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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mardi 1 mai 1979 - Vol. 21 N° 60

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 1 - Loi sur le supplément au revenu de travail


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 1

(Vingt heures neuf minutes)

Le Président (M. Clair): La commission parlementaire des affaires sociales est réunie pour procéder à l'étude article par article du projet de loi no 1, Loi sur le supplément au revenu de travail.

Les membres de la commission sont les suivants: M. Forget (Saint-Laurent); M. Goldbloom (D'Arcy McGee); M. Gosselin (Sherbrooke); M. Gravel (Limoilou); M. Grenier (Mégantic-Compton) remplacé par M. Le Moignan (Gaspé). Les autres membres sont M. Lavigne (Beauharnois); M. Lazure (Chambly); M. Martel (Richelieu); M. Paquette (Rosemont); M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Shaw (Pointe-Claire). M. Paquette (Rosemont) est remplacé par M. Desbiens (Dubuc).

M. Alfred: M. Gravel est remplacé par Jean Alfred (Papineau).

Le Président (M. Clair): M. Gravel (Limoilou) est remplacé par M. Alfred (Papineau). Pas d'autres modifications quant aux membres? Les intervenants seront: M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Couture (Saint-Henri), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), Mme La-voie-Roux (L'Acadie), M. Marcoux (Rimouski), M. Marois (Laporte).

Il y aurait lieu de désigner un rapporteur pour les travaux de cette commission. Je propose que ce soit le député de Sherbrooke. Est-ce que le député de Sherbrooke accepte?

M. Gosselin: Oui.

Le Président (M. Clair): Le député de Sherbrooke agira comme rapporteur des travaux de cette commission à l'Assemblée nationale.

M. le ministre d'Etat au développement social.

M. Marois: Quelques mots pour simplement indiquer que j'ai l'intention de présenter — on pourra d'ailleurs distribuer le texte, il est déjà disponible — un amendement pour ajouter un article 7a qui vise simplement à faciliter, pour les bénéficiaires, le calcul du supplément au revenu de travail qui permettrait au ministre de prescrire une table divisée en tranches de revenu pour que ce soit le plus simple possible pour les citoyens. Pour le reste, je suis prêt à procéder immédiatement.

Le Président (M. Clair): M. le ministre, peut-être apprécieriez-vous d'agir à titre de membre de la commission plutôt qu'à titre d'intervenant pour la réunion de ce soir? Alors, je vous propose de remplacer M. Lazure (Chambly) à titre de membre.

Avant d'appeler l'article 1, le député de Saint-Laurent a-t-il des commentaires?

M. Forget: Non.

Le Président (M. Clair): Le député de Gaspé?

M. Le Moignan: Non, aucun commentaire.

Le Président (M. Clair): J'appelle l'article 1.

Définitions

M. Marois: Je n'ai pas d'amendement à proposer.

Le Président (M. Clair): L'article 1 sera-t-il adopté?

M. Forget: Non, M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: II y a là des définitions qui sont des définitions de termes qu'on rencontre dans un grand nombre de mesures, de lois sociales mais aussi de lois fiscales; il y a un certain nombre de choix qui sont faits au niveau de ces définitions.

J'aimerais que le ministre nous explique pourquoi il a retenu ces définitions plutôt que d'autres, en commençant par la première comme il se doit, où on définit des conjoints comme deux personnes qui vivent ensemble et qui sont mariées l'une à l'autre, ou qui vivent ensemble maritalement depuis au moins un an. A l'exception des quatre derniers mots, c'est une définition qui n'est pas identique dans son libellé mais qui est substantiellement la même que celle que l'on retrouve à la Loi de l'aide sociale. On restreint cependant à ceux qui vivent ensemble maritalement depuis au moins un an. Quel est le motif de cette restriction?

M. Marois: Est-ce que le député me permet une question? Vous dites qu'on restreint; dans quel sens?

M. Forget: On restreint dans le sens où, si on enlève ces mots, on a des gens qui peuvent satisfaire à la définition de conjoints mais qui ne vivent pas ensemble depuis au moins un an. Ces gens sont admissibles à l'aide sociale à titre de ménage. Mais un ménage admissible à l'aide sociale en vertu de la Loi de l'aide sociale ne sera pas admissible au supplément au revenu quand ils ne pourront pas faire la preuve d'une cohabitation maritale pendant une période s'étendant de 0 jour à 365 jours. Cela va restreindre les gens qui sont dans cette situation, soit parce qu'ils n'ont pas effectivement cohabité maritalement pendant un an, soit parce qu'ils sont incapables d'en faire la preuve, disons.

M. Marois: Oui. Essentiellement, le problème est le suivant; il fallait trouver une formule équitable, juste, nous permettant d'arriver à quelque chose qui puisse quand même nous amener à respecter une réalité de fait, essentiellement ce

qu'on appelle les conjoints de fait. La grande différence est la suivante: Dans le cas de l'aide sociale, on se base sur le revenu du mois. Tandis que, dans le cas du supplément au revenu de travail, on se base sur le revenu d'une année de travail, qui est l'année antérieure. C'est essentiellement la grande différence. C'est pour cela que, comme on se base sur le revenu de l'année antérieure, la seule façon, et la plus équitable, d'y arriver était celle qui est proposée là, après examen. (20 h 15)

M. Forget: Equitable ou non, selon le point de vue. Prenons le cas de deux couples qui sont dans la même situation, dont l'un — si on se situe aujourd'hui — cohabite maritalement depuis au moins le 1er janvier 1978, et qui peut en faire la preuve, et l'autre qui cohabite seulement depuis le 1er février 1978, leur situation de revenu est la même cette année. Leurs besoins, tels qu'évalués selon les barèmes d'aide sociale, donc, le point d'inflexion ou le point d'allocations maximal est le même parce que, dans une période antérieure, c'est-à-dire essentiellement une période d'un mois, du ter janvier au 31 janvier 1978, ils ne peuvent pas faire la preuve que, pendant ce mois-là, ils ont cohabité maritalement. Maintenant, cette année, ils n'ont pas l'admissibilité au régime de supplément au revenu de travail. C'est équitable, si on veut, mais c'est aussi inéquitable; cela dépend des comparaisons qu'on prend.

M. Marois: Oui, bien sûr. Ce que je dirais simplement, c'est ceci. Encore une fois, il faut tirer la ligne à un endroit et comme, essentiellement, c'est fondé sur le revenu de l'année antérieure et le revenu du ménage de l'année antérieure, c'est difficile d'arriver à autre chose que la solution qui est proposée. Si vous vous en souvenez, dans les interventions en deuxième lecture, cela a même été évoqué. On nous a posé la question suivante: Pourquoi n'avez-vous pas retenu la formule des trois années, retenues dans le cas d'indemnisation pour des fins d'accident d'automobile, par exemple?

M. Forget: Autant dans le cas du régime de rentes.

M. Marois: Voilà! On a essayé de retenir encore une fois ce qui nous semblait être... Il faut tirer la ligne à un endroit. C'est néanmoins vrai, ce que vous évoquez, et je pense bien que je ne vais pas contester ces faits. Cependant, on se base sur le revenu d'une année, après avoir examiné le reste des avantages, les inconvénients, les difficultés que cela pose. Remarquez que d'autres provinces, notamment la Saskatchewan, dans son "family income plan", a plutôt établi ce plan sur la base d'une prévision de revenus. Cela lui a causé d'énormes difficultés d'administration. Après discussion avec elle, après examen de son programme, on en est venu à la conclusion qu'il était préférable de baser le supplément sur le revenu de l'année antérieure. C'est beaucoup plus simple, beaucoup plus facile à administrer. C'est beau- coup moins compliqué aussi pour les citoyens qui ont à formuler leur demande et, partant de cette base, il faut tirer la ligne sur une période d'un an.

M. Forget: Je m'excuse, M. le Président, de revenir à la charge, mais il y a quand même un élément assez fondamental: c'est tout le concept de l'unité familiale comme base de l'admissibilité au programme, du ménage de fait.

Dans le cas qu'on vient de discuter d'un couple qui cohabite maritalement, je ne peux pas faire la preuve de sa cohabitation maritale pendant une période de douze mois, ce qui va arriver, c'est que les deux conjoints de fait vont être admissibles — laissons de côté le problème d'âge, supposons qu'ils sont à un âge tel que le problème ne se pose pas — indépendamment au supplément. C'est très bien. Ils vont probablement recevoir plus d'argent de cette façon-là que s'ils font une demande de supplément comme ménage. Donc, leur intérêt comme ménage de fait, c'est de ne pas être reconnu comme un ménage de fait, comme des conjoints de facto. Or, c'est d'eux que dépend la preuve essentiellement qu'ils sont des conjoints de facto.

Alors, là, on se heurte à une difficulté presque d'incompatibilité quant à la manière dont le fardeau de la preuve est précisé présumément. Quoique cela ne soit pas indiqué dans le texte, j'imagine mal l'administration fiscale menant des enquêtes pour savoir si les conjoints sont des conjoints de fait ou non pendant une période antérieure. De toute façon, comme la période est antérieure, on ne peut pas faire une enquête sur la période antérieure. Elle est, par définition, révolue et, à moins de maintenir des statistiques ou des données sur les ménages de fait, les unions de fait, à travers le Québec dans l'expectative que peut-être l'année suivante ils voudront se qualifier pour le supplément au revenu, ce qui est une pensée, une perspective assez affolante, de toute façon, loufoque, c'est finalement sur l'affirmation, sous serment peut-être, des conjoints de fait qu'on va les considérer comme des conjoints de fait.

Or, les conjoints de fait n'ont pas intérêt à se déclarer comme des conjoints de fait, si je comprends bien. Ils ont plutôt intérêt à dire: Oui, on vit ensemble maritalement depuis un certain temps, mais pas pendant douze mois, pendant l'année précédente. Je me demande bien comment l'administration fiscale, qui est chargée de l'application de la loi, va dire: Ah non! cela n'est pas vrai; vous viviez dans une période antérieure comme des conjoints, vous viviez maritalement. C'est une preuve très délicate à faire et, comme elle va contre l'intérêt des déclarants, vous allez devoir vous fier à des témoignages de tierces personnes. Il me semble que c'est là un contexte assez difficile. Je me demande si toute cette notion de l'unité familiale qui, dans la définition, ne laisse aucune prise à la discrétion... On dit: "Conjoints: deux personnes qui vivent ensemble". Pas deux personnes qui font une déclaration commune ou qui choisissent d'être considérées comme, mais deux personnes sans possibilité de choix.

Donc, c'est impératif pour les réclamants. Pour l'administration fiscale, ce sera une chose qu'il va falloir essayer de déterminer. Je vois mal comment cela peut se faire, mais peut-être y a-t-il un élément que je ne vois pas, j'aimerais qu'on m'éclaire. Ce n'est pas nécessairement une objection que je formule, je me pose des questions, tout simplement.

M. Marois: L'ensemble de la situation n'est pas simple. Au fond, on pourrait tout aussi bien soutenir que dans certains cas, sur la base des revenus de travail de l'un ou l'autre ou de l'un et l'autre des conjoints et du nombre d'enfants, il peut être plus avantageux d'être considérés comme vivant ensemble maritalement depuis au moins un an, pour les fins du supplément, et que, dans d'autres cas, l'inverse pourrait être vrai. Deuxièmement, l'exigence de base est la signature; la demande signée conjointement par les deux est la base du déclenchement de l'opération, et c'est à partir de cela que les éléments de preuve, par la suite, vont pouvoir s'appliquer. Donc, je pense qu'on ne peut pas trancher cela aussi simplement au couteau en disant: II va être certainement plus avantageux de ne pas être considéré comme conjoints vivant maritalement.

M. Forget: Quand il y a des revenus des deux côtés.

M. Marois: C'est cela; cela joue effectivement dans les deux sens.

M. Forget: D'accord, mais il reste que dans les ménages de fait, étant donné la plus grande précarité de l'union, étant donné, évidemment, l'évolution des moeurs, etc., on va trouver malgré tout, dans une proportion non négligeable d'unions de fait, des situations où il est dans l'intérêt des bénéficiaires prospectifs de faire une déclaration indépendante, isolée, et cela est très clair. Cet intérêt existe. On se base, pour l'accepter ou la refuser comme deux déclarations ou deux demandes séparées, essentiellement sur l'affirmation que font les réclamants qui ont eux-mêmes un intérêt à se déclarer non maritalement unis et sur une période écoulée sur laquelle donc il n'est pas vraiment possible, il est très difficile de faire une enquête. D'ailleurs, ce genre d'enquêtes est assez odieux; je pense bien qu'on le reconnaît facilement. Ce n'est pas le genre de choses qui va faire des grands amis à l'administration fiscale de dire: Que se passe-t-il dans vos chambres à coucher? Dans le fond, c'est cela. Dieu sait combien dans l'administration de l'aide sociale cette question aussi, la fameuse question des chambreurs, a donné de fil à retorde à l'administration de l'aide sociale. Je frémis un peu à l'idée que là ce soient les gens de l'impôt qui s'y intéressent.

M. Marois: Je reprends cela pour mes derniers commentaires dans la foulée des remarques que le député de Saint-Laurent vient de faire; en partant de sa dernière remarque, je vais procéder à l'inverse. Nous avons mûrement réfléchi, nous avons regardé les expériences dans certains cas limitées dans le temps, parce qu'il faut bien voir qu'on est vraiment dans un domaine passablement nouveau. Les expériences sont peu nombreuses dans les pays occidentaux et très souvent cela a été des expériences limitées dans le temps ou même limitées géographiquement dans certains Etats américains, et même dans les provinces canadiennes. L'expérience du Manitoba est, à toutes fins utiles, terminée et ils essaient d'en tirer un certain nombre de conclusions. Ce n'est pas très facile, semble-t-il. Ils ont rencontré un certain nombre de difficultés. La seule qui perdure est celle de la Saskatchewan. Evidemment, c'est sur des bases différentes, c'est ajusté à leur réalité socio-économique. On a eu des échanges avec ces gens, on a aussi suivi d'assez près le bilan des expériences américaines, de différents Etats américains et aussi du programme fédéral américain, le "Earned income tax credit". II y a là une certaine sagesse d'introduire le ministère du Revenu dans l'ensemble de cette opération.

Je pense que tout le monde comprend bien en quoi il y a là une certaine sagesse. Deuxièmement, revenant sur la question de l'année et des conjoints de fait, une des difficultés additionnelles en plus de celles que j'évoquais, si on devait, comme dans le cas de l'aide sociale, reconnaître les conjoints qui vivent maritalement depuis un mois, par exemple, on voit bien ce à quoi cela pourrait donner lieu immédiatement quand arriverait la fin du mois de décembre. Cela pourrait être la course pour trouver l'homme ou la femme avec enfants, et le reste, pour être admissible pour la période. Je ne veux pas caricaturer mais, en d'autres termes, les possibilités additionnelles de fraude, le cas échéant, seraient beaucoup plus considérables. De toute manière, en plus, comme c'est fondé sur le revenu d'une année du ménage, le revenu de l'année antérieure, c'était donc la solution qu'il nous semblait pertinent de retenir.

Enfin, comme dernier élément, c'est exact et ce ne serait pas correct de dire le contraire, que la ligne de démarcation n'est pas simple, mais, par ailleurs, si on ne tenait pas compte, vu l'évolution, la réalité d'aujourd'hui, des ménages qui vivent ensemble maritalement, ça entraînerait aussi une situation d'injustice à l'égard des ménages qui vivent mariés. Comme je l'évoquais au tout début de mes interventions, tantôt, il faut bien tenir compte du fait que, dans bon nombre de cas, en tenant compte de l'ensemble du revenu du ménage, des charges familiales, le supplément au revenu de travail est intéressant dans cette perspective. Bien que j'admette que l'inverse puisse être vrai dans un certain nombre de cas à l'opposé aussi. Donc, il fallait trancher en partant des divers éléments que je viens d'évoquer et sur la base des expériences. Parfois, l'expérience des autres sert aussi; on en a tenu compte.

Le Président (M. Clair): Y a-t-il d'autres questions sur l'article 1?

L'article 1 sera-t-il adopté?

M. Forget: Non, il y a d'autres définitions, M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Ces définitions sont fort importantes. La définition de l'enfant, si je comprends bien, est également mandatoire, c'est-à-dire que tous les enfants qui correspondent à la définition, qu'ils cohabitent ou non, sont effectivement considérés comme des enfants pour les fins du calcul, il n'y a pas d'exception à cela. Il ne s'agit pas d'enfants à charge. Pour donner un exemple plus précis de ce que je vise, c'est que des enfants qui sont placés aux frais de l'Etat en centre d'accueil sont considérés comme ouvrant, à l'avantage de la famille, le droit à une prestation plus élevée, à un seuil d'allocation maximal, un point d'inflexion plus haut?

M. Marois: Je vais vérifier une chose là-dessus.

M. le Président, pourrait-on suspendre temporairement le paragraphe b) et procéder avec les autres paragraphes?

M. Forget: Cela va. (20 h 30)

Le Président (M. Clair): Le ministre nous demande de suspendre le paragraphe b).

M. Forget: Oui, d'accord.

Le Président (M. Clair): Au paragraphe c), il ne devrait pas y avoir de problème; la définition, c'est assez simple.

M. Forget: II n'y a pas de problème, M. le Président, sauf qu'on pourrait discourir longuement sur la question de l'administration du régime. Je ne fais que mentionner le grand avantage de l'administration par le ministère du Revenu. Je ne dis pas que ce n'est pas une sagesse. Comme le dit le ministre d'Etat au développement social, il y a beaucoup de sagesse au ministère du Revenu et je n'en doute pas. Mais il y a probablement aussi une certaine prudence de la part du gouvernement de faire administrer cela par des gens qui sont considérés comme étant non seulement sages, mais prudents et habitués à exercer un examen critique des chiffres qui leur sont soumis, peut-être plus critique que les administrateurs de lois sociales, ce n'est pas impossible. Il reste que l'avantage le plus considérable d'une mesure comme celle-là, c'est d'assurer une intégration parfaite d'une mesure de supplément des revenus du travail et de la fiscalité comme telle.

On sait très bien qu'en dépit du fait que le ministère du Revenu va administrer le programme de supplément les lois fiscales ne sont pas modifiées pour autant et, par conséquent, les mêmes individus, les mêmes familles qui vont recevoir d'une main un supplément de revenu de travail vont, d'autre part, devoir payer des impôts. Quand on pense que le seuil d'allocation nulle est aux environs de $10 000 — sans vouloir raffiner selon la taille des familles, etc., c'est à peu près dans cet ordre de grandeur — il reste que les gens en bas de 65 ans, qui ont des charges familiales, paient des impôts en bas de ce chiffre-là. Donc, il n'y a pas d'intégration véritable; il y a une intégration administrative, mais les deux programmes, si on veut, l'impôt personnel et le supplément du revenu, ne sont pas véritablement intégrés au niveau des taux. Là où ils le sont, assez curieusement, c'est au niveau des définitions du revenu imposable ou du revenu qui sert de base de calcul.

Or, il y a un certain nombre d'incongruités. Par exemple, les prestations versées par la Commission des accidents du travail ne sont pas imposables; malgré tout, elles devront être prises en considération par le ministère du Revenu. Est-ce qu'on peut imaginer que le système va évoluer de façon à rendre imposables les prestations de la Commission des accidents du travail parce que, un beau jour, on va être gêné de cette espèce de double administration au sein d'un même ministère? Il reste qu'il y a un certain nombre de concepts, qui sont appropriés pour le supplément du revenu au niveau de la définition du revenu, qui ne sont pas utilisés comme tels dans le calcul du revenu imposable pour les fins de l'impôt personnel. Par exemple, les dons et les choses de ce genre, les héritages sont imposés en vertu d'une autre loi et cela ne fait pas partie du revenu imposable. Les gains provenant de Loto-Québec non plus, ce n'est pas un revenu imposable. Est-ce qu'on va les ignorer quand viendra le temps de calculer le supplément, etc? On voit qu'il y a un concept de fiscalité qui est étroit; c'est normal, il a un but bien défini, celui d'imposer les revenus dans l'acception fiscale de ce mot.

Quand il s'agit de supplémenter le revenu du travail, on a un objectif d'élimination de la pauvreté et le concept de revenu qui est approprié est nécessairement beaucoup plus large. Donc, il n'y a pas d'intégration, ni d'une façon, ni d'une autre, ni au niveau des taux, ni au niveau des définitions, malgré que, dans le projet de loi, il semble qu'on se réfère à la définition fiscale du revenu imposable. On va nécessairement observer à l'usage qu'il y a des trous là-dedans. On va donner un supplément à des gens qui ne devraient pas en avoir, selon une conception de lutte à la pauvreté, de l'élimination de la pauvreté, alors qu'on peut le refuser à des gens qui devraient l'avoir. C'est peut-être moins vraisemblable mais encore, ce n'est pas absolument impossible parce qu'il y a des difficultés au niveau de la définition.

Je me demande, compte tenu de tout cela, compte tenu du fait qu'on n'a pas modifié la loi fiscale, compte tenu qu'on a des définitions qui ne sont pas appropriées, quel est finalement l'avantage de tout ceci. Au niveau de la clientèle, c'est clair; vous allez avoir affaire à une clientèle qui va et vient entre le marché du travail et certains régimes sociaux, que ce soit le chômage, que ce soit même l'aide sociale. Il y a énormément de mouvement, d'entrées et de sorties. Ce sont

souvent des gens qui ne paient pas d'impôt à l'heure actuelle, qui n'ont pas de contact avec l'administration fiscale, qui ne produisent pas de déclaration fiscale et qui, cependant, sont fort familiers des bureaux de chômage et des bureaux d'aide sociale.

Il me semble que la continuité administrative, l'absence de "red tape" administratif pour le citoyen est beaucoup moindre dans un système qui est administré à partir de l'aide sociale, si on veut, qu'à partir du ministère du Revenu. Je comprends, encore une fois, qu'aux yeux d'un ministre des Finances il peut paraître plus prudent, quand il s'agit de consacrer une somme de $50 millions additionnels, de le faire via les fonctionnaires de l'impôt qu'on a plus à l'oeil, qui sont plus près du ministre. C'est humain et cela se comprend. Mais ce ne sont pas en soi des raisons, à mon avis, déterminantes.

M. Marois: Je dois dire au député que contrairement, peut-être, à certaines impressions qui peuvent flotter ou même être évoquées le cas échéant, l'idée ne vient pas du ministre des Finances ni du ministre du Revenu; l'idée vient du ministre d'Etat au développement social, après examen avec l'ensemble des fonctionnaires qui, encore une fois... Pardon?

M. Forget: Je dis que le ministre d'Etat au développement social est un bon diplomate.

M. Marois: Ce n'est pas de la diplomatie, j'ai l'habitude de dire les choses comme je les pense. Je reviens à ce que j'évoquais au tout début de mon intervention sur cette question. J'ai utilisé l'expression "une certaine sagesse". Le fait que ce soit accroché au ministère du Revenu n'est pas sans introduire une certaine sagesse, en particulier quand cela a pu être évoqué quelques fois, heureusement moins souvent que je l'aurais pensé au premier abord, Dieu merci, parce que cela laisse l'impression que la majorité des citoyens sont des fraudeurs, ce qui est loin d'être le cas, on le sait très bien. Quand on est plongé dans ce genre de dossier et qu'on examine assez quotidiennement et qu'on suit d'assez près l'administration de ce genre de programme, il y a quand même là une certaine sagesse qui tient au fait qu'il faille passer par une déclaration accrochée à la déclaration de l'impôt sur le revenu.

Maintenant, il y a une autre chose, il faut bien voir qu'il s'agit d'un supplément au revenu de travail. Bien sûr, certains des citoyens concernés qui seront bénéficiaires — même si la prestation, elle, n'est pas imposable, ne tombe pas sous la coupe de l'impôt sur le revenu — vont forcément, pour une partie de leur revenu en tout cas, tomber sous la coupe de l'impôt sur le revenu. Donc, de toute manière, ils vont faire aussi une déclaration d'impôt sur le revenu.

Je voudrais aussi rappeler — puisqu'il s'agit quand même d'eux, qu'ils soient travailleurs autonomes ou salariés — qu'un bon nombre de petits travailleurs salariés ou autonomes font une décla- ration d'impôt sur le revenu même s'ils ne paient pas d'impôt sur le revenu, simplement, par exemple, pour obtenir les remboursements auxquels ils ont droit parce qu'il y a eu des déductions en trop. Pensez aussi au fait qu'éventuellement, avant longtemps, bon nombre de citoyens québécois auront aussi droit, en plus, au crédit d'impôt foncier. Donc, il y a déjà — je n'ai pas les chiffres en tête, mais on pourra vous donner des chiffres passablement précis — des milliers de citoyens qui font ce genre de déclaration de toute manière, et les chiffres sont assez impressionnants. Donc, il nous semblait aussi que cela simplifiait non seulement l'administration, mais que cela rendait moins compliquée la vie des citoyens qui auront droit à ce supplément au revenu de travail.

M. Forget: Peut-être pourrait-on avoir du ministre une indication — ils ont sûrement fait cette évaluation — du nombre de nouveaux dossiers que le ministère du Revenu s'attend d'ouvrir pour la mise en application de cette loi?

M. Marois: On va vous communiquer la réponse. Ce ne sera pas long.

M. Forget: On peut, en attendant, passer à l'autre rubrique. Je n'ai pas d'objection, M. le Président.

M. Le Moignan: J'aurais seulement une question, M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Est-ce l'intention du ministre, un jour, d'en arriver à un ministère de la sécurité du revenu et, si oui, serait-ce ce ministère, au lieu de "ministre du revenu" qu'on voit inscrit ici comme on l'a aux Affaires sociales, par exemple?

M. Marois: En toute honnêteté, je pense qu'il est prématuré de répondre de façon définitive à une question comme celle-là. Je ne vous cacherai pas qu'elle nous préoccupe, qu'on y réfléchit. D'ailleurs, à la suite de cette première étape, l'équipe qui a travaillé à la préparation de cette première étape d'une politique de revenu minimum garanti travaille maintenant aux autres étapes et, forcément, elle va devoir se pencher sur l'administration d'une éventuelle politique de revenu minimum garanti mieux intégrée, plus complète, plus cohérente. Partant de là, va devoir se poser la question que vous évoquez. C'est une des hypothèses, celle que vous venez de mentionner. Il y a déjà eu d'autres hypothèses évoquées aussi, celle d'une régie qui administrerait. Il y a eu plusieurs hypothèses qui sont tombées sur la table. J'ai même déjà entendu évoquer la Régie des rentes. Donc, il y a cette gamme de possibilités. Pour l'instant, avant d'avoir en main toutes les données complètes, je préfère m'en tenir à l'examen des hypothèses un peu comme le député le fait présentement, mais loin d'être exclu de mon

esprit est le fait qu'il faudra avant longtemps en arriver à une solution qui n'exclut pas l'hypothèse que le député vient de mentionner.

M. Le Moignan: De toute façon, cela ne crée pas de problème.

M. Marois: Pas du tout.

M. Le Moignan: A ce moment-là, il y aura une simple modification à la loi.

M. Marois: Pas du tout.

Le Président (M. Clair): Est-ce qu'on peut passer au paragraphe d), M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Oui, M. le Président, sûrement. Le Président (M. Clair): Vous avez la parole.

M. Forget: Sur les règlements, j'aimerais savoir si le ministre a réfléchi à la possibilité d'avoir un délai de publication. Je dois dire que j'ai pris connaissance des règlements qu'il a déposés à l'Assemblée nationale il y a quelques jours. Ma question serait peut-être différente de ce qu'elle était à ce moment-là parce que je trouve ces règlements extraordinairement succincts pour l'application d'une loi qui recèle un aussi grand nombre de difficultés. Dans le fond, ce qui va probablement se passer, c'est qu'il va y avoir un manuel administratif, un guide interne à l'usage des fonctionnaires, qui va permettre d'interpréter toutes les règles contenues dans la loi. C'est invraisemblable en effet que seulement ces quelques articles et ces règlements qui, dans le fond, à toutes fins utiles, sont des règlements minimaux sur des aspects qui sautent aux yeux, cela soit suffisant comme texte d'application. Il y a trop de cas, il y a trop de difficultés auxquelles on peut penser très rapidement pour qu'il n'y ait pas une espèce de guide administratif quant à l'application de la loi. En soi, cela n'est pas un progrès. Vous savez, on connaît tous qu'il existe un guide à l'impôt qui n'est pas généralement accessible au grand public pour les cotiseurs. On sait évidemment qu'il existe également — il a longtemps existé et il est devenu public depuis 1976, il a peut-être même été modifié depuis et il n'est peut-être plus public — un guide administratif interne qui donne aux agents d'aide sociale une interprétation administrative de la loi et des règlements. C'est inévitable pour assurer l'uniformité dans l'application des textes. Mais quand on en met trop dans les guides administratifs internes, cela devient un problème pour le citoyen de se comprendre là-dedans. A mon avis, il y a un sain équilibre à respecter entre ce qui est une règle, soit dans la loi, soit dans les règlements, et ce qu'on va devoir faire par des directives internes.

J'ai l'impression qu'on va devoir en faire énormément. J'espère que l'avenir me montrera mon erreur. Mais connaissant un peu les problèmes d'application de ce genre de mesures malgré tout, je suis extrêmement pessimiste. A ce moment-ci, je serais plutôt porté à croire qu'elles vont être très nombreuses, ces règles-là. (20 h 45)

Quand on pense, par exemple, à la façon dont on va s'y prendre pour, encore une fois, faire la concordance entre la définition de l'impôt et de ce qu'est le revenu, et celle qu'on va vouloir instaurer peut-être par des directives internes là-dedans, ne serait-ce qu'au niveau de la façon d'établir si cela existe ou si cela n'existe pas, telle ou telle source de revenu, alors qu'on n'en a pas des preuves évidentes, immédiates au dossier parce que cela n'est pas un revenu imposable au sens de la Loi de l'impôt ou des choses dans ce genre-là, on va adopter des "rules of thumb" pour les déterminer ou pour présumer qu'elles existent, pour réfuter qu'elles ont tel et tel montant. Si on peut nous dire: Non, non, jamais, on ne fera jamais cela, on va tout simplement se fier à la déclaration et à la signature des gens, cela serait beaucoup, mais il ne faut quand même pas en mettre trop épais non plus.

Je pense que, si c'est cela, l'orientation, je ferais un plaidoyer pour que les règlements soient plus complets. S'ils étaient plus complets, je pense qu'on déboucherait tout de suite sur la difficulté que j'ai mentionnée en deuxième lecture: étant donné que ce sont indirectement des règles d'attribution de montants d'argent, le grand public a le droit, comme minimum, même si c'est un pouvoir réglementaire, discrétionnaire du gouvernement, d'être saisi d'avance des projets gouvernementaux de manière qu'il puisse y avoir un certain "feedback", une certaine rétroaction sur ce que le gouvernement veut faire de ce côté. Dans certaines lois sociales, il y a un délai de 90 jours; disons qu'on le réduit à 60 jours étant donné l'impatience du ministre d'adopter tout cela le plus rapidement possible. Mais il y a quelque chose qui n'est pas spécifié dans ces textes et qui va sûrement venir après. Je ne peux pas me défaire de cette impression.

M. Marois: M. le Président, j'espère que le député de Saint-Laurent se trompe dans sa vision pessimiste des choses pour l'avenir. Je dirais d'abord ceci: Tel que le texte de loi est libellé présentement, tel que nous le voyons, tel que nous l'envisageons aussi, les règlements ne seraient pas prépubliés. Deuxièmement, au point de départ, après examen avec les gens des ministères impliqués et forcément, au premier titre, du ministère du Revenu, les citoyens disposeront, bien sûr, d'un formulaire et d'un guide accompagnant ledit formulaire. Au point de départ, le guide sera exactement le même que celui qui sera mis à la disposition des fonctionnaires, le même guide administratif. Bien sûr, ceci n'exclut pas, loin de là — et c'est notre intention de le faire — de s'assurer qu'aussi bien les gens des bureaux d'aide sociale que les gens des divers bureaux du ministère du Revenu soient le mieux équipés possible, ce qui suppose le maximum d'informa-

tion, de formation pour qu'ils soient à même, le cas échéant, même de venir en aide aux citoyens qui feraient appel à leurs services pour obtenir un coup de main et tous les renseignements les plus pertinents possible. C'est la façon dont les choses se présentent au point de départ.

M. Gosselin: M. le Président...

Le Président (M. Clair): M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: ... je considère que, dans tout l'effort qui est fait au sein des divers ministères pour réduire la paperasse gouvernementale, on témoigne ici de l'exemple qu'on veut donner jusqu'à un certain titre, parce qu'il s'agit d'un projet de loi qui affecte des gens à bas revenus qui sont souvent des gens à très faible instruction aussi. On sait la grande protestation qui existe sur les multiples formulaires que ces gens peuvent avoir à remplir. Je crois donc qu'il y a un grand avantage pour les gens à ce que le formulaire soit le plus simple possible et le souci du législateur, du gouvernement, a été de le rendre le plus simple possible. Evidemment, la garantie que le ministre apporte que les règles explicatives qui pourraient accompagner ces formulaires soient conjointement connues et les mêmes pour les fonctionnaires et pour les bénéficiaires est une autre garantie aussi dans le même sens.

M. Forget: Est-ce que le ministre peut nous donner l'assurance qu'effectivement le guide qui sera remis au public non seulement sera le même que celui qui sera à la disposition des fonctionnaires, mais que les fonctionnaires ne disposeront pas d'autres explications ou d'autres guides à leur usage exclusif?

M. Marois: L'assurance que je peux donner au député c'est que le guide — je peux d'abord redire, réaffirmer ce que j'ai dit tout à l'heure — serait exactement le même au point de départ, que ce soit pour les citoyens, pour les bénéficiaires ou l'équipe des fonctionnaires qui sera appelée à donner un coup de main aux citoyens, aux bénéficiaires éventuels, soit ceux de l'aide sociale, soit ceux du ministère du Revenu. Si des ajustements, des additions devaient être faits en cours de route à ce guide, il n'y a pas de raison que les citoyens ne soient pas informés. Maintenant, revenant au règlement, je pense que c'était au paragraphe c), à la question que le député posait, le nombre de nouveaux dossiers, les chiffres qu'on me communique sont les suivants: 77% des bénéficiaires potentiels du programme sont salariés, donc, font très généralement un rapport d'impôt au moins pour récupérer ce qu'ils ont pu payer en trop, des déductions à la source, régime des rentes, et le reste. Ce qui veut dire qu'au maximum, selon les évaluations qui ont été faites, 23% de nouveaux dossiers seraient ouverts sur le nombre des bénéficiaires potentiels. Ce qui veut dire, si on tient compte du fait que les travailleurs autonomes...

M. Forget: Cela fait 14 000, environ. Mme Lavoie-Roux: Sur 250.

M. Marois: 22 000 à 25 000 à peu près. Là-dessus, forcément, sur les 22 000 à 25 000, comme vous avez là aussi une partie de clientèle qui est allée et venue du travail ailleurs, que ce soit l'assurance-chômage, l'aide sociale par le passé, il y en a donc parmi ceux-là aussi qui ont déjà fait des déclarations d'impôt, même si ce n'était que pour récupérer les choses payées en trop. C'est l'évaluation qui est faite présentement.

Le Président (M. Clair): Paragraphe e).

M. Marois: II est peut-être important, si on me permet, M. le Président, de songer qu'à chaque année il y a 1 200 000 déclarations d'impôt au Québec où les revenus déclarés sont inférieurs à $5000.

Le Président (M. Clair): On peut passer au paragraphe e)?

M. Forget: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Clair): J'appelle le paragraphe e).

M. Forget: Aucun commentaire.

Le Président (M. Clair): Aucun commentaire? Est-ce qu'il n'y avait pas le paragraphe d) qui était demeuré en suspens?

Mme Lavoie-Roux: Si vous le permettez, M. le Président...

Le Président (M. Clair): Oui, madame.

Mme Lavoie-Roux:... j'aimerais revenir sur le paragraphe a), je suis arrivée un peu en retard.

Le Président (M. Clair): Allez-y.

Mme Lavoie-Roux: Simplement une question d'information.

M. Marois: Mme le député, je m'excuse, c'est parce que le député de Saint-Laurent avait posé une question tantôt sur son interprétation de la définition d'enfant, à savoir si c'était enfant à charge ou si cela ouvrait une porte sur quelque chose d'autre qui serait plus large. Il faut lire le paragraphe 1b en relation avec l'article 2a et je pense qu'on obtient là une réponse très claire à la question qui a été posée. A 2a, la famille a droit au supplément si, à telle date, elle était composée de conjoints ayant à leur charge au moins un enfant, et le reste.

M. Forget: Est-ce que l'expression "enfant à charge" est sans ambiguïté là parce que...

M. Marois: Par exemple, un enfant placé en centre d'accueil, ce n'est pas un enfant.

M. Forget: Oui.

M. Marois: Dans le cas d'un enfant qui est placé en centre d'accueil, le critère d'enfant à charge ou non est relié essentiellement à la question du soutien financier apporté par les parents ou de la subvention. C'est déjà clairement établi par d'autres lois, d'autres règlements. Mais la réponse vient quand on lit ensemble les articles 1b et 2a.

M. Forget: Merci.

Le Président (M. Clair): On pourrait revenir à la question de Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vais reprendre b), si vous le voulez, et après je reviendrai à a). Pourquoi avez-vous éliminé les étudiants qui seraient au niveau collégial? Je pense particulièrement à des étudiants qui vivent à l'extérieur de leur foyer, les étudiants qui fréquentent un CEGEP qui est à l'extérieur de la ville qu'ils habitent. Je ne suis pas du tout convaincue qu'avec les prêts et bourses, même si on tient compte que la famille ne contribue pas, ce soit vraiment suffisant et que, dans la plupart des familles où les revenus seraient un peu plus hauts que ce qui est prévu là-dessus, il peut y avoir une contribution de la famille. De toute façon, pour les prêts et bourses il y a un tas d'enquêtes qui se font, etc.; automatiquement, d'une façon générale, pourquoi avoir éliminé celui qui a un statut d'étudiant au niveau collégial?

M. Marois: Essentiellement, il y a deux raisons. Vous en avez évoqué une; ces étudiants que vous mentionnez, bien sûr, ont droit aux prêts et bourses. D'autre part, il y a le fait — vous l'avez noté, je pense bien — qu'on ne tient pas compte des revenus que ces jeunes gagnent, on ne les prend pas en considération.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais on a fait la preuve cet été et les étés qui ont précédé qu'il y a des étudiants de niveau collégial, dans les régions plus éloignées, qui sont vraiment incapables de se trouver de l'emploi et qui se trouvent dans une situation particulièrement difficile. Est-ce que les parents, si ces jeunes étaient comptés comme des enfants à charge, leur donneraient un coup de pouce? Mais il y a des étudiants qui se trouvent dans des situations extrêmement difficiles et, encore une fois, ceux qui sont à l'extérieur des grands centres.

M. Marois: Je comprends très bien la...

Mme Lavoie-Roux: Ce que je vous demande c'est que la question soit examinée par le ministère de l'Education.

M. Marois: Je pense que c'est un peu dans cette perspective que je m'apprêtais à intervenir maintenant. Il est bien certain qu'une loi comme celle-là ne peut pas avoir la prétention de régler tous les problèmes, ce n'est pas possible. C'est une étape, certains ont dit modeste; quand même, il y a $85 millions d'implication de coûts sur une période de deux ans; modeste si on veut, mais tout dépend du concept de modestie qu'on a chacun d'entre nous. Il est certain que ce qu'il faut regarder de très près c'est un examen beaucoup plus en profondeur du système de prêts et bourses comme tel. Tout ce qu'on a essayé de faire en introduisant le nouveau programme, c'est de s'assurer qu'il était en meilleure harmonie possible avec d'autres programmes qui existent, que ce soit l'aide sociale, que ce soit l'assurance-chômage. On a essayé de tenir compte de cette réalité qui est là du fait de l'existence, dans l'état où il est, du système de prêts et bourses, en introduisant cependant une chose, qu'on ne tienne pas compte du revenu du travail de ces jeunes. Mais je pense que la perspective, le député l'a évoquée.

Mme Lavoie-Roux: Mais une question plus précise serait de demander au ministre: Est-ce que cette définition a été examinée conjointement avec le ministère de l'Education? Je poursuis. Quand on regarde les statistiques de la fréquentation au niveau collégial, elle est extrêmement basse; vous le savez, c'est environ 30% des étudiants qui passent du secondaire au collégial, pour une foule de raisons, dont une est vraiment l'insuffisance de revenu. Quand les parents ont des revenus si bas que ça, souvent on oblige le jeune à aller sur le marché du travail s'il habite chez lui pour qu'il ait un apport à la maison. Enfin, il y a toute une dimension qui devrait peut-être être examinée de plus près avant de geler cela comme c'est proposé à l'article 1. (21 heures)

M. Marois: Dans le sens de l'intervention du député, c'est précisément pour cela, et pour les raisons, notamment, qui viennent d'être évoquées, qu'il fallait commencer à introduire, par un programme beaucoup plus redistributif que les programmes antérieurs, au niveau de ce bloc de citoyens qui est un peu le maillon oublié, ce que j'appelle une première étape de revenu minimum garanti prenant la forme d'un supplément au revenu qui va pouvoir atteindre $1473 comme première étape maximale, non imposable chez ces couches de ménages ou de familles de salariés qui ont des enfants.

D'autre part, en plus, bien sûr, il ne faut pas perdre de vue non plus ce qui s'est ajouté, la réforme de la fiscalité qui a permis d'alléger un peu la situation financière de ces familles. Pardessus, en plus... Oui, elles paient de l'impôt à partir d'un certain niveau de revenu, on l'a évoqué tout à l'heure.

Mme Lavoie-Roux: Je parle de ceux qui sont à la limite, de ce qui fait changer l'équilibre. Enfin,

ce qu'ils reçoivent, cela dépend si un enfant est compté à charge ou pas, ceux qui sont vraiment à la limite. Ceux-là, est-ce qu'ils paieront de l'impôt?

M. Marois: Tout dépend de quel niveau de revenu on parle, du ménage ou de la famille. Si on parle d'un niveau de revenu d'un ménage de l'ordre de $10 000, la réponse, c'est oui, ils en paieront.

Mme Lavoie-Roux: Si, par exemple, vous avez une famille qui est à la limite du niveau d'accessibilité à ce programme et que le dernier enfant qu'elle peut considérer à charge est celui qui entre au CEGEP, qui a 18 ans. Du fait qu'il entre au CEGEP avec des revenus minimaux, la famille ne peut plus le compter comme étant un étudiant à charge. A ce moment-là, elle ne reçoit plus ce supplément de revenu. Cela peut, dans certains cas, faire la différence entre le fait qu'un jeune ira au CEGEP, n'ira pas du tout ou s'en ira sur le marché du travail.

M. Marois: La réponse à la question ou à la remarque qui est faite comporterait, à mon avis, trois dimensions. La première est le fait qu'à partir du 1er janvier 1980 la famille dont on parle, qui a cet enfant qui échapperait à cette mesure, qui ne serait pas considéré en vertu de la loi comme un enfant à charge, ne perdons pas de vue, comme on l'a dit, qu'à partir de janvier 1980, comme nous le permettrait le projet de loi qui est là, la famille, elle, y aurait droit puisque les couples ou personnes seules vont aussi avoir droit, dans une deuxième étape, à partir de 1980, à un supplément au revenu de travail.

Deuxièmement, il y a le fait aussi que cet enfant, lorsqu'il passe de 17 ans à 18 ans — je parle de celui qui est aux études, bien sûr — a droit, ce à quoi il n'avait pas droit antérieurement, au régime de prêts et bourses. Là, je pense qu'il y a une analyse et une étude à pousser de façon encore plus importante à mesure des ressources financières disponibles. Encore une fois, tout ne peut être fait en même temps.

J'ajouterais, troisièmement, qu'encore là il s'agit d'une première étape. Je pense qu'il faut y aller carrément, qu'il faut quand même y aller avec une certaine sagesse et une certaine prudence quand on introduit des programmes comme ceux-là. A trop vouloir embrasser en partant, dans une première étape... On a vu des programmes nouveaux instaurés par des gouvernements qui, après un certain temps, ont dû reculer de façon importante parce qu'on ne s'était pas réservé des périodes d'évaluation et, le cas échéant, d'ajustement. Je ne prétends pas que la formule est parfaite. On a essayé de la concevoir la mieux ajustée possible à notre réalité et à la mesure des ressources financières que le gouvernement pensait possible d'insérer dans le cadre d'un programme comme celui-là pour introduire une première étape.

Ceci n'exclut donc pas, si le programme répond aux besoins de la façon que nous le croyons, un élargissement en plus éventuel et cette éventualité pourrait être plus proche qu'on ne pourrait être porté à le croire si on est plutôt d'une approche optimiste quand on regarde les possibilités d'un tel programme. D'autres pourraient avoir une approche pessimiste. Enfin, c'est la réalité et la pratique des choses qui nous le montreront. Il n'y a rien qui exclut d'examiner également la possibilité de l'élargir éventuellement. Il y aura déjà deux étapes et il ne faut pas perdre de vue, dans l'analyse même du cas que le député évoque, cette étape à partir du 1er janvier 1980 qui permet à un couple, à un ménage, à une personne seule aussi d'avoir droit au programme.

Mme Lavoie-Roux: Bon, d'accord.

M. Forget: Un seul point, M. le Président, sur cette définition d'enfant parce que cela implique une définition de la famille aussi; dans le fond, c'est le revers de la médaille. Je note — ce n'est pas une des moindres difficultés de toutes ces définitions — que la définition de la famille qui est présente dans les règlements de la Loi de l'aide sociale prévoit que: "Fait partie de la famille tout enfant non marié qui subvient habituellement et principalement aux besoins de cette famille." Donc, même un enfant dont l'âge dépasse 18 ans.

M. Marois: C'est exact.

M. Forget: Dans le projet de loi, les enfants en haut de 18 ans ne sont plus considérés comme des enfants même s'ils habitent chez leurs parents et même s'ils subviennent en partie aux besoins de la famille. Cela veut dire qu'on va donc établir en vertu de cette loi une relation de distanciation entre l'enfant de plus de 18 ans qui habite chez ses parents et qui contribue à même son revenu de travail et autrement à faire vivre la famille. C'est une illustration de la difficulté parce que dans l'aide sociale cette situation serait traitée différemment. S'il y a un mouvement entre l'aide sociale et le régime de supplément, on va définir la famille différemment. On voit à quel genre de problèmes on s'adresse.

D'autre part, je suis persuadé — enfin, on a lieu de le croire — que les administrateurs du programme de supplément de revenu vont dire: Comme il y a une distanciation, comme il s'agit d'une autre unité d'imposition, cet enfant de plus de 18 ans qui subvient aux besoins du ménage à même un revenu de travail, il va certainement y avoir une forte tentation pour imputer un revenu à la famille, aux parents provenant de la présence de cet enfant qui gagne un revenu et qui lui-même est admissible au supplément du revenu, pour contribution au revenu de la famille. Cette contribution de l'enfant qui travaille, si on regarde l'esprit du projet de loi, va venir diminuer, dollar pour dollar, le montant du supplément de revenu au travail. Ou, alors, le ministre va dire: On va ignorer ce montant. On se rend bien compte que, pour deux familles placées dans des circonstances identiques, il y en a une qui va être relativement favorisée par la présence d'un enfant qui

travaille, qui reste chez ses parents, qui a 19 ans ou 20 ans, par opposition à une famille qui est dans la même circonstance financière et qui n'a pas cette aide. Il y a un problème et on ne le voit pas traité dans les règlements. Je ne sais pas si cela ira dans le guide, mais je peux dire tout de suite au ministre que, s'il y a une tentative qui est faite pour attribuer un revenu, il va rééditer les problèmes d'application de la Loi de l'aide sociale, il y a quelques années, qui, justement, cherchait à imputer un revenu dû à la présence d'enfants qui ont plus de 18 ans. Cela a dû être abandonné et l'attitude actuelle découle de cette expérience. Je me demande si on ne se prépare pas à répéter une expérience qui a été jugée malheureuse.

M. Marois: Je sais bien que la Loi de l'aide sociale, son application et les ajustements auxquels cela a donné lieu ont posé un certain nombre de problèmes. Précisément, il y a une chose qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est qu'aujourd'hui, Dieu merci, on bénéficie ou on a l'avantage dans un certain sens de cette expérience. Je rappellerais simplement ce que j'ai dit tantôt: C'est l'article 6, si ma mémoire est bonne, du projet de loi qui définit la base de calcul ou le revenu de travail. Il s'agit de celui des conjoints ou de la personne et le reste qui établit clairement qu'on ne tiendra pas compte du revenu de ce jeune-là. Dans le cas où une pension est versée, il ne faut pas perdre de vue non plus que la notion même, la base, c'est le revenu de travail qui donne ouverture — c'est le principe — au supplément.

M. Forget: M. le Président, là n'est pas le problème que je soulève. Je comprends que dans le cas d'un enfant de moins de 18 ans qui gagne un revenu, le gouvernement n'a pas l'intention de tenir compte du revenu de l'enfant de moins de 18 ans. Là n'est pas le problème. Dans le cas d'un enfant de 19 ou 20 ans qui vit chez ses parents et qui contribue financièrement au budget de la famille — cela se trouve — il...

Mme Lavoie-Roux: II paie une pension.

M. Forget: ... n'est plus considéré comme faisant partie de la famille en vertu du programme de supplément de revenu au travail. Donc, s'il n'est plus considéré comme faisant partie de la famille, il est considéré comme n'en faisant pas partie, s'il est nécessaire de préciser les choses. Or, s'il n'en fait pas partie, mais qu'il contribue financièrement au budget de cette famille dont il ne fait pas partie, quelle est la situation? Quel sort réserve-t-on, dans le calcul du revenu total de cette famille, à ce revenu auquel contribue l'enfant de plus de 18 ans? Vous avez une référence au paragraphe b) de l'article 7, revenu provenant de biens, etc., calculé selon la Loi des impôts, etc. Va-t-on faire cette imputation ou ne le fera-t-on pas? Encore une fois, dans les deux cas, il y a des problèmes. C'est pourquoi je dis qu'étant donné que l'aide sociale a fait cette expérience et a décidé qu'elle n'était pas intéressante, qu'elle était difficile d'application, il y a eu une modification au règlement pour considérer comme faisant partie de la famille des enfants qui ont plus de 18 ans, mais qui contribuent au budget familial, pour éviter les problèmes d'imputation. Je pense que c'est comme cela que ça s'est produit. Je vous parle des événements de mémoire. Il me semble que c'est comme cela que ça s'est produit. Je me dis: On se propose de répéter cette expérience difficile.

M. Marois: Le député me permettra. Il évoque les règlements de l'aide sociale et la loi. Il y a eu des ajustements, des modifications. Les codifications ne sont pas toujours nécessairement à jour. Je me permets de rappeler une chose. Dans le cas des jeunes de plus de 18 ans, c'est uniquement considéré comme à charge. C'est uniquement dans le cas où il s'agit d'un jeune de plus de 18 ans qui fréquente une institution — je n'ai pas le texte par coeur — d'enseignement à temps plein.

M. Forget: Oui, d'accord. Mais le problème que j'ai posé demeure. Comment allez-vous traiter cette contribution au budget familial d'un jeune de plus de 18 ans qui n'est pas considéré comme faisant partie de la famille? Allez-vous l'ignorer?

M. Marois: On n'en tient pas compte. M. Forget: En vertu de quoi? M. Marois: C'est l'article 2...

M. Forget: Ce n'est pas l'article 6 parce qu'il ne traite pas de cela.

M. Marois: Non, non. C'est l'article 2a.

M. Forget: Mais non! Cela ne règle pas du tout le problème.

M. Marois: Non, non. Je m'excuse. Juste un moment!

M. Forget: C'est en vertu des articles 6 et 7 de la loi qui définissent les bases de calcul, le revenu de travail et le revenu total. On précise bien ce dont on tient compte, et cela n'est pas dedans.

M. Gosselin: Autrement dit, si vous me permettez, M. le ministre, pour comprendre l'esprit de cela, un jeune de 19 ans, un jeune travailleur qui habiterait chez ses parents et qui donnerait la valeur de $100 par mois pour...

Mme Lavoie-Roux: Chambre et pension.

M. Gosselin: ... chambre et pension au lieu d'avoir un loyer où il paierait probablement plus cher, est-ce que les parents — c'est un exemple — seraient bénéficiaires de l'aide sociale? Le jeune de 19 ans habiterait chez ses parents et donnerait $100 par mois. (21 h 15)

Est-ce que les parents pourraient se prévaloir du montant de $100 que leur jeune donne? Evidemment, le jeune n'est pas inclus dans la cellule familiale; il est en dehors du circuit, selon la compréhension de la loi. Est-ce que le montant de $100 qu'il donne pourrait rendre sa famille admissible au programme de supplément au revenu de travail?

M. Marois: Non, ce n'est pas un revenu de travail.

M. Gosselin: Ce n'est pas un revenu de travail.

M. Marois: Non.

M. Gosselin: D'accord.

M. Marois: Dans ce sens-là, on n'en tient pas compte.

M. Gosselin: D'accord.

M. Forget: Mais ce n'est pas un revenu total non plus?

M. Marois: Non.

M. Gosselin: D'accord.

M. Forget: Cela ne fait pas partie du revenu de la famille. Un revenu de chambre et pension n'est pas un revenu au sens de l'impôt?

M. Marois: C'est cela. C'est une forme de pension, si vous voulez, en quelque sorte, mais on n'en tient pas compte.

M. Forget: Mais ce n'est pas un revenu au sens de l'impôt, un revenu de chambre et pension? Dans ce cas-ci, c'est un étranger. Ecoutez! Il ne fait plus partie de la famille. La Loi sur les impôts n'a pas à tenir compte du fait que c'est le fils, le cousin ou un pur étranger. C'est un revenu au sens de l'impôt. Ou c'est un revenu ou cela n'en est pas un. Si cela en est un, il faut en tenir compte. Si l'on n'en tient pas compte, dites-nous en vertu de quel article ou de quel règlement on n'en tient pas compte, mais je ne vois rien là-dedans.

M. Marois: Même pour les fins de l'impôt, cela n'est pas considéré comme un revenu dans le cas que vous évoquez.

M. Forget: En vertu de la Loi sur les impôts? M. Marois: Oui.

M. Forget: Un revenu de chambre et pension n'est pas considéré comme un revenu au sens de la Loi sur les impôts?

M. Marois: Venant des enfants. M. Forget: On en apprend ce soir.

M. Marois: C'est bien cela. C'est bien ce que je vous dis.

M. Forget: C'est une interprétation administrative. Cela fait partie du guide non écrit ou est-ce que la Loi sur les impôts affirme qu'un revenu donné à une famille par un enfant majeur, que ce soit un revenu de location, qu'il habite un duplex et qu'il habite le logement du haut, n'est pas un revenu parce que cela vient du fils? Allons donc!

M. Marois: C'est la Loi sur les impôts qui dit cela, dans la mesure où il s'agit d'un enfant. Même poussant jusqu'au bout, je prends un exemple qu'on me donne: L'enfant qui habiterait, la famille étant propriétaire d'un duplex ou d'un triplex, le troisième étage et qui pourrait verser une pension quelconque, une forme de prestation quelconque, c'est considéré...

M. Forget: Le mot "pension". M. Marois: Non. M. Forget: Non?

M. Marois: Ecoutez! même si c'était un loyer, dans le cas où cela vient du fils — c'est la Loi sur les impôts qui le dit — le père n'aurait pas à tenir compte de cela sur la base de son revenu. Ce qui serait très différent s'il s'agissait d'un tiers et non pas d'un enfant. En d'autres termes, dans l'économie générale de la Loi sur les impôts, si je comprends le fonctionnement, c'est considéré comme une attribution à la famille, une forme d'aide à la famille. Dans ce sens-là, cela ne correspond pas à ce qu'on appelle un revenu imposable en vertu de la Loi sur les impôts sur le revenu.

M. Gosselin: La pratique veut d'ailleurs que la plupart du temps, quand ces situations se produisent, c'est à peine un dédouanement. Je ne connais pas d'enfant qui fait son premier revenu et qui est assez généreux pour ses parents au point de leur payer le prix d'un véritable loyer, d'une véritable chambre et pension. Habituellement, c'est un frais mineur de dédouanement.

Mme Lavoie-Roux:... le duplex d'en haut.

M. Gosselin: Cela doit être des situations quand même assez limitées, assez uniques.

M. Forget: Cela ouvre...

M. Gosselin: Parce qu'on parle de...

M. Forget: ... des perspectives amusantes sur le plan de la Loi sur les impôts, mais...

Mme Lavoie-Roux: Oui, on va... Ce sont des informations utiles.

M. Forget: On doit accepter ce qu'ils nous disent.

M. Marois: Non, il y a une cohérence là-dessus. C'est en quelque sorte considéré comme une réduction pour la contribution des dépenses inhérentes à l'ensemble des frais de logement ou des frais d'administration d'un bien qui est là, qui est propriété du père. Il y a aussi une certaine cohérence et logique avec un autre élément, un autre aspect de la Loi de l'impôt sur le revenu, quand on y pense, qui est le fait, par exemple — je pense que tout le monde sait cela — que le père peut fort bien donner jusqu'à concurrence d'un montant de X dollars par année à l'un ou l'autre ou à plusieurs de ses enfants tout en étant exempté d'impôt. Ces montants ne sont pas considérés comme un revenu en sens inverse. Je vais avoir fait le tour de certains points de la Loi de l'impôt sur le revenu. Revenant au revenu des enfants ou à certaines contributions des enfants en vertu des articles 6 et 7 du projet de loi qu'on a présentement devant nous, on n'en tient pas compte.

Le Président (M. Clair): L'article 1 sera-t-il adopté?

Mme Lavoie-Roux: Non, j'avais mon autre question.

Le Président (M. Clair): Mme le député de L'Acadie avait une question sur le paragraphe a).

Mme Lavoie-Roux: C'est simplement pour mon information. A ce moment-ci, à l'occasion de la révision du Code civil, on se propose de reconnaître des droits aux unions de fait. De mémoire, je ne me souviens pas. Est-ce qu'il n'y a pas une limite de temps prévue et quelles sont les limites de temps dans les diverses lois, par exemple, pour reconnaître les unions de fait. Je sais que pour la Régie des rentes, c'est sept ans...

M. Marois: C'est trois ans.

Mme Lavoie-Roux: ... pour l'accident d'auto, c'est trois ans et pour l'aide sociale, on m'a dit qu'il n'y en avait pas ici, on arrive à un an. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'avoir une concordance et n'y aurait-il pas aussi une question d'un peu de principes à établir dans tout cela?

M. Marois: La question n'est pas si simple, je pense bien, que peut le laisser entendre à première vue le député, M. le Président, parce qu'il faut faire attention. D'abord, sur la question très spécifique en ce qui concerne la révision du Code civil...

Mme Lavoie-Roux: Oui, je le sais.

M. Marois: ... je dois en toute honnêteté dire que sur ce point très précis d'un temps possible, pour fins de reconnaissance, comme on dit dans le jargon, notre lit n'est pas fait comme gouvernement là-dessus présentement.

Mme Lavoie-Roux: II y a eu une recommandation par exemple.

M. Marois: Non seulement une, si ma mémoire est bonne, il y a eu plusieurs recommandations émanant de divers groupes. Je donne cela sous réserve, en toute honnêteté. Mais, en ce qui concerne le gouvernement du Québec comme tel, je dois, en toute honnêteté, dire que sur ce point très précis — je parle de la perspective de la révision du Code civil — notre lit n'est pas fait sur cet aspect. Il faut faire attention quand on compare. Ici, on introduit la notion d'un an. Si on compare cela avec l'assurance automobile, on l'a évoquée au tout début de nos travaux ce soir — je pense que le député n'était pas là — dans le cas de l'assurance automobile, il faut bien voir qu'il s'agit là d'un programme qui vise à indemniser, donc, à verser une indemnisation sur la base d'un droit à une indemnisation qui est reconnu par une loi et qui, dans certains cas aussi, amène un conjoint survivant, le cas échéant, à pouvoir toucher un montant d'argent qui peut être plus ou moins élevé mais qui peut-être, le cas échéant, relativement élevé.

Ce dont on parle ici n'est pas du tout la même chose puisque si on exigeait, par exemple, trois ans en disant: II faut absolument qu'il y ait une concordance, c'est trois ans là, on va mettre trois ans ici, on voit bien ce à quoi cela mènerait. Il y aurait des iniquités. Je pense bien que cela se voit tout de suite. Il y aurait des iniquités puisqu'un couple marié avec deux enfants aurait droit immédiatement au supplément au revenu de travail et, à côté de cela, un autre couple de fait avec deux enfants, étant exactement dans la même situation de revenu, devrait attendre trois ans pour avoir droit au même supplément au revenu de travail.

Prenons le cas très concret des deux qui travailleraient au salaire minimum et que la règle de trois ans, par exemple, s'appliquerait, la situation serait alors injuste vis-à-vis des gens qui sont effectivement mariés puisque vous auriez dans un cas un couple marié qui aurait droit à un montant x de prestations de supplément au revenu de travail et vous auriez, d'autre part, deux autres personnes vivant sensiblement dans la même situation de fait, mais qui, travaillant toutes les deux aussi au salaire minimum, auraient droit, chacun d'elles ou en tout cas une des deux, tout dépendant de la façon dont les enfants sont à la charge, à un supplément qui serait différent. Cela mène à des injustices. Donc, il faut, je crois, viser — cela ne vaut pas seulement sur cet aspect, je pense, et c'est ce qu'on a essayé de faire — à harmoniser le mieux possible le programme qu'on introduit avec d'autres programmes qui existent, soit l'aide sociale, soit l'assurance-chômage, enfin les autres programmes qui peuvent exister. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il doit y avoir automatiquement transposition pure et simple d'un certain nombre de données. Le cas d'un an par rapport à trois ans en est un exemple, je crois.

Mme Lavoie-Roux: L'autre jour, de toute façon, quelqu'un me posait la question. Que ce soit pour l'assurance automobile ou que ce soit pour la Régie des rentes, là où il y a une limite de temps établie pour connaître une union de fait,

comment l'administration fait-elle pour établir la preuve de deux ans, trois ans, peu importe le temps requis pour établir cette union de fait?

M. Forget: C'est le règlement qui le déclare. Mme Lavoie-Roux: Et après cela?

M. Marois: La base est la même quel que soit le laps de temps, d'après ce qu'on me dit, évidemment. Dans ce cas-ci, c'est exactement celle-là, mais, à ce qu'on me dit, c'est exactement aussi la même. C'est la base de la situation de fait sur la base de la déclaration. On part de la déclaration des gens eux-mêmes. C'est cela qui est le point de départ. Si, pour une raison ou pour une autre, les administrateurs ont un doute quelconque, là, ils peuvent exiger des éléments de preuve de cette situation de fait. C'est comme cela que cela fonctionne.

Mme Lavoie-Roux: On sait que, dans le cas de l'aide sociale, par exemple, de temps à autre on va voir si l'individu travaille quand il est bénéficiaire de l'aide sociale. On va voir chez lui s'il est au travail ou des choses comme cela. Dans un cas comme celui-là, c'est uniquement la déclaration de la personne ou des personnes.

M. Marois: Comme dans le cas de l'assurance automobile, par exemple.

Mme Lavoie-Roux: Uniquement cela.

M. Marois: Ecoutez, il y a des éléments additionnels, forcément, de vérification. Notamment, à la base, on déclare un revenu de travail et un revenu de travail de ménage, le cas échéant. Vous avez là des éléments additionnels.

Mme Lavoie-Roux: On voit si c'est la même adresse ou non.

Le Président (M. Clair): Article 1 ?

M. Forget: Avec la permission du ministre, il y a un truc dans cette histoire de conjoint qui m'ap-paraît causer une difficulté. On dit: Deux personnes qui sont mariées l'une à l'autre et qui vivent ensemble. Qu'arrive-t-il dans les cas de séparation de fait, de désertion? Deux personnes sont mariées l'une à l'autre. En vertu des articles qui suivent, le chèque de supplément au revenu est fait à l'épouse en fonction du revenu de travail de son mari. Le mari déserte le foyer conjugal. Alors, l'épouse se trouve privée non seulement de l'appui financier que lui procure son mari, mais le gouvernement doit intervenir à son tour pour aggraver son cas en quelque sorte et dire: Comme vous ne vivez plus ensemble, même si vous demeurez mariés et même si votre mari ne vous donne pas cette pension alimentaire ou ne contribue pas, vous n'avez plus droit au supplément de son revenu de travail. Présumément, au lieu de continuer à lui envoyer son chèque, il va devoir en se basant sur un autre mode de calcul, c'est-à-dire lui comme personne seule, supplémenter le même revenu qu'avant à un taux moindre parce que ce n'est plus une unité familiale. L'épouse va se retrouver encore une fois devant non seulement un refus de pourvoir en perspective, peut-être, mais devant un refus de payer du gouvernement. Est-ce qu'il n'y a pas d'issue à ça? Ça me semble une situation invraisemblable. (21 h 30)

M. Marois: Là, c'est vraiment aller chercher le cas extrême, mais très bien, on va l'examiner.

M. Forget: Ecoutez, des séparations de fait il y en a un bon paquet.

M. Marois: Oui, d'accord je veux bien, mais je pense que le député sait fort bien qu'il s'agit d'un supplément au revenu de travail qui suppose une déclaration chaque année. Comme ça revient d'année en année et que les situations évoluent, les situations s'ajustent forcément d'année en année aussi.

M. Forget: Oui, mais elles vont s'ajuster avec un bon délai.

M. Marois: Prenons le cas extrême où ça se produit en cours de route en plein milieu d'année, au tiers d'année, au troisième quart d'année.

M. Forget: Ce n'est pas un cas extrême, il y a à peu près 364 jours entre le 1er janvier et le 31 décembre.

M. Marois: Prenez divers cas, dans un cas de divorce, dans un cas de séparation légale...

M. Forget: Non, de fait. D'accord, prenons d'abord la séparation légale, c'est le cas le plus facile; mais on va clarifier l'atmosphère.

M. Marois: II y a là un jugement qui établit une situation nouvelle sur le plan civil, donc dont il faudra forcément tenir compte quand on arrivera au moment d'une demande, basée sur le revenu de l'année antérieure, mais pour l'année à venir. Je pense que ce double cas parait assez clair. Dans le cas où quelqu'un — pour reprendre l'expression du député — déserte en cours de route.

M. Forget: Même dans ce cas, la séparation légale va s'accompagner d'une obligation alimentaire décrétée par la cour. Cette obligation alimentaire va devoir être satisfaite à même le revenu de travail, mais un supplément de revenu — qui est probablement le même — qui est présumément diminué, parce que, même s'ils sont mariés, ils ne vivent plus ensemble, même avec la séparation le mariage continue, il n'y a pas de divorce, donc il y a toujours un mariage, mais ils ne vivent plus ensemble. Donc la possibilité d'aller chercher un supplément au revenu va être moindre qu'avant et là, le mari séparé de droit par la cour va devoir payer la pension alimentaire à même un revenu

diminué. Evidemment, il va pouvoir le déduire de son impôt, mais là on parle de niveau d'imposition qui ne lui donnera pas une assistance bien considérable pour payer sa pension alimentaire. D'un autre côté, la femme, elle, qui a eu sa séparation, à moins qu'elle ne se mette à travailler, va être pénalisée de deux façons, même dans cette situation, parce que la pension alimentaire, si je comprends bien, ne vient pas permettre au mari de continuer à se prétendre responsable de son épouse sur le plan financier, alors que dans l'impôt on fait une place pour ça, on dit que la déduction est permise de la pension alimentaire du revenu imposable. Mais au niveau du supplément on dit: Non, elle est disparue, l'épouse, et même toute obligation de l'aider financièrement est disparue. Mais ce n'est pas le cas.

M. Marois: Je revenais sur la base, tantôt, en intervenant; il ne faut pas perdre de vue que la situation de base c'est toujours la situation au 31 décembre, puisque c'est à partir de celle-là qu'est établi le droit à un supplément au revenu de travail et le montant, le taux, etc. Bien. Partant du fait que c'est à partir de la situation au 31 décembre que les choses s'ajustent, s'il y a un jugement de séparation ou de divorce, c'est forcément le jugement — je parle en cours de route — qui intervenait et qui va disposer aussi forcément du supplément en question, en tenant compte des enfants à charge, de la responsabilité de celui des conjoints qui se verra confier la responsabilité ou la charge des enfants.

Si cela intervient en fin d'année, si on arrive au 31 décembre et que la situation a changé, là, il y a plusieurs situations possibles. Je veux bien commencer à les examiner l'une après l'autre. Ou alors le mari n'a pas la responsabilité et la prise en charge des enfants, et en plus paie une pension; là, de toute façon, en ce qui concerne son cas, tout dépendra de son niveau de revenu. Si on est rendu à l'année 1980, à partir du moment où les personnes seules ayant un revenu de travail ont droit à un supplément, etc., la situation s'ajustera en ce qui le concerne personnellement dans l'hypothèse concrète que je viens d'évoquer, compte tenu de son revenu.

Dans le cas de la femme, ou elle travaille ou elle ne travaille pas. Si elle travaille, le même phénomène va s'appliquer. Compte tenu du nombre d'enfants à charge, de l'état de son revenu, elle aura droit à un supplément de tel type. Si elle ne travaille pas, forcément, la situation se trouve différente. Tout dépend aussi des montants de pension auxquels elle aurait droit. Je rappelle en ce sens que la loi prévoit que le montant de supplément est saisissable pour fins de dette alimentaire ou de pension alimentaire.

M. Forget: Oui, mais...

M. Marois: J'ai essayé de faire le tour d'un certain nombre de situations contrètes.

M. Forget: Je comprends que les gens vont s'ajuster, c'est la beauté de la nature humaine d'être très ajustable. Mais ce qu'il est important de retenir, c'est que la définition tourne autour de la notion de cohabitation. Même dans le cas d'un mariage non dissout par divorce, comme il doit y avoir cohabitation pour permettre de considérer les deux conjoints comme des conjoints, donc de considérer ces deux personnes comme formant un ménage, une famille pour les fins du supplément, dès que la cohabitation cesse, il va y avoir ou non une pension alimentaire. Il reste qu'on peut conclure que le niveau de dépenses de deux personnes qui vivent séparément va être plus grand que leur niveau de dépenses quand elles vivaient ensemble. Mais, parce qu'on ne tient pas compte de ce fait, parce qu'on ne tient pas compte de la pension alimentaire, par exemple, qui est une charge pour le mari, et parce que le barème de supplément va être diminué parce qu'elles ne vivent plus ensemble, il y a une espèce de double pénalisation qui va affecter les deux.

M. Marois: Le député, je pense bien, va comprendre très facilement que, si on ne tient pas compte de la cohabitation, vous voyez un peu à quoi cela peut mener. Vous pourriez très bien avoir la situation d'un humain, homme ou femme, si on ne tient pas compte de la cohabitation, le cas échéant, ayant deux conjoints dans les faits. Il faut tenir compte de la cohabitation. Si on ne tient pas compte de la cohabitation... Ecoutez...

M. Forget: A ce moment-là, il n'y aurait pas de pension alimentaire, présumément!

M. Marois: Non. A ce moment-là, on est probablement dans le cas d'un humain qui dispose d'un niveau de revenu lui permettant de se payer ce genre de situation.

M. Forget: Je ne m'inquiétais pas de l'appartenance à deux unités familiales dans ces cas-là. Etant donné qu'il faut, pendant un an, être en état de cohabitation il va y avoir des périodes de battement où il n'y aura pas de cohabitation avec personne en loi, même s'il y a une cohabitation continue avec des personnes différentes.

Mme Lavoie-Roux: II y en a qui seront obligés de faire un an et demi pour en retirer les profits.

M. Forget: Parce qu'il y a des délais de carence assez substantiels.

Mme Lavoie-Roux: Ils vont perdre six mois.

M. Forget: II n'y a pas tellement de risques que cela se chevauche. Il va y avoir des moments, au contraire, où ni l'une ni l'autre des unités familiales de fait n'auront droit au supplément sur la base de l'unité familiale. Je pense que cela me paraît assez évident.

Le Président (M. Clair): L'article 1 est-il adopté?

M. Forget: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Adopté. L'article 1 étant adopté, j'appelle l'article 2.

M. Marois: Sans amendement, M. le Président.

Droit au supplément au revenu de travail

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent, sur l'article 2.

M. Forget: II y a un amendement, il est incorporé automatiquement.

Le Président (M. Clair): L'article 2?

M. Forget: Non, l'amendement. Il y a un projet d'amendement? Non, non.

M. Marois: Non, c'est à l'article 7.

M. Forget: J'avais compris que le ministre disait qu'il y avait un amendement.

M. Marois: Non, il n'y a pas d'amendement.

Le Président (M. Clair): Y a-t-il des questions sur l'article 2?

M. Forget: Un instant. Non, personnellement, je n'ai pas de question. Cela semble assez clair.

Le Président (M. Clair): L'article 2 est-il adopté?

Une Voix: Oui.

Le Président (M. Clair): Adopté. J'appelle l'article 3. M. le ministre.

M. Marois: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: L'âge en question est-il déterminé par le règlement qu'on nous a présenté?

M. Marois: Non.

M. Forget: C'est un règlement à venir?

M. Marois: A venir.

M. Forget: Est-ce qu'on a une idée approximative de l'âge en question? Est-ce 30 ans ou...?

M. Marois: On examine présentement la question. Il y a des problèmes qui se posent. C'est, encore une fois, la question de l'harmonisation avec l'aide sociale, 30 ans pouvant être une des possibilités qu'on examine. Je pourrais répondre de façon très précise à l'automne puisque c'est pour entrer en vigueur, donc on toucherait la deuxième étape au 1er janvier 1980. Donc, à l'automne, le plus tôt possible.

M. Forget: Si on parle d'harmonisation, est-ce que cela veut dire que s'il y a un âge différent de 30 ans, le règlement de l'aide sociale sera modifié en conséquence?

M. Marois: Cela ne veut pas nécessairement dire cela, mais c'est à examiner, dans l'ensemble.

M. Forget: C'est une réponse prudente.

M. Marois: Oui.

Le Président (M. Clair): L'article 3...

M. Forget: La question de la résidence au Canada depuis au moins un an, cela suppose donc que dans le cas des immigrants reçus il n'y a pas d'admissibilité à un supplément au revenu de travail durant la première année de leur résidence au Québec si le Québec est leur province de destination et la province où ils restent effectivement?

M. Marois: Toujours en se basant sur la même idée puisque le supplément au revenu de travail est basé sur le revenu de l'année antérieure...

M. Forget: De façon absolue, une personne qui n'est pas à sa deuxième année de travail, même si elle remplit toutes les autres conditions, n'est pas éligible?

M. Marois: II faut une année de travail. C'est-à-dire qu'il faut...

M. Forget: Un étudiant qui prend son premier emploi, par exemple...

M. Marois: II faut un revenu de travail au cours d'une année.

M. Forget: Au cours d'une année. Et c'est seulement durant la deuxième année qu'on peut voir ce revenu de travail recevoir un supplément.

M. Marois: C'est cela.

M. Forget: Ce qui veut dire que le premier emploi, disons, au salaire minimum...

M. Marois: Puisque c'est basé sur le revenu antérieur, en d'autres termes.

M. Forget: ... ne peut pas donner lieu, même par voie... Il n'est pas prévu qu'on puisse dire: On n'a pas cette donnée mais s'il s'agit, par exemple, d'un étudiant qui termine, qui a terminé son cours secondaire ou qui ne l'a pas terminé et qui, étant donné des échecs, a atteint l'âge légal pour cesser la fréquentation scolaire obligatoire, qui est sur le

marché du travail, qui gagne un revenu au salaire minimum, il n'a pas droit au supplément. Il n'y a même pas de clause qui permette de reconstituer en quelque sorte le salaire qu'il aurait gagné s'il avait travaillé l'année précédente? Il n'y a aucune règle comme celle-là, c'est strictement la deuxième année où il a droit au supplément.

M. Marois: Le problème d'ailleurs, ce n'est pas seulement pour l'immigrant; c'est le cas de l'ensemble des autres citoyens. Je reviens à ce que j'évoquais. Le problème est le suivant, fondamentalement: En toute honnêteté, on a regardé la possibilité de permettre à quelqu'un, en cours d'année, de participer au programme. C'est extrêmement complexe de trouver une solution administrative qui soit juste, qui soit raisonnable, qui soit équitable pour les citoyens. Pourquoi? Parce qu'il y a toujours eu, encore une fois, deux approches possibles sur des programmes de ce genre.

Tous ceux qui ont expérimenté la base de prévision de revenu — parce que le moindrement qu'on fait entrer en cours de route ou qu'on cherche à modifier l'approche voulant qu'on se base sur un revenu obtenu au cours d'années antérieures, il faut se baser sur une prévision de revenu — savent que cela devient d'une complexité énorme. Par exemple, si ma mémoire est bonne — je vous donne les chiffres sous réserve, cependant — en Saskatchewan, cela a donné forcément ceci au bilan: une sous-évaluation ou une sous-estimation des revenus à venir donnant droit forcément à une prestation additionnelle, de telle sorte qu'il y a eu des trop-versés, avec le problème administratif énorme de tenter de récupérer cela, avec aussi au bilan des coûts administratifs extrêmement élevés dans leur cas. Tout ceux qui, au contraire, ont abordé le problème par le biais d'un supplément sur la base d'un revenu beaucoup plus facile à établir, qui est le revenu obtenu en cours d'année, que ce soit un revenu de travail temporaire ou à temps partiel ou le revenu d'un étudiant entré sur le marché au cours de l'année antérieure, son revenu étant X à la fin de l'année, ont constaté que, là, l'administration devient extrêmement plus simple et qu'aussi les citoyens vivent un programme avec beaucoup moins de tracasseries administratives. (21 h 45)

Entre les deux pôles, il est extrêmement difficile d'essayer de trouver une formule administrative simple permettant à quelqu'un d'entrer sur le programme en cours d'année. On a examiné cette hypothèse, mais j'avoue que, sur la base des éléments de solution qu'on m'a proposés, cela ne me semblait vraiment pas pertinent. Cela ne me semblait pas au point, en tout cas. Je n'ai pas pensé qu'il était sage, prudent d'introduire une formule comme celle-là, bien qu'on va continuer à travailler cet aspect de la question. Il n'y a rien qui exclut qu'il y ait des ajustements éventuellement au programme. Il s'agit d'un point de démarrage.

M. Gosselin: Me permettez-vous une remarque là-dessus? Je pense que cela comporte un très grand avantage en ragard de l'incitation au travail, surtout pour les nouvelles clientèles comme des jeunes. Prenez la situation d'un jeune de 18 ans, par exemple, qui vient de terminer son cours secondaire et qui, au mois d'août de cette année, se trouverait un emploi qui lui garantirait des revenus jusqu'en décembre prochain. En décembre, il pourrait produire une déclaration de revenus qui lui donnerait probablement droit au maximum parce que le revenu de six mois serait comptabilisé comme pour douze mois. D'accord? Autrement dit, cela peut avoir un effet d'incitation assez intéressant, notamment pour la clientèle des jeunes qui sortent du milieu scolaire, à entrer immédiatement sur le marché du travail, pour peu qu'on leur offre des facilités également, de façon à profiter au maximum, dès le départ, du programme.

M. Marois: C'est pour cela qu'il y a une distinction. On évoquait deux cas. On parlait de l'immigrant et on parlait de l'étudiant ou du jeune qui va travailler. L'étudiant qui quitte l'école, qui entre sur le marché du travail et qui travaille de septembre à décembre, serait admissible au supplément au revenu de travail sur la base de son revenu de travail obtenu au cours de l'année antérieure. A partir du moment où on débloquerait — et on espère pouvoir aboutir dans les plus brefs délais possible — sur de nouveaux programmes d'emploi pour les jeunes, en particulier, et pour les assistés sociaux aptes au travail — il y a $20 millions prévus à cet effet dans le budget de cette année — cela permet d'avoir cette perspective.

Dans le cas de l'immigrant, il y a un problème additionnel qui se pose et c'est pour cela qu'on exige, bien sûr, comme base, le 31 décembre, la résidence au Québec et la résidence au Canada depuis au moins un an. Dans le cas de l'immigrant, le problème est le suivant: c'est qu'il est extrêmement difficile, sur le plan administratif, de contrôler la part de revenu de travail obtenu en cours d'année antérieure dans un pays étranger, alors que l'année de résidence au Canada permet forcément d'arriver au contrôle normal du revenu obtenu en cours d'année antérieure et d'être équitable. Si on n'exigeait pas l'année de résidence au Canada, on pourrait arriver à des choses absolument inéquitables, absolument incontrôlables et pas plus vérifiables.

Le Président (M. Clair): D'autres questions sur l'article 3?

M. Forget: Oui, M. le Président. On dit, au paragraphe e): "des biens non exclus par règlement, dont la valeur marchande n'excédait pas le montant déterminé par règlement". Or, il y a le même paragraphe en d) de l'article 2c. En vertu du paragraphe d) de l'article 2, il y a un règlement qui a été publié. Faut-il croire que le règlement qui sera un jour adopté en vertu de l'article 3 comportera des limites et des exclusions différentes de celles prévues par l'article 2?

M. Marois: Quand les personnes seules — la deuxième étape, à partir du 1er janvier 1980 — entreront sous la coupe du programme, on fera exactement le même genre de règlement que celui qu'on vous a remis comme projet de règlement. Deuxièmement, je rappelle que le texte de loi, c'est ce qu'on appelle une loi fiscale. C'est la façon juridique de formuler une chose comme celle-là dans une loi de type fiscal, quant aux exclusions.

M. Forget: Je n'ai aucune objection au libellé. M. Marois: Oui.

M. Forget: Ce que je pose comme question, c'est ceci: Est-ce qu'il s'agira des mêmes limites et des mêmes exclusions ou de limites et d'exclusions différentes?

M. Marois: Pour les personnes seules? M. Forget: Oui.

M. Marois: En toute honnêteté, au moment où on se parle, on n'a pas prévu que cela puisse être différent. Donc, normalement, cela devrait être exactement la même chose dans le cas des personnes seules. Je me réserve quand même, dans l'examen de l'ensemble de cette question-là, la possibilité de revenir là-dessus, mais à ce jour je vais vous dire en toute honnêteté que ce qu'on prévoit, c'est exactement la même chose.

M. Forget: Très bien.

Le Président (M. Clair): L'article 3 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Clair): Adopté. J'appelle l'article 4.

M. Forget: Pour le bénéfice du journal des Débats, est-ce qu'on pourrait nous dire en clair ce que cet article signifie?

M. Marois: Pour vous dire en clair ce que cet article signifie, il faudrait que je vous lise les articles 714 et 715 de la Loi de l'impôt. Il s'agit de deux articles de la Loi sur les impôts, 1972, chapitre 23, comme l'indique l'article 4 du présent projet de loi, qui concernent les fonctionnaires étrangers qui sont exonérés d'impôt, avec un certain nombre de restrictions dans certains cas, et les membres de la famille d'un fonctionnaire étranger. C'est purement par concordance fiscale.

Le Président (M. Clair): Est-ce que l'article 4 est adopté?

M. Forget: II s'agit d'exclusion des membres...

M. Marois: Je peux vous le lire, vous allez voir tout de suite.

M. Forget: Oui mais il y a un paragraphe à 715 — je me demande si cela s'applique avec la même force — où on prévoit le cas où le membre de la famille ou l'employé n'est pas un citoyen canadien. Est-ce que cela aurait tendance à exclure les immigrants reçus?

M. Marois: Non, à la seule exception... Encore une fois, c'est parce que l'article 715 doit être lu en relation avec l'article 714 de la Loi sur les impôts. L'article 714 de la Loi sur les impôts concerne un fonctionnaire ou un préposé du gouvernement d'un pays autre que le Canada qui est exonoré d'impôt si ses fonctions l'obligent à résider au Canada s'il demeurait en dehors du Canada immédiatement avant d'assumer ses fonctions et si le pays étranger accorde un privilège semblable à une même catégorie de fonctionnaires ou de préposés du Canada ou du Québec. Donc, c'est le cas d'exemption prévu avec un certain nombre d'éléments additionnels, l'article 715 concernant les membres de la famille de ce fonctionnaire étranger. Cela n'exclut donc pas les cas qu'on évoquait tantôt, l'immigrant normal, le citoyen qui arrive sur le marché du travail chez nous.

M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Clair): Est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Clair): L'article 4 est adopté. J'appelle l'article 5.

Calcul du supplément au revenu de travail

M. Marois: M. le Président, c'est évidemment un article important. Je dirais que c'est une des charnières importantes du projet parce que c'est l'article qui définit de quelle façon se calcule le 'supplément. Le premier alinéa de cet article prévoit le cas où le revenu n'excède pas le revenu de prestation maximale. Le deuxième paragraphe prévoit le cas où le revenu de travail excède le revenu de prestation maximale et là où on applique un taux de réduction de 33 1/3%. Il est à lire, bien sûr, en relation avec les articles 6 et 7. Le revenu de prestation est défini déjà par règlement. Les membres de la commission ont en main le projet de règlement.

J'attire également l'attention sur le fait que le pourcentage du revenu de travail pour établir le supplément est défini par règlement. On aura noté que, dans le règlement, on propose 25% et que le projet de loi nous laisse une marge de manoeuvre entre 20% et 30%. Cela nous permettra, à la lumière de l'expérience, de la pratique des choses, le cas échéant, d'ajuster cela.

M. Forget: M. le Président, cet article établit des pouvoirs réglementaires. Dans le premier cas, il s'agit de déterminer le revenu de prestation maximale, le point d'inflexion, si on veut, enfin, on

se comprend bien là-dessus. Effectivement, le projet de règlement spécifie cela clairement. Le deuxième pouvoir réglementaire était peut-être un peu ambigu. On dit que le supplément au revenu de travail auquel a droit cette famille ou cette personne est une prestation égale au pourcentage de ce revenu de travail déterminé par règlement. "Déterminé par règlement" peut s'appliquer au pourcentage ou revenu de travail, me semble-t-il. Est-ce qu'il ne serait pas plus clair de dire: Egal au pourcentage déterminé par règlement, de ce revenu de travail, parce que je pense que c'est le pourcentage qu'on veut déterminer par règlement et non pas le revenu de travail.

M. Marois: Si on le lit en regardant également l'article 35e, je ne sais pas si le député ne trouvera pas là la réponse à la remarque qu'il faisait. 35e, c'est l'article qui concerne le pouvoir réglementaire: "déterminer, aux fins de l'article 5 le pourcentage du revenu de travail et celui du revenu de prestation maximale; ces pourcentages ne peuvent en aucun cas être inférieurs à vingt pour cent..." mais je n'aurais pas d'objection du tout à accepter la suggestion du député. En d'autres termes, de la même façon qu'on dit au paragraphe précédent: Egal au pourcentage de ce revenu de travail déterminé par règlement. Ce que le député suggère, si je comprends bien, c'est que le texte se lise de la façon suivante: Est une prestation égale au pourcentage déterminé par règlement de ce revenu de prestation. C'est cela?

M. Forget: De ce revenu de travail, oui.

Le Président (M. Clair): Cela vaudrait dans les deux paragraphes.

M. Marois: Dans les deux alinéas. M. Forget: Dans les deux alinéas.

Le Président (M. Clair): Est-ce que l'amendement est adopté? Vous pouvez y réfléchir toute la nuit, il est 22 heures.

M. Marois: Non, si on peut procéder, M. le Président.

Le Président (M. Clair): L'amendement est tant au premier alinéa qu'au deuxième. Dans le cas du premier alinéa, à la deuxième avant-dernière ligne, après les mots "égal au pourcentage", indiquer "déterminé par règlement, de ce revenu de travail.

Procéder à la même correction au deuxième paragraphe, deuxième alinéa, de sorte que le deuxième paragraphe, par exemple, se lise comme suit: "Si ce revenu de travail excède le revenu de prestation maximale établi par règlement, le supplément au revenu de travail est une prestation égale au pourcentage déterminée par règlement de ce revenu de travail, moins le tiers de l'excédent de ce revenu de travail sur le revenu de prestation maximale et moins l'excédent du revenu total sur ce même revenu de travail". L'amendement est-il adopté?

M. Marois: M. le Président, pouvez-vous relire le texte du deuxième paragraphe que vous venez de suggérer?

Le Président (M. Clair): "Si ce revenu de travail excède le revenu de prestation maximale établi par règlement, le supplément au revenu de travail est une prestation égale au pourcentage déterminé par règlement de ce revenu de travail, moins le tiers de l'excédent...

M. Marois: Au deuxième paragraphe, c'est "de ce revenu de prestation maximale".

Le Président (M. Clair): Oui, je m'excuse.

M. Marois: C'est au premier paragraphe qu'on utilise l'expression "revenu de travail".

Le Président (M. Clair): Vous avez raison, c'est "de ce revenu de prestation maximale".

M. Marois: Et là on enchaîne avec: "moins le tiers de l'excédent." Je ne veux pas allonger les discussions, mais je veux être certain que les deux textes sont bien clairs.

Le Président (M. Clair): Vous voudriez que je relise l'article au complet?

M. Marois: Peut-être, oui. (22 heures)

Le Président (M. Clair): L'article, tel qu'amendé, se lirait comme suit: "Lorsque le revenu de travail des conjoints ou de la personne membres d'une famille au sens de l'article 2, ou celui d'une personne visée dans l'article 3 n'excède pas le revenu de prestation maximale établi par règlement, le supplément au revenu de travail auquel a droit cette famille ou cette personne est une prestation égale au pourcentage déterminé par règlement de ce revenu de travail, moins l'excédent de son revenu total sur ce revenu de prestation maximale." J'ai lu le second alinéa tantôt.

Les amendements sont adoptés. L'article, tel qu'amendé est-il adopté?

M. Forget: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Clair): L'article 5 est adopté avec les amendements.

Madame, messieurs, il est 22 heures; la commission des affaires sociales ajourne ses travaux sine die.

Fin de la séance à 22 h 1

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