous faisait dans ses courbes, si l'âge de la retraite changeait, par exemple... À l'heure actuelle, l'âge effectif de la retraite est de 57 ans. Et, si, à l'instar de bien d'autres régions et pays, la retraite effective était à 58, 59, 60... Au Danemark et en Grande-Bretagne, on nous parle de 69 ans. Ça change beaucoup les perspectives, peut-être pas tout à fait à long terme, mais dans l'immédiat ce n'est plus tout à fait la même courbe qui est là. Mais ça, ça n'en est pas tenu compte. Donc, ces projections nous amènent souvent dans une vision catastrophe de ce qui arriverait. Nous ne sommes pas d'accord avec cette vision aussi catastrophique, et ça, c'est l'avis des aînés, là, des gens d'expérience, là, qui pensent cela.

En même temps, je pense que M. le ministre l'a exprimé à quelques reprises, il ne faut pas voir la réalité avec des lunettes roses. Donc, comment est-ce qu'on disait ça, dans le temps où on faisait notre cours classique? In medio stat virtus, la vertu est à quelque part au centre, et c'est probablement dans cette perspective-là donc qu'il faut la regarder. Donc, ils ne peuvent pas, en d'autres mots, tous se tromper en même temps, et il y a une tendance qui est évidente, qui est observable que les coûts vont augmenter. Donc, dans cette perspective-là, pourquoi ne pas prévenir? Pourquoi ne pas commencer tout de suite à ramasser le magot au cas où nous en aurions besoin? Et, si, par bonheur, ces courbes-là s'avéraient fausses et qu'il n'y ait pas tous les coûts qu'on y pense, je suis convaincu et je fais confiance au gouvernement pour, dans 20 ans ou 30 ans, être capable de réorienter ces coûts-là ailleurs.

n (15 h 40) n

Donc, dans cette perspective, le conseil est d'avis que ce fonds dédié qui devra être à l'usage exclusif des personnes âgées en perte d'autonomie et leurs proches aidants... Et je reviens, je le souligne, là, si on a stigmatisé le vieillissement et en particulier les aînés en disant que c'est eux qui vont coûter cher, eux qui sont le fardeau, on a discriminé en disant cela de façon bien précise, bien il faudrait au moins que le remède soit appliqué sur le diagnostic. Alors, c'est pour ça que ça devra être à l'usage exclusif des personnes aînées en perte d'autonomie et des proches aidants pour des services de soins de longue durée non couverts par le régime d'assurance maladie. Ça nous apparaît très clair, là. Il y a le régime d'assurance maladie. Si on dit: En sus, ça va nous coûter cher, bien il faudrait que ce soit appliqué de façon assez étanche donc à ces particularités.

À cet effet, M. le Président, différents modes de financement peuvent être envisagés, mais il est fondamental que tous les citoyens et citoyennes, tout le monde sans exception, tous les citoyens et citoyennes du Québec soient mis à contribution. Là, c'est une question de solidarité intergénérationnelle. Il ne faut pas que, la solidarité, ce soit toujours les mêmes qui paient pour les autres. Il faut que tout le monde soit mis à contribution, bien sûr avec ses capacités. Ça inclut donc les aînés de tous âges qui doivent y participer, la classe moyenne, toutes les classes politiques, même ceux qui sont dans des situations économiques qui sont plus précaires, selon bien sûr le niveau, ne serait-ce que sur le plan symbolique, là, d'y participer.

Nous disons cela parce que chacun et chacune doit jouer sa note de piano, si on veut, doit jouer sa note à l'intérieur, doit y participer pour se sentir responsabilisé. Trop longtemps, on a dit: C'est la responsabilité de l'État. Et on a peur qu'une ponction qui serait prise par une société d'État, ce soit perçu pour tout le monde comme étant un réarrangement comptable. Mais, si tout le monde y participe... C'est l'exemple, par exemple, de la France, hein, où vous avez, par année, le salaire d'une personne, une journée additionnelle qui va au fonds de solidarité. Mais là c'est un engagement. Ça vient interpeller directement les personnes pour être capables d'y aller. Donc, sûrement une meilleure responsabilisation.

Alors, comme je vous dis, là, chacun et chacune doit jouer sa note dans la constitution de cette caisse ou du fonds, de sorte que, si jamais un gouvernement voulait indûment y toucher, là, on pourrait dire, comme... je crois que c'était dans la chanson de Louise Forestier, là: De grâce, ne touchez pas à mon piano, parce que tout le monde aura participé à écrire cette symphonie.

Le Président (M. Copeman): ...M. Lalande, il vous reste trois minutes pour votre présentation.

M. Lalande (Georges): Alors, je conclus, M. le Président, en vous disant que ce sont donc des exemples qu'il pourrait y avoir, et sûrement qu'il y aura des discussions sur la spécificité qu'on devrait y apporter. Il y a cet exemple-là de la France que je vous disais. Et l'autre ? pour entrer dans l'actualité ? pourquoi ne pas se saisir de la baisse prévue par le gouvernement fédéral de 1 % sur la TPS? Pourquoi pas? Là, on aurait l'assurance que tous les citoyens et citoyennes y participent. Tout le monde va y participer pour créer cette caisse. Ce n'est pas la dépenser indûment, c'est juste la mettre au magot. Pourquoi ne pas toucher à cela?

Alors, je termine, M. le Président, en disant qu'avec le vieillissement de la population et les problématiques en matière d'accès et de qualité des services auxquelles notre société fait déjà face il est impératif d'agir maintenant. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le président du Conseil des aînés. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, madame, messieurs, pour votre présentation. Effectivement, et c'est compréhensible, compte tenu de votre mission, le gros de votre communication a trait à l'effet du changement démographique sur les coûts de santé et la proposition de l'assurance, la proposition de M. Ménard de l'assurance pour la perte d'autonomie. Je dirais que vous apportez des éléments intéressants qui vont nous permettre de déterminer... On verra les autres mémoires. On a encore à peu près 95 mémoires à entendre ici, et souvent cette question va être abordée.

Tout le monde s'entend pour dire qu'il faut prévoir une source de financement supplémentaire pour le système de santé pour les prochaines années, à long terme. Puis là il y a deux grands modèles qui vont... pas s'affronter, mais être présentés ici. Il y a une caisse santé plus générale, donc qui sert à l'ensemble des services de santé, ou un mécanisme plus précis, comme ce que propose M. Ménard. Les personnes qui soutiennent, comme vous, la question de la création d'une assurance perte d'autonomie font remarquer qu'il y a des avantages à cette formule-là. Par exemple, une assurance, c'est un dispositif ? puis, M. Lalande, vous le savez, vous avez géré une grande compagnie d'assurance ? une assurance, c'est un dispositif par lequel, la prime payée, on a une garantie de recevoir le service pour lequel on s'est assuré. Et là il y a toute une gamme de services. Je pense, par exemple, au soutien à domicile, à l'aide domestique, également aux proches aidants, parce que je ne crois pas que, dans le contexte financier actuel, certainement pas à court terme mais encore moins à long terme, on puisse rehausser de façon très significative le soutien aux proches aidants. Ça m'apparaît, là, un bon argument.

Par ailleurs, on sait que les caisses plus générales ? vous en avez été victime vous-même, entre guillemets ? peuvent être détournées à d'autres fins, malgré toutes les bonnes intentions, quand il y a des récessions, des problèmes économiques. Les deux gouvernements, les deux partis politiques l'ont fait, donc personne n'a l'exclusivité de cet antécédent-là.

L'autre problème qui est associé à une caisse plus générale, c'est que c'est les mêmes mécanismes de prise de décision qui vont s'appliquer, c'est-à-dire que c'est les mêmes... Étant donné les pressions dans le système de santé, l'argent de cette caisse santé générale là va aller en priorité aux endroits où les pressions sont les plus visibles: les listes d'attente, la technologie, les activités médicales, si vous voulez, alors que ces activités dont vous vous préoccupez, notamment le soutien à domicile, souvent peuvent être laissées de côté également. On va tout simplement reproduire le même schéma de priorisation avec la caisse santé qu'on a actuellement.

Alors, il me semble que d'avoir ce financement spécifique a des qualités, certainement. J'y vois cependant un problème, et c'est la non-cohérence avec ce qu'on est en train de faire. On est en train d'intégrer l'hébergement institutionnalisé avec le reste des missions du système de santé puis là on est en train de disloquer le financement de cette mission-là des autres. Alors, moi, j'aurais tendance à dire que ça peut être envisagé, mais il faudrait probablement en exclure le financement de l'hébergement institutionnel et garder l'utilisation de cette réserve financière là pour des services autres que l'hébergement institutionnel, qui bien sûr seraient certifiés et orientés par le CSSS ou les professionnels du réseau de la santé.

Puis l'autre grand argument qui va nous être présenté, c'est que... Puis c'est intéressant que votre organisation, qui représente les personnes... un des organismes qui représentent les personnes âgées soit en soutien parce qu'on va entendre également que la proposition stigmatise de façon injuste les personnes âgées, alors que, soyons honnêtes, il n'est pas question des personnes âgées d'aujourd'hui, il est question des personnes âgées dans 10, 15, 20, 25 ans, d'une part. D'autre part, il y a des éléments incontournables. Et on va nous dire également: Bien, c'est exagéré, l'effet du vieillissement sur le financement de la santé. Vous avez raison, il y a des éléments d'exagération... pas d'exagération, mais peut-être de surestimation, notamment en raison des changements probables dans les habitudes de travail, par exemple, ou la contribution sociale qui va être plus longue dans l'avenir. Mais on ne peut pas non plus faire abstraction de la réalité.

Alors, vraiment, pour vous, entre les deux modèles, caisse santé générale spécifique pour tout le système de santé et un dispositif d'assurance spécifiquement dédié à la perte d'autonomie ? en passant, ce n'est pas juste les personnes âgées, c'est aussi les personnes plus jeunes, handicapées, qui ont une perte d'autonomie ? est-ce que vous trouvez que ce deuxième modèle là est supérieur au premier?

M. Lalande (Georges): Oui, M. le ministre. Pourquoi? Parce que les projections, avec toutes les imperfections qu'elles peuvent avoir, stigmatisent, là. C'est fait. On dit: C'est à cause du vieillissement, donc une perte d'autonomie mais qui est liée au vieillissement. Si on me disait: C'est les pertes d'autonomie, c'est les coûts de santé, c'est à cause des médicaments, c'est à cause de toutes sortes de choses qu'il y a des... là, c'est autre chose, on peut aller sur une caisse santé. Mais ce n'est pas ça qu'on dit.

On dit: Les aînés, les vieux, en d'autres mots, c'est eux qui sont responsables, qui sont le fardeau, qui seront le fardeau de cela. Bien, si c'est ça, le cas, il faut appliquer le remède sur le diagnostic. Et c'est pour ça que nous cernons autour de ce qui est la perte d'autonomie liée au vieillissement. Et on a peur que, si c'est trop général et si on parle des pertes d'autonomie en général, bien là il va y avoir encore des mouvements qui vont se faire. Pour nous, là, c'est la perte d'autonomie liée au vieillissement. C'est ça qui va nous amener des coûts, nous dit-on? Bien, appliquons un soutien à ces personnes qui sont en perte d'autonomie et qui sont liées au vieillissement. Nous n'avons pas choisi, en d'autres mots, l'identification, elle est faite par les commissions qu'il y a eu de part et d'autre, par les enquêtes, par les courbes qui sont faites. Bien, répondons donc à ce projet particulier.

C'est vrai que la première réaction du Conseil des aînés et des gens qui étaient autour de la table, c'est de dire: Bien, encore une fois, on va se faire stigmatiser, on est encore le fardeau, on est tout ceci. Mais quand même, là, acceptons la réalité comme elle est. Alors, c'est pour ça. C'est ce qui nous fait opter vers un choix et de bien cerner que ce sera lié aux pertes d'autonomie qui sont liées au vieillissement.

n (15 h 50) n

M. Couillard: Je pense quand même que les personnes plus jeunes qui sont en situation de perte d'autonomie par handicap ou maladie chronique également ont des besoins similaires. Je pense qu'il n'y a pas d'exclusion des... En tout cas, on verra. M. Ménard, lui, propose les deux, là. Vous, vous voulez qu'on la restreigne à la perte d'autonomie liée au vieillissement. C'est qu'également les handicapés ne choisissent pas le... Ce n'est pas un résultat du système de santé non plus. C'est un élément de fait soit par problème congénital soit par maladie, traumatisme.

M. Lalande (Georges): M. le ministre, là, comprenez-moi bien, là. Ce n'est pas le fait qu'il ne faut pas reconnaître qu'il y a des besoins qui sont là, puis qui vont demeurer, puis qui le seront, puis qui... La question n'est pas là. Mais, dans les projections, que ce soit M. Ménard, que ce soit M. Clair, n'importe où, on ne nous indique pas là-dedans que c'est des pertes d'autonomie pour les gens qui sont handicapés. Ce n'est pas ça qu'on nous dit qui va être responsable des coûts. On les connaît, ça, c'est la situation actuelle. On nous dit: Ceux qui sont responsables, c'est les personnes... Et c'est pour ça que je pense qu'il faut appliquer le remède sur le diagnostic qui est fait.

M. Couillard: Puis on va nous dire également qu'il existe déjà des assurances privées pour justement la perte d'autonomie, pour les services non assurés, dont le soutien domestique, etc. Mais ces assurances-là sont très chères, et en général les gens n'y ont pas accès. Alors, c'est un peu une situation comparable à ce qui existait en assurance automobile avant la SAAQ. Il s'agit de mutualiser ça dans un beaucoup plus large bassin de population, avec bien sûr un ajustement selon le volume, ce qui est un autre aspect intéressant de la proposition.

Vous avez parlé des assurances privées, le point qui est discuté dans le document. Et beaucoup de gens nous posent la question: Bien, pensez-vous que les compagnies d'assurance vont vouloir développer... Honnêtement, ça nous est assez indifférent. La mission du gouvernement n'est pas de développer un plan d'affaires pour l'industrie de l'assurance. On avait un problème technique, un problème légal posé par la Cour suprême, et c'est ce qu'on a résolu. S'il y avait un bienfait de l'assurance privée pour le financement de la santé ou d'autres problèmes structurels du système de santé, ce serait intéressant, mais, comme on sait que ça n'a pas d'effet significatif, honnêtement ça ne nous inquiète pas vraiment.

L'autre chose qu'il faut rétablir, puis le député de Borduas y a déjà fait allusion une fois, c'est que ce n'est pas les personnes âgées qui nous écoutent qui auraient accès à ces assurances-là parce que par définition elles sont probablement non assurables à cause de conditions préexistantes, ou autres. Il y a plusieurs raisons de ne pas couvrir, hein? En général, plus on est en santé, plus on est couvert. Et, s'il y a un produit qui est offert ? on verra, les assureurs vont probablement venir nous rencontrer en commission ? ça risque d'être dans le marché de l'assurance collective. Puis même là j'ai des doutes parce que ça va être très cher. Puis, si vous regardez les groupes d'employés, juste le fait d'ajouter un plan dentaire pour, je ne sais pas, moi, 50 $ par mois, souvent les employés refusent parce qu'ils ne veulent pas payer 50 $ par mois. Là, on parle d'assurances qui vont coûter au bas mot plusieurs centaines de dollars par mois. Alors, on est dans un monde, là, complètement distinct, et je pense que c'est important de réaliser ça.

Je vais terminer avec le panier de services. Puis on va revenir, vous allez voir, on va se raccorder à notre discussion initiale sur le financement parce qu'il y a deux types... Quand les gens viennent nous dire: Il faut réviser le panier de services, ça peut vouloir dire deux choses. Ça peut vouloir dire: Bien, il faut prendre des éléments qui sont dans le panier de services puis les enlever. Ou ça peut vouloir dire: Il faut ajouter des éléments au panier de services. Votre représentation est plutôt de nous dire: Bien, on devrait financer les activités non assurées qui ont rapport avec le maintien de l'autonomie des personnes. Puis ça, ça nécessite un financement. Puis vous avez identifié la caisse d'autonomie pour le financer. Et je ne vois pas dans votre mémoire ? à moins que je ne me trompe ? de recommandation de réviser à la baisse le panier de services.

Je vous signale, en passant ? parce qu'on nous a fait ce genre de représentation là ? que, quand on fait les calculs, ce n'est pas des énormes économies, en passant. Ce qui est possible théoriquement, peut-être après un débat qui pourrait être assez délicat... Parce que c'est des jugements très subjectifs, hein, ce qui est essentiel ou moins essentiel. L'économie dégagée n'est pas très grande. Puis ce qui arrive en général, c'est que ces sommes-là sont dans les masses de rémunération des fédérations médicales, et les dispositions sont telles que l'argent ne peut pas être retiré de la masse, il est réaffecté à d'autres types d'actes médicaux. En pratique, il n'y a pas beaucoup d'économie.

Donc, je veux juste comprendre et m'assurer que je comprends bien votre recommandation sur le panier de services. Vous suggérez qu'on y ajoute les services qui sont relatifs à la perte d'autonomie mais en autant qu'on développe en parallèle un mécanisme de financement à long terme spécifique.

M. Lalande (Georges): C'est très juste, M. le ministre, parce que ? comment je pourrais dire, là? ? les personnes en milieu d'hébergement, les caractéristiques, le portrait a changé considérablement depuis quelques années, et le panier de services n'a pas été nécessairement réajusté. Vous savez mieux que moi que l'avancement en âge de façon, je ne dirais pas accélérée mais qui est sur une courbe linéaire, là, mais qui va se prolonger encore pendant plusieurs années, nous amène tous les problèmes d'ordre cognitif, et tout ça. Donc là, forcément ça va nous amener à des services particuliers. Il y a aussi les... c'est que la population à risque s'est modifiée au cours des années, donc les questions de démence puis les questions de services à domicile. Et là-dessus, là, on est d'accord avec votre orientation, sur le plan d'action 2005-2010, là, de maintenir à domicile, en tout cas de soutenir à domicile les gens le plus possible. Mais encore là il va falloir être capable, là, ces personnes âgées là, être capable de les supporter. Alors, c'est pour ça qu'on pense qu'il y a tout l'aspect des économies sociales qui sont arrivées, la formation des personnels, et tout ça. Tout ça devrait... Et nous ne sommes pas entrés dans les études, là, si c'était plus ou moins. C'est bien plus de revisiter, de revoir, de réviser, pas nécessairement à la hausse, mais de changer. Si évidemment il y a des clientèles qui sont plus à domicile, bien les budgets devraient suivre là, mais...

Donc, des réaffectations, c'est bien plus ça qu'on a en tête, là, qu'autre chose. Et, s'il y a augmentation, et c'est fort probable, là, comme vous le dites, là, par expérience, à chaque fois qu'on fait des réaménagements, des révisions, c'est toujours vers la hausse, bien voilà pourquoi il y aura une caisse spécifique qui est dédiée à ça. Vous avez raison de faire un trait d'union entre les deux.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Merci, M. le Président. Vous avez mis... La discussion que le ministre vient d'avoir avec vous a porté beaucoup sur le financement à long terme du système justement en regard des impacts du vieillissement pour des personnes comme lui, et moi, et la plupart des gens autour de la table, tu sais, les baby-boomers que nous sommes et qui auront l'âge d'être en chaise berçante et, j'espère, pas Alzheimer, dans 30 ans, là, alors. Et ce que vous dites, c'est que bon il faut prévoir, je veux dire, un fonds, une caisse pour être en mesure de faire face à la période de pointe, là. Il y a une vingtaine d'années, là, qui vont être plus critiques.

Mais le problème, c'est aussi les besoins à court terme. Et je parle de ça parce que vous avez pris l'exemple, et puis on en a parlé ce matin, puis je pense qu'on va en reparler souvent. Vous n'êtes pas le seul, là. Hier, il y a un autre groupe, l'association des établissements de santé et de services sociaux, qui a parlé de l'utilisation de la baisse de la TPS plutôt que de la laisser, comme nos chefs le proposent, là, pour le moment dans les poches des contribuables. Il y a des gens qui nous disent: Vous ne devriez pas faire ça ? d'un côté ou de l'autre de la table, là ? vous devriez accepter de pouvoir utiliser cet argent-là et de faire en sorte que finalement on puisse faire face à des besoins actuels. Moi, ce que j'ai compris tantôt, c'est que, vous, vous aimeriez utiliser ça pour la mettre dans la caisse tout de suite pour l'avenir. Là, on a un problème, là.

Je comprends qu'il faut préparer une caisse ou une réserve pour plus tard, mais, compte tenu des besoins énormes, là... Je vais vous donner juste quelques éléments, là. Écoutez, on avait promis, du côté gouvernemental ? puis encore là ce n'est pas une question de blâme, là, on ne fait pas... ? de mettre, dans le mandat, 8,9 milliards de dollars en réinvestissement dans le système de santé. Et, si on dit que ça prenait un peu plus que 1 milliard par année pour maintenir les coûts de système, ça veut dire 5 milliards ou 6 milliards, disons 6 milliards, pour... Ça veut dire qu'on promettait un 3 milliards pour justement faire le rattrapage puis les mises à niveau qui sont essentielles à l'égard notamment des attentes dans toutes sortes de problématiques et à l'égard aussi...

n (16 heures) n

Par exemple, ce matin, le dernier groupe qu'on a reçu, c'est un groupe, là, qui s'est intéressé, qui est concerné... en fait, c'est le Conseil québécois sur le poids et la santé, c'est un nouvel organisme, qui nous disait: Dans le fond, si on regarde les normes internationales qui devraient commencer à prévaloir partout, là, le Québec met 2 % de son budget en santé pour la prévention, il devrait en mettre 5 %. 5 %, sur un budget de 21 milliards, c'est beaucoup d'argent, beaucoup d'argent qui n'est pas au rendez-vous, là. Alors, si on veut agir, mettre le niveau d'investissement adéquat maintenant pour faire face aux problématiques actuelles d'attente, pour faire face aussi aux enjeux de la prévention et pour qu'on puisse changer la dynamique des comportements de santé, en fait des habitudes de vie, pour que les gens vieillissent en développant moins de maladies chroniques puis en étant moins une charge pour l'avenir...

Parce que dans le fond, ce dont vous parliez tantôt, il y a comme une espèce de double risque, là. Vous, vous disiez: Les gens de votre génération ? parlant de la nôtre ? quand vous allez vieillir, peut-être que vous devriez travailler plus longtemps. C'est d'ailleurs ce que la Commission des droits de la personne est venue nous dire hier en prenant l'exemple finlandais. Ils ont fait la démonstration là-bas que finalement on peut amener les gens à travailler plus longtemps, être productifs plus longtemps et donc à faire en sorte de réduire d'autant l'impact négatif financier du vieillissement pour la suite. Mais en contrepartie ce qu'on apprend, c'est que les gens d'aujourd'hui qui vont justement vieillir, ils vieillissent mal parce qu'ils s'alimentent mal, ils ne font pas d'exercice, ils fument encore trop, et je pourrais en ajouter quelques autres, là.

Alors, finalement, là, on se retrouve à créer, peut-être à vouloir éventuellement utiliser une cagnotte qui pourrait peut-être être disponible, celle-ci ou éventuellement une autre, pour la mettre pour l'avenir, mais est-ce que ce n'est pas maintenant aussi qu'il faudrait investir d'une façon significative pour que ceux qui vieillissent soient aussi moins un fardeau? Parce que, si dans le fond les gens comme moi qui ont 56 ans, si on fait de l'exercice, et puis si on s'alimente bien, puis si on ne fume pas, puis si on a un certain nombre de comportements plus sains, on risque d'être moins un fardeau dans 25 ans ou dans 30 ans que si on continue, comme plusieurs d'entre nous, sur une lancée toxique et complètement aberrante à l'égard de la santé, là.

M. Lalande (Georges): Bien, M. le député, d'abord la caisse de la perte d'autonomie, là, liée au vieillissement bien s'adressait au troisième ordre de proposition, qui était les enjeux qui sont liés au financement à long terme. Donc, c'est à ça qu'on a répondu. Bon. Mais en même temps j'ai esquissé quand même, sur le premier plan, que les coûts actuels qui sont... À l'heure actuelle, on sait que les coûts sont énormes, mais on sait aussi en même temps, nous, au Conseil des aînés, par les liens que nous avons, que les services à domicile, la formation, les liens, à l'heure actuelle, c'est déficient. Je pense que M. le ministre le sait aussi, que... Et le plan d'action...

M. Charbonneau: ...régulièrement, d'ailleurs.

M. Lalande (Georges): Le seul reproche que nous avons fait au plan d'action du ministre de 2005-2010, c'est de dire: Oui, le plan d'action, il a une belle orientation, il est clair, il est précis, on sait où on va, c'est déjà beaucoup, mais en même temps il faudrait que les budgets suivent avec ça parce que, si on veut maintenir à domicile plus longtemps les gens, mieux les supporter, mieux les préparer, bien il y a de la formation qui doit être faite, là, il y a le personnel qui doit être formé aussi et puis il faut donner ces supports-là qui sont à domicile. Là, il y a une congruence, là, qui doit être exprimée. Mais, très franchement, là, je n'ai pas la prétention d'essayer de régler les problèmes des coûts de santé aujourd'hui, ça, ça pourrait être un autre débat, mais vous avez raison de dire qu'on ne peut pas se pincer le nez puis dire: Pendant 20 ans, là, on va vivre comme on peut puis, dans 20 ans, on aura la chance d'avoir la cagnotte.

Écoutez, la caisse de perte d'autonomie qui est liée au vieillissement, si la façon de la constituer et de l'entretenir... Parce que c'est important d'y aller tout de suite pour être capable de capitaliser, alors donc pour être capable d'en avoir les revenus et les avantages plus tard. Si on peut y mettre plus à l'heure actuelle puis en affecter une certaine partie bien contrôlée pour... ne pas attendre 20 ans mais commencer dès maintenant, c'est une discussion qui peut être faite. Mais disons à tout le monde, responsabilisons toute la population à cet égard, de dire qu'il y a des coûts qui sont liés à la santé, qui sont liés à la perte d'autonomie qui est liée au vieillissement, bien commençons. On peut commencer maintenant en sachant qu'on s'en va en progression, que ça coûtera plus tard, puis de le gérer avec toute la rigueur possible pour être capables d'y arriver.

M. Charbonneau: Écoutez, moi, je partage cette lecture-là. Puis c'est vrai que finalement on n'en met pas assez, que, par exemple, dans le plan d'action, on l'a dit très gentiment et amicalement au ministre, mais... Tu sais, vous ne pouvez pas promettre de mettre 625 millions sur cinq ans pour les places en CHSLD puis les soins à domicile... Puis, si vous en mettez, au lieu de 625, à peine 165 sur une période de quatre ans, il en manque pas mal, hein? Puis, je veux dire, le résultat de ce manque-là, il est réel, c'est-à-dire il y a une conséquence à l'acte, comme on dit. Quand les jeunes font des coups, là, tu sais, à un moment donné, il y a... Ce n'est pas vrai que ça n'a pas eu de conséquence puis que ça n'en aura pas si ça continue dans ce sens-là.

Et c'est pour ça que, quand vous dites: Bon, bien, il faut responsabiliser, moi, je suis d'accord pour qu'il y ait une responsabilisation aujourd'hui de l'ensemble de la population pour prévenir ce qui va se passer dans 20 ans, puis dans 25 ans, puis dans 30 ans. Mais la responsabilisation, c'est peut-être aussi de dire à nos concitoyens et à nos concitoyennes: Écoutez, là, est-ce que vous voulez vraiment avoir un peu plus d'argent dans vos poches maintenant pour dépenser ou si vous voulez que finalement le gouvernement, qui donnerait des garanties, ait les moyens de vous donner un niveau de services amélioré dans des domaines névralgiques?

Parce qu'en bout de piste, si le premier ministre puis le chef de l'opposition officielle refusent d'utiliser le recyclage de la TPS pour les soins de santé puis le financement du système de santé, c'est parce qu'ils sentent politiquement, là, tu sais, que c'est délicat, là, hein? Mais, tu sais, politiquement, si c'est délicat, c'est pourquoi? Parce que les citoyens pourraient peut-être ne pas aimer ça. Mais, je veux dire, la responsabilité citoyenne, c'est peut-être aussi de se demander: C'est-u ça qui... Tu sais, on n'aimerait peut-être pas ça, mais dans le fond est-ce qu'on devrait peut-être aimer ça au lieu de ne pas avoir un réflexe... Et il y a certains sondages qui nous disent que, quand on pose la question aux gens, les gens seraient prêts, par exemple pour l'environnement, pour la santé, peut-être dans le fond même à assumer, dans certains cas, des augmentations. Là, on ne parle même pas d'augmentation, on aurait maintenu le statu quo, on l'aurait recyclé plutôt que de l'envoyer pour la consommation.

M. Lalande (Georges): Bien, je pense que la réflexion est bien amorcée. Et ça me permet de dire que très franchement le Conseil des aînés vous félicite, M. le ministre et tous les membres de la commission, d'amorcer de façon aussi rigoureuse cette discussion dans laquelle nous avons aujourd'hui... Là, il n'y a pas de surprise. Les choses sont faites correctement ? permettez-moi de vous le dire, là ? de regarder avec une vision... Parce qu'après tout il fallait réagir à l'arrêt de la Cour suprême du Canada. Je pense que vous l'avez fait avec parcimonie, avec rigueur et avec sagesse, ce qui a conduit... On dit toujours que c'est une des caractéristiques qui caractérise les aînés, ça, la sagesse, mais là je pense qu'elle s'est transportée ailleurs. Le travail, il est bien fait, on sait où on s'en va. Mais nous sommes au stade des réflexions qui concernent bien sûr la situation actuelle. Nous en sommes, mais, si on se fie aux courbes et aux orientations, ça deviendra extrêmement difficile au fur et à mesure où on avancera sur cette période de 30, 35 ans. Bon. Alors, il faut prévenir.

M. Charbonneau: Sur la question de l'assurance privée, bon vous prenez acte que ce n'est pas trop favorisé. Est-ce que vous ne craignez pas néanmoins qu'on crée une dynamique où on ouvrirait à plus puis qu'éventuellement, finalement, il y ait... certains ont utilisé le mot «cannibalisation» des ressources, en fait des ressources qui sont dans le système public pour les envoyer, tu sais, dans un réseau parallèle privé? Est-ce que le conseil a une opinion sur... Parce que, là, on nous annonce en plus qu'on va ouvrir éventuellement à plus. Est-ce que le conseil s'est penché sur le plus éventuel qui est annoncé?

M. Lalande (Georges): Bien, écoutez, on a considéré que les trois chirurgies électives, bon, qui sont là, que c'était habile d'y arriver et d'ouvrir au minimum encore une fois la porte. Et ça, on est à l'aise avec ce qui se passe là parce que le système public devient toujours le parapluie important, et l'incursion qu'il peut y avoir au niveau du privé, là, ne nous est pas... Si ça devait s'élargir à d'autres chirurgies, ou quoi que ce soit, il me semble que le minimum qui doit être fait, c'est que la question revienne devant l'Assemblée nationale, que ce ne soit pas juste une question de décret, là, c'est que ça revienne devant... pour qu'il y ait une discussion sur ça. Est-ce qu'au cancer, oui ou non, tu sais, il faut l'ouvrir à ce domaine-là? Peut-être que la population va être d'accord, hein? Peut-être qu'elle ne sera pas d'accord aussi. Mais je pense qu'il faut le faire sérieusement, en commençant par ceci. Si jamais il faut aller plus loin... Parce qu'il ne faut pas élever des temples ou des églises en disant, là: Tout ce qui est public est parfait, puis ce qui est privé n'est pas bon, ou quoi que ce soit. Ce qui est important, c'est les citoyens et citoyennes, qu'ils aient les services adéquats et en temps opportun.

n (16 h 10) n

M. Charbonneau: Bien. Bien, écoutez, merci beaucoup de cette présentation ici, à l'Assemblée. Moi, je suis d'accord avec vous, parce que finalement, votre présence aujourd'hui... c'est parce que c'est à l'Assemblée que ça va se décider. Les législations qui vont suivre éventuellement le plan gouvernemental, c'est ici. De toute façon, la consultation sur la proposition gouvernementale, elle se fait publiquement aussi. Et c'est vrai que, si... Puis c'est ce qu'on a dit d'entrée de jeu au ministre puis au gouvernement: Votre proposition actuellement ferait en sorte que, si on ouvrait plus dans l'avenir, tout ça se ferait en catimini, dans une discussion au Conseil des ministres puis par décret. On n'aurait pas grande possibilité d'avoir un vrai débat public sur le plus.

Moi, je suis d'accord, là, il ne s'agit pas d'ériger des dogmes, mais il s'agit néanmoins de se rendre compte que, si on ouvrait beaucoup plus, il y aurait encore plus de conséquences, à ce moment-là, à évaluer. Et ça, ce genre de décision fondamentale qui touche à la philosophie même puis au principe de base même du fonctionnement du système, ça doit être débattu publiquement puis ça doit être débattu dans le premier lieu où ce genre de débat là doit se faire, c'est au Parlement. Alors, je suis content de voir que vous allez dans ce sens-là aussi parce que, plus il y en aura qui le diront, plus le ministre et le gouvernement seront incités à peut-être revenir sur une position qui serait plus acceptable, là. Alors, M. le président, merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Lalande, Mme Villeneuve, M. Gagnon, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom du Conseil des aînés.

J'invite le Dr Michel Pelletier à prendre place à la table.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 12)

 

(Reprise à 16 h 13)

La Présidente (Mme L'Écuyer): Est-ce qu'on reprend les travaux? Merci.

Je vous souhaite la bienvenue, Dr Pelletier. Je vous informe que vous avez 10 minutes pour votre présentation, et après les gens de chaque côté vous poseront des questions. Une minute avant la fin, je vous fais signe. C'est à votre tour, Dr Pelletier.

M. Michel Y. Pelletier

M. Pelletier (Michel Y.): Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi d'abord, Mme la Présidente, de remercier la commission de me recevoir en audition et de remercier aussi, j'imagine, M. le ministre de la Santé et le parti de l'opposition.

Alors, mon nom est Michel Pelletier, je suis médecin spécialiste en santé communautaire et je présente ce mémoire à titre de citoyen. Citoyen certes informé, puisque j'ai été pendant 12 ans directeur des affaires médicales ou des affaires professionnelles à la Régie de l'assurance maladie. Je suis présentement médecin-conseil à l'Agence de la santé et des services sociaux du Bas-Saint-Laurent, affecté au dossier de l'organisation des services médicaux spécialisés et responsable de la mission régionale de préparation à la pandémie appréhendée d'influenza. Je veux préciser que l'Agence de la santé et des services sociaux du Bas-Saint-Laurent n'a été aucunement impliquée dans la préparation de mon mémoire. C'était pendant ma période de vacances, après les fêtes.

En raison du peu de temps à ma disposition, je serai très bref dans ma présentation, puisque mon mémoire parle par lui-même, je pense. Alors, je voudrais simplement vous montrer certaines choses. À la une du Devoir du 10 décembre 2003, on pouvait lire: Le FMI plaide pour la privatisation en santé. Un peu spécial. La semaine passée ou au début de cette semaine, dans le journal Les Affaires, un encart qui dit: La santé au privé, dans lequel on retrouve les appareils d'imagerie dernier cri, les dispensateurs de services très souriants, mais pas beaucoup de patients démunis ou pas de mention de patients démunis en attente de services. Par ailleurs, l'année dernière, en 2005, dans un éditorial signé par le président de l'Association américaine de santé publique, on pouvait lire ? excusez, c'est parce que je veux traduire ? on peut lire dans son éditorial: La couverture universelle des soins de santé est la réponse au problème d'augmentation des coûts de santé dans notre pays ? on veut dire les États-Unis.

Alors, c'est, Mme la Présidente, des propos fort contrastés, pour ne pas dire un peu contradictoires. Et malheureusement les forces en présence ? je parle des lobbys politiques ? sont, pour dire le moins, très inégales, ces forces-là, ce qui risque de fragiliser les acquis de notre régime.

Alors, en réaction et de façon très pragmatique, mon mémoire propose, en plus de l'abrogation des articles interdisant l'assurance privée, puisqu'il faut obtempérer à la cour, mon mémoire propose le financement de la chirurgie ambulatoire en clinique privée, à l'intérieur du régime d'assurance maladie, sur le modèle déjà éprouvé des cliniques de radiologie, en négociant des frais accessoires avec les fédérations, particulièrement la Fédération des médecins spécialistes.

Ma motivation à rédiger ce mémoire fut la répétition de faussetés véhiculées par les partisans du privé, laissant entendre que notre régime est taré et unique au monde parce qu'il ne ferait pas de place à la médecine privée. D'abord, cela est faux, et, deuxièmement, les personnes qui ont présidé à la planification ont réalisé, dans les années soixante, ce qui est reconnu comme un modèle et un classique de la planification sanitaire dans le monde, enseigné dans les grandes universités américaines. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas maintenant adapter certaines modalités à notre situation actuelle.

Alors, Mme la Présidente, je suis prêt à recevoir les commentaires et les questions. Merci.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Je vous remercie, Dr Pelletier. Bien que bref, vous allez au coeur de nos préoccupations. Je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Pelletier, félicitations d'abord pour votre contribution à titre de citoyen. Vous avez dit que vous avez fait ça pendant vos vacances. Moi, j'espère que, pendant ma semaine de vacances, à Pâques, je vais penser à tout sauf le jugement Chaoulli et Zeliotis.

M. Pelletier (Michel Y.): Je vous le souhaite quand même parce que je n'ai pas la même position que la vôtre.

M. Couillard: Effectivement, là, vous êtes bien placé par ailleurs pour commenter pratiquement comment ça se vit dans une région. Parce qu'il y a deux réalités, hein? Il y a la région du Bas-Saint-Laurent comme chez vous et puis il y a la région urbaine. Ce n'est pas le même monde en termes d'accessibilité aux services puis de dispositions à prendre, pour plusieurs raisons. D'abord, la pression des demandes de soins est un peu moins élevée. Par contre, il y a des problèmes d'effectifs médicaux qui font que la pression résultante augmente. Et puis également les problèmes d'accessibilité, en termes de nombre, ne sont pas immenses, de sorte qu'on peut raisonnablement penser qu'en bien structurant le système public comme il est, en ayant les bons corridors de services on soit capable, dans une région comme la vôtre, de régler une bonne partie des problèmes d'accessibilité avec des effectifs, puis des investissements, puis de l'organisation corrects.

Supposons que ? pas nécessairement pour le Bas-Saint-Laurent parce que je ne pense pas que le modèle va s'appliquer particulièrement au Bas-Saint-Laurent ou dans une autre région ? supposons que, dans une région comme Montréal, ou la Montérégie, ou Québec, il y a une ou deux cliniques affiliées comme on les propose, un peu comme ce que vous dites, là, les cliniques ambulatoires financées par l'assurance maladie du Québec. Il y a toute la question du déplacement des médecins. Et, nous, ce qu'on propose ? on ne le propose pas dans le document, mais on est en train de cheminer puis on l'a dit en commission déjà ? c'est un mécanisme par lequel il faudrait que les médecins, pour être accrédités à travailler dans une de ces cliniques spécialisées affiliées, soient en mesure de démontrer qu'ils remplissent ou qu'elles remplissent toutes leurs obligations dans l'hôpital public. Ça veut dire: présence en salle d'opération, la garde, la clinique externe, l'enseignement, s'il y a de l'enseignement à faire, dans un centre universitaire. Est-ce que vous pensez que c'est essentiel d'avoir ces dispositifs ou on devrait plutôt laisser les choses se faire naturellement?

n (16 h 20) n

M. Pelletier (Michel Y.): Non. J'aurais pu l'inscrire, évidemment mon mémoire reflète plus une situation urbaine qu'une situation comme le Bas-Saint-Laurent ou les régions plus éloignées, où ma proposition s'applique un peu moins, compte tenu des déficits en effectifs. Mais quand même, si cela s'appliquait en région urbaine, j'ai exprimé quelques conditions pour installer un tel régime, une telle modification. Mais j'en ai oublié une en fait, et ce qui est dommage, c'est que ça regarde les régions comme la mienne, c'est qu'il faudrait s'assurer que, par exemple, les médecins anesthésiologistes qui iraient travailler dans ces cliniques privées ne le fassent pas aux dépens des services qu'ils peuvent venir donner en région comme la nôtre parce qu'on a encore des centres hospitaliers sans anesthésiologiste et on a besoin de dépannage malheureusement encore pendant quelques années. Et, si cela faisait en sorte que les médecins dépanneurs qui viennent nous prêter main forte décidaient plutôt d'aller travailler en clinique privée, bien, évidemment, là, on serait très mal servis par une telle réforme.

Et il faudrait donc mettre une condition, c'est-à-dire celle-ci, c'est que, les médecins, avant de travailler en clinique privée, il faudrait que leur fédération ou un mécanisme quelconque s'assure que l'ensemble des besoins, particulièrement en région éloignée, soient couverts avant d'aller autoriser des ressources dans ces cliniques. Alors, vous avez parfaitement raison, et c'était un léger oubli qui m'est venu par la suite.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le ministre.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. L'article que vous avez cité tantôt, là, l'éditorial américain, ça illustre également un autre aspect de notre système de santé sur lequel on revient peu souvent, c'est son rôle d'ajout de compétitivité à notre milieu économique. Nos entreprises, n'ayant pas à soutenir de larges charges de couverture d'assurance maladie, sont plus compétitives, pour l'installation notamment. C'est la raison pour laquelle cet éditorial a été écrit. C'est qu'il y a maintenant des entreprises qui prévoyaient s'installer aux États-Unis, qui décident de s'installer au Canada à cause de l'impact des coûts de santé dans leur budget. Ça, c'est un élément qu'on ne mentionne pas souvent.

Vous avez déjà travaillé à l'assurance maladie du Québec avant d'être... Vous avez dit tantôt que vous étiez au bureau de révision ou...

M. Pelletier (Michel Y.): C'est-à-dire que j'étais responsable de la rémunération des professionnels en général, pharmaciens, médecins, etc., alors donc le contrôle de la rémunération, particulièrement.

M. Couillard: Alors, à la page 7 environ de votre mémoire, vous abordez la question des actes médicaux non médicalement requis. Je suppose que c'est une façon élégante de dire non pertinents ou plus ou moins indiqués?

M. Pelletier (Michel Y.): C'est la façon légale de le dire.

M. Couillard: Ça existe. On le sait que ça existe, ça a été démontré dans de nombreuses études. Et vous suggérez de renforcer, là, essentiellement les mécanismes coercitifs, comité de révision, pénalité. Comment est-ce que votre expérience, votre passage à la RAMQ vous amène à recommander cette intensification de la surveillance?

M. Pelletier (Michel Y.): Bien, c'est parce que les médecins qui sont cités ? et c'est un petit nombre, hein, c'est moins d'une dizaine par année sur 15 000 médecins ? les médecins qui sont cités devant le comité de révision, c'est-à-dire devant leurs pairs, même si on démontre qu'ils... C'est un mécanisme quasi judiciaire qui leur permet de se défendre. Et, si le comité de révision peut prouver qu'ils ont effectivement fait des actes non médicalement requis, ils doivent rembourser. Mais les méthodes de calcul prévues depuis le début font en sorte que, parce qu'on tient compte que certains de ces actes-là peuvent avoir été pertinents, on fait un calcul compliqué, et finalement les médecins s'en tirent en ne payant qu'une petite proportion de l'argent qui aurait été, entre guillemets, détourné. Donc, il faut établir, en plus de ce calcul-là, une pénalité, je pense, minimale et il faut que les comités de révision eux-mêmes soient composés de personnes plus indépendantes.

Dans le comité de révision des médecins spécialistes ou des omnipraticiens, il y a ? je ne me souviens plus ? deux ou trois sur cinq médecins qui sont issus de leurs fédérations. Je ne dis pas que ces gens-là ne font pas objectivement leur travail, mais ce que je dis, c'est que les fédérations n'ont pas leur place à cet endroit-là, leurs représentants n'ont pas leur place, et on devrait choisir des gens plus indépendants, des gens du milieu académique, par exemple, en plus des deux médecins dont les noms sont soumis par le Collège des médecins. Alors, la représentativité devrait être changée et, comme je l'ai dit, une pénalité sérieuse devrait être appliquée, parce qu'il y a des choses tout à fait abracadabrantes que l'on rencontre dans ces profils que l'on examine.

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le ministre.

M. Couillard: Évidemment, là, il s'agit de cas aberrants, là, mais il y a toute la question de la pertinence des actes médicaux, qui est un concept beaucoup plus large. Puis, dans cette question-là, on sait que les actions de sensibilisation, et de visibilité, et d'éducation sont très efficaces. Moi, quand j'étais dans la pratique médicale puis dans l'enseignement, j'utilisais beaucoup une étude qui a été faite dans l'Ouest canadien sur la chirurgie qui consiste à débloquer les artères du cou, là, les carotides, où les indications sont très précises. Et on avait, de façon aléatoire, vérifié si les interventions pratiquées correspondaient aux indications, pour trouver un chiffre, un pourcentage très élevé de non-pertinence d'actes médicaux. C'était vraiment significatif, le pourcentage de chirurgies qui étaient faites sans correspondre aux indications scientifiquement reconnues. Et, par le seul fait de divulguer ces chiffres-là, de les rendre publics institution par institution, d'avoir un programme de formation entre médecins pour faire un consensus sur les véritables indications, en l'espace d'un an, vous avez vu le chiffre baisser de façon significative. Est-ce que vous pensez également que ce genre...

M. Pelletier (Michel Y.): Bien, c'est qu'il faut faire attention, cependant. Nous ne sommes pas en conflit, à la Régie de l'assurance maladie, avec le Collège des médecins, mais il y a une différence entre ce qui est non médicalement requis et ce qui est pertinent, et on s'entend avec le collège... quand on fait le travail que je faisais, on s'entend avec le collège pour départager. Le domaine de la pertinence, c'est de la responsabilité du collège, et on essaie de ne pas entrer dans ce domaine-là. Et le domaine du non-médicalement requis, c'est-à-dire ? quel exemple je pourrais vous donner? ? voir un patient quatre fois par semaine en psychiatrie, alors que c'est reconnu que la psychothérapie, ça doit être maximum deux fois par semaine, bien là on tombe soit dans la psychanalyse ou soit dans le non-médicalement requis, alors il y a une entente tacite entre le collège et l'assurance maladie pour... Parfois, on est carrément sur la clôture, mais on partage ces responsabilités-là. Et, comme on sait, le collège peut avoir l'information de la facturation des médecins pour des domaines bien précis. Alors, il y a une bonne entente qui se fait, mais il ne faut pas tomber dans les responsabilités du collège, avec les travaux de l'assurance maladie, qui sont du domaine très administratif et de facturation.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, Dr Pelletier. Nous allons passer la parole au député de Borduas, porte-parole de l'opposition officielle.

M. Charbonneau: Dr Pelletier...

La Présidente (Mme L'Écuyer): Je vous rappelle que vous avez 10 minutes.

M. Charbonneau: Oui, bien, écoutez, Mme la Présidente, on a devant nous un mémoire très technique, là, de quelqu'un qui a une expertise pointue. Moi, je ne suis pas un spécialiste de ces questions-là, mais j'aimerais ça bien comprendre la recommandation principale que vous faites et je ne suis pas sûr de l'avoir bien comprise. Dans le fond, vous prenez acte. Est-ce que vous dites que le gouvernement, dans sa proposition, ne va pas assez loin dans l'ouverture à l'assurance privée ou si vous dites que ça va, que c'est assez et que finalement il pourrait néanmoins avoir des façons additionnelles ou complémentaires d'intervenir pour réduire les coûts ou pour avoir un niveau de performance plus adéquat? Je ne saisis pas très bien, là.

M. Pelletier (Michel Y.): Oui, c'est possible, mais, non, je ne dis pas que le gouvernement ne va pas assez loin. Je mets sur la table toutes les possibilités que le gouvernement a à l'intérieur de la loi actuelle et avec les modifications qui doivent se produire. Mais, moi-même, je favorise que les actes qui seraient faits à l'extérieur du milieu hospitalier et pour lesquels les médecins auraient des frais additionnels parce qu'ils devraient engager du personnel, avoir de l'équipement, comme en radiologie, que, pour ces actes-là, les médecins aient un honoraire spécifique, hein, pour ces activités-là, comme en clinique de radiologie, et que cet honoraire additionnel là pour le fonctionnement de la clinique doit être financé par le régime d'assurance maladie, mais ? et je chiffre le coût de ça seulement pour la chirurgie d'un jour ? je crois que ça coûterait autour de 160 millions de dollars. Bon, en passant, je l'ai trouvé, le 160 millions, à un autre endroit. Mais ça coûterait 160 millions de dollars.

Si on ouvre cette partie-là à l'assurance privée, c'est possible, mais là on créerait une deuxième vitesse. Et moi-même je ne favorise pas que l'assurance privée puisse financer ces honoraires additionnels parce que vraiment on créerait une deuxième vitesse, ce seraient les gens capables de payer l'assurance, et cette assurance-là serait très chère. Et j'ai montré comment cela coûtait en Suisse, par exemple, pour s'assurer, alors que, même si tout le monde est obligé de s'assurer, ce qui mutualise les risques, les coûts sont quand même énormes.

Donc, je favorise le déplacement d'activités ambulatoires ou de chirurgies d'un jour à l'extérieur des hôpitaux pour laisser de la place aux chirurgies plus lourdes, donc diminuer les listes d'attente, et de financer ces activités-là à même l'assurance maladie bien sûr par un ajout de ressources, par un ajout de budget et en n'offrant pas cette chose-là à l'assurance privée. En fait, là, si on abroge les articles 11 et 15...

Et je crois que le ministre l'a dit tout à l'heure, le rôle du gouvernement, ce n'est pas de donner sur un plateau d'argent aux compagnies d'assurance un plan d'affaires pour faire de l'argent, ça, ils sont très capables, ils ont des actuaires, des économistes, des analystes, ils vont trouver le moyen, mais ce n'est pas le rôle du gouvernement. Les compagnies d'assurance, si elles veulent entrer dans le marché, elles y entrent à leurs risques. Mais en général, en assurance, ce n'est pas la compagnie qui a beaucoup de risques.

n (16 h 30) n

M. Charbonneau: Parce que dans le fond ce que vous dites, c'est que, bon, comme la proposition est justement de faire ça, c'est-à-dire, pour un certain nombre de chirurgies électives ambulatoires, d'aller vers l'externe, vous dites: La façon... Puisque ce serait affilié, donc il y aurait un contrat. Dans le contrat éventuel, vous dites: Ce type d'honoraires là ou d'élément là devrait être prévu et assumé par l'État via la Régie d'assurance maladie.

M. Pelletier (Michel Y.): Exactement comme dans les cliniques de radiologie en dehors des hôpitaux, exactement le même modèle.

M. Charbonneau: D'accord. Bien, merci beaucoup, docteur.

M. Pelletier (Michel Y.): Merci.

La Présidente (Mme L'Écuyer): On vous remercie beaucoup, Dr Pelletier, pour votre présentation. Je demanderais au Dr Lessard de bien vouloir s'avancer.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme L'Écuyer): Bonjour, Dr Lessard, je vous souhaite la bienvenue. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire, et ensuite nous procéderons en alternance pour des périodes de 10 minutes aussi. Allez-y.

M. Jean Lessard

M. Lessard (Jean): Mme la Présidente, M. le ministre Couillard, M. Charbonneau, mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier d'emblée de l'occasion qui m'est offerte de venir présenter de vive voix le mémoire que je vous ai déjà présenté, et sachez que j'en suis très honoré.

Mon nom est Jean Lessard, je suis médecin de famille. Je suis propriétaire et administrateur d'une clinique médicale. Au sein de notre clinique, nous sommes constitués en GMF depuis bientôt deux ans. Nous y faisons de la médecine générale, suivi, prise en charge et nous avons également un service de sans rendez-vous. Je suis affilié au CSSS Richelieu-Yamaska, au sein duquel je participe au maintien à domicile. Je fais également du soin palliatif à domicile. De plus, je cache dans mes tiroirs un ancien diplôme de droit. J'ai été inscrit à l'ordre du Barreau jusqu'en 1995 et je suis le coauteur d'un livre en responsabilité civile médicale.

Le mémoire que je vous présente, je vous le présente strictement à titre personnel et je pense qu'il aura sans aucun doute l'avantage d'amener la réalité de la pratique médicale de première ligne devant vous. Je tiens à me positionner résolument à la défense de notre système de santé qui est public. Je pense qu'il est important de mentionner que nous avons, au Québec, des soins de qualité qui sont dispensés à l'ensemble de la population et que nous avons sur le terrain des équipes qui sont dévouées, compétentes et actives dans le maintien de la santé de l'ensemble de notre population, à tel point que nous savons très bien que nous n'avons jamais eu collectivement une aussi bonne espérance de vie et en bonne santé, une espérance aussi longue.

Par contre, bien entendu, dans notre système, il y a des brèches, et des brèches qui sont majeures, je dois dire, au niveau de l'accessibilité, entre autres ? j'en ferai mention, l'objet de la deuxième partie de mon mémoire ? et également une brèche majeure au niveau de la gratuité des soins. Notre système, étant public, laisse quand même des frais qui sont non négligeables, jusqu'à l'ordre de 30 % de dépenses de santé que le patient, que l'individu doit débourser soit de sa poche ou encore par l'entremise d'une assurance.

J'aimerais souligner... ou partager avec vous le danger qu'il y a d'introduire un tiers dans l'administration de la santé et d'introduire un aspect financier dans la relation patient-médecin. Je pense que ça peut entraîner des difficultés d'application, des difficultés dans la pratique et que nous pouvons avoir des écarts dans la pratique si nous avons ces pressions à titre de médecin. Et je vous soumets également que le médecin lui-même n'est pas à couvert de conflits d'intérêts et qu'on doit faire bien attention.

Mais je trouve surprenant un peu, et c'est un aspect majeur que j'aimerais apporter devant vous, surprenant et en fait un peu désolé de voir que, dans l'ensemble des débats qui ont cours actuellement, au Québec, l'on semble oublier la dimension particulièrement importante de la relation patient-médecin et de son équipe traitante. Bien sûr, actuellement, nous... et la commission actuellement gère l'aspect organisationnel des soins de la santé, mais je vous demande de toujours vous souvenir que la finalité de tous nos efforts, c'est de rendre un service au patient et d'améliorer la qualité de sa santé, au patient, de façon individuelle.

Il est nettement reconnu et enseigné en fait dans l'ensemble de nos facultés de médecine que la relation patient-médecin et équipe traitante est primordiale dans l'administration des soins de la santé. En fait, il faut savoir que, lorsque le patient consulte, ce dont il a besoin, c'est d'avoir une écoute, hein, d'avoir un lien de confiance qui se crée avec le médecin et son équipe traitante, d'avoir l'assurance que ces soins sont dispensés avec qualité, et avoir l'assurance surtout et ultimement de ne jamais être abandonné dans notre système de santé et d'avoir un suivi qui soit réel. Je vous le soumets, il ne faut pas passer sous silence cette importance de la relation patient-médecin qui est un levier extrêmement important dans tous les aspects de la pratique médicale au niveau de la prévention.

Au niveau de l'investigation, il est important de faire bien comprendre à notre patient ce qui est pertinent, peut-être parfois même moins pertinent. Dans le traitement et dans la «compliance», c'est-à-dire dans le suivi et l'implication du patient dans son traitement lui-même, le patient doit avoir une relation de confiance forte, et également pour la guérison éventuelle. Bien entendu, on fait grand état actuellement de la population âgée, et effectivement ça nous amène, en pratique médicale principalement de première ligne, je dois dire, à assumer des suivis de pathologies qui sont chroniques, et il est d'autant plus important de bien encadrer ces pathologies de façon à ce que le patient ne consulte pas inutilement, à tort, à travers et soit soumis parfois à des investigations qui ne sont pas toujours pertinentes.

Au niveau maintenant de la deuxième partie de mon mémoire, j'aimerais vous présenter l'importance de l'accessibilité. Il ne fait nul doute qu'au Québec une partie extrêmement difficile pour l'ensemble de la population, c'est d'avoir accès à un médecin de famille. La base du problème relève d'il y a bien longtemps et est principalement due à un manque d'effectifs sur le terrain. Heureusement, il y a des correctifs qui seront apportés ? on en aura les effets en 2015 ? par l'ajout net, semble-t-il, de 3 000 médecins. C'est très bien, mais je pense que nous devons d'ores et déjà organiser le travail clinique pour que ces médecins soient impliqués dans le suivi et la prise en charge.

n (16 h 40) n

J'aimerais faire un petit historique rapide de certains grands pans de développement dans notre système de santé. Dans les années cinquante, vous savez, la pratique médicale était principalement axée sur la pratique hospitalière, le bon vieux médecin de campagne qui décidait de ce qui était pertinent ou pas. Ce médecin avait les coudées franches dans sa pratique. Par la suite, nous avons eu l'assurance maladie, qui a été absolument primordiale, notamment au niveau de la gratuité, au niveau de l'accessibilité. Par la suite, dans les années soixante-dix, les CLSC ont vu le jour. C'était absolument indispensable de peut-être rendre le service, l'objectif était de rendre le service un peu plus près du citoyen en n'oubliant pas la mission psychosociale qui était nécessaire. L'objectif des CLSC était peut-être d'en faire la porte d'entrée de notre système de santé. Par contre, nous sommes à même de constater que le médecin de première ligne oeuvre encore principalement en cabinet privé. Par la suite, dans les années quatre-vingt, nous avons eu d'énormes changements. Nous avons été capables de mettre les services médicaux dans l'ensemble des régions du Québec et nous avons fait d'énormes efforts pour les urgences, les urgences intrahospitalières, ce qui était absolument nécessaire.

Vous voyez que, dans l'ensemble de ce que je viens de vous décrire, à aucun moment donné nous n'avons collectivement mis des efforts sur les cabinets privés ? deux minutes, merci, Mme la Présidente ? et alors que le... il est paradoxal, puisque, dans le cabinet privé, c'est principalement là que nous avons la majorité des soins qui sont donnés, c'est à cet endroit que nous avons des coûts moindres pour l'État, que l'établissement du lien patient-médecin se fait de façon la plus efficace et que le suivi longitudinal et également multisystémique sera possible, notamment pour le médecin de famille.

Donc, j'aimerais apporter votre attention, mener votre attention sur la nécessité de bien supporter la clinique privée et surtout aider à l'accessibilité, parce que le patient doit, lui, avoir accès à des laboratoires qui sont efficaces, il doit également avoir accès, le patient, à des plateaux techniques pour investigation. On pense ici à toute l'imagerie médicale. L'infirmière de liaison est un ajout extrêmement important également, qui sera à valoriser pour aider le patient à faire le lien entre la première et la deuxième ligne médicale. Et le renforcement de la mission du CLSC au niveau psychosocial, je pense, sera important, et également le réseautage de l'ensemble des bureaux privés de façon à ce que l'information circule de façon facile et efficace. Dans tous les principes que je viens de vous énoncer ? une minute ? bien entendu, je tiens à mentionner que la pratique en GMF est sans aucun doute une voie à explorer, et nous devons maintenir à mon avis l'effort et les énergies qui sont faits en GMF. Merci de votre attention. Je suis disponible aux questions.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Je vous remercie, Dr Lessard. Je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le ministre.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr. Lessard. Votre contribution à une double diplomation en droit et en médecine, c'est à votre honneur. Et je vois que vous avez suivi le chemin inverse, de la carrière judiciaire à la carrière médicale. Souvent, c'est le contraire qui se produit.

M. Lessard (Jean): Ça prend des particularités.

M. Couillard: Alors, on était justement, avec mon collègue le député de Saint-Jean, à l'Hôpital du Haut-Richelieu, que vous connaissez probablement fort bien.

M. Lessard (Jean): Oui, c'est dans mon coin. Je ne connais pas personnellement, là. Oui.

M. Couillard: C'est ça. Puis c'est intéressant parce qu'on notait que les listes d'attente, là, hors délai pour les chirurgies orthopédiques sont presque nulles; on a cinq patients seulement. Alors, ça montre que, dans la majorité des régions du Québec, il ne sera pas nécessaire d'avoir recours aux cliniques affiliées, puisque la simple mise en place des mesures qui sont là devraient suffire à régler la question.

Vous faites un plaidoyer assez fort pour la médecine de première ligne. Un problème qu'on semble percevoir, c'est une certaine difficulté à obtenir un engagement pour le suivi continu des gens par rapport à la consultation ponctuelle. Quelles seraient les mesures qui seraient susceptibles d'encourager... Vous, vous oeuvrez dans un GMF, vous pourriez peut-être expliquer les bien-fondés de la formule. Vos collègues qui vous écouteront pourront peut-être avoir envie de déposer des projets comme ça puis d'être accrédités en GMF. Vous pourriez peut-être donner brièvement ce que ça a changé pour vous d'être dans un groupe de médecine de famille par rapport à ce que c'était avant et, plus largement, comment est-ce qu'on s'assure que les médecins, surtout les prochains qui vont arriver sur le terrain, soient véritablement dirigés vers le suivi continu des gens, et particulièrement des gens les plus vulnérables, personnes âgées, malades chroniques, etc.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Dr Lessard.

M. Lessard (Jean): Tout d'abord, effectivement, il y a beaucoup de soins de première ligne qui sont dirigés sur des soins qui sont ponctuels. On pense, par exemple, aux cliniques sans rendez-vous et aussi à des cliniques à haut débit au sein desquelles on n'a pas vraiment de suivi et de prise en charge. Écoutez, c'est que ce phénomène-là est normal, hein, parce qu'on doit, à toutes fins pratiques, constamment éteindre des feux, en médecine de première ligne. Les besoins sont immenses et les disponibilités faibles.

La façon de valoriser le suivi et la prise en charge est sans aucun doute de donner des outils et un service qui soient attachés au patient lui-même. La pratique en GMF est très intéressante à ce niveau-là mais n'est pas non plus la panacée ultime. Je pense qu'il est important que les patients puissent avoir des accès peut-être un petit peu plus directs, moins compliqués à certaines imageries médicales et également à certains aspects psychosociaux aussi, où c'est particulièrement difficile. Donc, il faut donner des services si on veut avoir la capacité, nous, comme médecins, d'assurer un suivi et une prise en charge, là, qui soient longitudinaux, multisystémiques.

La pratique en GMF ? deuxième volet de votre question ? écoutez, à toutes fins pratiques, c'est une pratique qui est extrêmement intéressante, qui se veut extrêmement dynamique et qui a l'avantage... Vous voyez, moi, je suis devant vous ici pour vous présenter un petit peu l'aspect pratique, clinique. Et ça a sans aucun doute l'avantage, pour le médecin dans son quotidien et pour le patient, d'avoir un accès qui lui soit direct plutôt que de... Vous savez, il y a une espèce de phénomène de la balle de ping-pong, hein, dans notre système de santé, où le patient est référé d'un endroit à un autre, et la continuité est brisée dans ce temps-là. Et la pratique GMF nous permet ça, principalement avec l'ajout d'une infirmière et principalement par le réseautage également.

La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, Dr Lessard. Je cède la parole au député de Borduas, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Merci, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais remercier le Dr Lessard d'avoir accueilli et bien reçu la proposition que je lui avais faite, parce que c'est un médecin de mon comté, c'est le seul GMF de mon comté, et il avait pris contact avec son député pour essayer un peu de me sensibiliser à un certain nombre de questions, et je lui avais dit: Vous devriez présenter un mémoire à la commission parlementaire. Et je pense que...

M. Lessard (Jean): Mais je n'étais pas sûr d'avoir l'éloquence voulue.

M. Charbonneau: L'éloquence, ça, c'est un art. Je ne sais pas si vous avez fait de la pratique, quand vous étiez avocat, de l'art oratoire. Mais c'est clair que votre contribution, quand je regarde le texte, le nombre de propositions que vous formulez puis ce que vous mettez en évidence, c'est que vous avez fait un exercice d'identification d'une série de problèmes. C'est clair que ça ne vous rend pas justice, en moins d'une demi-heure à peu près, cette présentation-là, les échanges. Finalement, votre contribution est beaucoup plus significative que ce que ça peut donner comme impression.

Moi, je voudrais revenir sur... Parce qu'une des questions que je vous avais posées ? puis d'autant plus que le ministre a essayé de le demander, puis je ne suis pas sûr que vous êtes allé au bout de votre pensée ou des explications ? je disais: Pourquoi, par exemple chez nous, là, il n'y en a pas autant... il n'y en a pas d'autres, GMF? Qu'est-ce qui rend les autres médecins réticents à embarquer dans cette formule-là? Il y a toutes sortes d'autres considérations, mais on dirait que finalement il y a comme, chez certains, une espèce de réticence profonde. Est-ce que c'est lié à un attachement à une certaine forme de pratique traditionnelle, à une méconnaissance de la formule, à la volonté de garder un certain type de contrôle ou de ne pas avoir trop de troubles, finalement? Parce que j'imagine que c'est peut-être un peu plus exigeant de s'engager contractuellement à pratiquer dans un GMF, où il y a un contrat, là, c'est-à-dire un contrat entre la clinique et le réseau public pour dire: Bon, bien, on prend en charge tant de citoyens puis de citoyennes puis on leur assure finalement un suivi médical constant.

n (16 h 50) n

La Présidente (Mme L'Écuyer): Dr Lessard.

M. Lessard (Jean): Mon Dieu, il y a plusieurs éléments de réponse. J'aurais tendance à dire, de façon un petit peu concrète et factuelle: Le temps. Le médecin n'a pas beaucoup de temps à accorder malheureusement, en bureau privé, dans l'organisation de sa pratique. La pratique en GMF exige aussi un changement dans la pratique et dans l'attitude de pratique parce que nous devons nous associer entre médecins pour convenir entre nous de ce que nous donnerons comme services et s'engager à ces services auprès du ministère. Effectivement, ça peut sembler un petit peu exigeant. Malgré que je vous dirai que je trouve ça extrêmement paradoxal parce que j'aurais tendance à dire à nombreux de mes collègues: De toute façon, vous le faites, ce travail-là, de toute façon vous êtes disponibles de toute façon quand il y a un patient qui ne va pas bien, vous le prenez en charge. Pourquoi ne pas vous donner des outils pour aider votre pratique, avoir une aide infirmière, O.K.? Petite parenthèse.

Il y a peut-être aussi les réticences au niveau... Bon, écoutez, tout le groupe médical également, comme tous les groupes, a un certain scepticisme dans ce qu'on a par rapport à l'organisation des soins de la santé et peut-être un petit peu, sans aucun doute même, de la part de la bureaucratie, des tracasseries administratives qui consomment énormément de notre temps, et c'est peut-être également un autre élément.

M. Charbonneau: En fait, si je comprends bien, quand vous dites le temps, ça veut dire que ? je vais essayer de simplifier ? ça prend plus de temps, c'est-à-dire un médecin en GMF prend plus de temps avec son patient et dans le fond, à la fin de la journée ou de la semaine, il en voit moins, et c'est moins payant. C'est-u ça ou...

M. Lessard (Jean): Pas du tout. Je vous remercie de m'aider à apporter une précision. Non, je parle du temps au niveau de l'organisation comme telle. Parce que, pour mettre sur pied un GMF, ça prend un collègue volontaire qui prendra beaucoup de son temps à gérer les différents contrats, lignes de service qui doivent être faits. Par contre, non, je pense qu'il est absolument primordial de donner le message qu'au contraire la pratique en GMF dégage du temps aux médecins parce que nous avons l'ajout d'une infirmière, l'ajout d'aide technique, l'ajout d'une aide informatique aussi. Donc, il est important de donner le message à l'ensemble des collègues de s'engager dans la voie GMF, c'est une voie qui, dans la pratique comme telle, est très intéressante.

M. Charbonneau: L'Ordre des infirmières, des infirmiers sont venus aujourd'hui nous dire que peut-être qu'à l'égard des GMF on devrait augmenter le nombre d'infirmières qui sont affectées aux GMF pour faire en sorte qu'à la limite il y ait peut-être une infirmière par médecin idéalement, autrement dit, de modifier les contrats qui sont ceux qu'on a actuellement, à partir du fait qu'on peut considérer que la première phase d'implantation a été une phase expérimentale, pilote, et que, compte tenu de l'intérêt puis du succès des GMF qui existent, si on veut vraiment qu'ils soit performants et que les médecins soient soutenus, il faudrait que le soutien soit plus significatif à l'égard d'un nombre plus important d'infirmières intégrées dans l'équipe, là, médicale. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Lessard (Jean): Bien, écoutez, sans aucun doute que l'infirmière est un ajout absolument majeur dans notre organisation, puisque c'est plutôt rare qu'en clinique privée nous puissions avoir les services d'une infirmière. Maintenant, oui, l'ajout d'infirmières sera important, une aide précieuse. Par contre, cet ajout doit être fait de façon à... Ça impose un mode de changement un petit peu dans les pratiques médicales et nursing. Ces infirmières-là devront être des infirmières praticiennes ou cliniciennes, dépendamment du terme qu'on veut utiliser, qui auront une formation peut-être un petit peu plus poussée sur, entre autres, la prévention, le suivi. Comme chez nous, à la clinique, on fait des suivis hypertension, diabète, cholestérol par l'entremise de notre infirmière. Une formation adéquate des infirmières à ce niveau-là sera un ajout majeur, oui.

M. Charbonneau: En dernière question, je vais vous demander: Qu'est-ce qui devrait être fait pour créer une véritable impulsion d'attraction pour passer, là, du nombre qu'on a actuellement au nombre qu'on devait avoir il y a déjà plus de six mois? En juin 2005, on aurait dû en avoir 300, là, puis on n'en a pas, pour différentes raisons. Mais, si on voulait donner une impulsion, qu'est-ce qui manque actuellement?

M. Lessard (Jean): Sans aucun doute de consolider les GMF qui sont actuellement en place, et il y a encore du travail à faire au niveau du réseautage des GMF et de la prise en charge. Écoutez, moi, je pense qu'il faut voir l'implantation des GMF comme étant à ce point primordiale pour l'ensemble de notre population qu'il faut le voir à long terme. Et il est possible que l'on doive attendre certaines années que certaines mentalités ou attitudes changent ou évoluent. Il est majeur aussi de penser que beaucoup de jeunes médecins sortiront sur le marché du travail. Ces jeunes médecins devront être accueillis de façon à ce qu'ils puissent évoluer dans un environnement qui permette de donner le dynamisme et de faire des soins aux patients. Je pense qu'on devra peut-être miser sur un certain temps, sur une certaine évolution des pratiques médicales.

M. Charbonneau: Est-ce qu'il n'y a pas un danger par ailleurs? Parce qu'on sait que finalement il y a une espèce de dynamique de culture institutionnelle. Même un jeune médecin à qui on aurait vanté les mérites des GMF puis d'une pratique médicale différente puis qui voudrait avoir une pratique non traditionnelle se retrouve, parce qu'il n'y a pas de GMF dans un territoire où il veut s'installer, où il peut s'installer, à travailler dans une clinique médicale sans rendez-vous, puis là finalement il va s'habituer à la façon de faire de la clinique médicale sans rendez-vous, puis finalement il va embarquer dans le système, puis il va devenir un vieux jeune ou un jeune vieux, là, dépendant, qui va avoir une pratique très traditionnelle, et toutes ses bonnes intentions ou ses désirs extraordinaires d'universitaire vont fondre rapidement quand il va être placé avec une autre gang. Puis ça, c'est vrai pas juste pour... mais c'est vrai là aussi. C'est-à-dire que, tu sais, si on les avait plus vite, peut-être qu'il y en aurait pas mal plus de nouveaux médecins qui seraient intégrés dans des GMF puis qui intégreraient plus vite une culture différente puis une pratique puis une mentalité différentes.

M. Lessard (Jean): Oui, vous avez tout à fait raison. C'est-à-dire que le jeune médecin qui sort actuellement sur le marché du travail se voit imposer de nombreuses normes, de nombreuses exigences, et il est extrêmement difficile pour lui d'établir une pratique qui sera à son image. À titre d'exemple, écoutez, c'est plutôt surprenant, hein, que beaucoup de soins de la santé soient donnés par les bureaux privés, et actuellement, hein, on assiste à un certain déclin de cliniques privées, qui doivent fermer faute de relève. Et je pense qu'il est absolument nécessaire que l'on modifie certaines règles de fonctionnement de façon à ce que le jeune médecin puisse s'impliquer dans le suivi et la prise en charge à long terme via le bureau privé.

Actuellement, le jeune médecin doit faire au moins 12 heures... et moi qui suis même un petit peu plus âgé, je dois faire 12 heures en établissement. C'est un petit peu un non-sens, hein, quand on veut partir une clinique privée ou s'impliquer dans une entreprise privée, de dire: Hé! tu vas passer le tiers ou le quart de ton temps à l'extérieur de ton entreprise ? je m'excuse, le terme est un peu péjoratif ? mais tu ne pourras pas mettre les énergies suffisamment pour assurer le suivi, la prise en charge. Donc, il y a sans aucun doute un accueil différent que l'on doit faire aux jeunes praticiens dans la pratique médicale.

Le Président (M. Copeman): Dr Lessard, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire. J'invite les représentants du Québec solidaire à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 59)

 

(Reprise à 17 h 2)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de Québec solidaire.

Mme David, Dr Khadir, bonjour. Je sais que vous n'êtes pas à votre première expérience devant une commission parlementaire, peut-être une première pour Québec solidaire. Ah, pour le Dr Khadir, c'est une première expérience. Bien, bienvenue. Pour Québec solidaire, une première expérience devant la Commission des affaires sociales. Je sais, vous avez présenté... On marque toutes sortes de premières. Mais je veux rassurer Dr Khadir, normalement on ne mord pas, surtout pas nos invités, parfois entre nous autres. Mais on fait bien attention de ne pas mordre nos invités. Alors, sentez-vous bien à l'aise.

Québec solidaire (QS)

M. Khadir (Amir): Le message, c'est de ne pas nous précipiter à devenir membres de vous autres, d'être des vôtres, parce qu'on va se faire mordre.

Le Président (M. Copeman): Oui, c'est une façon de voir les choses, docteur. Je pourrais ajouter, mais je ne le ferai pas. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. La parole est à vous.

Mme David (Françoise): Merci. Donc, oui, nous sommes les deux co-porte-parole du parti Québec solidaire, un nouveau parti qui porte des valeurs comme la justice sociale et l'égalité, une vision écologiste et féministe de la société et finalement la souveraineté pour réaliser son projet social. C'est donc sur la base de ces valeurs évidemment que nous allons intervenir dans la commission.

Alors, d'entrée de jeu, rappelons que, si nous sommes ici, c'est parce qu'il y a eu un jugement de la Cour suprême bien sûr mais que ce jugement au fond a suivi plusieurs années de coupes dans les budgets de la santé et de mises à la retraite de nombreux médecins et infirmières, d'où évidemment les problèmes de délais d'attente. On a observé aussi un déclin de la confiance du public envers les services publics, une tendance à des bris de solidarité sociale et évidemment, à travers tout ça, des intérêts privés apparaître, des lobbys, des grands médias qui nous répètent ad nauseam que la voie du privé est inéluctable. Eh bien, évidemment, vous comprendrez que ce n'est pas la voie choisie par Québec solidaire, compte tenu de nos valeurs.

En fait, ce que nous pensons, c'est que le débat sur l'avenir du système de santé en est un d'éthique et de valeurs bien plus qu'un débat comptable. Cependant, on va quand même bien sûr vous soumettre des propositions concrètes pour réduire les délais d'attente et assumer un meilleur financement du système de santé.

Avant de parler plus précisément de ces questions, délais d'attente et financement, j'aimerais, au nom de Québec solidaire, rappeler l'importance des déterminants de la santé: un revenu adéquat, un environnement sain, une éducation de qualité, un logement abordable et bien chauffé, une alimentation équilibrée. Tous ces facteurs améliorent l'état de santé d'une population, et on peut imaginer à ce moment-là que celle-ci devrait recourir moins aux services de santé.

Malheureusement, nous sommes obligés de dire que ce gouvernement, comme le précédent, est fort timide lorsqu'il s'agit de lutter, par exemple, contre la pauvreté ou de faire respecter des règles strictes dans l'environnement. Plus proche du système de santé, les services de maintien à domicile sont déficients, pas assez nombreux, nous le savons, et des personnes en perte d'autonomie doivent recourir au réseau hospitalier plus souvent que nécessaire, sans compter le fardeau de la prise en charge des personnes vulnérables par les femmes, qu'on appelle aidantes naturelles. Il y a donc des coups de barre à donner, et le document de consultation malheureusement propose peu de choses quant à la prévention ou aux déterminants de la santé.

Venons-en maintenant aux délais d'attente. La proposition gouvernementale fait reposer un meilleur accès aux services essentiellement sur deux propositions: la création de cliniques privées affiliées et l'ouverture partielle à l'assurance privée. Québec solidaire rejette ces propositions qui comportent trop de risques, des risques importants même avec les restrictions imposées par le ministre: pour ce qui est des cliniques privées affiliées, risque de coûts additionnels pour l'État, risque de frais afférents pour les patients, risque de voir des entreprises étrangères s'accaparer d'un marché devenu lucratif, risque donc d'entrer dans l'engrenage des accords de libre-échange; pour ce qui est des assurances privées, risque de voir surtout des personnes jeunes, à l'aise financièrement et en bonne santé avoir accès facilement à l'assurance privée, pendant que les autres, moins jeunes, moins à l'aise et en moins bonne santé, ne le pourront pas, risque donc que certains soient soignés plus rapidement que d'autres.

L'accès aux services de santé étant à nos yeux un droit fondamental, on doit être extrêmement rigoureux et exigeants dans l'application de ce droit. Il faut donc imaginer des solutions pour un meilleur accès qui soit équitable pour toute la population, et c'est ce que le Dr Khadir va vous exposer.

M. Khadir (Amir): Alors, nous convenons que, pour répondre aux besoins de la population, pour préserver l'intégrité du système de santé public et éviter les disparités d'accès qu'on vient de mentionner, il faut diminuer absolument les délais d'attente. Maintenant, les solutions pour y parvenir, à notre point de vue, nécessitent des innovations à deux niveaux, d'abord en matière d'organisation des soins et ensuite en matière de financement de ces soins.

Les études de l'OCDE montrent que l'augmentation du nombre de lits de soins aigus et l'augmentation du nombre de médecins sont en fait les variables qui ont la plus grande incidence sur les délais d'attente. Les solutions proposées pour réduire ces délais doivent donc impliquer au minimum un accroissement du nombre de ces lits et des médecins, solutions donc coûteuses qui devront être mises en oeuvre en même temps que des réformes fiscales, que nous aborderons plus loin.

À court terme, en matière d'organisation, voici les solutions pratiques pour réduire les délais d'attente que Québec solidaire propose.

Un, optimiser et étendre la gestion des listes d'attente sur une base régionale ou suprarégionale, tel qu'on a déjà entrepris de le faire, avec des résultats probants qu'on le sait. Il faut bien sûr s'assurer de ne pas nuire à la liberté des patients et à la continuité des soins. Une mesure complémentaire consisterait à notre avis à donner accès au public de ces listes pour permettre d'optimiser la distribution de la demande des services, ce qui commence aussi à être fait.

Deux, régionaliser les mesures correctives, parce que les causes des délais d'attente ne sont pas les mêmes d'une région à l'autre et parfois, dans certaines régions, comme on l'a mentionné tout à l'heure, ces délais sont pratiquement inexistants.

Troisièmement, le public, appuyé bien sûr par les experts, devrait participer à la définition de ces délais et surtout à ce qu'on pense être des soins de santé nécessaires. Il y a la part, disons, de l'expertise, comme le Dr Couillard l'a mentionné tout à l'heure, notamment en matière de certaines opérations, mais il y a aussi ce qu'on considère être des services de santé nécessaires, qui impliquent aussi, par exemple, l'imagerie diagnostique. Alors, le public, qui participe au financement, de manière collective, du système de santé, devrait pouvoir participer aussi à la définition de ses besoins.

n (17 h 10) n

Troisièmement, lever les restrictions budgétaires dans le réseau, qui limitent actuellement de façon indue l'utilisation de ressources humaines et matérielles ? on pense aux salles d'opération qui sont pourtant disponibles mais pas utilisées à leur capacité; limiter aussi l'utilisation de ces équipements publics aux médecins travaillant dans le secteur public; ensuite, assurer la couverture publique et gratuite de tous les services médicalement requis, qu'ils soient offerts en centre hospitalier ou non, notamment éliminer toutes les exclusions auxquelles on assiste actuellement, là, qui touchent certains services médicalement requis mais aussi l'imagerie diagnostique, cause parfois de délais d'attente aussi frustrants pour une bonne partie de la population que les délais d'attente pour les chirurgies de remplacement articulaire.

Cinquièmement, augmenter le déploiement des services de proximité de première ligne sur un horaire plus étendu pour désengorger les urgences. On se rappellera qu'historiquement en fait les CLSC ont été un modèle de réussite de l'intégration entre les services médicaux et les services sociaux. Ils ont cependant gravement souffert, malheureusement la notion même de CLSC a souffert de la négligence des décideurs publics et d'un certain mépris ? que j'ai été à même de constater sur les bancs d'université, lorsque j'étais à la faculté de médecine ? le mépris de certaines idéologies médicales par rapport aux CLSC. Pourtant, les CLSC offrent un excellent plateau pour la prise en charge médicale et sociale de première ligne pour diminuer le recours à l'infrastructure lourde et coûteuse des hôpitaux. En plus des CLSC, deux créations récentes, comme les GMF et les cliniques-réseaux, devraient être dotées de ressources professionnelles et techniques suffisantes, comme l'a demandé Dr Lessard, tout à l'heure, avec évidemment, en perspective, une véritable prise en charge et le suivi de patients, parce que, dans la formule actuelle, on n'a pas vraiment de droit de regard véritable sur la qualité et la quantité des services délivrés.

Sixièmement, nous croyons qu'il faut répartir de façon plus optimale les actes médicaux entre les professionnels de santé pour une prise en charge multidisciplinaire, notamment pour les patients souffrant de maladies chroniques, ce qui permettrait de réduire les coûts là où d'autres intervenants interviennent dans le suivi des patients.

Septièmement, développer des cliniques spécialisées, et ça, c'est le centre de notre propos par rapport à la proposition du Dr Couillard, développer des cliniques spécialisées sans but lucratif, préférablement publiques, dédiées à des chirurgies électives à faibles risques ? donc, cataractes, chirurgies de remplacement articulaire ? pour augmenter l'efficience du secteur public. Ces cliniques dédiées à une clientèle homogène à faibles risques, qui diminueraient les variations dans la nature des services offerts, maximisent en fait l'utilisation des ressources et permettent d'offrir plus de services à des coûts moindres là où ces cliniques sont implantées, dans le domaine public, comme en Ontario et au Manitoba.

Huitièmement, augmenter la disponibilité du personnel médical de façon à mieux répondre aux besoins de la population. Ça, on l'a déjà noté. Bon. Il faut poursuivre donc la hausse des effectifs médicaux, déplafonner aussi la rémunération des médecins de manière ciblée pour privilégier des pratiques de première ligne, de prise en charge de patients, prioriser les actes et les services qui actuellement constituent des goulots d'étranglement des listes d'attente. À plus long terme, et c'est un corollaire à ça, il faut augmenter bien sûr le personnel dans le réseau de santé, on l'a dit initialement. En fait, selon les études de l'OCDE, là, une augmentation de 0,1 médecin par 1 000 habitants correspond à une réduction, dans les délais d'attente, de 8,3 jours. C'est la mesure la plus efficace dans les différentes mesures explorées par l'OCDE.

Et finalement, quand on a parlé d'augmenter le nombre du personnel et le nombre de médecins, il faut bien sûr parler de l'enveloppe budgétaire qui va avec, et ça, ça implique un réexamen du mode de rémunération des médecins. Cette réévaluation ? c'est un objectif à plus long terme que le ministère de la Santé pourrait aborder ? serait basée sur une réorganisation en fonction des besoins, s'adapter donc, par exemple, aux pratiques dans les CLSC, dans les cliniques communautaires, tout ça en tenant compte du fait que, dépendamment de la rémunération, on développe aussi un modèle de pratique qui peut être plus basé sur le besoin de la population, alors qu'actuellement le modèle de pratique des médecins ? dont je suis ? est essentiellement fondé sur les besoins des médecins. C'est nos besoins à nous qui déterminent grandement le modèle de pratique qu'on suit, tous les problèmes souvent qu'on rencontre dans la prise en charge, ensuite dans la réalisation de GMF qui répondent vraiment, par exemple, aux besoins des patients.

Une fois ceci dit, il faut parler de financement adéquat de la santé. C'est un sujet que le document du Dr Couillard aborde. Nous, nous espérons qu'on puisse avoir plus de temps que le temps de cette commission pour discuter des financements. Mais, nous pensons, quand on veut réduire les listes d'attente, sachant où se situe le problème, il faut plus de ressources et donc il faut trouver aussi des moyens de financer adéquatement.

Un mythe tenace soutient que les services sociaux et la santé entraînent des dépenses qui excèdent notre capacité collective à payer. Pourtant, les services médicaux hospitaliers, aujourd'hui, coûtent 4,3 % du PIB, alors qu'il y a 20 ans ils étaient à 5,3 % de notre PIB. Il manquerait, à tout dire, à peu près 1,6 milliard, aujourd'hui, dans les coffres du ministère de la Santé pour atteindre juste la moyenne canadienne, qui est de 2 300 $ à peu près par habitant. Quand on constate par ailleurs que des firmes qui s'intéressent à la profitabilité des entreprises, comme la firme KPMG, estiment que les faibles coûts des services publics, dont le système universel d'assurance santé au Québec, sont des avantages concurrentiels majeurs pour les entreprises, je pense que ça devient un atout important qu'il faut considérer, d'autant plus que, pour l'OMS, en fait, les dépenses de santé ne sont pas uniquement des dépenses, c'est des investissements et même un facteur de croissance économique.

Le système de santé québécois a été bâti sur des valeurs d'égalité, d'équité, d'universalité. Son financement devrait être assuré par une fiscalité progressive pour qu'individus et entreprises y contribuent selon leurs revenus et partagent mutuellement les risques liés à la maladie. Malheureusement, la réduction de l'impôt des entreprises et des citoyens les plus fortunés, au cours des 20 dernières années, et les baisses d'impôt plus récentes ont considérablement réduit l'assiette fiscale de l'État, qui ont entraîné d'importantes compressions dans les dépenses sociales. La réduction du financement des effectifs, couplée à une organisation inefficace des services, tout particulièrement la gestion fragmentée ou une existence des listes d'attente, s'est soldée par des goulots d'étranglement dans le système, occasionnant des délais dont on a mentionné tout à l'heure, pour lesquels nous sommes en fait ici. Il en découle donc que, si on veut vraiment mener à bien des améliorations dans le système pour réduire les listes, il faut nécessairement accroître les investissements publics. Alors, comment le faire, d'une part, pour augmenter le financement et, d'autre part, pour contrôler les coûts? Voici quelques mesures, très rapidement.

Restaurer les transferts fédéraux dans tous les secteurs des programmes, prévention, promotion, soins à domicile, soins communautaires, soins actifs.

Deuxièmement, réformer la fiscalité. C'est-à-dire qu'on ne peut pas tout faire ça en ayant la même fiscalité qui réduit de plus en plus l'assiette fiscale de l'État. Donc, le Québec devrait vraisemblablement, par exemple, décréter un impôt minimum sur le revenu des entreprises ? dont la moitié, nous le savons, depuis plusieurs années, ne contribuent même pas à l'assiette fiscale de l'État ? et diminuer des nombreuses échappatoires fiscales qui leur permettent de se soustraire légalement à l'impôt. Ça, c'est sans parler de l'évasion fiscale que le ministère du Revenu estime jusqu'à 15 % de son budget, c'est-à-dire que ça prive le Québec, bon an, mal an, là, entre 1,5 milliard et 8 milliards, dépendamment, là, qu'on utilise des chiffres conservateurs ou plus réalistes, selon certains.

Troisièmement, établir une politique pharmaceutique publique. En fait, la croissance des coûts des médicaments n'échappe à personne. Aujourd'hui, les médicaments, c'est 15 % des dépenses de la santé, c'est un coût important. Mme Marois, alors qu'elle était ministre de la Santé, s'en inquiétait, parce qu'elle mentionnait à juste titre que ça a une influence sur la répartition des ressources financières à l'intérieur du système. Donc, il nous faut un régime d'assurance médicaments qui soit autre chose que ce qui a été introduit malheureusement, qui a mis fin à la gratuité des médicaments pour les bénéficiaires de l'aide sociale et des personnes âgées. La baisse des consommations de médicaments qui en est suivie, comme on le sait, a entraîné de nombreux problèmes, d'effets indésirables, de visites supplémentaires, de visites à l'urgence. Ça, c'est des coûts accrus. En plus, ceux qui en ont bénéficié, le 1,5 million de citoyens, ils ont vu leur prime d'adhésion au régime public augmenter en 10 ans. Corollairement, les bénéfices de l'industrie pharmaceutique ont grandement augmenté, alors qu'on se rappelle, que ce soit le rapport Castonguay-Nepveu, que ce soit la commission Romanow... souhaitaient qu'on étende la couverture de l'assurance maladie aux médicaments, depuis sa conception.

n (17 h 20) n

Donc, Québec solidaire propose un régime entièrement public et universel d'assurance médicaments, ensuite un système public d'information sur le médicament pour éviter aussi la publicité directe, sur tous les médicaments, auprès du public, renforcer le mandat du Conseil du médicament pour dresser un formulaire pour les médicaments essentiels. On sait que, parmi les 5 000 médicaments actuellement disponibles au Québec, là, beaucoup sont des «me-too», les fameuses pilules «moi aussi», qui en fait drainent des coûts inutiles, indus de ressources en termes d'inventaire et ensuite en termes de recherche et développement.

Autre point, un contrôle efficace des coûts des médicaments pour lesquels on devrait recourir systématiquement aux médicaments génériques et négocier le plus bas prix, ce que le gouvernement du Québec ne fait pas. On s'étonne d'ailleurs que la RAMQ, par exemple, paie parfois trois à six fois plus cher pour des tas de médicaments qui sont couverts par le régime actuel, public, sans négocier jamais ses prix avec l'entreprise pharmaceutique.

Le Président (M. Copeman): Dr Khadir, je veux juste vous aviser, il reste trois minutes.

M. Khadir (Amir): Très bien, j'arrive. Alors, il faut lutter efficacement contre le monopole et les pratiques commerciales douteuses d'une industrie pharmaceutique que bien des gens jugent exagérément lucrative. Pour ceci, notre proposition, c'est la création d'un pôle public d'achat de médicaments et de production pharmaceutique, un peu sur le modèle d'Hydro-Québec, qui a fait le succès de notre développement ? il y a une annexe avec notre mémoire que je vous invite à lire, sur des exemples internationaux, sur lesquels je pourrais revenir en période de questions. Mais ce Pharma-Québec essentiellement serait une entreprise publique qui ferait de la production de médicaments génériques, développerait de nouveaux produits et pourrait régir aussi l'achat groupé de médicaments et la négociation des médicaments brevetés. Donc, on briserait ainsi le monopole des grandes firmes multinationales, en plus parfois de sauver des emplois. On aurait pu, par exemple, si on avait ça, sauver les 150 à 250 emplois qu'on a perdus avec BioChem Pharma, pour ceux qui s'en rappellent, lorsque ça a été acquis par Shire.

Enfin, et pour terminer, au lieu d'une caisse vieillesse, telle qu'outrageusement appelée aujourd'hui, là, la caisse santé qu'on évoque fréquemment pour contrer la menace que ferait peser sur les finances publiques le vieillissement de la population, Québec solidaire propose plutôt une véritable caisse santé qui, opposée à l'idée de la caisse vieillesse, plutôt que de taxer de manière agressive tous les citoyens et de pointer du doigt, en quelque sorte mettre à l'index les gens plus âgés, serait une véritable caisse de solidarité en faveur de l'amélioration de la situation de santé de l'ensemble des Québécois. Tous les produits et services seraient, à ce moment-là, taxés quand, à l'exemple du tabac, ces produits ont un caractère toxique et nocif pour la santé de la population et de l'environnement et exerceraient, par ce fait même, une pression indue sur les coûts des services de santé, alors alcool, malbouffe, sources de polluants atmosphériques. Alors, c'est une taxation dédiée, mais, dans l'esprit d'une imposition générale qui nous permettrait d'avoir un instrument collectif, l'État aurait les moyens d'exercer les arbitrages nécessaires lorsqu'il y a des priorités publiques et ne serait pas tenu de garder cette caisse-là uniquement pour les besoins soi-disant de la caisse vieillesse.

Alors, voici les propositions qu'on met sur la table. Pharma-Québec, c'en est un parmi d'autres ouverts à la discussion. Nous souhaitons simplement que le débat sur le financement, qui est central à toute l'interrogation de cette commission, puisse jouir d'une place et d'un temps plus grands à l'avenir. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Bien, M. le Président, merci. Bonjour, Mme David, Dr Khadir. On salue la présence de Québec solidaire, le seul parti indépendantiste de gauche finalement, actuellement, au Québec. Et je vous félicite de votre implication. Je vous souhaite bonne chance dans votre action politique future.

Vous ne serez pas surprise, Mme David, que je n'aie pas la même lecture de notre document que celle que vous faite. On ne fait pas à mon avis reposer la question de l'accessibilité sur l'assurance privée et les cliniques affiliées, on la fait reposer d'abord et avant tout sur un acte de foi dans le système public de santé, un soutien du système public de santé, où se trouve la grande majorité des solutions, l'assurance privée n'étant en rien présentée comme une façon de pallier le problème d'accessibilité et des listes d'attente ou même le financement. Là-dessus, on est sur la même longueur d'onde que vous.

On a cependant un problème concret qui est la nécessité d'abroger les articles de loi. Alors, on le fait encore une fois ? je l'ai dit franchement tantôt ? sans nous préoccuper vraiment de la disponibilité ou pas d'un marché réel dans le domaine, ce n'est pas notre rôle. L'assurance privée décidera s'ils veulent offrir des produits. Je ne pense pas, moi, que les gens vont être intéressés à ces produits-là, et honnêtement ça m'est assez indifférent.

Les cliniques affiliées, oui, mais pas partout. La plupart des régions, il n'est pas nécessaire d'avoir des cliniques affiliées. En fait, la différence entre nous, c'est que vous semblez être d'accord pour des cliniques à l'extérieur, mais vous voulez qu'elles soient à but non lucratif. Je pense, essentiellement, c'est la différence qui nous sépare sur le concept.

Puis il est clair que toute amélioration de l'accessibilité repose à la base sur les augmentations de volume d'actes médicaux, donc une augmentation de dépenses publiques. Ça, c'est un phénomène qui est incontournable puis ça va nous ramener tantôt à la question du financement. Vous dites: Oui, il faut augmenter le nombre de médecins, le nombre de lits. Vous le savez, le nombre d'étudiants en médecine augmente de façon majeure, donc on aura plus de médecins. Le nombre de lits, il faut faire attention, le nombre de lits aigus, avec les durées de séjour qui diminuent, les pratiques ambulatoires, il ne faut pas non plus faire une explosion de lits d'hospitalisation aiguë. Je pense qu'on est d'accord également là-dessus.

Je voudrais qu'on aborde peut-être la question du financement plus spécifiquement. Puis je vous rassure tout de suite, le débat ne se termine pas là, il ne fait que commencer. Ce qu'on essaie de faire avec la commission, c'est d'avoir des interventions qui nous permettent de déterminer quelles seraient les pistes de solution qu'on devrait dès maintenant étudier de façon beaucoup plus précise, en termes très concrets. Alors, il y en a une qui est dans le document, qui est celle de M. Ménard, ce qu'il appelle perte d'autonomie et non pas caisse vieillesse. Je pense qu'il faut faire attention, Dr Khadir, à mon avis ce n'est pas outrageux de faire une proposition comme ça, c'est légitime, dans une société, que les gens fassent des propositions, et il faut en discuter de façon démocratique et ouverte, de la même façon que vous faites des propositions également.

Première question que je vous poserais, sur la question générale du financement de la santé, vous dites: Bien, on observe que la dépense per capita en santé est plus basse au Québec qu'ailleurs. C'est un constat qui est fait en général, dont on sait qu'il est en rapport avec des niveaux de rémunération moins élevés. Par contre, si vous regardez la dépense par rapport à la richesse collective, qui est le pourcentage par rapport au PIB, la dépense, au Québec, n'est pas inférieure à celle des autres parties du Canada. Comment est-ce que vous faites la... Quel est votre objectif? Qu'on ait une dépense qui soit comparable par rapport à la richesse collective ou uniquement une dépense per capita qui soit plus importante?

M. Khadir (Amir): Bon, c'est des questions que vous me posez plus précisément sur le... Bon.

M. Couillard: Parce que ? excusez ? il faut qu'on se détermine un objectif. Comment est-ce qu'on va juger qu'on finance assez la santé? Par rapport au PIB ou per capita?

M. Khadir (Amir): Tout ça dépend évidemment de là où on place les priorités. Si collectivement on décide que, pour la santé, pour nous, c'est un investissement, ce n'est pas nécessairement le concurrent le plus proche ou le voisin géographique qui doit déterminer nos dépenses. On sait, par exemple, qu'aux États-Unis, pour prendre un exemple patent de système inefficient, c'est beaucoup plus important, même en termes de pourcentage du PIB, qu'au Québec. Donc, c'est à partir de nos besoins. Définissons d'abord nos besoins, définissons les principes sur lesquels ça repose ? par exemple, une couverture universelle en matière d'assurance médicaments serait un de ceux-là, la couverture d'un certain nombre de besoins médicaux qui ne sont plus actuellement couverts, qui l'étaient déjà dans le passé, comme les soins dentaires ? et, à partir de là, bien on voit ce qu'on est capables de faire puis on fait des priorités.

Moi, je pense que, la moyenne canadienne, lorsqu'on compare à d'autres pays de l'OCDE ou des pays d'Europe du Nord, on est dans les bonnes moyennes. Nous ne dépensons pas exagérément, mais il est certain que ça ne correspond pas tout à fait à nos besoins parce qu'il y a un certain nombre de services où il y a des délais, où il y a des insatisfactions, où il y a une rupture d'équilibre entre l'offre des soins et sa répartition puis le besoin. Là, il y a des goulots d'étranglement. Ça ne nécessite pas toujours plus d'argent, mais forcément quelque part il faudra aussi des ressources supplémentaires.

Maintenant, nous, là, dans notre document, tout l'argument central, c'est que notre capacité de payer dépend aussi de la volonté d'aller chercher des ressources. Si les décideurs publics, durant les 20 dernières années, ont décidé, en raison de la compétition entre les États à offrir les meilleurs conditions aux investisseurs étrangers, de réduire la charge fiscale des entreprises ? on s'est privés des moyens de dépenser pour notre public ? bien on peut maintenant collectivement, décider de faire autrement, si on décide que ce n'est pas rentable, que ça ne correspond pas aux besoins de notre société et que ça ne nous bénéficie pas. À partir du moment où on aura plus de coudées sur le plan financier, bien on pourra à ce moment-là dépenser adéquatement, suffisamment. Ça ne veut pas dire plus nécessairement partout.

M. Couillard: Mais j'aurais une question. Vous avez dû étudier cette question. Si vous regardez les pays d'Europe occidentale, par exemple, ils ont des niveaux de dépenses en santé comparables, en termes de pourcentage du PIB, aux nôtres, cependant ils ont des niveaux d'accessibilité supérieurs aux nôtres. Je pense qu'en termes de qualité on n'a rien à leur envier, là, mais, en termes d'accessibilité, il y a des différences. À quoi vous attribuez cet écart pour une même dépense par rapport à la richesse collective?

n (17 h 30) n

M. Khadir (Amir): Bon, par exemple, on sait qu'en France il n'y a pas de pénurie de médecins. Il y a par contre, à cause de cette absence de pénurie, même surnombre de médecins, un certain pourcentage de chômage chez les médecins que j'ai pu moi-même, disons, faire l'expérience ou en fait en être témoin dans mon action auprès de santé... Médecins du monde. Beaucoup de médecins en oeuvre, parmi les médecins français, à l'extérieur, c'est parce qu'il y a un chômage médical, ce qui crée une pression à la baisse du coût des services médicaux, du salaire des médecins.

Est-ce qu'on a le courage politique aujourd'hui de faire face à, disons, des secteurs d'intérêt assez puissants? Ça va dépendre de nos décideurs publics. Moi, en tant que médecin, je serais ouvert à cette possibilité si, dans un geste de courage politique, en même temps on a le courage d'affronter d'autres secteurs qui ne font pas leur juste part à l'assainissement de ces finances et de nos ressources. Donc, par exemple, il faut considérer le coût de nos médecins, il faut aussi considérer justement nos dépenses médicales. En Europe, plusieurs pays européens ont des secteurs publics de production pharmaceutique qui leur permettent d'avoir un accès moins coûteux aux médicaments dont on a accès ici.

M. Couillard: Je ne sais pas si les médecins québécois seraient enthousiastes à avoir le niveau de rémunération des médecins français. Mais, vous avez raison, c'est une question d'opportunité politique puis de choix. Alors, il faut dire clairement dans un programme politique: Bien, nous, on pense qu'avec le nombre de médecins qui augmente la rémunération des médecins doit être diminuée. Ce n'est pas notre orientation, mais je comprends que ça peut être l'orientation d'une autre...

M. Khadir (Amir): Ça peut être une orientation.

M. Couillard: Bon. Maintenant, dans la façon de soutenir le financement de la santé à long terme, nous, on écarte l'assurance privée comme solution au financement de la santé. Ce n'est en aucune façon une solution au financement, vous le savez bien. Ça fait que, si on regarde les modes de contribution généralisés, de toute la population, au financement de la santé, moi, je relève également, en gros, quatre options. Il m'en manque peut-être une ou deux, là. Il y a d'abord l'augmentation de la fiscalité générale. Ensuite, il y a une caisse santé dédiée avec donc des contributions dédiées. Ensuite, il y a des caisses d'assurance thématiques. Exemple, la proposition de M. Ménard pour la perte d'autonomie, qui est une proposition légitime. Je pense que vous êtes d'accord qu'elle est légitime. Elle ne vous convient pas, mais elle est légitime. Puis, quatrièmement, le copaiement, ce qu'on appelle, en jargon populaire, là, le ticket modérateur. C'est intéressant d'ailleurs de noter que le système de santé canadien est un des seuls systèmes de santé au monde où il n'y a pas de copaiement. Même dans les pays européens, scandinaves, il y a une formule de copaiement ajustée selon le revenu.

Alors, parmi ces quatre-là, je vois que vous favorisez, d'après ce que j'ai compris ? j'ai peut-être mal compris, là ? la caisse santé avec une contribution dédiée. Mais comment on finance la caisse, compte tenu du fait que le problème fondamental, c'est l'écart entre les revenus du gouvernement puis la croissance des revenus de santé? Il faut donc ajuster continuellement les contributions à la hausse, puis on se trouve à transférer l'impasse au niveau du montant des contributions. Ça fait que comment est-ce que vous avez envisagé la question?

Mme David (Françoise): Cette fois-ci, je vais répondre. D'abord, je rappellerais qu'Amir Khadir vient de souligner aussi qu'on croit à une augmentation d'une certaine fiscalité, non pas forcément générale mais ciblée envers les personnes et les entreprises qui ont les capacités de contribuer davantage. Donc, la caisse santé n'est pas notre seule voie de financement du système public.

Et j'aimerais ajouter, en ce qui a trait à cette possibilité d'une augmentation ou de changements fiscaux qui vont amener les plus riches à faire plus d'efforts, qu'il y a quelque chose d'un peu paradoxal quand même dans notre société. Les personnes qui se disent trop taxées, qui trouvent que les impôts sont trop élevés, qui sont souvent des personnes de la classe moyenne et des couches aisées de la population, souvent ces mêmes personnes seraient prêtes à dépenser des montants d'argent de leurs poches à des assurances privées pour obtenir des services médicaux plus rapides. C'est quand même le même argent, ça vient de la même poche. La différence, elle est entre les deux oreilles, elle est dans les mentalités.

Est-ce que les gens qui ont les moyens de le faire vont accepter de contribuer davantage aux revenus généraux de l'État, un État dans lequel ils semblent avoir moins confiance ? c'est peut-être ça qui est le problème ? ou est-ce qu'ils vont tirer la couverte ? je veux mon médecin, je veux ma garderie, je veux mon école ? et se comporter seulement en consommateurs de services privilégiés? Je vous rappelle, c'est vraiment les mêmes gens, les mêmes poches, le même argent. Tout est dans la manière de le collecter, entre guillemets, et surtout de le redistribuer.

Donc, nous, évidemment nous sommes en faveur donc d'une augmentation de l'effort fiscal des gens et des corporations qui sont en mesure de le faire. Mais, oui, en plus, nous disons: On pourrait envisager l'établissement d'une caisse santé. Ce qu'Amir Khadir disait tout à l'heure, c'est que son financement pourrait provenir de taxes, des taxes dédiées à tous les produits ? et là il y aurait un débat à faire, ce serait, je pense, un débat fort intéressant ? tous les produits nocifs pour la santé et nocifs pour l'environnement ? ce qui revient à dire nocifs pour la santé, en bout de ligne, c'est la même chose. Donc, oui. On n'a pas, nous, calculé combien il pourrait y avoir d'argent dans ce fonds, on ne s'est pas rendus jusque-là. Si on peut poursuivre les débats sur le financement au-delà de la commission, c'est des choses qu'on pourra faire, mais il nous semble qu'il y a là une avenue à explorer.

M. Couillard: Oui. Puis d'ailleurs, ces questions-là, on s'aperçoit que, plus on les fouille, plus ça devient compliqué parce que, par exemple lorsqu'on décide qu'on va prendre une taxe dédiée pour la santé, il faut se souvenir que chaque addition du budget de la santé est récurrente et additive. En termes techniques, c'est qu'il y a un effet cumulatif qui fait boule de neige, de sorte qu'on est continuellement en train d'augmenter les taxes en question pour être parallèles à l'effet d'augmentation de coûts. Alors, c'est pour ça que les pays, par exemple, européens ont plutôt choisi de lier le financement à la consommation de soins. C'est la formule du copaiement ou du soi-disant ticket modérateur, qui n'est pas permise au Canada à cause de l'interdiction dans la loi canadienne. Mais je trouve ça intéressant comme approche différenciée.

M. Khadir (Amir): C'est un choix que font les systèmes de santé publics de manière très nuancée lorsque l'accent est mis sur l'accessibilité et sur l'universalité des soins. C'est sûr que plus on veut que ce soit universel, sachant très bien, dans la pratique courante, que ceux qui risquent le plus d'écoper des tickets modérateurs, c'est les citoyens à plus faibles revenus, on a tendance à privilégier, lorsqu'on veut offrir un accès vraiment universel et couvrir ceux qui en ont le plus besoin, de refuser l'idée du ticket modérateur.

Maintenant, est-ce que ça veut dire qu'une proposition solidaire quant à l'approche de la consommation des soins, ça veut dire le laisser-aller puis l'irresponsabilisation? Non, parce que, si véritablement il y a des campagnes de promotion de la santé ? et ça, ça veut dire des politiques aussi en matière de transport, en matière d'organisation urbaine ? il y a une série de politiques sociales alentour, en périmètre de la santé, qui pourraient responsabiliser davantage les citoyens ou les mettre dans des conditions pour améliorer, prendre en main mieux leur santé. C'est sûr que ça demande là encore un courage politique, un courage social que nous tardons à voir surgir.

Par exemple, la malbouffe, hein? On voit maintenant... Et je salue l'initiative du gouvernement libéral, M. Charest, qui a annoncé son intention de faire des choses de ce côté-là. Mais nous faisons face à des secteurs économiques très puissants, qui génèrent des milliards de dollars de profits, qui amputent notre capacité à contrôler notre mieux-être, notamment par des campagnes de marketing dont vous avez sûrement pu prendre connaissance dans le film de Michael... J'oublie son nom.

Une voix: Moore.

M. Khadir (Amir): Moore, Michael Moore. Quels sont les budgets qu'un Québec responsable de sa santé est prêt à consacrer à faire la promotion d'une bonne alimentation pour faire concurrence au marketing de la malbouffe? Et ça, ça a un impact. Est-ce que socialement on a fait le débat de ça, de freiner de manière responsable la malbouffe dans nos écoles, dans nos espaces publics et en société de manière plus générale? Au sortir de mon hôpital, à Lachenaie, le patient, lorsqu'il sort de l'hôpital, sur 1 km de long, tout ce qu'il voit, c'est Wendy's ? je ne veux pas jeter l'anathème sur un en particulier ? c'est La Belle Province, c'est McDonald's, c'est Harvey's. Il y a un problème. C'est-à-dire qu'on n'a pas d'outil pour essayer d'être cohérents. D'une part, on dépense des milliards et, de l'autre part, on laisse faire.

M. Couillard: Et, lorsque vous avez parlé du ticket modérateur, vous avez raison, un des biais principaux, c'est de déplacer le financement vers les plus pauvres ou ceux qui consomment les soins. Mais par contre il y a des pays, comme la France particulièrement, qui ont fait une exemption assez large du ticket modérateur pour les couches plus défavorisées, hein?

M. Khadir (Amir): Personnellement, même si le débat a été fait, moi, je n'ai pas d'objection, disons, idéologique à ça. Il faut voir de le faire de manière à ne pas défavoriser ceux qui en ont le plus besoin, c'est tout.

Le Président (M. Copeman): Mme David.

Mme David (Françoise): Oui. Je voulais juste rajouter de façon anecdotique qu'il y a même au moins un hôpital à Montréal, où j'ai eu l'occasion d'aller il n'y a pas si longtemps, où il y a un restaurant de malbouffe au sous-sol. Je ne sais pas, dans un hôpital, moi, ça me paraît un petit peu inconcevable.

Je voudrais dire aussi que, pour être allée en France quelquefois et y avoir des amis, c'est vrai qu'il y a des exemptions, entre guillemets, du ticket modérateur pour les gens les plus pauvres. Et d'ailleurs ils se sont rendu compte qu'il y avait un effet pervers au ticket modérateur. Il y a des gens en besoin de services qui ne les utilisaient pas. Ils ont donc élargi l'exemption de le payer. Mais il reste qu'il y a toujours une partie de la population qui ne bénéficie pas d'assurance et qui va toujours se demander si, oui ou non, elle va aller voir le médecin et commencer par payer en attendant le remboursement. Donc, je pense que c'est très délicat, cette question du ticket modérateur. Moi, je ne pense pas que ce soit une voie à suivre, tout en étant bien sûr dans l'ouverture à la discussion.

n (17 h 40) n

M. Couillard: Mais est-ce que...

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. le ministre.

M. Couillard: Je voudrais terminer par une discussion plus générale qui en fait est le débat fondamental entre la gauche et le reste du spectre politique, c'est la question de la définition de l'équilibre entre la création de la richesse, vous savez, l'éternelle chose que, nous, on répète, puis avec une certaine fierté, je dois dire, puis conviction, que, pour donner des services publics, il faut générer la richesse collective qui permet de les soutenir... Vos propositions misent beaucoup sur l'alourdissement de la fiscalité et des entreprises et des individus. Alors, dans votre esprit, où placez-vous l'équilibre? Chaque formation politique définit sa zone d'équilibre. À quel moment on alourdit la fiscalité de façon telle que la création de la richesse n'est plus au rendez-vous?

Mme David (Françoise): Écoutez, c'est évident que, si la fiscalité finit par faire en sorte de faire fermer, par exemple, plusieurs des multiples petites entreprises que nous avons au Québec ? et qui sont la vraie base de notre économie, en passant ? c'est bien évident que, là, on atteint un effet pervers tout à fait indésirable. Et ce n'est pas nous qui allons proposer ça.

Je pense que c'est une sorte de légende urbaine, cette idée que la gauche ne croit pas qu'il est important d'avoir une richesse collective, quelque part. C'est bien évident qu'il faut, par exemple, que l'État ait des revenus lui permettant de redistribuer de la richesse. Bon. C'est évident que les individus doivent avoir personnellement des revenus leur permettant de vivre décemment. Ce à quoi nous nous objectons, c'est à l'accroissement dans les écarts de richesse, un accroissement que nous voyons depuis bien, bien des années. Et nous nous objectons aussi à ce que plusieurs de nos grandes entreprises soient indûment, à notre avis bien sûr, subventionnées, aidées par des exemptions de taxes ou des crédits d'impôt de toutes sortes, dont au fait elles n'ont pas si besoin que ça, puisque dans certains cas ce sont déjà des multinationales. Alors, le débat n'est pas entre ceux et celles qui veulent créer de la richesse et les autres qui soi-disant ne veulent pas en créer. Le débat, il est: Comment la créer, dans quel type d'entreprise, avec quel soutien de l'État et ensuite comment allons-nous redistribuer cette richesse?

M. Couillard: C'est très intéressant.

M. Khadir (Amir): ...

M. Couillard: Oui. Excusez-moi.

M. Khadir (Amir): En complémentaire, simplement dire la différence de la nouvelle gauche vis-à-vis de la gauche traditionnelle. La gauche traditionnelle voulait en plus s'occuper elle-même... c'est-à-dire l'État devait s'occuper de produire la richesse. Ce qu'on dit maintenant, c'est que l'État ne doit pas abandonner son rôle de distributeur de richesse. Il n'a pas à s'occuper de sa production, pas nécessairement tout le temps. Il doit laisser le champ libre à une certaine initiative venant des particuliers. Mais il ne doit pas devenir simplement un souteneur des grandes entreprises au détriment de la chose sociale. Il doit réapproprier sa fonction première qui est de régir les liens sociaux et la redistribution de la richesse.

M. Couillard: Merci, M. le Président. On voit, à la lueur du débat qu'on vient d'avoir, à quel point il était nécessaire que la gauche soit représentée dans le paysage politique du Québec. Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: M. le Président. Alors, le jupon dépasse un petit peu pour les remarques d'introduction et de finale du ministre. Il sait très bien qu'avec le mode de scrutin actuel, c'est son parti qui risquerait d'être favorisé et donc la droite, si jamais, d'entrée de jeu, au niveau électoral, on divisait le vote. Alors ça, c'est un débat qu'on fera à d'autres moments donnés. Mais on est toujours à gauche ou à droite de quelqu'un, M. le ministre. Alors, je pense qu'en ce qui vous concerne on est plus à gauche que de votre côté droit. Il y a sans doute des gens qui sont plus à gauche de notre côté à nous... par rapport à nous, et nous respectons ça. Et puis je trouve que, dans l'espace public et dans une société démocratique, il y a de la place pour être à gauche ou à droite de quelqu'un d'autre. Mais encore une fois ça me rassure de savoir que, nous, en ce qui nous concerne, on n'est pas de votre côté droit, mais plutôt de votre côté gauche, et pas mal plus éloignés de votre côté gauche que vous le pensez et que vous voulez l'admettre aujourd'hui.

Ceci étant, il y a une chose sur laquelle vous avez... D'abord, je voudrais saluer Mme David et le Dr Khadir, que j'ai le plaisir de retrouver ici pour la première fois à l'Assemblée, mais on s'est vus et on a eu plusieurs rencontres à d'autres occasions, dans d'autres forums.

Vous avez parlé des transferts fédéraux, mais vous n'en avez pas parlé beaucoup. Et c'est une réalité majeure, là, parce que, dans les cinq prochaines années, les chiffres qui sont sortis, lors de la dernière campagne électorale fédérale, indiquaient qu'il y aurait 98,6 milliards de dollars de surplus. J'imagine que ça comprend les 43 milliards, là, qui avaient déjà été répartis précédemment. Mais, quand on regarde que, cette année, on s'achemine, au niveau fédéral, à au-delà de 10 milliards de surplus, si on le fait juste sur cinq ans, on est déjà à 50 milliards, plus les 43, ça veut dire... On est là, là, tu sais. Et c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent. Et, dans ce contexte-là, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'être beaucoup plus vigoureux, plus affirmatif? Parce que tout le monde...

J'ai comme l'impression que, depuis le début de la commission, les gens qui viennent glissent vite sur cette question-là. Oup!, on ne veut pas embarquer dans le débat constitutionnel, on ne veut pas embarquer dans cette dynamique-là, on ne veut pas être associé aux souverainistes, ou aux séparatistes, ou à quoi que ce soit. Et puis finalement, je veux dire, bien des groupes dans la société reconnaissent... ils viennent ici, ils le reconnaissent, le gouvernement l'a reconnu vite dans son document, mais on passe outre puis on passe à autre chose, mais le fond de... Est-ce qu'à court terme la solution... Et je ne dis pas que c'est à long terme parce que je ne pense pas que, si on récupérait une part plus significative des surplus fédéraux, tout serait réglé. Je n'ai pas cette prétention-là puis je ne dis pas ça. Mais, je veux dire, il y a là quelque chose de majeur.

Et là, par exemple, dans ces surplus fédéraux ou dans ces recettes fédérales là, il y a, par exemple, les recettes de la TPS. Le gouvernement fédéral vient d'annoncer qu'il va décider de la baisser de 1 %. Bien, c'est 1,3 milliard, là. Qu'est-ce qu'on fait avec ce 1,3 milliard, à votre avis? Et qu'est-ce qu'on fait avec les surplus qui sont annoncés? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu qu'il y ait, au niveau de l'ensemble de la société, de la part des partis politiques... Si tous les partis ici en parlent mais finalement n'en parlent pas avec vigueur, le niveau de conscience citoyenne qui est nécessaire pour avoir le courage politique dont vous parliez tantôt, sur une série de questions, il ne sera pas au rendez-vous parce que la conscience ne sera pas là, la volonté ne sera pas là, et finalement il n'y aura pas cette pression de l'opinion publique pour dire aux décideurs politiques, à tous les partis politiques sur la scène: Écoutez, là, ça, c'est une priorité. Il faut aller chercher notre butin, là, parce que, si on ne le fait pas, on se tire dans le pied puis on n'arrive pas à solutionner les problèmes. Ce serait ma première question. J'en ai quelques autres, là, mais je vous laisse...

M. Khadir (Amir): D'abord, dans la série de propositions sur le financement, j'ai amené le premier point. Pour moi, c'étaient les transferts justement fédéraux qui sont là-bas. Les dépenses en matière de santé et d'éducation sont très, très importantes dans tous les pays développés. C'est le principal champ d'intervention de l'État et de ses services aux citoyens. Alors, c'est sûr que, dans une lutte à finir entre deux représentations, deux États qui réclament, légitimement ou illégitimement, le droit de représenter la population, c'est aussi une lutte à finir dans les capacités de dépenser. Et c'est sûr que, comme parti souverainiste, pour réaliser notre projet de société global, comme Mme David l'a mentionné en introduction, comme parti souverainiste, ça implique que nous disposions de tous les moyens dont doit disposer une nation pour déterminer ses priorités.

Maintenant, nous n'avons pas abordé plus loin ceci parce que c'est un débat que nous menons à plusieurs à un autre niveau. Mais il est clair qu'il y a des milliards de dollars qui échappent au Trésor québécois et qui seraient vraisemblablement en grande partie dépensés dans des services très nécessaires en matière de santé, ce qu'on n'est pas capable de faire parce que le fédéral...

Maintenant, il faut quand même préciser quelque chose, que, ceci dit, il y a des choses qu'on peut faire à l'intérieur de nos moyens actuels. Pendant qu'on mène cette bataille-là, il y a des choses qu'on peut faire. Nous avons fait des propositions, c'est-à-dire, on n'a pas juste... On ne peut pas se cacher derrière ce prétexte pour éviter d'aborder d'autre chose. Donc ça, c'était notre point. Et, deuxièmement, c'est qu'il y a, disons, une approche en matière d'universalité, d'accessibilité, d'équité en matière de santé, contenue dans la loi canadienne, qui a quand même sa valeur mais qui est utilisée malheureusement comme prétexte pour un droit de regard sur les dépenses en matière de santé, ce que, nous, on trouve injustifié.

n (17 h 50) n

M. Charbonneau: Écoutez, moi, qu'on se comprenne bien, là, je ne disais pas que vous n'en parliez pas, je disais juste... Ce n'était pas un message uniquement pour vous. Parce que, même d'un point de vue fédéraliste, là, le Parti libéral est fédéraliste, et je l'ai dit à plusieurs reprises au ministre depuis le début de la semaine: Dans le fond, la balle est d'une certaine façon dans votre camp, là, vous êtes au pouvoir, vous, les fédéralistes, à Québec puis à Ottawa, et il y a des surplus, là, et, si vous voulez faire la démonstration que, par exemple, l'option souverainiste, ce n'est pas l'option à emprunter puis à adopter, bien vous avez la possibilité de le faire.

Mais la réalité, c'est que, qu'on soit souverainiste ou fédéraliste, le fait est qu'il y a des surplus et que le Québec actuellement, et l'État québécois, et le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, et son titulaire, actuel comme passé et futur si on ne règle pas le problème, n'aura pas les moyens de ses ambitions, n'aura pas les moyens de ses plans d'action, n'aura pas les moyens pour faire face aux besoins dont vous parliez tantôt. Et ça, c'est le nerf de la guerre, là. Parce que c'est relié aussi à votre autre proposition de réforme de la fiscalité. Je ne reviendrai pas sur le fait que... Bon.

Tu sais, dans le fond, c'est très difficile, quand on est dans l'action réelle, de savoir jusqu'où, à un moment donné, l'effet pervers s'applique ou pas. Je pense que Mme David l'a reconnu tantôt, il y a, à un moment donné, un effet pervers à aller dans la taxation des entreprises, etc. Les plus riches... il n'y en a pas tant que ça au Québec, mais il y en a quelques-uns, là. C'est facile de le dire théoriquement, mais c'est plus difficile, dans l'action, d'arriver à mesurer là où, woup!, ça penche d'un côté par rapport au moment où ça penche de l'autre.

Mais est-ce qu'il n'y a pas lieu d'intensifier le combat politique québécois ? et je ne dis même pas souverainiste, là, le combat politique québécois ? pour aller chercher une part plus significative de ces surplus-là?

Moi, ce que je crains, c'est que finalement, si on ne fait pas attention, là, on va les accorder en réductions d'impôt, on va continuer à réduire la TPS une fois, deux fois, trois fois, puis, à un moment donné, on va aller puis, woup! la cagnotte, là, il n'y en aura plus. Puis on n'aura plus le courage, personne, de taxer, parce que le courage, c'est aussi, à un moment donné, de dire aux citoyens, là: Si vous voulez avoir le niveau de services dont vous avez besoin puis que vous réclamez, là, bien il y a un prix à payer, là, puis, à un moment donné, il va falloir qu'on le paie collectivement, là. Même si on répartit mieux l'effort ou si on le répartit différemment, il y a une réalité qu'à un moment donné, là, il va falloir qu'on fasse face à cette situation-là.

Mme David (Françoise) C'est bien évident que Québec solidaire va s'associer à tout parti politique d'ailleurs et tout mouvement de la société civile qui va réclamer la juste part du Québec en matière de financement de la santé. Ça, ce n'est même pas une question pour nous. Je suis quand même d'accord avec Amir pour dire: On n'attendra pas d'avoir tout ça pour agir. Donc, il faut un peu tout faire en même temps.

Et j'aimerais ajouter la chose suivante. C'est qu'effectivement le premier ministre du Canada a décidé... il l'avait annoncé de toute façon au moment de la campagne électorale qu'il voulait réduire la TPS de 1 %. Il va le faire. C'est vrai qu'on peut se demander jusqu'où ça va aller, est-ce qu'on va réduire les impôts après ça, etc. C'est un premier ministre conservateur et, comme son nom l'indique, il ne fera pas dans la gauche.

Donc, la question, il me semble, qu'on va devoir se poser au Québec, tous partis politiques confondus ? je trouve qu'il y en a qui ont répondu un petit peu vite à mon goût par rapport à ça ? c'est: Bien, s'il y a dans les faits une forme de baisse d'impôt au fond venant du fédéral, est-ce qu'au niveau de la population québécoise on ne pourrait pas trouver une façon de récupérer ce montant qui rendrait bien service à l'État québécois pour donner de meilleurs services de santé et une meilleure éducation, sans compter qu'il faut lutter contre la pauvreté? Alors, est-ce qu'il faut, de notre côté, augmenter la TVQ d'un point ou alors avoir peut-être une façon plus ciblée vers des gens à revenus importants, disons? Je ne parle pas seulement des plus riches, là. Mais pourquoi allons-nous nous priver de tout ce montant d'argent? Il me semble que ce serait un débat à faire.

Et je regrette un peu qu'on y réponde très vite en disant de tous les côtés, semble-t-il, sauf chez nous pour le moment: Non, on ne fait rien, on ne touche à rien, il y a baisse de la TPS, et ça finit là. C'est un peu dommage, il me semble. Dans les faits, ça veut dire qu'on est en train de consentir clairement, au Québec, à une sorte de baisse d'impôt. Pourtant, on ne cesse de dire que le gouvernement du Québec a besoin d'argent pour la santé et l'éducation, et, moi, j'ajouterais certainement la lutte à la pauvreté. Ce débat-là aussi à notre avis devrait se poursuivre puis peut-être même dans un autre forum qu'une commission parlementaire qui est dédiée seulement à la santé.

M. Charbonneau: Malheureusement, on n'aura pas un temps énorme d'échange. Vous avez abordé un tabou tantôt, mais vous n'êtes pas allés dans le détail. Et c'est dans le détail où finalement, à un moment donné, on voit la mesure des choses, là. Quand vous dites: Bien, nous autres, on pense qu'on devrait réviser ou questionner le mode de rémunération actuel des médecins, est-ce que vous seriez prêts à dire: On pourrait au Québec envisager le salariat des médecins?

M. Khadir (Amir): Moi, je pense qu'il y a encore là une recherche d'équilibre à faire. Nous n'avons pas prétendu qu'il fallait mettre les médecins tous à salaire. Mais, selon les besoins et le type de pratique, que ce soit en milieu hospitalier, en cabinet, en CLSC, en GMF, on pourrait revoir le mode de rémunération pour enlever la pression indue qui est exercée actuellement sur la consommation, enfin la fourniture des services, qui accroît les dépenses en santé par le paiement à l'acte uniquement.

C'est sûr qu'on a une faible minorité de médecins qui sont déjà à salaire dans certaines institutions publiques et parapubliques. Mais ce modèle en tout cas mixte, on sait que, dans d'autres pays, il favorise la prise en charge. Par exemple, les forfaits pour la prise en charge de patients chroniques, quand un médecin ou une équipe médicale s'occupe de manière plus globale d'un patient qui a de multiples pathologies, ça fait moins de visites ou de balles de ping-pong dont on a mentionné tout à l'heure, avec des économies d'échelle dans le traitement du suivi des patients. Donc, c'est une combinaison de possibilités qu'il faut...

Mais à mon avis vous avez raison de dire qu'il faut peut-être commencer aussi, lorsqu'on parle financement du système de santé et contrôle de coûts, briser ce tabou-là. C'est une question de rapport de force social et politique. Et, s'il y a d'autres, disons, initiatives qui sont prises pour que les médecins ne se sentent pas les seuls visés, les seuls pointés du doigt et qu'on met à contribution d'autres secteurs qui sont indûment privilégiés ? je pense aux compagnies pharmaceutiques ? bien là on pourrait peut-être...

Hein, si on revoit, par exemple, les brevets. Tout le monde s'entend pour dire que les taux de rendement des compagnies pharmaceutiques, qui sont de 45 % à l'échelle mondiale ? c'est trois fois plus que les six secteurs les plus rentables de toute l'économie mondiale, énergie, nouvelles technologies, armement, mettez-les, d'accord ? il y a quelque chose d'inadmissible là-dedans, il y a quelque chose d'exagéré. Et, au Québec, on a un des régimes les plus favorables, et on n'en voit pas vraiment le juste bénéfice parce que nos coûts de médicaments augmentent puis les entreprises ne se gênent pas de mettre la clé sur le verrou. Alors, il faudrait aussi avoir le courage peut-être de revoir les brevets pharmaceutiques.

M. Charbonneau: Mais dans le fond, si on poursuit la discussion puis sur la question du médicament, ce que vous dites, c'est qu'on devrait envisager un régime public universel d'assurance médicaments. C'est ça que vous dites.

M. Khadir (Amir): Oui. Le régime public d'assurance médicaments, c'est une partie de la chose pour la couverture. L'autre aspect, c'est la production. C'est-à-dire qu'il pourrait y avoir une entreprise publique qui ne prend pas toute la place mais qui prend sa place, qui innove, qui produit certains médicaments mais qui peut aussi produire des génériques, qui exerce donc une pression à la baisse sur les médicaments, le prix des médicaments, qui est en quelque sorte dans une situation de monopole, actuellement.

M. Charbonneau: Ce que vous dites, si je comprends bien, c'est que finalement vous voulez faire l'inverse. Il y a des gens qui nous proposent d'ouvrir plus le privé pour créer une saine émulation avec le secteur public. Vous, vous dites: On devrait ouvrir au public pour créer une saine émulation avec le privé.

M. Khadir (Amir): Bien, malheureusement, dans le domaine du médicament comme dans le domaine de l'essence et du pétrole, la réalité de la globalisation et de l'accroissement de la dimension des entreprises pharmaceutiques fait en sorte que seuls les pays qui, comme le Brésil, qui, comme la Thaïlande, qui, comme certains pays européens, ont des secteurs publics pharmaceutiques peuvent vraiment exercer une pression à la baisse parce qu'il y a une situation de collusion, d'oligopole actuellement, au niveau international, notamment pour les produits brevetés. On l'a vu dans le cas des médicaments pour le sida. Et, à la conférence de Durban, il a fallu un rapport de force au niveau de l'opinion publique pour renverser et forcer les entreprises pharmaceutiques. Et les pays comme le Brésil, l'Inde, l'Afrique du Sud et par ricochet la Thaïlande ont pu juguler le problème épidémique de sida dans leur pays quand ils ont décidé de produire eux-mêmes des médicaments génériques.

M. Charbonneau: Vous avez parlé, et j'aurais aimé ça que vous élaboriez parce que je ne suis pas sûr que je connaissais l'existence de ça, mais vous dites que, dans certains pays, on a utilisé un pôle public d'achat de médicaments, là.

M. Khadir (Amir): Oui. C'est-à-dire que... bon, une régie publique d'achat de médicaments qui négocie au niveau national. Actuellement, par exemple, quelques hôpitaux peuvent se mettre, à Montréal, à acheter ensemble un certain nombre de produits, par exemple dans mon laboratoire, hein, pour le laboratoire diagnostic de microbiologie. On fait l'acquisition au cas par cas, puis chaque labo le fait un peu isolément, dans son coin. Alors que le système public constitue une espèce de rapport de négociation très important dont on se prive. S'il y avait une régie publique à laquelle on pourrait s'adresser, qui, elle, s'assure d'utiliser ce rapport de négociation pour obtenir de meilleurs prix, ça ferait en sorte que la RAMQ ne paiera pas de trois à six fois pour certains médicaments dans le domaine de l'hypertension ou du coeur qu'on ne négocie même pas. C'est-à-dire, il n'y a même pas de négociation, là. D'ailleurs, la RAMQ accepte les prix proposés par les fournisseurs. Le Dr Couillard pourrait...

n (18 heures) n

Le Président (M. Copeman): Il reste quelques minutes. Je présume, il y a consentement pour qu'on dépasse de quelques minutes le 18 heures? Il y a consentement. Allez-y.

M. Charbonneau: M. le Président, sur la caisse santé versus caisse vieillesse ou assurance collective de perte d'autonomie, aujourd'hui on a reçu le Conseil des aînés, ils sont venus nous dire, eux, qu'ils étaient plutôt favorables à l'idée d'un régime d'assurance collective pour perte d'autonomie. D'autres aussi sont allés dans cette direction-là. Puis on ne peut pas penser, en tout cas du Conseil des aînés, que... Ce ne sont pas des gens qui peuvent être associés à des entreprises qui ont des intérêts ou à des financiers. Tu sais, ce n'est pas M. Ménard de la Banque de Montréal ou Michel Clair, je veux dire, du Groupe Sedna, là. Tu sais, c'est du monde qui finalement sont dans un organisme public, qui réfléchissent puis qui ont un mandat dans le fond de regarder des problématiques en regard des aînés. Est-ce qu'on peut penser que ce n'est pas si simple que ça, là? Moi, j'ai de la difficulté à voir pourquoi il faut écarter, de votre point de vue, cette approche-là.

M. Khadir (Amir): Bon, deux choses. D'abord, c'est parce que c'est proposé comme seule disposition, comme seule solution à ce problème de financement et de coûts associés au vieillissement de la population, dont l'impact est, comme on le sait, exagéré, hein? Il y a des chercheurs à McGill qui l'ont démontré. Parce qu'on peut bulldozer bien des choses, puis ensuite privatiser en ayant recours à cet argument-là.

Ce qu'on dit, c'est qu'une caisse dédiée où les citoyens seraient taxés serait une manière régressive, hein? Si on dit, par exemple: Tous les citoyens, tous les contribuables doivent payer 135 $ par année, par exemple, à la caisse vieillesse, bien ça fait en sorte que M. Desmarais, M. Jean Coutu et M. Michel Clair en l'occurrence paieraient le même montant que le citoyen, le contribuable ordinaire qui, au Québec, gagne en dessous de 50 000 $, je pense, à raison de 80 %, hein? Donc, c'est une manière régressive de contribuer à une assurance mutuelle qu'on veut prendre collectivement, alors que l'impôt général, de par son caractère progressif, est un meilleur moyen. Ensuite l'État exerce, si vous voulez, l'arbitrage nécessaire, lorsqu'il pense que la santé et le vieillissement nécessitent des coûts, bien d'allouer les fonds nécessaires.

Maintenant, s'il faut recourir à une caisse, soit, mais on pourrait, au lieu de taxer les individus, les contribuables, qui se sentent déjà injustement traités parce qu'il y a des entreprises qui, ils le savent pertinemment, ne contribuent pas, on pourrait plutôt dire: Les secteurs d'activité économique, les produits qui exercent ? et on peut le démontrer, on peut refaire ce débat-là, lesquels, par exemple le tabac, ça nous a pris 40 ans malheureusement à le démontrer, mais on a fini par le démontrer ? qui exercent une pression indue sur la santé de la population avec des coûts, pourquoi on ne commencerait pas à taxer ceux-là, si on veut une caisse dédiée? Si, autrement dit, on ne prend pas de mesure fiscale plus générale, plus progressive, plus juste, pourquoi on ne viserait pas ces produits-là plutôt que le contribuable toujours? Donc, ce n'est pas une opposition de principe, c'est juste dans la...

Le Président (M. Copeman): Mme David, brièvement.

Mme David (Françoise): Oui, je voudrais juste ajouter, sur cette question-là, qu'une autre partie de notre opposition, le Dr Khadir l'a évoquée au début, c'est vraiment cette idée qu'on place le vieillissement de la population comme l'élément central de l'augmentation des coûts de la santé et des services publics. Et vraiment on a eu l'occasion, lors d'un colloque ? où d'ailleurs nous nous sommes croisés ? à l'Institut du Nouveau-Monde, d'entendre des chercheurs de l'Université McGill nous expliquer que ce vieillissement n'est pas aussi dramatique que ce qu'on voudrait nous faire croire et que donc ça devient assez odieux finalement pour, oui, une partie de la population vieillissante au Québec de ressentir cette espèce de poids, de se faire dire: Bien, au fond, c'est un peu de votre faute, alors que dans les faits l'augmentation des coûts de la santé est due bien davantage aux nouvelles technologies, qui sont importantes, et on ne veut pas nier leur efficacité, mais qui coûtent très cher, et aussi à l'augmentation du volume et du coût des médicaments.

Donc, c'est le message social qu'on conteste aussi là-dedans. Puis de toute façon, quelle que soit la solution retenue ? je vais répéter ce que j'ai dit tout à l'heure sur un autre sujet ? on parle toujours des mêmes personnes qui vont payer, des mêmes poches à travers lesquelles l'argent va être pris. Nous, on préfère des solutions qui impliquent l'ensemble de la population, mais chacun et chacune avec sa juste part.

Le Président (M. Copeman): Nous avons déjà dépassé de quelques instants le temps. Alors, Mme David, Dr Khadir, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de Québec solidaire. Sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à mardi le 11 avril, 9 h 30, dans la salle Louis-Joseph-Papineau.

(Fin de la séance à 18 h 5)


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