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Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le vendredi 12 décembre 1975 - Vol. 16 N° 202

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi 253 - Loi visant à assurer les services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit de travail


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Etude du projet de loi no 253

Loi visant à assurer les services

de santé et les services sociaux

essentiels en cas de conflit de travail

Séance du vendredi 12 décembre 1975

(Onze heures quarante-six minutes)

M. Séguin (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente des affaires sociales est réunie pour étudier le projet de loi no 253, avec le mandat d'entendre des groupes ou des personnes que le ministre aurait convoqués pour comparaître, s'ils le désiraient, devant cette commission.

Les membres de la commission pour ce matin sont: MM. Giasson (Montmagny-L'Islet), Bédard (Chicoutimi). Est-ce que vous désirez un changement?

M. Burns: Oui. Remplacez donc M. Bédard (Chicoutimi) par M. Burns (Maisonneuve).

Le Président (M. Séguin): M. Burns (Maisonneuve) remplace M. Bédard (Chicoutimi); MM. Bel8:0012:0013:0016:00 lemare (Johnson), Faucher (Nicolet-Yamaska), Bonnier (Taschereau), Charron (Saint-Jacques), Malépart (Sainte-Marie), Boudreault (Bourget), Forget (Saint-Laurent), Fortier (Gaspé), Assad (Papineau), Massicotte (Lotbinière), Samson (Rouyn-Noranda), Saint-Germain (Jacques-Cartier).

Est-ce qu'on me suggérerait un rapporteur, s'il vous plaît? M. Malépart, peut-être?

M. Burns: Le député de Sainte-Marie, sûrement.

Le Président (M. Séguin): Le rapporteur sera donc le député de...

M. Burns: Vos deux voisins vous suggèrent comme rapporteur.

Le Président (M. Séguin): ... Sainte-Marie. M. Malépart: ... Bien.

Le Président (M. Séguin): Je demanderais au ministre s'il a des commentaires à ce moment-ci.

Remarques du ministre

M. Forget: Merci, M. le Président. J'ai très peu de commentaires, à ce moment-ci, puisque nous sommes conviés pour entendre des représentants d'organismes syndicaux qui ont, sans aucun doute, un point de vue à faire valoir devant l'As- semblée nationale, étant donné le contenu et l'objectif visé par le projet de loi no 253.

J'ai convoqué par télégramme hier, tel que je l'indiquais aux membres de l'Assemblée nationale, lors de l'étude en deuxième lecture, les organismes suivants: La CSN, la FTQ, le cartel des organismes professionnels de la santé et la CSD. Ce sont les quatre centrales qui sont impliquées dans les négociations en cours dans le secteur des affaires sociales. Nous avons reçu une réponse affirmative des trois premiers organismes, mais nous n'avons pas encore reçu de réponse du quatrième organisme.

Cependant, il y a un document qui circule ici, ce matin, et qui nous indique que le cartel — je ne sais pas s'il y a des représentants ici, s'il compte des représentants parmi nous — ne se ferait pas entendre devant nous ce matin.

Cependant, nous pourrons peut-être poser la question pour être bien sûr que ce texte représente, véritablement, la situation.

M. le Président, je ne fais que rappeler les éléments connus de tous. Il y a eu en juin dernier le dépôt du projet de loi no 31 qui contenait le principe de la négociation et de l'intervention d'un tiers relativement aux services essentiels en cas de conflits de travail dans le secteur des Affaires sociales.

Il y a une semaine, soit vendredi dernier, j'avais l'honneur de déposer le projet de loi no 253 qui se substituait au projet de loi no 31 avec les mêmes buts et le même effet général, mais qui déterminait les modalités d'application beaucoup plus complètes, faisant suite à des consultations qui se sont déroulées entre le mois de juin et le mois de novembre.

Cette mesure a été adoptée en deuxième lecture hier par l'Assemblée nationale. Elle comporte — je me permet de le rappeler — la nécessité, pour les parties, dans tous les cas où un avis de désaccord a été donné, conformément au Code du travail, d'en venir à une entente, à défaut de quoi un tiers intervient pour chercher à encourager ou à faciliter aux parties la conclusion d'une entente sur ce sujet, à défaut de quoi, une décision peut être rendue par ce tiers intervenant et l'administration de cette entente ou de cette ordonnance du commissaire aux services essentiels est ensuite une responsabilité de ce commissaire.

Pour évaluer les effets de cette loi, sa signification dans le déroulement d'un conflit de travail ou d'une négociation, de même que les modalités d'application, nous avons convenu d'entendre les organismes syndicaux impliqués et c'est le but de la séance de ce matin.

Je n'ai pas d'autres remarques à faire à ce moment-ci, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Merci, monsieur le ministre. Est-ce que les représentants de l'Opposition officielle ont des commentaires?

M. Burns: Je n'ai pas de remarques à ce stade-ci. Je pense qu'on devrait aller directement au but de la réunion et inviter les gens qui veulent

s'exprimer relativement à ce projet de loi, de se faire entendre.

Le Président (M. Séguin): Merci, M. le député. J'appellerais donc le ou les représentants de la CSN, s'ils sont présents. M. Pepin, vous connaissez la procédure: identification, l'association que vous représentez et si d'autres, parmi votre groupe, doivent faire des commentaires, vous voudrez bien, s'il vous plaît, nous donner leur nom.

Cartel des organismes professionnels de la santé

M. Bradet (Denis): M. le Président, j'ai remis au secrétaire des commissions...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît. Est-ce que vous parlez dans le contexte de la CSN?

M. Bradet: Non. Le Cartel des organismes professionnels de la santé, dont M. Forget a parlé tout à l'heure. J'ai remis au secrétaire de la commission le texte d'un télégramme qui a été envoyé à M. Forget. Il est possible qu'il ne l'ait pas encore reçu, mais c'est la position actuelle du cartel.

M. Forget: Ce point n'était pas clair, M. le Président, parce que j'ai reçu hier une acceptation du cartel à assister à cette commission parlementaire et, comme je n'avais effectivement pas reçu ce télégramme, je pouvais légitimement me poser des questions à savoir s'il émanait vraiment du cartel. Dans ce cas, je pense que nous procéderons donc en tenant compte du fait que le cartel ne désire pas ou ne souhaite pas se faire entendre ce matin.

M. Bradet: Exactement.

Le Président (M. Séguin): Par contre, est-ce que vous désirez, monsieur, que ce qui est contenu dans votre télégramme ou le texte de votre télégramme soit, de fait, votre représentation ici devant la commission? Est-ce que c'est cela que vous vouliez dire, de fait, à la commission?

M. Bradet: C'est au moins la réponse à la convocation.

Le Président (M. Séguin): C'est une réponse à la convocation.

M. Charron: Est-ce qu'on peut l'inclure dans les déclarations faites devant la commission?

M. Bradet: Oui, j'aimerais d'ailleurs que ce soit inclus dans les débats.

Le Président (M. Séguin): Justement, si c'est dans ce contexte, je demanderais que le contenu du télégramme soit porté au journal des Débats comme étant la position, pour le moment, du Car- tel des organismes professionnels de la santé. (Voir annexe).

M. Bradet: Je vous remercie, M. le Président. M. Burns: D'accord, M. le Président. Le Président (M. Séguin): Je vous remercie. CSN

M. Pepin (Marcel): Marcel Pepin, CSN. Il est possible, M. le Président, comme vous l'avez déjà indiqué, que certains de ceux qui m'accompagnent auront à intervenir dépendant des questions. Je vais les identifier immédiatement. A ma gauche, Jacques Desmarais, coordonnateur du comité des négociations du secteur public de la CSN; le suivant est Renaud Flynn, président de la Fédération des affaires sociales, affiliée à la CSN; à ma droite Paul-Eugène Gagnon, qui est un des membres du comité qui s'occupe spécialement des services essentiels; à sa droite, Edgar Lavoie, qui est aussi négociateur dans les négociations actuelles.

Cela étant, M. le Président, MM. les députés, je voudrais d'abord remercier le ministre d'avoir accepté que nous puissions venir nous expliquer en commission parlementaire. Je comprends que beaucoup de chez nous et beaucoup d'ailleurs estiment que les commissions parlementaires, ça arrive souvent que c'est une perte de temps, parce qu'on ne réussit pas bien fréquemment à faire des changements. Il reste quand même que nous avons décidé de prendre le risque voulu pour tenter de vous faire comprendre notre point de vue aujourd'hui sur cette importante question du maintien des services essentiels en cas de conflit.

M. le Président, je désire d'abord vous rappeler les événements de 1972, très brièvement, pour vous dire qu'après ces événements que nous avons tous vécus — et celui qui vous parle peut-être à un degré différent de beaucoup d'autres — le ministre du Travail du temps a demandé, je pense bien par écrit, au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre d'étudier cette question des services essentiels en vue de faire rapport au ministre et éventuellement, sans doute, qu'il y ait une législation qui soit présentée.

Comme membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, j'ai pris au sérieux cette demande du ministre parce que je trouvais, moi aussi, que le problème valait la peine que nous l'examinions dans un cadre un peu plus détendu que lorsqu'il y a une période de conflit. Effectivement, les autres membres aussi ont semblé prendre l'affaire bien au sérieux et nous avons travaillé d'une manière assez ardue au CCTM pour essayer de faire valoir nos points de vue, mais pas uniquement les points de vue que nous défendions à l'origine. Mais nous avons été prêts, de part et d'autre, à faire pas mal de chemin, pas mal de travail pour en arriver à une formulation. Ce qui nous a bien déçus et surpris d'ailleurs, c'est que le gouvernement ne soit pas intervenu avant maintenant,

alors que les négociations sont en cours et qu'on se trouve, jusqu'à un certain point, à changer de nouveau les règles du jeu pendant que les négociations sont en marche.

Au cours de mon exposé, j'ai l'intention de vous faire valoir ce qui s'est passé à la table de négociations, du moins, vu par nous, et vous dire jusqu'à quel point cette intervention, à l'heure actuelle, nous paraît absolument inopportune puisque les parties étaient en train justement de réaliser leurs propres négociations avec les mécanismes qui existent présentement. De toute façon, je reviendrai sur ce point.

Ce qui nous a aussi surpris, c'est que nous avons fait rapport au ministre du Travail du temps, comme CCTM, je pense que c'est au début de l'année 1974 et que cela devait donner lieu à une législation, du moins c'étaient les propos du ministre du temps, dans les plus brefs délais, justement pour que les parties sachent exactement à quoi s'en tenir avant d'aborder les négociations.

Or, rien ne fut présenté, sauf le projet de loi no 31, en 1975 et, plus grande surprise encore et étonnement, ce n'est pas le ministre du Travail qui présente le projet de loi, qui amende le Code du travail, c'est le ministre des Affaires sociales.

Ce matin d'ailleurs, cette commission est la commission des affaires sociales. Je suis venu assez souvent devant la commission du travail pour retrouver à peu près le même monde, en tout cas, une partie du même monde, sauf le ministre. Je crois bien comprendre que si c'est le ministre des Affaires sociales qui a déposé le projet de loi 31, c'est qu'à l'époque, le ministre du Travail qui était en place, était évidemment en désaccord avec ce projet de loi.

Je ne crains pas de l'affirmer, parce que le ministre du Travail du temps est venu au CCTM pour dire qu'il partageait le point de vue que les deux centrales syndicales soutenaient au CCTM.

Bien sûr, cela n'a pas donné lieu de sa part à une législation, parce que ce n'était pas un législateur. C'était un gars qui passait des législations uniquement quand le feu était pris. C'est malheureux. Je pense qu'on pourrait trouver des notes et des lettres pour vous démontrer que le ministre du Travail du temps partageait à peu près entièrement le point de vue que nous soutenions comme représentants syndicaux au CCTM.

De là est arrivé cet autre projet de loi, no 253. Evidemment, il n'a pas fait l'objet de consultations au niveau du CCTM, comme c'est la coutume quand il s'agit des lois du travail. Nous aurions préféré que le ministre des Affaires sociales — nous ne relevons pas de lui, comme CCTM — comme cela touche directement les matières du travail, nous avions pensé qu'il aurait été bon, au moins que l'organisme qui est censé être consultatif, qui est créé par une loi de la Législature, soit appelé à intervenir et à exprimer son opinion.

A la dernière réunion du CCTM qui s'est tenue mardi, le 9 décembre, je pense, le ministre du Travail actuel, M. Harvey, était présent et nous avons fait mettre à l'ordre du jour de la réunion, ce pro- jet de loi, parce qu'il nous intéresse. Il n'est pas signé par M. Harvey, il est signé par M. Forget, mais nous avons compris que M. Harvey était prêt à certaines modifications, non pas quant au fond, mais quant à certaines parties. Sans doute, il a dû en informer son collègue le ministre des Affaires sociales. Je retoucherai certains de ces points plus tard.

Il me semble donc que tout ce que nous avons pu faire comme travail, je pense bien que ce n'est pas devant la Chambre; les députés ne l'ont pas. Sans doute que le ministre des Affaires sociales lui-même a consulté ces dossiers. Il sait exactement comment nous avons abordé le débat, ce que nous avons fait et comment nous avons conclu.

Il me semble que les députés qui seront appelés à voter en troisième lecture, puisque la deuxième est maintenant votée, devraient exiger que tout le dossier du CCTM soit remis à tous et à chacun des députés et que ce dossier soit vraiment examiné, mais en profondeur. On ne joue pas avec le feu comme cela sans savoir exactement... Au moins, il y a eu des gens qui se sont penchés, je ne dis pas des experts, mais des gens qui sont mêlés à ces problèmes, pendant des jours et des jours et cela a donné des résultats.

Voilà que les députés seront appelés à voter sans même savoir ce que les organismes créés par la Législature... Un des organismes a eu comme mandat d'examiner cela, et si le législateur ou les législateurs décidaient de ne rien examiner et de dire: Comme c'est présenté par le ministre, c'est sûrement bon, on va voter pour, à ce moment, je pense, que vous manquez à une partie de votre devoir de législateur. Aussi, je vous incite donc, comme point de départ, à faire en sorte que ce dossier vous soit d'abord remis et qu'ensuite, vous fassiez venir, si vous le jugez approprié, le président du CCTM, Me Fernand Morin, pour qu'il donne, comme président du CCTM, le point de vue qu'il a sur toute l'affaire. Il me semble que ce serait le minimum que l'Assemblée nationale devrait faire dans les circonstances.

Je ne voudrais pas discuter de la méthode, mais je voudrais aborder un peu plus le fond du problème. Inutile de vous dire, M. le Président, MM. les députés, que cette question des services essentiels nous préoccupe autant que cela peut préoccuper le ministre ou les administrateurs. D'ailleurs, dans l'exposé que je vais vous faire, je vais vous rappeler les statistiques de 1972 pour que vous voyiez bien la démarche que nous suivons nous-mêmes.

Les services essentiels, tout le monde sait bien que, quand c'est la vie, la santé, nous sommes d'accord pour que ce soit... mais je pense que le monde patronal est aussi en accord; le monde gouvernemental, bien sûr, est aussi en accord; mais ce consensus ne règle en rien le problème parce qu'il faut en arriver maintenant à déterminer, à définir, ce que sor t les services essentiels.

Notez même que le projet de loi que vous étudiez ne définit en rien la notion de services essentiels. Notez même que vous demandez à un juge

ou à des commissaires de décider eux-mêmes de faire la loi, d'écrire la loi à votre place, parce que la loi dit: Le mécanisme pour établir les services essentiels, et les services essentiels ne sont pas définis dans la loi.

Donc, sur le consensus, sur le principe lui-même, pour qu'il y ait des services essentiels, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de difficulté à répondre affirmativement, mais, encore une fois, le problème n'est pas réglé; au contraire. Lorsque nous avons examiné cette question au CCTM, comme le gouvernement, le côté patronal, le CPQ, le Conseil du patronat du Québec a toujours fait valoir que cela devait toujours être un tiers qui devait décider de la nature des services jugés essentiels. Généralement, les employeurs, comme le gouvernement — à noter que, depuis quelque temps, cela fait peut-être assez longtemps que les prises de position gouvernementales sont souvent appuyées par le monde patronal — le monde patronal cherche toujours un tribunal judiciaire pour faire déterminer cela. Je pense que les deux, de ce côté, font une erreur grave, non seulement sur le choix même d'un tribunal pour ce faire, mais sur le principe lui-même. Nous, comme partie syndicale, croyons que, si l'on veut vraiment maintenir les services essentiels, on doit laisser aux parties le soin de les déterminer. Si on décide d'intervenir d'autorité constamment, d'enlever aux parties cette responsabilité, il y a beaucoup moins de certitude que de tels services seront véritablement maintenus. Je ne me sens pas embarrassé pour faire une telle déclaration, parce que les parties, disons, du côté syndical, pensent qu'elles ont raison dans leurs revendications salariales ou les clauses normatives, peu importe l'objet du litige.

En vertu de ce projet et de la thèse patronale, il arrive qu'un tiers intervienne et leur impose un certain nombre de services, qui, dans l'idée des travailleurs syndiqués, rend, à toutes fins utiles, leur grève inopérante.

La tentation, la tendance et la réalité seront que le maintien de ces services sera loin d'être assuré, en dépit des fortes amendes que vous pouvez prévoir dans un projet de loi, ou même, si vous le décidiez ainsi, de la prison que vous pourriez y indiquer.

Je pense qu'il faut regarder la réalité des choses de beaucoup plus près, et ne pas bâtir une société où ce sera uniquement de l'autoritarisme, des décrets, des ordonnances et dans laquelle le monde sera encarcané, emprisonné. Ne bouge pas, parce qu'il y a un juge qui t'attend au coin de la rue. Ne bouge pas, parce qu'il y a une autre affaire qui va te tomber sur la tête.

Je crois que vous faites une grave erreur si vous acceptez que ce soit un tiers, qui, généralement, ne connaîtra pas la réalité des institutions hospitalières, que ce soit un tiers qui décide.

De là, cependant, il faudrait trouver une formule qui réponde vraiment à l'objectif recherché.

En 1972, M. le Président, lorsque la grève eut lieu dans de nombreuses institutions hospitalières, sinon la totalité, quant à nous, nous avons cru que, si les administrations le voulaient, on aurait pu négocier des services essentiels, et ceux-ci furent négociés dans un très grand nombre d'institutions. Bien sûr que la thèse ou les chiffres que je suis prêt à fournir, ici, peuvent être contestés, par le ministre peut-être, et par certains représentants ou administrateurs, mais ce que je peux vous dire, c'est nous, du côté syndical, qui avons fait le relevé, par institution, pour savoir où cela avait été maintenu et, dans les endroits où cela n'avait pas été maintenu, pourquoi cela n'avait pas été maintenu. J'ai un document, ici, dont, je n'ai malheureusement pas de copie, parce que les événements sont assez rapides, mais, si vous aviez le dossier du CCTM, vous auriez aussi ce document. C'est divisé par régions, le Bas-du-Fleuve, on dit à quelle date il y a eu une entente pour les services essentiels, que ce soit à Gaspé, à l'hôpital de Chandler, à Maria, etc. Vous avez, pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean... Je vous fais grâce de cela. Mais, lorsque les administrations hospitalières étaient disposées à négocier des services essentiels, cela s'est négocié. Dans certains cas, quant à l'application, cela a été un peu plus dur, un peu plus "rough", si je peux m'exprimer ainsi. Mais généralement parlant, je pense que, quand les administrations voulaient montrer un minimum de bonne foi, il y avait moyen de négocier de tels services et de les maintenir.

Je crois donc qu'intervenir, d'une manière autoritaire, peut nuire tout simplement au maintien de tels services, et, dans le fond, le véritable problème est de savoir si le droit de grève existe ou n'existe pas, à l'heure actuelle. Vous décidez de substituer au droit de grève une autre formule comme cela a déjà été le cas, au Québec, pendant 20 ans dans le secteur public et parapublic, disons l'arbitrage à caractère exécutoire. Vous pourrez peut-être me dire, ce matin, que ce n'est pas une loi qui abolit la grève. Donc, je pose mal mon problème.

Je pense qu'effectivement, l'adoption de cette loi peut conduire rigoureusement à l'abolition du droit de grève dans le secteur public, dans le secteur des affaires sociales, dans les CSS, puisque la loi couvre cette partie aussi.

Et, pour moi, cela peut vraiment vouloir dire que le tiers qui interviendra doit décider tout simplement que tout est essentiel. D'ailleurs, on a des exemples à cette fin.

Vous mêmes, de l'Assemblée nationale, avez adopté une loi dans le cas de l'Hydro-Québec. Au meilleur de mon souvenir, c'est la loi no 74 à l'époque. Vous avez dit: C'est une loi pour maintenir les services essentiels de l'Hydro-Québec, mais il me semble que, dans la même loi, vous avez défini les services essentiels comme englobant tout le personnel. Ce n'était donc pas pour définir les services essentiels que vous légifériez à l'époque. C'était pour abolir le droit de grève, effectivement, dans le cas de l'Hydro-Québec.

Autre exemple. Un cas un peu plus ancien. Vous vous rappelez sans doute qu'avant le Tribunal du travail tel que nous l'avons, on connaissait la vieille Commission des relations du travail. Dans ce cas, vous vous souviendrez aussi de la Loi de la

fonction publique que vous avez adoptée, je pense, en 1965. Dans cette loi, avant de faire une grève légale, ceux qui y sont soumis devaient aller à l'époque à la Commission des relations ouvrières pour faire définir les services essentiels.

Or, il s'est produit un premier cas, soit celui des enseignants, le SPEQ. Ils sont allés devant la commission faire définir les services essentiels. C'était, je crois, au printemps d'une année, et la commission, présidée à l'époque par le juge — au meilleur de mon souvenir — Bérubé, avait écouté cela et avait dit: Vous avez le droit de faire la grève, mais vous êtes tous essentiels. Vous ferez la grève l'été. Il s'agit des enseignants! Ce n'était pas tellement efficace! Les gars avaient fait la grève quand même. Il y avait eu injonction. Les gars sont allés en prison après cela.

Vous savez que c'est possible de faire de la classe ouvrière et d'une bonne partie des ouvriers des quasi-criminels en adoptant des lois semblables.

Lors du conflit d'avril et de mai 1972, des juges accordaient des injonctions. C'était une beauté de voir cela! Ils ne perdaient pas de temps.

Ils ne se badraient pas pour savoir si c'étaient des services essentiels ou non. Ils accordaient les injonctions. Tout le monde au travail!

On a même vu un juge encore plus rapide que les autres, au cours d'une nuit, refuser une requête en injonction, dans le cas de l'Hydro-Québec, pour dire: Non, vous n'en demandez pas assez. Il a écrit à la main davantage. Ce n'était pas pour maintenir les services essentiels, c'était uniquement pour abolir le droit de grève.

Donc, l'expérience nous enseigne que l'objectif recherché n'est pas le maintien des services essentiels, mais la prohibition de l'exercice du droit de grève et la question des services essentiels ne devient alors qu'une façade, une façon de faire peur au monde, pour faire avaler l'objectif de fond, plus de grève dans le secteur public et demain, sans doute, on pourra prendre cela comme exemple pour d'autres secteurs, même le secteur privé.

Il est à noter qu'il n'y a pas de substitution au droit de grève. Je l'ai déjà dit ici en commission, cela n'a rien changé, mais je le répète. Le droit lui-même s'il n'existe pas, cela ne veut pas dire qu'on va toujours exercer le droit qu'on a, mais si vous essayez d'y trouver une formule pour remplacer ce droit, je pense que vous ne pourrez pas en trouver. Il n'y a personne, à mon avis, dans le monde entier, qui ait trouvé une formule, une substitution au droit de grève. N'acceptez pas plus que nous, et avec raison, l'arbitrage à caractère exécutoire. Je pense que c'est mauvais. On l'a assez bien connu pour savoir jusqu'à quel point les travailleurs ont souffert avec une telle formule. A l'époque, toute la presse, alimentée par les bons soins des publicistes du gouvernement, a tout fait pour mettre en exergue quelques cas isolés où l'on alléguait que les services essentiels n'étaient pas accordés et c'était directement pour jeter l'odieux sur le monde du travail, essayer de faire passer les dirigeants syndicaux pour des brutes, des gens qui n'avaient aucune conscience, aucun respect pour la vie du monde. Dans bien des cas, pourtant, c'étaient les administrateurs des hôpitaux qui refusaient de maintenir des services essentiels même quand cela leur était offert.

La suggestion que je vais vous faire ce matin, et j'espère que vous l'examinerez de près, vise à ce que ce soient les parties qui soient tenues de déterminer les services essentiels sans autre contrainte que la contrainte publique, parce que cette suggestion fait appel à la responsabilité du monde, mais aussi les place devant le public en général. Notez bien que ce que je fais comme proposition a été largement discuté dans toutes nos instances du mouvement. Je vais vous dire que ce n'est pas unanime, mais majoritairement cela a été accepté. Parce que, tenez-le pour acquis, il y a un peu d'odieux aussi pour nous de venir ici et de dire: Dans certains cas on va limiter pour certains le droit de grève ou l'exercice du droit de grève. Sans doute que c'est pour cette raison qu'il y a de la résistance chez nous comme ailleurs sur la présentation d'une telle formule. En tout cas, majoritairement, notre organisation est d'accord pour vous présenter cette formule. Un des principes—et d'ailleurs je pense que c'est reconnu en partie et en partie seulement dans le projet de loi 253 — est que la détermination de tels services essentiels doit se faire sur les lieux de travail par ceux qui connaissent le fonctionnement quotidien d'une institution. Si le législateur confie à un tiers le soin de déterminer les services essentiels, les risques — et je le répète — sont grands que ceux-ci soient moins respectés. Ce n'est pas être anarchique que de soutenir une thèse semblable, bien au contraire. C'est de dire au monde: C'est votre responsabilité, c'est vous qui allez la prendre.

Lorsqu'on croit vraiment aux objectifs de négociation que l'on poursuit, que l'on s'est fixés, s'il y a un tiers qui intervient pour nous brimer dans ce droit, bien souvent, on va l'envoyer promener. Si au contraire ce sont les parties elles-mêmes qui sont appelées à prendre leurs responsabilités, à décider pour elles, avec tous les risques que pourrait comporter le refus à ce problème, je pense qu'on a plus de chance de protéger le public avec une formule laissant la responsabilité aux parties qu'une formule autoritaire comme celle du projet de loi 253.

Puis-je me permettre de vous rappeler le conflit qui a eu lieu aux chemins de fer du Canada, en 1972, au meilleur de mon souvenir — peut-être 1973, mais je pense que c'est 1972 — le Canadien National, le Pacifique et les dirigeants syndicaux, aux plus hauts échelons, avaient décidé d'accorder certains services essentiels comme le traver-sier. Le monde les avait respectés jusqu'au moment où il s'est rendu compte que la négociation débouchait nulle part et peu importe l'entente qui s'est faite au sommet, à ce moment-là, les travailleurs ont décidé d'eux-mêmes de ne pas respecter les services essentiels.

Qu'est-ce que ça veut dire pour moi, quel enseignement peut-on en tirer? C'est que, si c'est déterminé en dehors de vous, par un tiers, ou encore

à un échelon qui pourrait être la CSN, en espèce, avec le ministère des Affaires sociales, c'est que, si le monde, à la base, n'a pas participé à ça, peu importe l'entente du haut ou peu importe même le tiers qui a rendu l'ordonnance, il y a bien des chances que, si la situation se corse, on aura tous des surprises. On peut se demander quelle différence il y a entre déterminer nous-mêmes les services essentiels, par les parties intéressées, aux plus bas échelons, ou bien laisser déterminer ça par un tiers. On peut me dire: Ecoutez, le tiers n'interviendra qu'à défaut d'entente entre les parties. C'est vrai, c'est dans le projet de loi. Mais, quand vous savez que, s'il n'y a pas entente, c'est l'autre qui décide, il n'y aura pas de négociation.

D'ailleurs, très récemment, un des adjoints du ministre, je pense, M. Pleau, qu'est-ce qu'il disait à Sherbrooke? Il y avait un de nos gars qui était là, c'est un administrateur d'hôpital, il est président du comité patronal de négociation, je pense. Il leur disait: Arrêtez toute négociation sur les services essentiels; arrêtez ça, le projet de loi est déposé, on y reviendra après le projet de loi. Il ajoutait même: Avec la CSN, ça va être dur après pour négocier ça, on laissera décider ça par le tiers qui sera nommé.

Déjà, avant que la loi soit adoptée, la partie patronale nous indique que ça ne se négociera pas que ce sera le tiers qui va l'imposer. Je ne l'invente pas, vous pourrez faire venir M. Pleau pour voir si... Je n'étais pas là, c'est du ouï-dire, je ne suis pas en preuve devant un tribunal; alors, je pense que je peux l'invoquer. D'ailleurs, je vois qu'il y a du ouï-dire qui se passe ailleurs aussi.

Je pense donc que vous ne pouvez pas me dire que les parties vont être vraiment libres de négocier des services essentiels lorsque vous avez le mécanisme du tiers qui est là. Souvenez-vous lorsque l'arbitrage à caractère exécutoire existait, ça enlevait toute responsabilité aux parties; les parties se rencontraient pour se saluer, pour dire: On va aller voir le juge, il connaît tout, il va décider pour nous. Qu'est-ce que ça donnait comme résultat, qu'est-ce que ça donnait chez les pompiers à Montréal, d'avoir un arbitrage à décision exécutoire? Le feu a pris partout à un certain moment, parce que les parties, on ne leur donne aucune responsabilité.

Et puis, si vous donnez aux parties la responsabilité de les déterminer elles-mêmes, vous avez bien plus de chances que ce soient de véritables services essentiels que si vous laissez ça à un tiers. Et je serais surpris que vous puissiez connaître ou nommer des tiers qui, vraiment, connaissent toutes et chacune des institutions, ça me surprendrait énormément. Qu'est-ce qui va arriver? Le pauvre gars ou juge qui serait nommé, appelé à remplir cette charge, si c'est un peu un peureux l'administration va lui dire: Ecoute, si tu ne me laisses pas 75% du personnel, il y a du monde qui va mourir. Le gars, s'il a peur, va dire: Je ne cours pas de risques, je ne suis pas ici pour faire mourir le monde. 75%, on va t'en donner 80% pour te donner un petit coussin de sécurité.

Je pense que je ne fabule pas quand je dis ça; c'est de même que ça va se produire et c'est bien important que vous vous organisiez, le législateur, pour ne pas créer le désordre social vous-même. Laissez-nous-en un bout! Il me semble, sans faire de blague, que vous autres, avec ça, vous plongez tout le monde dans le désordre. C'est quoi, maintenant, en pratique, comment est-ce que ça peut s'appliquer? Bien sûr, à l'époque, on pensait que ces gens nous avaient demandé un travail pour que le législateur intervienne avant les négociations. Mais là, pour des raisons qui sont vôtres, qui ne sont pas miennes, vous avez décidé de ne pas légiférer avant maintenant là-dessus. Nous, on avait proposé, d'abord, l'obligation pour les parties nommées au certificat d'accréditation de négocier des services essentiels. Il n'y a rien dans les lois actuelles qui obligent les parties à négocier. Cela a été d'ailleurs un des problèmes de 1972 où certains administrateurs de certaines institutions envoyaient cavalièrement promener les représentants syndicaux qui voulaient négocier des services essentiels. Donc, la loi créerait une obligation.

Les mécanismes. Trois mois avant le délai de grève ou de lock-out, on doit transmettre au ministre le nom d'une personne qu'on a choisie mutuellement pour agir comme médiateur en vue de déterminer les services essentiels. Si, à cette date, le ministre n'a reçu aucune nomination, il procède à la nomination d'un médiateur de son choix.

Plus tard — il fallait bien mettre des dates, parce que nous autres, nous étions avant aujourd'hui — deux mois avant le délai de grève, le CCTM doit proposer au ministre une liste de personnes, par région, pouvant agir comme médiateurs. C'est au cas où il n'y aurait personne qui ne s'entend sur personne, que le ministre ne soit pas pris à découvert et qu'il puisse avoir un réservoir de personnes.

Au plus tard, un mois, disions-nous, avant le délai de grève ou de lock-out, le ministre fera part aux parties du nom du médiateur qu'il a désigné. Autant que possible, son choix est limité à l'intérieur de la liste préfabriquée. Il y a un avantage à tout cela. Si les deux parties sont présentes au CCTM, les patrons, les syndiqués, les travailleurs, si on s'entend sur M. Castonguay, par exemple, comme étant un bon gars là-dedans, à ce moment-là, si les deux parties sont d'accord, s'il est nommé, s'il fait une recommandation, cela a plus de chance d'être respecté.

On disait que les dépenses du médiateur sont à la charge du ministère. Je ne sais plus de quel ministère je devrais parler, le ministère des Affaires sociales ou le ministère du Travail, mais vous vous organiserez avec cela. La partie qui donne l'avis de grève ou de lock-out doit prévenir l'autre partie et, le même jour, les parties doivent se rencontrer pour déterminer les services essentiels.

Si, dans les deux jours qui suivent, il n'y a pas entente, le médiateur intervient. Il est libre de sa procédure; il a aussi autorité de se rendre sur les lieux de travail, mais, au plus tard deux jours avant le délai de grève ou de lock-out, le médiateur fait connaître son avis aux parties. Cet avis doit être affiché dans l'institution concernée et peut être

rendu public par le truchement des média d'information. Dans le fond, ils peuvent publiciser. Si le médiateur décide que toute l'institution est service essentiel, il peut le faire sur la base publique, pour que tout le monde le sache. Cependant, cela va forcer beaucoup plus le médiateur à être responsable, lui aussi, dans sa décision de recommandation. Il peut arriver qu'en cours de grève ou de lock-out, la situation change.

Si elle change, à ce moment-là, l'une ou l'autre partie peut demander une rencontre à l'autre et le médiateur peut intervenir encore. C'est une formule plus humaine qui, à mon avis, respecte beaucoup plus la liberté du monde, la responsabilité du monde et ce n'est pas une formule qui conduit à des sanctions, qui conduit, par exemple, à une série d'amendes comme celles que vous avez inscrites dans ce projet de loi, à tort, à mon avis. Toutes les relations de travail sont basées, de la façon que le législateur du Québec opère, sur le coup de matraque. On bûche sans arrêt sur les travailleurs et, quand il s'agit des employeurs, je vous assure qu'on n'en mène pas large.

Rappelez-vous, par exemple, que vous avez un rapport devant vous pour la Commission du salaire minimum, la Loi du salaire minimum. Je ne parle pas du montant du salaire minimum. Mais dans ce rapport, il est indiqué que c'est ridicule, les amendes qu'on impose aux employeurs. Vous avez depuis plusieurs mois ce rapport-là et cela n'a pas l'air à être bien urgent.

Mais pour les travailleurs, par exemple, fesse: $20,000. Pour les individus, jusqu'à $200. Bien sûr, on va me dire que $20,000, c'est mieux que $50,000. C'est vrai. Ils ont baissé le montant de $50,000 à $20,000 parce que, dans d'autres lois, c'était jusqu'à $50,000.

Qu'est-ce que cela donne de toujours vouloir procéder de cette façon? Quelle sorte de société cela nous tente-t-il de construire à l'heure actuelle? Dans votre projet de loi, M. le ministre, l'article 11 en particulier, je vous y réfère, je vais référer seulement à certains points. Quand j'ai soutenu tantôt que ce n'étaient pas les services essentiels que vous vouliez régler par cela, mais bien d'abolir le droit de grève, en pratique.

Tel que formulé, et si je l'interprète comme il le faut — je ne suis pas le seul à l'interpréter ainsi — si le commissaire ne rend pas de jugement, on n'a jamais le droit de faire la grève. Il n'est pas obligé d'en rendre, parce qu'on ne lui donne pas de délai. Remarquez bien le deuxième paragraphe de l'article 11: "La décision devient exécutoire, dès sa signification à l'adresse de chacune des parties. Il peut même arriver qu'il rende une décision et qu'il ne la signifie pas. A ce moment, le droit de grève n'existe pas.

Je dois aussi souligner un point que je pense important. On a créé au Québec un tribunal un peu spécial, même s'il a fallu que ce tribunal soit relié à la Cour provinciale. Il s'agit du Tribunal du travail. Généralement parlant, les parties, du côté syndical et du côté patronal, sont assez contentes de ce qui se passe au tribunal et des décisions rendues jusqu'à maintenant. Je ne parle pas de l'avenir. On ne veut pas dire qu'on aime tous les jugements. Cela ne veut pas dire que les employés aiment tous les jugements, mais on pense qu'il y a un peu d'équilibre à ce tribunal.

Le fait est que vous décidez que c'est ce même tribunal qui va intervenir maintenant d'une manière politique. N'oubliez pas que c'est ce même tribunal qui va intervenir maintenant d'une manière politique; n'oubliez pas que c'est une décision politique de savoir si c'est 10% du personnel, 15%, 5% ou 25%, dans le cas des services essentiels. Vous allez complètement discréditer le Tribunal du travail qui, jusqu'à maintenant, a maintenu un certain standard de respectabilité vis-à-vis d'à peu près tout le monde du côté patronal et du côté syndical.

De plus, non seulement je suggère que le Tribunal du travail ne soit pas là, mais je vous dis que ce n'est pas du droit, c'est uniquement une affaire administrative. Pourquoi mêler les juges à toutes les sauces? Ils ne sont pas universels, ces gars; ils ne sont pas fins autant que cela. Je sais bien pourquoi. Dans une société libérale, quand on peut avoir la couverture d'un juge, on fait peur au monde. Ici aussi, on essaie de le faire. Mais si j'insiste tellement pour vous exhorter à ce qu'il n'y ait pas de contrainte, à ce qu'il n'y ait pas de tiers qui intervienne — je ne parlerai pas longtemps sur le point que j'ai soulevé — c'est qu'il me semble d'ailleurs que toutes vos pénalités doivent disparaître. Essayez de faire quelque chose de nouveau un peu. Essayez d'adopter une loi, dans ce domaine du travail, pour dire: On ne mettra pas de pénalité; on va faire des affaires; on va essayer de confier des responsabilités à du monde. Vous n'êtes pas morts après. Si cela va si mal que cela, le législateur peut toujours intervenir, vous le savez aussi bien que moi. Je n'ai même pas besoin de vous le suggérer.

Je voudrais aussi vous rappeler que, à l'époque des discussions de ces services essentiels, il était bien convenu que l'article 99 du Code du travail s'en allait. Je comprends que c'est le ministre des Affaires sociales qui présente ce projet de loi. Lui, il ne le sait peut-être pas. Il est ministre en tout cas. Il y a l'article 99 ici. On peut faire tout cela, si vous l'adoptez, comme vous maintenez l'article 99, après avoir épuisé tout cela, il me reste encore 15% des gens qui ont le droit de faire la grève. Je la fais avec 15%, vous revenez avec l'article 99 et vous dites: Je t'arrête avec une injonction. Je forme un autre comité. Pendant 80 jours, tu n'as même pas le droit de faire la grève avec tes 15% des gens. Si c'est cohérent de maintenir ce projet de loi et l'article 99, je ne comprends plus rien.

L'ancien ministre du Travail, M. Coumoyer, qu'est-ce qu'il disait au CCTM? Bien sûr qu'en adoptant la thèse syndicale — il l'appelait ainsi — j'enlève l'article 99. C'était raisonnable.

Je vous demande en tout cas de faire examiner dans quelle position vous voulez qu'on soit placé. Si l'article 99 restait là avec l'autre loi, je pense bien qu'il n'y a pas grand-chose qui tient là-dessus.

Je voudrais vous dire cependant aussi ce qui s'est passé de notre point de vue, au cours des présentes négociations. Je pense que c'était au mois de mai, à la fin de mai.

Le côté patronal du comité patronal des négociations des affaires sociales nous a suggéré la formation d'une sous-table de négociations pour les services essentiels. Je pense que le ministre est au courant de cela, mais en tout cas, je le dis pour ceux qui ne suivent pas d'aussi près le développement des négociations. A l'époque, notre représentant a dit: Nous acceptons le principe, mais nous croyons son application prématurée, parce que nous ne savons pas encore s'il va y avoir un "dead lock" ou s'il y a moyen de déboucher.

En septembre, nos représentants ont dit: Nous croyons que c'est le temps, parce qu'on voit qu'il y a grande possibilité d'impasse, que ce comité fonctionne. Nous nommons des représentants à ce comité. Nous vous invitons à en faire autant.

Cela a été, je pense, le 16 ou le 17 septembre que le sous-comité a eu rencontre. C'était M. For-gues qui représentait le comité patronal. Je pense que M. Forgues est directeur d'un hôpital à Mont-Joli. Qu'est-ce qu'il a fait comme proposition au syndicat? Il a pris substantiellement la thèse que je viens de vous développer en disant à nos représentants: Cela a été les propositions syndicales au CCTM, on présume bien que vous êtes prêts à fonctionner de ce côté. Le comité a discuté, a demandé s'il y avait des définitions de services essentiels. Il y a des définitions qui ont été proposées, et même, au niveau du ministère, il y a eu deux définitions de proposées, l'une par ce comité patronal, par M. Forgues, une autre par une autre institution, l'Association des centres d'accueil. Ce n'était pas la même définition.

D'ailleurs, dans ce domaine, je ne vous fais pas grief qu'il n'y ait pas de définition dans la loi, parce que cela pourra toujours être une définition tellement large qu'on va définir "services essentiels" par "services essentiels". Probablement, que c'est toujours ainsi qu'on va en arriver. Tout ce que je peux dire aux membres de cette commission, c'est que la partie patronale négociait ou tentait de négocier avec nous le mécanisme qu'il fallait dans le cadre du respect des parties, dans le cadre de la responsabilité de chacune des parties. Si je suis bien informé, la loi a été déposée, alors que se poursuivait la négociation. Je pense que les gens ne le savaient même pas. Je pense que vous devriez, ici, entendre les représentants et les administrateurs du gouvernement pour savoir exactement s'ils ont un point de vue de ce côté. J'ai bien l'impresion que certains d'entre eux, à tout le moins, vont soutenir exactement la même thèse que je soutiens, savoir que vous êtes en train, vous-mêmes, de créer le désordre, et le désordre grave, parce que vous intervenez d'une manière inopportune, d'une mauvaise façon.

Or, voilà, en gros, ce que j'avais à dire. Je m'excuse si j'ai été un peu long. Je pense que le problème est important et que cela vaut la peine qu'on prenne quelques minutes pour s'expliquer. Je vous remercie.

Le Président (M. Séguin): Je vous remercie, M. Pépin. Alors, je n'aurai pas à noter pour la commission que j'ai passé outre à notre règlement qui, normalement, alloue 20 minutes à chaque personne ou groupe...

M. Pepin (Marcel): Je n'ai parlé que 15 minutes.

M. Bellemare (Johnson): Cela n'a pas paru.

Le Président (M. Séguin): On n'a pas fait de commentaire.

Une Voix: Cela nous a paru bien court.

Le Président (M. Séguin): Je dirai tout simplement ceci, au nom de la commission, nous vous remercions pour votre intervention. Il y a maintenant une période allouée aux députés ou aux membres de la commission pour des questions. M. le ministre.

M. Forget: M. Pepin, vous nous avez renvoyés dans vos commentaires au rapport Morin, c'est-à-dire au rapport du CCTM. J'aimerais relever un certain nombre de vos propos, justement sur les points où il y a parfois une très grande convergence entre la loi actuelle et le rapport du CCTM. En particulier, vous avez souligné que la loi qui est actuellement devant l'Assemblée nationale ne réglait rien, parce qu'elle ne contient pas de définition des "services essentiels". Je crois vous citer presque mot pour mot.

Malgré tout, dans le rapport du CCTM, on retrouve la même absence de définition puisque les deux parties, si l'on peut dire, représentées au conseil consultatif en sont présumément venues à la conclusion qu'il était impossible de donner une définition qui soit satisfaisante et qui ne soit pas plus sujette à interprétation que les deux mots "Services essentiels".

Est-ce que ce point de vue est toujours le vôtre, qu'une définition n'est pas possible, n'est pas souhaitable dans la loi et que c'est une question de bon sens?

M. Pepin: Je pense que je l'ai dit à la toute fin de mon exposé. Il me paraît évident que vous ne pouvez pas définir "services essentiels" autrement que par les mots "services essentiels". Bien sûr qu'on peut se trouver de grandes définitions, mettre des mots, mais cela ne donnera absolument rien, parce que les situations sont multiples et ne se ressemblent pas. Mais le fait que nous soyons en accord là-dessus ajoute à ma thèse à l'effet que ce ne doit pas être un tiers qui, d'autorité, intervienne parce que, quand vous ferez les points de relation entre votre projet et la thèse ou le rapport Morin, vous direz sans doute: Bien oui, c'est à la base même qu'on va déterminer cela. Rappelez-vous que le gros changement et le point capital de

l'affaire, c'est que, à la fin, c'est un tiers qui intervient. Tout le reste sera brouillé à cause de ça.

M. Forget: On va revenir à ce point-là, bien sûr!

Mais malgré tout, je pense qu'il est important d'être bien sûr que l'on se comprend sur l'impossibilité pratique de définir, dans un texte législatif, une notion comme celle-là. C'est d'autant plus important qu'une autre recommandation, si je comprends bien, du rapport Morin visait à éliminer certains secteurs où la question des services essentiels ne se posait pas, d'après les parties, ne se posait sûrement pas dans le même sens. Je crois qu'on avait peut-être même fait quelques allusions ou donné quelques exemples. On retrouve dans le projet actuel, à mon avis, les mêmes exclusions que celles qu'on retrouvait dans le rapport Morin, puisque c'est un projet de loi qui s'applique aux affaires sociales. Donc, il ne s'applique pas, par exemple, au secteur de l'éducation. Et je pense que cela aussi, puisque vous avez soulevé ce point, exprimé une certaine surprise à ce que ce soit le ministre des Affaires sociales, plutôt que le ministre du Travail, qui apporte cet amendement, il découle de ce fait que ce soit moi, plutôt qu'un autre, qui apporte le projet, que l'envergure du projet, son aire d'application est beaucoup plus étroite. Est-ce que ce n'est pas cela, aussi, une autre convergence entre le rapport Morin et la législation actuelle, de fait?

M. Pepin: Si vous permettez, j'aimerais préciser une chose. Quand vous mentionnez le rapport Morin, j'ai l'impression que M. Morin n'aimerait pas cela. Parce qu'effectivement, il n'y a pas de rapport Morin. Il y a un rapport du côté syndical. Il y a un rapport du côté patronal. Il a écrit au ministre: Voici l'avis des parties.

Je voulais faire cette précision tout simplement parce qu'il n'y a pas de rapport Morin.

Je n'ai pas voulu toucher, ce matin, à la question de l'éducation, pour la bonne raison que je ne me croyais pas dans le bon forum pour le faire, mais j'aurais pu vous dire que, moi, j'ai toujours soutenu qu'il n'y a pas de services essentiels dans l'enseignement comme tel. Il peut y en avoir pour le maintien, je ne sais pas, moi, de l'édifice, si c'est l'hiver, pour empêcher les tuyaux de crever et ces choses. C'est possible qu'il y en ait. C'est comme quand on fait la grève dans le secteur privé, la plupart du temps on s'entend avec l'employeur, et l'employeur s'entend avec nous, pour qu'on maintienne certaines catégories de personnes pour l'entretien des immeubles ou des bâtisses.

De toute façon, je comprends que vous me dites que parce que cela s'applique uniquement aux affaires sociales, c'est vous qui le présentez, mais, croyez-moi encore, je suis quand même étonné, parce qu'on touche au domaine du travail et le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre n'est même pas membre de la commission, du moins, je n'ai pas entendu mentionner son nom ici dans la liste des membres de la commission, il n'est pas membre de la commission et vous intervenez di- rectement dans le Code du travail alors que vous êtes ministre des Affaires sociales. Je ne vous en veux pas pour cela. Je vous fais remarquer tout simplement que cela me paraît un peu anachronique ou bien il y a des affaires qui ne marchent pas!

M. Bellemare (Johnson): II a mis son nom en dernier. Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre verra à l'application de la loi, à l'article 33.

M. Pepin (Marcel): Oui, je l'ai vu.

M. Bellemare (Johnson): On a mis cela là pour lui donner une certaine autorité, parce qu'il lui en manque beaucoup.

M. Forget: II s'agit là d'une loi du gouvernement. Ce n'est pas simplement la loi d'un ministre en particulier, mais c'est un détail, de toute façon.

Vous avez dit — et je pense que nous en arrivons à un point plus central de votre exposé — que les parties devraient avoir l'obligation de s'entendre sur les services essentiels. Je veux bien. Que pourrait être cette obligation, si tout simplement, on indique dans la loi un voeu que les parties s'entendent, un voeu qui est présent d'ailleurs dans celle qui est devant nous? Quelle autre signification serait attachée à l'obligation pour les parties de s'entendre si, effectivement, on ne dit rien d'autre dans la loi que de souhaiter que les parties s'entendent?

M. Pepin (Marcel): Vous savez, M. le ministre, que, dans le Code du travail, il existe un article qui dit qu'on doit négocier de bonne foi. Peut-être pourriez-vous l'interpréter comme étant uniquement une déclaration d'intention, un voeu pieux tout simplement, mais c'est un des articles assez majeurs du Code du travail.

Pourquoi avons-nous tellement réclamé l'obligation pour les parties de négocier les services essentiels? C'est suite à notre expérience. Toutes les affaires sont souvent basées sur l'expérience vécue, mais, en 1972, nous jugeons que, dans beaucoup de cas, des administrateurs d'hôpitaux n'ont même pas voulu s'asseoir à une table avec les représentants syndicaux pour discuter des services essentiels.

Nous nous sommes dit comme première étape: II faut que la loi les oblige au moins à s'asseoir avec nous pour en discuter. Le fait de discuter ne veut pas dire qu'il y a une entente. Je le reconnais, mais le reste du mécanisme conduit, à mon avis, plus facilement à une entente entre les parties que votre projet de loi.

M. Forget: Mais il reste qu'en pratique le projet de loi que vous avez à l'esprit ne ferait qu'affirmer le voeu que les parties négocient un peu comme le projet actuel le fait, négocient entre elles une entente sur les services essentiels.

Il ne s'agirait pas de donner à cette obligation des conséquences en termes d'infractions ou quoi

que ce soit. Donc, cela ne serait qu'un voeu. Et vous nous dites: Les patrons ont refusé de négocier dans le passé. Evidemment, les patrons nous disent exactement le contraire. Je ne sais pas qui a raison, il y a probablement un peu des deux selon les cas.

Il demeure que, devant un fait où les parties ont démontré dans le passé qu'elles avaient de la réticence à négocier les services essentiels, on doit se demander s'il est prudent pour le législateur, étant donné les conséquences d'une non-négociation, de se croiser les bras et de dire: Mon Dieu, quand les parties ne veulent pas ou que l'une d'elles ne veut pas, on a fait tout ce qu'on a pu. On les a invitées à négocier.

M. Pepin (Marcel): Ce qui me surprend est que vous puissiez me dire à ce moment-ci: Est-il prudent pour le législateur de laisser aller les affaires alors que 1972 est encore assez loin de nous, alors que, depuis ce temps, le législateur aurait pu intervenir bien avant, nous dire quelles étaient les règles du jeu cette année? C'est en cours de négociation qu'il intervient. Il change les règles du jeu en cours de négociation.

C'est là-dessus, je pense, et sur certains autres points du projet de loi, qu'il y a une vulnérabilité de la part du législateur. Il n'a pas voulu intervenir dans le bon temps. Je ne vous dis pas que c'est votre faute individuellement, vous qui êtes ici, mais, en tout cas, le gouvernement a sa responsabilité. N'oubliez pas, M. le ministre, que, si vous votez une loi dans le sens de la présente ici, avec les concepts que je mets de l'avant, vous pourrez toujours dire à la population: Je n'en veux pas parce que c'est seulement un voeu, mais avez-vous conscience de la pression que vous mettez sur les parties avec une telle proposition? Avez-vous conscience que cela a bien plus de chances d'être respecté de cette façon quand ce sera la volonté des parties? S'il arrive qu'il y ait des dirigeants syndicaux locaux, dans un endroit, qui ne veulent rien comme services essentiels, le médiateur qui rendra son rapport public leur fera porter un poids beaucoup plus considérable. Il me semble que vous ne pouvez pas écarter cela de la main et dire à la population: On est bon, le parti, on règle cela, les services essentiels. Ce que vous réglez, à mon avis, c'est le droit de grève lui-même. Je pense que vous ne pourrez pas vous en sortir.

M. Forget: M. Pepin, vous avez mentionné la pression qui s'exercerait sur les parties si l'une d'entre elles ou les deux négligeaient ou refusaient de négocier des services essentiels. Vous avez aussi fait allusion à cette pression de l'opinion publique si, même après avoir négocié les services essentiels, l'entente n'est pas respectée et les services ne sont pas fournis. Est-ce que, dans le fond, lorsque vous parlez de cette pression du public, vous devez bien songer à un moyen par lequel cette pression s'exercerait? Ne voyez-vous pas un danger plus considérable, ne serait-ce que pour le droit de grève lui-même, de constater, conflit de travail après conflit de travail, qu'effectivement, dans un certain nombre de cas et quelle que soit la faute de qui que ce soit, puisque le public se préoccupe peu de cette question finalement, en dernière analyse, des services essentiels, dans plusieurs cas, ne sont pas fournis? Est-ce que cette pression du public ne jouerait pas précisément de façon à limiter, pour l'avenir, le droit à la grève ou, au contraire, est-ce que vous ne nous invitez pas à considérer que c'est l'Assemblée nationale qui est le seul service essentiel, finalement, puisque vous l'avez un peu indiqué en disant: si cela ne va pas, en dernière analyse, vous êtes toujours là pour légiférer?

M. Pepin (Marcel): Je constate que vous êtes toujours là.

M. Forget: Vous constatez que nous sommes toujours là, mais vous nous invitez peut-être aussi à mettre sur pied un mécanisme en admettant d'avance qu'il peut ne pas donner les fruits escomptés et en disant: Vous légiférez si, effectivement, ce risque se réalise.

M. Pepin (Marcel): M. le ministre, s'il arrive que vous l'adoptiez comme cela, si ce n'est pas respecté, êtes-vous mieux placé? Là, vous faites de gens honorables, ou assez honorables — je ne parle pas de moi, mais des autres — des quasi-criminels parce que vous voulez uniquement une société bâtie sur la contrainte et sur l'autorité. Vous ne pouvez pas donner plus de réponse à la population. Votez-la votre loi. Vous ne pouvez pas dire aux gens: Là, je suis sûr que cela va être respecté, parce que, d'abord, vous ne savez même pas comment les commissaires vont l'appliquer. Ils peuvent bien décider, théoriquement, qu'il n'y a rien d'essentiel. Alors, vous ne pouvez pas dire à la population: Je vous assure cela. Et même s'ils décidaient que tout est essentiel, tout à coup que ce n'est pas respecté? Il y aura des amendes, bien sûr, on les poursuivra, mais vous n'êtes pas dans une position si confortable que cela, même en adoptant ce projet de loi, vous savez. Vous êtes dans une situation... Vous jouez un peu avec des oeufs.

M. Forget: C'est une façon d'être confortable dans un conflit de travail.

M. Pepin (Marcel): Cela, je ne le sais pas...

M. Forget: Le problème n'est pas d'être confortable, c'est d'être le moins inconfortable possible, non pas comme négociateur, non pas comme gouvernement, mais en tenant compte de l'intérêt de la population. Encore une fois, si les services essentiels ne sont pas fournis, cette pression du public à laquelle vous faites allusion et à laquelle le CCTM faisait allusion, puisque c'était la thèse qui était définie, comment va-t-elle s'exercer cette pression, est-ce qu'elle ne s'exercera pas sur l'Assemblée nationale, sur le gouvernement pour, soit brimer le droit de grève, soit intervenir de fa-

çon autoritaire pour régler le conflit et forcer tout le monde à retourner au travail? Est-ce qu'il ne vaut pas mieux empêcher cette pression qui ne peut pas avoir de bons effets pour les syndiqués et essayer de fournir les services essentiels de manière que le mécanisme joue complètement.

M. Pepin: Primo, ce que je soutiens, c'est que votre projet de loi, s'il devient loi, ne règle pas le problème que vous soulevez. Secondo, ce que je veux vous dire, c'est que cette pression de l'opinion publique, si on sent, nous, les dirigeants syndicaux qu'on ne donne pas assez de services essentiels, par hypothèse, et que cela a des chances pour cette fin, pour ce motif d'aboutir ici, peut-être que des situations vont changer à ce moment-là, vous savez. Tandis que là comme vous enlevez la responsabilité des parties, ceux qui ont passé la loi, qu'ils s'arrangent avec. Je pense que la pression de l'opinion publique, telle que je la conçois, ne conduit pas à ce que le droit de grève ou son exercice soit davantage limité.

Votre façon de voir, dans le projet de loi, conduit à restreindre, et beaucoup, l'exercice du droit de grève. Le droit existera toujours, son exercice sera toujours tempéré, tel qu'on ne pourra pas exercer notre droit fondamental.

M. Forget: Dans la nomination d'un tiers, vous suggérez la nomination d'un conciliateur qui aiderait les parties à s'entendre sur les services essentiels et la façon de les fournir, enfin quelqu'un qui jouerait le rôle de catalyseur dans le processus; est-ce que les difficultés que vous entrevoyez, quand il s'agit des services essentiels eux-mêmes, si un tiers peut intervenir, vous avez dit au début, si on décrète dans la loi la nécessité qu'un tiers vienne régler quels sont les services essentiels, les parties vont refuser de négocier les services essentiels, ils vont attendre le décret sur les services essentiels? Bon, c'est une hypothèse.

Mais, est-ce que cette même hypothèse n'est pas valable lorsqu'il s'agit de désigner le tiers en question puisque chaque partie va vouloir nommer la personne qui, à priori, lui apparaît la plus susceptible de juger conformément à ses voeux à elle, cette partie-là, et est-ce qu'une loi, qui donnerait au ministre le pouvoir de nommer un conciliateur si les parties ne s'entendent pas, ne déboucherait pas sur quelque chose de presque identique à la loi actuelle, c'est-à-dire, de fait, des nominations qui seraient faites d'autorité puisque les parties vont avoir les mêmes résistances à négocier le nom d'une personne, à s'entendre sur le nom d'une personne qu'à s'entendre sur le fond du débat?

M. Pepin (Marcel): M. le ministre, je ne partage pas ce point de vue pour les motifs suivants: Quand des parties savent...

M. Forget: Excusez-moi.

Le Président (M. Séguin): Très bien.

M. Pepin (Marcel): Cela me donnera plus de temps pour préparer ma réponse.

Le Président (M. Séguin): Je vous assure que c'était dans ce but-là qu'il y a eu le délai.

M. Pepin (Marcel): J'y ai pensé. Quand des parties savent que ce sont elles qui ont la responsabilité et qu'un tiers peut venir les aider, les encourager ou leur faire des suggestions, je partage l'avis qu'il est possible que, dans beaucoup de cas, il n'y a pas de contrainte, le médiateur que l'on suggère, ne peut pas imposer. S'il fait des folies, son affaire va être mise au rancart.

Mais je pense que, dans beaucoup de cas, les parties pourraient s'entendre localement pour choisir quelqu'un qui connaît assez bien l'institution, mais qui a des apparences aussi de neutralité. Je pense que c'est possible que certaines d'entre elles puissent en trouver.

Remarquez bien aussi l'autre mécanisme que nous suggérons. Si les parties ne se sont pas entendues dans les délais impartis, le ministre — quand il intervient pour nommer quelqu'un — a déjà devant lui une liste de personnes, sur laquelle liste il y a eu accord entre les représentants patronaux et les représentants syndicaux au CCTM. Ce n'est pas la sécurité la plus absolue, ni pour les patrons, ni pour les administrateurs, ni pour nous, mais au moins — et à l'heure actuelle, cela ne fait pas très longtemps — dans le Code du travail, il est prévu que le CCTM fait une liste d'arbitres pour les griefs. Avant, cela n'existait pas. Cela existe depuis quelques années, sept ou huit ans peut-être. Mais depuis ce temps-là, tous les problèmes qu'on a, par exemple pour un arbitre de grief qui a mal agi, d'après l'avis d'un employeur ou l'avis d'un syndicat, on le rediscute au CCTM et on peut r'enlever de la liste. On peut en ajouter aussi, d'un commun accord. J'ai bien l'impression que si le ministre se limite à l'intérieur de cette liste pour faire des nominations, il va y avoir moins de problèmes que si vous nommez d'autorité certaines personnes comme commissaires ou encore comme juges.

Je crois que la clef de tout ce qui nous sépare, l'un et l'autre, c'est toujours la finale. Je dis qu'il ne faut pas que ce soit contraignant, parce que cela va donner des résultats pires que si on laisse vraiment aux parties cette responsabilité.

Je pense que certaines parties pourront s'entendre sur le choix d'un médiateur. A ce défaut, la liste préfabriquée pourra être utilisée par le ministre.

M. Forget: M. le Président, je propose la suspension des travaux de la commission.

Le Président (M. Séguin): La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 h 30, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 59)

Reprise de la séance à 14 h 47

M. Séguin (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

Je constate qu'il y a quorum. La commission des affaires sociales siège sur le projet de loi 253, Loi visant à assurer les services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflits de travail. Nous sommes ici encore cet après-midi pour entendre les groupes ou associations qui voudront faire leurs commentaires à cette commission. Les membres de la commission pour la séance de cet après-midi: MM. Giasson (Montmagny-L'Islet); Burns (Maisonneuve); Bellemare (Johnson); Faucher (Nicolet-Yamaska); Bonnier (Taschereau); Charron (Saint-Jacques); Malépart (Sainte-Marie); Boudreault (Bourget); Forget (Saint-Laurent); Fortier (Gaspé); Assad (Papineau); Massicotte (Lotbinière); Samson (Rouyn-Noranda); Harvey (Charlesbourg).

Encore cet après-midi, comme ce matin, le rapporteur continue d'être M. Malépart (Sainte-Marie). La parole est au ministre.

M. Forget: M. le Président, je vais décliner ce droit de parole, pour l'instant du moins, et inviter le deuxième groupe à se faire entendre sur le champ, de manière que la discussion puisse avoir lieu dès que nos collègues de l'Oppsition auront réintégré.

Le Président (M. Séguin): M. Pepin, je crois comprendre qu'en cédant la parole aux représentants de la FTQ vous demeurez ici, parce que l'Opposition n'a pas eu l'occasion encore de faire des commentaires vis-à-vis de votre exposé.

M. Pepin (Marcel): Je reste ici.

Le Président (M. Séguin): Alors, vous pourrez être rappelé un peu plus tard cet après-midi. Les représentants de la FTQ, je crois, c'est le deuxième et le dernier groupe que nous avons à entendre aujourd'hui.

FTQ

M. Laramée (Roger): M. le Président, Roger Laramée, vice-président de la FTQ, et, à mon extrême gauche, Réal Lafontaine, représentant de l'Union des employés de service FTQ, et Michel Grant, coordonnateur du front commun du secteur public et parapublic au niveau de la FTQ. Je dois d'abord indiquer, M. le Président, M. le ministre et MM. les députés, que nous sommes en accord avec les déclarations faites par le président de la CSN, M. Pepin, ce matin. Donc, on n'a pas l'intention de faire un débat ou une longue présentation.

Nous voulons cependant soulever certains points sur la prise de position de la FTQ, qui est à peu près la même que celle faite par la CSN. Cette prise de position a été discutée au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, comme l'a mentionné Marcel ce matin, a fait l'objet de très longues discussions, et nous croyons en elle.

Pour cette raison, on demande à cette commission de reconsidérer le projet de loi tel qu'il est rédigé et de faire en sorte que ce qu'on retrouve à l'intérieur de ces documents qui vous ont probablement été présentés — s'ils ne l'ont pas été, ils devraient l'être — on en tienne compte. Cela peut faire en sorte, pour nous, d'embarquer derrière quelque chose qui est logique.

On a vécu, pendant plusieurs années, des conflits et on a rarement eu des positions draconiennes, même à l'intérieur du secteur hospitalier, le secteur qui est directement concerné par le projet de loi no 253.

Le Président (M. Séguin): Continuez, s'il vous plaît!

M. Laramée: Je ne voudrais pas déranger M. le ministre...

Le Président (M. Séguin): Non...

M. Laramée: ... je pense que c'est assez important...

Le Président (M. Séguin): Oui.

M. Laramée: ... et on voudrait bien qu'il saisisse ce que nous avons à dire. Ce ne sera pas long, mais on veut que chaque membre de cette commission puisse tenir compte d'une position de la FTQ qui représente quand même beaucoup de monde au Québec.

C'est vrai qu'on a eu à subir, au niveau des travailleurs du Québec, un paquet d'injonctions. Marcel a cité le cas de l'Hydro-Québec ce matin. Moi, je veux y revenir.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! J'aimerais que vous disiez, au lieu de Marcel, M. le président de la CSN, ou M. Pepin de la CSN.

M. Laramée: Ah!

Le Président (M. Séguin): C'est pour le journal des Débats, que d'autres liront peut-être à l'avenir. Il faudrait établir les identités.

M. Laramée: Déformation professionnelle syndicale. Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Je comprends fort bien ce que vous voulez dire.

M. Laramée:... M. le président de la CSN... Je vous ferai remarquer qu'il est à ma droite.

Tout en faisant cette rétrospective, je reviens à la loi 95, qui nous a imposé des "guide-lines" dans la négociation, projet de loi qu'on a eu à peine le temps de voir adopter et sur lequel on n'a pas eu tellement l'occasion de se présenter.

Nous arrivent par la suite, deux projets de loi. Le projet de loi fédéral C-73 qui est devenu une loi, et le projet de loi 64 qui, semble-t-il, le deviendra bientôt, à moins que Québec ne révise ses positions — et nous le souhaitons, d'ailleurs — et li-

mite la négociation dans tous les secteurs, spécialement dans le secteur sur lequel nous discutons cet après-midi, en raison du projet de loi 253.

Et ce projet de loi 253 nous limite maintenant dans l'action, tout en laissant peser — et c'est peut-être l'aspect le plus sérieux, le plus grave — tout le fardeau de ce manque de sérieux, au niveau des services essentiels que les syndicats ont accordés dans le passé, sur les travailleurs et sur les centrales syndicales.

Et à ce niveau, je pense que c'est extrêmement important pour nous que le gouvernement révise sa position. J'ai été un gars qui a négocié en 1968-1969, et j'entrais dans le secteur hospitalier pour la première fois. J'avais été dans plusieurs autres secteurs, dont l'Hydro-Québec, et jamais je n'avais rencontré autant de motivation chez des travailleurs, que ce soit au niveau des infirmières, des auxiliaires. Dans n'importe quelle catégorie de travailleurs, dans le secteur hospitalier, on retrouvait une motivation chez ces gens que, personnellement — j'avais plusieurs années d'expérience — je n'avais jamais trouvée.

Et aujourd'hui, je me pose la question: Comment se fait-il qu'un gouvernement sente le besoin d'amener une loi qui brime autant ces travailleurs, ces mêmes travailleurs qui étaient, il y a à peine quelques années, tellement motivés? Et on ne peut s'empêcher de faire une rétrospective des lois qui ont brimé, à chaque bataille, ces mêmes travailleurs qui étaient poignés bien raides dans un carcan, carcan qui a été élargi par la venue des syndicats. Chaque fois que les travailleurs ont voulu se lever debout dans un secteur aussi important, le gouvernement les a accrochés et les a tassés dans un coin, continuellement.

Je me réfère à plusieurs injonctions. Je me réfère à la loi 19 et à plusieurs actions gouvernementales qui ont fait en sorte qu'on retrouve peut-être un peu moins de motivation chez les travailleurs du secteur hospitalier.

Je vous dis que si le projet de loi 253 était accepté tel quel, cela nous amènera encore beaucoup moins de motivation. Et probablement qu'avec joie certains membres du gouvernement pourront encore dire: C'est la faute des maudites centrales syndicales qui n'ont pas fait leur job.

Je pense que ce n'est pas la vraie raison. Vous avez touché le problème, M. le ministre, il n'y a pas tellement longtemps. Je suis un gars bien surpris de voir le ministre Forget présenter un projet de loi comme celui-là.

Je l'aurais vu d'un ministre comme le ministre Harvey, peut-être, un bonhomme qui entre dans un ministère, qui a énormément de choses à apprendre de ses collègues qui militent dans ce ministère depuis longtemps, mais, venant du ministre Forget, j'en croyais à peine mes oreilles.

M. Bellemare (Johnson): Mettez-en.

M. Laramée: Je me rappelle encore la déclaration que vous faisiez, M. le ministre, il n'y a pas tellement longtemps, sur l'administration du ministère que vous représentez. Les lacunes que vous avez mentionnées dans le secteur que vous représentez, vous les retrouvez également au niveau des relations de travail. C'est peut-être un des facteurs les plus importants. Vous ne l'avez peut-être pas touché dans votre déclaration, mais vous avez parlé d'une mauvaise administration globalement. Vous me corrigerez si je me trompe. Cette mauvaise administration, nous sommes les premiers à en subir les conséquences. Des bons hommes au niveau du secteur hospitalier, autant des hôpitaux publics que privés, chaque fois qu'on fait une revendication, nous disent: C'est le gouvernement et c'est le ministre et c'est au niveau du budget qu'on est poigné. On a eu une injonction à un endroit en 1971/72 où on demandait, pour un poste donné, deux employés au lieu d'un. Quand on a voulu négocier les services essentiels au moment de la grève, l'employeur, après nous avoir refusé ce deuxième employé, exigeait, pour les services essentiels, deux employés pour le même poste. Il y a un peu de ridicule. Un point où je suis vraiment d'accord avec vous, M. le ministre, c'est sur la mauvaise administration qu'on retrouve dans le secteur des affaires sociales au niveau des hôpitaux publics et surtout au niveau des hôpitaux privés.

M. Bellemare (Johnson): Est-ce le ministre qui a dit cela?

M. Laramée: Oui, vous auriez avantage à lire le Jour, monsieur.

M. Bellemare (Johnson): II a droit à son opinion. C'est simplement pour lui faire redire que c'est le ministre qui avait dit cela. Je ne suis pas au courant de cela. Je suis content d'apprendre cela.

M. Laramée: D'autant plus qu'une loi forcerait les travailleurs, étant donné, quand même, une vaste expérience de plusieurs bons hommes à la FTQ, à la CSN — ne peut pas, selon nous, même s'il y a des amendes au bout — cela semble être une vague pas mal importante; même le fédéral a importé du Québec ces fameuses amendes au niveau de sa loi C-73; je ne pense pas que ce soit vraiment la solution au problème du gouvernement.

Lorsqu'on est de bonne foi à une table de négociations, lorsqu'on est de bonne foi lorsqu'on négocie des services essentiels, il n'y a pas lieu d'avoir une loi qui oblige ou qui donne une autorité extrême à un individu quelconque, quelles que soient ses responsabilités, pour forcer des gens à effectuer des travaux qu'ils ne sont pas intéressés à faire. Cela devient de la provocation envers les travailleurs que l'on représente et les travailleurs que vous êtes censés représenter à titre de responsables du gouvernement. Pour toutes les raisons mentionnées par le président de la CSN ce matin et celles que je viens de vous mentionner — il y en aurait bien d'autres qu'on pourrait ajouter — pour ma part j'aurais souhaité que les coordonnateurs du secteur public et parapublic

DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE soient vraiment les porte-parole au niveau d'une commission parlementaire. Je souhaite encore que cette commission prenne le temps et siège à nouveau avec les coordonnateurs du secteur public et parapublic des trois centrales et aille au fond des choses. Je pense que l'aspect politique a été touché assez bien aujourd'hui, mais qu'on aille plus en profondeur sur l'aspect pratique, les conséquences que cela pourrait avoir au niveau de l'hôpital Charles-Lemoyne par rapport à l'hôpital Sacré-Coeur...

M. Bellemare (Johnson): ... de Joliette actuellement.

M. Laramée: Dans ce coin-là, à l'autre bout.

M. Bellemare (Johnson): II y en a un à Joliette.

M. Laramée: Je souhaite que cette commission se penche sur ce voeu que je formule, parce que c'est peut-être l'organisme, chez nous, qui est dans le concret et dans les vrais problèmes, qui pourrait vous soulever les vraies raisons pratiques au niveau de chaque hôpital ou de chaque maison pour vieillards ou enfants infirmes, qui pourrait vous amener le plus d'arguments pour vous permettre de changer des choses dans votre projet de loi.

Il y a un point, dans votre projet de loi, une stratégie peut-être très habile du gouvernement. Je me réfère à l'article 22, deuxième paragraphe, où on mentionne: "L'avis est alors considéré, aux fins de l'article 10 de la présente loi, comme ayant été expédié le jour de cette entrée en vigueur de ladite loi." Cela veut dire que, si la loi est acceptée, je ne sais pas, dans quinze jours ou le 18 ou le 20 décembre, les avis de conciliation qui vous ont été expédiés, pour un commissaire éventuel, cette expédition aurait été la journée où la loi aurait été sanctionnée si jamais elle est sanctionnée.

Pour moi, je vois une lacune épouvantable juste là. C'est pourquoi je voudrais que les trois coordonnateurs des secteurs public et parapublic puissent discuter avec vous. Ils pourraient vous présenter un mémoire et pourraient aller beaucoup plus en profondeur sur les choses graves que pourrait comporter une telle loi.

J'avais dit que je ne voulais pas être long, je vais cesser immédiatement. S'il y a des questions qui s'adressent directement à nous, nous tenterons d'y répondre. Nous terminons en disant qu'il faut absolument que cette commission retire le projet de loi et, en collaboration avec le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et, par le fait même, en collaboration avec les centrales et les trois coordonnateurs des secteurs public et parapublic on fasse une nouvelle étude et présente un nouveau projet de loi quant à moi.

Le Président (M. Séguin): Merci, M. Laramée. M. le ministre, avez-vous des commentaires?

M. Forget: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Le ministre des Affaires sociales.

M. Forget: En somme, M. Laramée, vous avez indiqué que le mémoire de M. Pepin représentait substantiellement le point de vue de votre centrale également. Je me permettrais de vous demander un commentaire sur la situation dans laquelle les travailleurs que vous représentez se trouveraient si, à la suite d'une entente sur les services essentiels dans un établissement particulier, ces services essentiels n'étaient pas fournis effectivement, ces services n'étaient pas maintenus.

Vous suggérez, en effet, que ia loi 253 impose des pénalités qui frappent les travailleurs de façon injuste et abusive. Mais si l'on ne change rien à la situation, est-ce que l'on ne se trouve pas devant le problème de services essentiels qui, n'ayant pas été maintenus... Et même en adoptant la suggestion que l'avis du conciliateur est rendu public, vous semblez suggérer que l'étape suivante, qui est de celles que nos lois prévoient, c'est la demande d'une injonction. J'ai posé la question: Comment la pression du public s'exerce-t-elle? Elle s'exerce par les moyens déjà connus, par des injonctions ou par l'intervention législative.

Alors, à supposer qu'on ait recours à l'injonction, est-ce qu'il ne vous semble pas que c'est un remède — je ne sais pas si on peut appeler cela un remède— une sanction qui peut être beaucoup plus lourde? D'ailleurs, l'expérience du passé nous montre que ce n'est pas seulement des amendes qui sont imposées. Ce à quoi se limitent les sanctions, dans ce projet de loi, cela peut être, en cas de non-respect de l'injonction, même des peines d'emprisonnement. Est-ce que cela ne vous semble pas aller beaucoup plus loin que ce que nous proposons? A défaut d'adopter ce projet de loi, supposons qu'on l'élimine complètement, on se retrouve dans la situation où, effectivement, en cas de non-respect des services essentiels, la sanction, la pénalité va jusqu'à l'emprisonnement, alors que cette voie est exclue par le projet de loi que nous avons devant nous.

M. Laramée: Premièrement, je me suis mal exprimé ou j'ai été mal compris. Je ne demande pas au gouvernement de se servir d'injonctions pour régler le problème. Je voudrais cependant que le gouvernement soit aussi sévère avec les employeurs qui refusent de négocier des services essentiels qu'avec certains syndicats qui pourraient le faire.

Je ne connais pas d'exemple de syndicats, en 1971/72, depuis les douze ou treize années que je milite dans le mouvement syndical, où on a vraiment refusé systématiquement de négocier des services essentiels. On a refusé à l'employeur d'avoir des services essentiels qui étaient à peu près 50% du personnel. On a refusé des services essentiels chez certains employeurs où on demandait plus d'employés que pour les travaux de fin de semaine dans les hôpitaux. Mais je connais des employeurs qui ont refusé de négocier des services essentiels au moment où le syndicat of-

VENDREDI 12 DÉCEMBRE 1975

frait à peu près ce qui existait comme personnel durant les fins de semaine. Pour moi, c'est important. Je ne pense pas que ce soit l'injonction qui règle le problème.

Quand je fais une référence à la position de la FTQ, c'est un amendement à l'article 99 qui, à toutes fins pratiques, à mon sens, devrait éliminer cette possibilité d'injonction à chaque fois qu'un employeur, durant la nuit, à 4 heures ou 5 heures du matin, fait une demande. Il y a un juge qui permet une injonction dans l'espace de quelques heures. Cela nous est signifié et cela nous tombe sur la tête continuellement. Mais, au niveau des services essentiels, je ne sais pas combien de maisons vous avez dans toute la province. Ce sont des centaines de maisons, quand je pense à l'ensemble du secteur que vous représentez, des centaines, au-delà de 1,000 maisons probablement avec les hôpitaux privés et publics.

On a eu quelques problèmes. Pour faire un peu comme le président de la CSN, ce matin, je vais vous citer un exemple de la CSN: Charles-Lemoyne. On sait fort bien que l'un de nous a déclaré, à Charles-Lemoyne, carrément, qu'il ne voulait pas négocier les services essentiels. Ce n'est pas le syndicat qui était poigné là-dedans. Par contre, c'est le syndicat qui a subi des amendes et de l'emprisonnement dans certains cas.

Ce n'est pas par la force que vous allez réussir. On en sait quelque chose; on vit avec notre monde, on est très près d'eux, même s'il y a des gens qui pensent qu'on ne l'est pas; on vit avec eux continuellement. A la FTQ, comme à la CSN, il y a une logique qui se dégage au niveau des services essentiels. On est d'accord qu'il y ait des services essentiels fournis dans les hôpitaux, parce qu'il y aurait conflit.

Vous avez dit, ce matin, qu'on est toujours très mal placé quand on est en période de conflit. Lorsqu'on est de bonne foi, on peut quand même être en période de conflit et être très bien placé. Une bonne bataille rangée entre un employeur et un syndicat, c'est logique dans les relations de travail que l'on vit au Québec. Lorsqu'on est de bonne foi, on peut même être en très bonne position de part et d'autre, être honnêtes avec nous-mêmes. Il peut y avoir un employeur ou un syndicat qui n'est pas de bonne foi. Des syndicats, je n'en connais pas des employeurs, j'en connais. Vous êtes peut-être la personne la plus visée, M. le ministre, parce que les employeurs, les responsables des hôpitaux se tournent continuellement vers le gouvernement, tant au niveau du budget qu'au niveau des services essentiels. En 1971-72, on disait même qu'il y avait des ordres de ne pas négocier des services essentiels.

Alors, ce n'est pas bon d'avoir une loi qui va vraiment forcer des gens à retourner au travail. Je vois la petite infirmière; je vous dis qu'elle va vous en donner une piqûre! Je vous souhaite de ne pas aller à l'hôpital à ce moment. Tandis que, si vous nous permettez, par une position qui est moins rigide, mais qui est plus logique quant à nous, de faire le travail que les centrales syndicales se sont engagées à faire en proposant un texte comme ce- lui qui a été discuté au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, vous aurez peut-être obtenu gain de cause dans les services essentiels et vous aurez probablement de vrais services essentiels. C'est ce qu'on prône actuellement.

M. Forget: M. Laramée, je ne veux pas faire un sarcasme en disant que votre réponse est peut-être trop longue pour prétendre être une réponse à la question que je vous posais. Vous abordez un très grand nombre de sujets. Je ne veux pas prendre spécifiquement toutes les affirmations que vous faites pour en faire d'autres questions. Encore une fois, d'après la logique de la position des syndicats au conseil consultatif de la main-d'oeuvre lorsqu'ils ont parlé de services essentiels, je pense que ce serait leur faire injure de penser qu'ils ont supposé que tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il ne serait pas réaliste, je pense, pour qui que ce soit de prétendre que, pourvu qu'on mette en place la bonne procédure, tout va être réglé. On a trop d'expérience dans n'importe quel domaine pour savoir que ce ne sont pas les structures qui règlent tout d'avance dans tous les cas. D'ailleurs, la position que les syndicats ont exprimée dans le rapport du conseil consultatif fait allusion à la pression du public. On dit: II va y avoir la pression de l'opinion publique. Alors, comment croyez-vous que cette pression va se manifester quand un hôpital est fermé? Supposons que les services d'urgence ne sont pas fournis dans un hôpital; cela peut se passer, cela s'est passé. Vous me direz: C'était la faute de l'employeur. Peu importe, à un moment donné, il y a des services essentiels qui ne sont pas fournis. Je pense que ce ne sont pas simplement des hypothèses; c'est la leçon de l'expérience. Vous me dites: II va y avoir une pression de l'opinion publique. S'il y a des victimes, les gens vont être en colère, ils vont faire pression. Même s'il n'y a pas de victime, s'il y a, malgré tout, un sentiment de privation d'un service qui est jugé essentiel par la population, à tort ou à raison, comment cette pression, comment cette conscience qu'a la population que quelque chose ne va pas va-t-elle se manifester concrètement? Est-ce que cela va se manifester par l'intervention d'un commissaire qui applique des sanctions, malgré tout, limitées à des amendes, des sanctions économiques? Vous me dites: Dans le cas des lois actuelles, il y a les injonctions, il y a la possibilité pour le législateur d'intervenir.

Moi, je vous dis: Si c'est la première possibilité qu'on envisage, on envisage des injonctions, donc on envisage des pénalités qui vont jusqu'à l'emprisonnement, ce que nous ne considérons pas dans la loi 253. Est-ce que ce n'est pas là une sanction plus grave, à laquelle nous disons: Nous ne sommes pas d'accord pour aller aussi loin que cela? Des sanctions économiques, c'est suffisant. Il me semble que ce n'est pas une position extrême que nous prenons dans cette loi. Au contrairel Nous allons moins loin que le passé nous a montré pouvoir aller, en vertu des lois existantes. Est-ce que ce n'est pas préférable à la si-

tuation actuelle où, par une injonction, on peut faire entrer en jeu tout le mécanisme de l'outrage au tribunal, etc.? Bien sûr, sur un plan formel, l'article 99 n'est pas aboli. Mais il faut voir que cette loi ne remplace pas le Code du travail dans sa totalité. Elle ne vise qu'un secteur déterminé. Il est néanmoins logique de penser, et certainement cohérent avec le fait que ce projet de loi est présenté, que c'est cet instrument-ci qui serait utilisé dans le secteur des affaires sociales, plutôt que l'article 99.

Donc, ce sont des sanctions qui vont moins loin...

M. Pepin: ... la première partie, M. le ministre.

M. Forget: La première partie...

M.Pepin: La dernière partie, excusez-moi!

M. Forget: Oui. La dernière partie, c'est essentiellement de dire que ceci ne remplace pas le Code du travail vis-à-vis de toutes les relations du travail dans l'ensemble de l'économie. Cela ne vise que le secteur des affaires sociales. D'ailleurs, le titre de la loi l'indique très bien.

M. Burns: Est-ce que cela veut dire que l'article 99, par exemple, ne sera pas appliqué à la suite de l'adoption du projet de loi?

M. Forget: Cela veut dire que cela est la solution favorisée par le gouvernement pour chercher à régler les problèmes de services essentiels dans le secteur des affaires sociales, plutôt que l'article 99.

M. Bellemare (Johnson): Votre projet de loi no 253 — c'est la même question que l'honorable député de Maisonneuve — s'il n'y a pas de règlement, allez-vous être obligé de revenir à l'article 99?

M. Forget: Je dis: Pourquoi il n'y aurait pas de règlement...

M. Bellemare (Johnson): Ah! C'est hypothétique, ma question, c'est sûr, mais...

M. Forget:... dans ce règlement.

M. Bellemare (Johnson): ... elle peut être réelle demain. Le législateur doit être capable de prévoir cela. Continuez! Excusez-moi! Je vais revenir à cela.

M. Forget: Je vais poser ma question à M. La-ramée, puisqu'il me semble que cette pression de l'opinion publique, qui est l'argument ultime dans la thèse que vous défendez — je pense que c'est bien la thèse que vous défendez — va s'exercer, cette pression, si on ne fait rien par les mécanismes déjà connus, qui sont susceptibles d'entraîner des pénalités encore plus fortes que ce que cette loi-ci prévoit.

M. Laramée: De toute façon, vous avez répondu, en partie, à votre propre question, quand vous dites, d'abord, que vous n'amendez pas le Code du travail. L'article 99 est encore là. Les injonctions sont encore possibles, et vous pouvez vous en servir quand bon vous semble. Vous en avez, des injonctions, assez facilement, merci!

La façon dont les centrales ont pensé pouvoir trouver une solution valable, c'est d'amener une tierce personne dans le conflit, rendre publique sa recommandation, et, à ce moment, vous obligez les parties à négocier vraiment les services essentiels. C'est une façon d'obliger, sans quoi l'odieux retombe sur le syndicat ou il va retomber sur l'employeur. S'il retombe sur le syndicat, les centrales syndicales auront un rôle à jouer. Si c'est l'employeur qui ne veut pas négocier les services essentiels, vous, en tant que ministre, aurez un rôle à jouer. A ce moment, vous allez régler, probablement, l'ensemble des problèmes, plutôt que d'avoir une loi qui impose et qui n'amende en rien l'article 99 du Code du travail.

D'ailleurs, tous nos travaux qui ont été faits au niveau du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre étaient en fonction de l'amendement de l'article 99. Là, vous n'y touchez pas.

M. Burns: C'est vrai.

M. Forget: Mais il demeure que l'article 99 ne serait invoqué que dans la mesure où ces mesures ne seraient pas suffisantes pour assurer les services essentiels. Si elles ne sont...

M. Burns: M. le ministre, si j'ai bien compris...

M. Forget: ... pas suffisantes... Vous voulez d'abord baser l'argumentation sur une démonstration de leur inefficacité. Ce n'est pas la démonstration qui a été faite jusqu'à maintenant.

M. Burns: Si je peux appuyer les dires de M. Laramée relativement à la disparition éventuelle de l'article 99, qui était projetée l'année dernière, je ne me souviens qu'à l'étude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, le ministre, qui était à l'époque M. Jean Cournoyer, nous ait dit qu'entre autres, il envisageait la disparition totale de l'article 99 et le remplacement de ces dispositions par des mesures exactement comme celles qui ont été décrites, ce matin, par M. Pepin et corroborées par M. Laramée cet après-midi, chose qui a été discutée au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

C'est pour cela que je comprends très bien l'étonnement des centrales syndicales de voir un projet partiel nous arriver actuellement, et un projet partiel qui n'a pas été envisagé comme tel par le gouvernement parce que, évidemment, c'était un remplacement des dispositions de l'article 99.

Je me rappelle très bien vous avoir dit, M. le ministre, en deuxième lecture, qu'il fallait savoir que si vous faisiez un projet comme celui-ci, il fallait aussi accepter le fait que les dispositions de l'article 99 n'avaient plus aucun sens, si véritablement les services essentiels sont assurés.

Là-dessus, je partage entièrement l'inquiétude des deux centrales.

Le Président (M. Séguin): M. Pepin.

M. Laramée: Si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Très bien.

M. Laramée: ... j'aimerais citer M. Cournoyer lui-même, dans une conversation téléphonique du 16 avril et un document du 18 avril 1974 où M. Cournoyer déclare qu'il entend présenter à l'Assemblée nationale un seul projet de loi comprenant l'ensemble des modifications à être apportées au Code du travail, y compris celles touchant l'article 99.

Au troisième paragraphe on dit: "Le nouvel article 99 devrait arrêter l'obligation du maintien des services essentiels. L'intervention d'un tiers doit être prévue. Ce tiers peut être autre que celui agissant dans le processus de la négociation et, à défaut d'être nommé par les parties, il serait nommé d'autorité à l'aide d'une liste préétablie." C'est M. Cournoyer qui parle à ce moment-là, dans une conversation téléphonique et cela a été réitéré dans un document.

Le Président (M. Séguin): M. Pepin, vous aviez demandé la parole pendant une réponse de M. Laramée, tout à l'heure.

M. Pepin (Marcel): Oui. Sur un sujet analogue à celui qu'a soulevé le ministre. Vous nous avez dit que votre loi ne prévoit pas d'emprisonnement. En êtes-vous bien sûr? Quand vous écrivez "... sur poursuite sommaire..." Je ne suis pas avocat. Je suis condamné à $200 par jour...

M. Burns: "... à défaut..."

M. Pepin (Marcel): ... pendant 500 jours ou 50 jours ou 10 jours, peu importe. Si je n'ai pas le moyen de payer, le juge peut m'emprisonner.

M. Forget: Mais vous reconnaîtrez que ce n'est pas la même...

M. Burns: C'est le fameux "... à défaut de paiement..."

M. Pepin (Marcel): Quand vous me dites qu'on ne prévoit pas l'emprisonnement, vous me dites des choses de façade. Dans le fond, cela prévoit l'emprisonnement. De toute façon, j'aime mieux aller en prison que de payer l'amende.

M. Forget: M. le Président, je pense que tout le monde fait la distinction, cependant, entre le caractère beaucoup plus automatique de l'autre type de pénalité quand on invoque l'article 99. Je ne contesterai pas M. Laberge, il a évidemment raison dans tous les cas...

M. Pepin (Marcel): M. Laberge?

M. Forget: M. Pepin, excusez-moi, je confonds. Mais il est évident que cela n'a pas le même caractère automatique.

M. Burns: Et vous M. Charron, vous avez...

M. Forget: C'est contagieux, M. le Président. Je pense, M. le Président, que je vais céder mon droit de parole à un des membres de l'Opposition, quitte à revenir un peu plus tard, étant donné que M. Pepin a aimablement cédé sa place, pour peut-être recommencer dans un ordre plus normal, quitte à revenir un peu plus tard.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: M. le Président, j'ai, au départ, avant de m'adresser aux deux centrales, une question à poser au ministre qui, évidemment, nous provient des remarques de M. Pepin, ce matin. Est-ce que vous êtes d'accord pour remettre aux membres de la commission, avant la semaine prochaine, le dossier du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre relativement à ce problème, ce que vous appeliez ce matin le rapport Morin. Mais à bon droit, je pense que M. Pepin rappelait qu'il ne s'agissait pas d'un rapport de M. Morin. Est-ce que vous êtes d'accord pour soumettre aux membres de la commission le fameux dossier du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, le CCTM.

M. Forget: II ne m'appartient pas de le faire, M. le Président. Comme ce rapport ne m'a pas été remis comme tel, je vais consulter mon collègue du Travail et je pourrai vous donner une indication avant la fin de l'après-midi sur ce sujet.

M. Burns: Vous voyez que M. Pepin avait bien raison de s'inquiéter du fait que le projet de loi était présenté par vous et non pas par le ministre du Travail.

M. Forget: Non, je ne crois pas qu'il ait raison de s'inquiéter. M. Harvey peut être avec nous à quelques minutes d'avis, si sa présence est indispensable.

M. Burns: Sauf que je n'ai pas ma réponse.

M. Forget: Vous pourrez l'avoir dans un délai très court.

M. Burns: Je pense que la suggestion de M. Pepin est parfaitement valable. Je ne suis pas membre du CCTM et je ne reçois pas de document privilégié du CCTM mais il me semble que ce serait normal que tous les membres de la commission aient ce document avant d'avoir à étudier le projet de loi article par article, comme on le fera probablement la semaine prochaine.

D'autre part, je retiens une suggestion de M. Laramée et je pense que cela relève de vous, M. le ministre, de faire une réunion des coordonnateurs

du front commun. Je présume qu'il s'agit en l'occurrence de M. Michel Grant, de M. Jacques Desmarais et peut-être de M. Gaulin.

M. Pepin (Marcel): M. Gaulin.

M. Burns: Je présume que c'est à ces personnes que vous vous référiez. Est-ce que le ministre ne croit pas utile, avant l'adoption du projet de loi article par article, de rencontrer ces personnes qui sont intimement liées au dossier? Je dis tout de suite au ministre qu'en ce qui me concerne, je serai disponible, à quelque date qu'il pourrait me fixer, pour participer à une telle rencontre.

Il me semble que ça pourrait se faire avec le ministre, avec des membres de la commission du côté ministériel, peut-être même, surtout, avec des membres de l'Opposition.

M. Forget: J'aimerais qu'on éclaire le jugement des membres de la commission sur les informations supplémentaires qu'on est susceptible d'obtenir de ces coordonnateurs, puisqu'ils sont les porte-parole des organismes qui sont devant nous ce matin et cet après-midi. Est-ce que ces organismes ne sont pas en mesure de tirer leurs propres leçons de cette expérience qu'ils vivent en commun? Est-ce que les coordonnateurs ont un point de vue qui leur soit propre, qui ne soit pas celui de leur centrale là-dessus? Cela m'étonnerait.

M. Burns: Ce n'est pas ce que j'ai compris de la suggestion de M. Laramée. Peut-être qu'il veut compléter sa suggestion.

M. Laramée: Si on donnait la possibilité à ces trois personnes de rencontrer cette commission ou je ne sais pas — je ne m'y connais pas tellement en procédure parlementaire — un sous-comité de cette commission pour aller plus en profondeur sur l'implication de ce projet de loi de façon concrète sur l'aspect local, pour essayer même, dans le cadre de la discussion au CCTM, de faire un parallèle avec ce qui s'est passé là-bas et de préciser ce que pourrait être un service essentiel normal dans certains hôpitaux, vous auriez des "guide-lines" que vous pourriez inclure dans la loi. Cela pourrait vous éclairer, à mon sens, à un tel point que vous seriez le premier convaincu de retirer ce projet de loi.

M. Pepin : De plus, je voudrais ajouter, M. le ministre, que vous n'avez pas invité la CEQ, d'après ce que j'ai compris de la liste, ce matin. On me dit que la CEQ a des membres couverts par le projet de loi dans les centres d'accueil; ce sont des éducateurs.

M. Forget: Oui, elle en a un nombre infime.

M. Pepin : Je ne vous ai pas dit le nombre, moi.

M. Laramée: Si vous me le permettez, M. le Président, elle a autant de membres que la CSD, sûrement, dans le même secteur.

M. Forget: Je me permets d'en douter. M. Burns: Pourtant, la CSD est invitée.

M. Forget: Oui, mais elle a décliné l'invitation. Je me permets de douter de cette affirmation, puisqu'il y a beaucoup plus de membres de la CSD que d'éducateurs, membres de la CEQ.

M. Burns: De toute façon, M. le ministre, la question...

M. Forget: Ma question est toujours sans réponse aussi, parce qu'il me semble qu'on a ici trois personnes ou deux personnes qui sont parmi ces coordonnateurs et qui ont tout le loisir de nous faire part de leur point de vue, puisqu'elles sont ici. N'est-il pas plus simple de les entendre en même temps que les groupes qu'elles représentent?

M. Burns: J'ose penser tout haut en disant: Est-ce qu'il n'est pas plus simple, en dehors d'un cadre de commission parlementaire formel, de rencontrer ces personnes et d'écouter ce qu'elles ont à nous dire, pour les membres de la commission qui seraient intéressés à ça? En ce qui me concerne, je vous dis tout de suite que je me ferai un plaisir d'être présent à une telle rencontre, si le ministre est d'accord pour acccepter une telle rencontre.

M. Forget: Je pense que, si on doit aller dans les détails d'application de la notion de services essentiels dans des cas particuliers, on va déboucher très vite sur des considérations qui ont probablement été apportées, dans le cadre de la sous-table, dans un cas particulier, relativement aux services essentiels et je pense que cette commission risque de devenir pratiquement un forum de négociations.

M. Burns: Vous allez admettre une chose, c'est qu'actuellement le projet de loi no 253 qui nous est soumis est un projet de loi qui intervient en plein cours de négociations. Je sais que des avis de demandes de conciliation sont déjà émis. Donc le processus qui nous amène vers la grève est déjà enclenché. Là, on arrive avec ce projet de loi et il me semble que les personnes les plus immédiatement concernées, en tout cas, celles qui ont l'autorité — je pense à M. Grant, M. Desmarais et M. Gaulin — sont dans le problème. Je ne sais pas jusqu'à quel point on fait un grand geste en leur disant: Si vous voulez vous faire entendre, on vous écoute tout de suite. Il me semble que ces gens ont peut-être des choses à nous dire sur le plan de la simple progression du dossier actuellement.

Il me semble qu'à partir du moment où on intervient, au moment où le processus est déjà en

marche on devrait être en mesure de suivre la suggestion de M. Laramée là-dessus.

Le Président (M. Séguin): Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, le ministre disait tout à l'heure qu'il y a peut-être une urgence à faire adopter ce projet de loi, en disant: Quelles solutions apporterez-vous si cela se produisait?

C'est que le "timing"... Est-ce que "timing", c'est français?

M. Harvey (Charlesbourg): En tout cas, on sait ce que cela veut dire.

M. Bellemare (Johnson): Est-ce que le "timing" est bien choisi, M. le Président, comme disait le député...

Le Président (M. Séguin): J'accepte volontiers cette suggestion.

M. Bellemare (Johnson): C'est que l'objectif qu'on recherche tous, c'est de trouver une méthode pour assurer les services essentiels, pour rendre service à la population et éviter un plus grand tort. D'accord, mais ce n'est pas contre cela qu'on en a.

Ce contre quoi on en a, c'est que le ministre a choisi un temps difficile, un cas particulier, caractéristique pour amener son règlement de services essentiels. Vous savez qu'en novembre 1973 il y avait eu ce fameux bill 89, Loi assurant le bien-être de la population en cas de conflit de travail. Il y avait là tout un mécanisme pour les services essentiels...

M. Burns: II faut dire que c'était encore pire.

M. Bellemare (Johnson): Ecoutez, j'arrive. Laissez-moi faire. En 1974, au mois de septembre, un autre projet et encore des services essentiels, le projet de loi 24. Après cela, tout dernièrement, le projet de loi 31 et, aujourd'hui, le projet de loi 253. Cela fait longtemps que les services essentiels sont sur la sellette et cela aurait dû être fait avant les négociations qui sont en cours. C'est drôle ce que cela sent, cette affaire-là. Je n'ai pourtant pas...

M. Bonnier: J'ai un point de règlement. Je ne voudrais pas être désagréable envers le député de Johnson...

M. Bellemare (Johnson): Je n'ai pas fini. Vous ne m'avez pas demandé la permission de m'interrompre et je ne vous l'ai pas donnée.

M. Bonnier: C'est parce que je voudrais juste continuer la question...

M. Burns: Question de règlement. C'est quoi, votre question de règlement?

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Burns: On va voir si c'en est une. D'accord?

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! Sur un point de règlement.

M. Bonnier: Je voudrais continuer sur la question du député de Maisonneuve et non pas...

M. Burns: Ah! bon. C'est cela. Ce n'est pas une question de règlement.

M. Bonnier: Oui, c'est une question de règlement.

M. Burns: Non. Il faudra revenir après le député de Johnson.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bonnier: Je discute une chose à la fois.

M. Bellemare (Johnson): Je suis bien prêt à écouter.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): J'ai peut-être tort, mais je dis que cela fait longtemps qu'on parle des services essentiels. On aurait peut-être pu y penser avant les négociations qui vont achopper surtout avec un articie 22 comme il y a dans le projet de loi, cela me fait peur. Je me dois d'avoir peur. Je vous garantis que lorsque je lis l'article 22...

M. Burns: Surtout avec les offres qui sont faites; c'est bien évident qu'il n'y aura pas de règlement avec des offres comme cela.

M. Bellemare (Johnson): Je n'ai pas dit cela, les offres, mais c'est probablement ce que j'ai dans l'idée. Quand je vois l'article 22, qui est bien clair, surtout pour quelqu'un qui a fait un peu de relations patronales-ouvrières, surtout dans les 30 jours de négociation, les 8 jours d'avis, les 60 jours de négociation et puis hop! Je vois venir cela également. Dans la loi, il y a 30 jours... Je ne m'adresse pas à vous, je m'adresse au président. Vous avez une réponse...

M. le Président, je pense qu'il y a, dans le projet de loi, beaucoup de témérité et je pense que cela va extrêmement loin.

Le ministre a convoqué des personnes, pour suivre l'argument du député de Maisonneuve, et il dit: Quand on vous aura entendues, on adoptera notre loi. Vous avez la majorité pour le faire. Est-ce que ce sera le véritable moyen de régler le problème? Est-ce que cela va le régler, le résoudre? Un membre du tribunal du travail, pourquoi toucher à cela? Il a présentement une crédibilité, le tribunal du travail, surtout dans l'accréditation,

dans les commissaires-enquêteurs et tout ce mécanisme qu'on a mis en marche et qui produit d'heureux résultats, je trouve. Cela vaut 100 fois et 1,000 fois mieux que la Commission des relations du travail qu'on avait. Il y avait 4,800 dossiers, quand je suis arrivé, qui n'étaient pas réglés. Cela commençait à être du monde. Il n'y avait pas de décision. Le gars demandait une accréditation. Le chantier commençait, le chantier était fini et l'accréditation n'était pas sortie. Cela commençait à être vraiment ridicule.

On s'apprête à adopter le projet de loi 253 et il manque plusieurs choses essentielles. Je ne voudrais pas que le gouvernement intervienne à tous les jours pour régler les conflits ouvriers, surtout dans le secteur public. Il y a un Code du travail. Que le gouvernement respecte son Code du travail, c'est son code.

A la CTCUM, il est arrivé huit jours après la grève et il a dit: Finis, vos droits. Vous les avez exercés dans toute leur force, la plus grande démocratie; vous avez subi tous les délais. Huit jours après, on dit: Intérêt public, mon cher monsieur, et le projet de loi est adopté. Le gouvernement n'a pas affaire à faire cela. C'est de la législation à coups de bâton. Ce n'est pas bon. Vous nous présentez une loi et vous nous dites...

M. Burns: II y en a pourtant eu, en 1967.

M. Bellemare (Johnson): Pas beaucoup.

M. Burns: En 1967?

M. Bellemare (Johnson): Non, pas beaucoup.

M. Burns: II y en a eu deux en 1967.

M. Bonnier: M. le Président, est-ce qu'on pourrait revenir à la question...

M. Bellemare (Johnson): Non, ce n'étaient pas les mêmes circonstances. Ecoutez un peu.

M. Burns: II y avait les enseignants et il y avait justement les gens de la CSN.

M. Bellemare (Johnson): La loi 25...

M. Bonnier: M. le Président, point de règlement. Je voudrais savoir...

M. Bellemare (Johnson): Je l'ai vérifiée la loi 25 et on n'avait pas péché par excès.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre!

M. Bonnier: Je voudrais savoir si on discute toujours...

M. Burns: II y en a eu une pareille. M. Bellemare (Johnson): Oui.

M. Burns: Disons les choses comme elles sont.

M. Bellemare (Johnson): Voyons donc. Vous imaginez-vous que, si jamais vous venez au pouvoir, vous ne vous autoriserez pas à adopter des lois?

M. Burns: Cela me tenterait de vous dire que jamais je ne parainerai des projets de loi comme ceux-là.

Le Président (M. Séguin): Messieurs les députés...

M. Bonnier: ... vont venir nous rencontrer ou non. C'est cela la question.

Le Président (M. Séguin): Messieurs les membres, s'il vous plaît, on va...

M. Bonnier: C'est cela la question que vous avez posée, le député de Maisonneuve?

M. Burns: C'est cela.

M. Bonnier: J'aimerais bien que ce soit là-dessus qu'on discute.

M. Burns: C'était la question, en fait, que... M. Bellemare (Johnson): ... me donner. M. Bonnier: Oui, vous avez droit... Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre!

M. Burns: C'était la question, vous avez raison le député de Taschereau, à laquelle je n'ai pas eu de réponse jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!

M. Bellemare (Johnson): Vous n'en aurez pas non plus.

M. Burns: Dans le fond, ce n'est pas vous et ce n'est pas moi, vous le savez, qui allons décider cela. C'est probablement le ministre...

M. Bonnier: Je voudrais qu'on...

M. Burns:... qui va décider si la suggestion de M. Laramée va être suivie ou pas. Je pense qu'elle devrait être suivie. Mais, j'aimerais bien entendre le ministre nous donner une réponse là-dessus.

Le Président (M. Séguin): Est-ce que le député de Taschereau avait quelque chose à ajouter sur les commentaires du député de Maisonneuve ou du député de Johnson?

M. Bonnier: Sur les commentaires, pour qu'on vide cette question, M. le Président...

M. Burns: Non, je commençais à peine.

M. Bellemare (Johnson): Vous recommencerez tout cela tout à l'heure.

M. Bonnier: Je m'excuse, c'est pour cela que je vous ai interrompu, le député de Johnson; c'est parce que je pensais que vous preniez votre droit de parole alors que c'était la question du député de Maisonneuve qu'il faudrait d'abord régler, je pense.

M. Burns: J'ai compris que le député de Johnson voulait...

M. Bonnier: Répondre.

M. Burns: Non, poser une question additionnelle à la mienne.

M. Bonnier: Ah bon! on se comprend.

M. Burns: Dans ce sens, je ne me suis pas opposé à cela.

M. Bellemare (Johnson): Justement, j'étais rendu à ce paragraphe. Vous m'avez interrompu en me rappelant de mauvais souvenirs. On a été battus pour cela, nous autres.

M. Burns: Ce n'est pas pour ça que vous avez été battus.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Burns: C'est pour la loi 63 que vous avez été battus.

M. Bellemare (Johnson): Non. Non.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!

M. Bonnier: Si vous me permettez de faire une suggestion relativement à la question soulevée par le député de Maisonneuve, je me demande si on ne pourrait pas reprendre cette question une fois qu'on aura fini d'interroger les personnes qui sont ici. On verrait ce qui nous manque comme information précise.

M. Burns: Je n'y ai pas d'objection.

M. Bonnier: Parce que je pense que c'est ce que M. Laramée a dit. Si vous voulez vraiment comprendre l'arrière-plan, ce serait peut-être utile. Je suggère qu'on continue.

Le Président (M. Séguin): Oui.

M. Bonnier: Après cela, on pourrait voir s'il n'y a pas un arrière-plan qui nous manque et, à ce moment, voir les coordonnateurs.

Le Président (M. Séguin): Non seulement, c'est une suggestion, mais c'est la procédure que nous devrons suivre. Il s'agit du projet de loi no 253. J'ai laissé continuer un peu M. le député, pour la simple raison que, je pense, au début de ses remarques, le député de Maisonneuve a dit: Je pense tout haut. Il a continué par la suite. Le député de Johnson est revenu en arrière en disant: Je pense comme le député de Maisonneuve. J'ai considéré que c'était des gens qui pensaient tout haut et qu'il n'y avait pas de questions qui se rattachaient directement...

S'il y a des questions, qu'on les pose, par l'entremise du président, au ministre ou aux personnes en face de nous. Le député de Maisonneuve.

M. Burns: Simplement sur la première question que j'ai posée, est-ce que le ministre peut me dire si on aura une réponse dans un sens ou dans l'autre d'ici la fin de la séance quant au dépôt du rapport du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre? Est-ce que c'est possible d'avoir une réponse avant la fin de la séance? J'aimerais bien, en ce qui me concerne, partir en fin de semaine avec ce document et pouvoir l'examiner avant qu'on se rencontre une prochaine fois.

Le Président (M. Séguin): Je pense que c'était encore mieux quand vous pensiez tout haut. On n'était pas obligé d'arrêter, cela continuait.

M. Burns: Est-ce qu'on peut avoir une réponse avant la fin de la séance?

M. Forget: Vous allez avoir une réponse.

M. Burns: D'accord. M. Pepin, c'est à la suite de votre suggestion de ce matin, que j'ai parlé du rapport du CCTM. Est-ce que je vous ai bien compris, qu'effectivement il s'agit d'un rapport qui n'est pas unique du côté patronal et du côté syndical, c'est-à-dire qu'il y a peut-être une recommandation patronale et une recommandation syndicale qui sont différentes?

M. Pepin (Marcel): C'est exact, sur la conclusion. Au conseil consultatif, les employeurs appelaient cela la "limit switch". Ils voulaient une "limit switch". Le ministre, d'ailleurs, s'est rallié aux employeurs. La "limit switch", c'est le tiers qui impose. Nous soutenons la thèse qu'il n'y a pas de tiers...

M. Burns: Le tiers intellectuel?

M. Pepin (Marcel): Non, il n'y en avait pas de cela.

M. Burns: Ah non?

M. Pepin (Marcel): Ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a des rapports séparés. Quand vous demandez au ministre le rapport du CCTM, ce que je veux vous suggérer, c'est tout le dossier.

M. Bellemare (Johnson): Oui, c'est cela.

M. Pepin (Marcel): J'espère que...

M. Burns: Je n'ai peut-être pas été précis, mais ce que je voulais savoir, c'est ce que le CCTM a fait et mis sur papier relativement à ce problème.

M. Pepin (Marcel): C'est cela. Tout le dossier, je pense que vous devriez l'avoir, mais je pense aussi que, comme cela va aller en Chambre, cela devrait aller à tous les députés, parce que ce ne sont pas uniquement les membres de la commission qui vont voter en Chambre, ce sont tous les députés. Ils le liront ou ils ne le liront pas. Je pense bien que...

M. Burns: Ce qu'il va arriver dans les faits, M. Pepin, c'est que les membres de cette commission vont, dans le cours de la semaine prochaine, se retrouver à discuter article par article le projet de loi. Remarquez que si tous les membres de la Chambre en ont une copie, tant mieux, je n'ai pas d'objection, mais...

M. Pepin (Marcel): Mon point est le suivant, M. Burns...

M. Burns: ... il y a ceux qui sont à cette commission qui, d'abord et avant tout, vont sûrement faire tous les efforts pour prendre connaissance du dossier.

M. Pepin (Marcel): Oui, je suis bien d'accord pour que les membres de la commission l'aient. Si je le veux pour la totalité, je le veux aussi pour la partie. Ce qui m'intéresse, c'est que tous les députés qui sont appelés à voter aient au moins le résultat...

M. Burns: Vous vous faites des illusions sur la façon dont les députés votent.

M. Pepin (Marcel): Je pense qu'ils votent, ou ils s'abstiennent peut-être.

M. Burns: Vous pensez? Oui, ce matin, par exemple, on en a vu plusieurs qui se sont abstenus.

Le Président (M. Séguin): Projet de loi 253.

M. Burns: Vous pensez vraiment, M. Pepin, que tous les députés prennent connaissance de tous les projets de loi avant de voter?

M. Pepin (Marcel): Je pense que oui, mais je suis très naïf.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! 253. M. Burns: Vous êtes gentil pour les députés.

M. Pepin (Marcel): De toute façon, je réponds à votre question précise. Nous n'étions pas d'accord, employeurs et représentants syndicaux, sur la finale. Les employeurs veulent avoir le projet de

M. Forget. Du côté syndical, j'ai expliqué, j'espère avec assez de détails ce matin, notre position. Permettez-moi de vous rappeler maintenant, un point que j'ai soulevé ce matin. Le ministre des Affaires sociales, qui intervient dans les affaires du travail comme il le fait, à mon avis, avec ce projet de loi, avec toute la bonne foi qu'on peut lui prêter, qu'on peut prêter au ministère — il n'y a aucun problème là-dessus — n'est pas au courant de tout, parce que ce n'est pas son domaine. Il peut donc arriver des situations aussi drolatiques que ce que vous avez fait lorsque vous avez adopté la loi 36 le 19 juin 1975.

M. Burns: C'est une loi cela, M. Pepin?

M. Pepin (Marcel): La loi portait le nom Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

M. Burns: Ah oui!

M. Pepin (Marcel): M. le Président, ce que je veux soulever, je sais que ce n'est pas la loi 253, mais je le fais uniquement par analogie pour faire saisir mon point.

Le ministre, je suppose que c'est lui qui était signataire de ce projet — maintenant, on ne le voit plus sur la loi — a fait adopter, et vous l'avez adopté, je ne sais pas si c'était à l'unanimité ou sur division, je n'en sais rien, l'article 54d): "Lorsqu'une personne, devenant membre du conseil d'administration d'un établissement, perd, de ce fait, dans l'établissement, le caractère de salarié au sens du Code du travail, ses conditions de travail continuent d'être régies par la convention collective alors en vigueur pour les salariés dans l'établissement ou toute autre convention subséquente pendant le temps où cette personne est membre du conseil d'administration".

Vous comprendrez que nous, au conseil consultatif — les députés, vous avez déjà le projet de loi no 24 devant vous — nous disons des choses absolument opposées à cela. Le salarié qui devient membre du conseil d'administration, présumant que c'est un président de syndicat, d'après la loi que le Parlement a adoptée, ce gars n'est plus un salarié. Il ne peut plus être président de son syndicat. Il est soumis aux conditions de travail. Je pense que c'était l'intention qui était là, et l'intention, on en a discuté avec vous, M. le ministre. C'est correct. Mais au lieu de changer de Code du travail, vous changez autre chose, et le gars perd son statut de salarié. Je pense que c'est absolument malsain.

Je soulève cela tout simplement pour dire que si le ministre des Affaires sociales s'introduit dans le Travail, on va arriver à des affaires de même. De même que si M. Harvey s'introduisait dans le département de M. Forget, ce serait au moins aussi pire. En tout cas, je le soulève uniquement pour bien signaler les incohérences où cela peut nous conduire.

M. Burns: M. Pepin, je veux tout simplement

vous dire que l'exemple que vous nous citez, on a dit exactement la même chose en commission parlementaire, et on a passé le problème à l'effet que, par la simple mise en application de la loi en question, la loi 36...

M. Pepin (Marcel): Celle-ci.

M. Burns: C'est ça! La simple mise en application de cette loi, équivalait à nier la raison d'être d'un certain personnage au conseil d'administration, c'est-à-dire que devenu membre du conseil d'administration, il n'était plus un salarié, donc on ne voyait pas comment il représentait les salariés. On nous a dit, à l'époque, et vous vous référerez au journal des Débats, que ce n'était pas important, qu'on verrait à cela, à plus ou moins court terme. En tout cas, le projet de loi a été adopté tout de même, mais je peux vous dire que l'Opposition a soulevé exactement la même remarque que vous venez de soulever.

Quoi qu'il en soit, M. le Président...

M. Forget: Est-ce que le député de Maisonneuve me permet d'intervenir sur ce point, comme je soupçonne qu'il va le laisser pour revenir à son sujet principal?

On tire une analogie, M. le Président, de cette législation, et dans le contexte, toujours, de cette analogie, il demeure qu'une certaine mise au point est nécessaire à ce moment-ci.

Le projet de loi no 36, évidemment, ne modifiait pas le Code du travail. Il aurait été possible d'adopter une autre attitude, au printemps dernier, et de dire: Ce problème sera réglé par un amendement à venir, éventuel, au Code du travail. C'eût été, évidemment, une réponse qui n'aurait rien réglé dans l'immédiat. Certains problèmes particuliers se posaient où l'on contestait même, à certains salariés, le bénéfice des conventions collectives et des contrats de travail qui devraient, normalement, les protéger, même dans ces situations.

Le statut de salariés, au sens du Code du travail, ils l'avaient déjà perdu, selon au moins une interprétation des lois alors en vigueur, le Code du travail, et ce n'est pas la loi 36 qui le leur a fait perdre. C'est une interprétation du Code du travail, interprétation qui ne pourra être modifiée qu'en apportant des amendements au Code du travail. On a, malgré tout, par l'amendement dont on vient de parler, permis de préserver la protection du contrat de travail pour des syndiqués qui se trouvaient, par le hasard d'un scrutin, dans une situation comme celle-là.

Il est clair que cela ne règle pas tout le problème, et je l'ai indiqué à l'époque. Mais comme le député de Maisonneuve a fait allusion aux débats de la Chambre sur ce point, je ne veux pas prétendre avoir une meilleure mémoire que lui sur ce sujet. Mais j'aimerais bien, effectivement, que l'on retourne à ces débats, pour être bien sûrs que nous n'avons pas induit qui que ce soit en erreur, à ce moment, et que cet amendement a été vu comme un moindre mal en attendant une révision du Code du travail, révision à laquelle, d'ailleurs, le ministre du Travail actuel s'est engagé et sur laquelle il travaille actuellement.

En attendant, il y a eu une solution qui permet d'éviter le pire, sans tout régler, j'en suis fort conscient.

M. Burns: Ne prétendant pas avoir une mémoire à l'épreuve de tout, j'ai effectivement référé les parties au journal des Débats, sans vouloir aller plus loin dans les détails, mais je me souviens que ce problème a été discuté. Je me souviens également qu'il a été soulevé par l'Opposition.

Je reviens au projet de loi no 253.

Le Président (M. Séguin): Un instant. M. Burns: Oui.

Le Président (M. Séguin): Mais je me pose aussi une question. Je voudrais que la commission me renseigne là-dessus ou m'éclaire. Le mandat de la commission était d'entendre les parties, c'est-à-dire des associations ou des groupements qui auraient à se présenter ou qui se sont présentés sur l'invitation du ministre. Il me semble que la commission devrait, à ce moment-ci, s'en tenir à des échanges, à des commentaires ou à des questions sur ce que soit M. Laramée et M. Pepin ont dit en matinée ou cet après-midi. Comme l'a dit le député de Maisonneuve tout à l'heure, nous allons siéger la semaine prochaine pour étudier le même projet de loi, article par article. Alors, il y a beaucoup d'occasions pour les députés d'exprimer leur opinion sur un point ou l'autre.

C'est pour cela que je me demande, pendant que vous êtes ici, si la commission ne devrait pas se restreindre à vous poser des questions ou à obtenir des commentaires sur certaines parties du projet de loi.

M. Burns: Ou à faire des commentaires. Le Président (M. Séguin): Pardon?

M. Burns: Ou à faire des commentaires sur les remarques.

Le Président (M. Séguin): Oui, sur les remarques qui ont été faites, mais pas dans un sens trop large.

M. Burns: Je comprends. Vous avez bien raison, M. le Président. Je suis d'accord avec vous. Si on ne veut pas siéger jusqu'à minuit ce soir, je pense qu'il faudra récapituler le plus possible. D'ailleurs, j'arrivais justement au point où je m'adressais aux représentants des centrales.

M. Pepin, je dois d'abord vous dire que vous m'avez — je vous le dis en toute honnêteté; d'ailleurs, je vous l'ai dit privément à la fin de la séance de ce matin — très fortement ébranlé par votre argumentation. On ne s'était pas consulté; je pense qu'on peut se dire cela publiquement. Même si tout le monde pense que Marcel Pepin et Robert Burns se parlent tous les jours, ce n'est pas exact, malheureusement.

M. Pepin (Marcel): Je souscris.

M. Burns: Mais je dois vous dire que vous m'avez très sérieusement ébranlé par votre argumentation concernant le discrédit qui peut être imposé au Tribunal du travail à cause du rôle qu'on lui donne dans la loi. Je suis prêt à réviser très sérieusement ma position relativement à l'examen du projet de loi, article par article, lorsque nous le ferons la semaine prochaine, à la suite de l'argumentation de M. Pepin.

Je pense qu'il est exact que ce que M. Pepin disait ce matin est devenu un fait, c'est-à-dire que le Tribunal du travail a acquis, de part et d'autre, du côté patronal et du côté syndical, une crédibilité maximum. Je pense que, dans le domaine du travail, en particulier du côté syndical, ce n'est pas peu dire de dire qu'un tribunal a acquis une crédibilité maximum.

Quand on sait que les juges, à tour de bras, nous lancent des injonctions — je n'ai pas besoin de répéter ce que M. Laramée et M. Pepin ont dit auparavant — avec une facilité en matière du travail, le fait de dire qu'une partie d'un tribunal a acquis une crédibilité dans le monde du travail, tant du côté patronal que du côté syndical, il me semble que cela est quelque chose qu'il faut protéger.

Je dois vous dire, M. Pepin, que cette argumentation m'a très sérieusement impressionné et probablement modifiera un certain nombre d'attitudes que je devrai prendre au cours de l'étude du projet de loi, article par article.

D'autre part, j'aimerais que M. Pepin parle de la partie, qui dans le fond est le coeur de la contestation syndicale du projet de loi actuel, la non-intervention de tiers.

Cela peut, à première vue, paraître comme un échange de quatre $0.25 pour $1 lorsque vous dites: Pas d'intervention d'un tiers, mais d'autre part un médiateur ou un conciliateur déjà choisi dans une liste qui, lui, n'aurait pas de décision définitive. J'aimerais que vous précisiez votre position là-dessus parce qu'elle m'apparaît comme très centrale quant à l'examen de ce projet de loi. J'aimerais surtout que vous nous touchiez un mot sur le fait que, de toute façon, qu'il y ait une décision ou une recommandation de la part du médiateur ou non, il y aura quand même grève. Qu'est-ce que cela veut dire dans les faits? J'ai très bien retenu votre argumentation sur la pression de l'opinion publique. Je sais fort bien que, s'il y a un domaine où l'opinion publique est particulièrement importante dans le cas de l'exercice du droit de grève, c'est bien dans le domaine des services publics et en particulier dans le milieu hospitalier. J'aimerais que vous vous étendiez davantage sur cet aspect.

M. Pepin (Marcel): M. le Président, M. le député, je ne sais pas si je pourrai être assez éloquent pour convaincre quelqu'un ici, mais je peux vous dire au point de départ que c'est ma profonde conviction que ce qui est dans le projet de loi nous conduit à un désastre parce qu'il y a un tiers qui impose sa volonté. Peut-être que vous me direz: Ecoutez, vous êtes toujours comme cela et il n'y à rien à faire avec vous là-dessus. D'accord. Mais c'est ma profonde conviction que, si on veut donner aux parties la véritable chance de négocier, on ne peut pas faire appel à un tiers qui imposera sa décision par la suite. Je ne sais pas si on a assez vécu la période où la décision arbitrale était exécutoire en matière de relations de travail dans le secteur public et parapublic de 1944 à 1964. Est-ce qu'on a assez vécu pendant cette période, où les parties ne négociaient plus? Tout ce que les parties faisaient, elle requéraient le service du juge, de l'arbitre, Si vous nous imposez ce projet de loi 253, les administrations hospitalières — je ne dis pas toutes, mais la plupart — vont nous arriver, comme M. Pleau l'a dit à Sherbrooke cette semaine, en disant: Qu'est-ce que vous voulez? Nous, nous demandons tout. Vous? Les gars vont dire, de notre côté: Rien comme services essentiels. Quand vous êtes dans un extrême et dans un autre, il n'y a rien à faire. On va aller voir le commissaire, on va aller voir le juge, c'est lui qui va décider. Cela enlève toute responsabilité des parties. On en a fait des négociations. Lorsqu'on sait qu'il y a un tiers qui intervient à notre place et qui décide pour nous, à ce moment-là, il n'y a plus personne qui soit intéressé à se parler. Je ne sais pas si vous pouvez comprendre qu'à l'heure actuelle, au Québec, on est en train de se massacrer les uns les autres. Je considère que vous, du Parlement, vous nous frappez sur la tête, que vous bûchez sur nous sans arrêt à l'heure actuelle. Là, vous me direz: C'est émotif ce que vous dites. C'est peut-être émotif, mais je pense que c'est vrai. Je voudrais vous offrir une chance de faire une expérience différente. C'est vraiment une chance, à mon avis. Je vous répète ce que je vous disais au point de départ. Dans notre organisation, ce que je vous ai proposé, ce n'est pas unanime, c'est majoritaire. Parce qu'il y a du monde qui dit: Laissez-les aller. Qu'ils fassent n'importe quoi. Je ne suis pas de cette tendance. Je suis de la tendance de venir vous parler ici pour vous dire: II y a des affaires qui m'apparaissent exorbitantes, qui sont trop loin. Vous faites du tort à l'ensemble de la société.

Ce n'est pas uniquement pour vous faire élire que vous êtes ici, je l'espère en tout cas. C'est pour administrer le Québec et faire du Québec quelque chose de convenable. Avec les propos qui sont contenus dans cette loi, je trouve que vous nous placez dans une situation où les administrateurs— je ne parle pas des "boss", des employeurs, parce que ce ne sont pas des "boss" et des employeurs au même titre que l'entreprise privée, c'est du monde qui a une délégation de pouvoir de votre part — mais ces administrateurs peuvent uniquement s'assoir, attendre la décision de l'arbitre qui sera là. Ce qui nous inquiète et ce que j'ai compris de certains députés... En passant, hier, j'ai rencontré un député ici parce que je suis venu donner une conférence de presse sur le cas de l'amiante où la loi n'est pas appliquée même si vous l'avez votée, mais là ce sont les employeurs

qui sont en cause, et ce député me disait: Fais donc une proposition. J'ai dit: C'est très bien. C'est pour cela qu'aujourd'hui, d'ailleurs, en partie, je vous ai fait cette proposition qui m'apparaît convenable. Si vous n'acceptez pas cela, vous nous placez dans une situation intenable.

Moi, je vais vous dire le fond de ma pensée; si la loi est adoptée, je vais recommander au monde de ne pas négocier. Qu'ils nous l'imposent, ce qu'ils voudront nous imposer; on en fera ce qu'on voudra après. Est-ce qu'on est bien avancés, là? Vous allez me dire: Là, tu es dans le bag de la désobéissance civile. Je ne qualifierai rien, mais ce n'est pas ça qui est important. Ce qui est important, c'est que le monde ait de la responsabilité. Pensez-vous que vous allez être mieux assurés des services essentiels avec ça qu'avec ma formule? Je dis ma formule, c'est notre formule. Je suis convaincu que la chance que vous avez à prendre, vous, les législateurs, si vous voulez la prendre, c'est vraiment de ne pas poser un carcan au monde, de ne pas les encadrer d'une manière telle qu'ils ne pourront plus bouger sans l'intervention d'un autre tiers.

N'est-il pas vrai, à moins que les gens qui nous représentent à une table de négociations me mentent, que jusqu'au dépôt du projet de loi, vendredi dernier, il y avait des pourparlers qui se faisaient entre notre groupe, CSN, et votre CPNAS pour en arriver à parler des services essentiels? Des définitions s'échangeaient, je vous rappelle que vous aviez — ce groupe-là — proposé une définition des services essentiels, qu'un autre groupe patronal a soumis une autre définition, définition qui, comme je le disais ce matin au ministre, ne change rien fondamentalement, parce que c'est trop vague, c'est trop large. C'est dans le concret, dans le quotidien, comme le disait Roger Laramée, qu'on voit beaucoup plus les choses. Mais les discussions fonctionnaient. Je ne vous dis pas qu'ils auraient conclu, je n'en sais rien et vous non plus, mais au moment où ça se parle, vous déposez votre projet de loi.

Maintenant, je crois comprendre aussi l'autre question du député, quant au médiateur. Vous semblez croire que c'est à peu près analogue, ce que nous proposons et ce que le projet de loi propose. Il y a des nuances, je sais bien.

M. Burns: Je vous demande de préciser.

M. Pepin: Très bien. Pour moi, il y a une différence fondamentale. Le médiateur, dans mon cas, n'a pas de décision exécutoire à rendre. Le médiateur ou le commissaire, dans le cas du ministre, décide pour les parties et c'est ça qui est la base de toute la responsabilité. S'il a raison, les parties n'ont plus d'affaire à se parler de ça. Le gars décidera pour elles. Si, moi, j'ai raison, ça met le fardeau sur les parties. Et comme c'est le gouvernement qui va nommer le commissaire ou peu importe l'autre truchement qu'il trouvera, par ce que j'ai compris cette semaine, du ministre du Travail, il était assez bien en accord avec nous sur la question du Tribunal du travail, comme vous l'avez dit.

Je peux vous dire aussi — je pense bien qu'on n'a pas de secret ici— que le juge en chef du tribunal qui assiste au CCTM a dit des choses analogues à ce que j'ai soutenu ici devant la commission, parce qu'il dit que ce n'est pas judiciaire et on voudrait nous faire faire des affaires qui ne sont pas judiciaires. De toute façon, je voulais juste mentionner ça, sur ce point.

C'est quelque chose de capital, comme différence, entre la thèse de M. Forget et la mienne. Et je pense que si le médiateur doit décider pour nous, pour les parties, cela va être interprété par notre monde — par les administrateurs, je n'en sais rien — bien, s'ils veulent en décider, qu'ils en décident. Mais ce n'est pas comme cela qu'on va bâtir un ordre social convenable.

Pendant que j'ai la parole, au cas où vous ne toucheriez pas ces parties, je demande au ministre et je vous demande, à vous les législateurs, pourquoi vous passeriez l'article 17, paragraphe 2) de la loi? Je vous dis, par exemple; je suis un fonctionnaire de la maison chez nous, je vais recommander au monde de ne pas suivre la loi. L'association que je représente décide d'obéir à la loi, mais parce que, moi, j'ai décidé de recommander le contraire, l'association est aussi responsable. Trouvez-moi, dans une loi, sauf les lois que vous avez adoptées au Québec, de telles affaires où l'association devient coupable parce que j'ai posé un geste, même si l'association m'a désavoué?

M. Burns: C'est une loi anti-casseur.

M. Pepin (Marcel): Oui, il y a cela; la loi 47 le prévoit aussi.

Quand un contremaître n'obéit pas à la Loi des établissements industriels et commerciaux et qu'un travailleur meurt à cause de cela, la compagnie est-elle tenue responsable? On n'en a pas vu au Québec. Quand c'est une loi qui bûche sur nous autres, allez-y. Si toi, tu prends telle position, même si ton association n'était pas d'accord avec toi, l'association devient coupable.

Ce n'est pas le point fondamental que je soulève, mais je vous dis que cela met un peu la cerise sur la crème glacée. Je ne sais pas si j'ai répondu d'une manière satisfaisante à votre question?

M. Burns: Oui, vous avez répondu, M. Pepin. Je vous remercie.

Ma question s'adresse maintenant ou à M. Laramée ou à M. Pepin et j'infère des deux interventions de ce matin et de cet après-midi. Est-ce que la négociation des services essentiels a commencé? Je pense que oui; j'ai compris des deux interventions qu'il y en avait eu une. En tout cas, je pose la question en général: Est-ce qu'il y a eu un début de négociation de services essentiels, dans les faits, avec les établissements hospitaliers? Si oui, quel a été l'effet de la présentation du projet de loi no 253 sur cette négociation?

Je la pose indifféremment et peut-être alternativement à M. Laramée et à M. Pepin.

M. Laramée: Je vais répondre pour la FTQ. A

la table centrale, on a voulu négocier les services essentiels. Le comité de négociation s'y est opposé, parce que nous voulons faire cette négociation sur le plan local, dans chacun des locaux que nous représentons. Ce n'est pas à une table centrale qu'on va négocier les services essentiels pour un hôpital de la Gaspésie ou du Nord-Ouest québécois. Notre intention est de négocier avec l'administration de chaque établissement où on représente des membres. Dans certains cas, cela a déjà commencé.

M. Burns: Quel a été l'effet de la présentation du projet de loi?

M. Pepin (Marcel): Me permettez-vous de répondre aussi à votre question?

M. Burns: Oui, c'est aux deux.

M. Pepin (Marcel): II y a des endroits, le CHU de Sherbrooke, par exemple, où ils étaient en tractations avec l'hôpital, au plan local. Or, après le dépôt du projet de loi, le CHU a dit: Je retire ce que j'ai dit; il y a maintenant un projet de loi.

Ce que nous avons suivi comme démarche, c'est que nous avons été d'accord pour faire des critères au niveau provincial. Voilà pourquoi je vous ai rappelé qu'il y avait eu cette rencontre, le 16 septembre. Le 4 décembre — si mon informateur me dit les dates exactes; je pense que oui, c'est M. Paul-Eugène Gagnon — on a demandé une autre rencontre qui a eu lieu le 9, cette semaine, mais le 9, quand ils se sont rencontrés, ils ont dit: M. Forget a déposé le projet de loi; on retire tout ce qu'on a dit et on attend.

M. Burns: En somme, la présentation du projet de loi, à toutes fins pratiques, a stoppé toute négociation?

M. Pepin (Marcel): Cela stoppe toute négociation et M. Pleau, à Sherbrooke, leur dit: Aie! Ne négociez plus cela. Après la loi, on verra et le juge décidera. C'est M. Pleau qui a dit cela. Je pense que M. le ministre le connaît bien.

M. Burns: Avant cet événement, M. Pepin et M. Laramée, quelle était la position patronale en matière de négociation des services essentiels? Est-ce qu'il y avait une position patronale qualifia-ble, identifiable?

M. Laramée: Dans les endroits où nous, nous avions commencé les négociations, il ne semblait pas y avoir de problèmes. D'ailleurs, c'est dans ces mêmes endroits qu'en 1971 et 1972 il n'y avait effectivement pas eu de problèmes. On n'avait pas commencé les négociations dans chacune des maisons où on représente des membres, évidemment. Mais là, c'est évident que la négociation, tant et aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas disposé du projet de loi no 253, ne pourrait se poursuivre.

M. Pepin (Marcel): Je pourrais même faire dé- poser un document ici sur les services essentiels lors de "grève légale". Proposition du comité patronal de négociation aux parties syndicales, septembre 1975. J'ai le document ici, qui reprend substantiellement la thèse des centrales syndicales sur les services essentiels. Par suite du dépôt, par M. Forget, de ce projet de loi, tout cela est retiré. Si vous voulez l'avoir, on va en faire des copies.

M. Burns: J'aimerais bien en avoir des copies.

M. Malépart: Est-ce que la partie syndicale aurait un document sur ce qu'elle entend par les services essentiels? Est-ce que la CSN a un document?

M. Pepin (Marcel): Je vais m'informer et je vais vous le dire.

M. Burns: M. le Président, pendant qu'on s'informe, je vais terminer mes questions. Après cela, les autres députés qui auront des questions pourront les poser. J'aimerais avoir l'opinion des deux représentants des centrales sur la durée normale d'une négociation concernant les services essentiels. Pour le cas où les deux représentants n'auraient pas entendu le discours que j'ai fait en deuxième lecture — c'est parfaitement normal que vous ne l'ayez pas entendu et que vous n'en ayiez pas eu des copies — j'ai prétendu, en tout cas, à cause de mon expérience passée en matière syndicale, qu'habituellement, à l'intérieur d'une période de deux à cinq jours, on savait parfaitement à quoi s'en tenir relativement à une négociation de services essentiels. C'est-à-dire qu'on savait parfaitement si l'employeur était là pour essayer de fourrer le côté syndical ou s'il était là véritablement pour assurer le maintien des services essentiels, donc prêt à parler avec les syndicats qui, dans le fond, à ce stade, sont ceux qui font des concessions. Il ne faudrait jamais l'oublier.

Quand on parle de services essentiels, ce n'est pas l'employeur qui fait des concessions, c'est le côté syndical qui fait des concessions. Je citais, entre autres, dans mon intervention de deuxième lecture, les deux cas de grève de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal en 1965 et en 1967 où, effectivement, en l'espace de 24 heures, on s'était entendu, dans un cas, par mon entremise et, dans l'autre cas, par l'entremise du directeur de grèves du temps, simplement sur des services essentiels qui étaient autant établis dans l'intérêt des travailleurs qui, éventuellement, savaient fort bien qu'il fallait qu'ils reprennent leur travail, que le travail devait reprendre dans des conditions les plus normales possible.

En tout cas, j'ai cité ces deux cas qui étaient très près de ma propre expérience. Mais je me réfère ici à l'expérience de M. Laramée et à celle de M. Pepin et peut-être de leurs conseillers. Est-ce que, en pratique, il est illogique de penser qu'à l'intérieur d'une période de deux à cinq jours, on puisse en arriver à une entente ou, tout au moins,

à constater qu'il n'y a pas d'entente possible entre un employeur et le syndicat qui représente les employés, quand on parle de services essentiels?

M. Pepin (Marcel): M. le Président, pour répondre au député, quant à nous, nous n'avons pas déposé de document. Nous étions en discussion avec eux. Le problème était surtout de discuter la définition globale ou générale qui était donnée par la partie. Nous disions: Etes-vous d'accord sur l'autre définition donnée par une autre partie patronale aussi du même ministère? C'est ce que nous étions sur le point de prendre ou d'avoir comme réponse.

M. le Président, ce n'est jamais bien agréable de rapporter des choses qui ont été dites par d'autres. Aussi, je pense que, dans le cas présent, les membres de cette commission ont intérêt à faire entendre ceux qui dirigeaient la table patronale sur les services essentiels. Je pense qu'il s'agit de M. Forgues, comme je l'ai mentionné ce matin, directeur de l'hôpital de Mont-Joli. Faites-le venir, si vous voulez avoir l'éclairage. Si vous voulez ne pas l'avoir, c'est une autre affaire. Si vous voulez l'avoir, faites-le venir. Demandez-lui ce qu'il en pense. On sait ce qu'il nous a dit. Vous l'apprendrez vous aussi, s'il tient les mêmes propos. Je n'ai pas de raison de croire qu'il tiendra des propos différents. Je pense que vous avez intérêt à le faire venir.

Sur la question du député de Maisonneuve, M. Burns, quant à moi, je pense que ces services essentiels ne peuvent pas se discuter aujourd'hui. Ils vont être en application le 1er février ou le 15 février. Les situations sont trop mouvantes pour cela. Je pense que c'est dans les jours qui précèdent, l'avis que tu donnes, l'avis de huit jours, qui existe encore dans le Code du travail, et c'est à ce moment... D'ailleurs, c'est pour cela que, quand j'ai mentionné mon mécanisme, ce matin, j'ai dit: Dans les quelques jours qui précédent, le médiateur, s'il n'y a pas eu accord, doit rendre une décision de recommandation.

Je suis pour ma part bien convaincu que, même si la loi 253 était adoptée, on ne s'entendrait pas. Que le médiateur, trente jours avant, décide qu'à Charles-Lemoyne, c'est telle quantité de personnes qui doivent être là, et qu'il arrive une série d'accidents sur la rive sud, la veille du déclenchement légal de la grève, ce n'est plus pareil. Evidemment, la loi aussi prévoit que cela peut être révisé. Je le sais, je l'ai bien lu, de ce côté, mais je pense que c'est dans les jours qui précèdent qu'on peut les fixer, ce n'est pas longtemps à l'avance. Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais c'est aussi mon avis, comme vous l'avez exprimé.

M. Burns: En somme, ce que vous me dites, c'est que cela peut se négocier en moins de trente jours, ces choses.

M. Pepin (Marcel): Moi, ce que...

M. Burns: Surtout, et je retiens la partie de vo- tre réponse qui m'apparaît nouvelle dans le débat, qu'il est important que cette négociation ait lieu à proximité du conflit, c'est-à-dire pour s'ajuster à une situation de faits qui, souvent, n'appartient ni au côté patronal, ni au côté syndical. Par exemple, vous citiez Charles-Lemoyne. Il peut arriver, un soir, que sur la route 3, il y ait je ne sais pas combien d'accidents d'automobiles. Cela vient augmenter le besoin de l'urgence de l'hôpital Charles-Lemoyne, si je comprends bien ce que vous disiez.

M. Pepin (Marcel): Si vous me permettez, dans le même ordre d'idées, pourquoi le ministre des Affaires sociales et les législateurs de l'Assemblée nationale ne décideraient-ils pas de laisser cela sur la glace, la loi 253? Des fois, vous faites des procédures d'ajourner à trois ou à six mois, ou à je ne sais pas combien de jours. Pourquoi ne décideriez-vous pas de laisser de côté? Nos demandes de conciliation ont été envoyées à peu près pour le 1er décembre. Je pense que, dans la très grande majorité des cas, c'est 60 jours après la demande de conciliation que le droit de grève ou de lock-out peut arriver. Vous pouvez voir et donner ordre à vos fonctionnaires de continuer à négocier, à traiter des services essentiels sans aucune loi. Là, s'il n'y a rien qui marche, vous êtes encore là et vous pourrez prendre des décisions, mais ne leur donnez pas un ordre...

M. Burns: M. Pepin, simplement dans la même ligne que vous soulevez actuellement — je partage entièrement votre opinion, d'ailleurs, là-dessus — de mettre le projet de loi sur la glace pendant un bout de temps, mais seulement pour m'aider à être encore plus d'accord avec cela, pouvez-vous me donner la plus prochaine ou la plus proche date à laquelle un syndicat, dans le domaine hospitalier, pourrait faire une grève?

M. Pepin (Marcel): Le 1er février.

M. Burns: Le 1er février, c'est la date la plus proche.

M. Pepin (Marcel): C'est ce qu'on me dit. Je pense...

M. Burns: Cela veut dire que si jamais... M. Laramée: C'est vrai aussi à la FTQ.

M. Burns: C'est vrai à la FTQ. Cela veut dire que si jamais, si j'extrapole...

M. Pepin (Marcel): ... huit jours à part cela.

M. Burns: C'est l'avis de huit jours, qui peut se faire quand même à l'intérieur des 60 jours.

M. Pepin (Marcel): C'est cela.

M. Burns: Cela veut dire qu'on serait normalement en mesure de juger s'il est essentiel de lé-

giférer de la façon qu'on s'apprête à le faire avant cette...

M. Pepin (Marcel): A part cela, elles peuvent négocier, les parties aussi.

M. Burns: Oui, c'est cela.

M. Pepin (Marcel): Elles peuvent arriver à une entente.

M. Burns: Je vous pose la question de l'avocat du diable, est-ce que vous ne trouveriez pas encore plus désagréable de nous voir légiférer à une semaine du conflit, dans une affaire comme celle-là?

M. Pepin (Marcel): Je n'aimerais pas mieux cela, mais je n'aime pas mieux cela aujourd'hui. A part cela, si...

M. Burns: Vous dites, en somme, M. Pepin: Faites-nous confiance et... Je partage vos vues là-dessus, mais je comprends que vous nous dites: Faites-nous confiance et, dans la situation actuelle, on est capable d'arriver à une négociation normale des services essentiels, si jamais il doit y avoir une grève...

M. Pepin (Marcel): Si le ministre dit à ses fonctionnaires: La loi n'existe plus pour l'instant. Négociez. Si le ministre prend la position de dire à ses fonctionnaires: Ils nous ont forcés à attendre; très bien, on va les avoir à l'autre détour. C'est une question de ne pas...

M. Burns: J'aime bien votre référence au ministre, parce qu'avec tout le respect que j'ai pour le ministre, il reste quand même qu'actuellement, il y a une très grande importance sur la mentalité qui est infligée — et j'ai bien pensé à mon mot — aux présentes négociations par les représentants du ministère des Affaires sociales. Je pense que la suggestion dé M. Pepin mérite d'être retenue là-dessus. Dernière question, je vais m'ar-rêter là.

Ma dernière question, M. Pepin, c'est une question de détail, tout simplement.

J'ai bien compris, lorsque vous parliez de la liste des éventuels médiateurs, que vous vouliez que ce soit la liste qui, actuellement, est établie en vertu du Code du travail pour les arbitres? Non? Ou une liste semblable?

M. Pepin (Marcel): C'est ça. Je ne veux pas que ce soit la même liste. Notre intention à nous, les centrales syndicales, au CCTM, c'est qu'on aurait bâti, avec les employeurs qui sont au CCTM, une liste complètement séparée. Il y aurait peut-être eu des noms qui auraient chevauché l'une et l'autre liste, mais c'est une liste ad hoc, pour les fins des services essentiels.

M. Burns: D'accord! Je suis content de cette précision, parce que j'avais des doutes sur le fait que des personnes qu'actuellement on juge capables d'agir comme arbitres soient assez polyvalentes pour agir dans un cas aussi spécialisé que celui qui nous concerne.

M. Pepin (Marcel): Pas nécessairement, en tout cas.

M. Burns: Non, d'accord! Je suis content de la précision que vous m'avez donnée.

Finalement, M. le Président, je poserais ma question au ministre lui-même.

Est-ce que mes renseignements sont inexacts si je vous dis que je suis convaincu que le ministre des Affaires sociales a donné son accord à la position syndicale, relativement à la proposition qui est élaborée par MM. Pepin et Laramée? C'est-à-dire que déjà, dans le passé, le ministre des Affaires sociales a donné son accord au fait qu'il n'y ait aucune coercition imposée en matière de services essentiels et qu'à toutes fins pratiques le ministre, ce faisant, accordait son appui à l'ex-ministre du Travail, lorsqu'il proposait, préconisait l'adoption d'une formule telle que celle qui nous est présentée par les centrales syndicales?

M. Forget: J'aimerais revenir à la fin, peut-être, à la question, parce que c'est susceptible d'engendrer un échange, et j'aimerais, en priorité, qu'on porte attention à nos invités...

M. Burns: D'accord!

M. Forget: ... qui se sont déplacés pour la circonstance.

M. Burns: Vu que c'était ma dernière question, je pensais que je devais vous la réserver.

M. Forget: Je vous remercie de votre attention. J'en ai pris note et j'y répondrai tantôt.

M. Burns: D'accord!

M. Forget: Un peu de la même façon, M. le Président, que pour le député de Maisonneuve, mes questions s'adressent indistinctement à M. Pepin ou à M. Laramée.

J'ai écouté très attentivement ce qu'ils nous ont dit, ce matin et cet après-midi, et les réponses qu'ils viennent de fournir aux questions qui leur étaient posées.

Une chose que je ne comprends pas très bien dans leur position, c'est la situation dans laquelle on se trouve, dans le fond.

Tout le monde a parlé des services essentiels. Nos invités ont dit que tout le monde était en faveur de la vertu, relativement à cela, c'est-à-dire que tout le monde veut garantir à la population les services essentiels.

Cela doit donc être que le problème s'est posé autrement que sur papier. Pourtant, aucune loi n'empêche et n'a empêché les parties d'en venir à des ententes sur les services essentiels, et on nous a même dit qu'il y en a eu qui sont intervenues. Je

crois que c'est exact. Nos renseignements concordent là-dessus. Donc, il y a eu cette possibilité de dire que les parties avaient la responsabilité de fournir les services essentiels.

C'est la situation dans laquelle on vit encore aujourd'hui, tant et aussi longtemps que cette loi n'est pas adoptée. C'est intégralement la responsabilité des parties, et personne ne nous a dit que c'était un faux problème, que cela n'existait pas, la question de maintenir les services essentiels. Cela a dû se poser. Il me semble que cela s'est posé dans le passé.

Alors, pourquoi les parties n'ont-elles pas réussi à faire l'unanimité ou les accords nécessaires pour garantir les services essentiels dans le passé?

Qu'est-ce qui nous permet de croire que cela va se régler si on leur laisse cette responsabilité, avec des procédures de conciliation, etc, en leur disant: Ecoutez, c'est votre problème, les services essentiels. Entendez-vous entre vous, patrons et syndicats, c'est votre affaire? Pourquoi, tout à coup, le problème s'évanouirait-il? Qu'est-ce qu'il y a de nouveau qui nous permet d'affirmer que, dans le fond, le problème va se régler sans intervention?

M. Laramée: Je pense qu'on doit vous souligner qu'il doit y avoir eu des choses dans le passé qui ont été mal faites, puisqu'on a le problème devant nous aujourd'hui. Il y a effectivement eu, dans le passé, même en dehors du secteur des affaires sociales, négociation de services essentiels. Dans la majeure partie des cas, il y a eu, effectivement, des services essentiels d'assurés par voie de négociation entre les parties. Il y a eu des cas d'exception. On vous a cité des exemples à l'effet que ce n'est pas nécessairement le syndicat qui en était le responsable.

Dans le secteur des affaires sociales, il y a eu des événements depuis un certain nombre d'années qui ont fait, comme je l'ai mentionné, que des gens ont perdu une certaine motivation. C'est peut-être un facteur très important, mais il ne faudrait pas généraliser non plus.

Même en 1972, dans la très grande majorité des institutions que les centrales représentent, des services essentiels ont été assurés et négociés et des négociations ont eu lieu en cours de grève pour ajuster les services essentiels, compte tenu de problèmes que le président de la CSN a soulevés tout à l'heure.

Alors, ce n'est pas quelque chose de nouveau et on pense que cela peut être fait. On est conscient que, dans le secteur des affaires sociales, il doit y avoir des services essentiels, mais on est conscient également qu'ils doivent être négociés pour que cela soit de réels services essentiels qui répondent à la demande de la population et que cela ne doit pas être imposé.

M. Forget: Oui, mais vous me dites qu'il y a eu des négociations dans certains cas pour les services essentiels, je suis d'accord. C'était, d'ailleurs, une partie de ma question. Je supposais que vous alliez me dire cela: II y a eu des négociations pour les services essentiels, d'accord. Il n'y en a pas eu partout, mais éliminons cela. Ce n'est peut-être pas grave. Peut-être qu'il ne faut pas qu'il y en ait partout. Je suis prêt à admettre cela a priori, à concéder cela a priori, même si on pourrait en discuter longtemps. Admettons a priori qu'il ne faut pas qu'il y ait des services essentiels dans tous les établissements, d'accord.

Là où il y en a eu, vous dites qu'il y a eu, malheureusement, certains cas où les patrons n'étaient pas de bonne foi. Laissons de côté les procès d'intention et la question des causes, parce que cela nous entraînerait très loin. Il reste qu'il y a eu des cas où les services essentiels, dans le contexte où les parties étaient les seules responsables, n'ont pas été assumés.

Mon information me dii que, dans 40% ou 45% des cas où il y a eu des ententes dans le passé, ces ententes n'ont pas été respectées. Ce sont des relevés qui ont été faits à froid, plusieurs mois après la fin de ces difficultés, à un moment où les gens avaient eu le temps de prendre un peu un certain recul. La moitié de ces ententes, selon l'information qui m'est disponible, n'ont pas été respectées.

Vous allez me dire: C'est exagéré. Si on élimine certains cas douteux, ce n'est pas 45% ou 55%. C'est la moitié. C'est peut-être 30%, c'est déjà beaucoup.

Qu'est-ce qui nous fait croire que cela va aller mieux si on ne fait rien sur le plan législatif? C'est votre suggestion, dans le fond, qu'il n'y ait pas de sanctions, d'intervention d'un tiers. Qu'est-ce qui vous autorise à croire que cela va aller mieux, que les parties seront plus responsables cette fois-ci?

Vous parlez d'un problème de motivation. La motivation sera-t-elle plus grande cette fois-ci? Le climat sera-t-il meilleur? Dans le fond, vous nous demandez de croire que les parties, laissées à elles-mêmes vont démontrer une responsabilité suffisante pour éviter, au moins, que cela soit pire et, présumément, essayer que cela soit mieux.

Y a-t-il des éléments nouveaux qui nous donnent au moins une certaine assurance de ce côté?

M. Pepin (Marcel): Je voudrais d'abord toucher le premier point que mon ami, Roger Laramée, a touché tantôt. Je voudrais dire au ministre que cela serait fort intéressant d'examiner chacun des cas où il y a eu une demande d'injonction et où une injonction a été accordée en 1972.

Je suis obligé de toucher aux causes. Je ne peux pas les laisser de côté. Pourquoi, dans certains cas, y a-t-il eu injonction? Mon hypothèse — c'est peut-être vrai ou pas vrai — est que, dans chacun de ces cas, les relations de travail étaient détériorées entre l'administration et le côté syndical.

Je ne porte pas de jugement si l'administration avait tort ou si le côté syndical avait tort. Ce n'est pas du tout l'objet de mon propos. Il y a eu des cas très pénibles où les relations entre les parties étaient à peu près convenables et, dans ces cas, les parties se sont toujours entendues.

Pourriez-vous me permettre de citer deux cas opposés? Le cas de Charles-Lemoyne dont Roger Laramée a fait écho; les relations de travail étaient absolument pourries. L'employeur, peu importe son nom, l'administrateur, tout ce qu'il voulait faire, c'était obtenir l'injonction au plus "sacrant" pour retourner son monde au travail. L'autre cas, à un autre bout, le cas de l'Hôtel-Dieu de Montréal. Les relations étaient relativement bonnes. Je ne dis pas que c'est toujours sain, parce qu'il y a toujours des accrocs qui se font de part et d'autre, sans doute. Dans ce cas, même si c'est un hôpital important — je comprends qu'il n'y a pas de psychiatrie à l'Hôtel-Dieu et qu'il y en a à Charles-Lemoyne — l'employeur, sa thèse n'était pas de chercher l'injonction, c'était d'essayer de s'entendre avec le syndicat, et ils ont maintenu les services essentiels.

L'autre question que vous me posez est très légitime. Qu'est-ce qui me fait croire que cette année les situations de détérioration de relations entre parties sont modifiées? Là-dessus, je peux vous dire qu'encore il y a des endroits où cela va très mal. Prenez ici la Buanderie communautaire, à Québec, où vous avez obtenu une injonction, vous ou la buanderie elle-même, pour empêcher certaines actions, semble-t-il, qui se passaient. Là, les relations sont très mauvaises. Les relations sont mauvaises, en bonne partie causées par les conditions de travail que je qualifie personnellement d'effroyables dans ce coin-là. J'ai visité personnellement l'institution. J'ai vu de mes yeux ce qui se passait, dans quelles conditions le monde travaillait et c'est bien compréhensible que du côté syndical, à tout le moins, il y ait révolte, que cela aille mal.

Je ne peux donc pas régler et vous dire que cette année toutes les situations sont corrigées et que toutes les relations de travail vont très bien. Dans ce sens, je ne peux pas conclure autrement que vous en disant: C'est vrai. Je ne peux donner aucune garantie. Ce que je vous dis, par exemple, au retour de cela: Vous-même, avec votre loi, vous ne pouvez pas me dire que pour la Buanderie communautaire d'ici, de Québec, cette loi va être applicable. Elle peut être appliquée avec des amendes, mais cela prendra des semaines, des mois, avant que les amendes soient prononcées. Vous savez comme moi qu'on ne fait pas cela du jour au lendemain ces histoires-là.

Pendant ce temps, le monde est assez en révolte que je pense que vous n'aurez pas une application... Votre rôle de législateur sera terminé sans doute. Vous direz: J'ai fait voter ma loi. Qu'ils y obéissent. Je suis protégé devant l'opinion publique. Ce n'est pas seulement cela qu'il faut faire ici, il faut régler les problèmes dans leur fondement. Si je vous dis que dans un endroit — reprenons Charles-Lemoyne — cela a été très mal, que l'employeur a refusé de négocier, avec la loi que je vous propose, là l'employeur va être obligé de négocier. En plus, s'il y a désaccord entre les parties, il y aura le rapport d'un médiateur connu par vous, connu par nous, connu publiquement et lequel va être placé pour dire — à moins que le médiateur fasse vraiment des absurdités ou dans votre sens ou dans le nôtre — pour "circonvenir" à cette publication d'un rapport. Je pense qu'on serait tous, de part et d'autre, assez mal placés.

C'est bien sûr qu'on ne part pas sur la même donnée vous et moi. Vous partez sur la donnée de la contrainte, moi je pars sur la donnée de la responsabilité des parties. Je vous invite à faire cet examen de chacun des cas d'injonction.

Regardez le nombre de griefs qui étaient accumulés à l'époque. Essayez de voir un peu quel était l'état des relations. Maintenant, une autre affirmation que vous faites: A peu près 50% des ententes n'ont pas été respectées. Cela peut être 40%, 30%, en tout cas, comme vous le dites, ce n'est pas tellement le pourcentage qui compte. Cela a pu arriver. Cela va dépendre de l'évoluation du conflit. Cela peut fort bien dépendre aussi d'un chef de département qui vient engueuler le monde sur les lignes de piquetage.

Vous savez un peu comment ça se passe. A un certain moment, les gars se resserrent et disent: II vient nous baver ici, on va le reprendre autrement. Je parle des relations humaines et, dans les relations industrielles, c'est fort important de regarder ça. Qu'est-ce qui motive à un certain moment? Par exemple, le gouvernement peut annoncer l'adoption d'une loi spéciale, comme la loi 19, pour les forcer à retourner au travail. Imaginez-vous les gens de Saint-Michel-Archange, ici à Québec, quand ils ont appris que l'Assemblée nationale était convoquée, cela a resserré pas mal du monde.

Souvenez-vous que, dans cette période, puisque j'ai mentionné Saint-Michel-Archange, nous avions été à peu près mis au pilori, parce qu'à Saint-Michel-Archange, nous disait-on, on n'accordait pas de services. Je m'étais fait prendre moi-même. J'ai fait une déclaration publique, un soir, au Holiday Inn où nous négociions, pour dire: Je demande aux employés de Saint-Michel-Archange, à notre syndicat, de donner des services essentiels. La nuit n'était pas passée que j'avais une délégation au Holiday Inn pour dire: Qu'est-ce que tu as fait là? J'ai dit: Les services essentiels, il faut bien les accorder. Combien y a-t-il de personnes dans l'hôpital? Es-tu au courant? Ils m'ont mis des chiffres sur la table. Je vous dis qu'il y avait du monde en quantité qui était là. Bien sûr, on peut, nous aussi, exagérer et dire des choses qui dépassent un peu la réalité. Je pense que, du côté patronal, du côté des administrateurs, on en a dit énormément.

Vous me dites: Qu'est-ce qui vous motive, à l'heure actuelle, pour nous dire que ça va se négocier? C'est parce que vous, qui n'étiez pas à l'époque ministre, si vous prenez un autre comportement et si vous dites aux administrateurs: II faut faire le maximum pour s'entendre sur les services essentiels, ça va être énormément différent de ce que nous avons connu en 1972. Je ne sais pas si je peux aller plus loin, mais j'essaie de vous livrer tout ce que je peux, parce que je trouve cela tellement effroyable que vous adoptiez cette loi. J'essaie de vous convaincre vraiment, car je

serais heureux si, pour une première fois à une commission parlementaire, on convainquait le parti au pouvoir de ne pas faire ce qu'il avait l'intention de faire, sans qu'il soit obligé de perdre la face. J'ai toujours l'impression que c'est ce qui arrive quand je viens ici, même si on pense apporter de bons arguments et que, parfois, privément, les députés nous disent: Maudit, cela avait du bon sens, mais qu'est-ce que tu veux, la ligne de parti est là. S'il y avait moyen cette fois-ci, parce que je ne vous considère pas comme un politicien ordinaire, vous faites des choses convenables...

M. Bellemare (Johnson): Cela ne paraît pas.

M. Pepin (Marcel): ... essayez donc de dire: On va écouter, pour une fois, le côté syndical. Là, vous êtes uniquement dans le club des employeurs. En tout cas, j'arrête là.

M. Burns: Je veux qu'il se rende compte que, venant de vous, c'est un éloge que vous venez de faire.

M. Pepin (Marcel): Bien sûr!

M. Burns: C'est ce que je viens de lui dire, M. Pepin.

M. Forget: J'aimerais, si vous me le permettez, à moins que ce ne soit directement sur cette question...

M. Bellemare (Johnson): C'est une intervention que j'aurais dû faire tout à l'heure, mais j'ai été pris par les hautes charges de ma fonction.

M. Forget: La commission, je suis sûr, vous a excusé. On a dit tantôt que...

M. Burns: La troisième force ne s'ajuste pas tout à fait.

M. Bellemare (Johnson): J'ai eu presque une adhésion à midi.

M. Pepin (Marcel): On n'a pas de carte de membre.

M. Forget: On a dit tantôt que le dépôt du projet de loi no 253 avait changé la situation quant à la négociation des services essentiels, négociation qui aurait été en cours. Pourquoi ce projet de loi no 253 aurait-il changé le cours de ces discussions, de ces négociations, alors que, depuis le mois de juin dernier, la loi 31 qui, quant à son principe, quant à l'intervention d'un tiers, est identique dans ses buts, dans ses façons d'intervenir, avait été déposée effectivement il y a plusieurs mois.

Qu'est-ce qui fait que cette loi, qui n'est qu'une façon plus complète, plus détaillée d'apporter une solution aux services essentiels, aurait changé le cours de la négociation alors qu'elle était déjà connue dans son principe depuis cinq ou six mois ou depuis quatre ou cinq mois, si vous voulez?

M. Pepin (Marcel): Pouvez-vous me permettre de risquer une réponse? Je vais vous dire ceci: Je ne veux pas parler pour des personnes qui ne sont pas ici. J'ai des informations à l'effet que ceux qui vous représentaient disaient que le projet de loi 31 ne réglait rien. Nous sommes mieux de fonctionner avec la thèse que vous avez soutenue comme centrale au CCTM.

Quand vous avez déposé le projet de loi 253, ils ont dit: C'est vraiment cela qu'il veut faire. Là, je fais de l'interprétation et c'est pour cela que j'insiste tellement pour que vous fassiez venir les personnes qui, elles-mêmes, étaient partie à ces négociations. Ce n'est pas nous qui avons arrêté. Le 9 décembre, nous avons de nouveau demandé et obtenu la rencontre et, à cette rencontre, le représentant patronal a dit: C'est fini, il faut maintenant que j'attende que la loi soit adoptée.

Là-dessus, je pense que je suis sur un terrain pas mal plus solide que vous, parce que c'est votre côté, d'après mes informations, qui a arrêté toute la machine. De notre côté, nous étions prêts à fonctionner.

M. Forget: Je pense que votre réponse n'est pas tout à fait une réponse à ma question, puisque...

M. Pepin (Marcel): J'ai mal compris dans ce cas-là. Allez-y.

M. Forget: Ce que je vous ai demandé, ce n'est pas tellement si vous avez perçu, imaginé ou deviné des modifications de l'intention du côté patronal, mais de quelle manière vos intentions ont pu être modifiées par un projet de loi qui en remplaçait un autre, mais avec les mêmes buts, les mêmes objectifs, et qui n'était que plus détaillé.

M. Pepin (Marcel): Vous avez déposé le projet de loi 31 au mois de mai ou au mois de juin, en tout cas à une certaine date. Vous avez fait un peu de publicité autour. Je l'ai regardé, le projet de loi, et il avait trois articles. J'ai dit: Si c'est cela qu'ils veulent, c'est cela qu'ils veulent. Mais j'étais bien sûr que jamais ce projet de loi ne pouvait devenir loi. Je me suis dit: Sont-ils tombés sur la tête? Si cela devient loi, tel que c'est là... Je pense bien que vous saviez vous-même, en le déposant, que c'était donner une cloche d'alarme au monde. Je pense que c'est cela le truc que vous utilisiez.

Quant à nous, nous avons continué en dépit de votre projet de loi, parce qu'on s'est dit: Quand est-ce qu'il va être étudié, ce projet de loi? J'ai tellement connu cela. Le projet de loi 24 a été déposé je ne sais pas depuis combien de temps et vous n'avez jamais eu le temps de l'examiner.

M. Burns: Deux ans.

M. Pepin (Marcel): Le projet de loi 89 a été déposé et vous ne l'avez jamais examiné. Fort

heureusement. D'après mon expérience, ce n'est pas la première fois que vous déposez un projet de loi et que vous n'y donnez pas suite. Vous, vous avez l'air de donner un peu plus suite à vos affaires, ce qui est malheureux lorsque vous êtes mal parti, comme dans ce cas-là.

Mais on peut se dire: C'est une affaire du ministre du Travail, ce n'est pas une affaire du ministre des Affaires sociales. Pourquoi interviendrait-il? M. Harvey n'intervient pas dans ses plates-bandes. Pourquoi l'autre interviendrait-il dans les siennes? On s'est dit: Cela va rester là et on a fonctionné et on a fonctionné.

Je ne sais pas si je réponds mal à votre question quand je vous dis que ce n'est pas nous qui avons arrêté les pourparlers sur les services essentiels. C'est votre clan, c'est votre club à vous autres. Notre club à nous autres, il était prêt à continuer.

Bien sûr que vous changez tout l'échéancier quand vous décidez de déposer le projet de loi 253 en disant: L'intention arrêtée... Et toutes les rumeurs qui circulaient, dans les journaux et ailleurs, que vous vouliez l'adopter avant demain matin ou demain matin. Un temps, on avait appris que vous vouliez ajourner la session demain et ce n'est pas moi qui l'ai inventé. Cela a été écrit quelque part.

Maintenant, c'est très urgent et cela devient une urgence nationale. Peut-être que vous l'adopterez seulement la semaine prochaine. J'espère que vous ne l'adopterez pas, mais ce n'est pas nous, en tout cas, qui avons arrêté de négocier là-dessus. Le projet de loi, vous l'avez déposé vendredi dernier et à ma connaissance, suivant mes informations, même vos partenaires n'étaient pas au courant que vous le déposiez. Selon mes informations, mais ce n'est pas bien grave, vous pouvez agir comme vous l'entendez.

M. Forget: Je n'ai pas voulu jusqu'à ce moment-ci engager de débat sur les intentions et les déclarations que vous prêtez à la partie patronale dans cette question, parce que je pense que ce n'est pas l'objectif de cette commission de faire des investigations sur ce qui se passe au sein des comités ou des tables de négociation.

Je pense qu'une mise au point est malgré tout un minimum qui doit être fait à ce moment-ci. D'ailleurs, je ne fais que vous citer, en vous paraphrasant, en indiquant que, depuis le mois de mai de cette année, la partie patronale a cherché à provoquer une discussion, une sous-table sur les services essentiels, non pas évidemment dans l'esprit de régler de façon universelle, uniforme et unique la détermination des services essentiels qui doivent être maintenus dans chaque établissement. Ce n'est évidemment pas réaliste. Ce n'était évidemment pas le point de vue que nous cherchions à établir; mais il s'agissait au moins de discuter à une sous-table les modalités du contexte des échéanciers, des règles du jeu d'une détermination des services essentiels. Je vous cite, je pense, en disant qu'au départ cette discussion n'a pas paru opportune, je crois que c'est le mot même que vous avez utilisé, ou "prématurée". Au mois de septembre, ces discussions ont commencé.

Avec l'écoulement du temps, elles ont progressé mais à un rythme fort mesuré, je n'emploierai pas d'autres mots et, au début de décembre, nous avions l'indication que la FTQ, pour sa part, ne chercherait pas à une table provinciale, à une sous-table provinciale, à déterminer ces règles du jeu, mais qu'elle préférait voir cette négociation se faire un peu à la bonne franquette, sur le plan local, en fonction des circonstances propres à chaque établissement. C'était son droit. Remarquez que je ne conteste pas cette position. il demeure que les efforts que nous avons faits depuis le mois de mai pour définir des règles du jeu qui auraient permis à une négociation et à la négociation seule d'établir des règles ne nous semblaient pas, à la veille d'ajourner les travaux parlementaires, sur le point d'aboutir.

Bien sûr, on peut toujours dire qu'on passera ce pont-là quand on y sera arrivé, il demeure que la question au moins se posait de savoir si on aurait plus de succès en procédant à la bonne franquette que dans le passé, d'où ma question de tout à l'heure. Il est clair que, la semaine où le projet de loi est devant l'Assemblée nationale, nos représentants ont indiqué qu'il leur paraissait peut-être que cette semaine-là, étant donné qu'on en discute de toute façon depuis le mois de mai, n'était peut-être pas la meilleure semaine pour faire progresser la discussion, étant donné que le contexte était modifié.

Cela ne veut pas du tout dire que la partie patronale se désintéresse d'une approche négociée. D'ailleurs, le projet de loi suppose qu'il y a d'abord et avant tout une approche négociée.

Vous êtes pessimiste quant à cette possibilité. C'est un jugement que vous avez bien le droit de porter. D'un autre côté, le parallèle que vous tracez entre la négociation sur le fond et l'arbitrage obligatoire sur le fond d'une négociation et une décision exécutoire sur les modalités de maintien des services essentiels qui n'affectent pas en soi le fond de la négociation, c'est peut-être une analogie ou un parallèle dont on peut douter, enfin qui peut être discuté au moins. Est-ce que cela aurait le même effet d'empêcher la négociation? Il me semble que non, et c'est dans l'esprit que cela ne l'empêchait pas, mais que cela venait y mettre un point final, si cela ne débouchait pas, qu'il fallait envisager une action.

Mais j'ai voulu apporter cette mise au point, parce que, comme on a mentionné plusieurs fois des changements dans l'attitude du côté patronal, je crois qu'il n'y a pas de changement. Il y a le maintien de la même préoccupation de négocier d'abord, mais aussi, il faut s'occuper du tiers payant et du public dans toute cette histoire. Du point de vue du consommateur des services de santé et des services sociaux, on peut s'interroger à savoir si notre souci de négocier ensemble des services essentiels a démontré suffisamment d'efficacité et a été assez fiable dans le passé pour que le public s'en contente.

C'est vraiment la question qu'on peut se poser. Je vais céder la parole à notre collègue de Johnson, qui était...

M. Bellemare (Johnson): Pas de question, merci infiniment. Seulement quelques remarques. Je regrette infiniment de n'avoir pu entendre aussi l'intervention du député de Maisonneuve qui a dû être fort intéressante, à cause de sa longue expérience dans le domaine du travail et des relations du travail.

Quelqu'un m'a rapporté qu'il avait été question de l'honorable juge Geoffroy qui avait assisté à une séance du conseil supérieur du travail, qui avait donné son opinion quant à la bonne renommée et surtout à l'importance du tribunal du travail. Je partage entièrement son avis, mais jusqu'à un certain point. Je me dis qu'il accomplit actuellement véritablement le mandat qui lui est donné par la loi, c'est-à-dire qu'au point de vue interprétation de la loi qu'il a en main, c'est parfait pour moi. Je trouve que c'est son rôle. Il le joue très bien avec ses collègues. Peut-être, à cause de l'évolution qui se fait maintenant dans le monde du travail et qui va se faire encore plus rapidement dans les années à venir, peut-être que ce tribunal qui interprète la loi aujourd'hui, strictement la loi, pourra avoir un volet différent, celui d'avoir un volet administratif qui sera bien différent de celui d'interpréter un article de la loi, par exemple, quand il s'agit des commissaires-enquêteurs ou bien quand il s'agit de décisions à rendre, parce que le tribunal du travail, je le vois bien différent des tribunaux ordinaires. Je pense qu'on se retrouve plus facilement devant un tribunal du travail pour expliquer à des gens qui ont fait profession dans le droit ouvrier depuis des années que devant un juge qui, lui, a fait peut-être un excellent avocat dans les causes criminelles, qui est peut-être illustre dans les affaires maritimes. Mais c'est à lui qu'on va demander une injonction ou quelque chose du genre, ou demander l'application d'un des articles de la loi sur l'interprétation d'un article de la loi du Code du travail.

C'est cela qui a été l'avantage d'avoir un tribunal du travail différent avec des gens du milieu. Je ne regrette aucune nomination. J'ai eu, de mon parti, des reproches sévères pour avoir essayé de trouver des hommes extrêmement compétents en dehors de tout parti politique. Même il y en a qui ont été nommés et qui ont été publiquement reconnus comme des membres d'un autre parti politique que le mien. Mais à cause de la compétence que ces gens avaient mise au service du droit ouvrier dans le passé, cela leur donnait une certaine créance, cela leur donnait un certain avantage de parler de quelque chose qu'ils connaissaient. De là, est venue l'idée de former ce parti — un parti, c'est une autre affaire — ...

M. Burns: C'est vrai que vous passez des nuits à cela, de ce temps-là!

M. Bellemare (Johnson): Mon Dieu, heureuses nuits, que de choses on vous fait dire! Vous verrez, messieurs des syndicats, je ne renie pas mes origines, je suis très heureux d'avoir été dans la FTQ. Je n'étais pas dans la CSN, parce que j'étais dans la Brotherhood. Je le suis encore, j'ai ma carte de membre et j'ai ma carte de longs services, comme on appelle. J'ai encore cela. Je suis très heureux. Je n'ai jamais nié l'être. Vous verrez l'évolution qui va se faire très rapidement. Je pense que ce volet devrait être étudié d'une manière spéciale au tribunal du travail. Qu'il y ait une section, un volet, comment appellent-ils cela, les tribunaux, une chambre à part...

M. Burns: Une division.

M. Bellemare (Johnson): ... une division administrative. Là, je pense que, même dans cette division administrative, je rencontrerais peut-être un peu l'idée d'un tiers avec certaines définitions, par exemple, au préalable, de ce que sont les services essentiels, pour interpréter la véritable loi, si cela avait déjà été fait dans l'interprétation des faits, ce qui peut être véritablement reconnu comme services essentiels. Là, avec la section administrative, offrir à un tiers d'interpréter ce qu'ils sont après les délais permissibles écoulés. Cela n'existe pas.

On risque énormément, M. le ministre. Je vous le dis avec toute la sincérité qui me caractérise et qui caractérise mon passé, un risque de faire bien du mal au Tribunal du travail, et on ne devrait pas faire ce mal, parce que le Tribunal du travail, dans la section qui lui est donnée dans le Code du travail, dans l'accréditation et dans les décisions qui sont rendues, a des dossiers. Il y a peut-être des choses qui ont été discutables dans certaines décisions qui ont été rendues. J'en ai vu une en particulier. C'est discutable. Mais pourquoi faire mal à un organisme qui va bien, qui est accepté actuellement par les centrales, qui leur rend énormément service?

Ah! Qu'il y ait danger pour les services essentiels, ce n'est pas réglé. Celui qui vous parle le sait. A l'article de la mort, en 1972, dans ma chambre, au LeRoyer, j'ai vu entrer, mon cher, une "gang" de gars. J'étais plein de tubes ici et là. J'en avais partout. J'étais dans mon lit, bien malade. On négociait les services essentiels. Je les ai vus entrer — ma femme était dans ma chambre — à 2 heures du matin. Je vous garantis que cela n'a pas été bien comique. C'est moi qui ai vécu cela. On a beau dire que des lois, cela s'écrit, mais des faits aussi, cela se récite. C'est moi qui l'ai vécue, cette situation à l'Hôtel-Dieu de Montréal, justement, en 1972, aux mois de mai, juin et juillet. J'étais cloué sur un lit, malade, bien malade. Je les ai vus entrer à 2 heures du matin, bing! bang! bang! Je vous garantis, messieurs, que cela ne m'a pas aidé.

Aujourd'hui, je suis en face d'une réalité brutale, celle de dire, comme législateur, après avoir vécu l'expérience d'abord d'avoir été ministre du Travail, d'avoir été patient dans un hôpital où c'est arrivé, que j'ai un cas véritablement difficile à décider. Je vous dis personnellement que si on n'est pas capable de s'entendre pour trouver une solu-

tion qui soit exécutoire, écoutez! Le moyen... Moi, je trouve que c'est l'article 41 qui doit s'appliquer, et l'article 41, mon cher monsieur, on doit le prendre, en vertu de l'article 99, et l'appliquer sévèrement, parce qu'il y a à l'article 126, mon cher, des données qui correspondent. Parce que l'article 126 le dit catégoriquement, mon cher monsieur: Quand un des articles du code ne s'applique pas ou que le gars ne veut pas, il y a des articles... Et jamais, pas plus moi qu'un autre, on ne l'a appliqué! L'article 99 est là justement pour assurer les services essentiels des services de la santé ou de l'éducation dans les écoles publiques.

L'article 41, par exemple, a été amendé après 1964, parce que vous nous avez demandé de l'amender, parce que cela n'était pas dans le code. Négociez, mon cher monsieur, de bonne loi, mais avec diligence. Chaque mot a été pesé pendant des séances et des séances. Je me souviens de cela. Négociez avec diligence et bonne foi! Après cela, on dit: Si tu manques à cela, si tu ne fais pas cela, l'article 126 s'applique en toutes lettres. L'article 126 dit: Quiconque fait défaut de se conformer à une obligation ou à une prohibition imposée par le présent code ou par un règlement du lieutenant-gouverneur en conseil ou par le règlement d'un commissaire enquêteur ou d'un tribunal ou d'un de ses juges, commet une infraction, à moins qu'une autre peine soit applicable, passible d'une amende de $25 à $100 et de $100 à $1,000 pour chaque récidive dans les deux ans qui suivent.

L'article 99, vous l'avez dans le code. L'article 41 : Négociez avec bonne foi, mais avec diligence! Si ce n'est pas cela, si les patrons ne veulent pas négocier avec diligence et bonne foi, bang! Ce ne serait pas un coup de bâton, ce serait la loi! Il y a des moyens bien différents de trouver des méthodes... Pourquoi faire mal au Tribunal du travail pour rien? C'est un tribunal qui va bien, pour le moment. Si on veut s'en servir un jour ou l'autre, M. le ministre, je pense qu'on s'en servira. J'ai, moi-même et personnellement demandé une commission royale d'enquête — cela ne m'a pas encore été accordé — pour entendre ceux qui veulent véritablement nous aider à penser pour 1980 et 1985, pas seulement au point de vue libéral, pas seulement au point de vue du parti, mais au point de vue de la législation du travail.

On vit dans un domaine excessivement difficile, si on veut, au point de vue économique, assurer notre relève et surtout notre présence dans le Canada, à cause des relations du travail, et cela, c'est le point tournant. Je pense qu'on pourrait peut-être trouver des formules, et que s'il venait devant nous des hommes compétents, des hommes qui ont étudié certains dossiers pour déposer des mémoires ou montrer une nouvelle législation, peut-être... Dans le domaine des relations publiques, depuis 1964, on a vécu, de 1946 à 1964, avec à peu près des mesures de guerre ou des raccommodages de toutes sortes de choses. En 1964 est arrivé le Code du travail. Woops!

Une nouvelle orientation a été prise et puis, en 1968, on a fait sauter la Commission des relations du travail. On a établi un tribunal pour l'accréditation et particulièrement pour les commissaires-enquêteurs et tout le système.

Mais on est rendu en 1975 et cela ne marche plus. Le Code du travail de 1964 est périmé. Oui, M. le Président, je reviens à mes moutons. C'est parler de l'article 41, de l'article 99. Je sais que vous savez cela par coeur. Et l'article 126. Je sais que vous savez cela par coeur, mais j'ai parlé de cela.

Le Président (M. Séguin): II ne faudrait pas remonter au déluge.

M. Bellemare (Johnson): Mais savez-vous qu'il mouille encore...

Le Président (M. Séguin): Envoyez. Continuez.

M. Bellemare (Johnson): ... et que les maisons ne sont pas toutes calfeutrées et que cela entre à des places? N'oubliez pas que cela prend eau à bien des places.

Je dis qu'aujourd'hui on est rendu à une période où le Code du travail est périmé. Les conventions collectives ne tiennent plus et il va falloir faire autre chose tout à l'heure.

Justement, on veut toucher à un Tribunal du travail avec un tiers et je trouve qu'on ne devrait pas. Il y a une chose qui va bien, laissons-la aller bien. Si on a quelque chose à faire, qu'on fasse un volet différent, qu'on fasse un Tribunal du travail avec une chambre administrative et on lui confierait peut-être des cas comme ceux-là ou d'autres. En tout cas, on verra cela.

Je dis. M. le Président, qu'il y a l'article 99 dans la loi qui est fait exprès pour cela. Il y a l'article 41 qui dit que s'ils ne veulent pas... Ils ont dit tout à l'heure qu'ils ne voulaient pas négocier. Et vous, avec vos dents, avec la loi qui a des dents, essayez-le. Essayez-le une fois, et si ce n'est pas bon, on reviendra, mais pas pendant les négociations.

Ecoutez. Vous dites que cela fait six mois que cela traîne. J'ai lu votre article 31, vous savez. Il était pas mal plus raide que celui-là. Je vais dire comme quelqu'un: Celui qui a composé cela est tombé sur la tête. En 1975, écrire une telle loi... L'autre est plus raffinée. On sent le ministre. On sent cela. Cela revient au but qu'il veut atteindre. Cela fait mal. Cela ne devrait pas faire mal.

Quand les centrales syndicales et des gens d'autorité comme le député de Maisonneuve vous disent — je pense que ce sont des gens qui ont vécu dans le domaine ouvrier — : Vous faites erreur. Vous êtes sur le chemin de la perdition. Oui. Excepté si vous étiez un jour sur le chemin de Damas, vous pourriez recevoir un éclair qui vous convertirait, mais vous êtes sur le chemin de la perdition.

M. Giasson: L'appel du Seigneur?

M. Bellemare (Johnson): Oui. Peut-être qu'il y

en a d'autres avant lui, comme ministres, qui l'ont entendu et qui sont partis.

Mais, essayons donc une bonne fois de faire du travail. C'est vrai que c'est périmé. C'est vrai que c'est vieux jeu, que c'est le déluge pour vous. Vous n'avez pas eu affaire à tourner bien souvent les pages, ni à regarder les numéros, mais essayons donc un Code du travail. Il y a l'article 99 qui dit qu'en cas de grève... "La grève est interdite aux salariés à l'emploi d'un service public à moins que l'association des salariés en cause y ait acquis le droit suivant l'article 46." C'est fait. Bon. "... et donner par écrit au ministre avis préalable au moins de huit jours lui indiquant le moment où elle pourrait y recourir." Très bien. "Si le lieutenant-gouverneur en conseil — vous l'avez le pouvoir — est d'avis que, dans certains services publics, une grève appréhendée ou en cours met en danger la santé..." —c'est vous, cela — "... la sécurité publique, il peut constituer, à ce sujet, une commission d'enquête..." etc. Si on s'aperçoit que, pendant qu'on négocie des services essentiels, on ne le fait pas avec diligence et bonne foi, on prend la loi et on dit: Vous ne l'avez pas fait, c'est bien dommage, il faut que vous soyez aussi intransigeant avec les employeurs que l'ancien ministre l'a été. Je vous le dis et je vous le répète. Il y a encore des gars qui portent des marques parmi les employeurs. Je peux vous dire cela. J'ai devant moi un homme ici qui a négocié 33 heures avec moi, 33 heures, jour et nuit, sans arrêt, et le patron n'est pas sorti bien blanc de là. Pas plus. Je lui ai rendu justice et il peut vous le dire. J'avais entre les jambes la FTQ qui venait de signer un contrat avec toute une partie syndicale autrement, dans le même textile, à $0.03 de différence. Ils avaient signé.

J'étais pris avec la CSN qui, elle, ne voulait pas accepter cela. J'étais pris avec une grosse organisation dans le textile qui valait quelque chose. On a siégé 33 heures d'affilée. Vous relirez ce que M. Pepin a écrit à mon sujet. J'ai conservé cela, M. le ministre, dans mes dossiers. Je le publierai dans mes souvenirs, tellement cela était éloquent.

Je pense que ces gens, qui vivent dans le mouvement ouvrier, ne cherchent pas la guerre, mais n'allez pas leur donner de la dynamite. Vous avez l'article 99 qui est là, vous avez l'article 41, vous avez l'article 126. Qu'est-ce que vous voulez de plus? Faire un geste d'autorité? Ce que je déteste le plus, M. le ministre, et je vous le dis en toute sincérité, c'est quand le gouvernement vient devant la Chambre avec une loi spéciale, même si j'en ai déjà voté. Ce n'est pas moi qui les ai votées d'abord, ce n'est pas vrai. Je n'étais pas ministre dans ce temps-là. Pour le bill 25, je n'étais pas là.

M. Burns: Vous faisiez partie de ce gouvernement.

M. Bellemare (Johnson): Oui, mais ce n'est pas moi qui l'ai votée et ce n'est pas moi qui l'ai présentée.

M. Burns: Non.

M. Bellemare (Johnson): Non. J'en ai souffert aussi après. Je n'ai pas été battu, mais il y en a d'autres qui l'ont été. Si encore on n'avait pas le code. Si on disait: II n'y a rien qui y pourvoit. Non, on a eu le bill 89, on a eu le bill 24, on a eu le bill 31 et on a eu bien des choses. C'était très bien, mais cela ne s'est pas fait. Pendant les négociations, mon cher monsieur, ce n'est pas le temps d'établir quels sont les services essentiels. J'ai fait ma part dans le débat. Si, M. le ministre, vous ne voulez pas le reporter à trois mois pour meilleure étude, meilleure présentation, comme le bill 31, j'accomplirai mon devoir et je voterai contre, je vous le dis. J'ai beaucoup d'amitié pour vous, même si je vous chicane parfois, mais je ne suis pas capable d'accepter cela, parce qu'eux me disent qu'un tiers ils n'en prendront pas. Si c'est exécutoire, ils n'en prendront pas. Moi, je dis que le Tribunal du travail, cela ne devrait pas être le tiers.

Ce matin, M. Pepin a dit: II y a une grande liste au Conseil supérieur du travail. On la change chaque année, si quelqu'un a rendu de mauvaises décisions. Vous le savez, on l'a changé le Conseil supérieur du travail, spécialement pour vous donner la chance de les changer tous les ans, si vous le vouliez. C'est moi qui ai fait cela. On le change tous les ans. Le patron n'est pas content; on discute cela ensemble au conseil supérieur, on fait la liste et on l'envoie. Elle est annuelle. M. Pepin dit: On en prendra un là. Ne nous arrêtons pas là, par exemple. S'il n'a pas de pouvoir exécutoire, il faudra trouver une soupape, si on ne veut pas se servir du commissaire qui serait nommé, qui viendrait du Tribunal du travail. Si le médiateur, le conciliateur n'a pas de pouvoir, donnons-lui un recours en dehors du gouvernement pour que les parties, après que sa décision sera rendue, puissent la discuter ensemble et qu'il y ait un tremplin.

Vous admettez avec moi, M. Pepin et M. La-ramée, que c'est important, les services essentiels. Je comprends aussi qu'il ne faut pas que ce soit 100% de ceux qui travaillent, si on veut véritablement garder sa force lorsqu'on fait une grève. Je comprends cela, mais imaginez-vous ce qui va se passer s'il n'y a pas de services essentiels du tout. Ce n'est pas beau, cela, M. Pepin, de dire que vous allez braver la loi. Ce n'est pas vrai. Vous aimez cela, la prison? Ce n'est pas vrai; vous n'aimez pas cela. Quand vous êtes allé y faire un petit tour, ce n'est pas moi qui vous ai envoyé là, vous savez. Je connais le gars qui vous y a envoyé. J'espère que les gens vont s'en souvenir. En tout cas, je m'en souviens. Je ne les ai jamais mis en prison, jamais. Même si vous dites que vous êtes prêt à défier la loi, peut-être que cela peut arriver qu'on s'expose aux pires malheurs. Ne dites pas cela. Cela n'aide pas la cause de nos ouvriers. Ce n'est pas vrai. Dans votre coeur, ce n'est pas vrai. Vous ne pensez pas cela. Je vous connais. Vous êtes un peu comme moi. Mais ce n'est pas beau de dire, surtout devant le Parlement: Ecoutez, on vous avertit. Vous avez déjà une bonne part de cela, n'allez pas plus loin. Mais seulement donnez-moi une solution. Si le conciliateur, le médiateur rend une dé-

cision sur des services essentiels qu'il la soumet aux parties et que les parties ne s'entendent pas qu'est-ce qui arrive? Oui, je vous écoute.

M. Pepin (Marcel): Bien. Alors, je vais essayer de reprendre certains points. Vous alliez bien dans votre intervention, sauf les deux ou trois dernières minutes.

Je trouve que vous avez "chiré". En dehors de ça, ça allait très bien et, d'ailleurs, je reconnaissais vos propos colorés et qui représentent des réalités. Je ne voudrais pas, comme législateur, que vous vous placiez uniquement dans la situation du malade de 1972; depuis ce temps, vous avez pris de la force.

M. Bellemare (Johnson): Mon parti aussi.

M. Pepin (Marcel): Je pense que tous les partis aussi ont peut-être un peu besoin de services essentiels à l'occasion.

M. Bellemare (Johnson): Ah oui! Ils en ont eu un dernièrement, mon cher, lors d'un grand congrès.

M. Pepin (Marcel): Cependant, pour être maintenant plus sérieux, pour toucher vraiment ce que vous voulez aborder, je comprends que vous, dans votre façon de raisonner — moi aussi, je peux vous dire que je vous connais assez bien, moins que vous me connaissez, mais je vous connais tout de même assez bien — dans votre façon de raisonner...

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas une mauvaise référence.

M. Pepin (Marcel): Non, je ne le dis d'ailleurs pas en pensant que c'est une mauvaise affaire, au contraire, je peux le dire, j'ai toujours eu pas mal d'amitié pour vous, sauf qu'on s'est chicané bien souvent, peut-être qu'on va le faire. Ce n'est pas bien grave, ça. Mais votre façon de voir les choses, ça reste aussi une façon autoritaire. Vous avez été habitué, vous avez vécu, là, vous me dites: II faut que le Code du travail soit changé, avec raison. Mais au même moment, du même souffle, vous me dites qu'il faut qu'il soit changé mais vous seriez prêt à avoir quelque chose d'autoritaire dans la loi 253, autoritaire dans le sens que le tiers impose aux parties.

M. Bellemare (Johnson): C'est-à-dire que j'ai soustrait le tiers, moi. Je l'ai soustrait, le tiers, parce que j'ai dit dans mon argumentation...

M. Pepin (Marcel): Non, mais même si ce n'est pas le même tiers.

M. Bellemare (Johnson): ... que je ne voulais pas qu'on entame la bonne renommée du tribunal.

M. Pepin (Marcel): Même si ce n'est pas le même tiers.

M. Bellemare (Johnson): Ah bon! C'est d'accord, le tiers serait le conciliateur ou le médiateur.

M. Pepin (Marcel): Très bien, ou un médiateur, peu importe.

M. Bellemare (Johnson): D'accord, un médiateur spécial.

M. Pepin (Marcel): Dans votre thèse autoritaire, le tiers, qui ne serait pas le tiers proposé par le ministre, aurait une imposition à faire, une ordonnance à rendre. C'est là-dessus qu'est la grande divergence entre vous et moi, entre le ministre et moi. Je me dis que, même si la loi prévoyait que le tiers rend une ordonnance, les chances sont — je ne fais pas de menace au Parlement, je regarde la réalité, parce que c'est ce que vous me demandez de faire quand je viens ici, de regarder la réalité. Si on veut se raconter uniquement des histoires, ça ne vaut pas la peine. La réalité va nous conduire à ce que l'ordonnance du tiers, bien souvent, ne sera pas exécutée. Rappelez-vous, si vous voulez qu'on fasse un peu d'histoire, brièvement, ensemble, en 1966, grève dans les hôpitaux. M Johnson est premier ministre, vous êtes ministre du Travail.

M. Bellemare (Johnson): On convoque la Chambre.

M. Pepin (Marcel): Attendez, attendez... M. Bellemare (Johnson): On ne siège pas.

M. Pepin (Marcel): ... laissez-moi faire mon histoire à moi et vous me corrigerez si je me trompe.

M. Bellemare (Johnson): On n'a pas siégé.

M. Pepin (Marcel): Non, mais vous décidez quoi à ce moment-là? De prendre des injonctions dans le cas de 15 à 20 hôpitaux psychiatriques surtout, c'est en 1966. La loi était la même en 1966 qu'en 1972. Les injonctions étaient aussi possibles là-dedans une fois que l'autre fois. Vous autres, vous avez décidé, même si on n'a pas obéi à l'injonction, de ne pas prendre de mesure d'outrage au tribunal. Vous l'avez décidé; en tout cas, vous n'en avez pas pris. Ensuite, vous avez décidé de convoquer la Chambre, nous avons réglé avant que la Chambre soit convoquée. En 1972, le gouvernement qui est au pouvoir, le Parti libéral, prend des injonctions et il va plus loin que ces injonctions; nous autres, on fait comme en 1966, on n'écoute pas ça.

Mais le gouvernement libéral dit: Maintenant, je prends des mesures d'outrage au tribunal. Le monde, ça n'a pas rien changé à la grève. Friedman, le juge, disait: Si, dans le secteur public, la grève est prohibée, je vous préviens, vous n'empêcherez par la grève, vous la rendrez illégale tout simplement. En 1972, donc, ils prennent des mesures d'outrage au tribunal, qu'est-ce que cela a

changé à la situation? Il a fallu qu'ils convoquent la Chambre pour avoir une loi spéciale, la fameuse loi 19, une loi inique, à mon avis très inique, mais en tout cas l'Assemblée nationale l'a fait. Maintenant, si vous voulez avoir un tiers qui impose, qui a une ordonnance, je vous dis, premièrement — et votre expérience des relations industrielles devrait être de mon côté sur ça — dès que je sais que c'est un autre qui peut décider, si je ne m'entends pas, il y a toujours une des deux parties qui décide de ne pas négocier ou de faire semblant de négocier.

L'article 41 auquel vous vous référez, il est vrai de dire qu'il n'y a jamais eu une poursuite, ni au Québec ni au Canada, parce que la même loi existe dans les autres provinces, avec les mêmes mots ou à peu près, sur la question de bonne foi ou avec diligence. C'est trop difficile de prouver la bonne foi ou la mauvaise foi. Il existe certains précédents suivant l'application de la loi Taft-Hartley aux Etats-Unis, mais eux, ils ont décidé de définir ce que voulait dire "bonne foi" et avec des critères tellement généraux qu'il n'y a à peu près pas de causes de ce côté-là.

Je veux vous mentionner, M. Bellemare, que vous, votre concept, il est autoritaire. C'est toute votre formation, tout cela. Moi, je veux plaider ici, j'essaie de le faire avec toute la conviction que je peux, de laisser une chance aux parties d'avoir leurs propres responsabilités. Vous leur enlevez leurs responsabilités lorsque vous dites: J'ai la "limit switch" au bout, et il y a un tiers qui va décider pour toi si tu ne t'entends pas.

M. Bellemare (Johnson): M. Pepin, est-ce que je peux vous poser une question, si vous permettez?

M. Pepin (Marcel): Allez-y.

M. Bellemare (Johnson): Je vous suis, d'accord. Je dis aux parties: Vous allez être des gens raisonnables, vous allez comprendre l'impact que cela cause, vous allez vous entendre sur les services essentiels. Si les parties ne s'entendent pas, qui va décider? Vous allez être obligés de revenir devant le Parlement et le Parlement va être obligé de décider. C'est cela. Cela ne peut pas être autre chose.

M. Pepin (Marcel): Attendez.

M. Bellemare (Johnson): Oui, mais écoutez. Dites-le moi. Bon.

M. Pepin (Marcel): C'est cela. Si les parties ne s'entendent pas...

M. Bellemare (Johnson): Bon.

M. Pepin (Marcel): ... et si le rapport du médiateur, dû au non-accord des parties, le rapport du médiateur n'est pas suivi par personne, à un moment donné le Parlement va se réunir de nouveau.

M. Bellemare (Johnson): C'est cela.

M. Pepin (Marcel): Mais pensez-vous que le Parlement ne se réunira pas quand même de nouveau s'il y a une ordonnance qui n'est pas respectée? Pensez-vous que vous allez vous contenter de nous imposer $20,000 d'amende par jour qu'on paiera jusqu'en 1990?

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas cela que je vous ai dit du tout. Ce n'est pas cela que je vous ai dit. Trouvez-moi quelque chose en plus de cela.

M. Pepin (Marcel): Non, je ne peux pas vous trouver autre chose.

M. Bellemare (Johnson): II n'y en a pas, hein?

M. Pepin (Marcel): Non et il n'y en aura pas. C'est la même chose que le droit de grève. Il n'y a pas de substitut au droit de grève comme tel et vous le savez. Il n'y a pas de substitut non plus à cette affaire de services essentiels que personne ne peut définir. Ne demandez pas à un juge, même s'il était en dehors du Tribunal du travail, d'écrire la loi à votre place. Souvenez-vous du jugement du juge Deschênes de la Cour supérieure...

M. Bellemare (Johnson): Lorsqu'il a parlé des injonctions?

M. Pepin (Marcel): Dans le cas de la CTCUM... M. Bellemare (Johnson): Oui.

M. Pepin (Marcel): ... parce que la ville de Montréal ou la CTCUM comme telle a décidé de faire la folie de prendre 300 mesures d'outrage au tribunal. Moi, j'étais bien content dans mon bureau. Je me disais: Sont-ils assez caves, à mon avis? 300? Ils en ont pris 290 de trop.

M. Bellemare (Johnson): C'est cela.

M. Pepin (Marcel): Qu'est-ce que le juge a dit dans son jugement? Il dit aux législateurs: Aie! C'est à vous autres à décider. Ce n'est pas à moi à faire la loi. Vous me demandez de faire la loi. La loi actuelle demande à un juge de faire la loi, je rappelle cela aux députés et au ministre présents. Mais ce que je veux vous dire...

M. Bellemare (Johnson): Mais le juge Deschênes avait ajouté aussi que ce n'est pas à coups d'injonctions que vous allez écraser la masse. Il avait dit cela aussi.

M. Pepin (Marcel): C'est vrai. Oui. Et là, le gouvernement en appelle de cette décision, devant la Cour d'appel, parce qu'il veut que le jugement soit défait. En tout cas, c'est une autre affaire, c'est la cour qui aura à décider, ce n'est pas moi.

Ce qui est différent entre nous, ensemble,

c'est que vous, c'est la mesure autoritaire comme le ministre; moi, c'est la mesure de responsabilités des parties. Quand vous me dites: S'il n'y a plus personne qui décide, c'est là que je ne te suis pas. S'il n'y a plus personne qui décide, ce n'est pas bon.

Moi, je vous relance la balle. Même s'il y a quelqu'un qui décide et que ce n'est pas suivi — et ce n'est pas une menace, je vous dis tout simplement les choses comme je pense qu'elles vont se passer dans beaucoup de cas — où est-ce que vous êtes le mieux placé? Vous avez un argument de plus contre nous? Vous avez des amendes?

M. Bellemare (Johnson): Non, vous venez de le dire. Le Parlement va se réunir et va passer une autre loi.

M. Pepin (Marcel): Je n'ai pas dit cela. J'espère que le Parlement n'aura pas à se réunir dans cette hypothèse, dans le sens suivant: La pression sur les parties va être assez forte pour que celle-ci, à moins qu'une des deux parties, disons la partie patronale en l'espèce, dise: Moi, je vais provoquer la convocation de la Chambre. Je peux vous dire qu'en 1972, ce sont les administrateurs d'hôpitaux qui ont provoqué la convocation de la Chambre parce qu'il y avait moyen de s'entendre. Pourquoi les $100 que je réclamais en avril n'étaient pas vrais et qu'ils ont été vrais lorsque le bordel a pris, lorsqu'on a été emprisonnés. Cela a été vrai au mois d'octobre. Pourquoi cela n'était-il pas vrai en avril et était-il vrai plus tard? Qui a provoqué la convocation de la Chambre? Nos demandes, on nous les a données après. Mais je pense que ces choses-là, cela mérite qu'on se les dise.

Aujourd'hui, on vous dit: Essayez une autre formule, essayez-en une pour une fois. Essayez une formule syndicale pour une fois. Ce n'est pas arrivé souvent au Parlement, je le dis au ministre.

M. Bellemare (Johnson): Hé! Hé! Hé!

M. Pepin (Marcel): Ce n'est pas arrivé souvent au Parlement, d'adopter des lois...

M. Bellemare (Johnson): Vous m'avez déjà fait adopter quelques projets de loi.

M. Pepin (Marcel): Pas le projet de loi 290, en tout cas.

M. Bellemare (Johnson): Non, monsieur, le projet de loi 290, on a siégé assez longtemps dessus. Il avait été amendé et vous l'aviez accepté quand même.

M. Pepin (Marcel): Jamais de la vie. M. Bellemare (Johnson): Voyons donc!

M. Pepin (Marcel): Relevez les Débats de la Chambre.

M. Bellemare (Johnson): Voyons donc. On a négocié assez longtemps ensemble pour savoir comment cela s'est passé.

M. Pepin (Marcel): Voyons donc. Vous me disiez: Fais un beau geste, adopte-le. Regardez les Débats de la Chambre — ma mémoire est assez bonne de ce côté — vous verrez que jamais je n'ai adopté ce projet de loi. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici, je pense bien. Je veux dire ceci au ministre et aux députés libéraux en particulier...

M. Bellemare (Johnson): Ah bon!

M. Pepin (Marcel): ... qui vont, sans doute, suivre la ligne du parti: Pour une fois, y a-t-il moyen de briser cela, si vous croyez que cela n'a pas de bon sens? Je sais bien que c'est utopique dans un Parlement britannique.

M. Bellemare (Johnson): Ah non! C'est rêver en couleur.

M. Pepin (Marcel): II me semble que vous devriez essayer une fois de suivre notre thèse, au lieu de suivre la thèse des patrons. Là, vous êtes associés avec les patrons. Tout de suite, Charles Per-reault, le même jour a dit: II est bien bon, ce projet de loi. Cela a du bon sens. C'est avec lui que vous êtes. Ce sont vos associés naturels. Brisez cela une fois. Essayez d'autre chose. On veut aussi le bien.

M. Bonnier: Le député de Johnson me permettrait-il de demander à M. Pepin de continuer jusqu'au bout?

M. Bellemare (Johnson): Je n'ai rien dit. M. Bonnier: Pardon?

M. Bellemare (Johnson): Je n'ai rien dit.

M. Bonnier: Non, mais c'est votre question, c'est votre intervention. C'est pour cela que je ne veux pas vous interrompre.

M. Bellemare (Johnson): Ah! Il répond à tous nous autres, pas plus à moi. Ecoutez un peu, je ne suis pas si important.

M. Bonnier: Supposons qu'ils ne s'entendent pas sur une base volontaire...

M. Bellemare (Johnson): Je vais être important pour voter.

M. Bonnier: Le médiateur fait un rapport et ils ne s'entendent pas. Mais, comme les services essentiels sont nécessaires, il faudrait peut-être que la Chambre intervienne. Personne n'espère cela, mais au cas où cela arriverait.

Entre-temps, M. Pepin, pour qu'il n'arrive pas de malheurs dans les centres hospitaliers, par exemple, est-ce qu'on peut empêcher que la grève commence avant, si jamais cela se produisait comme cela?

M. Pepin (Marcel): Puis-je vous dire d'abord — peut-être, allez-vous penser que c'est une blague, mais je pense que c'est vérifiable au ministère des Affaires sociales — qu'en 1966 il y a eu une grève de trois semaines dans 115 ou 120 hôpitaux ou à peu près. Le taux de mortalité au Québec a diminué pendant la grève. Evidemment, les médecins!

M. Bellemare (Johnson): II n'y avait plus de malades dans les hôpitaux.

M. Pepin (Marcel): Une minute! On ne meurt pas uniquement à l'hôpital. Les médecins ne s'occupaient pas de leurs malades, alors ceux-là ne mouraient pas.

Je pense, cependant, que je peux dire que le taux de mortalité a dû augmenter après le conflit, quand ils ont commencé à s'en occuper. Cela peut être pris sur le plan de la blague. Si vous pouviez savoir qu'une grève, pour un employé d'hôpital, d'une semaine, deux semaines, trois semaines, psychologiquement, c'est plus dur que pour un travailleur d'usine qui va faire une grève pendant six mois ou douze mois. Si vous saviez le genre de débat qui intervient. Il y a des cas extrêmes, mais la moyenne des gens, quand ils parlent, au cours d'une grève d'hôpitaux, de services essentiels, je ne pense pas me tromper en disant que, dans plusieurs cas, dont Sacré-Coeur, de Montréal, où Renaud Flynn a travaillé, l'administration, à l'époque, avait demandé tels services essentiels, ce sont les représentants syndicaux qui ont dit à l'administration: Vous oubliez tel service.

Il y a une certaine conscience aussi qui s'établit. Les employés d'hôpitaux, ce ne sont pas tous des bandits, au contraire. Ils veulent donner le service. Pour ma part, si on accepte de vivre l'expérience qu'on suggère, je pense que vous n'aurez pas à intervenir.

Si les administrateurs hospitaliers le font exprès, provoquent, si les services de presse du gouvernement essaient de mettre en exergue certains cas pénibles qui existent dans le quotidien, même s'il n'y a pas de grève, bien sûr il peut y avoir une flambée de l'opinion publique qui jouera contre nous. Mais je pense qu'il y a moyen de faire cet effort, vous rappelant encore que, même si vous adoptez le projet de loi no 253, s'il n'est pas écouté, si on n'obéit pas, êtes-vous mieux placés? Je ne le pense pas.

M. Bonnier: Maintenant, seulement une petite question, si vous me permettez, M. le Président, il est tard. Si, au lieu qu'on soit obligé, dans un cas hypothétique, où cela ne fonctionnerait pas du tout, après le rapport du médiateur, de réunir l'Assemblée nationale, est-ce que vous croyez que l'effet psychologique — c'est une question dont j'ai parlé ce midi quand on s'est arrêté, il y a un effet psychologique et c'est vrai... Je pense que plus les gens sont impliqués dans un règlement, plus il y a un effort personnel, plus il y a des chances qu'ils réussissent. C'est votre thèse et cela a un certain bon sens, quoique là on a affaire à des services hospitaliers. Il n'y a personne, dans le fond, qui voudrait qu'il arrive de malheurs. Dans le fond, c'est cela. Autant vous autres pour une loi que l'autre. Si, au lieu de réunir l'Assemblée nationale, on avait un dispositif qui pourrait, je ne sais pas si c'est un juge ou un autre, mais qui aurait un pouvoir exécutoire, est-ce que vous croyez, à ce moment, que c'est aussi arbitraire comme approche?

M. Pepin (Marcel): Oui, en tout cas, je n'ai pas imaginé, je n'ai pas réfléchi à votre question. On peut peut-être le faire, mais je trouve que l'Assemblée nationale est très arbitraire dans ce domaine, parce que c'est décidé, dans le fond, par une, deux, ou trois personnes. Le reste suit à l'Assemblée nationale, mais c'est comme cela que notre démocratie est faite. Notre façade de démocratie, c'est comme cela qu'elle fonctionne. Sauf que vous avez peut-être raison, mais il me semble que, quand le cabinet a pris la décision, vous avez bien de la misère à voter contre quand vous êtes dans ce parti...

M. Bonnier: Avec n'importe quel parti.

M. Pepin (Marcel): ... sauf exception. Peut-être qu'à la prochaine élection il y aura des travers si vous étiez à rencontre d'un projet de loi. Est-ce qu'il peut y avoir autre chose entre l'Assemblée nationale et cela? En tout cas, je ne peux pas imaginer ce qu'il pourrait y avoir. Il serait peut-être mieux d'essayer de régler la cause des conflits sociaux que de regarder uniquement le règlement des épiphénomènes que sont les grèves. Vous savez, sans entrer dans un autre débat — si le président me le permet, si je vais trop loin, vous me le direz — à l'heure actuelle, ce que vous faites comme gouvernement, vous agissez uniquement dans une société libérale au sens économique du terme. Il y a un groupe qui est plus fort, je lui en donne plus. Un groupe est plus faible, je lui en donne moins. Vraiment, c'est une démonstration complète que les besoins des individus, vous ne vous en préoccupez absolument pas. Ce dont vous vous préoccupez, c'est de maintenir dans le plus pur classicisme tout ce qui existe comme tradition. Je trouve cela absolument malheureux que vous agissiez comme cela. C'est pour cela que je vous dis qu'on ne sera peut-être pas...

M. Bonnier: Je voudrais quand même que vous croyiez que ce n'est pas nécessairement cela dans les faits. Cela peut être la perception.

M. Pepin (Marcel): Dans les faits, je peux vous le démontrer, si vous voulez. Un groupe, 44%; un autre groupe, 28%. Le groupe de 28%, c'est un groupe qui est moins salarié à l'heure actuelle que l'autre; dans une période d'intense inflation, ce monde a besoin de vivre dans le quotidien. Les plus haut payés, vous leur en offrez plus qu'aux plus bas payés. J'appelle cela le maintien de la société libérale. Vous faites cela. Le gouvernement fait cela, pourquoi? Parce que les employeurs privés ne peuvent pas endurer autre chose. En 1972,

je vous demandais $100 par semaine, et je suis venu ici devant la commission parlementaire, après l'adoption de la loi 19, avec tout le groupe du front commun; c'était de l'aberration de demander $100 par semaine à l'époque. Quelques mois plus tard, parce qu'il y avait eu du trouble au Québec, au mois de mai, les $100 devenaient possibles.

Je vous suggère beaucoup de regarder les causes des conflits et de ne pas régler uniquement les épiphénomènes que sont les grèves. J'ai fait un obiter dictum, comme diraient les savants juristes à la suite de l'intervention du député.

Le Président (M. Séguin): Le député de Sainte-Marie.

M. Malepart: M. Pepin ou M. Laramée, je pense bien que dans les discussions il y a quand même trois composantes. Il y a la partie patronale, la partie syndicale, il y a les patients. Quand vous mentionnez faire une pression morale sur l'opinion publique, je pense bien que vous savez autant que moi que l'opinion publique n'a pas tellement de structure pour se faire entendre, pour se faire valoir. L'opinion publique, je me demande sur quelle base d'information elle peut juger qu'un tel ou un tel est en faute; même parfois, nous autres mêmes, on a de la difficulté à savoir quel côté a tort et quel côté a raison. Tantôt je vous ai posé la question, à savoir si la partie syndicale avait fait une offre ou une démonstration ou ce qu'étaient pour elle les services essentiels. La FTQ a mentionné qu'elle voulait faire cela sur le plan local.

Il me semble que, pour améliorer la cote, si vous voulez, des syndicalistes — je ne parle pas des syndiqués — vous pourriez peut-être déposer une note écrite, qui soit publique, pour que cela nous permette d'avoir un meilleur jugement. Tantôt, vous mentionniez que les gens sont pris dans une ligne de parti, et tout cela, et je pense bien que les syndiqués sont quand même pris dans une ligne de parti. Souvent, ils n'ont pas d'écrits...

M. Pepin (Marcel): Pas au Parlement.

M. Malepart: ... même la dernière mesure qui a été prise à l'endroit de la CSN et à l'endroit des travailleurs qui ont voté contre l'augmentation, qui ont eu une sanction, c'est quand même une mesure qui a été prise.

Je pense bien que tout le monde, pour obtenir des "possibilités", est obligé de prendre des mesures assez draconiennes; et même, je pense bien que cela ne vous faisait pas plaisir de les prendre.

Je me demande s'il ne serait pas souhaitable, ou ce n'est peut-être pas possible, ce n'est peut-être pas réalisable, que la partie syndicale établisse clairement ce que sont pour elle les services essentiels, sur le plan local. Je pense que la FTQ a raison de dire qu'à l'hôpital Notre-Dame et dans un foyer d'accueil les services essentiels sont différents, compte tenu des besoins, pour que la population puisse juger, pour que la population ait la possibilité de dire: C'est l'administrateur qui a tort, il n'a pas voulu négocier, ou c'est la partie syndicale qui n'offre pas suffisamment.

M. Laramée: Si vous touchez strictement à la raison pour laquelle la FTQ a voulu négocier au niveau local les services essentiels, il y a des facteurs importants dont on doit tenir compte. Il y a le nombre de cadres disponibles, le taux d'occupation au moment où le conflit se produira, la qualité des soins à donner aux patients hospitalisés à ce moment-là. On doit tenir compte de tout cela et de beaucoup d'autres facteurs encore.

Mais le projet de loi en soi présenté par le gouvernement, compte tenu de ce que M. Burns a mentionné un peu plus tôt et compte tenu de ce que M. le ministre a mentionné également, par rapport au pourcentage d'institutions qui n'avaient pas respecté ou qui n'avaient pas de services essentiels du tout... Prenons l'hypothèse qu'on a développée, c'est que vous ouvrez la porte à la partie patronale et peut-être aussi à la partie syndicale pour refuser de négocier des services essentiels. Vous avez votre organisme qui est très bien structuré pour pallier cela. Il va peut-être y avoir 200 cas. Je pense que le député de Maisonneuve a parfaitement raison quand il dit que, dans l'espace de deux à cinq jours, on devrait normalement arriver à une solution au problème, qu'on ne se soit pas entendu ou qu'on se soit entendu. Mais si cela est référé par groupes de 100 ou de 150 cas à votre organisme, à quel moment pourra-t-il, sur une base de deux à cinq jours par institution, porter un jugement de valeur et qui permette aux gens d'exercer un droit que lui donne le Code du travail?

Il y a tout cela à considérer aussi. Je prends les chiffres que nous a mentionnés M. le ministre. C'est 40% des institutions qu'on représente, à deux à cinq jours. A quel moment les gens pourront-ils exercer un droit que leur donne le Code du travail?

Cela va faire quoi? Les gens vont tout simplement, comme le mentionnait le président de la CSN, être doublement enragés pour se battre, et on se réserve des lendemains douloureux pour tout le monde, je pense bien.

La négociation doit se faire sur le plan local, selon nous. Une déclaration de principe selon laquelle on est d'accord avec des services essentiels dans le secteur hospitalier, je pense que cela a déjà été fait, et la question ne se pose pas. Maintenant, les services essentiels ne sont pas les mêmes d'une maison par rapport à l'autre et compte tenu de l'employeur aussi. L'employeur, dans certains cas, voudrait avoir plus de personnes pour des services essentiels qu'il y en a durant les fins de semaine et avec un taux d'occupation peut-être réduit à 50%. Il y a tout cela dont il faut tenir compte, évidemment.

M. Pepin (Marcel): Je souscris à ce que le vice-président de la FTQ, Roger Laramée, a mentionné; nous aussi, nous croyons que c'est sur la base locale que cela doit se faire. S'il y a eu des approches au niveau provincial, c'était pour fixer des cadres très généraux. Ce n'est pas possible, comme tout le monde le sait, et il y a tellement de choses qui peuvent changer rapidement qu'au

plan provincial, il n'y a personne qui va faire des déterminations de services essentiels. C'est au plan local. Vous réclamez le plan global mais, dans votre question, mais puisque vous êtes d'accord avec la FTQ et avec nous, et dans le texte que j'ai donné ce matin, c'est toujours au plan local que je vois la détermination, je pense qu'un texte général n'est pas nécessaire, parce qu'il ne serait pas approprié et ne correspondrait pas à la réalité.

M. Malépart: Dans ma question, ce que je voulais — je me suis mal exprimé — c'est que la partie syndicale présente des demandes à la partie patronale.

M. Pepin (Marcel): Pour les services essentiels?

M. Malépart: Non. Vous présentez des demandes pécuniaires, des demandes concernant les choses du travail. Mais présentez-vous aussi une demande pour les services essentiels? Faites-vous une proposition?

M. Pepin (Marcel): Nous demandons de négocier.

M. Malépart: Négocier tout simplement, mais vous n'avez pas...

M. Pepin (Marcel): Je pense d'abord que, dans ce domaine, l'administration... est normalement un peu mieux placée que nous pour formuler ce qu'elle considère essentiel. Nos gens ont à vérifier pour voir si c'est assez exact et, s'il y a des choses vraiment exagérées, à le dire. Je pense que la meilleure réponse que je peux vous donner, si je comprends bien votre question après tout ce que j'ai expliqué ce matin et Roger Laramée aussi, c'est la position des centrales syndicales.

Personne ne pourra nous dire qu'on est contre le maintien des services essentiels. Au contraire. On a essayé, j'espère, aujourd'hui, de faire une démonstration, même si on ne s'entend pas encore avec le ministre ou s'il ne s'entend pas encore avec nous.

Mais je pense que c'est là la meilleure position que nous puissions prendre et la plus sécurisante. C'est pour cela que j'insiste encore pour que le ministre révise sa position. Je pense qu'il est sur le point de le faire.

Le Président (M. Séguin): Le ministre des Affaires sociales.

M. Forget: M. Pepin a dit qu'il voulait être éloquent. Il l'a été, effectivement, ce qui ne veut pas dire qu'il a marqué tous les points qu'il voulait marquer; malgré tout, je lui rends hommage au moins pour l'éloquence avec laquelle il a plaidé le point de vue de l'organisme qu'il représente.

Je voudrais noter ici qu'il n'y a pas de différend entre tous ceux qui se sont exprimés sur la nécessité de négocier les services essentiels sur le plan local. Il est clair que cela ne peut pas se faire en théorie et abstraitement. Ce sont des choses qui varient même d'une heure à l'autre, d'une journée à l'autre et, là-dessus, on est parfaitement d'accord.

Le problème soulevé par M. Laramée de la grande multiplicité des situations qui doivent toutes se régler en même temps dans une optique ou dans une autre, de toute manière, qu'il s'agisse de nommer un conciliateur ou qu'il s'agisse de nommer des commissaires adjoints, c'est essentiellement une question de nombre.

Il s'agit de pouvoir avoir assez de monde sur une liste de gens qui paraissent acceptables et qui paraissent qualifiés pour le faire, qui connaissent le milieu, qui connaissent les problèmes des relations du travail pour aider ou décider selon la formule envisagée, mais c'est essentiellement le même problème dans tous les cas.

Comme M. Pepin — et je voudrais terminer là-dessus — a donné des obiter dictum, comme il l'a dit lui-même, sur les intentions de la partie patronale dans tout cela, j'aimerais lui rappeler une chose: Bien sûr, nos offres ne sont pas des offres qui sont un exercice de pure arithmétique et qui visent à accorder à tout le monde la même somme ou une parité absolue de traitement. Il y a des différences dans les offres, mais elles n'avantagent pas seulement ceux qui sont en haut de l'échelle. Les ouvriers ont bénéficié du même taux d'augmentation que les infirmières et pour des raisons différentes, mais c'est quand même un groupe qui se situe en bas de l'échelle plutôt qu'en haut.

Donc, il n'y a pas cette intention de privilégier ceux qui sont déjà privilégiés. Au contraire, d'autres considérations beaucoup plus complexes nous ont guidés.

Mais je ne le mentionne moi aussi que comme un obiter dictum, parce que c'est étranger au débat.

L'essentiel de l'appel qu'a fait M. Pepin devant nous a été de nous inviter à prendre une approche nouvelle, à prendre l'option que nous suggèrent les centrales syndicales.

J'ai été heureux de voir qu'en réponse à la question du député de Johnson, on a quand même donné une indication qui, à mon avis, est significative et je pourrais lancer le même appel, renvoyer la balle à M. Pepin à ce sujet en lui demandant de voir s'il n'est pas possible aussi, du côté syndical, de prendre une approche nouvelle.

Vous avez rappelé avec beaucoup d'à-propos que les derniers conflits de travail dans le secteur public et parapublic se sont réglés, si l'on peut dire, par l'intervention du législateur, par l'intervention de l'Assemblée nationale.

Dans le fond, le "limit switch" ou le cran d'arrêt dans la procédure que vous nous invitez à suivre est effectivement l'intervention de l'Assemblée nationale.

Vous nous dites: II n'y a pas de substitut à cela. Il faut finalement que cette responsabilité soit assumée. Mais je me demande si on ne souhaite pas secrètement l'intervention de l'Assemblée nationale dans tout ceci.

Je me demande si ce n'est justement pas sur ce point qu'une approche nouvelle est nécessaire. Si l'on veut négocier, si l'on veut que la négociation produise ses fruits, il ne faut pas commencer avec cette hypothèse de travail que ce sera éventuellement, à la fin, l'intervention de l'Assemblée nationale qui fera terminer le débat, qui fera régler les situations. Ce genre de solution a peut-être été, effectivement, plus favorable dans le passé, face à des demandes qui ont été exprimées du côté syndical. Peut-être qu'effectivement avons-nous, par nos institutions, par notre façon d'agir, encouragé des règlements par voie législative. Mais je pense que c'est de ce côté qu'il faut une approche nouvelle. C'est de ce côté qu'il faut essayer de redonner à la négociation son sens véritable qui n'est pas, même si — et cela on l'a répété à nous en rendre sourds — le patron est à la fois le législateur. Essayons donc de distinguer ces deux fonctions.

C'est l'effort que l'on fait dans ce projet de loi, dans le fond, d'éviter d'avoir, dès le départ, à prévoir l'intervention de l'Assemblée nationale, et de laisser les parties négocier, à l'intérieur de ce qu'elles peuvent négocier elles-mêmes sans l'intervention du législateur. Le législateur n'est pas seulement le patron c'est beaucoup plus que cela qui intervient dans le règlement du conflit. C'est l'opinion publique qu'on a invoquée aussi.

Mais cette approche nouvelle, est-ce qu'on ne peut pas, pour une fois, essayer de ne pas supposer, au départ, qu'on va légiférer pour terminer le tout parce que ce n'est pas bon, je pense, pour les relations du travail dans le secteur des Affaires sociales, comme dans d'autres secteurs. Ce n'est pas bon pour le processus de négociation et le climat des relations de travail dans l'intérim. Parce que dans l'intérim, il n'est pas question que le législateur intervienne tout le temps. Il n'intervient qu'en situation de crise. Et à la fin, on va finir par provoquer des crises pour se donner des raisons de faire le règlement que tout le monde attend parce qu'on n'a pas autre chose.

Moi aussi, je vous fais un appel à essayer de voir s'il n'y a pas une autre façon. La façon qu'on a essayé d'esquisser dans ce projet de loi, c'est de donner aux parties le moyen d'aller jusqu'au bout de leur contestation dans le cadre du code du travail qui suppose un arrêt de travail. Mais l'arrêt de travail, pour ce faire, il ne faut pas qu'il soit tellement dur pour le public, il ne faut pas qu'il soit tellement odieux dans ses conséquences. D'accord on peut dramatiser, etc. Il ne faut pas exclure cela aussi, les possibilités de le dramatiser. Donc, essayons de les éviter, essayons loyalement de les négocier sur le plan local, mais donnons-nous un mécanisme autre que l'intervention de l'Assemblée nationale. Au moins, c'est une approche qui me semble aussi et même plus respectueuse du code du travail que l'autre.

M. Pepin (Marcel): M. le Président, est-ce que vous me permettez? Je veux simplement dire quelques mots sur les propos du ministre. Je pense que si l'on est vraiment à la recherche de formules nouvelles, on n'aura pas dans la loi les formules de contrainte comme celles que vous suggérez. Il me semble qu'on serait peut-être sur le point de conclure un accord si on dit des choses analogues. Vous me dites: L'appel que vous nous lancez, je vous retourne la balle. Je vous dis: Votre projet de loi, ce n'est pas dans la nouveauté des affaires. Ce n'est pas dans la nouveauté parce qu'il y a toujours cette question de pénalité, de contrainte. Ce qui serait nouveau, c'est que ce soit une approche bien différente de celle qu'on a mise de l'avant avec les correctifs, sans doute, que vous voudrez bien y apporter, mais ce qui serait nouveau, c'est que l'Assemblée nationale n'ait plus à intervenir.

Permettez-nous de vous rappeler, M. le ministre, que la loi 19 ayant été adoptée, elle prévoyait un mécanisme de décret s'il n'y avait pas accord entre les parties. Vous le savez, dans les affaires sociales, c'est votre secteur. Même si cela aurait été facile pour nous de dire: Ils prévoient un décret? On va les laisser voter leur décret et on dira à nos membres: Vous n'aimez pas cette clause? C'est la faute du cabinet des ministres. Ce n'est pas notre faute.

Nous n'avons pas agi de cette façon. On a négocié une convention. Encore une fois, cela aurait été simple. Je pense que, de ce côté, nous avons fait preuve d'une certaine maturité. Je ne fais pas de grief et je ne dis pas que les autres qui ont eu un décret étaient dans notre condition. Pas du tout, je ne fais pas ce parallèle. Mais je peux vous dire que de notre côté, du côté de la FTQ, du côté de la CSN, nous avons signé une convention, même si on aurait pu facilement dire: Décrétez, on va aller trouver nos membres et on va leur dire: C'est eux qui sont responsables uniquement.

Je pense que, si on veut faire quelque chose de neuf de part et d'autre, on va essayer de s'enlever cette idée de l'Assemblée nationale et on va se mettre à négocier. Si, au point de départ — parce que je considère que c'est à peu près le point de départ des négociations, à l'heure actuelle — on a cette contrainte sur la tête, je trouve que vous ne nous aidez pas. C'est pour ça que je vous dis encore une fois: Y a-t-il moyen que vous remettiez votre loi à un peu plus tard? Ce n'est pas une cassure, comme on dit en français, pour l'instant. Y a-t-il moyen de remettre ça. Cela montrerait que le ministre des Affaires sociales — il ne s'est pas trompé en déposant le projet de loi; ce n'est pas ça qu'il faut démontrer — accepte ce qui lui a été dit et qu'il le remet à plus tard. Ce sera aux calendes grecques ou ce sera plus tôt, dépendant des circonstances.

Je fais donc cet appel et j'espère que, de là, les négociations, même pendant les Fêtes, pourraient reprendre, se continuer pour en arriver à un règlement négocié. C'est tout ce que j'ai à dire. Je voudrais vous remercier au cas où ce serait terminé, parce que c'était peut-être un peu dur, ce que j'ai dit à certains moments, mais je pense que ces choses méritent d'être dites. Même si on n'a pas beaucoup confiance, parfois, de gagner quelque chose, j'espère que cette fois-ci, avec vous,

avec les députés, on va gagner quelque chose et que vous allez réviser votre position. Merci.

Le Président (M. Séguin): Est-ce que quelqu'un voudrait proposer une motion d'ajournement?

M. Burns: M. le Président, avant la motion d'ajournement, je veux simplement remercier M. Laramée et M. Pepin. Pour ma part — et ce n'est pas parce que vous êtes des individus que je connais très bien, qui sont de mes amis en dehors du cadre parlementaire — je veux vous dire très sincèrement que vos interventions à tous deux — j'imagine que c'est avec l'aide également de vos collaborateurs que je remercie par le même biais — m'ont très sérieusement éclairé. Je vous avoue que je me rends compte que c'était nécessaire qu'on entende, tout au moins, les représentants des centrales, en tout cas celles qui ont voulu venir se faire entendre.

Pour moi, cela a été enrichissant. Même si je viens du milieu syndical, j'ai appris un paquet de choses aujourd'hui. Je peux vous dire, MM. Laramée et Pepin, que je pense que ça va également nous éclairer quant à la façon de traiter le projet de loi, s'il doit revenir, contrairement au souhait de M. Pepin qui vient juste d'être exprimé à l'endroit du ministre. Si jamais, il revient la semaine prochaine, je pense qu'il y a une série de choses qui vont motiver notre action au niveau des amendements que nous aurons à proposer, etc. En tout cas, en terminant, je vous remercie infiniment pour votre très constructive intervention.

Le Président (M. Séguin): Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): Je n'ai pas besoin de vous dire combien j'ai trouvé que vous vous étiez amélioré. Je vous félicite de cette amélioration sensible, vous vous approchez tranquillement du... Badinages à part, je pense que c'est une journée qui est assez merveilleuse et je tiens à vous féliciter très sincèrement et à vous remercier de cet apport généreux que vous avez fait au débat. Maintenant, ce n'est pas terminé. Il y aura, la semaine prochaine, l'étude article par article; il y aura des amendements. On n'est pas nombreux, je ne sais pas si on gagnera. On a déjà...

M. Burns: A moins que le ministre n'accepte leur suggestion de remettre le projet de loi à plus tard.

M. Bellemare (Johnson): Ce serait tellement facile, pour le ministre de dire yet. Merci au président qui a été aussi très indulgent pour nous autres.

M. Burns: Je propose l'ajournement, M. le Président.

M. Forget: M. le Président, juste avant de terminer, je voudrais me joindre à mes collègues de la commission pour remercier ceux qui se sont déplacés pour venir avec un délai de préavis extrêmement court; moi-même, j'ai énormément apprécié leur contribution. Quoiqu'ils en pensent, je vais très certainement réfléchir à tout ce que j'ai entendu aujourd'hui, au cours des deux prochains jours.

Je voudrais donner une indication brève à la suite de l'engagement que j'avais pris vis-à-vis des membres de la commission relativement au rapport Morin, ce qui n'est pas le rapport Morin, mais le rapport du CCTM. Ce rapport est effectivement public et il a été reproduit et déposé à l'Assemblée nationale il y a environ deux semaines, dans le sixième rapport annuel du conseil consultatif. Donc, c'est déjà chose faite. C'est le sixième rapport annuel.

M. Bellemare (Johnson): C'est le rapport de Morin. Il est dans cela?

M. Pepin (Marcel): Me permettez-vous encore?

M. Forget: Pour ce qui est du dossier, le dossier que vous avez mentionné...

M. Pepin (Marcel): Je ne pense pas que ce soit suffisant, uniquement, le rapport Morin.

M. Forget: Le dossier, c'est une désignation assez vague pour tous les documents et les papiers du conseil lui-même, qui l'ont amené à donner cet avis au ministre. De ce côté-là, M. le Président, il est clair que je ne peux pas, et même mon collègue du ministère du Travail ne peut pas, sans consulter le conseil, publier les documents de travail qui leur ont servi.

J'ai aussi à mon ministère un conseil consultatif et c'est une chose que je ne permettrais pas de faire dans une circonstance analogue sans que le conseil lui-même le fasse.

M. Bellemare (Johnson): Si vous me permettiez, seulement une question?

Est-ce que la CSN pourrait nous remettre une de ses copies, comme la FTQ l'a fait et on s'entendra de l'autre côté pour en avoir une s'ils ne veulent pas nous le donner. Ce sont des documents qui appartiennent au Conseil supérieur du travail. Cela n'appartient pas au cabinet des ministres. Ce sont des documents publics. Si vous l'avez...

M. Pepin (Marcel): Moi, j'ai l'impression que vous n'auriez aucune difficulté, à demander au ministre du Travail et dire à M. Morin: Produisez à l'Assemblée nationale — c'est d'intérêt public — tout le dossier, les échanges qui ont été faits de part et d'autre. Cela ne frustre personne. Si ce n'est pas possible, je pourrai fournir le mien.

M. Forget: Tout ce que j'ai indiqué, c'est que ce sont les documents du conseil et je ne peux pas, séance tenante, décider pour le conseil.

M. Burns: Mais vous n'avez pas d'objection de principe à cela, si jamais le conseil est d'accord?

M. Forget: Je n'ai pas d'objection, mais, encore une fois, ce n'est pas ma décision.

Le Président (M. Séguin): La motion d'ajournement du député de Maisonneuve est-elle agréée? La commission ajourne ses travaux sine die et fera rapport à la Chambre.

(Fin de la séance à 17 h 47)

ANNEXE

Teneur d'un télégramme adressé par le Cartel des organismes professionnels de la santé Inc.

A l'honorable ministre des Affaires Sociales, Monsieur Claude Forget et au Président et aux membres de la Commission Parlementaire des Affaires Sociales

Le CARTEL DES ORGANISMES PROFESSIONNELS DE LA SANTE désire, en premier lieu, s'excuser de ne pouvoir donner suite à l'invitation qui lui a été formulée de faire valoir, devant la Commission Parlementaire des Affaires Sociales, ses représentations sur les dispositions d'un projet de Loi visant à assurer les services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit de travail. L'absence du CARTEL DES ORGANISMES PROFESSIONNELS DE LA SANTE est motivée par sa présence à la table des négociations au moment même où se déroulent les auditions devant la Commission Parlementaire.

Le C.O.P.S. représente des professionnels de la santé pour qui il apparaît naturel d'assurer au public les services essentiels auxquels ils ont droit aussi bien en temps de paix qu'en temps de conflit de travail. D'ailleurs, les membres des organismes professionnels représentés par le C.O.P.S. ont toujours, dans le passé, assuré les services essentiels même au cours des manifestations de leur mécontentement que l'exaspération à l'égard de négociations lentes et souvent insatisfaisantes les a menés à tenir. Le sens professionnel des membres a, dans ces occasions, primé pour ainsi permettre de recevoir les services vitaux requis sans pour autant y être forcés par des dispositions législatives.

Le C.O.P.S. soutient syndicalement qu'il ne saurait cautionner et être en accord avec les dispositions d'une loi à caractère répressif ayant pour effet de rendre illusoires des droits antérieurement consacrés dans d'autres textes législatifs.

Toutefois, si telle devait être la décision des représentants élus de la population, il nous semble que toutes les associations de salariés dans un établissement devraient être invitées par le Commissaire désigné, à se prononcer sur les services minima à maintenir; ce en raison de l'interaction et l'interelation étroites entre les professions et métiers exercés à l'intérieur d'un établissement et dépendamment de l'utilisation des dispositions de l'article 42 du Code du Travail par une des associations des salariés dans un établissement.

Les services assurés en temps normal dans bien des cas ne sauraient, dans les périodes de nuit, congés et autres, satisfaire à une notion étroite de services essentiels que les gestionnaires ne cherchent même pas à atteindre sur le plan des ressources humaines et techniques. C'est le cas de salles d'urgence, de services de garde en technologie médicale, en inhalothérapie et autres. Il ne faudrait pas espérer que les syndiqués professionnels assumeront un fardeau plus lourd qu'au cours des périodes de fonctionnement minimales en temps de paix dû au seul fait qu'ils pourraient être sous le coup d'une loi dont certaines dispositions sont provocatrices et abusives.

LE CARTEL DES ORGANISMES PROFESSIONNELS DE LA SANTE.

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