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Commission permanente des affaires sociales
Etude des crédits du ministère des
Affaires sociales
(Vingt heures trente-trois minutes)
M. Pilote (président de la commission permanente des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs! Sont membres de cette commission des
affaires sociales Mme Bacon (Bourassa), MM. Bédard (Chicoutimi),
Bellemare (Johnson), Bellemare (Rosemont), Bonnier (Taschereau), Charron
(Saint-Jacques), Dufour (Vanier), Boudreault (Bourget), Forget (Saint-Laurent),
Fortier (Gaspé), Lecours (Frontenac), Massicotte (Lotbinière),
Samson (Rouyn-Noranda) et Saint-Germain (Jacques-Cartier).
Si la commission n'a pas d'objection, M. Dufour, de Vanier, serait le
rapporteur de cette commission.
La commission est réunie ce soir pour étudier les
crédits des affaires sociales. Nous allons laisser, comme l'habitude en
a été créée, le ministre faire un tour d'horizon
sur son ministère, quitte à accorder la parole aux partis de
l'Opposition et à revenir article par article. Je ne sais pas si les
membres sont d'accord sur ce procédé.
La parole est au ministre des Affaires sociales.
Exposé de M. le ministre M. Claude
Forget
M. Forget: Merci, M. le Président. J'aimerais, avant de
commencer, présenter aux membres de la commission les différents
officiers supérieurs du ministère et des régies qui sont
présents ici. Je commencerai à ma droite: Le Dr Brunet,
sous-ministre en titre; M. Marier, président de la Commission des
affaires sociales et de la famille; M. Gill Fortier, président de la
Régie de l'assurance-maladie. Il y a aussi différents
sous-ministres adjoints: M. Nepveu, à l'extrémité,
là-bas, responsable de la programmation; M. Jean-Guy Houde, responsable
de l'administration et de l'aide sociale; M. Ré-jean Larouche,
responsable de la gestion professionnelle, et le Dr Martin Laberge, responsable
de l'agrément. Il y a un ou deux absents. Il y a aussi M. Gabriel
Savard, secrétaire général du ministère. Je ne veux
oublier personne. Il y a M. Colpron, qui est directeur de l'aide sociale; M.
Grenier, du personnel, M. Garcia, de la planification de la
sécurité du revenu; Mme Valois, de l'aide sociale; M. Larochelle,
de la Régie de l'assurance-maladie, et M. Guy Dumas, de la Direction de
l'action communautaire.
M. le Président, avant de commencer l'étude de nos
crédits et sans anticiper sur les explications détaillées
qui seront probablement plus à leur place dans l'étude de chacun
des postes du budget, j'aimerais profiter de cette occasion pour brosser
très sommairement un tableau des réalisations de l'année
qui vient de se terminer, l'exercice financier 1974/75, à la fois sur le
plan du développement des programmes et sur le plan législatif
pour, ensuite, aborder une description générale de l'ordre des
grandeurs des différents programmes du ministère et de leur taux
d'accroissement pour l'année à venir et peut-être, en
terminant, donner quelques aperçus sur les développements qui
sont envisagés pour l'exercice 1975/76.
Si l'on porte notre regard sur les développements de
l'année écoulée, et au risque d'en oublier quelques-uns,
on doit noter un développement très considérable, un
très grand nombre de mesures, un éventail très large de
mesures en commençant par les mesures de sécurité d u
revenu q ui ont fait l'objet, commedans le passé, d'ailleurs, de
nombreux développements, de nombreux ajustements et de bonifications
assez importantes. En particulier et s'ajoutant aux majorations du
régime d'aide sociale et des allocations familiales qui étaient
entrées en vigueur dans l'exercice financier précédent,
c'est-à-dire 1973/74, le régime de l'aide sociale a subi deux
améliorations durant l'exercice financier qui vient de s'écouler,
c'est-à-dire une majoration de 4% des barèmes qui est intervenue
en juin I974, et une modification des barèmes de logements, modification
à la baisse, puisque l'on sait que ces barèmes sont non pas des
barèmes de prestations mais des barèmes de calcul des besoins, et
qui est intervenue en novembre dernier.
En janvier I975, intervenait, en vertu des dispositions à cet
effet, dans les règlements, une indexation des prestations de l'aide
sociale de l'ordre de 10.4% qui correspond au taux d'accroissement de toutes
les mesures sociales et qui correspond d'ailleurs à l'indice des rentes
tel que déterminé en vertu des nouvelles règles de
détermination de cet indice qui font suite aux modifications
législatives de 1973 et de 1974.
L'aide sociale a donc été majorée en janvier, de
même que les allocations familiales par le même pourcentage.
Egalement, le 1er janvier, prenait effet une extension de la couverture du
régime d'assurance-maladie par une couverture nouvelle des personnes
âgées de 65 ans et pi us, qui reçoivent une partie
seulement du maximum du revenu garanti, c'est-à-dire environ 150,000
bénéficiaires nouveaux qui s'ajoutent aux 150,000 qui avaient
été les premiers bénéficiaires du régime
d'assistance-médicaments en janvier 1974 et, bien sûr, q ui
s'ajoutent également aux autres bénéficiaires que
constituent les bénéficiaires de l'aide sociale.
Du côté de la sécurité du revenu, ces mesures
de majoration ou de bonification des régimes en place sont
accompagnées de la poursuite des discussions sur le plan de
l'élaboration d'un régime de sécurité du revenu
intégré, qui intégrerait dans un ensemble cohérent
l'ensemble des mesures de sécurité du revenu, tel que ce travail
a été amorcé par une série de conférences
fédérales-provinciales et le comité conjoint
fédéral-provincial qui a élaboré, durant le cours
de l'année, des propositions de plus en plus détaillées
pour en arriver finalement, à la conférence du mois de novembre,
à une série de trois possibilités qui ont
été soumises à la considération de tous les
gouvernements canadiens et qui
ont fait depuis, d'ailleurs, l'objet d'autres travaux et d'autres
rencontres. Je reviendrai tantôt sur les modifications qui ont
été introduites au régime de rentes, mais qui font aussi
partie des mesures de sécurité du revenu; je le ferai dans le
contexte de la législation adoptée durant le dernier exercice
financier.
D'autre part, dans le secteur des services de santé,
particulièrement des services communautaires, nous avons vu, durant
l'année 1974/75, des développements fort significatifs par la
mise sur pied, de manière effective, des 31 centres de santé
communautaire qui avaient été désignés dès
1972 en annexe aux règlements adoptés en vertu de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux.
A la fin de l'exercice financier, il était possible d'affirmer,
que les 31 centres étaient dotés enfin de directeurs, dans chacun
des cas, et que, pour un certain nombre d'entre eux, ils étaient en plus
en voie de fonctionnement, ce qui avait permis d'amorçer de façon
importante, durant le cours de l'exercice, l'intégration des ressources
humaines et des ressources matérielles précédemment
utilisées par les unités sanitaires, transfert qui s'y est
effectué durant tout le cours de l'exercice financier, qui n'est pas
entièrement terminé, mais qui a déjà
été encore une fois, substantiellement amorcé durant cet
exercice.
Il y a eu également, au cours de l'automne I974, la
création d'une direction de l'action communautaire et une amorce d'un
processus de consolidation, de définition, d'évaluation de
l'expérience acquise dans la mise en place des CLSC et, encore une fois,
la consolidation de la position et du rôle de ces nouveaux organismes
dans l'ensemble des services de santé et des services sociaux de notre
réseau.
Il y a eu en plus, durant l'année, une intégration de
certains services de santé municipaux, intégration qui a
procédé à des degrés différents, selon les
cas, mais qui a été amorcée dans chacun des cas et qui a
été complétée dans un certain nombre d'entre eux,
mettant ainsi un terme à un engagement pris il y a déjà
quelques années, par le gouvernement, à l'effet d'assumer de
façon complète, la responsabilité pour tous les services
de santé au Québec, sur le plan financier comme sur le plan de
l'organisation.
Dans d'autres domaines, les services ont connu également des
développements significatifs. Pour ce qui est de l'enfance et des
services à l'enfance, il y a eu entre, autres développements, une
majoration substantielle des prestations versées aux foyers nourriciers
faisant suite à la majoration instaurée au début de
l'année I974, les taux versés aux foyers nourriciers ont
été majorés d'un pourcentage de 20% au début de
I975 et donc d'un pourcentage qui était de près du double du taux
de majoration qu'aurait provoquée une simple indexation des
prestations.
Il y a eu, dans l'ensemble de l'exercice, des développements
importants du côté des services de garde d'enfants. Il y a eu
l'élaboration d'un avant-projet d'une politique pour la garde des
enfants, une consultation assez large, l'application d'un projet modifié
dès l'été I974. Sur la base de l'expérience des
quelques premiers mois, il y a eu une révision et, tout
dernièrement, l'annonce d'un régime élargi.
Il y a eu, sur le plan des services aux personnes âgées,
une série d'initiatives dont la première consiste dans
l'organisation d'une tournée de sensibilisation des centres d'accueil et
des centres hospitaliers pour personnes âgées de manière
que les services donnés à ces clientèles soient
marqués d'un plus grand caractère d'humanisation, que I on
vérifie auprès des clientèles visées les
hypothèses utilisées par le ministère dans
l'élaboration d'un programme de développement de services pour
les personnes âgées, développement qui mette l'accent sur
l'accessibilité à des services de centres de jour, à des
services à domicile et sur le maintien, dans toute la mesure du
possible, des personnes âgées dans leur milieu naturel de vie.
Il y a eu également, sur le plan des réalisations
concrètes, l'amorce de plusieurs projets de construction de centres
d'accueil, en particulierdans les régions du Québec qui sont les
moins richement pourvues de ces ressources, et plusieurs projets ont
été officiellement autorisés et ont vu s'amorcer les
travaux nécessaires à leur construction, à leur
réalisation.
Sur le plan des services hospitaliers, le développement le plus
notable est sans doute l'élaboration plus détaillée, plus
raffinée d'un plan quinquennal d'immobilisation qui fut soumis, à
la toute fin de l'exercice financier, aux organismes de contrôle du
gouvernement, au Conseil du trésor et qui concrétise plusieurs
mois et même plusieurs années de travail pour préciser
certains paramètres de développement du réseau hospitalier
et perfectionner les critères et les bases de l'approbation
gouvernementale des projets de développement dans ce secteur.
Il y a eu également dans le secteur des services de santé,
des services hospitaliers, à la suite de nombreuses études,
d'élaboration d'une politique relative aux services d'urgence et aux
services ambulanciers. Les consultations se sont poursuivies quant aux
règlements qui doivent être adoptés, en vertu de la Loi de
la santé publique, relativement aux services ambulanciers. Une politique
de garantie des services ambulanciers, d'accessibilité aux services
ambulanciers dans les régions peu densément peuplées a
été mise en application. Son application a fait l'objet de
discussions et de consultations avec les milieux intéressés. Et
avec les conseils régionaux, les grandes dimensions d'une politique de
soins d'urgence ont également fait l'objet d'un début
d'application.
Enfin, sur le plan législatif, je crois que l'année qui
vient de s'écouler a été extrêmement bien remplie,
puisque nous avons vu l'Assemblée nationale approuver pas moins de cinq
projets de loi, dans la session qui s'est terminée en décembre.
Un projet de loi a créé une commission des affaires sociales qui
sera bientôt l'objet d'une promulgation, regroupant ainsi, en une seule
instance, différentes procédures d'appel ou de recours, de nature
administrative qui étaient auparavant dispersées et qui
étaient laissées à différents organismes, parfois
créés sur une base purement ad hoc.
Le projet de loi no 4I a également introduit, après trois
ans d'expérience dans son application, une très nombreuse
série de modifications d'amen-
élements à la Loi sur les services de santé et les
services sociaux.
Le projet de loi no 64 a introduit des modifications au régime de
rentes du Québec auquel j'ai fait allusion tantôt et dont l'effet
était de fournir une formule permanente, pour ainsi dire, d'indexation
du maximum des gains admissibles, de même qu'une formule d'indexation des
prestations basées sur un calcul beaucoup plus rapproché dans le
temps de l'évolution de l'indice des prix à la consommation que
ce n'était le cas dans le passé et introduisant aussi dans
l'administration du régime de rentes le principe de
l'égalité des sexes.
Le projet de loi no 90 nous a permis, également à la
lumière de l'expérience d'une année et demie dans
l'utilisation de cette nouvelle mesure législative, de modifier
certaines modalités d'application de la Loi de protection du malade
mental de manière à corriger certaines inadvertances ou certaines
situations qui n'avaient pu être adéquatement prévues lors
de l'adoption originale de la loi et qui favorise son fonctionnement.
Enfin, le projet de loi no 93, modifiant le régime
d'assurance-maladie, prévoyait également toute une série
de modifications dont je crois qu'il serait peut-être opportun de vous
faire grâce ici de façon à ne pas prolonger indûment
cet exposé. Mais malgré tout, je rappellerai certaines
dispositions essentielles, en particulier une série de dispositions
visant à favoriser l'accessibilité géographique aux
ressources médicales, à la main-d'oeuvre médicale par
différentes mesures qui sont prévues dans ce projet de loi pour
favoriser l'accès aux ressources médicales, aux médecins,
dans certaines régions du Québec qui en sont moins richement
pourvuesqued'autres, prévoyant également un régime de
bourses de recherche et prévoyant la préparation de
données relatives à l'utilisation des services par les
bénéficiaires du régime.
Voilà, très rapidement brossé, le tableau des
développements qui se sont produits dans le secteur des affaires
sociales au cours du dernier exercice. Nous croyons que le budget, qui vous
sera soumis lors des séances de cette commission, permettra d'abattre un
travail comparable au cours du prochain exercice financier puisque les projets
de développement, les nouvelles initiatives sont non moins nombreuses
pour le prochain exercice qu'elles ne pouvaient l'être pour l'exercice
précédent.
J'aimerais, dans un deuxième temps, comme je l'ai indiqué
tantôt, donner quelques indications sur l'évolution des principaux
programmes du budget du ministère des Affaires sociales et rappelerque
le budget de l'exercice 1975/76 totalise $2,788,000,000.
Il représente, par rapport au budget initial de 1974/75, un
accroissement de presque $638,000,000 et de $362 millions par rapport au budget
définitif de l'exercice financier qui vient de s'écouler, en
tenant compte non seulement du budget initial, mais aussi des budgets
supplémentaires et des mandats spéciaux qui ont été
émis durant la période, ainsi que des transferts effectués
au bénéfice du secteur des affaires sociales à même
les crédits à la disposition du ministère des Finances et
qui ont servi, comme on s'en souviendra, pour le paiement des versements
forfaitaires accordés aux employés du secteur.
Les dépenses probables, après onze mois d'activité,
sont évaluées à $2,402 milliards, ce qui laisse subsister
des crédits périmés de $24.5 millions.
L'évolution en pourcentage du budget 1975/76 par rapport aux
dépenses probables de 1974/75 est de 16.1%. L'augmentation est de 14.9%
lorsque la comparaison est effectuée avec le budget modifié de
1974/75, c'est-à-dire tenant compte des mandats spéciaux et des
budgets supplémentaires de même que des virements.
Ces taux diffèrent de celui de 15.3% qui paraît aux notes
explicatives sur les crédits de 1975/76 qui ont été
déposés récemment à l'Assemblée nationale
par le ministre des Finances. Dans le premier cas, c'est-à-dire dans le
cas des chiffres que je viens de vous donner, le taux de 16.1% résulte
d'une comparaison de données différentes, mais, de toute
manière, les données de base sont semblables. Nous avons tout
simplement pu tenir compte, dans ces derniers calculs, des modifications
postérieures à celles qui sont incorporées dans les
documents du budget tels qu'imprimés, quoiqu'il soit intéressant
de noter que la variation en pourcentage de la moyenne mobile de trois ans,
calculée à compter des données de l'exercice 1966/67, a
évolué à la baisse, soit de 16.9% à 10% au cours
des huit premiers exercices de cette période. Cependant, cette moyenne
augmente à 14.5% et à 15.8% au cours des quatre derniers
exercices financiers. Je parle ici encore de la moyenne mobile de trois
ans.
Une autre donnée intéressante est constituée par
l'évolution de chacun des secteurs du budget de 1975/76 par rapport aux
dépenses probables de 1974/75. Ainsi, les régimes de compensation
du revenu subiront une variation de 13.4% cette année par rapport
à l'année qui vient de se terminer; le programme de
prévention et d'amélioration, une augmentation de 33.8%; le
programme de réadaptation sociale, une augmentation de 22.7%; le
programme de recouvrement de la santé, une augmentation de 13.8%, alors
que l'administration et les services connexes affichent une augmentation de
24%.
Il est sans aucun doute intéressant également, si nous
tournons notre attention vers les développements prévisibles
durant la prochaine année, de faire la distinction, pour chacun de ces
programmes ou chacun de ces secteurs, entre l'augmentation qui est attribuable
à des facteurs qui sont largement en dehors du contrôle du
ministère comme tel, c'est-à-dire qui reflètent la hausse
générlie des prix et des rémunérations, et cette
partie qui reflète, au contraire, une augmentation réelle, en
quelque sorte, en termes réels, dans le total des ressources mises
à la disposition de chacun des secteurs.
Ainsi, dans les régimes de compensation du revenu,
évidemment, cette distinction-là est moins applicable puisqu'il
s'agit de chiffres en termes monétaires de toute façon, les
prestations d'aide sociale absorbent la quasi-totalité de
l'augmentation, soit 97.3% ou $67 millions.
Une tranche de $14 mi liions résulte des modifi-
cations dont nous aurons l'occasion de reparler dans la politique de
contribution des adultes en établissement, de même que
l'intégration à l'aide sociale des adultes en foyers
affiliées.
Il s'agit donc là d'un transfert d'un poste du budget à un
autre, non pas d'une augmentation réelle en quelque sorte, mais d'une
augmentation simplement comptable pour cette partie-là.
Le solde de l'augmentation, c'est-à-dire la différence
entre $67 millions et $78 millions, est constitué principalement par le
coût de l'indexation des prestations, indexation qui, comme je l'ai
indiqué tantôt, continue de se faire en fonction de l'indice des
rentes et qui prendra effet le 1er janvier 1976, puisque l'augmentation de
janvier 1975 paraît, évidemment, dans la comptabilité de
l'exercice précédent.
Dans le secteur de la prévention et de l'amélioration, la
plus grande partie de l'accroissement de $38 millions, c'est-à-dire les
33.8% que je soulignais tantôt, soit $24 millions, s'explique par le
développement des ressources.
En effet, une somme de $13.1 millions s'applique au développement
de l'exercice 1975/76 et $11 millions représentent le coût
additionnel du développement de l'exercice précédent,
c'est-à-dire la traduction sur la base d'un exercice financier complet
des développements qui n'ont effectivement été faits que
pour une partie de l'année durant l'exercice
précédent.
Le développement en 1975/76 a lieu, dans les centres
hospitaliers, en services ambulatoires, départements de santé
communautaire, cliniques dentaires; dans les CLSC, en réorganisation de
l'urgence, des services de soins à domicile et tout
particulièrement dans les services sociaux de santé en milieu
scolaire dont le budget affiche une augmentation de plus des deux tiers.
Dans le secteur de la réadaptation sociale, un montant de $77
millions constitue l'augmentation de 22.7%. Le développement des
ressources, $12.6 millions et l'annualisation du coût du
développement des ressources de l'exercice précédent,
$18.7 millions, absorbe donc, au total, 40% de cette augmentation.
Comme je l'ai indiqué tantôt, le solde de l'accroissement
s'explique par des facteurs sur lesquels nous n'avons pas le même
degré de contrôle, c'est-à-dire l'augmentation
générale des rémunérations et du prix des services
et des fournitures.
Pour ce qui est du secteur de recouvrement de la santé,
l'accroissement de ce secteur, soit $182,589,000 ou 13.8%, est constitué
principalement de l'accroissement dans la base.
Il s'agit des traitements, conventions collectives, prix, etc. et aussi
une provision pour l'augmentation probable des rémunérations.
Enfin, un montant de $23.7 millions s'applique au développement des
ressources de l'exercice 1975/76, soit $ll.4 millions pour les nouveaux
développements et une somme additionnelle de $12.3 millions pour
l'annualisation des développements effectués pour une partie de
l'année durant l'exercice précédent.
Du côté de l'administration et des services, il y a une
majoration qui, en chiffres absolus, s'élève à $10
millions et sur laquelle nous reviendrons en temps et lieu.
Alors, M. le Président, voici les ordres de grandeur des
accroissements qui interviendront en termes financiers et également en
termes réels dans les principaux secteurs qui sont confiés
à l'administration du ministère des Affaires sociales. Il y a,
bien sûr, beaucoup plus de détails qu'il sera nécessaire,
dans chacun des programmes, de donner sur l'envergure et la nature des
développements envisagés. Nous poursuivrons, sans aucun doute,
dans plusieurs secteurs les actions que j'ai soulignées et qui ont
été amorcées l'an dernier. Les secteurs en croissance
correspondent, je crois, de façon assez fidèle, aux
priorités que le ministère des Affaires sociales s'est
données depuis quelques années, c'est-à-dire les
activités de prévention, le développement des services de
réadaptation à l'enfance et aux adultes, où l'on trouve
des taux d'augmentation relativement élevés, et une
stabilisation, une consolidation qui n'est malgré tout pas synonyme de
stagnation puisque des développements, en termes absolus, malgré
tout très considérables sont prévus, une somme de $36
millions est prévue pour les développements dans l'ensemble des
secteurs, ce qui est équivalent à une valeur annualisée de
$50 millions pour l'ensemble d'un exercice financier complet. Plusieurs mesures
vont voir un développement se parfaire durant le prochain exercice
financier, c'est-à-dire celui qui est désormais commencé,
la poursuite du travail de développement des départements de
santé communautaire, en particulier l'intégration des
unités sanitaires, qui devrait toucher à sa fin, un
développement très substantiel des services à domicile,
qui affiche également un taux de développement très
considérable, et également la mise à terme de
l'intégration des services de santé municipaux et des services
analogues.
Il y a, sur le plan des régimes, des développements
également, soit sur le plan de l'aide sociale, des développements
qui affecteront plutôt les règlements actuellement en vigueur, qui
essaieront de les rendre plus faciles d'application, plus accessibles, plus
compréhensibles et qui, par la même occasion, permettront
d'introduire certaines améliorations dans un certain nombre de
mesures.
Le régime des soins dentaires, pour les enfants de 0 à 8
ans, qui est entré en vigueur au début de mai 1974, fera l'objet
d'une extension aux enfants de neuf ans, de manière à assurer une
continuité dans la couverture de ceux qui sont déjà
assumés par le régime.
Il y aura, dans le domaine des services de santé et des services
sociaux, d'autres développements, mais je crois qu'il serait
probablement oiseux de les exposer ici, tous ensemble. Je pense qu'il vaut
beaucoup mieux le faire dans le cadre de l'étude détaillée
de chacun des programmes.
Alors, voilà l'essentiel de ce que je voulais dire à ce
moment-ci. Je crois que nous aurons l'occasion de voir plus en détail la
plupart des autres questions que j'ai laissées de côté pour
vous.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. Charron: Merci, M. le Président. Je veux remercier le
ministre, d'abord, de l'exposé historique qu'il a fait de la
dernière année du budget que l'Assemblée lui avait
octroyé l'année dernière comme charge à
administrer, et aussi des quelques grandes lignes qu'il a tracées mais
que nous retrouverons secteur par secteur, lorsqu'il les exposera.
M. le Président, ce n'est pas la première fois que
j'examine les crédits des affaires sociales, mais c'est la
première fois que je suis officiellement chargé par l'Opposition
d'assumer ces dossiers au cours des deux dernières années,
j'espère, qu'il me reste à faire au cours du mandat que m'ont
donné mes concitoyens.
Je ne voudrais pas embêter la commission parlementaire ni, encore
moins, les hauts fonctionnaires qui accompagnent le ministre par une
espèce d'énoncé de principe oiseux, pour reprendre un mot
que vient d'employer le ministre des Affaires sociales, ou absolument
théorique qui ne collerait aucunement à la
réalité.
Je veux simplement exprimer, au tout début, les raisons qui m'ont
fait militer pour que le transfert des responsabilités à
l'intérieurde l'Opposition s'effectue comme il s'est fait au cours des
dernières semaines et que je prenne charge, au nom de l'Opposition
officielle, du secteur des affaires sociales, raison très terre à
terre, M. le Président. D'abord il y avait ce que le directeur de la
Régie de l'assurance-maladie connaît certainement: une
espèce de fatigue, à l'occasion, dans certains dossiers, la
certitude que, faute du partenaire d'en face ou non, je ne ferai pas de
commentaires là-dessus, mais que certaines suggestions, certaines
remarques et certaines conceptions fondamentales n'obtiennent jamais de
résultat, tombent lettre morte et donnent envie, surtout quand on est
encore assez loin de la pension de vieillesse, d'essayer ailleurs, de chercher
ailleurs. Mais j'ai l'intention de chercher ailleurs, c'est-à-dire
maintenant aux affaires sociales, la même chose que j'ai cherchée
depuis que je suis à l'Assemblée nationale.
Je travaille ici avec un objectif de libération des
Québécois, libération collective, bien sûr, parceque
je suis convaincu qu'elle est essentielle à la libération
individuelle de chacun des citoyens du Québec, mais aussi la
possibilité, pour chacun des Québécois, d'être le
maître de sa vie, autonome dans la gestion de ses affaires et dans la
construction de son propre bonheur, selon son propre choix, ses propres
convictions, sans en imposer aucune à personne, la liberté, pour
chacun, de vivre selon les valeurs qu'il a choisies.
Dans le milieu de l'éducation c'était, je crois, beaucoup
plus intellectuel. Il s'agissait de travailler à ce que le contenu de
l'éducation qui s'adresse essentiellement à l'esprit soit facteur
de libération, que l'éducation et la transmission des
connaissances, la façon dont les connaissances étaient transmises
et le genre de connaissances qui étaient transmises travaillent
effectivement à l'épanouissement spirituel des citoyens
Cela ne fait que deux semaines que j'ai la res- ponsabilité des
affaires sociales. J'ai quand même eu l'occasion de pacager un peu dans
le Québec, de me rendre dans le Bas-du-Fleuve, en Gaspésie, au
Saguenay-Lac-Saint-Jean au cours de cette période, d'entrer en premier
contact avec ce milieu tout à fait différent en mentalité,
j'en ai déjà la conviction, en façon de procéder,
en façon de s'exprimer qu'est le milieu dit des affaires sociales que
connaît le ministre et que connaissent certainement bien, encore, les
hauts fonctionnaires qui l'accompagnent. J'ai l'impression que la même
lutte pour la libération se fera maintenant sous des conditions beaucoup
plus matérielles, beaucoup plus palpables, beaucoup plus touchables que
la discussion plus proprement intellectuelle que nous tenions à
l'occasion et c'est normal dans le secteur de
l'éducation.
C'est bon, dans un sens, de retrouver cette approche-là, mais qui
contribue, qui va vivre, qui va véhiculer le même objectif, encore
une fois. Il ne faut pas oeuvrer longtemps dans ce secteur pour savoir
très bien que cette libération de la personne humaine pour
laquelle nous travaillons a des assises proprement matérielles, a des
assises qui exigent un minimum de confort. Déjà, le mot nous
amène dans des distinctions que nous aurons à établir en
travaillant. Il est difficile d'être une personne libérée
en pleine capacité d'établir le bonheur selon sa conception quand
on a mal quelque part, quand on a faim, quand on a froid, quand les gens
à qui on voudrait offrir de l'affection, à qui on voudrait offrir
le meilleur de la sécurité, pour que ces mêmes personnes
connaissent le même épanouissement que soi-même, sont dans
des conditions matérielles qui ne leur permettent pas de décoller
sur le plan spirituel.
Je n'arrive pas dans ce secteur je tiens à le dire au
départ avec des doctrines, avec des conceptions absolument
stéréotypées, ce genre d'improvisations que,
puisées à gauche ou à droite, j'aurais l'intention de voir
le ministère catapulter sur la tête des Québécois.
Au contraire, j'arrive avec le goût de chercher mais aussi avec des
convictions que je m'étonnerais beaucoup d'abandonner en m'en allant,
des convictions qui me sont données par les citoyens que je
représente, d'abord. Je suis député d'un des comtés
les plus pauvres, dits pauvres de Montréal. Si je regarde la nouvelle
carte électorale qui nous a été présentée
aujourd'hui, je suis député pour longtemps de ce secteur qui est
le mien depuis cinq ans, maintenant. C'est ces convictions que j'ai l'intention
de défendre férocement alentour de cette table comme à
l'Assemblée nationale.
Au fond, je le disais l'autre jour en intervenant dans le débat
sur le discours inaugural, une fois qu'on a décortiqué l'ensemble
des grands principes, souvent, les convictions fondamentales qui nous
conduisent sont d'une paradoxale banalité, une fois qu'on leur a
enlevé toute l'étiquette et la façon de l'exprimer. Par
exemple, j'aborde ce secteur qui touche proprement les conditions
matérielles d'existence de Québécois avec une certitude
qu'il me sera difficile d'arracher de la tête. Nous vivons dans un pays
extrêmement riche.
S'il en prenait la décision lui-même, quel que soit le
statut politique de cette société, ce qui est une autre question,
mais qui n'est pas non plus absente de ce débat, serait capable de faire
que le niveau de vie moyen des Québécois et celui d'un grand
nombre de citoyens, dont ceux que je représente, serait
différent, serait meilleur. Autrement dit, revenons, à ces
clichés vous me direz, mais à ces réalités,
à mon sens. Le partage des richesses de cette collectivité
pourrait être fait sur d'autres principes, avec d'autres moyens, avec
d'autres valeurs, avec d'autres orientations, des fois pas totalement
différentes de celles qui président au partage des richesses
actuelles, à d'autres occasions qui ne nécessiteraient qu'un
aménagement de l'imagination, qu'une volonté concrète au
niveau politique de combattre ces inégalités. Nous sommes une
société qui les a, ces moyens. Je n'ai qu'à prendre, M. le
Président, les statistiquesque me fournit ce gouvernement lorsque
sa mission économique s'exprime sur la hausse du niveau de vie, sur la
croissance du produit national brut, sur la croissance du revenu moyen des
citoyens au Québec pour savoir qu'effectivement, quant à
ces richesses, ces possibilités, nous ne sommes pas, lavons-nous dit
à plusieurs reprises sur des estrades ailleurs qu'ici, une des colonies
d'Afrique. Celles-ci arrivent avec un certain nombre de richesses naturelles
extrêmement limitées, avec des ressources humaines
extrêmement dépourvues pour utiliser, canaliser ces richesses
naturelles du mieux qu'elles le peuvent et au hasard des séquelles du
colonianisme dont elles parviennent avec beaucoup de difficulté à
se libérer pour effectuer un changement. Nous sommes une
société qui, si elle le voulait, si elle le décidait, si
elle s'en donnait la peine, si elle s'organisait au point de vue
bureaucratique, au point de vue de sa technocratie, qui est aussi puissante que
celle de n'importe quelle autre société moderne, civilisée
occidentale, serait capable de travailler à un partage des richesses
différent. Elle serait même capable d'innover dans ce qui
s'appelle la responsabilité des citoyens quant à l'organisation
de ce partage des richesses.
M. le Président, on me dira bien souvent, au cours des remarques
que nous ferons programme par programme, l'obstacle à la
réalisation de certaines suggestions qu'à l'occasion je ferai,
qui ne seront pas nécessairement miennes, dont je me ferai le
porte-parole à cette table de la commission, qui viendront d'autres
citoyens qui les ont déjà formulées, qui se sont
déjà rendues jusqu'à la table du sous-ministre ou du
ministre des Affaires sociales. On me dira très souvent comme argument
final qu'il s'agit des ressources financières limitées de cette
collectivité, qu'on comprend très bien l'intention, qu'il ne
s'agit que de ce problème financier, de limites budgétaires
à l'intérieur desquelles on doit fonctionner; l'élan du
coeur nous y conduirait tout naturellement. C'est une "excuse" valable à
l'occasion, lorsque les programmes proposés sont effectivement d'une
certaine audace, que n'importe quel esprit rationnel est capable de
considérer, et cela exige donc une certaine planification à long
terme; j'en conviendrai, M. le Président. J'utiliserai à cette
occasion mon expérience de cinq ans ici pour l'ad- mettre, mais à
d'autres occasions, on en conviendra également, M. le Président,
et vous avez la même expérience que moi à cette
Assemblée, ce ne sont que des paravents, ce ne sont que des excuses,
parce qu'est possible un aménagement différent, un choix
parlons-en, nous sommes dans un budget de priorités
différent. Cela mettrait ces ressources financières disponibles
à la réalisation de ce programme, mais ferait que ces ressources
financières affectées à ces fins ne le seraient plus
à d'autres que ce gouvernement a choisies. Et. lorsque nous abordons la
question d'un budget, c'est comme cela que je l'entends toujours, on peut me
dire ceci à certaines occasions. Prenons cet exemple qui nous vient
nécessairement à l'esprit: on réaliserait probablement un
programme de garderies qui, s'il n'en était des difficultés
financières, serait probablement plus large, plus vaste, plus
démocratique, plus ouvert, mais on ne s'en tient aux contingences et
à l'espèce de partialité de programmes auxquelles s'en
tient Mme le ministre d'Etat actuellement que pour des raisons
financières. M. le Président, le gouvernement est prêt, par
exemple, à cautionner une aventure olympique.
Un gouvernement qui est prêt à cautionner presque les yeux
fermés les initiatives qui engouffrent des fonds publics, ne peut pas
par la suite se dire que telle disponibilité financière, qui lui
échappe, lui échappe absolument hors de son contrôle, quand
il a accepté à d'autres endroits qu'un gouffre financier de $250
millions s'ouvre et opère sous ses pieds et qu'il s'apprête
à combler presque sans difficulté et sans mot dire.
Je crois que lorsque nous abordons ces questions, nous devons nous dire
que le montant qui figure, par exemple, à la réadaptation de
l'enfance et des adultes, qui est aujourd'hui de $158,575,000, l'est par choix
de ce gouvernement, qu'il aurait pu être plus comme, bien sûr
soutiendra le ministre avec raison il aurait pu être
moins.
Nous avons là l'indication financière de la tension
politique et de la décision sociale qu'un homme, entouré d'une
équipe, a prise. Il est absolument de notre loisir de dire que cette
somme nous paraît, par exemple, à ce chapitre, à
l'occasion, insuffisante quand on sait qu'à d'autre ministère ou
dans d'autres préoccupations on a accordé, à des fins
parfois proprement de propagande, proprement de politiques de grandeur, des
sommes qui, adoptées ici, nous permettraient d'obtenir ce que j'appelais
tantôt un partage des richesses de cette collectivité qui soit
plus équitable entre chacun des citoyens.
J'arrive donc avec des convictions très sommaires mais, en
même temps, très fermes. Je n'ai pas l'intention de faire
l'étude des crédits du ministère des Affaires sociales
à la manière tâtillonne de l'ancien député de
Chicoutimi, que vous avez bien connu, et d'exiger que l'on dépose devant
moi chacun des achats, avec chacune des factures, que l'on a effectués
dans le secteur des affaires sociales. J'ai toujours, au ministère de
l'Education, et je le ferai au ministère des Affaires sociales
également, procédé d'une façon globale, laissant au
ministre élu de le faire, mais qui sera jugé un jour pour l'avoir
fait, et
aux hommes compétents qui l'accompagnent, en qui j'ai confiance
et desquels je ne pense certainement pas ce que la commission jeunesse du Parti
libéral a voté au congrès de Magog en fin de semaine, au
dévouement desquels je crois et à l'administration honnête
et désintéressée des sommes publiques qu'ils ont à
administrer sous la direction du ministre des Affaires sociales.
Je crois donc que nous ferons encore une fois l'abandon d'un certain
nombre de tracasseries administratives pour simplement nous en tenir,
j'espère, au développement et à la lutte contre la
pauvreté et contre un partage inégal des richesses de cette
collectivité, toujours dans le but que ce partage équitable, un
jour, idéalement bien sûr, hypo-thétiquement, soit fait et
donne l'occasion à plus de Québécois d'arriver à
leur libération et à leur bonheur, tel que chacun d'entre eux a
le droit de concevoir la façon dont il doit se faire.
J'arrive dans ce dossier. Je me souviens l'avoir fait à pied
levé l'année dernière pendant quelques jours, avant que
mon collègue de Chicoutimi reprenne la place qu'il avait à ce
moment-là à la table de cette commission. Mais je dois dire que
dans la préparation de l'étude de ces crédits, attentive,
j'espère, comme je l'ai faite, j'ai été
étonné de revenir et de retrouver certaines des suggestions que
moi-même, au nom de l'Opposition, j'avais faites à cette
commission, sans constater de progrès, ou même plus, de retrouver
des engagements qu'avait pris le ministre des Affaires sociales à cette
même table il y a un an, engagements fermes, à l'occasion,
engagements prudents de politicien qu'il était en train de
développer à ce moment-là, ou à d'autres occasions,
disons pas nécessairement engagements mais intérêts
marqués, que je croyais sincères, et qu'il me garantissait comme
devant se produire avec les crédits que nous nous apprêtions
à lui voter.
Or, je ne crois pas procéder ici par préjugé ou
encore déformation maisj'ai l'impression de retrouver un
ministère que j'avais, à l'occasion, surveillé, que j'ai
eu l'occasion, à cause du comté dont je suis
député, de surveiller de plus près, mais de
Montréal cette fois, de trouver un ministère qui, au cours de
l'exercice financier, a roulé au neutre, a peut-être reçu,
il faut le dire, sur le plan budgétaire com me sur le plan politique, au
cours des trois premières années du régime libéral,
une poussée, une erred'aller assez marquée, le capitaine en
tête et le reste du navire l'épaulant de façon très
solide.
Il est vrai que ce ministère avait pris, dès le moment de
sa création, au moment où il rassemblait les restes de deux
anciens ministères, une véritable poussée qui
n'était pas commune dans ce gouvernement, vous en conviendrez avec moi,
M. le Président, mais cette poussée semble bien être chose
du passé. Je ne sais pas si, encore une fois, c'est le capitaine qui
fait défaut ou si c'est l'effort qui avait été trop grand
et qui demeure un peu difficile à maintenir, mais, à chacun des
chapitres, à chacun des secteurs qu'a énumérés le
ministre dans son intervention première, il faut constater que l'on n'a
fait que maintenir, à peine, à certaines occasions et à
d'autres je le signalerai programme par pro- gramme ralentir
l'élan qui avait été donné à ce
ministère au cours des deux ou trois premières années du
régime libéral.
J'avais soutenu, M. le Président, lors de l'étude des
crédits du ministère de l'Education, à un moment où
j'avais fait cette constatation également au chapitre de
l'éducation, que lorsqu'on avait opté pour la réforme
scolaire, il y a maintenant une dizaine d'années est-il
nécessaire de le rappeler dans le Québec, ce
n'était pas un choix de deux ou trois ans que l'on faisait.
C'était un engagement pour une génération où
à peu près. Il ne s'agissait pas de prendre une
génération, de la parquer dans un nouveau système scolaire
et de dire: En sortira ce qu'il en sortira! C'est malheureusement ce que bien
des parents du Québec sont en train de constater aujourd'hui.
La même chose s'adapte aux affaires sociales. La pousséeque
l'on avaitdonnée, le développement vers certains principes, vers
certaines politiques, la décision d'installer une nouvelle conception du
partage des richesses, aussi modérée qu'elle fût, M. le
Président, n'était pas une décision d'un ou deux ans et
que, par la suite, il s'agissait de contenir. On a aujourd'hui, dans
l'éducation, le constat tragique de ce que c'est d'avoir lancé
quelque chose que, par la suite, on s'est contenté de contenir ou de
soutenir ou même, à l'occasion, si on regarde le ministre en
place, de contredire. La même chose s'applique aux affaires sociales et,
je pense, avec d'autant plus d'acuité qu'elle touche les gens dans leur
peau, qu'elle touche, à l'occasion, les gens dans leur corps, qu'elle
les empêche, dans une société civilisée, d'obtenir
des services auxquels ils ont droit, qu'on leur a promis, qu'on leur a fait
miroiter, à certaines occasions, et pour lesquels il faut travailler
aujourd'hui.
Or, M. le Président, on attend encore, aujourd'hui, malgré
les engagements de l'année dernière ou malgré ce que
l'évolution subite du début des années soixante-dix avait
pu laisser croire, par exemple on aura l'occasion d'en parler dès
le premier programme des mesures concrètes pour établir,
au Québec, une politique familiale. En dehors des affirmations qui
étaient contenues à l'origine de la vaste réforme qu'on a
opérée dans le domaine social, on attend encore des
décisions aussi matérielles, aussi concrètes, aussi
vous me direz anodines, lorsqu'on parle de politique familiale, à
l'égard des congés de maternité, à l'égard
de l'aide familiale, à l'égard des garderies, qui devraient
toucher plus que I, 500 personnes, M. le Président, à
l'égard du logement social. Ces promesses qu'on nous avait faites, ces
grandes lignes d'orientation, ce rapport qui devait être, à un
moment donné, l'espèce de pierre d'assise, comme un autre rapport
avait été la pierre d'assise d'une autre réforme, de
réformes, qui, nous disait-on devaient venir, bien sûr, personne
ne pensait que tout cela allait se réaliser en même temps, mais
personne, non plus, n'allait croire que certaines des réformes les plus
simples à faire allaient mettre autant de temps à venir, une fois
qu'on avait dit que c'était dans cette ligne qu'on s'en allait.
Le revenu minimum garanti, M. le Président,
dès I967, faisait l'unanimité de ceux qui oeuvraient dans
ce secteur et faisait dire, dès ce moment, en I967, que c'était
une politique facilement, peut-être pas, M. le Président
réalisable dans les prochaines années, au Québec.
Nous sommes à huit ans de ce rapport, de ces énoncés, de
ces voeux politiques qui avaient été exprimés, qui avaient
été à l'occasion, M. le Président, soutenus par
tous les partis qui occupaient le parquet de l'Assemblée nationale,
à ce moment-là.
Nous sommes encore à l'attendre. Nous sommes encore, aujourd'hui,
malgré ce qu'on nous avait fait promettre c'est à se
demander si ce ministère, comme je vous le disais tout à l'heure,
roule au neutre à attendre l'établissement d'un
réseau de soins et de services à domicile pour les personnes
âgées.
Le ministre visitait, je crois, lundi dernier, Place Vermeille, dans le
comté de Saint-Jacques, qui est une institution des plus merveilleuses
dans ce sens-là, M. le Président. Il a dû avoir l'occasion
de peser comment cette lenteurqu'on a à obtenir le développement
de ce réseau de soins et de services à domicile constitue dans un
quartier comme celui que je représente, mais à la grandeur du
Québec également, M. le Président, une difficulté
croissante pour répondre à des services et à des besoins
essentiels exprimés par la population.
La hausse de l'aide sociale également, en dehors de ce rattrapage
normal en fonction du coût de la vie qu'on présente toujours comme
un don généreux, mais qui ne constitue pour ces personnes au
revenu extrêmement faible qu'une façon de subsister suite à
la hausse du coût de la vie qui touche tout le monde, une hausse
véritable de l'aide sociale, un revenu minimum garanti qui ferait que
ces 175,000 enfants de bénéficiaires de l'aide sociale puissent,
un jour, espérer sortir du cercle vicieux de la pauvreté, comme
vient de le décrire avec beaucoup d'emphase le Conseil du
bien-être du Canada, l'extension de l'assurance-maladie à des
soins qu'il nous paraît immédiatement possible de donner et de
couvrir, la lenteur qu'on y met ou, encore une fois, la lenteur qu'on met
à réaliser des engagements pris, repris, réaffirmés
à force de propagande, répétés de discours
inaugural en discours inaugural. Par exemple, les prothèses
orthopédiques pour les personnes qui en ont besoin, annoncées
l'année dernière, au moment où le ministre des Affaires
sociales venait d'avoir en main le rapport Girard qui lui était
présenté, au moment où il s'engageait devant moi. Je lui
citerai le journal des Débats, s'il ne se souvient pas que c'est au
cours de l'exercice financier en cours que ce droit que l'Assemblée
nationale lui avait octroyé devait se réaliser. Les
possibilités financières étaient là, il nous avait
fait voter les crédits pour le faire. Comment se fait-il qu'on attend
encore après ça? Pourquoi ce ministère est-il soudainement
au neutre au moment où il s'est lancé lui-même, s'est
placé lui-même, parfois en bousculant du monde, contre le
gré de certains citoyens, mais je ne lui en fais pas reproche? Mais
c'est pour montrer comment, à un certain moment de son histoire
qui est courte à ce ministère, il n'a même pas cinq ans
on sentait chez lui la volonté de tailler du coude, de
procéder à des réformes, d'obtenir un tant soit peu ce
partage nouveau des richesses. Comment se fait-il que des décisions
annoncées, garanties, dont le budget a été voté, ne
sont pas encore implantées, qu'on les attend encore?
C'est ce genre de petites décisions à la base qu'il nous
faut maintenant attendre et palper. Il y a une responsabilité politique
là-dedans, non seulement dans le partage des ressources fiscales que les
citoyens remettent aux mains de ce gouvernement pour qu'il administre, dans
l'intérêt du bien commun, bien sûr, mais ces hommes, en
face, ont cautionné un régime également où le
partage fiscal ne se fait pas nécessairement à l'avantage des
Québécois.
Chacun d'entre eux a été élu en prônant un
régime où, semble-t-il, une réforme était possible
à obtenir. Ces hommes ont maintenant promesses à tenir, mandat
à rendre à la population de dire qu'effectivement ce partage des
ressources fiscales en deux, remettant une partie, une moitié de nos
ressources fiscales aux mains d'un autre gouvernement dont nous ne serons
jamais les maîtres et détenteurs, comme Québécois,
allait quand même servir à la lutte contre la pauvreté et
au partage équitable des richesses. Il y a cinq ans qu'ils sont
là maintenant. Nous devrions commencer à en toucher au moins
quelques unes des racines. Cela ne devrait pas être un obstacle à
la réalisation de certaines choses qui, comme je vous l'ai dit, tout
à l'heure, nous ont été maintes fois promises, qui nous
sont expliquées comme étant maintenant réalisables, que ce
gouvernement nous a dit qu aucunement la constitution ou quoi que ce soit ne
l'empêcherait de réaliser. Mais alors, qu'attendent-ils
finalement? C'est ce que se disent bien des citoyens en bas. Je dis en bas
parce qu'eux ne connaissent du ministère bien souvent que les services
t^tillons; eux ne connaissent du ministère bien souvent que les mesures
parcimonieuses qu'on annonce bien sûr à partir d'ici avec grand
renfort de tambours.
Nous nous préoccuperons longuement, j en ai l'impression, de la
mise sur pied des centres locaux de services communautaires, qui eux aussi,
ai-je besoin de le dire, connaissent une période de cogitation, j'en ai
davantage l'impression, qui se situe plus au niveau du ministère des
Affaires sociales que de ceux qui oeuvrent dans les CLSC eux-mêmes, une
espèce de frein, de ralentissement, parfois, occasionné par des
créations nouvelles du ministère des Affaires sociales qui, sans
s'en apercevoir ou en s'en apercevant très bien, nous le verrons, se
trouve à contrecarrer certaines dispositions qui avaient jadis
été votées, si je me souviens bien, à
l'unanimité de cette Assemblée. Il nous faudra recevoir, au cours
de l'étude de ces crédits, les explications sur cette
situation.
Je crois donc, M. le Président, je vais terminer avec cela, que,
si nous regardons attentivement les ressources collectives de la
société québécoise, nous avons en mains, non pas la
possibilité de faire ici un paradis terrestre, je ne crois pas. non pas
non plus la possibilité de battre ou d'écraser ce que d'autres
pays plus audacieux que nous ont mis plus
de temps à réaliser. Mais je crois que nous avons
effectivement entre les mains la possibilité d'offrir sur le plan
social, à l'ensemble de nos concitoyens, des services meilleurs que ceux
qu'ils reçoivent actuellement, des services plus adéquats que
ceux qu'ils reçoivent actuellement, un revenu minimum à chacun de
nos concitoyens qui lui permette de vivre d'une façon un peu plus
épanouie et un peu plus libre que le régime actuel lui permet de
le faire. C'est donc uniquement dans cet objectif que nous devrons travailler
au cours des prochains jours à l'étude du budget des Affaires
sociales. Je garde, comme le ministre également, les commentaires plus
particuliers sur l'ensemble de certains programmes lorsque, M. le
Président, vous les appellerez à notre attention. Merci.
Le Président (M. Pilote): L'honorable député
de Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson
M. Samson: M. le Président, la reprise des travaux
à l'Assemblée nationale et le début de l'étude des
crédits du ministère des Affaires sociales coincide, à
quelques jours près, avec la publication, en fin de semaine
dernière, du manifeste des évê-ques du Québec, dans
lequel on déplorait, bien sûr, certains problèmes, dont la
hausse du taux des divorces au Québec, la baisse du taux de
natalité, etc.
Je n'ai pas l'intention, évidemment, de relire le manifeste des
évêques, d'ailleurs je ne l'ai pas avec moi. Mais ceux qui en ont
pris connaissance se rappelleront que, parmi les revendications, les
propositions faites par les évêques du Québec, on demande
au gouvernement de présenter le plus possible des politiques visant
à protéger davantage la famille, qui, je n'ai pas besoin de le
dire, M. le Président, tout le monde le sait très bien, est la
cellule de base de la société. Quand j'ai pris connaissance de ce
manifeste, je me suis demandé de quelle façon réagirait le
ministère. Parce que, bien sûr, ces gens parlent au nom d'une
population également, peut-être à un titre différent
du nôtre, mais ils sont bien au fait des problèmes de la
société.
Quant à nous, en tant que députés à
l'Assemblée nationale, je pense que la meilleure expérience qu'on
peut avoir du domaine des affaires sociales nous provient surtout des
différentes rencontres que nous avons avec la population, mais plus
spécifiquement en tant que députés représentant une
circonscription électorale, des rencontres que nous avons
régulièrement avec les gens de notre milieu. Je ne veux pas que
l'on croie que je suis le seul député au Québec à
vivre cette expérience. Tous les autres députés vivent
également le même genre d'expérience.
Ce que nous retrouvons généralement, une fois la semaine
dans nos comtés, en rencontrant les gens qui ont divers problèmes
à nous soumettre, on pourrait considérer que près de 60%
des problèmes qui nous sont soumis par nos électeurs, sont des
problèmes qui relèvent de l'administration publique, mais plus
spécifiquement du ministère des Affaires sociales.
J'ai pris sur moi de faire quelques petits calculs, quand j'ai pris
connaissance du manifeste des évêques, et je pense qu'il est
important d'en prendre connaissance, pour ceux-là qui n'en ont pas pris
connaissance. Mais je ne m'adresse pas aux officiers du ministère qui,
eux, savent très bien ce à quoi je veux faire allusion. Les
politiques du revenu familial ou du minimum de revenu, si on veut, sont telles
que, volontairement ou non je dis ou non parce que je veux
évidemment laisser le bénéfice du doute à
ceux-là qui mettent de l'avant les politiques du ministère des
Affaires sociales dans les faits, si on veut, ces politiques sont
susceptibles de décourager l'unité familiale en ce sens que pour
une famille qui n'a pas de revenu possible, soit par le commerce, soit par le
moyen d'un emploi ou autre, pour les familles qui n'ont comme seul revenu
l'aide sociale que l'on n'appelle pas encore, M. le Président, revenu
minimum garanti, pour ces familles, la vie n'est pas trop rose.
Bien sûr, on nous annonce souvent, à grand renfort de
publicité, des indexations, des augmentations d'un tel pourcentage, mais
la réalité est telle que le tout n'est pas conforme aux besoins
réels de la population. Quand on annonce une augmentation, parexemple,
de 10.4%,cequi normalement coïncide avec l'augmentation du coût de
la vie pour une période donnée, il demeure que le tout part d'un
barème de base qui était déjà trop bas. Alors,
même si on augmente, en pourcentage, proportionnellement à
l'augmentation du coût de la vie pour la période donnée,
cela ne règle pas le problème, parce qu'au début de cette
période donnée c'était déjà trop bas.
Si vous prenez comme point de comparaison une famille de deux adultes et
trois enfants, suivant lesnouveaux barèmes annoncés
dernièrement par le ministère, le revenu familial de cette
famille se chiffrerait par $362 par mois plus, évidemment, les
allocations familiales. Mais si l'on tente l'expérience,
c'est-à-dire de voir ce que ça donnerait si l'on brisait cette
famille, par exemple que l'un des deux adultes quitte le foyer, que la
mère de famille se retrouve avec les trois enfants et que le père
s'en aille tout simplement rester ailleurs, suite à une
séparation quelconque, à ce moment-là, au lieu de
débourser $362 le ministère en déboursera $390.
Mais, si on poursuit ce raisonnement un peu plus loin, et si par
malheur, la famille se démentèle davantage, et que les trois
enfants sont en foyer nourricier, que le père et la mère sont
séparés, demeurent chacun de leur côté et n'ont
aucune autre espèce de revenu que l'aide sociale
A ce moment-là, le gouvernement, le ministère des Affaires
sociales devra débourser $378 par mois seulement pour les trois enfants,
plus $195 par mois pour chacun des deux adultes, ce qui ferait un total de $768
par mois. Si on transpose cela en chiffres annuels, cela veut dire que la
famille unie, dans de telles conditions, aurait un revenu de base de $4,344. Je
n'inclus pas les allocations familiales parce que je ne les inclus pas, non
plus, dans mon point de comparaison. Il reste que la famille
complètement désunie coûterait au gouvernement $9,216 par
année. Il y a un écart considérable et c'est à se
demander... Je vous dis immédiatement que je
laisse le bénéfice du doute à ceux qui pensent les
politiques du ministère des Affaires sociales. Je ne crois pas que cela
soit fait dans l'intention de désunir les familles, mais, dans les
faits, la réalité, c'est que cela coûte plus cher au
gouvernement pour une famille désunie que pour une famille unie. Donc,
cela n'encourage pas la famille à demeurer unie.
J'ai poussé un peu plus loin ma comparaison. Si vous prenez la
même famille type, dont le père occuperait un emploi au taux
à venir du salaire minimum, soit $2.60 l'heure, tel qu'annoncé
par le premier ministre dernièrement, qui prendra effet, si je me
rappelle bien, le lerjuin prochain, pour45 heures par semaine de travail
à $2.60 l'heure, 52 semaines par année, cette famille recevrait
un revenu de $6,084. Je voudrais faire ressortir et bien faire comprendre ceci:
le revenu familial de l'ouvrier qui, à la sueur de son front, gagne sa
vie, de celui qui se lève tous les matins pour aller travailler, se
situe entre le revenu d'une famille unie dont la seule source de revenu est le
bien-être social et celui de la famille désunie dont la seule
source de revenu serait également le bien-être social. Autrement
dit, le travailleur, dans de telles circonstances, gagnerait $1,700 de plus par
année qu'une famille sur le bien-être social unie, mais$3,300de
moins parannéeque ce que le gouvernement a à payer pour une
famille désunie.
Je pense que ces chiffres doivent nous porter à la
réflexion. C'est ce qui fait, à mon sens, qu'actuellement nous
sentons, dans la population, qu'il y a, de la part des travailleurs petits
salariés, un peu de frustration. Même je dirais peut-être,
dans certains cas et cela commence à se faire sentir davantage
que certains travailleurs regardent les gens qui sont
défavorisés par la société un peu d'un oeil, en
voulant dire: Moi qui travaille, moi qui paie des impôts, je paie ma part
pourcelui qui est mon voisin et qui n'a pas à se déranger tous
les matins.
Ce raisonnement du travailleur, on peut le comprendre. Par contre, un
fait demeure toujours: le défavorisé n'est pas responsable de sa
situation. Il est pris dans cette situation. Nous devons faire comprendre,
même au travailleur qui a un faible revenu ce ne devrait pas
l'être en tout cas que ce n'est pas à son
désavantage que nous permettons au défavorisé de pouvoir
vivre le moindrement décemment.
Tout ceci pour vous dire que les politiques du ministère des
Affaires sociales, qu'on le veuille ou non, sont, dans les faits, des
politiques qui sont susceptibles de générer une lutte des
classes, entre les défavorisés de la société et les
travailleurs à petits salaires. Or la réalité est la
suivante: c'est que je considère, M. le Président, que ces deux
types, ces deux catégories de personnes dans notre société
sont, à des titres différents peut-être, mais sont quand
même deux catégories de victimes dans un système qui
permettrait, suivant les capacités physiques, suivant les
capacités de la province, qui devrait normalement permettre à
tous d'avoir un minimum vital.
Je ne parlerai pas tellement, M. le Président, en termes de
revenu minimum garanti. Je pense que nous devons plutôt, en 1975, parler
en termes de pouvoir d'achat minimum garanti. Parce qu'un revenu minimum
garanti qui serait fixé à un certain montant, aujourd'hui,
pourrait, dans notre contexte inflationniste actuel, se retrouver désuet
demain matin. C'est pourquoi nous devons plutôt parler en termes de
pouvoir d'achat minimum garanti. Si le pouvoir d'achat doit permettre à
la famille de nourrir tous les membres de la famille, de les loger
décemment, de les vêtir convenablement, ce pouvoir d'achat doit
être maintenu de la même façon en permettant, d'une
période à une autre, d'acheter l'équivalence, au moins.
Quand la livre de beurre passera de $1 à $1.12, qu'on ne soit pas
enfargé dans des barèmes et dans des études, mais qu'on
permette à celui qui est à la base de l'échelle sociale,
qui est en bas, d'acheter le même nombre de livres de beurre, une fois
qu'il est augmenté, qu'on pouvait lui permettre d'acheter avant
l'augmentation. C'est dans ces termes, M. le Président, je pense, qu'il
nous faut entrevoir les solutions.
Bien sûr, je n'ai pas la prétention de croire que le
ministre des Affaires sociales va nous apporter tous les correctifs durant les
jours qui vont suivre. Pour apporter les solutions qui sont nécessaires,
il faut changer tout un système. Mais à l'intérieur du
système actuel, qui est très imparfait, il demeure que certains
correctifs peuvent être apportés pour éviter au moins le
pire, en attendant d'avoir mieux, en attendant d'avoir un système plus
complet et qui répondrait plus aux besoins réels de la personne
humaine.
Quand je parlais, tantôt, de l'augmentation de 10.4% qui a
été annoncée, conformément à l'indice du
coût de la vie, pour une période donnée, j'ai oublié
de vous dire que si l'on recule quelques années en arrière, ce
n'est pas 10.4% c'est 31% à peu près, depuis 1971, l'augmentation
du coût de la vie. Même si on avait eu l'équivalence absolue
depuis ce temps, en termes d'augmentation, il reste qu'en 1971, nous
étions en-deçà du niveau raisonnable des besoins
essentiels et du minimum vital.
Cela veut dire que le gouvernement doit se pencher sur
l'éventualité d'un système qui garantirait un pouvoir
d'achat minimum et basé sur le minimum vital. Nous avons eu, au cours de
l'année j'étais également présent à
l'occasion des derniers crédits certains changements qui ont
ramené le test du logement à un certain prix qui n'a pas
réglé tout à fait la situation.
Le ministre est sûrement de ceux qui savent que les
assistés sociaux, étant dans leur situation, sont ceux qui ont le
plus de difficultés à se trouver un logement quand ils en ont
besoin parce que, c'est évident, leur niveau de vie, leurs sources de
revenus ne sont pas susceptibles d'endosser facilement pour eux les besoins
devant ceux qui ont des logements à louer.
A ce chapitre, bien qu'il y ait certains logements à prix modique
à certains endroits, il n'y en a pas partout. Il demeure que la location
de ces logements à loyer modique se fait sur une base sélective
et qu'encore là il y a beaucoup de mécontentement parce qu'on ne
peut, évidemment, donner satisfaction à tout le monde et remplir
tous les besoins.
Il se trouve que les assistés sociaux sont des
gens qui doivent presque se mettre à genoux pour trouver un
logement et, quand ils en trouvent un finalement, ils doivent presque cacher
leur situation s'ils veulent obtenir une possibilité de location.
Dans certains bureaux de l'aide sociale au Québec, suivant mes
informations, on tente, avec les moyens à la disposition des dirigeants
de ces bureaux, de venir en aide à ces gens. Mais, malheureusement, les
officiers ne peuvent pas toujours tenir parole parce qu'ils sont pris dans les
cadres d'une loi et d'une réglementation. Alors quand un
propriétaire c'est arrivé récemment, j'ai un cas
type en main hésite à louer un logement à quelqu'un
qui est sur le bien-être social, lorsqu'il communique avec un bureau et
qu'on lui dit: Vas-y, on va te garantir le paiement, le propriétaire
utilise cette caution pour engager sa propriété. Deux mois
après...
Le Président (M. Pilote): Est-ce que le
député de Rouyn-Noranda me permettrait une remarque?
M. Samson: Oui.
Le Président (M. Pilote): Est-ce que vous pourriez
attendre...
M. Samson: Non, M. le Président.
Le Président (M. Pilote): ... au programme no 2...
M. Samson: Non.
Le Président (M. Pilote): ...d'aide sociale?
M. Samson: Non.
Le Président (M. Pilote): Deuxièmement,
après entente avec le ministre, avec l'Opposition officielle,
après entente également avec les commissions qui siègent,
on ajournerait nos travaux à vingt-deux heures pour reprendre à
dix heures demain matin.
M. Samson: Bien, M. le Président....
Le Président (M. Pilote): Je m'excuse de ne pas vous avoir
consulté, vous étiez en train de parler.
M. Samson: ... je comprends que si on m'avait consulté,
peut-être qu'on aurait pu s'entendre mieux.
Le Président (Ml. Pilote): Je suis parti à dix
heures moins dix minutes pour aller voir aux autres commissions ce qui se
passait. A ce moment-là vous parliez. Alors, je n'ai pas voulu vous
interrompre pour vous demander votre opinion, c'est pour cela que je ne l'ai
pas fait.
M. Samson: M. le Président, m'interrompra à ce
moment-là ou m'interrompre à ce moment-ci, cela ne change pas
grand-chose.
Le Président (M. Pilote): Je ne savais pas ce qui se
passait...
M. Samson: Vous m'avez quand même interrompu.
Le Président (M. Pilote): Oui. Je ne savais pas alors ce
qui se passait aux autres...
NI. Samson: Et puisque c'est fait, puisque j'ai beaucoup de
respect pour vous et pour les gens que nous avons dérangés ce
soir, si on acceptait de me laisser le droit de parole en reprenant les
travaux, demain matin, j'accepterais...
Le Président (M. Pilote): Bien sûr.
M. Samson: ...M. le Président, de continuer le brillant
exposé dont vous bénéficiez présentement.
Le Président (M. Pilote): La séance ajourne ses
travaux à demain, dix heures.
(Fin de la séance à 22 h)