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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le jeudi 17 mai 1979 - Vol. 21 N° 85

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 13 - Loi modifiant la Loi de l'adoption


Journal des débats

 

Étude du projet de loi no 13

(Dix heures vingt-deux minutes)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre!

La commission des affaires sociales est réunie pour l'étude article par article du projet de loi no 13, Loi modifiant la Loi de l'adoption.

Les membres de cette commission sont: M. Forget (Saint-Laurent), M. Goldbloom (D'Arcy McGee) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Gosselin (Sherbrooke), M. Gravel (Limoilou), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Lavigne (Beauharnois), M. Lazure (Chambly), M. Martel (Richelieu), M. Paquette (Rosemont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire).

Les intervenants sont: M. Alfred (Papineau), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Couture (Saint-Henri), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue).

Mme le député de L'Acadie, êtes-vous remplacée par un autre membre comme intervenant? Avez-vous un remplaçant?

Mme Lavoie-Roux: Qui est en haut? Victor Goldbloom?

Le Président (M. Laplante): Comme membre, M. Goldbloom (D'Arcy McGee) est remplacé par vous.

Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord.

Le Président (M. Laplante): Vous ne voulez pas de remplaçant comme intervenant. M. Marcoux (Rimouski), M. Marois (Laporte).

M. Grenier: M. le Président, je vous ai manqué quand vous avez nommé le représentant de l'Union Nationale.

Le Président (M. Laplante): C'est vous-même, M. le député de Mégantic-Compton. D'accord? Il y a aussi M. Cordeau comme intervenant.

À la dernière séance sur le projet de loi no 13, l'article 1 avait été appelé, mais je ne pourrais dire qui avait la parole à ce moment-là. Est-ce que quelqu'un peut me l'indiquer.

Evaluation de la famille adoptive (suite)

M. Lazure: M. le Président, si personne ne la prend, je vais la prendre, pas pour longtemps, mais simplement pour nous remettre un peu dans l'atmosphère de la discussion à la dernière séance. Nous en étions à parler du deuxième alinéa de l'article 1, lequel dit que "le ministre détermine les possibilités d'adoption des enfants domiciliés ou résidant hors du Québec." J'avais expliqué en substance que l'objectif principal de cet article était de permettre au ministère d'exercer une meilleure coordination sur l'accessibilité des enfants déclarés aptes pour adoption, accessibilité donc plus facile pour l'ensemble du territoire. En somme, il s'agissait là d'une mesure de coordination pour bien s'assurer que dans les cas où une région aurait, par hypothèse, un "surplus" d'enfants pour adoption et qu'une autre région aurait une insuffisance d'enfants pour adoption, le ministère jouerait ce rôle normal qu'un ministère doit jouer, d'aider à l'articulation, à la coordination entre les éléments du réseau des affaires sociales, les éléments étant, en l'occurrence, les 14 centres de services sociaux du Québec. Essentiellement, c'est la justification de cet alinéa de l'article 1.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je vais céder la parole au député de L'Acadie là-dessus parce que je me suis déjà fait entendre sur le sujet.

Mme Lavoie-Roux: Sur l'explication du deuxième paragraphe — je m'excuse, je n'y étais pas la semaine dernière — "elle doit procéder à l'évaluation d'une personne". Ce que vous venez d'expliquer...

M. Lazure: Je ne parlais pas de "elle doit procéder à l'évaluation"; je parlais de l'alinéa suivant, le troisième si vous voulez. J'ai dit le deuxième tout à l'heure par erreur, mais c'est le deuxième principal.

Mme Lavoie-Roux: Bon, alors...

M. Lazure: "Le ministre détermine les possibilités, etc."

Mme Lavoie-Roux: ... cela change quand même un peu le point de vue. Je voudrais quand même poser une question au ministre au sujet du premier alinéa, étant donné que ni l'un ni l'autre n'ont été adoptés. Où allez-vous prendre vos données pour déterminer dans quelle mesure les enfants peuvent être adoptés? "Dans la mesure où le ministre a déterminé qu'il y a des enfants qui peuvent être adoptés."

M. Lazure: Elles vont tenir, effectivement, des centres de services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il y a un tel surplus d'enfants à adopter dans une région par rapport à une autre que ceci justifie, dans ce projet de loi, dans ce premier alinéa, d'accorder au ministre le pouvoir de déterminer s'il y a des enfants à adopter ou pas ou quelle est la quantité d'enfants à adopter ou pas? L'explication que vous venez de nous donner, à moins que vous n'en ayez donné d'autres avant-hier ou je ne sais quand, c'est qu'il y aurait peut-être un surplus dans une région par rapport à l'autre, je m'étonne de penser qu'il y ait des surplus d'enfants québécois à adopter dans quelque région que ce soit.

M. Lazure: M. le Président, c'est pour cela que j'ai dit "hypothétique" tantôt. Dans le moment, dans la période qu'on traverse, à ma connaissance, il n'y a pas de surplus. Mais on ne fait pas la loi juste pour 1979 ou 1980. J'ajouterai aussi là-dessus que ce n'est pas seulement en termes de quantité qu'il faut répartir, pour ainsi dire s'il y avait un surplus dans une région donnée. Ce n'est pas seulement pour cela. C'est aussi pour certains types d'enfants, par exemple. Les représentants du ministère m'expliquaient tantôt que ce service de coordination existe dans les faits au ministère. Par exemple, il arrive de temps à autre qu'un centre de services sociaux s'adresse à notre service d'adoption au ministère et dise: Voici, dans notre région, on a un couple de jumeaux — même, on me parlait de trois enfants, de triplés — qui sont disponibles pour adoption. Cependant, dans cette région donnée, il n'y avait pas de parents adoptifs qui se présentaient pour de tels enfants.

Le ministère, dans l'état actuel des choses, sans que ce soit compris dans la loi actuelle de l'adoption, joue ce rôle et s'applique à trouver un autre CSS où il y aurait des parents qui seraient intéressés à l'adoption des enfants en question. C'est à la fois au point de vue quantitatif et au point de vue qualitatif pour certains types d'enfants.

Un autre exemple, je pense aux enfants qui sont un peu plus âgés, des enfants d'âge scolaire qui sont dans des foyers nourriciers, dans des familles d'accueil ou même dans des institutions et pour lesquels le CSS n'arrive pas à trouver des parents adoptifs dans une région donnée. Il est pensable qu'il soit utile, pour un autre CSS qui aurait des demandes de parents adoptifs pour de tels enfants, qu'on puisse transmettre — toujours par le mécanisme d'une coordination — ces informations aux autres CSS. C'est dans ce sens que le terme "détermine" est utilisé; "détermine dans le sens qu'il prend acte de tout ce qui est disponible dans l'ensemble de toutes les régions et en informe ensuite les Centres de services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, comme je sais qu'il y a eu une longue discussion là-dessus, je veux seulement exprimer mon désaccord sur le fait que le ministre s'arroge un pouvoir qui ne me semble pas nécessaire, compte tenu des exemples qu'il nous a donnés. Je suis prête à admettre que le ministre a peut-être voulu prendre l'exemple extrême des triplés, mais il y a une naissance de triplés par 200 000. Les statistiques ont été données quand le député de Portneuf a eu ses triplés. C'est un incident, et je pense qu'une agence sociale ou un organisme social pourrait fort bien, s'il n'y a pas possibilité, le faire connaître à d'autres sans que tout cela soit centralisé au ministère des Affaires sociales quand cela arrive. C'est quand même un événement assez marginal. Surtout, cela arrive très peu souvent, et qu'ils soient mis en adoption, cela doit arriver encore moins souvent. Cela aussi atténue le nombre de cas dans des situations comme celle-là. (10 h 30)

Mais il semble bien que nom collègue de Saint-Laurent n'a pas convaincu le ministre de modifier quoi que ce soit. Alors, cela me semble inutile de perdre plus de temps là-dessus.

M. Lazure: J'ajouterais seulement une phrase. Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Lazure: II ne faut pas oublier non pus que l'Association des centres de services sociaux a été consultée au sujet de ce projet de loi de façon très intime, je vous l'assure, et publiquement, je l'ai dit, a...

Mme Lavoie-Roux: Ils sont d'accord avec le projet de loi?

M. Lazure: Oui, elle a manifesté son accord avec le projet de loi tel qu'on vous le présente.

Mme Lavoie-Roux: Avec tout ce projet de loi? M. Lazure: Oui, madame.

Mme Lavoie-Roux: Je suis fort étonnée d'entendre dire cela...

M. Lazure: Oui.

Mme Lavoie-Roux:... parce qu'il y a eu d'autres rumeurs aussi. Alors, je vais passer à l'autre paragraphe. "Le ministre détermine les possibilités d'adoption des enfants domiciliés ou résidant hors du Québec en tenant compte des objectifs définis par le ministre de l'Immigration..." Est-ce qu'il y a présentement des règlements qui sont prêts ou existe-t-il une entente entre le ministère de l'Immigration et le ministère des Affaires sociales pour déterminer les différents critères qui devraient être en vigueur pour pouvoir procéder?

M. Lazure: Non, il n'y a pas de règlements écrits. Il y a des discussions qui sont en cours depuis plusieurs mois entre les deux ministères. Je pense qu'il y a une articulation actuellement entre les deux ministères comme il n'y en a jamais eu dans le passé. Les deux ministères reconnaissant cela, autant le ministère de l'Immigration que le ministère des Affaires sociales. On s'achemine vers des textes qui deviendraient, à un moment donné — si vous voulez — les politiques officielles conjointes de ces deux ministères. Mais la réponse claire à votre question claire, c'est qu'il n'y a pas actuellement de règlements.

Mme Lavoie-Roux: Mais quelles vont être les préoccupations du ministère des Affaires sociales et du ministère de l'Immigration dans cette entente? Est-ce que vous pouvez nous donner une idée? Dans le fond, vous allez nous demander d'adopter un projet de loi qui est extrêmement vague, sauf qu'on veut donner certaines balises à l'adoption internationale et ainsi de suite. Mais on n'a aucune idée de la façon dont on procède présentement et de ce que vous avez l'intention de faire à l'avenir.

M. Lazure: Dans l'alinéa qui commence par "Le ministre détermine", ce qui est l'objet de la discussion, on dit "en tenant compte des objectifs définis par le ministre de l'Immigration en vertu du paragraphe h) du quatrième alinéa de l'article 3 de la Loi du ministère de l'Immigration". J'ai devant moi le texte en question. Le paragraphe h), en vertu duquel nos objectifs communs seraient définis, dit ceci: "Définir des objectifs quant au nombre de ressortissants étrangers admissibles au cours d'une période donnée en tenant compte, notamment, des besoins démographiques, économiques et socioculturels du Québec."

Mme Lavoie-Roux: Cela est bien beau.

M. Lazure: Alors, on fait allusion. Pour votre information, je voulais vous lire ce paragraphe h) auquel on fait allusion ici.

Encore une fois — j'ai eu l'occasion de le dire dans le passé — c'est le ministre de l'Immigration qui est le maître d'oeuvre de tout programme qui touche l'arrivée de citoyens étrangers dans le Québec.

Mme Lavoie-Roux: Comment procède-t-il présentement avec les enfants qui viennent par l'adoption internationale...

M. Lazure: Actuellement...

Mme Lavoie-Roux:... quand des gens arrivent avec des bébés pas à la douane, mais à Mirabel? C'est presque à la douane.

M. Lazure: II est quasi absent du mécanisme et c'est le ministère de l'Immigration du Canada qui intervient. Essentiellement, il est quasi absent et c'est à cette quasi-absence qu'on veut remédier et à laquelle le ministère de l'Immigration veut aussi remédier. Cela s'inscrit dans l'esprit — dans un cadre plus large, si vous voulez — de l'entente intervenue entre le gouvernement fédéral et notre gouvernement, l'accord Cullen-Couture, comme on l'appelle, qui donne au ministre de l'Immigration du Québec beaucoup plus d'autorité qu'il n'en avait auparavant sur l'entrée d'immigrants, y compris les bébés. Actuellement, sauf pour les immigrants qui viennent rejoindre leur famille, l'accord permet au ministre de l'Immigration du Québec d'avoir un poids égal dans les critères, 50/50, par rapport au fédéral. À toutes fins utiles, cela donne quasiment un droit de veto au ministère de l'Immigration du Québec. Dans cet esprit d'une intervention, d'une action plus importante du Québec dans le domaine de l'immigration, on a cru qu'il était logique de faire jouer à notre ministère de l'Immigration un rôle plus important pour l'arrivée de bébés étrangers pour adoption.

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: J'aimerais bien qu'on s'efforce d'être un petit peu plus concret. C'est très joli de parler en général, mais le reste de la loi prévoit qu'il va y avoir des ententes entre le ministère des Affaires sociales et des organismes de placement et d'adoption internationale. Cela veut dire quoi en pratique? Est-ce que, par exemple, le ministère de l'Immigration va faire des vérifications sur place, dans les pays étrangers, soit au Vietnam, au Liban, au Bangladesh ou Dieu sait où? Est-ce qu'il va aller vérifier sur place les mécanismes de fonctionnement de ces agences? Pas nécessairement regarder par-dessus leur épaule à toutes les heures du jour, mais au moins faire, de temps à autre, des vérifications sur place que toutes les procédures et les lois de ces pays ont été respectées. Ou alors est-ce seulement un mécanisme où il s'agit de donner un certain nombre de points à des enfants pour adoption et à faire cela à partir de bureaux à Québec.

Ce n'est pas très utile, à ce moment. Est-ce que concrètement il va y avoir de la part du ministère des Affaires sociales ou du ministère de l'Immigration une vérification de ce que font ces agences dans les pays étrangers qui sont à l'origine des bébés adoptables?

M. Lazure: Oui. M. Forget: Par qui?

M. Lazure: M. le Président, encore une fois, c'est facile pour le député de Saint-Laurent de dire: Qu'est-ce qui se fait de concret? C'est plus des paroles qu'autre chose. C'est une critique qui est trop facile. J'ai expliqué tantôt et j'ai admis volontiers que, dans le passé, le ministère de l'Immigration, du Québec en particulier sous l'ancien gouvernement, était absent ou à peu près de ces préoccupations qui entourent l'adoption internationale. Nous vous disons que, depuis un an et même plus, il est très présent. Il a été présent dans la rédaction de ce projet de loi et il est présent aussi actuellement par les directives qu'il envoie à ses agents à l'extérieur, les agents d'immigration.

Pour répondre concrètement à votre question, là où un agent d'immigration du Québec peut de façon réaliste se rendre sur place, mettons au Bangladesh, pour évaluer le sérieux des agences qui sont responsables de l'adoption et, par conséquent, aussi évaluer, si on peut dire, toutes les circonstances légales, tout le statut légal de l'enfant à adopter, là où l'agent du Québec géographiquement peut le faire de façon réaliste, c'est lui qui va le faire. C'est lui qui le fait actuellement. Là où ce n'est pas possible à cause des distances, comme cela se faisait à 100%, c'est Immigration Canada qui va le faire, à la demande du Québec, si vous voulez, dans le cadre de services qu'ils s'échangent, comme cela, entre deux bureaux.

Mme Lavoie-Roux: Avec quel statut ces enfants entrent-ils au pays? Que ce soit le fédéral ou le provincial, ce n'est pas la discussion qu'on a.

On sait qu'il y a l'entente Cullen-Couture. Avec quel statut ces enfants entrent-ils au pays?

M. Lazure: II y a certains cas où l'enfant se trouve à être adopté par les parents québécois dans le pays d'origine de l'enfant.

Mme Lavoie-Roux: Cela veut dire que les parents vont dans les pays d'origine.

M. Lazure: Oui.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Lazure: Cela arrive dans certains cas.

Mme Lavoie-Roux: C'est quand même, je pense...

M. Lazure: En Haïti en particulier. En Haïti, par exemple, cela se passe comme cela.

Mme Lavoie-Roux: Oui, oui.

M. Forget: Est-ce qu'ils peuvent avoir des visas de sortie, est-ce que les ententes ont été développées avec Haïti, pour assurer que les visas de sortie sont donnés?

M. Lazure: La réponse est oui. Il s'en donne, des visas de sortie actuellement.

Mme Lavoie-Roux: Ceux qui entrent ici, est-ce qu'ils arrivent avec un visa de visiteur, ceux qui n'ont pas encore été adoptés?

M. Lazure: Comme immigrants reçus. Comme un adulte qui arriverait comme immigrant reçu, ayant l'intention de devenir citoyen.

Mme Lavoie-Roux: Bon. Vous voulez dire que tous les enfants qui partent — on va prendre le Bangladesh comme exemple, c'est peut-être un peu symbolique — du Bangladesh et qui sont amenés ici par des agences ont tous, à leur arrivée ici, des parents adoptifs pour les accueillir?

M. Lazure: La réponse est oui. Quand ils arrivent ici, ils ont le statut d'immigrants reçus comme on le disait, et puis aussi déjà il y a des parents adoptifs qui ont été choisis pour les accueillir.

Mme Lavoie-Roux: Ils n'arrivent jamais ici avec un statut de visiteurs uniquement?

M. Lazure: Dans le cas du Bangladesh, c'est toujours le statut d'immigrants reçus. Mais dans le cas d'autres pays, on me dit qu'il est possible d'arriver avec le statut de visiteur.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il n'y a pas eu des cas aussi où on est arrivé même avec un statut d'étudiant?

M. Lazure: C'est possible. Cela dépend de l'âge de l'enfant à adopter. On est au courant que des adolescents — même c'est d'information publique — il y a un évêque dans la région, je pense que c'est l'évêque de Hull, qui a parrainé l'arrivée ici d'un adolescent du Cambodge, je crois, peu importe, mais dans cette région. Il en a parlé publiquement, alors, il est possible, par exemple, dans un cas comme cela, que l'enfant en question soit arrivé avec le statut d'étudiant.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Lazure: Ce n'était pas pour adoption, c'était un parrainage.

M. Grenier: Le sujet des enfants arrivant ici, il serait peut-être bon qu'on le termine, ma question ne porte pas sur ce sujet précis. Je reviendrai dès qu'on aura...

Le Président (M. Laplante): Mme le député de L'Acadie, est-ce que vous avez terminé?

Mme Lavoie-Roux: Non, je voudrais revenir sur l'article 3 de la Loi du ministère de l'Immigration à laquelle vous avez fait allusion et qui se lit: "Compte tenu des besoins démographiques, économiques, politiques ou enfin je n'ai pas...

M. Lazure: Socioculturels, je crois. Mme Lavoie-Roux: Oui, bon.

M. Lazure: C'est cela, c'est démographiques, économiques et socioculturels.

Mme Lavoie-Roux: II semble que vous allez établir... Je ne veux pas faire dire au ministre ce qu'il n'a pas dit, mais j'ai cru saisir que c'est en vertu de cet article que possiblement on déterminerait les critères, par exemple, de l'adoption internationale. Ce peut être une préoccupation qu'on a pour l'ensemble de l'immigration, mais je me demande si ces seuls critères demeurent des critères valables quand on parle d'adoption des enfants. L'adoption — je l'ai dit en deuxième lecture — comporte un principe fondamental: Le premier droit à considérer, c'est le droit de l'enfant. Je veux bien qu'on ait des considérations démographiques, économiques et socioculturelles — enfin, celles qui sont énumérées dans la loi de l'immigration — mais cela ne me rassure pas beaucoup de voir que tout ce qu'on a à ce moment-ci, avant d'adopter ce projet de loi, c'est une intention de procéder selon l'article 3 de la Loi du ministère de l'Immigration et qu'on ne soit pas plus avancé quant à déterminer toutes les autres conditions essentielles pour qu'une adoption respecte à la fois les droits de l'enfant et les droits des parents qui donnent leurs enfants pour adoption.

M. Lazure: II est bien clair que ces critères touchant les droits de l'enfant et les droits des parents, ce n'est pas le ministère de l'Immigration qui va les déterminer, c'est le ministère des Affaires sociales. C'est bien clair. Dans la détermination de ces critères, on débouche sur la question très concrète qu'on peut se faire poser, nous, au ministère ou au gouvernement par des parents ou par des centres de services sociaux: Est-ce que, oui ou non, il est possible d'adopter un enfant venant d'un pays étranger? On ne tombe plus dans les critères pour préserver les droits des enfants ou des parents, on tombe dans des décisions de disponibilité d'enfants étrangers pour adoption. (10 h 45)

On dit, nous, que cette disponibilité d'enfants étrangers pour adoption, cela touche nécessairement à la politique générale du gouvernement sur l'immigration, et c'est pour cela qu'on veut accrocher, si vous voulez, nos décisions de disponibilité. C'est le texte de l'article 1, au dernier paragraphe, qui dit: Le ministre détermine les possibilités d'adoption, etc. C'est cette décision qui sera prise en respectant les objectifs du ministère de l'Immigration.

En d'autres termes, c'est en collaboration avec l'Immigration qu'on va déterminer que, correspondant à la demande qu'on a au Québec pour de l'adoption internationale, on pourra déterminer un certain nombre d'enfants qui correspondent à des offres, pour ainsi dire, venant de tel pays avec lesquels notre ministère de l'Immigration a déjà des contacts autant que possible. On va certainement garder toute la responsabilité qu'on doit assumer quand il s'agit de faire respecter les droits des enfants et des parents. Pour nous, quand il s'agit de déterminer les pays d'origine de ces enfants étrangers pour adoption, autant que déterminer les bassins et aussi les règles administratives de sortie des enfants de ces pays, il est normal qu'à ce moment-là on s'intègre à la politique générale du ministère de l'Immigration.

Mme Lavoie-Roux: Quels sont les critères qu'ils entendent établir pour s'assurer que l'enfant est vraiment disponible pour adoption là-bas? Vous avez parlé de l'agent qui irait faire son tour pour voir si tel enfant est disponible ou pas. Je pense que ceci semble insuffisant.

M. Lazure: Oui. Bon, on en parle un peu plus loin. Cela va être décrit dans les ententes qu'on aura avec les organismes à but non lucratif qui déjà oeuvrent dans le milieu de l'adoption internationale. Ces organismes à but non lucratif qui sont essentiellement caractérisés, encore une fois, par du bénévolat, ce sont eux qui, selon les ententes qu'on contractera avec ces organismes, vont se rendre sur place, dans le pays étranger, avec l'aide technique de nos agents d'immigration, s'il y en a, ou des agents d'immigration du Canada si les nôtres ne sont pas là. Avec leur aide technique, c'est le représentant de l'organisme bénévole qui va se rendre à l'organisme qui, dans le pays en question, est responsable de recueillir, si vous voulez, des enfants qui sont déclarés aptes légalement, par le tribunal du pays, à l'adoption internationale.

Les critères plus détaillés seront inclus dans l'entente qui sera ensuite conclue avec chaque organisme.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

M. Lazure: Cela inclut les renseignements habituels quant au certificat de santé aussi bien que des renseignements sociaux quant à l'origine de l'enfant.

Mme Lavoie-Roux: ... je voudrais vous faire remarquer — parce que je ne veux quand même pas enfreindre le règlement — que dans le fond on discute à ce moment-ci du deuxième paragraphe de l'article 1 et de l'article 37.1, ou enfin la section VA. Si vous avez des objections, les autres questions que j'aurais à poser pourraient être retardées jusqu'à la section VA. Si on veut traiter de la même chose, dans le fond...

Le Président (M. Laplante): II y a une suite logique entre 37.1 et le troisième paragraphe.

Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas d'objection à ce qu'on continue là-dessus?

Le Président (M. Laplante): Pas du tout.

Mme Lavoie-Roux: Le ministre peut-il nous dire...

Le Président (M. Laplante): À moins, M. le député de Mégantic-Compton, que vous...

M. Grenier: C'est l'article...

Le Président (M. Laplante): C'est l'article 1 tout le temps, mais c'est parce...

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que l'article 1 n'est pas complètement détachable de l'article 37.1.

Le Président (M. Laplante): ... qu'il y a une concordance avec l'article 37.1 de l'article 3.

Mme Lavoie-Roux: Ce sont toutes des questions...

M. Grenier: D'accord. Cela va, d'accord.

Le Président (M. Laplante): II n'y a pas de problème là-dessus. M. le député de Mégantic-Compton, est-ce que vous voulez continuer?

M. Grenier: C'est encore cela, je le vois, pour l'adoption d'un enfant. Je veux dire que c'est encore l'intégration d'un enfant à la société québécoise.

Le Président (M. Laplante): L'article 1, le troisième paragraphe.

M. Grenier: Je pense bien qu'on fait mieux de terminer ce sujet et on reviendra sur l'autre point, qui est différent de celui-là.

Mme Lavoie-Roux: Bon. Est-ce que le ministre a l'intention d'accréditer ces organismes privés, et selon quel critères? Il semble qu'il va remettre à ces organismes privés une grande part de responsabilité dans tout ce...

M. Lazure: La réponse est oui, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Mais selon quels critères allez-vous les accréditer?

M. Lazure: Écoutez, si vous permettez...

Mme Lavoie-Roux: Quel est le nombre que vous vous proposez d'accréditer?

M, Lazure: II y en a cinq, j'ai eu l'occasion de le dire à la dernière séance. Il y a Accueillons un enfant, qui s'occupe surtout de l'adoption des enfants en provenance d'Haïti; le deuxième, c'est Familles pour enfants, qui coordonne l'adoption venant de l'Inde et du Bangladesh; Terre des hommes Canada, qui coordonne l'adoption d'enfants en provenance de l'Amérique latine surtout; le quatrième, c'est Soleil des nations, surtout le Guatemala et le cinquième, c'est Enfants du soleil, Amérique du Sud aussi. Il s'agit de cinq organismes dont certains sont mieux connus que d'autres, mais à caractère bénévole.

C'est le premier critère qu'on va suivre pour reconnaître et passer des ententes avec ces organismes. Donc, le premier critère, c'est qu'il ne faut pas qu'ils soient à but lucratif. Le deuxième critère qui sera suivi, c'est que l'organisme doit respecter les lois de l'adoption et de l'immigration de toutes les juridictions impliquées, c'est-à-dire notre juridiction, celle du Canada, celle du pays étranger. Un troisième critère, c'est l'approche qu'on appelle ici non concurrentielle. Cela veut dire que, d'une part, le ministère des Affaires sociales doit être en mesure de constater que l'adoption internationale est le meilleur substitut parmi la gamme des soins substituts offerts par le pays d'origine de l'enfant. D'autre part, un organisme privé doit éviter de participer à un programme d'adoption international dans une juridiction où oeuvre déjà un autre organisme compétent reconnu par le ministère des Affaires sociales. En d'autres termes, on veut éviter qu'ils n'entrent en compétition l'un avec l'autre. Un autre critère, c'est que l'organisme doit s'engager à n'accepter que les demandes de parents adoptifs qui ont été dûment évalués par les centres de services sociaux et dont le projet a été entériné par le ministère des Affaires sociales. Quand on parle de projet, c'est le projet d'adoption, ce sont les pratiques administratives qui entourent l'adoption. Un autre critère, c'est que l'organisme doit fournir aux centres de services sociaux autant de renseignements psychosociaux et médicaux que possible au sujet de l'enfant en vue de faciliter une adaptation dans la famille adoptive ici au Québec. Finalement, l'organisme doit jouer un rôle de support auprès de la famille adoptive en collaboration avec les centres de services sociaux pendant la période d'attente et à la suite du placement de l'enfant chez celle-ci.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, la question qui me préoccupe le plus, parce qu'elle est hors de notre contrôle jusqu'à un certain point, c'est ce qui se passe dans le pays d'origine. Dans la liste des organismes que vous avez énumérés, vous dites que l'agence devra s'assurer que l'adoption est le meilleur substitut pour toute autre forme de soins...

M. Lazure: La prise en charge de l'enfant.

Mme Lavoie-Roux: ... que cet enfant pourrait recevoir dans son pays.

M. Lazure: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Au niveau des principes, on est d'accord là-dessus. Je l'ai même soulevé au moment de la deuxième lecture. Mais quelle garantie pouvez-vous obtenir que ceci sera réalisé dans le pays d'origine, cette assurance que l'adoption en pays étranger est la meilleure solution pour un enfant? M. le Président, je ne veux pas faire de chasse aux sorcières, mais c'est fort bien connu que, dans des pays où les gens sont déshérités au plan économique, les pressions à partir d'argent peuvent se faire très facilement. J'entendais dire de source certaine, il n'y a pas très longtemps, que, par exemple, une mère était allée quêter dans un orphelinat avec son bébé dans les bras — je ne sais pas si c'était en Inde ou au Bangladesh — et la bonne religieuse, qui était pleine de bonnes intentions, comme on le faisait autrefois, a dit à la mère: Votre enfant, je pourrais lui trouver une bien bonne famille qui va bien s'en occuper. La mère a dit: Non.

Vous savez, quand les gens sont pris dans des circonstances extrêmement difficiles, le droit des parents vaut aussi pour les parents naturels ou les parents légitimes — appelez-les comme vous le voudrez — dans les pays d'adoption. Je pense qu'on n'a pas de garantie qu'il ne s'exercera pas de pression, sauf au niveau des bonnes intentions. Je suis d'accord avec les critères que le ministre a énumérés. Dans le fond, peut-être que de ce côté-ci de la clôture on assure une meilleure protection des enfants, mais de l'autre côté, je ne suis pas sûre qu'on aura respecté les droits des principaux intéressés qui sont le droit des enfants et le droit des parents.

M. Lazure: M. le Président, les remarques du député de L'Acadie sont très pertinentes, mais elle décrit la situation actuelle qu'on veut précisément corriger. Actuellement, il n'y a pas de garantie parce qu'à peu près n'importe qui peut aller en

pays étranger et, avec de l'argent, acheter des bébés. Il n'y a pas de garantie, il n'y a pas de système actuellement. C'est le sens de ce projet de loi — si vous me le permettez — parce que là on va d'abord limiter le nombre d'organismes bénévoles et on a une possibilité de cinq organismes bénévoles. On va non seulement limiter le nombre des personnes qui vont aller recruter des bébés pour adoption, mais aussi on va encadrer leur action, on va passer des contrats avec eux, on va passer des ententes. Cela ne s'est jamais fait. C'est un des points capitaux de ce projet de loi. Troisièmement, on va aussi avoir, par les organismes internationaux qui s'occupent d'adoption, une garantie de surveillance dans les pays où on va aller. Aussi, notre ministère de l'Immigration, je le répète, par ses agents, va surveiller l'action de ces cinq organismes bénévoles, quand ils vont aller à l'étranger, pour s'assurer justement que les droits des enfants sur place, là-bas, sont protégés et que les droits de leurs parents naturels sont protégés aussi.

M. Grenier: M. le Président...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il va y avoir d'autres...

M. Grenier: ... sur la même question. Est-ce que je pourrais savoir si les cinq organismes bénévoles, qui sont d'abord reconnus officiellement par votre gouvernement, par votre ministère, oeuvrent également au Québec ou si c'est uniquement dans des pays étrangers?

M. Lazure: Si vous voulez savoir par votre question, s'ils jouent un rôle dans l'adoption d'enfants québécois, la réponse, c'est non. Ils jouent un rôle seulement dans l'adoption d'enfants étrangers, venant de pays étrangers.

M. Grenier: Est-ce que, au Québec, vous reconnaissez également qu'il pourrait y avoir des organismes bénévoles qui pourront travailler au niveau de l'adoption ou si tout devrait passer par le CSS?

M. Lazure: Un instant. L'évaluation, sauf pour les cas qu'on verra tantôt à l'article 2 du projet de loi, sauf pour les cas énumérés à l'article 2, par le Centre des services sociaux, est obligatoire. Cela n'empêche pas des groupes bénévoles au Québec de s'intéresser à l'adoption et de jouer un rôle, comme ces organismes québécois qui oeuvrent à l'étranger, — comme je l'expliquais tantôt...

M. Grenier: Ces groupes...

M. Lazure:... un rôle d'aide et de support vis-à-vis des parents adoptifs.

M. Grenier: Mais ici, pour le Québec, ces organismes bénévoles, qui pourront oeuvrer au même niveau que les cinq que vous avez mentionnés qui oeuvrent au niveau des pays étrangers, devront toujours être filtrés par les CSS, en fait.

M. Lazure: Écoutez! Que ce soit bien clair, parce que c'est une expression un peu vague que vous utilisez que celle "devront être filtrés". La seule chose qui doit être filtrée par le Centre des services sociaux, si vous voulez, c'est l'évaluation des parents qui veulent adopter un enfant. C'est pour s'assurer que les parents ont les aptitudes voulues pour adopter un enfant et qu'il y a une compatibilité psycho-sociale entre les parents qui veulent adopter l'enfant et l'enfant qui est à adopter. En-dehors de cela, je répète qu'il peut exister des groupes de bénévoles au Québec qui vont s'intéresser aux parents adoptifs, comme on retrouve des organismes bénévoles qui s'intéressent à un type d'activité dans le domaine de la santé ou dans le domaine social. Ce serait fort utile s'il y en avait. Autrement dit, ce n'est pas parce que l'évaluation professionnelle est laissée au Centre de services sociaux que le Centre des services sociaux assume toute la responsabilité vis-à-vis des parents adoptifs; ce n'est pas le cas. Il reste de la place pour des organismes bénévoles. (11 heures)

M. Grenier: L'évêque de Hull, qui a adopté un enfant qui était étranger — si je ne me trompe pas — est passé par un des cinq organismes bénévoles, j'imagine. Ce n'est quand même pas une transaction personnelle qui s'est faite dans ce cas.

M. Lazure: Je ne sais pas et je répète encore une fois: Actuellement, il n'y a rien qui encadre l'action des organismes à l'étranger. C'est pour cela qu'on présente le projet de loi. On ne peut vraiment pas vous dire si cet adolescent est venu par l'intermédiaire d'un de ces cinq organismes; on n'a pas de contrôle, on n'a pas d'information là-dessus. Mais, une fois notre projet de loi adopté et mis en place, on aura un contrôle parce qu'on va passer des ententes formelles avec chacun de ces groupes.

M. Grenier: Au niveau du Québec, toute adoption d'enfants devra être mesurée — je n'utiliserai pas le mot filtrée, il paraît fort — par le CSS de toute façon.

M. Lazure: Sauf que...

M. Grenier: Que ce soit mon neveu, par exemple, à l'occasion du décès de...

M. Lazure: Non, justement cela fait partie des exceptions à l'article 2, votre neveu. Si vous voulez adopter votre neveu, vous n'avez pas besoin d'aller au CSS; vous n'avez qu'à envoyer un avis au ministre des Affaires sociales, Vous ne demandez pas la permission; vous envoyez un avis au ministre des Affaires sociales et, même sans attendre de réponse, vous vous rendez ensuite au tribunal et celui-ci vous accorde le certificat d'adoption, jusqu'au troisième degré.

Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y a d'autres questions sur l'article 1 ?

M. Grenier: Peut-être une dernière question. Ces cinq organismes bénévoles reconnus pour

l'adoption principalement en pays étranger, est-ce que ce nombre peut être augmenté quand on aura fait la...

M. Lazure: La réponse est oui; ce n'est pas limitatif.

M. Martel: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richelieu.

M. Martel: Comme cela, l'adoption internationale qui, jusqu'à maintenant, a joué un rôle pour l'adoption des enfants au Québec sans même passer par les CSS, dorénavant, elle va être obligée de passer par les CSS. Souvent, on porte à notre attention le cas, par exemple, que l'évaluation des familles d'accueil par les CSS doit être faite à nouveau lorsqu'elles passent par l'adoption internationale. Je pense que c'est une lacune.

M. Lazure: Déjà, dans l'état actuel des choses, il y a toujours une évaluation par le centre de services sociaux de parents québécois qui veulent adopter un enfant étranger. Il y en a toujours une. Cependant, une fois l'évaluation faite, ce pouvait être n'importe qui qui se dirigeait vers un pays étranger pour aller chercher un enfant. La différence qui sera apportée avec cette loi-ci, c'est, encore une fois, qu'un organisme seulement sera accrédité et reconnu par le ministère — soit les cinq, pour le moment — qui pourra aller à l'étranger. J'ajouterai aussi un autre critère que je n'ai pas mentionné en rapport avec les organismes bénévoles; on va spécifier dans l'entente qu'il faudra que les enfants viennent de pays qui n'obligent pas les parents adoptifs du Québec à se rendre dans le pays, qui n'en font pas une condition sine qua non. Cela existe actuellement; il y a des pays qui exigent que les parents adoptifs se rendent là-bas, sur place. Cela peut être très onéreux toutes ces dépenses de voyages qui sont impliquées. On éliminera — c'est une façon de parler — les pays qui ont cette exigence qui nous paraît être une discrimination contre des parents qui n'ont pas d'argent mais qui veulent quand même adopter un enfant venant d'un pays étranger.

Le Président (M. Laplante): Mme le député de L'Acadie.

Mme La voie-Roux: Je dois conclure des échanges que nous avons eus qu'il n'existe pas présentement d'entente entre le ministère de l'Immigration et le ministère des Affaires sociales.

M. Lazure: C'est exact.

Mme Lavoie-Roux: Deuxièmement, en ce qui touche l'entente, si vous voulez, entre les organismes privés et le ministère des Affaires sociales, il n'en existe pas non plus.

M. Lazure: Non plus.

Mme Lavoie-Roux: Sur ce point particulier, vous avez énuméré des critères; est-ce que vous allez avoir pour l'accréditation certaines exigences par exemple, quant au personnel de ces agences, quant aux coûts qui sont présentement impliqués?

On sait fort bien, et là je ne lance pas de chiffres en l'air, qu'une adoption sur le plan international peut coûter aux parents, ici, de $3000 à $4000, peut-être moins et peut-être davantage. Je n'ai pas d'objection à ce que cela coûte des sous, pour autant que cela serve aux principaux intéressés, mais quand cela sert aux intermédiaires, j'aime beaucoup moins cela. Est-ce que du point de vue des coûts, il peut y avoir aussi certaines exigences dans votre protocole?

M. Lazure: Oui. Un exemple, je viens juste de le dire, c'est qu'il y a des particuliers...

Mme Lavoie-Roux: Cela, c'est d'accord.

M. Lazure: ... pour lesquels cela pouvait coûter de $3000 à $4000. Il y a d'autres exigences quant aux coûts. Cela fera partie du texte des ententes. Le seul coût, c'est le coût réel des dépenses de voyage effectuées par les représentants de l'agence bénévole en question. En d'autres termes, ils n'auront pas le droit d'exiger des honoraires. Cela va être interdit. Pour ce qui est du personnel, c'est du personnel bénévole, par définition, dans lequel on peut retrouver des professionnels des sciences humaines, mais c'est du personnel bénévole.

Mme Lavoie-Roux: Existe-t-il présentement entre le ministère des Affaires sociales... ce serait peut-être davantage entre le ministère de l'Immigration et d'autres pays des ententes touchant l'adoption?

M. Lazure: Entre notre ministère de l'Immigration au Québec et d'autres pays?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Lazure: Non.

Mme Lavoie-Roux: II n'en existe pas.

M. Lazure: II n'en existe pas.

Mme Lavoie-Roux: Maintenant, est-ce que vous allez avoir comme exigence que soit d'abord conclue une entente entre le Québec et les autres pays avant que vous ne procédiez à l'adoption internationale?

M. Lazure: Non, on n'a pas l'intention d'avoir cette exigence. Comme je le disais tantôt, d'ailleurs, on ne donne pas un rôle exclusif à notre ministère de l'Immigration du Québec. On va continuer d'avoir recours aux services du ministè-

re de l'Immigration du Canada, surtout dans certaines régions, mais là où les deux existent, évidemment, on va utiliser surtout le ministère de l'Immigration du Québec. La réponse clairement à votre question, c'est non, on n'en fera pas une exigence.

Mme Lavoie-Roux: Je me demande si le gouvernement, et là cela peut être le fédéral, cela peut être le provincial, ce n'est pas là-dessus que je veux faire porter le débat; s'il y a un débat à faire là-dessus, on pourra le faire en d'autres occasions... Mais est-ce que cela ne vous semblerait pas normal, si on veut poursuivre cet objectif premier que l'adoption internationale se fasse dans les meilleures conditions possibles, qu'il y ait, du côté du pays d'origine, une entente signée avec le pays qui reçoit?

M. Lazure: Écoutez, je comprends le sens de votre question. Si le sens de votre question, c'est de demander si on peut sortir un enfant pour adoption d'un pays en dépit de la volonté du gouvernement, la réponse c'est non. En d'autres termes, on n'a pas du tout l'intention d'aller à l'encontre de la volonté politique d'un gouvernement d'un pays quelconque.

Mme Lavoie-Roux: Mais qu'est-ce qui va me prouver que vous n'agirez pas, que nous n'agirons pas comme cela?

M. Lazure: D'accord. Une des garanties, dans les pays où on aura des ententes avec un organisme — on a un organisme avec un pays qui va se spécialiser pour ainsi dire dans l'adoption d'enfants venant du Bangladesh, par exemple — c'est de s'assurer dans l'entente que l'organisme bénévole a l'accord du ministère des Affaires sociales du pays en question. On va s'assurer de cela.

Mme Lavoie-Roux: Alors, pourquoi ne faites-vous pas des ententes interministérielles?

M. Lazure: On pourrait possiblement, mais c'est beaucoup plus compliqué quand on arrive avec des protocoles d'entente. Cela n'est pas exclu dans notre texte de loi. Il est possible d'avoir des ententes intergouvernementales et interministérielles. Si vous remarquez le libellé, c'est possible. Mais c'est toujours plus compliqué, plus lourd; pas toujours, mais souvent plus compliqué que de passer par un organisme bénévole.

Mme Lavoie-Roux: Voyez-vous, il y a des pays du Tiers-Monde dont, j'imagine, les politiques d'adoption ne sont peut-être pas très développées, pas nécessairement parce qu'ils sont pauvres, mais parce que peut-être le problème de l'adoption ne se posait pas ou, enfin, il y avait une mentalité différente qui fait que cela n'a jamais été une priorité pour ces pays. D'ailleurs, il y a certains pays qui ont réagi fortement. Vous avez l'exemple du Liban où, à la suite de la guerre du

Liban, du désastre national du Liban, ils ont eu une demande pour 800 adoptions de la part de la Suisse et de la France. Le Liban, qui, quand même, a des ressources à plusieurs points de vue, a réagi très fortement et cela a été un tollé dans la population. Je pense que, si on veut vraiment améliorer toutes les conditions, on ne doit pas — je ne pense pas que les gens le fassent intentionnellement — profiter, par exemple, de conditions difficiles dans un pays pour agir à côté du gouvernement. L'objectif de votre loi, c'est de régulariser des choses vis-à-vis de l'adoption internationale. Je pense que cela doit se faire avec une autre partie et pas uniquement de notre côté. Ce serait une façon d'assurer ces garanties que je vous demande pour le pays d'origine, les parents et les enfants des pays d'origine.

M. Lazure: Je suis d'accord sur l'intention exprimée par le député de L'Acadie et l'objectif qu'elle poursuit dans ses remarques. Je le partage, cet objectif. Encore une fois, je le répète, l'entente avec le gouvernement en question, elle est souhaitable et on va essayer de l'avoir le plus souvent possible. J'ai confiance qu'on va l'avoir dans la plupart des cas, mais il reste qu'il y a certains pays qui, pour des raisons de politique intérieure, disent à des organismes comme les cinq que je vous ai énumérés tantôt: Nous, nous sommes d'accord pour qu'il y ait un certain nombre d'enfants de notre pays qui s'en aillent chez vous pour adoption, nous sommes d'accord. Parce que, de toute façon, il n'y aucun enfant qui peut sortir sans l'accord du gouvernement. Ils disent: On est d'accord, mais, si vous voulez, on ne le fera pas de façon officielle, de gouvernement à gouvernement. On vous demande de passer par la contrepartie de ce que vous êtes dans votre pays, c'est-à-dire un organisme bénévole qui est accrédité par le gouvernement. Ce sont des raisons politiques internes qui les regardent, mais je vous répète qu'on va essayer, autant que possible, de s'entendre avec eux. Jusqu'ici, il n'y a rien eu de fait dans ce sens; on commence à zéro et c'est pour cela qu'on travaille si étroitement avec notre ministère de l'Immigration. Cela va déboucher sur le ministère des Affaires intergouvernementales pour qu'à un moment donné il y ait des ententes, comme on en a dans d'autres domaines, entre le Québec et ces pays.

M. Grenier: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: ... le député de Gaspé livrait dans un texte, au début du travail de cette commission, lui qui s'intéresse fortement à la question de l'adoption étant donné que sa paternité doit être limitée de par ses fonctions...

M. Lazure: Cela? Ah, oui!

M. Grenier: En tout cas, officiellement.

M. Lazure: II n'y a pas d'incompatibilité fondamentale.

M. Grenier: ... qu'il serait important de mentionner aussi que, "dans le milieu de l'adoption, l'on est inquiet face à l'adoption privée. Certains vont même jusqu'à dire que l'esprit centralisateur du projet de loi va peu à peu écarter l'adoption privée. Il serait dommage que l'on en vienne à empêcher certains officiers d'état civil qui ont acquis une bonne réputation et une bonne expérience dans ce domaine..." Inutile de vous dire qu'on connaît ici — l'association provinciale des centres de la santé et des services sociaux nous le disait aussi — bon nombre de prêtres, entre autres, qui, suivant notre tradition québécoise, faisaient un travail fort important dans l'adoption depuis nombre d'années et qui verraient leur rôle passablement diminué, s'il n'est pas complètement disparu, par l'adoption de cette loi.

J'aimerais être assuré par le ministre que ce travail pourra continuer, parce que ces mêmes personnes nous disaient que, dans ce secteur, un bon nombre de prêtres avaient pas mal plus de compétence qu'elles-mêmes fraîchement arrivées dans leur milieu, depuis trois ou quatre ans. J'aimerais savoir du ministre si ces gens qui oeuvrent dans ce milieu avec pas mal de qualifications pourront continuer d'oeuvrer et à quel niveau. (11 h 15)

M. Lazure: M. le Président, cela touche l'article 2, mais je suis bien prêt quand même à réagir. Actuellement, il y a des prêtres ou des médecins qui, connaissant une femme qui vient d'avoir un enfant, sachant que la femme ne veut pas garder son enfant, et connaissant un couple qui n'a pas d'enfant et qui cherche un enfant pour adoption, connaissant tout cela, le prêtre ou le médecin, peu importe, agit comme intermédiaire et procède, à toutes fins utiles, à une adoption privée. C'est la situation actuelle.

On veut mettre un terme à cela pour différentes raisons. D'abord, actuellement, comme vous le savez, il y a déjà des listes d'attente, dans la plupart des régions du Québec, de parents qui veulent faire de l'adoption dans les CSS. Si on continue de tolérer qu'il y ait des adoptions privées comme cela, cela devient injuste vis-à-vis des parents qui, eux, passent par les canaux officiels. Eux vont continuer d'attendre, tandis que dans cette espèce de marché noir, qui n'est pas toujours malhonnête, loin de là, qui peut être honnête, il en résulte, pour ceux qui ne vont pas dans ce marché parallèle, qu'ils sont pénalisés.

Deuxièmement, il y a aussi ce que j'ai dit à l'Assemblée nationale au cours du débat en deuxième lecture, malgré toute la bonne volonté d'un médecin ou d'un prêtre, on pense que ce n'est pas leur métier. L'adoption d'un enfant est quelque chose de sérieux, autant pour l'enfant qui est adopté que pour les nouveaux parents. On pense que les parents adoptifs doivent avoir une évaluation psychologique et sociale faite par des professionnels de cette activité. Ensuite, on pense aussi que plus tard, pour l'enfant lui-même qui est adopté, il est important que quelqu'un ait la garde du dossier de cet enfant.

Un des problèmes causés par ces adoptions dans un marché parallèle est que l'enfant devient un jeune adulte, 15 ans ou 20 ans plus tard, et veut, comme on le constate de plus en plus, avoir des renseignements sur son origine. C'est quelque chose de légitime. Il ne veut pas nécessairement rencontrer — quoique cela se fasse dans certains cas — sa vraie mère ou son vrai père, mais il veut avoir des renseignements. Dans ce genre d'adoption privée, à laquelle on veut mettre fin, il n'y a pas de dossier du tout, tout se fait à la bonne franquette et il n'y a aucun renseignement.

On veut éviter aussi qu'il y ait des pressions indues sur la nouvelle mère. Bien souvent, M. le curé ou M. le docteur reçoit des pressions d'un couple qui n'a pas d'enfant et qui veut adopter un bébé. Il reçoit de grosses pressions. La nature humaine étant ce qu'elle est, il peut être porté à appliquer la même pression auprès d'une mère célibataire qui vient d'avoir un bébé, il peut appliquer une grosse pression, une pression indue, même, pour obtenir le consentement de la mère pour l'adoption de son bébé. Tout cela nous fait croire qu'il est sage de rendre officiel cet acte d'adoption et d'exiger qu'il y ait une évaluation par des professionnels sauf, encore une fois, dans le cas d'enfants qui ont un lien de parenté jusqu'au troisième degré ou dans le cas d'enfants dont le parent adoptif est le conjoint ou la conjointe d'un parent naturel, si je peux dire, de l'enfant. En d'autres termes, il s'agit de nouveaux couples qui se forment parfois où le nouveau mari veut adopter légalement l'enfant de sa deuxième femme, de sa nouvelle femme.

M. Grenier: Divorcé le jour.

M. Lazure: Si vous voulez, mais cela peut être autre chose aussi. Cela peut être des veufs ou des veuves.

M. Grenier: Le ministre fait un bel exposé mais ne me convainc pas que ces personnes qui oeuvrent dans le secteur privé depuis tant d'années ne devraient pas jouer un rôle important dans ce qui leur reste maintenant. C'est bien sûr que c'est de la centralisation dans un secteur bien précis du gouvernement. Avec tout ce que le ministre donne dans le moment comme réponses aux questions qu'on pose, il demeure sûr et certain que les gens qui ont oeuvré dans ce milieu ont fait un bon boulot pendant nombre d'années. Maintenant, ces gens seront remplacés par des gens qui sont ou des bénévoles ou des fonctionnaires du gouvernement; je ne suis pas convaincu pour cela que le travail va être mieux fait.

Cette argumentation que le ministre donnait, ces pressions qui peuvent être faites chez M. le docteur ou M. le curé, j'ai l'impression qu'elles peuvent être également faites chez M. le fonctionnaire aussi, et il va résister pas mal moins longtemps que M. le curé ou M. le docteur. Je trouve

étrange que, dans une loi, on ne permette pas plus de largesses et qu'on ne fasse pas plus état de notre passé et de notre histoire à nous. C'est un secteur qui a pourtant assez bien fonctionné, avec certains faits parfois qu'on peut reprocher aux gens de ce milieu mais des faits assez anodins comparés à cette centralisation de pouvoirs qu'on donnera maintenant à des organismes gouvernementaux.

Avant de terminer...

M. Lazure: M. le Président, là-dessus, juste une remarque.

M. Grenier: Oui.

M. Lazure: Le député de Mégantic-Compton dit: Je trouve dommage qu'on mette fin à ce qui se faisait. L'adoption privée dont il parle, ce n'est pas le fait de la majorité des enfants qui sont adoptés. On n'a pas de chiffre exact, par définition, étant donné que c'est un marché noir. On n'a pas de données. En tout cas, tous ceux qui sont dans le milieu ont l'impression que c'est une minorité des enfants qui sont adoptés par ce biais. Je ne voudrais pas laisser l'impression aux gens qui lisent le journal des Débats qu'on change radicalement la situation actuelle. Actuellement, la grande majorité des enfants qui sont adoptés le sont par les voies qui sont tracées dans ce projet de loi. Deuxièmement...

M. Grenier: Le même ministre hier, dans une autre salle, sur un autre sujet, disait que les 25% des femmes au travail qui recevaient $240 au moment de l'accouchement, c'était quand même un nombre important de notre population. Aujourd'hui, une minorité dans le domaine de l'adoption, c'est moins important. Hier, à une autre commission, c'était extrêmement important le quart des...

M. Lazure: Je ne vois pas du tout le rapport, M. le Président.

M. Grenier: II est clair, il se voit bien, il me semble.

M. Lazure: La deuxième remarque que je voulais faire, c'est qu'il ne s'agit pas d'une centralisation gouvernementale, comme vous le dites. Il s'agit de confier ceci à un organisme compétent, les centres de services sociaux,; il y en a quatorze dans toutes les régions du Québec et ces quatorze ont des points de services décentralisés. Au point de vue géographique, avec tous les points de services de chacun des quatorze CSS, on est très près de chaque sous-région du Québec. Donc, il n'y a pas de centralisation.

Finalement, cette évaluation psychosociale qu'on demande pour les parents adoptifs, c'est semblable, si vous voulez, à l'exigence d'une évaluation médicale, d'un certificat médical qu'on demande dans un tas de lois ou de règlements.

M. Grenier: J'ai manqué au début tout à l'heure des questions qui ont été posées. Une question vous a été posée, à savoir s'ils étaient satisfaits de ce projet de loi ou de cet article, et je me demande si c'est le ministère de l'Immigration qui est pleinement satisfait ou si c'est le CSS. Vous avez répondu à cela?

M. Lazure: Les deux, les deux, M. le Président. Le projet de loi a été soumis pour consultation à l'Association des centres de services sociaux et celle-ci nous a donné son plein accord sur le texte du projet de loi; deuxièmement, le ministère de l'Immigration, depuis des mois, travaille avec notre ministère à la préparation de ce projet de loi et aussi à la préparation des ententes qu'on passera avec les organismes bénévoles.

M. Grenier: Je n'ai pas suivi le début...

M. Lazure: Les cinq groupes bénévoles qui sont d'accord avec ce projet de loi.

M. Grenier:... des discussions sur le projet de loi, je n'étais pas ici mais on a quand même comme information que le contentieux du CSS avait pas mal de choses à redire sur le projet de loi s'il n'y avait pas de modifications majeures d'apportées.

M. Lazure: M. le Président, pour dissiper tout malentendu, l'Association des CSS — et cela, je l'ai dit publiquement — comme le ministère des Affaires sociales aurait préféré procéder à des changements majeurs de la loi actuelle sur l'adoption, mais j'ai déjà expliqué qu'étant donné que le gouvernement avait décidé d'implanter le plus rapidement possible les réformes qui sont proposées par le comité de révision du Code civil, qui a travaillé pendant dix ans; étant donné qu'on veut procéder à l'implantation des réformes et que le ministre de la Justice nous a assurés que le chapitre de la famille serait le premier révisé dans le Code civil, et que l'adoption entre dans le chapitre de la famille; étant donné tout cela, nous avons accepté de procéder seulement à ces réformes qui étaient les plus urgentes. Les autres réformes majeures seront présentées par le ministère de la Justice dans un an environ, au moment de la révision du Code civil. En d'autres termes, les centres de services sociaux sont pleinement d'accord avec ce projet de loi, mais...

Mme Lavoie-Roux: En même temps que les élections, M. le ministre?

M. Lazure:... ils auraient préféré que le projet de loi touche l'ensemble de la révision de la Loi de l'adoption.

Mme Lavoie-Roux: Ce sera en même temps que les élections.

M. Forget: Ou le référendum.

Mme Lavoie-Roux: En novembre 1980, cela fera quatre ans.

M. Grenier: M. le Président, on devait terminer l'étude de l'article 1. Je ne sais pas si je suis le dernier intervenant ou s'il y en a d'autres. J'aurais...

Une voix: Vous, vous n'avez pas...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, j'ai écouté attentivement l'échange entre le ministre et ma collègue de L'Acadie relativement à l'article 1, au dernier paragraphe de l'article 1 en particulier.

M. Grenier: Vous n'avez pas entendu mon intervention? Vous avez seulement entendu le député de L'Acadie.

M. Forget: Oui, mais j'ai eu l'impression que vous parliez surtout de l'article 2.

M. Grenier: Aussi.

M. Forget: Pour ce qui est de l'article 1 — j'en viendrai tantôt à l'article 2 et je ferai des commentaires sur ce que le député de Mégantic-Compton a dit sur l'article 2 aussi; je ne veux pas du tout l'ignorer, M. le Président — pour essayer de procéder dans l'ordre, je pense que si on essaie de tirer une conclusion de cet échange sur la question des adoptions internationales, on peut prendre note des bonnes intentions du ministre, et on le félicite de ses bonnes intentions.

D'un autre côté, il faut bien se rendre compte aussi que la plupart des idées qu'il a exprimées relativement à cette question se retrouvent dans le livre blanc de 1976, mais deux ans et demi se sont écoulés depuis. On nous a dit...

Mme Lavoie-Roux: Presque trois.

M. Forget: Presque trois. On nous a dit que des discussions intensives se sont déroulées depuis ce temps entre le ministère de l'Immigration et le ministère des Affaires sociales. Le ministère des Affaires sociales lui-même a eu deux ans et demi, dans le fond, pour se préparer à l'application du projet de loi. Ce que nous ne pouvons pas comprendre — c'est la raison qui va nous amener à rejeter l'adoption de l'article 1 vis-à-vis des adoptions internationales — c'est que le ministre ne soit pas en état de déposer, au moment de l'étude du projet de loi, le protocole d'entente entre le ministère de l'Immigration et le ministère des Affaires sociales, les directives du ministère de l'Immigration du Québec à ses agents à l'étranger ainsi que le contrat-type qui devra intervenir entre les agences bénévoles dans le domaine de l'adoption internationale et le ministère des Affaires sociales. Il me semble que ce sont trois documents qui devraient être prêts et qui devraient être rendus publics, de manière que nous puissions nous rendre compte, justement, si les bonnes intentions sont accompagnées de gestes concrets parce que, bien sûr, dès sa promulgation, ce projet de loi entrera en vigueur. À ce moment-là, il faudra disposer de ces textes. Il faudra les appliquer. On a eu le temps de le faire.

Comme on ne semble pas disposé à être spécifique, étant donné les doutes et les inquiétudes qui ont été abondamment expliqués par le député de L'Acadie, je pense qu'on doit réserver notre jugement. En termes pratiques, vis-à-vis d'un article de loi qui consacre pour la première fois une procédure de contrôle de l'adoption internationale, étant donné que c'est insuffisant comme explication, on doit exprimer notre désaccord et nous prononcer contre l'adoption de ce projet de loi.

Je ne reviendrai pas sur l'argumentation abondamment faite sur le deuxième alinéa de cet article. Alors que d'un côté, l'adoption internationale, il ne semble pas qu'on nous donne des garanties suffisantes que ce sera fait de façon impeccable, du côté des adoptions domestiques, l'intervention du ministre dans le contingentement et l'approbation des adoptions ne nous convainc pas. On introduit là une espèce de barrière administrative non nécessaire qui s'ajoute aux autres délais, aux autres procédures qu'implique l'adoption. Le ministre a été loin de nous expliquer de façon satisfaisante qu'une telle complication était nécessaire. Nous n'aimons pas l'article 1 et nous allons voter contre. (11 h 30)

Pour ce qui est de l'article 2, parce que, si je comprends bien, on fait tout cela presque en même temps...

Le Président (M. Laplante): Si vous voulez, on peut voter l'article 1.

M. Lazure: On pourrait peut-être se prononcer sur l'article 1, si vous voulez.

Le Président (M. Laplante): L'article 1 ?

M. Lazure: Juste une dernière remarque, M. le Président, en réaction au dernier commentaire du député de Saint-Laurent. Quand il parle de contingentement, je pense que c'est induire la commission en erreur. On parle de coordination. L'objectif, l'esprit de cette clause-là, encore une fois, c'est de la coordination et non pas du contingentement. Ma deuxième remarque et dernière: Le député de Saint-Laurent vient de nous dire qu'il va voter contre l'article 1 sous prétexte que les textes des ententes avec les organismes bénévoles et le ministère de l'Immigration du Québec ne sont pas déposés.

M. Forget: Les contrats types.

M. Lazure: Les contrats types. Mais je trouve que c'est très court comme argumentation. C'est un peu comme s'il disait: On va voter contre tel article d'un projet de loi parce que les règlements ne sont pas déposés. Il est loin d'être courant qu'on dépose soit un contrat type ou un règlement

type au même moment où on dépose le projet de loi. On vous a expliqué de long en large l'esprit et même les principaux critères des contrats types qu'on aurait avec les organismes bénévoles. Je l'ai fait tantôt assez longuement. Je pense qu'il suffit d'avoir cette orientation et le texte viendra en temps et lieu, le plus rapidement possible.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que c'est sur l'article 1, M. le député?

M. Grenier: Oui, pour terminer. M. le Président, j'ai toujours devant moi ce texte et je pense qu'il résume bien ma pensée. Je voudrais vous le livrer une seconde fois avec peut-être plus d'attention en retirant les lignes qui ne sont pas utiles. J'aimerais vous en faire part avant de proposer un amendement. Le député de Gaspé disait: "Le contentieux de cet organisme gouvernemental — en parlant du CSS — nous a affirmé qu'il ne savait pas ce que venait faire une telle loi sur l'adoption". Je parle du contentieux et non pas du CSS lui-même. "Il appuie ses dires en soutenant que la pierre angulaire d'une telle loi de l'adoption devrait être la déclaration judiciaire d'abandon. L'Association des CSS a recommandé d'ailleurs — et nous l'avons vu lors de l'audition des mémoires sur le projet de révision du Code civil devant la commission de la justice — que la structuration du système juridique concernant l'adoption ne doit pas être fondue dans le Code civil. En n'intégrant pas la déclaration judiciaire d'abandon dans le projet de loi 13, le ministre signale que celle-ci n'apparaîtra que dans le futur Code civil. Permettez-moi de signaler au ministre trois points qui découlent de notre attitude dans ce dossier." Je les énumère ici avant de vous faire part de mon amendement. "Il contrevient aux recommandations de son propre organe d'adoption" c'est-à-dire les CSS. "Il enlève à plus de 8000 enfants la possibilité d'être adoptés. Ceux-ci devront attendre la refonte du Code civil" qui n'est pas près de venir. "Il embrigade la pièce capitale dans le processus d'adoption à l'intérieur d'une loi trop stable", soit le Code civil.

Je termine avec ce paragraphe qui résume: "Actuellement, la déclaration d'abandon est un acte purement administratif exécuté par les fonctionnaires des différents centres de services sociaux. Donc, quand un fonctionnaire juge que l'enfant a trop traîné d'un endroit à l'autre, il le déclare sujet à l'adoption. En Ontario, le tribunal ne laisse pas les enfants languir dans ces situations provoquées, hélas, par des parents irresponsables. Dans cette même province, on incite les parents à se brancher, à reprendre leur enfant ou à l'abandonner définitivement pour adoption. Selon les autorités consultées, il serait impératif que le pouvoir judiciaire vienne trancher la situation d'abandon des enfants afin de permettre à ceux-ci de trouver un foyer normal."

J'ai ici un amendement qui se lirait comme suit: "À la suite du troisième alinéa de l'article 1, ajouter les alinéas suivants: Nonobstant les alinéas précédents, dans les cas prévus aux articles 6b, 7d et 7f, une société d'adoption peut, par requête présentée au tribunal, adresser une demande aux fins de faire déclarer l'enfant abandonné. La décision rendue par le tribunal ne fait pas obstacle à la présentation d'une requête conformément aux dispositions de l'article 17 de la présente loi au cours de la période où l'enfant est placé en vue de l'adoption."

M. Lazure: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Sur la recevabilité, M. le ministre.

M. Lazure: Non, cela va.

Le Président (M. Laplante): Si vous voulez parler un peu sur la recevabilité parce que je me pose des questions...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on peut avoir une copie de l'amendement?

Le Président (M. Laplante): ... à savoir si c'est au bon endroit que cet amendement doit être apporté, par rapport aux autres articles à venir.

M. Lazure: Je n'ai pas d'objection à recevoir l'amendement. Sur le fond, sur ce texte, on est d'accord. J'ai expliqué à plusieurs reprises et je l'ai fait encore aujourd'hui, que nous avions décidé, comme gouvernement, de remettre à la révision du Code civil qui est en train de se faire — il y a eu commission parlementaire il y a quelques mois sur le chapitre de la famille — le soin de procéder aux amendements majeurs. Ce que le député de Mégantic-Compton propose ici, c'est un amendement majeur. Je vais voter contre l'amendement parce que c'est une décision qui est...

Le Président (M. Laplante): Ce n'est pas une question de voter contre.

M. Lazure: J'ajoute tout simplement...

Le Président (M. Laplante): Vous connaissez très bien votre projet de loi. Sur la recevabilité, mon idée est faite déjà là-dessus, mais je voudrais savoir si c'est au bon endroit qu'il faut placer cet amendement, dans votre projet de loi, c'est cela que je veux savoir.

M. Lazure: Je vous laisse la parole, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Je voulais parler de la recevabilité.

Est-ce qu'il y en a d'autres qui veulent se prononcer là-dessus?

M. Grenier: Je considère que c'est vraiment la place qui nous a été soumise par notre conseiller juridique, vraiment la place, à l'article 1.

Le Président (M. Laplante): D'accord. Je le juge recevable.

M. Grenier: D'accord.

M. Lazure: S'il est recevable et reçu, M. le Président, j'ajouterais simplement que dans la loi actuelle de la protection de la jeunesse, la loi 24, il y a l'article 72 qui permet à la Cour supérieure de prononcer ce qu'on appelle ici dans le texte la déchéance de l'autorité parentale à l'égard du père et de la mère, et qui a pour effet, en particulier, de rendre disponible pour adoption un enfant donné. Ce n'est pas exactement l'efficacité, si vous voulez, cela ne représente pas la totalité des effets qu'aurait l'amendement que vous proposez. Au fond, l'amendement que vous proposez déclarerait un enfant adoptable sans nécessairement prononcer la déchéance totale des parents. Je veux simplement faire remarquer qu'il n'est pas juste de dire que 8000 enfants attendent l'adoption et en sont privés parce qu'on n'inclut pas cette révision majeure dans notre projet de loi. La loi 24, avec son article 72, permet de rendre adoptable un bon nombre de ces 8000 enfants en déclarant la déchéance de parents, par hypothèse de parents qui ont vraiment abandonné l'enfant depuis cinq ou dix ans. Ce recours à l'article 72 de la loi 24 ne fait que commencer; la loi est en application depuis peu et nous encourageons les centres de services sociaux, par la direction de la protection de la jeunesse, à utiliser cet article 72.

Le Président (M. Laplante): D'autres arguments? M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je voudrais interroger le ministre relativement à la dernière remarque qu'il vient de faire. Est-ce que, dans la réorganisation administrative des centres de services sociaux, les services d'adoption ont été placés sous la juridiction des directeurs de la protection de la jeunesse? Cela devrait être le cas.

M. Lazure: On me dit que dans certains centres de services sociaux, oui, cela a été fait; dans d'autres, non.

M. Forget: Dans les cas où cela a été fait, je pense que c'est une décision heureuse que d'intégrer tous les services à l'enfant, dans le fond, sous une même responsabilité. Dans ces cas, l'article 72, on s'en prévaudra probablement. Dans les autres CSS, malheureusement, il risque d'intervenir ce qu'on constate dans bien des organisations administratives, chaque organisme va administrer le bout de la loi avec lequel il est familier. On risque de voir un service d'adoption autonome appliquer la Loi de l'adoption sans se préoccuper de la Loi sur la protection de la jeunesse. Et la Loi sur la protection de la jeunesse étant appliquée en vase clos, en quelque sorte, je demanderais au ministre ou au sous-ministre qui l'accompagne et qui est responsable de cette question de bien s'assurer que dans les cas où il n'y a pas intégration administrative, on porte à la connaissance des responsables des services l'article 72 de la loi 24. Je pense qu'effectivement il y a là une solution à des im- passes juridiques dans lesquelles se trouvent un très grand nombre d'enfants qui devraient être déclarés disponibles pour adoption. Je crois que, peut-être simplement par une lettre à ces responsables des services d'adoption, on peut les sensibiliser à l'existence d'une autre loi. Il y a beaucoup de compartimentalisation administrative qu'on peut observer dans n'importe quel organisme qui a atteint une certaine taille.

M. Lazure: La suggestion est pertinente et c'est dans ce sens qu'on travaille, on va le faire de façon plus formelle, mais il est clair que le directeur de la protection de la jeunesse a juridiction sur tous les jeunes, y compris les enfants adoptés ou les enfants à être adoptés, mais la suggestion est intéressante. On la retient.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Messieurs, j'ai écouté l'argumentation du ministre. Je sais bien que la déclaration de la déchéance des parents ne va régler qu'une partie des 8000 cas et non pas l'ensemble de ces 8000 cas. Là où mon argumentation vaut et valait pour l'amendement que j'ai présenté, c'est que, dans le mémoire qui a été présenté devant la commission parlementaire en février, on dit à la page 22: La structuration du système juridique concernant l'adoption devrait continuer à être régie par la législation statutaire. On ne parle pas du Code civil ici. Le ministre nous dit tout à l'heure qu'ils sont absolument d'accord; je trouve qu'ils ne sont pas tout à fait d'accord ici, mais absolument en désaccord. Ils voudraient voir apparaître dans la loi cet amendement que je propose ce matin, c'est bien le voeu des CSS. C'est clair. Je pense bien qu'ils l'ont mis sur lettre, à moins qu'il y ait eu des négociations avec le ministre qui ne sont pas à ma connaissance, mais, que je sache, je ne pense pas qu'ils aient changé leurs positions.

M. Lazure: Encore une fois, M. le Président, il y a eu de longues discussions avec les représentants des centres de services sociaux et les représentants ont compris pourquoi on n'avait pas inclus dans notre projet de loi no 13 les amendements majeurs qu'on aurait aimé inclure; ils ont compris pourquoi. Ils auraient préféré comme nous les inclure.

M. Grenier: M. le ministre, si vous le permettez...

M. Lazure: Ceci étant dit, le texte qui est devant nous, ils sont d'accord avec ce texte.

M. Grenier: Ils sont d'accord, mais vous avez peut-être vendu l'idée que le Code civil serait retouché d'ici quelques mois...

M. Lazure: On n'a pas vendu l'idée. On a dit que le ministre de la Justice, qui d'ailleurs a

déjà tenu une commission parlementaire sur le chapitre de la famille du Code civil, s'est engagé à donner priorité à la famille dans la révision du Code civil. Il nous a dit que d'ici environ un an des amendements seront apportés au Code civil qui vont inclure nos amendements majeurs à l'adoption.

M. Grenier: Les CSS ont acheté une chose comme celle-là proposée par le ministre de la Justice.

M. Lazure: C'est cela, ils ont compris les raisons.

M. Grenier: Je me méfie de cela un peu parce que cela nous est arrivé dans d'autres ministères, à un moment donné, que le ministre nous ait annoncé une chose comme celle-là qui était à peu près réglée. Les personnes réticentes nous sont revenues après. On s'en souvient que l'entente n'avait pas été celle qu'on prétendait.

M. Forget: Ils ont compris les raisons. Il n'a pas dit qu'ils les partageaient.

Mme Lavoie-Roux: Ils n'ont pas dit qu'ils les avaient acceptées non plus.

M. Grenier: Je pense, M. le Président, qu'il serait important que le ministre comprenne lui aussi, comme ont compris les CSS, et appuie l'amendement qu'on propose. Je pense bien que les gens des CSS comprendraient davantage une fois que ce serait dans la loi.

Le Président (M. Laplante): Amendement de l'article 1 qui se lirait comme suit: À la suite du troisième alinéa de l'article 1, ajouter les alinéas suivants: "Nonobstant les alinéas précédents, dans les cas prévus aux articles 6b, 7d et 7f une société d'adoption peut, par requête présentée au tribunal, adresser une demande aux fins de faire déclarer l'enfant abandonné. "La décision rendue par le tribunal ne fait pas obstacle à la présentation d'une requête conformément aux dispositions de l'article 17 de la présente loi au cours de la période où l'enfant est placé en vue de l'adoption". L'amendement est-il adopté?

M. Lazure: Non, rejeté.

Le Président (M. Laplante): Amendement rejeté. Vote. M. Forget, Saint-Laurent? Pour l'amendement ou contre?

M. Forget: Contre.

Le Président (M. Laplante): Contre l'amendement. Mme Lavoie-Roux, L'Acadie?

Mme Lavoie-Roux: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Gosselin, Sherbrooke.

M. Gravel, Limoilou.

M. Gravel: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Grenier, Mégantic-Compton.

M. Grenier: Pour.

Le Président (M. Laplante): M. Lavigne, Beauharnois.

M. Lavigne: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Lazure, Chambly.

M. Lazure: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Martel, Richelieu.

M. Martel: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Paquette (Rosemont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire).

Six contre, un pour. Rejeté.

M. Grenier: On n'a plus les clubs fermes qu'on pensait.

M. Lazure: La nouvelle coalition.

Le Président (M. Laplante): Maintenant, l'article 1 semble adopté sur division.

M. Lazure: Elle est frêle, elle est fragile.

Mme Lavoie-Roux: Après avoir vu ce qu'on a vu hier.

Le Président (M. Laplante): Article 1, adopté sur division.

M. Forget: Sur division.

Mme Lavoie-Roux: Un instant, je voulais ajouter deux remarques.

Le Président (M. Laplante): Donnez vos deux remarques sur l'amendement.

Mme Lavoie-Roux: II y a deux remarques. La première, pourquoi le ministre n'a-t-il pas convoqué une commission parlementaire pour faire entendre les principaux intéressés? Il nous rassure: On a bien consulté, tout le monde est d'accord, tout le monde a bien compris. Je n'ai pas besoin de faire l'historique de ce qu'on a vécu en décembre, tout le monde avait été consulté, tout le monde avait bien compris, tout le monde avait accepté et on sait la suite.

Je pense qu'il s'agit quand même de modifications très importantes à la Loi de l'adoption et les principaux organismes qui devront l'appliquer, que ce soient des organismes bénévoles dont on a parlé tout à l'heure, que ce soient les centres de ser-

vices sociaux et même les citoyens, il y a peut-être des parents qui ont adopté des enfants et qui auraient eu des choses à nous dire là-dessus aussi. Je pense que cela aurait été intéressant de les entendre en commission parlementaire. C'est fini, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Mme le député de L'Acadie, ce sont des choses qui auraient dû faire partie du préambule.

Mme Lavoie-Roux: J'ai fini mon court préambule. La deuxième chose, c'est que le ministre tout à l'heure faisait un grand plaidoyer contre l'adoption privée en disant qu'il y avait des médecins, des prêtres qui avaient fait des pressions indues etc. C'était fort intéressant de l'entendre développer cette argumentation que je partage en grande partie, mais je voudrais qu'il ait ces mêmes préoccupations à l'égard des pressions indues qui se font dans les pays d'origine. C'est cela l'objet de toutes les questions que j'ai soulevées au cours de l'article 1 et tout ce qui touche l'article 3, comme nous l'avons dit. Ce problème se pose des deux façons, que ce soit ici ou que ce soit ailleurs. Merci, M. le Président.

M. Lazure: Je suis d'accord que des pressions indues se font ailleurs et, justement, on veut y mettre fin. Je peux assurer le député de L'Acadie que je suis aussi inquiet de ces pressions indues à l'extérieur qu'au Québec.

Pour ce qui est de la commission parlementaire, on a consulté non seulement l'Association des CSS — je le répète — M. Sabourin, le directeur général de l'Association des centres de services sociaux nous a même dit: Vous pouvez utiliser mon nom, je m'engage, au nom des Centres de services sociaux, à appuyer le texte du projet de loi no 13, tout en regrettant, comme je l'ai dit tantôt, qu'il n'inclue pas les autres amendements majeurs.

Quant aux organismes bénévoles, nous les avons rencontrés, j'ai convoqué ces organismes, on a passé quelques heures ensemble et il y a même eu dans les journaux le lendemain ou le surlendemain des entrevues de représentants de ces organismes bénévoles qui sont pleinement d'accord sur le projet de loi no 13. Je ne voyais pas l'utilité d'une commission parlementaire.

Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant l'article 2. Je sais qu'on a déjà commencé à l'étudier.

M. Forget: Est-ce que l'article 1 est adopté?

Le Président (M. Laplante): L'article 1 est adopté sur division. L'article 2 a déjà...

M. Forget: J'avais une remarque, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Oui, vous aviez une remarque encore, M. le député de Saint-Laurent.

Placement par société reconnue ou par personne

M. Forget: M. le Président, déjà je pense bien que deux ou trois de nos collègues sont intervenus là-dessus. Il est bien évident que je partage l'objectif du ministre, dans le fond, d'interdire les adoptions privées dans le sens de l'adoption qui n'implique aucun intermédiaire officiel reconnu par la loi de manière à éviter les abus qui ne sont peut-être pas monnaie courante, mais qui ont été suffisamment nombreux de toute manière dans ce domaine pour alerter le législateur et l'opinion publique.

Ce qu'on remarque cependant dans l'article 2, c'est qu'il crée une distinction radicale entre deux filières, deux façons de procéder dans l'adoption: il y a d'abord la filière générale d'une adoption entre étrangers, c'est-à-dire entre un enfant et des parents adoptifs qui n'ont aucun lien de parenté. Ce ne sont pas des consanguins ni même par alliance, etc. C'est la filière officielle, avec l'intervention du CSS, etc.

L'autre filière est celle de la consanguinité; c'est-à-dire que si la soeur ou le frère d'un des parents naturels désire adopter un enfant lors d'un décès, etc., il y a une procédure qui est évidemment expéditive et simple sans beaucoup d'intermédiaires, pratiquement sans aucun intermédiaire. Cela se comprend, c'est naturel et cela doit demeurer. Si l'oncle ou la tante d'un enfant veut l'adopter à la suite du décès de ses parents, on n'imagine pas qu'il doive être sur une liste d'attente, ce serait complètement ridicule.

Ce qui arrive, dans la filière générale, c'est, dans un certain sens, la dépossession des parents naturels de tout droit de regard sur le processus. C'est peut-être un peu radical. On se met dans la situation d'enfants qui sont abandonnés à la naissance. C'est ordinairement ce à quoi on pense, quand on parle de la filière générale d'adoption, et d'une liste de parents adoptifs qui sont inscrits au CSS; là, il y a un "pairage", en quelque sorte, on met ensemble un enfant et une famille. Ils ne se connaissaient pas avant. La famille naturelle ou la mère, si la mère est seule, est en quelque sorte ignorée. Il y a un consentement à l'adoption, bien sûr, mais il n'y a aucune espèce de droit de regard de la mère ou des parents naturels face à la sélection de la famille adoptive. Il y a un régime complètement distinct. S'il y a une consanguinité, il y a une relation directe; s'il n'y a pas de consanguinité, là, c'est radicalement administratif et professionnel.

Je me demande si c'est absolument approprié si on veut favoriser les consentements à l'adoption dans certains cas. Je pense, en particulier, à une source probable de problèmes considérables: les décisions que prennent un certain nombre de mères célibataires, à la suite de la naissance d'un enfant, de garder l'enfant. Je me souviens, il y a trois ans, dans la préparation du livre blanc, le ministère des Affaires sociales avait tenté d'obtenir des données propres au Québec sur une espèce de "follow up", une espèce de suivi de ce qui arrive à ces enfants deux ans, trois ans, cinq ans,

six ans après la décision d'une mère célibataire de garder son enfant. Quel est le pourcentage des succès et des échecs de ces décisions? Je me souviens également que les Centres de services sociaux, à l'époque, avaient refusé de collaborer dans l'étude de ce problème, ils avaient carrément opposé une fin de non-recevoir à nos demandes pour savoir ce qui se passait. Je ne sais pas si le ministre actuel... Je ne veux pas déranger le ministre.

M. Lazure: Non, j'écoute de mon oreille gauche et très attentivement.

M. Forget: Je ne sais pas si le ministre actuel a eu plus de succès pour obtenir une évaluation de ce phénomène, mais des données étrangères, des données américaines, en particulier, démontrent que le taux d'échecs de ces décisions de ne pas libérer un enfant pour adoption est très élevé. Cela constitue un problème, car un grand nombre de ces enfants se retrouvent subséquemment dans des foyers nourriciers, des familles d'accueil ou même des centres d'accueil. Dans ces cas, bien sûr, il est toujours possible de dire: II y a la déclaration de déchéance en vertu de l'article 72 de la loi 24 ou, éventuellement, en vertu des modifications au Code civil, une déclaration d'abandon. L'abandon n'est pas toujours prouvable, n'est pas toujours réel. Il s'agit parfois d'un semi-abandon. Donc, il y aura toujours nécessité d'obtenir un consentement dans un certain nombre de cas où il n'y a pas un abandon pur et simple, mais que l'intérêt de l'enfant le demande et il faudrait pouvoir persuader le parent que, dans le fond, le genre d'attention qu'il donne à l'enfant est tellement peu soutenu, tellement peu régulier que, tout compte fait, il serait dans l'intérêt de l'enfant que ses parents naturels consentent à l'adoption.

Dans ces cas, si on ne peut pas offrir un certain nombre de garanties aux parents de qui on demande le consentement qu'ils auront un mot à dire dans tout ce processus... Ce sont quand même des sentiments très puissants. Il s'ajoute à cela toutes sortes de sentiments de culpabilité des parents naturels dans ces situations. Si on ne peut pas leur assurer qu'ils auront quand même un certain droit de regard dans ce processus...

Je comprends que l'on peut dire: Bien oui, mais cela, oui, ils en auront, même si la loi ne le dit pas. Bien oui, dans une certaine mesure, on peut tout faire sans une loi de l'adoption, probablement, si tout le monde y consent. C'est comme le règlement de l'Assemblée nationale, si tout le monde consent, on peut faire n'importe quoi. Il reste que le mécanisme actuel est une alternative très brutale: soit la consanguinité et, s'il n'y a pas de possibilité pour des parents naturels de faire adopter dans la famille, ils doivent s'adresser aux centres de services sociaux et, à ce moment-là, ils n'ont plus rien à dire, d'après la loi. Il me semble que c'est une carence; on pourrait concevoir une espèce ce processus où les parents naturels conservent une certaine autonomie d'approuver, une espèce de consentement conditionnel, en quelque sorte, qu'ils consentent à l'adoption, mais sous réserve de pouvoir prendre connaissance dans quel foyer on va placer l'enfant.

Est-ce que ce ne serait pas plus raisonnable, parce qu'on ferme la porte à l'adoption privée? Encore une fois, c'est louable de fermer la porte à l'adoption privée; qu'un avocat, qu'un notaire, qu'un curé ou qu'un omnipraticien serve d'intermédiaire, sans compter les autres, cela a donné lieu à des difficultés. D'un autre côté, c'est aussi un régime qui permettait une implication des parents naturels. Là, on ferme la porte à cela et il faudrait peut-être prévoir qu'ils gardent un certain droit de regard.

M. Lazure: Bon! Quelques réactions, M. le Président. Sur le dernier point, au fond, c'est une espèce d'adoption conditionnelle que le député de Saint-Laurent propose. Ce n'est pas une idée qui est rejetable au plan rationnel, au plan théorique mais, dans la pratique, qui serait extrêmement difficile d'application. Pensons, par exemple, à la jeune fille-mère adolescente — et c'est un phénomène qui est de plus en plus fréquent — de 14 ans, 15 ans. Si on ouvrait la porte à une soi-disant adoption conditionnelle, il me semble qu'à ce moment, c'est demander à cette mère adolescente d'exprimer des conditions qu'elle peut d'emblée rejeter six mois plus tard. C'est lui demander un peu trop, je pense, psychologiquement, par rapport à l'état de crise qu'elle traverse souvent à l'occasion d'un accouchement à cet âge. Dans les meilleures des circonstances, je pense que les centres de services sociaux ont à tenir compte des préférences exprimées par une mère naturelle, qu'il s'agisse par exemple de préférences exprimées quant au type de parents adoptifs que la mère naturelle voudrait voir pour son enfant. Il n'y a rien dans notre projet de loi qui s'oppose à ce que les CSS, et j'imagine qu'ils le font, tiennent compte dans une certaine mesure des désirs, des souhaits de la mère naturelle de l'enfant.

Maintenant, c'est précisément parce que, dans ces circonstances et étant donné aussi que les filles-mères sont de plus en plus jeunes qu'on exige qu'il y ait une évaluation experte qui soit faite par les centres de services sociaux, l'évaluation psycho-sociale à la fois de la mère naturelle qui veut confier son enfant pour adoption aussi bien que pour les parents adoptifs.

Les premières remarques du député portaient sur l'adoption entre parents. Nous pensons que c'est plus facilité par les amendements qu'on apporte à la loi. À l'heure actuelle, même dans l'adoption parentale des oncles, des tantes, en général, les gens doivent passer par le CSS pour l'évaluation. Tandis que notre amendement va permettre, sur simple avis au ministre et ensuite par requête au tribunal, d'obtenir l'adoption. Je comprends les raisons derrière l'argumentation du député de Saint-Laurent mais je pense qu'en toute équité aussi, en toute équité, encore une fois, pour les parents adoptifs qui attendent l'adoption d'un enfant, il serait très difficile ou dangereux de permettre cette espèce d'adoption conditionnelle,

condition qui serait établie par la mère naturelle de l'enfant. (12 heures)

M. Forget: II ne s'agit pas, M. le ministre, d'une adoption conditionnelle. Pas du tout. Il y a une adoption ou il n'y a pas d'adoption. Il est bien clair qu'il ne peut pas y avoir des adoptions tant que...

M. Lazure: J'ai cru comprendre le mot "condition" tantôt dans votre intervention.

M. Forget: Non, non. Le danger, c'est justement d'essayer de suivre deux conversations à la fois, M. le ministre. J'ai parlé de consentement...

M. Lazure: Non. L'atmosphère était relativement dépolluée ce matin, M. le Président. J'espère que le député de Saint-Laurent ne va pas commencer à polluer l'atmosphère.

M. Forget: Non, mais comme on me fait une réponse à une question que je n'ai pas posée, on me permettra de faire cette remarque. J'ai parlé de consentement conditionnel, non pas l'adoption conditionnelle. L'adoption, elle a lieu ou elle n'a pas lieu. Mais justement, la mère naturelle, à qui on propose dans le fond une alternative, est entièrement libre de choisir, de dire: Non, je garde l'enfant. Elle peut toujours le dire. Il y en a plusieurs qui le disent, de plus en plus d'ailleurs, ou alors, elle dit: Je laisse adopter l'enfant; à ce moment-là, la loi ne la protège d'aucune façon. Elle n'a plus un mot à dire. Une fois qu'elle a signé son consentement, elle est sortie du tableau de façon radicale au point de vue de la loi.

Bien sûr, par consentement, toutes sortes de choses peuvent arriver, mais on n'en a aucune garantie, de toute manière. Et certainement, la mère qui est devant ce choix se dit: Je garde mon enfant, je m'en occupe et je sais ce qui lui arrive, ou alors, je le donne à des étrangers qui disent qu'ils vont le faire adopter. Je ne sais pas à qui. Je ne sais pas dans quelles conditions. Je ne sais pas s'il sera heureux ou malheureux, etc. Je n'ai même pas la possibilité, je n'ai même pas le droit, d'après la loi, de prendre connaissance de l'identité, du genre de famille chez qui il va se trouver, etc. Sa réaction sera, dans bien des cas — on sait que c'est cela de plus en plus — Non, je ne le laisse pas à l'adoption.

Sauf que le même enfant, peut-être trois ou quatre ans plus tard, va se retrouver en famille d'accueil et non encore libéré pour adoption parce que, même à trois ou quatre ans, on dira à la mère: Donnez votre consentement à l'adoption. À ce moment-là, quand elle s'en sera occupée pendant deux ou trois ans, peut-être qu'elle l'aura placé en famille d'accueil où elle peut le visiter, etc., elle dira: J'aime quand même mieux m'en occuper de cette façon, même si ce n'est pas l'idéal, que de l'abandonner totalement et perdre tous mes droits, même mes droits de regard sur la famille dans laquelle il sera placé pour adoption. Non pas pour consentir, quand le coeur lui en dit, que l'enfant soit adopté — il sera adopté ou non adopté — mais, au moins, pour conserver quelques droits sur le processus. Ces droits, on les donne aux professionnels du centre des services sociaux et on les enlève complètement aux parents naturels, ou à la mère naturelle si elle est seule. On lui enlève tous ses droits. Dès le moment où elle a signé le consentement, elle est évincée du tableau. Devant une alternative aussi radicale, de garder l'enfant et de s'en occuper vaille que vaille ou alors de perdre tous ses droits, elle peut dire: Non, j'aime autant le garder, en espérant qu'elle va se tirer d'affaire.

L'expérience démontre... Encore là, des études québécoises là-dessus, il ne semble pas en exister, des études récentes sur le sujet, qui nous démontrent quel est le pourcentage d'enfants que les mères naturelles seules, les mères célibataires ont encore avec elles et dont elles s'occupent encore cinq ans après la naissance. Combien y en a-t-il? Est-ce 80%, 25% ou 15%? On n'en a aucune idée. Encore là-dessus, on a demandé aux centres de services sociaux, il y a trois ans: Dites-nous quelle est votre expérience là-dessus. Analysez vos dossiers d'adoption d'il y a dix ans, neuf ans, huit ans et essayez d'avoir un certain suivi. On a dit: Non, non. Jamais, on ne fera cela. Je ne sais pas s'ils l'ont fait depuis. À défaut de le faire, on se trouve devant une inconnue majeure. Encore une fois, l'intérêt de l'enfant commande qu'il soit adopté le plus rapidement possible, je pense, pour son développement émotif, son développement intellectuel et social et tout. C'est bon qu'il soit adopté le plus jeune possible. Encore une fois, la loi actuelle évince la mère naturelle du tableau; dès qu'elle a consenti à l'adoption, ce n'est plus de ses affaires, selon la loi. Je pense que c'est trop radical.

M. Lazure: M. le Président, il ne faut pas oublier qu'il y a quand même une période de probation de six mois au cours de laquelle la mère naturelle peut évidemment retirer son consentement ou changer d'idée. Et cela se fait. Deuxièmement, malgré toute l'argumentation qu'on vient d'entendre, je continue à croire qu'un consentement conditionnel comme le député de Saint-Laurent l'a décrit, c'est quasiment l'équivalent d'une adoption conditionnelle.

M. Forget: Elle n'a même pas le droit de savoir qui va l'adopter, quel genre de famille.

M. Lazure: On a beau jouer sur les mots, mais, dans les faits...

M. Forget: Est-ce une famille où il y a déjà des enfants ou des gens âgés qui l'adopte? C'est quoi? Elle ne le sait pas.

M. Lazure:... cela peut équivaloir à une adoption conditionnelle. Je pense que...

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais...

M. Grenier: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: ... je m'excuse, mais...

Mme Lavoie-Roux: Non, cela n'est pas grave.

M. Grenier:... je suis l'habitude. Après l'Opposition officielle, c'est notre tour.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Grenier: Je m'excuse que ce soit Mme Lavoie-Roux. C'est une excellente collègue avec beaucoup de jugement. Le fait de rester dans mon comté longtemps, au cours d'une année, ne lui nuit pas. Pas trop?

Mme Lavoie-Roux: D'où êtes-vous natif? M. Grenier: Près de chez vous. Mme Lavoie-Roux: Dans mon comté?

Le Président (M. Laplante): Parlez-vous pour les débats?

M. Grenier: M. le Président, je regrette également qu'on retire à la mère son autorité sur son enfant si rapidement, une fois qu'elle a consenti. J'ajoute à cela que je regrette ce que j'avais tout à l'heure à l'article 1 et qui revient. Je regrette aussi sa possibilité de pouvoir se servir d'autorités locales. Tout à l'heure, le député de Saint-Laurent qualifiait de louable le fait de retirer l'autorité aux curés, aux avocats, aux notaires et aux autres, de placer un enfant. Je pense que s'il avait suivi la campagne dans le comté de Jean-Talon, alors que l'épouse de son chef courait les communautés des bonnes soeurs et des bons curés pour louanger leurs valeurs, il ne serait pas édifié d'entendre les propos du député de Saint-Laurent aujourd'hui.

J'aurais aimé, M. le Président, si cette norme, cette habitude qu'ont les mères de famille, les mères en particulier et parfois les pères, de faire des arrangements avec l'avocat, le notaire ou le curé, il y a peut-être une différence assez marquée entre les grandes villes et la campagne. Je pense qu'on ne peut pas accuser ces personnes de faire du marché noir, comme on le taxe, ces personnes qui ont fait, dans le passé, bonne oeuvre ici au Québec. Je suis vraiment désolé de constater qu'à cet article il n'y a pas une précaution de prise, il n'y a pas une sourdine de mise quelque part, il n'y a pas un d) d'ajouté là, pour permettre à ce travail d'être fait. Qu'il y ait un contrôle, qu'il y ait une surveillance de faite par le CSS, il n'y a pas d'objection. J'ai vécu des situations dans des centres d'accueil alors qu'un comité préparé par le CSS est un comité de placement où on a établi nos critères pour savoir qui va être mis en institution le premier, qui va être le 17e ou le 117e. On a ces critères. Je vais vous dire une chose: Quand localement, en milieu rural, c'est peut-être bon de faire la distinction... Faites attention aux gens qui vous entourent, M. le ministre; je vous l'ai déjà dit. On a tendance à généraliser. Les fonctionnaires autour de vous, c'est du bon monde; ils vont probablement aller au ciel en même temps que nous, s'ils ne sont pas trop rouges. Les rouges vont passer un peu après.

Mme Lavoie-Roux: Le ciel est devenu rouge.

M. Grenier: S'il n'y avait pas tellement tendance à généraliser, pourquoi n'y a-t-il pas une sourdine de mise pour la partie rurale du Québec? On ne sent pas cela, si on n'est pas un député rural. On le sent quand on vit avec le monde. Je pourrais vous citer une personne qui est adorable, qui a fait du placement d'enfants pendant toute sa vie et qui n'a pas manqué son coup une fois sur 100, je pense. Ce n'était pas du favoritisme de parents ou d'amis qui faisaient des pressions, comme on le signalait tout à l'heure. Elle faisait cela vraiment dans de bons milieux. Quels seront les critères? On ne les a pas, on vote cet article 2 sans connaître les critères qui sont reconnus. Vous allez dire: Oui, mais cela fera partie des règlements. Mais oui, c'est une façon, par exemple... Je connais les critères pour placer des personnes âgées dans des institutions. On a travaillé sur ces critères assez longtemps et je dois vous dire une chose: c'est qu'en milieu rural, par exemple, quand il est question de placer quelqu'un en institution, on arrive bien proche des critères du directeur général. En général, ce sont les mêmes. C'est parce que le directeur général connaît son milieu. Le directeur général d'une institution, c'est le curé, l'avocat, le notaire ou un parent proche. Il connaît ces critères-là. Quand on veut généraliser comme on le fait et retirer à ces personnes, qu'on vient qualifier de louables le fait de retirer au curé, au notaire ou à l'avocat cette autorité, je voudrais mettre cela dans un comité, un grand comité régional. Je les connais. Je pense qu'il devrait y avoir une sourdine, un paragraphe d). Je n'ai pas l'amendement. Si la discussion se prolonge jusqu'après 12 h 30, je vais vous dire une chose: Quand on va revenir ici, je vais en avoir un. J'y crois assez pour en mettre un; il sera prêt. J'espère qu'on va faire prolonger. Il faut en mettre un pour distinguer le milieu rural du milieu urbain. Je crois à ce principe dans le monde de Montréal et dans le monde de Québec, peut-être d'ailleurs, mais j'y crois moins quand on arrive dans le milieu rural. Je pense que la valeur, la note morale, la caution morale d'élever des enfants doit exister aussi. Je pense que le notaire, l'avocat, le curé et le médecin connaissent cela aussi en milieu rural. Quand ils font une recommandation à la mère ou au père de famille, ils tiennent compte de cela aussi.

Regardez les mauvais placements dans le secteur rural et vous allez vous rendre compte qu'il n'y a pas eu beaucoup de reprises; c'est peut-être en ville que cela s'est produit. Alors, le comité qui

vous est proposé par les gens qui vous entourent, il devrait y avoir des distinctions faites pour le monde rural et le monde rural, d'après moi, c'est tout ce qu'il y a en dehors de Montréal et Québec.

M. Lazure: M. le Président, comme dirait Mme Payette, cela me rappelle ma grand-mère, parce que ma grand-mère disait cela aussi que le mal était en ville et le bien à la campagne. C'est peut-être vrai en gros mais juste en gros; ce n'est pas vrai totalement, loin de là.

M. Grenier: Pour illustrer cela, M. le Président, vous allez vous en rendre compte: S'il y a deux demoiselles qui se promènent sur la rue quand il vente, celle qui vient de la campagne tient son chapeau et celle qui vient de la ville tient sa robe; c'est ce qu'on nous dit.

M. Lazure: C'est le contraire que vous voulez dire.

M. Grenier: C'est le contraire, oui, celle qui vient de la campagne tient sa robe. Je m'excuse, pour les fins du journal des Débats, c'est le contraire.

M. Lazure: Les problèmes qu'on veut corriger avec les amendements actuels, ce projet de loi, ce ne sont évidemment pas les bons placements qui ont été le résultat de démarches par un curé, un médecin, mais ce sont — on s'en doute un peu — des placements qui se font par le marché noir où il y a des individus... Que voulez-vous, je soupçonne que même dans les milieux ruraux, il y a des gens malhonnêtes, il y a des profiteurs qui vont en faire un commerce d'agir comme intermédiaires, entremetteurs pour l'adoption d'enfants. Je pense qu'on ne fait que mettre un terme à une pratique qui a été condamnée et constatée par plusieurs. À titre d'exemple, on me dit que tout récemment, cinq États américains importants, le Massachusetts, le Minnesota, le Michigan, etc., ont amendé leur loi justement pour mettre un terme à cette adoption privée qui ouvrait la porte à des abus trop flagrants.

M. Grenier: Je me permets de vous interrompre une seconde. Vous me donnez des exemples de ce qu'on a vécu. J'ai vécu en 1960 dans le comté de Gérin-Lajoie où on a commencé les écoles secondaires. On nous arrivait avec ces exemples de l'extérieur. Pourquoi ne nous donnez-vous pas des exemples entre Montréal et Lac-Mégantic, au lieu de nous parler des États où c'est populeux? Parlez-moi d'Amqui, si vous voulez.

Mme Lavoie-Roux: Vous connaissez le Lac-Mégantic.

M. Lazure: Je connais depuis quelques semaines Lac-Mégantic, c'est très joli.

M. Grenier: C'est du bon monde.

M. Lazure: C'est du bon monde à Lac-Mégantic.

M. Grenier: Pourquoi ne compare-t-on pas avec ici tout le temps? Pourquoi ne prend-on pas nos exemples chez nous? Pourquoi toujours vouloir aller se comparer à des grands centres d'ailleurs, alors qu'on n'a pas les mêmes problèmes. Ce sont là les tendances et le député de Saint-Laurent...

M. Lazure: II y a des régions rurales dans le Minnesota.

M. Grenier: ... faisait une remarque semblable à cela aussi. Quand on disait qu'on avait descendu de 6% à 4% les placements de personnes âgées dans les centres d'accueil, ce sont des exemples qui nous viennent d'ailleurs encore. Cela vient d'Europe et d'autres pays. On ne pourrait pas avoir notre façon de vivre à nous? On ne pourrait pas prendre nos exemples chez nous?

M. Lazure: C'est une des faussetés qui avaient été exprimées je ne sais par quel membre de la commission, mais on n'a jamais descendu à 4% le nombre de places en centres d'accueil. Je ne l'ai pas relevé l'autre jour; on ne pouvait pas. Il y avait tellement d'erreurs ou de demi-vérités ou faussetés...

M. Forget: C'est vous-même, M. le ministre, qui l'aviez dit dans vos remarques préliminaires. Je l'avais noté.

M. Lazure: Non, si vous retournez à mon texte, j'ai dit qu'on atteignait un minimum de quatre places par 100 dans toutes les régions du Québec.

M. Forget: Ah, oui, je pense bien.

M. Lazure: Je n'ai pas dit que c'était notre objectif.

M. Forget: C'est cela qu'il y avait au départ.

M. Lazure: Non, ce n'est pas cela qu'il y avait au départ. Vous déformez la vérité. Notre objectif est de 6%, mais cela nous paraît raisonnable de se rendre à 4% avant de se rendre à 6%.

Si on revient aux propos du député de Mégantic-Compton — je termine là-dessus — les lois qu'on a à adopter ne peuvent évidemment pas être faites d'une façon pour les régions rurales et d'une autre façon pour les régions urbaines. Je conclus simplement en disant que je voterais d'avance contre un amendement qui aurait cette allure de discrimination entre le milieu urbain et le milieu rural.

Le Président (M. Laplante): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais revenir sur l'intervention de mon collègue de

Saint-Laurent. Je n'ai pas d'amendement, mais je pense que la réflexion qu'il a faite est importante. Si on ne peut pas la traduire dans le projet de loi, d'accord, mais je pense qu'il nous a sensibilisés à un problème qui, dans le monde de l'adoption, devrait retenir l'attention. (12 h 15)

Ils sont conscients du problème, mais est-ce qu'on a examiné assez des solutions à l'égard de ce problème? Je vois votre sous-ministre à côté, je ne sais pas s'il a été dans le domaine de l'adoption, mais même sans avoir été dans le domaine de l'adoption je pense qu'une observation générale nous permet de dire que c'est maintenant — il y a sûrement des statistiques là-dessus — une majorité de mères célibataires qui gardent leurs enfants. Je pense que je ne me trompe pas en affirmant cela. Ceci, d'une part, a modifié le nombre d'enfants admissibles à l'adoption, en soi, cela ne serait pas nécessairement mauvais, mais cela a aussi modifié la façon dont ces enfants se retrouvent dans la vie courante dans le sens qu'ils sont soumis dans plusieurs cas à des épreuves difficiles.

Souvent, c'est une multiplication de foyers nourriciers, on appelle cela des familles d'accueil, je suis de la vieille école, avec tout ce que ceci comporte et, là-dessus, il y a quand même eu des études sur les difficultés d'adaptation par la multiplication des familles d'accueil. Tenons compte de ce que le député de Saint-Laurent dit. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de considérer cette évolution qu'on a vue à l'égard de l'attitude non seulement des mères célibataires vis-à-vis de leurs enfants, mais peut-être aussi de l'attitude des professionnels vis-à-vis des mères célibataires? On s'est dit: On est peut-être plus respectueux maintenant du désir de la mère célibataire alors qu'autrefois, il faut bien l'admettre, cela correspondait à une époque. On se disait: C'est entendu, l'enfant va être bien mieux, s'il est adopté. Dans bien des cas, on faisait des pressions indues, même dans les services parapublics, pour que les enfants soient adoptés et abandonnés dès la naissance.

Maintenant, on est à l'autre côté du pendule, c'est-à-dire, à l'autre extrémité. Là, il y en a un très grand nombre, de mères qui gardent leur enfant pour adoption. Il va falloir se pencher sur ce problème. Si on avait des chiffres ou des études quant à ce qui est advenu de ces enfants qui ont été gardés par les mères célibataires, on partirait de chiffres rigoureux et, même pour ma part, ce sont des observations que je ne peux pas étayer avec des études. Peut-être aussi qu'on examinerait de plus près quelles sont les solutions pour ces enfants qui risquent d'être ballottés et, je pense que je pourrais avancer avec une certaine certitude, qui sont soumis à plus de ballottage, à plus d'épreuves que peut-être ils devraient normalement l'être.

Je pense que la suggestion du député de Saint-Laurent, c'était dans le sens de dire: On a un problème, on a un constat, je pense que tout le monde s'entend là-dessus. Cela peut créer des problèmes plus grands pour un certain nombre de ces enfants. N'y aurait-il pas moyen d'examiner des solutions qui, justement, diminueraient le nombre d'enfants qui ne sont pas adoptés, à cause du fait, des craintes de la fille-mère, de la mère célibataire, pardon, qui ne sait pas où s'en va s'en enfant? C'est une chose réelle. Elle l'est pour nous autres, elle l'est dans des circonstances même beaucoup plus triviales, même vis-à-vis — je n'ose pas le dire, parce que cela pourrait être mal interprété — des animaux qu'on a eus assez longtemps dans sa demeure. On dit: Où s'en vont-ils après? Imaginez-vous, quand on arrive à un autre niveau, qui est celui des relations mère-enfant? Ce sont des inquiétudes très profondes.

C'est dans ce sens que je pense que les organismes ou les centres de services sociaux ou ceux qui se préoccupent plus particulièrement de l'adoption, peut-être qu'au lieu de s'en tenir à la règle très rigide qui est celle de dire: Vous avez donné votre enfant pour adoption, les liens se coupent, on diminuerait peut-être le nombre d'enfants qui restent en suspens sur une période X d'années, parce qu'on aura inventorié d'autres solutions.

En tout cas, celle du député de Saint-Laurent mérite d'être examinée et il y en a peut-être d'autres aussi. Ce n'est peut-être pas la seule. Mais je pense que c'est le temps qu'on se penche d'une façon sérieuse sur le nombre, les résultats, dans la vie courante, de l'évolution de ces enfants et ce qui arrive à ces enfants qui ont été gardés par leur mère à la naissance. Je pense qu'il ne faudrait pas rejeter cela du revers de la main en disant: Écoutez, on continue de procéder comme on a toujours procédé et c'est là que se donnent les meilleures garanties. On disait aussi, il y a quelques années: II faut donner les enfants en adoption à la naissance, c'est cela qui assure le plus grand bonheur des enfants. On a évolué vers une autre position qui était plus respectueuse des mères. Maintenant, il faut peut-être évoluer vers d'autre chose et dire: Si, à cause de cette attitude, on a créé un autre type de problème, quelles sont les solutions qu'on envisage pour respecter quand même ce principe qui demeure toujours fondamental, le respect des droits des enfants, que ce soient des enfants de mères célibataires ou des enfants issus d'un mariage? C'est le point que je voulais soulever et je pense que c'est...

M. Lazure: Rapidement, M. le Président. Je n'ai pas du tout de divergence de vues avec les remarques du député de L'Acadie. Au contraire, j'ai dit tantôt que je suis sûr que les praticiens dans les centres de services sociaux tiennent beaucoup plus compte des souhaits ou des voeux de la mère naturelle qui veut confier son enfant pour adoption, et il était grandement temps qu'on le fasse. Autrefois, on tenait plus compte des goûts des parents adoptifs. Je veux savoir un enfant avec telle ou telle caractéristique. Je pense qu'il est temps que le pendule aille dans l'autre direction pour faire du rattrapage et pour qu'on traite peut-être de façon plus humaine les mères...

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas cela mon point.

M. Lazure: Vous avez plusieurs points, c'en était un.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est le constat. Il y a un résultat à cela.

M. Lazure: II y a l'autre point aussi, des mesures sociales, indépendamment de l'adoption, en dehors de l'adoption, qui font que c'est plus facile aujourd'hui, pour une mère soi-disant célibataire, qu'on appelle aujourd'hui famille monoparentale...

On essaie de rendre plus facile aujourd'hui l'exercice de sa responsabilité vis-à-vis de son enfant, que ce soit en créant plus de garderies ou en donnant des services à domicile. L'adoption n'est qu'une des nombreuses façons avec lesquelles les gouvernements, aujourd'hui, font face à ce problème. Qu'on le veuille ou non, il va falloir, que ce soit dans un texte de loi ou non, qu'on tienne compte beaucoup plus qu'on ne l'a fait dans le passé, des attitudes, des désirs, des souhaits de la mère qui décide de confier son enfant pour adoption.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Beauharnois.

Mme Lavoie-Roux: ... c'est la suite.

Le Président (M. Laplante): On reviendra.

M. Lavigne: Je peux attendre.

Mme Lavoie-Roux: On est d'accord sur une grande partie, mais le point que je veux souligner, c'est qu'il y a un problème nouveau qui s'est créé, dont on ne connaît pas la grandeur et il doit être examiné à son mérite. Il y a des solutions particulières qui doivent être envisagées. Or, la suggestion du député de Saint-Laurent à cet égard mérite au moins d'être retenue et examinée d'un peu plus près, parce que cela limiterait le nombre d'enfants qui se promènent. Il ne faut pas se raconter d'histoires, dès qu'ils ont passé deux foyers d'accueil, il y a des risques qu'ils en passent cinq, six, sept, huit et neuf. C'est presque une progression géométrique. C'est pour cela qu'il faut intervenir peut-être avec d'autres mécanismes que ceux qu'on connaît présentement.

J'ai fini, là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Beauharnois.

Mme Lavoie-Roux: Sur le 2, je n'ai pas fini. Le Président (M. Laplante): On reviendra.

M. Lavigne: Pour enchaîner — je veux être très bref — sur le point qu'a soulevé le député de L'Acadie, je suis, comme le ministre le disait aussi, très sensible. Il y a un attachement naturel extrêmement fort entre une mère et un enfant. Ce que préconisait le député de L'Acadie, c'est pour moi un gros point d'interrogation parce que, bien sûr, il y a des avantages et il pourrait aussi y avoir des inconvénients. J'ai compris qu'elle préconisait que la mère naturelle, qui aurait un enfant qu'elle voudrait faire adopter, sache où cet enfant va aller, s'il s'en va dans un taudis, s'il sera bien nourri, s'il aura l'affection nécessaire qu'elle souhaiterait pour son enfant, autant de questions légitimes qu'une mère de famille doit se poser quand elle laisse aller son enfant en adoption. C'est naturel, c'est normal.

Par contre, il y aurait la contrepartie ou l'envers de la médaille. Le fait que la mère naturelle sache où est rendu son enfant, ne soulèverait-il pas le danger qu'elle veuille le suivre tout au long de son évolution, tout au long de sa vie et qu'elle soit portée à venir un peu s'interposer entre lui et la mère adoptive sachant où il demeure, quelle famille l'a adopté, tout cela?

Cela ne deviendra-t-il pas une entrave pour les parents adoptifs, face à l'éducation de leurs enfants, sachant que la mère naturelle... C'est là que je me pose des questions. C'est sûr que c'est brutal de demander à une mère naturelle de couper le cordon ombilical, les liens et d'oublier son enfant, dire: C'est fini une fois pour toutes. Mais, entretenir ce lien qui semblerait possible par la formule qui n'est pas définie mais que vous semblez préconiser, je me mets dans cette situation, disons, comme père adoptif. Ce n'est pas que j'en voudrais à la mère qui a eu cet enfant, de qui j'ai l'enfant, comme père ou comme couple adoptif avec ma femme, mais quelles seraient les interventions de la mère naturelle? C'est une question.

M. Lazure: M. le Président, précisément une réaction. Dans l'adoption privée à laquelle on veut mettre fin, on retrouvait souvent ce phénomène où la mère naturelle savait où était son enfant et, très souvent, empêchait le développement normal d'une relation affective entre l'enfant et ses parents adoptifs. C'est sûr que cela pose des problèmes énormes.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, on est dans une discussion et, de toute façon, dans quelques minutes, on aura fini. C'est vrai que c'est une difficulté mais je pense qu'il faut mesurer toutes ces choses dans un nouveau contexte. Vous avez le même phénomène qui n'existait pas hier, par exemple, disons il y a quinze ans, dix ans, tous les enfants de familles divorcées, les contacts avec les nouveaux parents, les anciens parents; les choses évoluent. On ne vit plus exactement dans les mêmes conditions qu'avant, où des principes ont été établis. Je reconnais — et j'en suis fort consciente — la difficulté que soulève le député de Beauharnois. Je me dis: On est dans un contexte familial — je le mets dans son sens le plus large — où les conditions ont extrêmement évolué. C'est dans ce sens qu'il faut regarder vers des réponses aux nouvelles situations de vie.

M. le Président, le requérant est le conjoint du père ou de la mère de l'adopté, en b) de l'article 2.

Ce n'est pas que j'en aie contre le principe, mais il y a un autre problème que je voudrais porter à l'attention du ministre des Affaires sociales, c'est celui de l'identité des enfants, du sens de l'identité des enfants.

Justement, à la suite de cette évolution de nos moeurs familiales, si je peux dire, j'en connais précisément des enfants qui sont nés sous un nom, qui ont été adoptés à l'occasion d'un divorce ou d'un remariage, d'un nouveau divorce, d'un nouveau mariage. Mais a-t-on examiné ce problème d'un peu plus près? Là, la procédure est très simple parce que cela se fera simplement en vous envoyant un avis. Mais je pense que, dans tout cela aussi, il y a l'enfant et on ne peut pas indéfiniment lui enlever son sens d'identité propre.

M. Lazure: Bien sûr qu'on l'a examiné. C'est pour cette raison qu'on a un article qui va le corriger. Moi aussi, j'ai été à même de connaître des cas dans mon comté. Les enfants souffrent de ces procédures qui sont très lentes actuellement, qui doivent aller de service social en tribunal et c'est interminable. On en est conscient. Comme vous venez de le dire, il s'agira de donner avis.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense que le ministre ne m'a pas compris. Ce n'est pas sur la lenteur des procédures que j'en ai. C'est sur le sens d'identité qui est indispensable à un individu et à plus forte raison à un enfant de conserver. Quand...

M. Forget: II change de nom trois fois.

Mme Lavoie-Roux: ... il change de nom trois fois de l'âge de cinq ans à neuf ans...

M. Lazure: Sur le nom lui-même, c'est le jugement d'adoption qui va décider du nom. C'est le tribunal, en fin de compte.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais si, chaque fois que quelqu'un se remarie...

M. Lazure: Que me proposez-vous comme alternative?

Mme Lavoie-Roux: D'abord, il faut au moins s'assurer qu'il y ait le consentement de l'enfant pour changer de nom. Ce serait déjà une chose.

M. Lazure: Tout dépend de l'âge, justement.

M. Forget: Au-delà d'un certain âge, oui.

Mme Lavoie-Roux: Je vous présente une situation et un problème. Ce problème est réel. Je vous demande de l'examiner. Je l'ai porté à votre attention.

M. Lazure: Oui, je connais le problème. Il y a deux aspects au problème, le délai et le nom lui-même. Le délai, on y remédie, mais le nom lui-même, c'est vraiment sous l'autorité du juge.

Le Président (M. Laplante): Excusez si j'entre là-dedans, c'est...

M. Lazure: Mais le consentement de l'enfant, à partir de quatorze ans.

Le Président (M. Laplante): Les questions qu'il se pose.

Mme Lavoie-Roux: Cela peut être avant.

M. Forget: De dix à quatorze ans et de quatorze à dix-huit ans, il y a...

M. Lazure: L'enfant de moins de quatorze ans peut être consulté.

M. Forget: La Loi de protection de la jeunesse prévoit ces gradations. On devrait peut-être copier cela...

M. Lazure: C'est cela. Les juges vont tenir compte de la loi 24.

M. Forget: ... dans le cas de l'adoption. Le Président (M. Laplante): Article 2...

M. Lazure: Mais c'est le Tribunal de la jeunesse qui va administrer cela. Alors, ils sont conscients de la loi 24.

Le Président (M. Laplante): L'article 2 est-il adopté sur division?

M. Grenier: Non, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): II n'est pas adopté? Les travaux sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 12 h 30)

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