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Version finale

38e législature, 1re session
(8 mai 2007 au 5 novembre 2008)

Le mercredi 22 octobre 2008 - Vol. 40 N° 62

Consultations particulières sur le phénomène de l'itinérance au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante-six minutes)

Le Président (M. Kelley): Je constate le quorum des membres de la Commission des affaires sociales.

Donc, je déclare la séance ouverte, en rappelant le mandat de la commission: la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques tenues dans le cadre du mandat d'initiative sur le phénomène de l'itinérance.

Au nom de ma formation politique, je m'excuse, mais on a eu un caucus, ce matin, qui était censé de terminer à 9 h 30. Mais la théorie et la réalité parfois sont différentes, et, aujourd'hui, comme d'habitude, il y avait un prolongement, et c'est toujours difficile de quitter la salle quand votre patron parle. Alors, nous sommes ici. Alors, désolé, on va essayer de retrouver le 15 minutes dans l'horaire de ce matin.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Grandmont (Masson) remplace M. Caire (La Peltrie); M. Domingue (Bellechasse) remplace Mme Lapointe (Groulx); M. Girard (Gouin) remplace M. Bergeron (Verchères); et M. Lemay (Sainte-Marie?Saint-Jacques) remplace M. Drainville (Marie-Victorin).

Auditions (suite)

Le Président (M. Kelley): Alors, merci beaucoup. Bienvenue aux membres de la commission. Bienvenue également au centre de santé et services sociaux de Québec, qui sont nos premiers témoins. Nous allons essayer de trouver un cinq minutes par groupe, ce matin, pour finir dans le temps. Je demande donc une présentation... Et je pense que le président du conseil d'administration, c'est M. Jean-Marie Bélanger. La parole est à vous, M. Bélanger.

Centre de santé et de services
sociaux de la Vieille-Capitale

M. Bélanger (Jean-Marie): Bonjour, M. le Président, mesdames et messieurs les parlementaires. Alors, vu mon expérience limitée dans le domaine des commissions, alors je vous demande un peu de diligence, de... voyons, de compréhension vis-à-vis mes hésitements qui peuvent arriver. Alors, comme je ne suis pas du secteur de la santé et que je préside ce conseil d'administration bénévolement, vous permettrez aussi, lors de la période de questions, de laisser à mes collègues... pas mes collègues, mais notre personnel qualifié de répondre aux questions.

Alors, je débute. Le Centre de santé et services sociaux de la Vieille-Capitale a accepté avec beaucoup d'intérêt l'invitation de la Commission des affaires sociales afin de lui communiquer son point de vue sur la problématique de l'itinérance à Québec ou au Québec.

Je suis Jean-Marie Bélanger, président du conseil d'administration. Permettez-moi de vous présenter les personnes du CSSS de la Vieille-Capitale qui m'accompagnent: à ma gauche immédiate, M. Sylvain Gagnon, notre directeur général; et, à ma droite, M. Hugues Matte, directeur général adjoint; et à l'extrême... à ma gauche, près de M. Gagnon, M. Rodrigue Côté, directeur adjoint des services santé, enfance, jeunesse, et Mme Andrée-Anne Parent, organisatrice communautaire.

Notre présentation comporte d'abord une brève description de notre établissement puis de l'équipe itinérante et du travail qu'elle a accompli. Dans un autre temps, nous vous exposerons nos contacts reliés aux partenariats et à l'organisation des services en itinérance, et nous terminerons avec quelques recommandations. Ce mémoire est le fruit d'une réflexion entamée depuis plusieurs années au sein de l'établissement, basée plus particulièrement sur les sept années d'expérience de l'Équipe itinérance auprès des personnes qui sont sans doute parmi les plus vulnérables de notre société.

D'entrée de jeu, nous considérons que l'itinérance peut être abordée sous deux angles, soit l'allégement de la souffrance et l'action sur le phénomène. Le CSSS de la Vieille-Capitale, par ses diverses actions dans le milieu, intervient sur ces deux plans, et ce, en collaboration avec de nombreux partenaires du réseau de la santé, de l'éducation, du monde municipal et des groupes communautaires.

n (9 h 50) n

Le CSSS de la Vieille-Capitale est un établissement public du réseau de la santé et services sociaux. Près de 290 000 personnes résident sur notre territoire. Notre établissement se distingue par son milieu principalement urbain constitué notamment par les quartiers centraux de Québec où se trouvent la majorité des personnes itinérantes et les organismes qui leur viennent en aide. Le CSSS de la Vieille-Capitale assure à la population de son territoire une gamme de services de santé et services sociaux de qualité, continus, facilement accessibles, sécuritaires et respectueux des droits de la personne. Il anime aussi le réseau local de services. Centre affilié universitaire, notre CSSS s'intéresse, par sa programmation de recherche, à la proximité et à l'accessibilité des services aux personnes marginalisées, afin de promouvoir leur insertion sociale.

L'Équipe itinérance. Afin de favoriser l'accès aux services de santé et services sociaux des personnes itinérantes, nous avons mis sur pied, en 2001, l'Équipe itinérance avec le soutien des fonds fédéraux du programme IPAC. Cette équipe avait pour objectif de répondre aux besoins de santé physique et mentale et aux besoins psychosociaux des personnes itinérantes de la ville, du centre-ville de Québec. Travaillant avec une approche qui favorisait l'intégration des intervenants dans le milieu et la réduction des méfaits, les infirmières et les intervenantes sociales de cette équipe avaient pour mandat de rejoindre les personnes itinérantes là où elles étaient, d'évaluer leurs besoins et d'assurer la liaison avec les services pertinents. Respectant les pratiques des partenaires des réseaux communautaire et public, différentes stratégies ont été mises en place.

Le travail de cette équipe a permis d'ériger des ponts entre les personnes itinérantes et les services des réseaux locaux, que ce soit en santé mentale, en toxicomanie ou les services résidentiels. À titre d'exemple, un partenariat avec la Régie de l'assurance maladie a facilité l'émission des cartes d'assurance maladie, permettant à ces personnes non seulement d'accéder à des services de santé, mais aussi de retrouver une identité au sein de la société. L'Équipe itinérance a aussi favorisé la concertation de plusieurs organismes communautaires. Ce faisant, elle a contribué à alléger la souffrance des personnes. Vous avez pu lire un témoignage d'un travailleur social qui illustre bien l'action diversifiée de cette équipe.

En raison de la nature du financement ainsi que des caractéristiques particulières de ce travail, la composition et la stabilité de cette équipe multidisciplinaire ont constamment varié au cours des années, fragilisant et limitant la portée de ses actions. Puisque les personnes itinérantes se trouvent constamment en rupture de liens sociaux, la stabilité du personnel et la continuité de nos interventions sont essentielles. De plus, l'expérience démontre que la présence d'une équipe spécifique fait souvent converger les interventions vers celle-ci, ce qui implique la nécessité d'adapter les services généraux de l'établissement à cette clientèle particulière.

Dans ce contexte, nous avons décidé de repenser la pratique de cette équipe et de réviser l'organisation des services offerts aux itinérants. Le cadre de référence L'itinérance au Québec arrive à point nommé dans cette réflexion.

À Québec, l'itinérance a un visage particulier. Si elle est avant tout une question de pauvreté, elle est aussi synonyme d'isolement. Cette expérience démontre que la personne en situation d'itinérance assiste à un effritement de son réseau social à mesure qu'elle sombre dans l'itinérance. Plusieurs problèmes y contribuent et se superposent: l'absence ou l'épuisement des ressources du milieu et des proches, les problèmes de santé mentale et physique, la toxicomanie, etc. Cette accumulation se traduit pour certains par le passage d'un type d'itinérance à l'autre. Si quelques-uns deviennent rapidement des itinérants chroniques, la majorité des usagers des ressources pour itinérance de Québec viennent en situation périodique et utilisent au besoin les ressources d'aide autres que l'hébergement: centre de jour, soupe populaires, fiducie, thérapie, comptoir vestimentaire, et le reste. Pour ces personnes, ces ressources agissent d'abord comme facteurs de protection mais sont aussi pour nous des lieux propices pour les rencontrer et dépister leurs besoins. Soutenir et accompagner la personne dans ses démarches l'aideront à établir des conditions favorables pour se réinsérer socialement et éviter que l'itinérance ne devienne permanente.

Comme nous l'avons mentionné précédemment, nous devons améliorer l'accès à l'ensemble des programmes du CSSS, optimaliser les ressources déjà en place et consolider les interactions avec les ressources du milieu local. Dans un premier temps, nous proposons d'identifier notre action auprès des personnes en situation d'itinérance chronique. Nous consultons présentement les organismes du milieu pour mieux évaluer les besoins des personnes itinérantes et consolider le travail de partenariat. Nous aurons également à mettre en place des mécanismes afin d'entendre les personnes itinérantes et de leur faire une place dans le processus décisionnel entourant la mise en oeuvre des services.

Agir sur le phénomène suppose une action coordonnée et structurée de plusieurs partenaires oeuvrant auprès des diverses clientèles. La situation des jeunes nous préoccupe particulièrement. Leurs difficultés d'intégration sociale se manifestent fréquemment par des troubles de comportement qui les excluent de diverses ressources et contribuent à développer ou à maintenir des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Nos intervenants et ceux du milieu communautaire nous rapportent qu'une part importante de personnes itinérantes ont vécu ou ont été témoins de violence et d'abus dans leur milieu familial. Pour cette raison, il faut agir préventivement et axer notre intervention sur les familles en difficulté. Bien qu'il soit difficile d'entrer en communication avec elles, ces personnes font partie des groupes prioritaires pour notre établissement. Se rendre dans leurs milieux et établir un lien de confiance s'avère essentiel. De même, les interventions dans les écoles et les projets communautaires pour les habitations à loyer modique, afin de soutenir les jeunes et leurs familles, sont des mesures préventives pertinentes. Le développement d'environnements favorables et protecteurs est à consolider et à développer selon le milieu. Nos équipes sont actives sur tous ces plans.

Le passage de l'adolescence à l'âge adulte est également un moment déterminant. Si la majorité des jeunes vivent bien cette transition, d'autres auront besoin de soutien pour développer et consolider des habiletés sociales. Les organisateurs communautaires du CSSS ont soutenu la réalisation de milieux de vie tels que le Centre Jacques-Cartier ou Mères et monde, à Québec, ressources qui permettent l'apprentissage de la vie en logement et la transition vers l'autonomie. De plus, ces centres favorisent l'intégration des jeunes à leur processus décisionnel.

Nous sommes inquiets également de l'augmentation du nombre de femmes en situation d'itinérance. Les organismes qui soutiennent... nous soulignent que les femmes tardent à demander de l'aide après avoir souvent vécu des situations de violence ou d'abus, ces faits étant corroborés par la recherche La spirale de l'itinérance au féminin. Le non-recours aux ressources en itinérance les met en situation à haut risque de prostitution, de toxicomanie, de violence conjugale, etc., et contribue à cacher leur itinérance. Elles ont majoritairement des problèmes de santé mentale ou de santé physique. Il faut développer davantage des stratégies pour venir en aide à ces femmes. Nos activités en recherche sociale y contribueront.

Finalement, nous sommes particulièrement préoccupés par l'augmentation constante des personnes âgées en situation d'itinérance. Ces personnes, majoritairement des hommes qui souffrent d'alcoolisme chronique, ont généralement des problèmes de santé physique et mentale pour lesquels ils ne vont pas consulter. Souvent prestataires d'une rente, ils sont, dans la rue, à risque d'abus et de violence. Les organismes communautaires ont de la difficulté à répondre aux besoins de ces personnes âgées, et les services du CSSS auprès de ces usagers sont essentiellement axés sur le soutien à domicile et l'hébergement. Il nous faudra intégrer cette préoccupation dans l'élaboration et la révision des plans d'action pour les personnes âgées.

n (10 heures) n

Nous croyons fermement que les interventions doivent dépasser les frontières du réseau de la santé et faire appel aux acteurs de tous les secteurs d'activité: logement, revenu, éducation, justice, emploi, et le reste.

Toutefois, notre expérience a confirmé que le travail intersectoriel s'avère parfois ardu et infructueux. Plusieurs raisons expliquent ce fait, que ce soit le manque de logements subventionnés pour personnes seules, les critères d'exclusion des services de réinsertion sociale, le manque de places en thérapie et la complexité d'assurer la concertation des multiples acteurs impliqués. À ce sujet, l'approche intersectorielle proposée dans le cadre de référence L'itinérance au Québec est des plus intéressantes. Elle doit être soutenue dans sa mise en oeuvre. Notre établissement poursuivra sa participation à l'élaboration du plan d'action intersectoriel en itinérance.

Enfin, les initiatives de développement des connaissances par la recherche et l'évaluation de meilleures pratiques dans le domaine d'intervention doivent se développer davantage au sein de l'équipe de recherche des établissements universitaires, comme celle du CSSS de la Vieille-Capitale, qui vient tout juste de réviser sa programmation. Le cadre de référence L'itinérance au Québec, mis de l'avant par le ministère de la Santé et des Services sociaux, nous apparaît fort intéressant et concerne bien des enjeux et les défis de cette problématique. Nous veillerons à diriger notre action en ce sens.

Bien qu'un financement stable soit nécessaire pour soutenir les actions proposées, il ne peut à lui seul corriger la situation. Pour que ces interventions soient efficaces, il faut que les personnes en situation d'itinérance puissent avoir un espace de parole au sein des instances qui définissent des plans d'action et des offres de services. Les expériences pairs aidants, regroupements d'usagers en ce sens, réalisées avec les usagers des services en santé mentale, ont démontré la faisabilité et l'intérêt de la participation des personnes utilisatrices des services, que le service régulier offert par le CSSS et les partenaires soit adapté pour mieux répondre aux besoins particuliers de ces usagers. Il faut éviter de faire reposer sur quelques intervenants l'ensemble des services à ces usagers, cela contribuant à les marginaliser davantage.

Il faut que le leadership des actions intersectorielles locales, régionales et provinciales soit clairement précisé afin d'assurer la cohérence de ces actions. Régionalement, les travaux de la Table de concertation en itinérance de Québec doivent compter sur un leader mandaté pour convier les différents réseaux à s'engager pour agir sur le phénomène, et ce, à partir d'un plan d'action interministériel. De plus, les démarches de planification, réalisées notamment par la conférence des élus de même que par la direction de santé publique ? Plan régional en santé publique ? doivent cibler l'itinérance et favoriser la concertation sur ce phénomène.

Au cours des années, les équipes professionnelles du CSSS ont acquis une solide expertise et permettent l'amélioration continue de la qualité des services offerts aux usagers. Le Centre de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale s'engage a poursuivre son action au sein de la communauté et de son territoire, et plus particulièrement auprès des groupes les plus vulnérables de la population. Nous vous remercions de votre écoute et nous répondrons avec plaisir à vos questions.

Je me permets, moi aussi, de remercier particulièrement cette équipe qui a préparé ce mémoire et avec beaucoup de professionnalisme. Et la parole sera à eux autres par rapport à vos questions.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Bélanger, pour cette présentation sur la situation à Québec. Il faut couper un petit peu, alors ça va être trois blocs de huit minutes, parce qu'on est vraiment serrés dans le temps. Il faut libérer la salle à 12 h 30, on n'a pas d'autre choix, alors il faut terminer à 12 h 30 exactement. Alors, c'est pour cette raison... Je vais être vigilant sur le temps. Alors, si les questions et également des réponses, s'il vous plaît, pouvaient être le plus concises possible. Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Alors, bon matin à vous, bienvenue devant ces travaux de la commission parlementaire. M. Bélanger, je vais me faire brève parce qu'on veut vous entendre, vous et votre équipe.

Dans votre mémoire, vous avez parlé de la particularité des femmes par rapport à l'itinérance, et ça, on l'a entendu ailleurs aussi. Ça, ça m'a beaucoup surprise parce que je croyais que les femmes allaient de soi, là, vers les ressources, mais on me dit que c'est plus compliqué. Et d'ailleurs c'est ce que vous nous confirmez ce matin, que les femmes tardent à demander de l'aide.

Par contre, j'ai parcouru des mémoires, et celui de l'agence de la santé parlait que les femmes constituaient 37 % de la clientèle qui fréquentait les ressources. Pour moi, c'était très élevé, là, à Québec. Alors, pouvez-vous élaborer un peu sur cette population?

M. Bélanger (Jean-Marie): M. Matte va répondre à cette question.

Mme Gaudreault: D'accord.

M. Bélanger (Jean-Marie): Ou M. Gagnon?

Le Président (M. Kelley): M. Matte.

M. Matte (Hugues): On va se faire aider par aussi Andrée-Anne, là, qui connaît bien... Vous allez avoir une présentation d'ailleurs, je pense, la semaine prochaine, du RAIQ, qui va vous parler d'une étude qu'on vient de réaliser sur La spirale de l'itinérance au féminin, étude d'ailleurs dont on fait mention dans notre mémoire et que M. Bélanger a mentionnée tout à l'heure. Je ne pourrais pas vous donner de chiffres précis, mais ce qui est sûr et certain, c'est que la clientèle féminine représente sûrement minimalement, je pense, autour de 40 %, là, de la clientèle qu'on identifie d'itinérance. Vous savez, ce n'est pas des choses qui sont nécessairement simples à mesurer; par contre, c'est des données qu'on recueille.

Elles utilisent effectivement un certain nombre de services. Mais, comme on l'indiquait dans notre mémoire, souvent ces clientèles itinérantes là, l'image qu'on se fait de la madame itinérante, là, qui pousse son panier d'épicerie, là, puis qui a toutes ses victuailles dedans, ce n'est pas du tout la réalité de l'itinérance au féminin à Québec. Et ces clientèles-là souvent ont tendance à vivre des problématiques d'itinérance mais qui ne sont pas évidentes, là, qu'on peut considérer un peu cachées, qui sont camouflées par d'autres problématiques lourdes que sont la prostitution, par exemple, ou l'utilisation de drogues lourdes ou d'autres problématiques liées à la violence conjugale, familiale, etc., comme on l'indique.

Je ne sais pas... Andrée-Anne, as-tu des données plus précises, là, que celles-là?

Mme Parent (Andrée-Anne): O.K. Au niveau des chiffres, non, je ne pourrais pas vous donner de données plus précises. Ce que par contre les organismes nous disent, et on a un certain nombre d'organismes, à Québec, qui travaillent spécifiquement avec les femmes qui sont en situation d'itinérance, soit dans un processus de réinsertion ou dans une offre de services, là, pour soulager les difficultés ou les aider, là, dans les difficultés qu'elles vivent sur le moment, ce qu'elles nous disent, c'est que les femmes tardent à demander de l'aide. Donc, on les retrouve dans les ressources mais aussi dans les services du CSSS, dans un état plus... je ne voudrais pas...

Une voix: Plus désorganisé.

Mme Parent (Andrée-Anne): ...plus désorganisé.

Aussi, au niveau de la santé, c'est beaucoup plus difficile; elles vont tarder avant de demander de l'aide. Donc, non, l'idée que les femmes vont demander des services plus facilement que les hommes, c'est peut-être vrai dans d'autres secteurs mais pas dans celui de l'itinérance. Donc, on se retrouve avec des femmes qui ont différentes problématiques, que ce soit au niveau de la santé physique, de la santé mentale, qui ont vécu soit des abus, différents types d'abus, là, soit des viols ou de la violence conjugale, et qui vont se maintenir dans cette situation-là pour éviter de se retrouver à la rue.

Je ne voudrais pas aller plus loin; je pense que la recherche va démontrer ça plus clairement, là, mais c'est un peu le portrait qu'on a, là, au niveau des femmes.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos: Oui. Alors, bonjour, M. Bélanger, ainsi que tous les membres de votre équipe. Merci de votre présentation. Évidemment, je lisais la partie du mémoire qui parle du passage de l'adolescence à l'âge adulte et des jeunes. J'aimerais savoir: De votre point de vue, au niveau de l'itinérance chez les adolescents, est-ce que nous avons plus de chances en ayant recours à la prévention qu'avec les autres clientèles? Parce que ça semble être ce qui est suggéré dans votre mémoire, mais j'aimerais que vous élaboriez là-dessus. On a tendance, quand on parle de la clientèle jeunes, de parler plus prévention et agir plus à ce niveau, dans tous les domaines. On dit: Ah, il y a un espoir pour cette clientèle-là qu'il n'y a peut-être pas pour d'autres types de clientèle. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Kelley): M. Matte.

M. Matte (Hugues): ...

Le Président (M. Kelley): Ou M. Gagnon? M. Gagnon.

n (10 h 10) n

M. Gagnon (Sylvain): Essentiellement, il faut voir que, dans le secteur de la santé, il y a une gamme complète de services qui s'offrent, notamment, là, tout le secteur de la protection de la jeunesse et autres. Effectivement, là, le mémoire insiste sur la nécessité d'agir en amont du phénomène, et ça, notamment, là, le ministère de la Santé et des Services sociaux ? on en fait état ? vient de déposer son cadre de référence sur le phénomène de l'itinérance, et cette idée-là d'agir en prévention est très certainement quelque chose qui devrait avoir un impact positif sur la réduction du phénomène.

Ça demeure toujours préoccupant, et ce qui est important pour avoir une intervention coordonnée, c'est d'avoir une bonne vision, et je pense qu'il est très intéressant, il faut le souligner, là, le cadre de référence ministériel campe bien l'essentiel de la problématique. Et on a été à même de participer à l'élaboration et à la réflexion. Et l'Équipe itinérance, qui a travaillé au cours des dernières années, la réalité de l'action puis du travail de l'équipe nous indique qu'il faut aller dans ce sens-là. Donc, prévenir des situations, agir en amont de la problématique, ça va être d'autant plus important, quand on regarde le contexte économique actuel. Et on prenait, hier soir, là, dans les grands bulletins d'information, que la réduction des inégalités... En fait, les inégalités, on observe des écarts au Canada ? d'autres pays ont mieux réussi, notamment les pays du Royaume-Uni ? mais dans la mesure où on observe des écarts de richesse, donc que les inégalités sociales s'accroissent, très certainement qu'il faut agir de façon ciblée sur les phénomènes, et c'est pour ça que dans notre mémoire on parle d'agir sur les souffrances, sur les manifestations, donc agir auprès des personnes en situation d'itinérance, mais il y a aussi agir sur le phénomène.

Donc, quand on regarde le phénomène, il faut avoir une action coordonnée en prévention, il faut intervenir pour mieux réinsérer ces personnes-là, donc avoir une bonne connaissance des problématiques, mais ça doit dépasser le cadre de la santé et des services sociaux. Et ça, il faut insister là-dessus. L'expérience de l'équipe démontre, puis ça, on le dit dans le mémoire, là, le difficile équilibre d'une coordination soutenue et d'une cohérence dans le geste. Mais très certainement qu'il faut agir en amont, mais il faut voir aussi les grands déterminants de la santé, là. Il faut s'assurer que, sur le plan économique, on arrive à créer des conditions qui vont éviter cette marginalisation-là des différentes clientèles, que ce soient les jeunes, que ce soient les femmes, que ce soient les personnes âgées, et qui parfois nous amène vers l'itinérance.

Le Président (M. Kelley): Dernier commentaire.

M. Sklavounos: Merci, très rapidement parce que je sais qu'il ne reste pas beaucoup de temps. Le travail intersectoriel réussi, est-ce que c'est un rêve en couleurs? Ou est-ce que c'est quelque chose, d'après vous... Parce qu'on parle de ça, tout le monde parle de ça, puis des fois on a l'impression d'avoir une montagne devant nous.

Le Président (M. Kelley): M. Gagnon.

M. Gagnon (Sylvain): Ce n'est pas un rêve, mais il y a des conditions pour s'assurer qu'on puisse avoir une action soutenue. Donc, ça prend une vision ? ça, je pense qu'on a une vision ? ça va prendre des moyens pour accompagner la vision. Le plus bel exemple... Ça, il faut éviter de toujours tomber dans le piège de dire: Ça prend des argents additionnels, ça prend des argents additionnels. Mais il faut nécessairement avoir des ressources et que ces ressources-là puissent être stables dans le temps. C'est particulièrement vrai dans le phénomène de l'itinérance, puisqu'on sait que ce sont des gens qui ont besoin, pour rétablir le contact, d'avoir des repères significatifs constants.

Le problème de l'Équipe itinérance... Notamment, la difficulté qu'elle a rencontrée, cette équipe-là, c'est qu'elle était dans un financement qui n'était pas stable, de sorte qu'on a eu différents intervenants, qui nécessairement nous a un peu éloignés de cette continuité-là. Mais l'action soutenue, coordonnée, avec une vision à long terme des différents partenaires, c'est possible. L'Équipe itinérance l'a bien fait, vous l'entendrez avec les différents partenaires communautaires qui oeuvrent dans ces secteurs-là avec nous. C'est possible avec une vision puis des conditions. Puis je vous dirais: Ça prend un financement, mais ce n'est pas suffisant, il faut avoir une capacité de travailler à long terme sur ces questions-là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci, M. le Président. Alors, merci, M. Bélanger, pour la présentation du mémoire. Vous vous êtes très bien débrouillé, en passant. J'ai retenu, à la page 4 de votre mémoire, où c'est marqué: «Les interventions doivent [être] sans contredit dépasser les frontières du réseau de la santé et faire appel aux acteurs de tous les secteurs d'activité: logement, revenu, éducation, justice, emploi.» Et vous mentionnez: «...les critères d'exclusion des services de réinsertion sociale...» J'aimerais vous entendre un peu plus. Qu'est-ce qui empêche le...

Le Président (M. Kelley): Qui est le preneur de la question? M. Gagnon.

M. Gagnon (Sylvain): En fait, ce que ? puis Mme Parent pourra compléter... Dans les pratiques antérieures, ce qu'on a observé, c'est que, pour certaines clientèles itinérantes qui avaient des troubles de comportement importants, ils ne pouvaient pas avoir accès à certains services. Donc, nécessairement, ces critères-là maintiennent en quelque sorte le phénomène de marginalisation. Il faut bien comprendre que dans ces situations-là, s'il y avait des critères, c'est essentiellement pour ne pas, en situation d'offre de services d'hébergement, nuitées par exemple, ne pas désorganiser l'ensemble du service. Mais on a bien vu que ces critères-là ne permettent pas donc d'avoir une action efficace sur le phénomène pour agir à résoudre les problèmes, individu par individu, d'itinérance. Peut-être que Mme Parent peut compléter.

Mme Parent (Andrée-Anne): En fait, j'irais dans le même sens que M. Gagnon. Ce qu'on voit, c'est que les programmes de réinsertion, c'est un peu un aboutissement d'un processus. Sauf que, pour arriver à cet aboutissement-là, il y a de multiples étapes qui parfois sont trop ardues, et on pense que, si les programmes de réinsertion pouvaient venir avant dans le processus, ça favoriserait une stabilité dans la vie de la personne.

M. Dorion: Pour bien comprendre: Qui empêche? Est-ce que c'est en soi des critères qui sont faits par ceux qui offrent les services? Est-ce que c'est des critères qui sont axés sur un ministère quelconque, que ce soit Emploi et Solidarité sociale, que ce soit le ministère de la Santé? Je veux dire: Qui fait ces critères-là? Est-ce que c'est les organismes qui en ont la responsabilité et qui se sont dotés de ces critères-là qui excluent ces personnes-là ou c'est un ministère qui ne cadre pas sur les objectifs de la réinsertion?

M. Côté (Rodrigue): Dans le fond, c'est l'ensemble des organismes qui se donnent des critères pour être capables d'accueillir différentes personnes, que ce soit via la toxicomanie, santé mentale, et tout ça. Souvent, il y a des personnes, qui sont non volontaires, qui ont de la difficulté à s'intégrer dans les groupes et qui empêchent le bon fonctionnement d'un groupe ou ont des comportements violents ou menaçants.

Donc, l'ensemble des organismes ont des critères qui permettent d'assurer une bonne démarche dans le groupe. Souvent, nos personnes en situation d'itinérance, elles, ne correspondent pas à l'ensemble de ces critères-là, et tout le travail commence à partir de ce fait-là. Quand on parle de l'ensemble des services, souvent ça prend un domicile, ça prend des cartes d'assurance maladie, mais ça prend aussi certains comportements qui sont conciliables avec l'ensemble du groupe. Et c'est souvent là qu'on va arriver avec des problématiques. Pour s'inscrire dans des thérapies de désintoxication, il faut d'abord avoir la volonté de s'inscrire et être rendu au seuil de dire: Regarde, j'arrête de consommer, alors que, pour eux, souvent la mobilisation, l'intention est plutôt questionnable, plus difficile. Donc, l'ensemble des organismes en ont, et ces critères-là font souvent que ces personnes-là sont difficilement accessibles dans nos services. Quelqu'un qui consomme, qui veut avoir des services de santé dans nos hôpitaux, on voit tout de suite le problème que ça peut créer, et c'est comme ça, là, dans beaucoup de secteurs.

M. Matte (Hugues): Si je peux me permettre un petit ajout, peut-être?

Le Président (M. Kelley): Oui, M. Matte.

M. Matte (Hugues): D'une part, une des constantes, je pense, qu'on signale dans notre rapport ? toutes les recherches le disent aussi, d'autres présentateurs vont vous le dire sans doute ? une des constantes que ces personnes-là vivent, c'est l'isolement, hein, ils sont isolés. Ils ne sont pas isolés pour rien, aussi, là. Ils vivent des dynamiques, des problématiques qui rendent complexes... qu'ils se recréent des réseaux. Puis ce n'est pas seulement des réseaux personnels, c'est aussi des réseaux avec même des services d'aide qui sont là pour accueillir des personnes en difficulté. Ces gens-là ont souvent des profils, comme l'a dit M. Côté, qui les isolent. Et là, en ce sens là, il va falloir être un petit peu novateur puis essayer de trouver des manières, de telle manière à ce qu'on puisse aider ces personnes-là, essayer de les aider à créer des liens significatifs pour briser cet isolement-là.

Il semble bien, en tout cas on semble constater que, quand ces personnes-là réussissent à créer au moins un lien, quelque part, significatif, stable, puis qu'on peut maintenir dans le temps, ça fait une différence: un lien avec un aidant naturel, un lien avec un groupe dans le milieu, un lien avec un intervenant du CSLC, un lien avec un pair à côté de lui. Mais il y a quelque chose de significatif qui se crée, et ça, ça contribue à briser le cycle, une espèce de spirale, là, dont on va vous parler probablement la semaine prochaine, là, dans laquelle ces gens-là sont enfermés. Et, pour faire ça, il faut qu'à quelque part il y ait une barrière qui tombe, ou souvent plusieurs.

M. Dorion: M. Bélanger, durant le résumé du mémoire, nous a mentionné qu'il y a différents corridors qui portent à l'itinérance, dont entre autres la toxicomanie, la santé mentale. On les a tous résumés, mais, par rapport à la santé mentale, j'aimerais avoir un peu ce que vous avez vu, vous, par rapport à Québec. Parce que, dans différentes... c'est différent, c'est-à-dire, il y a une différence dans différentes régions.

Ici, à Québec, comment ça se passe lorsque, exemple, un intervenant constate qu'une personne ayant des besoins d'évaluation parce que cette personne-là a un problème de santé mentale, exemple, de schizophrénie, que la personne, elle est consciente et qu'elle accepte de se faire accompagner, comment ça se passe, l'accompagnement au niveau des urgences, au niveau des hôpitaux ici, à Québec? Est-ce que c'est quelque chose qui se fait ou le suivi... Le corridor est facile d'entrée, et on s'assure que la personne ait bel et bien reçu des services d'évaluation, de stabilisation, de médication? Ou, malheureusement, comme bien dans d'autres endroits, on les ressort aussi vite qu'ils sont rentrés, parce que c'est ce qui a été reconnu durant la commission parlementaire. Ici, à Québec, quel est le portrait?

n (10 h 20) n

M. Bélanger (Jean-Marie): M. Côté va répondre.

M. Côté (Rodrigue):Écoutez, à Québec, il y a près d'un an et demi, avec les transferts qu'il y avait eu du côté de l'Hôtel-Dieu vers Saint-Sacrement, avec le département de psychiatrie, il y a eu d'autres positions qui ont été prises qui viennent, dans le fond, arrimer l'ensemble des actions. Nous, nos intervenants vont déjà dans les organismes communautaires. Ce qui fait que, quand quelqu'un est repéré, à l'intérieur de l'organisme communautaire, avec des problématiques de santé mentale, il est présenté aux intervenants des CSSS et d'organismes communautaires qui interviennent aussi en santé mentale, et le relais se fait de cette façon-là.

D'abord, on le connaît, et on prend un lien avec lui, et on tente de le réintroduire à l'intérieur des services hospitaliers. Les clients qui se présentent en urgence dans les urgences des hôpitaux, eux aussi, dans le fond, ont une consigne. Parce qu'on a nommé une intervenante qui, elle, a un rôle principalement au niveau de l'urgence de l'Hôtel-Dieu de Québec mais qui est aussi appelée par l'ensemble des urgences de la région de Québec lorsqu'ils rencontrent des personnes en situation d'itinérance, pour qu'on évite de les retourner dans le milieu et qu'il n'y ait aucune préoccupation de la prise en charge de ces personnes-là. Donc, son rôle à elle est de s'assurer qu'elle est connue et qu'on peut introduire un suivi avec cette personne-là.

On a une autre personne qui, elle, est complètement dédiée avec la multiproblématique, c'est-à-dire itinérance- santé mentale, qui, elle, dans le fond on lui réfère l'ensemble des personnes avec cette problématique-là, et s'assure de faire le suivi à domicile pour aller tenter de stabiliser la situation. Parce qu'on parle du cycle, et on y retourne rapidement s'il n'y a pas quelqu'un qui s'assure de consolider ce milieu-là. Donc, cet intervenant-là est principalement dédié à cette tâche-là, quand il y a les deux problématiques, s'assure de lui trouver un endroit pour aller demeurer, et il continue le suivi.

Et il y a d'autres organismes communautaires qui font la même affaire. Accroche-Toit en est un. Donc, le but, c'est d'essayer de trouver un toit à l'extérieur des ressources d'itinérance mais aussi de s'assurer que le suivi en santé mentale... Il y a toujours quelqu'un qui en est responsable et s'assure de ne pas retrouver les prescriptions médicales dans les poches des personnes au bout de quelques semaines. Donc, quand il sort de l'urgence, on est avisés, et, nous, on doit mettre en place les services pour être capables d'assurer cette continuité-là. Mais il y a encore un travail de bonification à faire, mais on pense qu'on est sur la bonne voie.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Avant de céder la parole au deuxième groupe de l'opposition, j'ai compris que Mme la députée de Taschereau aimerait participer. Elle n'est pas membre, mais alors ça prend un consentement. J'imagine, il y a un consentement? Parfait, merci beaucoup. Alors, Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Bonjour. Merci de votre mémoire. Ma question, premièrement, s'adresserait probablement au directeur général. Vous avez une équipe en itinérance, elle est née en 2001 et avec un financement du programme fédéral IPAC. Ce qu'on a senti un peu partout, dans nos tournées à travers le Québec, c'est que c'était fragile comme financement et que ces équipes-là étaient modestes. J'aimerais savoir de combien de personnes est constituée cette équipe. Est-ce qu'il y a un psychiatre dans cette équipe? Est-ce qu'il y a des infirmières, bien sûr des travailleurs sociaux? Est-ce que des infirmières sont dédiées à certains organismes communautaires?

M. Gagnon (Sylvain): Très simplement, il faut voir que l'équipe a évolué dans le temps, au cours des dernières années. Mais l'équipe, dans sa constitution première, était composée de deux infirmières, un travailleur social ? une travailleuse sociale ? et un organisateur communautaire. Donc, avec effectivement... dans une situation où le financement n'était pas stable, on a dû effectivement revoir l'équipe. Ce que l'expérience a suggéré par ailleurs, c'est, face à une situation financière où il y avait un retrait donc du financement, on a coordonné la suite par une meilleure intégration des actions dans ce domaine-là avec nos différentes équipes, que ce soient nos équipes au sein d'établissements qui travaillent en santé mentale, dans le secteur de la toxicomanie, auprès de la jeunesse. Donc, ça a permis, ça, effectivement de prendre le relais des ressources qui provenaient du financement IPAC.

Sur le fonctionnement de l'équipe, Mme Parent pourrait davantage vous décrire quels étaient les rattachements, là, de chacun de ces intervenants-là et les liens avec les organismes communautaires. Mme Parent.

Mme Lapointe (Crémazie): Vous êtes à combien maintenant? Vous étiez cinq personnes... oui.

Le Président (M. Kelley): M. Matte.

M. Matte (Hugues): Actuellement, il y a... Puis il y a encore du temps en organisation communautaire qui se donne. Je ne sais pas combien de jours-semaine, Andrée-Anne, tu mets sur le dossier, mais en tout cas, deux jours-semaine. On a une travailleuse sociale, une intervenante sociale à temps complet qui est encore sur ce dossier-là. Ce qu'on a fait, étant donné que le financement ? bon, vous connaissez, on ne reprendra pas le détail de la difficulté liée au financement des programmes fédéraux ? s'éteignait dans le temps, ce qu'on essaie de faire, c'est qu'on essaie de consolider nos efforts à partir de sources de financement qui nous venaient d'ailleurs et qui travaillaient aussi avec des clientèles qu'on appelle «désaffiliées», dans nos termes; ça veut dire des clientèles qui ont de la misère à rentrer dans le système. Je pense, ici, il y a des services qu'on offre pour les clientèles... On a du temps infirmier qu'on donne à Point de repères présentement; on du temps infirmier qu'on donne à PIPQ; on a du temps infirmier qui se donne à Lauberivière; on a du temps infirmier à MIELS-Québec.

Ce qu'on va proposer à nos partenaires ? parce qu'on rencontre tous nos partenaires le 5 novembre ? ce qu'on veut proposer à nos partenaires, c'est qu'on voudrait essayer de consolider, nous, notre contribution au niveau, je dirais, de l'intervention santé. Pourquoi on veut faire ça comme ça? D'une part, parce qu'on a un peu plus de ressources là-dedans; deuxièmement, parce que les partenaires dans notre communauté, c'est probablement des ressources qui... c'est extrêmement difficile pour eux d'obtenir... Alors, vous connaissez la pénurie d'infirmières présentement. C'est une pratique, comme vous le savez, le travail auprès de ces clientèles-là, qui est très particulière. C'est une pratique qui fait appel, je dirais, à des qualités personnelles, et cliniques, et professionnelles très, très particulières. Ce sont des intervenantes qui sont rares, peu nombreuses et qui ont besoin d'un soutien clinique en quelque part. C'est extrêmement difficile pour un groupe communautaire, quel qu'il soit, aussi renommé soit-il, d'aller chercher une ou des infirmières puis de les maintenir en poste.

Ça, nous, on peut contribuer, on peut contrer ce créneau-là. On le fait déjà, on veut consolider nos efforts là-dedans. On va s'entendre avec nos partenaires, c'est quoi, la meilleure contribution qu'on peut avoir. On veut pas arriver puis leur dire: Écoutez, nous, là, le CSSS, c'est ça qu'on fait, puis ajustez-vous. On leur propose ça; on pense que c'est une voie de consolider nos efforts auprès de l'ensemble des clientèles désaffiliées, y compris surtout des clientèles qui vivent des problématiques d'itinérance. Et on va en débattre avec eux, on va en discuter, et, de ça, on va sortir une meilleure orientation de nos ressources, des ressources rares, il faut le dire, malheureusement, là-dedans.

Par contre, je ferais un petit commentaire qu'on fait dans notre mémoire: il faut être prudent par rapport aux équipes dédiées. C'est fort intéressant, c'est indispensable, mais il ne faut pas que ça se fasse au prix de tous les efforts qu'il faut faire comme établissement, nous-même, avec nos partenaires du réseau pour être accueillants pour ces clientèles-là. Hein, l'effet pervers des équipes dédiées, c'est parfois qu'on leur reporte le problème en leur disant: Ah! bien ça, c'est l'infirmière de rue qui va s'en occuper; ou, ça, c'est la travailleuse sociale de rue qui va s'en occuper. Il ne faut pas que... Et ça, on a à réexaminer notre offre de services en général de toute façon là-dessus.

Le Président (M. Kelley): Dernière question à Mme le députée de Taschereau.

Mme Maltais: Bonjour, tout le monde, je suis heureuse d'être avec vous. On vient de... Ma collègue de Crémazie vient d'ouvrir le débat sur vraiment une des difficultés qu'on a à Québec actuellement. Je suis contente de voir que vous cherchez une solution avec les partenaires ? vous avez toujours travaillé avec les partenaires, de toute façon. Mais vous même, M. le président, avez parlé de l'importance de la constance de l'équipe quand on travaille auprès de la clientèle itinérante.

Or, les infirmières, à ce qu'on m'a dit dans les organismes communautaires, sont là depuis longtemps, connaissent les clientèles. Et il semblerait qu'il y a un problème actuellement et que cette constance risquerait d'être brisée ou que les nouvelles façons de travailler feraient que les infirmières seraient peut-être détachées autrement, il y aurait plus de mouvement, et qu'elles pourtant désirent rester auprès de la clientèle. Donc, ce ne sont pas les infirmières, ce serait au niveau du CSSS qu'il y aurait des difficultés à conserver la constance de l'équipe. Quelles sont les solutions que vous pouvez apporter? Parce que, vous-même, M. le président, vous avez parlé de cette importance de la constance, tout le monde en convient, vous aussi, là.

M. Gagnon (Sylvain): Au cours des prochains jours, là, il y a un rendez-vous important avec nos différents partenaires, donc, autour justement de l'identification de priorités importantes puis la stabilité ? ça, on l'a dit. La stabilité du personnel auprès de ces clientèles-là est un gage de résultat en termes d'avancées, de sorte que nécessairement... la présence des infirmières actuellement, elle est cinq jours-semaine. L'itinérance, ce n'est pas un phénomène qui se vit sur cinq jours, hein, c'est un phénomène qui se vit sept jours par semaine. Très certainement qu'on prendra les moyens, comme établissement, pour stabiliser justement les infirmières autour de ces fonctions-là.

La difficulté, qui est la mouvance qu'on a observée, tient du fait à la pénurie qui est très, très importante actuellement puis qui sévit dans le réseau. Mais très certainement qu'une fois que les priorités sont bien identifiées, et c'est le consensus qui se dégage actuellement, on devra, on aura l'obligation, comme établissement, de mettre en place des personnes stables, continues, et de façon à ce que le geste soit coordonné auprès des clientèles, mais aussi auprès des partenaires. Le gage de succès aussi, c'est avec les mêmes intervenants, avec la même personne qui travaille. Les liens se tissent mieux entre les différentes organisations, et c'est comme ça qu'on va arriver à agir plus efficacement sur le phénomène.

n (10 h 30) n

M. Matte (Hugues): On a déjà procédé...

Le Président (M. Kelley): M. Matte, en conclusion.

M. Matte (Hugues): Oui, pardon. On a déjà procédé, il y a environ un mois, à un affichage de poste parce que, bon, souvent le problème qu'on avait, ce n'était pas... C'est du financement qui était souvent non récurrent, les gens n'avaient pas de poste, ils restaient, ils quittaient, etc. On a dit tout à l'heure l'importance de créer un lien significatif avec des personnes. Ça se fait au-delà de la profession, là, c'est la personne. Et on a procédé à un affichage de poste il y a un mois. On va en faire d'autres en fonction des choix qu'on va faire avec nos partenaires du communautaire. Ça va peut-être amener quelques changements, mais c'est pour la stabilité à long terme qu'on l'a fait. Donc, vous connaissez la mécanique du fonctionnement du réseau de la santé: à partir du moment où on offre des postes, bien il y a des gens qui vont postuler.

Je dois, en terminant, vous dire par contre que les infirmières, parce qu'on parle des infirmières ce matin, les infirmières qui choisissent ces fonctions-là sont des infirmières particulières, c'est des infirmières qui ont souvent des profils de vie et de pratique qui sont spécifiques. Et généralement, quand on finit par les stabiliser dans des postes là-dedans, elles ont tendance à y rester, ce qui est notre gageure qu'on fait dans ça, parce que c'est un choix de vie presque de faire ce type d'intervention là avec ces clientèles-là plutôt que de travailler, je ne sais pas, moi, à une unité de soins ou à l'urgence.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. C'est moi qui dois presser tout le monde. M. Bélanger et votre équipe, merci beaucoup. Merci pour votre disponibilité. Vous avez changé l'heure avec un autre groupe, alors merci beaucoup pour ça.

Je vais suspendre très, très rapidement, parce que l'agence va prendre place, et on va continuer tout de suite. Alors, merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 10 h 32)

 

(Reprise à 10 h 33)

Le Président (M. Kelley): Notre prochain témoin, c'est l'Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale nationale, représentée par son président-directeur général, M. Michel Fontaine. Alors, je vais vous laisser le soin de présenter l'équipe avec vous, M. Fontaine. La parole est à vous.

Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale nationale (ASSS-Capitale nationale)

M. Fontaine (Michel): Alors, merci, M. le Président. D'abord, je tiens à remercier l'ensemble des membres de la Commission des affaires sociales de leur invitation. Et je suis accompagné ce matin du directeur général adjoint, M. Jacques Fillion, qui est à ma droite, ici, qui est aussi le directeur des programmes clientèles, du Dr François Desbiens, qui est à ma gauche, qui est le directeur de la santé publique, et de Mme Carole Leduc, qui est agente de programmation et de recherche pour le dossier...

Une voix: ...

M. Fontaine (Michel): ...Lecours, excusez-moi ? j'ai dit Leduc parce que j'étais tantôt avec une personne qui s'appelait comme ça, alors je m'excuse ? Mme Carole Lecours, qui est une agente de programmation et de recherche particulièrement pour le dossier itinérance à l'agence de Québec.

Donc, très rapidement, avant d'entrer dans le vif du sujet, je vous donne quelques précisions sur l'Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale nationale et quelques-unes de ses responsabilités.

L'agence de Québec couvre un territoire d'une superficie d'environ 19 000 km², soit la grande région de la Capitale-Nationale, qui inclut les territoires de Portneuf et de Charlevoix et comprend plus de 60 municipalités et une population d'environ 670 000 personnes. L'agence a été créée, comme toutes les autres agences de la province, pour particulièrement coordonner la mise en place des services de santé et des services sociaux de sa région, allouer les ressources financières aux établissements et soutenir la mission aux organismes communautaires.

Alors, notre réseau particulier, à Québec, est constitué de: quatre centres de santé et de services sociaux ? vous venez d'en entendre un juste avant nous; un centre jeunesse; trois centres de réadaptation; un établissement désigné spécifiquement en langue anglaise; trois centres hospitaliers de soins généraux et spécialisés, dont un centre hospitalier; un CHU; un centre hospitalier affilié, qu'on appelle un CHA; et un institut universitaire, l'Institut de cardiologie; un centre hospitalier de soins psychiatriques, Institut universitaire en santé mentale; et 10 établissements privés conventionnés pour les centres d'hébergement. De plus, 236 organismes communautaires sont reconnus et financés par l'Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale nationale.

L'agence doit également mettre en place des mesures visant la protection de la santé publique et la protection sociale des individus, des familles et des groupes, évaluer l'état de santé et le bien-être de la population, déceler les besoins et définir l'offre de service sur son territoire. L'agence fait de plus la promotion d'activités susceptibles d'améliorer la santé et le bien-être de la population et collabore à leur mise en oeuvre avec les autres organismes de la région en lien avec leurs missions respectives, et notamment les municipalités, les directions régionales des autres ministères et les organismes gouvernementaux, les établissements du réseau de l'éducation particulièrement et de l'enseignement supérieur, les services de garde, les organismes communautaires à vocation régionale et les organismes sociocommunautaires... socioéconomiques, excusez.

Enfin, avant de parler spécifiquement de notre mémoire, je veux juste que vous sachiez que nous sommes parfaitement heureux que la Commission des affaires sociales et ses membres se préoccupent du phénomène de l'itinérance, puisque votre intervention ne pourra à notre avis qu'obliger tous les organismes que je viens d'énumérer, naturellement y compris le nôtre, à se concerter davantage afin d'aider les femmes, les hommes et les familles dont la qualité de vie est grandement affectée par le phénomène d'itinérance.

Alors, si vous me permettez, M. le Président, je passerais maintenant la parole à notre directeur général adjoint, M. Fillion, qui va vous livrer en capsules, en synthèse, les principaux points de notre mémoire.

Le Président (M. Kelley): M. Fillion.

M. Fillion (Jacques): Alors, merci, M. le Président. Le phénomène de l'itinérance fait partie des préoccupations de l'Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale nationale. On a d'ailleurs participé activement aux travaux qui ont conduit le ministère de la Santé à produire le cadre de référence en itinérance.

Malgré une situation économique fort enviable, la région de la Capitale-Nationale compte plusieurs personnes en situation précaire. À titre illustratif, en 2003, on dénombrait 27 000 personnes ayant manqué de nourriture. En 2006, 1 080 repas étaient servis quotidiennement dans les soupes populaires.

En regard de l'hébergement, les partenaires de la région font consensus sur la nécessité d'améliorer l'accès au logement social afin de ne pas engorger les ressources d'hébergement temporaire, ce qu'on pourrait appeler les refuges, ou encore les ressources d'hébergement de crise. Les formules de logement social doivent être diversifiées, et le réseau de la santé a le devoir d'assurer le soutien aux personnes, peu importe leur milieu de vie. Nous y reviendrons un peu plus loin.

Malgré la disponibilité d'indicateurs qui confirment la présence du phénomène dans la région, force est de constater que nous disposons de peu de données quantitatives et qualitatives sur la problématique. Retenons toutefois qu'il serait pertinent de disposer de données tant provinciales, régionales et locales afin de mieux cibler les actions. L'itinérance se vit de façon très différente que l'on soit à Montréal, ou à Québec, ou encore dans Charlevoix, ou dans Portneuf.

Le réseau de la santé et des services sociaux doit avoir deux préoccupations majeures, selon nous. D'une part, nous devons nous assurer de ne pas générer d'exclusion sociale. Dit autrement, il faut mieux finir notre job. À titre d'exemple, le programme de qualification jeunesse implanté au Centre jeunesse de Québec en est une illustration. C'est une modalité qui permet de mieux préparer les jeunes après leurs épisodes de réadaptation en centre jeunesse. Mentionnons également le programme PACT offert par le Centre hospitalier Robert-Giffard et qui assure des services intensifs dans la communauté, prévenant ainsi que les personnes se retrouvent dans une spirale qui mène à l'exclusion. Nommons enfin le protocole développé avec l'OMHQ qui favorise un accès plus facile à des services dans le milieu, dans un objectif partagé de diminuer les situations d'exclusion.

L'autre défi pour le réseau est l'adaptation de ses approches pour répondre aux besoins et à la réalité des personnes en situation d'itinérance, en adoptant, entre autres, une approche de services à bas seuil d'accessibilité. Les personnes visées sont souvent en position de réaction face aux services publics, ils n'iront pas consulter les établissements. Il faut donc aller sur le terrain, se mailler davantage avec les ressources communautaires et répondre aux besoins de base.

Lors d'une consultation menée auprès des usagers les plus désaffiliés, ces derniers ont insisté sur le besoin d'avoir accès à des services nursing de base sans critère d'accès. Cette approche permet de répondre aux besoins de base tout en créant un ancrage pouvant favoriser la réinsertion. Cela oblige cependant les services de proximité ? établissements, centre de santé et services sociaux, organismes communautaires ? à porter un regard sur leurs critères d'accès, lesquels peuvent créer eux-mêmes de l'exclusion. Le problème n'est pas toujours une question de disponibilité de ressources, mais souvent une question de philosophie d'approche. Nous croyons que l'approche de services à bas seuil doit amener les divers partenaires à se questionner et à se positionner face aux critères d'accès aux services.

n(10 h 40)n

Une autre stratégie porteuse est le fait d'impliquer les personnes dans les discussions et les décisions qui les concernent. Dans la région, nous avons une expérience très enrichissante à cet effet, en santé mentale notamment. À titre d'exemple, les utilisateurs de services, qu'on appelle l'APUR, sont au coeur du projet de réorganisation des ressources en hébergement en santé mentale. Nous venons de consentir à l'Association des utilisateurs de services un budget de près de un demi-million pour développer des nouvelles approches résidentielles répondant aux aspirations des personnes dans une perspective de rétablissement.

Toujours dans le domaine de la santé mentale, l'intégration de pairs aidants dans les équipes cliniques, c'est-à-dire des personnes ayant vécu la problématique, se veut une stratégie des plus porteuses.

Enfin, on considère que, lorsque nous considérons une personne d'abord comme citoyen et non comme un client, cela change la perspective, cela évite que nous devenions propriétaires de la personne, mais bien un des acteurs contribuant à la soutenir dans son rôle de citoyen. Nous croyons que ces expériences vécues dans le secteur de la santé mentale pourraient se répliquer avantageusement dans le secteur de l'itinérance.

Nous soulignons également dans notre mémoire que le phénomène de l'itinérance est le résultat d'une multitude de facteurs qui ne sont pas tous du ressort du réseau de la santé et des services sociaux. La littérature est claire à ce sujet, les facteurs individuels sont à la marge pour expliquer le phénomène. L'itinérance trouve sa source dans les facteurs environnementaux, et c'est une action auprès de ces facteurs qui doit être menée. La complexité de la problématique implique une concertation des différents milieux concernés: habitation, formation, emploi, solidarité sociale, économie, justice, municipalités, etc.

Certains partenaires ont en main des outils pour prévenir et contrer l'itinérance, par exemple le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale avec la loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. L'agence vous confirme son intérêt à participer à l'élaboration du plan d'action régional intersectoriel en itinérance, à l'intérieur duquel les leviers d'action des différents acteurs pourront être mis à profit dans la recherche de solutions durables à l'itinérance. C'est à notre avis l'action la plus porteuse de réussite à court terme.

Il y a un consensus sur la nécessité d'un partenariat à l'égard de la problématique de l'itinérance. Pour notre part, nous croyons qu'il est important qu'un chef d'orchestre soit désigné pour agir en toute légitimité auprès des divers partenaires concernés. Nous soumettons à la commission que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale se veut selon nous l'acteur privilégié pour assumer ce rôle de chef d'orchestre.

L'Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale nationale et son réseau souhaitent, tout comme vous, que ces consultations permettront l'adoption d'actions concrètes pour permettre aux personnes itinérantes ou à risque de l'être de trouver avec elles des portes de sortie à leur dure réalité.

En résumé, l'agence souhaite: un meilleur portrait de la situation de l'itinérance aux niveaux provincial, régional et local; le souci maintenu du réseau de la santé et des services sociaux quant à l'adaptation de ses pratiques et de son accessibilité aux personnes itinérantes ou susceptibles de le devenir; une action concertée de tous les intervenants à la problématique, sous le leadership du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale; et surtout que les principaux concernés, les personnes itinérantes, soient partie prenante au processus d'identification et de mise en oeuvre des mesures les concernant. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour cette présentation. Sans plus tarder, je vais céder la parole à Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup de votre présentation qui est très rafraîchissante, M. Fillion, lorsque vous parlez de philosophie d'approche. C'est la première fois qu'on entend ce discours. Alors, ce sera ma deuxième question.

Ma première question. Je suis députée dans la région de l'Outaouais, et, chez nous, on a pu entendre les organismes parler de cette difficulté à avoir des soins de santé pour les gens, là, qui ont des problèmes de toxicomanie ou qui sont aux prises avec le phénomène de l'itinérance, et tout ça. Et vous, ici, vous avez deux équipes de liaison qui sont en poste. Je pense qu'il y a plusieurs régions qui rêveraient d'avoir des équipes de la sorte. Je voudrais savoir comment elles ont été mises en place et quel est l'impact dans les urgences, là, par rapport au désengorgement et par rapport aux services... soins de santé, pas seulement pour les gens qui sont aux prises avec le phénomène d'itinérance, mais pour toute la population en général.

Le Président (M. Kelley): M. Fillion.

M. Fillion (Jacques): Alors, on fait référence ici effectivement à deux équipes qui ont été mises en place à l'urgence du CHUL et à l'urgence de L'Enfant-Jésus avec comme objectif d'assurer une offre de service aux personnes qui se présentaient effectivement dans les urgences, souvent au niveau des services de psychiatrie, et dont la problématique n'était pas un problème de psychiatrie mais était davantage un problème de consommation. Et ce qu'on sait, c'est que les personnes qui ont des problèmes de toxicomanie, surtout les clientèles quand on parle des personnes de 25-45 ans, elles ne vont pas consulter. Leur porte d'entrée, c'est souvent l'urgence via la psychiatrie. Donc, c'est un constat que les psychiatres nous ont fait, et, plutôt que d'essayer d'aménager quelque chose intracentre hospitalier, on a mis à profit le Centre de réadaptation Ubald-Villeneuve pour qu'eux s'installent sur le lieu et qu'ils puissent faire une offre de service.

À titre indicatif, là, de façon très concrète, après un an d'activité au CHUL, il y a 600 personnes qui s'étaient présentées à l'urgence qui ont eu une offre de service du Centre de réadaptation Ubald-Villeneuve. 80 % de ces personnes-là ont accepté leur offre de service, et 85 % de ces personnes-là n'étaient pas connues du réseau de la toxicomanie. Donc, c'est un élément intéressant. Suite à l'expérimentation, c'est devenu tellement concluant qu'on s'est dit: Bien, on va l'installer aussi dans l'autre urgence majeure, qui est l'Hôpital L'Enfant-Jésus. Et l'enjeu du financement a été adressé à l'ensemble des établissements du réseau, qui ont convenu de supporter cette priorité régionale.

Mme Gaudreault: J'imagine aussi que...

Le Président (M. Kelley): Mme la députée.

Mme Gaudreault: Oui, merci. J'imagine que ça a amené aussi à des séjours beaucoup plus courts, à l'urgence, de cette clientèle?

M. Fillion (Jacques): Oui, on a vu une diminution significative. J'y vais de mémoire, vous m'excuserez si je ne suis pas à la minute près, mais on est passé souvent à des délais de séjour d'au-delà de 24 heures d'attente à l'urgence à un délai de séjour de 12 heures, à peu près. Mais ce qui est important, c'est... Ce que les psychiatres notamment nous disaient, c'est: S'il n'y a pas une alternative d'offerte, nous, on se voit dans l'obligation de garder la personne parce qu'on considère qu'elle n'est pas en situation de sécurité. Donc, ça amenait de l'hospitalisation au département de psychiatrie, pour des personnes qui à la base n'avaient pas nécessairement un problème, une crise majeure de psychiatrie. Elles pouvaient avoir des problèmes de santé mentale, mais l'hospitalisation n'était pas pour ça. Donc, on pense que c'est effectivement très pertinent.

M. Fontaine (Michel): M. le Président, juste en complément, je dirais que le plus grand succès de ces deux mesures-là, là, c'est actuellement la fameuse porte tournante à l'urgence, où les gens, comme, maintenant, ils ont un centre où ils ne consultaient pas avant, puis c'est directement dans leurs spécificités, ils sont pris en charge, c'est-à-dire, ils ont une autocharge aussi, mais il y a une prise en charge. Et ça, on le voit, le résultat, là, il est très, très concret. Les gens qui ne reviennent plus dans la porte tournante de l'urgence sont pris en charge par le centre de réadaptation. Une vraie réalité.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Fillion. Je vous salue et je salue les membres de votre équipe. J'ai déjà, dans une ancienne vie pas si lointaine, pratiqué le droit comme avocat d'aide juridique et j'ai travaillé beaucoup avec les centres jeunesse, tant en protection qu'avec des jeunes contrevenants, comme on les appelait dans ce temps-là. Et ce qui a été souvent reproché au système, si on veut ainsi parler, c'était le fait que, suite à la majorité, il ne restait plus rien, c'était le vide, alors le jeune tombait dans une espèce de vide où il fallait qu'il se débrouille tout seul.

J'ai bien lu dans votre mémoire, à la page 14, sur votre projet de qualification des jeunes. Pouvez-vous nous en parler davantage? Je trouve que c'est intéressant et je pense que ça mérite d'être discuté ici aujourd'hui.

Le Président (M. Kelley): M. Fillion.

M. Fillion (Jacques): Je pense que c'est suite au constat, là, le même constat que vous faisiez, là. C'est que, lorsqu'on parle des jeunes pris en charge par le centre jeunesse, il faut se le dire, c'est souvent les jeunes qui présentent les problématiques les plus complexes; on est en deuxième ligne. Et, suite à de l'intervention quand même intensive, que ce soit en centre de réadaptation ou en milieu externe, force était de constater que les habilités sociales nécessaires pour passer de l'âge ado à l'âge adulte, ça, ça faisait, je dirais, cruellement défaut. Et il faut créer aussi des environnements pour tester, expérimenter un certain nombre d'apprentissages.

Donc, le programme de qualification jeunesse, ce qu'il vise à faire, c'est, un, d'identifier les jeunes qui effectivement deviendraient à risque d'exclusion, parce que ce n'est pas tous les jeunes qui transitent aux centres jeunesse, là, qui sont en rupture avec leurs milieux d'origine. Donc, ceux qui sont à risque d'exclusion, comment est-ce qu'on peut les mettre en action, en simulation, pour voir leurs habilités au niveau, par exemple, appartement, au niveau logement, gestion de budget, habilités aux habitudes de travail? C'est beau, dire à un jeune: Tu te trouveras une job en sortant, mais, si le jeune n'a pas développé les habilités de se lever à l'heure, d'avoir un minimum d'interrelations avec son futur employeur, bien il faut comme commencer à travailler ça.

Malheureusement, ce n'était pas dans la culture, je dirais, des établissements. On a des fois le défaut de notre qualité, là, c'est-à-dire, on commence puis on finit. Et c'est un petit peu ce qu'on mentionnait tantôt dans la présentation: il y a un défi, je pense, pour le réseau d'aller plus loin, ce qu'on appelle, nous, de mieux finir notre job. Ça, on pense qu'il y a là quelque chose à fouiller davantage. Mais c'est un exemple qui est porteur.

n(10 h 50)n

Le Président (M. Sklavounos): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Oui. Merci, M. le Président. Durant la commission, il y a plusieurs éléments qui sont relevés, entre autres, où on parlait de difficultés de continuum de services. On sait que la question du financement, la récurrence du financement, il y avait une incertitude énorme sur l'ensemble du milieu communautaire par rapport à la gestion des fonds qui sont distribués.

Dans le mémoire, on dit qu'il y a 20 millions qui sont consacrés, entre autres, à l'ensemble des différents organismes, qui recouvre 236 organismes communautaires. Donc, dans les 236 communautaires, le volet de... tout ce qui touche le volet itinérance fait partie de ces 236 organismes. Est-ce que c'est ça?

Une voix: Oui.

M. Dorion: Donc, ça regroupe, entre autres, tout ce qui touche l'alcoolisme, la toxicomanie, la santé mentale, les centres d'hébergement au niveau de l'itinérance, les... on ne dit pas les popotes volantes, là, mais, je veux dire, les ressources de distribution alimentaire, et tout ça.

Sur le 20 millions, l'agence, à Québec, dispose... Quel est le budget annuel de l'agence de santé à Québec?

Le Président (M. Kelley): M. Fontaine.

M. Fontaine (Michel): 1,7 million. On parle... Pour la subvention aux organismes communautaires, on parle de 35 millions, donc on est autour d'à peu près 3 %. Et juste mentionner aussi, pour le bénéfice de l'ensemble des membres, que nous ne sommes pas les seuls subventionnaires des organismes communautaires, on est en soutien aux organismes communautaires. C'est important, je pense, que tous les membres soient bien au fait de cette réalité-là.

M. Dorion: Question d'avoir plus d'éclaircissement, où est le 15 millions de différence? Parce que dans votre mémoire vous parlez d'un 20 millions, et là vous me dites, vous, 35 millions, qui justifierait 3 virgule quelques pour cent. Le 15 millions, on le retrouve où? Et il est accordé à qui?

M. Fillion (Jacques): Juste pour avoir des données comparatives, là, le budget qui est versé à l'ensemble des organismes communautaires, il est de 35 millions. À ça s'ajoutent quelques financements ad hoc, là, pour des activités particulières, de 1,1 million. Donc, on dispose globalement, là, de soutien, de financement aux organismes communautaires, 36 millions.

De ce montant-là, on a tenté d'identifier, autant que faire se peut, ce qui pouvait être dédié spécifiquement à l'itinérance, O.K.? Parce qu'au niveau des organismes communautaires ce n'est pas toujours évident de couper. Donc, nous, on estime qu'il y a à peu près 5,5 millions qui est dédié spécifiquement aux organismes dont la mission première, je dirais, est vraiment dédiée du côté de l'itinérance.

Et le financement des organismes communautaires, le Programme de soutien aux organismes communautaires, c'est un financement qui, lui, est récurrent. Il y a des fois des financements autres ? on pense notamment à IPAC ? qui peuvent venir d'autres sources, qui, eux, peuvent avoir des caractéristiques de non-récurrence, mais le financement de base des organismes communautaires versé dans le cadre du Programme de soutien aux organismes communautaires, ça, c'est un financement récurrent qui soutient la mission de base, comme le disait M. Fontaine tantôt.

M. Dorion: J'ai posé une question à l'agence de santé de Gatineau, qui était intéressante, et j'aimerais savoir: Ici, à l'agence, et pour vous, M. le directeur... La question était: Y a-t-il une différence entre un cadre de référence qui, entre autres, permet de justifier les différents montants versés aux organismes communautaires et la réalité du terrain?

M. Fillion (Jacques): Bien, votre question est très intéressante, dans le sens où un cadre de référence qui vient comme baliser comment on peut soutenir les organismes communautaires... Si je prends dans la région de Québec, on a notre politique régionale de soutien au communautaire, qui s'inspire de la politique gouvernementale, et on a un cadre de référence qui vient baliser le financement. On est dans une logique de soutien, donc on n'est pas dans une logique où on va financer des activités précises. Si on s'installait dans une dynamique où on finançait des activités, c'est comme si, comme État, on se disait: On va financer une production, alors qu'un organisme communautaire, par définition, ça doit émerger de la communauté, ça doit être soutenu, et on doit pouvoir laisser une marge d'autonomie très grande aux organismes pour qu'ils puissent orienter leurs actions en fonction de la réalité terrain qu'ils vont...

Donc, nous, on pense... plus qu'«on pense», on croit fondamentalement que la logique de financement qui encadre le soutien aux organismes communautaires, c'est une logique qui favorise, je dirais, l'autonomie des organismes et l'importance que les besoins et les actions qui émanent des organismes émergent du milieu. Si on se mettait dans une dynamique de financement très ciblé, très activité, nous, on a la conviction qu'on inverserait la pyramide et que, là, ce serait l'État, des technocrates comme moi qui détermineraient les besoins, les approches nécessaires pour répondre à des besoins de proximité. Pour nous, il y a là un enjeu majeur.

M. Dorion: Mais, si ma compréhension est bonne, si vous aviez eu à répondre par un oui ou par un non, vous auriez répondu oui.

M. Fillion (Jacques): Oui.

M. Dorion: Il y a une différence entre un cadre de référence et, malheureusement, souvent, une réalité qui est sur le terrain.

M. Fillion (Jacques): Oui, parce que le cadre de référence, un, il vient comme camper clairement la responsabilité de soutien de l'organisme communautaire. Le réseau de la santé... L'agence n'a pas la prétention de dire qu'on répond à 100 % des besoins exprimés par les organismes communautaires, absolument pas. Est-ce qu'on répond aux besoins reconnus en fonction du cadre de référence qu'on s'est donné collectivement, là, avec aussi le milieu communautaire? La dernière analyse qu'on a faite, c'est qu'on répond à 95 % des besoins reconnus, mais qui est une différence entre les besoins reconnus versus le besoin exprimé, là, qui est très légitime, là.

M. Dorion: Il a été question de financement, et je pense que plusieurs organismes nous ont parlé, entre autres, de la récurrence de ces subventions-là, où plusieurs organismes malheureusement se retrouvent encore dans des situations qui sont souvent, malheureusement, précaires, et que le financement vient, mais, si je me base sur quelques organismes communautaires qu'on a entendus... Exemple, on était en octobre, et les fonds épuisés, là... novembre, donc... Il y en a que c'était décembre, il y en a que c'était janvier. Théoriquement... Et je pense que l'agence est bien positionnée pour voir ce qui se fait au sein des organismes. Je veux dire, lorsqu'on finance un organisme, c'est qu'on est conscient également des services qui sont desservis, on ne finance pas les yeux aveuglés, là. Je pense que ces gens-là rendent un service très considérable à l'État, puisque, si ces gens-là ne seraient pas dans les différents milieux communautaires, bien j'imagine qu'ils seraient probablement en détention, dans les centres hospitaliers ou utiliseraient des services publics qui seraient relativement... beaucoup plus coûteux.

Le Président (M. Kelley): M. Fontaine.

M. Fontaine (Michel): M. le Président, on ne peut qu'être en accord avec M. le député, parce que les gens qui nous connaissent à Québec savent combien a dit de fois publiquement comment les organismes communautaires peuvent nous aider. Mais ce que M. Fillion tentait d'exprimer, c'est qu'on n'est pas en reddition de comptes d'activités à la marge, on est dans des démarches dont les besoins sont exprimés à la base par nos organismes communautaires, qu'on reconnaît très bien. Et on ne cessera jamais de le dire publiquement, ce sont des organismes qui nous aident grandement, là, à soutenir l'ensemble du réseau.

n(11 heures)n

M. Fillion (Jacques): Je voudrais juste ajouter...

Le Président (M. Kelley): Très, très rapidement, s'il vous plaît.

M. Fillion (Jacques): 30 secondes. Le Programme de soutien aux organismes communautaires, qui est géré par l'agence, le programme SOC, qu'on appelle, c'est un programme récurrent. Ça, il faut que ce soit bien compris.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Crémazie. Merci beaucoup, M. Fillion.

Mme Lapointe (Crémazie): ...merci de votre présentation. Vous nous citez, en page 9 de votre mémoire, des chiffres sur les personnes qui ont fait appel à des banques alimentaires, à des ressources d'hébergement. Des chiffres impressionnants, 55 000 personnes en insécurité alimentaire, 11 300 qui ont eu recours, différentes personnes qui ont eu recours à des services d'hébergement. J'ai une première question: Est-ce que vous avec noté, comme dans l'ensemble du Québec, une augmentation, une augmentation totale du nombre de personnes en situation d'itinérance depuis les dernières années? Rapidement, simplement votre...

M. Fillion (Jacques): Simplement. On le dit aussi clairement dans le mémoire. C'est difficile, hein, de bien capter l'univers de l'itinérance. Ce qu'on constate par ailleurs, c'est que les écarts socioéconomiques, les facteurs de risque, O.K., eux, là, sont présents et ils augmentent. Le phénomène, lui, de l'itinérance ? vous avez eu une démonstration, là, avec les présentateurs précédents ? c'est un phénomène qui est à géométrie variable, qui évolue, c'est une dynamique qui est difficile à capter. Mais ce qui est clair pour nous lorsqu'on regarde des indicateurs, hein, consommation, soupes populaires, et tout ça, ça, c'est clair qu'on voit une évolution. Et les grands indicateurs de santé et de bien-être suivis par la Direction de santé publique nous confirment cette tendance-là, là.

Mme Lapointe (Crémazie): On a très peu de temps, puis je sais que mes collègues ont des questions. Ce qu'on entend depuis le début de cette commission, c'est que ? puis Dan Bigras nous l'a exprimé clairement ? les personnes sont très malades, les personnes qui sont dans la rue sont très malades, soit physiquement ou problèmes de santé mentale, des problèmes de toxicomanie. Pour les sortir de là, ceux qu'on peut, il faut les soigner.

Vous m'avez parlé de chiffres difficiles à cerner. À Montréal, on parle d'environ 30 000 personnes en situation d'itinérance. Vous faites la suggestion, à la page 18 de votre mémoire, que l'animation et la coordination de l'action intersectorielle par un leader reconnu sont des conditions indispensables à la bonne réalisation. Et vous voulez confier, vous suggérez de confier ces rôles au ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Moi, honnêtement, je ne comprends pas. C'est loin dans ses priorités, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Et, dans son mémoire, lui nous dit que, selon ses chiffres, il y aurait 2 287 personnes adultes au Québec qui reçoivent une prestation, une aide de dernier recours, qui seraient en situation d'itinérance. Alors, tu sais, là, je trouve qu'il y a...

Alors, j'aimerais comprendre pourquoi vous faites cette suggestion, parce que c'est la première fois que ça nous arrive, et ce n'était pas du tout comme ça que c'était vu ailleurs.

Le Président (M. Kelley): M. Fillion.

M. Fillion (Jacques): ...on pensait et on pense encore que c'est un lieu pertinent pour adresser des suggestions, où il appartiendrait aux parlementaires d'en apprécier la pertinence. Nous, ce qu'on trouvait important de faire ressortir, c'est que ? la littérature est claire aussi là-dessus ? le phénomène de l'itinérance, ce n'est pas, en partant, un problème de santé et de services sociaux, c'est des facteurs environnementaux, donc. Et ce n'est pas neutre, et ce n'est pas neutre de l'identifier comme ça, parce que l'angle de prise est différent selon qu'on s'adresse à une personne qui a un problème de santé... et les personnes ont des problèmes de santé, et il faut adresser ça. Ça, c'est clair. Mais en même temps ce qu'on constate, c'est que les mesures structurantes qui devraient être mises en place, c'est des mesures qui concernent davantage l'environnement des personnes: l'accès à un logement, l'accès à une amélioration de revenus. Donc, on est beaucoup dans l'univers de la pauvreté, hein, pauvreté économique, et là on se dit: Qui peut être le bon chef d'orchestre qui a une baguette dans la main pour coordonner les actions? On voit une opportunité avec la loi sur la pauvreté. Est-ce qu'il y a là un levier pour créer une dynamique nouvelle?

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taschereau.

Je sais... M. Fontaine, mais j'essaie de protéger le temps pour la députée de poser des questions. 30 secondes, M. Fontaine.

M. Fontaine (Michel): ...dans le fond, c'est que ce qu'on dit, nous autres, on va garder nos responsabilités. On n'est pas en train de se défiler, là, mais on a besoin d'un chef d'orchestre qui, lui, va travailler sur la pauvreté, les inégalités sociales, mais on va être dans le coup, là.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Messieurs, madame, bonjour. Je suis un peu étonnée de vous entendre dire ça, M. le président de l'agence. Emploi, Solidarité sociale est habitué ? j'ai été ministre de l'Emploi, je le connais ? à travailler en fonction d'ententes de service, a souvent eu beaucoup de difficultés à essayer de trouver son contact, son lien avec les organismes communautaires. Il travaille d'une autre façon. Il ne reconnaît pas, comme l'a présenté la députée de Crémazie, l'importance de l'itinérance au Québec, dans ses chiffres à tout le moins. Quand vous parlez d'itinérance, oui, il y a des problèmes économiques, bien sûr. Mais, quand on parle de santé mentale, on parle de toxicomanie, on parle de problèmes physiques importants. Je pense que l'agence de la santé a prouvé une compétence. Je suis très étonnée de voir que vous pensiez même abandonner un leadership qui vous est reconnu et qui est efficace.

Le Président (M. Kelley): M. Fontaine.

M. Fontaine (Michel): Écoutez, je venais de dire qu'il n'est pas question qu'on se défile à cet égard-là, mais en même temps c'est que, vous le dites vous-même, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale n'a pas l'impression d'avoir cette importance-là. Nous, on dit oui. Il faut qu'il entre dans le débat. C'est un secteur où il devrait avoir une pertinence, c'est un de ses rôles du moins de lutter contre l'isolement social, et autres. Donc, c'est pour ça qu'on en fait une recommandation, pour un petit peu, entre nous, brasser la cage pour que... Ça ne nous empêchera pas de garder nos responsabilités. Mais on veut que les ministères, même s'ils ne le faisaient pas avant... c'est le temps qu'ils s'impliquent, justement.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée... ou M. le député de Gouin.

M. Girard: Merci pour votre présentation. On sait que le ministère de la Santé a identifié neuf priorités ministérielles. La question de l'itinérance n'y figure pas. Et tous les intervenants sont unanimes, dans les différentes régions du Québec, à indiquer que le phénomène de l'itinérance prend de l'ampleur au Québec. Moi, j'aimerais savoir si, de votre point de vue, il serait important que dorénavant la question d'itinérance fasse partie des priorités ministérielles du ministère de la Santé et des Services sociaux et si cela pourrait vous aider dans votre action comme agence, et pour les différents centres de santé et de services sociaux dans la région.

M. Fontaine (Michel): Écoutez, M. le Président, c'est une priorité, du moins pour nous, les actions ministérielles. Pas parce qu'il y en a neuf d'identifiées que, nous, on ne continue pas à travailler dans l'ensemble de nos dossiers. On a un cadre de référence sur l'itinérance au Québec. C'est pour nous, l'agence, une priorité. Maintenant, est-ce que ça devrait être dans les priorités énoncées de l'année? Je peux vous dire, moi, que la cour est pleine, mais ça fait partie de l'ensemble de tout ce qu'on met en action. Puis, oui, tant mieux si ça devient une priorité absolue comme le désengorgement des urgences, et autres. On va travailler avec ça.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Fontaine. Sur ça, il me reste à dire merci beaucoup pour votre présentation ce matin. Je vais suspendre très rapidement.

Je demande aux représentants des Oeuvres de la Maison Dauphine de prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

 

(Reprise à 11 h 9)

Le Président (M. Kelley): Alors, je demande à tout le monde de prendre place, s'il vous plaît.

S'il vous plaît, tout le monde, prendre place. Et je demande aux représentants des Oeuvres de la Maison Dauphine de prendre place, s'il vous plaît. En rappelant qu'il nous reste 80 minutes et deux groupes. Et pas de possibilité d'extension.

Est-ce que nous sommes prêts? On va commencer un bloc d'une quarantaine de minutes avec des représentants des Oeuvres de la Maison Dauphine. Son directeur général, c'est Michel Gaumond. La parole est à vous, M. Gaumond.

Les Oeuvres de la Maison Dauphine

M. Gaumond (Michel): Oui, bonjour. Donc, excusez-moi d'être en retard un petit peu. On est beaucoup en demande, et puis, à l'image un petit peu des jeunes qui nous fréquentent, j'ai décidé, ce matin, de faire un petit peu le délinquant, d'entrer à la dernière minute.

Donc, merci beaucoup, M. le Président. Merci, les membres du comité, de nous avoir accueillis ici. Nous, nous sommes, à la Maison Dauphine, des gens de coeur, des gens d'action, des gens qui travaillons directement avec la clientèle, avec les jeunes, donc vous nous excuserez si on a des petits problèmes de décorum ou si on ne suit pas tout à fait les règles, vous nous mettrez à l'ordre. Donc, dans un premier temps, je voudrais vous présenter les gens qui sont avec moi.

Donc, ici, à côté de moi, j'ai Karl, qui est un jeune qui fréquente la maison, qui va nous faire un témoignage; à l'autre bout de la table, Isabelle St-Pierre, la directrice du développement et des communications; Marc Drapeau, notre coordonnateur de tout le volet intervention; ici, de l'autre côté, Mme Carole Dion, qui est la coordonnatrice de l'École de la rue, et puis maître...

n(11 h 10)n

Une voix: Hélène Héroux.

M. Gaumond (Michel): ...Hélène Héroux, qui est notre avocate, qui est en charge du service juridique. Excusez-moi, je vais être obligé de prendre une petite gorgée d'eau.

Donc, la Maison Dauphine, c'est un organisme qui est né il y a une quinzaine d'années, qui est situé sur la rue Dauphine, au coin de la rue d'Auteuil, qui vient en aide aux jeunes de 12 à 24 ans, les jeunes de la rue.

Donc, tout ce qu'on veut faire, nous, c'est d'accueillir ces jeunes-là dans un esprit inconditionnel, c'est-à-dire qu'on veut les accueillir, on est proactifs vis-à-vis les jeunes. Tout ce qu'ils font, pour nous, c'est correct. Donc, on les accepte tels qu'ils sont. On se dit que, dans le fin fond d'eux, ils ont des choses qui sont bonnes, et puis on cherche justement à promouvoir ces choses-là.

C'est un organisme qui a été créé par un jésuite. On est dans les bâtiments des Jésuites. Les Jésuites sont encore présents dans notre organisme parce qu'ils nous donnent un coup de main financièrement pour continuer l'oeuvre. Vous voyez, la mission est à plusieurs niveaux. Ça, on en reparlera tout à l'heure.

Dans un premier temps, je pense que qu'est-ce que j'aimerais faire, j'aimerais vous laisser tout simplement Karl nous expliquer un petit peu d'où il vient, qu'est-ce qu'il a vécu, comment il a connu la Dauphine. Donc, on va faire ça de façon un petit peu collégiale. Donc, je vais laisser la parole à Karl, et puis on va la reprendre. Si vous avez des questions tout à l'heure à poser, bien tout ce monde-là ici, autour de la table, est là pour y répondre.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Gaumond. Mon souci, c'est juste de protéger le temps de parole de tout le monde. Alors, Karl, vous pouvez commencer. Si vous voulez, tout de suite après, passer la période d'échange avec la commission, ça va permettre plus de temps pour les questions des députés. Alors, le choix est à vous. Karl, la parole est à vous.

M. Therrien (Karl): Bonjour. Je m'appelle Karl. Moi, je suis un jeune de la rue. Moi, je viens d'un milieu familial quand même assez aisé, je viens d'une famille riche. Je n'ai jamais été battu, ou maltraité, ou quoi que ce soit. Je suis parti de chez mes parents de moi-même pour vivre des expériences dans le fond puis aussi parce que j'étais un jeune, si on veut, un peu à problèmes.

Je suis parti de chez mes parents j'avais 14 ans. Je suis tombé en toxicomanie, qui a mené à la polytoxicomanie. J'ai été accroché à plus qu'une drogue en même temps. J'ai vécu dans la rue pendant quatre ans. Ces quatre années-là, ça n'a pas été facile pour moi parce que, premièrement, j'avais 14 ans puis que je partais d'une famille riche. Je n'avais jamais vécu la pauvreté, je n'avais jamais rien vu de ça, puis dans le fond... C'est ça. Tu sais, pour m'en sortir, de tout ce vécu-là, dans le fond, toute l'expérience justement de l'itinérance, il a fallu justement que je prenne des dispositions, tu sais, des choses qui pouvaient m'aider le plus vite possible. Ça fait que j'ai beaucoup cherché justement les places, comme la Maison Dauphine, qui pouvaient m'aider pour la nourriture ou juste tout simplement avec des intervenants, parce que souvent j'avais des problèmes à l'extérieur, tu sais, justement de l'école puis à la maison.

Dans le fond, ce qui m'a fait connaître la Maison Dauphine, c'est justement, quand j'ai commencé à vivre dans la rue, j'ai connu ça, parce que justement il y avait un local pour les jeunes un peu dans la même situation que moi. Dans ce temps-là, je n'ai pas beaucoup fréquenté la maison parce que j'étais beaucoup à l'extérieur de Québec. Mais, quand j'ai arrêté de consommer, j'avais besoin de quelque chose de stable pour justement m'en sortir. Ça fait que j'ai choisi dans le fond la Maison Dauphine pour m'aider parce que justement j'avais besoin d'aide que je ne voulais pas aller chercher ailleurs nécessairement.

Parce que dans le fond j'avais besoin d'aide, mais je ne savais pas nécessairement où aller la chercher. Dans le fond, quand je suis arrivé à la Maison Dauphine, j'avais vraiment beaucoup besoin d'aide. J'étais en phase justement d'arrêter de consommer. Ça fait que justement j'ai rentré à l'école. Ça fait cinq ans. Puis, depuis ce temps-là, ma vie a comme vraiment beaucoup changé, tu sais, je veux dire, j'ai fait 50-50. Tu sais, j'ai vraiment beaucoup forcé pour arriver où ce que je suis aujourd'hui. Aujourd'hui, je ne me gèle plus du tout. Je suis à l'école. Je vais finir mon secondaire V. La Maison Dauphine m'a vraiment, vraiment beaucoup aidé. C'est surtout du point de vue qu'il y a des journées que je n'allais vraiment pas bien puis que je n'étais plus vraiment ça. Justement, je voulais continuer comme ça, l'école. Puis justement Carole puis les intervenants de la Maison Dauphine m'ont beaucoup appuyé pour justement que je finisse mes études puis que je sois capable de m'en sortir, aussi, de mon bord, tu sais, je veux dire pas d'abuser des services, si on veut.

Une voix: Pourrais-tu nous dire comment c'est, la rue?

M. Therrien (Karl): Quand je suis tombé dans la rue, je ne m'attendais pas du tout à ce que j'allais vivre, dans le fond. Je n'avais pas d'idée de ce qui pouvait se passer, tu sais, dans le fond, tu sais, à l'année longue. Tu sais, dans le fond, quand je suis arrivé dans la rue, j'étais jeune, puis, tu sais, justement les nouvelles drogues... J'ai essayé plein de choses puis, tu sais, je couchais dehors. Je faisais du squeegee pour payer ma dope puis ma bouffe. Tu sais, je me suis fait aider aussi par des organismes autres que la Maison Dauphine. Quand j'étais jeune dans la rue, tu sais, je veux dire, je suis allé chercher tout le peu que je pouvais avoir. Tu sais, des services comme ça, il n'y en a pas beaucoup. Pour le peu qu'il y a, je veux dire, ça aide beaucoup. Puis, tu sais, je veux dire, moi, personnellement, j'ai été capable de me sortir de ce milieu-là, mais il y a beaucoup, beaucoup de jeunes comme moi qui ne s'en sortent jamais, tu sais, qui ne voient pas justement la porte de sortie comme moi.

Tu sais, il a vraiment fallu que je travaille sur moi-même pour être capable de m'en sortir, parce qu'avec les années plus que je restais dans la rue puis moins que j'étais capable de m'en sortir, à cause justement de la toxicomanie, le fait que ça faisait tellement longtemps que je vivais ça que voyais comme plus de porte de sortie. Je ne voyais plus d'avenir. Je ne savais plus où je m'en allais. Tu sais, je n'avais comme plus de raison de vivre non plus. Tu sais, c'était tellement dur dans le fond, d'un côté, puis, d'un autre côté, je n'avais tellement pas le goût de revenir comme chez mes parents ou... Tu sais, j'avais comme peur de ce qui pouvait m'arriver. Ça fait que j'ai comme décidé de vivre ça, dans le fond, même si ce n'était pas nécessairement rose à tous les jours.

Une voix: Point de vue santé.

M. Therrien (Karl): Au point de vue de ma santé, bien, tu sais, j'étais tout le temps malade. Tu sais, je veux dire, je n'ai vraiment pas fait attention à moi, tu sais, parce que plus que je vivais dans la rue puis moins que ma condition physique ne me dérangeait, dans le fond. Tu sais, je ne pouvais pas dormir pendant quatre, cinq jours. Je ne mangeais pas pendant des semaines. Tu sais, je veux dire, je ne faisais vraiment, vraiment pas attention à moi puis, tu sais, je ne me rendais pas compte nécessairement de tout ce que je me faisais vivre. Tu sais, il a vraiment fallu que je parle avec beaucoup de monde pour me rendre compte que j'avais un problème, puis, à partir du moment où je me suis rendu compte que j'avais un problème, ce n'était pas encore réglé, tu sais, il fallait que je me force moi-même pour justement, tu sais, être capable de m'en sortir, puis ça n'a vraiment, vraiment pas été facile.

n(11 h 20)n

Une voix: Comment la société était? Avec la police?

M. Therrien (Karl): Quand j'étais dans la rue, aussi, c'est sûr que, tu sais, j'étais jeune. J'ai passé quatre, cinq ans dans la rue, dans le fond. Puis, tu sais, c'est sûr que j'ai eu des problèmes, tu sais, avec la police, avec... J'étais jeune aussi. mais, tu sais, je veux dire, dans ma situation... Tu sais, j'avais, mettons, 15 ans puis, tu sais, je me faisais coller à peu près un ticket par semaine pour des raisons stupides comme, mettons, flânage ou vagabondage, tu sais, des affaires que je ne pouvais pas payer de ma poche. J'étais obligé de travailler, si on veut, tu sais, un peu illégalement pour être capable de payer mes amendes. Tu sais, ça ne m'a pas aidé non plus à m'en sortir, ça, parce que j'avais tellement de dettes en rentrant, dans le fond... Quand j'ai voulu m'en sortir, j'avais tellement de dettes que ça me décourageait de travailler. Parce que j'avais tellement de dettes que, dans le fond, je savais que je me faisais saisir toutes mes paies ou, tu sais, tous mes biens, je me les faisais saisir. Puis, tu sais, c'est tout le stress de revenir comme dans la vraie vie qui... Ça ne m'a comme pas aidé à me replacer au début.

Pourtant, là, tu sais, je veux dire, aujourd'hui, c'est fait, tu sais, j'ai des emplois. Puis, tu sais, j'ai été capable de revenir comme correct, même si ça m'a coûté cher. Ça m'a coûté plus cher revenir comme dans le vrai monde, mettons, si on veut, que rester où est-ce que j'étais. Tu sais, pour moi, c'était un choix difficile parce que j'avais le choix entre rester dans la toxicomanie puis vivre dans la rue puis dans la misère ou bien m'en sortir puis avoir un peu de misère, mais, tu sais, un jour justement, que je serais correct.

Une voix: Tu pourrais parler des expériences que tu as vécues, entre autres, cet été ou à l'école.

M. Therrien (Karl): Je vous dirais, peut-être depuis deux, trois ans, justement, ma vie s'est vraiment stabilisée. Tu sais, je suis rendu en appartement, j'ai des jobs, je vais à l'école, tu sais, mes affaires vont superbien. Mais, même là encore, tu sais, je regarderais voilà un an... Tu sais, oui, mon apparence physique... tu sais, je veux dire, je m'habille encore foqué comme quand j'étais jeune, mais, tu sais, ça ne fait pas que je suis quelqu'un, tu sais, de bizarre ou... Puis pourtant, justement, tu sais, le monde vont beaucoup se fier aux apparences. Justement, bien dans mon cas, c'est ça, tu sais, vu que j'ai une apparence marginale, bien je me fais traiter de la sorte. Ça fait que, tu sais, il y a plein de choses que je ne peux pas faire comme... tu sais, il y a plein de jobs que je ne pourrai pas travailler, où il y a... Justement, tu sais, les problèmes avec les policiers, tu sais... Ça va dépendre des journées, mais des fois ça n'adonne pas, tu sais, puis c'est tout le temps des petites choses comme ça qui font que, tu sais, j'ai comme de la misère à m'adapter, puis, tu sais, j'essaie pourtant.

Tu sais, avec les années, j'ai vraiment évolué dans ma vie puis, tu sais, je veux dire, je ne suis pas encore prêt encore tout à fait à... je ne sais pas comment vous dire ça, je ne suis pas encore tout à fait prêt à m'habiller comme ça. Mais, je veux dire, je ne suis pas encore très loin de ça, tu sais, je veux dire...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...obligatoire...

M. Therrien (Karl): Non. C'est juste pour dire que, tu sais, dans le fond, malgré que justement, tu sais, que je suis marginal, tu sais, je veux dire, ça ne fait pas de moi quelqu'un de dangereux ou, tu sais, de... Je sais vivre puis, tu sais, je veux dire... je ne sais pas comment dire ça plus, là.

Une voix: ...bien.

M. Therrien (Karl): Oui. Je ne sais pas si vous avez des questions ou...

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Karl, parce que, tout l'angle de la commission, un des éléments les plus précieux, c'est d'avoir des témoignages directs des personnes qui ont un vécu avec l'itinérance. On essaie de mieux comprendre le phénomène. Règle générale, ce n'est pas quelque chose que les membres autour de la table ont un vécu direct, alors c'est très important.

La dernière plaidoirie, comme un enfant des années soixante, la question des vêtements et la conformité, et tout ça, ça sonne une certaine nostalgie pour les années soixante, au niveau du président au moins, peut-être d'autres membres de la commission aussi.

Il nous reste, pour une période d'échange avec les membres de la commission, environ une vingtaine de minutes. Alors, je vais demander à la fois aux membres de poser les questions... Et, si les réponses peuvent être les plus concises possible, mieux c'est. Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Alors, bienvenue à vous. Merci beaucoup, Karl, de ton témoignage. C'est très inspirant, parce qu'on peut dire que tous ces services ont donné un très beau résultat par rapport à ta vie à toi. Et je vais parler un petit peu plus longuement, avec Mme Dion, de votre école, parce que c'est important aussi de retourner à l'école, hein? C'est ce que tu as fait, Karl. Et vous dites dans votre... Je voulais aussi dire d'abord: Je veux vous féliciter, M. Gaumond, pour tout le financement que vous réussissez à aller chercher auprès de vos partenaires. Je crois que vous êtes un organisme modèle; vous allez chercher 75 % de votre financement dans la communauté, et, pour moi, c'est un effort gigantesque, et je vous félicite. On voit que votre mission vous tient à coeur. Votre équipe doit être au travail à tous les jours dans ce sens-là, puis je veux vous féliciter.

M. Gaumond (Michel): ...en parlait un peu tout à l'heure, c'est 75 % d'argent qui n'est pas du récurrent, c'est-à-dire qu'il faut aller chercher à chaque année.

Mme Gaudreault: ...vous continuez à le faire...

M. Gaumond (Michel): Oui.

Mme Gaudreault: ...malgré que ce ne soit pas récurrent, et c'est pour ça que je vous félicite, vous et votre équipe.

Mme Dion, vous avez mentionné dans votre mémoire que vous pourriez doubler le nombre de vos étudiants. J'aimerais que vous nous parliez de c'est qui qui sont les jeunes qui fréquentent la Dauphine, qui sont ces étudiants, comment vous les recrutez, quel âge ils ont, des garçons, des filles. J'aimerais que vous en parliez un peu plus.

Mme Dion (Carole): Alors, les jeunes qui fréquentent l'École de la rue, ils sont âgés de 16 à 24 ans. On arrête à 24 ans parce que, si on veut garder le qualificatif de «jeunes», il faut dire jusqu'à quand sommes-nous jeunes. Donc, 16... Pardon?

Le Président (M. Kelley): À vie.

Mme Dion (Carole): À vie. C'est ce que je pense, mais évidemment il faut quand même mettre un cadre, un ordre de grandeur. 16 ans, bien parce que c'est la formation générale aux adultes, la même que dans tous les centres à travers la province, donc, la loi oblige les jeunes d'aller au régulier jusqu'à 16 ans. Et, à partir de 16 ans, avant le 1er juillet de l'année, ils peuvent s'inscrire à la formation aux adultes. Ensuite, les jeunes qui nous fréquentent, qui viennent donc à l'École de la rue de la Maison Dauphine, se recrutent pratiquement entre eux. C'est du bouche à oreille. On n'a aucune publicité autre qu'eux-mêmes. Évidemment, on commence à être connus parce qu'on est dans notre 11e année, l'École de la rue, cette année, fait sa 11e année. Alors, les carrefours jeunesse-emploi nous envoient des gens à l'occasion, les centres locaux d'emploi nous envoient aussi des jeunes, quelquefois d'autres centres de formation aux adultes, dont le Centre Louis-Jolliet, qui est notre partenaire. Mais, à chaque fois qu'on nous réfère quelqu'un, c'est toujours un jeune de notre clientèle. Et, lorsqu'on dit, à ce moment-là, «de notre clientèle», nous avons emmené vraiment un tableau vivant, et c'est tellement plus magique de le voir que de le décrire... Mais c'est ça, c'est des jeunes qui ont une instabilité de vie, qui ont passé par des difficultés, qui peuvent avoir des troubles présentement de consommation, ou ça peut être des troubles qui sont passés, ou qu'ils veulent en sortir, peu importe ce qui amène l'instabilité de vie.

Je suis contente que Karl l'ait abordé, parce que souvent on a l'image que nos jeunes proviennent tous de familles monoparentales matricentriques très pauvres. Ce n'est pas vrai. Ça en fait partie, mais les jeunes qui nous fréquentent, ce sont vos jeunes, ce sont nos jeunes, ce sont les jeunes de l'avenir du Québec, parce qu'ils sont partout. Et on ne sait jamais quand la crise va survenir. C'est ça, le cas, en réalité. Et, tous ceux qui ont eu des ados, vous savez un peu de quoi je parle.

Alors, en gros, c'est ça. Ils sont de la grande région de Québec parce qu'évidemment ils habitent autour ? et on a fait un très bon travail, la Maison Dauphine, sur ce qu'on appelait le logement, l'acquisition et le maintien en appartement ? alors ça, ils habitent autour. Mais ils proviennent de toute la province et ils arrivent, j'allais pour dire «comme les goélands», en groupe. Alors, il arrive un groupe de l'Abitibi, il arrive, une autre année, un groupe de Baie-Comeau, arrive, une autre année, un groupe du Nouveau-Brunswick ou... Et ils arrivent comme ça, par clans, et ça aussi, c'est un phénomène qu'on voit souvent. Mais ils s'installent à Québec et ils demeurent autour, les quartiers centraux, Haute-Ville, Basse-Ville, Limoilou, un petit peu Sainte-Foy, et maintenant on va même jusqu'à Charlesbourg.

Mme Gaudreault: Petite question: Pourcentage garçons, filles?

Mme Dion (Carole): C'est à peu près égal.

Mme Gaudreault: Égal.

Mme Dion (Carole): Oui, c'est à peu près égal.

n(11 h 30)n

Le Président (M. Kelley): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos: Merci, M. le Président. Une question très rapide. Bonjour, d'abord. Merci de votre présentation. Une question pour votre avocate, Me Héroux. Parce que j'ai mentionné tout à l'heure que j'ai pratiqué le droit à l'aide juridique comme permanent, alors je suis très au courant du phénomène des jeunes et des failles peut-être dans le système de l'aide juridique pour couvrir les services qui ne sont souvent pas couverts.

Évidemment, il y a eu un gel, tout le monde connaît qu'il y ait un gel des seuils d'admissibilité à l'aide juridique et un changement de modification de la loi. Évidemment, on a été contents aussi, comme gouvernement, d'augmenter ces seuils-là, malgré le fait que c'était quand même une augmentation modeste. Mais, suite à un gel de plusieurs années, je pense que c'était un effort dans la bonne direction.

Dites-moi, vous parlez dans le mémoire du service juridique communautaire que la Maison Dauphine aimerait voir en quelque sorte administré par la maison mais pour le bénéfice exclusif des personnes qui ont recours à ces services-là, aux organismes communautaires de la ville de Québec. J'aimerais savoir comment voyez-vous l'interaction avec le bureau d'aide juridique, parce que vous mentionnez, à quelque part dans le mémoire, que les jeunes ont tendance à ne pas aller à l'aide juridique, à signer le formulaire, produire une preuve d'assistance sociale ou autre. Et comment voyez-vous ça? Est-ce que vous voyez qu'il risque d'avoir une certaine concurrence, une certaine contradiction? Est-ce que vous voyez le fait que ce ne soit pas centralisé comme étant un défi supplémentaire? Comment voyez-vous l'interaction entre l'aide juridique et votre service, que vous aimeriez voir ça?

Le Président (M. Kelley): Me Héroux.

Mme Héroux (Hélène): En fait, M. le Président, j'irais avec ma propre expérience, c'est-à-dire que ça fait cinq ans que je suis au service de la Maison Dauphine. Donc, à titre de salariée, c'est le privé entièrement qui va subventionner mon salaire. En cinq ans, c'est 684 dossiers qui ont été ouverts, dont 66 % des services n'étaient pas couverts par l'aide juridique, parce que la majeure partie de la problématique juridique à la Maison Dauphine, ce sont les constats d'infraction. Donc, on règle énormément de problèmes à ce niveau-là, mais il y a tout ce qui est le niveau prévention aussi, effectivement, qui n'est pas couvert par l'aide juridique.

Le grand problème également, c'est que, pour tous les services qui sont de toute façon couverts par l'aide juridique, mes jeunes ne vont tout simplement pas consulter. C'est que cette clientèle-là ne va même pas prendre soin d'elle, au point de ne pas se présenter chez le médecin pour un problème qui peut être très sérieux. Donc, d'aller obtenir un mandat d'aide juridique ou d'aller consulter à l'extérieur, ce n'est pas possible. Donc, c'est pour ça que je mentionnais dans le mémoire qu'en cinq ans j'ai peut-être un maximum de cinq mandats d'aide juridique, parce que je serais admissible, à titre d'avocate, à en obtenir. Donc, ça démontre à quel point ces jeunes-là ne fréquentent pas les services.

Ce qui fait que c'est un succès, c'est que c'est un service juridique qui est sans rendez-vous, et il n'y a pas de liste d'attente. Quand le jeune se présente, on le reçoit. On tasse ce qu'on fait, on le met de côté et on accueille le jeune. On essaie que ce soit dans les 15 ou les 30 minutes pour pouvoir bien répondre à ce besoin-là. Et puis, étant donné que mes bureaux sont sur place, c'est ce qui fait qu'ils prennent confiance, et souvent c'est du bouche à oreille.

Maintenant, j'ai énormément de demandes qui proviennent de l'extérieur, des autres organismes communautaires qui aimeraient bénéficier du même genre de service. Alors, étant donné qu'on voit que ça fonctionne à l'intérieur de la Maison Dauphine et étant donné qu'on voit la demande grandissante des besoins, à l'extérieur, des personnes en situation d'itinérance, c'est pourquoi on voit qu'il y aurait d'autres organismes qui pourraient bénéficier de ce genre de service là également, sans être en concurrence avec l'aide juridique gouvernementale mais plutôt, je vous dirais, en support et en appui.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Bellechasse.

M. Domingue: Oui. Alors, bonjour à vous tous et, premièrement, félicitations pour votre mission. Je vais m'adresser à toi, Karl. J'ai travaillé longtemps dans des organismes communautaires, surtout au niveau des maisons de jeunes, puis, au-delà de toutes les statistiques qu'on reçoit et les experts, toi, tu l'as vécu, alors il serait intéressant de savoir ce que tu vois. C'est-u en augmentation, ce que tu vois sur le terrain? Et, juste avant, mon autre question, c'est: Si tu étais député, toi, demain matin, là, tu changerais quoi?

M. Therrien (Karl): C'est une bonne question. Oui, je l'ai vécu, ça, puis, si je serais député demain matin, je ne peux pas vraiment te dire qu'est-ce que je pourrais changer. J'essaierais sûrement juste de faire en sorte que ces services-là soient plus, comment je pourrais dire ça, soient plus accessibles, parce que, comme elle dit, il y a du monde qui ont peur de s'en servir, de ces services-là, autant comme, dans le fond, aller voir un avocat normal, mettons... Je veux dire, tu sais, c'est que, quand tu es dans la rue, souvent, c'est comme elle dit, tu sais, on n'ira même pas chez le médecin, même si on sait qu'on va mourir. Tu sais, il y a du monde qui sont comme ça. Moi, je suis comme ça. Tu sais, je vais attendre à la dernière minute tout le temps parce que c'est quelque chose qui me met mal à l'aise. Puis, tu sais, c'est ça. Tu sais, dans le fond, ces services-là, on dirait que... Bien, moi, personnellement, mon point de vue, c'est qu'on dirait que ça fait peur un peu, tu sais, pas tous les services, là, tu sais. Mais on dirait que, tu sais, oui, il y en a assez, oui, il y en a quand même beaucoup, puis ça aide du monde quand même vraiment beaucoup. Mais, tu sais, c'est que la problématique là-dedans, c'est que la plupart du monde qui sont itinérants, ils ne veulent pas s'en sortir ou ils ne savent pas s'ils veulent s'en sortir. Puis c'est ça, le problème, c'est qu'il manque de soutien à ce monde-là. Moi, c'est...

M. Gaumond (Michel): Est-ce qu'il y en a de plus en plus ou de moins en moins? Qu'est-ce que tu vois...

M. Therrien (Karl): Moi, en tout cas... Regarde, je vais te donner un exemple de quand, moi, j'étais dans la rue. Oui, il y en avait beaucoup, des jeunes, il y en avait vraiment beaucoup, étonnamment, à ce que m'attendais. Je suis tombé dans la rue, j'avais 14 ans. La première journée que je suis arrivé dans la rue, je voyais des jeunes de neuf ans, tu sais, puis je trouvais ça... Tu sais, je trouvais que ça n'avait pas de bon sens, là, puis ce n'était pas dans la même situation que moi. Eux autres, c'était les parents qui les avaient mis dehors, tu sais, puis c'est... Les situations, pour tout le monde, c'est tellement différent aussi, tu sais. C'est justement, tu sais, les itinérants, aujourd'hui, c'est comme si je te dirais que ça touche plus un ensemble de monde qu'avant. Je ne peux pas dire que dans le temps, tu sais, ça touchait moins tout le monde, même si, moi, je voyais comme ça, parce que je ne voyais pas des jeunes riches dans la rue, tu sais, qui quêtaient pour le plaisir, si tu veux, là.

Tu sais, aujourd'hui, par exemple, quand je compare... Tu sais, je vais à la Maison Dauphine à tous les jours puis je vois quand même les jeunes qui sont au local qui sont 10 ans de plus jeunes que moi. Puis, à cette heure, je pourrais dire que ça touche tellement de monde, tu sais, que c'est justement, ça peut arriver... Moi, d'après moi, ça peut arriver à n'importe qui à cette heure, justement à cause... Je ne peux pas dire exactement la raison, mais, avec les années, on dirait qu'il y a tellement plus de monde qui sont se sont ramassés dans cette situation-là. Puis, Québec, ce n'est pas gros comme ville, non plus, là, puis pourtant il y en a tellement plus avec les années. Pourtant, de plus en plus qu'il y a de programmes, on dirait que... Normalement, ce serait supposé arranger les choses, pourtant il y en a tout le temps de plus en plus. Moi, c'est ça que j'ai remarqué avec les années.

Une voix: C'est du monde tous avec le même style?

M. Therrien (Karl): Non, non. Dans le fond, c'est que ça a tellement été un sujet tabou pendant longtemps, l'itinérance, que le monde, ils n'en parlent pas, le monde, tu sais, ils ont comme peur de ça puis, tu sais, à cette heure, dans le fond, à cause de ça, on dirait que ça touche une plus grande majorité du monde. Je ne sais pas comment t'expliquer ça mieux que ça. Tu sais, je l'ai vécu puis je te dirais vraiment qu'à cette heure je trouve qu'il y en a plus. Puis ça touche plus de...

Une voix: ...groupe.

M. Therrien (Karl): Oui, c'est ça. Il y a vraiment des jeunes, jeunes jusque, tu sais, j'en vois encore, tu sais, du monde que ça fait 20 ans, là, que je vois qui sont dans la même situation puis ils ne changeront pas non plus. Tu sais, c'est... Je ne sais pas, c'est peut-être un petit peu changer un peu le système de comment aborder le monde, comment les... Tu sais, sans s'occuper du monde, sans les pouponner, juste leur donner vraiment, tu sais, je ne sais pas comment vous dire ça, tu sais, c'est vraiment une aide peut-être un petit peu différente qui aiderait plus. Je ne sais pas comment le dire. Dans mes mots, là, je ne sais comment dire ça. Tu sais, c'est...

M. Domingue: Je te remercie parce que je crois que tu l'expliques très bien, là.

Le Président (M. Kelley): Une dernière question très rapide. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci, M. le Président. Alors, Karl, peut-être pour avoir une meilleure compréhension, je pense que, la Maison Dauphine, c'est ton univers, c'est ta maison, c'est ton chez-toi. C'est là où tu t'es retrouvé.

Une voix: ...

M. Dorion: O.K. Alors, c'est ce qui fait la différence entre les intervenants qui sont normaux et ceux qui ne sont par normaux, c'est-à-dire qu'étant donné que tu as cheminé dans un univers qui était le tien, avec des gens qui étaient comme toi, ça a été plus facile d'établir des liens de confiance. Est-ce que c'est ça que j'ai entendu?

n(11 h 40)n

M. Therrien (Karl): Pas tout à fait exactement. Oui, à quelque part, vous avez raison, oui, mais, tu sais, ce que je veux dire, ce n'est pas parce qu'ils étaient comme moi nécessairement, c'est juste parce qu'ils avaient une façon d'aborder qui n'était pas, je ne sais pas comment dire ça, pas néfaste, mais sans vouloir t'aider à t'en sortir... Ce n'est pas ça que je veux dire. Sans te forcer à t'en sortir, tu sais, ils te poussent à t'aider toi-même à vouloir t'en sortir en te donnant les solutions qui vont faire que tu vas t'en sortir tout seul. Parce que c'est vraiment... Comme je vous dis, c'est 50-50. Tu ne peux pas te faire aider à 100 % puis t'en sortir à cause des programmes, puis tout ça. Il faut vraiment que tu y ailles du tien, puis c'est la manière de pousser la personne à vouloir s'en sortir. C'est ça que, moi, je trouve qui est important, parce que ce n'est pas en... Tu sais, je veux dire, la Maison Dauphine m'a super beaucoup aidé, mais ce n'est pas en me nourrissant à tous les jours, tu sais, que ça va m'aider à m'en sortir, c'est vraiment le fait qu'ils m'aient aidé psychologiquement, tu sais, à... Tu sais, ils m'ont parlé, ils m'ont raisonné aussi, ils m'ont fait revenir comme... Je ne sais pas comment vous dire ça. Tu sais, ils m'ont fait voir que dans le fond ma vie, elle pouvait juste être meilleure, puis, tu sais, ils ne m'ont pas jugé, là, comme que j'étais.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci de votre présentation. Merci, M. Karl, de votre témoignage. C'est tellement extraordinaire, ce que font les organismes qui sont capables d'aller au rythme des personnes qu'ils reçoivent. Je pense que c'est ça, c'est le lien de confiance, c'est ne pas forcer, c'est ne pas dire: Tout de suite, tu t'en vas en désintox, tout de suite, tu... Bon. Alors, c'est fondamental. On aurait des dizaines de questions, mes collègues en ont. Je vais aller très rapidement.

Vous nous parlez d'un guichet unique pour l'obtention du financement. Ce n'est pas la première fois que c'est évoqué, la difficulté d'aller chercher un financement quand il y a quelque chose qui fonctionne, là. En quelques mots, est-ce que vous pourriez nous dire de quelle façon vous verriez ça?

M. Gaumond (Michel): On a un peu l'exemple justement qu'on pourrait vous donner d'une problématique, et je laisserais Isabelle nous raconter un petit peu ? je te prends peut-être à brûle-pourpoint, mais ? notre projet Baby-Boom, sur lequel on vous a exposé le problème. Vous allez voir, c'est tout à fait... C'est vraiment drôle comme situation. Moi, ça me fait rire, mais ça me fait rire d'une drôle de couleur: jaune.

Mme St-Pierre (Isabelle): Mais, tout à l'heure, j'étais dans le fond de la salle, vous parliez à l'agence, et monsieur posait des questions sur le cadre de référence versus la réalité du terrain, puis ensuite vous parliez des indicateurs de réussite au niveau des subventions. J'avais un sourire en coin et je me disais: Mon Dieu, j'ai envie de me lever, je leur dirais: C'est vraiment le problème, c'est ça.

On disait tout à l'heure... Madame nous félicitait d'abord d'aller chercher 75 % du financement par nous-mêmes, qui n'est pas récurrent. Ça fait six ans que je coordonne le financement de la Maison Dauphine. Quand je suis entrée là, le budget était de 800 000 $. Notre récurrent était d'environ 25 %. Avec les années, en 2009, notre budget sera de 2 millions. On a plus que doublé, mais le financement récurrent, lui, a augmenté de 1 %, 1,5 % à chaque année, ce qui fait que, nous, d'année en année, c'est exponentiel, ce qu'il faut aller chercher pour pouvoir réussir à répondre à toute la demande, puis à chaque fois c'est toujours...

On ne s'invente pas des projets, on n'essaie pas de prendre la place des autres. On se fait dire souvent: Vous êtes donc bien multiservices, la Maison Dauphine! Mais vous touchez à tout, vous faites de tout, laissez-en pour les autres. On n'a pas beaucoup le choix. Le Baby-Boom est un excellent exemple de ça. On arrive un bon matin, hop, hop, hop, on a 14 filles enceintes dans le local. Ah! Elles veulent toutes le garder. Là, l'infirmière dit: O.K. Qu'est-ce qu'on fait? Ces jeunes-là ont des problèmes, là, elles veulent le garder, leur enfant, puis elles en seraient capables. O.K., O.K., on préfère, hein. O.K., on va voir les organismes, la ville de Québec, on dit: O.K., on a plein de jeunes filles enceintes. Qui peut les prendre? Pou, pou, pou, toutes les mains se lèvent. Ensuite, on dit: Mais, ces filles-là, elles ont des problèmes, un peu, de toxicomanie et des problèmes de santé mentale. Il y a des mains qui baissent. Ensuite, on dit: Elles ont aussi des forts démêlés avec la justice, il faut suivre ça de près, là, elles ont des problèmes de judiciarisation. Pou, pou, pou, puis au bout de la ligne il n'y a plus une main qui est levée. Puis, moi, on me regarde comme ça, mais enfin: O.K., on s'en occupe, c'est notre clientèle.

Sauf qu'aujourd'hui ces jeunes-là, elles ont des enfants, et le financement qu'on a présentement, on a d'un côté l'agence, on a d'un autre côté Emploi-Québec, et on travaille avec des gens super, là, mais vraiment nos agents travaillent pour nous fort, fort, mais des fois ils ne peuvent pas toujours défoncer les portes, ils ne peuvent pas toujours avoir le financement qu'eux-mêmes, ces gens-là, aimeraient avoir pour nous parce qu'ils croient en nos services, ça fait longtemps qu'on travaille en partenariat. Puis, à ce moment-là, bien on se fait fermer des portes, on est en train de perdre le financement pour ce projet qu'est Baby-Boom.

Alors, je travaille à aller voir ailleurs, j'appelle Santé publique Canada, qui ont un merveilleux problème qui s'appelle... un programme et non un problème, qui s'appelle le PASS, qui s'occupe des enfants, des familles. Elle me dit: Ah, mon Dieu! Votre projet est merveilleux, est merveilleux! Ça rentrerait tellement dans notre... Mais ça fait 10 ans qu'on n'a pas accepté de projets, ça fait une dizaine d'années qu'on est fermé et que ce sont les mêmes organismes qu'on refinance, et qu'on n'a pas une cenne de plus à mettre là-dedans. Mais envoyez-moi de la paperasse, j'aimerais tellement ça vous avoir sous la main, si jamais...

Et elle me réfère, elle dit: Allez voir du côté du ministère de la Famille et des Aînés, ça va les regarder, ce problème-là. Parfait. J'appelle. La dame est super, elle me répond, elle est très gentille. Puis elle dit: Écoutez, vous êtes un organisme qui relevez de Santé et Services sociaux et également, on est chanceux, du ministère de l'Éducation. Ce n'est pas dans vos lettres patentes, ça, hein, la famille, les enfants puis... Ça fait qu'elle dit: Ce que vous pouvez faire, sortez de là, créez-vous un C.A., faites-vous des lettres patentes, devenez un organisme indépendant. Faites une demande d'accréditation ? mais là il faut que ce soit un an, pendant un an que le service existe; faites une demande d'accréditation ? au niveau du ministère de la Famille et des Aînés, et, à ce moment-là, d'ici deux à trois ans, vous aurez du financement.

Mais, trop tard, leurs enfants vont être à l'école, eh oui! Et ces parents-là... On veut bien aider les bébés, là, mais c'est que les parents de ces bébés-là, c'est nos jeunes. Ils ont 18, 19 ans, ils ont plein de problématiques, ils ont besoin de nous encore. C'est merveilleux de les entendre quand ils nous disent: Avant que je sois enceinte, mon frigo, il n'y avait que de la bière dedans. Aujourd'hui, bien c'est du lait puis des légumes. Puis eux-mêmes ont une face de...

Ah! je ne pensais pas arriver là. On a deux intervenantes merveilleuses, une qui fait beaucoup d'interne, une autre qui va beaucoup sur le terrain. Elles vont chez ces jeunes-là, elles s'assurent que tout va bien. Et, comme ça, on évite énormément de se faire enlever par la DPJ des enfants d'une façon tout à fait inutile. Ces enfants-là, ils sont beaux, ils sont gras, ils sont en santé, ils sont souriants, on le voit qu'ils sont heureux dans ces familles-là.

Ça fait qu'à ce moment-là on tombe dans un trou de service, tout le monde se relance la balle. C'est la même, même chose du côté du service juridique. La caisse populaire nous a financés, à l'ouverture du service juridique, pendant trois ans, celle de Québec, on les remercie. Mais, à un moment donné, ils ont dû diversifier. Et, à ce moment-là, bien, quand on envoie une demande au ministère de la Justice, ils nous disent: Ah! non, ça relève du ministère de la Sécurité publique, ça. Le ministère de la Sécurité publique fait: ta, ta,ta, nous, c'est les gangs de rue, depuis six ans. On est fermé à autre chose. Retournez à la Justice. Et là tout le monde se relance comme ça puis, nous, on fait O.K.

Alors, d'année en année, on court les particuliers, le privé, les fondations, les communautés religieuses. Et c'est un travail de très longue haleine, à recommencer à chaque fois. Et les projets qu'on va chercher sont souvent des projets courts, des projets ponctuels. Et je finirais en vous disant: Donnez-nous de l'argent pour six mois, un an, on va leur donner du poisson. Donnez-nous de l'argent pour cinq ans, on va leur apprendre à pêcher.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour la présentation de l'ensemble des activités de la Maison Dauphine. Et merci, particulièrement à Karl, pour votre témoignage. C'est toujours enrichissant pour les membres de la commission. Également, comme ancien enseignant, les informations pour les cas de la rue, nous avons apprécié ça. Je vais suspendre quelques instants et je vais demander au prochain témoin, le Café Rencontre du Centre-Ville, de prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 48)

(Reprise à 11 h 50)

Le Président (M. Kelley): Ce n'est jamais facile de présider cette commission parce que chaque intervenant, c'est toujours un grand intérêt. On a autant de questions à poser après la suspension qu'avant la suspension, mais, pour respecter le droit de parole de tout le monde et les horaires des membres de la commission, je dois vous encourager de prendre place, s'il vous plaît, et je vais maintenant céder la parole au prochain groupe, qui est le Café Rencontre du Centre-Ville, représenté par son directeur, M. Michel Godin.

Café Rencontre du Centre-Ville

M. Godin (Michel): Bonjour à tous. Merci de votre invitation. Merci également de l'initiative que vous avez prise à notre égard, nous, les organismes qui travaillons dans la rue, en fin de compte. On travaille là où les gens sont les plus démunis, les plus souffrants de la société.

Simplement pour vous dire que le Café Rencontre est avant tout une soupe populaire, un endroit où les gens peuvent venir manger un bon repas, sur l'heure du midi, à chaque jour de la semaine. Nous existons... pour ma part, ça fait 20 ans que je dirige la soupe populaire, maintenant qui est sur la rue Saint-Joseph. Je m'excuse, je suis dans un état de fragilité, je sors de l'hôpital où j'ai subi une intervention, en plus une intervention puis une chirurgie générale. Je dois dire que je suis un petit peu fragile ce matin, un petit peu démuni moi-même.

Pour vous donner une idée, cette année, on a servi, ça n'a pas été notre plus grosse année, mais on a servi quand même 52 000 repas sur l'heure du midi. Donc, c'est beaucoup de monde, c'est près de 225 personnes qui viennent, à chaque midi, manger un repas. Nous ouvrons nos portes vers 9 h 30 le matin parce que, depuis le mois d'octobre l'année passée, nous avons commencé à servir également les petits-déjeuners, c'est-à-dire les toasts et le café pour 0,25 $. Le dîner, en passant, il est 0,25 $ également. Dans les mois qui vont suivre, on va avoir atteint plus 900 000 repas servis au Café Rencontre, donc c'est peu dire, c'est beaucoup de monde. Ce n'est pas toujours les mêmes personnes, évidemment que ça a évolué dans les dernières années.

Donc, moi, en tant que directeur, je suis en contact avec les gens à tous les jours, ainsi que mon adjoint, ici, Simon, qui, lui, va peut-être élaborer un petit peu plus que moi tout à l'heure sur le pourquoi de notre mémoire. Et puis j'ai également avec moi un M. Jacques Jobidon, qui est venu à notre service dans un état de très grande fragilité, je pense qu'il était en itinérance à ce moment-là, et puis il a travaillé sur un programme d'insertion sociale dans nos murs, et puis, aujourd'hui, je pense qu'il vit une vie quand même normale. Puis il a eu beaucoup d'acquis, en étant chez nous pendant quelques années, un an à peu près, quelques mois à un an avec nous. Il continue d'ailleurs à venir nous visiter puis, de temps en temps, il vient faire un petit peu de bénévolat.

Aussi, il y a une chose que je voulais mentionner. On parlait d'argent tout à l'heure, mais je voulais juste dire ceci: cette année, en 2007-2008, notre personnel de salariés était huit personnes à temps plein, 12 personnes à temps partiel, avec 50 000 et quelques repas servis, pour un budget d'environ 300 000 $. Donc, nous avons eu des participants, sur Interagir, 24; Travaux communautaires, 43, pour beaucoup de nombre d'heures au total. Les bénévoles, c'est au-delà de 103, à 11 963 heures également, au total, c'est comptabilisé avec finesse. Donc, avec peu, avec beaucoup de bénévoles évidemment, on fait beaucoup, je crois. Évidemment, notre intervention est faite parce qu'on aime ce qu'on fait, on aime les gens, on a de la compassion pour les gens. Comme vous avez pu le constater, on n'est pas là pour faire une carrière, on est vraiment là pour donner notre vie aux gens puis les aider à sortir de leurs problématiques, selon nos moyens et nos compétences également.

Ce qu'on a beaucoup développé, ici, dans la ville de Québec, dans ces dernières années, c'est la synergie entre les organismes. On travaille beaucoup en collaboration ensemble, ce qui fait la qualité des services qu'on donne ici, à Québec. Il y a beaucoup d'itinérants à Québec, beaucoup de gens en errance.

Par contre, on n'a pas beaucoup de vandalisme, on n'a pas beaucoup de vols de sacoche, on n'a pas beaucoup de criminalité. Depuis environ une dizaine d'années, ça a même diminué. Pourquoi? Parce que les organismes qui sont dans le milieu prennent en charge les gens assez rapidement, puis, en travaillant en collaboration ensemble, bien, quand on a une personne qui rentre en état de crise, en crise de schizophrénie ou en psychose, simplement il n'a pas d'endroit où coucher, tout de suite on peut l'arrimer avec un autre organisme puis faire un suivi avec elle pendant les semaines et même les mois qui suivent.

Ça, c'est très important parce que... C'est important pour la qualité de vie des gens mais surtout pour protéger le climat social de la société. Nous, on est dans un environnement, toute la revitalisation du quartier Saint-Roch, on est sur la rue Saint-Joseph. Une soupe populaire, on n'aurait pas vu ça il y a 25 ans dans un milieu d'affaires.

Juste pour vous donner une idée, la semaine passée, pendant qu'on faisait notre réunion annuelle des membres, de l'année, en même temps dans la salle ? parce qu'on est dans l'ancien Baril d'huîtres ? au 2e étage, dans l'auditorium, il y avait l'association des marchands qui se rencontrait pour leur réunion annuelle. Dans une soupe populaire! C'est peu dire. Il y a quatre ans, cinq, six ans, il a fallu que j'aille débattre dans les médias l'importance que notre organisme reste dans le milieu. Évidemment, je pense qu'on est un plus pour les commerçants.

Tout ça pour vous dire qu'on a très peu de pages dans notre mémoire, mais, pour nous, c'est très important, ce qu'on veut vous partager ici à propos de nos attentes dans les mois et les années à venir. Parce que, si on veut régler le problème de l'itinérance, du moins le diminuer ou améliorer le sort des gens, ça commence par une prise en charge de ces gens-là. Puis, il n'y a rien de mieux que les organismes pour être capables de le faire d'une façon très significative. Et aussi, avec l'expertise qu'on a depuis des années en étant sur la rue nous autres mêmes, eh bien on est capables de discerner, de voir, donc d'avoir... On a un meilleur contact, premièrement, puis en même temps, bien, on a la confiance des gens. On peut arriver à faire une intervention qui peut être excessivement efficace, d'autant plus, comme je vous le disais, en les arrimant avec les autres organismes, on finit par aider cette personne-là à sortir du cycle de l'itinérance.

Souvent, la problématique des drogues dures aussi, la prostitution, la santé mentale précaire des gens qui arrivent en psychose, qui se retrouvent dans nos services, quelques mois après, à travailler 20 heures par semaine, c'est un miracle, ça, pour nous. C'est ça qu'on vise, la qualité de vie des gens, le bonheur des gens. Il faut que ça se fasse dans des actions concrètes de chaque jour. Et je pense que le gouvernement a une grande part, comme partenariat, pour nous aider à être capables d'atteindre nos buts, puis d'avoir une société beaucoup plus juste, puis également que tout le monde puisse en profiter, tout le monde en général. C'est surtout ça, c'est d'avoir une ville vivante, une ville sécuritaire puis une ville où il fait bon vivre, pour tout le monde. C'est ça, le but, en fin de compte du pourquoi de l'implication des organismes dans le milieu.

Donc, je vais laisser le mot maintenant à Simon, qui va pouvoir peut-être un petit peu plus élaborer sur...

M. Fournier (Simon): Moi, c'est Simon Fournier. Je suis intervenant au Café Rencontre. Je suis l'adjoint du pasteur Michel Godin. Puis, ça fait cinq ans que je travaille au Café Rencontre puis, en discutant avec Michel, c'est sûr qu'on a accepté votre invitation avec joie, parce que, cet été, on a connu une diminution dans le nombre de participants sur notre programme d'insertion sociale dont on est l'hôte depuis une quinzaine d'années.

Depuis 1992, le Café Rencontre est l'hôte d'un programme d'insertion sociale financé par Emploi-Québec. Avant, ça s'appelait EXTRA, après ça a changé de nom pour le programme INSO, maintenant, c'est Interagir. Dans le fond, c'est juste pour compliquer la chose, parce que c'est la même vision qui est derrière tout ça. C'est un programme qui vise à rapprocher les gens du marché du travail.

Maintenant, nous, on croit que l'insertion sociale, c'est beaucoup plus que juste prendre une personne qui ne travaille pas puis d'en rendre un citoyen acceptable en faisant un employé potentiel. On croit que les personnes ont plus à donner que simplement d'être des candidats pour retourner sur le marché du travail. Puis c'est ça qu'on trouve déplorable, c'est qu'on avait 12 participants au programme INSO quand j'ai commencé à travailler puis que j'ai commencé à superviser ces travailleurs-là dans notre organisme. Aujourd'hui, les besoins sont pratiquement les mêmes, les bénéficiaires sont aussi nombreux à venir chercher nos services puis à venir manger à la soupe populaire, mais notre équipe de travailleurs, sur le programme d'insertion sociale, est passée de 12 à huit.

n(12 heures)n

M. Godin (Michel): De 17 à huit.

M. Fournier (Simon): En 1992, c'était à 17 participants. Donc, ça a diminué de façon drastique en quelques années. Mais, nous, c'était... l'équipe avec laquelle on faisait affaire pour préparer les repas, les activités de base de la soupe populaire, on comptait sur des personnes démunies, des personne sur l'aide sociale, des personnes soit qui étaient en itinérance ou qui sont à fort risque d'itinérance. Puis il y a des gens qui ? bien, Jacques est à ma droite, ici, puis pourrait en témoigner; des gens qui ? sont sortis de l'itinérance, qui ont participé au programme, qui ont réussi à se trouver un emploi.

Par contre, ce n'est pas le cas de tous, puis il y a des personnes qui sont venues s'impliquer au Café Rencontre, qui ont fait du bénévolat, qui ont participé au programme d'insertion sociale puis, une fois que leur programme a été terminé puis qu'ils ont atteint le maximum, bien là ils se retrouvaient en errance. Puis maintenant je les revois dans la rue, puis, pour moi c'est déchirant. Je les vois puis je dis: Pourquoi tu ne viens pas faire du bénévolat au Café Rencontre? Mais ces personnes-là se sentent lésées, se sentent qu'on a comme profité d'eux, on leur a fait voir une possibilité de se sortir de l'errance, du cycle de la pauvreté, ils ont vécu deux années de rêve au Café Rencontre, en travaillant à l'équipe puis en étant valorisés, en ayant un sentiment d'appartenance envers l'organisme. Parce qu'il y a un fort sentiment d'appartenance. Il y en a qui appellent notre soupe populaire une «soupe familiale». Ils ont... Cette expression-là est sortie, pas parce qu'on a forcé les gens à l'appeler comme ça, mais parce qu'ils sentent que c'est leur famille lorsqu'ils viennent travailler, lorsqu'ils viennent faire du bénévolat.

Puis c'est des tâches très simples qu'on leur fait faire. Je l'explique: c'est la préparation des repas, la vaisselle, c'est... Mais c'est le fonctionnement de la famille du Café Rencontre auquel les bénéficiaires prennent part, puis c'est ça qui est merveilleux. Puis il y en a qui réussissent à se trouver une place sur le marché du travail, mais il y en a d'autres qui finissent puis qui... On ne veut pas avoir d'illusions en croyant qu'ils vont retourner sur le marché du travail, mais on croit que le fait qu'ils soient dans le programme d'insertion sociale, c'est déjà un résultat satisfaisant de l'insertion. Ces personnes-là sont actives, sont utiles à la société, ne sont pas en train de commettre des crimes, ne sont pas en train de vagabonder, d'errer. C'est bon pour la personne puis c'est bon pour la société, alors je ne vois pas pourquoi qu'on ne pourrait... Même si le marché de l'emploi est très bon en ce moment puis que, oui, les entreprises cherchent du personnel... Bien, tant mieux pour ceux qui sont capables puis qui ont la volonté et la capacité de retourner sur le marché du travail, mais, pour ceux pour qui c'est impensable, bien, nous, on est là puis on est prêts à les accueillir puis leur donner une place, si le gouvernement veut bien nous appuyer puis soutenir nos démarches. C'est un peu ça.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup.

M. Fournier (Simon): Jacques veut donner un exemple.

M. Jobidon (Jacques): Bien, moi, j'ai... Comme il disait, c'est que je me suis retrouvé, à 40 ans... Puis je n'aurais jamais pensé qu'à 40 ans on puisse se retrouver itinérant, sur le trottoir. Et puis j'ai connu la soupe populaire, que je ne savais même pas qui existait, par hasard, en passant là. Et j'ai connu Michel, Simon, Jacques Dumont aussi, qui n'est pas ici, qui est tout un numéro. Et puis là, bien je me suis... ils m'ont incité à venir manger là puis à faire du bénévolat. Encore là, je n'avais pas le goût, parce qu'aussitôt que je me présentais devant quelqu'un j'avais une estime de moi qui était très basse. Et puis finalement, en côtoyant ces gens-là, justement en faisant les légumes, la soupe puis tout ça, bien je me suis mis à reprendre du mieux. Ils m'ont proposé un programme INSO qui m'a permis de retourner sur le marché du travail, puis, aujourd'hui, bien je travaille comme cuisinier dans un gros restaurant de Québec.

Une voix: Dis-leur ta formation scolaire.

M. Jobidon (Jacques): Oui. Puis c'est ça. Puis surtout que, pour Simon, ça a été pour lui, tout un choc de voir qu'à 40 ans je me retrouvais sur le trottoir, et puis j'ai trois diplômes universitaires puis j'ai travaillé pour la Garde côtière canadienne, comme lieutenant. Ça fait qu'on ne sait jamais ce qui peut nous arriver. Et puis j'ai quand même un bon bagage.

Mais je vous dirais que la soupe populaire m'a aidé beaucoup au niveau de l'estime de moi puis au niveau de... Puis, comme il disait tantôt ? je trouvais ça drôle ? il disait: C'était une famille. Puis c'est vraiment ça, une famille. J'y repense aujourd'hui, comme il disait, des fois, quand j'ai le blues ou bien que j'ai un petit down, quelque chose, bien je m'en retourne là, soit à l'église, le dimanche matin, ou bien à la soupe, pour voir les gens, puis, je ne sais pas, je rentre là puis j'ai un regain d'énergie, je me sens... on t'accepte comme tu es. En plus de ça, on ne m'avait jamais demandé de changer. J'ai, comme tout le monde, moi, mon caractère, ma personnalité, puis c'est vraiment spécial de rentrer là puis de se sentir comme un petit frère ou... Ça fait que, non, vraiment, là, ça a été... En tout cas, pour moi, ça a été très bénéfique de me retrouver là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour ce témoignage, et surtout la leçon, qu'on ne sait jamais le parcours d'une vie et les choses qui peuvent arriver dans le trajet de la vie. Alors, merci beaucoup pour ce témoignage.

Je vais maintenant passer à la période d'échange avec les membres de la commission et reconnaître Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Alors, merci beaucoup de votre témoignage, M. Jobidon. C'est toujours très inspirant d'entendre des gens qui malheureusement ont vécu une série de ruptures puis qui ont une vie satisfaisante, là, suite au passage dans différents organismes communautaires.

J'aimerais... M. Fournier, vous nous avez beaucoup parlé de vos rêves par rapport au programme d'insertion sociale. J'aimerais ça que vous poussiez un petit peu plus votre réflexion. C'est quoi que vous aimeriez qui soit réalisé, là, au Café Rencontre? Idéalement, ce serait quoi, le programme qu'on devrait mettre en place pour que vos gens puissent s'épanouir?

M. Fournier (Simon): Actuellement, le programme Interagir, c'est un bon outil, on s'en sert puis on accueille des personnes. En ce moment, on a cinq travailleurs sur le programme, puis on a trois postes qui sont ouverts, puis on est en recrutement, mais c'est long, le processus est long. Une personne qui est en itinérance, on lui dit: Est-ce que tu aimerais venir participer à un programme d'insertion de travail au Café Rencontre? La personne peut être hésitante. Lorsqu'on arrive à la convaincre, on lui dit: Viens faire une journée de bénévolat, tu vas essayer puis tu vas voir si tu aimes ça. Mais là, une fois qu'on a réussi à la convaincre puis que la personne est enthousiaste, bien là le processus ne fait que commencer, puis la personne doit prendre une entrevue au centre local d'emploi puis rencontrer un agent, puis la personne doit prouver qu'elle est motivée, puis déjà... Bien, on est là pour un peu faire renaître sa motivation, mais là, déjà, elle est déjà éprouvée en partant. Juste pour être admise sur le programme, il y a un délai d'attente, puis je crois qu'on ne peut pas se permettre de faire attendre ces personnes-là; elles sont en errance, elles sont en grande détresse. Juste le processus d'admission est long.

Il y a des progrès qui ont été faits. Maintenant, notre organisme est considéré comme un centre de dépistage où, en tant qu'intervenant, moi, je peux regarder les candidats possibles puis remplir une demande avec les candidats pour qu'ils soient admis au programme. Mais, une fois que la demande est faxée, ça peut être long avant d'avoir une réponse puis avant que la personne ait une entrevue, il peut y avoir des délais de plusieurs semaines. Puis, nous, bien on a besoin de ces travailleurs-là dans notre équipe, puis, eux, ils ont besoin de nous aussi parce qu'on est comme... Justement, l'exemple que j'utilise, c'est que ces personnes-là sont des naufragées de la vie, des naufragées de la société, puis, nous, on a un canot de sauvetage, puis il y a des places dans notre canot de sauvetage, mais c'est tellement long avant de les faire monter, là, puis... Il me semble qu'on aurait juste besoin, là, d'être outillés pour les faire embarquer dans notre canot de sauvetage rapidement. Ça fait que ça, entre autres, là, c'est le processus d'admission qui est lourd.

Puis il y a aussi des critères d'admission. Emploi-Québec nous présente le programme Interagir puis le PAAS, le programme d'Aide à l'accompagnement social, comme un programme pour les gens qui sont éloignés du marché du travail, mais dans le fond ce qu'ils veulent, c'est d'en faire des futurs travailleurs, des futurs employés qui paient des taxes, qui paient des impôts puis qui font fonctionner l'économie, mais... Ça fait que ça cache derrière... Ils cachent une motivation derrière un projet qui semble à caractère humanitaire, mais, quelqu'un qui ne veut pas retourner sur le marché du travail, qui a des craintes, des craintes puis même un désintérêt, quelqu'un qui s'en fout, de la société, qui ne veut plus rien savoir du travail parce qu'il a eu des mauvaises expériences mais qui serait prêt à participer à un programme d'insertion, cette personne-là, la plupart du temps, se fait refuser l'admission au programme parce que cette personne-là... à cause de sa franchise, parce qu'elle dit: Moi, je ne veux plus travailler, je ne veux plus retourner sur le marché du travail. Bien, cette personne-là va être refusée à cause de sa mauvaise volonté. Mais, lorsque vous la voyez travailler, cette personne-là, ce type de personne là, lorsque vous la voyez travailler dans notre organisme, faire du bénévolat, ce n'est pas une personne qui est incapable puis qui cherche juste son propre intérêt, c'est une personne qui a été blessée, qui a été... qui est désabusée face au système. Puis je pense que c'est le cas de plusieurs personnes en errance, en itinérance. Donc... Avez-vous quelque chose à ajouter?

n(12 h 10)n

M. Godin (Michel): Il va toujours y avoir des personnes inaptes au travail. On a des personnes qui sont malades, dans notre société, on a des personnes qui sortent de Robert-Giffard, qui sont lourdement médicamentées puis qui ne reprendront probablement jamais le marché du travail. On a un vide, là, on a vraiment un vide dans notre société à ce niveau-là, puis le vide, je pense que les organismes pourraient le remplir, une partie de ce vide-là, en réinsérant à long terme ces gens-là dans nos programmes, en leur bonifiant un petit peu leur aide sociale, pour leur donner une valeur d'eux-mêmes, ou en les prenant en charge. Puis, si ça doit durer cinq ans, ça dure cinq ans. Si jamais... On dit qu'il n'y a pas de hasard, mais, si jamais, à un moment donné, ça débouche sur le marché du travail, bien on aura atteint notre but suprême.

Mais c'est là qu'il y a un vide. Pourquoi on a des gens assis sur des bancs? Pourquoi on a des gens qui attrapent des tickets? On pourrait en rayer peut-être un certain pourcentage, de ces personnes-là, en les réintégrant dans des programmes qui sont beaucoup moins lourds, disons, 15 heures par semaine. On pourrait, nous, leur augmenter leurs... tout ce qu'on vient de discuter, en fin de compte.

Mais, moi, je veux vous donner mon petit coup de coeur ce matin. J'ai reçu un coup de téléphone, il y a environ deux mois de ça, pour me dire: M. Godin, on vous a coupé trois programmes cette année. Je ne vous mens pas, les larmes m'ont venu à l'oeil, j'étais fâché dans mon esprit. J'ai dit: Vous ne pouvez pas faire ça. J'ai dit: Cette année, on les a employés, nos 11 programmes. Vous ne pouvez pas nous faire ça. J'ai dit: Ce n'est pas juste une question de financement ? c'est 4 000 $ par année, c'est encore assez important ? mais, j'ai dit, vous allez nous priver de travailleurs, vous allez nous priver de personnes qui vont pouvoir faire un travail. Moi, ça m'arrive souvent de laver le plancher, je vous le dis, puis je lave la vaisselle aussi, parce qu'il nous manque de bénévolat. Puis ces gens-là sont des personnes à part entière, qui sont capables de faire le travail. Même si certains vont juste éplucher le quart d'une chaudière de patates puis que l'autre va en éplucher une chaudière au complet, pour nous, le quart est très important, parce que, si le quart n'est pas fait, c'est moi qui va être obligé de le faire, le quart.

Puis je leur ai dit: Bien, écoutez, c'est impossible, vous ne pouvez pas faire ça. Ça ne coûte rien au gouvernement. On est 4 000 qui ont été coupés dans la province de Québec, je pense. Elle dit: M. Godin, elle dit, ça a été pris en hautes instances puis, elle dit, on ne peut pas revenir en arrière. J'ai dit: Redonnez-moi-z-en au moins neuf ou 10. C'était non négociable. C'est la nouvelle qu'on a reçue il y a trois mois.

Puis ce que j'ai su, c'est que, dans plusieurs organismes, ça a été coupé. Puis c'est drôle, on n'est pas monté aux barricades. J'aurais... Physiquement, je n'étais pas trop en forme, mais j'avais juste le goût d'aller aux barricades, puis de faire une conférence de presse, puis de dire: Écoute, ça ne peut pas passer, ça, on ne peut pas laisser passer ça. On prive ces gens-là de réintégrer au moins au niveau social puis on nous prive d'une main-d'oeuvre qui est nécessaire pour nous.

Ça fait qu'il faut que ce soit discuté, ça, au Parlement, puis dire: Écoutez, il faut bonifier ces programmes-là. Ça va coûter, quoi, 10, 12 millions, 20 millions par année? Ce n'est rien pour prévenir ces gens-là de sombrer puis de tomber dans la misère extrême. De toute façon, ils vont coûter aussi cher à la société s'ils tombent dans une misère extrême. On va souvent reconduire des gens... On ne fait pas juste donner à manger aux gens, on va les reconduire dans les hôpitaux. On en a quatre qui sont dans des centres de thérapie présentement, à long terme, un an et plus, on en a trois qui ont 11 mois de faits de thérapie, on a une maison de femmes aussi. En tout cas, ce serait long à vous expliquer, il y a beaucoup d'actions qu'on pose à chaque jour. C'est un peu ça.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci, M. le Président. Je suis critique en matière d'emploi et solidarité sociale, donc je suis content de vous entendre, parce que je croyais que ces services-là étaient beaucoup plus accessibles qu'on ne pouvait le laisser entendre. Mais j'aimerais vous poser la question, parce que, sur les programmes Interagir, quand le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale... Je veux dire, Interagir, là, c'est pour l'ensemble des prestataires, c'est pour l'ensemble des gens qui ont des besoins. Parce que vous parlez: On nous a accordé, mais, si, exemple, là ? puis j'aimerais bien en donner un, exemple ? Éric Dorion, qui est un prestataire de l'aide sociale, souhaitait utiliser un programme Interagir mais... J'ai connu votre ressource, moi. Est-ce que, moi, je peux directement demander à faire mes... utiliser ce programme-là, ou c'est un programme qui est distribué, exemple: Bon, bien, à votre mission, on vous en donne cinq; à l'autre mission, on en donne cinq; à l'autre mission, on en donne cinq? Parce que, si c'est le cas, bien c'est indirectement une aide qu'on donne aux organismes. Moi, je croyais que c'était une aide qui venait des individus puis que tous les organismes pouvaient prendre indirectement en charge des personnes puis leur aider dans leurs processus d'adaptation, d'évolution. Puis qui dit que... Dans un an, deux ans, trois ans, si la personne à accédé au marché du travail, bien tant mieux, félicitations, mais du moins, durant ces années-là... Moi, l'objectif des programmes, de la connaissance, je pensais que c'était comme ça. Ce que je comprends, c'est qu'on attribue des programmes dans des...

M. Fournier (Simon): Il y a un nombre fixe de participants, on ne peut pas dépasser. S'il y avait des candidats supplémentaires qui pouvaient se présenter, on dit: Désolé, on n'a pas de place. Ce n'est pas qu'on n'a pas de places officielles, parce que ces programmes-là ne seraient pas subventionnés. Ce serait... Ils pourraient venir faire du bénévolat, mais l'avantage avec le programme d'insertion, c'est que ça crée une discipline, ça responsabilise les personnes plus que du simple bénévolat, où la personne rentre quand elle veut, à l'heure qu'elle veut, puis, tu sais, qu'elle n'a pas vraiment de redevabilité envers son employeur. Mais les participants au programme, le grand avantage, c'est ça: ils ont un horaire à respecter; s'ils ne peuvent pas rentrer, on leur demande de nous appeler le jour même pour nous avertir puis de ramener une preuve justificative, un billet signé par leur médecin, puis...

M. Dorion: Ça, je comprends, mais ce que je veux savoir, là, c'est que... Moi, je pensais que ces programmes-là étaient disponibles pour tout le monde. Ce que je peux comprendre, c'est que, si, demain matin, là, il y a 30 000 participants qui veulent accéder à ce programme-là, on va avoir un problème parce que c'est un peu un nombre limité de places restreintes. Donc, c'est faux de prétendre que c'est un service qu'on donne aux bénéficiaires.

M. Godin (Michel): Puis c'est restrictif. Si la personne est inapte au travail, quand elle passe dans le bureau de l'intervenante au niveau de Travail-Québec, elle va dire: Non, monsieur, vous n'êtes pas éligible. Ça prendrait un programme spécifique pour les gens justement qui sont inaptes au travail, bon, puis qui soit utile à la société, puis qui soit utile dans nos organismes.

Deux, il faudrait garder nos acquis. Il faudrait garder nos acquis. Moi, mes 11, là... C'est dommage que je ne peux pas mettre mon poing sur la table, parce que j'aimerais tellement récupérer mes trois que j'ai perdus.

En 1992, je servais 23 000 repas par année, j'avais 17 programmes. On a aussi un magasin d'économie sociale pour nous renflouer au niveau monétaire, puis on a quelques personnes qui travaillent là comme bénévoles. On a un employé à temps plein aussi, également. Puis, on peut réinsérer des personnes, là aussi, très bien encadrées. D'ailleurs, le gouvernement nous demande, les agents nous demandent continuellement de rendre compte de l'évolution de ces personnes-là, là. Il faut remplir des papiers, là. À tous les six mois, il faut avoir un suivi, puis, si on demande une prolongation, il faut arriver avec des arguments solides, là. Je veux dire, on a un bon suivi. Ce qui a été mis en place est bon puis, nous, ça nous aide à nous encadrer un petit peu puis ça force aussi les gens à avoir une certaine discipline. Mais, à 23 000 repas, j'avais 17 programmes, je n'avais pas de friperie. À 62 855 repas, je suis rendu à huit programmes. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Il y a quelque chose en quelque part, il y a quelqu'un qui n'a pas compris que c'est nécessaire. Il doit y avoir une question de...

C'est sûr que... Je veux bien croire que, depuis 20 ans, on en a passé dans les programmes, des personnes qui étaient aptes au travail, puis qu'on a une banque de plus en plus qui est diminuée parce que c'est restrictif, mais là on a une banque de personnes qu'on appelle itinérants, errance, des personnes qui ont des problèmes peut-être reliés à la santé mentale, ou aux drogues, ou des choses semblables, ou des facteurs aggravants, si vous voulez, les drogues. Puis là on pourrait, nous, les assumer, ces personnes. On est prêts, on l'explique bien là-dedans, on est prêts, on a de la place pour eux puis on va leur donner notre attention. J'ai trois intervenants dans la place. On passe notre temps avec les gens.

Il faudrait, au niveau des gouvernements, encore une fois ? je le sais que je me répète ? il faudrait que ce soit revu, ça, non seulement revu, un programme qui soit vraiment ciblé: des personnes qui sont en itinérance. On veut libérer des gens de l'itinérance? Commençons par ça, puis continuer avec nos programmes d'insertion sociale qui peuvent mener à un emploi, mais surtout pas nous baisser nos programmes, parce que c'est ridicule. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?

n(12 h 20)n

M. Dorion: M. Godin ou M. Fournier, je ne sais pas qui est le mieux placé pour me répondre, mais vous m'avez parlé que présentement, bon, il y a eu un nombre malheureusement réduit au niveau des programmes. Ceux qui sont en place, vous êtes les acteurs principaux. Parce que, là, j'ai comme senti qu'il y a une certaine froideur lorsqu'on arrive au bout du programme, que le client a bien évolué, s'est bien intégré, aurait travaillé probablement son estime, sa confiance, je veux dire, tout ce qui va en sorte, là, des bienfaits, entre autres, de la participation collective, ou peu importe. J'ai comme senti qu'il faut arriver avec ? et là je reprends vos termes ? il faut arriver avec des arguments solides. Et ça, j'ai de la difficulté, parce que vous êtes les acteurs qui voyez évoluer. Il y a une différence entre une personne assise à un bureau, qui n'a probablement peu ou presque pas de contact avec un individu, puis un rapport qui est soumis. Puis là c'est comme... Les échanges souvent se font de façon... Dans le fond, il faut tirer sur la couverte pour qu'il y ait un oui sur une continuité d'un programme. Je ne comprends pas.

M. Fournier (Simon): Il faut continuellement...

M. Godin (Michel): Ce n'est pas facile de libérer quelqu'un, ça, je peux vous le dire. Puis, quand on les libère, ces personnes-là... Les 11 que j'ai à temps partiel, c'est des gens que j'ai engagés après la fin de leur programme, puis, moi, je leur donne leur 100 $, puis il y en a que je donne 200 $, puis j'en ai deux que... j'en ai un que je donne 400 $. Je fais ma part. J'en ai 11 de même, à temps partiel, que j'assume après la fin de son programme. Je ne peux pas en assumer plus, je n'ai pas d'argent pour en assumer plus.

Mais, quand, ces personnes-là, on leur demande de quitter puis qu'ils nous disent: Bien, aurais-tu un petit quelque chose pour moi?, je perds mon 150 $, là, pourriez-vous me payer?, puis je suis obligé de lui dire: Je ne peux pas, je peux te payer peut-être ta passe d'autobus, je peux faire des petites choses pour toi de temps en temps, peut-être te libérer un 50 $... D'abord, quand on donne de l'argent, les gens, ils le disent, oui, à l'aide sociale, qu'ils reçoivent un certain montant d'argent, en passant, entre parenthèses. Mais, quand on ne peut pas le leur donner, ils se disent: C'est quoi? Vous m'avez pris, là, puis là vous n'êtes même pas capables de nous aider un petit peu. Vous en aidez d'autres, là. Jean-Pierre, là, ça fait trois ans qu'il est ici, vous lui donnez 100 $ par semaine, je l'ai su, il me l'a dit. Comment ça que vous ne m'en donnez pas un, à moi? On est pognés avec des problèmes. Ça nous fait mal parce qu'on ne peut pas.

Puis ce n'est parce qu'ils ne veulent pas travailler, c'est parce qu'ils se disent: Si je ne mérite pas 50 $, bon, enwoye, d'abord, je m'en vais puis je ne veux rien savoir. C'est comme ça, il y en a qui réagissent de même. Il y en a, des bénévoles, il y en a qui vont rester un petit peu, vont venir passer une journée par semaine, deux jours, mais, la plupart du temps, on les perd puis, à un moment donné, on les retrouve dans la rue, puis ils sont... c'est ça, en errance. L'errance, c'est difficile, je vais vous dire une chose, c'est difficile.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci. Merci. Bonjour, messieurs. Déjà, les personnes sont tombées entre les mailles de notre supposé filet social, quand elles sont rendues en situation d'extrême pauvreté, d'itinérance, comme ça. Et là vous touchez un point ? je pense que c'est la première fois qu'on nous parle de ça de ce phénomène-là ? que les programmes vous sont vraiment utiles, ces programmes-là. Bon.

Mais ma question est en deux volets. Premièrement, quelle explication on vous a donnée? Étant donné l'augmentation de vos services que vous devez offrir à cause de la situation, qu'est-ce qu'on vous a dit? Pas parce qu'on... Dites-moi pas qu'ils vous ont dit: Bien, parce que c'est de même, parce qu'on n'a plus d'argent, ou bien donc... Je ne veux pas entendre ça, là.

M. Godin (Michel): Deux mots: Ils ont coupé, M. Godin. Mais où ils ont coupé?

Mme Lapointe (Crémazie): Qui?

M. Godin (Michel): Qui? On m'a demandé de téléphoner au ministre Sam Hamad, mais, moi, là...

Mme Lapointe (Crémazie): Bien, nous, on va lui parler.

M. Godin (Michel): Bien, dans son bureau. Je ne le sais pas, là, on m'a dit ça.

Mme Lapointe (Crémazie): On va lui parler, on lui téléphonera.

M. Godin (Michel): Honnêtement, là, au niveau de la hiérarchie, au niveau de Travail-Québec, on m'a dit: Bien, téléphonez au ministre. Mais, s'il faut que j'aille frapper à la porte du ministre ou du premier ministre pour lui demander d'augmenter mes trois, là, vous savez, là, la barre est haute, pas parce que je ne suis pas capable de lui parler, moi ? Mme Maltais est là, on se parle régulièrement, on est capables de se parler, avec nos élus municipaux ou nos élus gouvernementaux ? mais, vous savez, quand c'est rendu là, là... Bien, Sam Hamad, M. Sam Hamad, il est-u au courant c'est quoi, un programme d'insertion sociale? Je ne le sais pas.

M. Fournier (Simon): Les arguments qui ont été évoqués par les représentants d'Emploi-Québec, c'est que le marché du travail est bon puis que le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale a diminué. Alors, c'est pour ça qu'on coupe, que le gouvernement a décidé de couper dans les programmes d'aide à l'accompagnement social.

Mme Lapointe (Crémazie): Il me semble que ces programmes-là, c'est beaucoup de la prévention, hein? Alors donc, écoutez... Puis vous suggérez ? puis ça, je pense que c'est important, là ? à la dernière page, qu'il faudrait qu'on ait des programmes pour des personnes qui veulent s'intégrer à un organisme communautaire mais qui sont en fort risque de ne jamais pouvoir s'intégrer au travail régulier. Est-ce que vous avez des suggestions particulières à cet égard? Parce que je pense qu'il va falloir qu'on en arrive là.

Le Président (M. Kelley): M. Fournier.

M. Fournier (Simon): La création d'un... Nous, on proposait un programme sans critère d'exclusion, c'est-à-dire que n'importe quelle personne, même... il faut qu'elle soit prestataire, mais quelqu'un qui n'est pas prestataire, qui est sur le chômage ou quelqu'un qui est travailleur autonome, on a eu... Les personnes itinérantes sont très débrouillardes. Il y en a qui pourraient être des entrepreneurs, si ce n'était de leur dépendance. Donc, il ne serait pas éligible au programme parce qu'il n'est pas prestataire d'aide sociale. Mais c'est ça, on a une clientèle très diversifiée. Ce serait un programme sans critère d'exclusion puis... bien, sans date de péremption, où la personne peut, si elle en a... aussi longtemps qu'elle en a besoin, elle peut rester impliquée dans l'organisme, quand c'est prouvé que, si elle n'avait pas ce programme-là, cette personne-là retourne en errance et en itinérance. Donc, je pense que c'est...

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Bonjour, M. Godin, M. Fournier, Jacques, et je pourrais dire Michel, parce qu'effectivement on se croise régulièrement. Café Rencontre Centre-Ville, c'est au coeur de Taschereau, c'est à côté de mon bureau de comté, puis j'aime ça aller chez vous, vous voir et servir, parce que c'est un bon contact puis ça mouille une députée dans la vraie vie quotidienne que les gens vivent, en errance.

Ce n'est pas une question, c'est un commentaire: Je suis choquée d'apprendre qu'on a coupé trois personnes au Café Rencontre Centre-Ville.

M. Godin (Michel): Bien, ils ont coupé partout dans la province.

Mme Maltais: Ils ont coupé partout au Québec, mais là on est dans une soupe populaire, on est dans du service de base, on est... donner à manger au monde. Là, on n'est pas, là, dans les gros frais, en plus, là, vous êtes un service qui travaille proche du monde. C'est vous qui avez bâti ça, M. Godin, vous avez même acheté une maison avec votre argent, vous êtes en plein coeur du centre-ville et vous aidez la rencontre entre le monde. Vous en avez parlé, de la façon dont il n'y a pas de violence au centre-ville de Québec, malgré cette cohabitation entre les plus riches et les plus pauvres, parce que, sur la rue Saint-Joseph, il y a les gros magasins puis en même temps il y a votre service. Ça se passe bien parce que vous êtes là.

Je sais que le CLE des Quartiers historiques travaille bien. Moi, je le sais que ces gens-là, là, en général, ils font un bon service auprès des organismes communautaires puis des personnes, qu'ils travaillent bien. Donc, vous dites: C'est direct au ministère que ça s'est passé? C'est ça qu'on vous a dit?

M. Godin (Michel): Oui, on me dit que ça s'est passé au niveau...

Mme Maltais: Bien, moi, je vais vous dire, moi, je vais le mettre, le poing sur la table, en votre nom. Je vous remercie d'être là et de vous présenter puis dire ça, mais je pense que c'est inadmissible qu'au moment où les gens sont les plus difficiles à sortir... parce que les autres, on les a sortis beaucoup, il y en a beaucoup qui sont sortis de l'aide sociale à cause du boom économique. Au moment où le monde est difficile à sortir, c'est là qu'on met les programmes, on resserre les programmes puis on resserre le nombre de personnes. Ça n'a pas de sens! Alors, je ne sais pas si vous voulez ajouter des commentaires là-dessus, mais, croyez-moi, vous avez une gang de monde autour de la table qui est d'accord avec vous.

M. Godin (Michel): Je vais vous dire une chose, il y a à peu près 20 ans, il y a quelques organismes qui se sont pointés à Québec puis qui ont vu venir. Dans ce temps-là, il y avait les guerres de motards, vous savez, il y avait beaucoup de bars dans Saint-Roch. Il y a eu aussi la formation de la Table de concertation pour l'aide aux itinérants et itinérantes, il y a eu aussi le regroupement puis... qui a mis en place le Regroupement pour l'aide aux itinérants et itinérantes. On a vraiment mis en place dès le début le réseau pour rendre notre ville vivable. C'est vrai, ce que je vous dis là. Il n'y a pas beaucoup de meurtres, il n'y a pas beaucoup de vols, il n'y a pas... même que ça a baissé. Mais il faut continuer à nous donner les outils. Nous, on s'organise bien entre nous, mais il faut continuer, le gouvernement, à nous donner... On ne demande pas des millions de dollars pour chaque organisme. Moi, c'est 47 % des argents. Centraide est avec nous, mais c'est 47 % de mes argents que je vais chercher à même mes fonds, mes propres fonds. Mais on travaille, mais ce qu'on... C'est ça, mais qu'on investisse là où vraiment on va faire la différence, qu'on investisse auprès des démunis, auprès des personnes à haut risque, là où est-ce que ça peut déraper, parce que ça peut déraper.

Ça a dérapé à Montréal, ça a dérapé à Toronto, ça a dérapé à Ottawa, même, une ville moyenne. Je rencontrais une journaliste qui venait de Vancouver, puis elle me disait ça. Elle dit: C'est quoi, M. Godin? Ça semble bien dans votre ville. Puis elle m'a dit ceci, elle m'a dit: Vous êtes une des villes les plus paisibles, au Canada, que je connaisse. Parce qu'elle faisait une chose sur l'itinérance, là, à partir de Vancouver. Puis elle dit: Pourquoi? J'ai dit: C'est parce qu'il y a synergie entre les organismes, les personnes sont prises en charge rapidement, puis elles sont... tout de suite, elles sont arrimées au réseau, puis il n'y a pas personne... il n'y a pas trop de monde qui pètent leur coche sur la rue. C'est ça que je veux dire, à cause de ça.

Le Président (M. Kelley): Sur ce, M. Godin, merci beaucoup pour votre témoignage aujourd'hui. Merci beaucoup, M. Fournier également et M. Jobidon, pour votre témoignage de votre expérience personnelle.

Sur ce, je dois suspendre nos travaux jusqu'à 15 h 30, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

 

(Reprise à 16 h 37)

Le Président (M. Kelley): Alors, je demande à tout le monde de prendre place, s'il vous plaît. Je constate le quorum des membres. Alors, nous allons poursuivre notre mandat qui est de procéder à des auditions publiques dans le cas d'un mandat d'initiative sur le phénomène de l'itinérance. Premièrement, j'ai une couple d'items à mentionner avant de céder la parole à notre témoin, très patiente. Mme Morin, merci beaucoup pour votre compréhension.

Mais, avant de commencer, je veux juste noter, avec à la fois regret et plaisir, la démission de l'ancien président de la Commission des affaires sociales, et député de Notre-Dame-de-Grâce, et mon ami, Russell Copeman, qui a quitté l'Assemblée, mais je veux souligner sa contribution importante aux travaux de la Commission des affaires sociales depuis véritablement 14 ans, dont quatre ans comme président.

Russell, comme on a dit en Chambre aujourd'hui, a toujours amené une voix pour les personnes qui sont moins entendues dans notre société, les personnes éloignées de notre processus politique, de notre Parlement, et Russell l'a toujours fait avec grande dignité et grande passion, grande conviction, de faire entendre ces voix. Alors, c'est comme ami, comme collègue, c'est avec un certain regret, mais c'est également avec... Je suis heureux de constater qu'il a un nouveau défi professionnel qui va être également important et fort intéressant pour l'avenir. Alors ça, c'est la fin du sermon du président, mais c'est à regret que nous avons appris cette nouvelle aujourd'hui.

Si j'ai bien compris, les membres de la commission, on peut rester vers 18 h 30. Qu'est-ce que je propose, c'est trois blocs de 40 minutes, alors ça va finir vers 18 h 40. J'ai besoin du consentement pour le faire. Et, sans plus tarder, et merci infiniment, Mme Morin. Il y a des choses dans la vie qu'on ne contrôle pas. Aujourd'hui, c'était l'arrivée d'un collègue, le départ d'un autre collègue, le dépôt de mille et un documents, une période de questions, des motions, et ça, c'est hors contrôle, mais merci beaucoup pour votre patience. Et, sans plus tarder, la parole est à vous, au nom de L'Archipel d'entraide.

L'Archipel d'entraide

Mme Morin (Diane): Alors, bonjour. Merci, M. le Président. Je tiens à remercier la commission de nous avoir invités, L'Archipel d'entraide, à venir témoigner.

n(16 h 40)n

L'Archipel d'entraide est un organisme communautaire implanté à Québec depuis 19 ans. Il vient en aide à une clientèle adulte mixte présentant des multiproblèmes de santé mentale, de toxicomanie, d'itinérance, de judiciarisation, etc. L'organisme utilise une approche de milieu et a développé trois volets de services: une équipe de suivi communautaire, un service de relocalisation et un journal de rue.

Alors, l'équipe de suivi communautaire, mise en place dès les débuts, est constituée de cinq intervenants et intervenantes faisant du suivi auprès d'environ 400 personnes différentes par année. Cela inclut ce que l'on appelle un suivi d'intensité variable en santé mentale comprenant les points suivants: de l'aide à l'organisation de vie, des évaluations, des références, des accompagnements dans les démarches, des visites à domicile, des transports pour les rendez-vous, de l'aide à la recherche de logement, de petits déménagements, du support, etc. Certaines personnes reçoivent une aide ponctuelle, d'autres, une aide qui s'échelonne sur des années. Cela va d'une à 172 interventions pour un même client au cours de l'année dernière. La moyenne se situe à 14 interventions par année par personne.

Le service de relocalisation, lui, s'appelle le service Accroche-Toit, et est en place depuis 14 ans, et permet la relocalisation de personnes vulnérables présentant différentes problématiques à travers tout le Québec métro. Le service compte une conseillère et un conseiller à l'hébergement. Ils font la liaison entre des intervenants de tous les organismes communautaires et publics présentant des demandes pour leurs clients et des ressources privées d'hébergement. Ils traitent autour de 650 nouvelles demandes par année. Le service compte également huit lits de dépannage, dont quatre en lien avec les urgences et les départements de psychiatrie des hôpitaux de Québec.

Je sais qu'il en a été question ce matin avec le Centre de santé et services sociaux, le CSSS de la Vieille-Capitale, qui faisait référence à ces services-là qui avaient été développés.

Ensuite, notre troisième volet de services, c'est un journal de rue qui s'appelle le journal La Quête, qui est publié depuis 14 ans et vendu sur la rue par des camelots qui ont vécu ou qui vivent encore les réalités de l'itinérance. Le service compte deux employés, un coordonnateur-éditeur et un représentant de publicité sociale, ainsi qu'un nombre impressionnant de bénévoles de grande qualité: des étudiants et des professionnels du milieu des communications et du journalisme. Le journal est un outil de réinsertion sociale, une alternative à la mendicité et un vecteur de sensibilisation du grand public.

Alors, au total, L'Archipel d'entraide compte 10 employés, incluant la direction générale. Les membres du personnel cumulent en moyenne 13 années d'expérience chaque. La structure est complétée par un service de comptabilité externe et un conseil d'administration de 11 personnes bénévoles issues de la communauté.

La directrice générale, qui est moi-même, est en poste depuis huit ans et occupait avant le poste de coordonnatrice de la Table de concertation sur l'itinérance de Québec à partir de 1993 et, ensuite, du Regroupement pour l'aide aux itinérants et itinérantes de Québec, le RAIIQ, à sa fondation, entre 1999 et 2000. Je le souligne parce que, quand je parlerai du prochain point, je ne le fais pas seulement en tant que coordonnatrice de L'Archipel, je fais référence beaucoup aux expériences à ce moment-là, là, au niveau du dénombrement de la clientèle itinérante.

J'ai vu que vous aimez beaucoup les périodes de questions, alors je prends pour acquis que vous avez lu le document, alors on va tester ça. Alors, je vais passer quand même assez rapidement, je ne vous ferai pas la lecture de tout mon document, je vais garder de la place pour vos questions. À ce moment-là, j'élaborerai peut-être un peu plus.

Alors, le premier point qu'on a amené, nous, c'est sur la question, là, du dénombrement et de l'ampleur du phénomène de l'itinérance au Québec. Alors, nous, on est d'avis, là, à L'Archipel d'entraide, qu'un dénombrement est devenu nécessaire pour appréhender dans sa globalité le phénomène de l'itinérance au Québec. Il y a environ 20 ans, il y a eu un dénombrement qui concernait Montréal uniquement. Il y en a eu un autre, il y a 12 ans, pour les villes de Montréal et de Québec. Un nouveau dénombrement devrait permettre d'intégrer les données en provenance des autres régions touchées par le phénomène et ainsi obtenir un portrait réaliste pour l'ensemble du Québec. Je pense que ça va de soi, là, qu'on a besoin d'avoir un portrait qui englobe toutes les régions.

Et aussi, l'autre raison pourquoi c'est nécessaire, c'est que de toute évidence le phénomène a progressé, et, moi, je peux dire qu'il a progressé dans la région de Québec, c'est là où mes observations sont faites. Et le meilleur indice, là, que l'on pourrait donner, là, c'est que, malgré l'ajout de nombreux lits supplémentaires, nous connaissons toujours des taux d'occupation élevés dans les refuges adultes tout au long de l'année et des débordements à l'automne et en hiver. Si, dans vos questions, vous voulez que je creuse plus, j'ai amené d'autres chiffres, mais je ne le ferai pas tout de suite. Un dénombrement devrait nous fixer là-dessus et permettre une lecture plus fine de la situation.

Un tel exercice s'impose également pour que les autorités et l'ensemble des acteurs impliqués dans la lutte à l'itinérance au Québec disposent d'une base commune pour procéder aux arbitrages nécessaires en ce qui concerne les besoins exprimés. Nous croyons qu'il est impératif de le faire, de façon à ce les données soient comparables avec les données antérieures. Montréal et Québec pourront ainsi prendre la mesure de l'évolution du phénomène sur leur territoire.

Dans cette optique, nous verrions mal chacune des régions décider en vase clos de critères de recherche spécifiques. Faire une lecture du phénomène dans le temps et dans l'espace qui ne peut pas se comparer à une autre serait une lecture aveugle. Cependant, les critères communs devraient être discutés, là, pour couvrir les différents aspects.

Nous savons d'expérience qu'une telle démarche implique la collaboration d'un grand nombre d'acteurs. Les procédures sont complexes pour arriver à ne pas compter deux fois la même personne dans un ou plusieurs refuges différents situés dans n'importe laquelle des villes visées au cours d'une année. Il est laborieux également d'adapter les méthodes de cueillette de données pour prendre en compte les personnes qui n'utilisent aucune ressource ou pour repérer celles qui fréquentent uniquement les soupes populaires ou les centres de jour.

Les organismes communautaires impliqués dans une telle démarche ouvrent leurs portes, leurs registres, leur intimité et font preuve de beaucoup de collaboration et de transparence. La collaboration du communautaire est nécessaire à travers tout le processus: la définition des indicateurs, l'élaboration de la stratégie de cueillette d'informations, l'opération sur le terrain de cueillette d'informations et la validation des données.

S'il y a un nouveau dénombrement, il faudrait, cette fois-ci, qu'il fasse l'objet d'une publication dans les règles de l'art. La décision, il y a 10 ans, de ne pas publier le rapport du dénombrement a porté atteinte au travail effectué et portera ombrage à toutes les démarches ultérieures en ce sens. La démarche, la méthodologie et les données issues du dénombrement d'il y a 12 ans ont fait l'objet de critiques qui auraient pu être évitées s'il y avait eu une publication.

J'ai contribué personnellement à cette démarche tout au long du processus, qui a duré plus de deux ans pour les deux volets: le dénombrement et l'enquête de santé. J'ai vendu le bien-fondé de cette démarche, j'ai veillé à ce que la réalité de Québec soit prise en compte de façon adéquate, j'ai travaillé fort pour que les groupes de Québec adhèrent au processus. À l'époque, je peux vous dire que les organismes se sont sentis lésés et spoliés du fait de la non-publication des chiffres, de leurs chiffres. Il y a bien eu une petite conférence de presse avec quelques feuilles brochées. Les données sont sorties n'importe comment dans la presse et nous avons dû vivre avec cet unique type de publication.

Alors, le dénombrement, pour ceux qui ne l'auraient jamais vu en vrai, c'est ça, ici. Alors, ça n'a pas été publié. C'est un petit broché.

Le Président (M. Kelley): Si vous avez une copie, on peut donner ça aux membres de la commission.

Mme Morin (Diane): D'accord. Oui. Je vais vous faire un don.

Le Président (M. Kelley): Oui. Ce n'est pas nécessairement tout de suite.

Mme Morin (Diane): Alors, la fondation ou le fonds...

Le Président (M. Kelley): On peut faire une photocopie et vous donner l'original.

Mme Morin (Diane): Je le souligne parce que...

Le Président (M. Kelley): Alors, c'est un prêt plutôt qu'un don.

n(16 h 50)n

Mme Morin (Diane): Pardon. Je le souligne parce que, moi, j'ai dû, à plusieurs reprises, expliquer les chiffres pour Québec, pour Montréal, les comparaisons, etc. Et, quand ce n'est pas publié, c'est difficile à défendre. La méthodologie est complexe. Et si, moi, j'ai à vous expliquer des chiffres aujourd'hui, je vais vous perdre, et vous allez avoir toutes les raisons du monde de ne pas me croire en ce que je dis, O.K.?

Mais je peux vous dire que le travail a été fait. Il a été quand même bien fait. C'était difficile à faire. Il y avait, sur le comité d'orientation... j'ai compté aujourd'hui le nombre de personnes qu'il y avait, il y avait 29 personnes, de Québec et de Montréal, qui ont siégé là-dessus pour surveiller pour que ce dénombrement-là soit bien fait et, ensuite, l'enquête de santé.

Moi, ça me fait mal au coeur quand j'entends dire qu'on ne sait pas comment qu'il y en a ou qu'on ne le savait pas, voir les chiffres. J'ai beaucoup de difficultés avec ça. Parce que, le boulot, il a été fait. Alors, j'ai vu que, dans votre document de consultation, lorsqu'il est question des chiffres, ce qui est cité, c'est l'enquête de santé. Or, ce n'est pas le dénombrement. Or, c'est une mauvaise citation qui est faite dans votre document de consultation. Par contre, j'ai vu que, dans le cadre de référence du ministère, on cite le bon document, mais parce qu'ils l'ont, le document. Ils ont même la disquette du document. Mais ça, ça n'a pas circulé.

Alors, moi, pour moi, j'en fais une condition pour l'avenir. S'il y a un dénombrement, il faut absolument qu'il y ait une publication qui suit le dénombrement. Si le dénombrement est aussi couplé avec d'autres objets de recherche, et que ça peut être difficile de les publier en même temps, alors il faudra qu'il y ait deux publications, mais qu'il y en ait une pour le dénombrement. Je pense que vous m'avez comprise sur cette question de dénombrement.

Donc, je vais revenir un peu à... À la fin des années quatre-vingt-dix, quand il a été question d'un dénombrement pour les villes de Québec et de Montréal, alors le but, là, c'était de produire une enquête de santé. C'était très important à ce moment-là de savoir dans quel état de santé étaient, là, les personnes qui fréquentent les lieux, là, pour les personnes itinérantes, celles qui dorment dehors, etc., les autres, connaître leur état de santé. Alors, pour ce faire, il devait y avoir un dénombrement et pour pouvoir procéder à un échantillonnage, là, qui était valide du point de vue statistique.

Mais les dénombrements, on le sait, ça intéresse toujours les planificateurs, et ça se comprend. Mais ça aussi, ça intéressait aussi les organismes communautaires, et particulièrement ceux de Québec, qui n'avaient pas eu un premier dénombrement, à Montréal. Ils l'avaient eu à la faveur de l'Année internationale des sans-abri, en 1988. Alors, il y avait eu un dénombrement qui avait été effectué, mais Québec ne l'avait pas eu. Alors, à ce moment-là, nous voulions, nous aussi, pouvoir compter, pouvoir asseoir les demandes que nous formulions ou les besoins que nous exprimions sur des chiffres.

Je suis arrivée, moi, à la Table de concertation sur l'itinérance de Québec, et, même parmi les membres de cette table, on disait qu'il n'y avait pas d'itinérants à Québec. Or, c'est quand même une réalité qui est difficile à faire reconnaître.

Alors, nous, ça nous fera plaisir, L'Archipel d'entraide, avec nos huit lits de dépannage, de contribuer à un tel dénombrement, s'il y en a un. Et en autant, là, que l'on puisse pouvoir comparer, là, les variables d'une ville à une autre et d'une année à l'autre, là, alors les variables usuelles, là, concernant les années de recensement, l'âge, le sexe, les définitions variées de la clientèle pour couvrir les différents statuts résidentiels. La démarche devra inclure dans le processus des représentants du communautaire, être respectueuse des organismes enquêtés de toutes les régions, être soumise à des règles éthiques et donner lieu à une publication en bonne et due forme. Alors, c'était notre point, ça, sur l'ampleur du phénomène.

Si vous avez des questions sur ça, je pourrai revenir, mais, comme j'avais participé à ces travaux-là, je savais comment les chiffres pouvaient parler. Alors, le dénombrement était sur l'année entière, donc on avait les chiffres de combien il y avait d'itinérants à chaque jour de l'année 1996, entre 1996, 1997, alors on avait un chiffre maximal et un chiffre minimal. Et le chiffre maximal à ce moment-là était le 90. 90, c'était le nombre le plus haut qu'il y avait de personnes hébergées dans une seule journée. Alors, ce n'était pas difficile après, dans les années subséquentes, quand on sentait qu'on était proches du débordement ou qu'on sentait, là, que c'était... on vivait le pic de l'année, de faire un ensemble d'appels aux refuges et aux lieux d'hébergement pour additionner le nombre de personnes. Alors, je peux vous dire qu'à chaque fois que j'ai refait l'exercice ça a toujours été plus élevé.

Le Président (M. Kelley): Juste pour vous informer, Mme Morin, vous avez utilisé 15 minutes.

Mme Morin (Diane): C'est bon.

Le Président (M. Kelley): Vous pouvez continuer, mais vous êtes en train maintenant d'amputer le temps pour l'échange avec les membres de la commission.

Mme Morin (Diane): D'accord, d'accord.

Le Président (M. Kelley): Alors, je vous invite de gérer le temps, mais, si vous arrivez à une conclusion, s'il vous plaît.

Mme Morin (Diane): D'accord. Alors, concernant les questions d'itinérance chronique, qu'on voyait que c'était un point qui était soulevé, là, dans le document de consultation, et par rapport aussi au manque de services et les mesures à consolider ou à développer, alors, nous, par le travail que l'on fait de suivi auprès d'une clientèle qui est multiproblématique, on a pu observer qu'il y a des manques. Et là, c'est des choses que vous avez déjà dû entendre. Nous, on trouve que les psychiatres ne sont pas suffisamment proches de nos réalités. On a beaucoup d'estime pour le Dr Marie-Carmen Plante, à Montréal, qui fait un boulot en arrimage, là, avec les équipes, là, sur le terrain et les organismes communautaires. On aimerait beaucoup, beaucoup ? en tout cas, je peux parler pour plusieurs de mes collègues à Québec ? pouvoir compter sur un psychiatre de cette nature, et j'espère même qu'à Montréal elle aura de la relève.

D'autre part, au niveau toujours de la clientèle qui est plus difficile, qui cumule les problèmes de santé mentale et de toxicomanie et qui sont réfractaires, là, qui ont des problèmes de comportement aussi, alors on note un manque au niveau des hébergements d'urgence. Alors, c'est une clientèle... Nous, c'est notre boulot, là, de relocaliser des gens, et cette clientèle-là est très difficile à relocaliser, là. Trouver un hébergement, là, ce soir pour quelqu'un, là, qui présente ce type de problèmes là, c'est très difficile, et à Québec on compte beaucoup sur ? bien, aussi parce que nous l'avons développé, là; sur ? des hébergements privés pour le faire. Et ça a des limites, ça. Le privé a des limites, là, à accueillir les gens qui ont autant de problèmes, d'autant plus qu'avec la crise du logement maintenant les propriétaires privés ont plus le choix, alors c'est plus difficile. Alors, je pense qu'il y a du travail à faire de ce côté-là. Bien sûr, nous appuyons, là, les revendications au niveau du logement social avec du soutien communautaire. C'est important, là, de développer ces volets-là.

Par ailleurs, nous avons observé depuis quelques années, là, une clientèle qui est en train de poindre. C'est une clientèle qui est vieillissante, et, parce qu'elle est vieillissante et parce qu'elle a un mode de vie qui est difficile, elle a des problèmes de santé chroniques, beaucoup de problèmes. C'est une clientèle qui est difficile, là, à assurer, là, des soins à domicile parce que, bon, ce ne sont pas des gens qui demeurent longtemps au même endroit ou qui vont en refuge, etc. Alors, faire le lien, là, avec les services à domicile, c'est plus difficile. Alors, chez nous, à L'Archipel, cette clientèle-là est en augmentation de 40 % en trois ans. Alors, tous les 45 ans et plus, et même les 55 ans et plus, sont en augmentation, là, de 40 à 41. À la page 7, je donne le chiffre dans le troisième paragraphe, et j'ai fait une inversion, ce n'est pas 14 %, là, en chiffre absolu, mais 41 %.

Nous avions un point sur la prévention, mais je passerai rapidement là-dessus. C'était surtout pour rappeler que la prévention, ce n'est pas seulement qu'une affaire de jeunes. Et en tout cas, au niveau de l'itinérance, on peut aller très loin du côté de la prévention, parce qu'on peut faire tous les autres programmes, puis ça va tout le temps, tout le temps aider à quelque part pour l'itinérance. Mais on voulait rappeler que, quand on travaille au niveau des facteurs précipitants, on risque vraiment d'avoir un impact.

Et puis, pour ce qui est de la question de la politique en itinérance, de l'intersectorialité et de la récurrence, c'est des points, là, que nous avons développés aussi dans notre document. Il va de soi, là, qu'il faut travailler en intersectorialité pour pouvoir développer des programmes, pour pouvoir aider des personnes concrètement au jour le jour. Et ce n'est pas à nous, les intervenants, là, d'asseoir un ministère avec un autre ministère. Là-dessus, on compte sur vous, là, pour le faire. En 1993, quand, moi, je suis arrivée à la Table de concertation sur l'itinérance, il y avait un protocole interministériel sur l'itinérance au Québec, auquel on a répondu; on a fait nos recommandations; ça fait de cela 14 ans. Et, bon, c'est encore un sujet actuel.

Le Président (M. Kelley): On arrive maintenant à 20 minutes, alors il reste vraiment 20 minutes d'échange. Alors, je vous invite à conclure.

n(17 heures)n

Mme Morin (Diane): Alors, bien pour conclure, c'est certain que la récurrence, elle est nécessaire au niveau de nos organisations, un financement qui est récurrent quand il faut... Nous, avec le journal La Quête, entre autres, nous avons seulement 30 % de financement... 33 % qui vient de l'État, et ce n'est même pas un financement qui est récurrent. Alors, c'est une roue qui est continuellement à refaire ? continuellement. Ça nous empêche de développer notre outil qui est un outil de réinsertion. Alors, en tout cas, on vous souhaite d'aller dans ce sens-là.

J'avais un point qui était sur la pandémie. Je ne sais pas si vous avez su qu'aujourd'hui le Dr David Nabarro, qui est le coordonnateur des plans de lutte contre la grippe aviaire et de la pandémie au niveau de l'ONU, a fait une mise en garde à la communauté internationale, que tous les plans de lutte, qui ont été préparés dans tous les pays, risquent de s'avérer nuls parce qu'ils n'ont pas été suffisamment testés. Alors, je sais qu'il y a des efforts qui ont quand même été importants qui ont été faits depuis trois ans en ce sens, sauf que ça n'a pas suffisamment débordé de la sphère stricte de santé et services sociaux. Nous sommes des partenaires très proches de santé et services sociaux. Nous venons en aide à une clientèle qui est sans domicile fixe. Alors, quand on voit que tous les plans sont prévus pour des gens qui vont recevoir des services à domicile, avec des lignes Info-Social, Info-Santé, 8-1-1 , alors il faut avoir le téléphone, il faut avoir un domicile, il faut arrêter de se promener tout partout. Alors, quand on est un itinérant, on couche dans des refuges, on fait la file pour aller manger à la soupe populaire, on va dans des parcs, on se lave dans des lavabos de Dunkin' Donuts.

Alors, vraiment, là, il y a du travail à faire là-dessus et ce n'est pas... En tout cas, mes collègues... Moi, j'essaie, là, de travailler avec mes collègues là-dessus, mais la marche est tellement haute, on a vraiment besoin d'aide, ne serait-ce que pour avoir des masques N-95 qui sont adaptés. Écoutez, là, je veux dire, même pour élaborer ces fameux plans là, on s'achemine vers une faillite, nous autres; on va fermer boutique s'il y a une pandémie, personne ne veut mourir, là.

Alors, sur toutes ces questions, je vous laisse, je vous ai ouvert beaucoup de portes. Je suis prête à vous entendre et à répondre à vos questions.

Le Président (M. Kelley): Enfin, merci beaucoup, Mme Morin, et on va avoir trois blocs très rapides de questions pour... Il nous reste environ 15, 16 minutes, alors trois fois cinq, plus ou moins. Alors, Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Bon. Alors, merci beaucoup de votre présentation, merci de votre patience, comme on l'a mentionné tout à l'heure. Mme Morin, j'aurais deux petites questions. La première, vous faites mention, à la page 1, de vos lits de dépannage qui sont en lien avec les urgences et les départements de psychiatrie. Est-ce que vous travaillez avec les équipes d'intervention, là, au CHUL et à l'Enfant-Jésus? Est-ce que ces lits-là sont directement dédiés à ce service-là qui est présent à l'urgence?

Mme Morin (Diane): Il en a été question ce matin, oui, par le CSSS de la Vieille-Capitale. Alors, c'est au moment où il y a eu un transfert de lits entre l'Hôtel-Dieu et Saint-Sacrement. Alors, l'Hôtel-Dieu, c'est l'hôpital à Québec qui est le plus central, là, où il y avait historiquement plusieurs personnes, là, qui sont itinérantes qui vont là, à l'urgence. Et le transfert des lits, il y a des questionnements et, entre autres, l'agence a demandé de regarder ça, s'il y aurait des problématiques au niveau des itinérants. Et ce qui a été convenu, c'est qu'il y avait un besoin, là, d'avoir des lits de dépannage et des lits d'orientation, alors deux types de lit, six lits en tout. Nous, nous en avons quatre qui sont de type dépannage, un autre organisme en a deux de type orientation. Et il a été aussi convenu que ces lits-là n'étaient pas seulement disponibles pour la clientèle qui se présentait à l'Hôtel-Dieu, parce que, là, ça créait un non-sens. Ce n'était pas utile, là, de dire à quelqu'un qui en aurait eu besoin à L'Enfant-Jésus: Bien, viens te présenter à l'Hôtel-Dieu, puis, à ce moment-là, on t'ouvrira le lit à ce moment-là. Donc, effectivement, nous recevons des demandes de l'Enfant-Jésus, de l'Hôtel-Dieu, de Saint-Sacrement, du CHUL aussi de Saint-François d'Assise.

Mme Gaudreault: Est-ce que ce nombre de lits là est suffisant ou si vous devez refuser régulièrement des...

Mme Morin (Diane): En fait, ils ne sont pas... Ça a besoin d'être renforcé, ces lits-là, dans le sens... Je pense qu'il y aurait eu besoin de plus de lits d'orientation que de lits de dépannage. Comme les lits d'orientation, il y en a seulement que deux, ils sont continuellement remplis; ils sont obligés... La clientèle qui a besoin vient au niveau du dépannage, mais alors là ils sont trop lourds pour un dépannage; et, comme, nous, nous le faisons dans le privé, c'est difficile.

Mme Gaudreault: Une autre petite question, vous avez vraiment piqué ma curiosité quand vous avez parlé des plans d'urgence. C'est important d'inclure les personnes qui sont itinérantes. Et est-ce qu'il y a des initiatives qui ont été amorcées avec la Santé publique? Où en êtes-vous par rapport... À mon avis, c'est très important, ça, ces initiatives-là.

Mme Morin (Diane): À la table de concertation, j'ai amené ces points-là, et on a un groupe de travail. Mais nous avons... Je vais être franche avec vous, ce que nous avons besoin, là, actuellement, là, c'est que le mot d'ordre soit donné pour la préparation, un mot d'ordre qui viendrait du gouvernement, par exemple, pour que tout le monde se prépare, alors pas seulement...

Écoutez, si on va sur les sites de pandémie, là, ce qu'on peut lire, là, c'est que les points, là, qui sont actuels, ce que les gens peuvent, hein... Qu'est-ce que vous pouvez faire, là, pour vous préparer à la pandémie? Bien, ça va être de vous laver les mains. Moi, je veux bien, là, qu'on se lave mains puis qu'on sorte des dépliants, là, à nos usagers sur le lavage des mains puis l'étiquette respiratoire, mais on sait bien, là, qu'on n'ira pas loin avec ça, là. Alors, ce n'est pas une question de faire peur aux gens, mais on a besoin...

Mais, en tout cas, pour moi, ça m'apparaît évident que les refuges, les soupes populaires, les organismes qui viennent en aide, là, qui font du suivi, on a besoin de s'asseoir ensemble pour dire: Si la pandémie se déclare, est-ce que, bon, chez vous, dans votre refuge, vous allez garder les gens pendant toute la journée ou si vous allez continuer de les laisser aller le matin, pour qu'ils aillent dîner ailleurs, pour qu'ils reviennent dans un autre lieu? Ensuite, ceux qui font du suivi comme, nous, nous le faisons, alors nous, on rentre dans des maisons de chambres, là, hein, vers les gens qui sont des chambreurs, qui n'ont pas suffisamment d'argent pour manger tout le mois, ils vont dans des soupes populaires, alors ils partagent des salles de bain avec tout l'étage.

Écoutez, je ne sais pas comment on va pouvoir faire, là, pour gérer ça, mais il va falloir y penser. Les soupes populaires, est-ce qu'il va falloir qu'elles préparent des lunchs qui vont être donnés à la porte plutôt que de rentrer, que les gens rentrent, mettent un masque, fassent une file, ceux qui toussent, et que ceux qui ne toussent pas ne fassent pas la file? Je ne le sais pas, mais il va falloir y penser, à ça, comment on va fonctionner.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci, M. le Président. Merci, Mme Morin, pour la présentation de votre mémoire. Comme vous l'avez mentionné, ce matin, le centre de santé et services sociaux a présenté également leur mémoire. Et, dans le vôtre, et je tiens quand même à le citer: «L'Archipel d'entraide est à même de constater des lacunes importantes dans l'offre de services. Une lacune qui perdure depuis très longtemps est le manque de services professionnels et de soins pour les personnes réfractaires présentant des troubles de santé mentale...»

Je n'avais pas l'impression, ce matin, d'entendre le même discours de la part du centre de santé et services sociaux lorsque je leur ai posé personnellement la question.

n(17 h 10)n

Mme Morin (Diane): Mais, moi, je pense qu'ils seraient à côté de moi puis qu'ils diraient la même chose que moi, parce qu'on est assis ailleurs ensemble et, tout le monde, on trouve qu'on n'a pas suffisamment d'aide de la part des psychiatres. Alors, c'est parce qu'ils font du bon travail, là, les psychiatres, mais, quand ils sont dans des hôpitaux et qu'il faut leur amener une clientèle pour qu'ils la voient 15 minutes, nos clients à nous, là, ils vont être capables de se conformer pendant 15 minutes. Mais, nous, on le voit, là, toute la désorganisation qui se passe, là, à longueur de semaine, à longueur de mois, à longueur d'année, on le voit, là, qu'une personne, elle marche nu-pieds dans la rue ou bien une autre accumule des déchets chez elle, mais, rendue dans le bureau, là, ça ne paraît pas nécessairement, là.

Alors, c'est un peu, là, le principe, là, d'avoir... Et aussi, parce que, quand il y a la double problématique toxicomanie et santé mentale, alors on sait, là... Je pense que ça fait suffisamment longtemps, là, que vous siégez sur cette commission-là pour savoir que, si quelqu'un a les deux problèmes, bien est-ce que c'est vraiment de la santé mentale ou si c'est son problème de toxicomanie? Alors là, si ce n'est pas ça, ça doit être l'autre qui doit le desservir, etc. Alors, c'est très difficile, oui.

M. Dorion: O.K. Mais, vous qui êtes une personne relativement très impliquée...

Mme Morin (Diane): Oui.

M. Dorion: ...et on parle de santé mentale ? je veux dire, moi, là, je ne suis pas médecin ? mais je sais très bien qu'une personne n'est pas apte nécessairement, si on parle de problèmes de santé mentale puis que la personne est schizophrène, bien je ne peux pas lui dire: Va suivre ta thérapie. Parce que, je veux dire, avec les hallucinations, avec tous les effets que peut apporter son problème de santé mentale, cette personne-là ne sera pas apte à aller régler son problème au niveau de l'alcoolisme, de la toxicomanie, pour, par la suite, aller régler son problème de santé mentale. Je veux dire, cette logique-là, je veux dire, le médecin doit en être conscient.

Mme Morin (Diane): Oui, mais, sauf que, dans les programmations, là...

M. Dorion: Et les gens persistent à se lancer la balle. Dans le fond, théoriquement la problématique qui est soutenue ? et je vous pose la question à vous qui travaillez dans le milieu ? c'est une clientèle que personne ne veut toucher, parce que...

Mme Morin (Diane): Il y a du chemin de fait. Je veux dire, moi, je suis là depuis 15 ans, il y a du chemin qui se fait.

M. Dorion: Et je ne parle pas des organismes communautaires, je vous parle...

Mme Morin (Diane): Oh, non! mais il y a du chemin aussi qui se fait à d'autres niveaux, mais c'est lent, ce n'est pas toujours aussi vite qu'on voudrait. Mais je pense qu'un des éléments, en tout cas, que, moi, j'aimerais bien voir, que d'autres de mes collègues aussi, c'est au niveau de la psychiatrie. Et puis, là, d'une réforme à l'autre, là, on réforme des structures, là, à ce niveau-là, mais ils n'ont jamais le temps, là, d'écouter nos choses, là. Je veux dire, j'ai siégé, là, encore là, un an et demi sur des comités, là, à plusieurs niveaux, puis ce n'est jamais le temps de parler de ça, là.

M. Dorion: Mais on s'entend que ce que nous avons entendu depuis le début de la commission, c'est que malheureusement, au bout de la ligne, c'est toujours les gens qui virent dans le système, là, qui tournent dans le système parce qu'on ne les prend pas en charge, ces personnes-là, puis que le communautaire, de ceux qui oeuvrent dans différentes missions, que ce soit de l'hébergement, que ce soit de l'accompagnement, que ce soit du sport... On a entendu des organismes communautaires nous dire: On est obligés de se battre, nous, quand on accompagne quelqu'un à l'hôpital, parce qu'ils veulent le ressortir aussitôt entré. Tu sais, ce n'est pas...

Mme Morin (Diane): Vous voulez me le faire dire? Mais, oui, oui, ce que vous décrivez, ça a plein de sens.

M. Dorion: O.K.

Le Président (M. Kelley): ...

M. Dorion: Merci, M. le Président. J'aimerais aussi que vous me parliez de ce que vous avez fait comme travail au niveau du dénombrement, parce que... Et là, je cite vos paroles, vous avez clairement dit: Bien, on ne me croira pas, on va me... Tu sais, je vais passer pour une menteuse, pour une...

Mme Morin (Diane): O.K.

M. Dorion: Et là, je n'ai pas tout retenu, mais, je veux dire, j'ai... C'est parce que je viens de l'avoir, malheureusement, là, j'aurais bien aimé en faire toute la lecture, là. Mais, je veux dire, c'est un exercice qui avait été fait, je veux dire, de façon relativement professionnelle et avec un suivi rigoureux pour aller... Pourquoi ça n'a pas été... Pourquoi ça n'a pas été retenu? Comment ça qu'on a mis ça à l'écart? Je veux dire, on en avait un certain portrait.

Mme Morin (Diane): Moi, je ne suis pas capable de vous dire pourquoi. Mais pourquoi que ça a été fait? C'est que ça sert bien sûr de base pour faire l'échantillonnage pour l'enquête de santé, et c'est sûr que c'est utile pour les planificateurs. Est-ce que c'est utile qu'il soit publié pour les planificateurs? Je ne crois pas. Je crois que c'est plus intéressant peut-être pour le planificateur de pouvoir être sûr que, bon, oui, il a la bonne statistique pour tel élément, puis, quand il fait untel document, il est capable d'asseoir ses données. Mais, quand c'est pour faire une conférence de presse devant les médias, de dire qu'à Québec il y a 3 000... je ne sais pas moi, 3 500 ? c'était combien, là? ? 3 586 personnes itinérantes sur la base d'une année, alors le chiffre est gros. Comment que vous comptez ça? C'est ça, là, qui est difficile, là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre intéressante présentation. On a beaucoup parlé de dénombrement depuis le début, mais la majorité des intervenants nous disaient: Écoutez, il ne faudrait pas qu'on passe trop de temps à s'occuper de dénombrement, il faudrait qu'on passe plutôt à l'action. Alors, je ne sais pas, là, il semble que ça a été quelque chose de très, très lourd, hein, ce que vous avez fait, là, d'un comité à l'autre, pour ce premier dénombrement que vous aviez fait.

Mme Morin (Diane): Ça a été fait, là, par Mme Louise Fournier avec toute une équipe sous l'égide de l'Institut de santé publique. Ce qui est difficile, c'est de s'entendre sur qu'est-ce qui va être significatif pour aller chercher... On compte quelles ressources, combien de lits? Par exemple, combien de lits, à l'Armée du salut, sont consacrés au dépannage temporaire? Les autres sont plutôt des lits de réinsertion, pour tout calibrer ça. Or, c'est ce genre de questions là qui sont difficiles. Ce qui est difficile, c'est aussi de ne pas compter deux fois la même personne.

Maintenant, moi, je ne comprends pas, moi, que les gens ne veulent pas... que les gens veulent plus ou moins de dénombrement. Je sais qu'à l'autre bout ce que ça veut dire, c'est qu'il va y avoir un portrait; il va y avoir un portrait, et tout le monde devra se regarder dans le portrait. Il y a tant de pourcentage de tel type et tant de pourcentage de tel autre type, et c'est partagé entre telle ville, telle ville, etc.

Mme Lapointe (Crémazie): En fait, c'est important à mon sens qu'on sache où on en est, quelle est la situation. Partout au Québec, on nous a dit que c'était en forte hausse. Je pense que, tu sais, ça prendrait quelque chose, ça prendrait des chiffres, en fin de compte, pour qu'on soit capables d'agir, qu'on connaisse bien les clientèles. Vous parlez d'une augmentation de la clientèle itinérante vieillissante et vous vous inquiétez du manque de ressources pour ces personnes-là qui ont des problématiques peut-être différentes des jeunes personnes itinérantes.

Mme Morin (Diane): Beaucoup de problèmes de santé qui apparaissent à cause du mode de vie, alors des problèmes de santé chroniques.

Mme Lapointe (Crémazie): Et, moi, je suis un peu surprise des chiffres qu'on nous a transmis dans le mémoire qui va être présenté demain par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, où selon eux il y aurait, au mois de juillet 2008, à travers tous le Québec, 2 287 personnes qui sont prestataires et donc qui sont en situation d'itinérance. Ça me semble bien étonnant, quand on évalue à environ 30 000 à Montréal et à 10 000 à Québec, même si on n'a pas un dénombrement.

Est-ce que les personnes qui viennent vous voir... Quelle proportion reçoit un chèque, a un chèque d'aide sociale, un chèque de dernier recours?

Mme Morin (Diane): Au moins 80 %.

Mme Lapointe (Crémazie): Au moins 80 %.

Mme Morin (Diane): Au moins 80 %, oui.

Mme Lapointe (Crémazie): Alors, on aura des questions aussi pour le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale demain.

Mme Morin (Diane): Si j'ai encore deux petites minutes, juste sur votre élément...

Mme Lapointe (Crémazie): Oui.

Le Président (M. Kelley): Peut-être en conclusion, une minute et demie.

Mme Morin (Diane): Une minute et demie. Alors, en 1996, la journée où il y avait eu le plus de personnes hébergées, là, dans les refuges, c'était 90; et on a atteint 231 lors de... et là, ce n'est même pas moi qui les ai comptées, alors ça s'est fait sous l'égide de la Direction de santé publique et du Département de médecine familiale de l'Université Laval; alors, il y en avait 231. Et ce n'était même pas en période de pointe, ça se passait au printemps. Alors, on risque d'avoir des surprises, là, en refaisant un dénombrement.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Morin. On a bien compris votre intérêt à avoir des chiffres qui sont fiables, alors c'est bien noté. Je vais suspendre quelques instants. Et j'invite les représentants de YWCA de Québec de prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 19)

(Reprise à 17 h 20)

Le Président (M. Kelley): Nous allons continuer notre échange. Premièrement, aux représentants du YWCA du Québec, nos excuses d'être un petit peu en retard sur notre horaire, mais c'est les choses qu'on ne peut pas contrôler. Parfois, l'horaire parlementaire a son propre rythme. Mais, sans plus tarder, je vais céder la parole à la directrice générale, Mme Ginette Defoy.

YWCA de Québec

Mme Defoy (Ginette G.): Bonjour, M. le Président. Merci de nous accueillir. Je ne prendrai pas beaucoup de temps dans cet échange. Je vais céder la parole à mon tour à Mélanie Sanschagrin, qui est la coordonnatrice des services sociaux chez nous. C'est elle, la spécialiste sur le terrain. Donc, on a convenu, elle et moi, que c'était elle qui vous présenterait notre mémoire, nos recommandations et qui répondrait à vos questions.

Le Président (M. Kelley): Merci. Mme Sanschagrin.

Mme Sanschagrin (Mélanie): Donc, je vous rassure, je ne vous ferai pas la lecture du mémoire, mais par contre je pense que c'est important que je vous ramène certains points dont j'ai fait mention dans l'écriture.

Donc, la YWCA de Québec, c'est un organisme sans but lucratif membre d'un réseau national de grande réputation qui compte sur l'action bénévole et le soutien financier de la collectivité pour poursuivre sa mission. Donc, depuis 133 ans, la YWCA de Québec a choisi de placer la situation des femmes au coeur de ses préoccupations en maintenant des services d'hébergement pour des femmes vivant une difficulté. Grâce à des services d'accueil, d'aide et de soutien, par le biais d'une centaine de cours et une multitude d'activités de ressourcement et de socialisation, la YWCA de Québec fait en sorte que chaque femme qui franchit ses portes y trouve une réponse à ses besoins en repartant grandie.

Donc, forte de sa longue expérience en hébergement social et dans le but de soutenir la réorganisation des femmes en difficulté, la YWCA de Québec a créé, en 2002, le programme La Grande Marelle, qui est un programme de réinsertion sociale pour femmes itinérantes. Donc, La Grande Marelle vise à accueillir les femmes qui veulent briser leur vie d'errance. Elles n'ont pas de logement stable et, quand elles en trouvent un, elles ont de la difficulté à le garder. Plusieurs de ces femmes ont vécu des situations bouleversantes, traumatisantes, qui ont causé des ruptures successives dans leur vie familiale, professionnelle et sociale. Elles rejoignent La Grande Marelle pour s'en sortir, pour être capables de fonctionner à nouveau en société.

À leur arrivée, chaque participante doit élaborer son projet personnel de séjour. Elle détermine les éléments qu'elle désire travailler, les traduit en objectifs vraiment qui sont réalisables puis en buts à atteindre. Donc, afin de cheminer à travers ces objectifs, les participantes ont accès à une rencontre hebdomadaire avec une intervenante sociale, à des activités collectives: on parle de cuisine collective, d'ateliers de développement personnel. Donc, tout ça, c'est dans le but d'enrichir... leur enrichissement personnel et aussi pour les aider au niveau de leur confiance en elles, leur estime de soi et la confiance qu'elles ont en leurs capacités.

De plus, les femmes qui habitent chez nous s'impliquent dans des travaux collectifs et ont une vie active au sein de notre organisme. Les activités bénévoles font partie intégrante du programme de réinsertion. Le bénévolat permet aux participantes de prendre conscience de leur utilité sociale en consacrant leur temps et leurs efforts à rendre à la communauté une partie de ce qu'elles ont reçu. Elles développent aussi le sentiment d'appartenance à des organismes à vocation communautaire. Il s'agit pour elles d'une excellente façon de renforcer leur réseau social et d'acquérir de nouvelles compétences.

Donc, au niveau de l'itinérance des femmes, l'itinérance des femmes est très mal connue parce qu'elle est cachée. La majorité des femmes nient qu'elles vivent dans la rue. Elles vont avoir tendance à cacher leur situation d'itinérance en demeurant temporairement chez des amis, avec des membres de leur famille ou dans des ressources d'hébergement, comme des organismes communautaires. De cette façon-là, bien elles utilisent leur débrouillardise pour être sûres de ne pas se retrouver à la rue. Il y a aussi certaines femmes qui vont vivre en colocation ou qui vont loger dans une famille où elles subissent la violence pour ne pas se ramasser à la rue. Donc, la femme, elle a un toit pour dormir, mais pourtant elle vit bel et bien l'itinérance parce qu'elle n'a pas son domicile à elle; et elle n'a aucune stabilité au niveau de son logement.

Donc, en 2007-2008, on a reçu 849 demandes d'hébergement, à la YWCA, contre 743 l'année précédente. C'est une hausse de 14 % chez nous. On a été en mesure d'accueillir 23 % de ces femmes-là, c'est-à-dire 194 femmes sur 849. Avec ces femmes-là, il y avait 31 enfants qu'on a hébergés avec leur mère. Au total, on a offert 14 636 nuitées l'année dernière. En une année, on a eu à refuser l'hébergement à 655 femmes, dans certains cas parce que nos services étaient déjà à pleine capacité, dans d'autres cas parce qu'on n'avait pas les moyens, en temps de ressources humaines, d'encadrer les femmes, parce qu'elles avaient soit des problèmes de consommation ou des problèmes de santé mentale qui étaient trop lourds à gérer, étant donné qu'on n'a pas les moyens de maintenir une équipe 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Donc, il y a des périodes ou, chez nous, il n'y a pas d'intervenante présente pour l'écoute des femmes.

Donc, l'itinérance des femmes, ça devient encore plus difficile à accepter quand ces femmes sont aussi des mères. Donc, leur vie d'errance est alors partagée par leurs enfants. C'est la réalité pour 18 % des femmes qu'on a hébergées chez nous. Au sein de cette population mal entendue se retrouvent donc des mères qui ont besoin d'un hébergement d'urgence et qui, si elles ne sont pas victimes de violence conjugale, font face à bien peu de solutions. Le fait d'être à la rue avec des enfants est une situation d'itinérance aggravée parce qu'exclusivement féminine.

Donc, on a observé la nécessité d'offrir des services de postréinsertion afin d'accompagner les femmes dans leur nouvelle vie et de prévenir le retour dans les anciennes habitudes toxiques. L'encadrement et le suivi suite à une réinsertion favorisent le maintien des acquis et améliorent les chances de la femme de poursuivre sa réinsertion. Nous croyons à la nécessité d'offrir un encadrement posthébergement ou postréinsertion et de développer des logements de transition avec du soutien communautaire afin de travailler à long terme avec les femmes plutôt que sur une courte durée. Nous sommes convaincues que ces dernières bénéficieraient davantage de rencontres individuelles soit dans nos locaux, soit dans leur nouveau lieu de résidence, pour faciliter la transition et l'adaptation à la nouvelle vie qu'elles vivent. Malheureusement, il nous est impossible d'offrir ce service étant donné la charge importante que représente déjà l'accompagnement des femmes présentes à La Grande Marelle pour l'équipe d'intervention qui est déjà en place. Nous sommes incapables de maintenir des liens à plus long terme avec notre clientèle, ce qui rend impossible de connaître le taux de maintien des acquis dans le temps. Malgré tout, nous tentons tant bien que mal de conserver un service d'écoute et de soutien téléphonique pour les anciennes participantes au programme. De plus, pour mesurer les effets de la prévention et de la réinsertion et ainsi mieux voir le résultat, il nous faudrait garder un lien à long terme avec la clientèle par le biais de services postréinsertion. Aussi, un éventuel financement pourrait permettre l'analyse qualitative des programmes déjà en fonction.

Donc, les problèmes qui sont liés à la non-récurrence du financement. Présentement, les organismes communautaires utilisent une grande partie de leur temps à la recherche de financement, délaissant par le fait même le développement des programmes. La rareté de la main-d'oeuvre, la difficulté à maintenir en poste du personnel qui prend de l'expérience dans nos milieux, pour quitter ensuite vers le réseau public de la santé, l'impossibilité d'assurer une supervision et un encadrement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 auprès des résidentes, la précarité des emplois, qui provoque de l'insécurité chez les employés, sont autant de facteurs qui nous empêchent de faire évoluer nos programmes et de nous assurer que le service que nous offrons est adéquat et actualisé. Le roulement élevé au niveau des ressources humaines crée de l'insécurité auprès des résidentes, qui doivent à nouveau s'ouvrir à une nouvelle personne et lui faire confiance. Donc, à chaque fois qu'il y a une nouvelle intervenante qui arrive, on demande à la femme de recommencer, ouvrir sur son bagage et sur le parcours qu'elle a eu. Et, pour elle, bien ça crée de l'instabilité. Donc, les impacts sont majeurs sur le parcours des femmes, qui pourraient probablement cheminer plus rapidement si nous étions en mesure de leur proposer un environnement plus propice.

n(17 h 30)n

Nous croyons qu'il est nécessaire de travailler au niveau de la prévention et de développer un continuum de services. Pour ce, il faut prendre des exemples sur des initiatives communautaires qui ont fait leurs preuves. Donc, la YWCA Québec croit que, pour travailler efficacement à diminuer le phénomène de l'itinérance, il est nécessaire d'adopter une politique gouvernementale en ce sens. À l'image des politiques successives en matière de condition féminine, qui ont grandement amélioré les conditions de vie des femmes, une telle politique protégera les hommes et les femmes les plus démunis des changements dans les orientations politiques, souvent associés aux changements de parti au pouvoir. En ce sens, nous appuyons les revendications portées par le Réseau Solidarité Itinérance du Québec dans le cadre de sa plateforme de revendication Pour une politique en itinérance.

Donc, c'est ce qui conclut ma présentation. Je suis ouverte à vos questions.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Sanschagrin. Je suis prêt maintenant à céder la parole à ma collègue la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Bon, alors, merci beaucoup. Bienvenue. Depuis le début des travaux de cette commission, on a parlé de l'itinérance au féminin comme étant une problématique particulière, et surtout lorsqu'on parle d'enfants qui sont aussi aux prises avec... qui sont un peu dans cette spirale avec leur mère. J'ai deux questions. Vous avez mentionné tout à l'heure que, si elles ne sont pas victimes de violence conjugale, elles font face à peu de solutions. J'aimerais que vous élaboriez par rapport à ça, parce que ça m'a surprise comme déclaration.

Mme Sanschagrin (Mélanie): En fait, ce que je veux faire transparaître, c'est que, si la femme n'est pas victime de violence conjugale, trouver un hébergement d'urgence avec un enfant, ce n'est pas facile dans la région de Québec. Donc, il y a peu d'organismes qui sont à même d'offrir l'hébergement, accompagnées des enfants.

Mme Gaudreault: Tout simplement.

Mme Sanschagrin (Mélanie): Tout simplement.

Mme Gaudreault: Alors, il faudrait comme simuler la violence conjugale pour pouvoir accès à un lit! Non. Écoutez, je ne veux pas blaguer avec ce sujet-là, parce que c'est très sérieux, là. Mais je veux que vous me parliez aussi de La Grande Marelle, par rapport aux enfants, les mères. Comment ça fonctionne? Quels sont les résultats concrets que vous avez pu constater suite à l'implantation de ce projet?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Oui. Bien, ce qui arrive souvent quand les femmes se ramassent à la rue avec leurs enfants, leur première crainte, c'est de perdre la garde de leurs enfants. Donc, elles vont être réticentes à la base à aller chercher de l'aide. Par contre, quand elles viennent chercher de l'aide, à partir du moment où elles décident de suivre le programme La Grande Marelle, ce qu'on voit, c'est tout autre. En fait, c'est qu'on voit que les femmes développent de meilleures habiletés parentales. Donc, elles sont accompagnées dans leur problématique, dans tout ce qu'elles vivent au niveau de l'itinérance, ce qui fait que le fardeau est peut-être un peu moins lourd, puis ça leur permet de se consacrer à l'éducation de leurs enfants de façon plus adéquate, là.

Mme Gaudreault: Et ça, c'est un hébergement à court terme, La Grande Marelle?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Au niveau de La Grande Marelle, c'est de trois à 18 mois. On y va vraiment à une évaluation au départ qui est faite par les intervenantes avec la femme, et c'est la femme qui nomme le temps dont elle croit avoir besoin selon les objectifs qu'elle se met à la base. Par contre, bien, si la dame arrive puis elle dit: Bien, moi, j'ai besoin de six mois, puis qu'après quatre mois on voit que, bien peut-être que c'est 18 mois que ça va prendre pour cette dame-là, c'est toujours flexible. Ce n'est pas quelque chose qui est fixé, là. Donc, c'est vraiment pour se mettre des objectifs à atteindre, mais c'est évolutif.

Mme Gaudreault: Et est-ce que vous travaillez en lien avec la Direction de la protection de la jeunesse?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Lorsque c'est nécessaire, oui, tout à fait.

Mme Gaudreault: Merci.

Mme Sanschagrin (Mélanie): De rien.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos: Bonjour. Si je peux revenir sur la question de la Direction de la protection de la jeunesse, dites-moi, dans une situation où une mère se retrouve dans la rue avec ses enfants, ce n'est pas quasi automatique que la Direction de la protection de la jeunesse trouve que la santé, sécurité et développement de l'enfant est compromis et qu'il y a intervention? Moi, j'ai de la misère à croire que, dès qu'une madame se retrouve dans la rue, que la première chose qu'on ne fait pas, c'est d'aller... Et ce n'est pas une question d'enlever les enfants, mais aller en quelque sorte nous assurer, premièrement, vu que ces ressources existent pour les enfants, qu'ils soient au moins placés temporairement à un endroit où... La rue, ce n'est pas la meilleure place. Et, malgré le fait que je suis conscient de l'excellent travail que vous faites, je ne suis pas sûr que c'est la meilleure place non plus, là. Peut-être dans l'immédiat, peut-être sur le coup, mais par la suite il n'y a pas intervention quasiment automatique de la Direction de la protection de la jeunesse?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Bien, en fait, il ne faut pas se leurrer, la plupart des femmes qu'on héberge ont déjà des interventions et font déjà affaire avec la Direction de la protection de la jeunesse, mais ce n'est pas rare que c'est des intervenants de la DPJ qui nous réfèrent des femmes pour l'hébergement. Ça peut être dans ce sens-là aussi.

M. Sklavounos: Parfait. Une autre... Est-ce qu'il reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Oui. Il reste du temps, oui.

M. Sklavounos: J'ai été aussi frappé par une statistique que vous mentionnez à la page 6 de votre mémoire, concernant la fin du programme La Grande Marelle, la réinsertion. Vous dites que «49 % des femmes quittent pour vivre de façon autonome dans leur foyer d'origine, en appartement ou en colocation», et, tu sais, le chiffre sur papier est intéressant. Vous mentionnez plus loin, par exemple, que le suivi postréinsertion est ce qui est important et pourquoi. Parce qu'évidemment préserver les acquis, une fois qu'une personne a suivi un programme, est probablement la partie la plus importante, parce qu'on sait, même en quittant, il y a une certaine fragilité qui est là.

Je ne veux pas vous placer en situation difficile en vous disant cette statistique, là: 49 % des femmes quittent pour vivre, en appartement ou colocation, au foyer d'origine. Quelle est la statistique six mois après? Est-ce qu'il y a des femmes, là-dedans, qui reviennent? Est-ce qu'il y a des femmes qui rechutent? Et est-ce qu'il y a des femmes qui se retrouvent dans la rue parce que... Est-ce que vous trouvez que c'est là le vrai problème, dans le suivi, une fois que la réinsertion est faite?

Mme Sanschagrin (Mélanie): En fait, la statistique, 49 %, c'est que les autres femmes... en fait ça, c'est un peu notre taux de femmes dont on dit qu'elles ont terminé avec grand succès le programme La Grande Marelle. Au niveau du maintien, on ne peut pas vous le dire, après six mois, on n'est pas capables de maintenir le lien jusque-là. Donc, si elles ne font pas appel à nous pour nous dire: Bon, bien, bonjour, moi, ça fait quatre mois que j'ai quitté, puis ça va bien... C'est très rare qu'elles nous appellent pour nous dire ça. Donc, c'est quelques-unes, là, c'est un très faible ratio qui va nous faire un petit suivi, puis, nous, on n'a pas les moyens en temps pour le faire. C'est pour ça que, oui, je crois qu'il y a un enjeu considérable au niveau du suivi. Donc, c'est très important de faire le suivi par la suite. Ça, c'est indéniable.

M. Sklavounos: Si vous me permettez, M. le Président, une autre question, une dernière autre question.

Le Président (M. Kelley): ...

M. Sklavounos: Au niveau de la toxicomanie, problèmes de santé mentale, vous dites que vous collaborez avec une maison de thérapie afin, j'imagine, d'envoyer les femmes qui ont besoin de ce type d'attention là. Évidemment... Dites-moi comment se fait la collaboration. La plupart des maisons de thérapie que je connais impliquent une résidence sur place, une thérapie, une certaine partie fermée, une certaine partie ouverte par la suite, etc. J'ai travaillé un petit peu dans le domaine. J'étais criminaliste avant de... dans une autre vie. Dites-moi comment se fait le lien par la suite avec vous. Est-ce que vous, en quelque sorte, transférez la personne? Quel est votre rôle à jouer par la suite?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Non, en fait ce n'est pas un transfert qui se fait. Ce qui se passe, c'est que, pour faire La Grande Marelle, pour faire la réinsertion, on croit qu'il faut que la thérapie soit faite avant. Donc, si une femme a un problème de toxicomanie, elle doit avoir fait la thérapie. Par contre, on sait que, bien, dans les problèmes de consommation, la rechute fait partie du rétablissement. Donc, ce n'est pas parce qu'elles ont fait une thérapie puis qu'elles s'en sont sorties qu'elles ne rechuteront jamais. Quand elles en viennent à faire une réinsertion, bien on continue à aller fouiller dans le passé de cette femme-là, à travailler sur des compétences qu'elle a, puis c'est un travail qui est difficile, et, bien ça arrive que les femmes rechutent. Jusqu'à il n'y a pas très longtemps, bien, dans ces cas-là, on ne pouvait pas continuer le programme. Par contre, ce qu'on a instauré avec la Maison de Job, on a instauré, avec cette maison de thérapie là, que les femmes peuvent retourner en externe faire quelques ateliers pour aller rechercher le bagage dont elles ont besoin pour se rétablir, mais elles font ça parallèlement à La Grande Marelle. C'est comme deux programmes allégés qui en font un, mais on essaie de les soutenir le plus longtemps possible là-dedans, là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Yamaska.

n(17 h 40)n

M. Dorion: Merci, M. le Président. Deux questions avant que vous ne puissiez céder la parole à ma collègue. Alors, merci pour la présentation de votre mémoire. Deux points, deux éléments. Entre autres, vous mentionnez, et il se situe dans les points rappelés: un maintien minimal de services sans développer de nouvelles approches.

Pouvez-vous spécifier davantage? Est-ce que c'est par... On a entendu plusieurs organismes nous dire: Bon, bien, pour avoir accès à d'autres subventions, je me dois de développer davantage, et davantage, davantage, et là on arrive souvent avec un bassin très, très, très large. Est-ce que c'est ça que vous avez voulu résumer? J'aimerais vous entendre.

Mme Sanschagrin (Mélanie): Oui, tout à fait. Bien, je crois que c'est important de consolider ce qui est en place avant de développer autre chose. Par contre, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas une nécessité à développer des suites au programme, et tout ça. Donc, par contre, il faut vraiment aller à la base qui est en place, il faut s'assurer qu'on est capables de le maintenir dans des conditions acceptables et par la suite continuer, avec d'autres financements, à développer.

M. Dorion: Et le deuxième élément qui a attiré mon attention parce que c'est la première fois qu'on le voit: «une compétition inacceptable entre les acteurs du milieu communautaire». Et ça, c'est pour bien comprendre l'objectif que vous souhaitez viser par ça.

Qu'est-ce qui est une compétition inacceptable? Parce que, moi, j'ai écouté l'ensemble de tous les organismes qui se battent, et qui luttent, et qui, par désarroi, par désespoir souvent à vouloir offrir un service... C'est souvent sous-financé. Qu'est-ce qu'une compétition?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Bien, en fait la compétition, c'est toujours au niveau du financement. Tu sais, c'est malheureux, on a une superbelle collaboration, une concertation qui est géniale entre les organismes, des belles collaborations, mais, quand arrive un financement, une enveloppe, bien c'est chacun pour soi. Tout le monde développe et veut consolider les programmes qu'ils ont, et ça, c'est tout à fait normal. Par contre, bien, à ce moment-là, la concertation n'est plus la même. C'est ce que je trouve inacceptable, en termes de compétition. C'est ce que je voulais amener, là.

M. Dorion: Alors, pour avoir une bonne compréhension, est-ce que je peux me permettre de dire qu'une concertation amène un rapprochement et une collaboration entre les organismes, et, lorsqu'on parle de financement, c'est malheureux, mais c'est là que malheureusement ça se dissocie? Et là on recommence, d'année en année, à...

Une voix: ...

Mme Sanschagrin (Mélanie): Oui, c'est ça. Ma directrice dit: C'est souvent parce que l'enveloppe est trop petite. Mais, à ce moment-là, c'est que la collaboration continue. Dans le quotidien, la clientèle est desservie de la même façon, les relations entres les différents intervenants puis dirigeants des organismes restent les mêmes. Par contre, on travaille, tout le monde, chacun de notre côté, à mieux financer nos organismes.

M. Dorion: Je veux céder... Mais, avant, vite, vite, rapidement...

Des voix: ...

M. Dorion: Je le sais, mais on amène des choses...

Le Président (M. Kelley): Je voudrais juste qu'on note que le député est en train de poser pour la quatrième fois sa deuxième question.

M. Dorion: Je vous pose la question parce que... Bon, O.K., vous faites des rappels, mais j'imagine que, quand on fait des rappels, des fois on a déjà une idée. Moi, si je vous dis: Cette compétition-là par rapport à ça... Bon, on sait qu'il y a un manque de financement. C'est facile de dire comme réponse: Bien, on met plus de financement, puis c'est terminé. Est-ce qu'il y a des choses... Théoriquement, là, vous auriez à reconcevoir, en l'espace de votre réponse ? 30 secondes, parce que je veux que ma collègue ait du temps, elle aussi... Qu'est-ce qu'on devrait changer? Ici, là, nous, là, comme élus, là, qu'est-ce qu'on devrait faire de façon concrète dans des... Est-ce qu'il y a des choses à court, moyen, long terme, à court terme qui amèneraient davantage d'outils?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Mais je ne suis pas sûre que je vais bien répondre à votre question. Vous me recadrerez. Mais je pense que tout est autour du financement. Si on regarde la dernière fois qu'il y a eu une demande de financement faite dans le cadre d'IPLI, donc tous les organismes de la région de Québec se sont concertés pour dire: Tout le monde coupe 17 % de sa demande pour pouvoir entrer dans l'enveloppe qui est allouée pour la région. Donc, il y a encore une belle concertation qui est là, parce qu'on a décidé que le 17 % en moins, qui était donné à la région de Québec à ce moment-là... Bien, on ne disait pas: Bien, tel organisme n'aura pas de subvention. Tout le monde coupe de 17 % sa demande, donc la concertation reste, mais le financement reste toujours le problème.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Saint-Jean, il vous reste trois minutes.

Mme Méthé: Oui. Merci. Alors, bonjour, mesdames. On va laisser faire le préambule. Je voulais savoir ? vous avez dit tantôt qu'il y avait 650 femmes par année qui sont refusées ? où est-ce qu'elles sont dirigées, ces femmes-là.

Mme Sanschagrin (Mélanie): Bien ça, ça dépend. Nous, on les dirige vers d'autres hébergements de la région. Parfois, c'est des femmes qui nous sont déjà référées par des intervenants du CSSS ou d'un hôpital. Donc, à partir du moment où, nous, on fait le refus, c'est déjà les intervenants qui sont dans le dossier qui continuent à rediriger les femmes, là. Donc, je ne suis pas capable de vous dire, pour l'ensemble des femmes, comment ça se passe, mais, nous, on travaille en collaboration avec les autres maisons d'hébergement puis on essaie de travailler pour trouver le meilleur endroit pour chacune.

Mme Méthé: O.K. Bon, il y a des femmes qui arrivent avec leurs enfants. Vous avez dit tantôt que certaines ont peur de venir parce qu'elles ont peur de se faire enlever leurs enfants. Sans doute que ces femmes-là ont déjà eu peut-être des contacts avec la DPJ, ont peut-être été menacées ou sont suivies peut-être par la DPJ. Est-ce que vous avez des enfants qui sont suivis par la DPJ?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Oui, bien c'est un peu ce que je nommais tantôt, c'est que la plupart des femmes, sans dire toutes, là, parce que je ne peux pas dire ça, mais la plupart des femmes ont déjà un suivi avec la DPJ quand elles viennent chez nous, et c'est même parfois la DPJ qui nous réfère ces femmes-là pour de l'hébergement en disant: Bien, on pense que madame pourrait aller faire un tel programme et que ce serait bien pour elle et pour ses enfants.

Mme Méthé: O.K. Encore...

Le Président (M. Kelley): Une autre question.

Mme Méthé: Mais, pour le financement, quelqu'un parlait ce matin d'avoir un guichet unique parce qu'on a de la difficulté à... On comprend que c'est un gros problème puis c'est du temps, pour vous autres aussi, pour demander vos subventions. Un guichet unique, c'est-u quelque chose qui pourrait être acceptable?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Guichet unique étant?

Mme Méthé: Étant un endroit où on ferait... Je ne sais pas, parce que le financement revient, puis il y a beaucoup d'organismes. Bon. Certains ont peut-être plus d'importance que d'autres... non, mettons que leur besoin est peut-être plus urgent, tu sais, on comble des besoins plus urgents que d'autres organismes. C'est difficile pour nous autres de pouvoir trouver une solution à tout ça, là. C'est pour ça que mon collègue posait la question. Vous n'avez pas de suggestion à nous faire à ce niveau-là?

Mme Defoy (Ginette G.): Je peux peut-être intervenir ici par une expérience pour notre autre côté. La YWCA, c'est aussi un organisme communautaire de loisirs, et, de ce côté-là, il y a eu regroupement des subventions qui nous étaient accordées de l'ensemble du gouvernement en un guichet unique. Chez nous, on est servis par Santé et Services sociaux, les autres organismes communautaires de la région sont regroupés sous Éducation, Loisir et Sport. Mais le fait d'avoir regroupé l'ensemble de nos demandes en une seule demande a été extrêmement facilitant, ça a éliminé des heures, administrativement parlant, à la fois dans la préparation des demandes de subvention et dans la reddition de comptes. Et ça nous permet de parler un langage une fois dans l'année, faire référence à l'ensemble des choses qu'on fait pour être entendus par l'ensemble des intervenants de qui on attend des réponses et des sous.

Donc, je pense que, s'il existait un guichet unique dans le même sens pour répondre à l'ensemble des besoins de la clientèle itinérante, ça permettrait aussi d'avoir un regard étendu et éclairé sur l'ensemble des besoins des hommes et des femmes en itinérance. On parle d'un continuum de services, on parle des trous dans différents parcours de la clientèle itinérante. Ça éviterait que cette clientèle-là tombe éventuellement dans une des craques du système, qui n'est pas couverte actuellement parce qu'il y a différents endroits pour entendre... pour recevoir des réponses et des ressources.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Une question avant de laisser mon collègue poser les siennes. 650 femmes par année que vous devez refuser, c'est énorme.

Mme Sanschagrin (Mélanie): C'est énorme.

n(17 h 50)n

Mme Lapointe (Crémazie): Pour le nombre, si j'ai bien compris, là, il y a peu de lits, il y a peu de ressources d'hébergement à Québec. En fait, on a parlé d'un maximum de 230 quelques lits pour la région de Québec. Si les chiffres qu'on nous a donnés tout à l'heure, là, sont exacts, où vont-elles, où vont-elles, ces femmes-là?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Mais il y a quand même d'autres ressources d'hébergement, là, qui offrent des lits pour les femmes.

Mme Lapointe (Crémazie): Oui, mais 650...

Mme Sanschagrin (Mélanie): Mais 650 femmes, bien c'est un peu comme je le disais au départ, dans mon introduction, c'est que ces femmes-là vont dormir chez des amis, dans de la famille, vont prendre un petit logement un mois avec un colocataire avec qui elle vit une relation qui n'est pas adéquate. Certaines femmes vont en venir à se prostituer pour être capables de maintenir un semblant de logement à quelque part.

Mme Lapointe (Crémazie): Quand vous vous occupez des femmes qui sont dans cette situation extrême de pauvreté, est-ce que vous vous sentez un peu le parent pauvre, dans le sens que c'est encore plus difficile d'avoir des services, des sous? Vous parlez de rétention de personnel, de personnel sous-payé, enfin. Est-ce qu'il faudrait qu'il y ait un endroit, un lieu où on s'occupe de l'itinérance?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Oui, tout à fait.

Mme Lapointe (Crémazie): Un endroit où on peut téléphoner, où on peut... Parce que ça semble être le problème qu'on voit le plus depuis le début: les gens sont obligés de s'éparpiller entre toutes les ressources disponibles, entre différents paliers de gouvernement, en plus. Ça vous semblerait être une...

Mme Sanschagrin (Mélanie): Bien, je pense que ça prend une porte par laquelle on est capable d'obtenir l'ensemble des services. Par contre, il ne faut pas oublier que chaque organisme a une spécialité qui lui est propre et qui est nécessaire, parce qu'on ne peut pas répondre aux besoins de toutes les femmes. Il y a d'autres organismes à Québec qui répondent aux besoins de ces femmes-là. Donc, il ne faut pas oublier non plus la spécificité de chaque organisme.

Mme Lapointe (Crémazie): Non. Qui font un travail extraordinaire.

Mme Sanschagrin (Mélanie): Tout à fait.

Mme Lapointe (Crémazie): Je ne vois pas comment l'État pourrait faire les choses que font les organismes.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

M. Lemay: Oui. Merci, M. le Président. Pour renchérir sur ce que ma collègue a dit, l'État, on va l'avoir dans les prochains jours. Et, à la lecture des mémoires que personnellement, M. le Président, j'ai lus jusqu'à maintenant, beaucoup de travail à faire, beaucoup, beaucoup de travail à faire, M. le Président, pour se rendre compte de la complexité de ces phénomènes-là. Alors, bonjour, mesdames. Je vais garder ma mauvaise humeur pour demain, pas avec vous.

Quelques petites questions rapides, juste pour nous donner une idée, là. Ce n'est pas des questions... Ça va peut-être vous apparaître un peu académique, mais soyez certaines que, quand je pose ces questions-là, j'ai toujours en l'esprit qu'on parle d'êtres humains qui sont dans des situations très, très, très difficiles plus souvent qu'autrement.

Vous parlez de... Plusieurs des femmes que vous recevez ont des problèmes de toxicomanie et de santé mentale. Avez-vous une idée combien, sur le...

Mme Sanschagrin (Mélanie): Au fait, j'ai amené mes statistiques.

M. Lemay: Ah! C'est parce que c'est dur à savoir, ça aussi, hein? Je ne veux pas vous interrompre. Mais...

Mme Sanschagrin (Mélanie): Oui.

M. Lemay: ...c'est dur d'avoir un portrait, encore une fois, là, sans tomber... On n'est pas des statisticiens, personne, mais, si on veut savoir quels types de services on offre, je pense qu'il faut savoir à qui on s'adresse, hein? Sans ça, on passe à côté complètement, là. Alors, allez-y, pardonnez-moi.

Mme Sanschagrin (Mélanie): Bien, chez nous, là, ce que je vous donne comme statistiques, c'est vraiment par rapport à ce que les femmes nous ont dit. Donc, ça pourrait arriver qu'une femme aurait un problème de toxicomanie mais qu'elle ne l'aurait pas nommé. Donc, chez nous, il y a 12 % des femmes, l'année dernière, qui avaient un problème de toxicomanie puis il y avait 55 % des femmes qui avaient un problème de santé mentale.

M. Lemay: 55 %?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Oui.

M. Lemay: Est-ce que c'est 55 % plus 12 %, ou le 12 % est inclus?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Ça pourrait être...

M. Lemay: Parce qu'on sait que c'est multi... très souvent multiproblématique, là, dans l'ensemble.

Mme Sanschagrin (Mélanie) Tout à fait.

M. Lemay: Quand vous dites 55 % de santé mentale, je sais que vous n'êtes pas... Bien, vous n'êtes pas psychiatre...

Mme Sanschagrin (Mélanie): Non.

M. Lemay: ...peut-être que vous l'êtes.

Mme Sanschagrin (Mélanie): Non, je ne le suis pas.

M. Lemay: Je ne veux pas vous retirer des titres que vous avez. Est-ce que ça va de légers à très graves ou... Avez-vous une idée aussi là-dessus?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Bien, chez nous, ça va de légers à moyens, parce que, très graves, on n'a pas la capacité d'accueillir...

M. Lemay: Vous le disiez tout à l'heure.

Mme Sanschagrin (Mélanie): ...ces femmes-là. Dans des cas de problèmes de santé mentale qui sont très lourds, c'est des femmes qui passent chez nous pour une nuit ou deux parce qu'on se rend très rapidement compte que la vie de groupe n'est pas possible puis qu'on n'a pas l'encadrement à lui offrir.

M. Lemay: Et ces femmes-là particulièrement, qu'est-ce que... vous les référez à un endroit spécialisé pour ce type de personnes là?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Bien, ça va souvent être des femmes qui vont être hospitalisées, là.

M. Lemay: Pour une journée, et elles vont se retrouver à la rue, deux jours après, très souvent?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Exactement.

M. Lemay: On peut s'entendre là-dessus, hein, qu'une des conséquences... d'où les questions qu'on va avoir demain, hein?

On entend souvent que les groupes... Et les différents ministères le disent aussi, hein, l'excellente relation qu'ils ont avec vous. Moi, l'impression qu'on a ? vous direz si je me trompe ? c'est pas mal juste d'un bord, en ce sens qu'ils vous réfèrent... Vous disiez tantôt que vous êtes même... vous vous faites référer souvent soit par les centres jeunesse, la DPJ, les CSSS... Avez-vous une idée, encore une fois, sur le nombre de femmes qui vous sont référées par les services publics?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Non, malheureusement, je ne suis pas capable de vous donner un chiffre.

M. Lemay: Ça, vous n'auriez pas cette... Mais c'est une réalité importante chez vous?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Tout à fait.

M. Lemay: On peut dire ça. Souvent, elles sont référées par les services publics eux-mêmes.

Avez-vous... Quand une femme arrive avec ? puis là je pense que notre collègue avait des bonnes questions tout à l'heure, effectivement la DPJ, les centres jeunesse, là-dedans, quand elles ont des enfants... J'imagine que vous avez développé tout un réseau au fil des années, là, avec les CSSS, les hôpitaux présents sur le territoire, donc la justice, s'ils sont judiciarisés, et, pour toutes sortes de raisons, la DPJ. J'imagine aussi ? à Québec, ça s'appelle l'OMHQ, à Montréal, l'OMHM? ? en tout cas l'office municipal... L'OMHQ, c'est ça?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Oui.

M. Lemay: Vous avez des relations avec cette organisation-là?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Tout à fait.

M. Lemay: Pour référer?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Bien, oui. On a des belles collaborations avec les personnes. Souvent, ça va être dans la... Le problème n'est pas situé au niveau des intervenants.

M. Lemay: Non, non, non.

Mme Sanschagrin (Mélanie): C'est vraiment dans tout ce qui est la paperasse, puis ça prend du temps. Une femme qui arrive chez nous puis qui n'a pas de chèque, on a plein de belles collaborations, mais ça prend... tu sais, il faut faire les démarches, et tout ça. Pour certaines, c'est compliqué, faire une demande d'aide sociale.

M. Lemay: Oui.

Mme Sanschagrin (Mélanie): Faire juste une demande de carte d'assurance maladie, pour d'autres, c'est une démarche qui est extrêmement longue, mais ce n'est pas toujours à cause des collaborations qu'on a, là.

M. Lemay: O.K. Mais vous avez développé...

Mme Sanschagrin (Mélanie): Un réseau.

M. Lemay: ...au fil des années, des collaborations avec toutes ces institutions-là...

Mme Sanschagrin (Mélanie): Tout à fait.

M. Lemay: ...et les autres groupes communautaires, là, ça va de soi. Et dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Dernière question, oui.

M. Lemay: Je vous sentais...

Le Président (M. Kelley): Vous me connaissez.

M. Lemay: Oui. Une petite question statistique encore: Sur le nombre de femmes que vous recevez, quel est le pourcentage de femmes avec des enfants?

Mme Sanschagrin (Mélanie): Avec des enfants, il y a 18 %.

M. Lemay: 18 % de... Donc, c'est moins de 18 ans, ou moins de 14, moins de...

Mme Sanschagrin (Mélanie): Les enfants qu'on héberge, au niveau des filles, ça peut aller jusqu'à l'adolescence, là, 16-17 ans, qu'elles peuvent venir avec leur mère.

M. Lemay: Ah!

Mme Sanschagrin (Mélanie): Par contre, quand il s'agit d'un garçon, on a une limite à 12 ans. Donc, parce que, bien les femmes qui viennent chez nous, pour plusieurs, ont vécu de la violence conjugale, puis ça devient difficile pour elles de vivre avec des adolescents, des personnes qui sont du sexe masculin, là.

M. Lemay: Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Il me reste à dire merci beaucoup pour votre présentation. Et surtout l'attention particulière à la situation des femmes et l'itinérance, c'est un éclairage important pour les membres de la commission. Je vais suspendre quelques instants et je demande les représentants de Squat Basse-Ville de prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

 

(Reprise à 18 heures)

Le Président (M. Kelley): Alors, notre prochain témoin, c'est le Squat Basse-Ville, représenté par Mme Louise Fortin et M. Sylvain Badran. Encore une fois, merci beaucoup pour votre patience. On est un petit peu en retard, et nous nous excusons, mais il y a des choses qu'un président d'une commission et ses membres ne peuvent pas contrôler, et ça, c'est, entre autres, les travaux de la Chambre, du salon bleu.

Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole à madame, monsieur...

Mme Fortin (Louise): Oui, moi.

Le Président (M. Kelley): ...à madame, à Mme Fortin.

Squat Basse-Ville

Mme Fortin (Louise): Oui. Alors, bonjour, M. le Président, membres de la commission. Dans un premier temps, on voulait vous dire merci pour votre invitation et merci aussi pour cette commission parlementaire qui, pour nous, donne l'espoir que peut-être, un jour, il va y avoir beaucoup, beaucoup, mais beaucoup moins d'enfants, d'hommes et de femmes dans la rue.

Donc, on avait pensé faire notre présentation en trois parties parce qu'on pensait qu'on avait comme une demi-heure de présentation et 15 minutes d'échange, mais, bon... Donc, on voulait débuter... bien on veut débuter par une brève présentation de l'organisme, suivie des grandes lignes qui sous-tendent nos recommandations ? donc, on ne vous fera pas l'énumération ? puis finir par une présentation du phénomène de la fugue, qui est un élément important dans la composition de la population des jeunes de la rue.

Donc, le Squat Basse-Ville a ouvert ses portes en 1999. Le Squat est situé au coeur du quartier Saint-Roch, à Québec. L'organisme le Squat Basse-Ville héberge de jeunes garçons et filles de 12 à 17 ans qui sont soit en fugue, à la rue ou ayant besoin d'un répit. Par la prévention, l'intervention et l'accompagnement individualisé, on tente de réduire les conséquences associées à un passage à la rue et prévenir la fugue.

Dans la prévention de la fugue, autre que de faire des ateliers d'information dans les écoles et aux centres jeunesse, ateliers d'information sur tous les risques qui sont associés à la fugue, parce que parfois la fugue peut sembler... être tentante pour un jeune, mais sans connaître nécessairement les dangers qui peuvent... en tout cas, auxquels il peut se confronter dans la rue, on a mis en place aussi un programme de répit pour les jeunes qui sont dans leur famille et aussi un programme de sortie autorisée pour ceux qui sont dans les centres jeunesse. Donc, nous travaillons beaucoup en proximité, dans le ici et maintenant, et très souvent en situation de crise.

Donc, le portrait des jeunes de la rue est très diversifié. Je ne vous apprendrai rien si je vous dis que ces jeunes-là proviennent de toutes les classes sociales et ont souvent fait l'objet de plusieurs placements. 75 % de la clientèle du Squat proviennent des centres jeunesse. Et ce qu'on se rend compte aussi au niveau de l'itinérance, quand on dit que... Bon, tantôt, on entendait que l'itinérance vieillissait, mais, nous, on vous dirait qu'elle rajeunit. Et, si on regarde nos statistiques, on se rend compte que, juste au niveau des couchers, en 2007, on a eu 298 couchers pour l'année, et en 2008, aujourd'hui même, là, à cette date-ci, 357 couchers, et on se rend compte que ça va vraiment en augmentant.

Donc, les intervenants et notre seul travailleur de rue, malheureusement, ont à composer avec les différentes sphères de la vie de l'adolescent, parce que, bon, on ne peut pas... il vit quand même dans un système. Donc, on travaille avec la famille, les services de santé et services sociaux, l'éducation, l'emploi, le logement, la santé et le droit de citoyenneté. Et le Squat, lui, de son côté, doit aussi composer avec des problèmes, donc avec un problème récurrent de sous-financement chronique, comme bien des organismes communautaires, et aussi, éventuellement, nous allons devoir déménager, donc on s'attend aussi à faire face au problème du syndrome «pas dans ma cour».

Donc, si on part du début... Parce que tantôt on va vous expliquer que la fugue, bon, en tout cas, c'est une forme de spirale. Donc, le départ est la famille. Donc, je ne vous apprends rien non plus si je vous dis que chaque famille est unique. Par contre, chacune a un dénominateur commun qui est de répondre aux besoins de leurs enfants du mieux possible, avec leurs compétences propres et leurs histoires de vie respectives. Donc, de nombreux facteurs font en sorte qu'il y a des familles malheureusement qui vivent des difficultés, et on sait que malheureusement c'est les enfants qui vont en subir les conséquences.

On dit que la responsabilité d'élever un enfant doit incomber aux deux parents et que l'État doit les aider à exercer cette responsabilité en leur accordant une aide appropriée. Donc, nos recommandations, dans le mémoire, dans le fond se basaient sur le fait que nos recommandations ont pour but de redonner aux familles un pouvoir d'agir en les impliquant dans tout processus de prise en charge par un travail de proximité.

Concernant l'accessibilité des services, bon, la qualité et l'accessibilité des services de santé et des services sociaux, bon, pour les populations vulnérables, jouent un rôle vraiment important, un rôle même central dans la lutte contre l'exclusion sociale, sauf qu'ils sont... ces services-là sont très difficiles d'accès.

Nous, au Squat, on peut dire qu'on est quand même, bon, en tout cas, privilégiés, dans le sens que nous avons un contact avec une infirmière de rue, qui fait que, si un de nos adolescents, une de nos adolescentes a besoin de soins... Tu sais, quand on leur dit: Bon, on va aller à l'hôpital ou on va aller... Non, non, non, là, c'est comme, tu sais... Étant donné que les structures sont trop rigides pour ces jeunes-là, cette population-là ? je parle des jeunes, mais c'est la population itinérante «at large» ? donc, avec cette infirmière de rue là, on l'appelle, elle, elle est rattachée à un CLSC, donc on peut avoir directement des soins, des services. C'est pour ça que je dis qu'on est privilégiés, mais malheureusement ce n'est pas le cas pour tous les organismes, et ça ne devrait pas de toute façon être comme ça. Malheureusement, ce qu'on se rend compte, c'est qu'on demande aux gens, aux jeunes, de s'adapter aux structures, mais on sait qu'il y a des populations qui sont différentes, donc il faudrait aussi, à l'inverse, que ces structures-là aussi s'adaptent à cette population-là.

À propos de l'éducation, bien on sait que le système éducatif, c'est quand même le premier réseau de socialisation hors de la famille, donc c'est une microsociété qui doit préparer le mieux possible les jeunes à la vie en société. Donc, pour susciter la persévérance scolaire, il faut que les études soient suffisamment valorisées auprès des jeunes pour que ces derniers soient motivés. Malheureusement, actuellement, la plupart de nos écoles secondaires stigmatisent les élèves en difficulté d'apprentissage. Donc, l'aide aux élèves présentant des difficultés de comportement est un besoin important, mais malheureusement les ressources en personnel spécialisé sont vraiment insuffisantes.

Nous, bien, en tout cas, on considère qu'on a besoin d'une école qui a les moyens d'éduquer et non pas seulement d'instruire. Donc, nos recommandations ont pour but de soutenir, de développer et de reconnaître les pratiques alternatives d'éducation et de mettre en place une action concertée avec les parents et le milieu du travail dans la conciliation travail-famille, afin de favoriser la réussite scolaire.

En ce qui a trait à l'emploi, bon, les jeunes éprouvent des difficultés à entrer sur le marché du travail, évidemment parce qu'aussi ils sont sous-scolarisés, et aussi à essayer de s'y insérer durablement. Donc, les jeunes étant peu scolarisés, bien c'est sûr qu'ils vont trouver des emplois précaires. Là, c'est un peu un cercle vicieux: l'absence de logement, aussi, permanent et l'alimentation déficiente rendent difficile l'accès à un emploi ou même la recherche d'un emploi. Donc, ne pas travailler ou perdre son emploi, ce n'est pas seulement une question de volonté ni de décision individuelle, comme certaines personnes peuvent le croire.

Donc, nos recommandations visent à développer l'employabilité des jeunes par différentes pratiques, offrir la possibilité de les soutenir, une fois sur le marché de l'emploi, tout en leur garantissant un revenu décent afin de les maintenir en emploi.

Au sujet de la santé, on a retenu trois problématiques avec lesquelles les jeunes sont confrontés, soit: la prostitution juvénile, la surmédicalisation et la consommation d'alcool et de drogues.

La prostitution à l'adolescence, on est porté à croire que c'est une pratique d'ordre économique, mais c'est beaucoup plus que ça. Les causes de la prostitution juvénile peuvent être liées à différents besoins qui sont énumérés d'ailleurs dans le mémoire, si vous l'avez. La consommation d'alcool, l'abus de drogues peuvent être des éléments déclencheurs des activités de prostitution ou être la conséquence de ces activités et contribuer à maintenir les adolescents dans l'industrie du sexe.

n(18 h 10)n

On remarque... En tout cas, à Squat, on remarque que plusieurs jeunes qui viennent sont surmédicalisés, adoptant ainsi des comportements... Tu sais, on dit: Ah! Ils sont amorphes, ils n'attendent pas grand-chose de la vie, mais ils sont tellement médicamentés que c'est un peu normal qu'ils aient ce comportement-là. Bon, la raison d'une prise de médicament peut être déterminée par différentes causes, mais malheureusement les médecins ont comme premier réflexe de prescrire des médicaments. Puis, quand on voit des jeunes de 14, 15 ans prendre des antidépresseurs, bien... et sans avoir de suivi avec un psychologue ou de suivi thérapeutique, bien c'est questionnable.

La consommation d'alcool et de drogues, chez l'adolescent, peut provoquer un sentiment de pouvoir sur lui-même, donc on constate que les dépendances sont aggravées parce que ça implique des substances et des manières de consommer plus dangereuses. Tu sais, on est loin du petit joint de voilà plusieurs années. Maintenant, hein, c'est beaucoup... ça se pique, et de plus en plus jeune, hein, on voit des jeunes de 15, 16 ans qui sont déjà rendus avec la seringue. Et ces pratiques-là, bien, malheureusement, ce que ça amène, c'est des problèmes de santé qui vont aller... bon, VIH, sida, les hépatites, ça fait que ça a de gros impacts. Donc, ils hypothèquent très jeunes leur santé.

Donc, nos recommandations sont axées sur des éléments de respect de modes vie différents, de travail de proximité, d'appropriation de l'approche de la réduction des méfaits, de prescription de médicaments comme dernier recours, de continuité de services et de lieux de dégrisement.

À propos du logement, bon, un logement, c'est plus qu'un toit au-dessus de la tête, c'est un lieu d'ancrage permettant de développer un sentiment d'appartenance à un milieu. Donc, le soutien communautaire en logement est une pratique qui vise la stabilité résidentielle. Les services de soutien vont de la référence à l'accompagnement, de la défense de droits au soutien à la vie quotidienne, en passant par la résolution de conflits. Donc, avec ce soutien communautaire... Parce que c'est peut-être beau, investir dans le logement social, mais, mettre quelqu'un entre quatre murs, s'il n'y a pas de soutien, il ne restera pas plus entre ces quatre murs-là puis il risque de retourner dans la rue quand même parce qu'il ne va avoir personne justement pour l'aider à surmonter, bien, les difficultés qu'on rencontre dans le quotidien, là. Donc, à l'aider à développer son autonomie et de s'assurer ainsi d'une stabilité et d'un futur. Donc, nos recommandations abondaient vers le développement du logement social avec support communautaire et rendre l'accessibilité à un logement plus facile.

Au sujet du droit de la citoyenneté ? je pense que vous en avez beaucoup entendu parler aussi ? comme partout, bon, on est conscients, c'est correct, la ville de Québec a connu de nombreuses interventions qui visent à soutenir les personnes itinérantes, là, si on parle au niveau du dépannage alimentaire, vestiaire, tout ça, sauf que malheureusement le droit de citoyenneté est vraiment contesté, au niveau des personnes qui vivent des situations d'itinérance, et là on parle autant des jeunes, parce qu'on en a vu, des cas de nos adolescents, et autant pour les adultes aussi.

Donc, les actions de répression ? telles les émissions de contraventions excessives ? sur le mode de vie de l'itinérant ou sur leurs stratégies de débrouillardise. On parle ici des squeegees: oui, au moins ils essaient de... c'est une façon pour eux d'essayer de s'en sortir, de travailler, mais, bon, ils sont réprimandés pour ces gestes. Ces actions répressives sont de plus en plus nombreuses, hein ? Sylvain pourrait vous en citer des cas, et des cas vraiment aberrants ? sauf que le problème que ça cause, c'est que ça ne changera pas plus le mode de vie de ces jeunes-là, et ce que ça va faire, c'est que ça va les enliser dans la pauvreté. Parce que, là, ces contraventions-là, ce n'est pas à 50 $ de la contravention, là, c'est beaucoup plus élevé. Donc, le dossier de dettes, ça va les enliser dans la pauvreté et en plus ça va les judiciariser parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer ces contraventions-là. Donc, quelqu'un qui veut s'en sortir puis qui a une dette, je le sais pas, là, de 2000 $, de 3000 $ de contraventions, ça ne part pas bien.

Maintenant, concernant le syndrome «pas dans ma cour», là, ça touche plus les organismes qui travaillent avec les personnes en situation d'itinérance, dont, entre autres, l'hébergement. Le zonage fait en sorte que c'est maintenant très, très difficile de pouvoir se localiser dans un quartier où la demande et le besoin sont là. Un organisme comme le Squat Basse-Ville, qui vient en aide à de jeunes fugueurs, c'est évident qu'il faut être dans un endroit qui est proche des jeunes, là, que ça va être facile d'accès. Tu sais, je nous vois mal déménager à Charlesbourg, où c'est clair qu'on ne répondra pas à ce besoin-là.

Donc, les recommandations qu'on a faites dans le mémoire consistent à établir une disposition légale qui permettrait à un organisme communautaire d'aide à l'itinérance de s'installer et de mener des activités là où sa mission le nécessite.

Et, concernant le financement, bon, comme bien d'autres organismes avant l'ont mentionné, nous, notre plus grand bailleur de fonds, dans le fond, c'est... On est financés par le Programme SOC, qui est le Programme de soutien aux organismes communautaires du ministère des services de santé et des services sociaux, qui nous donne un financement récurrent, pour la mission globale, qui n'est vraiment, mais vraiment pas élevé, là, qui est vraiment... C'est vraiment un sous-financement.

Et, du côté du fédéral, bien c'est par le programme anciennement appelé IPAC et maintenant qui s'appelle IPLI. Je pense que vous le connaissez tous, c'est un programme qui est très important au niveau de l'itinérance mais que malheureusement on ne sait jamais, d'année en année, si ça va être récurrent. Et, de plus, ça ne finance pas la mission globale, mais ça finance les développements de projets. Ça fait que, tu sais, il y a un petit peu de sous-financement. On essaie de se consolider, mais tu reçois de l'argent pour développer des projets. En tout cas. Les autres sources de financement vers lesquelles on doit se tourner, bien vous le savez tous, c'est les activités de bénéfices, les demandes d'aide financière, fondations, communautés religieuses et entreprises privées.

Donc, nos recommandations consistent à reconnaître le rôle primordial du travail de proximité des organismes communautaires et de financer ceux-ci adéquatement.

Et, pour finir ma partie de la présentation, on voulait spécifier qu'il y a actuellement, au niveau de l'itinérance... qu'il y a vraiment une urgence d'agir. Et on n'a rien contre le dénombrement. À la limite, on peut comprendre que c'est important d'avoir des chiffres, sauf que je pense que tout le monde est conscient qu'il y en a beaucoup trop, hein? On se tourne la tête, on voit beaucoup de gens en situation d'itinérance. Donc, il y a un urgent besoin d'agir. On dit aussi que ce n'est pas juste... que c'est l'affaire de tous, donc que ça ne devrait pas nécessairement juste relever du ministère de la Santé et des Services sociaux. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est qu'avec une politique à l'itinérance ça impliquerait différents ministères à travailler ensemble, pour harmoniser les actions à entreprendre, et ça constituerait une réelle volonté politique de mettre fin à la situation d'exclusion et de pauvreté. Ceci dit...

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Fortin. Juste pour nous guider... Parce que vous avez déjà dépassé les 15 minutes. Alors, M. Badran, vous voulez intervenir un petit peu ou...

M. Badran (Sylvain): Je vous prendrais peut-être cinq minutes de votre temps pour faire rapidement...

Le Président (M. Kelley): S'il y a consentement, on peut prendre cinq minutes, et on va être plus concis dans nos questions après. Alors, la parole est à vous.

M. Badran (Sylvain): Merci beaucoup. Le document qu'on va vous remettre, en fait, c'est une spirale, une spirale qui part, en son centre, du milieu d'appartenance des jeunes, milieu qui peut être son domicile familial ou le plus souvent, dans notre cas, ce qu'on rencontre, une unité de centre jeunesse. Dans ce milieu familial là, on peut voir des accumulations de facteurs que les jeunes vivent, tant au niveau de la relation avec leur père, au niveau de la relation avec l'école, avec le milieu parental ou souvent l'absence de milieu parental et souvent des facteurs relatifs à la personnalité du jeune même. Bref, tous des facteurs qui font des accumulations de tensions chez des jeunes qui souvent n'ont pas eu les moyens de négocier avec ces tensions-là qui sont néfastes. Et ça amène comme résultat une accumulation de ces tensions-là, de ces facteurs de risque qui font que, pour échapper à ça, les jeunes vont avoir le réflexe de fuir, de fuir, de partir en fugue, carrément.

n(18 h 20)n

On a souvent à l'esprit un jeune qui fugue, qui part à l'aventure parce qu'il fait beau, et puis on va dormir un petit peu dehors, pendant l'été. C'est un stéréotype qui est vrai jusqu'à un certain point, mais la grande majorité des jeunes qu'on rencontre nous expriment, à travers leurs fugues, une souffrance, une accumulation de souffrances qui souvent est intenable pour eux.

Et, à travers ces fugues-là, les manières dont les jeunes vont agir, souvent c'est que... tombent dans la rue, tombent en mode survie, la survie qui va nous amener à vouloir combler des besoins de base qui sont manger, dormir, se laver, à la limite juste sentir le besoin de se sentir apprécié. Ces besoins-là vont amener les jeunes à en premier lieu dormir chez des amis. Après un certain temps, ça marche plus ou moins, donc on va aller chez les amis des amis. Ensuite de ça, quand ça ne marche pas, là, c'est à ce moment-là que la rue se présente pour ces jeunes-là, la rue qui souvent présente... a l'air de présenter pour ces jeunes-là un attrait du fait qu'il n'y a plus d'encadrement. Ils ont l'impression qu'ils vont être libres parce qu'ils n'ont plus de comptes à rendre, alors qu'en réalité ça ne prendra pas de temps qu'ils vont se rendre compte que la réalité en fait, ce n'est pas ça.

Donc, il arrive une situation de vulnérabilité due à tout ça qui va amener souvent les jeunes à de l'errance dans les espaces publics. Dans ces espaces publics là, les jeunes vont être confrontés aux gens de la société en général qui va les exclure du fait qu'à ce moment-là ils vont quêter, ils vont faire un petit peu de squeegee, ils vont... puis ils vont souvent se faire tasser comme des moins que rien, et ce qui va amener un sentiment d'ostracisme, de se sentir marginalisé, mis de côté. Et, à ce moment-là, on s'ancre encore plus dans le mode de la rue.

Les épisodes de délinquance, à ce moment-là, vont arriver, le fait de faire des vols à l'étalage dans les dépanneurs, supposons, pour essayer de se nourrir, le fait aussi... À travers tout ça, je vous parlais, bon, que cette délinquance-là, faire de la quête, va amener des contraventions, contraventions qui vont s'accumuler au point de totaliser des dizaines de milliers de dollars ? et ce n'est même pas exagéré. Donc, avant, les jeunes faisaient de la prison, de l'incarcération pendant quelques jours, quelques semaines, puis c'était réglé. Maintenant, ce n'est plus possible. Donc, ces jeunes-là, avant même de commencer à avoir une vie comme vous et moi, se ramassent avec les dettes qui font qu'ils décident de rester dans la rue, parce que, souvent, s'en sortir... Pourquoi s'en sortir quand ce qui m'attend, c'est juste de devoir rembourser des gens qui m'ont ostracisé, moi? Donc, c'est un petit peu tout ça.

À travers ça, bien ces gens-là vont se sentir désaffiliés de la société, mis à l'écart. Les situations de pauvreté, de criminalité, le phénomène des gangs. Et je fais exprès pour ne pas dire de rue, parce que les gangs qui abusent, ça peut être, oui, des gangs de rue qu'on cible, mais ça peut être aussi... Il existe des typologies de groupes, qui partent de zéro, étant le groupe d'amis qui se réunit dans le parc, jusqu'à six, qui est le crime organisé, les motards, la mafia. C'est l'ensemble de ces groupes-là qui vont chercher à prendre profit de jeunes en situation de vulnérabilité dans la rue, et non pas seulement juste les gangs de rue qui sont un numéro... le numéro 5, en fait. Et cette exploitation de gangs, avec tout ce que je vous amène, en fait amène à l'itinérance en... C'est ça, puis ça, ça peut être en quelques semaines, en quelques mois, quelques années, souvent l'incarcération et, trop souvent aussi, pour les jeunes, le suicide.

Et le Squat, nous, à travers le... via le travail de rue que je fais pour mon organisme mais via aussi le travail de rue de d'autres organismes, essaie de rejoindre ces gens-là dans l'endroit où ils sont rendus, dans le ici et le maintenant, et essayer de créer un lien pour essayer de réintégrer des milieux. Puis souvent, comme vous voyez, plus on s'enfonce dans la spirale et plus ça va être difficile de sortir ces jeunes-là du mode dans lequel ils sont ancrés. Et les approches de proximité nous donnent l'occasion et le privilège même de faire un lien égalitaire avec ces jeunes-là, qui trop souvent leur a manqué à travers les vécus institutionnels qu'ils ont derrière eux. Et je crois que le travail de rue, les approches de proximité en général gagneraient à être connues et à être, je vous dirais, plus largement financées, parce que c'est des pratiques qui ne rapportent peut-être pas dans l'immédiat, parce que c'est en termes de semaines, voire de mois qu'on crée des liens, qu'on s'intègre dans les milieux plus ou moins marginaux, et que c'est à ce moment-là qu'on a des résultats. Donc, c'est très difficile de faire de la reddition de comptes, mais c'est combien une pratique qui rejoint les gens dans leur quotidien et permet un ancrage à ces gens-là qui souvent sont complètement désaffiliés. Donc, je vais répondre à vos questions.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Merci beaucoup pour cette spirale. Je pense que c'est vraiment révélateur pour expliquer le phénomène et tout le reste.

Sans plus tarder, je suis prêt à céder la parole à ma collègue la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Bon. Alors, merci beaucoup. Tout d'abord, je veux vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. Il est très complet, avec des recommandations très précises sur divers sujets. Alors, je crois que vous avez vraiment mis beaucoup d'efforts pour préparer ce mémoire-là, puis je vous félicite, ça nous aide dans notre travail.

Deuxièmement, j'ai plusieurs questions; je vais essayer d'être concise. Par rapport à votre équipe, vous n'avez pas mentionné elle est composée de combien de personnes, et à temps plein, à temps partiel, pour voir, là, tout le travail que vous effectuez sur le terrain.

M. Badran (Sylvain): Si on inclut Louise, la directrice générale, moi et, je vous dirais, à temps plein, trois autres personnes, et beaucoup de temps-partiels qui se partagent en fait l'ensemble des chiffres, du 24 heures sur 24, sept jours sur sept ? on est ouverts...

Mme Fortin (Louise): Sept à temps plein, deux à temps partiel.

M. Badran (Sylvain): Merci.

Mme Fortin (Louise): Je suis un petit peu plus proche des structures.

Mme Gaudreault: Et j'imagine aussi que vous faites aussi beaucoup de «reaching out». On en a entendu parler au cours de nos travaux. Vous mettez beaucoup d'efforts à cet effet-là. Parce que c'est toujours surprenant de voir qu'il y a des jeunes de 12 à 17 ans qui sont itinérants, qui sont des sans-abri, parce qu'on a la Direction de la protection de la jeunesse qui supposément prend ces jeunes-là en charge. Quelle est votre relation avec la Direction de la protection de la jeunesse?

M. Badran (Sylvain): On a une belle relation avec la DPJ. Oui, c'est vrai que les trois quarts des jeunes qu'on va avoir en hébergement nous viennent en fait du Gouvernail ou de l'Escale, qui sont des centres de réadaptation respectivement pour gars et pour filles de la région de Québec. On a une belle relation et on a aussi la possibilité d'aller... Moi, j'ai la possibilité d'aller faire des activités de prévention avec les jeunes sur les unités, d'aller parler avec des jeunes en centre pour leur parler de la rue, mais aussi, tout simplement, d'être une présence pour eux qui est extérieure au centre, et ça aussi, souvent c'est un manque que ces jeunes-là ont.

Mais aussi c'est qu'en centre jeunesse les jeunes sont confrontés beaucoup à des intervenants qui changent tout le temps. Dans ma pratique, j'ai essayé de recenser le nombre de jeunes que je connais qui ont eu un seul travailleur social, et j'en ai connu juste un, depuis tout le temps que je travaille au Squat Basse-Ville. Donc, ces jeunes-là ont souvent à prendre des contacts continus avec les gens du centres, et il n'y a pas de personnalisation qui se fait. Donc, nous, quand on arrive puis qu'on héberge ces jeunes-là, on devient un peu, par défaut, un visage sur lequel ils peuvent identifier leurs problèmes. Et, nous, à travers les limites de nos mandats, on essaie de faire du mieux qu'on peut en collaborant avec les gens du centre jeunesse.

n(18 h 30)n

Mme Gaudreault: Merci pour cette réponse très complète. Vous avez parlé aussi de la nécessité d'un centre de répit, mais je crois qu'à Lauberivière il y a un centre de répit qui a été aménagé. Est-ce que les adolescents ont accès à ce centre-là?

M. Badran (Sylvain): Non. À Québec, le Squat Basse-Ville, en fait, est la seule ressource qui peut faire de l'hébergement vraiment temporaire pour des jeunes qui sont en situation de rupture ou avec lesquels on peut faire de la prévention, essayer de prévenir des situations de rupture. Il y a des organismes comme les gîtes jeunesse où les jeunes peuvent aller, mais avec démarche parentale, pour un mois. Un jeune qui a un besoin de répit pour quelques nuits ne peut aller nulle part ailleurs que le Squat Basse-Ville, du fait de son âge et de la fréquence d'hébergement qu'il a besoin.

Mme Gaudreault: Une dernière question en ce qui me concerne, concernant le phénomène de «pas dans ma cour» et de la judiciarisation de votre clientèle. Il y a d'autres organismes qui sont venus, des municipalités qui parlaient de comités de médiation, et tout ça. Est-ce que vous avez exploré cette initiative-là, ici, là, par rapport à la municipalité, la ville de Québec?

Mme Fortin (Louise): Non, en tout cas pas à ma connaissance, là. Non.

Mme Gaudreault: Surtout par rapport à votre déménagement, et tout ça, ça pourrait être peut-être une initiative intéressante.

Mme Fortin (Louise): Oui. Mais, en tout cas, moi, ce que je pourrais rajouter là-dessus, je me dis: Jusqu'à quel point on a besoin de faire ça? Tu sais, jusqu'à quel point, je veux dire, un centre jeunesse ou un... en tout cas, tout ce qui pourrait être des établissements du réseau peut s'installer sans qu'il y ait nécessairement de... Bon, ils s'installent là, ils s'installent là.

Donc, je me dis: Pourquoi un organisme communautaire, qui vient en aide, je veux dire, à une population vulnérable, pourquoi que, dans notre cas, bon, ça fait tant de... ça cause autant de difficultés? Tu sais, je me dis, à quelque part, ça devrait... en tout cas, ça ne devrait même pas exister.

Mais, en tout cas, actuellement, avec le problème qu'on a, c'est sûr que c'est beaucoup de négociations avec... bien c'est ça, avec la ville, avec le député, avec... C'est parce que ça fait un débat public dans... parce qu'il faut que ce soit accepté au niveau des citoyens. Là, ça fait des conseils municipaux qui...

Tu sais, tu as l'impression que tu vas au front, là, que c'est comme si tu allais avoir une sentence de... Tu te sens comme quelqu'un de coupable puis, au bout de la ligne, tu fais: Bien, voyons donc! Puis l'aide qu'on apporte, je veux dire, ça a un poids dans la société, là. C'est pour empêcher justement que ces jeunes-là, à un moment donné, tombent dans la criminalité puis justement aillent dans les maisons de ces chers citoyens là et fassent des vols, et tout.

Ça fait que c'est pour ça, quand on dit que c'est l'affaire de tous, bien les citoyens aussi devraient aider et essayer de comprendre ça, parce que ce n'est quand même pas des monstres, ces jeunes-là, tu sais, et surtout pas les jeunes fugueurs, parce que, ça le dit, ils sont en fugue, donc ils ne veulent surtout pas se faire pointer du doigt et se faire reconnaître. En tout cas, raison de plus pour ces jeunes-là, là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci pour votre belle présentation des services que vous offrez. C'est ma curiosité, vous avez parlé, bon, le syndrome «pas dans ma cour». Je pense que plusieurs organismes le vivent, que ce soit en santé mentale, que ce soit en alco-toxico, que ce soit en désintox, en dégrisement, en répit. Malheureusement, c'est de la prévention davantage, je crois, qu'on devrait faire auprès de la société elle-même.

Mais vous m'avez parlé de déménagement, et là, quand j'ai entendu le mot «déménagement», c'est parce que ça arrive des fois que, malheureusement, il y a des organismes qui doivent déménager, se trouver d'autres endroits. Des fois, souvent, c'est parce que c'est financier, c'est pour ça que je vous pose la question: Est-ce que vous êtes obligés de déménager pour essayer d'accéder à des locaux moins dispendieux, par rapport aux frais, ou si c'est parce qu'il y a eu une augmentation de la clientèle, vous avez besoin de lits supplémentaires?

Mme Fortin (Louise): Non, c'est la ville qui... Parce que, nous, le Squat, ses locaux sont dans un presbytère, dans le presbytère de l'église Saint-Roch, et la ville s'est rendu compte qu'on était là. Malgré qu'ils le savaient. C'est parce qu'on a demandé un permis d'occupation. Donc, en demandant un permis d'occupation pour être légal, par rapport aux assurances... Parce que ça, c'est une autre affaire aussi, que dans les organismes communautaires en hébergement, il n'y a pas beaucoup de gens qui savent que ça prend des permis d'occupation. En tout cas. Pour faire une histoire courte, on a demandé notre permis d'occupation, et là la ville, parce que, là, ça devenait officiel, ça, sachant qu'on était là, bon, ils nous ont répondu que, là, on ne pouvait pas avoir notre permis d'occupation parce qu'on n'était pas réglementaires au niveau de la sécurité, par rapport à la Régie du bâtiment, les normes, et qu'on n'était pas sécuritaires, donc il fallait qu'on quitte. Sauf que, là, c'était comme pour, style hier, là...

Une voix: ...

Mme Fortin (Louise): Oui, mais la mise aux normes était extrêmement ? c'est un presbytère, hein, ça fait que... était extrêmement ? chère, et la fabrique Saint-Roch n'a pas les sous pour faire les transformations, et c'est à la charge de l'occupant, même si on est locataires. Ça fait que, là, on s'est dit: Non, il va falloir quitter. Ça fait que, là, on a pris un arrangement avec la Régie du bâtiment pour pouvoir faire temporairement des mesures d'urgence, là, pour que ce soit sécuritaire, mais ce n'est pas permanent. Donc, on a un délai quand même d'un an, qui n'est pas beaucoup, là, mais d'un an pour pouvoir essayer de se reloger.

Mais ce n'est pas évident, parce qu'on voudrait rester dans le même secteur. Et c'est difficile. On est accompagnés par un groupe de ressources techniques, un GRT, dans tout ça, là, et puis pour avoir aussi du financement là. Sauf que ce n'est pas facile, surtout qu'en plus ce quartier-là, bien on le sait qu'il est en train beaucoup de se revitaliser, hein? Ça fait qu'on veut justement enlever ce genre d'organisme là, communautaire, qui reçoit une population vulnérable, là, dérangeante, là, qu'ils veulent aussi tasser. Donc, c'est sûr que c'est des gros conflits qui s'en viennent.

M. Dorion: O.K. Vous avez, dans les recommandations, parlé des différents ministères, que ce soit le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale ou le ministère de la Santé ou le ministère de la jeunesse. Si je vous pose la question, là: Est-ce que vous trouvez qu'il y a de la concordance entre les ministères? Est-ce que les ministères se rallient et travaillent ensemble sur les objectifs qui sont visés par les différends? Là, on parle, je veux dire, là, c'est vous qui êtes assis à la table, là, mais considérez-vous que le ministère travaille avec vous? Vous sentez-vous supportés dans l'action? Parce que, tu sais, c'est une clientèle, c'est la relève, là. On parle de jeunes, là, 12-17 ans, là. Je veux dire... Je ne dis pas que les autres ne sont pas importants, loin de là, là, mais c'est notre relève, ça, là. Alors, est-ce que tout le monde met la main à la pâte? Parce que vous avez cité tantôt, et je vous répète, «structure trop rigide».

Mme Fortin (Louise): C'est sûr que chaque ministère travaille en silo, ça, c'est clair, avec chacun leurs politiques et leurs programmes qui sont différents. Donc, c'est sûr qu'on se dit que si tous ces ministères-là travailleraient ensemble pour justement... concernant la population itinérante, bien c'est sûr que ça apporterait... puis même au niveau, je veux dire, des subventions, je veux dire, ça aiderait. Au lieu que ce soit dans différents programmes, bien ce serait comme un financement qui pourrait aider justement les organismes, que ce soit au niveau de l'emploi, au niveau... ce serait moins individualisé, là.

M. Dorion: Et là, j'imagine, avec le montant, le nombre que vous avez mentionné au niveau des couchers, j'imagine que c'est tout le temps complet, là. Je veux dire, c'est un presbytère. Vous avez combien de places dans votre...

Une voix: ...

M. Dorion: 10 places. Donc, j'imagine qu'à chaque soir les 10 places sont...

Mme Fortin (Louise): Et ça, c'est sans compter les visites, parce que, nous, les jeunes, ils peuvent... parce que certains ne veulent pas venir coucher, mais ils peuvent venir prendre des repas. Ça, c'est sans compter le nombre de visites de jeunes qu'on reçoit, là.

M. Dorion: Et vous avez parlé, bon, différents moyens de financement, vous avez parlé quand même, et l'ensemble des organismes, d'un financement... un sous-financement. De quel ordre? Est-ce que vous pouvez me donner une idée? Parce qu'on a reçu votre agence ce matin, et j'aimerais savoir, vous, là, l'ordre du soutien à l'action communautaire, là, quel est le montant que vous recevez comme...

Mme Fortin (Louise): Bien, si on prend, pour le Squat, là, nous, actuellement, de l'agence, on reçoit 130 000 $. Mais, pour vraiment fonctionner, là, avec le personnel et... on avait fait le calcul, ça nous prendrait 525 000 $, ça fait qu'on est loin, hein?

n(18 h 40)n

Une voix: ...

Mme Fortin (Louise): 525 000 $. Ça fait qu'on est loin du compte.

M. Badran (Sylvain): Si je peux me permettre, il y a aussi le fait que la problématique avec laquelle on travaille, la fugue, est comme un sujet tabou, on n'en parle pratiquement jamais. Et j'imagine que ça rend la tâche, aussi, compliquée à Louise, ma D.G. Mais, comme problématique, on n'en parle jamais, et, si on n'en parle pas, ce n'est pas une priorité, donc on ne financera pas. Il y aurait un gros travail à faire sur cette problématique-là, à mon avis, aussi.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci, M. le Président. Merci pour la qualité puis enfin toutes les statistiques que vous nous donnez dans votre mémoire. Je pense qu'on voit bien, dans le tableau que vous nous avez présenté, l'évolution dans la fugue, à quel point vous travaillez avec des très jeunes qui sont en risque d'itinérance et qui sont en risque de... d'itinérance, je veux dire, plus que simplement, là, ad hoc, si on veut, mais aussi criminalité. Et c'est assez triste de penser qu'on a des jeunes de 12 à 17 ans qui se retrouvent, qui vont se retrouver, là, dans cette situation-là.

Nous, on va recevoir, demain ou dans les prochains jours, la ville de Québec. Moi, j'aurais peut-être quelques questions suite à vos commentaires. À Montréal, on nous a dit, et dans d'autres villes aussi, que les contraventions qu'on donne aux jeunes qui ont une allure un peu différente des autres, les contraventions, par exemple, pour avoir traversé la rue ailleurs qu'à une intersection, être assis sur un bloc de béton dans un parc plutôt que sur un banc ou, etc., que ça avait énormément augmenté et qu'à Montréal, ça, c'étaient les chiffres qu'on nous donnait, là, 72 %. Évidement, quand on se retrouve avec 2 000 $, 3 000 $, 4 000 $ de contraventions et qu'on n'a pas un sou, alors ils s'en vont en prison, 72 %.

Comment vous voyez la situation? Est-ce qu'il y a eu une aggravation du harcèlement et de la judiciarisation dans les dernières années?

M. Badran (Sylvain): Pour ce que je peux en témoigner à travers... Souvent, les observations que j'ai pu faire directement sur le terrain en présence de jeunes, j'ai vu personnellement des situations qui font en sorte que j'ai de la misère à rester objectif face au travail policier.

Le plus aberrant que j'ai vu, un soir de mars de l'an passé, j'étais avec un jeune sur le parvis de l'église Saint-Roch, il n'y avait personne d'autre. Lui, je vous avoue qu'il n'était pas tout à fait à jeun. Et, bon, on s'amusait un peu, et il est parti à faire un cri d'orignal, il a câlé l'orignal, comme on dit si bien. Le policier passait par là, il a demandé ses cartes au jeune, il lui a donné un ticket de 135 $ pour bruit excessif et avoir troublé l'ordre public. Et j'ai offert au jeune de le contester puis de servir de témoin. Et ce jeune-là, bien, a dit tout simplement: Même si tu es là, c'est ma parole contre celle du policier. Cela étant dit, je pense qu'il y a quand même aussi du bon travail qui se fait des policiers. Mais c'est... Je pense que c'est vrai que, parce qu'on a l'air différent, on est des victimes plus faciles. Puis, à quel point, jusqu'à quel point je suis biaisé ou non, je vous laisse juge, mais c'est très troublant de faire ces observations-là puis d'essayer de ne pas exagérer la balloune en amenant des cas, des situations comme ça, mais ça arrive.

Mme Lapointe (Crémazie): Ma question à Mme Fortin, toujours à l'égard de la ville, parce que tout à l'heure vous avez mentionné qu'on essayait, étant donné la grande revitalisation qui a lieu depuis plusieurs années dans le quartier Saint-Roch, et puis c'est très bien, là... Que peut-être déjà, peut-être qu'à la ville on est moins enclins à vous laisser dans ce quartier-là.

Tu sais, moi, je crois que, quand on construit des condos ou des beaux immeubles dans un quartier modeste, ceux qui achètent dans ce quartier-là doivent s'attendre à côtoyer des gens en situation de pauvreté, ne pas les chasser. Alors, qu'est-ce que vous ressentez, là, parce que ça, c'est très, très important, là. Vous êtes installés dans un quartier, vous voulez y rester et, parce qu'on revitalise le quartier, vous ne seriez plus les bienvenus.

Mme Fortin (Louise): Bien, effectivement, d'où la... On se sent exclus, nous aussi. On se sent... on comprend plus...

Mais c'est sûr que ça va être de la négociation, et ça va être... Parce que, si, nous, on ne peut pas rester dans ce quartier-là ou à proximité, c'est sûr que le Squat n'a plus sa raison d'exister, là. Ou, oui, il va exister mais on ne répondra plus à la même clientèle, là. Donc, c'est sûr qu'on va se battre.

Il y avait une plus grande ouverture du côté du vieux-Limoilou, où la conseillère, elle, était prête, si on trouvait un terrain, si on trouvait quelque chose, dans le fond à se battre, là, au conseil d'arrondissement. Puis, ce qui est difficile aussi, c'est qu'il n'existe plus, au niveau des terrains, il n'y a pas... C'est sûr qu'on n'a pas de l'aide de la ville qui nous dit: Regardez, là, on vous prend, on va vous aider, là, on va trouver quelque chose.

Ça, on ne l'a pas, il faut qu'on se débrouille par nos propres moyens. La seule chose, c'est qu'un fois qu'on trouve là il faut aller voir avec l'urbaniste: c'est-u correct? Oui bien... Puis là, c'est là qu'il va falloir débattre, là, au conseil pour faire accepter de.

Ça, je trouve ça dommage, parce que ça serait bien si la ville nous disait: O.K. vous ne pouvez pas être là, pour x raisons, mais on va vous aider, là, à...

Mme Lapointe (Crémazie): ...leur poser la question.

Mme Fortin (Louise): Ah! Bien écoutez.

Le Président (M. Kelley): Et, sur ça, merci beaucoup. Je pense que c'est mardi de la semaine prochaine, Mme la députée, que la ville de Québec est censée d'être parmi nous.

Sur ça, merci beaucoup pour votre présentation. Je m'excuse auprès des membres de la commission. J'ai coupé dans votre temps de questions pour laisser le temps pour les témoins à témoigner.

Alors, merci beaucoup pour cet aperçu des problèmes qui sont confrontés par les jeunes ici, à la ville de Québec.

Sur ça, je vais ajourner nos travaux à 9 h 30, demain matin, dans la même salle.

(Fin de la séance à 18 h 48)


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