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Version finale

37e législature, 2e session
(14 mars 2006 au 21 février 2007)

Le vendredi 26 mai 2006 - Vol. 39 N° 34

Consultation générale sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès : un défi d'équité, d'efficience et de qualité


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

 

M. Russell Copeman, président

M. Jean-Pierre Paquin, président suppléant

M. Philippe Couillard

M. Jonathan Valois

Mme Jocelyne Caron

* M. Jean Rouleau, Faculté de médecine de l'Université de Montréal

* M. Guy Breton, idem

* Mme Hélène Harvey, CSF

* Mme Francine Lepage, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures huit minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Un peu de problème de feed-back qui dure encore. On va suspendre quelques instants, je crois.

(Suspension de la séance à 11 h 9)

 

(Reprise à 11 h 10)

Le Président (M. Copeman): Alors, excusez-moi pour des petits problèmes techniques, chers collègues, qui étaient, en fin de compte, la responsabilité de la présidence.

Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Nous sommes réunis afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, Mme L'Écuyer (Pontiac) va être remplacée par Mme Hamel (La Peltrie); M. Bouchard (Vachon), par M. Valois (Joliette); Mme Charest (Rimouski), par Mme Caron (Terrebonne). Voilà.

Le Président (M. Copeman): Merci. Je rappelle à tous ceux qui sont présents dans la salle que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite pendant les séances, les travaux de la commission. Je prierais tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.

En ce qui concerne notre commission, nous avons une journée relativement courte, aujourd'hui. Évidemment, les parlementaires ont d'autres responsabilités à vaquer ailleurs, mais ici, à la Commission des affaires sociales, nous allons débuter dans quelques instants avec les représentants de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal et terminer le matin avec le Conseil du statut de la femme. On prévoit l'ajournement autour de 13 heures.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal. M. le doyen, Dr Rouleau, bonjour.

M. Rouleau (Jean): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation; je vais vous aviser quand il vous reste trois minutes; et par la suite il y aura un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter votre collaborateur et d'enchaîner par la suite avec votre présentation.

Faculté de médecine de l'Université de Montréal

M. Rouleau (Jean): Oui. Alors, merci d'avoir accepté de nous entendre. Moi, je suis Jean Rouleau, doyen de la Faculté de médecine, et je suis cardiologue, et Guy Breton, c'est le vice-doyen exécutif aux affaires hospitalières de l'Université de Montréal, et c'est un radiologiste.

Alors, j'aimerais commencer avec une citation de Voltaire: « L'art de la médecine consiste à amuser le patient alors que la nature guérit la maladie. » Je pourrais vous parler un peu plus de Voltaire après, mais ce n'était pas un grand ami des médecins pour toutes sortes de raisons. Mais il faut juste ne pas se prendre trop au sérieux, je pense, quand on parle de médecine.

Il y a quatre grandes caractéristiques du système de santé au Canada et au Québec: 70 % du financement provient du secteur public; la couverture universelle des soins médicaux et hospitaliers; il y a une absence de copaiement; et les médecins ne peuvent faire partie du système public et d'un système parallèle privé en même temps.

Le fond de la décision Chaoulli, c'est que les patients ont le droit d'avoir accès aux soins de la santé dans un délai raisonnable, et ceci est un peu la raison que... une des raisons pour laquelle la commission se penche sur le problème.

Quelles sont les raisons possibles pour lesquelles nous pourrions souhaiter de développer un système privé plus fort au Québec? Bien, il y en a trois, possibilités: afin d'améliorer l'accès aux soins, afin d'améliorer l'efficacité du système de santé  ?  on en entend beaucoup parler  ?  et afin d'améliorer la qualité des soins. J'aimerais adresser, pour commencer, la question « afin d'améliorer l'accès aux soins » .

Bien, les éléments majeurs du délai d'attente total pour les soins de santé au Québec, en 2005, étaient le résultat d'une pénurie de médecins. Le délai à une visite d'un médecin de famille, si on peut le trouver, n'est pas vraiment très bien documenté. Il y a certaines parties de la province et certains secteurs de villes où c'est extrêmement difficile de trouver un médecin de famille. Si on est capable d'en trouver un et d'avoir un rendez-vous, ensuite le délai du médecin de famille au spécialiste, c'est 9,1 semaines. Le délai du spécialiste au traitement est de 8,7 semaines, donc à peu près la même chose que le délai d'un médecin de famille à un spécialiste. Je vais vous montrer plus tard que le délai du spécialiste au traitement est aussi largement le résultat d'une pénurie d'effectifs dans le système de santé.

Donc, si plus que la moitié du délai ou les deux tiers du délai est un délai pour voir un médecin, il faut former plus de médecins. Et ça a été bien documenté, que le Canada n'est pas particulièrement bien nanti pour le nombre de médecins. En 2003, on a les données de l'étude Fraser qui suggèrent que le Canada est un des pays développés avec le moins grand nombre de médecins pour 1 000 habitants. À droite, vous avez en 2005, et ça, c'est du livre Facts and figures, du Economist, qui vient juste de sortir, 2006; ça suggère que le problème est maintenu au Canada. Mais je peux vous dire que l'augmentation ou... pour résoudre ce problème-là, c'est bien amorcé, et on va voir des résultats très, très bientôt.

Bon. L'accès aux plateformes techniques. On voit ici trois différentes plateformes techniques, et vous voyez qu'on a fait un léger progrès au Québec, pour le délai pour une plateforme technique pour avoir un examen. Je vous adresse au milieu, qui est la résonance magnétique. Pour avoir une résonance magnétique, il y a un délai de 12 semaines. En France, il y a le même nombre d'équipements par habitant qu'au Canada, mais eux autres n'ont pas de listes d'attente. Pourquoi? Parce que leurs appareils fonctionnent 24 heures par jour, et les nôtres fonctionnent huit à 10 heures par jour et pas nécessairement sept jours par semaine. Le problème, c'est un manque de techniciens et d'expertise technique.

Le délai d'accès au traitement varie selon le problème, et il faut cibler certains problèmes. Vous voyez qu'en effet, si on regarde certains problèmes comme radio-oncologie, déjà, le délai est un peu plus long qu'on souhaiterait, mais il est quand même beaucoup moins que si on regarde la chirurgie orthopédique, ou chirurgie plastique, ou ophtalmologie. Le ministère a su bien... ou a cru bien de cibler les secteurs qui ont des longues listes d'attente avec leur garantie. Mais il y a des attentes qui sont non négligeables dans d'autres secteurs aussi.

Mais les délais ne dépendent pas seulement des médecins et des techniciens mais aussi largement d'une pénurie d'autres professionnels de la santé. Il faut en former plus, il faut les retenir au Québec et il faut favoriser un rôle accru en équipes interdisciplinaires intégrées. Par exemple, ce n'est pas toujours nécessaire qu'un médecin fasse un acte qu'il y a bien d'autres gens qui sont souvent mieux formés pour le faire.

La pénurie d'infirmières, le résultat, c'est une fermeture de lits, et on va le voir beaucoup cet été. Où il manque des infirmières, on ferme des lits de soins intensifs, fermetures de salles d'opération  ?  c'est un grand problème  ? fermeture de certains plateaux techniques, par exemple les salles d'hémodynamie, et ainsi de suite. Et la pénurie d'infirmières, c'est un problème à la première ligne aussi.

Il y a aussi une pénurie d'autres professionnels de la santé qui a des effets importants, par exemple les orthophonistes et les ergothérapeutes, juste pour en nommer deux. Le résultat, c'est une perte d'autonomie pour beaucoup de gens, donc ils doivent aller dans des institutions au lieu de demeurer à la maison; baisse de qualité de vie; baisse de productivité. Et donc il y a un problème majeur là.

Donc, l'expansion du système privé, comment est-ce que ça va affecter l'accès au public pour des soins? Bien, le manque de ressources humaines, médicales, infirmières, autres professionnels de la santé et techniciens, c'est le problème principal, le facteur principal limitant l'accès aux soins. Repousser ces ressources précieuses au privé ne fera qu'augmenter le problème du système public.

Le problème du M.D. est en voie de résolution, le problème des autres professionnels demeure un défi qui n'a pas été entièrement relevé. Si les professionnels de la santé passent au privé, qui assurera le soin et la formation des futurs professionnels et techniciens de la santé? Je peux vous dire, dans bien des milieux, le facteur limitant pour prendre plus de gens en formation, c'est qu'on n'a pas de milieu de formation. On sature nos capacités de former les gens. Si on perd de ces professionnels précieux au privé, on va être capables de former encore moins de professionnels.

Et le concept d'un système de santé à deux vitesses est contraire aux valeurs des Québécois. Par contre, l'accès aux soins dans un délai raisonnable est un droit, et le gouvernement aura à investir afin de garantir un succès aux soins dans un délai raisonnable. Et on va en parler un peu plus tard.

n (11 h 20) n

Bon. Deuxième raison possible pour l'expansion d'un système privé, c'est afin d'améliorer l'efficacité du système de santé. Bien, si on regarde... Et j'attire votre attention au pourcentage des soins qui sont... les coûts des soins fournis par le système public. Au Canada, 70 % des coûts des soins de santé est fourni par le système public. Il y a juste deux autres pays qui en ont... où le système public paie moins, c'est les États-Unis et la Suisse. Et, vous allez remarquer, c'est les deux pays où les coûts, le pourcentage du produit intérieur brut... où ça coûte le plus cher: les États-Unis, où il y a le plus bas taux de financement public, et après ça la Suisse. Donc, je pense qu'on a peu à apprendre de ces pays-là comment avoir des services pour nos dollars.

J'attire votre attention à la France, l'Allemagne et l'Angleterre, trois pays où les gens suggèrent qu'il y a un côté privé qu'on devrait regarder de plus près. Je vous ferai remarquer qu'en effet le public paie plus de pourcentage des soins dans ces pays-là qu'au Canada. Et le Canada, c'est le seul pays où il n'y a pas eu une hausse du pourcentage du produit intérieur brut qui est allée aux soins de santé. Je peux vous dire qu'aux États-Unis, au cours des dernières années, les derniers deux à trois ans, la période où les HMO réduisaient ou contenaient les coûts est passée, et la hausse des coûts est entre 7 % et 8 %. Il y a une inquiétude majeure aux États-Unis, pour essayer de maintenir les coûts.

Troisièmement, on pourrait dire: afin d'améliorer la qualité des soins. Et souvent on dit: Bien, aux États-Unis, ça, c'est le summum des soins. Regardons les faits. Si on regarde la survie moyenne, aux États-Unis, pour un homme et une femme, c'est un peu inférieur au Cuba. Le Canada est nettement supérieur aux États-Unis. Donc, règle générale, les Canadiens survivent mieux que les États-Unis, suggérant qu'il y a une qualité de soins générale supérieure.

Et si on regarde dans la haute technologie, moi, je suis un cardiologue qui se spécialisait aux soins intensifs, alors je vous ai donné un exemple; ça, c'est une étude, et il y en a trois qui montrent la même chose: trois études avec des dizaines de mille de patients au Canada et aux États-Unis, donc les mêmes patients avec des infarctus aigus, les mêmes critères d'entrée. Et vous voyez qu'à 30 jours 5,6 % des Canadiens, ceux traités au Canada, avaient un décès ou un infarctus; aux États-Unis, 9,1 %. Même genre de patients. Et on voit à un an que c'est vrai aussi. En effet, dans cette étude, c'était plus dangereux d'être traité aux États-Unis, à comparer au Canada, que c'était d'avoir le diabète.

Pourquoi est-ce qu'on a des résultats aussi impressionnants au Canada à comparer aux États-Unis? Quand on regarde des patients dans des... que ce soit des patients dans leur vie au complet ou dans des accidents aigus, comme un infarctus, c'est parce que, nous autres, on maintient des volumes adéquats dans les milieux... surtout les milieux de haute technologie, où les risques du patient sont très élevés. On a des masses critiques d'experts nécessaires et on a des critères de qualité élevés. Donc, c'est difficile d'arriver dans un milieu et d'être accepté, il faut que la qualité soit très élevée.

Une chose qu'on peut et on doit faire mieux, et je sais que le ministère se penche sur ce problème-là, est en train de développer un plan, c'est pour le suivi systématique de la qualité de l'acte. Aux États-Unis, ils le font et ils ont amélioré de beaucoup la qualité de l'acte. Mais, au Canada et au Québec, je pense qu'on peut faire un petit bout de chemin. Là, je sais que c'est un des développements planifiés.

Et ce qui est incontournable pour maintenir cette qualité vraiment, c'est la hiérarchisation des soins  ?  ça veut dire garder des volumes adéquats et des masses critiques dans des milieux  ?  et aussi la complémentarité. Ça voudrait dire, dans un milieu, faire... regrouper certaines procédures dans un milieu pour avoir une masse critique pour maintenir la qualité, alors qu'un autre milieu va prendre un autre mandat pour assurer la qualité. Le volume est très important pour être capable de maintenir la qualité.

Alors, si on regarde les trois raisons pour une expansion du privé, on pourrait dire: pour améliorer l'accès aux soins? Non, le problème, vraiment, c'est les effectifs médicaux, et, si on les enlève du système public, on va juste rempirer ça pour la majorité. Afin d'améliorer l'efficacité du système de santé? Je pense qu'on n'a rien à apprendre des Américains, au moins si on regarde sur le côté financier et objectif. Afin d'améliorer la qualité des soins? Bien, je pense qu'en maintenant des milieux d'excellence et des volumes adéquats on n'a rien à apprendre des Américains non plus.

On va vous donner un peu plus d'information parce que, je pense, on va qualifier ces réponses-là un peu plus, tout à l'heure, avec nos suggestions.

Alors, qu'est-ce que l'Alberta propose? Nous autres, on suggère non à ça. Eux autres proposent l'expansion du système privé dans la soi-disant troisième voie. Eux autres, leurs M.D. pourraient travailler dans un système privé et public en même temps. Je peux vous dire qu'en parlant aux gens de tous les pays où ça se fait ils me disent tous que le résultat, c'est un système à deux vitesses et que ça n'a vraiment pas aidé le système, même, qui a détérioré largement. Donc, nous autres, on ne supporte pas cette approche-là.

M. Breton (Guy): Le travail est déjà bien amorcé au Québec, et je pense qu'il faut le saluer. L'exercice de rationalisation et d'optimisation du système, qui a été concrétisé par la création des CSS qui intègrent les soins de première ligne des CLSC, des CH, des soins de longue durée, c'est définitivement une démarche, là, qui est porteuse d'une accessibilité améliorée.

La hiérarchisation, tel que M. Rouleau l'a mentionné, et la complémentarité des soins, c'est une façon d'améliorer l'accessibilité. Tous les soins doivent être... ne peuvent pas être disponibles partout, mais certains soins doivent être disponibles partout, et il y a donc un exercice de faire des pyramides de soins. Des soins plus complexes doivent être concentrés à certains endroits. Et on reviendra sur l'élément complémentarité.

Les corridors de services sont un élément important dans l'accessibilité. Actuellement, il y a des patients qui ont besoin d'être transférés de façon urgente, et, parce que les corridors de services ne sont pas bien établis, les médecins à l'urgence peuvent perdre du temps à essayer de transférer un patient qui a un problème cardiaque, ou neurologique, ou traumatologique. Donc, c'est un élément clé qu'il faut continuer à travailler.

La hausse du nombre des étudiants en médecine et le début de la hausse des étudiants dans les autres professions de la santé est clairement un pas dans la bonne direction. L'élément de la formation en région, qui a été fortement incitée par le gouvernement actuel, est un élément très positif pour permettre aux étudiants de voir, dès le début de leur formation, ce qu'est la pratique de leur profession en région.

L'élément des rehaussements des parcs technologiques, de la diffusion des technologies est aussi un élément clé pour améliorer l'accessibilité.

Le développement de cliniques privées, soit universitaires soit non universitaires, à l'intérieur du système public est une façon d'améliorer l'accessibilité et de déterminer les délais maximaux pour certaines interventions ciblées sont toutes des actions que nous saluons et qui représentent un travail bien amorcé par le gouvernement actuel.

Cependant, on peut bonifier ce qui est déjà sur place, et voici les suggestions que nous faisons, le comité de direction de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal.

On croit qu'il faut augmenter le nombre de toutes les catégories de professionnels de la santé, incluant les techniciens, afin d'améliorer l'accès aux points de services. Il y a clairement un problème de main-d'oeuvre, pas juste pour les médecins, mais pour l'ensemble des types de professionnels.

Il faut améliorer l'accès aux hautes technologies de diverses façons, entre autres par la prolongation des heures d'utilisation. Moi, comme radiologiste, j'ai vu toute ma carrière des équipements coûteux travailler ou être... soigner les patients 35 heures sur des semaines de 168 heures. Je pense qu'on peut définitivement faire mieux. Mais ça passe par l'adjonction de personnel technique additionnel.

Il faut aussi garantir un accès aux soins avec un délai raisonnable  ?  je pense que c'est le coeur des discussions que nous avons  ?  pour tous les aspects importants des soins, pas juste ceux qui sont actuellement proposés. On pense que ça ne se limite pas juste au genou, à la hanche et à la cataracte, mais qu'il y a d'autres éléments qui devraient aussi être ciblés dans une garantie d'accès dans le temps.

Nous croyons aussi qu'il faudrait réviser la couverture de certaines interventions, de revoir le panier de services, sauf pour les gens qui en ont un besoin urgent, et ce, dans ces cas seulement, selon des critères stricts. Je donne un exemple: les chirurgies ou les traitements de varices à des fins esthétiques, c'est déjà hors régime, mais on devrait réviser certains éléments qui font partie du panier de services et qui actuellement limitent l'accès à d'autres soins qui sont plus essentiels.

n (11 h 30) n

Un système privé parallèle devrait se développer à l'extérieur du système public afin d'assurer les services à ceux qui choisissent de payer eux-mêmes, et ce service privé ou ce système privé pourrait aussi offrir des soins aux patients qui n'obtiennent pas les services attendus à l'intérieur des délais qui ont été garantis, auxquels cas le ministère paierait les frais. Donc, on parle d'un système qui se développerait et qui offrirait des services à ceux qui veulent payer sans tenir compte des délais et aussi qui offrirait, en complément au réseau des établissements, des services payés par l'État lorsque les délais ne peuvent pas être rencontrés à l'intérieur des établissements.

Il faut souligner qu'on croit que tous les coûts d'une intervention effectuée dans le privé devraient être assumés par le privé. On donne un exemple: le patient qui a une chirurgie du genou, lorsqu'il y a une complication, ça retourne dans le public. On croit que, si on veut vraiment créer un système complémentaire, que l'ensemble des services devraient être assumés par le privé.

Finalement, on croit qu'il faut pousser plus loin la hiérarchisation, et il faut être capable de faire que les pôles régionaux aient des activités plus poussées et qu'on puisse concentrer dans les pôles universitaires les activités quaternaires.

Je donnerais un exemple ici, et c'est la deuxième rubrique ici, là, « Inciter la complémentarité intra et interRUIS. » Dans le réseau de l'Université de Montréal, on a réussi à faire des créneaux dans les divers établissements affiliés. Ainsi, on retrouve, à Sacré-Coeur, le créneau traumatologique. L'ensemble de notre réseau, on le sait, la traumatologie complexe, ça se fait à Sacré-Coeur. Les dossiers d'oncologie complexes et de neuroscience, ça se fait au CHUM. Le dossier cardiologie quaternaire, ça se fait à l'Institut de cardiologie. Le dossier hématologie complexe, oncologie et ophtalmologie, ça se fait à l'hôpital Maisonneuve. Ce que nous disons ici, c'est qu'on a fait un bout de chemin, mais il faut que l'État continue à inciter ces regroupements pour des activités plus complexes sans compromettre en aucune façon l'accessibilité à des soins de niveaux 1 et 2. Il faut aller plus loin et au-delà, même, entre les RUIS, entre les réseaux universitaires intégrés de soins.

Je donnerais un exemple. Nous avons six greffes rénales par année, à Sainte-Justine, et six greffes rénales au Département de pédiatrie du CUSM, par année, pour un total de 12 dans la grande région de Montréal. On considère que ce n'est pas optimal, que ce n'est pas donner l'accès à des soins qui sont donnés de façon idéale et que l'État devrait inciter une complémentarité et forcer que ces activités soient regroupées à un endroit pour atteindre un niveau suffisant.

On croit qu'il faut amplifier la prise en charge avec des corridors de services par les RUIS. C'est l'exemple que je donnais tout à l'heure du patient qui est à l'urgence et pour lequel son médecin doit faire du shopping pour trouver où il doit l'envoyer. Il faut vraiment formaliser ces corridors de services.

Il y a un élément d'information qui est important, qui est celui de favoriser le transfert rapide des connaissances en termes de prise en charge de santé publique. Pensons à l'élément de la pandémie; il y a du travail à faire, on peut encore améliorer ce qui peut être fait en termes de diffusion de l'information, et ça passe parfois par des diffusions technologiques. Pensons à tout ce qui s'appelle la formation électronique par le Web.

Je donne un autre exemple. À l'Université de Montréal, on est en train de réaliser un consortium de bibliothèques qui va faire que les 3 millions d'habitants du RUIS de l'Université de Montréal, leurs professionnels de la santé, dans 250 points de services, vont avoir accès à de la bibliographie électronique.

Il y a plein d'exemples de choses où on doit investir dans des technologies de l'information: les laboratoires de simulation où on peut apprendre à des étudiants, autant médecins qu'infirmières, que physiothérapeutes, comment faire des procédures, des manoeuvres et à fonctionner en interdisciplinarité...

Le Président (M. Paquin): M. Breton, je vais vous inviter à compléter, s'il vous plaît, parce qu'on a déjà dépassé le temps.

M. Breton (Guy): Parfait. Il me reste une ligne.

Le Président (M. Paquin): Allez-y.

M. Breton (Guy): On croit qu'il faut à terme concrétiser les cliniques affiliées en marge des milieux académiques, en appui à ces milieux, pour faire une amélioration de l'accessibilité. Là-dessus, je repasse la parole à M. Rouleau.

Le Président (M. Paquin): Rapidement, s'il vous plaît.

M. Rouleau (Jean): Non, c'est juste pour vous rappeler que les facultés de médecine, au Québec, ont augmenté de beaucoup leurs étudiants, le nombre d'étudiants, et la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, en Amérique du Nord, a le quatrième plus grand nombre d'étudiants, un étudiant de moins que l'Université de l'Indiana, qui est troisième.

Et je vous montre le résultat à l'examen national. Pour avoir son M.D., au Canada, il faut passer l'examen national du Conseil médical du Canada, et, comme vous voyez, au global, on est premiers dans toutes les catégories, depuis six ans. Il n'y a aucune université qui n'a jamais réussi à faire trois ans d'affilée dans l'histoire de cet examen-là, suggérant que non seulement est-ce qu'on produit beaucoup de médecins pour aider le Québec maintenant, mais aussi de la grande qualité. De quoi être fiers. Parce que ce n'est pas l'Université de Toronto, ce n'est pas l'université d'UBC, c'est nous autres.

Le Président (M. Copeman): Merci, doyen Rouleau. Alors, M. le député de Joliette... Non, pardon! Il reste du temps. Je suis tout perdu, moi! C'est ça qui arrive quand on revient, voyez-vous?

Une voix: On commence!

Le Président (M. Copeman): Excusez-moi, on commence? Excusez-moi.

Une voix: ...encore en état de choc, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Non, mais pas tout à fait, mais... Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, la parole est à vous.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Vous m'avez inquiété très, très brièvement. Je dirais que la fierté que vous ressentez, Dr Rouleau, s'étend à tout le Québec, là. C'est la fierté de l'institution, mais des données comme ça... et tous les Québécois, j'en suis certain, en sont très fiers, puis je vous félicite pour être arrivés à ces résultats-là.

Je dirais brièvement... une petite remarque sur les corridors. Dr Breton, vous parliez des corridors de services. J'ai cité un souvenir qui m'est revenu de certaines nuits à un hôpital que vous et moi connaissez bien, d'appel d'un médecin de salle d'urgence en détresse qui était rendu à son sixième neurochirurgien auquel il implorait de recevoir son patient comateux. C'est ce qu'on veut essayer d'enlever ou d'arrêter avec les RUIS.

Je dois dire que votre présentation, moi, je suis très à l'aise, en fait je suis entièrement d'accord avec tous les éléments qui y sont contenus, avec peut-être des petites modulations qu'on pourra discuter. Je dirais que la proposition qu'on présente n'est absolument pas basée sur le système albertain. Vous le savez bien, mais je pense qu'il faut le dire parce qu'à écouter peut-être qu'on a l'impression que c'est ça qu'on veut. Non, ce n'est pas ça qu'on veut. On ne veut pas... on veut garder l'étanchéité, on ne veut pas de système à deux vitesses. Et ça, là-dessus, on a été très, très précis. D'ailleurs, la proposition est basée sur le système public largement des hôpitaux publics et également un peu par financement public avec les cliniques affiliées, comme vous-même vous le recommandez.

C'est bien également de montrer que les éléments sont clairs qui permettent de conclure qu'effectivement il y a un redressement du problème d'accès aux soins. L'objectif, on voudrait que ce soit toujours mieux et plus vite, mais il y a un redressement qui ne peut pas être nié et dans l'accès aux technologies et dans l'accès aux soins. D'ailleurs, les institutions comme le Fraser Institute et Statistique Canada le notent très bien.

J'aurais quelques points à discuter avec vous. D'abord, la question de... parmi les trois questions que vous posiez, il y avait la question de l'efficacité. Puis Dr Breton, avec beaucoup de justesse, soulignait le fait que beaucoup de nos plateaux techniques ne sont pas utilisés, là, autant qu'on le voudrait. Je vais vous faire part d'une expérience personnelle récente, sans entrer dans trop de détails parce que ça peut être délicat, là, mais pour amener la question.

Récemment, on a réussi à améliorer considérablement l'accessibilité à un plateau technique spécialisé dans une maladie très grave, essentiellement en augmentant le temps de fonctionnement des appareils. Je peux vous dire que ça a été et c'est encore la croix et la bannière pour arriver à le maintenir. Toutes les considérations d'organisation du travail et autres, là, je les passe sous silence. Puis je ne parle pas des médecins, en passant; j'ai eu quelques démêlés au cours des derniers jours, mais ce n'est pas de ça que je parle. Je parle d'une autre profession que les médecins.

Alors, est-ce qu'il n'est pas possible, avec justement l'expérience des cliniques affiliées financées entièrement par le public sans contribution par les patients, d'induire peut-être pas la compétition, le mot n'est pas populaire, mais l'émulation en termes d'efficacité, de reddition de comptes pour les coûts unitaires, d'expliquer pourquoi, dans ce milieu-là, on est capables de faire fonctionner une salle d'opération jusqu'à 6 heures du soir puis l'autre coté, dans l'hôpital, on n'est pas capables? Est-ce que vous ne pensez pas qu'il n'y a pas un point, là, de stimulation, un petit aiguillon dans notre système qui devrait être utile?

M. Rouleau (Jean): Définitivement, que d'avoir un système partenaire  ?  je l'appellerais « partenaire » , ici  ?  ça crée une émulation, ça permet aux gens de faire des choix; les gens, je parle ici des professionnels, qui peuvent préférer aller dans un système et dans l'autre. Et un système privé permet une souplesse définitivement beaucoup plus importante qu'un système très régulé, très normé, très syndiqué ne permet pas. Je vous donne donc raison, je pense que, si nous avions cette option de l'alternative, ça stimulerait le public.

n (11 h 40) n

M. Couillard: Et une petite remarque également, Dr Rouleau. Quand on fait les dépenses... la comparaison des dépenses internationales, particulièrement pour l'Angleterre, la France, l'Allemagne, et dépenses publiques, dépenses privées, vous savez certainement que, dans les dépenses publiques et privées, dans ces pays, les dépenses médico-hospitalières sont également réparties ou presque, tandis que chez nous les dépenses médico-hospitalières sont presque exclusivement financées par le public. Donc, il faut pondérer un peu ces comparaisons.

La garantie de soins, effectivement, vous dites qu'il faudrait l'étendre à l'ensemble des procédures chirurgicales, puis je suis d'accord avec vous là-dessus. La seule chose que je me dis, puis ayant connu le milieu hospitalier: Il faut apprendre à se servir de ça, puis il faut apprendre à faire fonctionner ça. Une garantie de soins, ça a l'air simple, quand on l'exprime comme ça, puis les citoyens bien sûr le reçoivent très positivement: on va être garantis d'être traités en tant de mois pour telle chirurgie. Mais, en pratique, ça veut dire l'abandon de la gestion autonome de la liste d'attente par le médecin vers une gestion centralisée et priorisée de la liste d'attente; ça veut dire la reddition de comptes; ça veut dire la validation continue des listes d'attente; ça veut dire l'approche individualisée pour toutes les personnes qui sont dessus. Je pense que c'est un changement de culture qu'on va réussir mais qu'on ne réussira pas du jour au lendemain. Et, si on avait annoncé une garantie de soins étendue d'emblée, ça aurait peut-être été très populaire pendant quelques jours, mais rapidement les gens seraient venus nous dire: Écoutez, on ne sera pas capables, là.

Est-ce que vous ne pensez pas que, si on regarde les expériences internationales, notamment au Danemark ou ailleurs, où ils s'y sont repris à trois, quatre, cinq fois avant de réussir de faire une garantie de services, on est peut-être mieux de commencer avec des chirurgies ciblées, mettre au point l'outil puis ensuite l'étendre à l'ensemble des procédures?

M. Rouleau (Jean): Bien, je pense que je serais d'accord qu'il faut y aller par étapes. Et on ne va pas être capables de régler notre problème tant qu'on n'a pas réglé le problème de ressources humaines, les techniciens, les infirmières, et tout le reste. Souvent, on n'est pas capable, et vous le savez très bien pour l'avoir vécu comme directeur d'un département de chirurgie; le problème, c'est un problème d'infirmières. Et, dans le RUIS, on est en train de regarder notre plan pour l'été, et on a des problèmes très sérieux dans certains milieux avec une pénurie d'infirmières en particulier.

Nous autres, à Toronto, on... Parce que le problème n'est pas juste au Québec, il est partout. Et, moi, je dirigeais le programme cardiovasculaire le plus grand en Ontario, et je peux vous dire qu'on avait, nous autres, une pénurie d'infirmières qui était majeure. J'ai vu dans les journaux que la présidente de l'association des infirmières parlait de la possibilité de donner des temps pleins aux gens. Je pense qu'il va falloir non seulement augmenter la formation des infirmières, mais aussi améliorer la rétention.

Et, nous autres, on compétitionnait, à Toronto, pour les infirmières et les techniciens avec les autres milieux, et on a choisi de donner des temps pleins aux gens. On a calculé qu'est-ce que c'était, amener une nouvelle personne et le coût de donner des temps pleins, et je peux vous dire que nos soins intensifs où on avait 14 lits, on avait six lits actifs, on a passé, quand je suis parti, de six à 12 ou 13.

Et l'autre chose que les gens demandent, c'est souvent une éducation médicale continue. Nous autres, à l'Université de Montréal, on a fait une évaluation de nos professeurs, qu'est-ce qu'eux autres souhaitaient de plus. Ce n'était pas l'argent  ?  drôle à dire  ?  c'était l'éducation médicale, tu sais, une formation plus poussée pour l'éducation et des choses comme ça, des ressources comme ça. Et souvent, les infirmières, c'est la même chose.

Alors, je suis d'accord avec vous, il faut être réaliste, puis on ne peut pas subitement donner des garanties pour tout. Mais je pense qu'on peut commencer à avoir un plan pour rentrer et mettre en place plusieurs des garanties... des garanties plus larges, donc pas seulement dans les secteurs ciblés qui sont les plus importants, comme vous avez fait, là, parce que je vous ai montré que c'était ça.

Mais on ne pourra jamais faire ça d'une façon raisonnable tant qu'on ne règle pas le problème des effectifs médicaux. Si on regarde les médecins, ça s'en vient, le nombre de gens qui sortent maintenant des facultés de médecine va rencontrer le problème, va résoudre le problème assez rapidement. C'est bien amorcé. Félicitations pour ça. Pour d'autres spécialités de la santé, c'est... je sais qu'il y a beaucoup de travail qui a été fait, ça s'en vient, on n'est peut-être pas aussi avancés. Mais, tant qu'on ne règle pas ce problème-là, on ne pourra pas régler les listes d'attente. Et je pense que c'est ça qui est clé.

Mais, nous autres, on pense qu'on devrait être capables de mettre des balises éventuellement pour les listes d'attente dans tous les secteurs. Et après ça, si le ministère ou le gouvernement décide de ne pas investir assez pour contenir ça, bien ça pourra aller dans le privé. Donc, c'est une décision que chaque province pourra prendre: quel est le niveau qu'eux autres accepteraient, d'attente, et combien déborderaient. C'est possible que, si les choses fonctionnent bien, que presque tout serait dans le public, si on avait le personnel pour le faire.

Mais c'est possible de prolonger les heures, hein? Nous autres, on l'a fait dans bien des milieux où on est, et ça se fait au Québec aussi. C'est compliqué à faire, mais c'est faisable, et s'il y a assez de personnel, les gens vont le faire.

M. Breton (Guy): Je voudrais rajouter un point. Souvent, on oublie qu'il n'y a pas juste la procédure chirurgicale, il y a la réadaptation qui vient avec. Donc, même si on augmente l'accessibilité à la chirurgie, s'il y a un bouchon... il y a un goulot d'étranglement en réadaptation, on n'a pas vraiment réglé le problème, là. Il faut regarder ça comme un tout.

M. Couillard: ...garantie d'accès, là, effectivement le gouvernement britannique, ils ne se sont pas trop bâdrés avec les types de chirurgie, ils ont décidé que c'était six mois pour toutes les chirurgies. Puis effectivement je pense qu'on va en arriver là. Maintenant, il faut créer une case à part, je pense, pour les problèmes cardiaques reliés au cancer. Mais, l'ensemble des autres chirurgies, je pense que, dans la tête du monde, un délai de six mois, là, quand il n'y a pas de caractère d'urgence, c'est un délai qui peut être raisonnable, et je pense qu'on est capables d'atteindre largement dans le réseau public.

Je voudrais maintenant vous parler, pour le temps qu'il nous reste, du rôle d'une faculté de médecine comme la vôtre pour deux éléments qui ont été soulevés à cette commission parlementaire. Je vais les mentionner d'avance, puis ensuite on va les prendre un par un avec le peu de temps qu'il nous reste: la question de l'interdisciplinarité, puis ensuite la question de la pertinence des actes médicaux. Je vais commencer par la pertinence des actes médicaux.

Il est venu ici, il y a quelques jours, M. Contandriopoulos fils, qui fait partie du GRIS, là, à votre université, qui a relaté certaines études qui sont assez surprenantes pour les citoyens qui nous écoutent, et qui ont indiqué, pour lui, le danger qu'il y a à axer beaucoup la politique sur l'augmentation du volume de soins en termes de bris de pertinence. Alors, il a cité une étude de Colombie-Britannique  ?  j'aimerais beaucoup voir l'étude, là; il va me l'envoyer, je l'espère  ?  qui a montré qu'en Colombie-Britannique 30 % des gens qui étaient opérés pour les cataractes avaient une acuité visuelle quasi normale et que 24 % en postopératoire étaient pires qu'ils étaient avant.

Alors, ça, ça soulève toute la question de la pertinence. C'est-à-dire que, ce que je veux dire par là, puis on est familiers avec ce milieu: si on crée une dynamique d'augmentation de volume sans vérification de la pertinence, on va avoir un problème parce que les volumes vont s'ajuster, vont s'indexer et puis on n'aura pas de...

M. Rouleau (Jean): Moi, je vous remercie d'avoir mentionné ça ici. Dans ce diapo ici, c'est le suivi systématique de la qualité de l'acte. Mais ça, ce n'est pas juste pour être sûr qu'il n'y a pas d'abus, mais aussi pour assurer la qualité.

Si on regarde les résultats, par exemple... Et j'avais toute une présentation, là  ?  si j'avais eu plus de temps, je vous aurais montré  ?  sur l'importance d'évaluer la qualité de l'acte. Si on regarde, par exemple, l'utilisation d'un médicament qui réduit la mortalité d'un tiers chez les patients d'incidents cardiaques, aux États-Unis, dans 240 hôpitaux, il y avait une utilisation d'à peu près 50 %, ça passait d'à peu près 10 %, au congé, à 100 %. Donc, la qualité de l'acte dans un hôpital est très variable.

Si on regarde en Ontario, le CCN, la mortalité pour un pontage électif, ils ont bien décrit les patients, ils ont... Parce qu'ils avaient une grille qui était pour la province, avec des infirmières supportées par la province, pour évaluer les risques. La mortalité pour la même chirurgie, il y avait quatre fois de différence  ?  quatre fois. Si on va à New York State, encore la même chose, c'est plus. Donc, la qualité d'acte est importante. Il va falloir suivre la qualité d'acte.

Dans ça, et ça se fait beaucoup en cardiologie, les compagnies comme Kaiser ont identifié des balises pour qu'un examen soit fait ou pas fait, et, si les balises ne sont pas rencontrées  ?  et on peut le faire, on peut s'assurer, dans un système informatisé, là; si les balises ne sont pas rencontrées  ?  ils ne sont pas payés. Donc, par exemple, un examen de médecine nucléaire, un examen d'épreuve à l'effort multinucléaire contre une épreuve à l'effort normal, s'ils ne rencontrent pas les critères, ils ne sont pas payés.

Alors, je pense qu'il va falloir qu'on développe un système. Et je sais, M. le ministre, que ça vous intéresse beaucoup puis que vous êtes en train de réfléchir à tout ça. Et, moi, je vous encouragerais. On dit que, nous autres, on pense que c'est la bonne façon de procéder pour assurer la qualité de l'acte complexe mais aussi assurer la pertinence des actes. Et, avec le système informatisé qu'on va avoir un peu partout au Québec, ça va être plus facile de faire ça.

M. Couillard: Ça s'applique également pour l'imagerie, pas seulement pour la chirurgie.

M. Breton (Guy): Oui. Sur l'imagerie, je vous rappellerais qu'en 1997 j'étais l'éditeur d'un guide de l'utilisation de l'imagerie, qui avait été diffusé à l'ensemble des médecins du Québec, et je pense que votre question, M. le ministre, passe par des critères, des guides d'utilisation sur lesquels les gens s'entendent, sur une évaluation continue qui va faire participer l'AETMIS et sur un financement des incitatifs lorsque ce n'est pas pertinent. Donc, il faut avoir des critères, faire évoluer des critères et financer en conséquence.

n (11 h 50) n

M. Couillard: D'ailleurs, un exemple a contrario que ça marche, c'est la question des TEP. On est devenus la province canadienne qui a le plus de disponibilité de cette haute technologie là, là, la tomographie à émission de positons, parce qu'on la déploie même en région, mais on l'a fait seulement parce qu'on avait un engagement de l'association des nucléistes de veiller à la pertinence des examens puis à la vérification de la validité des indications. Et je pense que c'est un point important. Puis il faut s'appuyer sur le milieu académique pour une question semblable. Le gouvernement ne peut pas, de façon administrative, décréter la pertinence ou la non-pertinence des actes.

M. Rouleau (Jean): Et ça nous ferait plaisir de travailler dans ce sens-là, parce qu'on y croit.

M. Couillard: O.K. Maintenant, deuxième sujet rapide, l'interdisciplinarité. Et je vais commencer un peu par une petite vignette, comme j'ai fait tantôt.

Les étudiants en pharmacie sont venus ici, de plusieurs universités, dont l'Université de Montréal, et ils insistaient beaucoup sur l'espoir qu'ils avaient, pour leur pratique future, de travailler très étroitement avec les médecins et d'avoir ces liens d'interdisciplinarité que la loi n °  90 a annoncés puis qu'on veut tous voir se concrétiser. Puis on leur a demandé des deux côtés, on leur a demandé: Quel est l'imput que vous avez pendant votre formation qui vous permet de créer cette collégialité ou cette ambiance d'interdisciplinarité? Puis, un peu à la blague, je leur demandais  ?  c'était presque juste des garçons qui étaient là, puis on sait maintenant qu'il y a beaucoup de jeunes filles, hein, dans les facultés de médecine; j'ai dit: Allez-vous au moins dans les partys, là, communs? Même pas. Alors ça, c'est un peu une caricature, mais ce qu'ils voulaient nous dire comme message, c'est qu'ils n'avaient pas d'introduction, pendant leur formation, à l'importance de l'interdisciplinarité puis à la perte un peu des chasses gardées ou des guerres de pouvoir, là, entre professionnels, qui existaient.

Est-ce que vous pensez que votre faculté, par exemple, sans juger des autres, il y a moyen, si ce n'est pas déjà fait, d'insister beaucoup sur cet aspect-là pendant la formation des gens? Qu'est-ce qu'on fait avec l'infirmière, puis qu'est-ce qu'on fait avec le pharmacien, puis le physiothérapeute? Comment on se comporte avec eux? Qu'est-ce que l'un est capable de faire beaucoup mieux que nous? La nutritionniste, par exemple. Et comment est-ce qu'on peut profiter ensemble de nos compétences?

M. Breton (Guy): Ce que l'on a l'intention et ce qu'on fait actuellement, mis à part l'élément social et party, là, qui est en dehors de notre juridiction, là  ?  l'extracurriculaire, on va laisser ça aux associations d'étudiants  ?  au niveau de la formation, une bonne occasion de faire de l'interdisciplinarité concrète, c'est les laboratoires de simulation, où on peut dans un laboratoire, avec des patients simulés, avec des robots, asseoir à la même place le physiothérapeute, le pharmacien, le médecin, et c'est...

Une voix: ...

M. Breton (Guy): ...non, c'est plus que sur la planche de travail, nous sommes en train d'introduire ça dans notre curriculum.

Il y a beaucoup de chemin à faire, vous avez tout à fait raison. Comme vous avez vu sur une de nos diapos, nous croyons à l'interdisciplinarité dans des équipes intégrées, mais, vous avez raison, pour que ça se fasse sur le terrain, il faut qu'à l'école les étudiants l'apprennent. Et une façon pour nous de le mettre en pratique, c'est dans des environnements comme les laboratoires de simulation, de permettre et de favoriser cette interaction entre les différents professionnels de la santé.

M. Rouleau (Jean): C'est un de nos objectifs. Mais, moi, j'ai été à un cours à Harvard pour... et c'était mon projet, quand je suis arrivé là-bas, et j'ai travaillé avec des gens de l'Université du Tennessee où, eux autres, ils sont en train de le faire, et on a partagé avec plusieurs universités américaines qui ont tenté de faire ça.

C'est sûr que le futur, surtout les groupes de médecine familiale, les GMF, c'est des groupes qui devraient regrouper des spécialistes de plusieurs secteurs de la santé. Par exemple, moi, souvent, je suis dans une situation où je dois monter un programme de réadaptation à un patient cardiaque. Honnêtement, il y a des gens qui sont meilleurs que moi pour faire ça, et j'ai une liste d'attente de six mois pour un nouveau patient. Alors, pendant le temps que je fais ça, moins bien que quelqu'un d'autre, je pourrais être en train de faire une autre affaire. C'est vrai pour la nutrition, c'est vrai pour la réadaptation, physiothérapie, pour un peu tout. Donc, le futur...

Et une des choses qu'on essaie de penser aussi, c'est de faire une formation pour que les gens sachent comment travailler en groupe, non seulement le côté affaires, mais aussi le respect des autres. Comme Guy dit, un des outils qu'on souhaite utiliser, c'est le « skills lab » , où on va regrouper les gens autour de patients. Il y avait aussi des programmes qui ont été montés aux États-Unis, où il y a des cliniques où les gens vont et font un après-midi ensemble, des spécialistes de différentes... On en a parlé pas mal, mais on n'a pas vraiment avancé autant qu'on aurait aimé, et on va essayer de cibler plus les « skills labs » pour essayer de débloquer ça.

M. Couillard: Et, pour terminer, les résidents, lorsqu'ils sont venus ici, ont manifesté certaines inquiétudes quant à la possibilité d'avoir de l'enseignement dans les cliniques affiliées. Alors pour vous dire... vous lirez les galées probablement, mais la réponse a été qu'on n'a pas d'objection formelle à ce qu'il y ait de l'enseignement dans les cliniques affiliées aussi, c'est peut-être même une bonne chose qu'il y en ait. Mais il faut se souvenir que ces cliniques affiliées sont liées de façon contractuelles avec une obligation de fournir un volume déterminé d'activités. Alors, il y a peut-être le niveau de formation où les gens peuvent bénéficier du séjour en clinique affiliée, qui pourrait être l'objet d'un intérêt de votre part et même comparer des expériences pédagogiques entre la clinique affiliée puis le bloc opératoire classique.

M. Breton (Guy): Puis il y a déjà des précédents de longue date, là, qui s'adressent à des niches particulières de formation. Je donnerais l'exemple de la mammographie de dépistage, qui ne se fait pas à l'hôpital universitaire mais qui se fait en clinique, où les résidents vont apprendre en cabinet. Je donnerais un autre exemple qui est celui de la plastie, où les résidents de chirurgie esthétique vont en cabinet pour apprendre l'esthétique parce que l'esthétique se fait majoritairement en cabinet et non pas à l'hôpital. Donc, il y a des exemples positifs de ça.

M. Rouleau (Jean): Et à l'Université de Western Ontario  ?  et j'étais là récemment  ?  l'expérience de cardiologie est faite dans une clinique semblable, et tous les résidents font leur formation en externe dans des cliniques privées universitaires, c'est les universitaires qui sont là, et ils me disent qu'ils ne font pas d'argent en faisant ça mais ils n'ont pas tous les embêtements d'être dans un hôpital.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, M. le député de Joliette.

M. Valois: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord vous saluer, Dr Rouleau, Dr Breton, merci. Merci de votre contribution, merci de votre présence. Souligner aussi qu'avant d'être le député de la circonscription de Joliette j'étais moi-même chargé de cours notamment... et ce n'était pas l'essentiel de mon travail, mais quelquefois j'étais chargé de cours à l'Université de Montréal. Alors, j'ai eu à pratiquer un peu là mais pas suffisamment. C'est pendant que je faisais mon doctorat. Je suis essentiellement un prof au niveau collégial en sociologie, sociologie que j'ai faite à l'Université de Montréal, bien que mon baccalauréat soit de l'UQAM. J'ai aussi fréquenté l'Université de Montréal, puis c'est toujours intéressant de rencontrer des gens qui viennent de l'école où on a été et puis de recevoir leurs commentaires.

Pour ce qui est maintenant des questions qu'on posait entre l'interdisciplinarité, à savoir, bon, est-ce que les gens, là, de différentes facultés ou de différentes directions, les plus jeunes pouvaient se côtoyer un peu plus souvent sur le campus, je dois avouer que, pour ce qui est des rencontres estudiantines, je ne me rappelle pas d'en manquer beaucoup, et ce, dans toutes les facultés, mais parce que j'étais à la FAECUM, Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal. J'allais là en termes... c'était de la représentation politique, vous comprendrez très bien.

Une voix: ...professionnelle.

M. Valois: Exactement. C'est ça. Comme vous savez, c'est un intérêt très professionnel.

M. Rouleau (Jean): Sociologique.

M. Valois: C'était des études, exactement, sociologiques sur le comportement des jeunes passé 10 heures.

Maintenant, au-delà de tout ça, il me semble qu'une expertise ou une réflexion que vous apportez, c'est justement ce lien entre le milieu de l'enseignement et le milieu, là, de la pratique réelle, le milieu, on pourrait dire... le milieu hospitalier où vous... Et il me semble qu'il est très important, vous... Et je pense que c'est une réflexion qu'on doit aussi avoir en tête, à partir du moment où est-ce que c'est un peu et beaucoup collectivement qu'on contribue pour notre système d'éducation au Québec, et donc que ces médecins-là, ces spécialistes de la santé là, tout le monde y contribue justement pour qu'on se donne justement ces spécialistes de la santé là, par nos taxes, nos impôts, mais aussi par ces... Et on l'a vu avec vos chiffres, là, par des milieux hospitaliers qui sont, ma foi, très performants et en plus, là, de très haut calibre. On peut être notamment très fiers, parce que c'est collectivement qu'on s'est donné ces beaux cadeaux là.

Mais en même temps il faut aussi se rappeler que ce qui ressort de ces écoles-là, on a contribué collectivement aussi, et que c'est tout à fait normal qu'on puisse vouloir que collectivement ces gens-là viennent aussi donner un coup de pouce à cette collectivité-là et qu'on puisse aussi, comme individus mais aussi comme maisons d'enseignement, pouvoir bénéficier de ces personnes-là qui quittent le milieu de l'enseignement et qui vont dans le milieu hospitalier.

n (12 heures) n

En ce sens-là, des craintes que vous amenez dans vos documents, et qu'il me semble très important à souligner ici, c'est cette espèce de perte d'expertise que vous sentez ou ce glissement qu'il pourrait y avoir si on avait des gens... ou une ouverture au privé qui pourrait se faire, ou le retour, en termes non seulement de recherche, mais aussi en termes de partage et de lieux, pour ce qui est de... de lieux de stage, comme on pourrait appeler, ou de lieux d'expérience... pourraient aussi vous glisser des mains. En ce sens-là, j'aimerais ça que vous élaboriez là-dessus parce que c'est certainement un élément qui... Malgré que, bon, j'ai peut-être quelques réunions que je n'ai pas été toutes là, mais il me semble qu'il y a un élément qui est assez nouveau dans votre présentation, et c'est cette réflexion-là.

M. Rouleau (Jean): Bien, vous avez entièrement raison. Quand... On est en train d'accepter une hausse d'étudiants. On l'a fait. On l'a fait et de façon assez spectaculaire au cours des dernières années. On a su maintenir la qualité, comme vous voyez, mais on a augmenté de plus de 70 % le nombre d'étudiants dans notre faculté. Et c'est vrai pour les quatre facultés de médecine au Québec. Lorsque ces étudiants-là arrivent à l'externat, on a de la difficulté à trouver des milieux de formation et on doit développer des nouveaux milieux de formation. Dans certains cas, c'est souhaitable parce que ça nous donne l'occasion de développer en région. Et les gens qui sont en région, eux autres, vont vous dire que, quand ils reçoivent quelqu'un pour une période de temps, leurs chances de recruter cette personne-là augmentent de façon exponentielle.

À l'Université de Montréal, comme vous le savez, on y croit beaucoup et on a initié le campus en Mauricie, où maintenant les étudiants passent même de l'année préparatoire, première année, jusqu'à la fin de leur cours. Donc, ils font leur cours au complet, 32 étudiants par année. Et ensuite on a une unité de médecine familiale et on a des rotations dans toutes les spécialités de base, comme anesthésie, psychiatrie, obstétrique... médecine interne, chirurgie. Donc, on a développé ce modèle-là parce qu'on y croit beaucoup.

J'aimerais prendre l'occasion pour remercier personnellement encore le ministre, qui a été un pilier dans ce dossier-là. Nous autres, au Québec, on a fait dans un an ce que UBC a fait dans cinq ans et on l'a fait à cause du support qu'on avait du ministère pour ça. Donc, on y croit beaucoup, la formation en région au prédoctoral, mais surtout au postdoctoral.

Mais, même avec ça, on arrive dans certains milieux où on a de la difficulté à trouver des milieux d'enseignement, de formation de qualité pour nos étudiants et nos résidents. Et, si on perd  ?  et je suis entièrement d'accord avec votre propos; si on perd  ?  une partie importante de ce monde-là du système public au système privé et on perd ces gens-là comme enseignants, on va réduire le nombre de milieux de formation, qui ensuite ne peut pas nous permettre de remplir notre mandat de formation de qualité pour nos étudiants, et ça peut être un genre de cercle vicieux vers le bas. Donc, oui, c'est une grande inquiétude.

Et ce n'est pas seulement pour les médecins. C'est très vrai pour les sciences infirmières et pour les ergothérapeutes. Présentement, en ergothérapie, à l'Université de Montréal, on a 206 milieux de formation, 206. Ce n'est pas en ergo, c'est peut-être orthophonie. 206 milieux de formation. Comment est-ce que vous voulez qu'on contrôle la qualité? Jusqu'ici, ça va. Mais, imaginez-vous, le plus de gens qu'on perd en privé, le plus difficile que ça va être, au moins en médecine, là, et sciences infirmières aussi. Donc, je suis d'accord avec vous, c'est une de nos grandes inquiétudes.

M. Breton (Guy): Et il faut que ce soit balisé pour ne pas qu'il y ait un dérapage.

M. Rouleau (Jean): Oui.

M. Valois: Et balisé même jusqu'aux... Est-ce que vous parlez, là, réellement des cliniques affiliées, comme vous en parliez tantôt, là? Jusque-là?

M. Rouleau (Jean): Oui.

M. Valois: Parce qu'il y aurait, dans les cliniques affiliées, une expertise, notamment en chirurgie d'un jour, notamment, bien...

M. Rouleau (Jean): Oui.

M. Valois: Puis en plus, je pense que tout à l'heure vous donniez aussi, là, des choses très spécifiques qu'il faut aussi qu'elles soient...

M. Rouleau (Jean): Oui, absolument. Et la vie dans une clinique comme ça, c'est une vie qui est un peu différente d'une clinique hospitalière aussi. Donc, on a besoin que les gens vivent des expériences comme ça et apprennent comment fonctionner de façon efficace. On doit pousser ça un peu plus loin aussi, quand on parle d'interdisciplinarité ou de multidiscilinarité, où on a des cliniques où on voit des gens de différentes spécialités en train de travailler ensemble. Il y a beaucoup de cliniques où la personne arrive à un guichet, et ensuite le besoin... Ils n'ont peut-être pas besoin de voir un médecin. Peut-être qu'ils ont besoin de voir un autre spécialiste de la santé et que le médecin, là, c'est absolument aucun sens que c'est... parce que cette personne-là va ensuite t'envoyer à quelqu'un d'autre.

Aux États-Unis, ça, c'est une chose qu'on peut apprendre de certaines cliniques qui ont tous ces spécialistes de la santé qui travaillent ensemble. Une personne arrive  ?  et on peut dire le GMF, c'est un excellent exemple où ça peut être fait et c'est déjà fait, en passant, dans bien de nos milieux; une personne arrive: Ah! ça, c'est un problème plus de nutrition, ou ça, c'est un problème plus de réadaptation-physiothérapie, ça, c'est un problème plus d'ergothérapie. Ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas des échanges entre les différents spécialistes, mais les gens vont être pris en charge par les spécialistes les plus appropriés.

M. Valois: Parce que, vous savez, bon, pour ce qui est du milieu, là, le milieu où, bon, on commence à aller faire de la formation, ces choses-là, ce sont des endroits qui sont intéressants, qui sont importants pour vous, justement pour cette interdisciplinarité-là, mais ce qui ne vous enlève pas notamment la responsabilité ?  et le ministre en parlait lui-même  ?  de faire en sorte que le milieu d'enseignement, alors que ces futurs professionnels là auront à travailler ensemble, doit être aussi, le milieu d'enseignement, alors qu'ils se côtoient, un milieu où ils apprennent aussi à voir qu'ils travailleront ensemble. Parce que bien souvent, et on l'a vu avec notamment les cabinets privés, et c'est pour ça qu'on doit les mettre... bien avec les GMF, jusqu'à un certain point, c'est une idée qui est importante, c'est justement de faire en sorte qu'au-delà de ces cabinets privés là il y ait des médecins qui soient aussi... puis qu'ils travaillent avec les autres groupes. Mais au-delà de dire que ça se fera directement lorsque les gens arriveront dans les cliniques, vous le savez très bien, et je pense que vous avez même souligné tout à l'heure qu'à l'intérieur même de l'université, dans l'état d'esprit dans lequel l'étudiant en médecine doit être, il doit comprendre aussi qu'il aura à composer avec plusieurs autres professionnels, non seulement de façon, bon, théorique, on le lui dit, mais aussi qui, dans ses cours ou dans des... Vous parliez tantôt de laboratoires...

M. Rouleau (Jean): ...

M. Valois: Oui.

M. Rouleau (Jean): Il y a un autre... Et je dois avouer qu'un des développements qui nous a beaucoup fait plaisir, dans notre campus en Mauricie, c'est que les étudiants font leur année préparatoire avec les autres spécialistes de la santé, et ce sont des spécialistes de la santé comme podiatrie, comme sages-femmes...

Une voix: ...

M. Rouleau (Jean): Oui. Il y a des infirmières, il y a des gens de différentes spécialités. Ils party ensemble et ensuite ils font beaucoup de leur formation hospitalière et dans les milieux cliniques dans les mêmes lieux en Mauricie. Donc, c'est un milieu, je pense, où cet échange, et ce respect mutuel, et cette compréhension des expertises particulières de chaque spécialiste de la santé se font de façon très naturelle. Et on est très fiers de ce développement-là et on essaie juste de comprendre comment on peut faire la même chose aussi bien à Montréal. Ça se fait pour un concours de circonstances. J'aimerais dire qu'on peut prendre le crédit pour ça, mais on ne peut pas prendre le crédit parce que c'est arrivé, mais on est très heureux de tout ça.

M. Valois: Il ne faut surtout pas sous-estimer l'importance de  ?  tantôt on l'a dit avec une blague, là, en parlant de party, mais  ?  cette coexistence qui fait en sorte qu'au-delà de leurs cours ils vont échanger avec d'autres groupes parce que c'est la même mentalité qui, nous, dans le nord de Lanaudière, fait en sorte qu'on se dit: S'ils viennent pratiquer, ou avoir une formation, ou avoir une partie où est-ce qu'ils viennent dans nos établissements, alors qu'on dit le nord de Lanaudière mais que c'est à 45 minutes de Montréal  ?  bien une heure si vous... en tout cas ça dépend de la façon dont on roule... Mais tout ça pour dire qu'on est très près, tout ça, puis il y a un milieu, là. Faire casser les préjugés, vivre avec les gens, se rendre compte de... tant que les gens ne l'ont pas réellement vécu... il y a ça d'important, et c'est la même mentalité qui pour nous est très importante. Alors, de régionaliser justement aussi, en plus de l'interdisciplinarité. On le voit très bien, là, de cohabiter, il y a quelque chose qui ressort de ça qui fait que bien l'étudiant va toujours garder ça. Mais aussi de régionaliser, oui, je pense, et on est à même, nous-mêmes, de le constater, qu'on peut plus facilement après ça avoir des arguments pour faire en sorte que les gens choisissent des régions.

n (12 h 10) n

M. Breton (Guy): Je voudrais vous rassurer et vous révéler quelque chose qui n'est pas un secret. La semaine prochaine, nous rencontrons les autorités de l'Hôpital de Joliette justement pour extensionner de l'enseignement, pas juste en médecine, mais en soins infirmiers, en pharmacie et dans les sciences de la santé, justement dans une perspective pas juste d'exposition régionale, mais... Comme le doyen le mentionnait, nous manquons de milieux. Il y a des gens intéressants et il y a une propensité à l'interdisciplinarité qui est peut-être meilleure dans des milieux plus petits que nos gros établissements du centre-ville, qui sont plus cloisonnés, avec des activités plus surspécialisées. Donc, on souscrit à vos commentaires et à vos préoccupations.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne, il reste cinq minutes.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, moi, je suis dans le sud de Lanaudière.

M. Breton (Guy): ...des gens de Le Gardeur plus tôt.

Mme Caron: Oui, tout à fait. Alors, l'élément présentement, au niveau de l'accessibilité, dans le nouveau Centre hospitalier Pierre-Le Gardeur... C'est un hôpital tout neuf, extrêmement bien équipé, bon personnel, etc., mais on s'aperçoit qu'au niveau de la radiologie, par exemple... On n'a pas suffisamment de radiologistes, c'est bien évident, mais, même les radiologistes que nous avons, on s'aperçoit que nos équipements ne servent pas autant qu'ils devraient. Manque d'heures, et, même dans les heures où on est supposé pouvoir utiliser les équipements, on s'aperçoit que les rendez-vous sont annulés et que finalement, les patients et les patientes, en fait on leur suggère d'aller en radiologie dans la clinique privée qui est juste installée en face de l'hôpital par les mêmes médecins, les mêmes radiologistes, qui ont ouvert la clinique, qui se sont dotés d'un équipement performant. Et donc l'équipement qui est payé avec l'ensemble des citoyens et des citoyennes, lui, est sous-utilisé, et les mêmes spécialistes dans le fond, les mêmes radiologistes vont offrir les services de l'autre côté de la rue. Et ça, il n'y a pas comme pas de moyen d'empêcher les gens d'ouvrir en face. Et par contre nos ressources qui devraient être utilisées directement à notre centre hospitalier se retrouvent à être utilisées de l'autre côté.

Dans vos connaissances, comment on peut s'assurer que finalement... Moi, je pense que c'est au niveau de l'éthique, que, quand on est affilié à un hôpital, on doit s'assurer de donner un minimum d'heures à cet hôpital-là avant d'aller offrir des services en face, de l'autre côté, l'autre bord de la rue. Et, quand on questionne là-dessus, on nous dit, bien, que c'est très fréquent, ce n'est pas seulement notre hôpital, qu'il y a beaucoup d'hôpitaux qu'il y a une clinique privée juste en face qui offre les mêmes services.

M. Breton (Guy): Écoutez, je ne connais pas en détail, là, le dossier. Je devrais le connaître, là, étant donné que je suis radiologiste. Je vais parler au niveau des principes. Je pense que, lorsqu'on a un parc d'équipements, qu'on a un département de chirurgie ou de radiologie, il devrait être utilisé de façon optimale avant de penser à une activité privée. Nous avons mentionné tout à l'heure que pour nous le système privé est un système partenaire. C'est le mot que j'ai utilisé. Il est partenaire du système public. Il est là pour optimiser, pour faire plus avec les mêmes ressources. Mais, pour faire plus avec les mêmes ressources, il faut avoir optimisé  ?  peut-être pas maximisé, mais au moins optimisé  ?  ce qui devrait être fait à l'hôpital.

Il faut se rappeler que les médecins ne sont pas des employés de l'hôpital dans le système actuel. Ils ont des privilèges, et ce sont des gens qui ont la liberté de travailler où ils veulent. Je ne pense pas que les discussions que nous avons aujourd'hui vont solutionner ce problème-là.

Vous nous demandez qu'est-ce qu'on peut faire. Je pense que les médecins travaillent dans leur environnement lorsqu'ils sont bien et qu'ils ont tout ce qu'ils peuvent avoir besoin en termes d'équipement et de main-d'oeuvre. Je ne connais pas le détail de cette... Je sais que l'établissement est bien doté au niveau équipement. Je ne sais pas si le personnel, si les heures de travail ont été un élément pour stimuler le transfert d'activités, je n'ai aucune idée. Ce que je sais, c'est que l'adjonction d'un réseau partenaire peut être bénéfique à un milieu hospitalier dans la mesure où l'hôpital continue à faire ce qu'il peut et qu'il doit faire. Je pense que la coexistence est possible. Vous amenez ici un exemple, là, qui de fait semble peut-être questionnable.

M. Rouleau (Jean): Oui, et c'est un exemple. Par exemple, si  ?  et on ne connaît pas la situation, mais on va être hypothétique; par exemple, si  ?  le milieu Le Gardeur n'est pas capable de fonctionner à des heures prolongées ou même aux heures habituelles parce qu'il manque de techniciens, alors les techniciens...

Une voix: ...

M. Rouleau (Jean): Non, non, mais par exemple c'est possible. Est-ce que vous travaillez... Vous pourriez prolonger vos heures probablement d'utilisation, mais, dans bien des cas, c'est un problème de personnel. Alors, si le personnel va tout au privé, à ce moment-là, comment est-ce que vous allez être capable d'assurer les soins dans le système public? Vous me suivez?

Mme Caron: Oui, tout à fait.

M. Rouleau (Jean): Alors, c'est un risque. Ce n'est peut-être pas le cas chez vous, mais c'est un exemple où on pourrait voir un risque d'un développement trop fort du privé, si le facteur limitant, c'est un problème de personnel, de ressources humaines.

Mme Caron: Je pense qu'on risque même d'être obligé de couper des postes de technicien. Parce que les techniciens sont là, mais les radiologistes ne font pas les heures.

M. Rouleau (Jean): O.K. Mais, dans ce cas-là, c'est comme ça et c'est peut-être plus compliqué, mais je vous donne ça comme exemple comment une pénurie de personnel pourrait être un problème.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, c'est tout le temps qui est imparti à cet échange. M. le doyen Rouleau, Dr Breton, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal.

J'invite les représentantes du Conseil du statut de la femme à prendre place à la table.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 17)

 

(Reprise à 12 h 19)

Le Président (M. Copeman): La commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes du Conseil du statut de la femme. Mme la présidente par intérim Harvey, bonjour. Comme je le fais pour chaque groupe, je vous avise que vous avez 20 minutes pour votre présentation. Je vais vous aviser quand il restera trois minutes. Et il y aura par la suite un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter votre collaboratrice et par la suite d'enchaîner avec votre présentation.

Conseil du statut de la femme (CSF)

Mme Harvey (Hélène): Bonjour. Alors, je suis accompagnée de Francine Lepage, qui est l'agente de recherche, l'auteure de notre mémoire.

n (12 h 20) n

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, au nom du Conseil du statut de la femme, je suis heureuse de rencontrer les membres de cette commission afin d'échanger sur les enjeux que soulèvent, au regard de l'avenir de notre système de santé et de services sociaux, le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Chaoulli de même que la réponse gouvernementale à ce jugement. Il s'agit d'enjeux fondamentaux pour l'ensemble de la population, et, fidèle à son mandat, le conseil souhaite contribuer au débat en mettant particulièrement en lumière les aspects qui touchent les femmes.

Les femmes entretiennent en effet de multiples relations avec le milieu sociosanitaire. Elles sont d'abord des utilisatrices du système puisque leurs caractéristiques physiologiques, notamment au regard de la reproduction, ainsi que leur longévité déterminent, de l'adolescence jusqu'à la fin de leur vie, un ensemble de besoins particuliers en matière de santé. À l'intérieur de la famille, elles assument également, dans une large mesure, les responsabilités à l'égard de l'alimentation, de l'acquisition des habitudes de vie, du soin des enfants et du soutien des membres malades ou âgés. Elles forment enfin un fort pourcentage de la main-d'oeuvre qui travaille dans le secteur des services de santé et services sociaux, et elles représentent une proportion de plus en plus élevée des effectifs médicaux proprement dits. Tout cela sans compter leur engagement dans les nombreuses organisations communautaires et dans les entreprises d'économie sociale oeuvrant dans le secteur sociosanitaire. Elles constituent d'ailleurs la majorité des bénévoles, des proches aidants et des aidants principaux actifs auprès des personnes nécessitant des soins et des services.

En bref, que ce soit pour elles-mêmes ou en raison des différentes responsabilités à assumer, les femmes font souvent appel au réseau de la santé et des services sociaux. Comme un certain nombre d'entre elles sont à faibles revenus et qu'elles disposent en moyenne de ressources financières inférieures à celles détenues par la population masculine, on peut dès lors comprendre qu'elles tiennent fortement à ce système financé collectivement, où l'accès aux services est déterminé par le besoin et non pas par le statut ou la capacité de payer.

Le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Chaoulli survient alors que le gouvernement a initié des changements importants dans l'organisation des soins de santé et des services sociaux, dans le but d'accroître la qualité et l'efficacité du système et d'en assurer la pérennité. Le conseil appuie globalement ces réformes, rendues possibles grâce notamment à un réinvestissement dans le secteur ou encore aux actions projetées dans un proche avenir.

Soulignons la consolidation des services autour de la première ligne et l'institution des réseaux locaux, la création de groupes de médecine familiale et des cliniques-réseaux en vue d'assurer une prise en charge locale de la population et de réduire le recours à l'urgence et à l'hospitalisation, les investissements dans les centres de radio-oncologie, l'instauration de centres ambulatoires reliés aux hôpitaux, une meilleure planification des ressources humaines, avec l'établissement des plans d'effectifs et l'accroissement des admissions en médecine et en soins infirmiers, l'objectif étant d'en arriver à une répartition plus adéquate des médecins sur le territoire et de multiplier le nombre d'infirmières, notamment les infirmières praticiennes.

À cet égard, le conseil salue les assouplissements annoncés récemment quant à la reconnaissance des personnes formées hors Québec. Il souhaite également qu'on donne suite rapidement aux changements législatifs qui permettent la revalorisation des tâches des infirmières auxiliaires et des fonctions exercées par les infirmières, avec un recours accru aux infirmières praticiennes et aux coordonnatrices des services à la personne et la délégation d'actes.

Enfin, la mise en place des centres de santé et de services sociaux visant à assurer une continuité des soins sur un territoire donné. À ce propos, le conseil recommande que des projets cliniques, établis localement par les CSSS, s'arriment aux politiques nationales afin que les citoyennes et les citoyens, partout sur le territoire, aient accès aux services émanant des grands engagements nationaux. Je pense, par exemple, à ceux découlant des objectifs ministériels et de la stratégie d'action en santé et bien-être intitulée Au féminin... à l'écoute de nos besoins, rendue publique en 2002.

Dans son document de consultation, le gouvernement met de plus l'accent sur la prévention et la promotion des saines habitudes de vie, ce qui réjouit le conseil. On pense au programme de dépistage du cancer du sein, la bonne alimentation, la promotion de l'activité physique, etc. Je profite de l'occasion pour rappeler la pertinence de prendre en considération les conditions de vie et les réalités différentes des femmes et des hommes tout au long de leur vie. Il faut également nous préoccuper des phénomènes plus récemment documentés, comme l'hypersexualisation, la violence dans les relations amoureuses chez les jeunes et la prostitution juvénile, puisqu'il est établi que les rapports égalitaires entre les sexes concourent au bien-être des filles et des femmes. Le Conseil du statut de la femme souhaite donc que le gouvernement puisse dans l'avenir rééquilibrer les investissements entre la prévention et la promotion de la santé, d'une part, et le curatif, d'autre part.

Passons maintenant à la réponse proprement dite au jugement de la Cour suprême. En faisant une ouverture à l'assurance privée pour l'accès aux soins médicaux et hospitaliers offerts par le régime public, le jugement de la Cour suprême pose sans conteste un défi au gouvernement du Québec. Comme on le sait, plusieurs rapports gouvernementaux  ?  mentionnons les rapport Romanow, Kirby et Ménard  ?  reconnaissent qu'un régime public à payeur unique comme le nôtre, comparé à un système où coexistent une assurance publique et des assurances privées, favorise l'équité dans l'accès aux soins tout en permettant une meilleure maîtrise des coûts. Il ne faudrait donc pas que la réponse donnée modifie les grands paramètres de notre système et empêche les réformes entreprises de porter tous leurs fruits.

Dans son document de consultation, le gouvernement s'engage à donner suite au jugement de la Cour suprême mais en respectant l'objectif prioritaire du maintien d'un système public universel et équitable, ce dont nous sommes très satisfaits. Le CSF souhaite néanmoins que le gouvernement ne renonce pas à toute possibilité d'invoquer ultérieurement la clause dérogatoire, si de nouveaux jugements des tribunaux venaient porter atteinte à l'intégrité de la Loi sur l'assurance maladie et de la Loi sur l'assurance-hospitalisation du Québec et aux objectifs poursuivis. Le gouvernement rejette également toute solution qui accorderait au privé un rôle majeur dans la dispensation ou le financement des services de santé, ce que le conseil approuve. Le gouvernement propose plutôt un plan d'amélioration de l'accès aux services visant à réduire les délais d'attente qui repose sur l'offre d'une garantie d'accès aux services, une ouverture limitée à l'assurance privée et le recours à un certain nombre de cliniques spécialisées affiliées dans les grands centres urbains.

D'entrée de jeu, le conseil salue l'offre de garantie d'accès aux services parce qu'elle va dans le sens d'une reconnaissance du droit pour la population de recevoir en temps opportun les soins médicaux et hospitaliers que leur état de santé requiert. Le conseil s'interroge cependant sur les effets possibles, à plus long terme, des deux autres mécanismes conjugués, l'ouverture partielle à l'assurance privée et le recours aux cliniques spécialisées affiliées, dans le contexte où une certaine privatisation du financement des soins de santé est déjà observable, principalement dans le cas des interventions effectuées en dehors du milieu hospitalier. Pour le conseil, il importe de s'assurer que les décisions prises aujourd'hui n'aient pas pour effet de faire lentement glisser notre système vers un système où le contrôle gouvernemental sur la prestation des services et la planification des ressources de même que l'équité dans l'accès aux soins seraient compromis.

Déjà, nous assistons à une certaine privatisation du financement des soins de santé dans la mesure, par exemple, où les patients se voient réclamer, de plus en plus fréquemment, des frais accessoires pour des services médicaux assurés qui sont offerts en clinique privée par des médecins participant au régime public. En effet, alors que le coût des interventions pratiquées en milieu hospitalier est habituellement défrayé en totalité par l'assurance publique, il existe un certain flou au sujet des frais accessoires qui peuvent être imposés aux patients pour les interventions effectuées hors des établissements publics.

Or, le contexte est plutôt favorable à un essor des soins hors du milieu hospitalier, en raison des développements technologiques qui permettent la réalisation d'un nombre de plus en plus grand d'interventions sous un mode ambulatoire. En outre, un certain nombre de promoteurs se disent intéressés à investir dans la mise sur pied de polycliniques où toute une gamme d'interventions chirurgicales d'un jour serait offerte, moyennant paiement de frais accessoires de la part des patients, l'acte médical lui-même étant à la charge de la RAMQ. Il ne faudrait donc pas que la création du statut de clinique spécialisée affiliée vienne donner un coup de pouce à la mise sur pied de telles cliniques, où la pratique de réclamer une contribution à l'usager se développerait sans qu'un réel débat n'ait été tenu sur la meilleure façon d'insuffler des fonds additionnels dans le système.

Dans le document de consultation, le gouvernement s'engage, il est vrai, à défrayer la totalité du coût des interventions visées par la garantie d'accès aux services qui auront été effectués, après entente, dans une clinique spécialisée affiliée. Mais qu'en sera-t-il des interventions médicales non couvertes par une garantie d'accès aux services? Et sera-t-il interdit à une personne qui veut obtenir plus rapidement que prévu une intervention visée par une garantie d'accès de faire appel à une clinique spécialisée affiliée sans suivre le cheminement préétabli mais en s'engageant à défrayer les frais accessoires et de réadaptation qui vont au-delà des actes médicaux remboursés par la RAMQ?

On doit également réfléchir sur la place qui sera faite à l'assurance privée. On sait que le gouvernement juge peu probable un développement important des assurances privées pour les soins médicaux et hospitaliers, étant donné le maintien de la règle d'exclusivité de rémunération pour les médecins et parce que la levée de l'interdiction de l'assurance privée ne vaut pour l'instant que pour les trois chirurgies électives visées et que dans le cas où ces interventions sont pratiquées par des médecins non participants au régime public, qui sont très peu nombreux à l'heure actuelle.

n (12 h 30) n

Cependant, le gouvernement n'a pas exclu la possibilité d'étendre progressivement le champ que pourra occuper l'assurance dupliquée à d'autres interventions, dans la mesure où celles-ci auront fait l'objet au préalable d'une garantie d'accès dans le système public. Dans ce contexte et comme les assurances privées sont bien implantées dans des domaines périphériques aux soins médicaux proprement dits, notamment par l'intermédiaire des régimes collectifs, il n'est pas impossible de penser que les assurances privées puissent étendre leur champ d'action et couvrir notamment les frais accessoires, qui vont actuellement au-delà de l'acte médical remboursé. Si cela était, l'accès aux soins de santé pourrait être plus rapide, et les délais d'attente, sensiblement plus courts pour les personnes qui sont en mesure de défrayer les frais accessoires exigés ou qui bénéficient de la protection d'une assurance privée, particulièrement pour les interventions non couvertes par la garantie d'accès ou non visées par une entente avec une clinique spécialisée affiliée. L'équité dans l'accès aux soins pourrait être remise sérieusement en question, le statut et la capacité financière devenant alors des critères déterminants.

Par ailleurs, le gouvernement estime peu probable le déplacement des ressources médicales vers le secteur à financement privé, entre autres en raison du maintien de l'exclusivité de rémunération. On peut penser que l'interdiction des assurances privées pour les soins médicaux et hospitaliers de même que la rareté relative, hors du milieu hospitalier, des cliniques privées munies de plateaux techniques adéquats et des centres de convalescence privés ont également contribué à restreindre le nombre de médecins intéressés au statut de médecin non participant jusqu'à maintenant. À cet égard, la levée progressive de la prohibition des assurances privées et le développement de cliniques privées bien équipées pourraient changer la donne, notamment si des problèmes d'accès aux soins continuent à se poser du côté des patients et que des médecins continuent de s'estimer sous-utilisés dans le système public.

Dans son mémoire, le conseil s'interroge également sur la sécurité des patients, dans l'hypothèse où on envisagerait de confier aux cliniques spécialisées affiliées des interventions qui comportent des risques de complications en raison de l'âge des patients ou qui exigent un suivi postopératoire de plusieurs jours. Les discussions en commission parlementaire à cet égard montrent toutefois que le gouvernement est conscient de cette question.

De plus, avec la multiplication des interventions, il faudra s'assurer qu'il existe, dans les établissements publics, des lits pour la convalescence et la réadaptation des patients en nombre suffisant, dans le but d'éviter un retour trop rapide et non sécuritaire des patients à la maison et pour ne pas imposer aux aidantes et aux aidants des responsabilités médicales ou de soutien qu'ils ne sont pas en mesure d'assumer.

Enfin, comme il en a été question en commission parlementaire, le conseil est conscient que la mise en place de cliniques dont l'infrastructure est financée par des fonds privés ouvre la porte à de possibles conflits de rôles ou d'intérêts entre le médecin qui doit veiller au bien-être de son patient et l'investisseur à la recherche de rentabilité.

Pour garder le cap sur les objectifs d'efficience et d'équité poursuivis et dans le but d'éviter des dérives possibles, le conseil donne son appui à certaines propositions gouvernementales et il formule plusieurs recommandations dans son mémoire. Notamment, le conseil endosse l'intention gouvernementale d'accroître l'accès aux services diagnostiques en radiologie et en laboratoire dans le système public. Il recommande au gouvernement d'encadrer davantage la pratique des médecins participants dans les cliniques privées en ce qui a trait aux frais accessoires demandés aux patients et de mener une étude exhaustive sur toute la question de ces frais, qui vont au-delà de l'acte médical faisant l'objet d'un remboursement par la RAMQ.

Le conseil souhaite également que le gouvernement évalue les conséquences possibles d'une ouverture plus grande aux assurances privées, dans la perspective où elles occupent déjà une certaine place dans la couverture des dépenses périphériques aux soins médicaux et où la part des dépenses privées dans les dépenses totales en santé atteint déjà environ 30 %. Dans l'attente de ces évaluations, le conseil suggère au gouvernement de ne pas fermer la porte à une extension de la garantie d'accès aux services à d'autres interventions, dans la mesure des possibilités et de ses moyens, mais sans faire une ouverture correspondante à l'assurance privée. Tout projet d'étendre davantage la couverture des assurances privées pour les soins médicaux et hospitaliers devrait faire l'objet d'un débat public.

Par ailleurs, le conseil recommande au gouvernement de tout mettre en oeuvre pour assurer une utilisation efficiente et équitable du potentiel des établissements publics en levant les restrictions qui limitent l'utilisation des équipements hospitaliers et la pratique médicale, en misant sur le développement de la clinique externe de l'hôpital et les centres ambulatoires publics, en faisant appel à tous les moyens à sa disposition pour éviter un déplacement de la main-d'oeuvre spécialisée nécessaire au système public vers le secteur financé par le privé.

Le conseil propose que le recours aux cliniques spécialisées affiliées se fasse à titre d'expérience pilote durant une période de cinq ans, que la possibilité de mettre sur pied des cliniques spécialisées à but non lucratif soit envisagée, que le recours aux cliniques spécialisées affiliées soit encadré par une réglementation stricte et assortie d'une obligation d'évaluation des coûts comparatifs et qu'un rapport soit déposé à cet effet à l'Assemblée nationale.

Le conseil suggère également au gouvernement de se pencher sur le concept et la définition du statut des cliniques médicales spécialisées financées par des fonds privés, dans le but d'éviter le développement en parallèle d'un réseau de petits hôpitaux privés à but lucratif qui permettraient des séjours de plus de 24 heures.

Enfin, le conseil recommande que, dans les établissements publics, des lits de convalescence et de réadaptation soient mis à la disposition des usagères et des usagers qui, après une intervention médicale, n'ont plus besoin de soins hospitaliers intensifs, mais dont l'état de santé ou la situation personnelle ne permet pas un retour sécuritaire à domicile, la préoccupation étant de ne pas alourdir la tâche des proches aidants, hommes et femmes, ou leur imposer des responsabilités médicales qu'ils ne sont pas en mesure d'assumer.

En terminant, je souhaite aborder brièvement la question du financement du système de santé et des services sociaux en rappelant que les femmes sont partie prenante des défis qui confrontent le Québec. En effet, plus scolarisées et actives sur le marché du travail qu'autrefois, elles sont davantage en mesure d'assurer leur propre autonomie économique et la sécurité de leurs vieux jours. Elles peuvent ainsi contribuer à la richesse collective, aux finances publiques de même qu'au renouvellement démographique si des conditions favorables sont mises en place.

Dans cet esprit, le gouvernement doit poursuivre ses efforts en vue de l'adoption de politiques qui favorisent la pleine mise en valeur du potentiel féminin sur le marché du travail, la reconnaissance et le partage des responsabilités parentales ainsi que la conciliation travail-famille. Les études montrent en effet que les pays européens qui s'en tirent le mieux, en termes de performance économique et de natalité  ?  on pense particulièrement aux pays scandinaves  ?  sont ceux qui, en plus de miser sur une grande participation des femmes au marché du travail, s'emploient en même temps à réduire les coûts associés à la maternité et aux soins aux proches par une organisation sociale et des mesures favorables à l'égalité entre les femmes et les hommes, et ce, tant dans la sphère publique que dans la sphère privée.

À cet égard, on doit prendre conscience que les femmes qui relèvent le double défi de l'emploi et de la maternité n'ont pas les mêmes disponibilités qu'autrefois dans la sphère privée. C'est pourquoi nous recommandons qu'au regard des soins et des services à apporter aux personnes âgées des solutions soient recherchées, tant du côté des infrastructures publiques que du côté des ressources et des services disponibles dans la communauté, afin que les personnes âgées, dont une majorité de femmes, puissent vieillir dignement et le plus confortablement possible, tout en considérant que les proches, quelle que soit leur bonne volonté, ne peuvent souvent jouer un rôle déterminant dans le soutien à domicile à long terme des personnes en lourde perte d'autonomie.

Le Président (M. Copeman): Mme Harvey, il reste deux minutes et demie.

Mme Harvey (Hélène): Oui. Enfin, pour que notre système de santé et de services sociaux soit financé suffisamment et ainsi éviter qu'il ne dérive vers un système moins équitable où le privé serait appelé à jouer un rôle de plus en plus grand, le conseil recommande au gouvernement de tenir une consultation publique sur les meilleures façons de financer les soins médicaux et hospitaliers en vue d'assurer la pérennité de notre système public de santé et de services sociaux. Il souhaite que cette consultation porte également sur le panier de services assurés en incluant les soins et les services requis pour les personnes âgées et en perte d'autonomie et que l'assurance contre la perte d'autonomie fasse partie des avenues étudiées plus à fond. Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, madame. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Harvey, Mme Lepage, pour votre visite aujourd'hui. Évidemment, vous avez couvert plusieurs aspects de la proposition  ?  puis on vous en remercie  ?  dans votre mémoire, également. Et bien sûr, en 20 minutes, on ne peut pas donner tout le contenu du mémoire.

J'aurais quelques points peut-être à clarifier et à discuter avec vous. D'abord, vous avez raison que la question des frais accessoires fait l'objet d'un grand flou actuellement et qu'elle va gagner à être définie de façon plus précise, sur le plan légal. Et là-dessus on est avec vous, sur cette question-là, et je crois que le projet de loi devrait refléter ce souci-là. Vous savez cependant que ces frais accessoires, d'après la Loi d'assurance maladie du Québec, sont légaux. Ils n'existent pas depuis six mois, ils existent depuis des années et des années. Et vous disiez: Il ne faudrait pas que les assurances privées puissent assurer... Elles assurent déjà. Les frais accessoires sont déjà offerts parfois dans des couvertures d'assurance privée, dans différents types de régimes.

L'autre élément, c'est les hôpitaux privés. On ne veut pas d'hôpitaux privés. Pour avoir un hôpital, il faut qu'il y ait un permis d'hôpital, puis je peux vous dire qu'il n'y en aura pas, d'hôpitaux privés. Cependant, là, il y a une autre zone grise à clarifier. On mentionne toujours le même exemple  ?  c'est plate, là, mais c'est parce que c'est celui qui est le plus connu, publiquement  ?  la clinique d'orthopédie, à Montréal, du Dr Duval, là, qui est un médecin non participant, qui fait de la chirurgie de remplacement articulaire. Les gens restent plus de 24 heures, en pratique. Ils ne restent pas 24 heures, là... ils restent trois, quatre jours, là, pour leur prothèse. Pourquoi? Parce que, comme la loi n'est pas claire de ce qui peut être fait et ne peut pas être fait, la clinique du Dr Duval, légalement, est considérée comme un cabinet privé de médecin, puis à côté, l'endroit où va dormir le patient, bien là, c'est un milieu de convalescence. Alors, il n'y a aucune clarification légale de cette question-là, et je pense que ça doit être fait, non pas pour que la clinique ferme, là, ce n'est pas notre intention, mais pour s'assurer qu'on ne comprenne pas qu'il n'y aura pas de balise, ou il n'y a pas de limitation, ou de chasse gardée... ou de garde-fou plutôt, quant à l'apparition d'hôpitaux privés au Québec. Ça, on ne le veut pas.

n (12 h 40) n

Les cliniques affiliées, vous avez effectivement noté  ?  et je vois que vous avez suivi les travaux en commission  ?  effectivement ce n'était pas clair dans le document, hein, et puis on le réalise après coup. Il n'a jamais été de notre intention que les interventions de prothèse orthopédique se fassent en clinique affiliée. Par définition, ça n'a pas de sens, là. Ces patients-là doivent rester à l'hôpital quelques jours. Donc, c'est essentiellement la chirurgie d'un jour à faible infrastructure, là, qui va être faite là. Le meilleur exemple, le seul exemple des trois chirurgies visées par la garantie d'accès, c'est la chirurgie de la cataracte. Mais on peut imaginer qu'un hôpital veuille faire faire des chirurgies mineures. Vous savez, si vous regardez les listes d'attente qui ont été publiées récemment dans La Presse, vous allez voir que hanche, genou, cataracte, ça diminue, mais chirurgie d'un jour, ça reste pareil. Il n'y a pas de baisse de la liste d'attente en chirurgie d'un jour. On a de la difficulté à faire ce grand volume de chirurgies là. Dans la grande majorité des cas d'ailleurs, ça va être fait dans les hôpitaux publics, mais dans certains cas, notamment dans les zones urbaines, dans les cliniques affiliées.

Votre souci de baliser davantage l'extension éventuelle et hypothétique  ?  c'est très hypothétique, là  ?  à d'autres procédures de l'assurance privée a été bien entendu. D'ailleurs, le même souci nous a été donné à plusieurs reprises. Et on a déjà indiqué notre intention de faire en sorte que ce ne soit pas uniquement par voie réglementaire, mais par voie législative qu'éventuellement on puisse faire une modification. Et je ne pense pas, personnellement, qu'un gouvernement veuille faire l'expérience de tenter, par voie législative, d'augmenter le petit panier qu'on a défini d'assurance privée sans que le nombre d'années ait passé pour qu'on en ait fait une étude exhaustive et très précise quant à l'impact. Ça fait des années que les gens se demandent qu'est-ce que ça donnerait, quel impact ça aurait. Voici l'occasion, avec un très petit risque, là, puis un très petit volume, de le documenter et soit de mettre fin totalement à l'expérience ou soit d'autre chose, d'après ce qu'on aura constaté pendant cette période-là. Mais ce ne sera pas par voie réglementaire, ça, je peux vous l'assurer.

Dans votre mémoire  ?  parce que vous n'avez pas bien sûr couvert tous les points de votre mémoire  ? vous parlez de la circulation de l'information et de l'informatisation du réseau et vous exprimez des craintes quant à la sécurisation des données et la confidentialité. Vous savez que la loi n °  83, qui a défini le cadre légal de la circulation d'information, a fait l'objet de longs débats ici, en commission. On commence à avoir l'habitude, à la Commission des affaires sociales, des longues commissions et des longues consultations, et les dispositions finales qui ont été adoptées à l'unanimité par l'Assemblée nationale ont été entérinées et approuvées par la Commission d'accès à l'information, de sorte qu'elles sont encore plus serrées qu'elles étaient dans le texte de loi initial. Est-ce que c'est de nature à vous rassurer, le fait que la Commission d'accès et l'ensemble des parlementaires, après les avoir étudiées, aient considéré que les propositions étaient valables sur le plan de la sécurité? Oui?

Mme Harvey (Hélène): ...surtout, c'était que l'autorisation des patients leur soit clairement expliquée, puis qu'ils puissent la retirer en tout temps, et qu'il y ait une sécurité dans la circulation qui faisait en sorte que les informations allaient seulement aux employés du réseau public qui avaient à traiter le patient. Parce qu'on sait que le réseau est aussi constitué de ressources en dehors du réseau public, et on voulait que ce soit balisé, sécurisé.

M. Couillard: Bien sûr, vous abordez également la question du financement, qui est une des parties importantes du document de consultation, et vous parlez d'un concept d'un prélèvement de revenus fiscaux pour assurer la pérennité du régime. Mais j'aimerais que vous clarifiiez cette question. Est-ce que vous parlez d'une imposition générale, augmenter le taux d'imposition actuel ou créer une classe d'imposition ou de taxation spécifique pour la santé, ou une prime d'assurance comme l'assurance que propose M. Ménard pour la perte d'autonomie? Est-ce que, dans ces options-là, vous avez un peu fait votre choix? Et je ne mentionne pas bien sûr la proposition de M. Castonguay d'une contribution à l'utilisation.

Mme Lepage (Francine): Non. Nous étudions encore la question. Nous trouvons que l'assurance contre la perte d'autonomie présente certains intérêts pour les femmes. Par exemple, on sait que les soins à domicile sont souvent sous-financés. On sait aussi que, quand on met une assurance sur pied, qu'on contribue pour quelque chose, ça assoit un droit. Donc, si on mettait sur pied une telle caisse, on serait en droit plus tard de s'attendre à avoir les services correspondants. Il y a le fait aussi qu'on peut s'assurer qu'on capitalise un peu la caisse pour pouvoir répondre aux besoins. Et finalement, parmi les avantages qu'on y voit, c'est que ce sont souvent les femmes qui agissent comme aidantes naturelles. Alors, si ce système-là n'est pas bien financé, bien le fardeau risque de leur revenir. Le plus souvent, elles se retrouvent très âgées, avec des incapacités, et on peut se demander, après avoir soigné les autres, s'il va y avoir des gens pour s'occuper d'elles.

Par ailleurs, on est aussi sensibles aux arguments contre, par exemple l'idée que, quand il y a un problème de santé, surtout pour les personnes âgées, il y a souvent un problème aussi de service, les deux sont liés, et que vous avez fait effort d'enlever tous les silos qu'il y avait dans le financement en intégrant les CLSC, les CHSLD et les hôpitaux. Et là on remettrait un peu des caisses séparées pour parfois un besoin qui concerne autant le social que la santé. Et, si on met une rigidité, on n'est pas sûres que l'argent va sortir de la bonne caisse ou qu'il va y avoir suffisamment d'argent à la bonne place.

Par rapport aussi aux solutions plus globales, on pense qu'il devrait y avoir une consultation, plus tard, sur toute la question financière, pour établir quels sont vraiment les besoins, quelles sont les possibilités. On parle souvent que M. Ménard avait mis sur la table l'idée, par exemple, qu'il fallait baisser la dette, qu'il fallait aller aussi dans une assurance contre la perte d'autonomie, mais il avait aussi dit que, s'il y avait besoin d'insuffler de l'argent de plus, selon lui, selon les membres de sa commission, ça devait venir de la taxe sur la consommation, par exemple. D'autres vont mettre de l'avant l'impôt sur le revenu, d'autres, le ticket modérateur, d'autres, une prime. Donc, tout cela devrait être vu dans un souci d'efficience et d'équité, et je crois que tous les éléments ne sont peut-être pas sur la table pour choisir ce qu'il faudrait vraiment.

M. Couillard: Vous avez raison, le débat n'est pas terminé et il y a nécessité ultérieure d'une consultation à nouveau, mais sur ce sujet uniquement du financement. On introduit la question avec le document pour susciter des idées, là. On veut revoir quelles sont les pistes que les gens trouvent intéressantes ou qui méritent d'être poussées davantage, et je pense qu'en ça c'est utile, mais il n'y a pas de doute que le débat ne se termine pas maintenant, là. Ce n'est pas aujourd'hui qu'on va dire... ou dans deux semaines: Bon, bien, on a fait la commission sur la garantie d'accès, donc, en même temps, on a réglé le problème du financement de la santé. Mais il y a certainement un lien entre le financement puis l'accès, par exemple, là, pour le long terme.

Pour ce qui est de la question de la proposition de M. Ménard  ?  qui viendra d'ailleurs l'expliquer ici, en commission, dans quelques jours  ?  de tous les arguments qui nous amènent à être prudents quant à cette solution, c'est le dernier que vous avez mentionné, moi, qui m'accroche le plus, c'est-à-dire l'incohérence, apparente du moins, entre des actions que nous menons actuellement pour intégrer totalement les services, quelles que soient les missions et les clientèles, et d'en disloquer une partie du financement en même temps. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, qui heurte un peu la logique.

Cependant, si on écarte l'hébergement, disons, institutionnel et les soins professionnels d'aide à domicile, moi, je suis sensible également à la réalité des aidants naturels, qui sont souvent des aidantes naturelles, comme vous l'avez dit vous-mêmes, et, moi, je suis... Après avoir vu les mécaniques des fonds publics, je ne crois pas que, dans le mode de financement actuel, pour les prochaines années, quel que soit le gouvernement qui va être en poste, il va être possible de rehausser de façon significative, autre que par des moyens fiscaux, comme on fait actuellement, le soutien aux aidants naturels.

Il y a cependant là une piste, avec la proposition de M. Ménard, peut-être pas en l'appliquant totalement, mais une piste qui à mon avis est une des seules que je peux envisager où, à travers toute cette compétition pour les fonds qu'il y a dans le système de santé, on pourrait réserver une partie pour le soutien aux aidants naturels. C'est une idée qui m'est venue à écouter les diverses représentations qui ont été faites ici.

Mme Harvey (Hélène): On a soulevé, dans notre mémoire, concernant le financement, une question plus globale, qui est la participation des femmes au développement économique du Québec. Je sais que ça ne concerne pas uniquement le ministre de la Santé mais l'ensemble du gouvernement, mais on a fait quand même une étude intéressante là-dessus, qui compare différents pays, surtout d'Europe, mais aussi les États-Unis, et on voit que ce n'est pas incompatible, le fait que les femmes soient sur le marché du travail et qu'elles puissent avoir davantage d'enfants.

Et je reviens sur la question de taux d'emploi. On sait qu'il y a à peu près 10 points d'écart entre le taux d'emploi des hommes et le taux d'emploi des femmes au Québec, actuellement, alors que c'est démontré que, lorsque la participation des femmes au marché du travail est grande, c'est un facteur d'amélioration de la performance économique des pays et de dynamisme social et économique. Alors, au-delà du financement du système de santé  ?  mais, quand on parle de financement de santé, ça occupe une part tellement importante qu'il faut parler des finances publiques globales  ?  il faudrait continuer à travailler pour augmenter le taux d'emploi, surtout dans certaines strates d'âge. Chez les femmes, il y a un taux d'emploi qui pourrait être utilisé. C'est donc des ressources qui peuvent être mises à contribution pour le développement du Québec et tout en mettant des mesures sociales et de soutien, conciliation travail-famille et maternité. Ce n'est pas incompatible avec l'augmentation de la présence des femmes en emploi mais aussi de l'augmentation de la démographie.

n (12 h 50) n

Mme Lepage (Francine): Je peux ajouter aussi peut-être sur la question des comparatifs entre l'Ontario et le Québec. Par rapport au taux d'activité, souvent les femmes avaient 10 points de pourcentage de moins, si on comparait les taux d'activité. Et maintenant, avec les mesures qui ont été mises en place depuis une dizaine d'années, entre autres les garderies et toutes les mesures qui sont là, on peut voir qu'il y a eu un rattrapage. Et maintenant, même pour les femmes qui ont entre 25 et 44 ans, on a même dépassé l'Ontario. Donc...

Le Président (M. Copeman): Merci.

Mme Lepage (Francine): ...comme les femmes sont scolarisées, elles peuvent contribuer aux finances publiques et...

Une voix: Et financer le système de santé.

Mme Lepage (Francine): C'est ça.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Terrebonne.

Avant de vous reconnaître, Mme la députée, je présume que cet échange va dépasser de quelque peu 13 heures. Est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre plus tard que 13 heures, quelques minutes? Il y a consentement. Merci.

Mme la députée de Terrebonne, allez-y.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, Mme Harvey, Mme Lepage. Et, avec votre conclusion, je vais continuer un petit peu là-dessus, effectivement. Si on arrive aussi non seulement à ce que les femmes puissent être sur le marché du travail, mais si on arrive à avoir une véritable équité salariale pour les femmes dans tous les secteurs, elles vont contribuer encore plus au système économique, et donc l'État n'est pas perdant, au contraire, et donc elles vont contribuer aussi davantage au niveau du système de santé, puisqu'indépendamment des gouvernements c'est le poste budgétaire qui occupe la plus grande partie de l'enveloppe.

Je vous remercie beaucoup pour votre mémoire, qui est extrêmement complet. Vous avez 33 recommandations. On sait, et vous l'avez rappelé dès le début du mémoire, à quel point toute la question du système de santé est importante pour les femmes, autant comme utilisatrices, que comme proches aidantes, que comme travailleuses dans le système, mais aussi travailleuses au niveau des organismes communautaires bénévoles, au niveau des organismes communautaires qui touchent au niveau de la santé, que ce soit au niveau des services aux personnes qu'au niveau aussi de la prévention.

Je vais revenir sur quelques-unes de vos recommandations. Vous en avez 33, donc je ne pourrai pas toutes les faire, mais je vais revenir sur quelques-unes. À la recommandation 9, vous rappelez à juste titre la pertinence de porter attention aux conditions de vie et aux réalités différentes des femmes et des hommes tout au long de leur vie. Vous attirez l'attention sur les phénomènes plus récents, documentés, comme l'hypersexualisation, la violence dans la relation amoureuse chez les jeunes, les relations sexuelles à risque, la prostitution juvénile.

Mais je pense que c'est aussi, quand on regarde les réalités différentes, c'est aussi au niveau de la recherche. Puis là je pense, par exemple, au niveau des maladies cardiaques. On sait que les symptômes sont différents, on sait que souvent il va arriver, au niveau des hôpitaux, dans les urgences, qu'on ne détecte pas que c'est un problème cardiaque parce que ce n'est pas les mêmes symptômes. Même dernièrement, à l'Assemblée nationale, on a reçu des spécialistes, des chercheurs au niveau des maladies cardiaques. J'ai assisté à leur présentation, et toutes les recherches qu'ils nous ont données avaient été faites sur des hommes. Il n'y avait aucune donnée de recherche au niveau des femmes. Je leur ai demandé, pour l'an prochain, évidemment de travailler pour qu'on ait les mêmes recherches au niveau des femmes parce que ce n'est pas la même chose. Et c'est vrai pour plusieurs maladies. Et souvent on s'aperçoit qu'au niveau de la recherche...

En tout cas, moi, je pense que souvent il y a un retard non seulement dans les phénomènes que vous avez dits, mais au niveau de l'ensemble de ce qui touche la question de la santé auprès des femmes. Est-ce que c'est votre vision aussi? Est-ce que les plans... Je pense à la région de Québec qui a mis un plan important au niveau de la santé, santé et bien-être des femmes. Est-ce que, ce que vous avez comme connaissances par les différentes représentantes du Conseil du statut de la femme, dans les différentes régions du Québec, est-ce que ces plans-là sont appliqués? Est-ce qu'il y a un effort de fait pour qu'on puisse parfaire la recherche mais aussi traiter différemment selon les besoins?

Mme Harvey (Hélène): Pour l'instant, il y a seulement la région de la Capitale-Nationale à ma connaissance qui a un plan d'action sur la santé des femmes. Il y a quelques autres régions qui y travaillent, mais il y a seulement la région de Québec en fait, et je pense que ça fait à peu près un an qu'ils l'ont. Je pense qu'il n'y a pas eu encore d'évaluation non plus. Probablement que c'est trop récent. Mais ça va être effectivement important et intéressant d'assurer le suivi de ce plan d'action là pour justement montrer les impacts que ça aura pu avoir auprès des femmes dans le système de la santé, pour justement inciter d'autres régions à se doter de plans semblables.

Et concernant notre recommandation, bien vous l'avez dit, ça touche différents aspects de la santé, que ce soit la recherche... Comme vous avez mentionné, il faut qu'il s'en fasse davantage en étudiant les symptômes, autant chez les hommes que chez les femmes. En matière de prévention, on l'a souvent dit aussi, tous les programmes de prévention, que ce soit, par exemple, sur le tabagisme... Il faut le traiter différemment avec les filles qu'avec les garçons. Par exemple, je pense aux jeunes, là, qui peuvent avoir des raisons différentes de fumer ou de ne pas arrêter de fumer. Dans le cas des filles, il y a souvent une question liée au poids. Donc, c'est des exemples, mais on pourrait les multiplier.

Mme Caron: À votre connaissance, au niveau des différentes agences, est-ce qu'il y a des représentantes, est-ce qu'il y a des personnes responsables, au niveau de la condition féminine, dans toutes les agences, dans tous les CSS, pour s'assurer de faire le suivi des différents plans? Parce qu'on a de nombreux plans nationaux, mais il faut qu'il y ait un suivi au niveau des régions.

Mme Harvey (Hélène): Oui. Selon la dernière vérification qu'on a faite, qui date de quelques mois, il y en avait dans toutes les régions. Ce n'est pas nécessairement structuré pareil partout. Dans certaines agences, ça va être une personne qui va être responsable de l'ensemble des dossiers, dans d'autres agences, on va avoir multiplié, par exemple, le nombre de responsables selon différents thèmes ou dossiers, comme par exemple la violence, une autre va porter le dossier de la périnatalité, mais dans toutes les agences il y avait des porteuses habituellement du dossier.

Mme Caron: Autre recommandation, et je pense qu'elle est extrêmement importante, tout ce qui touche ce que vous appelez les changements sociodémographiques qui se sont produits au Québec, et notamment les modalités, le rôle, les responsabilités assurés par les femmes, on l'a abordé un petit peu tantôt, le ministre l'a abordé, toute la question, je pense, au niveau des proches aidantes. Et, moi, je suis particulièrement inquiète parce que, lorsque le ministre a annoncé récemment qu'il voulait diminuer le nombre de centres d'hébergement longue durée, qu'on ne voulait plus augmenter les places en centre, mais beaucoup plus assurer le maintien à domicile  ?  c'est intéressant, le maintien à domicile, quand il y a des services  ?  la première chose que j'ai vue, c'est que, si on se dirige beaucoup plus au niveau du maintien à domicile, c'est évidemment en grande majorité les femmes qui vont devoir offrir ces services-là, alors qu'elles n'ont pas le soutien, actuellement.

Par vos connaissances, quel serait un véritable soutien? Qu'est-ce qui ferait qu'on pourrait avoir une véritable politique qui viendrait en aide aux personnes aidantes? Par quoi ça doit se traduire?

Mme Lepage (Francine): Je pense qu'il doit y avoir d'abord des installations publiques pour les cas lourds de perte d'autonomie. On a parlé aussi de ressources intermédiaires, on a parlé aussi de soins à domicile, mais, les études souvent auprès des aidantes, les dernières études, ce qu'on voit, c'est que les aidantes souhaitent souvent apporter le soutien émotif aux personnes, elles souhaitent les accompagner pour voir le médecin ou pour aller à l'hôpital. Mais, surtout quand elles sont en emploi et quand elles sont responsables d'enfants, elles ne peuvent pas jouer le rôle de professionnelles. Et de plus les personnes qui sont aidées souhaitent souvent que... pour les soins professionnels ou même les soins personnels, elles sont souvent plus à l'aise de faire affaire avec un personnel qui n'est pas leurs proches, des personnes qui ne sont pas leurs proches. Alors, il faut qu'il y ait une organisation sociale qui soutienne tout ça parce que c'est sûr que, si l'organisation ne marche pas, bien est-ce que les femmes vont devoir quitter leur travail? Est-ce qu'elles vont négliger leurs enfants? Est-ce qu'elles vont avoir, elles-mêmes, des problèmes de stress ou de...

Mme Caron: Personnellement, beaucoup de femmes ont quitté leur emploi pour être une proche aidante au niveau d'un enfant, par exemple, handicapé ou au niveau d'un conjoint. Et, ces femmes-là, qu'est-ce que vous voyez comme soutien qu'on peut leur apporter?

Mme Harvey (Hélène): Bien, je pense qu'au plan des normes du travail il faudrait regarder comment on peut les soutenir. Si c'est pour prendre des congés, bon, à court terme, bien qu'on puisse continuer à les rémunérer sans qu'elles quittent leur emploi. Si c'est pour des périodes à long terme, encore là qu'elles puissent revenir dans leur emploi après. Mais je pense qu'il faut regarder du côté des normes puis il faudrait que les entreprises puissent être un peu plus souples à cet effet-là.n (13 heures) n

Mme Lepage (Francine): Ce qui avait été envisagé aussi, par exemple, c'est qu'il y ait un équivalent un peu de ce qu'il y a à la Régie des rentes: par rapport à la reconnaissance du soin auprès des jeunes enfants, le régime fait en sorte que les gens qui se retirent ou qui diminuent leurs revenus ne sont pas pénalisés au niveau de la rente de retraite publique qu'ils vont recevoir, et c'était envisagé d'étendre cette mesure-là aux personnes qui quitteraient pour s'occuper de soins aux proches. Ça aussi, c'est une possibilité qui peut être intéressante.

Mme Caron: Merci. Je vous amènerais maintenant à la recommandation 23, parce qu'elle m'apparaît intéressante, innovatrice. Vous recommandez que, « dans le but de favoriser la participation des usagères[,] des usagers et de servir de secteur témoin, la mise sur pied de cliniques spécialisées ayant le statut de coopérative ou à but non lucratif soit encouragée[,] que soit étudiée la possibilité que les capitaux nécessaires aux infrastructures proviennent, en partie, de la Caisse de dépôt et placement du Québec ou des fonds d'investissement des travailleurs  ?  des travailleuses  ?  promus par les organisations syndicales » . Voulez-vous nous en parler un petit peu plus?

Mme Lepage (Francine): Quand il s'agit de... Bon. Dans les cliniques dont l'infrastructure est financée par des fonds privés, on n'est pas à l'abri peut-être de conflits d'intérêts et conflits de rôles: Est-ce que c'est le médecin qui doit être l'investisseur ou est-ce que le médecin ne doit jamais être l'investisseur? Ici, il y a eu des personnes qui sont venues en commission parlementaire et qui ont soutenu des choses différentes à cet égard-là. Par ailleurs, aussi, il y a la participation citoyenne. Elle risque d'être plus assurée dans une structure qui serait à but non lucratif qu'à but lucratif, et, si on veut justement expérimenter et voir quels sont les coûts unitaires, ça pourrait être une façon de mettre... de pouvoir faire une expérience en comparant des comparables. Bon. Puis, hier, il y a le groupe de Médecins pour l'accès à la santé qui est venu nous parler d'une expérience qui avait été faite à Winnipeg, une clinique qui était avant privée avait été convertie en clinique à but non lucratif, et que ça avait donné des bons résultats finalement. Alors, c'est une suggestion aussi à explorer.

Mme Caron: Je vous remercie. Au niveau d'un autre élément que vous n'abordez pas dans votre mémoire mais qui me préoccupe au niveau de la santé, les femmes vont très souvent choisir  ?  beaucoup plus que les hommes  ?  les thérapies alternatives, et on sait qu'il y en a de plus en plus, il y en a beaucoup, de thérapies alternatives. Elles vont utiliser davantage, je dirais, les médicaments naturels, les vitamines. Puis, les thérapies, moi, je pense à des thérapies de plus en plus connues, là, je peux en parler, que je pense à la biologie totale ou à d'autres éléments, et ce sont surtout les femmes qui vont dans ces cliniques-là. Est-ce que vous pensez qu'il faut qu'on légifère, qu'il faut qu'on contrôle davantage ou s'il faut qu'on informe davantage? Est-ce qu'il faut qu'on ouvre davantage vers ces thérapies alternatives là, parce que beaucoup de femmes y croient profondément? Est-ce qu'il y a eu des recherches faites là-dessus de votre côté?

Mme Harvey (Hélène): Non, le conseil n'a pas étudié ce phénomène-là. Mais, vous avez raison, je pense que c'est un sujet important qui touche les femmes. La clientèle est probablement constituée majoritairement de femmes, mais pour l'instant on ne l'a pas étudié.

Mme Lepage (Francine): Il y a l'AETMIS qui a la mission aussi d'étudier, d'éprouver les technologies, de comparer et de baser ses recommandations sur des données probantes. Alors, j'imagine que sûrement l'AETMIS pourrait éclairer sur les cas comme ça, là. Par ailleurs, on sait que, dans les assurances privées collectives, souvent on couvre de plus en plus ces médecines alternatives là. Alors, je pense qu'il y aurait lieu de faire des études là-dessus.

Mme Caron: Mais, comme souvent les femmes sont en avance au niveau des thérapies alternatives, donc elles ne sont même plus dans celles qui sont couvertes par les assurances privées, elles sont rendues dans des thérapies beaucoup plus avancées, qui existent ailleurs aussi, là, mais qui ne sont pas encore reconnues nécessairement au niveau de la médecine traditionnelle.

Mme Lepage (Francine): Étant donné qu'il y a déjà des difficultés de financement des soins, je trouve qu'avant que ce soit nécessairement financé il faudrait que ça s'appuie sur des données probantes.

Mme Caron: Mais l'inquiétude est aussi du fait que, comme justement ce n'est pas légiféré puis comme les femmes y vont spontanément, c'est qu'il peut y avoir aussi des charlatans là-dedans, et elles n'ont pas de protection parce que c'est complètement ouvert et elles peuvent effectivement dépenser beaucoup dans ces thérapies-là.

Dernière question  ?  si je regarde le temps  ?  du côté du choix des femmes, je pense, on a parlé souvent ?  on en a fait un petit peu allusion tantôt  ?  au niveau des sages-femmes. Je pense que, lorsqu'on a voté la loi qui reconnaissait les sages-femmes, lorsqu'on a mis en place des projets pilotes, puis ensuite lorsqu'on a reconnu, on a formé un ordre professionnel, l'objectif était de s'assurer que les femmes puissent avoir le choix non seulement d'avoir une sage-femme qui les accompagnerait dans un hôpital, mais qu'elles puissent avoir une sage-femme à la maison et qu'elles puissent aussi avoir le choix d'aller dans des maisons des naissances. Alors, au niveau de l'accessibilité, par rapport aux choix des femmes  ?  parce qu'on sait très bien que donner naissance, ce n'est pas une maladie  ? est-ce que vous pensez qu'il faut ouvrir davantage ?  parce qu'on sait qu'il y a peu de maison des naissances  ? est-ce que vous pensez qu'on doit ouvrir davantage pour permettre ce véritable choix des femmes, autant à la maison, dans les maisons de naissance et au niveau des hôpitaux?

Mme Harvey (Hélène): Ce n'est pas un dossier que le conseil a revisité dernièrement. Le conseil s'y est intéressé à l'époque du débat, si on devait ouvrir aux sages-femmes ou non, et on avait appuyé le fait que ce soit possible au Québec. Maintenant, comme je vous dis, on n'a pas revisité le dossier dernièrement, à savoir où sont les besoins, est-ce qu'il y a des lacunes, est-ce qu'il y a... Je pense que les besoins ne sont pas couverts partout comme les femmes le demandent. Ce serait effectivement souhaitable qu'on puisse le faire, mais les raisons pour lesquelles c'est comme ça, ça, je ne pourrais pas me prononcer là-dessus, on n'a pas revu le dossier.

Mme Caron: Bien, je vous suggère peut-être d'entrer en contact avec le Regroupement Naissance-Renaissance, là, qui a vraiment des dossiers très étoffés à ce niveau-là. Bien, merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Mme la présidente, par intérim, Harvey, Mme Lepage, merci pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom du Conseil du statut de la femme.

Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Fin de la séance à 13 h 8)


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