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Présentation de mémoires sur
l'avant-projet de loi sur les services
de garde à l'enfance
(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des affaires sociales est réunie ce matin pour
entendre les mémoires des organismes et groupes concernant
l'avant-projet de loi sur les services de garde à l'enfance.
Les membres de la commission sont Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M.
Goldbloom (D'Arcy McGee), est-il remplacé par quelqu'un?
Mme Lavoie-Roux: Non, il attend la réponse du premier
ministre.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous inscrivez M.
Pagé (Portneuf)? Alors, M. Pagé (Portneuf), M. Gosselin
(Sherbrooke), M. Gravel (Limoilou) remplacé par M. Gagnon (Champlain),
M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Lavigne (Beauharnois), M. Lazure
(Chambly), M. Martel (Richelieu), M. Paquette (Rosemont), M. Samson
(Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire).
Les intervenants sont: M. Alfred (Papineau), M. Cordeau
(Saint-Hyacinthe), M. Couture (Saint-Henri), M. Lacoste (Sainte-Anne), M.
Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Marcoux (Rimouski), M.
Marois (Laporte).
Ce matin, les organismes convoqués sont: Le Comité de la
condition féminine de la CSN, un groupe de professeurs de
l'Université de Montréal, la Corporation des Garderies Le
Colombier Inc., les professeurs du département de technique de garderie
d'enfants. Nous avons quatre organismes pour aujourd'hui. J'inviterais
immédiatement le Comité de la condition féminine de la CSN
de bien vouloir prendre place au centre, s'il vous plaît.
Madame, si vous voulez vous identifier et identifier les gens qui sont
avec vous.
CSN
Mme Cartier (Gisèle): Je suis Gisèle Cartier,
première vice-présidente de la CSN. Je voudrais d'abord faire une
correction: C'est le mémoire de la CSN et non pas simplement du
Comité de la condition féminine. Je voudrais vous
présenter les personnes qui m'accompagnent: à ma gauche, Leslie
Lee, professeur de cégep, du Syndicat de la CSN, et membre du
Comité de la condition féminine CSN; Monique Simard, conseiller
syndical à la Condition féminine à la CSN, et, à ma
droite, Angéline Rivest, travailleuse d'hôpital, du Syndicat de la
CSN, et membre du Comité de la condition féminine de la CSN.
M. le Président, M. le ministre, messieurs et madame les
députés, la CSN a décidé de présenter un
mémoire concernant l'avant-projet de loi parce qu'elle croit fermement
que la question des services de garde à l'enfance, plus
particulièrement la question des garderies, est fondamentale. (10 h
15)
Premièrement, il existe des besoins évidents, nul ne le
contredit et, deuxièmement, la reconnaissance des droits des femmes au
travail est, entre autres, reliée à l'existence de services de
garde adéquats.
La CSN ne se prétend pas experte en la matière, même
si plusieurs de nos membres ont participé activement à la mise
sur pied de garderies; mais il nous semblait quand même important de vous
faire part des revendications de notre mouvement.
Sans entrer dans les détails techniques de la mise sur pied des
services de garde, nous vous ferons part aujourd'hui de notre orientation et
des principes qui la soutiennent.
Depuis dix ans environ, les besoins en services de garde pour enfants se
sont manifestés de façon croissante. Des projets de garderies ont
surgi de plus en plus nombreux, des études et des analyses de groupes de
pression et de gouvernements se sont accumulées, décrivant de
façon exhaustive les besoins de la population et la piètre
situation des services de garde au Québec.
Les besoins en services de garde grandissent d'année en
année; nous prévoyons qu'en 1985, il y aura 250 000 enfants de 0
à 5 ans et 250 000 d'âge scolaire qui auront besoin de services de
garde. Ces besoins sont causés par plusieurs facteurs d'une
société en mutation rapide. La disparition de la famille
traditionnelle, par exemple, force les parents à se tourner vers
l'extérieur pour faire garder leurs enfants. Le nombre croissant de
familles monoparentales est un autre facteur qui influe sur les besoins de
services de garde. Certes le facteur le plus déterminant est celui de
l'accroissement de la participation des femmes au marché du travail,
réalité qui fait que la nécessité de faire garder
ses enfants est de plus en plus partagée.
Actuellement, les services offerts sont loin de correspondre, tant
quantitativement que qualitativement aux besoins réels des parents et
des enfants. Il y a plusieurs types de services de garde existant. Cependant,
dans la majorité des cas, ils sont insatisfaisants et ne sont
utilisés que faute de meilleurs services. Le support de l'État
apporté aux parents est relativement infime par rapport aux besoins,
c'est-à-dire au nombre de services et au nombre de places disponibles,
au contrôle de la qualité du service et, enfin, au financement des
services.
Cette situation fait en sorte que plusieurs femmes, mères de
jeunes enfants ne travaillent pas à l'extérieur de la maison
parce qu'elles n'ont pas accès à un service de garde, ou alors
parce que le type de services disponibles est trop coûteux par rapport au
revenu possiblement gagné sur le marché du travail. Plusieurs
femmes ont encore à faire le choix entre enfanter et travailler.
Nous croyons que les services de garde des jeunes enfants sont une
responsabilité sociale. Nous ne croyons pas que les parents se
déchargent de leurs responsabilités en faisant garder leurs
enfants, et nous ne demandons pas à l'État de prendre cette
responsabilité. Cependant, nous croyons fermement que l'État a
une responsabilité sociale en matière de services de garde, au
même titre qu'il en assume une dans les domaines de la santé et de
l'éducation.
Nous croyons également que la garderie comme service de garde
est, de loin, la formule à privilégier parce qu'elle correspond
le mieux aux besoins de développement des enfants. C'est, de plus, une
formule collective qui permet aux parents de s'organiser et d'échanger
collectivement. C'est donc dans l'optique que l'État a une grande
responsabilité sociale à assumer en matière de services de
garde que nous privilégions les garderies comme type de service que nous
avons examiné l'avant-projet de loi.
Celui-ci est loin de correspondre aux objectifs que notre mouvement
s'est fixé en matière de services de garde. Dans son ensemble,
l'avant-projet de loi ne garantit aucunement l'implantation d'un
véritable réseau de garderies accessible à tous. En fait,
l'avant-projet de loi ne prévoit concrètement que la
création d'un office qui serait doté de pouvoirs très
larges et la reconnaissance officielle de certains types de garde, par exemple,
la garde en milieu familial ou le contrôle de ces derniers.
Par rapport à la revendication de notre mouvement d'implanter un
réseau universel de garderies gratuites contrôlées par les
usagers, l'avant-projet de loi ne nous donne aucune indication positive que le
gouvernement amorce une démarche en ce sens. Au contraire, certaines
dispositions de l'avant-projet de loi ont plutôt tendance à nous
faire penser qu'on s'éloigne de cet objectif. Nous devons toutefois vous
faire part de nos commentaires sur des points précis contenus dans
l'avant-projet, et nous vous remettons également ce que nous avons remis
en même temps que le mémoire, à titre d'information, un
document intitulé "Dossier garderies pour un réseau universel et
gratuit" dans lequel est explicitée de façon
détaillée la position de la CSN concernant les garderies et les
autres types de services de garde.
Des commentaires sur l'avant-projet, chapitre I, sections I et II,
chapitre III, Création de l'office, fonctions de l'office et
réglementation. La création d'un office des services de garde
à l'enfance n'est pas en soi une mesure à laquelle nous nous
opposons.
L'absence de planification et de coordination, qui jusqu'à
aujourd'hui, a prévalu à ces chapitres peut être
partiellement réglée par la création de cet office.
Cependant, nous sommes réticents à endosser un office qui, avec
beaucoup de pouvoirs de réglementation, pourrait faire abstraction des
besoins et des propositions des agents concernés sur la question des
services de garde.
Il nous apparaît que le gouvernement désire laisser
à un office, le soin de concevoir et d'élabo- rer les principes
d'une véritable politique des services de garde à l'enfance,
plutôt que d'en établir dès le départ, avec mandat
à l'office de les appliquer. Quant à nous, la loi n'encadre pas
suffisamment l'office, tout en lui donnant des pouvoirs de
réglementation très larges sur l'avenir des services de garde au
Québec.
Si la loi est presque muette sur l'élaboration d'une
véritable politique des services de garde, elle est très
directive et précise sur les détails administratifs et ce,
principalement pour les services de garde en garderie, à titre
d'exemple, les articles 41, 46, 72.8 et 72.9.
Or, d'une part, l'office n'est pas tenu formellement de consulter les
parties intéressées avant de fixer un règlement, alors que
ce sont actuellement différents règlements existants qui freinent
l'implantation de garderies, mise à part la question du financement.
En résumé, nous ne croyons pas que le contenu de
l'avant-projet de loi nous assure que l'État assumera entièrement
sa responsabilité sociale en matière de services de garde. Il
apparaît surtout que l'État contrôlera ces services, mais
quant au support apporté, rien de ce qui est inscrit dans l'avant-projet
ne peut nous laisser croire à un réel projet de support
apporté aux parents.
Chapitre II, section I, Organisation des services de garde en garderie
en milieu familial. Dans cette section, nous avons plusieurs remarques à
formuler. Il s'agit possiblement de la section la plus déterminante en
ce qui a trait à l'orientation qui est donnée à
l'avant-projet de loi.
En effet, les dispositions du chapitre traitant de l'organisation des
services de garde en garderie et en milieu familial déjà,
le titre nous l'indique traitent de façon similaire ces types de
services de garde qui sont fondamentalement très différents, tant
au niveau du fonctionnement qu'au niveau de la stabilité et de la
qualité du service.
La reconnaissance officielle et le contrôle proposé de la
garde en milieu familial nous laissent croire que si la loi est adoptée
telle quelle, cela contribuera à un développement de cette
formule de garde.
Or, nous sommes opposés à ce que ce type de service qui
existe déjà soit appelé à s'accroître au
détriment des garderies.
Nous nous opposons à ce mode de garde, non pas parce qu'il est
toujours mauvais, mais parce qu'il est extrêmement difficile, entre
autres pour les parents, de la superviser et parce qu'il ne garantit pas un
service de qualité et une stabilité au niveau du service.
De plus, la reconnaissance formelle et le contrôle de ce mode de
garde qui peuvent favoriser son accroissement nous amènent à
critiquer non seulement les services offerts, mais aussi le rôle et les
conditions faites aux personnes qui donneront ces services.
Lorsqu'on parle de famille, il s'agit en réalité d'une
mère de famille qui, n'ayant pas accès au marché du
travail, se porte disponible pour garder quelques enfants chez elle. Ceci a
pour effet de faire faire isolément et à bas prix, par une
femme
au foyer, des tâches qui devraient être
exécutées socialement par du personnel qualifié et
rémunéré en conséquence dans des locaux
aménagés pour une garderie.
La garde en milieu familial est de toute évidence, la formule la
moins coûteuse. Une personne, pour s'occuper de plusieurs enfants
on nous a dit, et c'est ce qu'on avait interprété, semble-t-il
que ce serait une personne pour quatre, deux pour neuf. Mais enfin, au moment
où nous nous sommes informés, ce n'était pas
précisé généralement, beaucoup trop
d'enfants à la fois et surtout lorsqu'il s'agit de très jeunes
enfants, à un salaire dérisoire, voire même sous le salaire
minimum, puisque selon les dispositions de l'avant-projet de loi et de la Loi
des conditions de travail minimales, elles pourraient être exclues et
aucun investissement n'est nécessaire, quant aux locaux et à
l'équipement. C'est sans aucun doute moins coûteux qu'une garderie
qui aurait un ratio personnel-enfants convenable, des locaux
aménagés et du matériel adéquat.
Cela nous amène à réfléchir sur les
intentions véritables du gouvernement en matière de services de
garde. Les besoins sont là et nul ne peut les contredire. Mais les
solutions proposées sont loin de pouvoir répondre à ces
besoins.
Nul part en cette section il n'est fait mention du développement
des garderies dans le sens d'implanter un véritable réseau de
garderies.
Chapitre II, section II: Organisation des services de garde en milieu
scolaire et halte-garderie. La reconnaissance des besoins en services de garde
en milieu scolaire est un des éléments positifs de l'avant-projet
de loi. Cependant, les dispositions concernant ce mode de garde ne nous
semblent pas correspondre aux besoins réels. Ainsi, les commissions
scolaires devront désormais fournir des services de garde en milieu
scolaire, mais l'obligation ne s'applique qu'aux jours de classe et en dehors
des jours d'enseignement. On parle toujours de l'avant-projet de loi, tel que
nous le connaissons à ce moment-là, et non pas de quelques
promesses qu'on a pu glaner dans les journaux, depuis ce temps-là, c'est
l'avant-projet de loi, tel qu'on le connaît.
Or les besoins excèdent de beaucoup ces périodes. En
effet, le calendrier normal d'une vie de travail est loin de correspondre au
calendrier scolaire et les parents qui travaillent sont constamment aux prises
avec des problèmes de garde non seulement les journées de classe,
mais aussi pendant les périodes de vacances, les jours
fériés et autres congés scolaires.
Si la garde en milieu scolaire n'est pas organisée de telle
façon qu'elle réponde à tous ces besoins, elle ne
demeurera que très partielle et inefficace. De plus, les dispositions de
la section II, chapitre II, ne spécifient pas si les parents auront
à contribuer financièrement ou non à ce service. Il serait
souhaitable que ce service soit gratuit.
La participation des parents à la mise sur pied de ce mode de
garde n'est pas spécifiée. Or, il serait, d'après nous,
très important que les parents d'enfants fréquentant ces services
contrôlent la mise sur pied du service, son organisation et son
orientation tout comme nous le préconisons pour les garderies d'enfants
de zéro à cinq ans.
Quant aux halte-garderies, l'avant-projet est pour le moins très
peu explicite quant à la définition de ce qu'est une
halte-garderie. Il est important de souligner que, pour nous, ce mode de
service est nécessaire et qu'il devrait être intégré
à une garderie régulière qui a déjà des
structures permettant d'assurer le fonctionnement, souvent difficile, d'une
halte-garderie.
Chapitre III, section IV: Contribution, exonération et aide
financière.
Chapitre II, section I, numéro 3: Subventions. Au niveau du
financement des services de garde et des frais de garde, l'avant-projet est
encore une fois peu explicite. Cependant, les dispositions traitant de la
question nous indiquent que les plans de financement actuellement en
application seraient maintenus. Et nous tenons à dénoncer
fortement ce mode de financement parce que, d'une part, il n'est pas accessible
à tous les parents et, d'autre part, parce qu'il est inégal d'une
garderie à une autre. Évidemment, depuis ce temps-là, il y
a eu aussi des annonces qui contredisent un petit peu ce paragraphe-là.
On aura à y revenir plus tard, dans la discussion.
La question de financement est sans doute le coeur du problème
des services de garde. Non seulement le support de l'État est-il
insuffisant, mais il est également discriminatoire. Tout projet en
services de garde, aussi louable soit-il, est voué à
l'échec ou tout au moins à une survie très
précaire, si les budgets de financement ne sont pas
considérablement augmentés et si la répartition des
deniers se fait selon le système actuel.
En résumé, on peut affirmer que le financement des
garderies est complètement inadéquat parce que, d'une part, il
est loin d'être accessible à tous et que, conséquemment,
puisque le financement direct aux garderies est lié aux parents qui sont
éligibles à la subvention, les garderies ont des revenus
différents. D'autre part, il est inadéquat parce que,
n'étant pas financé directement, le budget des garderies est
toujours dépendant de la clientèle qui les fréquente. Or,
toujours selon l'annonce qui a été faite, on semble aller dans un
chemin différent de ce qui est dit ici, sauf que l'on considère
que ce qui est annoncé est très, très, très
insuffisant, de toute façon.
De plus, les sommes accordées à titre de subventions sont
loin de correspondre au coût réel de l'opération. Il
s'ensuit donc que les garderies qui existent demeurent ouvertes à la
fois parce que les parents paient des coûts très
élevés et que le personnel des garderies est très mal
payé. La conjonction de ces deux éléments permet aux
garderies de survivre. De surcroît, les travailleurs et les parents
acceptent d'investir du temps et des énergies et même de l'argent
supplémentaire, sans quoi la majorité d'entre elles serait
déjà fermée.
II est donc primordial que le gouvernement, premièrement,
révise son mode de financement et, deuxièmement, que des budgets
suffisants soient alloués pour permettre concrètement la mise sur
pied d'un réseau de garderies.
Article 46. Nous tenons à dénoncer particulièrement
cet article qui traite du dossier individuel. L'avant-projet indique que les
garderies devront tenir, de façon indiquée par l'office, des
dossiers sur chaque enfant et que ces dossiers pourront être
utilisés par l'office. Nous nous opposons fortement à cette
mesure de l'avant-projet de loi qui, soit dit en passant, n'est obligatoire que
pour les garderies, parce qu'elle constitue, quant à nous, une
ingérence de l'État dans le fonctionnement de la garderie; que
c'est également une ingérence de l'État très
tôt dans la vie des enfants et que cette constitution du dossier pourrait
être le début des fameux dossiers scolaires qui visent à
catégoriser les enfants dès le jeune âge. (10 h 30)
En conclusion, nous désirons vous faire part de notre
déception à la lecture de cet avant-projet de loi qui, quant
à nous, n'élabore pas suffisamment une grande politique pouvant
favoriser l'implantation d'un réseau de services de garde de bonne
qualité, accessible à tous. Nous réitérons notre
demande, à savoir que le gouvernement doit, dans les plus brefs
délais, prendre les dispositions nécessaires, à savoir des
budgets suffisants, pour assurer à la population un accès
égal à des garderies, que ces garderies soient
subventionnées directement et qu'elles soient contrôlées
par les usagers.
J'aimerais maintenant permettre à ma camarade Leslie Lee de vous
expliquer les bases de calcul qui nous ont amenés à la
prévision des besoins que nous soulignons dans la première page
de notre mémoire. Je pense que c'est important, pour éviter des
discussions stériles, que nous expliquions notre base de calcul, pour
arriver à ces chiffres.
Mme Lee (Leslie): Je vais lire le document Dossier garderie, page
19. On calcule que, pour l'année 1985, on aura besoin de 250 000 places
en garderie, pour les enfants de 0 à 5 ans, et de 250 000 autres places,
pour les enfants de 6 à 11 ans.
Pour bien estimer les besoins en services de garde, il faut tenir compte
de plusieurs données, entre autres, une des activités des parents
qui font que l'un ou l'autre, ou les deux, nécessitent un mode de garde
pour leurs enfants; Deuxièmement, la fréquence de ce besoin, et,
troisièmement, les prévisions démographiques.
Nous venons de tracer les besoins des parents et des enfants au point de
vue social. C'était dans le document. Quelques statistiques
effectuées pour les cinq prochaines années nous permettront
maintenant d'estimer quantitativement les besoins de services de garde.
Parce que les mères ont presque toujours la responsabilité
de la garde des enfants, leurs activités en dehors du foyer produisent
presque la totalité du besoin en services de garde. Selon un sondage
fait à Toronto, les activités suivantes des mères ont
nécessité la garde des enfants durant l'année
précédente. Les activités sont
énumérées. Travail ou recherche du travail, 52,3% des
femmes avaient besoin de garde. Étude ou entraînement, 7%.
Problèmes de santé, 7,2%. Bénévolat, 2,9%. Autres
facteurs, 1,8%.
Dans le but d'estimer les besoins en services de garde, il faut tenir
compte des activités mentionnées, des besoins des femmes ayant la
garde des enfants et des besoins spéciaux de certaines familles. Les
prévisions seront faites pour les cinq ans à venir, jusqu'en
1985. D'abord, pour les enfants d'âge préscolaire, de 0 à 5
ans, et, dans un deuxième temps, pour les enfants de 6 à 11 ans,
qui ont des besoins différents, à cause de leur vie scolaire.
D'abord les besoins en services de garde, pour les enfants de 0 à
5 ans. Le plus grand besoin, c'est le besoin causé par le travail de la
mère. Il faut d'abord connaître le nombre d'enfants de 0 à
5 ans prévu pour les cinq ans à venir. Les prévisions sont
basées sur les tendances démographiques des années
précédentes. Mais il est très difficile de savoir,
même pour les années évaluées, le nombre exact
d'enfants de 0 à 5 ans.
Dans le rapport du comité interministériel sur les
services d'accueil à la petite enfance, on lit: On estime à 570
000 les enfants de la naissance à l'entrée en première
année du cours primaire. François Camirand, qui a
été responsable des prévisions pour le comité
interministériel, a employé le modèle "Super-Pon", qui
fixe pour l'année 1978 le nombre de 0 à 5 ans à 523
000.
Les chiffres que nous avons décidé de prendre se situent,
pour l'année 1978, entre ces deux prévisions. Ce sont les
chiffres du Bureau de la statistique du Québec, tels que donnés
dans la publication Perspectives démographiques pour le Québec:
quatre hypothèses, 1973 à 2001.
On prendra les prévisions démographiques moyennes,
hypothèse B: Fécondité, 1,8; migration nette, plus 7000 et
hypothèse C: Fécondité, 2,1; migration nette 0.
Sachant le nombre d'enfants, il faut ensuite savoir le pourcentage des
mères de ces enfants qui sont sur le marché du travail. Ici, on
prendra les chiffres de François Camirand, tels que donnés dans
le document. Critères déterminant la demande de garde, 1977: Pour
l'année 1978, il donne un taux d'activité des mères
d'enfants de zéro à cinq ans de, 356: cela veut dire que 33,6%
des mères dans cette catégorie ont travaillé en 1978. En
prenant les chiffres de Camirand, nous réagissons de façon
critique à la conclusion, qu'en 1985, le pourcentage de mères
d'enfants d'âge préscolaire sur le marché du travail sera
à son maximum, soit 41%. Nous sommes d'avis que cette conclusion est
pour le moins arbitraire et qu'elle n'est pas fondée.
Quand on veut estimer le nombre de places en garderie pour les
zéro à cinq ans, on ne peut pas prévoir une place à
temps plein à l'année longue pour un enfant dont la mère
travaille moins de
quinze heures-semaine ou moins de vingt semaines-année. Il s'agit
d'introduire un facteur de correction pour trouver le nombre de places à
temps plein. Ici, on prendra les facteurs de corrections de François
Camirand en les modifiant pour inclure dans nos prévisions les enfants
des chômeuses exclues par Camirand. Il considère qu'une femme qui
est en chômage ne doit pas être obligée de retirer ses
enfants de la garderie parce que l'accessibilité à
l'assurance-chômage est basée sur la disponibilité à
travailler et à chercher du travail. Nous avons alors modifié le
facteur de Camirand pour inclure les enfants des chômeuses, ce qui donne
un facteur de ,782 au lieu de ,7038. Nous avons retenu les autres facteurs qui
tiennent compte du temps partiel et du travail réduit en termes de
nombre de semaines par année, même si on trouve surprenant le fait
que ces facteurs ne subissent aucune évolution dans le calcul de
Camirand. Camirand prévoit que le nombre de mères de jeunes
enfants sur le marché du travail va augmenter, mais ne prévoit
aucune évolution sur la question du temps partiel. On sait qu'en prenant
un facteur constant de correction de ,782, on sous-estime le nombre de places
à prévoir, mais on le retient faute de mieux.
À la page 23, vous avez le tableau des prévisions pour les
enfants de zéro à cinq ans dont la mère travaiIle ou est
en période de chômage, selon l'hypothèse B des
prévisions démographiques. Si on lit, pour l'année 1985,
par exemple le nombre d'enfants de zéro à cinq ans sera 638 199;
le taux d'activité des mères, .415, ce qui veut dire que 41,5%
des mères de jeunes enfants vont travailler; le facteur de correction
pour le temps partiel et pour ne pas travailler à l'année longue,
,782, ce qui donne le nombre d'enfants ayant besoin de services à temps
plein, 207 115. Ce sont uniquement les enfants des mères qui
travaillent.
Si on prend plutôt l'hypothèse C: fécondité,
2,1; migration nette 0; le nombre de places à prévoir pour 1985,
236 919. En moyenne, on doit prévoir autour de 220 000 places en
garderie à cause du travail de la mère.
Les besoins causés par d'autres activités des
mères. Les autres activités des mères trouvées dans
un sondage fait à Toronto sont les études, les stages, la
recherche du travail par des non-chômeuses, c'est-à-dire les
femmes qui n'ont pas d'emploi et qui ne sont pas reconnues officiellement comme
chômeuses, selon les règles de la Loi de
l'assurance-chômage, les problèmes de santé, le
militantisme, le bénévolat. Sans compter les besoins des femmes
qui pourraient être comblés par un réseau de garderies
gratuites pour l'épanouissement individuel et collectif, la lecture, les
sports, les voyages, on peut estimer et de façon très
conservatrice que, pour satisfaire aux besoins actuels de garde, on aurait
à prévoir au moins 10% de places de plus de ce qu'on a
estimé pour les enfants des mères qui travaillent,
c'est-à-dire autour de 22 000 places.
Il y a ensuite les besoins causés par les activités des
pères. Lors du dernier recensement, en 1976, il y avait au Québec
158 895 familles monoparentales dont 26 330 d'entre elles avaient un homme chef
de famille. On peut prévoir un certain nombre de places en garderie pour
les enfants de zéro à cinq ans pour ces hommes qui ont des
enfants d'âge préscolaire, et qui en ont besoin presque à
100%.
Besoins causés par d'autres facteurs: II y a au Québec un
certain nombre d'enfants ayant des besoins spéciaux. Le comité
interministériel a reconnu les besoins des enfants des familles
monoparentales et les a inclus dans ses prévisions de garde, même
si les parents ne travaillent pas. Il y a aussi un nombre d'enfants des
familles biparentales qui ont des besoins d'ordre socio-affectifs ou qui
viennent d'un milieu défavorisé et bénéficieraient
des avantages que les garderies peuvent offrir.
En conclusion, pour les enfants de 0 à 5 ans, les besoins de
services de garde atteindront facilement 250 000 places d'ici 1985. Nos
chiffres sont basés sur les prévisions de l'évolution des
besoins actuels et ne tiennent pas compte du facteur gratuité qui
pourrait influencer de façon très radicale tous les facteurs
considérés dans nos prévisions, le nombre de femmes sur le
marché du travail, durée et quantité d'autres
activités des mères, etc.
Dans un deuxième temps, on fait des prévisions pour les
enfants de 6 à 11 ans, prévisions en services de garde qui ne
sont pas la même formule que la garderie. Ici, nous prendrons les
prévisions démographiques du Bureau de la statistique, selon
l'hypothèse B, le taux d'activités, de François Camirand
avec un facteur de corrections modifié pour inclure les chômeuses
comme on l'a fait dans les calculs pour les enfants de 0 à 5 ans.
Le tableau des prévisions en services de garde pour les enfants
de 6 à 11 ans dont la mère travaille ou est en période de
chômage est le suivant. Pour l'année 1985, à cause du
travail de la mère, il y a un besoin de 217 294 places. Besoins
causés par d'autres activités des mères, comme pour les
enfants de 0 à 5 ans, les autres activités des mères
telles que études, militantisme, bénévolat, etc., feront
augmenter le nombre de places à prévoir pour les enfants de 6
à 11 ans. Ce facteur sera probablement moins important que pour les
enfants de 0 à 5 ans, étant donné que la mère peut
souvent planifier ses activités pour les faire en partie durant les
heures que les enfants passent à l'école.
Besoins causés par les activités des pères. Parmi
les pères en charge de famille monoparentale, on peut prévoir que
ceux qui auront des enfants de 6 à 11 ans auront besoin des services de
garde à près de 100%. Besoins causés par d'autres
facteurs, pour des besoins d'encadrement, nutrition et autres, on doit
prévoir des places pour un certain nombre d'enfants ayant des besoins
spéciaux.
Conclusion, les besoins aux services de garde pour les enfants de 6
à 11 ans, en dehors des heures scolaires, le midi, avant et après
l'école, journées pédagogiques, congés et vacances,
doivent atteindre 250 000 places en 1985. Donc, en
1985, selon notre estimation, il y aura 500 000 ou 600 000 enfants de 0
à 11 ans qui auront besoin régulièrement d'un service de
garde.
Mme Cartier: Pour terminer, M. le Président, j'aimerais,
en termes de résumé, vous lire la conclusion du document "Dossier
garderies" qui est un document officiel de la CSN adopté par le Conseil
confédéral, qui résume nos revendications et vous fera
comprendre le sens de notre mémoire.
Nos revendications vous retrouvez cela à la page 77 du
document sur les garderies. Premièrement, en termes de capacité
pour une garderie, un minimum de 20 enfants et un maximum de 75; ouverte selon
les besoins particuliers des usagers à chaque quartier;
entièrement gratuite pour les usagers; entièrement
subventionnée par l'État; sous la gestion des parents usagers, en
collaboration avec le personnel; acceptant tous les enfants de moins de 6 ans,
sans discrimination de sexe, de race ou de religion; acceptant aussi les
enfants avec handicap léger, mental et physique, en tenant compte de
leurs besoins, en établissant les ratios et les équipements
nécessaires; répondant aux besoins de toutes les familles sans
exception dans toutes les régions de la province; logée dans les
écoles primaires et là, il y a un mot qui est
biffé, on vous en a avisés par télégramme, c'est
une erreur de typographie ou dans tout local public le mot
suivant est aussi biffé et pouvant être
aménagé suivant les normes du ministère des Affaires
sociales. (10 h 45)
Tout coût de transformation ou aménagement jugé
nécessaire, ainsi que l'achat du mobilier assumé par
l'État; doté d'un personnel compétent, à un ratio
que nous jugeons au strict minimum de un pour quatre pour les moins de deux
ans, et de un pour sept pour les deux à six ans; offrant un service de
transport pour chercher les enfants à domicile, si besoin est, et pour
accompagner les enfants à la maternelle, si désiré par les
parents; cours de perfectionnement offert au personnel non
spécialisé, mais qui désire le devenir, dans un programme
reconnu de formation en cours d'emploi; que les budgets de financement des
garderies soient suffisants pour des conditions de travail adéquates, un
salaire décent, et que tous les avantages sociaux habituels soient
assurés aux travailleurs et travailleuses en garderie, tout en
favorisant leur syndicalisation; garde parascolaire: Après les heures de
classe, pendant l'été, les jours fériés, les
journées pédagogiques et contrôlée par les parents,
comme dans le cas des autres garderies.
Cela termine, M. le Président, la présentation de notre
position.
Le Président (M. Boucher): Merci madame. M. le
ministre.
M. Lazure: M. le Président, c'est certainement un des
dossiers le mieux préparé que nous ayons entendus à cette
commission. Je félicite bien sincèrement les responsables de la
CSN qui ont travaillé à ce dossier. Je veux les assurer aussi que
nous partageons, au gouvernement, vos objectifs.
Je ne veux pas répéter tout ce qui a été dit
la semaine dernière, surtout aux premiers groupes qui nous ont
présenté des mémoires, mais nous demeurons engagés
à la création d'un grand nombre de garderies, du nombre le plus
considérable possible. À savoir maintenant si on doit avoir ce
que vous appelez le réseau universel gratuit pour répondre aux
besoins des 250 000 enfants de moins de cinq ans en 1985, c'est une autre
question.
Je vous mets au défi de trouver un pays, autant en Europe
occidentale qu'en Amérique ou en Europe centrale, dans les pays
socialistes, qui ait développé des places de garderie pour
répondre à 100% des besoins, comme ce que vous réclamez.
J'ai des connaissances personnelles des systèmes de garderies dans
beaucoup de pays. Je pense que ça fausse un peu le débat que de
réclamer, comme vous le dites, de revendiquer la création de
places en garderie pour satisfaire les besoins à 100%.
On débouche inévitablement sur votre désaccord
quant à la garde en milieu familial. Mais, avant d'arriver à la
garde en milieu familial, je veux quand même faire quelques commentaires
additionnels et poser trois ou quatre questions.
D'abord, les commentaires: Je pense qu'il est utile, durant cette
deuxième semaine, de répéter encore une fois que, pour
nous, l'implantation d'un réseau de garderies, le plus complet possible,
est conditionnée à une seule chose, soit notre capacité de
payer les coûts. On ne peut pas, à la fois, comme gouvernement,
diminuer quelque peu les impôts et, en même temps, vouloir
instaurer des services nouveaux qui coûteraient littéralement des
centaines de millions de dollars par année. Un réseau complet
gratuit de garderies, c'est littéralement au moins $500 millions par
année, celui dont vous parlez. C'est une contrainte qui est celle de
tous les gouvernements, que d'appliquer une chose souhaitable, comme peut
l'être le soin de garde, dans la mesure où nos moyens nous le
permettent. Je vous répète que, même si le projet de loi ne
contient pas l'engagement de créer un réseau complet de
garderies, les crédits affectés par le gouvernement aux services
de garde sont là pour témoigner d'un engagement très
sérieux. Quand on passe de $3 500 000 à $22 500 000 en trois ans
et qu'on s'engage à aller à $32 500 000 dans quelques mois, au
mois d'avril prochain, je pense que ça témoigne d'une
volonté de rattraper le temps perdu.
Je partage votre avis que la situation actuelle est déplorable,
avec les 16 000 places en garderie que nous avons actuellement. Si on se
compare à nos voisins ontariens, il faudrait doubler
immédiatement le nombre de garderies pour arriver au même niveau
qu'en Ontario. Je suis conscient de ça, on est conscient de ça.
Je vous pose la question j'aimerais que vous y reveniez tantôt
comment se fait-il que même si nous avons envoyé au
ministère une lettre à tous les établis-
sements du réseau des Affaires sociales, il y a un an et demi
déjà, les enjoignant de mettre sur pied des garderies, là
où il y avait des espaces, comment se fait-il que la CSN en particulier
et les autres syndicats n'ont pas joué un rôle plus actif qu'ils
ne l'ont fait, n'ont pas agi, à ma connaissance, de façon bien
militante dans les hôpitaux, dans les centres d'accueil, dans les CLSC,
pour la création de garderies là où il y a des espaces? Il
y a beaucoup d'hôpitaux où il y a des espaces pour créer
des garderies. Nous avons appliqué une certaine pression sur la partie
patronale, et je vous avoue que je suis un peu déçu
à moins que votre réponse soit tout à fait inattendue
de l'absence d'action de la CSN dans ce domaine.
Vous le savez, nous posons un geste à partir du mois d'avril, en
ce qui touche le financement direct aux garderies. Ce n'est probablement pas
suffisant mais c'est certainement un pas dans la bonne direction, et quant
à la mise sur pied de nouvelles garderies, et quant aux conditions de
subventions que nous avons depuis le 1er septembre ce n'est pas une
promesse, c'est déjà en vigueur depuis le 1er septembre
nous avons rehaussé les subventions de démarrage. De $12 000
qu'elles étaient au maximum, elles sont passées à $30 800.
Je pense que vous avez un devoir considérable pour nous aider à
répandre cette information. Nous allons entreprendre une campagne
d'information parce que avec une subvention de démarrage de $30 800, il
est relativement facile à l'avenir de mettre sur pied une nouvelle
garderie. Il y a le problème des garderies existantes, qui ont encore
des subventions de renouvellement d'équipement insuffisantes et nous
allons nous en occuper.
Je reviens un peu en arrière pour parler de la garde en milieu
familial. "C'est la garderie qui correspond le mieux et je vous cite
aux besoins du développement des enfants." C'est une opinion et
je ne veux pas engager de débat là-dessus, mais je pense que
personne n'a la vérité à ce chapitre, ni la CSN, ni le
ministère des Affaires sociales. La garderie rend d'excellents services
aux jeunes enfants, mais la garde en milieu familial peut aussi rendre
d'excellents services. Elle en a rendu depuis des générations et
des générations et va continuer d'en rendre, qu'on la
subventionne ou pas. En subventionnant la garde en milieu familial, on ne fait
que reconnaître un choix de plus aux parents. C'est aux parents à
décider, ce n'est pas à la CSN ou au gouvernement. Le parent
décidera s'il veut envoyer son jeune enfant à la garderie du
quartier, à la garderie en milieu de travail ou en garde familiale.
J'arrive aux questions... Vous dites que l'office a trop de pouvoirs.
Est-ce que vous pourriez nous préciser un peu le genre de pouvoirs que
vous voudriez qu'on enlève à l'office? Deuxièmement, vous
dites quelque part qu'il y a des règlements actuels qui freinent
l'implantation de garderies. Je voudrais bien savoir quels sont ces
règlements, parce que je veux autant que vous qu'on développe des
garderies au maximum. Troisièmement, vous dites que la garde en milieu
familial se fera "au détriment des garderies". En quoi le fait de donner
des subventions aux parents qui veulent placer leurs enfants en garde familiale
peut-il nuire au développement des garderies?
Voilà les trois principales questions que j'avais à poser,
M. le Président, mais, encore une fois, je vous félicite pour
l'excellent travail que vous avez fait en nous présentant ce
mémoire.
Le Président (M. Boucher): Mme Cartier.
Mme Cartier: Vos paroles nous confirment dans notre
méfiance, c'est-à-dire qu'on ne sent pas la volonté,
même à long terme de créer un réseau universel et
gratuit de garderies. Vous prétendez que cela n'existe nulle part
ailleurs. Vous ne manifestez pas la volonté de l'établir
même à long terme. Notre méfiance vient de là aussi.
On a l'impression que, de toute façon, cela va s'arrêter à
mi-chemin, qu'il n'y a pas de volonté politique d'en créer
même à long terme. Voilà qui explique notre première
méfiance, parce que nous tenons beaucoup à cette revendication.
Nous croyons que les services de garderie sont aussi nécessaires et
importants et un droit équivalent à celui de la santé et
de l'éducation. On assiste à une baisse d'effectif scolaire, par
exemple. On ne comprend pas comment on ne pourrait pas compenser par une
augmentation des services en garderie. Cela nous apparaît un service
essentiel et absolument nécessaire à l'égalité des
femmes sur le marché du travail. Tant qu'il n'y aura pas un service
comme celui-là, cela va être complètement fallacieux de
parler d'égalité des femmes sur le marché du travail.
C'est notre conviction la plus profonde et c'est la condition que nous vivons,
en tant que femmes au travail, et cela nous apparaît absolument
fondamental.
Vous dites que c'est facile de créer des garderies. Ce n'est pas
ce que nous vivons. Les garderies, pour qu'elles soient maintenues on
l'a mentionné à plusieurs reprises dans nos documents se font aux
dépens des gens qui les font vivre, aux dépens des conditions de
travail des employés qui sont là-dedans. C'est une
véritable exploitation de la main-d'oeuvre, ce qu'il faut faire dans les
garderies pour les maintenir. Notre méfiance vis-à-vis de la
garde en milieu familial, c'est un des éléments aussi, c'est du
"cheap labor" que d'inciter à la garde en milieu familial. Vous dites
que c'est une opinion, notre préjugé favorable à
l'égard des garderies. On pense que c'est une opinion qui est
très largement répandue et que pour que les gens aient
véritablement le choix, il faut qu'il y ait un réseau accessible.
Tant que les gens n'ont pas le choix, s'ils vont en milieu familial, ce n'est
pas nécessairement parce qu'ils préfèrent cela, c'est
parce qu'il n'y a pas autre chose. S'il y avait un véritable choix, on
pourrait peut-être vérifier dans les faits quelle partie de la
population préférerait envoyer toujours ses enfants en milieu
familial. Ce choix n'existe pas à l'heure actuelle. Il est
extrêmement difficile à préciser. Tant qu'il n'y aura pas
ce choix, je pense que c'est assez difficile.
Vous nous demandez comment il se fait qu'à la CSN, on n'a pas
participé de façon plus militante je pense que c'est ce
que vous avez utilisé comme terme à l'implantation des
garderies en milieu de travail. Il y a une question de financement aussi. Cela
coûte cher. Je viens de Sainte-Justine. C'est un hôpital que vous
connaissez bien, M. le ministre. Vous avez été là. Il y en
a une garderie à Sainte-Justine. Cela coûte cher, de telle sorte
que la majorité des enfants qui sont là sont plutôt les
enfants de cadres ou de médecins ou de personnel qui a un salaire
supérieur. C'est un réseau gratuit qu'on revendique, parce que
les gens qui ont des salaires ordinaires comme les gens dans les
hôpitaux, la majorité des gens dans les hôpitaux, n'ont pas
les moyens de se payer une garderie. La principale condition
d'accessibilité, c'est la gratuité. C'est une des raisons pour
lesquelles il n'y a pas plus d'enthousiasme que cela. C'est extrêmement
difficile à implanter aussi, malgré que vous ayez l'air de
trouver que c'est très facile, mais tous les gens ici, à part moi
qui n'ai pas le malheur d'avoir des enfants dans la situation actuelle, les
gens qui m'entourent ont tous des enfants, ils ont participé à
une mise sur pied de garderie et la facilité que vous semblez tenir pour
acquise, ce n'est pas l'expérience que les gens ont. C'est difficile de
mettre sur pied une garderie et de la maintenir sans avoir l'impression qu'on
est des exploiteurs envers les gens qui la font marcher quotidiennement. C'est
un sentiment que nous n'aimons pas sentir non plus, que nous sommes des
exploiteurs!
M. Lazure: Peut-être une remarque, M. le Président,
si vous le permettez. Je dis que c'est facile depuis le 1er septembre. Je n'ai
pas la naïveté d'essayer de faire croire au monde que cela a
été facile jusqu'ici. Mais depuis le 1er septembre, avec les
subventions de démarrage qui ont pratiquement triplé, j'ai dit
que c'était devenu relativement facile au plan financier et je
parlais des garderies en milieu de travail dans le réseau des affaires
sociales plus spécialement. Je maintiens, encore une fois, que l'action
des syndicats a été relativement minime à cet
égard, malheureusement. (11 heures)
Je pense que la CSN ne peut pas s'en laver les mains en disant tout
simplement: Nous attendons le jour J où il y aura gratuité
complète. Parce qu'à ce moment-là, c'est d'amener les
troupes dans un rêve qui est assez embêtant pour les enfants de ces
troupes.
Je ne pense pas, comme vous le dites, que ce soit difficile de
créer une garderie en milieu hospitalier, pour en avoir
créé deux moi-même, sans fausse modestie, à
Rivière-des-Prairies et à Louis-Hippolyte-Lafontaine, où
vous avez des syndiqués. Cela n'est pas difficile dans le milieu
hospitalier. C'est difficile en quartier, j'en conviens, c'est très
difficile, en quartier populaire, de trouver un local. Mais dans un
hôpital qui est le moindrement considérable, cela n'est pas
difficile.
Je veux tout simplement ajouter à ce petit échange sur
l'action de la CSN, par rapport à la création de garderies, que
vous ne pouvez pas prétendre que c'est difficile dans ces
milieux-là, puisque nous faisons l'impossible, au plan des lieux
physiques, pour faciliter la chose. Si vous dites: Nous, on n'est pas
intéressé à travailler avec vous dans ce sens, jusqu'au
jour où c'est gratuit, c'est une autre affaire. J'espère que ce
n'est pas ce que vous dites.
Mme Cartier: Est-ce que je dois conclure, M. le ministre, que les
demandes du front commun vont trouver une oreille favorable?
M. Lazure: Justement, M. le Président, je savais que
j'ouvrirais cette porte, et je suis content que vous ayez répondu
à l'appel. Je pense qu'il n'est pas correct qu'une centrale comme la CSN
qui s'occupe d'un problème qui touche autant les travailleuses, ne s'en
occupe qu'une fois par trois ans, au moment de la grande convention collective.
Je vous ramène à la tâche quotidienne d'édifier
quelque chose dans la société, quelque chose qui s'appelle les
garderies. Je réponds tout simplement à ça qu'il n'est pas
nécessaire, dans l'état actuel des choses, d'avoir des clauses
dans une convention collective; vous savez fort bien qu'il y a une vingtaine
d'hôpitaux qui ont actuellement des garderies, sans qu'on ait eu besoin
d'attendre la convention collective.
Mme Cartier: Mais ça aide de le faire une fois par trois
ans, M. le ministre, parce que ça entre dans le mouvement un beaucoup
plus grand nombre de gens. Ce ne sont pas tous les gens, localement, qui ont
toutes les facilités et ce ne sont pas tous les employeurs qui ont fait
des garderies, comme vous en avez faits dans deux hôpitaux. À
Sainte-Justine, cela a été beaucoup plus long et beaucoup plus
difficile que ça, pour m'en être occupé moi-même,
cela a pris des années avant que ça débouche. J'ai
participé moi-même au tout début aux négociations
pour implanter une garderie et cela nous a été refusé
pendant des années et des années.
Cela date de longtemps, cela n'a pas commencé hier. Je vous passe
Monique qui a d'autres éléments à ajouter sur une de vos
questions à laquelle je n'ai pas encore répondu.
Mme Simard (Monique): Pour faire une mise au point sur les
garderies en milieu de travail, il n'y en a certes pas en nombre suffisant.
Cependant, les employeurs ne sont pas tous aussi réceptifs que le Dr
Lazure l'était à l'époque; pour avoir été
mêlée moi-même à un projet de garderie à
l'hôpital Saint-Jean-de-Dieu... La structure de ces garderies
était différente, parce qu'il y avait une ouverture de
l'employeur et était différente des autres garderies qui
existaient en milieu de travail. Il n'y en a pas en nombre suffisant,
cependant; où il y en a, c'est la CSN qui est majoritaire partout. La
revendication du Front commun tente d'ouvrir des portes à certaines
barrières patronales qu'on peut rencontrer au moment de rendre les
locaux dispo-
nibles, de les aménager conformément à certaines
normes.
Cependant, l'obtention de locaux, ce n'est qu'une partie du
problème des garderies en milieu de travail. Une fois que les locaux
sont là, qu'il faut faire opérer la garderie, 90% des
problèmes sont encore là, à savoir le personnel, la
rémunération de ce personnel, etc., et c'est extrêmement
difficile et ça demande des énergies incroyables.
Je vais revenir à la garde en milieu familial. Vous avez
posé une question, en ce sens qu'on dit que ça peut nuire au
développement de la formule garderie. Essentiellement, notre position
est la suivante: la garde en milieu familial existe, elle a toujours
existé, elle n'est pas toujours mauvaise, on ne dit pas ça du
tout. Je ne voudrais pas qu'on se trompe sur notre opinion de la garde en
milieu familial. Cependant, de reconnaître, de contrôler, de
créer des espèces d'agences comme vous proposez dans le projet de
loi, qui auront à recruter des gens qui offriront ce service, avec des
permis, nombre de places, etc., quant à nous, peut, d'une certaine
façon, nuire au développement des garderies, puisqu'on sait, de
toute façon, que les subventions, les budgets que vous accordez sont
quand même assez restreints et que vous êtes obligé de faire
des choix, quant à l'accord des permis, si je ne me trompe pas, ainsi
que pour les subventions, etc.
Or, vous prévoyez développer tant de places en milieu
familial, tant de places en garderie; quant à l'octroi de permis de
garde en milieu familial dans un quartier donné, qui engagerait tant
d'argent, on pourrait dire: Dans ce quartier-ci on n'a plus d'argent pour faire
démarrer une garderie, on va aller donner de l'argent ailleurs. On
craint ça, d'une part.
D'autre part, sur le fond même je pense que
vous-mêmes, M. le ministre, avez fait des déclarations à ce
propos c'est vrai que la garde en milieu familial, on ne peut
peut-être pas contrôler la qualité de ce genre de service
comme on peut le faire en garderie. Cela nous inquiète d'une certaine
façon; c'est un service instable; toutes les femmes qui ont des enfants
et qui ont eu recours à ce service le savent. C'est souvent instable et
on a difficilement le contrôle sur ce qui peut se faire dans une maison,
contrairement à une garderie où les parents peuvent participer
activement au fonctionnement.
On a des craintes à ce sujet. Je dois vous avouer que, dans le
projet de loi, c'est très peu explicite; on peut donc se permettre
d'avoir des craintes.
Quant à l'ensemble du projet de loi, quand on dit: On pense que
l'office a trop de pouvoirs, on pense qu'il peut faire de la
réglementation qui, d'une certaine façon, peut freiner
l'implantation de garderies; on n'est pas les seuls à trouver ça.
C'est-à-dire que le projet dit, somme toute: L'office établira
tel ou tel règlement, l'office établira les conditions qui
pourront permettre l'obtention de permis, qui pourront déterminer les
conditions qui feront qu'on puisse révoquer un permis, les garderies
devront fonctionner de telle façon, la garde en milieu familial devra
fonctionner de telle façon, qu'il faut tel genre de personnes avec
telles qualifications, etc. Il n'y a pas d'indication quant à ce qui est
prioritaire dans le projet de loi, ça va être laissé
à l'office de le déterminer.
M. Lazure: Excusez. Ma question portait sur votre citation que
les règlements existants freinaient le développement de
garderies.
Mme Simard: Actuellement, dans les garderies je pense que
vous n'êtes pas sans le savoir on rencontre les doubles
juridictions en matière de garderie municipale, provinciale, etc., ce
qui fait qu'il y a plusieurs garderies qui, par exemple au niveau physique,
correspondent à l'une, mais ne correspondent pas à l'autre et
n'arrivent pas à avoir leur permis de fonctionnement. Pour les quotas,
il faut présenter la preuve de la clientèle pour pouvoir
l'ouvrir, ce sont des règlements ou des directives qui gênent
beaucoup les garderies dans le processus d'implantation. Je pense que
là-dessus, les regroupements de garderies et les gens qui travaillent
quotidiennement dans les garderies peuvent être beaucoup plus explicites
que nous. Moi-même, en tant que parent d'un enfant en garderie, je sais
que c'est constamment une espèce de tracasserie de règlements,
qu'on a beaucoup de difficulté à résoudre, parce qu'on est
tellement pris à la gorge financièrement, et qu'on doit se
contenter de locaux qui ne font pas nécessairement notre affaire, mais
on n'a pas le choix, si on ne se contente pas de ceux-là et qu'on
n'accepte pas ceux-là, il n'y a plus de garderie, elle ferme.
Vous-même l'avez dit, c'est déplorable, au niveau
quantitatif, au niveau de la possibilité, je ne dis pas que vous
ne faites pas des efforts dans le sens de modifier la situation depuis le 1er
septembre mais il y a quand même une situation qu'il faut
reconnaître et je ne pense pas que le projet de loi puisse
résoudre ces problèmes à court terme.
Le Président (M. Boucher): Merci, Mme Simard. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: À mon tour, je voudrais remercier et
féliciter la CSN pour son mémoire. Il contient des tableaux
extrêmement intéressants, entre autres, la comparaison pour les
ratios entre les différentes provinces, je ne l'avais pas eu à ma
disposition; je vous en remercie, ça peut être fort utile. Si
j'avais eu ce tableau plus tôt, il y a eu des discussions, ici, il aurait
pu être fort utile.
J'entends le ministre, d'ailleurs, il aime le répéter
chaque fois, et je suppose que si j'étais à sa place,
peut-être ferais-je la même chose, parler de tous les millions qui
sont investis d'année en année dans le réseau des
garderies. D'abord, il faut se rappeler et cela, je le donne comme
exemple que le premier réseau de garderies accepté par le
gouvernement l'a été en 1974, deux ans avant la prise du pouvoir
par le Parti québécois. Le ministre fait toujours état des
$3 500 000.
Ce que je voulais vous signaler, c'est qu'il s'agissait en fait de plus
de $4 millions qui avaient été prévus en 1976/77, mais qui
n'ont pas été dépensés, même si, à ce
moment-là, le gouvernement actuel a été au pouvoir pendant
six mois. Le ministre en conviendra lui-même, même si on a
prévu $10 millions cette année, ce qui nous mène à
$22 millions, ce n'est pas sûr qu'on puisse dépenser ces $22
millions, et je trouve un peu amusant qu'on se rende dans les $32 millions et
les $42 millions pour l'année suivante. Évidemment, ça
permet d'en parler plusieurs années successivement, je pourrais
même dire consécutivement, parce qu'on ne sait pas encore ce qui
va arriver des $22 millions, mais on nous entretient déjà des $32
millions, etc. C'est de bonne guerre, ça permet de la bonne
publicité.
M. Lazure: C'est de la planification.
Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, il y a un groupe qui est venu
réclamer des chèques qu'il devait avoir. Paraît-il qu'ils
vont sortir. Les gens ne les avaient pas encore eus, même si ça
fait six mois que c'est annoncé.
À tout événement, je dois vous dire qu'il y a des
choses sur lesquelles je partage absolument votre point de vue. J'ai eu
l'occasion de le dire ici, que ce n'était pas uniquement le cas du
gouvernement actuel, que ça avait été le cas du
gouvernement précédent. On développe le réseau des
garderies ou les services de garde avec ce qui reste, et à la suite de
la pression qui se fait sentir chez les groupes organisés pour le
développement des services de garde. C'est fort évident que les
conditions de travail des gens en garderie... Vous dites que si elles
continuent de vivre, en grande partie, c'est dû au
bénévolat des parents, c'est dû au dévouement du
personnel qui s'y trouve. Je pense que même cela, le ministre ne le
contesterait pas.
Je fais la comparaison parce que je suis familière avec le milieu
de l'éducation. Si je compare la tâche du professeur de
maternelle, qui est directement auprès des enfants au plus 25 heures,
alors que les gens des garderies sont venus nous dire qu'ils étaient
auprès des enfants durant une période variant de 35 à 40
heures par semaine, les conditions sont souvent différentes. Si on
considère le milieu physique des maternelles, au moins dans les
écoles nouvelles, et même dans les anciennes écoles, d'une
façon générale je parle pour la région de
Montréal ce sont des locaux vraiment adaptés. Et si on
fait, évidemment, la différence dans les salaires, dans toute la
sécurité d'emploi, etc., il n'y a pas de comparaison possible.
C'est dans ce sens que je dis qu'on a développé et qu'on continue
de développer le service de garde pour les enfants d'âge
préscolaire à partir des miettes ou de ce qui reste dans les
budgets des gouvernements.
Votre inquiétude concernant la garde en milieu familial, je la
partage jusqu'à un certain point. C'est évident que si on compare
les $12 qui, présentement, avec les $2 supplémentaires...
M. Pagé: Au mois d'avril prochain, les $12, c'est $10
actuellement.
Mme Lavoie-Roux: Si on compare les $10 avec les $6, je trouve que
c'est évidemment une façon de garder les enfants qui va
coûter beaucoup moins cher que le développement d'un
système de garderies proprement dites. Je pense néanmoins
et c'est là-dessus que, peut-être, je suis moins d'accord avec
vous qu'il y a des régions, des milieux géographiques
où la nécessité, compte tenu du petit nombre d'enfants, de
garde en milieu familial peut être une solution aux problèmes des
femmes, là où les populations sont moins nombreuses. (11 h
15)
Mais il y a certainement ce risque inhérent qu'on
développe, du moins, à première vue, pour un certain
nombre de femmes, une sorte "d'appât " que, tout à coup, elles
pourraient gagner des sous à domicile et qu'à ce moment on
ralentisse le développement des garderies. En tout cas, le danger est
là. Je pense qu'il est trop tôt pour être absolu, en tout
cas, de mon côté, pour dire: C'est cela qui va se produire, mais
c'est certainement un élément dont il faudra tenir compte.
Évidemment, la façon dont toutes ces garderies ou ces
gardes en milieu familial se développeront, la surveillance qui serait
assumée, de qui elles relèveront, etc., ceci reste à
voir.
J'étais heureuse de voir que madame parlait de l'ouverture
d'esprit des employeurs dans le cas des organismes parapublics quant à
la possibilité de développer des garderies et je suis certaine
que, dans le cas de Louis-Hippolyte-Lafontaine et Rivière-des-Prairies,
ce fut le cas. Je peux dire, en toute modestie, comme le disait
également le ministre, que quand j'étais à la CECM on a
débloqué, en 1972, la garde à l'heure des dîners
pour les enfants d'âge scolaire.
Mais remarquez bien que, dans les milieux respectifs des écoles,
il y a eu beaucoup de résistance, mais, au moins, le processus a
été enclenché et, à l'heure actuelle, cela
fonctionne relativement bien. Mais cela dépend beaucoup de l'ouverture
et, quand le grand patron est d'accord, il y a des bonnes chances, au moins,
que la chose se mette en marche. Mais vous avez raison de dire que ce n'est pas
le cas dans un grand nombre d'institutions, parce qu'on dit: Bien, cela va
créer plusieurs problèmes.
Il y a également les sentiments que le grand patron ou la grande
patronne peut avoir à l'égard du développement des
services de garde. Enfin, il y a des préjugés. Vous en avez
énuméré plusieurs dans votre mémoire le plus
épais.
Tous ces facteurs jouent et cela reste difficile de développer
des garderies, même en milieu de travail. D'ailleurs, le ministre nous a
dit que dans le milieu de l'entreprise privée, où il avait fait
une espèce de sondage dernièrement, il n'y a eu que 5
réponses sur 150, si je ne m'abuse et, des 5, personne n'était
intéressé.
M. Lazure: C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: Alors, je pense que cela confirme le fait que,
même si l'allocation de démarrage est augmentée de
façon significative, cela ne veut pas dire que, du jour au lendemain,
ceci va débloquer et rendre les choses plus faciles. C'est certainement
un élément. On a eu l'occasion également de discuter,
quant au développement des garderies de quartier, des difficultés
auxquelles les parents font face et de la nécessité qu'ils soient
mieux épaulés, mieux équipés. On nous a
relaté que c'est un processus d'environ un an avant que finalement on
puisse finir par mettre sur pied une garderie de quartier et ceci, je pense,
quand tout se déroule selon un processus relativement normal, ce qui
évidemment a pour effet de décourager les parents.
Ces difficultés d'implantation existent dans tous les milieux et
je pense que cela prend énormément d'efforts des gens
intéressés pour arriver à déboucher sur quelque
chose de concret. Je trouve amusant de revoir dans votre mémoire le
programme du Parti québécois et j'entendais le ministre dire
c'est extraordinaire comme le pouvoir donne la sagesse: La
capacité de payer des gouvernements, etc. Mais je ne veux pas non plus
faire de démagogie, sauf que, comme je le dis, le pouvoir donne beaucoup
de sagesse.
Il reste que je vous rencontre quand vous dites que, tant que les
gouvernements n'auront pas une volonté plus ferme de développer
des services de garde de qualité et des services de garde
nécessaires, on sera dans cette continuelle ambivalence à savoir
si les femmes peuvent vraiment aller sur le marché du travail ou si
elles doivent rester à la maison.
Il y a aussi dans la population il ne faut pas l'oublier
une ambivalence, même chez les femmes, à cet égard. Mais je
pense que le gouvernement doit assumer un rôle de leadership dans la
question de l'égalité des chances, et c'est peut-être dans
ce sens qu'il a la responsabilité particulière de poser des
gestes en conséquence.
À la page 9 de votre mémoire, vous dites...
Là-dessus, je tiens à le dire parce que je trouve qu'on est un
peu absolu dans ses jugements. Il y en a qui l'ont fait, peut-être dans
des termes autres, mais personnellement je tiens à souligner que je ne
partage pas absolument ce jugement. En haut de la page, en parlant des femmes
qui gardent leurs enfants chez elles: "Ceci a pour effet de faire faire
isolément et à bas prix, par une femme au foyer, des tâches
qui devraient être exécutées socialement par du personnel
qualifié et rémunéré en conséquence dans des
locaux aménagés pour une garderie". Là, vous faites
évidemment allusion à la garde en milieu familial, et vous voulez
vous assurer de la qualité de la garde en milieu familial. Je pense que
ça a une espèce d'implication à savoir que des femmes au
foyer n'auraient pas nécessairement les qualités pour s'acquitter
de ces tâches. Je trouve que c'est un peu absolu comme jugement, et je
tiens à le souligner parce que, si on a une tendance à
développer la garde en milieu familial, c'est que traditionnellement,
avec un ou deux enfants, on a assisté à ceci dans le
passé, soit parce qu'on requérait les services de la voisine, de
la grand-mère, etc. Pour les parents c'était une
sécurité, parfois, de voir que l'enfant qu'ils confiaient
à quelqu'un avait un lien affectif ou un lien assez étroit avec
cette personne. Je pense que c'est de là qu'on évolue vers la
garde en milieu familial.
Là-dessus, je pense qu'il faut être beaucoup plus prudent
parce que, à ce moment-là, ça peut être
l'appât du gain ou le désir d'avoir un revenu d'appoint, etc., qui
va entrer en ligne de compte. On ne peut pas être trop prudent quant
à toutes les dispositions qui doivent être prises pour assurer
qu'on ne sacrifie pas la qualité à une rémunération
qui, de toute façon, va demeurer très faible.
J'ai une seule question à vous poser. On est devant un dilemme,
je sais que vous allez me rétorquer: II s'agit d'une volonté
politique de l'État. Vous parlez d'un réseau universel et gratuit
de garderies. Je serais malhonnête de dire que, si on était de
l'autre côté, on vous le donnerait. Eux l'ont promis, mais je ne
pense pas que, dans les circonstances actuelles, la formation politique...
M. Lazure: Par étapes.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais vos étapes sont longues et
ça va vous mener à quoi? À l'an 2000? Oui, par
étapes, une chance que vous avez trouvé ce vocabulaire depuis que
vous êtes rendus là. En tout cas, vous l'avez quand même dit
et quelqu'un a ajouté, la semaine dernière, que vous assureriez
même le transport gratuit, que c'était aussi dans votre programme.
Oui, quelqu'un a dit que c'était dans votre programme, le transport
gratuit en plus du réseau gratuit.
M. Lazure: C'était dans une des versions, à un
moment donné.
Mme Lavoie-Roux: Vous vous êtes assagis. M. Lazure:
Oui.
Mme Lavoie-Roux: II reste qu'on est pris dans le dilemme à
savoir: Est-ce qu'on devrait mettre l'accent sur le développement de
plus de places de garderies, les "accélérer", entre guillemets
parce que de toute façon ce ne sera pas très
accéléré ou sur la qualité des places de
garderies qui existent, de celles qu'on va créer, ce qui veut dire
d'abord de meilleurs ratios, du personnel rémunéré d'une
façon convenable, des garderies qui pourront assurer une
stabilité? Je pense que ce choix est à faire, ce n'est
sûrement pas celui que la CSN ferait, j'en suis convaincue. Il reste que
dans la réalité des choses... Quand bien même le ministre
voudrait aller chercher une autre somme de $200 millions pour ses garderies, il
ne l'aurait pas demain matin. Je ne pense pas qu'on pourrait en
développer pour $200 millions, non plus, d'ici la fin de
l'année.
Cela, ça m'inquiète. Est-ce qu'on met l'accent sur les
conditions de travail sur la qualité de la garderie et de son
organisation, la stabilité de la
garderie ou si on continue d'émietter un peu sur un plus grand
nombre de places?
Mme Cartier: Sur la politique générale,
c'est-à-dire la volonté politique d'établir, à
moyen ou à long terme, un réseau universel et gratuit, quand on
retrouve, par exemple, à l'article 24 de l'avant-projet de loi que c'est
l'office qui est chargé de concevoir et d'élaborer une politique
générale de services de garde à l'enfance, ça nous
apparaît se décharger d'un problème à très
peu de frais.
On pense que, si c'est une volonté, si c'est un projet à
moyen ou à long terme, il doit y avoir relié à ça
une volonté politique et que ça doit être très clair
au départ, quitte à ce qu'il y ait des étapes. On pense
que c'est fondamental. Il ne s'agit pas juste de créer un office et de
dire à l'office: Faites une politique. Je pense que c'est
carrément se décharger de ses responsabilités politiques.
C'était une des choses, entre autres, qu'on reproche et qu'on trouve
excessives comme pouvoirs à l'office. Qu'on établisse la
politique et après on mettra les choses en place pour la mettre en
marche.
Je voudrais revenir sur une remarque de Mme Lavoie-Roux concernant ce
qu'on dit à la page 9 de notre mémoire. Comme l'a dit Monique
tantôt, on ne rejette pas comme étant complètement
condamnable dans l'absolu la garde en milieu familial, mais on ne pense pas non
plus qu'une femme au foyer ou en milieu familial est nécessairement
compétente pour s'occuper des enfants; on ne fait pas d'équation
entre ça. Peut-être y a-t-il des femmes qui sont parfaitement
compétentes pour s'en occuper. Elles pourraient probablement tout aussi
bien s'en occuper en garderie, ce n'est pas nécessaire que ce soit en
milieu familial, mais on trouve que c'est à peu près impossible
à contrôler. Je me rappelle ça fait longtemps que je
travaille, entre autres, dans le milieu hospitalier ou que j'y travaillais
avant d'être libérée à temps plein les
problèmes qu'il y a eu au sujet des asiles pour vieillards, par exemple,
des foyers qui se sont développés un peu partout, selon le
bénévolat des gens, et qu'on a été obligé de
fermer parce qu'on a découvert des choses absolument
épouvantables qui se développaient presque dans la
clandestinité. Je pense qu'il ne faut pas encourager ce genre de choses;
il faut que ce soit, s'il y en a, des exceptions et qu'on s'arrange pour
être capable de le contrôler tout aussi bien que dans les
garderies, parce que ça peut être aussi dangereux que toute autre
situation. Ce n'est pas parce que c'est un milieu familial que, tout à
coup, automatiquement, par une espèce de compétence innée,
ce serait favorable au développement des enfants. Or, la méfiance
qu'on a demeure là.
Je vais laisser la parole à Monique pour la deuxième
partie sur les étapes, qu'est-ce qu'on peut vérifier dans le
concret.
Mme Simard: Je voudrais simplement terminer là-dessus. On
ne condamne pas ce genre de personnes, mais on dit: Parce qu'elle n'a
peut-être pas le choix d'aller à l'extérieur, elle est un
peu prise dans la situation, souvent parce qu'elle aime beaucoup les enfants,
qu'elle veut avoir un revenu et n'a pas accès à d'autres genres
de travail, de faire ça seule chez elle sans support, alors que dans une
garderie il y a des supports, il y a d'autres personnes, il y a un
échange. Vous remarquerez qu'il y a toute une partie dans notre dossier
qui parle de la qualification. On ne privilégie pas la qualification
académique pour travailler avec des enfants. On dit: II y a des
aptitudes, il y a un goût inné de vouloir travailler avec des
enfants qui est très précieux et que souvent ces dames qui
gardent chez elles ont. Mais on leur demande de le faire à très
bas prix chez elles, seules. C'est souvent une surcharge de travail
incroyable.
Pour revenir aux étapes ou aux choix c'est une question
piège, je ne tomberai pas dedans on est très conscient du
coût d'une demande comme la nôtre; on ne va pas argumenter sur les
centaines de millions. On sait que ça coûte très cher, mais
on sait également que si on n'en fait pas une question de
priorité, comme le disait Mme Lavoie-Roux tout à l'heure, on aura
les miettes.
On évalue le nombre d'enfants en garderie à 250 000. Je
pense que nos statistiques sont assez réalistes; c'est un besoin
idéal de 250 000 places. Cependant, il y a entre les étapes et un
véritable processus, une véritable volonté d'y arriver
dans un temps donné, une marge. (11 h 30)
L'objectif, actuellement, c'est de créer 4000 places, je pense,
si je ne me trompe, l'année prochaine, en garderie, et 2500 en milieu
familial. C'est vraiment hors de proportion par rapport aux besoins et tout
cela.
M. Lazure: Cette année, c'est 4000 places en garderie et
500 en milieu familial.
Mme Simard: C'est cela. Ah! vous aviez dit 2000.
M. Lazure: L'an prochain, 4000 encore en garderie et 2000 en
milieu familial.
Mme Simard: C'est cela. Je ne trouve pas et nous ne trouvons pas
que ce soit suffisant, même dans une perspective étapée,
parce qu'on ne le fera tout de suite l'an prochain: 170 000 places, c'est quand
même très peu. Si, aussi longtemps que les gouvernements ne feront
pas de la question de la garde d'enfants préscolaires une
priorité, on va fonctionner à ce rythme-là, qui se rendra
jusqu'à l'an 2000 ou, encore, si on se mettait à calculer, je ne
suis pas sûre qu'on se rendrait à l'an 2000. Ce sera donc
passé, cela.
Quant à nous, on peut aussi nous qualifier d'étapistes. Je
ne veux pas dire qu'on l'est, mais on peut aussi nous qualifier
d'étapistes. Dans notre demande, par exemple, purement syndicale, dans
le cadre du front commun, on demande des locaux. On ne parle pas d'autre chose.
On dit: Libérez-nous, chauffer, assurez, aménagez des
locaux. On s'arrangera avec le reste. Cela peut être
qualifié d'étapisme aussi.
Cependant, on veut au moins que cette partie-là soit rapidement
faite, parce qu'on sait qu'il y a un gros blocage à ce niveau. Cela ne
veut pas cependant dire qu'on met de côté, pour autant, toute la
question de la qualité du service, des ratios, etc. On n'est pas
là pour faire des choix. Je pense qu'on peut faire la conjonction des
deux dans un plan raisonnable pour atteindre véritablement un objectif
qui doit être commun je pense qu'il l'est d'avoir un
réseau de services de garde qui répond aux besoins réels
de la population québécoise. C'est une question de
priorité. Si on n'en fait pas une priorité, quant à nous,
on n'aura jamais les moyens de pouvoir le réaliser, tant au niveau
quantitatif qu'au niveau qualitatif de ces services.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Je voudrais revenir sur une
remarque que vous avez faite tout à l'heure, c'est, je crois, Mme
Brisson, sur le fait que le ministre revient toujours en disant: On veut donner
le choix aux parents, etc. Je pense qu'une des résistances des parents
ce ne serait pas réaliste de ne pas l'observer c'est qu'ils
ont un peu peur des garderies, en disant: Dans des garderies, c'est un
numéro, tandis que, dans le milieu familial, il va y avoir plus
d'attention, etc. Mais là, il faut faire bien attention et faire la
différence entre le milieu familial traditionnel qu'on a connu,
où il y en avait un ou deux, et le milieu familial qu'on veut
créer qui est un milieu plus artificiel à bien des égards
et où les ressources vont être moins grandes, parce qu'une femme
pourra se retrouver avec cinq enfants ou deux personnes avec neuf enfants. Mais
je pense que si on travaillait et c'est pour cela que je vous posais la
question sur la qualité à vraiment améliorer la
qualité, quant au niveau du ratio, à ce moment, il pourrait
vraiment y avoir un choix, parce qu'à l'heure actuelle, les garderies
où vous retrouvez parfois non seulement parfois mais en
fait, des ratios élevés, ceci inquiète les parents et ils
semblent plus à l'aise de dire: II va y avoir moins de monde, mon enfant
va avoir plus d'attention. Je trouve cela très révélateur
de voir la différence des ratios entre le Québec et les autres
provinces. Je les ai regardés rapidement, mais il m'a semblé,
dans l'ensemble de toutes les provinces, que c'était ici que le ratio
était le plus élevé.
On a eu tendance à dire que les monitrices exagéraient
quand elles demandaient des ratios de 1-7. Mais il faut dire je pense
que le ministre Lazure serait sensible à cela, il l'est, j'en suis
convaincue, c'est qu'il n'est pas capable de vendre son idée à
d'autres l'importance qu'il attache à la petite enfance et les
soins qui doivent être donnés aux enfants d'âge
préscolaire dans les ratios de 1-10 et j'ai lu même, je pense, que
c'est de 1-10 pour les enfants de deux à quatre ans, le ratio
actuel.
M. Lazure: Le ratio actuel.
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'on peut convenir, M. le ministre,
que c'est assez fort.
M. Lazure: C'est un guide. Il y a beaucoup de garderies qui ont
un ratio effectif, un ratio réel de 1 sur 7 pour les enfants de 2
à 5 ans. Continuez, je vais essayer d'avoir la moyenne.
Mme Lavoie-Roux: ... du Québec, de 2 à 3 ans, c'est
de 1 sur 15, de 3 à 4 ans, 1 sur 15, de 4 à 5 ans, 1 sur 15, s'il
n'y a pas d'enfants-problèmes, je pense que ça peut aller. Mais
pour les ratios de 2 à 3 ans à 1 sur 15 et de 3 à 4 ans
à 1 sur 15, ça me semble très élevé. Quand
on compare, il y a l'Alberta qui a un ratio élevé, aussi,
à 1 sur 12; c'est le plus élevé après celui du
Québec qui est à 1 sur 15.
M. Lazure: M. le Président, encore une fois, ce sont des
ratios qui sont dépassés. La correction à faire, c'est
pour les 0 à 2 ans, 1 sur 7 pour le Québec, et non pas 1 sur
10.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Lazure: Pour les 2 à 5 ans, c'est 1 sur 10 et non pas 1
sur 15.
Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, j'avais parlé de 1 sur 10,
mais là, si vous le comparez à l'Ontario ou à la
Nouvelle-Écosse on se comparerait au Manitoba, peut-être
pas pour les 0 à 2 ans, mais pour les 2 à 3 ans et les 3 à
4 ans il reste que ce sont des ratios élevés.
M. Lazure: Cela reste à améliorer.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Je vous remercie, et je peux vous assurer
que tout ce que l'Opposition officielle pourra faire au moment de
l'étude article par article de l'éventuel projet de loi, c'est
que les mesures de surveillance à l'égard de la garderie en
milieu familial soient là. Également, essayer d'obliger le
gouvernement à énoncer sa politique un peu plus clairement.
D'ailleurs, je trouve intéressant ce que Mme Brisson disait parce que ma
première remarque, à l'ouverture de cet avant-projet de loi, a
été à l'égard de cette absence de définition
de politique; ça se résume strictement à la
création d'un office à qui on remet des pouvoirs qui restent
évidemment sous le contrôle du ministre. C'est assez exceptionnel
de créer un office à qui on demande de définir une
politique, alors qu'un office est habituellement créé pour
exécuter une politique ou mettre en opération une politique
gouvernementale; vous l'avez signalé et d'autres l'ont signalé
également. C'est à cet égard que nous allons
travailler.
Il y a une dernière remarque que je voudrais faire. Le ministre
fait beaucoup état de ces millions qu'il a ajoutés. Je ne
voudrais pas que la population se leurre, par exemple, à l'égard
des services de garde en milieu scolaire, et croie que les services de garde en
milieu scolaire devront
être assurés à l'heure du dîner, après
l'école. Je pense que le ministre a même ajouté les 20
jours de congé pédagogique. On prévoit pour ceci, en
1979/80, $700 000, et l'an prochain on prévoit $1 million. Je le savais
parce que cela avait été assumé par les taxes des
Montréalais et c'est encore assumé par les taxes des
Montréalais quand le programme de garderies à l'heure du lunch a
été mis en place. La CECM est venue nous dire qu'avec la
contribution des parents qui contribuent à 50% enfin, il y a
beaucoup de modalités, selon les milieux cela coûte $500
000 pour la garde du midi, uniquement à la CECM qui représente
à peu près 10% de la population.
L'an dernier, quand on a donné un petit montant pour faire un
essai de garde postscolaire, on leur a dit: N'y touchez pas pour la garde du
midi. La CECM a continué et a utilisé les $30 000 qui lui
étaient alloués pour des projets expérimentaux de garde du
soir, après l'école. Mais le $1 million là, on
parle de $700 000 cette année, parlons de $1 million l'an prochain parce
que ce sera une année globale je vous assure qu'il ne faudrait
pas que la population s'imagine qu'on va assurer des services de garderie le
midi, le soir, les journées de congé pédagogique ou
même pendant les vacances les vacances, c'est dans le programme du
Parti québécois, mais ça n'a pas été
mentionné pour l'année qui s'en vient pour moi, ça
me semble totalement insuffisant.
La seule chose sur laquelle le gouvernement peut compter, c'est que le
processus va être tellement lent que peut-être on ne manquera pas
d'argent. Mais penser que les services seront donnés d'une façon
adéquate dans l'ensemble du Québec en garde scolaire, c'est
s'illusionner, à mon point de vue, sans aucun doute.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Mégantic-Compton, en vous demandant d'essayer
d'accélérer étant donné qu'on a largement
dépassé l'heure.
M. Grenier: Non, j'ai l'intention de prendre mon temps,
même si vous me demandez cela. Je vous remercie, Mme Brisson, de nous
avoir présenté ces deux documents qui nous donnent un
éclairage tout à fait précis sur la situation. Vous
êtes un groupe qui oeuvre dans le milieu depuis assez longtemps, je pense
bien, pour nous donner un aperçu qui est assez différent
d'autres, puisque vous avez l'air de vous y connaître.
Vous avez, à la page 48, rappelé une partie du programme
du gouvernement et c'est de bonne guerre, bien sûr, de le faire. Quand on
dit, à l'article 4: "Mettre sur pied un réseau complet de
services de garde gratuit et à long terme". On a ajouté "à
long terme" parce qu'on s'est rendu compte que ce n'était pas tout
à fait pour être brassé rapidement, ces choses-là.
Il faut se méfier d'un programme de parti politique.
M. Lazure: Continuez à lire au bas de la page. M.
Grenier: Oui, je l'ai dit: "à long terme".
M. Lazure: Mais, en bas, c'est encore plus clair.
M. Grenier: Ah, les étapes. M. Lazure: C'est
cela.
M. Grenier: C'est Morin, qui a donné cela, les
étapes. Il l'a donné au niveau de la
souveraineté-association et on l'a mis dans toutes les choses où
il était possible de faire des étapes. C'est la trouvaille de
Claude Morin.
M. Paquette: Vous ne connaissez pas les étapes, vous
êtes aux balbutiements.
M. Grenier: Non, mais du train où on va là, il
serait peut-être intéressant de connaître que les
étapes, quand ce sera pour aménager des garderies pour le nombre
d'enfants que nous avons, si vous faites la déduction... Cela ne vous
dérange pas si je continue?
Mme Lavoie-Roux: On s'excuse.
M. Grenier: J'aime cela que vous vous excusiez. La discrimination
se fait à l'égard des hommes, comme vous le voyez ici. On
n'attaque pas quand ce sont les députés féminins qui
parlent; ce sont les hommes qui se font attaquer quand ils parlent.
Je voudrais dire que l'étape qui se présente dans
l'aménagement des garderies, si cela va bien, c'est une quarantaine
d'années et, si cela prend un peu plus de temps, ce sera cinquante ans.
Alors, on est mieux de parler d'étapes, je pense bien et vous le savez
avec le nombre de garderies qu'il faut organiser. Il faut être
réaliste et déduire que c'est véritablement cela. Si cela
va moyennement bien, c'est une quarantaine d'années et si c'est un peu
plus long, cela peut aller jusqu'à cinquante ans pour appliquer le
programme pour le nombre requis, tel que vous en faites mention dans votre
programme.
Basé sur ce programme, vous dites: "entrée
entièrement gratuite pour les usagers et entièrement
subventionnées par l'État". Bien, vous avez cru au programme et
vous aviez raison; c'est un document pour vous important, c'est le document qui
a fait élire le gouvernement. Alors, vous vous servez de cela à
l'article 3 et à l'article 4 de vos revendications, avez beaucoup
d'à-propos. C'est la différence entre un parti qui a
été le gouvernement et un qui ne l'a pas été. Quand
on n'a pas été le gouvernement, on peut se permettre
d'écrire des choses comme celles-là; quand on l'a
été une fois, on ne l'écrit plus. Je puis vous dire
cela.
M. Paquette: Notre programme n'a pas été
écrit sur un coin de table par des spécialistes.
M. Grenier: Comme me le disait un député du Parti
québécois, on n'est jamais trop pauvre pour faire des promesses.
Mais on se rend compte que, quand on est député, ce n'est plus
pareil. Alors, il
faudra, à l'avenir, être beaucoup plus
modéré. On se rappelle le budget très précis de
l'an 1 ; on s'est rendu compte que ce n'était pas trop rentable et on se
rendra compte, si on a des programmes comme celui-là, qu'il faudra avoir
les pieds plus à terre la prochaine fois, parce que ce n'est pas
sûr que la population croira à cela.
M. Lazure: Le député me permet-il une question?
M. Grenier: Non, je vous ai écouté tout à
l'heure, j'aime mieux attendre.
M. Lazure: Le programme de l'UN...
M. Grenier: Non, je n'ai pas permis de question.
M. Paquette: Vous n'avez jamais eu de programme.
M. Grenier: C'est clair, cela!
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci. Alors, je voudrais faire mes remarques, tel
que je dois les faire pour éclairer les gens qui sont ici, qui sont
très consciencieux et qui voient vraiment ce qu'ils ont en main, un
programme de parti et l'application se fait de façon fort
différente quand arrive une loi. Maintenant, c'est à
l'état de projet de loi seulement; ce n'est pas à l'état
de loi. Viendront d'autres étapes. Il y a des choses là-dedans
que j'accepte et d'autres que je n'accepte pas, bien sûr. Vous dites ici:
"On peut également maintenir des conditions de congé de
maternité", des choses que vous dites avant, "des allocations familiales
pour maintenir la femme au foyer". Je ne suis pas d'un milieu urbain; je suis
d'un milieu rural et j'ai une couleur rurale en ce sens que je connais beaucoup
mieux le monde rural, en dehors de Montréal et de Québec. Quand
je parle de monde rural, je parle des moyennes villes, comme Sherbrooke et
Rimouski, Chicoutimi et d'autres, il y a bon nombre de mères de famille
qui désirent rester au foyer. Il y a beaucoup de ces gens-là qui
sont contents de bénéficier d'apports,
d'à-côtés pour pouvoir demeurer au foyer.
On peut dire que c'est exploiter certaines femmes, certaines
mères de famille, mais il faut quand même être conscients,
devant une commission comme celle-ci, qu'il y a beaucoup de mères de
famille qui désirent demeurer au foyer et qu'il y a beaucoup de
mères de famille, également, qui désireraient y retourner,
une fois sorties du foyer. Je trouve que c'est un peu radical que de dire que
toutes ces choses sont pour demander et exiger que la femme reste davantage au
foyer. (11 h 45)
Ce que je pense qui est beaucoup plus vrai, en ce qui me concerne, c'est
à la page 51 de votre mémoire, quand vous dites: II peut s'agir
d'une volonté de contrôle administratif pour empêcher
l'évolution dans ce secteur, bureaucratie qui vise à
éliminer les garderies qui refusent le contrôle total de
l'État. Plus que jamais on a tendance à voir l'État tout
contrôler; cela a été vrai antérieurement et ce
n'est pas moins vrai aujourd'hui, c'est un peu plus vrai. Ce que vous dites
là, il y a longtemps que je me bats pour ça; vous le
découvrez, je pense bien que vous ne m'avez pas copié, vous
l'avez découvert par vous-mêmes, c'est tellement évident,
ce contrôle de l'État. Je pense que c'est un argument que vous
pourrez véhiculer et je vous aiderai largement à véhiculer
un tel argument; il est vrai, il est fondé. Honnêtement, ce n'est
peut-être pas plus vrai qu'au gouvernement central d'Ottawa, c'est la
mainmise de l'État par des hauts fonctionnaires, par des technocrates
qui aimeraient donner davantage de subventions pour avoir plus leur mot
à dire dans chacun des secteurs. Vous faites bien de défendre
votre secteur et on sera toujours là pour vous seconder; quand il sera
question de secteurs, d'entreprises privées, vous pouvez être
sûrs que vous pouvez compter sur nous, on est là et je pense qu'on
a fait notre marque de ce côté.
Dans votre document, dont vous nous avez fait part en premier lieu,
quand vous parlez de famille, de garde en milieu familial je reviendrai
sur le milieu scolaire est-ce que vous faites des distinctions entre le
milieu rural et le milieu urbain? Est-ce que vous verriez plus de souplesse
je pense qu'on s'entend là-dessus pour l'application de la
politique du gouvernement de garde en milieu familial, dans le milieu rural
plus qu'en milieu urbain?
Mme Cartier: Je voudrais d'abord revenir sur quelque chose que
vous avez dit concernant notre position sur les femmes au foyer. Il est
très évident qu'il y a de l'ambivalence dans la population
d'ailleurs Mme Lavoie-Roux en avait parlé aussi vis-à-vis
de la famille, de la femme au foyer, des garderies, etc. Mais il faudrait quand
même se rappeler l'ambivalence qu'il y avait dans la population quand il
a été question d'introduire l'éducation gratuite et
obligatoire. Je me rappelle ça, j'ai vécu ça dans mon
enfance, c'était la fin de tout, c'était épouvantable,
c'était la fin de la religion, c'était la fin de tout; on nous
enseignait dans les écoles que l'instruction obligatoire c'était
mauvais, et je ne suis pas si vieille que ça. Il y avait donc une
résistance d'une certaine partie de la population, pourtant il n'y a
personne qui remet ça en cause maintenant. Il est très
évident que la population évolue et il reste des
résistances. Là-dessus, je pense que ce n'est pas très
fondamental...
M. Grenier: Je m'excuse; est-ce que vous amenez votre comparaison
pour éclaircir le point que, avec l'évolution, la femme sera
acceptée largement sur le marché du travail? Est-ce là
votre point de comparaison?
Mme Cartier: C'est très exact; on revendique le droit au
travail pour les femmes, de la même façon que pour les hommes,
ça c'est très clair. On
est dans une centrale syndicale, vous pouvez bien vous imaginer qu'on
revendique le droit au travail et on pense qu'il y a beaucoup de femmes au
foyer qui travailleraient, qui ont la volonté de travailler, mais qui ne
le peuvent pas parce qu'elles n'ont pas les équipements
nécessaires pour le faire. On n'a jamais pensé à obliger
toutes les femmes à aller travailler, ce n'est quand même pas
nécessairement la vie rêvée, mais on pense que les femmes
ont le droit de travailler, d'avoir toutes les conditions nécessaires
pour aller travailler de la même façon qu'un homme; si elle
choisit de rester à la maison, elle choisirait de rester à la
maison, pas par obligation, mais par choix. Fondamentalement notre position est
assez claire, elle est absolument sans ambiguïté.
L'autre question, quand vous avez parlé du contrôle
administratif, bureaucratique, etc., ce n'est peut-être pas dans le
même sens que vous l'avez souligné. On demande que ce soit
financé complètement par l'État, comme en
éducation, comme dans les affaires sociales, comme dans les soins de
santé, comme dans les services sociaux. Mais on demande que le
contrôle concret, quotidien, la gestion sous tous les aspects, de la
pédagogie en particulier, soient sous le contrôle des parents qui
sont les responsables et qui ne veulent pas laisser aller leurs enfants sous le
contrôle de l'État, parce qu'on a des objections à la
façon dont fonctionne, entre autres, le système scolaire
actuellement. On pense que les parents ont le droit de vouloir transmettre
à leurs enfants leurs propres valeurs et non pas nécessairement
les valeurs de l'État, et précisément dans la
période la plus importante de la vie d'un individu, qui se situe de la
naissance à six ans. On pense qu'à six ans, les dés sont
pas mal joués.
Alors, le contrôle des parents, pour nous, c'est absolument
essentiel au niveau des garderies. Ce n'est pas tellement qu'on constate que ce
devraient être des entreprises privées. Il ne faut pas confondre
les deux.
M. Grenier: D'accord. Je pense que je comprends ce que vous
dites. Ce que je disais, c'est que si ces messieurs et si le gouvernement
acceptent de subventionner ce secteur comme on le fait ailleurs, vous n'avez
pas à vous en faire. Il n'y a pas long à franchir ensuite, et,
quand on paiera moins le "boss", le gouvernement reprendra l'autorité
là-dedans, comme il l'a prise dans les écoles, qu'il la reprend
dans les hôpitaux et qu'il l'a dans les autres secteurs. Je pense que
c'était là-dessus qu'on se rejoignait. Je pense que c'est
vrai.
Mme Cartier: Mais on prévient la situation et on avertit
qu'on va se battre pour garder le contrôle, que la demande de financement
et de gratuité ne signifie pas l'abandon du contrôle par les
parents des garderies.
M. Grenier: Cependant, vous avez élaboré votre
pensée sur ce que j'avais dit antérieurement, mais vous ne m'avez
pas répondu en ce qui concerne les enfants en garde familiale. Est-ce
que vous voyez une distinction entre le milieu rural et urbain?
Mme Simard: Je pense qu'au départ, il faut établir
qu'on n'est pas contre, qu'on rejette, qu'on ne demande pas l'abolition de la
garde en milieu familial. On est cependant réticent à favoriser
ce genre de service de garde. C'est clair. On est également conscient
que, dans les milieux ruraux, il y a de petits bassins de population qui ne
pourraient pas justifier la création de garderies. Il n'y aurait pas de
besoin, par exemple, pour une garderie de 30 ou 40 enfants dans un village,
etc., ou, alors, d'autres formules sont envisageables. On ne met pas cela de
côté.
Cependant, on sait également que, dans les milieux ruraux,
actuellement, il y a des garderies. Il y en a dans les milieux ruraux, dans de
petits villages et, chose étonnante, il y a des besoins et il y a des
listes d'attente là aussi. On pourrait revenir un petit peu sur ce que
Mme Lavoie-Roux disait. Les gens sont encore très réticents,
très craintifs de la formule garderie. C'est vrai en partie; il y a
ambivalence, etc. Mais ce qu'on constate, c'est que la création de
garderies, la mise en opération de garderies modifie beaucoup l'attitude
des gens. C'est-à-dire, par exemple, que, pour ouvrir une garderie, il
n'y a peut-être pas tant de gens que cela qui vont se mettre de l'avant
et dire: Oui, je veux mettre mon enfant dans cette garderie. Mais, une fois
qu'elle est ouverte, une fois qu'elle fonctionne je pense que c'est
particulièrement vrai dans le cas des garderies en milieu de travail
alors, tout d'un coup, tout le monde dit: Ce n'est pas si mal que cela,
si je mettais mon enfant en garderie! Et là, il y a des listes d'attente
incroyables.
M. Grenier: Je pense que cela va là-dessus, il n'y a pas
de problème. Ce que vous dites est tout à fait juste et je vois
que vous avez suivi de près l'évolution du problème,
même en milieu rural et vous êtes très à point. Mais
il reste une chose, c'est que même s'il y a une volonté de gens
qui veulent faire une garderie, il n'y a souvent pas le potentiel. Je veux dire
que, dans un petit village, il se peut que non seulement il se peut,
mais cela se produit déjà des gens soient désireux,
mais ils n'ont pas le nombre requis, à moins d'avoir du transport en
régionalisation, ce qui touche le problème, en fait, en milieu
scolaire également. C'est ce que je voudrais non pas vous amener
à dire, mais vous amener à constater, que le bassin où ce
ne sera plus possible de faire des garderies en milieu familial, c'est surtout
en milieu rural, je pense, et plus que dans le milieu urbain.
Dans le milieu urbain, il y a plusieurs bonnes raisons pour ceci,
d'abord, à cause du nombre de personnes qui habitent ce milieu. Ce sera
beaucoup plus facile d'y ériger des garderies avec le nombre suffisant,
des garderies sans but lucratif. Mais la garde familiale j'ai
l'impression va se répandre davantage en milieu rural. Je ne sais
pas si cela rejoint votre opinion.
Mme Cartier: II nous semble que le service de garde en milieu
familial nous apparaît comme une exception, mais que la politique
générale doit être les garderies, tout en prévoyant
que, dans certains cas, la seule solution possible, c'est cela. Ce qu'on ne
veut pas, c'est que la garde en milieu familial soit considérée
sur le même pied que les garderies ou favorisée, par rapport aux
garderies, ce qui nous apparaît une mauvaise politique.
M. Grenier: Qu'est-ce que vous pensez de la politique de la garde
en milieu scolaire, la garderie scolaire? Cela nous est amené par deux
différents groupes ici, les difficultés que cela pouvait causer
et, encore une fois, cela pose des problèmes et dans l'urbain et dans le
milieu rural, mais de façon beaucoup plus intense dans le milieu rural,
si on doit accrocher à ça le problème du transport.
Mme Lee: On a fait des prévisions pour le nombre d'enfants
qui auront besoin de quelque chose en dehors des heures de classe; on n'a pas
prévu une formule de garderie, on n'a pas spécifié qu'il
faut que ce soit à l'école. Cela est un domaine qui est
très peu développé. Quand on pense qu'il y aura
peut-être 250 000 enfants, il va falloir que ce soit
développé. On n'a pas travaillé les détails de
ça et on ne tient pas absolument à ce que ça se fasse
à l'école.
Je veux souligner qu'on a énuméré
différentes sortes de garderies. Ce qu'on réclame, c'est un
réseau adéquat, un réseau qui réponde à tous
les besoins. Ce ne sont pas des garderies de neuf à cinq. En campagne,
on peut envisager peut-être des mini-garderies. Il y a différentes
formules et je sais, quand je regarde les gens qui sont ici, que, pour
répondre à nos besoins en garderies, ça prend beaucoup
plus qu'une garderie de neuf à cinq dans la région. Il faut
penser à toute la gamme, les haltes-garderies, les mini-garderies.
Il y a un autre point que je voulais soulever, parce que je suis le
débat à deux niveaux vu que j'ai cinq enfants et que je pense
à mes propres problèmes de garderie. On mentionne que les gens
ont peur des garderies. Moi-même, j'ai peur de la garderie de l'endroit
où j'habite, mais j'ai aussi peur de la garde en milieu familial et
c'est pour les mêmes raisons; c'est que, dans les deux instances, je n'ai
aucun contrôle. Il y a une garderie dans mon coin. C'est
supposément une garderie à but non lucratif, mais il n'y a pas de
contrôle des parents. Il n'y a pas de conseil d'administration
formé majoritairement des parents, parce que c'est une garderie qui a
été formée avant la loi. Cela ne répond pas du tout
à mes besoins parce que c'est du 9 à 5. Quand vous faites un peu
de militantisme comme ce matin, je suis partie à cinq heures de
la maison ça rend la vie un peu difficile une garderie de 9
à 5. Mais je ne suis pas prête, non plus, à laisser mon
enfant avec la voisine.
De plus en plus, les femmes au Québec sont un peu comme moi; ce
sont des femmes qui n'ont ni leur belle-mère ni leur tante à
côté. Je reste dans un village où je n'ai aucun lien de
parenté. Je ne suis pas prête à laisser mes enfants chez
quelqu'un dans le coin, parce que je ne peux pas dire ce qui va leur arriver;
est-ce qu'ils vont accepter leurs valeurs au lieu des miennes? Je n'ai aucune
intervention à faire, sauf les enlever de là et les amener
ailleurs. Cela souligne l'importance de contrôles et d'un réseau
adéquat.
M. Grenier: Je pense que ça rejoint très bien ce
que je disais tout à l'heure, à savoir que le système de
la garde en milieu familial est beaucoup plus adapté en milieu rural.
Quand vous me dites: Je n'ai pas ma belle-mère, ma grand-mère ou
ma belle-soeur proche pour garder mes enfants de cinq heures du matin à
neuf heures, pendant que je viens à Québec avant que la garderie
ouvre là-bas, c'est évident qu'en milieu rural on trouve une
personne pour le faire alors que chez vous c'est plus compliqué.
Même si vous en avez une qui habite Montréal, elle peut quand
même être à Montréal et être à 20 milles
de chez vous. Ce n'est quand même pas un moyen de régler le
problème.
À force d'en discuter, on se rejoint sur plusieurs points et
principalement sur celui que la garde en milieu familial verra un
développement moins important dans une ville comme Montréal ou
Québec que dans le milieu rural. Je pense que là-dessus on
s'entend.
Avant de terminer, je voulais rappeler au ministre une motion que j'ai
faite la semaine dernière pour demander au ministre d'État
à la Condition féminine d'être présente à
l'une ou l'autre de nos séances. J'aurais aimé qu'elle soit
présente pendant qu'on a discuté de cet avant-projet de loi, mais
elle était à l'extérieur du Québec. Elle est
revenue. Elle était ici hier. Je voudrais que le ministre nous dise
aujourd'hui s'il a l'intention que Mme le ministre d'État à la
Condition féminine vienne rencontrer des groupes aussi importants, avec
un dossier aussi impressionnant que celui de ce matin, le premier que nous
ayons eu. Est-ce son intention de venir ou si vraiment ça ne
l'intéresse pas et qu'elle n'a pas envie de venir?
Mme Lavoie-Roux: Elle est gênée de venir
défendre ça. C'est aussi simple que ça!
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Lazure: Je répète ce que j'ai dit la semaine
dernière, M. le Président...
M. Grenier: Elle ne viendra pas!
M. Lazure: Je n'ai pas dit qu'elle ne viendrait pas; je vais la
voir tantôt, à l'heure du midi; il y a un Conseil des ministres
aujourd'hui et... (12 heures)
Mme Lavoie-Roux: Elle est mieux de se dépêcher. Il
n'en reste plus beaucoup.
M. Lazure: II ne reste plus beaucoup de quoi? Mme Lavoie-Roux:
De mémoires.
M. Lazure: On s'est assuré, M. le Président, comme
je l'ai dit la semaine dernière je le dis devant les
représentants de la CSN que Mme Payette serait mise au courant,
prendrait connaissance de tous les mémoires. La semaine passée,
elle était absente; elle était en Colombie-Britannique. Il est
probable qu'elle va venir demain.
Je voudrais relever, M. le Président cela me donne la
chance deux choses, premièrement, la volonté politique.
Une des façons d'exprimer sa volonté politique vis-à-vis
des garderies, c'est par le biais du programme du parti qui est au pouvoir. Une
autre façon, c'est évidemment par des gestes concrets, en
particulier par les crédits qui sont alloués d'année en
année. Les augmentations de crédits au chapitre des services de
garde montrent que cela constitue véritablement pour le ministère
des Affaires sociales une grande priorité. Il y a très peu de
secteurs où on a pu obtenir des augmentations pour une période de
trois années aussi considérables que c'est le cas pour les
garderies.
Maintenant, vous dites: L'office, c'est bien beau, mais on veut avoir
une volonté politique. Vous semblez oublier que l'office est un
organisme politique. C'est un organisme public. C'est un organisme
gouvernemental. Vous semblez trouver étrange que l'office se voie
donner, entre autres fonctions, celle d'élaborer, en consultation avec
le milieu, des politiques.
Une politique sur les services de garde n'est pas une chose statique
qu'on définit en 1979 et qui va rester là inchangée. Il
nous paraît normal que l'office, qui relève d'un ministre, donc
qui est organisme gouvernemental, soit chargé par le gouvernement, par
le ministre d'élaborer, en consultation avec le milieu, des politiques
qui auront à être approuvées par le pouvoir politique, par
le ministre et le Conseil des ministres.
Finalement, sur les milieux de garde plus ou moins clandestins sur
lesquels vous avez exprimé des craintes tantôt, c'est
précisément un des rôles de l'agence de garde en milieu
familial non seulement d'identifier des personnes qui veulent faire de la garde
en milieu familial, mais aussi de surveiller, selon des normes qui seront
édictées par l'office, la qualité de ces endroits de garde
familial.
Je ne pense pas qu'on puisse, non plus, dire que nous favorisons la
garde en milieu familial aux dépens des mini-garderies. Ce n'est pas le
cas. À l'article 32 du projet de loi, on prévoit qu'une garderie
comme vous l'entendez peut exister à partir de dix enfants. Dix enfants,
c'est vraiment une mini-garderie. Il n'est pas exclu, au contraire, que dans
beaucoup de villages comme vous le dites, beaucoup de petits villages
il y ait des mini-garderies. Nous essayons de les favoriser.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, j'ai beaucoup
apprécié le mémoire, parce qu'on a là une feuille
de route ambitieuse. Mais je pense que dans ce domaine il faut être
ambitieux; les besoins sont réels, les problèmes sont
réels. On l'a suffisamment souligné. Moi aussi, je pense que la
volonté politique est là. Ce n'est pas parce qu'on confie
à un office gouvernemental le soin d'élaborer des politiques que
cela veut dire que le gouvernement abdique ses responsabilités dans ce
domaine. C'est peut-être parce qu'il veut faire avec des
représentants autorisés du milieu des différents
intervenants dans le domaine des services de garde. Je pense qu'il ne faut pas
se méprendre là-dessus.
Deuxièmement, en ce qui concerne le programme, les
députés de l'Opposition s'amusent beaucoup. Je pense que c'est
tout simplement qu'ils ne sont pas habitués, peut-être, à
faire un programme comme le Parti québécois élabore le
sien, avec des propositions qui viennent des différentes instances
locales. Il y a à peu près 10 000 personnes qui sont
impliquées chaque fois qu'il y a un congrès annuel. La CSN
connaît bien cela, parce que c'est comme cela qu'elle fonctionne, elle
aussi. C'est une organisation démocratique.
Je suis fier que le Parti québécois ait
reflété les préoccupations des groupes de femmes, puisque
nos propositions dans le programme du parti rejoignent les revendications de la
CSN, rejoignent les propositions que nous ont faites, par exemple, le
Regroupement des garderies sans but lucratif, SOS Garderies en ce qui concerne
la mise sur pied d'un réseau complet de services de garde gratuits.
Il faut bien comprendre qu'un programme d'un parti politique tel que le
nôtre, c'est une feuille de route, c'est un ensemble d'objectifs que le
Parti québécois a fait siens et qu'il veut réaliser le
plus rapidement possible. Maintenant, on n'a jamais dit que tout le programme
pouvait être réalisé dans le cours d'un mandat. D'ailleurs,
il y a l'article premier du programme qui n'est pas encore
réalisé et il y en a d'autres. Il y en a un certain nombre qu'on
va pouvoir réaliser en quatre ans. C'est pour cela qu'à la
dernière campagne électorale, on a privilégié un
certain nombre de points qu'on s'engageait à réaliser et qu'il
nous apparaissait réaliste de réaliser dans un premier
mandat.
Le député de Mégantic-Compton a parlé du
budget de l'an un. Justement le budget de l'an un, c'était une
façon de faire ce qu'aucun parti politique n'a fait, qui était de
chiffrer les propositions de notre programme et de nous demander, advenant les
nouveaux budgets, dans un contexte de souveraineté du Québec,
qu'est-ce que nous pourrions faire. C'est bien sûr que la marge de
manoeuvre d'un gouvernement provincial est loin d'être celle d'un
gouvernement fédéral. Elle est au moins dix fois plus faible. Ce
sont les gouvernements provinciaux qui ont le plupart des
responsabilités coûteuses; les écoles, les services de
santé, les routes et, bien sûr, quand on pense aux garderies, on
se tourne vers un gouvernement qui n'est encore que provincial et qui a une
marge de manoeuvre très faible, qui est de l'ordre
d'à-peu-près $200 000 000, ou $250 000 000 par année.
C'est clair qu'on ne peut pas réaliser entière-
ment, comme on le voudrait, tous les articles de notre programme. On a
des contraintes budgétaires, on a des contraintes administratives, des
contraintes politiques qui sont liées, en partie, au régime
fédéral. Il y en a d'autres, aussi.
Maintenant, j'aimerais souligner un point, quand même,
malgré ce que je viens de dire, qui n'est pas exact. À la page
49, vous dites que le programme de notre parti implique que "cette implantation
d'un réseau de garderies je vous cite jugée
"prioritaire" est parmi les articles du programme "ne pouvant être
appliqués avant la souveraineté" selon l'échéancier
en annexe au programme." J'aimerais corriger cela, pour le journal des
Débats. Je pense que c'est tout simplement une erreur. Je ne voudrais
pas que vous contribuiez à la répandre parce que, dans l'annexe
que j'ai ici, effectivement, l'article 4 n'est pas mentionné comme un
des articles applicables seulement en cas de souveraineté. Nous pensons
que dans le domaine des garderies, le gouvernement, même s'il est
provincial, même s'il a une marge de manoeuvre relativement mince dans
son budget, doit commencer à réaliser l'objectif qui est à
l'article 4 du chapitre 3 de la troisième partie du programme,
même avant la souveraineté.
Il n'en demeure pas moins que la marge de manoeuvre budgétaire du
fédéral nous serait drôlement utile pour réaliser
cette partie du programme.
Mme Lavoie-Roux: À croire que vous allez
récupérer... Voyons donc!
M. Paquette: Bon! Je ne vous ai pas interrompue, j'ai attendu
d'avoir mon tour de parole pour vous répondre, d'accord?
Mme Lavoie-Roux: J'ai tellement de... Cela fait une demi-heure
que vous faites de la politique, questionnez donc là-dessus...
M. Paquette: Ce n'est pas de la politique, je vous dis les choses
telles qu'elles sont.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Paquette: Essayez donc de contester que la marge de manoeuvre
du gouvernement fédéral n'est pas dix fois plus grande que celle
d'un gouvernement provincial. Vous voulez un fédéralisme
renouvelé à cause de ça.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais vous vous imaginez que vous allez
avoir des richesses infinies, après la souveraineté. C'est
là que vous trompez le monde.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! Est-ce
que vous avez terminé, M. le député de Rosemont?
M. Paquette: Je reviens à une autre question. Vous dites
que vous aimeriez que le réseau de garderies soit subventionné de
la même façon que les écoles, que la santé. Sur le
plan des principes, je pense que c'est un droit qui est lié au droit de
la femme de travailler d'avoir une vie, d'avoir des conditions égales de
chance dans la société. Je pense qu'effectivement l'État
doit s'assurer de la mise sur pied d'un service de garde.
Cependant, je trouve qu'il y a un peu de vrai dans ce que disait le
député de Mégantic-Compton, curieusement. N'est-il pas
préférable de maintenir une partie des subventions directement
aux garderies et l'autre partie aux parents, de façon à assurer
une certaine part d'indépendance financière aux garderies? Et
même dans le contexte où je pense que la loi fait une
amélioration, elle exige que tous les conseils d'administration soient
contrôlés majoritairement par les usagers. C'est une chose qui
n'existait pas et qui maintenant va exister, avec l'avant-projet de loi. Ou
est-ce que vous tenez vraiment à ce que tout le financement aille
directement de l'État aux corporations des garderies?
Mme Cartier: Vous avez posé plusieurs questions.
Concernant la volonté politique et le pouvoir de réglementation
de l'office. En fait, notre position sur ce projet de loi, comme sur les autres
c'est un reproche qu'on fait très souvent, que vous faisiez aussi
au Parti libéral quand vous étiez dans l'Opposition est
que le pouvoir de réglementation par rapport à ce qui est
véritablement inscrit dans la loi est trop grand.
Si vous avez un projet de réseau universel et gratuit de
garderies, il ne faut pas laisser à un office le soin de
l'établir. Il faut le faire dans la loi et non pas laisser cela au
pouvoir de réglementation. Là-dessus, un reproche qu'on reprend
à peu près chaque fois qu'on vient ici ou qu'on ne vient
pas sur un projet de loi, c'est le trop grand pouvoir de
réglementation par rapport à la loi elle-même, pouvoir de
réglementation sur lequel les instances démocratiques n'ont pas
de contrôle, n'ont pas de pouvoir.
Quant à la possibilité de réaliser votre programme
avant ou après la souveraineté, je pense que, de toute
façon, les affaires sociales sont de juridiction provinciale. Je ne
pense pas que ce soit un domaine de juridiction partagée ou quoi que ce
soit. On estime que c'est applicable au Québec, quelles que soient les
circonstances. C'est une question de l'appliquer, de faire des choix,
d'établir des priorités. On dit que c'est une priorité,
qu'il y ait des choix politiques à faire. On estime que c'est une
priorité. Les femmes pensent cela, en général. C'est une
position très carrément politique de choix des
priorités.
Vous parlez du financement par les parents, à savoir s'il ne
faudrait pas en laisser une partie financée par les parents, etc. Nous,
on se préoccupe de l'accès au réseau. À partir du
moment où on dit que les parents doivent en financer une partie, on se
retrouve dans le bon vieux dilemme. Les secteurs défavorisés de
la population n'ont pas un aussi bon accès que les autres à ce
réseau. C'est très important.
M. Paquette: Je me suis peut-être ma! fait comprendre.
Quand je parlais d'une partie des subventions qui serait assumée par
l'État et l'autre partie par les parents, j'avais à l'esprit que
l'État subventionnerait les parents qui, eux-mêmes,
subventionneraient la garderie de leur choix où ils inscriraient leurs
enfants. Je ne voyais pas qu'on laisse une partie du coût aux parents
sans qu'il y ait une aide de l'État. À ce moment-là, le
financement viendrait de deux sources. C'est essentiellement ce qu'il y a dans
le projet de loi, peut-être de façon encore insuffisante, je le
reconnais. En termes de principe, est-ce que vous maintenez votre objection
à un système comme celui-là?
Mme Cartier: On prétend que la seule façon
d'assurer un réseau qui soit stable, qui ne soit pas soumis à des
aléas, presque de jour en jour, de la part des parents, d'assurer que le
réseau se maintienne stable, c'est qu'il faut absolument que ce soient
les garderies elles-mêmes qui soient subventionnées. De toute
façon, les subventions aux parents sont toujours liées justement
à leurs possibilités financières. On retrouve là
l'étude des possibilités financières avec tout ce que
ça peut avoir d'odieux, etc., et ce que ça peut avoir
d'arbitraire de subventionner ou non certains parents selon le degré de
revenus. On pense que c'est beaucoup plus logique de subventionner les
garderies, de leur assurer une existence stable, cohérente, qui se
maintient, qui n'est pas soumise à ces aléas.
M. Paquette: Un dernier point, simplement, M. le
Président. Je pense qu'en ce qui concerne la discussion des
responsabilités provinciales et fédérales, je n'ai jamais
dit que ce n'était pas un champ où le gouvernement du
Québec pouvait agir. D'ailleurs, c'est pour cela que j'ai fait la
remarque que dans notre programme, nous ne disons pas que nous ne pouvons rien
faire pour atteindre cet objectif avant la souveraineté. Il n'est pas
question de cela du tout.
Mme Cartier: Ce que nous avions vu, c'était en termes
d'étapes que vous le voyiez...
M. Paquette: C'est en termes de...
Mme Cartier: ... en plusieurs étapes, dont une arrivait
après la souveraineté.
M. Paquette: Non, c'était simplement en termes de
contraintes budgétaires. Tous les gouvernements provinciaux ont ce
problème: leur marge budgétaire est beaucoup plus mince. Si on
met $200 millions là-dedans, les étudiants nous demandent $75
millions pour les prêts et bourses, les syndicats vont demander des
augmentations de salaire et tout cela. La marge de manoeuvre d'un gouvernement
provincial, à moins d'augmenter les taxes considérablement, c'est
à peu près $250 millions dans le contexte actuel. C'est tout ce
que j'ai dit, rien de plus.
Le Président (M. Boucher): Merci.
Mme Cartier: Je voudrais simplement corriger, pour le journal des
Débats, une erreur sur votre feuille. Mon nom n'est pas Mme Brisson,
mais Gisèle Cartier. (12 h 15)
Le Président (M. Boucher): Ah! Excusez-moi.
Mme Cartier: C'était le mauvais nom. J'ai
été surprise de me faire appeler par un autre nom pendant la
discussion. C'est peut-être notre faute, on ne vous avait pas
avisés d'avance.
Le Président (M. Boucher): Merci.
M. le député de Pointe-Claire, brièvement.
M. Shaw: J'aurais une question. Est-ce que vous avez
calculé le coût d'un réseau étatisé et
gratuit pour les enfants, pour 250 000 enfants? Est-ce que vous avez
calculé, avec un ratio, disons, de 1 à 10, sans compter...
Mme Cartier: On n'a pas calculé et on n'a pas les
données qui nous permettent...
M. Shaw: Mais disons que...
Mme Cartier: Un instant. On concède que c'est plusieurs
centaines de millions de dollars. On concède cependant que ça
doit coûter plusieurs centaines de millions de dollars. Que ce soit $500
millions, $400 millions ou $600 millions, on n'a pas les données pour le
calculer, on sait que ça représente des déboursés
énormes.
M. Shaw: Enormes.
Mme Cartier: C'est l'équivalent du primaire, c'est
à peu près ce qu'on avait calculé, à un moment
donné.
M. Paquette: C'est cela.
M. Shaw: C'est cela, c'est à peu près $1
milliard.
Mme Lavoie-Roux: À la condition que tout le monde
l'utilise, ça pourrait peut-être diminuer un peu.
M. Shaw: Est-ce que vous acceptez, à un moment
donné, qu'un gouvernement qui a maintenant un niveau de taxe aussi
élevé que celui qu'on connaît... Une autre addition de $1
milliard, ça va représenter 1/13 de notre budget. Vous acceptez
qu'un gouvernement responsable puisse agir dans ce domaine sans
réfléchir, sans essayer au moins de couper les dépenses
dans d'autres domaines. Est-ce que vous prévoyez que nous aurons besoin
d'augmenter le niveau de taxes? Cela représente à peu près
$200 per capita.
Mme Cartier: Très évidemment, c'est une
répartition sur l'ensemble de la population de
coûts qui sont actuellement assumés par des individus,
comme l'éducation, comme la santé; c'est une socialisation des
coûts. Ces coûts sont assumés par des individus, il y a donc
une mauvaise répartition. Les individus qui ont des enfants en assument
seuls le coût, ou avec un certain nombre de subventions; on pense que
c'est un coût social qui doit être réparti sur l'ensemble de
la population, que les gens aient ou non des enfants. Le financement par
l'État, c'est cela, comme pour l'éducation, comme pour la
santé. La santé, ça coûte aussi des milliards, sauf
que je ne pense pas que l'assurance-maladie soit remise en cause. Est-ce que
l'éducation gratuite est remise en cause? C'est une répartition
des coûts sur l'ensemble de la population.
M. Shaw: Est-ce que je peux poser une question à la dame
qui a cinq enfants, qui est toujours dans un dilemme concernant le choix du
placement des enfants? Prévoyez-vous que vous seriez plus confortable
avec un réseau étatisé?
Mme Lee: Oui, certainement. D'abord, la question de financement,
c'est une affaire de $4000 par année que j'assume.
M. Shaw: $4000 par année.
Mme Lee: Oui. Naturellement, je serai une des premières
à dire qu'il serait mieux de payer $200 de plus de taxes. Quand on
calcule cela...
M. Shaw: Vous avez un revenu supplémentaire parce que vous
travaillez. Est-ce qu'il n'y aurait pas une responsabilité de la
mère dans ce domaine? Est-ce que vous acceptez que, étant
mère de famille, vous avez une responsabilité en acceptant ces
enfants dans votre famille? Ne pensez-vous pas que votre propre choix
d'être mère de famille implique certaines responsabilités
qui sont...
Mme Lee: J'avais le choix de me faire avorter, ce qui est contre
la loi.
M. Shaw: Pardon?
Mme Lee: J'avais le choix de me faire avorter, ce qui est contre
la loi. J'ai eu un bébé dernièrement; j'ai un
bébé de huit mois. Cela représente pour moi cinq ans
encore de besoins en termes de garde, soit 5 fois $4000, parce que j'aurai un
petit à la maison et que je ne peux pas l'envoyer à
l'école ou ailleurs. Il n'y a rien pour m'aider à payer cela.
Quand je suis devenue enceinte, j'ai vu un compte de $20 000 devant moi. Le
choix des femmes de se faire avorter, est-ce que c'est un choix, actuellement?
Dans quelles conditions est-ce que je me ferais avorter? Je tiens à
travailler, je tiens à bien élever mes enfants. Je ne pense pas
que j'aie beaucoup de choix dans les circonstances.
M. Shaw: Est-ce que vous êtes seule à la maison?
Mme Lee: Qu'est-ce que vous voulez dire?
M. Shaw: Est-ce que vous avez un mari qui contribue à vos
dépenses à la maison?
Mme Lee: Mon mari est aux études cette année, mais
il contribue, oui. Cela prend les deux salaires. Il n'est pas question qu'un
lâche le travail...
M. Shaw: J'essaie de trouver un moyen d'arriver à un point
de responsabilité entre la société, en
général, et l'individu, ses responsabilités envers
l'État, parce qu'on arrive à un point, maintenant, où nous
voulons socialiser tous les domaines. Comme femme, à la maison, vous
avez un montant d'argent qui va vous rester après vos taxes, parce que
vous avez besoin de payer des taxes aussi. La façon dont vous allez
dépenser ces montants est en fonction du montant qu'il vous reste
après ces niveaux de taxes qui sont presque contre-productifs
maintenant.
M. Paquette: II faut avoir le libre choix. M. Shaw: Oui,
il faut avoir le libre choix.
M. Paquette: Elle est pour le libre choix, mais elle ne l'a pas
actuellement.
M. Shaw: Elle a le libre choix.
Mme Lavoie-Roux: Non, la société... De plus en
plus, on fait des discours à l'Assemblée nationale, en disant
qu'on n'a pas assez d'enfants. On veut que les femmes fassent des enfants et
après cela...
Une voix: Les hommes aussi, j'espère!
Mme Lavoie-Roux: Là, on est sûres que vous n'y
manquerez pas! Elles assument cette fonction pour la société et,
en même temps, vous leur dites: D'accord, vous faites cela, mais vous
n'avez plus d'autre choix qu'élever vos enfants pendant x nombre
d'années. Il y a des femmes qui le choisissent, qui sont heureuses de le
choisir et qui le font. Bravo! Il y en a d'autres qui disent: Mes besoins sont
dans un autre sens. Je ne serai pas une moins bonne mère, mais j'ai
choisi une autre façon d'organiser ma vie de famille, et il faut lui
permettre de le faire. C'est aussi simple que cela.
M. Shaw: Elle coûte autant à l'État. C'est le
choix d'avoir un revenu additionnel, d'aller sur le marché du travail.
Je peux accepter que ceux qui sont à la maison seuls aient besoin de
subventions. C'est pour cela que le gouvernement a besoin d'agir. Mais si on
accepte un concept dans lequel tout le monde a le droit de choisir, a un libre
choix, sans payer pour les conséquences, à mon avis, si vous
choisissez de laisser des enfants chez quelqu'un d'autre, vous allez
déléguer, premièrement, une section de votre influence sur
le développement de cet enfant. C'est évident, parce que c'est
délégué.
Deuxièmement, vous cherchez une autre forme de revenu
supplémentaire pour votre vie personnelle, dont vous avez besoin, mais
il faudrait au moins, partager ces nouveaux biens en payant une section du
coût de l'entretien de vos enfants.
Mme Cartier: C'est tout à fait fondamental. C'est une
conception de l'existence qu'on ne partage pas du tout. Avoir deux enfants, ce
n'est pas une responsabilité individuelle. C'est une
responsabilité pour l'ensemble de la population. Mme Lavoie-Roux le
disait. On dit aux femmes: II faut avoir des enfants. La population est en
train de vieillir. C'est terrible; il faut absolument que les femmes aient des
enfants. Les enfants, ce n'est pas seulement une responsabilité
individuelle. C'est utile à une société d'avoir des
enfants. C'est utile de renouveler la population, de la rajeunir, etc., cela
contribue au dynamisme de la société, etc. C'est donc une
responsabilité collective et non pas une responsabilité
individuelle.
Alors, on ne doit pas laisser le fardeau sur un individu qui a ou non
choisi d'avoir des enfants. Peu importe, cela s'adresse aux hommes aussi. Les
hommes aussi ont ces besoins-là. Évidemment, les femmes les
perçoivent plus, parce que, traditionnellement, elles sont responsables
des enfants, sauf que c'est un partage qui devrait se faire sur l'ensemble de
la population, y compris pour ceux, comme moi, qui n'ont pas eu d'enfants,
parce qu'ils ont eu à choisir. Ils ont eu à choisir entre avoir
des enfants et militer pour faire des choses.
C'est véritablement cela. Je n'aurais jamais pu faire ce que je
fais maintenant si j'avais eu des enfants. C'est très clair, parce qu'il
n'y a pas d'équipement, il n'y a pas de possibilité de le
faire.
Les femmes n'ont pas le choix et elles veulent l'avoir. Je pense
qu'elles sont aussi importantes dans la société que les hommes et
elles veulent avoir les mêmes conditions.
Le Président (M. Boucher): Merci, Mme Cartier, ainsi que
ceux qui vous accompagnent, au nom de tous les membres de la commission pour la
présentation de votre mémoire.
Communication du président
Dans les dernières minutes, j'aimerais faire part des
télégrammes qui ont été reçus à la
commission parlementaire. Un premier télégramme en date du 5
octobre: "Nous appuyons sans réserve le mémoire du Regroupement
des garderies sans but lucratif du Québec Inc. C'est signé par le
Groupe d'intervention Vidéo."
Un autre télégramme: "Le comité pédagogique
de la coordination provinciale du programme technique de garderie, structure de
la Direction générale de l'enseignement collégial,
formé des représentants des collèges offrant le programme
technique de garderie et ayant comme mandat d'évaluer et de
développer un programme de formation adéquat de niveau
collégial, souscrit au mémoire présenté par le
département des garderies d'enfants du collège de
Saint-Jérôme et souhaite que le ministre des Affaires sociales,
dans son projet de loi des services de garde à l'enfance, prenne le
leadership qui lui revient en matière de normes quant à la
qualification du personnel qui travaille auprès de la petite enfance,
car, étant donné l'importance des premières années
dans la vie de l'enfant, c'est à ce niveau que nous devons placer les
meilleurs éducateurs et éducatrices."
C'est signé: Christiane Martel, Campus Notre-
Dame-de-Foy, Cap-Rouge,
Martine Bertrand, Campus Notre-Dame-de-
Foy, Cap-Rouge,
Jacqueline Marcotte, Collège Marie-Victorin,
Montréal,
Doreen Hogg, Collège Vanier,
Colette Drapeau, Campus Notre-Dame-de-
Foy, Cap-Rouge, coordinatrice provinciale du comité
pédagogique.
Voici un dernier télégramme: "Nous, professeurs au
département de technique de garderie du Campus Notre-Dame-de-Foy de
Cap-Rouge, signifions notre appui au mémoire des professeurs du
département technique de garderie du cégep de
Saint-Jérôme, mémoire présenté en commission
parlementaire sur l'avant-projet de loi sur les services de garde à
l'enfance. Nous insistons de façon particulière sur les
qualités de formation du personnel intervenant auprès de l'enfant
de zéro à six ans. L'enfant se construisant, pour une grande
part, à l'image des adultes qui l'entourent, il nous apparaît
primordial qu'on s'arrête à la nécessité d'organiser
un service de garde adéquat, riche de ressources humaines
compétentes et témoignant d'attitudes saines." Les professeurs du
département de technique de garderie d'enfants du Campus
Notre-Dame-de-Foy, Cap-Rouge: Colette Drapeau, Julie Racine, Martine Bertrand,
Christiane Martel, Mireille Payeur, Hélène Tardif, Céline
La-monde, Suzanne Côté-Robert.
Cela dit, la commission ajourne ses travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 27)
(Reprise de la séance à 16 h 20)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des affaires sociales est réunie pour entendre les
mémoires concernant l'avant-projet de loi sur les services de garde
à l'enfance. Les membres de la commission sont, pour aujourd'hui, les
suivants: Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) remplace M. Forget (Saint-Laurent); M.
Dubois (Huntingdon) remplace M. Goldbloom (D'Arcy McGee); M. Gosselin
(Sherbrooke), M. Gagnon (Champlain) remplace M. Gravel (Limoilou); M. Grenier
(Mégantic-Compton), M. Lavigne (Beauharnois), M. Lazure (Chambly), M.
Martel (Riche-
lieu), M. Paquette (Rosemont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw
(Pointe-Claire).
Les intervenants sont: M. Alfred (Papineau), M. Cordeau
(Saint-Hyacinthe), M. Couture (Saint-Henri), M. Lacoste (Sainte-Anne), M.
Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Marcoux (Rimouski), M.
Marois (Laporte).
Cet avant-midi, nous en avions terminé avec le premier organisme,
soit le Comité de la condition féminine. Il reste à
entendre trois autres groupes. Compte tenu de l'heure, comme nous devons
ajourner à 17 heures, je demanderais la collaboration de la commission
pour y aller assez rapidement.
M. Grenier: M. le Président, je n'ai pas crié dans
le désert, mon intervention n'a pas été vaine. Je voudrais
signaler la présence du ministre d'État à la Condition
féminine qui semble vouloir passer une partie de l'après-midi
avec nous, afin de se renseigner sur le mémoire qui nous est
présenté par un groupe de professeurs de l'Université de
Montréal. Je lui souhaite la bienvenue. J'espère qu'il passera le
reste de la journée avec nous.
Mme Lavoie-Roux: Si c'est une heure, ce n'est pas
considérable.
M. Lazure: M. le Président, j'ajouterai juste un tout
petit mot, pour le journal des Débats. Comme convenu, mon
collègue le ministre d'État à la Condition féminine
a pu se dégager pour participer, aujourd'hui, aux discussions de la
commission parlementaire. Et je veux répéter, encore une fois,
pour le journal des Débats, que le ministre d'État à la
Condition féminine est parfaitement au courant de toutes les discussions
qui ont eu lieu ici, à la commission parlementaire, et, comme plusieurs
députés, qu'elle a lu tous les mémoires qui ont
été présentés. Et elle participera à la
rédaction nouvelle, à la prochaine rédaction du projet
modifié, suite à la commission parlementaire.
Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, vous affirmez qu'elle a lu tous
les mémoires qui ont été présentés à
cette commission?
M. Lazure: J'affirme une telle chose, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Grenier: Si elle a lu tout cela, elle est bonne.
Professeurs de l'Université de
Montréal
Le Président (M. Boucher): J'invite immédiatement
le groupe de professeurs de l'Université de Montréal,
représenté par Mme Bibiane d'Anjou, à bien vouloir prendre
place à la table centrale, s'il vous plaît. Mme d'Anjou, si vous
voulez bien identifier la personne qui est avec vous et procéder
à la lecture de votre mémoire, s'il vous plaît.
Mme d'Anjou (Bibiane): La personne qui m'accompagne est une des
personnes qui ont collaboré à la rédaction de nos
recommandations, Claire Berthelet, de l'Université de
Montréal.
J'ai remis, ce matin, au secrétaire de... Pardon. Est-ce que je
dois reprendre la présentation?
Le Président (M. Boucher): Non, c'est fait.
Mme d'Anjou: Non. D'accord. J'ai remis ce matin au
secrétaire de la commission quelques modifications touchant les
recommandations que nous vous avons formulées et qui sont le
résultat d'erreurs typographiques.
On a pensé...
Mme Lavoie-Roux: Où sont-elles ces recommandations? On ne
les a pas eues.
Le Président (M. Boucher): On m'informe que les copies
sont en train de se faire et qu'on va les distribuer aux membres.
Mme d'Anjou: Étant donné que nous n'avons pas
présenté de mémoire comme tel, mais des remarques et des
propositions, nous avons pensé vous communiquer l'esprit dans lequel
nous avions fait ces remarques et ces recommandations par une très
courte présentation que je ferai de façon verbale.
Notre présentation à la commission en date du 22 septembre
1979 n'a pas pris la forme d'un mémoire, mais plutôt celle de
remarques et de recommandations. Ces recommandations se situent dans le cadre
d'une pensée écologique, pensée qui semble avoir
été insuffisamment mise en valeur au cours de la présente
session.
La pensée écologique, croyons-nous, englobe à la
fois les aspects politiques, économiques et sociaux qu'ont porté
à votre attention les différents mémoires qui ont
été soumis jusqu'ici. Dans notre courte présentation, nous
tentons de faire ressortir certaines dimensions qui ne doivent pas être
négligées ou réduites, ni dans l'esprit, ni dans la lettre
d'une loi qui sera forcément à l'image d'une sagesse et d'une
vision auxquelles nous devrons nous adapter pour les dix prochaines
années.
Le projet de loi devrait graviter, à notre avis, autour de trois
grands axes écologiques, à savoir, le premier, le souci de
maintenir un équilibre social dynamique dans une perspective à
long terme, malgré le cahot que crée présentement le
phénomène irrévocable et nécessaire de
l'évolution de la condition féminine. Nous vous demandons,
à cet effet, de ne pas céder à la tentation de proposer
une loi qui permettrait des solutions collectives hâtives ou
précipitées qui, dans l'immédiat, peuvent paraître
rentables politiquement ou économiquement, mais au sujet desquelles les
données actuelles de recherche ne sont pas probantes.
Deuxième axe: le souci de proposer une vision législative
qui permette de concilier éventuellement les droits des femmes et/ou des
pa-
rents à une condition meilleure sans que ne soient, pour cela,
précipités ou court-circuités les besoins réels des
enfants.
L'État est responsable d'assurer à ces organismes humains
les plus jeunes et les plus immatures, les enfants, le droit au
développement et à l'éducation, indépendamment des
conditions dans lesquelles se déroule la vie de leurs parents. Dans sa
forme, l'ambiguïté actuelle du projet de loi prête à
confusion quant à l'interprétation des besoins des femmes et de
ceux des enfants. C'est, si l'on considère la chose d'un peu plus
près, la reconsécration d'une forme d'inégalité,
celle du hasard des naissances, dans laquelle les besoins des enfants ne sont
pas dissociés des droits de leur mère. Depuis 1959, la
proclamation des droits de l'enfant aux Nations Unies avait pourtant
éliminé au niveau des principes cette forme
d'inégalité à l'échelle universelle.
Troisième axe: Le souci de maintenir en interaction continue par
de l'échange et de l'information les organismes vivant de la
communauté sociale, c'est-à-dire tous les citoyens adultes,
parents ou non, vieillards et enfants et les institutions qu'ils se sont
données, les institutions scolaires, municipales, culturelles,
hospitalières, de loisirs et maintenant de garde, dans le but d'enrichir
leur propre vie collective. Nous voyons à la nécessité de
cette interaction, pour permettre l'évolution de ces institutions, non
pas sous la pression de lois les forçant à jouer leur rôle,
mais sous l'impact d'une conscientisation grandissante des citoyens en face du
changement et des modifications qu'elles doivent apporter à leur
rôle.
Nous tenons à souligner que nous sommes sensibles aux efforts que
fait le gouvernement pour mettre en oeuvre des moyens visant à
consolider la Loi de la protection des enfants. Nous avons cependant une grande
perplexité en face de la simple notion de conservation qui semble,
cependant, la sous-tendre avec la création d'une nouvelle loi affectant
la simple garde des enfants. Nous tenons à dire notre insatisfaction
face aux moyens qui sont proposés pour assurer aux enfants les
conditions essentielles qui doivent leur permettre de poursuivre leur
développement et leur éducation, tout en étant
gardés.
Ainsi que le soulignait Cloutier récemment, à la suite
d'une recherche effectuée au Québec sur les divers milieux de
garde, une recherche subventionnée par le ministère des Affaires
sociales, 1978, il est souhaitable pour sortir de l'impasse que créent
les problèmes de garde et pour mieux aborder l'étude de solutions
appropriées, que soient dissociés dans les principes et dans les
faits, les besoins des enfants et les droits de leur mère.
Dans la courte présentation que nous présentons, nous nous
sommes arrêtés dans l'étude de l'avant-projet aux termes
qui sont le plus marqués d'ambiguïté. Ils ont trait
particulièrement: a) à la définition d'un milieu de vie
approprié, particulièrement en ce qui touche les très
jeunes enfants, c'est-à-dire les zéro à deux ans. Nous
voyons la nécessité de mieux préciser dans la loi les
condi- tions et les qualités que veut garantir l'État pour
supporter le développement et l'éducation de ces enfants dont les
propriétés vivantes ne font que commencer à poindre. Il ne
faudrait pas les éteindre. ,. .
Nous nous réjouissons de I'intérêt qu'il y a dans le
projet de loi à redonner sa place à la halte-garderie et à
la garderie de format réduit. Nous souhaitons vivement les voir fleurir
dans nos quartiers et dans nos villages comme les bouquets d'une prise de
conscience des différentes communautés face aux besoins des
enfants. Elles doivent cependant être planifiées avec grand soin
et, sur ce point, le projet de loi n'est pas hermétique.
Le mot "résidentiel" est probablement le terme le plus ambigu
dans tout lavant-projet. Il prête à une fausse
représentation de ladite qualité familiale. (16 h 30)
Une autre ambiguïté concerne la définition des
conditions de milieu de garde affectant la vie des six à onze ans, la
garde parascolaire. Nous craignons qu'en forçant les commissions
scolaires, par une loi, et en les subventionnant à cet effet, on
encourage encore une fois le désintéressement des citoyens qui
n'ont pas d'enfants, face à un problème social qui affecte
grandement l'harmonie actuelle ou future de leur propre qualité de vie,
dans le quartier ou dans le pays, au même titre, par exemple, que si,
tout à coup, on décidait de ne pas éduquer les enfants
entre six et onze ans. Si, spontanément, l'école ne se plie pas
davantage aux exigences de cette vie communautaire qui comporte maintenant pour
les enfants dix heures au lieu de six, qu'on l'ignore et qu'on subventionne des
organismes de quartier déjà préoccupés par ces
problèmes de vie communautaire en dehors des heures scolaires. Nous
pensons ici, par exemple, aux centres communautaires. c) La dernière
ambiguïté touche un minimum de qualité aux conditions de vie
de l'enfant, que la loi doit prévoir de façon plus explicite dans
ses termes. Elle doit prévoir des possibilités de ressourcement,
de perfectionnement ou de renouvellement pour le personnel qui sera
affecté au développement et à l'éducation des
enfants.
Pour conclure, nous réaffirmons la nécessité que
nous voyons que l'État remette à la communauté non
seulement aux parents ou encore à des fonctionnaires la
responsabilité de réfléchir sur l'institution nouvelle que
constitue la garderie. La loi, en ce sens, pourrait susciter une
activité nouvelle chez tous les citoyens par la proposition de moyens
qui permettraient de collaborer activement à cette redéfinition
et de participer à la construction d'un équilibre
écologique et social qu'ils sentent maintenant leur échapper.
Ici, concrètement, je pensais à l'organisme "Parent-Block". Dans
un quartier, par exemple, indépendamment du fait que j'aie des enfants
ou non, des maisons sont disponibles pour que des enfants soient recueillis
s'ils sont en danger ou s'ils sont seuls, et c'est complètement
indépendant de la condition des parents. C'est une préoccupation
communautaire au sujet des enfants.
Quelle que soit la forme de garde utilisée, nous ne pensons pas
que c'est avec des règlements seulement que l'office peut mettre en
vigueur une politique qui garantisse une qualité de vie et
d'éducation aux enfants en milieu de garde. La politique que nous
souhaitons voir se développer, c'est que la loi soit suffisamment
flexible pour permettre un ressourcement et un renouvellement continus qui se
prêtent aux conditions de changement.
Plutôt que d'ajouter à la lourdeur de nos recommandations,
nous désirons réviser quelque chose par rapport à celles
que nous avons faites. Il y a eu une perception que nous avons eue, mais trop
tard. Nos remarques ont porté sur les articles 5, 6, 7 et 8, sur la
composition du conseil de l'office et la durée du mandat. Je me
réfère ici aux remarques que nous avons faites. Nous trouvons que
la représentation des travailleurs par un seul membre est vraiment
insuffisante au niveau de l'office. Nous ne croyons pas qu'il puisse y avoir au
niveau de l'office une continuité par rapport à la planification
qui va être faite.
Quant à l'article 17 touchant le quorum de l'office
là, nous voulons apporter une correction nous avons eu une
mauvaise perception. On dit que "la nature et l'importance des décisions
qui incombent à l'office exigent un quorum plus élevé."
Or, nous réalisons que l'office serait composé de seize membres
et que onze ont droit de vote. À ce moment-là, le quorum devient
plus acceptable comme tel. C'est une correction que nous faisons.
Quant à l'article 18, nous soulevons la difficulté que
nous avons à accepter la précision qui est donnée au sujet
des qualifications des membres du personnel de l'office.
À l'article 23 nous avons protesté contre le pouvoir du
ministre, qui nous semble un peu excessif et qui donne à l'office un
rôle uniquement exécutoire.
Les canaux actuels d'information auxquels nous nous
référions quand nous demandions s'ils sont détruits...
Nous trouvons qu'actuellement un canal important qui existait depuis deux ans
au Québec, qui était le regroupement, par exemple, des garderies,
mais par région, était un canal d'information extrêmement
important. Par un regroupement des garderies, je pense qu'on a perdu
accès à ces dimensions socioculturelles de la province pour
informer l'office des besoins.
Nous nous sommes inquiétés, à cause de l'article
24, du service actuel des garderies. Nous nous sommes demandé s'il
était intégré, aboli, ou simplement muté ou
transformé.
À l'article 27, nous nous sommes demandé si les canaux
d'information pour le ministre, qu'il appelle les canaux consultatifs, sont des
comités indépendants.
À l'article 30, le service de garderies familiales nous
apparaissait mal défini. C'était le service de garderies
familiales, à ce moment-là. Le service est-il offert
indistinctement aux enfants de 0 à cinq ans et plus, selon la loi de la
fréquentation scolaire? C'est-à-dire que des enfants pourraient
être en garde familiale jusqu'à six ans, théoriquement, en
supposant que la maternelle n'occupe qu'une demi-partie de la journée.
Les normes existantes pour la garde des poupons deviennent-elles
désuètes ou inexistantes? En garde familiale, cela peut devenir
un réel problème si on n'est pas plus spécifique quant aux
normes pour les 0 à 2 ans.
À l'article 31, par rapport à l'émission des
permis, nous disons que nous nous réjouissons de la fin des garderies
à but lucratif, mais nous craignons leur réouverture sous la
forme de garde en milieu familial parce que l'article ne spécifie pas
suffisamment certaines clauses qui pourraient nous garantir que cela ne puisse
pas être à but lucratif. Pour le permis de service de garde en
milieu familial, là nous revenons sur quelque chose sur quoi on a
déjà attiré votre attention. Le terme "familial" ne
désigne pas nécessairement une petite cellule, mais se
réfère au sens que lui donne la loi, c'est-à-dire la
résidence privée. Il faudrait donc parler de garde en milieu
résidentiel et non en milieu familial. Nous faisons cette remarque parce
que dans la loi nous tenons à ce que ce soit précisé,
même si un communiqué de presse du ministre Lazure a
déjà corrigé l'interprétation que son
ministère voulait faire de cette possibilité de confusion et nous
voulons le voir apparaître dans la loi.
La compétence des organismes et des personnes choisies par
l'office n'est pas garantie en ce qui regarde la réalisation de tous les
objectifs que l'office se propose pour déterminer qui devra avoir le
permis.
Le ratio adulte-enfants, jusqu'à neuf enfants pour une personne,
est inacceptable. Je pense que cela aussi a été corrigé
par un communiqué de presse, sauf, M. le ministre, qu'on attire votre
attention sur le fait que cela peut quand même devenir dangereux, si tout
à coup un homme et une femme décidaient simplement: Nous sommes
deux personnes, un couple. Un homme et une femme pourraient le décider.
Des rentiers, par exemple, peuvent être deux personnes. Je pense qu'il y
a là certaines ambiguïtés qu'il faudrait
éliminer.
À l'article 41, location et choix du local, les procédures
nouvelles qui sont prévues par la loi feront-elles lever les
difficultés antérieures, source de ralentissement,
d'alourdissement et parfois de harassement? On a vu des garderies prendre
jusqu'à deux ans pour être mises sur pied, à cause de
locaux précisément.
Article 47, l'administration provisoire des services. Nous y avons vu de
la mise en tutelle ou de la possibilité de mise en tutelle des garderies
et nous avons pensé que c'était une façon extraordinaire
d'assurer au consommateur ou à l'usager une protection, cette
possibilité de mise en tutelle. Est-ce qu'elle pourrait également
servir à protéger l'enfant contre une garderie qui serait
abusive? On voyait la nécessité de soulever les deux points.
Article 58, la garde parascolaire, a) Est-ce que c'est la
généralisation du service ou est-ce que c'est une invitation, si
les locaux le permettent?
On sait que le problème actuel c'est que les écoles ne
sont plus équipées pour fournir des locaux de garde. Est-ce qu'il
y a obligation réelle pour les commissions scolaires? Si on regarde ce
qui se produit cette année, c'est vraiment utopique de penser que
ça puisse se généraliser très vite, étant
donné la mentalité actuelle de l'école face au
problème de la garde parascolaire. b) Est-ce que l'accès aux
locaux demeure possible lors des journées pédagogiques, des
journées d'interétapes et des grèves du personnel
enseignant? En tout cas, qu'est-ce qui arrive aux enfants s'il y a
grève? Ce sont quand même des problèmes si toutefois
l'école est le milieu de garde qu'il ne faut pas
négliger.
À l'article 60, la compétence du personnel et le ratio
adulte-enfants ne sont pas spécifiés. À l'article 72, les
points suivants demeurent obscurs: premièrement, les qualités
requises de la part des personnes qui sollicitent un permis;
deuxièmement, les normes d'aménagement, d'équipement et
d'ameublement ne tiennent pas nécessairement compte des milieux;
septièmement, la qualité des programmes n'est pas garantie;
huitièmement, les problèmes autour de la qualification du
personnel demeurent encore très imprécis.
À la suite de ces quelques remarques, nous faisons les
recommandations suivantes. Premièrement, que la création d'un
office sur les services ne marque qu'une étape vers la création
d'un organisme plus vaste qui rejoindrait davantage tous les besoins et tous
les services à l'enfance de 0 à 12 ans. Deuxième
recommandation: que l'établissement de cours de formation et de
perfectionnement en matière de service de garde ne consacrent pas une
dichotomie au niveau de la qualité des soins et des besoins de
développement chez les enfants. C'est-à-dire que selon qu'il y
ait du personnel compétent ou non, on pense qu'il peut y avoir des
différences de services qui puissent exister déjà, en
partant, à ce niveau, et qu'on ait, par là même, des...
La recommandation 3 c'est là que nous apportons la
modification devrait se lire: Que la création de l'office
permette davantage la coordination des services de garde comme, par exemple,
celle de l'inspection et de la réglementation sous un même office,
tel que la loi veut la permettre. On se réjouit d'un point que la loi
corrige.
La deuxième correction a trait à la recommandation 4: Que
la création de la garde en milieu familial... On voudrait plutôt
mettre: "Que la création de la garde en milieu résidentiel" ne
constitue pas (non pas une partie) une porte ouverte, sous une forme nouvelle,
à la commercialisation de la garde, ou peut-être, même,
à la commercialisation des besoins des enfants et de leurs parents.
Recommandation 5. Que la réglementation, à l'article 72,
ne devienne pas un bref énoncé de principes qui rendent
désuètes ou périmées un ensemble de normes de garde
qui visaient à améliorer la qualité de vie en situation de
garde.
Nous avons déjà des normes; en tout cas, un projet de
normes. Il ne faudrait vraiment pas le perdre de vue en le réduisant
à un règlement qui serait incorporé à la
création de l'office qui, à ce moment-là, devient loi.
Sixième recommandation. Que les enfants de 6 à 12 ans et
leurs parents, ne soient pas leurrés par un pseudo-service qui ne soit
pas généralisable.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, Mme d'Anjou. M.
le ministre.
M. Lazure: Je veux féliciter le groupe de professeurs de
l'Université de Montréal pour avoir, à l'occasion de ce
projet de loi, réfléchi de nouveau à toute cette question
et apporté un éclairage qui complète, à bien des
points de vue, les mémoires qu'on a entendus depuis une semaine.
Je vais commencer par les sept recommandations, rapidement, pour vous
dire tout simplement que je suis d'accord sur ces recommandations. Vous
êtes le deuxième ou le troisième groupe qui propose que
l'office soit élargi pour qu'il devienne véritablement un office
de la petite enfance. J'ai eu l'occasion de dire la semaine passée qu'on
n'y voit certainement pas d'objection. Peut-être que ce sera un
cheminement logique, naturel, à un moment donné, que cet office
des services de garde à la petite enfance devienne beaucoup plus qu'un
office des services de garde, soit un véritable office de l'enfance.
Tout ce que nous voulons faire en le restreignant, pour le moment, c'est
aller au plus urgent, qui consiste à développer un plus grand
nombre de places, dans quelque modalité que ce soit, quelque type de
garde que ce soit.
Vous avez raison, à votre recommandation 7, de nous mettre en
garde et de lancer cet avertissement, pour que les parents qui ont des enfants
à l'école élémentaire ne s'imaginent pas que du
jour au lendemain, tous ces enfants pourront être intégrés
dans un service de garde approprié. Je suis bien content que vous nous
le rappeliez. On le rappellera en temps et lieu. Ce que nous voulons, avec la
subvention de $700 000 que nous donnons cette année aux commissions
scolaires c'est très peu c'est ajouter notre participation
financière à ce qui se fait déjà dans certains
milieux, en particulier sur l'île de Montréal.
D'une part, vous dites que l'office risque je sors de vos
recommandations de devenir exécutoire c'est le terme que
vous avez employé à cause des pouvoirs trop grands du
ministre. Vous laissez donc entendre que vous voudriez que l'office ait des
pouvoirs de planification. Il nous semble, à nous, qu'il en a.
D'ailleurs, certains groupes nous ont reproché de donner à
l'office des responsabilités dans ce domaine, dans le domaine de la
planification d'une politique. L'office et le ministre ne fonctionneront pas,
je l'espère, de façon séparée et distincte. Il faut
évidemment que la présence politique dans le sens non pas
partisan, mais dans le sens de la responsabilité gouvernementale, soit
sentie par l'office et vice versa.
Au fond, c'est un travail de collaboration. Je pense que c'est un faux
dilemme que de dire: C'est le gouvernement qui devrait élaborer sa
politique, rendre sa politique publique, comme on nous a dit à plusieurs
reprises ici depuis le début de l'étude des mémoires, des
rencontres. C'est un faux problème, parce que cette politique n'est
d'abord pas une politique statique, immuable, cela doit évoluer. La
politique qui en ressort, ce sera une politique élaborée
conjointement par le gouvernement et par l'office, qui est un bras du
gouvernement, un des nombreux bras du gouvernement.
Rapidement sur l'essentiel de vos sept recommandations finales,
je dirais que nous partageons ces orientations - sur des recommandations
particulières que vous faites, j'en prends quelques-unes. Sur les
travailleurs, la représentation au conseil d'administration de l'office,
je pense qu'il y a malentendu. Quand on dit à l'article 6 du projet de
loi, paragraphe 4: "Un membre est choisi parmi les travailleurs", il s'agit de
travailleurs, désignant ainsi par le terme les centrales syndicales, par
opposition à un représentant du patronat. Il ne s'agit pas des
travailleurs dans les garderies proprement dites. Les travailleurs des
garderies sont représentés par le paragraphe 2, quand on dit:
"Deux membres sont choisis parmi les personnes oeuvrant dans les services de
garde."
Aux regroupements régionaux, j'ai été frappé
par vos remarques. Vous regrettez un peu que les regroupements régionaux
qui fonctionnaient depuis quelques années semblent être mis en
veilleuse dans certains coins. Moi aussi, je le regrette. Nous avions
convoqué le ministre d'État à la Condition
féminine participait à cette rencontre-là il y a
au-delà de deux ans tous les regroupements régionaux. À ce
moment-là, non seulement nous ne voulions pas que leur action diminue,
nous voulions qu'elle augmente et que cela devienne plus solidaire. Nous avons
commencé, à ce moment-là, à donner une subvention
pour établir un secrétariat. Nous continuons à donner
cette subvention d'environ $50 000 par année. Je ne veux surtout pas
essayer d'identifier des blâmes ou des coupables, mais, moi aussi, je
formule le souhait qu'il y ait une renaissance des regroupements
régionaux et que, d'une façon ou d'une autre, ces regroupements
régionaux en viennent à s'entendre pour former une espèce
de fédération qui serait le porte-parole de tous ces
regroupements régionaux. Ce serait drôlement plus efficace, je
pense, comme action représentant le milieu des services de garde, et je
ne vous cache pas que cela nous faciliterait les choses d'avoir autant que
possible un seul interlocuteur.
Pour ce qui concerne la garde familiale, là aussi, pour
répondre à une question précise, par un des cinq
amendements que nous projetons d'apporter, nous étendons la garde
familiale jusqu'à la fin du niveau primaire, pour répondre
à votre question. Votre suggestion de changer le terme "garde en milieu
familial" pour "garde en milieu résidentiel", je pense que,
rigoureusement, vous avez raison, oui, vous avez raison et je la prends en
considération. J'espère que cela ne peut pas être
interprété autrement, le résidentiel, parce qu'on emploie
le terme "résidentiel", je sais. En réadaptation pour enfants,
par exemple, on parle d'un milieu résidentiel et, à ce
moment-là, on se réfère à une institution. Le
député de L'Acadie comprend de quoi je parle. On va essayer de
trouver un terme rigoureusement exact, mais qui ne porte pas à
confusion.
Les deux personnes pouvant s'occuper de neuf enfants, un adulte pour
quatre et deux pour neuf, c'est intéressant aussi, la remarque que vous
faites, de bien s'assurer qu'il n'y ait pas une espèce de conjoint ou
conjointe qui agisse comme un fantôme là-dedans, seulement pour
sauver la face. Je pense qu'il va falloir parler de façon plus
précise de deux adultes à temps plein. Je comprends que vous ne
vous opposez pas à ce qu'un des deux ou les deux soient des hommes. Vous
n'avez rien contre cela.
L'obligation de la garde en milieu scolaire, cela aussi a
été précisé dans les cinq amendements
proposés que nous avons déposés la semaine
dernière. Il faut, évidemment, qu'il y ait une concertation avec
le milieu scolaire pour bien expliciter en quoi va consister cette obligation.
Notre intention, c'est qu'il y ait une obligation, mais une obligation qui soit
quand même réaliste, une obligation qui tienne compte non
seulement des locaux, mais aussi des besoins de chaque région, de
besoins de chaque quartier. Ce sera explicité, à la suite de
consultations avec le milieu scolaire et le ministère de
l'Éducation. Ce sera explicité dans les règlements.
Devant la crainte que vous avez d'une certaine
détérioration de la qualité en garde familiale, je pense
qu'une des façons ce n'est pas assez clair dans notre projet,
c'est pour cela qu'on a fait un avant-projet, d'avoir des consultations
de contrer ce danger, si vous voulez, c'est de rendre obligatoire la
participation il y a un ou deux groupes qui nous en ont parlé
déjà des parents même en ce qui concerne la garde
familiale. Cela peut être par le biais de l'agence dont il est question
dans notre projet, d'exiger une participation des parents à la bonne
marche de cette agence, pour ainsi exercer non seulement une surveillance, mais
avoir un mot à dire dans le type de garde familiale qui sera offert dans
la région.
J'ai une dernière remarque avant de passer à une question,
parce qu'il y a beaucoup de choses que j'aimerais dire comme réaction
à votre mémoire qui, tout en étant bref, est très
dense. Vous nous mettez en garde en disant: II ne faut pas confondre les
besoins des enfants avec les droits des mères. C'est l'expression que
vous avez employée. Cela peut être assez percutant comme approche,
mais, par contre, je pense que vous admettrez que la frontière entre des
besoins et des droits est très mince parfois. Si, à un moment
donné, une société ou une assemblée internationale
comme les Nations Unies décide qu'il faut proclamer les droits de
l'enfant, c'est parce qu'on se rend compte, après des
générations et des
générations, qu'il y a des besoins tellement fondamentaux
chez l'enfant qu'on veut en faire des droits. C'est la même chose chez la
mère ou chez la femme parce que les besoins de la mère qui a un
jeune enfant, surtout de la mère qui désire travailler, sont
tellement élémentaires que cela devient des droits. Je veux
seulement, à mon tour, apporter cette nuance qu'il y a vraiment des
zones grises entre ces deux concepts de besoins et de droits.
Je fais un peu le chemin à reculons, c'est ma dernière
intervention. Dans une de vos premières remarques je vous la
retourne comme question vous dites: II ne faut pas que le gouvernement
cède à la tentation de recourir à des solutions qui sont
rentables économiquement ou politiquement. Je voudrais que vous
expliquiez un peu plus ce que vous avez en tête.
Mme Lavoie-Roux: Cela m'en fera une de moins à poser.
M. Lazure: J'aimerais que vous expliquiez à la commission
ce que vous entendez par là. Est-ce que vous voyez des choses, soit dans
lavant-projet de loi ou dans les mesures administratives que nous avons prises
depuis quelque temps? Est-ce que vous voyez de tels exemples où on a
succombé à la tentation?
Le Président (M. Boucher): Mme d'Anjou.
Mme d'Anjou: Je vous demande de ne pas succomber. Je ne veux pas
dire que vous avez succombé. Si je reviens un peu sur les remarques que
vous avez faites et qui tenaient compte de nos remarques, vous vous êtes
basé sur les remarques qu'on vous a faites pour amener des remarques,
votre remarque, par exemple, sur la garde en milieu résidentiel.
Nous avons dit: La loi devrait inscrire le terme "résidentiel"
pour désigner ce qu'elle est en réalité,
c'est-à-dire que ça tient compte du lieu. On ne veut pas dire
qu'on est d'accord, parce qu'on n'a pas voulu ouvertement dire que nous
étions favorables à la garde familiale, mais nous aimerions vous
dire que nous sommes favorables à une garderie de type familial,
c'est-à-dire d'un format réduit, qui permette une espèce
de production qu'on a appelée un bouquet de garderies, par exemple, dans
un quartier où il y aurait une grande densité de population
enfantine. Il pourrait y avoir des garderies aux deux rues, par exemple, et, si
les milieux familiaux s'y prêtaient mal, il devrait quand même y
avoir ce type de garderie, qu'on pense indispensable en particulier pour les
jeunes enfants.
Maintenant, pour ce qui est de la question que vous me posez
précisément, la chose qui nous fait très peur c'est
une hypothèse qu'on a faite c'est que, jusqu'à un certain
point, sur le plan économique comme tel, la garderie en milieu familial,
vers laquelle vous semblez vouloir offrir une possibilité de
développement, je pense qu'à tout prendre, d'après les
études qui ont été faites, sur le plan économique,
c'est une forme de garde qui semble moins dispendieuse, qui pourrait être
du tiers moins dispendieuse. J'ai très peur qu'à cause
là, vous me remettez dans mes préoccupations écologiques
d'une préoccupation actuelle très grande, qui crée
un chaos dans l'équilibre social, à cause de l'évolution
de la condition féminine à laquelle nous croyons
énormément, nous sommes tout à fait d'accord avec tous les
mouvements qui ont promu la condition féminine, nous n'aimerions pas
que, pour satisfaire dans l'immédiat les demandes ou les besoins urgents
des femmes, vous recouriez à une garderie familiale telle qu'elle est
prévue dans la loi. Celle-ci nous apparaît dangereuse, à ce
point-ci, comme étant la solution, parce que, au fond, quand nous vous
parlons d'une garderie de format réduit, qui devrait être
peut-être à toutes les deux ou trois rues dans un quartier, j'ai
l'impression que si elle était en dehors des facilités
d'accès d'une maison comme telle, il se peut qu'elle soit dispendieuse
ou plus dispendieuse. Je crois, à ce moment-là, qu'elle devient
plus accessible. Il faut penser actuellement que la garde, par exemple, tient
compte de la vie des femmes au travail pour les femmes qui travaillent du lundi
au vendredi, mais, allez voir ce qui arrive aux femmes qui travaillent le
samedi, par exemple. La garde dans le quartier devrait exister le samedi; la
garde, dans certaines conditions, devrait exister le soir. Ce sont des choses
que nous n'avons pas encore, mais qui seraient peut-être plus faciles,
dans un petit local, qui soit communautaire, qui puisse être
peut-être à usage plus multiple, mais qui offre, à ce
moment-là, ces possibilités de développement. Alors, une
mère de famille qui aurait gardé des enfants toute la
journée, je pense qu'à six heures, elle serait contente de dire:
Salut! au moins jusqu'à demain matin.
M. Lazure: Je voudrais vous rassurer, parce que ça semble
être une grande inquiétude, que nous n'avons pas du tout
l'intention de privilégier la garde en milieu familial, dans un avenir
prévisible. Ce que nous voulons faire, c'est de commencer...
Mme d'Anjou: Oui.
M. Lazure: ... avec un objectif de 500 places
subventionnées cette année, et de 2000 I an prochain. Cela, c'est
à côté des 4000 nouvelles places en garderie qu'on veut
ajouter aux 16 000 existantes. Donc, il y a quand même une proportion
très nette de nos efforts qui continue de porter sur la garderie. Moi,
je concours avec votre opinion, que ce que vous appelez le "bouquet de
garderies" j'aime beaucoup votre expression ce bouquet de petites
garderies, sera permis et réalisable maintenant avec ce projet de loi,
puisqu'on pourra, à partir de dix places, avoir des mini-garderies. Je
pense qu'il ne faut pas s'imaginer qu'on veut continuer, soit la grosse
garderie de 60 ou 80 places ou la garde en milieu familial, avec les dangers
que ça comporte. On veut aller aussi vers des garderies beaucoup plus
petites, dix et plus.
Mme d'Anjou: Est-ce que je pourrais juste répondre
très brièvement? Là, vous venez de toucher aussi à
ce qui nous a fait dire que nous souhaitions que vous résistiez à
la tentation... Quand vous dites: Nous créons 4000 places, comme
ça, d'ici quelques mois, je pense que c'est une tentation.
M. Lazure: C'est-à-dire que nous voulons créer 4000
places en garderie...
Mme d'Anjou: Vous cédez à une tentation. De plus...
(17 heures)
M. Lazure: Je pourrais le dire d'une autre façon. Nous
voulons créer je ne suis pas sûr qu'on va y réussir
l'équivalent d'une centaine de garderies, si on parle de
garderies de 40 enfants et plus, si on parle de garderies plus petites.
Mme d'Anjou: Nous réalisons l'urgence des besoins de
garderies. La tentation portait simplement sur la création trop
hâtive et précipitée de garderies qui ne seraient que des
solutions temporaires. Notre inquiétude est qu'on mette en place des
systèmes de garderies, étant donné qu'on ne connaît
pas encore les effets à long terme d'une longue fréquentation de
la garderie sur les enfants. Il se peut que ces enfants-là, par exemple,
on les retrouve, à un moment donné, encore en santé, mais
que ce soient des enfants qui auront besoin de rééducation ou de
traitement parce que leurs conditions de base n'auront pas été
bonnes.
Ce qu'on veut dire, c'est que, par une solution hâtive de
créer très vite des places qui ne seraient pas des milieux de
vie, il est possible qu'on se ramasse avec un autre problème dans dix
ans, et il va coûter cher, celui-là.
M. Lazure: Je ne peux pas rester silencieux devant ça,
parce que j'y ai trop travaillé avec d'autres dans le passé, et
je répète ce que j'ai dit la semaine passée; cependant, on
est dans le domaine des opinions à ce moment-là, et je ne suis
pas d'opinion à prime abord que la garderie va créer plus enfants
problèmes que la garde en milieu familial ou vice versa. Je tiens pour
acquis au départ que chacune des formes de garde, y compris la garde par
la mère naturelle de l'enfant dans sa maison, comporte un pourcentage
à peu près équivalent de risques de maladies, comme vous
le dites, ou de troubles de la personnalité pour plus tard.
Le Président (M. Boucher): Merci. Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. À mon tour
je veux remercier les professeurs de l'université qui ont pris la peine
de réfléchir à ce problème. Il y en a eu
très peu, on a eu un groupe de la faculté de psychologie de
l'Université Laval et vous êtes le second. Vous avez
déjà répondu à une question quant à savoir
ne pas succomber à des pressions économiques ou sociales. Je
partage votre point de vue à plusieurs égards. Je pense que, ce
matin, vous m'avez entendue dire aux gens qui étaient ici: II y a quand
même un dilemme, les ressources financières, d'un
côté, et, de l'autre côté, les besoins et aussi les
demandes qu'on a. Entre les deux, est-ce qu'on met l'accent sur le
développement rapide ou est-ce qu'on améliore les qualités
existantes? S'il n'y avait pas de limite d'argent, je dirais: Faisons les deux
en même temps. Mais on sait fort bien qu'il y a des garderies qui,
d'année en année, voient leur existence remise en question
à cause de ressources limitées.
Des gens sont venus ici et ceci n'a pas été
contredit et nous ont dit qu'en dépit de l'argent
supplémentaire investi dans les services de garde, quant à
l'effet sur le fonctionnement de la garderie, la qualité de la garderie
elle-même, c'est presque insensible. On avait créé de
nouvelles places, il fallait tenir compte de l'inflation qui avait
été considérable dans les trois dernières
années. Alors, somme toute, on fait un choix: répondre aux
demandes, mais on n'a peut-être pas suffisamment le souci de dire: Est-ce
qu'il n'y aurait pas lieu aussi d'améliorer la qualité quant
à la stabilité de la garderie, quant à la qualité
du personnel, le milieu de vie, etc.? On sait que les garderies ne se trouvent
pas toutes dans des locaux extraordinaires.
Le ministre nous dit pour nous rassurer: Non, écoutez! on ne met
pas l'accent sur la garderie en milieu familial. De 500, l'an prochain, on aura
2500 places en milieu familial selon les prévisions et on
ajoutera 4000 places en garderie, opposant 2500 à 4000. Si on
considère cela en nombre d'enfants, il a raison. Mais ce qu'il faut bien
réaliser aussi, c'est que 2500 places en milieu familial, ça veut
dire un grand nombre d'unités nouvelles qui sont créées et
de beaucoup supérieures au nombre d'unités de garderies qui
pourraient être créées pour 4000 places.
Chacun de ces milieux est un milieu qui va demander une "surveillance"
et cela va être en beaucoup plus grand nombre que la création de
4000 places en garderie. Je pense que, là-dessus, j'inviterais le
ministre à prendre garde. Il essaie de nous rassurer en disant: 2500
places en milieu familial; c'est beaucoup moins que 4000 places en garderie.
Strictement parlant, du point de vue du nombre d'enfants, vous avez raison,
mais quand vous pensez au nombre d'unités qui seront
créées de part et d'autre, vous allez avoir beaucoup plus
d'unités créées à cinq places par milieu familial
ou neuf places que nous en aurez avec 4000 places-enfants. Je n'ai pas fait le
calcul...
M. Lazure: Si vous permettez, c'est un peu un faux
problème, parce qu'on ne va pas créer des places en garde
familiale. Ce sont des places qui existent actuellement. C'est ce qu'on oublie
dans la discussion. Tout ce qu'on fait, c'est de subventionner une partie
infime du nombre d'enfants qui sont en garde familiale. Tout le monde sait
qu'actuellement peut-être qu'il y en aurait moins, s'il
y avait plus de garderies. Moi, je pense qu'il y en aurait moins, s'il y
avait plus de garderies. De toute façon, actuellement, il y a beaucoup
plus d'enfants en garde familiale qu'en garderie et tout ce qu'on fait, c'est
d'ouvrir un peu la machine à subventionner, mais on ne crée pas
de nouvelles places en garde familiale.
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'on ne veut quand même pas vous
faire assister à un débat entre le ministre et moi, parce qu'on
aura l'occasion d'y revenir. C'est vrai qu'il y a un grand nombre d'enfants qui
sont en garde familiale, qui sont gardés, tout le monde l'a dit et
répété, j'allais dire grand-mère,
grand-père.
M. Lazure: Belle-mère.
Mme Lavoie-Roux: Mon oncle, ma tante, frères et soeurs,
voisins, voisines, mais, ordinairement, d'une façon
générale, il ne s'agit pas de cinq enfants qui sont
confiés à une femme. S'il s'agissait de cinq enfants
confiés à une femme...
M. Lazure: Quatre, pardon.
Mme Lavoie-Roux: Quatre, mais elle peut en avoir cinq, le sien
compris.
M. Lazure: Non, quatre, les siens compris, pour une seule, oui,
c'est clair.
Mme Lavoie-Roux: De toute façon, ces personnes
reçoivent déjà beaucoup plus que ce qu'on accordera aux
personnes dans une unité reconnue par l'office, parce qu'on sait fort
bien que cela coûte présentement $50 par semaine pour faire garder
un enfant en milieu familial dans le sens traditionnel où on l'entend.
Je pense qu'essayer de faire du pareil au même entre ce qu'on pense
établir, de quatre et même de groupe de neuf, c'est un peu
différent de la garde traditionnelle en milieu familial dont on parlait.
Mais on reviendra là-dessus. J'ai quand même deux questions
précises à vous poser. Dans les axes que vous avez
énoncés au début, on retrouvera le texte au journal des
Débats, il y a des parties qui m'ont échappé, je pense que
c'était le troisième ou peut-être que c'était en
fait un peu sous-jacent à chacun des axes que vous avez
énumérés. Vous avez ce souci de la communauté.
Votre dernier était de maintenir en interaction les organismes de la
communauté. Je vous cite un peu rapidement. Par contre, dans votre
mémoire, dans votre troisième recommandation, vous dites: Que la
création de l'office permette davantage la coordination des services de
garde comme par exemple celle de l'inspection et de la réglementation
sous un même office que la loi permet. Une des préoccupations que
j'ai avec l'office, c'est qu'on peut créer un monstre aussi. Ce sont
tous les services d'inspection, la réglementation, mais peut-être
que la réglementation générale peut relever de l'office.
Je pense qu'il devrait y avoir une certaine latitude laissée un peu plus
localement. D'un côté, je retrouve ici où vous semblez
je vous prête peut-être des intentions que vous n'avez pas
remettre à l'office beaucoup de pouvoirs et, d'un autre
côté, vous mettez l'accent et c'était fort
intéressant sur le dynamisme des communautés. Comment
conciliez-vous les deux? Peut-être que c'est moi qui me trompe.
Deuxièmement, est-ce que vous voyez une espèce de
décentralisation ou y avez-vous réfléchi quant aux
pouvoirs et à la réglementation? La planification
générale, d'accord, on peut laisser cela à l'office,
mais...
Mme d'Anjou: Comme telle, pour répondre directement
à votre dernière question, on n'a pas tellement
réfléchi à une structure de décentralisation. On a
essayé d'attirer votre attention sur un esprit duquel l'office, en
appliquant la loi, ne devait pas s'éloigner, et c'était l'esprit
de la communauté. Une des choses qui est aberrante, même si vous
avez reçu beaucoup de mémoires à la commission, par
exemple, ce qui me frappe, c'est que la plupart des personnes qui vous ont
présenté des mémoires sont des gens directement ou
indirectement intéressés au développement de la garderie
comme telle. Ce qui me frappe, c'est que les citoyens en général
comme tels, des vieillards, n'importe qui, ne semblent pas tellement se
préoccuper de la question de la garderie.
Peut-être que là, j'ai un biais très personnel pour
avoir vécu, par exemple, quatre ans aux États-Unis dans une
communauté, il y avait un organisme qui s'appelait le Women's Voter
League, où dès qu'une loi apparaissait, il y avait un groupe de
personnes qui conscientisait les citoyens d'un besoin. À un moment
donné, une loi est faite pour permettre aux femmes de retourner et avoir
du recyclage, tout de suite, il y a un groupe de conscientisation qui dit: Oui,
mais elles vont avoir des enfants, qui va s'en occuper? On conscientise la
communauté aux besoins que crée la nouvelle loi, on s'en occupe,
on la met sur pied. Quand la réalisation de la loi est faite,
l'organisme en garderie se transforme en autre chose ou disparaît.
C'est ce que j'appelle un esprit communautaire, que j'ai beaucoup de
difficulté à retrouver depuis que je suis revenue au
Québec. Il y a en effet un esprit selon lequel on dépend
complètement des subventions gouvernementales pour développer des
choses, pour prendre soin de nos problèmes. C'est une chose qui me
frappe beaucoup. Ce sur quoi, par exemple, j'attire votre attention, c'est que,
dans ce qui existait au niveau du Québec, on pouvait avoir des normes de
garderie qui relevaient d'un service et on pouvait avoir une inspection de
cette même garderie qui relevaient des Travaux publics. Alors,
l'inspection pouvait arriver et démolir tout ce qui s'était fait.
Je ne sais pas si c'est un problème avec lequel vous êtes
familier. Cela amenait des délais et une espèce de mort au niveau
de la communauté, c'est-à-dire que ça ne sert à
rien de monter des garderies, ça ne sert à rien de
s'intéresser ou de participer, de toute façon, parce qu'il y
avait dispersion des services, surtout qu'ils relevaient
de sources indépendantes où il y avait peu de
communication. Je pense qu'à ce moment-là, c'était
extrêmement difficile qu'on assiste à des développements
quelconques.
C'était dans cet esprit que la loi apporte quelque chose de
nouveau. C'est que la réglementation et l'inspection se retrouvent
réalisées a l'intérieur d'un même office. Donc, en
principe, il devrait y avoir communication, au moins à ce niveau. Est-ce
que ça répond...
Mme Lavoie-Roux: Quand vous pensez à un service
d'inspection à l'échelle de l'office, c'est-à-dire au
niveau d'un office, pour l'ensemble de la province, on peut se retrouver avec
quelque chose de passablement considérable. On ne peut pas aller
d'après les normes qui existaient. Plusieurs personnes sont venues nous
dire qu'elles étaient visitées une fois par année, et je
pense que je suis généreuse, on a même parlé d'une
fois par trois ans, mais je ne voudrais pas exagérer dans l'autre sens
non plus.
Alors, on veut vraiment un service d'inspection qui soit efficace, je
pense qu'il faut absolument le penser ailleurs que dans un office. Sans
ça, vous allez avoir une autre bureaucratie fonctionnarisée et je
ne pense pas qu'on va répondre ainsi aux inquiétudes que vous
avez.
Mme d'Anjou: À ce moment-là, il faudrait vraiment
insister dans la loi que l'office a un caractère de
régionalisation, de décentralisation qui soit effectivement
présent, parce qu'une des remarques que nous n'avons pas faites, mais
sur laquelle nous avons quand même passé quelques moments, c'est
que la loi reflète quand même des besoins surtout urbains, comme
c'est presque toujours le cas. J'espère qu'à la commission
parlementaire présente, les milieux qui se sont sentis beaucoup moins
bien représentés viendront parler. Je pense au milieu rural, par
exemple, qui va être obligé de s'accommoder de certaines choses,
qui a toujours les services après coup et où les
développements sont plus lents.
À ce moment-là, c'est clair qu'une décentralisation
et une régionalisation pourraient permettre que ce soit effectivement
beaucoup plus efficace, plus rapide et qu'on puisse lui donner le même
développement.
Mme Lavoie-Roux: Une deuxième question. Vous êtes
familière avec la garderie de l'Université de
Montréal?
Mme d'Anjou: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous savez quel est le coût
d'exploitation de cette garderie?
Mme d'Anjou: Aucunement. La garderie de l'Université de
Montréal relève d'une corporation complètement
indépendante sur le plan administratif. Je n'ai pas eu accès au
budget, je ne crois pas qu'il ait été rendu public,
c'est-à-dire qu'il a été dévoilé aux
membres, à ceux qui participent directement, comme usagers, à la
garderie. Là-dessus, je n'ai pas de détails.
Mme Lavoie-Roux: Savez-vous quel est le ratio à
l'intérieur de cette garderie? Non plus?
Mme d'Anjou: Je pense qu'il est assez conforme aux normes
actuelles et, ce qu'il y a d'intéressant, c'est qu'il est variable.
À des heures de pointe, il va être jusqu'à 1-4, à
d'autres moments, chez les bébés, par exemple, 1-7, au moment des
périodes de jeu, par exemple. (17 h 15)
On a, à l'Université de Montréal, établi une
distinction entre les plus jeunes et les plus vieux. Le ratio est autour de 1
-7 ou de 1-8, je pense.
Mme Lavoie-Roux: Alors, il serait plus bas que les normes
générales?
Mme d'Anjou: Oui. C'est une garderie modèle. Je ne veux
pas dire de laquelle on doit s'inspirer, mais on a cherché à
reproduire des conditions qui pouvaient être idéales, comme c'est
le cas dans tous les campus universitaires.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je vous remercie, Mme d'Anjou, de nous avoir fait
réfléchir pendant quelques minutes. C'est une des rares fois
qu'il nous a été donné de le faire, pendant cette
commission, sur des objectifs. On a eu d'excellents mémoires qui nous
ont été présentés, mais un mémoire qui nous
permet de réfléchir sur la philosophie des garderies dans la
province, c'est une des rares fois que nous en avons.
Je ne relèverai pas plusieurs points qui ont été
soulevés par le ministre ou par Mme le député de L'Acadie.
Je ne reprendrai pas ces points que j'avais notés. Quand vous parlez
d'une solution collective hâtive, vous faites allusion à quoi?
Vous dites que ce que vous n'aimeriez pas, ce serait une solution collective
hâtive. Vous avez dit à ce moment-là qu'on manquait
peut-être de données, basées sur le temps.
Mme d'Anjou: Les solutions collectives seraient des solutions
visant à répondre aux besoins de plusieurs à la fois. Par
exemple, la grande garderie, par définition, répondrait à
un plus grand nombre d'enfants. C'est une solution collective, de parents pour
des enfants. Une solution hâtive collective, c'est une solution qui, de
façon rapide, puisse permettre de résoudre le problème
d'un grand nombre.
M. Grenier: C'est ce que je soupçonnais, c'est ce que
j'entrevoyais. Par contre, ce qui me faisait dire que cela pouvait être
autre chose, c'est que vous ne vous opposez pas, bien sûr, à la
garderie en milieu familial, en milieu résidentiel, comme
vous dites, ce qui devrait être une compensation aux garderies
plus larges, aux garderies plus nombreuses, une espèce de palliatif.
C'est pour cela que j'ai voulu vous poser la question.
Quand vous parlez de garderies, vous voulez changer l'expression "garde
en milieu familial" pour "garde en milieu résidentiel". Vous avez
entendu mon intervention ce matin sur le premier mémoire, celui du
Comité de la condition féminine. À ce moment-là,
j'ai parlé assez longuement des petites garderies en milieu familial. On
a même répondu cet après-midi que cette garderie, qui prend
le nom de garderie en milieu familial, se basait d'abord sur des traditions qui
existent, qui se perpétuent et qui font que cette forme de garderie
qu'on donnera, ce seront des enfants qui s'ajouteront à une famille.
C'est un peu ce que le ministre vient de nous dire. Ce sont des enfants qui
s'ajouteront à une famille, en ce sens que c'est une femme qui a
déjà des enfants ce pourra en être d'autres aussi,
la loi ne l'exclut pas une couple d'enfants, comme c'est la
généralité, auxquels s'ajouteront trois ou quatre enfants.
Vous préférez le terme "résidentiel". Le ministre disait
tout à l'heure que Mme Lavoie-Roux connaît bien la
différence entre les deux. Je peux vous dire que je connais bien la
différence, moi aussi. Et je choisirais la garde en milieu familial
avant la garde en milieu résidentiel puisqu'on n'est pas tenté,
par nos lois, malheureusement, de mettre l'accent sur la famille. Et s'il
arrive pour une fois qu'on en parle un peu, je pense qu'il ne faudrait pas se
hâter de se jeter sur l'expression et dire qu'elle est de trop, en la
changeant pour le "milieu résidentiel", pour que cela devienne encore
moins familial. Je verrais mal pourquoi on serait appelé à
changer une expression comme celle-là. Je ne sais pas si vous avez une
argumentation différente.
Mme d'Anjou: Je me rends compte, au fond, en vous entendant
interagir, en entendant le ministre Lazure interagir avec cette remarque que
nous avons faite, que ce n'est pas bon de faire de l'humour quand on fait des
recommandations.
M. Grenier: Que ce n'est pas bon de...? Je n'ai pas saisi.
Mme d'Anjou: Que ce n'est pas bon de faire de l'humour quand on
fait des recommandations. Ce qu'on voulait vraiment dire, c'est que ce que la
loi semblait vouloir préconiser, c'était une garde de type
familial et dans le texte de loi, on a mis "garde en milieu familial", mais de
par la définition qu'on lui donne, je dis que ce serait plus exact si
vous l'appeliez "garde en milieu résidentiel" plutôt que "garde en
milieu familial".
M. Grenier: Mais vous n'avez rien contre l'expression de garde
telle que décrite dans le moment? Vous n'y auriez pas d'objection?
Mme d'Anjou: Si l'esprit "garde familiale" désignait
vraiment ce sur quoi on a porté votre attention, c'est-à-dire un
milieu, une petite cellule qui permette à l'enfant d'avoir certaines
conditions de vie et qu'on utilise traditionnellement le mot "famille" pour
désigner l'ensemble de ces conditions de vie et que cela corresponde
à quelque chose, je n'y aurais pas d'objection. Est-ce que cela va?
M. Grenier: Je vous remercie. Je pense que c'est suffisant. Cela
répond bien à ma question.
Vous vous dites heureux. "Nous nous réjouissons de la fin des
garderies à but lucratif, mais craignons leur réouverture sous la
forme des gardes en milieu familial." On a entendu des gens qui sont venus nous
dire ici qu'ils voulaient voir disparaître les garderies à but
lucratif. La seule raison que j'ai entendue et qu'on donnait, ce qui n'a pas
réussi à me convaincre encore, c'était qu'on ne voulait
pas voir faire de l'argent sur le dos des enfants. Auriez-vous d'autres
arguments que cela à me fournir, parce que je suis encore en mesure de
défendre cette forme de garderie à but lucratif dans cette
société qu'on veut pluraliste, parce que c'est quand même
un choix que font les parents? J'aimerais que vous me donniez un autre argument
pour me faire changer d'opinion.
Mme d'Anjou: Je pense que, dans la réalité
québécoise actuelle, la garderie à but lucratif annonce
officiellement que l'activité de garde est utilisée par certaines
personnes pour faire des revenus. À ce moment-là on annonce
ouvertement ses couleurs. À ce point de vue-là, c'est
honnête de la part des gens des garderies à but lucratif et ce ne
sont pas les gens que je vise à ce moment-ci, c'est le fait. Je souscris
absolument à la position des gens qui se sont opposés à
l'idée que la garde des enfants soit une possibilité ou une
source pour des gens de faire des revenus à partir desquels ils peuvent
vivre, parce que, dans la réalité, cela peut vouloir dire,
étant donné des fluctuations budgétaires ou autres, que la
satisfaction des besoins des enfants peut varier, parce que je gagne ma vie
avec les besoins des enfants. À ce moment-là, je pense que les
besoins des enfants ne doivent pas être soumis à cette
fluctuation-là.
M. Grenier: D'accord. Vous avez fait allusion, bien sûr,
vous aussi, comme bien d'autres, à cette politique familiale qui n'est
pas développée ici. Il n'arrive pas souvent, en fait, il n'arrive
pas que dans une loi, on donne une philosophie. On s'est plaint, depuis le
début de cette commission, d'un manque de politique familiale de la part
du gouvernement. Ce n'est pas une accusation qu'on porte à l'actuel
gouvernement. D'autres gouvernements auraient pu se pencher là-dessus
bien avant aujourd'hui. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il y a des familles. Ce
n'est pas parce qu'il y a un nouveau gouvernement ...les familles existaient
avant lui. On s'est rendu compte que pour l'étude de ce projet de loi
c'eut été essentiel, je pense, qu'on ait cette définition
d'une politique familiale. Vous avez également attiré notre
attention sur la "conscientisation" des gens. Je suis content de
vous l'entendre dire. On le vit régulièrement. On le vit
au niveau de nos circonscriptions. Ce qui nous manque, ici, au niveau d'une
commission parlementaire on vit le reflet de ce qui se passe dans notre
société et vous avez été la première
à en témoigner ici aujourd'hui ce sont des groupes, ce
qu'on appelle souvent le vrai monde. Ce n'est pas la bonne expression, je suis
bien d'accord, puisque les gens qui sont venus ici sont aussi du vrai monde
mais les gens qui ne viennent pas représenter des associations,
les gens en général. Je suis content que vous le signaliez. C'est
pour cela que je vais y revenir, pour attirer davantage l'attention des gens de
la commission. Cela nous manque à nous. Cela vous manque à vous
aussi qui travaillez dans les groupements. Cela nous manque à nous de
sentir le milieu lui-même, l'expérience que vous avez vécue
aux États-Unis. Cela nous manque au niveau de nos circonscriptions et
cela se reflète ici au niveau de la commission. Ce sont les mêmes
problèmes qui se vivent ici.
Je veux vous remercier aussi pour ce que vous nous avez fourni, le ton
et les termes modérés que vous nous avez donnés.
J'apprécie grandement une rencontre comme nous en avons une ici
aujourd'hui, entre vous et nous, le ton modéré et les expressions
modérées aussi. Souvent, pour revendiquer, on exagère d'un
côté ou de l'autre, mais vous nous proposez des choses,
aujourd'hui, où c'est facile de faire une table ronde, de discuter et de
voir où il peut y avoir des carences pour déterminer les
modifications qu'on peut apporter à ce projet de loi. Je veux vous
remercier, madame.
Le Président (M. Boucher): Merci. Au nom de tous les
membres de la commission, je remercie le groupe de professeurs de
l'Université de Montréal, Mme d'Anjou et Mme Berthelet, pour la
présentation de leur mémoire. J'appelle immédiatement la
Corporation Garderies Le Colombier Inc. Si vous voulez vous identifier et
procéder à la lecture de votre mémoire, s'il vous
plaît.
Corporation Garderies Le Colombier Inc.
M. Rodrigue (Guy): D'accord. Voici mes collègues, Michel
Bonneau et Jean Provencher, tous deux administrateurs de la corporation.
Le Président (M. Boucher): Vous êtes monsieur?
M. Rodrigue: Guy Rodrigue, président du conseil
d'administration.
M. le Président, permettez-nous, avant de faire nos
représentations concernant l'avant-projet de loi sur les services de
garde à l'enfance, de faire un bref historique des faits qui nous
amènent devant vous. Le Colombier Enr., qui devint Garderies Le
Colombier Inc., fut fondé à la fin des années cinquante.
D'abord une école maternelle, on en vint rapidement, pour satisfaire
à un besoin, à offrir des services de garde. Lentement, ce type
de service spécialisé a pris de l'ampleur pour en arriver, au
début des années 1970, à un type de service qui
s'apparente à nos garderies actuelles.
En septembre 1975, à la suite d'une forte demande, il fut
décidé d'agrandir les locaux, situés au sous-sol depuis le
tout début. L'agrandissement s'effectuera en occupant le
rez-de-chaussée de la maison sise au 889 Bon-Air, à
Sainte-Foy.
Quelques mois plus tard, le Service d'inspection de la ville de
Sainte-Foy nous informait que normalement, selon les règlements de
zonage, nous avions le droit d'occuper 25% de la superficie de la maison, alors
que nous en étions rendus à 60%. Le ministère des Affaires
sociales nous accorda alors un permis nous autorisant à accueillir 65
enfants.
Dès janvier 1976, nous n'avions aucune place de disponible. En
juillet 1976, la corporation a pris une nouvelle expansion dans d'autres locaux
situés sur le chemin Sainte-Foy, à Sainte-Foy. En tout, la
corporation offre maintenant ses services de garde à 125 enfants
répartis entre les deux établissements.
En 1978, le ministère des Affaires sociales nous suggéra
de faire l'acquisition de ces maisons afin de nous assurer une certaine
indépendance et aussi assurer la continuité de nos services.
À la suite de cette suggestion, en mai 1978, eut lieu la première
rencontre avec les autorités de la ville de Sainte-Foy, dans le but de
normaliser notre établissement de la rue Bon-Air. Nous fûmes
très bien accueillis et la ville décida de soumettre le tout
à la Commission d'urbanisme.
La Garderie Le Colombier n'étant pas la seule à
contrevenir à un règlement de zonage, le problème a pris
une certaine ampleur. La Commission d'urbanisme, après concertation avec
les représentants du ministère des Affaires sociales, fit les
recommandations suivantes: premièrement, légaliser la situation
des garderies existantes; deuxièmement, autoriser les futures garderies
dans toutes les zones multifamiliales.
Dans tous les cas, ces garderies doivent respecter les normes du
ministère des Affaires sociales.
La ville de Sainte-Foy décida de légaliser les garderies
existantes en demandant un changement au règlement de zonage,
créant des dispositions particulières à l'endroit du lot
où existent ces garderies. La ville demandait qu'en plus des usages
permis par le règlement actuel, on autorise, pour un lot donné,
une garderie d'enfants soumise aux normes du ministère des Affaires
sociales. Le but du changement était de normaliser une situation
existante et non de créer une nouvelle garderie. À la suite de
l'opposition des citoyens, un référendum fut tenu le 22 septembre
1979 et les résultats furent les suivants: en faveur: 24; contre: 31 ;
rejeté: 1 ; n'ont pas voté: 7. (17 h 30)
Les membres du conseil d'administration, ayant rencontré les
propriétaires concernés, ont constaté que la plupart de
ces propriétaires ne sont pas prêts à reconnaître la
nécessité des
garderies. D'autres nous ont dit: Nous sommes pour la garderie, mais
contre le changement de zonage.
Le règlement fut rejeté et la garderie ne pourra plus
oeuvrer dans la clandestinité. Devant ce résultat, les garderies
de Sainte-Foy, qui sont dans la même situation, voient leur avenir
compromis.
J'aimerais ici attirer votre attention sur les pièces jointes au
mémoire. D'abord, il y a une série de lettres que nous avons fait
parvenir aux citoyens de la rue Bon-Air, incluant une copie du projet
d'amendement au règlement de zonage. Il y a aussi une lettre d'un groupe
de citoyens qui étaient contre le changement et une autre d'un groupe en
faveur de l'amendement. Aussi, parmi les extraits du journal Le Soleil, on
trouve des articles intitulés: "Ouvrir est malaisé". "La garderie
Le Colombier n'agrandira pas ses locaux". "Sainte-Foy, craintes non
fondées vis-à-vis de la garderie Le Colombier". "Le conseilleur
Dutil demande d'aller voter pour sauver la garderie Le Colombier".
Malgré cette campagne, aidés par tous les media et par le
conseiller du quartier, il semble que les citoyens du secteur concerné,
tout en se prononçant verbalement pour la garderie, ne veulent pas que
la ville amende le règlement de zonage.
Quelques jours après le référendum tenu pour Le
Colombier, une autre garderie s'est trouvée dans la même
situation. Il s'agit de la garderie Jardin des Anges, située aussi
à Sainte-Foy. Cette garderie a un permis qui lui permet d'accueillir 75
enfants. Nous avons appris qu'une autre garderie, cette fois de 30 places,
pourrait d'ici peu, subir le même sort, ce qui, dans le moment, met en
péril 170 places de garderie, et ce dans la ville de Sainte-Foy
seulement.
Il semble que cette situation pourrait s'étendre à
d'autres villes. Nous pensons que le service des garderies du ministère
est à même de confirmer l'ampleur du problème. En ce qui
nous concerne, nous avons tenté vainement, pendant plus d'une
année, de nous relocaliser. Les problèmes auxquels nous avons
dû faire face sont bien résumés dans un article du journal
Le Soleil, paru le 7 avril 1979 et inclus dans notre mémoire sous le
titre: "Ouvrir est malaisé". Le gros problème, c'est de trouver
un local dans un secteur où le zonage est adéquat.
J'aimerais, ici encore, attirer votre attention sur un autre article
paru dans le journal Le Soleil. Je crois qu'il vous a été
distribué. Je vais le citer: "M. Camilien Tremblay, conseiller
municipal, a ajouté que le ministère des Affaires sociales devra
sans doute intervenir sous forme de législation pour forcer la ville
à garder ces garderies ouvertes. Sinon, tout le réseau des
garderies privées à Sainte-Foy risque de s'effondrer, car
d'autres institutions du genre devront faire l'objet d'amendements au zonage au
cours des prochains mois."
L'article 91 prévoit qu'aucun règlement municipal
adopté en vertu d'une loi générale ou spéciale, ne
peut avoir pour effet d'empêcher l'instauration ou le maintien d'un
service de garde en garderie ou en milieu familial pour le seul motif qu'il
s'agit d'un service de garde en garderie ou en milieu familial. Le
présent article prévaut sur toute loi générale ou
spéciale.
Or, ce matin, nous recevions la lettre suivante, adressée aux
garderies Le Colombier: "Monsieur, suite au scrutin tenu le 22 septembre
dernier relativement à l'approbation du règlement no 2302 et au
rapport d'icelui présenté au conseil lors de la séance du
1er octobre dernier, constatant le rejet de ce règlement, la ville de
Sainte-Foy me charge de vous faire savoir que vous ne pouvez plus opérer
votre garderie dans la maison sise sur le lot 128-247 du cadastre officiel pour
la paroisse de Sainte-Foy, à l'adresse civique 889, Bon-Air.
Toutefois, sans préjudice au droit de la ville d'exiger la
fermeture immédiate de cette garderie, il vous est accordé un
délai de 60 jours, à compter de la présente lettre, pour
localiser celle-ci dans une zone ou un secteur de zone où ce genre
d'activité est permis.
Auriez-vous l'obligeance de prendre les moyens nécessaires pour
vous conformer à ce délai. Bien à vous, Noël Perron,
avocat, greffier, directeur du contentieux, ville de Sainte-Foy".
En résumé, M. le Président, notre problème
n'est pas unique. Il représente un obstacle réel au
développement d'un réseau de garderies. La garderie de quartier a
sa place autant que la garderie en milieu de travail, mais les obstacles, dont
le zonage, mettent en péril le réseau actuel en plus
d'empêcher l'ouverture de nouvelles garderies.
Nous vous demandons donc de maintenir l'article 91 dans toute sa
rigueur. Mon collègue va vous expliquer ce qu'on entend par
là.
M. Bonneau (Michel): Dans l'expression "dans toute sa rigueur" le
conseil d'administration de la corporation met beaucoup d'espoir, en ce sens
qu'il croit que l'article 91 devrait protéger sans aucune
équivoque les garderies existantes détenant un permis du
ministère des Affaires sociales et qui font ou feront l'objet de menace
de fermeture de la part des autorités municipales. À cette fin,
nous aimerions poser une question: Est-ce que le libellé actuel de
l'article 91 protège les garderies existantes? Sinon, est-ce qu'il n'y
aurait pas lieu de le modifier de façon à protéger le
présent en même temps que le futur?
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.
M. Lazure: Je remercie les représentants des Garderies Le
Colombier de venir nous saisir de leur problème, qui peut avoir des
implications pour d'autres garderies à Québec ou ailleurs. On est
conscient des difficultés que certaines garderies existantes ou
nouvelles ont connues par rapport à des règlements de zonage
municipaux. C'est pourquoi on propose cet article 91. L article 91, tel qu'il
apparaît ici, comme vous le voyez, découle de discussions avec le
ministre des Affaires municipales. Ce que nous obtenons, par l'article
91 tel qu'il est rédigé, c'est d'empêcher, dans la
mesure où c'est humainement possible, qu'il y ait une discrimination,
via le zonage, vis-à-vis d'une garderie. Autrement dit, qu'une
municipalité se serve d'un règlement de zonage pour "discriminer"
contre une garderie. L'article 91 voit à ça. Mais l'article 91
tel qu'il est rédigé ne peut pas empêcher une
municipalité de changer des règlements de zonage. Que
voulez-vous? Je ne peux pas, par le biais d'une loi, en tant que ministre des
Affaires sociales, m'ingérer à ce point dans la gestion des
municipalités et interdire aux municipalités de
légiférer, de réglementer en matière de zonage.
Pour être bien précis, pour revenir à votre
question, malheureusement, comme il est rédigé, cet article ne
réglerait pas votre problème. J'ai vérifié encore
tantôt auprès de mes conseillers. La seule façon de
régler votre problème, ce serait d'enlever la dernière
ligne et demie au premier paragraphe. Je relis l'article tel qu'il pourrait
être, tel qu'il devrait être pour régler votre
problème: "Aucun règlement municipal adopté en vertu d'une
loi générale ou spéciale ne peut avoir pour effet
d'empêcher l'instauration ou le maintien d'un service de garde en
garderie ou en milieu familial." Il faudrait arrêter là. Vous
voyez, c'est énorme comme intrusion dans le domaine de la gestion
municipale. Je suis sûr, enfin je pense... Je suis prêt à en
discuter avec mon collègue des Affaires municipales, mais j'ai bien
l'impression qu'il va me dire: Écoutez! vous allez trop loin. Vous
empêchez les municipalités d'administrer leur propre
règlement.
M. Bonneau: Mais il reste que pour avoir communiqué depuis
le tout début avec les autorités municipales et les
fonctionnaires de la ville de Sainte-Foy, on a pu se rendre compte
qu'actuellement les autorités et les fonctionnaires sont en plein
désarroi. Ils s'attendaient vraiment à ce que les citoyens du
quartier ne s'opposent pas à un amendement créant des
dispositions particulières pour un lot donné. Ils ont
été surpris.
Évidemment, tout amendement à l'avenir, dans la ville de
Sainte-Foy, inutile d'y penser. La ville ne s'embarquera plus à faire
des avis publics et même des référendums. Elle a
été échaudée. Le Jardin des Anges paie en fait pour
le débat que nous avons eu avec 63 propriétaires du secteur. Les
échanges ont été très clairs et très nets.
Il y a certainement, à mon point de vue personnel, pour avoir
été très actif au niveau de cette campagne publicitaire,
au-delà de 35 de ces propriétaires qui sont nettement en faveur
de la garderie, mais contre tout changement à leur règlement de
zonage; ils en sont jaloux.
M. Lazure: M. le Président, c'est un peu ironique que vous
veniez tout de suite après le groupe de professeurs de
l'Université de Montréal. La représentante de ce groupe
déplorait tantôt que la société soit peu
éclairée quant aux besoins de services de garde et c'est vrai, la
société en est peu consciente. Votre cas non seulement attire
toute notre sympathie, mais aussi notre attention et nos actions; les
fonctionnaires du ministère s'occupent de votre problème, mais
votre cas représente cette fois-ci non pas l'ignorance ou le
préjugé d'un conseil municipal, mais bien une espèce
d'intolérance de la part de la population du quartier, peut-être
parce qu'elle est mal éclairée, mais je pense que c'est un beau
cas d'intolérance et presque d'insouciance de la part de la population
du quartier. J'ai une question à vous poser. Comment se fait-il,
étant donné qu'il y a certainement beaucoup de parents qui sont
propriétaires, mais en dehors de cette petite zone où seuls les
propriétaires ont été admissibles à voter au
référendum, qu'il y ait très peu de propriétaires
qui ont voté finalement...
M. Bonneau: II y avait un maximum de...
M. Lazure: ... pourquoi est-ce que vous n'obtiendriez pas que les
propriétaires qui sont dans Sainte-Foy, mais qui débordent de
cette zone et qui envoient leurs enfants à la garderie, puissent avoir
droit de vote à ce référendum? Est-ce qu'il a
été question de cela?
M. Bonneau: À ce moment-là, oui, il en a
été question. Là, on revient à notre cas, qui est
tout à fait particulier, et qu'on amène comme exemple. Il est
là, il est réel. Évidemment, on dit bien que notre
problème n'est pas unique. Il y a eu des cas qui se sont
présentés, comme nous, il y en aura encore, et c'est ce qu'on
trouve malheureux. Tous les propriétaires, en fait, des zones
contiguës au secteur Bon-Air, ont eu la chance de s'exprimer avant le
secteur Bon-Air, par voie des journaux, et il n'y a eu strictement personne
dans ce secteur qui se soit opposé, qui ait demandé
d'élargir la zone du référendum. C'est très
complexe et je pense bien qu'au niveau de la ville de Sainte-Foy, les
représentations qu'on peut faire sont nulles, à toutes fins
utiles...
M. Lazure: En conclusion, vous avez un délai de deux mois.
Je peux simplement vous dire qu'on va redoubler d'efforts pour essayer de vous
aider à trouver d'autres locaux au cas où vous auriez
légalement besoin de déménager, mais je ne pense pas qu'on
puisse...
D'ailleurs, dans votre lettre, vous demandez qu'on maintienne l'article
91 tel quel. On a bien l'intention de le maintenir tel quel, mais je vous dis
tout de suite qu'il ne serait pas assez puissant pour régler votre
problème.
M. Bonneau: Indépendamment de ça, M. le ministre,
il reste que si les citoyens du quartier avaient voté majoritairement
pour nous, on ne serait pas venus ici. Le problème n'aurait pas jailli,
en fait, au niveau... C'est dans ce sens que notre démarche se fait au
niveau de la commission parlementaire, pour souligner la situation
précaire que vivent les garderies existantes. (17 h 45)
M. Lazure: Mon dernier commentaire, c'est qu'on pourrait en
parler longuement. Je pense
qu'il ne faut pas dramatiser non plus. Il arrive quand même assez
rarement que des garderies ont de tels problèmes de zonage. On a les
chiffres et on est au courant des problèmes. Mais ça nous
confirme que, surtout dans le cas de nouvelles garderies, il faut absolument
que le voisinage participe, non seulement que les parents contrôlent le
conseil d'administration de la garderie majoritairement, mais que, là
où la garderie va s'installer, il y ait des conversations et qu'il y ait
une espèce de consultation de la part des responsables, des parents qui
veulent créer la garderie et des gens qui habitent dans ce
coin-là, pour que, dès le départ, il y ait une acceptation
de la part du voisinage, car il n'y a aucune loi qui va rendre les gens, de
façon magique, plus tolérants du jour au lendemain, il n'y a
aucune loi qui peut faire ça.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais ajouter seulement un mot, on va
appuyer le ministre dans ses efforts de recherche. Le problème que vous
venez de nous présenter, je l'ai vécu quand il s'est agi
d'affecter une école pour des enfants handicapés, de prendre une
école désaffectée, d'y mettre des enfants
handicapés; le voisinage s'y opposait, ça ne fait pas quinze ans,
ça fait quatre ans. La même chose, quand il s'agissait de placer
des enfants atteints d'arriération mentale, c'était la même
sorte de problème. Je vous dis que, malheureusement, les
préjugés à l'égard des garderies sont très
nombreux. J'ai invité un député du côté
ministériel, j'aurais pu avoir, probablement la même
réaction de mon côté, en disant: Écoutez, si les
garderies ne vous intéressent pas, vous devriez venir avec nous, il a
dit: Moi, mes enfants, on les garde.
Je pense que c'est là l'état des choses. Tout ce qu'on
peut faire, c'est d'essayer de voir... Du côté de la loi sur les
handicapés, est-ce qu'il n'y a pas un article...
M. Lazure: On a l'article équivalent. Mme Lavoie-Roux:
Oui.
M. Lazure: Parce qu'on a eu des problèmes avec les
handicapés, comme vous le dites, et on a eu des problèmes avec
les ex-malades mentaux, les foyers aussi pour ex-malades mentaux. Tout
ça, on l'a corrigé par une clause équivalente à
ça, qui dit, dans le fond, que les villes hésitent beaucoup,
ça exerce une grosse pression morale sur une municipalité
maintenant. Ils ne peuvent plus, par le truc du zonage, venir interdire des
foyers de groupe, comme cela se faisait à Pointe-aux-Trembles, à
Montréal. Il est célèbre, ce cas-là. Mais aller
plus loin que ça, ça voudrait dire, interdire à une
municipalité de faire des règlements de zonage, c'est ce que
ça voudrait dire, et c'est ce qu'on ne peut pas faire.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: C'est sûr qu'on fait face à un
problème. Souvent, on se bat dans les commissions pour parler de
décentralisation des pouvoirs, mais, quand on décentralise un
pouvoir qui est donné à des municipalités, il arrive des
problèmes de ce genre. Encore une fois, vous signalez que ce n'est pas
la municipalité de Sainte-Foy qui s'oppose, mais un groupe de citoyens
et c'est même un groupe minoritaire. Si on peut se servir de cette
tribune pour demander à ces gens, en minorité, qui n'acceptent
pas les services d'une garderie dans leur milieu, alors que ce sont leurs
enfants, leur milieu à eux, et que c'est bien chez eux, cela fait des
situations d'un genre un peu cocasse, difficiles à accepter dans une
société qu'on veut encore pluraliste.
Les efforts que fera le ministre pour tenter de trouver un nouveau
local, si jamais cela devait en arriver là, je souhaite bien que cela
débouche pour vous autres, mais peut-être qu'en attendant, si on
vous a donné 60 jours, il y aurait moyen qu'on envoie parfois d'autres
personnes qui sont de meilleurs vendeurs, même si on a
déployé toutes nos énergies pour convaincre des familles,
convaincre des milieux. On a déjà vu cela dans d'autres secteurs
de travail. Je vous souhaite bien que cela puisse réussir. C'est
à peu près tout ce qu'on peut faire ici, autour de cette
table.
Le Président (M. Boucher): Merci.
M. Provencher (Jean): M. le Président, en terminant,
j'aimerais simplement soulever un point qui me frappe en cette fin de
journée de commission parlementaire. Nous avons eu l'occasion d'entendre
différents mémoires. Il apparaît que l'avant-projet de loi,
tel que conçu, regarde énormément vers l'avenir. Et nous,
en fin de journée, nous sommes des gens en place. Nous venons vous dire
que nous avons des problèmes. C'étaient, effectivement, dans le
courant de la journée, des insertions très justes quant au nombre
grandissant d'enfants qui ont besoin de garderies, de places, et
également le nombre d'enfants qui va grandissant.
Ce que je voudrais simplement vous souligner, M. le ministre, c'est que
notre problème et je tiens à souligner que c'est un
problème, on me le mentionnait au service des garderies qui s'est
produit, non pas par centaines, mais c'est quand même un problème
assez particulier qui s'est retrouvé ailleurs en province et qui,
à Sainte-Foy, se retrouve déjà en trois exemplaires.
Ce problème l'est pour une garderie existante. On parle de
créer des places et on vous dit ce soir que nous allons peut-être
en perdre 150 à Sainte-Foy, qui est une ville de la province de
Québec. Nous n'avons pas de chiffres en main peut-être que
M. le ministre en a plus que nous sur des cas qui, sans être
exactement semblables, ont une portée à peu près
pareille.
Je me demande si, dans une disposition que je n'ai pas en main, un texte
de loi que je n'ai pas, un libellé que je n'ai pas conçu, on ne
pourrait pas prévoir et cela ne me semblerait pas un
empiètement à ce moment-ci, des dispositions, dans
cette loi, pour ces garderies, et non pas dans un caractère
général.
M. Lazure: Je peux vous dire, pour ne rien vous cacher, que je me
suis mis une petite note à côté de l'article 91, au moins
pour les garderies existantes. Cela rejoint votre idée. On va essayer de
plaider. Je ne suis pas trop optimiste, mais je vous assure qu'on va essayer de
plaider pour les garderies existantes. Il serait inutile d'essayer de plaider
pour les garderies à venir. Mais pour les garderies existantes, on va
essayer.
M. Provencher: Si vous le permettez, cet empiètement,
effectivement, est un problème, je le conçois. Mais il faut
également voir, dans tout règlement de zonage j'en ai lu
quelques-uns, m'étant occupé du dossier que la garderie
est difficile à définir. On peut la retrouver au niveau du
commerce, des groupes commerces. Et c'est là qu'on la retrouve
habituellement. Je pense que ce n'est pas correct. On ne peut la
catégoriser institutionnelle, effectivement, parce que ce n'est pas une
école comme telle. Mais ce n'est certes pas un commerce. Et c'est
justement ce problème, face à la population, que nous avons
rencontré dans une campagne. C'est pour cela que je précise que
le ministère des Affaires sociales, je pense, en intervenant, ne fait
pas d'empiètement. Les garderies qui relèvent de son
ministère, je pense qu'on doit les expliquer aux villes, on doit le
faire comprendre aux villes. Je pense que c'est un mandat que vous avez et
c'est ce qu'on vous suggère, aujourd'hui, en insérant à
l'article 91 les dispositions pour les garderies existantes.
M. Lazure: On va faire l'impossible. Je peux vous dire aussi que
la recherche de locaux continue. On va explorer au peigne fin tout Sainte-Foy
pour voir s'il n'est pas possible de vous relocaliser. Bonne chance.
Le Président (M. Boucher): Merci. Brièvement, s'il
vous plaît.
M. Bonneau: Seulement un commentaire. Quant aux autres articles
de l'avant-projet de loi touchant les services de garde en garderie, je pense
que la Corporation Garderies Le Colombier Inc., qui est une corporation sans
but lucratif dont le conseil d'administration est composé
majoritairement de parents d'enfants fréquentant
régulièrement notre garderie, ne les perçoit pas comme une
menace, mais comme une transposition écrite de la réalité
que la corporation vit actuellement. L'office et ses pouvoirs ne nous
apparaissent pas comme une menace. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Bonneau, M. Rodrigue
et M. Provencher, pour la présentation de votre mémoire au nom de
tous les membres de la commission.
J'appellerais maintenant les professeurs du département de
technique de garderie d'enfants du cégep de
Saint-Jérôme.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je me suis
hâtée pour les autres, ce n'est pas moi qui ai pris le temps de la
commission. Enfin, on va commencer par ne pas perdre de temps, mais, à
18 h 15, il faut que je disparaisse.
Le Président (M. Boucher): Les membres de la commission
sont d'accord pour prolonger après 18 heures?
Mme Lavoie-Roux: Pas plus tard que 18 h 15, ou je ne vous donne
pas mon consentement.
Le Président (M. Boucher): D'accord. Merci.
M. Grenier: Si, à 18 h 15, on n'a pas terminé, je
m'en vais.
Le Président (M. Boucher): Veuillez vous identifier et
identifier les gens qui sont avec vous.
Professeurs du département de
technique de garderie du cégep
de Saint-Jérôme
M. Cantin (Gilles): Je m'appelle Gilles Cantin. Je suis
professeur au cégep de Saint-Jérôme en technique de
garderie. C'est un cours qui a pour objectif premier de former des
éducateurs au niveau de la petite enfance, plus particulièrement
dans les garderies. À ma gauche ici, il y a Yolande Lavigueur, qui est
aussi enseignante au cégep de Saint-Jérôme, et Aline
Hachey, à ma droite.
On nous laisse vingt minutes, si je comprends bien?
Le Président (M. Boucher): Si vous voulez aller aux
conclusions le plus rapidement possible, en résumant votre
mémoire, il y aura plus de temps pour les questions, étant
donné que les membres de la commission sont d'accord pour prolonger
après 18 heures, jusqu'à 18 h 15. Vous aurez plus de temps pour
les questions, parce qu'il faut que vous compreniez que les mémoires ont
été lus par tous les membres de la commission.
M. Cantin: Oui, je regrette un peu qu'on nous ait inscrits en
dernier lieu. Je considère qu'on est quand même les perdants.
Le Président (M. Boucher): Non, mais il reste que votre
mémoire sera inscrit au journal des Débats au complet... (Voir
annexe)
M. Cantin: Je comprends qu'enfin, on a moins de temps que les
autres, c'est un fait que je ne prendrai pas le temps...
Le Président (M. Boucher): Je comprends. Les membres de la
commission sont au courant de tout le mémoire, étant donné
qu'ils l'ont lu.
M. Cantin: Ils l'ont lu. D'accord. Pour nous introduire,
actuellement au Québec je ne sais
pas si les gens sont au courant il existe quatre cégeps
qui donnent le cours en technique de garderie. Nous sommes le seul cégep
public francophone. Pardon?
Mme Lavoie-Roux: C'est incroyable!
M. Cantin: Oui. Notre métier, c'est de former des
éducateurs en garderie de par notre formation et aussi de par ce que
nous avons à faire avec nos étudiantes. On visite
régulièrement des garderies un peu partout au Québec. Nous
sommes allés dans les régions de Sherbrooke, Québec,
Montréal, évidemment c'est une région qu'on couvre
beaucoup l'Outaouais et les Laurentides. C'est un peu dans cet esprit,
à la suite de tout ce qu'on a pu voir dans les différentes
garderies, les contacts qu'on a régulièrement avec des gens des
milieux, à la fois des parents, à la fois des travailleurs et
même des enfants, qu'on s'est permis d'adresser ici, à la
commission parlementaire, ce mémoire. Ce mémoire ne va pas dans
les détails, dans les recommandations très précises, mais
il dresse quand même les grandes lignes qui devraient, selon nous, guider
le projet de loi et, éventuellement, la loi. Je vais y aller selon les
points qui sont ici:
Premièrement, nous sommes pour un réseau de garde. Selon
nous, c'est essentiel actuellement, au Québec, qui, soit dit en passant,
est assez en retard sur les autres provinces, que le réseau de garde
soit complété et perfectionné. Les besoins des parents
dans ce sens se résument à deux points précis:
L'accessibilité aux garderies et aussi la qualité du service de
garde. Quand on parle d'accessibilité, c'est du point de vue du nombre
de places. On considère qu'il faut à tout prix que ce nombre de
places en garderie augmente. On considère que celui-ci, par rapport aux
taux qui sont exigés dans les garderies actuellement, est un taux qui
est élevé et qui diminue, selon nous, l'accessibilité aux
garderies.
On parle aussi de la qualité qui est, selon nous, le
deuxième besoin essentiel de la population, la qualité du
réseau de garde. C'est dans ce sens qu'on se pose de sérieuses
questions sur la garde en milieu familial. Selon nous, dans le projet de loi
actuel, il n'y a rien qui garantit une qualité à ce type de
garde. On n'est pas contre la formule de garde dans le milieu familial,
résidentiel ou quel qu'il soit, mais par contre, de la façon dont
c'est abordé dans la loi, il nous semble qu'il n'y a à peu
près aucune garantie que cela va être un service de
qualité, que ce soit au niveau de la supervision de ces milieux, que ce
soit au niveau des ressources qui vont être disponibles aux gens qui vont
travailler auprès de ces enfants et par rapport aussi au contrôle.
C'est une notion qui, pour nous autres, est tout à fait fondamentale
dans les garderies actuelles. C'est une originalité du Québec et
je pense qu'il ne faut pas la perdre.
Les parents, de plus en plus, contrôlent véritablement
leurs garderies et d'une façon efficace. Actuellement, dans
l'avant-projet de loi, la notion du contrôle aux usagers tombe
complètement dans tous les autres services de garde autres que les
garderies traditionnelles. Pour nous, en tout cas, il est essentiel que ce soit
conservé. De plus, on se prononce pour un financement direct aux
garderies. Actuellement, c'est assez incroyable il faut se promener dans
les garderies pour voir cela de voir les conditions dans lesquelles
elles parviennent à survivre à certains moments. Jusqu'ici,
toutes les mesures financières qui ont été
apportées ont aidé, mais jamais pour obtenir un réseau de
garde de qualité. Dans ce sens, les $2 qui sont amenés, on peut
dire que c'est un pas. C'est la première fois que le gouvernement
reconnaît un financement direct aux garderies, mais par contre, on peut
se rappeler que cette demande a été faite, je crois, en 1974, par
le regroupement des garderies. À l'époque, on demandait $2, mais
le taux habituel d'une garderie était de $5 à $6. Maintenant,
cela varie de $10 à $12.
Les $2, je pense qu'ils ne sont pas suffisants, sûrement pas. Je
crois que j'ai résumé un peu le mémoire. Je regrette, en
tout cas, que nous n'ayons pas eu le temps de le lire. Je pense que ma
pensée n'est peut-être pas aussi cohérente que la
manière dont il avait été écrit. On me signale un
dernier point que j'ai oublié, par rapport à la formation, au
type de formation donnée au cégep de Saint-Jérôme.
Dans ce sens, on va se trouver à apporter un élément
nouveau par rapport à ce qui a été amené par, je
crois, l'Association des propriétaires de garderies à but
lucratif ou quelque chose comme cela. Le type de formation que nous donnons a
pour but de former des gens qui sont, d'une certaine façon, des
animateurs communautaires. Nous formons nos étudiantes pour qu'elles
soient aptes à travailler avec les parents parce qu'au cégep de
Saint-Jérôme, nous reconnaissons que c'est une des qualités
indispensables aux garderies actuellement au Québec et que nos
étudiantes devront travailler avec les parents et non se substituer aux
parents. C'est dans ce sens qu'on parle un peu d'animateurs,
c'est-à-dire, qu'ils doivent avoir des qualités de travail au
niveau des adultes en plus des qualités de travail au niveau des
enfants. (18 heures)
Ce qui avait été avancé, je crois, dans un autre
mémoire, ou enfin, une autre rencontre, c'est ceci: que le gouvernement
restreigne l'expansion des garderies à but lucratif est une
espèce d'atteinte aux droits individuels des étudiantes,
notamment, qui suivent un cours de trois ans pour s'ouvrir une garderie. En
tout cas, ce n'est pas du tout de cette façon que cela se vit chez nous.
Nos étudiantes n'ont pas tellement le goût de partir à leur
propre compte.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Cantin, pour
votre collaboration. M. le ministre.
M. Lazure: Je vais me concentrer sur deux ou trois points. Je
remercie le groupe de Saint-Jérôme d'être venu aujourd'hui
nous présenter son mémoire. On connaît l'action du
cégep de Saint-Jérôme, je la connais depuis un bon bout de
temps, on la connaît aussi par l'intermédiaire de
Mme Gariépy qui est active dans le regroupement des garderies
sans but lucratif, qui est enseignante chez vous. Cela me rassure que les gens
que vous formez au cégep ne brûlent pas, en sortant, d'aller
créer leur propre garderie à but lucratif. On va plutôt
laisser de côté cette question pour revenir à la
qualité en fonction de la garde familiale.
Je répète ce que j'ai dit tantôt au groupe de
l'Université de Montréal, au cas où cela vous aurait
échappé, et c'est une possibilité que j'évoque.
Dans les modifications que nous apporterions au projet, on peut concevoir que
l'agence qui va chapeauter, coordonner l'action de la garde familiale, en
somme, que cette agence soit, sinon contrôlée, qu'elle ait, en
tout cas, au moins obligatoirement un comité de parents qui aura recours
à la garde familiale. On va regarder cette possibilité de faire
l'équivalent, en somme, pour la garde familiale, de ce qu'on fait pour
la garderie. Si je comprends bien, c'est un peu votre souhait, comme
c'était le souhait de quelques autres groupes.
On convient que les $2 ne sont pas suffisants, mais je suis content de
voir que vous reconnaissez que c'est un pas dans la bonne direction. J'ai une
question concernant les stagiaires et, entre parenthèses, aussi, on a
l'intention de discuter avec nos amis de l'Éducation de la
possibilité d'étendre un peu et là-dessus,
j'aimerais avoir vos réactions à moins que vous soyez
d'avis contraire, mais il me semble, à prime abord, qu'il pourrait y
avoir quelques autres cégeps au Québec, le Québec est
tellement immense, géographiquement, qui dispenseraient cet enseignement
en technique de garderie. Si vous êtes de cet avis, nous, nous avons bien
l'intention d'en discuter avec le ministre de l'Éducation.
Quel est, à votre connaissance, non seulement chez vous, mais
dans l'ensemble des quatre cégeps, le temps que l'étudiant
consacre à des stages pratiques en garderies?
M. Cantin: Pour répondre à cette question
indirectement, il y a trois stages pendant la formation qui dure trois ans. Le
premier stage, d'une durée d'une session, consiste à environ 15
jours de journées complètes de sept heures passées en
garderies; le deuxième est d'environ 30 jours et le troisième est
de 45 jours. Si on fait un calcul rapide, cela fait 90 jours en tout. C'est un
minimum, évidemment.
M. Lazure: C'est à temps complet durant ces
jours-là?
M. Cantin: Oui, c'est sept heures.
M. Lazure: Avez-vous une ou quelques garderies attitrées
pour ces stages?
M. Cantin: Vous voulez savoir si on va dans une seule
garderie?
M. Lazure: Oui.
M. Cantin: Non, nous fréquentons le chiffre est
inscrit dans le mémoire environ de 30 à 40 garderies
différentes, d'un peu partout, par session.
Mme Hachey (Aline): Étant le seul cégep public
francophone, on a, nécessairement, des étudiantes de partout dans
le Québec. Au niveau du stage de troisième année, qui est
un stage de bloc intensif, on a des étudiantes qui manifestent le
désir de travailler chez elles pour être dans leur région.
Ça marche, c'est d'accord, elles font leur stage là-bas et on va
les superviser là-bas. On va à Sherbrooke, à
Drummondville, à Québec; on est allé dans l'Outaouais
aussi. Cela nous donne un éventail des besoins, au niveau de toute la
province, qui est très précieux pour notre enseignement
pratique.
M. Lazure: Vous avez Marie-Victorin, qui est un cégep
privé, évidemment, qui a le même cours, n'est-ce pas?
Mme Hachey: Oui.
M. Lazure: Les deux autres, ce sont lesquels? Mme Hachey:
Cap-Rouge et un en anglais. M. Lazure: Cap-Rouge et un anglophone.
Mme Hachey: Vanier à Montréal.
M. Lazure: Vanier, oui. Je n'ai pas de question pour le moment,
peut-être que je reviendrai.
Mme Lavigueur (Yolande): Vous nous... Le Président (M.
Boucher): Oui, allez-y.
Mme Lavigueur: Vous nous avez demandé ce qu'on pensait
d'étendre le cours à d'autres cégeps. C'est difficile
d'être contre en ce sens qu'on a beaucoup de demandes d'admission qu'on
est obligé de refuser, de personnes qui viennent de partout dans la
province, étant donné qu'on est les seuls francophones à
offrir le cours; évidemment, on voudrait... On est à travailler
à un comité provincial pour le programme qui est encore
expérimental et cela devrait être terminé et on voudrait
être consulté d'une certaine façon avant que le cours ne
s'étende ailleurs. On ne peut pas être contre cela.
M. Lazure: J'imagine que vous êtes d'avis que le cours doit
cesser d'être expérimental et être reconnu d'une
façon permanente. Nous, on le pense. Êtes-vous de cet avis?
Mme Lavigueur: Oui, aussi.
M. Cantin: Évidemment, parce que quand on dit "cours
expérimental", il ne faut pas penser que c'est un laboratoire. C'est une
formation qui se donne et qui est nettement satisfaisante. Les commentaires
qu'on a eus des garderies on a eu notre première série de
finissantes l'année dernière sont qu'elles sont
très satisfaites. Elles n'ont pas eu de problème à se
trouver d'emploi du tout.
M. Lazure: Combien de personnes graduent chez vous par
année?
M. Cantin: On est contingenté, on a le droit d'accepter 33
étudiantes par année.
M. Lazure: Seulement 33!
M. Cantin: Oui. L'année dernière, il y en a eu 23
qui ont fini. Comparativement au nombre de places de garderies qui vont
s'ouvrir prochainement, c'est nettement insuffisant.
Qu'on pense qu'au cégep, c'est sûr que si c'est le seul
cours au Québec qui se donne et qui est spécialisé pour
les enfants de 0 à 6 ans, en tout cas, actuellement, c'est insuffisant.
C'est le seul cours strictement spécialisé pour cet âge,
l'âge préscolaire, et pour le travail avec des groupes d'enfants
de cet âge, ce qui est particulier aussi, et c'est nettement insuffisant.
C'est bien sûr, cela va de soi.
Le Président (M. Boucher): Merci. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je veux vous remercier. Je n'ai pas tellement de
questions et de commentaires, je pense que vous avez été ici une
partie de la journée, vous y étiez peut-être avant aussi.
Les questions que vous soulevez recoupent évidemment celles que
particulièrement le regroupement des garderies est venu présenter
ici. Je vous donne mon point de vue là-dessus, je ne veux pas revenir
sur toute la discussion de la garde en milieu familial, je veux simplement vous
assurer que nous ferons les efforts nécessaires pour que des balises
soient mises. Il reste toujours ce danger que plusieurs ont
évoqué, que l'équilibre s'en aille vers ce type de garde
plutôt que la garde en garderie, quoique je ne l'écarte pas comme
étant une réponse à des besoins dans des milieux
spécifiques.
J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer assez longtemps un
ou deux professeurs du cégep de Saint-Jérôme. J'aurais
simplement quelques questions très courtes à vous poser. Est-ce
que les gens qui sortent de votre école ou qui sont des
diplômés trouvent tous de l'emploi immédiatement?
M. Cantin: Je peux répondre que, chez nos finissantes qui
sont sorties en mai l'année dernière, on a fait un petit sondage
au mois de septembre, parce qu'il y a deux garderies de la région qui
avaient communiqué avec nous pour offrir des postes. Sur 23, on a
rejoint 21 candidates et 19 étaient placées. Je pense que c'est
très bon si on compare ceci avec d'autres options.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Pardon? Une voix: Placées
dans des garderies? M. Cantin: Ah oui, dans des garderies.
Une voix: Déjà existantes.
Mme Lavoie-Roux: Maintenant, est-ce que beaucoup de demandes vous
sont adressées pour du personnel?
M. Cantin: Oui, on en a régulièrement, depuis que
le cours existe.
Mme Lavoie-Roux: Avez-vous l'impression qu'il y a vraiment
surplus? Si on vous a contingentés, c'est qu'il devait y avoir à
un moment donné un surplus?
M. Cantin: Je ne sais pas sur quoi on a pu se baser, pour
établir qu'il y avait un surplus.
Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela que je vous demande d'une
façon précise si vous avez...
M. Cantin: Là, enfin on parle pour notre cégep.
M. Lazure: II n'y avait pas de volonté politique d'avoir
un réseau de garderies à l'époque, parce que cela remonte
loin. Non, mais je suis sérieux, cela remonte à quoi, quatre ou
cinq ans?
M. Cantin: Le cours existe à Saint-Jérôme
depuis trois ans, c'est la quatrième année.
M. Lazure: Quatrième année. Alors, mettez une
année ou deux pour la préparation du cours à
l'intérieur du ministère. À l'époque, il y avait
très peu de garderies et il n'y avait pas de plan pour en avoir
tellement.
Mme Lavoie-Roux: II y a 16 000 places en garderies. Il y en avait
13 000 à ce moment-là. Il ne faut quand même pas dire que
c'est la seule raison pour laquelle cela a été
contingenté. Vous le dites vous-même, les 4000 places ne seront
pas disponibles demain matin. Combien en avez-vous eu depuis le budget du mois
d'avril?
M. Lazure: Depuis trois ans, c'est...
Mme Lavoie-Roux: Depuis le budget du mois d'avril.
M. Lazure: Depuis le budget du mois d'avril, combien de
places?
Mme Lavoie-Roux: De nouvelles places? Il y a celles qui ont
disparu aussi.
M. Lazure: Je ne peux pas vous le dire. Demain, si vous le
voulez, je vous donnerai les chiffres.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Le ministre veut faire un peu de
politique, mais la question, c'est qu'il faut savoir quand même pourquoi
cela a été contingenté.
M. Lazure: Un tout petit peu. On gagne notre vie comme cela.
C'est notre gagne-pain.
Mme La voie-Roux: Un tout petit peu.
M. Lazure: C'est votre "job". C'est ma "job".
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que Marie-Victorin a débuté
avant vous autres? C'est cette école qui a pris l'initiative, n'est-ce
pas?
M. Cantin: Oui, oui. Les deux cours au niveau privé ont
débuté avant les cours privés...
Mme Lavoie-Roux: C'est cela.
M. Cantin: ... et ils ne sont pas contingentés.
Mme Lavoie-Roux: Ils ne sont pas contingentés?
M. Cantin: Non.
M. Lazure: Cela, c'est fort!
Mme Hachey: Marie-Victorin doit remonter au moins à sept
années d'existence, alors que nous, c'est notre quatrième
année.
Mme Lavoie-Roux: Je voulais seulement vérifier. C'est
l'impression que j'avais qu'elle avait été à l'origine de
tout cela.
Mme Hachey: Nos premières finissantes sont sorties l'an
dernier.
Mme Lavoie-Roux: Oui, et elles sont toutes placées. Il n'y
a pas de problème.
Mme Hachey: Ce sont toutes des nouvelles.
Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas demandé de faire lever le
contingentement cette année?
M. Cantin: On est une équipe assez nouvelle. Le cours est
à inventer ni plus ni moins dans le sens que, comme je le disais, au
Québec, j'ai suivi un cours universitaire en préscolaire.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais avez-vous des relations avec
Marie-Victorin pour l'établissement de...
M. Cantin: Oui, oui. Tous les cours... D'ailleurs, on a eu un
télégramme d'appui qui provenait du comité de coordination
provinciale ce matin et qui a été lu. On a des contacts avec les
autres cégeps. Ce sont des sujets qui sont discutés.
Mme Lavoie-Roux: Des garçons s'inscrivent-ils à vos
cours?
M. Cantin: Très peu.
Mme Lavoie-Roux: Combien sur 30? Vous en aviez 33 d'inscrits.
Combien s'étaient inscrits?
M. Cantin: Peut-être une moyenne de un sur 30 environ.
Mme Lavoie-Roux: Combien? M. Cantin: Un sur 30.
Mme Lavoie-Roux: Un sur 30. Vous êtes un brave. Quel est le
salaire de vos gens en sortant et comment se compare-t-il avec celui de tous
les autres diplômés des techniques professionnelles?
M. Cantin: Actuellement, dans les garderies, c'est souvent le
salaire minimum, ce qui est assez ridicule, si on pense que ces
étudiants... Il faut qu'ils soient un peu missionnaires pour passer
trois ans dans un cégep et arriver sur le marché du travail pour
gagner le salaire minimum. Ils le savent. Ils s'y attendent. Il y a des places
où c'est mieux payé, mais cela dépasse rarement $6
l'heure.
Mme Lavoie-Roux: Quelqu'un qui sortirait sortirait est une
mauvaise expression qui terminerait ses études dans une autre
technique professionnelle, à quel salaire débuterait-il?
M. Cantin: Je n'ai pas de chiffre exact, mais un éducateur
spécialisé, c'est une profession qui touche l'éducation,
combien peut-il gagner? Le ministre des Affaires sociales pourrait très
bien nous répondre là-dessus.
M. Lazure: Oui. $7000 ou $8000, $8000 ou $9000 par année,
sûrement un peu plus, sûrement plus que le technicien en
garderie.
M. Cantin: Sûrement.
Mme Lavoie-Roux: II y en a qui m'ont parlé...
M. Cantin: Les conditions de travail ne sont pas les mêmes
non plus, ils ont quand même des... Les travailleurs en garderie ne sont
pas syndiqués. Il y a une seule garderie dans tout le Québec qui
est syndiquée et qui n'a pas d'affiliation.
Mme Lavoie-Roux: On m'a parlé d'un écart possible
de $100 par semaine pour des débutants, entre ceux qui vont dans le
domaine des garderies et ceux qui iraient, par exemple, en éducation
spécialisée. Je voulais vérifier cela. C'est la raison de
ma question.
M. Cantin: C'est très possible. Mme Hachey: C'est
fort possible. M. Cantin: C'est très plausible.
M. Lazure: Cela pourrait être un écart de $150 par
semaine par rapport à $250 par semaine?
Mme Lavoie-Roux: C'est cela.
M. Lazure: C'est concevable. Je ne pense pas qu'en
général, ce soit aussi fort que cela, mais ce serait au moins $50
d'écart.
Mme Lavoie-Roux: Et quand on connaît après cela la
progression dans les échelles, cela se ressent pendant plusieurs
années.
M. Lazure: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup et on va tenter
de...
Le Président (M. Boucher): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je veux vous remercier de l'apport que vous nous
donnez aujourd'hui et c'est bon de tomber sur des gens qui sont vraiment dans
le secteur de l'éducation, de ce milieu proprement dit. Je pense que
c'est le premier mémoire qu'on a de ce secteur. À Vanier et
Cap-Rouge, combien sort-il de finissants à peu près par
année? Vous avez donné les chiffres de Marie-Victorin, mais
Vanier et Cap-Rouge, en avez-vous une idée?
M. Cantin: Le cégep Vanier est aussi contingenté,
étant public. Pour Marie-Victorin et Cap-Rouge, je ne pourrais pas
avancer de chiffres, mais je crois que c'est le double à peu
près.
M. Grenier: Le double? Quand vous dites qu'un jeune homme sur 30
va chez vous, vous êtes saisi aussi de l'état de fait que, dans
l'enseignement du primaire, il y a à peu près 90% de femmes
aussi. Vous vous êtes penchés sur ce problème? (18 h
15)
Quelle conclusion tirez-vous de cela, à savoir qu'il y ait si peu
d'hommes à l'âge de la jeune enfance et qu'on la prolonge au
niveau du secondaire? Ce sont encore des femmes en très grand nombre qui
sont autour des enfants. A-t-on tiré des conclusions dans votre milieu
à ce sujet?
Mme Hachey: Je peux peut-être vous répondre.
M. Grenier: Oui.
Mme Hachey: Je pense que la pression sociale est, bien sûr,
très forte sur nos étudiants et sur nos étudiantes, de
toute façon, même dans le cadre du collège de
Saint-Jérôme. Ce n'est pas très bien vu d'être en
garderie. Pourquoi aller étudier trois ans pour s'occuper des enfants?
C'est sûr que socialement, c'est mal compris qu'on doive étudier
pour s'occuper des enfants. Cela devrait être naturel que toutes les
femmes soient capables de s'occuper des enfants. Ce que, bien sûr, les
gens oublient, c'est que de s'occuper d'un groupe d'enfants et de s'occuper de
son enfant, c'est très différent; c'est un autre monde.
M. Grenier: ...
Mme Hachey: Je pense que la pression sociale est
évidemment beaucoup plus forte sur les garçons dans le milieu
familial. Un garçon qui est en garderie doit être assez solide
dans ses convictions et dans son désir de travailler avec des petits
enfants parce qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui comprennent ses
aspirations.
M. Grenier: D'accord. Ce que vous dites là est
certainement vrai, mais ce n'est pas aussi un peu parce que la psychologie
féminine est beaucoup plus près des jeunes que la psychologie de
l'homme? Vous ne vous êtes pas arrêtée à cela?
M. Cantin: Je peux peut-être...
Mme Lavoie-Roux: Moi qui pensais que vous pouviez remplacer votre
femme auprès de vos enfants et que cela ne faisait pas de
différence.
M. Grenier: Oui, je le fais régulièrement et j'ai
beaucoup de succès.
Mme Lavoie-Roux: Bon!
M. Grenier: J'ai beaucoup de succès aussi. Mais je pose la
question; je la pose. Je n'ai pas dit que j'étais convaincu de cela. Je
pose la question.
M. Cantin: Je me sens un petit peu concerné qu'on parle de
cela. Je crois qu'il y a beaucoup de préjugés autour de cela et
qu'une mère n'a pas nécessairement de qualifications
innées plus qu'un père peut en avoir. Parfois, j'ai quasiment
vérifié le contraire.
M. Grenier: J'aimerais savoir s'il vous est arrivé de
donner des cours parce qu'il existe quand même des garderies depuis bon
nombre d'années. Est-ce que vous donnez des cours de recyclage aux
personnes de ce milieu?
M. Cantin: Non. C'est quelque chose qui s'en vient. Dans notre
région, il y a de plus en plus de demandes. C'est encore à
l'état embryonnaire. Par rapport à la garde en milieu familial,
quand on parle de manque de ressources qui ne sont pas prévues dans la
loi, c'est une des choses qu'on croit absolument nécessaires pour les
gens qui travailleraient dans ce type de garde.
M. Grenier: Pour une femme qui oeuvre dans ce milieu, est-ce
qu'il y a un endroit de rafraîchissement où on retourne de temps
en temps? Est-ce que cela existe dans l'un ou l'autre des organismes que vous
avez mentionnés, par exemple à Marie-Victorin, Cap-Rouge ou
Vanier, ou si cela n'existe pas?
M. Cantin: II y a très peu de choses qui existent en ce
domaine; très peu.
M. Grenier: C'est surprenant.
Mme Hachey: Les besoins sont énormes. M. Grenier:
Pardon?
Mme Lavigueur: II existe des cours du soir qui sont donnés
au cégep Marie-Victorin, mais cela ne semblait pas être la formule
qui répondait aux besoins des gens qui travaillent déjà de
7 heures jusqu'à 22 heures. Aller suivre des cours du soir, ce n'est
pas...
M. Grenier: Non, ce n'est certainement pas la formule
idéale.
Mme Lavigueur: Elle reste à trouver, cette nouvelle
formule pour recycler les gens.
M. Grenier: C'est étrange.
Mme Lavigueur: Une formation en cours d'emploi, c'est à
faire.
M. Grenier: Vous admettez avec nous que c'est joliment
étrange après tant d'années qu'on n'ait pas encore
pensé à recycler les gens du milieu!
Mme Lavigueur: Mais cela ne fait pas tant d'années.
M. Grenier: Non. Qu'il y ait des écoles, je suis d'accord
avec vous.
Mme Lavigueur: Oui.
M. Grenier: Mais qu'il y ait des garderies, les garderies
existent depuis bon nombre d'années, et qu'on n'ait pas pensé de
trouver une formule pour cela...
Mme Hachey: Les garderies essaient de survivre. Alors, vous
savez, elles vont à l'essentiel.
M. Grenier: Elles se préoccupent de l'essentiel. Le pain
d'abord.
Mme Hachey: Oui, c'est cela. Si on peut avoir un peu de pain.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je remercie les représentants des professeurs du
département de technique de garderie du cégep de
Saint-Jérôme. La commission ajourne ses travaux à demain,
10 heures.
(Fin de la séance à 18 h 19)
ANNEXE
Mémoire des professeurs du département
de technique de garderie du cégep de Saint-Jérôme
Présenté en commission
parlementaire
sur l'avant-projet de loi des services de garde
à l'enfance
Ce 24 septembre 1979
Monsieur le président,
II existe au Québec un programme de niveau collégial dont
l'objectif est de former des travailleurs de garderie compétents. Ce
programme est récent et il se donne dans deux cégeps
privés, un collège public anglophone et un seul cégep
public francophone: le nôtre, le Collège de
Saint-Jérôme. Nous sommes un département formé de
sept personnes et nos antécédents, nos formations, nos âges
et notre vécu sont très variés.
Nous avons tous des diplômes de compétence au niveau de la
petite enfance, mais dans plusieurs champs de spécialisation
différents. Tous, nous avons vécu avec des enfants comme personne
ressource-animatrice responsable dans différents milieux de garde et,
depuis que nous avons la responsabilité de former des travailleurs en
garderie, nous avons vécu une immersion intensive dans le monde
québécois des garderies.
Nous sommes en contact depuis quatre ans, d'une façon
régulière, avec des garderies de l'Outaouais à
Québec en passant par les Laurentides, Montréal et Sherbrooke.
Nous avons supervisé deux-cent soixante-dix stagiaires qui ont
vécu leur formation pratique dans des garderies aussi dynamiques et
variées que leurs usagers à travers la Province.
Nous avons en commun la connaissance des jeunes enfants et
l'espèce de conscience euphorique de travailler à l'essentiel,
là où l'avenir commence. Pour nous, les personnes-clefs sont
celles à qui la société confie les plus jeunes de ses
enfants. Et il existe déjà des garderies où des personnes
pleines de ressources se mettent au service des parents et en font
bénéficier les enfants. Nous en sommes plus que témoins,
nous avons tous vécu la réalité d'une garderie qui se met
sur pied et veille à la qualité de sa vie et de sa
pédagogie.
C'est pourquoi cette loi-cadre, qui veut régir tous les milieux
de garde, nous intéresse et nous concerne au plus haut point.
Nous sommes convaincus que le tissu social québécois se
fait de façon accélérée et originale et que le fil
de chaîne doit composer de plus en plus avec les garderies. La
société qui se repense et se recrée doit d'abord accepter
que ses enfants évoluent en des milieux de garde différents et
nouveaux. Ces micro-communautés réalistes, à l'image et au
service de ceux qui les composent, ne peuvent toutefois pas s'organiser et
fonctionner sans s'appuyer sur des ressources matérielles et des
compétences pédagogiques concrètes et largement
disponibles.
Une des ressources à laquelle nous croyons sans réserve,
c'est celle du personnel que nous contribuons à former.
Ces personnes ont des connaissances, bien sûr, en ce qui a trait
à l'organisation de la vie quotidienne, du cadre physique et des
activités adaptées aux jeunes enfants, mais en plus elles ont
développé une solide conscience sociale et un respect du droit du
parent à orienter la vie, les valeurs et l'éducation de son
enfant.
Nos étudiants sont aussi en contact étroit et
évolutif avec l'ensemble de la réalité communautaire et
politique du phénomène "garderie".
Nos travailleurs savent que l'enfant, en plus de sa
réalité psychologique, est un personnage social qui a des liens
et un passé qu'il importe de connaître et dont il faut tenir
compte. Ils sont aussi responsables de l'adaptation de la famille à la
situation nouvelle de fréquentation d'une garderie et à la prise
en charge du milieu de garde par cette même famille. À
l'expérience, nous avons pu vérifier que tout éducateur en
service de garde, qu'il soit spécialisé ou non, doit s'appuyer
sur des compétences et des ressources.
Toute politique gouvernementale allant à l'encontre de cette
prémisse constitue un retour en arrière par rapport à un
réseau qui serait un service allant de soi, auquel tout le monde
participe et auquel tout le monde a droit.
Pour un réseau de garde:
Notre premier souci est de voir le réseau des services de garde
prendre suffisamment d'ampleur Dour qu'il puisse répondre à tous
les besoins de la population. Ces besoins se résument en deux points
bien précis, soit l'accessibilité aux services de garde et la
qualité de ces mêmes services.
Actuellement au Québec, le nombre de places en garderie est
nettement insuffisant; 150 000 enfants dont les mères travaillent et 16
000 places en garderie. Ce n'est donc pas surprenant de voir des garderies dont
la liste d'attente est deux ou trois fois plus considérable que la liste
des enfants inscrits et fréquentant la garderie. C'est donc, d'une part,
quant au nombre de places disponibles que l'accessibilité est gravement
compromise. D'autre part, le coût actuel élevé que doivent
défrayer les parents nuit considérablement à
l'accessibilité de ces services. L'aspect du financement des services de
garde est lui aussi intimement lié à la notion
d'accessibilité.
L'autre besoin de la population a trait en la qualité du service
de garde. Tous les spécialistes s'accordent à dire que les
années de 0 à 6 ans sont de toute première importance dans
le développement de l'enfant et peuvent être déterminantes
sur l'ensemble d'une vie. Il va sans dire que les parents, dont les enfants
vivront de longs moments de cette importante période en milieu de
garderie, désirent s'assurer de la qualité du travail
d'éducation qu'on réalisera auprès de leurs enfants. Dans
ce sens, nous croyons que la qualité des services de garde passe
inévitablement par le contrôle aux usagers.
Pour un service de qualité
En tant que pédagogues, nous désirons voir s'implanter au
Québec un réseau de garde organisé et structuré,
capable d'offrir un service de qualité aux parents et aux enfants.
En nous basant sur notre expérience, la formule des garderies
semble offrir le service de qualité que nous préconisons. D'abord
parce que ce modèle de garde est organisé, structuré et
uniformisé de façon à assurer aux enfants une chance
égale de se développer, de se socialiser et de s'épanouir.
En plus depuis dix ans, les parents exercent en garderie leur pouvoir
décisionnel sur l'ensemble des activités pédagogiques et
administratives. Pour nous, un service de qualité doit s'organiser, se
structurer avec des normes, des ratios, des exigences minimales définis
par les parents-usagers.
Actuellement, nous ne trouvons pas que le projet de loi nous garantit un
service de qualité. Particulièrement, la politique des agences de
familles de garde semble très éloignée de nos exigences
qualitatives.
D'abord l'agence n'offre aucun support technique et pédagogique
à ces familles. Nous croyons qu'un travailleur isolé et sans aide
deviendra vite épuisé et sans ressource dans cette tâche
éducative. En outre, rien dans ce système de garde ne
vérifie ou n'évalue la compétence de la personne
responsable. Pour travailler avec des jeunes enfants, de groupes d'âges
différents et pour leur fournir un programme d'activité
favorisant leur développement social, affectif et physique, il faut
posséder des connaissances pédagogiques de base et des
qualités personnelles d'organisation et de stimulation. Nous ne voulons
pas insinuer que tous les travailleurs en famille de garde doivent être
diplômés en technique de
garderie. Par contre nous soulignons que ces personnes doivent
posséder un minimum de qualités éducatives. Ceci afin
d'éviter des abus comme des enfants "parqués" devant la
télévision à la journée ou des bébés
laissés sans stimulation durant des heures.
Dans un deuxième temps, le ratio des familles de garde nous
semble trop élevé. Comment une personne seule peut s'occuper
adéquatement de neuf enfants de 0 à 6 ans, préparer le
repas du midi, voir à l'ordre et à la salubrité de sa
maison, faire quelques tâches ménagères usuelles et fournir
à la fois un programme d'activités adaptées à
chacun des enfants???
On aurait tort de comparer la garde en milieu familial avec les grosses
familles d'autrefois. Le premier enfant, d'une famille de neuf, a au moins neuf
ans et il n'y a pas plus de trois enfants en couches en même temps. Les
plus vieux non seulement se débrouillent seuls, mais ils prennent aussi
soin des plus jeunes. Dans une famille de garde, on peut se retrouver avec
quatre bébés de trois à 12 mois, trois enfants de 2 ans en
couches et deux enfants de 5 ans. Quels soins une personne seule peut donner
à des bébés tout en répondant aux besoins de
stimulation intellectuelle et physique des plus vieux?
On se rappelle l'émoi du Québec à la naissance "des
jumelles Dionne". Quelle tâche pour une mère!!! Cinq enfants du
même âge!!! Or, dans les familles de garde, le gouvernement demande
aux femmes d'accomplir la même tâche multipliée par deux. En
nous basant sur notre connaissance du développement des enfants de 0
à 6 ans, des soins physiques et affectifs nécessaires à
leur développement harmonieux, nous rejetons cette norme un adulte/neuf
enfants et nous réclamons la norme un adulte/quatre enfants ou deux
adultes pour neuf enfants.
En dernier lieu, nous croyons qu'un petit groupe de parents,
peut-être surtout parce qu'il est petit et plus rapidement mobilisable et
efficace, doit garder le contrôle de son service de garde. C'est
l'exigence la plus légitime que les parents peuvent avoir, soit de
conserver un droit de regard et un pouvoir d'intervention sur l'administration
de leur service. Ainsi, ils choisissent l'éducation qu'ils souhaitent
pour leurs jeunes enfants. Nous ne voyons rien dans le projet de loi qui assure
ou même permet le contrôle des parents.
Ceci nous amène à rejeter la formule des agences comme
inadéquate, ne garantissant aucunement une qualité de service
pour nos enfants. Nous préconisons plutôt un réseau
organisé et structuré de service de garde comprenant des
garderies de dix enfants et plus, et des petites garderies de dix enfants et
moins. Ainsi les parents pourraient se donner le service qui leur convient
davantage selon leurs objectifs personnels, leurs lieux de résidence,
les facteurs régionaux. Ils pourraient compter sur une même
qualité de service dans les deux formules, car elles rencontrent les
mêmes normes de qualité, de supervision et de ratio. Les services
de garde ainsi uniformisés offriraient des garanties suffisantes, et
l'ensemble du réseau resterait à l'image et aux besoins des
usagers, ce qui constitue le meilleur outil d'éducation
communautaire.
Toute autre formule nous semble discriminatoire et injuste pour les
enfants, les parents et les travailleurs concernés.
Pour un contrôle aux usagers:
Dans un contexte éducatif, le contrôle aux usagers
réclamé par les parents et travailleurs en garderie annonce la
volonté d'une partie de la population de se rendre responsable des
services de garde.
Aucun gouvernement n'a d'autre volonté que d'accepter que des
citoyens s'impliquent aussi positivement dans la mise en oeuvre et la
continuité d'un service.
Dans tous les secteurs des Affaires sociales, on recherche le ou les
moyens qui feront de l'utilisateur d'un service un participant à part
entière. Toute la politique de contribution financière du parent,
dans les cas de placements d'enfants handicapés physiques, psycho-social
ou autres, en est une preuve. Hélas, la contribution parentale se limite
trop souvent à cet apport financier. Les fonctionnaires recherchent
encore les moyens de faire participer plus activement les parents à la
vie sociale et affective de leurs enfants.
Ce contrôle aux usagers, source de tant de discussions, vu dans
une perspective d'évolution des mentalités, de changements
sociaux et économiques, marque la volonté des parents de
conserver un pouvoir d'intervention collectif et décisionnel sur la vie
quotidienne de ce monde relativement nouveau, que se trouve être la
garderie.
Selon la définition de la loi des services de santé et des
services sociaux, les garderies ont un statut d'établissement des
affaires sociales.
Bientôt les garderies et autres services de garde seront
régis par la loi des services de garde à l'enfance. Cette
nouvelle loi régira comme clientèle la future population adulte
du Québec.
Ceux qui réclament des services de garde ne les réclament
pas pour une clientèle catégorisée. Ils ne
réclament pas de centres d'accueil ou des familles d'accueil. Ils
réclament des services de garde où parents et travailleurs
administreront selon leurs objectifs, ce centre de vie qu'est la garderie.
Le contrôle aux usagers, dans le cas des services de garde, est
une requête en capacité d'agir de la population: "Nous sommes
actifs, adultes en pleine possession de nos moyens. Nous sommes en mesure de
nous administrer pédagogiquement et financièrement. Faites-nous
confiance." Voilà, ce qu'ils réclament.
Ils ne demandent qu'un soutien social et financier.
Social: respecter leur droit à l'autodétermination,
en termes de vie pédagogique et administrative. obliger les
intervenants concernés, surtout ceux qui nuisent à
l'évolution d'une société par leur trop grand
conservatisme et leur manque d'esprit social, à mettre leurs moyens
à la disposition des services de garde.
Financier: soutenir par un financement direct les services de
garde, car les parents ont atteint leur capacité maximale à
payer. Les malaises économiques d'une société et
l'évolution sociale d'une population doivent être supportés
par elle.
Depuis dix ans, dans les garderies, l'éducation communautaire a
fait ses preuves. Les parents participent activement à la vie
administrative et pédagogique de leur service de garde.
Faites en sorte que cette participation, tant recherchée dans
d'autres secteurs des affaires sociales, demeure.
Pour un financement direct:
Depuis 1970, les instances décisionnelles du gouvernement,
Conseil des ministres et Conseil du trésor, n'ont jamais
acquiescé à la demande des garderies de se voir accorder un
financement direct.
Pourtant, on dit que le budget des services de garde a plus que
triplé en trois ans: on annonce que l'échelle d'aide
financière a été indexée à 17%
(précisons que ce n'est que dans un seul cas), que des budgets
supplémentaires sont accordés pour l'implantation de
garderies...
Mais que faites-vous pour améliorer la situation des garderies
existantes, celles qui sont aux prises avec la hausse du coût de la vie,
avec le fait que les parents paient à l'heure actuelle une cotisation
maximale? En effet, deux conjoints aux salaires totalisant $16 000 brut par
année, avec un enfant, ne reçoivent aucune aide
financière. Il leur en coûte en frais de garde $50 par semaine,
$200 par mois pour un total de $2 600 annuellement. Que faites-vous pour
eux???
En 1974, la revendication de financement direct des garderies, se
situait à $2 par jour/enfant.
En 1979, le ministre, M. Denis Lazure, dans son mémoire financier
présenté au Conseil des ministres, s'est vu refuser une demande
d'aide financière directe aux garderies de $2 jour/enfant; ceci cinq ans
plus tard.
Nous ne pouvons que vous confirmer le besoin d'aide financière
directe réclamée par les garderies.
Nos visites régulières dans le milieu, nos recherches et
réflexions sur l'organisation administrative et financière des
garderies aboutissent aux conclusions de ces dernières: l'état
doit assumer sa responsabilité sociale face à la
société enfantine par une aide financière directe aux
garderies.
La responsabilité d'administrer ces fonds revient aux parents.
Ensemble, ils déterminent le cadre de vie où ils veulent voir
évoluer leurs enfants. Ensemble, ils déterminent les objectifs
pédagogiques minimaux. Ensemble, ils décideront des postes
budgétaires où ils affecteront les revenus de la garderie et ce,
selon leurs priorités.
Comme pédagogues, nous reconnaissons le droit de tous les enfants
à un service de garde de qualité.
Pour ce, nous réclamons: un réseau de services de
garde de qualité uniformisée; accessible en place
disponible et en capacité à payer; financé
directement par l'État; contrôlé par les parents et
travailleurs usagers.
Nos recommandations s'inspirent uniquement de cette recherche à
un mieux-être pour l'enfant.
Nous ne pouvons endosser un projet de loi en matière de services
de garde qui ne précise pas la politique sociale mise de l'avant par le
gouvernement.
Une trop grande place pour la législation, comme c'est le cas
à l'heure actuelle, laisse prévoir une politique qui s'inspire du
moment présent. Les temps à venir doivent aussi pouvoir compter
sur un cadre organisationnel.
On doit assurer à l'enfant une qualité de vie qui
s'inscrit dans une politique globale de respect.
Une "société" se doit de donner à l'enfant le
meilleur d'elle-même.
Nous demeurons vôtres,
LES PROFESSEURS DU DÉPARTEMENT DE TECHNIQUE DE GARDERIE DU
CÉGEP DE SAINT-JÉRÔME
Gilles Cantin, Camille Gariépy, Geneviève Rowstorowska,
Aline Hachey, Yolande Lavigueur, Ginette Bertrand, Rachel Guénette.