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Etude du projet de loi no 1
(Dix heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, madame,
messieurs!
La commission permanente des affaires sociales est réunie pour
poursuivre l'étude article par article du projet de loi no 1, Loi sur le
supplément au revenu de travail.
Les membres de la commission sont M. Forget (Saint-Laurent), M.
Goldbloom (D'Arcy McGee) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).
Vous remplacez M. Goldbloom?
Mme Lavoie-Roux: J'ai toujours pensé que
j'étais...
Le Président (M. Marcoux): Remplacez-vous M.
Goldbloom?
Mme Lavoie-Roux: Non, mais que j'étais...
Le Président (M. Marcoux): Intervenant, point?
Mme Lavoie-Roux:... que j'étais à la
commission.
Le Président (M. Marcoux):... alors, M. Goldbloom (D'Arcy
McGee), remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Gosselin
(Sherbrooke), M. Gravel (Limoilou), M. Grenier (Mégantic-Compton), M.
Lavigne (Beauharnois), M. Lazure (Chambly), M. Martel (Richelieu), M. Paquette
(Rosemont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire).
Les intervenants sont: M. Alfred (Papineau), M. Cordeau
(Saint-Hyacinthe), M. Couture (Saint-Henri), M. Lacoste (Sainte-Anne), M.
Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Marcoux (Rimouski), M.
Marois (Laporte)... M. Paquette (Rosemont), remplacé par M. Marois
(Laporte).
M. Le Moignan: M. le Président, je remplace qui, moi?
Le Président (M. Marcoux): M. Grenier
(Mégantic-Compton), remplacé par M. Le Moignan
(Gaspé).
Calcul du supplément au revenu de travail
(suite)
Vous en étiez, si on m'informe bien, à l'article 6.
J'appelle l'article 6.
M. Marois: Je n'ai pas d'amendements à proposer, M. le
Président.
M. Forget: Un instant, M. le Président. Je suis un peu
déphasé.
Prenons le paragraphe b), M. le Président. Il semble qu'un des
aspects les plus, disons-le, surprenants de ce projet, c'est la décision
qu'il implique d'aller carrément de l'avant dans la
supplémentation des revenus des travailleurs autonomes,
c'est-à-dire des propriétaires des petites entreprises, de petits
commerces, d'artisans, etc. Etant donné les problèmes de
comptabilité ne serait-ce que ceux-là, ils sont
substantiels dans ce secteur c'est un domaine où on se serait
attendu que la réglementation soit abondante, parce que,
évidemment, il y a des règles qui sont utilisées pour la
détermination des revenus d'un travailleur autonome pour les fins
fiscales qui sont, évidemment, substantiellement différentes des
règles utilisées pour la détermination des revenus d'un
salarié, étant donné qu'il s'agit d'une entreprise. La
référence aux articles 119 et 119a, si je comprends bien, c'est
la référence à un certain nombre de déductions
permises aux chefs d'entreprises.
Est-ce que le ministre pourrait nous tracer, pour le
bénéfice du journal des Débats, un tableau de la
façon dont on traitera le revenu pour les fins du calcul de la
supplémentation du revenu et qui diffère des modes de calcul
utilisés pour l'impôt, de manière que ceci soit bien
clair?
M. Marois: Pour l'essentiel, M. le Président, je dirais
que les distinctions fondamentales sont les suivantes. Dans le cas où il
s'agit d'un revenu de travail de salaire, on se base, comme point de
départ, sur le salaire brut, en tenant compte d'un certain nombre
d'éléments qui interviennent de façon additionnelle, le
revenu et le reste additionnel. Dans le cas des travailleurs dont, pour
l'essentiel, le revenu provient de commissions, ce sont les règles
générales de la Loi de l'impôt qui prévalent. Il y a
certaines dépenses qui sont autorisées. On s'en tient strictement
à cela.
Dans le cas de ce qu'on appelle les travailleurs autonomes, ceux que
vous avez évoqués comme exemple, comme les agriculteurs, on se
base sur le revenu net du travailleur autonome, conformément,
d'ailleurs, à la Loi de l'impôt. Là-dessus, on suit
essentiellement les règles de la Loi de l'impôt et les articles
119 et 119a sont les articles de la Loi de l'impôt qui,
précisément, font référence à
l'amortissement, lequel n'est pas réduit du revenu brut de l'entreprise.
L'article 119a, c'est ce qu'on appelle la perte terminale ou le
complément de l'amortissement.
Après examen, il nous semblait que, comme on suit exactement la
Loi de l'impôt, c'est exactement la même chose que les
règles générales de l'impôt, dans leur cas, il n'y a
pas besoin de règlements.
M. Forget: Vous ne tenez aucun compte, dans le cas des
agriculteurs, de l'autoconsommation, c'est-à-dire que, dans le cas des
agriculteurs, ils produisent ordinairement des biens qu'ils peuvent consommer
eux-mêmes. C'est évidemment un élément...
Quand on regarde le problème de la pauvreté, il reste que,
du côté des fermiers, même s'il n'y a pas un montant qui est
reçu en espèce, en monnaie provenant de la vente d'une certaine
partie des biens, il reste que cela contribue au bien-être relatif d'un
agriculteur par rapport, par exemple, à une personne qui vit dans une
ville, qui est locataire, qui doit payer son loyer, qui doit acheter tous ses
radis ou toute sa laitue, tout son lait, etc. Il reste qu'il y a une
consommation en nature sur les fermes qui est un phénomène qui
est probablement ignoré par l'impôt parce qu'il n'y a pas de
transaction financière et c'est une chose qu'il serait trop difficile de
mesurer pour l'impôt. Le but de l'impôt dans le fond, c'est de
prélever; bien qu'il y ait un concept du revenu idéal, il reste
que c'est de prélever une quote-part sur le revenu financier des gens,
beaucoup plus que sur le revenu en nature. Mais quand notre
préoccupation est une préoccupation d'équité, de
lutte à la pauvreté, c'est une dimension qui devient importante
et qui pose un certain nombre de problèmes d'équité,
justement, entre les gens des villes et les gens des campagnes. On peut se
demander si le supplément de revenu qui est donné au même
taux à des personnes pour qui l'autoconsorn-mation est un facteur
important... Quand on a un petit poulailler, qu'on a une vache, qu'on a un
jardin potager, qu'on peut se chauffer à même le bois qu'on prend
sur la terre etc., il reste que le problème de la pauvreté n'a
pas du tout la même dimension que dans les villes. Si je comprends bien,
vous n'en tiendrez aucun compte.
M. Marois: Effectivement, les règles qui s'appliquent
concernant l'autoconsommation sont les règles générales de
l'impôt. On suit exactement les règles de l'impôt, pour un
certain nombre de raisons. D'une part, c'est que d'ailleurs, même
si, théoriquement, en vertu de la loi de l'impôt, il est possible,
il serait possible pour le ministère du Revenu d'en tenir compte
la pratique a démontré que c'est extrêmement difficile
à évaluer, à cerner comme notion. C'est extrêmement
difficile à quantifier, à évaluer financièrement
et, en plus, c'est extrêmement variable et changeant. On assiste, par
exemple, même en milieu urbain aujourd'hui, au développement de ce
qui s'appelle dans certains coins des potagers communautaires. Par ailleurs,
semble-t-il, d'après ce qu'on me dit, tout compte fait, c'est
relativement marginal dans l'ensemble du budget de fonctionnement de la famille
ou du ménage.
Pour ces raisons, par prudence et aussi en tenant compte du fait de
l'extrême difficulté dans l'évaluation des choses, pour
l'instant, on a préféré s'en tenir strictement aux
règles qui s'appliquent présentement à l'impôt et
à la pratique.
M. Forget: Je crois que le ministère de l'Agriculture a
des méthodes particulières pour évaluer le revenu des
agriculteurs qui ne se réfèrent pas à la Loi de
l'impôt, pour certaines mesures d'aide aux agriculteurs. L'agriculteur
qui est nominalement fermier, bénéficie d'une subven- tion pour
le paiement de ses taxes foncières, par exemple. Est-ce que cela sera
considéré, indépendamment des revenus de la ferme et
indépendamment des revenus de l'agriculteur, comme les versements, les
prestations sociales qui sont reçues par d'autres groupes dans la
population?
M. Marois: II y a deux volets. Le premier concernant... Il ne
faut pas perdre de vue que les gens qui seront touchés dans le cas des
agriculteurs, forcément, il s'agit des petits. C'est vrai, c'est exact
de dire, je pense bien, que le ministère de l'Agriculture a
développé une certaine expertise d'évaluation des revenus
de la ferme. Cette expertise s'applique avec beaucoup plus de précision
dans le cas des fermes et des exploitations agricoles d'une certaine taille.
Dans le cas des petites exploitations agricoles qui rapportent peu, là
aussi, l'expertise est, comment dirais-je, très relative, de sorte qu'on
en vient sensiblement aux règles générales que
j'invoquais.
Dans ce sens, pour la raison que j'ai invoquée, en ajoutant
ça aux raisons additionnelles invoquées tantôt, pour
l'instant, on préfère s'en tenir aux règles
générales.
M. Forget: Pour ce qui est des petits commerçants, c'est
seulement la dépréciation, l'amortissement du capital qui n'est
pas soustrait du revenu brut, toutes les autres dépenses, toutes les
autres déductions...
M. Marois: Du revenu net.
M. Forget: Non, c'est-à-dire que les déductions
sont faites du revenu brut pour arriver au revenu net.
M. Marois: Oui.
M. Forget: Toutes les autres déductions permises par
l'impôt seront également prises en compte.
M. Marois: En tenant compte cependant du test d'actif qui
s'applique.
M. Forget: Le test d'actif non déprécié,
j'imagine ou déprécié. (10h30)
M. Marois: J'ai distribué un projet de règlement.
Si on regarde le projet de règlement, à l'article 2, il s'agit de
la valeur marchande au-delà de laquelle une famille ou une personne
seule n'est pas admissible à un supplément pour une année
fixée à $50 000. Et, ensuite, il y a la résidence
principale, l'automobile et le reste. Donc, c'est la valeur marchande.
M. Forget: Mais la valeur marchande, par exemple, pour un petit
dépanneur qui a probablement en inventaire une somme malgré tout
appréciable, il a le commerce lui-même, le local dont il peut
être propriétaire, dans certains cas...
M. Marois: Ou locataire.
M. Forget: ...ou locataire. S'il est locataire, cela ne pose pas
de problème sur la valeur de l'actif. Mais s'il en est
propriétaire, est-ce que cela n'exclut pas effectivement une très
grande proportion des artisans ou des petits commerçants? Ce n'est pas
un gros commerce qui a un actif de $50 000. Il s'agit d'un actif net,
j'imagine?
M. Marois: D'après les relevés qu'on a faits, la
réponse serait non.
M. Forget: C'est l'actif brut.
M. Marois: Non, j'allais dire que cela n'exclut pas, comme vous
sembliez le suggérer ou comme vous le formuliez sous forme de question,
un nombre important de commerçants, dans la mesure où on va
perdre de vue... vous avez plusieurs situations, au niveau des petits
commerçants. Très souvent, ils sont locataires.
Deuxièmement, très souvent, leur commerce est accroché
à leur résidence. Bien sûr, le test d'actif non seulement
établit une valeur marchande de biens à $50 000, mais on ne tient
pas compte, en plus, de la résidence principale, le terrain sur lequel
elle est érigée, les meubles et effets d'usage domestique de la
résidence principale et l'automobile qui est habituellement
utilisée à certaines conditions, établies par le
règlement que vous avez devant vous.
M. Forget: Est-ce qu'il ne serait pas plus juste de
considérer la valeur nette des biens des conjoints? Dans le cas d'un
petit commerçant, il va y avoir un inventaire. Il va y avoir des sommes
qui sont probablement dues à la banque ou à la caisse populaire
étant donné que c'est un prêt commercial, à
ce moment-là, je pense bien que c'est à la banque et cela
ne prend pas un gros commerce ou une grosse entreprise, dans le fond, pour
avoir des biens qui peuvent à l'occasion, dépasser $50 000 de nos
jours et, malgré tout, être un commerce extrêmement
modeste.
M. Marois: On tient compte cependant, M. le Président
je pense qu'il faut peut-être distinguer les deux, les voir l'un
par rapport à l'autre dans l'établissement des revenus,
lorsqu'il s'agit d'un travailleur autonome, du revenu net. Forcément,
toute la partie des dépenses qui est de la nature d'une dette, par
exemple, des versements annuels sur cette dette-là, se trouve
déduite, puisqu'on tient compte du revenu net. S'ajoute à cela le
test d'actif qui est évoqué.
M. Forget: Si vous tenez compte du revenu net, il me semble qu'il
serait logique de tenir compte de la valeur nette de l'actif, parce que
justement quelqu'un qui pourrait être pauvre, selon la définition
du revenu que vous avez, qui aurait un revenu net extrêmement faible,
parce qu'il a des paiements à la banque, etc., finalement, il a presque
rien, c'est le profit qui lui reste comme revenu et son profit peut être
pratiquement insignifiant.
Il peut, malgré tout, être exclu, si la valeur totale des
biens qu'il a sur ses tablettes, par exemple, ou qu'il a en entrepôt, si
c'est un artisan, même s'il doit tout cela à la banque, dans le
fond, etc., ce n'est pas à lui, il n'a pas l'argent pour les acheter,
mais il faut bien qu'il les ait pour travailler. Supposons que c'est un
artisan, il a de l'équipement, il a des matières
premières. Il va pouvoir être exclu du programme, même s'il
est pauvre et même si tout cela, dans le fond, appartient à la
banque, cela ne lui appartient pas, mais cela a une valeur marchande de $50
000.
M. Marois: Peut-être que certains chiffres permettraient de
mieux voir et mieux cerner la réalité dont on parle.
D'après nos évaluations, il y aurait, quand le programme sera
complètement en vigueur, sur les 96 000 ménages qu'on
évalue, qui tomberaient sous la coupe du programme, 10 000 agriculteurs
et 5000 autres travailleurs autonomes, c'est-à-dire des
commerçants, des artisans, etc. C'est donc de cela qu'on parle.
L'autre élément additionnel, on a
préféré tenir compte de l'actif brut, parce que, quand...
Evidemment, c'est un élément nouveau que de tenir compte de la
réalité des travailleurs autonomes. Le travailleur autonome qui
peut emprunter $50 000 et plus, d'une part, n'est plus au niveau de
l'état de revenu ou, à tout le moins, n'est pas un pauvre comme
un travailleur salarié au salaire minimum. On ne parle plus du tout de
la même chose. Pensez que, passé le cap de $50 000 comme ouverture
de possibilité, il s'agit de quelque chose de quand même
relativement différent. C'est une raison additionnelle. Je ne vous
cacherai pas qu'on a examiné en toute honnêteté la
possibilité d'un actif de $100 000. Après réexamen, on en
est venu à la conclusion que, dans une première étape, il
était préférable de partir à $100 000 pour une
autre raison; après avoir regardé le cas, je donnais des
chiffres, je parlais d'environ 5000 petits commerçants, petits artisans,
et 10 000 agriculteurs. Passé le cap de $50 000, quand on regarde par
ailleurs les programmes auxquels sont admissibles les agriculteurs, vous savez
qu'ils tombent sous la coupe de toute une série de programmes auxquels
ils sont admissibles, les programmes de stabilisation de revenus et le reste,
qui sont des éléments qui viennent s'ajouter. Donc, il y a
là aussi une question d'harmonisation, pour l'instant, jusqu'à
nouvel ordre, avec ces programmes dont il fallait tenir compte dans un premier
temps. Par ailleurs, quand on regarde l'autre volet, l'autre extrême, du
côté de l'aide sociale, on en tient compte, et je pense que cela a
toujours été ainsi, cela a toujours été la valeur
brute, sauf pour la maison qui sert de résidence, dans le cas de l'aide
sociale.
M. Forget: II faut dire que, dans ce cas, c'étaient des
gens qui étaient présumés ne pas détenir un emploi.
Alors, la notion de valeur nette ou de valeur brute, dans le cas des gens de
l'aide sociale, n'a pas tellement d'importance.
M. Marois: Non. L'argumentation de ce côté, je la
faisais simplement à titre de rappel.
M. Forget: Dans le cas de l'hypotèque, par exemple, elle
était déduite du montant de la valeur de la maison.
M. Marois: Pour la résidence.
M. Forget: La valeur des maisons à l'aide sociale, c'est
la valeur nette, c'est l'équité.
M. Marois: C'est exact, pour la résidence.
M. Forget: J'ai l'impression, M. le ministre, qu'il y a une
certaine discrimination que semblent confirmer les chiffres que vous nous
donnez. S'il y a 10 000 agriculteurs, c'est quand même un nombre
impressionnant d'agriculteurs, parce qu'il n'y a pas 200 000 agriculteurs au
Québec. Il y a quelque chose comme 50 000 ou 60 000.
Mme Lavoie-Roux: 40 000, je pense.
M. Forget: Peut-être même 40 000 agriculteurs. Un
agriculteur sur quatre va bénéficier de la sécurité
du revenu. Il y a des centaines de milliers de petits commerçants, de
petits boutiquiers qui vivent tout juste au seuil de la pauvreté avec
des heures... Evidemment, si on calculait leur salaire horaire, ces gens n'ont
probablement pas $2 l'heure, dans bien des cas. Qu'on en ait seulement 5000
pour tout le Québec qui vont se qualifier, cela indique que, par rapport
aux agriculteurs, on les traite plus sévèrement. Je comprends
qu'il y a des problèmes d'évaluation des revenus; mais
peut-être moins grands dans le cas des petits commerçants, parce
qu'après tout, il y a la taxe de vente. Donc, on connaît le
chiffre de leurs ventes brutes.
Ils doivent quand même comptabiliser leurs achats, parce qu'il y a
quand même, là aussi, des exigences comptables plus connues et
plus courantes du côté des petits commerçants et que, de
tous les artisans, de tous les petits commerçants au Québec, il
n'y en a que 5000 qui sont admissibles au programme. Moi, je me dis: C'est,
sans aucun doute, une confirmation de l'impression que j'ai, savoir qu'on est
très sévère à leur égard, beaucoup plus
sévère, en tout cas, qu'on le sera vis-à-vis des
agriculteurs. Je n'ai rien contre les agriculteurs, remarquez, il n'y a pas de
sot métier et, si on veut leur donner une certaine
sécurité de revenu, tant mieux pour eux. Mais je pense que le
petit commerçant, le dépanneur, le cordonnier...
Mme Lavoie-Roux: Le tabagiste.
M. Forget: ...le tabagiste, le vendeur de journaux et d'autres
sont des gens qui vivent au seuil de la pauvreté dans un très
grand nombre de cas, selon nos définitions courantes, de toute
façon. L'autoconsommation et, la subvention sur la taxe foncière,
ils n'ont rien de tout ça. Je pense qu'on est peut-être un peu
sévère à leur égard.
Mme Lavoie-Roux: L'essence pour leur voiture.
M. Forget: Oui.
M. Marois: Quand, en particulier, on regarde des dimensions ou
des aspects de la réalité, comme le phénomène de
l'autoconsommation, il ne faut pas perdre de vue... Evidemment, c'est
extrêmement difficile, tout le monde en convient, de l'évaluer. On
sait fort bien, en particulier dans certains types de petits commerces, que
l'autoconsommation joue là aussi. Quelle en est l'ampleur, comment
l'évaluer en toute équité? C'est extrêmement
difficile de l'établir. Evidemment, on est parti de la
réalité, des données dont on pouvait disposer au point de
départ. Il n'y a pas de précédent. On franchit une
première étape donc, il fallait le faire avec une relative
prudence.
Maintenant, d'après les données, je pense qu'il faut faire
attention aux chiffres aussi, par ailleurs, faire attention aux extrapolations
ou aux généralisations qu'on peut faire à partir
d'extrapolations sur la base des chiffres, quand vous compariez, par exemple,
le nombre d'agriculteurs qui tomberaient sous la coupe du programme par rapport
au nombre global d'agriculteurs avec le nombre d'autres travailleurs autonomes
par rapport au nombre global de travailleurs autonomes. D'après les
données dont on dispose présentement, il semble je dis
bien "il semble" cela correspond aux chiffres d'ailleurs, y avoir plus de
travailleurs agricoles qui se trouvent en situation économique de
pauvreté, toutes choses étant égales, parce que c'est une
notion relative et tout dépend aussi des seuils qu'on établit,
tout dépend aussi des taux de supplément qu'on peut se permettre
de donner, quitte à les rajuster éventuellement, ce qui est loin
d'être exclu, que, toute proportion gardée, ce qu'on trouve
d'équivalent chez les petits commerçants et artisans ou les
travailleurs à commission. Alors, on est parti des données qu'on
avait. On ouvre cette porte. Dans ce sens-là, c'est quelque chose de
nouveau et, comme cela se fait pour l'essentiel par règlement, le test
d'actif est établi par règlement, je ne sais pas, sur la base
d'une expérience concrète, de pratique d'application du
programme, sur une période de six mois à un an où, la
première année du programme, on sera beaucoup mieux à
même de cerner la réalité et là, de voir les
étapes additionnelles qu'on pourra franchir, le réajustement, le
cas échéant, soit du test d'actif, que ce soit du pourcentage du
taux du supplément et le reste, il y a un certain nombre
d'éléments sur lesquels il y a une marge de manoeuvre possible,
mais de s'assurer que ce soit fait avec une certaine prudence, en disposant du
maximum de données possible qui collent le plus possible aussi à
la réalité.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez examiné la situation
des personnes en service domestique?
M. Marois: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez évalué ce que
cela pouvait représenter avec la...
M. Marois: Vous voulez dire en nombre possible...
Mme Lavoie-Roux: Oui, en nombre.
M. Marois: ... parmi la clientèle des 96 000
ménages? On a regardé le problème des travailleurs
domestiques, évidemment, sur la base du programme, dans la mesure
où, dans la première étape, en 1979, il s'agit de
personnes ayant charge de famille, qui se qualifieraient selon les bases
normales du programme, elles ne sont donc pas exclues. En nombre, je prends
note de votre question, je vais demander aux fonctionnaires de vérifier
si on a des chiffres précis dans les 96 000 ménages, si on peut
l'évaluer.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais, si vous me permettez, M. le
Président, le relier au problème qui est soulevé à
leur endroit par la loi 126 sur les conditions minimales de travail où,
d'une part, il sera facile d'évaluer le cas des travailleurs domestiques
employés en résidence, mais leur exclusion de la loi 126, pour
ceux qui n'habitent pas en résidence et qui travailleraient moins de 30
heures, va peut-être rendre difficile l'évaluation de cette partie
de travailleurs qui, probablement, seraient admissibles au supplément de
revenu avec moins de 30 heures de travail, et dont l'employeur serait soumis au
salaire minimum. (10 h 45)
M. Marois: En ce qui concerne le programme de supplément
au revenu de travail, la base est toujours la même, qu'on soit
travailleur domestique ou travailleur d'un autre type, c'est la base du revenu
de travail avec les données qui sont incluses dans la loi ou
proposées par règlement qui vont servir de base. Ces gens ne sont
pas exclus dans la mesure où ils tombent sous la coupe des conditions de
base d'admissibilité, qu'il s'agisse de travailleurs domestiques qui
travaillent plus de 30 heures, mais qui ne résident pas, ou l'inverse,
qui résident et le reste.
Mme Lavoie-Roux: Ce serait assez facile pour ceux qui sont en
résidence, mais pour ceux qui ne le sont pas?
M. Marois: Quant à l'évaluation du nombre, les
données dont on dispose présentement ne sont pas suffisamment
raffinées je pense que tout le monde le comprend facilement
pour pouvoir donner un chiffre.
Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord avec...
M. Marois: Maintenant, par ailleurs, je vous signale une chose.
Je pense que le ministre du Travail l'a évoqué, le ministre est
en train de regarder cette question dans l'examen du projet de loi en
question.
Mme Lavoie-Roux: Parce qu'il n'a pas donné d'indication
dans sa réplique en deuxième lecture, à savoir que la
partie des travailleurs domestiques qui avait été laissée
de côté soit incluse, et c'est un point qui avait
été souligné à plusieurs reprises.
M. Marois: C'est exact. Je sais que le ministre est en train de
regarder cette question. Indépendamment de cela, de toute
manière, selon que telle ou telle décision est prise, cela peut
faciliter ou rendre plus difficile l'accumulation d'un certain nombre de
données plus raffinées, quant au nombre possible de cas
admissibles éventuellement. Mais la pratique aussi de l'application du
programme de supplément aussi va nous permettre d'accumuler un certain
nombre de données beaucoup plus précises. Mais, de toute
façon, ces gens ne seraient sur la base des conditions
d'admissibilité du projet de loi actuel pas exclus de la loi, pas
du tout.
Mme Lavoie-Roux: Je le réalise, mais...
M. Marois: Mais cela ne me permet pas de vous donner, pour
autant, des données raffinées sur le nombre de personnes
concernées.
Mme Lavoie-Roux: Parce qu'autant j'ai tenté de plaider
qu'ils soient tous inclus, personnellement, je pense qu'il y a des besoins de
ce côté, il reste que, quand vous arrivez dans l'évaluation
du revenu net des familles, c'est l'envers de la médaille pour ces gens,
si vous les excluez, cela devient... Il y a des femmes et il y en a plusieurs,
surtout dans la région de Montréal, je ne sais pas ce qu'on paie
dans les autres régions, à qui vous allez payer $5 de l'heure et
des femmes qui font cinq jours par semaine à $30 ou $35 par jour. Ce
sera très facile aussi de les exclure de l'évaluation du revenu
net d'une famille. C'est aussi compliqué de vouloir évaluer cela
que cela peut l'être quand on parlait tout à l'heure des revenus
un peu en marge mais qui sont peut-être moindres, d'une autre
façon, chez les agriculteurs. Je pense que cela peut être un
élément de plus pour considérer le problème que les
travailleurs domestiques ont fait valoir, les associations de travailleurs
domestiques. Je ne vois vraiment pas comment vous allez pouvoir le calculer.
C'est déjà sans impôt, cet argent que des femmes peuvent
gagner en allant travailler à domicile. Il va être fort
probablement exclu du revenu et...
M. Marois: Remarquez une chose, le projet de loi no 1 n'a pas
pour objet de faire en sorte que les citoyens, quels qu'ils soient d'ailleurs,
contournent quelque loi que ce soit. Je pense bien que personne ne peut
accepter cela. En d'autres termes...
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais cela reste quand même une
difficulté.
M. Marois: Oui, mais, très concrètement, ce que je
veux dire, c'est qu'il y a deux éléments. Bien malin qui pourrait
le chiffrer d'ailleurs. Les uns disent que Beaucoup, les autres disent
qu'Un
peu d'assistés sociaux ont des revenus non
déclarés, payés comptant.
On sait que ce n'est pas facile de cerner ce phénomène.
Ils ont des revenus d'un travail quelconque; analogiquement, ça peut se
comparer, des travailleurs domestiques qui touchent des revenus de travail. Ce
qu'on dit simplement, c'est que le projet de loi 1 est là; une fois
adopté, il devient un programme qui s'applique; des gens qui ont un
revenu de travail, qui seraient admissibles au programme ont le choix, c'est
leur choix à eux. D'ailleurs, qu'ils soient inclus ou exclus de la loi
126, c'est leur choix de faire la demande pour tomber sous la coupe du
programme en question.
Mais s'ils font la demande, ils font une déclaration en
conséquence, accrochée à une déclaration
d'impôt. Pour certains, ça peut être avantageux et vous
savez comme moi que, comme députés, on reçoit des gens
à nos bureaux et il y a nombre de choses qu'on constate dans le concret.
On sait fort bien que, pour bon nombre de ces gens, ça pourrait
être intéressant de faire la déclaration en question et
d'aller chercher le supplément au revenu de travail auquel ils ont
droit.
Mais c'est le choix, c'est la liberté de choix des citoyens de
tomber sous la coupe du programme avec ce que cela implique de
déclarations, en conséquence, ou alors de continuer sur les bases
selon lesquelles ils fonctionnent présentement.
M. Forget: L'intérêt sera d'autant plus grand que le
travail sera partiel, disons, permettant au revenu de se situer à
l'intérieur de l'exemption personnelle.
M. Marois: Exact. Le seul problème, en toute
honnêteté, qui peut se poser... On a essayé de ne pas
compliquer la vie des gens. Dans le cas de travailleurs domestiques, vous en
avez un certain nombre, je ne sais pas quel pourcentage parmi le groupe, qui,
par exemple, travaille chez plusieurs personnes, dans une même semaine ou
durant l'année; ils doivent s'assurer, s'ils veulent tomber sous la
coupe du programme de supplément au revenu de travail, d'obtenir les
attestations requises de chacun d'eux, en cours de route, pour être
capables de faire leur déclaration de revenu.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que l'article 6 sera
adopté?
Une Voix: Adopté.
Le Président (M. Marcoux): Adopté. Article 7.
M. Forget: Là, on a l'article vengeur, en quelque sorte,
qui permet au programme et au gouvernement de déduire de ce qu'il aurait
normalement à verser toute une série de revenu, non seulement de
revenu de travail, mais le revenu provenant de biens; ça va. Evidemment,
il n'y a pas de pauvreté si quelqu'un reçoit des loyers, des
intérêts, des dividendes, ou des revenus provenant de pensions,
etc., auxquels il a contribué. Là où on se trouve dans des
situations un peu plus difficiles, c'est quand on inclut tout autre montant qui
est exclu du calcul du revenu aux fins de la loi sur les impôts.
Cela veut dire que deux personnes qui, sur le plan de leur revenu de
travail, le revenu provenant de leurs biens, sont sur un pied
d'égalité, donc qui auraient toutes deux droit à un
supplément de revenu, mais dont l'une d'elles a reçu une
prestation sociale, une prestation d'assurance-chômage, celle-ci va se
voir placée en face d'une fin de non-recevoir de la part du programme.
Cela apparaît assez paradoxal. Quelqu'un qui, à la suite d'un
chômage, durant l'année, perd le revenu de son emploi, retire une
compensation de l'assurance-chômage de 60% de ce qu'il a perdu, sans
même tenir compte des trois semaines de carence, reçoit beaucoup
moins de 60%. S'il avait gardé son emploi, il aurait eu le droit d'avoir
le supplément au revenu de son emploi, par hypothèse, il s'agit
d'un revenu "supplémentable", mais parce qu'il a perdu son emploi et
qu'il a été payé par l'assurance-chômage, il perd
aussi le droit au supplément.
C'est sans aucun doute probablement la caractéristique majeure du
programme qui va faire l'objet de critiques. Et je ne vois pas comment on peut
justifier une pareille attitude. C'est vrai également bien sûr
d'une compensation versée par la Commission des accidents du travail.
Quelqu'un subit un accident, c'est un travailleur à faible revenu, il a
charge de famille, il est payé au salaire minimum. S'il conserve son
emploi pendant douze mois, il a droit au supplément. S'il a un accident
en octobre, ou en novembre, il reçoit une compensation de la Commission
des accidents du travail pour les deux derniers mois de l'année, parce
que le montant qu'il va recevoir à ce moment-là à 60% ou
à 90% du revenu net, parce qu'il y a deux méthodes de calcul,
dans le cas des accidents du travail, c'est 90% du revenu net, cela va se
chiffrer par quelques centaines de dollars et, ces quelques centaines de
dollars vont être soustraits du montant de supplément auquel il
aurait droit normalement, s'il avait gardé son emploi. Autrement dit, il
est pénalisé pour avoir été accidenté, ou il
est pénalisé pour avoir été en chômage, par
le programme de supplément du revenu. Ce sont deux programmes qu'il paie
à même ses revenus, en temps ordinaire, par des cotisations
auxquelles il peut prétendre avoir un droit strict.
Je ne m'explique pas cela. La seule signification que je peux trouver,
la seule justification ce n'est même pas une justification, c'est
une explication c'est que le programme va coûter beaucoup moins
cher avec cela que si on ne tenait pas compte du chômage ou de l'accident
du travail, et qu'on continuait à supplémenter le revenu de
travail manquant. De toute façon, ce n'est pas un chiffre fictif, on
sait ce qu'il est, puisqu'il y a une période d'emploi avant le
chômage, qu'il y a eu une période d'emploi avant l'accident. C'est
un chiffre très connu, très certain. Il ne s'agit pas de faire
d'hypothèse. On sait ce
qu'est ce chiffre. On pourrait continuer à supplémenter
douze mois par année et ignorer les périodes de chômage ou
les périodes d'absence du travail, pour raison de maladie ou d'accident
du travail.
J'aimerais bien connaître ce qui a poussé le gouvernement
à prendre une attitude comme celle-là. Je ne suis pas convaincu
je peux vous le dire tout de suite par le raisonnement qu'on
retrouve dans le cahier bleu, en disant qu'on veut encourager la participation
au marché du travail, donc, on n'est pas pour supplémenter les
moments où une personne est en chômage, où une personne
reçoit des prestations d'accident du travail. Là n'est pas la
question. Il s'agit véritablement d'une personne qui est sur le
marché du travail, qui fait partie de la main-d'oeuvre, et qui est
temporairement absente de la main-d'oeuvre, pour des raisons qui sont
indépendantes de sa volonté.
Appliquer là les raisonnements d'incitation, c'est l'appliquer au
mauvais endroit, là où cela ne peut pas avoir d'application. Cela
résulte en une injustice qui va devenir assez frappante.
Je serais curieux de connaître les raisons, malgré tout,
au-delà de cette explication superficielle qui n'est pas satisfaisante,
qu'on voit dans le cahier bleu, et aussi, quel serait le coût au fait
d'ignorer ces exclusions. Combien cela coûterait-il de plus? Et est-ce
que cela en vaut vraiment la peine? (11 heures)
M. Marois: II faut bien voir, je pense bien, de quoi on parle
quand on parle de ces exclusions. Vous avez mentionné les
indemnités versées par la Commission des accidents du travail,
l'assurance-chômage, il y a beaucoup plus que cela, quand on tient compte
de l'ensemble. Il y a les dividendes. Il y a les gains de capital. Il y a les
intérêts. Il y a les prestations d'aide sociale et les
indemnités de divers types qui sont versées. Il y a les
suppléments de revenu garanti, les allocations de conjoints. Il y a les
pensions de vieillesse, enfin, il y en a, il y en a.
Fondamentalement, le problème qui se posait au point de
départ, c'était de savoir comment en arriver à une justice
et à une équité horizontale. On peut prendre divers
exemples très concrets. Prenons le cas d'une personne qui travaille au
salaire minimum, qui touche $6000 de revenu uniquement en revenu de travail,
$6000. Prenons l'autre cas, le revenu de travail $6000, mais $6000 de gains de
capital, à côté. Si on ne tenait pas compte des gains de
capital, on voit tout de suite qu'on arriverait à une situation qui
serait carrément inéquitable ou injuste, parce que si on ne
tenait pas compte du gain de capital, dans l'exemple que je donne, les deux
recevraient exactement le même montant de supplément au
revenu.
Prenons l'autre exemple. Dans le cas de l'indemnité versée
par la Commission des accidents du travail, il y a là une prestation qui
est reçue et qui n'est pas taxée; il faut en tenir compte. Si on
ne tenait pas compte de cette prestation-là, je ne vois pas pourquoi on
ne ferait pas la même chose, par exemple, avec l'aide sociale. Quelle
serait la logique et à quelle situation cela nous mènerait-il,
toujours dans une perspective d'introduction d'un programme comme
celui-là, d'essayer d'en arriver au point de départ à un
minimum de justice et d'équité horizontale, si on ne
déduisait pas et si on ne tenait pas compte de l'indemnité
versée par la Commission des accidents du travail. Prenons le cas d'une
personne qui toucherait $25 000 de revenu mais qui travaillerait trois mois.
Cela lui donnerait $6000. Mais la personne en question, son indemnité,
en vertu de la prestation maximale à laquelle elle a droit, est de
l'ordre de $12 000. Là, cela nous mène à des situations
qui m'ap-paraissent inéquitables et injustes sur le plan horizontal.
M. Forget: II y a d'abord plusieurs choses. Le ministre a
parlé des gains de capital. Ce n'est pas un plaidoyer que je fais, je
suis tout à fait d'accord que l'on ignore ou plutôt qu'on tienne
compte des revenus provenant de biens, gains en capital, loyer, etc. C'est tout
à fait légitime de les déduire. On veut mesurer la
pauvreté.
Pour ce qui est du reste, je ne crois pas que l'argument tienne
vraiment. Cela ne me gêne pas du tout que l'on déduise les
paiements d'aide sociale que reçoit un prestataire potentiel d'un
régime de supplément de revenu, parce qu'il s'agit là
d'une personne qui, d'une façon très officielle, ne fait plus
partie de la main-d'oeuvre. Elle a épuisé ses
bénéfices d'assurance-chômage, etc. Tant qu'une personne
reçoit des bénéfices d'assurance-chômage qui
correspondent, au moins dans l'esprit des gens et, d'une certaine façon,
dans la réalité aussi, à une prestation d'assurance
sociale, c'est-à-dire celle qu'elle a elle-même payée
à laquelle elle a droit et qui remplace un revenu manquant, sans qu'il y
soit de sa faute, je crois qu'on a là un problème majeur si le
revenu qui est remplacé par l'assurance-chômage donne ouverture
à un supplément au revenu, à plus forte raison, le revenu
inférieur qui le remplace, sans qu'il en soit de la faute de l'individu
en question.
C'est vrai dans les cas des accidents du travail. C'est vrai dans le cas
du chômage. Maintenant, on cite le fait que, si quelqu'un travaille trois
mois seulement à un taux très élevé et a droit
à une compensation, une indemnité de chômage à un
taux très élevé, cela ne fait pas de problème,
parce que, justement, si on tient compte de l'ensemble de l'année, il
n'aura pas droit au supplément. Alors, on n'a même pas besoin de
se préoccuper de savoir si c'est déductible ou non, si sa
prestation d'assurance-chômage doit être déduite ou non. Sur
la base de son revenu pendant les trois mois, projeté pour l'ensemble de
l'année, c'est bien clair qu'il est au-dessus même du point de
prestation nulle.
M. Marois: Si vous me permettez, seulement une parenthèse.
Le député sait fort bien comme moi que l'indemnité
versée par la Commission des accidents du travail n'est pas taxable.
Donc,
forcément, cela ne fait pas partie d'une déclaration
d'impôt. Cette personne n'est même pas obligée de la
déclarer. Alors si on n'en tenait pas compte...
M. Forget: Non, mais il y a plusieurs solutions à cela. Il
y a des solutions plus élégantes que celles qui sont retenues. Il
y a même une solution extrême qui permettrait d'en tenir compte
pour les fins de l'impôt. Comme vous le savez, il y a des
problèmes d'équité qui se posent, en vertu du
régime des accidents du travail, qui fait que les gens qui ont des
charges familiales très différentes sont traités
différemment par le régime de compensation des accidents du
travail. Il n'y a rien qu'on puisse faire par rapport à des gens qui
travaillent. Il n'y a rien qu'on puisse faire à moins de rendre
imposable, peut-être augmenter le montant des prestations d'accident du
travail et de les rendre imposables. Il va toujours subsister des
problèmes d'équité, en vertu de ce régime. Si vous
voulez, on ne débordera pas ce terrain, parce que cela nous
entraînerait très loin. Il reste qu'un régime de
supplément de revenu peut administra-tivement tenir compte qu'il y a une
prestation versée par la Commission des accidents du travail. De toute
manière, comme il s'agit d'un revenu de trois mois, ce sur quoi il
s'agit de baser le supplément au revenu, c'est le revenu que cette
personne aurait gagné si l'accident en question n'avait pas eu lieu ou
si la période de chômage ne s'était pas produite. Il s'agit
de savoir si le revenu de travail, s'il avait continué, aurait
été un titre suffisant pour donner ouverture à un
supplément au revenu. Dans le cas d'un revenu projeté sur douze
mois, qui s'élèverait à $25 000, la question ne se pose
pas, il n'y a pas de supplément. Le revenu annuel de $6000 qui a
été gagné pendant neuf mois, c'est donc un revenu de
$4500, et il devrait être suppléments comme si c'était un
revenu de $6000 pendant douze mois. Ce que vous faites au contraire, vous
considérez $4500, vous accordez un supplément pour $4500, et
après, vous soustrayez, dollar pour dollar, ce qui est versé par
l'assurance-chômage ou par la Commission des accidents du travail. Le
résultat net, c'est que cette personne ne reçoit rien en
supplément de revenu dans la plupart des cas, alors que, si vous traitez
le revenu à supplémenter comme étant le revenu de $6000,
correspondant à douze mois, vous ne déduisez pas la prestation
d'assurance-chômage ou la prestation d'accident du travail, la personne
en question va recevoir ce qu'elle aurait reçu de toute façon si
elle n'avait pas eu de chômage ou si elle n'avait pas eu d'accident.
C'est de cela qu'il est question. Il s'agit de tenir compte de
l'élément temps dans le fond. L'objection que nous a
apportée le ministre, de la personne qui gagne $25 000 par année,
mais qui ne travaille que trois mois, nous fait justement toucher du doigt un
des problèmes de tout programme de supplément au revenu. C'est
qu'on ne peut pas considérer sur le même pied deux personnes qui
gagnent le même revenu, la même somme totale de dollars dans une
période d'un an, l'une qui gagne ce montant sur douze mois avec douze
mois de travail, et l'autre moyennant seulement trois mois ou six mois de
travail. Le problème de la pauvreté n'est pas le même dans
les deux cas.
M. Marois: C'est pour cela qu'on tient compte de la notion de
revenu de ménage, d'une part. Il y a plus que cela. Le
député fait, au fond, dans les exemples qu'il prend,
l'hypothèse d'une projection possible du revenu de la personne. Je
serais prêt à dire que cela peut aller relativement bien pour
établir une telle projection dans le cas d'un salarié à
temps plein qui a une relative sécurité d'emploi.
Mais le problème est tout autre et extrêmement
différent dans le cas de gens qui travaillent à temps partiel, du
travailleur saisonnier. Comment faites-vous la projection de revenu? Et
là, on retombe précisément dans le problème
très réel auquel a eu à faire face la Saskatchewan. Ce
programme était basé sur des prévisions de revenu ou sur
des projections de revenu, avec les énormes problèmes
administratifs que cela a posés de sous-évaluation des gens qui
faisaient la demande pour être admis au programme de la projection de
leur revenu, avec les conséquences qu'on sait; les prestations
versées étant, en conséquence, plus élevées,
ça donnait comme résultat des coûts administratifs
énormes du programme. Il fallait tenter de récupérer des
sommes versées en trop, tenter de rééquilibrer et les
derniers contacts qu'on a eus avec ces gens nous indiquent qu'ils s'en vont
vers des réajustements fondamentaux de leur programme.
On a choisi la voie, comme je l'ai évoqué l'autre jour, ou
plutôt l'approche de se baser sur le revenu de travail de l'année
antérieure et, partant de là aussi, de tenir compte, encore une
fois, d'une perspective de justice et d'équité horizontale.
Sinon, si on ne tient pas compte de ça, on risque d'en arriver à
des choses qui soient carrément injustes ou inéquitables et, par
ailleurs, en tenant compte aussi du fait que c'est exact que des
problèmes d'équité, je dirais, se posent quant au
régime actuel d'indemnisation des victimes d'accident du travail.
J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer qu'on travaillait
là-dessus. On ne sera certainement pas prêt à y aboutir
dans la loi-cadre sur la santé et la sécurité qui, elle,
vise la prévention, mais on poursuit les travaux pour essayer de voir
dans quelle mesure il est possible de réaménager ou de modifier,
d'une façon relative ou substantielle, le régime d'indemnisation
pour en arriver à quelque chose qui soit plus correct, plus juste.
Effectivement, le député a parfaitement raison de mentionner le
fait qu'est examinée actuellement cette possibilité; c'est une
des hypothèses, et le Québec n'est pas le seul à
l'envisager d'ailleurs. Au moment où une chose comme celle-là
pourrait peut-être venir, il va de soi aussi que ça doit
être fait en concertation avec des voisins. Je sais que, dans d'autres
provinces aussi, on examine cette possibilité, quitte à
réajuster à la hausse les prestations, mais de les rendre
imposables. Evi-
détriment, au moment où un changement comme
celui-là interviendrait, dans l'hypothèse où il
interviendra, le problème va se poser en des termes différents,
forcément. Cela supposera des ajustements ailleurs. Je n'exclurais pas,
dans cette hypothèse, que, dans cette perspective, on soit
obligé, à ce moment-là, de regarder à nouveau le
problème qu'on évoque.
M. Forget: J'aimerais, si c'est possible, seulement terminer sur
ce point-là, parce que le ministre a souligné une chose; je ne
voudrais pas être mal compris. Il a dit: On ne veut pas s'engager dans
les projections de revenu. Je suis tout à fait d'accord s'il indique
qu'il y a des problèmes administratifs considérables, d'un ordre
tout à fait différent de ceux qu'on discute dans le moment, si on
veut appliquer sur l'année courante, dans le fond, le calcul du revenu
et de l'admissibilité. Le programme que le gouvernement nous propose,
c'est de baser ça sur les revenus de l'année antérieure.
Mais, quand je parlais de projection sur une année, ce n'est pas une
projection dans l'avenir, c'est, dans le fond, une projection dans le
passé, si on peut dire; c'est qu'on sait... Si une personne, par
exemple, l'an dernier, a travaillé huit mois et a reçu quatre
mois de l'assurance-chômage, on peut dire que, si elle avait
travaillé douze mois au salaire qu'elle avait pendant les huit mois
où elle a travaillé, on saurait combien de revenu elle a. On peut
le lui imputer pour l'année en entier. Ce sont tous des faits connus. On
sait pendant combien de mois ou de semaines a été versée
l'assurance-chômage, ou on peut le savoir. C'est un geste administratif.
On sait pendant combien de mois ou de semaines sont versées les
prestations d'accident du travail et on sait également pendant combien
de mois ou de semaines sont versées les prestations d'aide sociale. (11
h 15)
Donc, il est possible, pour les administrateurs du régime, de
déterminer pendant combien de mois l'individu en question a
été sur le marché du travail dans le sens administratif
suivant, il n'était ni bénéficiaire de l'aide sociale, ni
bénéficiaire d'une prestation d'assurance-chômage, ni
bénéficiaire d'une prestation d'accident du travail. Il y a donc
un résidu, en termes de mois ou de semaines, pendant lesquels on doit
présumer que le revenu qu'il déclare, pour les fins de son
admissibilité au programme, a été gagné. On peut,
par une simple règle de trois, dire: S'il avait travaillé pendant
toute l'année à ce revenu, il aurait gagné un montant X et
c'est ce montant X qu'on va supplémenter. Une fois qu'on l'aura
supplémenté, on ne se préoccupera pas de savoir, ni
à plus forte raison de déduire les montants qu'il a reçus,
soit de l'assurance-chômage, soit de l'aide sociale, soit de la
Commission des accidents du travail.
Ce qu'on ferait, à ce moment-là, ce serait donc de
supplémenter le revenu pendant le temps où il l'a gagné au
taux où il serait supplémenté s'il avait eu la chance de
le gagner pendant douze mois. C'est plus incitatif que la procédure que
vous suggérez et je pense qu'il n'y a pas de difficulté
administrative à faire cela: II y a, bien sûr, des échanges
de données qui doivent se faire entre les administrateurs du programme,
la Commission des accidents du travail, la Commission d'assurance-chômage
et l'administration de l'aide sociale. De toute manière, je pense que
ces fichiers vont être en communication les uns avec les autres, par
nécessité, pour s'assurer que les programmes sont
administrés convenablement. Ce sont donc des données qui sont
disponibles, déjà, d'une certaine manière et qui
pourraient être utilisées pour augmenter l'équité,
la justice horizontale du programme, c'est-à-dire traiter de la
même façon des gens qui sont sur le marché du travail et
qui gagnent fondamentalement le même revenu, mais qui en sont
temporairement absents pour des raisons qui ne sont pas de leur faute et qu'on
va pénaliser en vertu du programme tel qu'il est conçu justement
parce qu'ils sont absents du marché du travail pour une raison
indépendante de leur volonté.
Je pense que c'est une donnée fondamentale de ce programme
d'avoir cet effet discriminatoire. On va pénaliser des gens parce qu'ils
ont été malades, qu'ils ont eu un accident, qu'ils ont fait face
à une période de chômage ou n'ont commencé à
travailler que le 1er février plutôt que le 2 janvier. Pourtant,
pendant les mois où ils vont travailler, ils vont se situer exactement
au même revenu mensuel, hebdomadaire ou quotidien que d'autres qui, eux,
vont avoir droit à un supplément.
Il me semble que ce défaut de conception du programme est
corrigible.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: M. le Président, je suis sensible aux
remarques apportées par le député de Saint-Laurent. Dans
tout le calcul qu'il nous démontre, je pense qu'il y a quand même
un aspect qu'il ne faut pas oublier. La personne qui est en chômage ou
qui reçoit l'aide sociale ou une prestation d'accident du travail n'a
quand même pas autant de dépenses que la personne qui est sur le
marché du travail, qui va travailler tous les jours, si on pense aux
repas, aux déplacements, peut-être même à une
gardienne. Je pense que c'est à considérer.
Il y a aussi une chose très importante, et je pense que c'est le
but de cette loi; c'est essentiellement d'inciter les gens au travail et non
pas d'inciter les gens à ne pas travailler. Je comprends lorsque vous
dites que, souvent, ces personnes ne travaillent pas pour des raisons
indépendantes de leur volonté, mais il n'en reste pas moins que
si la personne qui reçoit des prestations d'assurance-chômage,
d'aide sociale ou d'accident du travail, finalement, à la fin de
l'année, gagne autant que la personne qui travaille... quand vous parlez
d'inéquité, je me demande si, là aussi, ce ne serait pas
inéquitable que d'arriver à la fin de l'année
comparons deux personnes une qui a été sur le
marché du travail pendant douze mois, moins les vacances norma-
les, et l'autre, qui aurait été sur le marché du
travail pendant six mois et le reste du temps qu'elle soit
bénéficiaire de l'aide sociale ou de l'assurance-chômage
et, avec l'aide gouvernementale au revenu, ces deux personnes se retrouveraient
avec le résultat final qu'elles auraient gagné autant l'une que
l'autre.
Bien sûr, les hommes étant ce qu'ils sont, on pourrait
faire le calcul je ne veux pas prêter de mauvaises intentions aux
travailleurs et dire: Pourquoi irais-je me faire geler à la
construction au mois de janvier ou au mois de février, je vais
travailler six, sept ou huit mois par année je donne l'exemple du
secteur de la construction où on sait que c'est beaucoup plus
pénible d'y travailler l'hiver et, sciemment, volontairement, se
mettraient sur le chômage pendant les deux, trois mois difficiles de
l'hiver et seraient compensés pour cette perte par le projet de loi 1.
Je comprends que j'ai l'air de prêter de mauvaises intentions à
des chômeurs. Mais, vous savez comme moi, M. le député de
Saint-Laurent, qu'il y a aussi de ces cas et on n'est quand même pour
organiser un état policier pour savoir si vraiment, dans la conscience
de chacune de ces personnes, on est de bonne foi ou de mauvaise foi quand on se
met sur le chômage ou sur l'assistance sociale, et même, parfois,
quand on prolonge des périodes de chômage à cause d'un
accident du travail. Il y a certaines personnes qui pourraient, je pense,
retourner au travail une semaine, quinze jours trois semaines ou un mois plus
tôt, mais vont être tentées de prolonger cette
période parce qu'effectivement, une convalescence à la maison, en
ayant des prestations, c'est plus intéressant que de retourner un mois
plus vite ou un mois et demi plus vite sur le marché du travail.
Pour toutes ces raisons, je me dis qu'on n'inciterait pas la personne
à aller sur le marché du travail. On l'inciterait plutôt,
parce qu'elle ne perdrait pas de revenu par rapport à l'autre qui
travaille, soit à prolonger le chômage, soit à prolonger la
période de convalescence à la suite d'accident du travail ou on
l'inciterait peut-être à être davantage sur l'aide
sociale.
Ce sont les quelques réflexions que j'ai à faire suite
à l'argumentation du député de Saint-Laurent et je
m'inquiéterais de voir deux personnes, une qui a travaillé, comme
je vous disais tout à l'heure, pendant toute l'année, et l'autre
qui a travaillé une partie de l'année, gagner autant l'une que
l'autre. Je me demande ce que cela provoquerait dans le monde du travail.
M. Forget: La social-démocratie ne se porte pas
très bien de l'autre côté.
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, mais je l'avais demandé
depuis un bout de temps, surtout que notre président a été
occupé à faire autre chose. J'ai dû sonner la cloche
souvent avant qu'il ne me voie. Ce n'est pas un reproche, M. le
Président.
Je ne vais que répliquer un petit peu. Je ne suis pas d'accord...
Oui, succomber à la tentation, mais cela n'est pas le point que je veux
soulever, à la suite de l'argumentation du député de
Beauharnois. Je pense que quelqu'un qui veut travailler, qui est en
chômage et qui a une offre d'emploi ou qui veut vraiment travailler quand
l'emploi se présente, il ne dit pas: Je pourrais retirer encore un mois
et demi de chômage, restons à la maison, d'une façon
très générale, surtout quand on est dans une situation de
rareté d'emploi. Là-dessus, je suis loin de... cela n'est pas le
point que je voulais soulever. C'est une question au ministre, M. le
Président.
Je voudrais savoir si, dans son évaluation du revenu total
servant au calcul du supplément de revenu au travail, il va inclure ou
exclure les crédits d'impôt qui seront versés aux familles
avec des revenus de moins de $18 000, évidemment, ce seront
peut-être des familles avec des revenus de moins de $12 000 ou moins de
$10 000...
M. Marois: M. le Président, c'est exactement comme les
allocations familiales, on n'en tient pas compte.
Mme Lavoie-Roux: Bon, parfait.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Sherbrooke.
M. Gosselin: Simplement pour resituer un peu l'objectif
même de la loi, qui a été décrite comme une
étape vers un revenu minimum garanti plus complet et aussi une
intégration définitive des divers programmes qui, actuellement,
sont éparpillés aux divers niveaux de gouvernement; je pense
qu'il faut comprendre que le projet de loi no 1 vise et est inscrit dans la
finalité suivante: permettre aux travailleurs au travail de maintenir
leur emploi et à ceux qui ne le sont pas actuellement d'y retourner dans
la mesure où ils ont toutes les chances de le faire, moyennant quoi il y
a des intérêts réels de le faire. C'est la finalité
de la loi et, à cet égard, la loi n'a pas la prétention de
réparer toutes les injustices sociales qui sont causées par les
problèmes de maladie et tout cela. Dans ce sens, elle se concentre sur
la situation des travailleurs à l'emploi.
Alors, ceci dit, je voudrais ajouter ceci, à propos de
l'assurance-chômage. Je ne pense pas qu'il nous appartienne de
réparer les inéquités mêmes du régime
d'assurance-chômage, qui a été décrit par le Conseil
économique du Canada, il y a un an et demi, et par l'imposante
étude qu'a réalisée le Conseil du bien-être social,
comme le régime le plus inéquitable au Canada, dans le sens
où... d'ailleurs, il y avait des propositions formulées par le
Conseil économique du Canada, l'étude spécialisée
qui avait été produite, dans le sens de corriger le
système d'assurance-chômage en vue de l'ajuster aux besoins
familiaux et de permettre effectivement de corriger le tout au niveau des
travailleurs à revenu secondaire, qui jouissent actuellement des
mêmes bénéfices de l'assurance-chômage, que les gens
à unique revenu peuvent donc
faire, par le régime d'assurance-chômage, sous forme de
revenu garanti, ce qui n'est pas le cas.
Il y a eu près de $2 milliards dépensés ces
dernières années en assurance-chômage, au Québec
seulement, et je pense qu'il ne serait pas correct de vouloir, par ce projet de
loi, corriger ces inéquités et que l'ultime solution,
évidemment, il nous reste encore beaucoup de chemin à faire au
niveau d'une véritable intégration des politiques de revenu
garanti, sera la réunion des politiques de sécurité
sociale qui sont actuellement éparpillées aux deux niveaux de
gouvernement.
Je ne veux pas dire ça en tentant de faire de la basse politique,
parce que c'est un facteur de réalité qu'une véritable
politique de revenu garanti, pleinement intégrée, suppose la
récupération de ces diverses politiques en un seul gouvernement
pour en assurer une coordination efficace. La démonstration des
dernières années, au niveau des possibilités d'entente et
de concertation qui peuvent exister entre les deux niveaux de régime,
n'a pas été suffisamment probante pour qu'on se hasarde à
l'intérieur de ce projet de loi sur le supplément au revenu de
travail, à prétendre établir des protocoles fermes avec la
Commission d'assurance-chômage, d'une manière qui serait
satisfaisante.
On a connu depuis trop longtemps le malaise qui pouvait exister pour les
gens qui sont en attente de chèques d'assurance-chômage et que
l'aide sociale venait supplémenter, parce que la Commission
d'assurance-chômage n'avait jamais le souci de délivrer les
chèques très vite, parce qu'elle ne tenait pas compte des besoins
des familles, et on a vu comment cela a été laborieux de pouvoir
établir un minimum de protocole d'entente entre
l'assurance-chômage et l'aide sociale. Je ne pense pas qu'il faille
s'embarquer dans l'application du projet de loi no 1, d'une manière qui
nous conduirait à répéter des expériences aussi
laborieuses.
Je répète ce que je disais tout à l'heure, il ne
nous appartient pas de corriger les inéquités de
l'assurance-chômage et les objectifs que citait le député
de Saint-Laurent, d'une politique plus globale de revenu garanti, ne peuvent
pas être atteints pour toutes les catégories de citoyens par ce
projet de loi, mais la clientèle spécifique du projet de loi, je
le répète, est celle des petits travailleurs à l'emploi ou
susceptibles de retourner à l'emploi et elle veut avoir un effet
incitatif là-dessus directement. Je vous remercie.
M. Marois: M. le Président, je voudrais simplement ajouter
quelques mots. Le député de Sherbrooke vient de toucher
l'essentiel de ce que je voulais mentionner. Comme j'ai eu l'occasion de
l'évoquer déjà, le présent projet de loi n'a pas la
prétention d'être une politique complète
intégrée de revenu minimum garanti. Les morceaux sont
éparpillés dans divers coins et relèvent de diverses
juridictions. On poursuit les travaux, par exemple, dans cette perspective.
Cependant, il s'agit d'une étape et cette étape, comme cela a
souvent été évoqué, chercher à rejoindre
ceux qui ont été, en quelque sorte, les oubliés des divers
régimes de soutien ou de supplément au revenu,
c'est-à-dire les petits travailleurs, les travailleurs à faible
revenu, qu'ils soient salariés ou autonomes. (11 h 30)
Et en ce sens-là, l'objectif du présent projet n'est pas
de viser à supplémenter en quelque sorte d'autres programmes de
soutien ou de supplément au revenu, que ce soit celui qui vient des
indemnités versées par la Commission des accidents du travail,
que ce soit l'assurance-chômage, que ce soit l'aide sociale. On n'a pas
non plus, je pense bien... C'est un côté que j'ai toujours
trouvé je vais le dire comme je le pense très
odieux, parce qu'il n'y a personne qui peut se permettre d'essayer de fouiller
la conscience des gens. On n'a pas à évaluer si les gens vont
volontairement, consciemment, en chômage volontaire ou involontaire, ou
à l'aide sociale volontairement ou involontairement. Je ne crois pas que
les citoyens soient spontanément des gens qui fraudent.
Mais je crois cependant que les citoyens québécois ne sont
pas des fous et qu'ils savent compter et calculer, ce qui a toujours
été, au fond, un des dilemmes clés du problème du
fameux ratio entre l'aide sociale et le salaire minimum; la seule façon
de casser cela était d'introduire une première étape de
revenu minimum garanti, visant à supplémenter le revenu de
travail. Les gens savent tout simplement compter. Et, quand on vit en situation
économique de pauvreté, qui pourrait se permettre, quels que
soient les motifs, de blâmer un ménage et un citoyen de dire: J'ai
fait tous mes calculs et je pense que c'est plus intéressant,
financièrement, avec la sécurité du revenu que cela peut
donner, une fois passées les étapes, d'être à l'aide
sociale que de travailler au salaire minimum.
C'est pour cela que c'est vrai, comme l'évoquait le
député de Saint-Laurent, que des problèmes sur le plan
administratif peuvent être facilement réglés par une simple
règle de trois. Cela se pourrait probablement, je pense qu'il a raison;
sur la base d'une approche comme celle-là, mathématiquement, on
peut faire des règles de trois, faire une projection de revenu. Une
personne a travaillé quatre mois, elle est en chômage par la
suite; alors, on pourrait faire une projection, multiplié par trois ce
qu'aurait été son revenu, sur une période d'une
année.
Mais cela peut mener à différentes situations; il y en a
une très concrète que je voudrais évoquer, sans juger quoi
que ce soit, faire un simple constat de la réalité. La pratique
quotidienne des citoyens n'est pas basée sur de simples règles de
trois. Elle est basée sur des situations sociales et économiques
qui sont terriblement changeantes, qui évoluent, qui sont la dure
réalité de tous les jours, avec les taux de chômage que
l'on connaît en plus.
Voici la première question qu'il faut se poser, sur une
règle de trois: Est-ce que, vraiment, dans le contexte
socio-économique qu'on connaît, compte tenu de l'ensemble des
divers autres programmes qui existent, est-ce que cette person-
ne aurait vraiment travaillé douze mois? Et comment allez-vous,
partant de là, dans le cas de l'un, dire: On applique la règle de
trois; dans le cas de l'autre, qui est un travailleur à temps partiel ou
travailleur saisonnier, qui, peut-être, comme bon nombre
d'assistés sociaux, a la volonté de travailler... Malgré
certains de nos préjugés collectifs qui traînent beaucoup
dans le paysage, ces gens voudraient, bien plus souvent qu'on le pense, aller
travailler, à la condition d'être capables de gagner honorablement
leur vie.
Mme Lavoie-Roux: Je suis contente d'entendre le ministre le dire,
parce qu'il y a d'autres ministres qui pensent différemment.
M. Marois: Je le pense très profondément. Je pense
que c'est exact. Peu importe l'opinion des autres, je vous donne la mienne.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Bravo!
M. Marois: En tout cas, je le pense très
profondément. Les gens ne sont pas fous et ils savent compter. Je crois
cela. Les fraudeurs, oui, il y en a dans n'importe quelle
société. Je crois que c'est à la marge. Je crois que les
gens veulent essayer de vivre décemment et d'avoir le minimum pour
être capables de se payer des choses qui sont du domaine des besoins
essentiels. Je crois à cela aussi.
Mais comment va-t-on appliquer une règle de trois dans le cas de
celui qui, possiblement, aurait pu être là à temps plein?
Mais qui va nous dire que oui, il aurait travaillé effectivement douze
mois? Peut-être que oui, peut-être que non. Dans la situation
actuelle...
M. Forget: Le bénéfice du doute.
M. Marois: D'accord. On accorderait le bénéfice du
doute dans un cas, mais on ne l'appliquerait pas dans le cas du travailleur
saisonnier, par exemple, on ne l'appliquerait pas dans le cas de celui qui est
à l'aide sociale présentement.
M. Forget: Pourquoi pas?
M. Marois: On change complètement le pattern et là,
vous ouvrez la porte vers une perspective complète de revenu minimum
garanti. Je suis loin d'être réfractaire à cette
perspective. J'ai constamment dit que, pour nous, ce n'était qu'une
première étape qui vise à réexaminer, dans une
seconde phase ou un certain nombre d'étapes, l'ensemble des programmes
actuels de sécurité du revenu. C'est donc loin d'être
exclu, bien au contraire dans mon esprit, il faut franchir une première
étape en se donnant un certain nombre d'objectifs qui m'apparaissaient
assez clairs. Il faut faire attention, parce qu'il y a certains programmes sur
lesquels, dans l'état actuel des choses, on n'a pas de contrôle.
C'est le cas notamment de l'assurance-chômage. Vous savez que quant
à l'assurance-chômage, il s'agit précisément d'un de
ces programmes qui a eu une tendance à changer relativement vite, en
particulier au cours des derniers temps.
Il faut faire attention aussi de ne pas créer à nouveau
des situations desquelles un bon nombre de citoyens veulent sortir, en d'autres
termes, de se mettre dans des situations qui favorisent une incitation au
chômage volontaire, non pas parce que les gens veulent chômer, mais
parce que les gens savent compter, ce qui est bien différent. Une
personne qui travaillerait six mois, par exemple, qui recevrait de
l'assurance-chômage pendant six mois, 60%, plus une prestation de
supplément au revenu de travail, qu'est-ce que cela donnerait
concrètement? On comblerait le manque à gagner à cause du
chômage. Il y aurait là la prestation jusqu'à 25% de plus
qu'on ajouterait. A ce moment-là, on se trouverait dans la situation
qu'il serait presque aussi payant de travailler durant six mois que de
travailler durant douze mois et cela nous ramène où? Cela nous
ramène exactement dans le dilemme ou l'on se trouve quand on regarde le
problème très conflictuel, je crois, pour les citoyens qui sont
pris pour le vivre entre le salaire minimum et l'aide sociale. On franchit une
première étape. Je crois comprendre qu'il y a un consensus sur la
perspective, on verra sur les modalités vers un programme réel,
une politique de revenu minimum garanti qui suppose que l'on réajuste
des morceaux, mais les morceaux qui sont éparpillés.
La première étape vise essentiellement ceux qui ont
été les oubliés, pour l'essentiel de l'ensemble de ces
politiques.
M. Forget: Je dois conclure que c'est là une approche
fondamentalement inacceptable. Le gouvernement hésite, dans le fond,
entre deux principes ou deux objectifs dans ce programme, soit celui de
l'incitation au travail et celui de l'équité.
Du côté de l'incitation, il me semble qu'étant
donné les caractéristiques administratives du programme, le fait
qu'on va recevoir quelque quinze mois plus tard des prestations de
supplément au revenu, ce n'est pas un effet qui va se faire sentir
très fortement, si même il se fait sentir. Personnellement,
j'exprimais l'opinion qu'il ne se fera pas sentir du tout. Il y a trop loin
entre le moment où la décision se prend de participer à la
main-d'oeuvre et le moment où on supplémente le revenu pour que
cela ait un effet. De plus, celui qui va accepter un emploi, celui qui va
décider de s'inscrire comme participant à la main-d'oeuvre, il va
se dire que c'est mieux d'être un emploi de douze mois, parce que si
c'est un emploi de huit mois ou si jamais il a un accident du travail, de toute
façon, le supplément du revenu va disparaître. Il n'y en
aura plus du tout. Je suis bien sûr que, de ce
côté-là, l'incitation devient non seulement
éloignée dans le temps, mais elle est très
aléatoire. Quant à l'incitation, n'en parlons plus.
Pour ce qui est de l'équité, il reste que les travailleurs
à faible revenu qui seront frappés d'un accident du travail ou
d'une période de chômage,
non seulement seront-ils pénalisés, parce que ce
régime ne comble pas à 100% leur perte de revenu, mais de plus,
ils vont perdre même le supplément de revenu auquel ils auraient
droit s'ils n'avaient pas eu ces malchances.
Les plus mal pris parmi les travailleurs à faible revenu vont
continuer de l'être, parce que ce régime ne s'adressera pas
à eux. Il s'adresse à ceux qui ont des emplois permanents,
réguliers, qu'ils occupent douze mois par année, mais à un
taux de revenu inférieur à ce qui est nécessaire selon les
barèmes approuvés par le programme.
Je pense que c'est là une situation ni équitable, ni
incitative. Je suis étonné d'entendre, du côté
gouvernemental, après qu'il nous ait... Je voyais ici tout à
l'heure, le député de Saint-Jacques, comme critique dans
l'Opposition, nous faisait anticiper, du côté d'un gouvernement du
Parti québécois, toutes sortes de choses absolument merveilleuses
concernant les programmes sociaux. Je vois une obsession dans toutes les
contributions à ce débat des membres du parti ministériel,
une véritable obsession avec le fait que les gens peuvent abuser, par
exemple, du régime d'assurance-chômage, qu'ils peuvent
chômer plus longtemps ou même prolonger des périodes
à la suite d'un accident pour recevoir des prestations d'accident du
travail plus longtemps.
Tous ceux qui en ont parlé, ont dit: On emploie des
euphémismes, les gens ne feront pas cela, bien sûr. Ils ne veulent
pas frauder, mais ils savent compter. Ecoutez, peut-être que les gens
savent compter, mais, nous autres, on sait comprendre aussi. On comprend
très bien que ce qui préoccupe les gens, du côté
ministériel, c'est la possibilité qu'ils paient des prestations
à des gens qui ne sont peut-être pas les premiers rendus sur un
chantier, parce qu'on a des doutes là-dessus, du côté
ministériel.
Ce n'est pas quelque chose qui leur fait honneur dans le contexte d'un
programme qui est censé combattre la pauvreté chez les
travailleurs à faible revenu. Ils peuvent le faire en donnant, plus
qu'ils ne le font effectivement, un avantage aux familles. D'ailleurs, c'est le
député de Sherbrooke qui l'a mentionné. On le sait
très bien et c'est normal que ce soit ainsi, qu'un programme
d'assurance-chômage vise à remplacer des revenus perdus. Il ne
vise pas à combler le problème de la pauvreté, c'est un
programme d'assurance. Ce n'est pas un programme de soutien de revenu et de
supplément au revenu. C'est un peu comme un régime de rentes.
C'est une pension reliée au revenu que la personne gagnait, pas aux
situations familiales. C'est la nature de l'animal d'être comme cela.
C'est créer un faux problème que de supposer qu'il faille
d'abord réformer l'assurance-chômage avant d'avoir un programme de
supplément au revenu. Vous aurez toujours les deux situations dans
n'importe quel régime social, indépendamment d'ailleurs des
problèmes constitutionnels. N'importe quel pays va vouloir remplacer un
revenu perdu à la suite d'une période de chômage ou de
maladie. Il ne remplacera pas ce revenu en fonction des circonstances
particulières à l'individu au moment où il a perdu son
revenu, mais en fonction du revenu lui-même. C'est un régime
d'assurance. Les cotisations sont basées sur le revenu, elles ne sont
pas basées sur la situation familiale. Ce n'est pas un régime de
redistribution de revenu, c'est un régime de remplacement d'un revenu.
C'est là une notion complètement différente, ce qui ne
veut pas dire qu'il ne doive pas y avoir un supplément au revenu qui
s'ajoute à cela, surtout quand le revenu qu'on remplace était
lui-même, à l'origine, insuffisant. C'est ce qu'on ne fera pas
précisément. On ne supplémentera pas les revenus
insuffisants et, en particulier, non seulement on ne les supplémentera
pas pendant la période où ils ne sont pas gagnés à
la suite du chômage ou de la maladie, mais le supplément auquel un
travailleur aurait droit pendant la période où, effectivement, il
travaille je pense bien que vous n'avez rien contre cela on va la
lui enlever, parce qu'on va dire qu'il a déjà reçu de
l'argent du gouvernement pour une autre période où il ne
travaillait pas. Au moins, qu'on fasse un divorce complet, qu'on
considère isolément les périodes où il travaille,
qu'on supplémen-te ce revenu quand il travaille, mais qu'on ne vienne
pas lui enlever le supplément au revenu pendant les mois où il
travaille, sous prétexte qu'à d'autres périodes, dans des
périodes où il ne travaille pas, il reçoit d'autres
prestations sociales qui représentent d'ailleurs les prestations d'un
régime d'assurance.
C'est cela, l'injustice du régime. Vous pourrez bien dire tout ce
que vous voudrez, à savoir que l'assurance-chômage est incitative
au chômage et tout cela. Enfin, ce n'est pas prouvé et ce n'est
pas prouvé non plus pour tous les travailleurs, surtout les travailleurs
qui ont une charge familiale. C'est cela que le régime veut avantager.
On peut avoir toutes sortes de discussions sur l'assurance-chômage pour
les étudiants et les conjoints, etc. Là, il y a des
problèmes parce que ce sont des gens qui ont une forte
élasticité de participation au marché du travail. Pour les
travailleurs qui ont une charge familiale, ceux qui sont visés par ce
programme, l'allégation est rarement faite qu'il y a un problème
d'incitation au chômage. De toute façon, il y a des
périodes pendant lesquelles ils travaillent, pendant lesquelles ils
auraient droit au supplément et voici qu'on veut le leur enlever, parce
qu'il y a d'autres périodes où ils n'ont pas de revenu du
travail. C'est doublement injuste.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Sherbrooke.
M. Gosselin: M. le Président, très
honnêtement et au-delà des discussions qu'entretient le
député de Saint-Laurent sur les principes d'équité,
avec lesquels nous sommes fondamentalement d'accord, et sur l'objectif de
réaliser d'une manière intégrée un véritable
régime de revenu garanti, nous partageons essentiellement ces objectifs.
Quant à l'allusion qui a été faite à une critique
dans les débats sur le projet de loi no 1, je pense que, ni dans les
discours des députés ministériels, ni dans ceux,
d'ailleurs, de l'Opposition, au cours du débat en deuxième
lecture, ni en commission, les propos qui ont été tenus à
cette table ou à l'Assemblée ne laissent penser le type de
jugement que le député de Saint-Laurent voudrait nous imputer sur
les chômeurs. Au contraire... (11 h 45)
Mme Lavoie-Roux: J'invoque le règlement 96. Il se peut que
le député de Sherbrooke n'ait pas été en Chambre,
mais quand le député de Saint-Jacques vous n'avez
qu'à relever le journal des Débats se félicitait,
par exemple, de ce que la personne qui faisait l'effort d'aller travailler, de
ce que la femme qui avait un enfant, qui avait le coeur d'aller travailler...
il y a eu trois exemples, l'un après l'autre, voulant que, pour vendre
le projet du gouvernement, on faisait une condamnation des assistés
sociaux. Relisez le journal des Débats...
M. Gosselin: Non, écoutez...
Mme Lavoie-Roux: Relisez! Relisez! Relisez! C'est très
clair.
M. Gosselin: C'est une question...
Mme Lavoie-Roux: Moi, je lui ai donné le
bénéfice du doute que c'était...
M. Gosselin: C'est une question... Mme Lavoie-Roux: ...
dans son éloquence. M. Gosselin: ... d'interprétation.
Mme Lavoie-Roux: Bien...
M. Gosselin:... probablement des propos que vous avez entendus du
député de Saint-Jacques.
Mme Lavoie-Roux: Ecoutez donc!
M. Gosselin: Personnellement, je suis très fier de ce
projet, pour les assistés sociaux qui, actuellement, veulent travailler,
notamment les femmes chefs de famille qui espèrent avoir un accès
au marché du travail et qui voudraient notamment aller travailler
à temps partiel. Je me sens tout à fait fondé et je pense
qu'il est tout à fait honnête de dire que ce projet est
intéressant, parce qu'il favorise le retour au travail et que, ceci dit,
ça ne veut pas dire qu'on condamne les gens qui, pour toutes sortes de
raisons, ne peuvent pas avoir accès à ce marché du
travail. Bon! Cela, je pense que c'est important que ce soit clarifié et
je pense que, dans notre discours, on n'a pas voulu ou on n'a pas vraiment,
comme on veut nous l'imputer, tenté d'accabler les assistés
sociaux.
D'autre part, au-delà de l'accord de principe que nous avons sur
l'équité qu'il faut atteindre dans nos régimes de
sécurité sociale, je tiens seulement à rappeler au
député de Saint-Laurent que si le Québec est
embarqué comme il l'est actuelle- ment dans tout le champ de la
sécurité sociale, au point où nous nous sentons
justifiés d'amener un projet de loi comme celui-ci, c'est un peu
historiquement d'une manière accidentelle que, comme province, dans le
système canadien, nous avons été amenés à
bâtir nos propres lois, et que, encore aujourd'hui, les trois quarts,
sinon davantage, je ne sais pas la proportion exacte, des ressources qui
arrivent aux citoyens en termes de sécurité sociale sont
versés par le gouvernement canadien.
En tout cas, une grande partie des déboursés vient du
gouvernement canadien qui, lui, évidemment, a des ressources beaucoup
plus importantes pour pouvoir l'effectuer. Quand on parlait de
l'assurance-chômage tout à l'heure, je ne voulais pas indiquer que
le régime d'assurance-chômage avait à être autre
chose que ce qu'il est, sauf que ces critiques que j'ai formulées sur le
régime d'assurance-chômage et qui sont très largement
partagées par les citoyens, ont été également
formulées par des organismes aussi accrédités que le
Conseil économique du Canada et le Conseil de bien-être social,
à savoir que le régime était très
inéquitable.
Quand on compare un programme très modeste de $50 millions et
qui, pourtant, atteint 96 000 familles, aux déboursés
fantastiques, par exemple, de l'assurance-chômage, je pense qu'il y
aurait lieu de s'interroger sur l'équité aussi du régime
d'assurance-chômage. Si le député de Saint-Laurent,
au-delà d'un grand accord de principe et d'une volonté qui, je
pense, est sincère de sa part, de voir le Québec se doter d'une
véritable politique de revenu garanti, voulait aller au bout de sa
pensée, je pense, dis-je, qu'il conviendrait avec nous qu'une
intégration, comme il le suggère, de nos politiques, qu'un
élargissement des clientèles, comme il le suggère, par le
projet de loi no 1, veulent nécessairement dire, à moins
d'être totalement inconséquent, la récupération de
tous les pouvoirs et une harmonisation plus définitive de toutes les
politiques de sécurité sociale.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que l'article 7 sera
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Marcoux): Adopté. L'article 8.
M. Marois: M. le Président, je m'excuse, il y a un
amendement...
Le Président (M. Marcoux): Vous avez un amendement?
M. Marois: C'est-à-dire un article qui s'introduirait
entre les articles 7 et 8, c'est-à-dire l'article 7a. Je crois qu'il a
été distribué déjà.
Le Président (M. Marcoux): J'appelle un projet
d'amendement qui vise à insérer un nouvel article, l'article
7a.
M. Forget: Adopté.
M. Marois: M. le Président, on me permettra simplement...
Je pense que c'est important. L'article vise, pour l'essentiel, à
permettre qu'il soit possible d'utiliser, pour faciliter les choses, une table
divisée en tranches de revenu pour permettre aux gens de s'y retrouver
le plus facilement et le plus rapidement possible.
Le Président (M. Marcoux): L'article 7a est adopté.
L'article 8.
M. Marois: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.
Demande, détermination et paiement du
supplément au revenu de travail
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que l'article 8 est
adopté?
M. Forget: Dans la demande qui est faite à l'article 8, si
je comprends bien les références que le ministre a faites plus ou
moins en passant précédemment... Par exemple, un étudiant
qui termine en juin et qui a un travail de juillet à décembre, il
s'agit de 1979, il termine au cours des prochaines semaines, a un emploi
immédiatement et occupe cet emploi jusqu'à la fin de
décembre. Le 30 avril 1980, il produit une demande. Est-ce que la
demande sera acceptée, même si son revenu pendant l'année
n'était pas un revenu de douze mois? Il suffit qu'il ait un travail le
31 décembre.
M. Marois: Oui.
M. Forget: A ce moment-là, on va faire effectivement la
règle de trois. On va dire: Ce revenu est "supplémentable",
même si c'est un revenu qui est un revenu de six mois, on va le
supplémenter, quel que soit son montant.
M. Marois: On va supplémenter son revenu de travail de
l'année antérieure. On ne fait pas de règle, ni de deux,
ni de trois.
M. Forget: A supposer qu'il gagne $12 000 par année, comme
il a travaillé seulement à partir du 1er juillet, il a
gagné $6000.
M. Marois: On va supplémenter $6000. M. Forget: On
va supplémenter $6000.
M. Marois: Pour la première année, c'est exact.
M. Forget: Vous voyez le genre de situation aberrante dans
laquelle on se place? Pourquoi supplémenter $6000? A ce
moment-là, selon l'argumentation que vous avez développée
tantôt, il n'a pas d'intérêt à commencer à
travailler en juillet; il est aussi bien d'attendre au mois de novembre parce
que vous allez supplémenter beaucoup plus un revenu de deux mois qu'un
revenu de six mois, même s'il est au même taux.
M. Marois: Je ne vois pas comment le député peut
faire une affirmation comme celle-là. On supplémente à 25%
le revenu de travail.
M. Forget: C'est vrai dans tous les cas. M. Marois: Oui,
bien sûr.
M. Forget: Tantôt, c'était l'argument selon lequel
les gens cesseraient de travailler ou seraient en chômage plus longtemps.
Il ne fallait pas utiliser une règle de trois et, étant
donné les comportements des gens qui savent compter, il ne fallait pas
les encourager à travailler moins de douze mois, en supplémentant
les périodes pendant lesquelles ils ne travaillent pas.
Dans ce calcul, comme pendant les premiers six mois, l'étudiant
n'a rien reçu, il n'a pas reçu de prestations de chômage,
il n'était pas dans la main-d'oeuvre; il n'a pas reçu de
prestations d'accident du travail; il n'a pas reçu d'aide sociale, il
était étudiant...
M. Marois: Pendant un certain temps, il a peut-être eu des
bourses.
M. Forget: II devient admissible au programme. S'il n'a pas
reçu de bourse, c'est probablement que le revenu de sa famille
était supérieur. A ce moment-là, on va supplémenter
le revenu de travail des trois, des quatre ou des six derniers mois de
l'année comme si c'était son seul revenu pour l'ensemble de
l'année et on va aussi supplémenter, dans le fond, le revenu des
deux derniers mois s'il ne travaillait que les deux derniers mois. C'est assez
curieux comme approche, compte tenu du raisonnement que vous avez
développé tout à l'heure.
M. Marois: Je ne suis pas certain que je suis très bien le
raisonnement du député de Saint-Laurent, M. le
Président.
M. Forget: On va supplémenter quelqu'un qui gagne un
revenu à un taux annuel de $12 000 par année pour la simple
raison qu'il a commencé le 1er juillet ou le 1er octobre; pas parce que
c'est un travailleur pauvre, c'est un étudiant qui peut gagner $12 000
ou $15 000. Mais il a travaillé si peu longtemps qu'on va
supplémenter son revenu comme s'il était pauvre. Au moment
où il va recevoir son chèque, vers l'automne 1980, ça fera
un an et demi qu'il travaillera à un revenu fort supérieur
à celui du seuil de la pauvreté et, parce qu'il n'a pas
reçu de bourse, pendant les premiers six mois de 1979, on ne fera aucune
soustraction de la somme qu'on lui doit. Si cependant sa famille était
pauvre et qu'il a reçu une bourse, là on va diminuer le montant
auquel il a droit; extraordinaire équité.
M. Marois: Je pense qu'il faut faire extrêmement attention.
J'ai dit qu'on aura l'occasion de revenir à l'automne. On parle de
l'étudiant, voici les premières questions qu'on a à se
poser: La personne est-elle mariée, est-ce qu'il s'agit d'un
ménage ou s'agit-il d'une personne seule?
Une Voix: ...
M. Marois: Non, non, faisons attention, il y a plus que cela. Si
c'est une personne qui constitue un ménage au sens de la loi, c'est bien
différent du fait que si c'est une personne seule. Si c'est une personne
seule, on verra. Je dis là-dessus que le député a
invoqué, lors de la dernière rencontre, l'idée que
peut-être la base dans le cas des personnes seules aurait comme
règle l'âge de 30 ans. J'ai dit que cela n'était pas exclu
dans l'étude qu'on mène présentement pour aboutir,
à l'automne, à la deuxième étape. Donc, il faudra
voir quelle sera la règle dans ce cas. Si c'est 30 ans, vous voyez tout
de suite qu'il peut y avoir toute une série de cas hypothétiques
dont on parle présentement. Mais si c'est 30 ans, cela exclut bon nombre
de cas auxquels on pourrait faire allusion, présentement. Je pense qu'il
y a des distinctions à faire à l'affirmation du
député.
M. Forget: Plusieurs étudiants vivent dans des unions de
fait. Si c'est un étudiant qui a moins de 30 ans, si vous mettez une
limite d'âge de moins de 30 ans ou de 30 ans pour les personnes seules,
le problème ne se pose pas. Mais s'il s'agit d'un conjoint de fait, on
trouve un certain nombre de ces cas de nos jours chez les étudiants,
chez les jeunes, ces derniers sont traités comme une famille, comme un
ménage, le problème va se poser immédiatement et, encore
une fois, ne tenant pas compte de la période pendant laquelle une
personne travaille, vous allez supplémenter un an et demi après
qu'un étudiant a quitté ses études, a peut-être pris
un emploi à $15 000 par année. Supposons qu'il a travaillé
quatre mois en 1979, il aura gagné $5000, il s'agit d'un ménage,
donc ce sera sujet au supplément au revenu, il vient d'une famille
à l'aise, etc. Il n'a pas demandé de bourse, il n'en a pas
reçu, donc on ne réduit en rien sa prestation de
sécurité du revenu. On va donner à quelqu'un qui fait un
revenu de près de $20 000 un supplément de sécurité
de revenu, parce qu'il n'a travaillé que quatre mois, la première
année où il a travaillé, et qu'il ne recevait pas de
bourse précédemment, et qui vit dans une union de fait. C'est
paradoxal, avouez-le. Alors qu'on va refuser à un chômeur, qui a
travaillé huit mois pendant l'année, le supplément au
revenu de $6000 par année, parce qu'il n'a gagné que durant huit
mois. Il a donc seulement gagné $4000 parce qu'il a reçu de
l'assurance-chômage pendant les quatre derniers mois de l'année.
On peut bien appeler cela de l'équité si on veut, mais encore une
fois je vous dis en toute honnêteté et sans esprit partisan,
à mon avis, que le programme tel quel va susciter une levée de
boucliers. Ces cas vont devenir évidents. Repensez-y.
Mme La voie-Roux: Cela va probablement être les plus
alertes qui vont aller chercher leur supplément au revenu.
M. Marois: Evidemment, il faut faire attention aux exemples qu'on
prend. J'essaie de le regarder le plus honnêtement possible et je me
demande si parfois on n'extrapole pas, on ne généralise pas
à partir de cas extrêmes, à la marge, qui peuvent
peut-être se présenter. Quand on introduit un programme je
pense que le député de Saint-Laurent le sait fort bien, il a eu
à administrer déjà des programmes hérités
d'autres personnes antérieurement il y a des ajustements qui
peuvent s'imposer en cours de route. J'essaie de le regarder en toute
honnêteté et de faire en sorte que dans la pratique on atteigne
quand même le mieux possible les clientèles visées au point
de départ. (12 heures)
Je me méfie toujours des exemples pris à la marge,
à partir desquels on extrapole pour généraliser des
règles. Le cas de l'étudiant qu'on évoque, il y a diverses
hypothèses, j'exclus le cas de la personne seule, sauf un cas
exceptionnel qui pourrait se présenter, ça pourrait arriver. Si
cette personne a des enfants, qu'elle gagne $6000 pendant six mois et qu'elle
n'a pas d'autre revenu, je ne vois pas pourquoi, au point de départ,
pour cette période, elle n'aurait pas droit au supplément, s'il
n'y a pas autre chose que ça. Sinon... ou alors, il y a autre chose.
Elle a eu des bourses ou l'autre conjoint a des revenus et, forcément,
on en tient compte.
A ce moment-là, vraisemblablement, la personne va être
exclue du programme. Ecoutez, est-ce qu'on va trouver ça à tous
les coins de rue, un étudiant ou une étudiante, peu importe, l'un
ou l'autre ayant charge d'enfants, qui va prendre charge d'enfants, avec la
période de temps qu'il faut pour se qualifier, parce qu'il faut au moins
que les conjoints de fait soient ensemble depuis un an. On va en trouver
beaucoup à divers coins de rue du Québec, une personne qui se
mettra dans une situation comme celle-là, simplement pour tomber sous la
coupe du supplément au revenu de travail, je pense qu'on est en train de
discuter de cas vraiment marginaux.
Par ailleurs, d'autre part, à l'autre pôle, la personne qui
serait dans cette situation, dont le niveau de revenu du ménage serait
d'un ordre tel qu'elle serait admissible au programme, je ne vois pas pourquoi,
même si ce n'est que pour une période d'un an, on l'exclurait.
M. Forget: Le problème, M. le ministre, c'est que la
période des calculs est trop longue. Quand on parle d'un montant comme
$2000 ou $1000, c'est beaucoup ou trop peu, selon la période de temps
à laquelle ça s'applique. $1000 par jour, c'est beaucoup. $1000
par année, c'est très peu. Alors, la notion de temps est centrale
dans la définition d'un revenu à supplémenter. Quand vous
me dites: Quelqu'un qui reçoit $6000 pendant six mois et qui a une
charge familiale, ce n'est pas déraisonnable de supplémenter, je
suis d'accord
avec vous. Mais, si vous me dites que quelqu'un qui reçoit $12
000 pour douze mois, avec les mêmes charges, on doit
supplémenter... Or, vous ne prévoyez pas supplémenter,
donc, vous avez la réponse à votre question. $6000 sur six mois,
c'est effectivement trop, vous le dites vous-même dans votre loi.
M. Marois: C'est plus que $6000 sur six mois, c'est $6000 sur
l'année antérieure, au complet. Ce n'est pas $6000 sur six mois.
La personne a effectivement travaillé pendant six mois, mais le revenu
du travail du ménage en question a été de $6000 sur
l'année, sinon, il y a autre chose. Il y a eu des bourses ou le conjoint
a d'autres revenus, alors ils ne sont pas admissibles au programme.
Ou alors $6000 sur un an ou alors les parents ont aidé, d'une
façon ou d'une autre, il y a eu des contributions financières
additionnelles, et le reste.
Il faut, je pense, l'appliquer sur la période de l'année
antérieure, parce que s'ils n'ont eu que $6000 sur une période
d'un an avec la charge de famille, je ne vois pas pourquoi on ne
supplé-menterait pas, même si ce n'est que pour une période
d'un an. Tant mieux si leur situation s'améliore par la suite et que ce
ménage n'est plus admissible au programme, parce que sa situation s'est
améliorée.
M. Gosselin: Je conviendrais avec le député de
Saint-Laurent que pour des cas limites, mais vraiment des cas limites, selon la
discussion qu'on a, il peut se produire un problème. Par ailleurs, il
nous reste à évaluer si la limite du genre de cas qui peut se
produire nous justifie d'amener un amendement spécifique
là-dessus, auquel cas, je pense que dans la discussion, d'ici à
la troisième lecture, il pourrait être possible de le faire, de
notre côté. Peut-être que le député de
Saint-Laurent a aussi un amendement à formuler nous permettant
d'éviter ces cas-là.
M. Forget: Je remercie le député de Sherbrooke de
son ouverture d'esprit. Malheureusement, il s'agit d'une loi très
technique. Nous avons eu très peu de préavis pour l'étude
de l'ensemble du projet. Cela n'a pas été déposé il
y a des mois et cela s'est passé dans une période où on a
peut-être pas eu la disponibilité qu'on a normalement, je
n'insisterai pas pour dire pourquoi, à moins qu'on me le demande, M. le
Président.
Il reste qu'étant donné que c'est une loi quasiment avec
des implications fiscales, en termes de dépenses, au moins, notre
rôle ici se borne à soulever des questions. Nous n'avons pas
d'amendement formel. Je pense que, dans une loi comme celle-là,
j'hésiterais beaucoup avant de formuler des amendements. Il faut que ce
soit fait après mûre réflexion. Je tente simplement
d'illustrer d'avance des problèmes qui m'apparais-sent évidents,
à mes yeux. Ils ne le sont peut-être pas à tous. Ce sont
des problèmes réels. Et, là-dessus, je dirais, en
terminant, que même si les exemples on peut toujours dire que les
exem- ples, ce sont des cas extrêmes mais dans ces cas-là,
qu'il s'agisse d'une loi fiscale ou d'une loi visant des prestations sociales,
les cas individuels, même s'il n'y en a qu'un, sont parfois suffisants
pour faire modifier une loi. Les cas individuels acquièrent une telle
importance pour les individus en cause que, forcément, il s'agit de
centaines ou de milliers de dollars de bénéfice, surtout si on
les étale sur quelques années, parce que si la loi n'est pas
changée, les gens peuvent, de façon permanente, être
privés d'un appui ou d'un recours. De la même façon, s'il y
a une fraude fiscale ou une évasion fiscale qui se révèle,
il s'agit qu'il y ait un contribuable qui le fasse et que ce soit assez visible
pour qu'on modifie la loi. On n'attend pas qu'il y en ait 200. On dit: II y a
vraiment un "loophole", il y a vraiment quelque chose. Les gens contournent la
loi, il faut boucher ce trou-là. On n'attend pas, encore une fois, qu'on
ait fait la preuve qu'il y en a 200 qui le font ou 10 000. Dès qu'on
l'identifie, on essaie de le boucher.
Dans la question des prestations, quand il s'agit de donner de l'argent
plutôt que d'en recevoir, l'intérêt se trouve du
côté du citoyen et, pour le citoyen, c'est énorme. Les
comparaisons que les gens font les uns avec les autres, finalement, deviennent
de notoriété publique, très souvent en peu de temps. Il y
a d'ailleurs des journalistes qui se spécialisent dans ce travail et
c'est légitime, parce que cela fait ressortir des
difficultés.
Je pense que l'argument qui veut que ce ne soit pas un cas
statistiquement important, ce dont on ne sait rien d'ailleurs, ce l'est
peut-être et cela ne l'est peut-être pas, n'est pas en soi
suffisant pour éviter de considérer des problèmes comme
ceux-là. Il y a plusieurs solutions possibles, je pense, qui me viennent
à l'esprit. Mais, encore une fois, j'hésiterais à aller
dans les détails, à moins qu'on nous donne des délais
additionnels.
On n'a pas eu le bénéfice d'une commission parlementaire
ouverte à tous ceux qui pourraient avoir des choses à dire sur le
sujet. Je pense qu'il y a déjà des groupes cela m'est
arrivé ce matin qui ont fait connaître leur
déception de ne pas avoir eu l'occasion de débattre avant la
deuxième lecture, présenter des mémoires, etc., pour faire
ressortir un sujet qui est extrêmement complexe. Je ne blâme pas le
ministre d'être parfois devant des situations qui n'ont pas
été, comme telles, spécifiquement envisagées. C'est
très difficile de faire une loi là-dessus. C'est d'ailleurs la
raison pour laquelle, croyant qu'une grande partie de ces règles
seraient dans le règlement, je vois qu'il n'en est rien, qu'on se fie au
texte de loi comme tel. Je me disais: Vous en avez pour des mois à
rédiger des règlements qui donnent vraiment satisfaction. Chaque
fois qu'on pense avoir fini, il y a quelqu'un qui les lit et qui dit: Avez-vous
pensé à telle situation? On recommence au point zéro.
C'est la nature de l'animal qui est comme cela. Je pense qu'on n'y peut
rien.
Encore une fois, j'ai fait mes points, je pense qu'ils sont
intelligibles. Enfin, je les ai rendus les plus intelligibles possible. Je n'ai
pas d'amende-
ment à proposer, on n'a pas l'intention de faire un "filibuster"
là-dessus, comme je l'ai dit en deuxième lecture. On ne voudrait
pas retarder le projet de loi. On essaie simplement d'avoir la discussion la
plus explicite possible, sur les difficultés que peut présenter
son application, quitte au ministrel à tirer de cela ce que bon lui
semble.
M. Marois: M. le Président, si on me permet simplement une
remarque très brève, dans le sens de ce qu'a évoqué
le député de Sherbrooke. J'ai noté en cours de route,
depuis le début de nos travaux, les diverses questions qui ont
été formulées, les remarques, les commentaires. Je crois
quand même qu'on peut procéder. J'ai pris bonne note des
commentaires sur cette question. Je ne sais pas si d'ici midi et demi
j'ai des doutes on va passer à travers l'examen article par
article, mais, même dans cette hypothèse, rien n'exclut, notre
procédure n'empêche pas, le cas échéant, si j'en
venais à la conclusion après examen... Je vais demander quand
même aux fonctionnaires de regarder cela à nouveau, sur la base
des diverses argumentations qui ont été soulevées et, le
cas échéant, si j'en venais à la conclusion que c'est
fondé d'apporter un amendement, je n'hésiterai pas du tout
à le faire.
Mme Lavoie-Roux: Mais, M. le Président, il y a d'autres
cas. Quand on se met à examiner les cas qui pourraient survenir, ce sont
des cas auxquels je serais sympathique de prime abord, mais il pourrait y avoir
d'autres situations. Par exemple, quelqu'un qui sortirait d'une
communauté religieuse, quelqu'un qui sortirait de prison, quoiqu'on
s'imagine que, même si on lui accorde un peu plus... Mais il a quand
même reçu les soins de l'Etat. Enfin, je ne sais pas si ce sont
toujours des soins, mais il a été à la charge de l'Etat
pendant, disons, huit à dix mois de l'année. Enfin, il y a tous
ces... Même quelqu'un qui sortirait d'un hôpital pour des raisons
psychiatriques, mais qui a requis une longue hospitalisation. Là, je
comprends que je tombe peut-être dans les...
Une Voix: Les forces armées.
Mme Lavoie-Roux: ... cas d'exagération dont parle le
ministre, mais il y a plusieurs autres situations, je pense, qui pourraient
survenir.
M. Forget: Est-ce que c'est sujet au supplément? Les
salaires des forces armées, est-ce que c'est sujet au
supplément?
Une Voix: C'est trop élevé. M. Forget: C'est
trop élevé.
M. Marois: Je vais vérifier, je ne le sais pas du tout. Je
ne sais pas quel est le salaire. Je peux vérifier cela et vous donner
une réponse là-dessus.
Le Président (M. Marcoux): L'article 8 sera-t-il
adopté?
M. Forget: Oui, adopté.
Le Président (M. Marcoux): Article 9.
M. Marois: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.
M. Forget: Est-ce que cela veut dire que... Qu'est-ce qui arrive
si deux personnes vivent maritalement et ne sont pas mariées, que l'une
d'elle fait une demande de supplément au revenu et déclare
qu'elle a un conjoint, mais qu'elle est incapable d'obtenir une attestation de
l'autre conjoint, parce que les deux travaillent? Disons que c'est l'homme qui
fait la demande de supplément. Sa conjointe travaille. Elle dit: Non, je
ne veux pas être considérée comme conjointe et je ne fais
pas de déclaration. A ce moment-là, il n'a pas droit au
supplément de revenu. D'un autre côté, la loi dit qu'ils
doivent être considérés comme des conjoints. Comment est-ce
qu'on tranche le noeud?
M. Marois: En formulant votre question, est-ce que vous ne venez
pas d'apporter la réponse en même temps?
M. Forget: Oui et non, parce que la loi ne dit pas... Quand on a
défini les conjoints, on a dit: Deux personnes qui vivent ensemble et
qui sont mariées l'une à l'autre parfait, là, on ne
parle pas de cela ou qui vivent ensemble maritalement depuis au moins un
an. On n'ajoute pas: Et qui acceptent de faire une déclaration, en
fonction de cela. Une personne qui a droit au supplément au revenu qui
en fait la demande doit joindre la déclaration de l'autre. Si elle ne la
joint pas, elle ne peut pas se qualifier pour le programme, elle perd son droit
simplement par le refus du conjoint.
M. Marois: Oui, ce qui indique que le ménage ne
désire pas obtenir le supplément au revenu de travail, puisque,
forcément, dans un texte de loi, les termes s'interprètent les
uns par rapport aux autres, en tenant compte aussi des définitions, la
personne désignée comme conjoint, au sens de la loi... Les
conjoints, au sens de la loi, ce sont deux personnes qui vivent ensemble, etc.
Si tel était le cas, il y aurait là une indication.
Le Président (M. Marcoux): Adopté?
M. Forget: Dans le contexte actuel, je peux envisager un
très grand nombre de cas où le conjoint va s'opposer à
déclarer officiellement à l'Etat quel est le conjoint de fait. Il
doit être considéré un peu comme la dépendance de
celui qui gagne un revenu. Cela va causer des frictions, je vous le souligne,
parce que c'est un point très délicat, très sensible.
M. Marois: Oui, bien sûr. Par ailleurs, il s'agit de
déclarations traitées exactement comme des déclarations en
vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, avec toute la
confidentialité qui entoure de telles déclarations. Je pense que
le député sait fort
bien que même un membre du gouvernement ne peut pas obtenir du
ministre du Revenu des détails concernant les noms des personnes qui
font des déclarations en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu.
(12 h 15)
Donc, c'est quelque chose qui est traité avec la plus stricte
confidentialité, et s'il n'y en a pas là, il n'y en a nulle part.
En ce sens...
M. Forget: D'un autre côté, c'est comme faire signer
un contrat de mariage par des gens qui ont choisi de ne pas en signer. C'est un
peu par des voies administratives demander à quelqu'un une
reconnaissance d'une situation sur papier, en apposant sa signature.
M. Gosselin: Le même exemple peut s'appliquer par rapport
à l'aide sociale.
M. Forget: Oui. On sait combien cela pose des
problèmes.
M. Gosselin: Est-ce qu'en contrepartie, on justifierait le fait
qu'à l'aide sociale, notamment, des gens qui vivent ensemble pour une
assez longue durée, ne soient pas tenus de déclarer des revenus
de l'un et de l'autre pour se rendre admissibles au programme?
M. Forget: Oui, mais ici, on supplémente un revenu du
travail. Dans le cas des enfants, par exemple, on ne leur demande pas de signer
une déclaration indiquant qu'ils sont effectivement à la charge
de la famille. Pourtant, on en tient compte. On tient compte de la
déclaration du réclamant. On ne lui demande pas de faire
corroborer par les enfants ou par un tiers la présence des enfants.
M. Gosselin: Je me dis qu'à la limite, c'est un choix qui
reste aux individus de se prévaloir ou non du régime, et, dans ce
cas, personne ne leur tiendrait rigueur de ne pas vouloir s'en
prévaloir. Par ailleurs, si l'avantage réel les concerne de se
prévaloir du régime, je pense que cela ne fera pas de
difficulté.
M. Forget: C'est certainement une entorse à la
liberté des individus. Enfin, tout ce qu'on veut faire, c'est de le
souligner. Je pense que cela va alimenter des controverses, mais tout ce qu'on
veut faire, c'est le souligner à ce moment. Cela découle
probablement de la notion de l'unité familiale, telle que vous l'avez
adoptée, comme base d'attribution de ce supplément.
M. Marois: Sûrement.
M. Forget: Avec tous les problèmes de non-incitation du
travail des conjoints que cela pose.
M. Marois: J'ai entendu cet argument l'autre jour, mais je ne
veux pas prendre énormément de temps. Je ne crois pas que cela
soit exact, sur la base des données qu'on a.
M. Forget: Les études que vous avez démontrent que
c'est à peu près le seul effet...
M. Marois: C'est parce que vous faites référence,
M. le député, constamment... la seule fois que je vous ai entendu
intervenir là-dessus, c'était dans le débat en
deuxième lecture, alors que le député de Saint-Laurent
faisait référence à l'expérience américaine,
mais la situation américaine est très différente de la
situation au Québec. Le régime d'assurance-chômage, aux
Etats-Unis, ce n'est pas du tout la même chose que ce qui existe ici. Le
problème se présente en des termes extrêmement
différents et, selon notre évaluation à nous, dans le cas
des femmes en particulier, s'il devait y avoir des incitations nous
croyons qu'il n'y en a pas ce n'est qu'à la marge, vraiment, et
dans des cas exceptionnels. Le vrai problème est beaucoup plus
relié à l'état actuel de fonctionnement du régime
d'assurance-chômage. Là, il y a un problème qui est
beaucoup plus réel.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que l'article 9 sera
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Marcoux): Article 10. M. Marois:
II n'y a pas d'amendement. M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Marcoux): Adopté. Article 11.
M. Marois: II n'y a pas d'amendement. M. Forget:
Adopté.
Le Président (M. Marcoux): Adopté. Article 12.
M. Forget: Cet article détermine effectivement comment se
fera le paiement. Il n'est pas question, si je comprends bien, contrairement
à certaines allusions qu'on découvre dans le document de travail
sur les différentes hypothèses, de versement par
anticipation.
M. Marois: Non.
M. Forget: Ce sera strictement dans l'année qui suit.
Comme, pour une année donnée, on fait la déclaration avant
le 30 avril et présumément que ça va se situer à
peu près vers le mois de mars, avril, au moment où les gens vont
faire la déclaration, puisqu'ils vont devoir attendre d'avoir tous leurs
documents, les TP-4 et TP-5 et tout le reste, il y a des délais. On va
faire le "processing" de ça, l'analyse de ces données avec un
certain délai aussi, bien sûr, de quelques semaines, ce qui veut
dire que le premier versement, normalement, serait fait probablement vers le
mois de... au plus tôt au mois de mai, plus vraisemblablement au
mois de juin et peut-être même juillet de l'année
subséquente. Donc, les versements de supplément au revenu pour
1979, par exemple, seraient payés à compter de juin 1980,
s'étalant jusqu'en avril 1981.
M. Marois: Prenons quoique là, on va essayer d'y
arriver le mieux possible la première année; l'idée
est, au fond, s'il y a lieu, d'effectuer quatre versements, évidemment,
selon le montant de la prestation, correspondant à des périodes
clés de l'année: les vacances, la période des Fêtes,
la période du printemps, la période de la rentrée
scolaire. Bon! Sur la base du revenu de travail de l'année
antérieure, donc, pour 1979, sur la base du revenu de travail de 1978,
les déclarations sont faites et les premiers versements arrivent
à l'été. Ensuite, ça s'enchaîne. Pour la
première année, ce sera extrêmement difficile d'y arriver
au mois d'août. Ce qu'on prévoit, c'est septembre, pour
l'année de démarrage, il faut s'entendre. Par la suite, c'est
comme je viens de l'expliquer.
Le Président (M. Marcoux): L'article 12 est-il
adopté?
M. Forget: Dans le fond, pour une année de calendrier
donnée, ça s'étale jusqu'au mois de juin non pas de
l'année suivante, mais de l'année subséquente.
M. Marois: C'est-à-dire que, très
concrètement, le supplément versé en 1980 est payable en
1980 et non pas en 1979, mais en se basant sur le revenu de travail de
l'année 1979.
M. Forget: II se peut très bien que si les circonstances
ont changé, il ne soit pas dû sur la base du revenu de 1980. A ce
moment-là, une personne qui se voit devant des fluctuations, comme il y
a un certain cycle d'activité économique c'est connu dans
la construction ou dans d'autres secteurs on peut fort bien voir se
produire que les personnes qui sont soumises à ces cycles vont recevoir
leur prestation dans les années où le revenu de travail est
relativement bon et ne recevront pas de prestation dans les années
où leur revenu de travail est particulièrement bas, étant
donné ce décalage de quinze mois.
M. Marois: Si le supplément pour 1980 était
versé en 1980, le problème dans lequel on retomberait, c'est
toujours celui que j'ai évoqué à plusieurs reprises, celui
de le faire par anticipation sur la base de prévisions.
M. Forget: Tout ceci découle de la longueur de la
période de calcul. Si on calcule l'insuffisance ou la suffisance du
revenu sur un mois, comme à l'aide sociale, on peut faire le paiement le
mois suivant. Si on le calcule sur la base d'une année, il faut faire le
paiement l'année suivante. Si on prenait, par hypothèse, une
période de cinq ans, évidemment, durant cinq ans, par
définition, il faudrait payer dans les cinq ans subséquents. Ce
n'est pas simplement une nécessité administrative absolue, c'est
un choix et c'est important de le souligner qui découle du
choix de la période de calcul. Une période de calcul longue
entraîne de longs délais. Vous avez choisi une période de
calcul d'un an, contrairement à l'aide sociale, qui est basée sur
une période de calcul d'un mois; vous avez donc nécessairement
choisi un délai long dans les paiements. Il serait possible d'imaginer,
pour les fins du revenu supplémentaire, des périodes de calcul de
trois mois ou d'un mois. Cela supposerait, bien sûr, de la part de
l'administration fiscale, un changement de procédure. Cela rendrait
peut-être même impossible pour le ministère du Revenu,
à moins de créer un autre ministère à
côté ou un autre département complètement
différent à côté, d'administrer lui-même un
tel programme.
Quoique, dans le cas des professionnels, ils reçoivent des
versements sur une base de trois mois, par anticipation, la base de calcul
n'est pas modifiée pour autant, c'est toujours la base de calcul pour un
an. La base de calcul du revenu, c'est un an; la base de calcul de l'aide
sociale, c'est un mois. Le choix est là et toutes les autres
conséquences en découlent nécessairement, comme vous
dites.
M. Marois: Ce ne sont pas les raffinements possibles et les
ajustements éventuels, je n'exclus rien. D'autant plus qu'il est
prévu une évaluation extrêmement serrée de la
pratique du programme. En Saskatchewan, par exemple, je crois que c'est aux
trois mois. Ce que cela suppose, chez eux, c'est quatre déclarations par
année, avec tout ce que cela implique de papiers additionnels, de
traitements, de problèmes administratifs et le reste. Donc, on a
regardé les diverses formules pour démarrer; c'est celle qu'on a
retenue, qui n'exclut pas les ajustements qui pourraient être requis, le
cas échéant, à l'évaluation de
l'expérience.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que l'article 12 serait
adopté?
M. Forget: Oui, adopté.
Le Président (M. Marcoux): L'article 13?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Marcoux): L'article 14?
M. Forget: Ici, c'est l'information d'office du ministère
qui peut se baser non seulement sur la déclaration, mais sur tout autre
renseignement. Cela va relativement bien si on pense aux déclarations
fiscales provenant des employeurs, l'original des TP-4, etc., par exemple,
permettant de découvrir que les revenus d'emploi sont supérieurs
à ceux déclarés, les prestations sociales qu'on veut
déduire, etc., qui pourraient être sous-déclarées et
que l'on peut restituer à leur valeur réelle en obtenant
simplement copie du fichier de la Régie des rentes. Est-ce que l'on vise
d'autres
renseignements? On va faire des enquêtes, il va y avoir des
enquêteurs sur la route pour découvrir s'il y a des inexactitudes
dans les déclarations qui sont faites.
M. Marois: Le principe de base, c'est exactement ce que !e
député de Saint-Laurent a évoqué, c'est l'article
743 de la Loi de l'impôt sur le revenu qui prévoit cela
s'applique aussi bien au fédéral qu'au provincial que le
ministère du Revenu n'est jamais lié, pour les fins de
déclarations de ce type, uniquement par les renseignements qui sont
fournis. Les autres formes habituelles de renseignements additionnels peuvent
intervenir et on en tient compte.
Donc, ce qui est prévu n'est pas autre chose; pas d'enquête
additionnelle ou d'enquêteur additionnel à des fins
spécifiques ou additionnelles, en d'autres termes, pas autre chose que
ce qui se fait normalement au ministère du Revenu, les enquêtes
seraient les enquêtes normales du ministère du Revenu.
M. Forget: Le statut des conjoints, par exemple, qui ne fait pas
l'objet d'enquête du ministère du Revenu, mais peut-être
qu'on peut me corriger là-dessus, on s'intéresse à savoir
si le conjoint a un revenu, son existence, mais on ne s'intéresse pas de
savoir s'il est marié ou non, s'il déclare un conjoint, on
accepte sa déclaration ou si cet aspect fait l'objet
d'enquête.
M. Marois: Déjà, les simples éléments
donnés, que vous venez d'énoncer, qui sont l'objet d'un suivi
normal du ministère du Revenu donnent déjà les premiers
éléments clés de renseignements pertinents.
M. Forget: Oui, mais pas tous, parce que quand il s'agit de payer
l'impôt, on va payer l'impôt, les deux conjoints, s'ils gagnent un
revenu, vont payer l'impôt chacun pour soi et on va devoir
vérifier si justement le conjoint a un revenu, on le vérifie par
le numéro d'assurance sociale. Ni l'un ni l'autre ne pourra
déclarer son conjoint comme dépendant, donc au niveau des
exemptions personnelles, il y aura une implication. Mais s'il ne gagne pas de
revenu, par définition, il ne fait pas partie du fichier du
ministère du Revenu et alors, on va l'admettre comme dépendant
sans se poser la question s'il vit maritalement ou non, etc.
Parce qu'il n'a pas d'avantage autre que celui que je viens de
mentionner. Dans le cas d'un supplément de revenu, il y a un avantage
à déclarer un conjoint avec qui on prétend vivre
maritalement. Si on prend soin de déclarer le nom d'une personne qui n'a
pas d'emploi, le ministère du Revenu, à moins de faire une
enquête, n'a aucun moyen de le contrôler. Le réclamant peut
bénéficier financièrement d'une déclaration de
cette nature. Ce qui est différent de la situation qui prévaut
dans le cas d'une déclaration d'impôt. (12 h 30)
Alors, voici la question qui se pose: Est-ce que le ministère du
Revenu va faire des enquêtes pour savoir si des individus vivent
maritalement ou non?
M. Marois: Je reviens à ce que je disais, le
problème que soulève le député est réel,
d'après ce qu'on me dit, donc ce qui suppose que dans les processus
normaux de vérification, c'est un élément dont le Revenu
devra tenir compte et procéder normalement à ces
vérifications, comme il le fait sur d'autres plans.
Cependant, les éléments et les données de base
inhérents aux déclarations d'impôt sur le revenu et au
processus normal d'enquête permettraient déjà, après
analyse, de déceler ce qui serait, ce qui pourrait être un cas
réel possible de fraude, dans la mesure où, par exemple, un
conjoint aurait obtenu réellement des revenus de travail, de
salarié, par exemple. Forcément, il y a des formules de
déclaration de l'employeur qui circulent.
Donc, déjà, il semble que sur la base des données
qui existent, il y ait là les éléments de renseignements
de base pertinents. Va devoir s'ajouter ce que vous avez évoqué,
l'aspect spécifique de la relation de fait qui, là, va se faire
sur la base des enquêtes normales du ministère du Revenu.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que l'article 14 sera
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Marcoux): Adopté. Comme il est 12
h 30, la commission parlementaire des affaires sociales ajourne ses travaux
sine die.
Fin de la séance à 12 h 33