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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mercredi 10 octobre 1979 - Vol. 21 N° 193

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires sur l'avant-projet de loi sur les services de garde à l'enfance


Journal des débats

 

Présentation de mémoires sur

l'avant-projet de loi sur les services

de garde à l'enfance

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales est réunie ce matin pour entendre les mémoires des organismes et groupes concernant l'avant-projet de loi sur les services de garde à l'enfance.

Les membres de la commission sont Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Goldbloom (D'Arcy McGee), est-il remplacé par quelqu'un?

Mme Lavoie-Roux: Non, il attend la réponse du premier ministre.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous inscrivez M. Pagé (Portneuf)? Alors, M. Pagé (Portneuf), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Gravel (Limoilou) remplacé par M. Gagnon (Champlain), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Lavigne (Beauharnois), M. Lazure (Chambly), M. Martel (Richelieu), M. Paquette (Rosemont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire).

Les intervenants sont: M. Alfred (Papineau), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Couture (Saint-Henri), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Marcoux (Rimouski), M. Marois (Laporte).

Ce matin, les organismes convoqués sont: Le Comité de la condition féminine de la CSN, un groupe de professeurs de l'Université de Montréal, la Corporation des Garderies Le Colombier Inc., les professeurs du département de technique de garderie d'enfants. Nous avons quatre organismes pour aujourd'hui. J'inviterais immédiatement le Comité de la condition féminine de la CSN de bien vouloir prendre place au centre, s'il vous plaît.

Madame, si vous voulez vous identifier et identifier les gens qui sont avec vous.

CSN

Mme Cartier (Gisèle): Je suis Gisèle Cartier, première vice-présidente de la CSN. Je voudrais d'abord faire une correction: C'est le mémoire de la CSN et non pas simplement du Comité de la condition féminine. Je voudrais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: à ma gauche, Leslie Lee, professeur de cégep, du Syndicat de la CSN, et membre du Comité de la condition féminine CSN; Monique Simard, conseiller syndical à la Condition féminine à la CSN, et, à ma droite, Angéline Rivest, travailleuse d'hôpital, du Syndicat de la CSN, et membre du Comité de la condition féminine de la CSN.

M. le Président, M. le ministre, messieurs et madame les députés, la CSN a décidé de présenter un mémoire concernant l'avant-projet de loi parce qu'elle croit fermement que la question des services de garde à l'enfance, plus particulièrement la question des garderies, est fondamentale. (10 h 15)

Premièrement, il existe des besoins évidents, nul ne le contredit et, deuxièmement, la reconnaissance des droits des femmes au travail est, entre autres, reliée à l'existence de services de garde adéquats.

La CSN ne se prétend pas experte en la matière, même si plusieurs de nos membres ont participé activement à la mise sur pied de garderies; mais il nous semblait quand même important de vous faire part des revendications de notre mouvement.

Sans entrer dans les détails techniques de la mise sur pied des services de garde, nous vous ferons part aujourd'hui de notre orientation et des principes qui la soutiennent.

Depuis dix ans environ, les besoins en services de garde pour enfants se sont manifestés de façon croissante. Des projets de garderies ont surgi de plus en plus nombreux, des études et des analyses de groupes de pression et de gouvernements se sont accumulées, décrivant de façon exhaustive les besoins de la population et la piètre situation des services de garde au Québec.

Les besoins en services de garde grandissent d'année en année; nous prévoyons qu'en 1985, il y aura 250 000 enfants de 0 à 5 ans et 250 000 d'âge scolaire qui auront besoin de services de garde. Ces besoins sont causés par plusieurs facteurs d'une société en mutation rapide. La disparition de la famille traditionnelle, par exemple, force les parents à se tourner vers l'extérieur pour faire garder leurs enfants. Le nombre croissant de familles monoparentales est un autre facteur qui influe sur les besoins de services de garde. Certes le facteur le plus déterminant est celui de l'accroissement de la participation des femmes au marché du travail, réalité qui fait que la nécessité de faire garder ses enfants est de plus en plus partagée.

Actuellement, les services offerts sont loin de correspondre, tant quantitativement que qualitativement aux besoins réels des parents et des enfants. Il y a plusieurs types de services de garde existant. Cependant, dans la majorité des cas, ils sont insatisfaisants et ne sont utilisés que faute de meilleurs services. Le support de l'État apporté aux parents est relativement infime par rapport aux besoins, c'est-à-dire au nombre de services et au nombre de places disponibles, au contrôle de la qualité du service et, enfin, au financement des services.

Cette situation fait en sorte que plusieurs femmes, mères de jeunes enfants ne travaillent pas à l'extérieur de la maison parce qu'elles n'ont pas accès à un service de garde, ou alors parce que le type de services disponibles est trop coûteux par rapport au revenu possiblement gagné sur le marché du travail. Plusieurs femmes ont encore à faire le choix entre enfanter et travailler.

Nous croyons que les services de garde des jeunes enfants sont une responsabilité sociale. Nous ne croyons pas que les parents se déchargent de leurs responsabilités en faisant garder leurs enfants, et nous ne demandons pas à l'État de prendre cette responsabilité. Cependant, nous croyons fermement que l'État a une responsabilité sociale en matière de services de garde, au même titre qu'il en assume une dans les domaines de la santé et de l'éducation.

Nous croyons également que la garderie comme service de garde est, de loin, la formule à privilégier parce qu'elle correspond le mieux aux besoins de développement des enfants. C'est, de plus, une formule collective qui permet aux parents de s'organiser et d'échanger collectivement. C'est donc dans l'optique que l'État a une grande responsabilité sociale à assumer en matière de services de garde que nous privilégions les garderies comme type de service que nous avons examiné l'avant-projet de loi.

Celui-ci est loin de correspondre aux objectifs que notre mouvement s'est fixé en matière de services de garde. Dans son ensemble, l'avant-projet de loi ne garantit aucunement l'implantation d'un véritable réseau de garderies accessible à tous. En fait, l'avant-projet de loi ne prévoit concrètement que la création d'un office qui serait doté de pouvoirs très larges et la reconnaissance officielle de certains types de garde, par exemple, la garde en milieu familial ou le contrôle de ces derniers.

Par rapport à la revendication de notre mouvement d'implanter un réseau universel de garderies gratuites contrôlées par les usagers, l'avant-projet de loi ne nous donne aucune indication positive que le gouvernement amorce une démarche en ce sens. Au contraire, certaines dispositions de l'avant-projet de loi ont plutôt tendance à nous faire penser qu'on s'éloigne de cet objectif. Nous devons toutefois vous faire part de nos commentaires sur des points précis contenus dans l'avant-projet, et nous vous remettons également ce que nous avons remis en même temps que le mémoire, à titre d'information, un document intitulé "Dossier garderies pour un réseau universel et gratuit" dans lequel est explicitée de façon détaillée la position de la CSN concernant les garderies et les autres types de services de garde.

Des commentaires sur l'avant-projet, chapitre I, sections I et II, chapitre III, Création de l'office, fonctions de l'office et réglementation. La création d'un office des services de garde à l'enfance n'est pas en soi une mesure à laquelle nous nous opposons.

L'absence de planification et de coordination, qui jusqu'à aujourd'hui, a prévalu à ces chapitres peut être partiellement réglée par la création de cet office. Cependant, nous sommes réticents à endosser un office qui, avec beaucoup de pouvoirs de réglementation, pourrait faire abstraction des besoins et des propositions des agents concernés sur la question des services de garde.

Il nous apparaît que le gouvernement désire laisser à un office, le soin de concevoir et d'élabo- rer les principes d'une véritable politique des services de garde à l'enfance, plutôt que d'en établir dès le départ, avec mandat à l'office de les appliquer. Quant à nous, la loi n'encadre pas suffisamment l'office, tout en lui donnant des pouvoirs de réglementation très larges sur l'avenir des services de garde au Québec.

Si la loi est presque muette sur l'élaboration d'une véritable politique des services de garde, elle est très directive et précise sur les détails administratifs et ce, principalement pour les services de garde en garderie, à titre d'exemple, les articles 41, 46, 72.8 et 72.9.

Or, d'une part, l'office n'est pas tenu formellement de consulter les parties intéressées avant de fixer un règlement, alors que ce sont actuellement différents règlements existants qui freinent l'implantation de garderies, mise à part la question du financement.

En résumé, nous ne croyons pas que le contenu de l'avant-projet de loi nous assure que l'État assumera entièrement sa responsabilité sociale en matière de services de garde. Il apparaît surtout que l'État contrôlera ces services, mais quant au support apporté, rien de ce qui est inscrit dans l'avant-projet ne peut nous laisser croire à un réel projet de support apporté aux parents.

Chapitre II, section I, Organisation des services de garde en garderie en milieu familial. Dans cette section, nous avons plusieurs remarques à formuler. Il s'agit possiblement de la section la plus déterminante en ce qui a trait à l'orientation qui est donnée à l'avant-projet de loi.

En effet, les dispositions du chapitre traitant de l'organisation des services de garde en garderie et en milieu familial — déjà, le titre nous l'indique — traitent de façon similaire ces types de services de garde qui sont fondamentalement très différents, tant au niveau du fonctionnement qu'au niveau de la stabilité et de la qualité du service.

La reconnaissance officielle et le contrôle proposé de la garde en milieu familial nous laissent croire que si la loi est adoptée telle quelle, cela contribuera à un développement de cette formule de garde.

Or, nous sommes opposés à ce que ce type de service qui existe déjà soit appelé à s'accroître au détriment des garderies.

Nous nous opposons à ce mode de garde, non pas parce qu'il est toujours mauvais, mais parce qu'il est extrêmement difficile, entre autres pour les parents, de la superviser et parce qu'il ne garantit pas un service de qualité et une stabilité au niveau du service.

De plus, la reconnaissance formelle et le contrôle de ce mode de garde qui peuvent favoriser son accroissement nous amènent à critiquer non seulement les services offerts, mais aussi le rôle et les conditions faites aux personnes qui donneront ces services.

Lorsqu'on parle de famille, il s'agit en réalité d'une mère de famille qui, n'ayant pas accès au marché du travail, se porte disponible pour garder quelques enfants chez elle. Ceci a pour effet de faire faire isolément et à bas prix, par une femme

au foyer, des tâches qui devraient être exécutées socialement par du personnel qualifié et rémunéré en conséquence dans des locaux aménagés pour une garderie.

La garde en milieu familial est de toute évidence, la formule la moins coûteuse. Une personne, pour s'occuper de plusieurs enfants — on nous a dit, et c'est ce qu'on avait interprété, semble-t-il que ce serait une personne pour quatre, deux pour neuf. Mais enfin, au moment où nous nous sommes informés, ce n'était pas précisé — généralement, beaucoup trop d'enfants à la fois et surtout lorsqu'il s'agit de très jeunes enfants, à un salaire dérisoire, voire même sous le salaire minimum, puisque selon les dispositions de l'avant-projet de loi et de la Loi des conditions de travail minimales, elles pourraient être exclues et aucun investissement n'est nécessaire, quant aux locaux et à l'équipement. C'est sans aucun doute moins coûteux qu'une garderie qui aurait un ratio personnel-enfants convenable, des locaux aménagés et du matériel adéquat.

Cela nous amène à réfléchir sur les intentions véritables du gouvernement en matière de services de garde. Les besoins sont là et nul ne peut les contredire. Mais les solutions proposées sont loin de pouvoir répondre à ces besoins.

Nul part en cette section il n'est fait mention du développement des garderies dans le sens d'implanter un véritable réseau de garderies.

Chapitre II, section II: Organisation des services de garde en milieu scolaire et halte-garderie. La reconnaissance des besoins en services de garde en milieu scolaire est un des éléments positifs de l'avant-projet de loi. Cependant, les dispositions concernant ce mode de garde ne nous semblent pas correspondre aux besoins réels. Ainsi, les commissions scolaires devront désormais fournir des services de garde en milieu scolaire, mais l'obligation ne s'applique qu'aux jours de classe et en dehors des jours d'enseignement. On parle toujours de l'avant-projet de loi, tel que nous le connaissons à ce moment-là, et non pas de quelques promesses qu'on a pu glaner dans les journaux, depuis ce temps-là, c'est l'avant-projet de loi, tel qu'on le connaît.

Or les besoins excèdent de beaucoup ces périodes. En effet, le calendrier normal d'une vie de travail est loin de correspondre au calendrier scolaire et les parents qui travaillent sont constamment aux prises avec des problèmes de garde non seulement les journées de classe, mais aussi pendant les périodes de vacances, les jours fériés et autres congés scolaires.

Si la garde en milieu scolaire n'est pas organisée de telle façon qu'elle réponde à tous ces besoins, elle ne demeurera que très partielle et inefficace. De plus, les dispositions de la section II, chapitre II, ne spécifient pas si les parents auront à contribuer financièrement ou non à ce service. Il serait souhaitable que ce service soit gratuit.

La participation des parents à la mise sur pied de ce mode de garde n'est pas spécifiée. Or, il serait, d'après nous, très important que les parents d'enfants fréquentant ces services contrôlent la mise sur pied du service, son organisation et son orientation tout comme nous le préconisons pour les garderies d'enfants de zéro à cinq ans.

Quant aux halte-garderies, l'avant-projet est pour le moins très peu explicite quant à la définition de ce qu'est une halte-garderie. Il est important de souligner que, pour nous, ce mode de service est nécessaire et qu'il devrait être intégré à une garderie régulière qui a déjà des structures permettant d'assurer le fonctionnement, souvent difficile, d'une halte-garderie.

Chapitre III, section IV: Contribution, exonération et aide financière.

Chapitre II, section I, numéro 3: Subventions. Au niveau du financement des services de garde et des frais de garde, l'avant-projet est encore une fois peu explicite. Cependant, les dispositions traitant de la question nous indiquent que les plans de financement actuellement en application seraient maintenus. Et nous tenons à dénoncer fortement ce mode de financement parce que, d'une part, il n'est pas accessible à tous les parents et, d'autre part, parce qu'il est inégal d'une garderie à une autre. Évidemment, depuis ce temps-là, il y a eu aussi des annonces qui contredisent un petit peu ce paragraphe-là. On aura à y revenir plus tard, dans la discussion.

La question de financement est sans doute le coeur du problème des services de garde. Non seulement le support de l'État est-il insuffisant, mais il est également discriminatoire. Tout projet en services de garde, aussi louable soit-il, est voué à l'échec ou tout au moins à une survie très précaire, si les budgets de financement ne sont pas considérablement augmentés et si la répartition des deniers se fait selon le système actuel.

En résumé, on peut affirmer que le financement des garderies est complètement inadéquat parce que, d'une part, il est loin d'être accessible à tous et que, conséquemment, puisque le financement direct aux garderies est lié aux parents qui sont éligibles à la subvention, les garderies ont des revenus différents. D'autre part, il est inadéquat parce que, n'étant pas financé directement, le budget des garderies est toujours dépendant de la clientèle qui les fréquente. Or, toujours selon l'annonce qui a été faite, on semble aller dans un chemin différent de ce qui est dit ici, sauf que l'on considère que ce qui est annoncé est très, très, très insuffisant, de toute façon.

De plus, les sommes accordées à titre de subventions sont loin de correspondre au coût réel de l'opération. Il s'ensuit donc que les garderies qui existent demeurent ouvertes à la fois parce que les parents paient des coûts très élevés et que le personnel des garderies est très mal payé. La conjonction de ces deux éléments permet aux garderies de survivre. De surcroît, les travailleurs et les parents acceptent d'investir du temps et des énergies et même de l'argent supplémentaire, sans quoi la majorité d'entre elles serait déjà fermée.

II est donc primordial que le gouvernement, premièrement, révise son mode de financement et, deuxièmement, que des budgets suffisants soient alloués pour permettre concrètement la mise sur pied d'un réseau de garderies.

Article 46. Nous tenons à dénoncer particulièrement cet article qui traite du dossier individuel. L'avant-projet indique que les garderies devront tenir, de façon indiquée par l'office, des dossiers sur chaque enfant et que ces dossiers pourront être utilisés par l'office. Nous nous opposons fortement à cette mesure de l'avant-projet de loi qui, soit dit en passant, n'est obligatoire que pour les garderies, parce qu'elle constitue, quant à nous, une ingérence de l'État dans le fonctionnement de la garderie; que c'est également une ingérence de l'État très tôt dans la vie des enfants et que cette constitution du dossier pourrait être le début des fameux dossiers scolaires qui visent à catégoriser les enfants dès le jeune âge. (10 h 30)

En conclusion, nous désirons vous faire part de notre déception à la lecture de cet avant-projet de loi qui, quant à nous, n'élabore pas suffisamment une grande politique pouvant favoriser l'implantation d'un réseau de services de garde de bonne qualité, accessible à tous. Nous réitérons notre demande, à savoir que le gouvernement doit, dans les plus brefs délais, prendre les dispositions nécessaires, à savoir des budgets suffisants, pour assurer à la population un accès égal à des garderies, que ces garderies soient subventionnées directement et qu'elles soient contrôlées par les usagers.

J'aimerais maintenant permettre à ma camarade Leslie Lee de vous expliquer les bases de calcul qui nous ont amenés à la prévision des besoins que nous soulignons dans la première page de notre mémoire. Je pense que c'est important, pour éviter des discussions stériles, que nous expliquions notre base de calcul, pour arriver à ces chiffres.

Mme Lee (Leslie): Je vais lire le document Dossier garderie, page 19. On calcule que, pour l'année 1985, on aura besoin de 250 000 places en garderie, pour les enfants de 0 à 5 ans, et de 250 000 autres places, pour les enfants de 6 à 11 ans.

Pour bien estimer les besoins en services de garde, il faut tenir compte de plusieurs données, entre autres, une des activités des parents qui font que l'un ou l'autre, ou les deux, nécessitent un mode de garde pour leurs enfants; Deuxièmement, la fréquence de ce besoin, et, troisièmement, les prévisions démographiques.

Nous venons de tracer les besoins des parents et des enfants au point de vue social. C'était dans le document. Quelques statistiques effectuées pour les cinq prochaines années nous permettront maintenant d'estimer quantitativement les besoins de services de garde.

Parce que les mères ont presque toujours la responsabilité de la garde des enfants, leurs activités en dehors du foyer produisent presque la totalité du besoin en services de garde. Selon un sondage fait à Toronto, les activités suivantes des mères ont nécessité la garde des enfants durant l'année précédente. Les activités sont énumérées. Travail ou recherche du travail, 52,3% des femmes avaient besoin de garde. Étude ou entraînement, 7%. Problèmes de santé, 7,2%. Bénévolat, 2,9%. Autres facteurs, 1,8%.

Dans le but d'estimer les besoins en services de garde, il faut tenir compte des activités mentionnées, des besoins des femmes ayant la garde des enfants et des besoins spéciaux de certaines familles. Les prévisions seront faites pour les cinq ans à venir, jusqu'en 1985. D'abord, pour les enfants d'âge préscolaire, de 0 à 5 ans, et, dans un deuxième temps, pour les enfants de 6 à 11 ans, qui ont des besoins différents, à cause de leur vie scolaire.

D'abord les besoins en services de garde, pour les enfants de 0 à 5 ans. Le plus grand besoin, c'est le besoin causé par le travail de la mère. Il faut d'abord connaître le nombre d'enfants de 0 à 5 ans prévu pour les cinq ans à venir. Les prévisions sont basées sur les tendances démographiques des années précédentes. Mais il est très difficile de savoir, même pour les années évaluées, le nombre exact d'enfants de 0 à 5 ans.

Dans le rapport du comité interministériel sur les services d'accueil à la petite enfance, on lit: On estime à 570 000 les enfants de la naissance à l'entrée en première année du cours primaire. François Camirand, qui a été responsable des prévisions pour le comité interministériel, a employé le modèle "Super-Pon", qui fixe pour l'année 1978 le nombre de 0 à 5 ans à 523 000.

Les chiffres que nous avons décidé de prendre se situent, pour l'année 1978, entre ces deux prévisions. Ce sont les chiffres du Bureau de la statistique du Québec, tels que donnés dans la publication Perspectives démographiques pour le Québec: quatre hypothèses, 1973 à 2001.

On prendra les prévisions démographiques moyennes, hypothèse B: Fécondité, 1,8; migration nette, plus 7000 et hypothèse C: Fécondité, 2,1; migration nette 0.

Sachant le nombre d'enfants, il faut ensuite savoir le pourcentage des mères de ces enfants qui sont sur le marché du travail. Ici, on prendra les chiffres de François Camirand, tels que donnés dans le document. Critères déterminant la demande de garde, 1977: Pour l'année 1978, il donne un taux d'activité des mères d'enfants de zéro à cinq ans de, 356: cela veut dire que 33,6% des mères dans cette catégorie ont travaillé en 1978. En prenant les chiffres de Camirand, nous réagissons de façon critique à la conclusion, qu'en 1985, le pourcentage de mères d'enfants d'âge préscolaire sur le marché du travail sera à son maximum, soit 41%. Nous sommes d'avis que cette conclusion est pour le moins arbitraire et qu'elle n'est pas fondée.

Quand on veut estimer le nombre de places en garderie pour les zéro à cinq ans, on ne peut pas prévoir une place à temps plein à l'année longue pour un enfant dont la mère travaille moins de

quinze heures-semaine ou moins de vingt semaines-année. Il s'agit d'introduire un facteur de correction pour trouver le nombre de places à temps plein. Ici, on prendra les facteurs de corrections de François Camirand en les modifiant pour inclure dans nos prévisions les enfants des chômeuses exclues par Camirand. Il considère qu'une femme qui est en chômage ne doit pas être obligée de retirer ses enfants de la garderie parce que l'accessibilité à l'assurance-chômage est basée sur la disponibilité à travailler et à chercher du travail. Nous avons alors modifié le facteur de Camirand pour inclure les enfants des chômeuses, ce qui donne un facteur de ,782 au lieu de ,7038. Nous avons retenu les autres facteurs qui tiennent compte du temps partiel et du travail réduit en termes de nombre de semaines par année, même si on trouve surprenant le fait que ces facteurs ne subissent aucune évolution dans le calcul de Camirand. Camirand prévoit que le nombre de mères de jeunes enfants sur le marché du travail va augmenter, mais ne prévoit aucune évolution sur la question du temps partiel. On sait qu'en prenant un facteur constant de correction de ,782, on sous-estime le nombre de places à prévoir, mais on le retient faute de mieux.

À la page 23, vous avez le tableau des prévisions pour les enfants de zéro à cinq ans dont la mère travaiIle ou est en période de chômage, selon l'hypothèse B des prévisions démographiques. Si on lit, pour l'année 1985, par exemple le nombre d'enfants de zéro à cinq ans sera 638 199; le taux d'activité des mères, .415, ce qui veut dire que 41,5% des mères de jeunes enfants vont travailler; le facteur de correction pour le temps partiel et pour ne pas travailler à l'année longue, ,782, ce qui donne le nombre d'enfants ayant besoin de services à temps plein, 207 115. Ce sont uniquement les enfants des mères qui travaillent.

Si on prend plutôt l'hypothèse C: fécondité, 2,1; migration nette 0; le nombre de places à prévoir pour 1985, 236 919. En moyenne, on doit prévoir autour de 220 000 places en garderie à cause du travail de la mère.

Les besoins causés par d'autres activités des mères. Les autres activités des mères trouvées dans un sondage fait à Toronto sont les études, les stages, la recherche du travail par des non-chômeuses, c'est-à-dire les femmes qui n'ont pas d'emploi et qui ne sont pas reconnues officiellement comme chômeuses, selon les règles de la Loi de l'assurance-chômage, les problèmes de santé, le militantisme, le bénévolat. Sans compter les besoins des femmes qui pourraient être comblés par un réseau de garderies gratuites pour l'épanouissement individuel et collectif, la lecture, les sports, les voyages, on peut estimer et de façon très conservatrice que, pour satisfaire aux besoins actuels de garde, on aurait à prévoir au moins 10% de places de plus de ce qu'on a estimé pour les enfants des mères qui travaillent, c'est-à-dire autour de 22 000 places.

Il y a ensuite les besoins causés par les activités des pères. Lors du dernier recensement, en 1976, il y avait au Québec 158 895 familles monoparentales dont 26 330 d'entre elles avaient un homme chef de famille. On peut prévoir un certain nombre de places en garderie pour les enfants de zéro à cinq ans pour ces hommes qui ont des enfants d'âge préscolaire, et qui en ont besoin presque à 100%.

Besoins causés par d'autres facteurs: II y a au Québec un certain nombre d'enfants ayant des besoins spéciaux. Le comité interministériel a reconnu les besoins des enfants des familles monoparentales et les a inclus dans ses prévisions de garde, même si les parents ne travaillent pas. Il y a aussi un nombre d'enfants des familles biparentales qui ont des besoins d'ordre socio-affectifs ou qui viennent d'un milieu défavorisé et bénéficieraient des avantages que les garderies peuvent offrir.

En conclusion, pour les enfants de 0 à 5 ans, les besoins de services de garde atteindront facilement 250 000 places d'ici 1985. Nos chiffres sont basés sur les prévisions de l'évolution des besoins actuels et ne tiennent pas compte du facteur gratuité qui pourrait influencer de façon très radicale tous les facteurs considérés dans nos prévisions, le nombre de femmes sur le marché du travail, durée et quantité d'autres activités des mères, etc.

Dans un deuxième temps, on fait des prévisions pour les enfants de 6 à 11 ans, prévisions en services de garde qui ne sont pas la même formule que la garderie. Ici, nous prendrons les prévisions démographiques du Bureau de la statistique, selon l'hypothèse B, le taux d'activités, de François Camirand avec un facteur de corrections modifié pour inclure les chômeuses comme on l'a fait dans les calculs pour les enfants de 0 à 5 ans.

Le tableau des prévisions en services de garde pour les enfants de 6 à 11 ans dont la mère travaille ou est en période de chômage est le suivant. Pour l'année 1985, à cause du travail de la mère, il y a un besoin de 217 294 places. Besoins causés par d'autres activités des mères, comme pour les enfants de 0 à 5 ans, les autres activités des mères telles que études, militantisme, bénévolat, etc., feront augmenter le nombre de places à prévoir pour les enfants de 6 à 11 ans. Ce facteur sera probablement moins important que pour les enfants de 0 à 5 ans, étant donné que la mère peut souvent planifier ses activités pour les faire en partie durant les heures que les enfants passent à l'école.

Besoins causés par les activités des pères. Parmi les pères en charge de famille monoparentale, on peut prévoir que ceux qui auront des enfants de 6 à 11 ans auront besoin des services de garde à près de 100%. Besoins causés par d'autres facteurs, pour des besoins d'encadrement, nutrition et autres, on doit prévoir des places pour un certain nombre d'enfants ayant des besoins spéciaux.

Conclusion, les besoins aux services de garde pour les enfants de 6 à 11 ans, en dehors des heures scolaires, le midi, avant et après l'école, journées pédagogiques, congés et vacances, doivent atteindre 250 000 places en 1985. Donc, en

1985, selon notre estimation, il y aura 500 000 ou 600 000 enfants de 0 à 11 ans qui auront besoin régulièrement d'un service de garde.

Mme Cartier: Pour terminer, M. le Président, j'aimerais, en termes de résumé, vous lire la conclusion du document "Dossier garderies" qui est un document officiel de la CSN adopté par le Conseil confédéral, qui résume nos revendications et vous fera comprendre le sens de notre mémoire.

Nos revendications — vous retrouvez cela à la page 77 du document sur les garderies. Premièrement, en termes de capacité pour une garderie, un minimum de 20 enfants et un maximum de 75; ouverte selon les besoins particuliers des usagers à chaque quartier; entièrement gratuite pour les usagers; entièrement subventionnée par l'État; sous la gestion des parents usagers, en collaboration avec le personnel; acceptant tous les enfants de moins de 6 ans, sans discrimination de sexe, de race ou de religion; acceptant aussi les enfants avec handicap léger, mental et physique, en tenant compte de leurs besoins, en établissant les ratios et les équipements nécessaires; répondant aux besoins de toutes les familles sans exception dans toutes les régions de la province; logée dans les écoles primaires — et là, il y a un mot qui est biffé, on vous en a avisés par télégramme, c'est une erreur de typographie — ou dans tout local public — le mot suivant est aussi biffé — et pouvant être aménagé suivant les normes du ministère des Affaires sociales. (10 h 45)

Tout coût de transformation ou aménagement jugé nécessaire, ainsi que l'achat du mobilier assumé par l'État; doté d'un personnel compétent, à un ratio que nous jugeons au strict minimum de un pour quatre pour les moins de deux ans, et de un pour sept pour les deux à six ans; offrant un service de transport pour chercher les enfants à domicile, si besoin est, et pour accompagner les enfants à la maternelle, si désiré par les parents; cours de perfectionnement offert au personnel non spécialisé, mais qui désire le devenir, dans un programme reconnu de formation en cours d'emploi; que les budgets de financement des garderies soient suffisants pour des conditions de travail adéquates, un salaire décent, et que tous les avantages sociaux habituels soient assurés aux travailleurs et travailleuses en garderie, tout en favorisant leur syndicalisation; garde parascolaire: Après les heures de classe, pendant l'été, les jours fériés, les journées pédagogiques et contrôlée par les parents, comme dans le cas des autres garderies.

Cela termine, M. le Président, la présentation de notre position.

Le Président (M. Boucher): Merci madame. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, c'est certainement un des dossiers le mieux préparé que nous ayons entendus à cette commission. Je félicite bien sincèrement les responsables de la CSN qui ont travaillé à ce dossier. Je veux les assurer aussi que nous partageons, au gouvernement, vos objectifs.

Je ne veux pas répéter tout ce qui a été dit la semaine dernière, surtout aux premiers groupes qui nous ont présenté des mémoires, mais nous demeurons engagés à la création d'un grand nombre de garderies, du nombre le plus considérable possible. À savoir maintenant si on doit avoir ce que vous appelez le réseau universel gratuit pour répondre aux besoins des 250 000 enfants de moins de cinq ans en 1985, c'est une autre question.

Je vous mets au défi de trouver un pays, autant en Europe occidentale qu'en Amérique ou en Europe centrale, dans les pays socialistes, qui ait développé des places de garderie pour répondre à 100% des besoins, comme ce que vous réclamez. J'ai des connaissances personnelles des systèmes de garderies dans beaucoup de pays. Je pense que ça fausse un peu le débat que de réclamer, comme vous le dites, de revendiquer la création de places en garderie pour satisfaire les besoins à 100%.

On débouche inévitablement sur votre désaccord quant à la garde en milieu familial. Mais, avant d'arriver à la garde en milieu familial, je veux quand même faire quelques commentaires additionnels et poser trois ou quatre questions.

D'abord, les commentaires: Je pense qu'il est utile, durant cette deuxième semaine, de répéter encore une fois que, pour nous, l'implantation d'un réseau de garderies, le plus complet possible, est conditionnée à une seule chose, soit notre capacité de payer les coûts. On ne peut pas, à la fois, comme gouvernement, diminuer quelque peu les impôts et, en même temps, vouloir instaurer des services nouveaux qui coûteraient littéralement des centaines de millions de dollars par année. Un réseau complet gratuit de garderies, c'est littéralement au moins $500 millions par année, celui dont vous parlez. C'est une contrainte qui est celle de tous les gouvernements, que d'appliquer une chose souhaitable, comme peut l'être le soin de garde, dans la mesure où nos moyens nous le permettent. Je vous répète que, même si le projet de loi ne contient pas l'engagement de créer un réseau complet de garderies, les crédits affectés par le gouvernement aux services de garde sont là pour témoigner d'un engagement très sérieux. Quand on passe de $3 500 000 à $22 500 000 en trois ans et qu'on s'engage à aller à $32 500 000 dans quelques mois, au mois d'avril prochain, je pense que ça témoigne d'une volonté de rattraper le temps perdu.

Je partage votre avis que la situation actuelle est déplorable, avec les 16 000 places en garderie que nous avons actuellement. Si on se compare à nos voisins ontariens, il faudrait doubler immédiatement le nombre de garderies pour arriver au même niveau qu'en Ontario. Je suis conscient de ça, on est conscient de ça. Je vous pose la question — j'aimerais que vous y reveniez tantôt — comment se fait-il que même si nous avons envoyé au ministère une lettre à tous les établis-

sements du réseau des Affaires sociales, il y a un an et demi déjà, les enjoignant de mettre sur pied des garderies, là où il y avait des espaces, comment se fait-il que la CSN en particulier et les autres syndicats n'ont pas joué un rôle plus actif qu'ils ne l'ont fait, n'ont pas agi, à ma connaissance, de façon bien militante dans les hôpitaux, dans les centres d'accueil, dans les CLSC, pour la création de garderies là où il y a des espaces? Il y a beaucoup d'hôpitaux où il y a des espaces pour créer des garderies. Nous avons appliqué une certaine pression sur la partie patronale, et je vous avoue que je suis un peu déçu — à moins que votre réponse soit tout à fait inattendue — de l'absence d'action de la CSN dans ce domaine.

Vous le savez, nous posons un geste à partir du mois d'avril, en ce qui touche le financement direct aux garderies. Ce n'est probablement pas suffisant mais c'est certainement un pas dans la bonne direction, et quant à la mise sur pied de nouvelles garderies, et quant aux conditions de subventions que nous avons depuis le 1er septembre — ce n'est pas une promesse, c'est déjà en vigueur depuis le 1er septembre — nous avons rehaussé les subventions de démarrage. De $12 000 qu'elles étaient au maximum, elles sont passées à $30 800. Je pense que vous avez un devoir considérable pour nous aider à répandre cette information. Nous allons entreprendre une campagne d'information parce que avec une subvention de démarrage de $30 800, il est relativement facile à l'avenir de mettre sur pied une nouvelle garderie. Il y a le problème des garderies existantes, qui ont encore des subventions de renouvellement d'équipement insuffisantes et nous allons nous en occuper.

Je reviens un peu en arrière pour parler de la garde en milieu familial. "C'est la garderie qui correspond le mieux — et je vous cite — aux besoins du développement des enfants." C'est une opinion et je ne veux pas engager de débat là-dessus, mais je pense que personne n'a la vérité à ce chapitre, ni la CSN, ni le ministère des Affaires sociales. La garderie rend d'excellents services aux jeunes enfants, mais la garde en milieu familial peut aussi rendre d'excellents services. Elle en a rendu depuis des générations et des générations et va continuer d'en rendre, qu'on la subventionne ou pas. En subventionnant la garde en milieu familial, on ne fait que reconnaître un choix de plus aux parents. C'est aux parents à décider, ce n'est pas à la CSN ou au gouvernement. Le parent décidera s'il veut envoyer son jeune enfant à la garderie du quartier, à la garderie en milieu de travail ou en garde familiale.

J'arrive aux questions... Vous dites que l'office a trop de pouvoirs. Est-ce que vous pourriez nous préciser un peu le genre de pouvoirs que vous voudriez qu'on enlève à l'office? Deuxièmement, vous dites quelque part qu'il y a des règlements actuels qui freinent l'implantation de garderies. Je voudrais bien savoir quels sont ces règlements, parce que je veux autant que vous qu'on développe des garderies au maximum. Troisièmement, vous dites que la garde en milieu familial se fera "au détriment des garderies". En quoi le fait de donner des subventions aux parents qui veulent placer leurs enfants en garde familiale peut-il nuire au développement des garderies?

Voilà les trois principales questions que j'avais à poser, M. le Président, mais, encore une fois, je vous félicite pour l'excellent travail que vous avez fait en nous présentant ce mémoire.

Le Président (M. Boucher): Mme Cartier.

Mme Cartier: Vos paroles nous confirment dans notre méfiance, c'est-à-dire qu'on ne sent pas la volonté, même à long terme de créer un réseau universel et gratuit de garderies. Vous prétendez que cela n'existe nulle part ailleurs. Vous ne manifestez pas la volonté de l'établir même à long terme. Notre méfiance vient de là aussi. On a l'impression que, de toute façon, cela va s'arrêter à mi-chemin, qu'il n'y a pas de volonté politique d'en créer même à long terme. Voilà qui explique notre première méfiance, parce que nous tenons beaucoup à cette revendication. Nous croyons que les services de garderie sont aussi nécessaires et importants et un droit équivalent à celui de la santé et de l'éducation. On assiste à une baisse d'effectif scolaire, par exemple. On ne comprend pas comment on ne pourrait pas compenser par une augmentation des services en garderie. Cela nous apparaît un service essentiel et absolument nécessaire à l'égalité des femmes sur le marché du travail. Tant qu'il n'y aura pas un service comme celui-là, cela va être complètement fallacieux de parler d'égalité des femmes sur le marché du travail. C'est notre conviction la plus profonde et c'est la condition que nous vivons, en tant que femmes au travail, et cela nous apparaît absolument fondamental.

Vous dites que c'est facile de créer des garderies. Ce n'est pas ce que nous vivons. Les garderies, pour qu'elles soient maintenues — on l'a mentionné à plusieurs reprises dans nos documents se font aux dépens des gens qui les font vivre, aux dépens des conditions de travail des employés qui sont là-dedans. C'est une véritable exploitation de la main-d'oeuvre, ce qu'il faut faire dans les garderies pour les maintenir. Notre méfiance vis-à-vis de la garde en milieu familial, c'est un des éléments aussi, c'est du "cheap labor" que d'inciter à la garde en milieu familial. Vous dites que c'est une opinion, notre préjugé favorable à l'égard des garderies. On pense que c'est une opinion qui est très largement répandue et que pour que les gens aient véritablement le choix, il faut qu'il y ait un réseau accessible. Tant que les gens n'ont pas le choix, s'ils vont en milieu familial, ce n'est pas nécessairement parce qu'ils préfèrent cela, c'est parce qu'il n'y a pas autre chose. S'il y avait un véritable choix, on pourrait peut-être vérifier dans les faits quelle partie de la population préférerait envoyer toujours ses enfants en milieu familial. Ce choix n'existe pas à l'heure actuelle. Il est extrêmement difficile à préciser. Tant qu'il n'y aura pas ce choix, je pense que c'est assez difficile.

Vous nous demandez comment il se fait qu'à la CSN, on n'a pas participé de façon plus militante — je pense que c'est ce que vous avez utilisé comme terme — à l'implantation des garderies en milieu de travail. Il y a une question de financement aussi. Cela coûte cher. Je viens de Sainte-Justine. C'est un hôpital que vous connaissez bien, M. le ministre. Vous avez été là. Il y en a une garderie à Sainte-Justine. Cela coûte cher, de telle sorte que la majorité des enfants qui sont là sont plutôt les enfants de cadres ou de médecins ou de personnel qui a un salaire supérieur. C'est un réseau gratuit qu'on revendique, parce que les gens qui ont des salaires ordinaires comme les gens dans les hôpitaux, la majorité des gens dans les hôpitaux, n'ont pas les moyens de se payer une garderie. La principale condition d'accessibilité, c'est la gratuité. C'est une des raisons pour lesquelles il n'y a pas plus d'enthousiasme que cela. C'est extrêmement difficile à implanter aussi, malgré que vous ayez l'air de trouver que c'est très facile, mais tous les gens ici, à part moi qui n'ai pas le malheur d'avoir des enfants dans la situation actuelle, les gens qui m'entourent ont tous des enfants, ils ont participé à une mise sur pied de garderie et la facilité que vous semblez tenir pour acquise, ce n'est pas l'expérience que les gens ont. C'est difficile de mettre sur pied une garderie et de la maintenir sans avoir l'impression qu'on est des exploiteurs envers les gens qui la font marcher quotidiennement. C'est un sentiment que nous n'aimons pas sentir non plus, que nous sommes des exploiteurs!

M. Lazure: Peut-être une remarque, M. le Président, si vous le permettez. Je dis que c'est facile depuis le 1er septembre. Je n'ai pas la naïveté d'essayer de faire croire au monde que cela a été facile jusqu'ici. Mais depuis le 1er septembre, avec les subventions de démarrage qui ont pratiquement triplé, j'ai dit que c'était devenu relativement facile au plan financier — et je parlais des garderies en milieu de travail dans le réseau des affaires sociales plus spécialement. Je maintiens, encore une fois, que l'action des syndicats a été relativement minime à cet égard, malheureusement. (11 heures)

Je pense que la CSN ne peut pas s'en laver les mains en disant tout simplement: Nous attendons le jour J où il y aura gratuité complète. Parce qu'à ce moment-là, c'est d'amener les troupes dans un rêve qui est assez embêtant pour les enfants de ces troupes.

Je ne pense pas, comme vous le dites, que ce soit difficile de créer une garderie en milieu hospitalier, pour en avoir créé deux moi-même, sans fausse modestie, à Rivière-des-Prairies et à Louis-Hippolyte-Lafontaine, où vous avez des syndiqués. Cela n'est pas difficile dans le milieu hospitalier. C'est difficile en quartier, j'en conviens, c'est très difficile, en quartier populaire, de trouver un local. Mais dans un hôpital qui est le moindrement considérable, cela n'est pas difficile.

Je veux tout simplement ajouter à ce petit échange sur l'action de la CSN, par rapport à la création de garderies, que vous ne pouvez pas prétendre que c'est difficile dans ces milieux-là, puisque nous faisons l'impossible, au plan des lieux physiques, pour faciliter la chose. Si vous dites: Nous, on n'est pas intéressé à travailler avec vous dans ce sens, jusqu'au jour où c'est gratuit, c'est une autre affaire. J'espère que ce n'est pas ce que vous dites.

Mme Cartier: Est-ce que je dois conclure, M. le ministre, que les demandes du front commun vont trouver une oreille favorable?

M. Lazure: Justement, M. le Président, je savais que j'ouvrirais cette porte, et je suis content que vous ayez répondu à l'appel. Je pense qu'il n'est pas correct qu'une centrale comme la CSN qui s'occupe d'un problème qui touche autant les travailleuses, ne s'en occupe qu'une fois par trois ans, au moment de la grande convention collective. Je vous ramène à la tâche quotidienne d'édifier quelque chose dans la société, quelque chose qui s'appelle les garderies. Je réponds tout simplement à ça qu'il n'est pas nécessaire, dans l'état actuel des choses, d'avoir des clauses dans une convention collective; vous savez fort bien qu'il y a une vingtaine d'hôpitaux qui ont actuellement des garderies, sans qu'on ait eu besoin d'attendre la convention collective.

Mme Cartier: Mais ça aide de le faire une fois par trois ans, M. le ministre, parce que ça entre dans le mouvement un beaucoup plus grand nombre de gens. Ce ne sont pas tous les gens, localement, qui ont toutes les facilités et ce ne sont pas tous les employeurs qui ont fait des garderies, comme vous en avez faits dans deux hôpitaux. À Sainte-Justine, cela a été beaucoup plus long et beaucoup plus difficile que ça, pour m'en être occupé moi-même, cela a pris des années avant que ça débouche. J'ai participé moi-même au tout début aux négociations pour implanter une garderie et cela nous a été refusé pendant des années et des années.

Cela date de longtemps, cela n'a pas commencé hier. Je vous passe Monique qui a d'autres éléments à ajouter sur une de vos questions à laquelle je n'ai pas encore répondu.

Mme Simard (Monique): Pour faire une mise au point sur les garderies en milieu de travail, il n'y en a certes pas en nombre suffisant. Cependant, les employeurs ne sont pas tous aussi réceptifs que le Dr Lazure l'était à l'époque; pour avoir été mêlée moi-même à un projet de garderie à l'hôpital Saint-Jean-de-Dieu... La structure de ces garderies était différente, parce qu'il y avait une ouverture de l'employeur et était différente des autres garderies qui existaient en milieu de travail. Il n'y en a pas en nombre suffisant, cependant; où il y en a, c'est la CSN qui est majoritaire partout. La revendication du Front commun tente d'ouvrir des portes à certaines barrières patronales qu'on peut rencontrer au moment de rendre les locaux dispo-

nibles, de les aménager conformément à certaines normes.

Cependant, l'obtention de locaux, ce n'est qu'une partie du problème des garderies en milieu de travail. Une fois que les locaux sont là, qu'il faut faire opérer la garderie, 90% des problèmes sont encore là, à savoir le personnel, la rémunération de ce personnel, etc., et c'est extrêmement difficile et ça demande des énergies incroyables.

Je vais revenir à la garde en milieu familial. Vous avez posé une question, en ce sens qu'on dit que ça peut nuire au développement de la formule garderie. Essentiellement, notre position est la suivante: la garde en milieu familial existe, elle a toujours existé, elle n'est pas toujours mauvaise, on ne dit pas ça du tout. Je ne voudrais pas qu'on se trompe sur notre opinion de la garde en milieu familial. Cependant, de reconnaître, de contrôler, de créer des espèces d'agences comme vous proposez dans le projet de loi, qui auront à recruter des gens qui offriront ce service, avec des permis, nombre de places, etc., quant à nous, peut, d'une certaine façon, nuire au développement des garderies, puisqu'on sait, de toute façon, que les subventions, les budgets que vous accordez sont quand même assez restreints et que vous êtes obligé de faire des choix, quant à l'accord des permis, si je ne me trompe pas, ainsi que pour les subventions, etc.

Or, vous prévoyez développer tant de places en milieu familial, tant de places en garderie; quant à l'octroi de permis de garde en milieu familial dans un quartier donné, qui engagerait tant d'argent, on pourrait dire: Dans ce quartier-ci on n'a plus d'argent pour faire démarrer une garderie, on va aller donner de l'argent ailleurs. On craint ça, d'une part.

D'autre part, sur le fond même — je pense que vous-mêmes, M. le ministre, avez fait des déclarations à ce propos — c'est vrai que la garde en milieu familial, on ne peut peut-être pas contrôler la qualité de ce genre de service comme on peut le faire en garderie. Cela nous inquiète d'une certaine façon; c'est un service instable; toutes les femmes qui ont des enfants et qui ont eu recours à ce service le savent. C'est souvent instable et on a difficilement le contrôle sur ce qui peut se faire dans une maison, contrairement à une garderie où les parents peuvent participer activement au fonctionnement.

On a des craintes à ce sujet. Je dois vous avouer que, dans le projet de loi, c'est très peu explicite; on peut donc se permettre d'avoir des craintes.

Quant à l'ensemble du projet de loi, quand on dit: On pense que l'office a trop de pouvoirs, on pense qu'il peut faire de la réglementation qui, d'une certaine façon, peut freiner l'implantation de garderies; on n'est pas les seuls à trouver ça. C'est-à-dire que le projet dit, somme toute: L'office établira tel ou tel règlement, l'office établira les conditions qui pourront permettre l'obtention de permis, qui pourront déterminer les conditions qui feront qu'on puisse révoquer un permis, les garderies devront fonctionner de telle façon, la garde en milieu familial devra fonctionner de telle façon, qu'il faut tel genre de personnes avec telles qualifications, etc. Il n'y a pas d'indication quant à ce qui est prioritaire dans le projet de loi, ça va être laissé à l'office de le déterminer.

M. Lazure: Excusez. Ma question portait sur votre citation que les règlements existants freinaient le développement de garderies.

Mme Simard: Actuellement, dans les garderies — je pense que vous n'êtes pas sans le savoir — on rencontre les doubles juridictions en matière de garderie municipale, provinciale, etc., ce qui fait qu'il y a plusieurs garderies qui, par exemple au niveau physique, correspondent à l'une, mais ne correspondent pas à l'autre et n'arrivent pas à avoir leur permis de fonctionnement. Pour les quotas, il faut présenter la preuve de la clientèle pour pouvoir l'ouvrir, ce sont des règlements ou des directives qui gênent beaucoup les garderies dans le processus d'implantation. Je pense que là-dessus, les regroupements de garderies et les gens qui travaillent quotidiennement dans les garderies peuvent être beaucoup plus explicites que nous. Moi-même, en tant que parent d'un enfant en garderie, je sais que c'est constamment une espèce de tracasserie de règlements, qu'on a beaucoup de difficulté à résoudre, parce qu'on est tellement pris à la gorge financièrement, et qu'on doit se contenter de locaux qui ne font pas nécessairement notre affaire, mais on n'a pas le choix, si on ne se contente pas de ceux-là et qu'on n'accepte pas ceux-là, il n'y a plus de garderie, elle ferme.

Vous-même l'avez dit, c'est déplorable, au niveau quantitatif, au niveau de la possibilité, — je ne dis pas que vous ne faites pas des efforts dans le sens de modifier la situation depuis le 1er septembre — mais il y a quand même une situation qu'il faut reconnaître et je ne pense pas que le projet de loi puisse résoudre ces problèmes à court terme.

Le Président (M. Boucher): Merci, Mme Simard. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: À mon tour, je voudrais remercier et féliciter la CSN pour son mémoire. Il contient des tableaux extrêmement intéressants, entre autres, la comparaison pour les ratios entre les différentes provinces, je ne l'avais pas eu à ma disposition; je vous en remercie, ça peut être fort utile. Si j'avais eu ce tableau plus tôt, il y a eu des discussions, ici, il aurait pu être fort utile.

J'entends le ministre, d'ailleurs, il aime le répéter chaque fois, et je suppose que si j'étais à sa place, peut-être ferais-je la même chose, parler de tous les millions qui sont investis d'année en année dans le réseau des garderies. D'abord, il faut se rappeler — et cela, je le donne comme exemple — que le premier réseau de garderies accepté par le gouvernement l'a été en 1974, deux ans avant la prise du pouvoir par le Parti québécois. Le ministre fait toujours état des $3 500 000.

Ce que je voulais vous signaler, c'est qu'il s'agissait en fait de plus de $4 millions qui avaient été prévus en 1976/77, mais qui n'ont pas été dépensés, même si, à ce moment-là, le gouvernement actuel a été au pouvoir pendant six mois. Le ministre en conviendra lui-même, même si on a prévu $10 millions cette année, ce qui nous mène à $22 millions, ce n'est pas sûr qu'on puisse dépenser ces $22 millions, et je trouve un peu amusant qu'on se rende dans les $32 millions et les $42 millions pour l'année suivante. Évidemment, ça permet d'en parler plusieurs années successivement, je pourrais même dire consécutivement, parce qu'on ne sait pas encore ce qui va arriver des $22 millions, mais on nous entretient déjà des $32 millions, etc. C'est de bonne guerre, ça permet de la bonne publicité.

M. Lazure: C'est de la planification.

Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, il y a un groupe qui est venu réclamer des chèques qu'il devait avoir. Paraît-il qu'ils vont sortir. Les gens ne les avaient pas encore eus, même si ça fait six mois que c'est annoncé.

À tout événement, je dois vous dire qu'il y a des choses sur lesquelles je partage absolument votre point de vue. J'ai eu l'occasion de le dire ici, que ce n'était pas uniquement le cas du gouvernement actuel, que ça avait été le cas du gouvernement précédent. On développe le réseau des garderies ou les services de garde avec ce qui reste, et à la suite de la pression qui se fait sentir chez les groupes organisés pour le développement des services de garde. C'est fort évident que les conditions de travail des gens en garderie... Vous dites que si elles continuent de vivre, en grande partie, c'est dû au bénévolat des parents, c'est dû au dévouement du personnel qui s'y trouve. Je pense que même cela, le ministre ne le contesterait pas.

Je fais la comparaison parce que je suis familière avec le milieu de l'éducation. Si je compare la tâche du professeur de maternelle, qui est directement auprès des enfants au plus 25 heures, alors que les gens des garderies sont venus nous dire qu'ils étaient auprès des enfants durant une période variant de 35 à 40 heures par semaine, les conditions sont souvent différentes. Si on considère le milieu physique des maternelles, au moins dans les écoles nouvelles, et même dans les anciennes écoles, d'une façon générale — je parle pour la région de Montréal — ce sont des locaux vraiment adaptés. Et si on fait, évidemment, la différence dans les salaires, dans toute la sécurité d'emploi, etc., il n'y a pas de comparaison possible. C'est dans ce sens que je dis qu'on a développé et qu'on continue de développer le service de garde pour les enfants d'âge préscolaire à partir des miettes ou de ce qui reste dans les budgets des gouvernements.

Votre inquiétude concernant la garde en milieu familial, je la partage jusqu'à un certain point. C'est évident que si on compare les $12 qui, présentement, avec les $2 supplémentaires...

M. Pagé: Au mois d'avril prochain, les $12, c'est $10 actuellement.

Mme Lavoie-Roux: Si on compare les $10 avec les $6, je trouve que c'est évidemment une façon de garder les enfants qui va coûter beaucoup moins cher que le développement d'un système de garderies proprement dites. Je pense néanmoins — et c'est là-dessus que, peut-être, je suis moins d'accord avec vous — qu'il y a des régions, des milieux géographiques où la nécessité, compte tenu du petit nombre d'enfants, de garde en milieu familial peut être une solution aux problèmes des femmes, là où les populations sont moins nombreuses. (11 h 15)

Mais il y a certainement ce risque inhérent qu'on développe, du moins, à première vue, pour un certain nombre de femmes, une sorte "d'appât " que, tout à coup, elles pourraient gagner des sous à domicile et qu'à ce moment on ralentisse le développement des garderies. En tout cas, le danger est là. Je pense qu'il est trop tôt pour être absolu, en tout cas, de mon côté, pour dire: C'est cela qui va se produire, mais c'est certainement un élément dont il faudra tenir compte.

Évidemment, la façon dont toutes ces garderies ou ces gardes en milieu familial se développeront, la surveillance qui serait assumée, de qui elles relèveront, etc., ceci reste à voir.

J'étais heureuse de voir que madame parlait de l'ouverture d'esprit des employeurs dans le cas des organismes parapublics quant à la possibilité de développer des garderies et je suis certaine que, dans le cas de Louis-Hippolyte-Lafontaine et Rivière-des-Prairies, ce fut le cas. Je peux dire, en toute modestie, comme le disait également le ministre, que quand j'étais à la CECM on a débloqué, en 1972, la garde à l'heure des dîners pour les enfants d'âge scolaire.

Mais remarquez bien que, dans les milieux respectifs des écoles, il y a eu beaucoup de résistance, mais, au moins, le processus a été enclenché et, à l'heure actuelle, cela fonctionne relativement bien. Mais cela dépend beaucoup de l'ouverture et, quand le grand patron est d'accord, il y a des bonnes chances, au moins, que la chose se mette en marche. Mais vous avez raison de dire que ce n'est pas le cas dans un grand nombre d'institutions, parce qu'on dit: Bien, cela va créer plusieurs problèmes.

Il y a également les sentiments que le grand patron ou la grande patronne peut avoir à l'égard du développement des services de garde. Enfin, il y a des préjugés. Vous en avez énuméré plusieurs dans votre mémoire le plus épais.

Tous ces facteurs jouent et cela reste difficile de développer des garderies, même en milieu de travail. D'ailleurs, le ministre nous a dit que dans le milieu de l'entreprise privée, où il avait fait une espèce de sondage dernièrement, il n'y a eu que 5 réponses sur 150, si je ne m'abuse et, des 5, personne n'était intéressé.

M. Lazure: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je pense que cela confirme le fait que, même si l'allocation de démarrage est augmentée de façon significative, cela ne veut pas dire que, du jour au lendemain, ceci va débloquer et rendre les choses plus faciles. C'est certainement un élément. On a eu l'occasion également de discuter, quant au développement des garderies de quartier, des difficultés auxquelles les parents font face et de la nécessité qu'ils soient mieux épaulés, mieux équipés. On nous a relaté que c'est un processus d'environ un an avant que finalement on puisse finir par mettre sur pied une garderie de quartier et ceci, je pense, quand tout se déroule selon un processus relativement normal, ce qui évidemment a pour effet de décourager les parents.

Ces difficultés d'implantation existent dans tous les milieux et je pense que cela prend énormément d'efforts des gens intéressés pour arriver à déboucher sur quelque chose de concret. Je trouve amusant de revoir dans votre mémoire le programme du Parti québécois et j'entendais le ministre dire — c'est extraordinaire comme le pouvoir donne la sagesse: La capacité de payer des gouvernements, etc. Mais je ne veux pas non plus faire de démagogie, sauf que, comme je le dis, le pouvoir donne beaucoup de sagesse.

Il reste que je vous rencontre quand vous dites que, tant que les gouvernements n'auront pas une volonté plus ferme de développer des services de garde de qualité et des services de garde nécessaires, on sera dans cette continuelle ambivalence à savoir si les femmes peuvent vraiment aller sur le marché du travail ou si elles doivent rester à la maison.

Il y a aussi dans la population — il ne faut pas l'oublier — une ambivalence, même chez les femmes, à cet égard. Mais je pense que le gouvernement doit assumer un rôle de leadership dans la question de l'égalité des chances, et c'est peut-être dans ce sens qu'il a la responsabilité particulière de poser des gestes en conséquence.

À la page 9 de votre mémoire, vous dites... Là-dessus, je tiens à le dire parce que je trouve qu'on est un peu absolu dans ses jugements. Il y en a qui l'ont fait, peut-être dans des termes autres, mais personnellement je tiens à souligner que je ne partage pas absolument ce jugement. En haut de la page, en parlant des femmes qui gardent leurs enfants chez elles: "Ceci a pour effet de faire faire isolément et à bas prix, par une femme au foyer, des tâches qui devraient être exécutées socialement par du personnel qualifié et rémunéré en conséquence dans des locaux aménagés pour une garderie". Là, vous faites évidemment allusion à la garde en milieu familial, et vous voulez vous assurer de la qualité de la garde en milieu familial. Je pense que ça a une espèce d'implication à savoir que des femmes au foyer n'auraient pas nécessairement les qualités pour s'acquitter de ces tâches. Je trouve que c'est un peu absolu comme jugement, et je tiens à le souligner parce que, si on a une tendance à développer la garde en milieu familial, c'est que traditionnellement, avec un ou deux enfants, on a assisté à ceci dans le passé, soit parce qu'on requérait les services de la voisine, de la grand-mère, etc. Pour les parents c'était une sécurité, parfois, de voir que l'enfant qu'ils confiaient à quelqu'un avait un lien affectif ou un lien assez étroit avec cette personne. Je pense que c'est de là qu'on évolue vers la garde en milieu familial.

Là-dessus, je pense qu'il faut être beaucoup plus prudent parce que, à ce moment-là, ça peut être l'appât du gain ou le désir d'avoir un revenu d'appoint, etc., qui va entrer en ligne de compte. On ne peut pas être trop prudent quant à toutes les dispositions qui doivent être prises pour assurer qu'on ne sacrifie pas la qualité à une rémunération qui, de toute façon, va demeurer très faible.

J'ai une seule question à vous poser. On est devant un dilemme, je sais que vous allez me rétorquer: II s'agit d'une volonté politique de l'État. Vous parlez d'un réseau universel et gratuit de garderies. Je serais malhonnête de dire que, si on était de l'autre côté, on vous le donnerait. Eux l'ont promis, mais je ne pense pas que, dans les circonstances actuelles, la formation politique...

M. Lazure: Par étapes.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais vos étapes sont longues et ça va vous mener à quoi? À l'an 2000? Oui, par étapes, une chance que vous avez trouvé ce vocabulaire depuis que vous êtes rendus là. En tout cas, vous l'avez quand même dit et quelqu'un a ajouté, la semaine dernière, que vous assureriez même le transport gratuit, que c'était aussi dans votre programme. Oui, quelqu'un a dit que c'était dans votre programme, le transport gratuit en plus du réseau gratuit.

M. Lazure: C'était dans une des versions, à un moment donné.

Mme Lavoie-Roux: Vous vous êtes assagis. M. Lazure: Oui.

Mme Lavoie-Roux: II reste qu'on est pris dans le dilemme à savoir: Est-ce qu'on devrait mettre l'accent sur le développement de plus de places de garderies, les "accélérer", entre guillemets — parce que de toute façon ce ne sera pas très accéléré — ou sur la qualité des places de garderies qui existent, de celles qu'on va créer, ce qui veut dire d'abord de meilleurs ratios, du personnel rémunéré d'une façon convenable, des garderies qui pourront assurer une stabilité? Je pense que ce choix est à faire, ce n'est sûrement pas celui que la CSN ferait, j'en suis convaincue. Il reste que dans la réalité des choses... Quand bien même le ministre voudrait aller chercher une autre somme de $200 millions pour ses garderies, il ne l'aurait pas demain matin. Je ne pense pas qu'on pourrait en développer pour $200 millions, non plus, d'ici la fin de l'année.

Cela, ça m'inquiète. Est-ce qu'on met l'accent sur les conditions de travail sur la qualité de la garderie et de son organisation, la stabilité de la

garderie ou si on continue d'émietter un peu sur un plus grand nombre de places?

Mme Cartier: Sur la politique générale, c'est-à-dire la volonté politique d'établir, à moyen ou à long terme, un réseau universel et gratuit, quand on retrouve, par exemple, à l'article 24 de l'avant-projet de loi que c'est l'office qui est chargé de concevoir et d'élaborer une politique générale de services de garde à l'enfance, ça nous apparaît se décharger d'un problème à très peu de frais.

On pense que, si c'est une volonté, si c'est un projet à moyen ou à long terme, il doit y avoir relié à ça une volonté politique et que ça doit être très clair au départ, quitte à ce qu'il y ait des étapes. On pense que c'est fondamental. Il ne s'agit pas juste de créer un office et de dire à l'office: Faites une politique. Je pense que c'est carrément se décharger de ses responsabilités politiques. C'était une des choses, entre autres, qu'on reproche et qu'on trouve excessives comme pouvoirs à l'office. Qu'on établisse la politique et après on mettra les choses en place pour la mettre en marche.

Je voudrais revenir sur une remarque de Mme Lavoie-Roux concernant ce qu'on dit à la page 9 de notre mémoire. Comme l'a dit Monique tantôt, on ne rejette pas comme étant complètement condamnable dans l'absolu la garde en milieu familial, mais on ne pense pas non plus qu'une femme au foyer ou en milieu familial est nécessairement compétente pour s'occuper des enfants; on ne fait pas d'équation entre ça. Peut-être y a-t-il des femmes qui sont parfaitement compétentes pour s'en occuper. Elles pourraient probablement tout aussi bien s'en occuper en garderie, ce n'est pas nécessaire que ce soit en milieu familial, mais on trouve que c'est à peu près impossible à contrôler. Je me rappelle — ça fait longtemps que je travaille, entre autres, dans le milieu hospitalier ou que j'y travaillais avant d'être libérée à temps plein — les problèmes qu'il y a eu au sujet des asiles pour vieillards, par exemple, des foyers qui se sont développés un peu partout, selon le bénévolat des gens, et qu'on a été obligé de fermer parce qu'on a découvert des choses absolument épouvantables qui se développaient presque dans la clandestinité. Je pense qu'il ne faut pas encourager ce genre de choses; il faut que ce soit, s'il y en a, des exceptions et qu'on s'arrange pour être capable de le contrôler tout aussi bien que dans les garderies, parce que ça peut être aussi dangereux que toute autre situation. Ce n'est pas parce que c'est un milieu familial que, tout à coup, automatiquement, par une espèce de compétence innée, ce serait favorable au développement des enfants. Or, la méfiance qu'on a demeure là.

Je vais laisser la parole à Monique pour la deuxième partie sur les étapes, qu'est-ce qu'on peut vérifier dans le concret.

Mme Simard: Je voudrais simplement terminer là-dessus. On ne condamne pas ce genre de personnes, mais on dit: Parce qu'elle n'a peut-être pas le choix d'aller à l'extérieur, elle est un peu prise dans la situation, souvent parce qu'elle aime beaucoup les enfants, qu'elle veut avoir un revenu et n'a pas accès à d'autres genres de travail, de faire ça seule chez elle sans support, alors que dans une garderie il y a des supports, il y a d'autres personnes, il y a un échange. Vous remarquerez qu'il y a toute une partie dans notre dossier qui parle de la qualification. On ne privilégie pas la qualification académique pour travailler avec des enfants. On dit: II y a des aptitudes, il y a un goût inné de vouloir travailler avec des enfants qui est très précieux et que souvent ces dames qui gardent chez elles ont. Mais on leur demande de le faire à très bas prix chez elles, seules. C'est souvent une surcharge de travail incroyable.

Pour revenir aux étapes ou aux choix — c'est une question piège, je ne tomberai pas dedans — on est très conscient du coût d'une demande comme la nôtre; on ne va pas argumenter sur les centaines de millions. On sait que ça coûte très cher, mais on sait également que si on n'en fait pas une question de priorité, comme le disait Mme Lavoie-Roux tout à l'heure, on aura les miettes.

On évalue le nombre d'enfants en garderie à 250 000. Je pense que nos statistiques sont assez réalistes; c'est un besoin idéal de 250 000 places. Cependant, il y a entre les étapes et un véritable processus, une véritable volonté d'y arriver dans un temps donné, une marge. (11 h 30)

L'objectif, actuellement, c'est de créer 4000 places, je pense, si je ne me trompe, l'année prochaine, en garderie, et 2500 en milieu familial. C'est vraiment hors de proportion par rapport aux besoins et tout cela.

M. Lazure: Cette année, c'est 4000 places en garderie et 500 en milieu familial.

Mme Simard: C'est cela. Ah! vous aviez dit 2000.

M. Lazure: L'an prochain, 4000 encore en garderie et 2000 en milieu familial.

Mme Simard: C'est cela. Je ne trouve pas et nous ne trouvons pas que ce soit suffisant, même dans une perspective étapée, parce qu'on ne le fera tout de suite l'an prochain: 170 000 places, c'est quand même très peu. Si, aussi longtemps que les gouvernements ne feront pas de la question de la garde d'enfants préscolaires une priorité, on va fonctionner à ce rythme-là, qui se rendra jusqu'à l'an 2000 ou, encore, si on se mettait à calculer, je ne suis pas sûre qu'on se rendrait à l'an 2000. Ce sera donc passé, cela.

Quant à nous, on peut aussi nous qualifier d'étapistes. Je ne veux pas dire qu'on l'est, mais on peut aussi nous qualifier d'étapistes. Dans notre demande, par exemple, purement syndicale, dans le cadre du front commun, on demande des locaux. On ne parle pas d'autre chose. On dit: Libérez-nous, chauffer, assurez, aménagez des

locaux. On s'arrangera avec le reste. Cela peut être qualifié d'étapisme aussi.

Cependant, on veut au moins que cette partie-là soit rapidement faite, parce qu'on sait qu'il y a un gros blocage à ce niveau. Cela ne veut pas cependant dire qu'on met de côté, pour autant, toute la question de la qualité du service, des ratios, etc. On n'est pas là pour faire des choix. Je pense qu'on peut faire la conjonction des deux dans un plan raisonnable pour atteindre véritablement un objectif qui doit être commun — je pense qu'il l'est — d'avoir un réseau de services de garde qui répond aux besoins réels de la population québécoise. C'est une question de priorité. Si on n'en fait pas une priorité, quant à nous, on n'aura jamais les moyens de pouvoir le réaliser, tant au niveau quantitatif qu'au niveau qualitatif de ces services.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Je voudrais revenir sur une remarque que vous avez faite tout à l'heure, c'est, je crois, Mme Brisson, sur le fait que le ministre revient toujours en disant: On veut donner le choix aux parents, etc. Je pense qu'une des résistances des parents — ce ne serait pas réaliste de ne pas l'observer— c'est qu'ils ont un peu peur des garderies, en disant: Dans des garderies, c'est un numéro, tandis que, dans le milieu familial, il va y avoir plus d'attention, etc. Mais là, il faut faire bien attention et faire la différence entre le milieu familial traditionnel qu'on a connu, où il y en avait un ou deux, et le milieu familial qu'on veut créer qui est un milieu plus artificiel à bien des égards et où les ressources vont être moins grandes, parce qu'une femme pourra se retrouver avec cinq enfants ou deux personnes avec neuf enfants. Mais je pense que si on travaillait — et c'est pour cela que je vous posais la question sur la qualité — à vraiment améliorer la qualité, quant au niveau du ratio, à ce moment, il pourrait vraiment y avoir un choix, parce qu'à l'heure actuelle, les garderies où vous retrouvez parfois — non seulement parfois — mais en fait, des ratios élevés, ceci inquiète les parents et ils semblent plus à l'aise de dire: II va y avoir moins de monde, mon enfant va avoir plus d'attention. Je trouve cela très révélateur de voir la différence des ratios entre le Québec et les autres provinces. Je les ai regardés rapidement, mais il m'a semblé, dans l'ensemble de toutes les provinces, que c'était ici que le ratio était le plus élevé.

On a eu tendance à dire que les monitrices exagéraient quand elles demandaient des ratios de 1-7. Mais il faut dire — je pense que le ministre Lazure serait sensible à cela, il l'est, j'en suis convaincue, c'est qu'il n'est pas capable de vendre son idée à d'autres — l'importance qu'il attache à la petite enfance et les soins qui doivent être donnés aux enfants d'âge préscolaire dans les ratios de 1-10 et j'ai lu même, je pense, que c'est de 1-10 pour les enfants de deux à quatre ans, le ratio actuel.

M. Lazure: Le ratio actuel.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'on peut convenir, M. le ministre, que c'est assez fort.

M. Lazure: C'est un guide. Il y a beaucoup de garderies qui ont un ratio effectif, un ratio réel de 1 sur 7 pour les enfants de 2 à 5 ans. Continuez, je vais essayer d'avoir la moyenne.

Mme Lavoie-Roux: ... du Québec, de 2 à 3 ans, c'est de 1 sur 15, de 3 à 4 ans, 1 sur 15, de 4 à 5 ans, 1 sur 15, s'il n'y a pas d'enfants-problèmes, je pense que ça peut aller. Mais pour les ratios de 2 à 3 ans à 1 sur 15 et de 3 à 4 ans à 1 sur 15, ça me semble très élevé. Quand on compare, il y a l'Alberta qui a un ratio élevé, aussi, à 1 sur 12; c'est le plus élevé après celui du Québec qui est à 1 sur 15.

M. Lazure: M. le Président, encore une fois, ce sont des ratios qui sont dépassés. La correction à faire, c'est pour les 0 à 2 ans, 1 sur 7 pour le Québec, et non pas 1 sur 10.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Lazure: Pour les 2 à 5 ans, c'est 1 sur 10 et non pas 1 sur 15.

Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, j'avais parlé de 1 sur 10, mais là, si vous le comparez à l'Ontario ou à la Nouvelle-Écosse — on se comparerait au Manitoba, peut-être pas pour les 0 à 2 ans, mais pour les 2 à 3 ans et les 3 à 4 ans — il reste que ce sont des ratios élevés.

M. Lazure: Cela reste à améliorer.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Je vous remercie, et je peux vous assurer que tout ce que l'Opposition officielle pourra faire au moment de l'étude article par article de l'éventuel projet de loi, c'est que les mesures de surveillance à l'égard de la garderie en milieu familial soient là. Également, essayer d'obliger le gouvernement à énoncer sa politique un peu plus clairement. D'ailleurs, je trouve intéressant ce que Mme Brisson disait parce que ma première remarque, à l'ouverture de cet avant-projet de loi, a été à l'égard de cette absence de définition de politique; ça se résume strictement à la création d'un office à qui on remet des pouvoirs qui restent évidemment sous le contrôle du ministre. C'est assez exceptionnel de créer un office à qui on demande de définir une politique, alors qu'un office est habituellement créé pour exécuter une politique ou mettre en opération une politique gouvernementale; vous l'avez signalé et d'autres l'ont signalé également. C'est à cet égard que nous allons travailler.

Il y a une dernière remarque que je voudrais faire. Le ministre fait beaucoup état de ces millions qu'il a ajoutés. Je ne voudrais pas que la population se leurre, par exemple, à l'égard des services de garde en milieu scolaire, et croie que les services de garde en milieu scolaire devront

être assurés à l'heure du dîner, après l'école. Je pense que le ministre a même ajouté les 20 jours de congé pédagogique. On prévoit pour ceci, en 1979/80, $700 000, et l'an prochain on prévoit $1 million. Je le savais parce que cela avait été assumé par les taxes des Montréalais et c'est encore assumé par les taxes des Montréalais quand le programme de garderies à l'heure du lunch a été mis en place. La CECM est venue nous dire qu'avec la contribution des parents qui contribuent à 50% — enfin, il y a beaucoup de modalités, selon les milieux — cela coûte $500 000 pour la garde du midi, uniquement à la CECM qui représente à peu près 10% de la population.

L'an dernier, quand on a donné un petit montant pour faire un essai de garde postscolaire, on leur a dit: N'y touchez pas pour la garde du midi. La CECM a continué et a utilisé les $30 000 qui lui étaient alloués pour des projets expérimentaux de garde du soir, après l'école. Mais le $1 million — là, on parle de $700 000 cette année, parlons de $1 million l'an prochain parce que ce sera une année globale — je vous assure qu'il ne faudrait pas que la population s'imagine qu'on va assurer des services de garderie le midi, le soir, les journées de congé pédagogique ou même pendant les vacances — les vacances, c'est dans le programme du Parti québécois, mais ça n'a pas été mentionné pour l'année qui s'en vient — pour moi, ça me semble totalement insuffisant.

La seule chose sur laquelle le gouvernement peut compter, c'est que le processus va être tellement lent que peut-être on ne manquera pas d'argent. Mais penser que les services seront donnés d'une façon adéquate dans l'ensemble du Québec en garde scolaire, c'est s'illusionner, à mon point de vue, sans aucun doute.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Mégantic-Compton, en vous demandant d'essayer d'accélérer étant donné qu'on a largement dépassé l'heure.

M. Grenier: Non, j'ai l'intention de prendre mon temps, même si vous me demandez cela. Je vous remercie, Mme Brisson, de nous avoir présenté ces deux documents qui nous donnent un éclairage tout à fait précis sur la situation. Vous êtes un groupe qui oeuvre dans le milieu depuis assez longtemps, je pense bien, pour nous donner un aperçu qui est assez différent d'autres, puisque vous avez l'air de vous y connaître.

Vous avez, à la page 48, rappelé une partie du programme du gouvernement et c'est de bonne guerre, bien sûr, de le faire. Quand on dit, à l'article 4: "Mettre sur pied un réseau complet de services de garde gratuit et à long terme". On a ajouté "à long terme" parce qu'on s'est rendu compte que ce n'était pas tout à fait pour être brassé rapidement, ces choses-là. Il faut se méfier d'un programme de parti politique.

M. Lazure: Continuez à lire au bas de la page. M. Grenier: Oui, je l'ai dit: "à long terme".

M. Lazure: Mais, en bas, c'est encore plus clair.

M. Grenier: Ah, les étapes. M. Lazure: C'est cela.

M. Grenier: C'est Morin, qui a donné cela, les étapes. Il l'a donné au niveau de la souveraineté-association et on l'a mis dans toutes les choses où il était possible de faire des étapes. C'est la trouvaille de Claude Morin.

M. Paquette: Vous ne connaissez pas les étapes, vous êtes aux balbutiements.

M. Grenier: Non, mais du train où on va là, il serait peut-être intéressant de connaître que les étapes, quand ce sera pour aménager des garderies pour le nombre d'enfants que nous avons, si vous faites la déduction... Cela ne vous dérange pas si je continue?

Mme Lavoie-Roux: On s'excuse.

M. Grenier: J'aime cela que vous vous excusiez. La discrimination se fait à l'égard des hommes, comme vous le voyez ici. On n'attaque pas quand ce sont les députés féminins qui parlent; ce sont les hommes qui se font attaquer quand ils parlent.

Je voudrais dire que l'étape qui se présente dans l'aménagement des garderies, si cela va bien, c'est une quarantaine d'années et, si cela prend un peu plus de temps, ce sera cinquante ans. Alors, on est mieux de parler d'étapes, je pense bien et vous le savez avec le nombre de garderies qu'il faut organiser. Il faut être réaliste et déduire que c'est véritablement cela. Si cela va moyennement bien, c'est une quarantaine d'années et si c'est un peu plus long, cela peut aller jusqu'à cinquante ans pour appliquer le programme pour le nombre requis, tel que vous en faites mention dans votre programme.

Basé sur ce programme, vous dites: "entrée entièrement gratuite pour les usagers et entièrement subventionnées par l'État". Bien, vous avez cru au programme et vous aviez raison; c'est un document pour vous important, c'est le document qui a fait élire le gouvernement. Alors, vous vous servez de cela à l'article 3 et à l'article 4 de vos revendications, avez beaucoup d'à-propos. C'est la différence entre un parti qui a été le gouvernement et un qui ne l'a pas été. Quand on n'a pas été le gouvernement, on peut se permettre d'écrire des choses comme celles-là; quand on l'a été une fois, on ne l'écrit plus. Je puis vous dire cela.

M. Paquette: Notre programme n'a pas été écrit sur un coin de table par des spécialistes.

M. Grenier: Comme me le disait un député du Parti québécois, on n'est jamais trop pauvre pour faire des promesses. Mais on se rend compte que, quand on est député, ce n'est plus pareil. Alors, il

faudra, à l'avenir, être beaucoup plus modéré. On se rappelle le budget très précis de l'an 1 ; on s'est rendu compte que ce n'était pas trop rentable et on se rendra compte, si on a des programmes comme celui-là, qu'il faudra avoir les pieds plus à terre la prochaine fois, parce que ce n'est pas sûr que la population croira à cela.

M. Lazure: Le député me permet-il une question?

M. Grenier: Non, je vous ai écouté tout à l'heure, j'aime mieux attendre.

M. Lazure: Le programme de l'UN...

M. Grenier: Non, je n'ai pas permis de question.

M. Paquette: Vous n'avez jamais eu de programme.

M. Grenier: C'est clair, cela!

Le Président (M. Boucher): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci. Alors, je voudrais faire mes remarques, tel que je dois les faire pour éclairer les gens qui sont ici, qui sont très consciencieux et qui voient vraiment ce qu'ils ont en main, un programme de parti et l'application se fait de façon fort différente quand arrive une loi. Maintenant, c'est à l'état de projet de loi seulement; ce n'est pas à l'état de loi. Viendront d'autres étapes. Il y a des choses là-dedans que j'accepte et d'autres que je n'accepte pas, bien sûr. Vous dites ici: "On peut également maintenir des conditions de congé de maternité", des choses que vous dites avant, "des allocations familiales pour maintenir la femme au foyer". Je ne suis pas d'un milieu urbain; je suis d'un milieu rural et j'ai une couleur rurale en ce sens que je connais beaucoup mieux le monde rural, en dehors de Montréal et de Québec. Quand je parle de monde rural, je parle des moyennes villes, comme Sherbrooke et Rimouski, Chicoutimi et d'autres, il y a bon nombre de mères de famille qui désirent rester au foyer. Il y a beaucoup de ces gens-là qui sont contents de bénéficier d'apports, d'à-côtés pour pouvoir demeurer au foyer.

On peut dire que c'est exploiter certaines femmes, certaines mères de famille, mais il faut quand même être conscients, devant une commission comme celle-ci, qu'il y a beaucoup de mères de famille qui désirent demeurer au foyer et qu'il y a beaucoup de mères de famille, également, qui désireraient y retourner, une fois sorties du foyer. Je trouve que c'est un peu radical que de dire que toutes ces choses sont pour demander et exiger que la femme reste davantage au foyer. (11 h 45)

Ce que je pense qui est beaucoup plus vrai, en ce qui me concerne, c'est à la page 51 de votre mémoire, quand vous dites: II peut s'agir d'une volonté de contrôle administratif pour empêcher l'évolution dans ce secteur, bureaucratie qui vise à éliminer les garderies qui refusent le contrôle total de l'État. Plus que jamais on a tendance à voir l'État tout contrôler; cela a été vrai antérieurement et ce n'est pas moins vrai aujourd'hui, c'est un peu plus vrai. Ce que vous dites là, il y a longtemps que je me bats pour ça; vous le découvrez, je pense bien que vous ne m'avez pas copié, vous l'avez découvert par vous-mêmes, c'est tellement évident, ce contrôle de l'État. Je pense que c'est un argument que vous pourrez véhiculer et je vous aiderai largement à véhiculer un tel argument; il est vrai, il est fondé. Honnêtement, ce n'est peut-être pas plus vrai qu'au gouvernement central d'Ottawa, c'est la mainmise de l'État par des hauts fonctionnaires, par des technocrates qui aimeraient donner davantage de subventions pour avoir plus leur mot à dire dans chacun des secteurs. Vous faites bien de défendre votre secteur et on sera toujours là pour vous seconder; quand il sera question de secteurs, d'entreprises privées, vous pouvez être sûrs que vous pouvez compter sur nous, on est là et je pense qu'on a fait notre marque de ce côté.

Dans votre document, dont vous nous avez fait part en premier lieu, quand vous parlez de famille, de garde en milieu familial — je reviendrai sur le milieu scolaire — est-ce que vous faites des distinctions entre le milieu rural et le milieu urbain? Est-ce que vous verriez plus de souplesse — je pense qu'on s'entend là-dessus — pour l'application de la politique du gouvernement de garde en milieu familial, dans le milieu rural plus qu'en milieu urbain?

Mme Cartier: Je voudrais d'abord revenir sur quelque chose que vous avez dit concernant notre position sur les femmes au foyer. Il est très évident qu'il y a de l'ambivalence dans la population — d'ailleurs Mme Lavoie-Roux en avait parlé aussi — vis-à-vis de la famille, de la femme au foyer, des garderies, etc. Mais il faudrait quand même se rappeler l'ambivalence qu'il y avait dans la population quand il a été question d'introduire l'éducation gratuite et obligatoire. Je me rappelle ça, j'ai vécu ça dans mon enfance, c'était la fin de tout, c'était épouvantable, c'était la fin de la religion, c'était la fin de tout; on nous enseignait dans les écoles que l'instruction obligatoire c'était mauvais, et je ne suis pas si vieille que ça. Il y avait donc une résistance d'une certaine partie de la population, pourtant il n'y a personne qui remet ça en cause maintenant. Il est très évident que la population évolue et il reste des résistances. Là-dessus, je pense que ce n'est pas très fondamental...

M. Grenier: Je m'excuse; est-ce que vous amenez votre comparaison pour éclaircir le point que, avec l'évolution, la femme sera acceptée largement sur le marché du travail? Est-ce là votre point de comparaison?

Mme Cartier: C'est très exact; on revendique le droit au travail pour les femmes, de la même façon que pour les hommes, ça c'est très clair. On

est dans une centrale syndicale, vous pouvez bien vous imaginer qu'on revendique le droit au travail et on pense qu'il y a beaucoup de femmes au foyer qui travailleraient, qui ont la volonté de travailler, mais qui ne le peuvent pas parce qu'elles n'ont pas les équipements nécessaires pour le faire. On n'a jamais pensé à obliger toutes les femmes à aller travailler, ce n'est quand même pas nécessairement la vie rêvée, mais on pense que les femmes ont le droit de travailler, d'avoir toutes les conditions nécessaires pour aller travailler de la même façon qu'un homme; si elle choisit de rester à la maison, elle choisirait de rester à la maison, pas par obligation, mais par choix. Fondamentalement notre position est assez claire, elle est absolument sans ambiguïté.

L'autre question, quand vous avez parlé du contrôle administratif, bureaucratique, etc., ce n'est peut-être pas dans le même sens que vous l'avez souligné. On demande que ce soit financé complètement par l'État, comme en éducation, comme dans les affaires sociales, comme dans les soins de santé, comme dans les services sociaux. Mais on demande que le contrôle concret, quotidien, la gestion sous tous les aspects, de la pédagogie en particulier, soient sous le contrôle des parents qui sont les responsables et qui ne veulent pas laisser aller leurs enfants sous le contrôle de l'État, parce qu'on a des objections à la façon dont fonctionne, entre autres, le système scolaire actuellement. On pense que les parents ont le droit de vouloir transmettre à leurs enfants leurs propres valeurs et non pas nécessairement les valeurs de l'État, et précisément dans la période la plus importante de la vie d'un individu, qui se situe de la naissance à six ans. On pense qu'à six ans, les dés sont pas mal joués.

Alors, le contrôle des parents, pour nous, c'est absolument essentiel au niveau des garderies. Ce n'est pas tellement qu'on constate que ce devraient être des entreprises privées. Il ne faut pas confondre les deux.

M. Grenier: D'accord. Je pense que je comprends ce que vous dites. Ce que je disais, c'est que si ces messieurs et si le gouvernement acceptent de subventionner ce secteur comme on le fait ailleurs, vous n'avez pas à vous en faire. Il n'y a pas long à franchir ensuite, et, quand on paiera moins le "boss", le gouvernement reprendra l'autorité là-dedans, comme il l'a prise dans les écoles, qu'il la reprend dans les hôpitaux et qu'il l'a dans les autres secteurs. Je pense que c'était là-dessus qu'on se rejoignait. Je pense que c'est vrai.

Mme Cartier: Mais on prévient la situation et on avertit qu'on va se battre pour garder le contrôle, que la demande de financement et de gratuité ne signifie pas l'abandon du contrôle par les parents des garderies.

M. Grenier: Cependant, vous avez élaboré votre pensée sur ce que j'avais dit antérieurement, mais vous ne m'avez pas répondu en ce qui concerne les enfants en garde familiale. Est-ce que vous voyez une distinction entre le milieu rural et urbain?

Mme Simard: Je pense qu'au départ, il faut établir qu'on n'est pas contre, qu'on rejette, qu'on ne demande pas l'abolition de la garde en milieu familial. On est cependant réticent à favoriser ce genre de service de garde. C'est clair. On est également conscient que, dans les milieux ruraux, il y a de petits bassins de population qui ne pourraient pas justifier la création de garderies. Il n'y aurait pas de besoin, par exemple, pour une garderie de 30 ou 40 enfants dans un village, etc., ou, alors, d'autres formules sont envisageables. On ne met pas cela de côté.

Cependant, on sait également que, dans les milieux ruraux, actuellement, il y a des garderies. Il y en a dans les milieux ruraux, dans de petits villages et, chose étonnante, il y a des besoins et il y a des listes d'attente là aussi. On pourrait revenir un petit peu sur ce que Mme Lavoie-Roux disait. Les gens sont encore très réticents, très craintifs de la formule garderie. C'est vrai en partie; il y a ambivalence, etc. Mais ce qu'on constate, c'est que la création de garderies, la mise en opération de garderies modifie beaucoup l'attitude des gens. C'est-à-dire, par exemple, que, pour ouvrir une garderie, il n'y a peut-être pas tant de gens que cela qui vont se mettre de l'avant et dire: Oui, je veux mettre mon enfant dans cette garderie. Mais, une fois qu'elle est ouverte, une fois qu'elle fonctionne — je pense que c'est particulièrement vrai dans le cas des garderies en milieu de travail — alors, tout d'un coup, tout le monde dit: Ce n'est pas si mal que cela, si je mettais mon enfant en garderie! Et là, il y a des listes d'attente incroyables.

M. Grenier: Je pense que cela va là-dessus, il n'y a pas de problème. Ce que vous dites est tout à fait juste et je vois que vous avez suivi de près l'évolution du problème, même en milieu rural et vous êtes très à point. Mais il reste une chose, c'est que même s'il y a une volonté de gens qui veulent faire une garderie, il n'y a souvent pas le potentiel. Je veux dire que, dans un petit village, il se peut que — non seulement il se peut, mais cela se produit déjà — des gens soient désireux, mais ils n'ont pas le nombre requis, à moins d'avoir du transport en régionalisation, ce qui touche le problème, en fait, en milieu scolaire également. C'est ce que je voudrais non pas vous amener à dire, mais vous amener à constater, que le bassin où ce ne sera plus possible de faire des garderies en milieu familial, c'est surtout en milieu rural, je pense, et plus que dans le milieu urbain.

Dans le milieu urbain, il y a plusieurs bonnes raisons pour ceci, d'abord, à cause du nombre de personnes qui habitent ce milieu. Ce sera beaucoup plus facile d'y ériger des garderies avec le nombre suffisant, des garderies sans but lucratif. Mais la garde familiale — j'ai l'impression — va se répandre davantage en milieu rural. Je ne sais pas si cela rejoint votre opinion.

Mme Cartier: II nous semble que le service de garde en milieu familial nous apparaît comme une exception, mais que la politique générale doit être les garderies, tout en prévoyant que, dans certains cas, la seule solution possible, c'est cela. Ce qu'on ne veut pas, c'est que la garde en milieu familial soit considérée sur le même pied que les garderies ou favorisée, par rapport aux garderies, ce qui nous apparaît une mauvaise politique.

M. Grenier: Qu'est-ce que vous pensez de la politique de la garde en milieu scolaire, la garderie scolaire? Cela nous est amené par deux différents groupes ici, les difficultés que cela pouvait causer et, encore une fois, cela pose des problèmes et dans l'urbain et dans le milieu rural, mais de façon beaucoup plus intense dans le milieu rural, si on doit accrocher à ça le problème du transport.

Mme Lee: On a fait des prévisions pour le nombre d'enfants qui auront besoin de quelque chose en dehors des heures de classe; on n'a pas prévu une formule de garderie, on n'a pas spécifié qu'il faut que ce soit à l'école. Cela est un domaine qui est très peu développé. Quand on pense qu'il y aura peut-être 250 000 enfants, il va falloir que ce soit développé. On n'a pas travaillé les détails de ça et on ne tient pas absolument à ce que ça se fasse à l'école.

Je veux souligner qu'on a énuméré différentes sortes de garderies. Ce qu'on réclame, c'est un réseau adéquat, un réseau qui réponde à tous les besoins. Ce ne sont pas des garderies de neuf à cinq. En campagne, on peut envisager peut-être des mini-garderies. Il y a différentes formules et je sais, quand je regarde les gens qui sont ici, que, pour répondre à nos besoins en garderies, ça prend beaucoup plus qu'une garderie de neuf à cinq dans la région. Il faut penser à toute la gamme, les haltes-garderies, les mini-garderies.

Il y a un autre point que je voulais soulever, parce que je suis le débat à deux niveaux vu que j'ai cinq enfants et que je pense à mes propres problèmes de garderie. On mentionne que les gens ont peur des garderies. Moi-même, j'ai peur de la garderie de l'endroit où j'habite, mais j'ai aussi peur de la garde en milieu familial et c'est pour les mêmes raisons; c'est que, dans les deux instances, je n'ai aucun contrôle. Il y a une garderie dans mon coin. C'est supposément une garderie à but non lucratif, mais il n'y a pas de contrôle des parents. Il n'y a pas de conseil d'administration formé majoritairement des parents, parce que c'est une garderie qui a été formée avant la loi. Cela ne répond pas du tout à mes besoins parce que c'est du 9 à 5. Quand vous faites un peu de militantisme — comme ce matin, je suis partie à cinq heures de la maison — ça rend la vie un peu difficile une garderie de 9 à 5. Mais je ne suis pas prête, non plus, à laisser mon enfant avec la voisine.

De plus en plus, les femmes au Québec sont un peu comme moi; ce sont des femmes qui n'ont ni leur belle-mère ni leur tante à côté. Je reste dans un village où je n'ai aucun lien de parenté. Je ne suis pas prête à laisser mes enfants chez quelqu'un dans le coin, parce que je ne peux pas dire ce qui va leur arriver; est-ce qu'ils vont accepter leurs valeurs au lieu des miennes? Je n'ai aucune intervention à faire, sauf les enlever de là et les amener ailleurs. Cela souligne l'importance de contrôles et d'un réseau adéquat.

M. Grenier: Je pense que ça rejoint très bien ce que je disais tout à l'heure, à savoir que le système de la garde en milieu familial est beaucoup plus adapté en milieu rural. Quand vous me dites: Je n'ai pas ma belle-mère, ma grand-mère ou ma belle-soeur proche pour garder mes enfants de cinq heures du matin à neuf heures, pendant que je viens à Québec avant que la garderie ouvre là-bas, c'est évident qu'en milieu rural on trouve une personne pour le faire alors que chez vous c'est plus compliqué. Même si vous en avez une qui habite Montréal, elle peut quand même être à Montréal et être à 20 milles de chez vous. Ce n'est quand même pas un moyen de régler le problème.

À force d'en discuter, on se rejoint sur plusieurs points et principalement sur celui que la garde en milieu familial verra un développement moins important dans une ville comme Montréal ou Québec que dans le milieu rural. Je pense que là-dessus on s'entend.

Avant de terminer, je voulais rappeler au ministre une motion que j'ai faite la semaine dernière pour demander au ministre d'État à la Condition féminine d'être présente à l'une ou l'autre de nos séances. J'aurais aimé qu'elle soit présente pendant qu'on a discuté de cet avant-projet de loi, mais elle était à l'extérieur du Québec. Elle est revenue. Elle était ici hier. Je voudrais que le ministre nous dise aujourd'hui s'il a l'intention que Mme le ministre d'État à la Condition féminine vienne rencontrer des groupes aussi importants, avec un dossier aussi impressionnant que celui de ce matin, le premier que nous ayons eu. Est-ce son intention de venir ou si vraiment ça ne l'intéresse pas et qu'elle n'a pas envie de venir?

Mme Lavoie-Roux: Elle est gênée de venir défendre ça. C'est aussi simple que ça!

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Lazure: Je répète ce que j'ai dit la semaine dernière, M. le Président...

M. Grenier: Elle ne viendra pas!

M. Lazure: Je n'ai pas dit qu'elle ne viendrait pas; je vais la voir tantôt, à l'heure du midi; il y a un Conseil des ministres aujourd'hui et... (12 heures)

Mme Lavoie-Roux: Elle est mieux de se dépêcher. Il n'en reste plus beaucoup.

M. Lazure: II ne reste plus beaucoup de quoi? Mme Lavoie-Roux: De mémoires.

M. Lazure: On s'est assuré, M. le Président, comme je l'ai dit la semaine dernière — je le dis devant les représentants de la CSN — que Mme Payette serait mise au courant, prendrait connaissance de tous les mémoires. La semaine passée, elle était absente; elle était en Colombie-Britannique. Il est probable qu'elle va venir demain.

Je voudrais relever, M. le Président — cela me donne la chance — deux choses, premièrement, la volonté politique. Une des façons d'exprimer sa volonté politique vis-à-vis des garderies, c'est par le biais du programme du parti qui est au pouvoir. Une autre façon, c'est évidemment par des gestes concrets, en particulier par les crédits qui sont alloués d'année en année. Les augmentations de crédits au chapitre des services de garde montrent que cela constitue véritablement pour le ministère des Affaires sociales une grande priorité. Il y a très peu de secteurs où on a pu obtenir des augmentations pour une période de trois années aussi considérables que c'est le cas pour les garderies.

Maintenant, vous dites: L'office, c'est bien beau, mais on veut avoir une volonté politique. Vous semblez oublier que l'office est un organisme politique. C'est un organisme public. C'est un organisme gouvernemental. Vous semblez trouver étrange que l'office se voie donner, entre autres fonctions, celle d'élaborer, en consultation avec le milieu, des politiques.

Une politique sur les services de garde n'est pas une chose statique qu'on définit en 1979 et qui va rester là inchangée. Il nous paraît normal que l'office, qui relève d'un ministre, donc qui est organisme gouvernemental, soit chargé par le gouvernement, par le ministre d'élaborer, en consultation avec le milieu, des politiques qui auront à être approuvées par le pouvoir politique, par le ministre et le Conseil des ministres.

Finalement, sur les milieux de garde plus ou moins clandestins sur lesquels vous avez exprimé des craintes tantôt, c'est précisément un des rôles de l'agence de garde en milieu familial non seulement d'identifier des personnes qui veulent faire de la garde en milieu familial, mais aussi de surveiller, selon des normes qui seront édictées par l'office, la qualité de ces endroits de garde familial.

Je ne pense pas qu'on puisse, non plus, dire que nous favorisons la garde en milieu familial aux dépens des mini-garderies. Ce n'est pas le cas. À l'article 32 du projet de loi, on prévoit qu'une garderie comme vous l'entendez peut exister à partir de dix enfants. Dix enfants, c'est vraiment une mini-garderie. Il n'est pas exclu, au contraire, que dans beaucoup de villages — comme vous le dites, beaucoup de petits villages — il y ait des mini-garderies. Nous essayons de les favoriser.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, j'ai beaucoup apprécié le mémoire, parce qu'on a là une feuille de route ambitieuse. Mais je pense que dans ce domaine il faut être ambitieux; les besoins sont réels, les problèmes sont réels. On l'a suffisamment souligné. Moi aussi, je pense que la volonté politique est là. Ce n'est pas parce qu'on confie à un office gouvernemental le soin d'élaborer des politiques que cela veut dire que le gouvernement abdique ses responsabilités dans ce domaine. C'est peut-être parce qu'il veut faire avec des représentants autorisés du milieu des différents intervenants dans le domaine des services de garde. Je pense qu'il ne faut pas se méprendre là-dessus.

Deuxièmement, en ce qui concerne le programme, les députés de l'Opposition s'amusent beaucoup. Je pense que c'est tout simplement qu'ils ne sont pas habitués, peut-être, à faire un programme comme le Parti québécois élabore le sien, avec des propositions qui viennent des différentes instances locales. Il y a à peu près 10 000 personnes qui sont impliquées chaque fois qu'il y a un congrès annuel. La CSN connaît bien cela, parce que c'est comme cela qu'elle fonctionne, elle aussi. C'est une organisation démocratique.

Je suis fier que le Parti québécois ait reflété les préoccupations des groupes de femmes, puisque nos propositions dans le programme du parti rejoignent les revendications de la CSN, rejoignent les propositions que nous ont faites, par exemple, le Regroupement des garderies sans but lucratif, SOS Garderies en ce qui concerne la mise sur pied d'un réseau complet de services de garde gratuits.

Il faut bien comprendre qu'un programme d'un parti politique tel que le nôtre, c'est une feuille de route, c'est un ensemble d'objectifs que le Parti québécois a fait siens et qu'il veut réaliser le plus rapidement possible. Maintenant, on n'a jamais dit que tout le programme pouvait être réalisé dans le cours d'un mandat. D'ailleurs, il y a l'article premier du programme qui n'est pas encore réalisé et il y en a d'autres. Il y en a un certain nombre qu'on va pouvoir réaliser en quatre ans. C'est pour cela qu'à la dernière campagne électorale, on a privilégié un certain nombre de points qu'on s'engageait à réaliser et qu'il nous apparaissait réaliste de réaliser dans un premier mandat.

Le député de Mégantic-Compton a parlé du budget de l'an un. Justement le budget de l'an un, c'était une façon de faire ce qu'aucun parti politique n'a fait, qui était de chiffrer les propositions de notre programme et de nous demander, advenant les nouveaux budgets, dans un contexte de souveraineté du Québec, qu'est-ce que nous pourrions faire. C'est bien sûr que la marge de manoeuvre d'un gouvernement provincial est loin d'être celle d'un gouvernement fédéral. Elle est au moins dix fois plus faible. Ce sont les gouvernements provinciaux qui ont le plupart des responsabilités coûteuses; les écoles, les services de santé, les routes et, bien sûr, quand on pense aux garderies, on se tourne vers un gouvernement qui n'est encore que provincial et qui a une marge de manoeuvre très faible, qui est de l'ordre d'à-peu-près $200 000 000, ou $250 000 000 par année. C'est clair qu'on ne peut pas réaliser entière-

ment, comme on le voudrait, tous les articles de notre programme. On a des contraintes budgétaires, on a des contraintes administratives, des contraintes politiques qui sont liées, en partie, au régime fédéral. Il y en a d'autres, aussi.

Maintenant, j'aimerais souligner un point, quand même, malgré ce que je viens de dire, qui n'est pas exact. À la page 49, vous dites que le programme de notre parti implique que "cette implantation d'un réseau de garderies — je vous cite — jugée "prioritaire" est parmi les articles du programme "ne pouvant être appliqués avant la souveraineté" selon l'échéancier en annexe au programme." J'aimerais corriger cela, pour le journal des Débats. Je pense que c'est tout simplement une erreur. Je ne voudrais pas que vous contribuiez à la répandre parce que, dans l'annexe que j'ai ici, effectivement, l'article 4 n'est pas mentionné comme un des articles applicables seulement en cas de souveraineté. Nous pensons que dans le domaine des garderies, le gouvernement, même s'il est provincial, même s'il a une marge de manoeuvre relativement mince dans son budget, doit commencer à réaliser l'objectif qui est à l'article 4 du chapitre 3 de la troisième partie du programme, même avant la souveraineté.

Il n'en demeure pas moins que la marge de manoeuvre budgétaire du fédéral nous serait drôlement utile pour réaliser cette partie du programme.

Mme Lavoie-Roux: À croire que vous allez récupérer... Voyons donc!

M. Paquette: Bon! Je ne vous ai pas interrompue, j'ai attendu d'avoir mon tour de parole pour vous répondre, d'accord?

Mme Lavoie-Roux: J'ai tellement de... Cela fait une demi-heure que vous faites de la politique, questionnez donc là-dessus...

M. Paquette: Ce n'est pas de la politique, je vous dis les choses telles qu'elles sont.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Paquette: Essayez donc de contester que la marge de manoeuvre du gouvernement fédéral n'est pas dix fois plus grande que celle d'un gouvernement provincial. Vous voulez un fédéralisme renouvelé à cause de ça.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais vous vous imaginez que vous allez avoir des richesses infinies, après la souveraineté. C'est là que vous trompez le monde.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! Est-ce que vous avez terminé, M. le député de Rosemont?

M. Paquette: Je reviens à une autre question. Vous dites que vous aimeriez que le réseau de garderies soit subventionné de la même façon que les écoles, que la santé. Sur le plan des principes, je pense que c'est un droit qui est lié au droit de la femme de travailler d'avoir une vie, d'avoir des conditions égales de chance dans la société. Je pense qu'effectivement l'État doit s'assurer de la mise sur pied d'un service de garde.

Cependant, je trouve qu'il y a un peu de vrai dans ce que disait le député de Mégantic-Compton, curieusement. N'est-il pas préférable de maintenir une partie des subventions directement aux garderies et l'autre partie aux parents, de façon à assurer une certaine part d'indépendance financière aux garderies? Et même dans le contexte où je pense que la loi fait une amélioration, elle exige que tous les conseils d'administration soient contrôlés majoritairement par les usagers. C'est une chose qui n'existait pas et qui maintenant va exister, avec l'avant-projet de loi. Ou est-ce que vous tenez vraiment à ce que tout le financement aille directement de l'État aux corporations des garderies?

Mme Cartier: Vous avez posé plusieurs questions. Concernant la volonté politique et le pouvoir de réglementation de l'office. En fait, notre position sur ce projet de loi, comme sur les autres — c'est un reproche qu'on fait très souvent, que vous faisiez aussi au Parti libéral quand vous étiez dans l'Opposition — est que le pouvoir de réglementation par rapport à ce qui est véritablement inscrit dans la loi est trop grand.

Si vous avez un projet de réseau universel et gratuit de garderies, il ne faut pas laisser à un office le soin de l'établir. Il faut le faire dans la loi et non pas laisser cela au pouvoir de réglementation. Là-dessus, un reproche qu'on reprend à peu près chaque fois qu'on vient ici — ou qu'on ne vient pas — sur un projet de loi, c'est le trop grand pouvoir de réglementation par rapport à la loi elle-même, pouvoir de réglementation sur lequel les instances démocratiques n'ont pas de contrôle, n'ont pas de pouvoir.

Quant à la possibilité de réaliser votre programme avant ou après la souveraineté, je pense que, de toute façon, les affaires sociales sont de juridiction provinciale. Je ne pense pas que ce soit un domaine de juridiction partagée ou quoi que ce soit. On estime que c'est applicable au Québec, quelles que soient les circonstances. C'est une question de l'appliquer, de faire des choix, d'établir des priorités. On dit que c'est une priorité, qu'il y ait des choix politiques à faire. On estime que c'est une priorité. Les femmes pensent cela, en général. C'est une position très carrément politique de choix des priorités.

Vous parlez du financement par les parents, à savoir s'il ne faudrait pas en laisser une partie financée par les parents, etc. Nous, on se préoccupe de l'accès au réseau. À partir du moment où on dit que les parents doivent en financer une partie, on se retrouve dans le bon vieux dilemme. Les secteurs défavorisés de la population n'ont pas un aussi bon accès que les autres à ce réseau. C'est très important.

M. Paquette: Je me suis peut-être ma! fait comprendre. Quand je parlais d'une partie des subventions qui serait assumée par l'État et l'autre partie par les parents, j'avais à l'esprit que l'État subventionnerait les parents qui, eux-mêmes, subventionneraient la garderie de leur choix où ils inscriraient leurs enfants. Je ne voyais pas qu'on laisse une partie du coût aux parents sans qu'il y ait une aide de l'État. À ce moment-là, le financement viendrait de deux sources. C'est essentiellement ce qu'il y a dans le projet de loi, peut-être de façon encore insuffisante, je le reconnais. En termes de principe, est-ce que vous maintenez votre objection à un système comme celui-là?

Mme Cartier: On prétend que la seule façon d'assurer un réseau qui soit stable, qui ne soit pas soumis à des aléas, presque de jour en jour, de la part des parents, d'assurer que le réseau se maintienne stable, c'est qu'il faut absolument que ce soient les garderies elles-mêmes qui soient subventionnées. De toute façon, les subventions aux parents sont toujours liées justement à leurs possibilités financières. On retrouve là l'étude des possibilités financières avec tout ce que ça peut avoir d'odieux, etc., et ce que ça peut avoir d'arbitraire de subventionner ou non certains parents selon le degré de revenus. On pense que c'est beaucoup plus logique de subventionner les garderies, de leur assurer une existence stable, cohérente, qui se maintient, qui n'est pas soumise à ces aléas.

M. Paquette: Un dernier point, simplement, M. le Président. Je pense qu'en ce qui concerne la discussion des responsabilités provinciales et fédérales, je n'ai jamais dit que ce n'était pas un champ où le gouvernement du Québec pouvait agir. D'ailleurs, c'est pour cela que j'ai fait la remarque que dans notre programme, nous ne disons pas que nous ne pouvons rien faire pour atteindre cet objectif avant la souveraineté. Il n'est pas question de cela du tout.

Mme Cartier: Ce que nous avions vu, c'était en termes d'étapes que vous le voyiez...

M. Paquette: C'est en termes de...

Mme Cartier: ... en plusieurs étapes, dont une arrivait après la souveraineté.

M. Paquette: Non, c'était simplement en termes de contraintes budgétaires. Tous les gouvernements provinciaux ont ce problème: leur marge budgétaire est beaucoup plus mince. Si on met $200 millions là-dedans, les étudiants nous demandent $75 millions pour les prêts et bourses, les syndicats vont demander des augmentations de salaire et tout cela. La marge de manoeuvre d'un gouvernement provincial, à moins d'augmenter les taxes considérablement, c'est à peu près $250 millions dans le contexte actuel. C'est tout ce que j'ai dit, rien de plus.

Le Président (M. Boucher): Merci.

Mme Cartier: Je voudrais simplement corriger, pour le journal des Débats, une erreur sur votre feuille. Mon nom n'est pas Mme Brisson, mais Gisèle Cartier. (12 h 15)

Le Président (M. Boucher): Ah! Excusez-moi.

Mme Cartier: C'était le mauvais nom. J'ai été surprise de me faire appeler par un autre nom pendant la discussion. C'est peut-être notre faute, on ne vous avait pas avisés d'avance.

Le Président (M. Boucher): Merci.

M. le député de Pointe-Claire, brièvement.

M. Shaw: J'aurais une question. Est-ce que vous avez calculé le coût d'un réseau étatisé et gratuit pour les enfants, pour 250 000 enfants? Est-ce que vous avez calculé, avec un ratio, disons, de 1 à 10, sans compter...

Mme Cartier: On n'a pas calculé et on n'a pas les données qui nous permettent...

M. Shaw: Mais disons que...

Mme Cartier: Un instant. On concède que c'est plusieurs centaines de millions de dollars. On concède cependant que ça doit coûter plusieurs centaines de millions de dollars. Que ce soit $500 millions, $400 millions ou $600 millions, on n'a pas les données pour le calculer, on sait que ça représente des déboursés énormes.

M. Shaw: Enormes.

Mme Cartier: C'est l'équivalent du primaire, c'est à peu près ce qu'on avait calculé, à un moment donné.

M. Paquette: C'est cela.

M. Shaw: C'est cela, c'est à peu près $1 milliard.

Mme Lavoie-Roux: À la condition que tout le monde l'utilise, ça pourrait peut-être diminuer un peu.

M. Shaw: Est-ce que vous acceptez, à un moment donné, qu'un gouvernement qui a maintenant un niveau de taxe aussi élevé que celui qu'on connaît... Une autre addition de $1 milliard, ça va représenter 1/13 de notre budget. Vous acceptez qu'un gouvernement responsable puisse agir dans ce domaine sans réfléchir, sans essayer au moins de couper les dépenses dans d'autres domaines. Est-ce que vous prévoyez que nous aurons besoin d'augmenter le niveau de taxes? Cela représente à peu près $200 per capita.

Mme Cartier: Très évidemment, c'est une répartition sur l'ensemble de la population de

coûts qui sont actuellement assumés par des individus, comme l'éducation, comme la santé; c'est une socialisation des coûts. Ces coûts sont assumés par des individus, il y a donc une mauvaise répartition. Les individus qui ont des enfants en assument seuls le coût, ou avec un certain nombre de subventions; on pense que c'est un coût social qui doit être réparti sur l'ensemble de la population, que les gens aient ou non des enfants. Le financement par l'État, c'est cela, comme pour l'éducation, comme pour la santé. La santé, ça coûte aussi des milliards, sauf que je ne pense pas que l'assurance-maladie soit remise en cause. Est-ce que l'éducation gratuite est remise en cause? C'est une répartition des coûts sur l'ensemble de la population.

M. Shaw: Est-ce que je peux poser une question à la dame qui a cinq enfants, qui est toujours dans un dilemme concernant le choix du placement des enfants? Prévoyez-vous que vous seriez plus confortable avec un réseau étatisé?

Mme Lee: Oui, certainement. D'abord, la question de financement, c'est une affaire de $4000 par année que j'assume.

M. Shaw: $4000 par année.

Mme Lee: Oui. Naturellement, je serai une des premières à dire qu'il serait mieux de payer $200 de plus de taxes. Quand on calcule cela...

M. Shaw: Vous avez un revenu supplémentaire parce que vous travaillez. Est-ce qu'il n'y aurait pas une responsabilité de la mère dans ce domaine? Est-ce que vous acceptez que, étant mère de famille, vous avez une responsabilité en acceptant ces enfants dans votre famille? Ne pensez-vous pas que votre propre choix d'être mère de famille implique certaines responsabilités qui sont...

Mme Lee: J'avais le choix de me faire avorter, ce qui est contre la loi.

M. Shaw: Pardon?

Mme Lee: J'avais le choix de me faire avorter, ce qui est contre la loi. J'ai eu un bébé dernièrement; j'ai un bébé de huit mois. Cela représente pour moi cinq ans encore de besoins en termes de garde, soit 5 fois $4000, parce que j'aurai un petit à la maison et que je ne peux pas l'envoyer à l'école ou ailleurs. Il n'y a rien pour m'aider à payer cela. Quand je suis devenue enceinte, j'ai vu un compte de $20 000 devant moi. Le choix des femmes de se faire avorter, est-ce que c'est un choix, actuellement? Dans quelles conditions est-ce que je me ferais avorter? Je tiens à travailler, je tiens à bien élever mes enfants. Je ne pense pas que j'aie beaucoup de choix dans les circonstances.

M. Shaw: Est-ce que vous êtes seule à la maison?

Mme Lee: Qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Shaw: Est-ce que vous avez un mari qui contribue à vos dépenses à la maison?

Mme Lee: Mon mari est aux études cette année, mais il contribue, oui. Cela prend les deux salaires. Il n'est pas question qu'un lâche le travail...

M. Shaw: J'essaie de trouver un moyen d'arriver à un point de responsabilité entre la société, en général, et l'individu, ses responsabilités envers l'État, parce qu'on arrive à un point, maintenant, où nous voulons socialiser tous les domaines. Comme femme, à la maison, vous avez un montant d'argent qui va vous rester après vos taxes, parce que vous avez besoin de payer des taxes aussi. La façon dont vous allez dépenser ces montants est en fonction du montant qu'il vous reste après ces niveaux de taxes qui sont presque contre-productifs maintenant.

M. Paquette: II faut avoir le libre choix. M. Shaw: Oui, il faut avoir le libre choix.

M. Paquette: Elle est pour le libre choix, mais elle ne l'a pas actuellement.

M. Shaw: Elle a le libre choix.

Mme Lavoie-Roux: Non, la société... De plus en plus, on fait des discours à l'Assemblée nationale, en disant qu'on n'a pas assez d'enfants. On veut que les femmes fassent des enfants et après cela...

Une voix: Les hommes aussi, j'espère!

Mme Lavoie-Roux: Là, on est sûres que vous n'y manquerez pas! Elles assument cette fonction pour la société et, en même temps, vous leur dites: D'accord, vous faites cela, mais vous n'avez plus d'autre choix qu'élever vos enfants pendant x nombre d'années. Il y a des femmes qui le choisissent, qui sont heureuses de le choisir et qui le font. Bravo! Il y en a d'autres qui disent: Mes besoins sont dans un autre sens. Je ne serai pas une moins bonne mère, mais j'ai choisi une autre façon d'organiser ma vie de famille, et il faut lui permettre de le faire. C'est aussi simple que cela.

M. Shaw: Elle coûte autant à l'État. C'est le choix d'avoir un revenu additionnel, d'aller sur le marché du travail. Je peux accepter que ceux qui sont à la maison seuls aient besoin de subventions. C'est pour cela que le gouvernement a besoin d'agir. Mais si on accepte un concept dans lequel tout le monde a le droit de choisir, a un libre choix, sans payer pour les conséquences, à mon avis, si vous choisissez de laisser des enfants chez quelqu'un d'autre, vous allez déléguer, premièrement, une section de votre influence sur le développement de cet enfant. C'est évident, parce que c'est délégué.

Deuxièmement, vous cherchez une autre forme de revenu supplémentaire pour votre vie personnelle, dont vous avez besoin, mais il faudrait au moins, partager ces nouveaux biens en payant une section du coût de l'entretien de vos enfants.

Mme Cartier: C'est tout à fait fondamental. C'est une conception de l'existence qu'on ne partage pas du tout. Avoir deux enfants, ce n'est pas une responsabilité individuelle. C'est une responsabilité pour l'ensemble de la population. Mme Lavoie-Roux le disait. On dit aux femmes: II faut avoir des enfants. La population est en train de vieillir. C'est terrible; il faut absolument que les femmes aient des enfants. Les enfants, ce n'est pas seulement une responsabilité individuelle. C'est utile à une société d'avoir des enfants. C'est utile de renouveler la population, de la rajeunir, etc., cela contribue au dynamisme de la société, etc. C'est donc une responsabilité collective et non pas une responsabilité individuelle.

Alors, on ne doit pas laisser le fardeau sur un individu qui a ou non choisi d'avoir des enfants. Peu importe, cela s'adresse aux hommes aussi. Les hommes aussi ont ces besoins-là. Évidemment, les femmes les perçoivent plus, parce que, traditionnellement, elles sont responsables des enfants, sauf que c'est un partage qui devrait se faire sur l'ensemble de la population, y compris pour ceux, comme moi, qui n'ont pas eu d'enfants, parce qu'ils ont eu à choisir. Ils ont eu à choisir entre avoir des enfants et militer pour faire des choses.

C'est véritablement cela. Je n'aurais jamais pu faire ce que je fais maintenant si j'avais eu des enfants. C'est très clair, parce qu'il n'y a pas d'équipement, il n'y a pas de possibilité de le faire.

Les femmes n'ont pas le choix et elles veulent l'avoir. Je pense qu'elles sont aussi importantes dans la société que les hommes et elles veulent avoir les mêmes conditions.

Le Président (M. Boucher): Merci, Mme Cartier, ainsi que ceux qui vous accompagnent, au nom de tous les membres de la commission pour la présentation de votre mémoire.

Communication du président

Dans les dernières minutes, j'aimerais faire part des télégrammes qui ont été reçus à la commission parlementaire. Un premier télégramme en date du 5 octobre: "Nous appuyons sans réserve le mémoire du Regroupement des garderies sans but lucratif du Québec Inc. C'est signé par le Groupe d'intervention Vidéo."

Un autre télégramme: "Le comité pédagogique de la coordination provinciale du programme technique de garderie, structure de la Direction générale de l'enseignement collégial, formé des représentants des collèges offrant le programme technique de garderie et ayant comme mandat d'évaluer et de développer un programme de formation adéquat de niveau collégial, souscrit au mémoire présenté par le département des garderies d'enfants du collège de Saint-Jérôme et souhaite que le ministre des Affaires sociales, dans son projet de loi des services de garde à l'enfance, prenne le leadership qui lui revient en matière de normes quant à la qualification du personnel qui travaille auprès de la petite enfance, car, étant donné l'importance des premières années dans la vie de l'enfant, c'est à ce niveau que nous devons placer les meilleurs éducateurs et éducatrices."

C'est signé: Christiane Martel, Campus Notre-

Dame-de-Foy, Cap-Rouge,

Martine Bertrand, Campus Notre-Dame-de-

Foy, Cap-Rouge,

Jacqueline Marcotte, Collège Marie-Victorin,

Montréal,

Doreen Hogg, Collège Vanier,

Colette Drapeau, Campus Notre-Dame-de-

Foy, Cap-Rouge, coordinatrice provinciale du comité pédagogique.

Voici un dernier télégramme: "Nous, professeurs au département de technique de garderie du Campus Notre-Dame-de-Foy de Cap-Rouge, signifions notre appui au mémoire des professeurs du département technique de garderie du cégep de Saint-Jérôme, mémoire présenté en commission parlementaire sur l'avant-projet de loi sur les services de garde à l'enfance. Nous insistons de façon particulière sur les qualités de formation du personnel intervenant auprès de l'enfant de zéro à six ans. L'enfant se construisant, pour une grande part, à l'image des adultes qui l'entourent, il nous apparaît primordial qu'on s'arrête à la nécessité d'organiser un service de garde adéquat, riche de ressources humaines compétentes et témoignant d'attitudes saines." Les professeurs du département de technique de garderie d'enfants du Campus Notre-Dame-de-Foy, Cap-Rouge: Colette Drapeau, Julie Racine, Martine Bertrand, Christiane Martel, Mireille Payeur, Hélène Tardif, Céline La-monde, Suzanne Côté-Robert.

Cela dit, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 27)

(Reprise de la séance à 16 h 20)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales est réunie pour entendre les mémoires concernant l'avant-projet de loi sur les services de garde à l'enfance. Les membres de la commission sont, pour aujourd'hui, les suivants: Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) remplace M. Forget (Saint-Laurent); M. Dubois (Huntingdon) remplace M. Goldbloom (D'Arcy McGee); M. Gosselin (Sherbrooke), M. Gagnon (Champlain) remplace M. Gravel (Limoilou); M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Lavigne (Beauharnois), M. Lazure (Chambly), M. Martel (Riche-

lieu), M. Paquette (Rosemont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire).

Les intervenants sont: M. Alfred (Papineau), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Couture (Saint-Henri), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Marcoux (Rimouski), M. Marois (Laporte).

Cet avant-midi, nous en avions terminé avec le premier organisme, soit le Comité de la condition féminine. Il reste à entendre trois autres groupes. Compte tenu de l'heure, comme nous devons ajourner à 17 heures, je demanderais la collaboration de la commission pour y aller assez rapidement.

M. Grenier: M. le Président, je n'ai pas crié dans le désert, mon intervention n'a pas été vaine. Je voudrais signaler la présence du ministre d'État à la Condition féminine qui semble vouloir passer une partie de l'après-midi avec nous, afin de se renseigner sur le mémoire qui nous est présenté par un groupe de professeurs de l'Université de Montréal. Je lui souhaite la bienvenue. J'espère qu'il passera le reste de la journée avec nous.

Mme Lavoie-Roux: Si c'est une heure, ce n'est pas considérable.

M. Lazure: M. le Président, j'ajouterai juste un tout petit mot, pour le journal des Débats. Comme convenu, mon collègue le ministre d'État à la Condition féminine a pu se dégager pour participer, aujourd'hui, aux discussions de la commission parlementaire. Et je veux répéter, encore une fois, pour le journal des Débats, que le ministre d'État à la Condition féminine est parfaitement au courant de toutes les discussions qui ont eu lieu ici, à la commission parlementaire, et, comme plusieurs députés, qu'elle a lu tous les mémoires qui ont été présentés. Et elle participera à la rédaction nouvelle, à la prochaine rédaction du projet modifié, suite à la commission parlementaire.

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, vous affirmez qu'elle a lu tous les mémoires qui ont été présentés à cette commission?

M. Lazure: J'affirme une telle chose, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Grenier: Si elle a lu tout cela, elle est bonne.

Professeurs de l'Université de Montréal

Le Président (M. Boucher): J'invite immédiatement le groupe de professeurs de l'Université de Montréal, représenté par Mme Bibiane d'Anjou, à bien vouloir prendre place à la table centrale, s'il vous plaît. Mme d'Anjou, si vous voulez bien identifier la personne qui est avec vous et procéder à la lecture de votre mémoire, s'il vous plaît.

Mme d'Anjou (Bibiane): La personne qui m'accompagne est une des personnes qui ont collaboré à la rédaction de nos recommandations, Claire Berthelet, de l'Université de Montréal.

J'ai remis, ce matin, au secrétaire de... Pardon. Est-ce que je dois reprendre la présentation?

Le Président (M. Boucher): Non, c'est fait.

Mme d'Anjou: Non. D'accord. J'ai remis ce matin au secrétaire de la commission quelques modifications touchant les recommandations que nous vous avons formulées et qui sont le résultat d'erreurs typographiques.

On a pensé...

Mme Lavoie-Roux: Où sont-elles ces recommandations? On ne les a pas eues.

Le Président (M. Boucher): On m'informe que les copies sont en train de se faire et qu'on va les distribuer aux membres.

Mme d'Anjou: Étant donné que nous n'avons pas présenté de mémoire comme tel, mais des remarques et des propositions, nous avons pensé vous communiquer l'esprit dans lequel nous avions fait ces remarques et ces recommandations par une très courte présentation que je ferai de façon verbale.

Notre présentation à la commission en date du 22 septembre 1979 n'a pas pris la forme d'un mémoire, mais plutôt celle de remarques et de recommandations. Ces recommandations se situent dans le cadre d'une pensée écologique, pensée qui semble avoir été insuffisamment mise en valeur au cours de la présente session.

La pensée écologique, croyons-nous, englobe à la fois les aspects politiques, économiques et sociaux qu'ont porté à votre attention les différents mémoires qui ont été soumis jusqu'ici. Dans notre courte présentation, nous tentons de faire ressortir certaines dimensions qui ne doivent pas être négligées ou réduites, ni dans l'esprit, ni dans la lettre d'une loi qui sera forcément à l'image d'une sagesse et d'une vision auxquelles nous devrons nous adapter pour les dix prochaines années.

Le projet de loi devrait graviter, à notre avis, autour de trois grands axes écologiques, à savoir, le premier, le souci de maintenir un équilibre social dynamique dans une perspective à long terme, malgré le cahot que crée présentement le phénomène irrévocable et nécessaire de l'évolution de la condition féminine. Nous vous demandons, à cet effet, de ne pas céder à la tentation de proposer une loi qui permettrait des solutions collectives hâtives ou précipitées qui, dans l'immédiat, peuvent paraître rentables politiquement ou économiquement, mais au sujet desquelles les données actuelles de recherche ne sont pas probantes.

Deuxième axe: le souci de proposer une vision législative qui permette de concilier éventuellement les droits des femmes et/ou des pa-

rents à une condition meilleure sans que ne soient, pour cela, précipités ou court-circuités les besoins réels des enfants.

L'État est responsable d'assurer à ces organismes humains les plus jeunes et les plus immatures, les enfants, le droit au développement et à l'éducation, indépendamment des conditions dans lesquelles se déroule la vie de leurs parents. Dans sa forme, l'ambiguïté actuelle du projet de loi prête à confusion quant à l'interprétation des besoins des femmes et de ceux des enfants. C'est, si l'on considère la chose d'un peu plus près, la reconsécration d'une forme d'inégalité, celle du hasard des naissances, dans laquelle les besoins des enfants ne sont pas dissociés des droits de leur mère. Depuis 1959, la proclamation des droits de l'enfant aux Nations Unies avait pourtant éliminé au niveau des principes cette forme d'inégalité à l'échelle universelle.

Troisième axe: Le souci de maintenir en interaction continue par de l'échange et de l'information les organismes vivant de la communauté sociale, c'est-à-dire tous les citoyens adultes, parents ou non, vieillards et enfants et les institutions qu'ils se sont données, les institutions scolaires, municipales, culturelles, hospitalières, de loisirs et maintenant de garde, dans le but d'enrichir leur propre vie collective. Nous voyons à la nécessité de cette interaction, pour permettre l'évolution de ces institutions, non pas sous la pression de lois les forçant à jouer leur rôle, mais sous l'impact d'une conscientisation grandissante des citoyens en face du changement et des modifications qu'elles doivent apporter à leur rôle.

Nous tenons à souligner que nous sommes sensibles aux efforts que fait le gouvernement pour mettre en oeuvre des moyens visant à consolider la Loi de la protection des enfants. Nous avons cependant une grande perplexité en face de la simple notion de conservation qui semble, cependant, la sous-tendre avec la création d'une nouvelle loi affectant la simple garde des enfants. Nous tenons à dire notre insatisfaction face aux moyens qui sont proposés pour assurer aux enfants les conditions essentielles qui doivent leur permettre de poursuivre leur développement et leur éducation, tout en étant gardés.

Ainsi que le soulignait Cloutier récemment, à la suite d'une recherche effectuée au Québec sur les divers milieux de garde, une recherche subventionnée par le ministère des Affaires sociales, 1978, il est souhaitable pour sortir de l'impasse que créent les problèmes de garde et pour mieux aborder l'étude de solutions appropriées, que soient dissociés dans les principes et dans les faits, les besoins des enfants et les droits de leur mère.

Dans la courte présentation que nous présentons, nous nous sommes arrêtés dans l'étude de l'avant-projet aux termes qui sont le plus marqués d'ambiguïté. Ils ont trait particulièrement: a) à la définition d'un milieu de vie approprié, particulièrement en ce qui touche les très jeunes enfants, c'est-à-dire les zéro à deux ans. Nous voyons la nécessité de mieux préciser dans la loi les condi- tions et les qualités que veut garantir l'État pour supporter le développement et l'éducation de ces enfants dont les propriétés vivantes ne font que commencer à poindre. Il ne faudrait pas les éteindre. ,. .

Nous nous réjouissons de I'intérêt qu'il y a dans le projet de loi à redonner sa place à la halte-garderie et à la garderie de format réduit. Nous souhaitons vivement les voir fleurir dans nos quartiers et dans nos villages comme les bouquets d'une prise de conscience des différentes communautés face aux besoins des enfants. Elles doivent cependant être planifiées avec grand soin et, sur ce point, le projet de loi n'est pas hermétique.

Le mot "résidentiel" est probablement le terme le plus ambigu dans tout lavant-projet. Il prête à une fausse représentation de ladite qualité familiale. (16 h 30)

Une autre ambiguïté concerne la définition des conditions de milieu de garde affectant la vie des six à onze ans, la garde parascolaire. Nous craignons qu'en forçant les commissions scolaires, par une loi, et en les subventionnant à cet effet, on encourage encore une fois le désintéressement des citoyens qui n'ont pas d'enfants, face à un problème social qui affecte grandement l'harmonie actuelle ou future de leur propre qualité de vie, dans le quartier ou dans le pays, au même titre, par exemple, que si, tout à coup, on décidait de ne pas éduquer les enfants entre six et onze ans. Si, spontanément, l'école ne se plie pas davantage aux exigences de cette vie communautaire qui comporte maintenant pour les enfants dix heures au lieu de six, qu'on l'ignore et qu'on subventionne des organismes de quartier déjà préoccupés par ces problèmes de vie communautaire en dehors des heures scolaires. Nous pensons ici, par exemple, aux centres communautaires. c) La dernière ambiguïté touche un minimum de qualité aux conditions de vie de l'enfant, que la loi doit prévoir de façon plus explicite dans ses termes. Elle doit prévoir des possibilités de ressourcement, de perfectionnement ou de renouvellement pour le personnel qui sera affecté au développement et à l'éducation des enfants.

Pour conclure, nous réaffirmons la nécessité que nous voyons que l'État remette à la communauté — non seulement aux parents ou encore à des fonctionnaires — la responsabilité de réfléchir sur l'institution nouvelle que constitue la garderie. La loi, en ce sens, pourrait susciter une activité nouvelle chez tous les citoyens par la proposition de moyens qui permettraient de collaborer activement à cette redéfinition et de participer à la construction d'un équilibre écologique et social qu'ils sentent maintenant leur échapper. Ici, concrètement, je pensais à l'organisme "Parent-Block". Dans un quartier, par exemple, indépendamment du fait que j'aie des enfants ou non, des maisons sont disponibles pour que des enfants soient recueillis s'ils sont en danger ou s'ils sont seuls, et c'est complètement indépendant de la condition des parents. C'est une préoccupation communautaire au sujet des enfants.

Quelle que soit la forme de garde utilisée, nous ne pensons pas que c'est avec des règlements seulement que l'office peut mettre en vigueur une politique qui garantisse une qualité de vie et d'éducation aux enfants en milieu de garde. La politique que nous souhaitons voir se développer, c'est que la loi soit suffisamment flexible pour permettre un ressourcement et un renouvellement continus qui se prêtent aux conditions de changement.

Plutôt que d'ajouter à la lourdeur de nos recommandations, nous désirons réviser quelque chose par rapport à celles que nous avons faites. Il y a eu une perception que nous avons eue, mais trop tard. Nos remarques ont porté sur les articles 5, 6, 7 et 8, sur la composition du conseil de l'office et la durée du mandat. Je me réfère ici aux remarques que nous avons faites. Nous trouvons que la représentation des travailleurs par un seul membre est vraiment insuffisante au niveau de l'office. Nous ne croyons pas qu'il puisse y avoir au niveau de l'office une continuité par rapport à la planification qui va être faite.

Quant à l'article 17 touchant le quorum de l'office — là, nous voulons apporter une correction — nous avons eu une mauvaise perception. On dit que "la nature et l'importance des décisions qui incombent à l'office exigent un quorum plus élevé." Or, nous réalisons que l'office serait composé de seize membres et que onze ont droit de vote. À ce moment-là, le quorum devient plus acceptable comme tel. C'est une correction que nous faisons.

Quant à l'article 18, nous soulevons la difficulté que nous avons à accepter la précision qui est donnée au sujet des qualifications des membres du personnel de l'office.

À l'article 23 nous avons protesté contre le pouvoir du ministre, qui nous semble un peu excessif et qui donne à l'office un rôle uniquement exécutoire.

Les canaux actuels d'information auxquels nous nous référions quand nous demandions s'ils sont détruits... Nous trouvons qu'actuellement un canal important qui existait depuis deux ans au Québec, qui était le regroupement, par exemple, des garderies, mais par région, était un canal d'information extrêmement important. Par un regroupement des garderies, je pense qu'on a perdu accès à ces dimensions socioculturelles de la province pour informer l'office des besoins.

Nous nous sommes inquiétés, à cause de l'article 24, du service actuel des garderies. Nous nous sommes demandé s'il était intégré, aboli, ou simplement muté ou transformé.

À l'article 27, nous nous sommes demandé si les canaux d'information pour le ministre, qu'il appelle les canaux consultatifs, sont des comités indépendants.

À l'article 30, le service de garderies familiales nous apparaissait mal défini. C'était le service de garderies familiales, à ce moment-là. Le service est-il offert indistinctement aux enfants de 0 à cinq ans et plus, selon la loi de la fréquentation scolaire? C'est-à-dire que des enfants pourraient être en garde familiale jusqu'à six ans, théoriquement, en supposant que la maternelle n'occupe qu'une demi-partie de la journée. Les normes existantes pour la garde des poupons deviennent-elles désuètes ou inexistantes? En garde familiale, cela peut devenir un réel problème si on n'est pas plus spécifique quant aux normes pour les 0 à 2 ans.

À l'article 31, par rapport à l'émission des permis, nous disons que nous nous réjouissons de la fin des garderies à but lucratif, mais nous craignons leur réouverture sous la forme de garde en milieu familial parce que l'article ne spécifie pas suffisamment certaines clauses qui pourraient nous garantir que cela ne puisse pas être à but lucratif. Pour le permis de service de garde en milieu familial, là nous revenons sur quelque chose sur quoi on a déjà attiré votre attention. Le terme "familial" ne désigne pas nécessairement une petite cellule, mais se réfère au sens que lui donne la loi, c'est-à-dire la résidence privée. Il faudrait donc parler de garde en milieu résidentiel et non en milieu familial. Nous faisons cette remarque parce que dans la loi nous tenons à ce que ce soit précisé, même si un communiqué de presse du ministre Lazure a déjà corrigé l'interprétation que son ministère voulait faire de cette possibilité de confusion et nous voulons le voir apparaître dans la loi.

La compétence des organismes et des personnes choisies par l'office n'est pas garantie en ce qui regarde la réalisation de tous les objectifs que l'office se propose pour déterminer qui devra avoir le permis.

Le ratio adulte-enfants, jusqu'à neuf enfants pour une personne, est inacceptable. Je pense que cela aussi a été corrigé par un communiqué de presse, sauf, M. le ministre, qu'on attire votre attention sur le fait que cela peut quand même devenir dangereux, si tout à coup un homme et une femme décidaient simplement: Nous sommes deux personnes, un couple. Un homme et une femme pourraient le décider. Des rentiers, par exemple, peuvent être deux personnes. Je pense qu'il y a là certaines ambiguïtés qu'il faudrait éliminer.

À l'article 41, location et choix du local, les procédures nouvelles qui sont prévues par la loi feront-elles lever les difficultés antérieures, source de ralentissement, d'alourdissement et parfois de harassement? On a vu des garderies prendre jusqu'à deux ans pour être mises sur pied, à cause de locaux précisément.

Article 47, l'administration provisoire des services. Nous y avons vu de la mise en tutelle ou de la possibilité de mise en tutelle des garderies et nous avons pensé que c'était une façon extraordinaire d'assurer au consommateur ou à l'usager une protection, cette possibilité de mise en tutelle. Est-ce qu'elle pourrait également servir à protéger l'enfant contre une garderie qui serait abusive? On voyait la nécessité de soulever les deux points.

Article 58, la garde parascolaire, a) Est-ce que c'est la généralisation du service ou est-ce que c'est une invitation, si les locaux le permettent?

On sait que le problème actuel c'est que les écoles ne sont plus équipées pour fournir des locaux de garde. Est-ce qu'il y a obligation réelle pour les commissions scolaires? Si on regarde ce qui se produit cette année, c'est vraiment utopique de penser que ça puisse se généraliser très vite, étant donné la mentalité actuelle de l'école face au problème de la garde parascolaire. b) Est-ce que l'accès aux locaux demeure possible lors des journées pédagogiques, des journées d'interétapes et des grèves du personnel enseignant? En tout cas, qu'est-ce qui arrive aux enfants s'il y a grève? Ce sont quand même des problèmes — si toutefois l'école est le milieu de garde — qu'il ne faut pas négliger.

À l'article 60, la compétence du personnel et le ratio adulte-enfants ne sont pas spécifiés. À l'article 72, les points suivants demeurent obscurs: premièrement, les qualités requises de la part des personnes qui sollicitent un permis; deuxièmement, les normes d'aménagement, d'équipement et d'ameublement ne tiennent pas nécessairement compte des milieux; septièmement, la qualité des programmes n'est pas garantie; huitièmement, les problèmes autour de la qualification du personnel demeurent encore très imprécis.

À la suite de ces quelques remarques, nous faisons les recommandations suivantes. Premièrement, que la création d'un office sur les services ne marque qu'une étape vers la création d'un organisme plus vaste qui rejoindrait davantage tous les besoins et tous les services à l'enfance de 0 à 12 ans. Deuxième recommandation: que l'établissement de cours de formation et de perfectionnement en matière de service de garde ne consacrent pas une dichotomie au niveau de la qualité des soins et des besoins de développement chez les enfants. C'est-à-dire que selon qu'il y ait du personnel compétent ou non, on pense qu'il peut y avoir des différences de services qui puissent exister déjà, en partant, à ce niveau, et qu'on ait, par là même, des...

La recommandation 3 — c'est là que nous apportons la modification — devrait se lire: Que la création de l'office permette davantage la coordination des services de garde comme, par exemple, celle de l'inspection et de la réglementation sous un même office, tel que la loi veut la permettre. On se réjouit d'un point que la loi corrige.

La deuxième correction a trait à la recommandation 4: Que la création de la garde en milieu familial... On voudrait plutôt mettre: "Que la création de la garde en milieu résidentiel" ne constitue pas (non pas une partie) une porte ouverte, sous une forme nouvelle, à la commercialisation de la garde, ou peut-être, même, à la commercialisation des besoins des enfants et de leurs parents.

Recommandation 5. Que la réglementation, à l'article 72, ne devienne pas un bref énoncé de principes qui rendent désuètes ou périmées un ensemble de normes de garde qui visaient à améliorer la qualité de vie en situation de garde.

Nous avons déjà des normes; en tout cas, un projet de normes. Il ne faudrait vraiment pas le perdre de vue en le réduisant à un règlement qui serait incorporé à la création de l'office qui, à ce moment-là, devient loi.

Sixième recommandation. Que les enfants de 6 à 12 ans et leurs parents, ne soient pas leurrés par un pseudo-service qui ne soit pas généralisable.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, Mme d'Anjou. M. le ministre.

M. Lazure: Je veux féliciter le groupe de professeurs de l'Université de Montréal pour avoir, à l'occasion de ce projet de loi, réfléchi de nouveau à toute cette question et apporté un éclairage qui complète, à bien des points de vue, les mémoires qu'on a entendus depuis une semaine.

Je vais commencer par les sept recommandations, rapidement, pour vous dire tout simplement que je suis d'accord sur ces recommandations. Vous êtes le deuxième ou le troisième groupe qui propose que l'office soit élargi pour qu'il devienne véritablement un office de la petite enfance. J'ai eu l'occasion de dire la semaine passée qu'on n'y voit certainement pas d'objection. Peut-être que ce sera un cheminement logique, naturel, à un moment donné, que cet office des services de garde à la petite enfance devienne beaucoup plus qu'un office des services de garde, soit un véritable office de l'enfance.

Tout ce que nous voulons faire en le restreignant, pour le moment, c'est aller au plus urgent, qui consiste à développer un plus grand nombre de places, dans quelque modalité que ce soit, quelque type de garde que ce soit.

Vous avez raison, à votre recommandation 7, de nous mettre en garde et de lancer cet avertissement, pour que les parents qui ont des enfants à l'école élémentaire ne s'imaginent pas que du jour au lendemain, tous ces enfants pourront être intégrés dans un service de garde approprié. Je suis bien content que vous nous le rappeliez. On le rappellera en temps et lieu. Ce que nous voulons, avec la subvention de $700 000 que nous donnons cette année aux commissions scolaires — c'est très peu — c'est ajouter notre participation financière à ce qui se fait déjà dans certains milieux, en particulier sur l'île de Montréal.

D'une part, vous dites que l'office risque — je sors de vos recommandations — de devenir exécutoire — c'est le terme que vous avez employé — à cause des pouvoirs trop grands du ministre. Vous laissez donc entendre que vous voudriez que l'office ait des pouvoirs de planification. Il nous semble, à nous, qu'il en a.

D'ailleurs, certains groupes nous ont reproché de donner à l'office des responsabilités dans ce domaine, dans le domaine de la planification d'une politique. L'office et le ministre ne fonctionneront pas, je l'espère, de façon séparée et distincte. Il faut évidemment que la présence politique dans le sens non pas partisan, mais dans le sens de la responsabilité gouvernementale, soit sentie par l'office et vice versa.

Au fond, c'est un travail de collaboration. Je pense que c'est un faux dilemme que de dire: C'est le gouvernement qui devrait élaborer sa politique, rendre sa politique publique, comme on nous a dit à plusieurs reprises ici depuis le début de l'étude des mémoires, des rencontres. C'est un faux problème, parce que cette politique n'est d'abord pas une politique statique, immuable, cela doit évoluer. La politique qui en ressort, ce sera une politique élaborée conjointement par le gouvernement et par l'office, qui est un bras du gouvernement, un des nombreux bras du gouvernement.

Rapidement — sur l'essentiel de vos sept recommandations finales, je dirais que nous partageons ces orientations - sur des recommandations particulières que vous faites, j'en prends quelques-unes. Sur les travailleurs, la représentation au conseil d'administration de l'office, je pense qu'il y a malentendu. Quand on dit à l'article 6 du projet de loi, paragraphe 4: "Un membre est choisi parmi les travailleurs", il s'agit de travailleurs, désignant ainsi par le terme les centrales syndicales, par opposition à un représentant du patronat. Il ne s'agit pas des travailleurs dans les garderies proprement dites. Les travailleurs des garderies sont représentés par le paragraphe 2, quand on dit: "Deux membres sont choisis parmi les personnes oeuvrant dans les services de garde."

Aux regroupements régionaux, j'ai été frappé par vos remarques. Vous regrettez un peu que les regroupements régionaux qui fonctionnaient depuis quelques années semblent être mis en veilleuse dans certains coins. Moi aussi, je le regrette. Nous avions convoqué — le ministre d'État à la Condition féminine participait à cette rencontre-là — il y a au-delà de deux ans tous les regroupements régionaux. À ce moment-là, non seulement nous ne voulions pas que leur action diminue, nous voulions qu'elle augmente et que cela devienne plus solidaire. Nous avons commencé, à ce moment-là, à donner une subvention pour établir un secrétariat. Nous continuons à donner cette subvention d'environ $50 000 par année. Je ne veux surtout pas essayer d'identifier des blâmes ou des coupables, mais, moi aussi, je formule le souhait qu'il y ait une renaissance des regroupements régionaux et que, d'une façon ou d'une autre, ces regroupements régionaux en viennent à s'entendre pour former une espèce de fédération qui serait le porte-parole de tous ces regroupements régionaux. Ce serait drôlement plus efficace, je pense, comme action représentant le milieu des services de garde, et je ne vous cache pas que cela nous faciliterait les choses d'avoir autant que possible un seul interlocuteur.

Pour ce qui concerne la garde familiale, là aussi, pour répondre à une question précise, par un des cinq amendements que nous projetons d'apporter, nous étendons la garde familiale jusqu'à la fin du niveau primaire, pour répondre à votre question. Votre suggestion de changer le terme "garde en milieu familial" pour "garde en milieu résidentiel", je pense que, rigoureusement, vous avez raison, oui, vous avez raison et je la prends en considération. J'espère que cela ne peut pas être interprété autrement, le résidentiel, parce qu'on emploie le terme "résidentiel", je sais. En réadaptation pour enfants, par exemple, on parle d'un milieu résidentiel et, à ce moment-là, on se réfère à une institution. Le député de L'Acadie comprend de quoi je parle. On va essayer de trouver un terme rigoureusement exact, mais qui ne porte pas à confusion.

Les deux personnes pouvant s'occuper de neuf enfants, un adulte pour quatre et deux pour neuf, c'est intéressant aussi, la remarque que vous faites, de bien s'assurer qu'il n'y ait pas une espèce de conjoint ou conjointe qui agisse comme un fantôme là-dedans, seulement pour sauver la face. Je pense qu'il va falloir parler de façon plus précise de deux adultes à temps plein. Je comprends que vous ne vous opposez pas à ce qu'un des deux ou les deux soient des hommes. Vous n'avez rien contre cela.

L'obligation de la garde en milieu scolaire, cela aussi a été précisé dans les cinq amendements proposés que nous avons déposés la semaine dernière. Il faut, évidemment, qu'il y ait une concertation avec le milieu scolaire pour bien expliciter en quoi va consister cette obligation. Notre intention, c'est qu'il y ait une obligation, mais une obligation qui soit quand même réaliste, une obligation qui tienne compte non seulement des locaux, mais aussi des besoins de chaque région, de besoins de chaque quartier. Ce sera explicité, à la suite de consultations avec le milieu scolaire et le ministère de l'Éducation. Ce sera explicité dans les règlements.

Devant la crainte que vous avez d'une certaine détérioration de la qualité en garde familiale, je pense qu'une des façons — ce n'est pas assez clair dans notre projet, c'est pour cela qu'on a fait un avant-projet, d'avoir des consultations — de contrer ce danger, si vous voulez, c'est de rendre obligatoire la participation — il y a un ou deux groupes qui nous en ont parlé déjà — des parents même en ce qui concerne la garde familiale. Cela peut être par le biais de l'agence dont il est question dans notre projet, d'exiger une participation des parents à la bonne marche de cette agence, pour ainsi exercer non seulement une surveillance, mais avoir un mot à dire dans le type de garde familiale qui sera offert dans la région.

J'ai une dernière remarque avant de passer à une question, parce qu'il y a beaucoup de choses que j'aimerais dire comme réaction à votre mémoire qui, tout en étant bref, est très dense. Vous nous mettez en garde en disant: II ne faut pas confondre les besoins des enfants avec les droits des mères. C'est l'expression que vous avez employée. Cela peut être assez percutant comme approche, mais, par contre, je pense que vous admettrez que la frontière entre des besoins et des droits est très mince parfois. Si, à un moment donné, une société ou une assemblée internationale comme les Nations Unies décide qu'il faut proclamer les droits de l'enfant, c'est parce qu'on se rend compte, après des générations et des

générations, qu'il y a des besoins tellement fondamentaux chez l'enfant qu'on veut en faire des droits. C'est la même chose chez la mère ou chez la femme parce que les besoins de la mère qui a un jeune enfant, surtout de la mère qui désire travailler, sont tellement élémentaires que cela devient des droits. Je veux seulement, à mon tour, apporter cette nuance qu'il y a vraiment des zones grises entre ces deux concepts de besoins et de droits.

Je fais un peu le chemin à reculons, c'est ma dernière intervention. Dans une de vos premières remarques — je vous la retourne comme question — vous dites: II ne faut pas que le gouvernement cède à la tentation de recourir à des solutions qui sont rentables économiquement ou politiquement. Je voudrais que vous expliquiez un peu plus ce que vous avez en tête.

Mme Lavoie-Roux: Cela m'en fera une de moins à poser.

M. Lazure: J'aimerais que vous expliquiez à la commission ce que vous entendez par là. Est-ce que vous voyez des choses, soit dans lavant-projet de loi ou dans les mesures administratives que nous avons prises depuis quelque temps? Est-ce que vous voyez de tels exemples où on a succombé à la tentation?

Le Président (M. Boucher): Mme d'Anjou.

Mme d'Anjou: Je vous demande de ne pas succomber. Je ne veux pas dire que vous avez succombé. Si je reviens un peu sur les remarques que vous avez faites et qui tenaient compte de nos remarques, vous vous êtes basé sur les remarques qu'on vous a faites pour amener des remarques, votre remarque, par exemple, sur la garde en milieu résidentiel.

Nous avons dit: La loi devrait inscrire le terme "résidentiel" pour désigner ce qu'elle est en réalité, c'est-à-dire que ça tient compte du lieu. On ne veut pas dire qu'on est d'accord, parce qu'on n'a pas voulu ouvertement dire que nous étions favorables à la garde familiale, mais nous aimerions vous dire que nous sommes favorables à une garderie de type familial, c'est-à-dire d'un format réduit, qui permette une espèce de production qu'on a appelée un bouquet de garderies, par exemple, dans un quartier où il y aurait une grande densité de population enfantine. Il pourrait y avoir des garderies aux deux rues, par exemple, et, si les milieux familiaux s'y prêtaient mal, il devrait quand même y avoir ce type de garderie, qu'on pense indispensable en particulier pour les jeunes enfants.

Maintenant, pour ce qui est de la question que vous me posez précisément, la chose qui nous fait très peur — c'est une hypothèse qu'on a faite — c'est que, jusqu'à un certain point, sur le plan économique comme tel, la garderie en milieu familial, vers laquelle vous semblez vouloir offrir une possibilité de développement, je pense qu'à tout prendre, d'après les études qui ont été faites, sur le plan économique, c'est une forme de garde qui semble moins dispendieuse, qui pourrait être du tiers moins dispendieuse. J'ai très peur qu'à cause — là, vous me remettez dans mes préoccupations écologiques — d'une préoccupation actuelle très grande, qui crée un chaos dans l'équilibre social, à cause de l'évolution de la condition féminine à laquelle nous croyons énormément, nous sommes tout à fait d'accord avec tous les mouvements qui ont promu la condition féminine, nous n'aimerions pas que, pour satisfaire dans l'immédiat les demandes ou les besoins urgents des femmes, vous recouriez à une garderie familiale telle qu'elle est prévue dans la loi. Celle-ci nous apparaît dangereuse, à ce point-ci, comme étant la solution, parce que, au fond, quand nous vous parlons d'une garderie de format réduit, qui devrait être peut-être à toutes les deux ou trois rues dans un quartier, j'ai l'impression que si elle était en dehors des facilités d'accès d'une maison comme telle, il se peut qu'elle soit dispendieuse ou plus dispendieuse. Je crois, à ce moment-là, qu'elle devient plus accessible. Il faut penser actuellement que la garde, par exemple, tient compte de la vie des femmes au travail pour les femmes qui travaillent du lundi au vendredi, mais, allez voir ce qui arrive aux femmes qui travaillent le samedi, par exemple. La garde dans le quartier devrait exister le samedi; la garde, dans certaines conditions, devrait exister le soir. Ce sont des choses que nous n'avons pas encore, mais qui seraient peut-être plus faciles, dans un petit local, qui soit communautaire, qui puisse être peut-être à usage plus multiple, mais qui offre, à ce moment-là, ces possibilités de développement. Alors, une mère de famille qui aurait gardé des enfants toute la journée, je pense qu'à six heures, elle serait contente de dire: Salut! au moins jusqu'à demain matin.

M. Lazure: Je voudrais vous rassurer, parce que ça semble être une grande inquiétude, que nous n'avons pas du tout l'intention de privilégier la garde en milieu familial, dans un avenir prévisible. Ce que nous voulons faire, c'est de commencer...

Mme d'Anjou: Oui.

M. Lazure: ... avec un objectif de 500 places subventionnées cette année, et de 2000 I an prochain. Cela, c'est à côté des 4000 nouvelles places en garderie qu'on veut ajouter aux 16 000 existantes. Donc, il y a quand même une proportion très nette de nos efforts qui continue de porter sur la garderie. Moi, je concours avec votre opinion, que ce que vous appelez le "bouquet de garderies" — j'aime beaucoup votre expression — ce bouquet de petites garderies, sera permis et réalisable maintenant avec ce projet de loi, puisqu'on pourra, à partir de dix places, avoir des mini-garderies. Je pense qu'il ne faut pas s'imaginer qu'on veut continuer, soit la grosse garderie de 60 ou 80 places ou la garde en milieu familial, avec les dangers que ça comporte. On veut aller aussi vers des garderies beaucoup plus petites, dix et plus.

Mme d'Anjou: Est-ce que je pourrais juste répondre très brièvement? Là, vous venez de toucher aussi à ce qui nous a fait dire que nous souhaitions que vous résistiez à la tentation... Quand vous dites: Nous créons 4000 places, comme ça, d'ici quelques mois, je pense que c'est une tentation.

M. Lazure: C'est-à-dire que nous voulons créer 4000 places en garderie...

Mme d'Anjou: Vous cédez à une tentation. De plus... (17 heures)

M. Lazure: Je pourrais le dire d'une autre façon. Nous voulons créer — je ne suis pas sûr qu'on va y réussir — l'équivalent d'une centaine de garderies, si on parle de garderies de 40 enfants et plus, si on parle de garderies plus petites.

Mme d'Anjou: Nous réalisons l'urgence des besoins de garderies. La tentation portait simplement sur la création trop hâtive et précipitée de garderies qui ne seraient que des solutions temporaires. Notre inquiétude est qu'on mette en place des systèmes de garderies, étant donné qu'on ne connaît pas encore les effets à long terme d'une longue fréquentation de la garderie sur les enfants. Il se peut que ces enfants-là, par exemple, on les retrouve, à un moment donné, encore en santé, mais que ce soient des enfants qui auront besoin de rééducation ou de traitement parce que leurs conditions de base n'auront pas été bonnes.

Ce qu'on veut dire, c'est que, par une solution hâtive de créer très vite des places qui ne seraient pas des milieux de vie, il est possible qu'on se ramasse avec un autre problème dans dix ans, et il va coûter cher, celui-là.

M. Lazure: Je ne peux pas rester silencieux devant ça, parce que j'y ai trop travaillé avec d'autres dans le passé, et je répète ce que j'ai dit la semaine passée; cependant, on est dans le domaine des opinions à ce moment-là, et je ne suis pas d'opinion à prime abord que la garderie va créer plus enfants problèmes que la garde en milieu familial ou vice versa. Je tiens pour acquis au départ que chacune des formes de garde, y compris la garde par la mère naturelle de l'enfant dans sa maison, comporte un pourcentage à peu près équivalent de risques de maladies, comme vous le dites, ou de troubles de la personnalité pour plus tard.

Le Président (M. Boucher): Merci. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. À mon tour je veux remercier les professeurs de l'université qui ont pris la peine de réfléchir à ce problème. Il y en a eu très peu, on a eu un groupe de la faculté de psychologie de l'Université Laval et vous êtes le second. Vous avez déjà répondu à une question quant à savoir ne pas succomber à des pressions économiques ou sociales. Je partage votre point de vue à plusieurs égards. Je pense que, ce matin, vous m'avez entendue dire aux gens qui étaient ici: II y a quand même un dilemme, les ressources financières, d'un côté, et, de l'autre côté, les besoins et aussi les demandes qu'on a. Entre les deux, est-ce qu'on met l'accent sur le développement rapide ou est-ce qu'on améliore les qualités existantes? S'il n'y avait pas de limite d'argent, je dirais: Faisons les deux en même temps. Mais on sait fort bien qu'il y a des garderies qui, d'année en année, voient leur existence remise en question à cause de ressources limitées.

Des gens sont venus ici — et ceci n'a pas été contredit — et nous ont dit qu'en dépit de l'argent supplémentaire investi dans les services de garde, quant à l'effet sur le fonctionnement de la garderie, la qualité de la garderie elle-même, c'est presque insensible. On avait créé de nouvelles places, il fallait tenir compte de l'inflation qui avait été considérable dans les trois dernières années. Alors, somme toute, on fait un choix: répondre aux demandes, mais on n'a peut-être pas suffisamment le souci de dire: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu aussi d'améliorer la qualité quant à la stabilité de la garderie, quant à la qualité du personnel, le milieu de vie, etc.? On sait que les garderies ne se trouvent pas toutes dans des locaux extraordinaires.

Le ministre nous dit pour nous rassurer: Non, écoutez! on ne met pas l'accent sur la garderie en milieu familial. De 500, l'an prochain, on aura 2500 places en milieu familial — selon les prévisions — et on ajoutera 4000 places en garderie, opposant 2500 à 4000. Si on considère cela en nombre d'enfants, il a raison. Mais ce qu'il faut bien réaliser aussi, c'est que 2500 places en milieu familial, ça veut dire un grand nombre d'unités nouvelles qui sont créées et de beaucoup supérieures au nombre d'unités de garderies qui pourraient être créées pour 4000 places.

Chacun de ces milieux est un milieu qui va demander une "surveillance" et cela va être en beaucoup plus grand nombre que la création de 4000 places en garderie. Je pense que, là-dessus, j'inviterais le ministre à prendre garde. Il essaie de nous rassurer en disant: 2500 places en milieu familial; c'est beaucoup moins que 4000 places en garderie. Strictement parlant, du point de vue du nombre d'enfants, vous avez raison, mais quand vous pensez au nombre d'unités qui seront créées de part et d'autre, vous allez avoir beaucoup plus d'unités créées à cinq places par milieu familial ou neuf places que nous en aurez avec 4000 places-enfants. Je n'ai pas fait le calcul...

M. Lazure: Si vous permettez, c'est un peu un faux problème, parce qu'on ne va pas créer des places en garde familiale. Ce sont des places qui existent actuellement. C'est ce qu'on oublie dans la discussion. Tout ce qu'on fait, c'est de subventionner une partie infime du nombre d'enfants qui sont en garde familiale. Tout le monde sait qu'actuellement peut-être qu'il y en aurait moins, s'il

y avait plus de garderies. Moi, je pense qu'il y en aurait moins, s'il y avait plus de garderies. De toute façon, actuellement, il y a beaucoup plus d'enfants en garde familiale qu'en garderie et tout ce qu'on fait, c'est d'ouvrir un peu la machine à subventionner, mais on ne crée pas de nouvelles places en garde familiale.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'on ne veut quand même pas vous faire assister à un débat entre le ministre et moi, parce qu'on aura l'occasion d'y revenir. C'est vrai qu'il y a un grand nombre d'enfants qui sont en garde familiale, qui sont gardés, tout le monde l'a dit et répété, j'allais dire grand-mère, grand-père.

M. Lazure: Belle-mère.

Mme Lavoie-Roux: Mon oncle, ma tante, frères et soeurs, voisins, voisines, mais, ordinairement, d'une façon générale, il ne s'agit pas de cinq enfants qui sont confiés à une femme. S'il s'agissait de cinq enfants confiés à une femme...

M. Lazure: Quatre, pardon.

Mme Lavoie-Roux: Quatre, mais elle peut en avoir cinq, le sien compris.

M. Lazure: Non, quatre, les siens compris, pour une seule, oui, c'est clair.

Mme Lavoie-Roux: De toute façon, ces personnes reçoivent déjà beaucoup plus que ce qu'on accordera aux personnes dans une unité reconnue par l'office, parce qu'on sait fort bien que cela coûte présentement $50 par semaine pour faire garder un enfant en milieu familial dans le sens traditionnel où on l'entend. Je pense qu'essayer de faire du pareil au même entre ce qu'on pense établir, de quatre et même de groupe de neuf, c'est un peu différent de la garde traditionnelle en milieu familial dont on parlait. Mais on reviendra là-dessus. J'ai quand même deux questions précises à vous poser. Dans les axes que vous avez énoncés au début, on retrouvera le texte au journal des Débats, il y a des parties qui m'ont échappé, je pense que c'était le troisième ou peut-être que c'était en fait un peu sous-jacent à chacun des axes que vous avez énumérés. Vous avez ce souci de la communauté. Votre dernier était de maintenir en interaction les organismes de la communauté. Je vous cite un peu rapidement. Par contre, dans votre mémoire, dans votre troisième recommandation, vous dites: Que la création de l'office permette davantage la coordination des services de garde comme par exemple celle de l'inspection et de la réglementation sous un même office que la loi permet. Une des préoccupations que j'ai avec l'office, c'est qu'on peut créer un monstre aussi. Ce sont tous les services d'inspection, la réglementation, mais peut-être que la réglementation générale peut relever de l'office. Je pense qu'il devrait y avoir une certaine latitude laissée un peu plus localement. D'un côté, je retrouve ici où vous semblez — je vous prête peut-être des intentions que vous n'avez pas — remettre à l'office beaucoup de pouvoirs et, d'un autre côté, vous mettez l'accent — et c'était fort intéressant — sur le dynamisme des communautés. Comment conciliez-vous les deux? Peut-être que c'est moi qui me trompe. Deuxièmement, est-ce que vous voyez une espèce de décentralisation ou y avez-vous réfléchi quant aux pouvoirs et à la réglementation? La planification générale, d'accord, on peut laisser cela à l'office, mais...

Mme d'Anjou: Comme telle, pour répondre directement à votre dernière question, on n'a pas tellement réfléchi à une structure de décentralisation. On a essayé d'attirer votre attention sur un esprit duquel l'office, en appliquant la loi, ne devait pas s'éloigner, et c'était l'esprit de la communauté. Une des choses qui est aberrante, même si vous avez reçu beaucoup de mémoires à la commission, par exemple, ce qui me frappe, c'est que la plupart des personnes qui vous ont présenté des mémoires sont des gens directement ou indirectement intéressés au développement de la garderie comme telle. Ce qui me frappe, c'est que les citoyens en général comme tels, des vieillards, n'importe qui, ne semblent pas tellement se préoccuper de la question de la garderie.

Peut-être que là, j'ai un biais très personnel pour avoir vécu, par exemple, quatre ans aux États-Unis dans une communauté, il y avait un organisme qui s'appelait le Women's Voter League, où dès qu'une loi apparaissait, il y avait un groupe de personnes qui conscientisait les citoyens d'un besoin. À un moment donné, une loi est faite pour permettre aux femmes de retourner et avoir du recyclage, tout de suite, il y a un groupe de conscientisation qui dit: Oui, mais elles vont avoir des enfants, qui va s'en occuper? On conscientise la communauté aux besoins que crée la nouvelle loi, on s'en occupe, on la met sur pied. Quand la réalisation de la loi est faite, l'organisme en garderie se transforme en autre chose ou disparaît.

C'est ce que j'appelle un esprit communautaire, que j'ai beaucoup de difficulté à retrouver depuis que je suis revenue au Québec. Il y a en effet un esprit selon lequel on dépend complètement des subventions gouvernementales pour développer des choses, pour prendre soin de nos problèmes. C'est une chose qui me frappe beaucoup. Ce sur quoi, par exemple, j'attire votre attention, c'est que, dans ce qui existait au niveau du Québec, on pouvait avoir des normes de garderie qui relevaient d'un service et on pouvait avoir une inspection de cette même garderie qui relevaient des Travaux publics. Alors, l'inspection pouvait arriver et démolir tout ce qui s'était fait. Je ne sais pas si c'est un problème avec lequel vous êtes familier. Cela amenait des délais et une espèce de mort au niveau de la communauté, c'est-à-dire que ça ne sert à rien de monter des garderies, ça ne sert à rien de s'intéresser ou de participer, de toute façon, parce qu'il y avait dispersion des services, surtout qu'ils relevaient

de sources indépendantes où il y avait peu de communication. Je pense qu'à ce moment-là, c'était extrêmement difficile qu'on assiste à des développements quelconques.

C'était dans cet esprit que la loi apporte quelque chose de nouveau. C'est que la réglementation et l'inspection se retrouvent réalisées a l'intérieur d'un même office. Donc, en principe, il devrait y avoir communication, au moins à ce niveau. Est-ce que ça répond...

Mme Lavoie-Roux: Quand vous pensez à un service d'inspection à l'échelle de l'office, c'est-à-dire au niveau d'un office, pour l'ensemble de la province, on peut se retrouver avec quelque chose de passablement considérable. On ne peut pas aller d'après les normes qui existaient. Plusieurs personnes sont venues nous dire qu'elles étaient visitées une fois par année, et je pense que je suis généreuse, on a même parlé d'une fois par trois ans, mais je ne voudrais pas exagérer dans l'autre sens non plus.

Alors, on veut vraiment un service d'inspection qui soit efficace, je pense qu'il faut absolument le penser ailleurs que dans un office. Sans ça, vous allez avoir une autre bureaucratie fonctionnarisée et je ne pense pas qu'on va répondre ainsi aux inquiétudes que vous avez.

Mme d'Anjou: À ce moment-là, il faudrait vraiment insister dans la loi que l'office a un caractère de régionalisation, de décentralisation qui soit effectivement présent, parce qu'une des remarques que nous n'avons pas faites, mais sur laquelle nous avons quand même passé quelques moments, c'est que la loi reflète quand même des besoins surtout urbains, comme c'est presque toujours le cas. J'espère qu'à la commission parlementaire présente, les milieux qui se sont sentis beaucoup moins bien représentés viendront parler. Je pense au milieu rural, par exemple, qui va être obligé de s'accommoder de certaines choses, qui a toujours les services après coup et où les développements sont plus lents.

À ce moment-là, c'est clair qu'une décentralisation et une régionalisation pourraient permettre que ce soit effectivement beaucoup plus efficace, plus rapide et qu'on puisse lui donner le même développement.

Mme Lavoie-Roux: Une deuxième question. Vous êtes familière avec la garderie de l'Université de Montréal?

Mme d'Anjou: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous savez quel est le coût d'exploitation de cette garderie?

Mme d'Anjou: Aucunement. La garderie de l'Université de Montréal relève d'une corporation complètement indépendante sur le plan administratif. Je n'ai pas eu accès au budget, je ne crois pas qu'il ait été rendu public, c'est-à-dire qu'il a été dévoilé aux membres, à ceux qui participent directement, comme usagers, à la garderie. Là-dessus, je n'ai pas de détails.

Mme Lavoie-Roux: Savez-vous quel est le ratio à l'intérieur de cette garderie? Non plus?

Mme d'Anjou: Je pense qu'il est assez conforme aux normes actuelles et, ce qu'il y a d'intéressant, c'est qu'il est variable. À des heures de pointe, il va être jusqu'à 1-4, à d'autres moments, chez les bébés, par exemple, 1-7, au moment des périodes de jeu, par exemple. (17 h 15)

On a, à l'Université de Montréal, établi une distinction entre les plus jeunes et les plus vieux. Le ratio est autour de 1 -7 ou de 1-8, je pense.

Mme Lavoie-Roux: Alors, il serait plus bas que les normes générales?

Mme d'Anjou: Oui. C'est une garderie modèle. Je ne veux pas dire de laquelle on doit s'inspirer, mais on a cherché à reproduire des conditions qui pouvaient être idéales, comme c'est le cas dans tous les campus universitaires.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je vous remercie, Mme d'Anjou, de nous avoir fait réfléchir pendant quelques minutes. C'est une des rares fois qu'il nous a été donné de le faire, pendant cette commission, sur des objectifs. On a eu d'excellents mémoires qui nous ont été présentés, mais un mémoire qui nous permet de réfléchir sur la philosophie des garderies dans la province, c'est une des rares fois que nous en avons.

Je ne relèverai pas plusieurs points qui ont été soulevés par le ministre ou par Mme le député de L'Acadie. Je ne reprendrai pas ces points que j'avais notés. Quand vous parlez d'une solution collective hâtive, vous faites allusion à quoi? Vous dites que ce que vous n'aimeriez pas, ce serait une solution collective hâtive. Vous avez dit à ce moment-là qu'on manquait peut-être de données, basées sur le temps.

Mme d'Anjou: Les solutions collectives seraient des solutions visant à répondre aux besoins de plusieurs à la fois. Par exemple, la grande garderie, par définition, répondrait à un plus grand nombre d'enfants. C'est une solution collective, de parents pour des enfants. Une solution hâtive collective, c'est une solution qui, de façon rapide, puisse permettre de résoudre le problème d'un grand nombre.

M. Grenier: C'est ce que je soupçonnais, c'est ce que j'entrevoyais. Par contre, ce qui me faisait dire que cela pouvait être autre chose, c'est que vous ne vous opposez pas, bien sûr, à la garderie en milieu familial, en milieu résidentiel, comme

vous dites, ce qui devrait être une compensation aux garderies plus larges, aux garderies plus nombreuses, une espèce de palliatif. C'est pour cela que j'ai voulu vous poser la question.

Quand vous parlez de garderies, vous voulez changer l'expression "garde en milieu familial" pour "garde en milieu résidentiel". Vous avez entendu mon intervention ce matin sur le premier mémoire, celui du Comité de la condition féminine. À ce moment-là, j'ai parlé assez longuement des petites garderies en milieu familial. On a même répondu cet après-midi que cette garderie, qui prend le nom de garderie en milieu familial, se basait d'abord sur des traditions qui existent, qui se perpétuent et qui font que cette forme de garderie qu'on donnera, ce seront des enfants qui s'ajouteront à une famille. C'est un peu ce que le ministre vient de nous dire. Ce sont des enfants qui s'ajouteront à une famille, en ce sens que c'est une femme qui a déjà des enfants — ce pourra en être d'autres aussi, la loi ne l'exclut pas — une couple d'enfants, comme c'est la généralité, auxquels s'ajouteront trois ou quatre enfants. Vous préférez le terme "résidentiel". Le ministre disait tout à l'heure que Mme Lavoie-Roux connaît bien la différence entre les deux. Je peux vous dire que je connais bien la différence, moi aussi. Et je choisirais la garde en milieu familial avant la garde en milieu résidentiel puisqu'on n'est pas tenté, par nos lois, malheureusement, de mettre l'accent sur la famille. Et s'il arrive pour une fois qu'on en parle un peu, je pense qu'il ne faudrait pas se hâter de se jeter sur l'expression et dire qu'elle est de trop, en la changeant pour le "milieu résidentiel", pour que cela devienne encore moins familial. Je verrais mal pourquoi on serait appelé à changer une expression comme celle-là. Je ne sais pas si vous avez une argumentation différente.

Mme d'Anjou: Je me rends compte, au fond, en vous entendant interagir, en entendant le ministre Lazure interagir avec cette remarque que nous avons faite, que ce n'est pas bon de faire de l'humour quand on fait des recommandations.

M. Grenier: Que ce n'est pas bon de...? Je n'ai pas saisi.

Mme d'Anjou: Que ce n'est pas bon de faire de l'humour quand on fait des recommandations. Ce qu'on voulait vraiment dire, c'est que ce que la loi semblait vouloir préconiser, c'était une garde de type familial et dans le texte de loi, on a mis "garde en milieu familial", mais de par la définition qu'on lui donne, je dis que ce serait plus exact si vous l'appeliez "garde en milieu résidentiel" plutôt que "garde en milieu familial".

M. Grenier: Mais vous n'avez rien contre l'expression de garde telle que décrite dans le moment? Vous n'y auriez pas d'objection?

Mme d'Anjou: Si l'esprit "garde familiale" désignait vraiment ce sur quoi on a porté votre attention, c'est-à-dire un milieu, une petite cellule qui permette à l'enfant d'avoir certaines conditions de vie et qu'on utilise traditionnellement le mot "famille" pour désigner l'ensemble de ces conditions de vie et que cela corresponde à quelque chose, je n'y aurais pas d'objection. Est-ce que cela va?

M. Grenier: Je vous remercie. Je pense que c'est suffisant. Cela répond bien à ma question.

Vous vous dites heureux. "Nous nous réjouissons de la fin des garderies à but lucratif, mais craignons leur réouverture sous la forme des gardes en milieu familial." On a entendu des gens qui sont venus nous dire ici qu'ils voulaient voir disparaître les garderies à but lucratif. La seule raison que j'ai entendue et qu'on donnait, ce qui n'a pas réussi à me convaincre encore, c'était qu'on ne voulait pas voir faire de l'argent sur le dos des enfants. Auriez-vous d'autres arguments que cela à me fournir, parce que je suis encore en mesure de défendre cette forme de garderie à but lucratif dans cette société qu'on veut pluraliste, parce que c'est quand même un choix que font les parents? J'aimerais que vous me donniez un autre argument pour me faire changer d'opinion.

Mme d'Anjou: Je pense que, dans la réalité québécoise actuelle, la garderie à but lucratif annonce officiellement que l'activité de garde est utilisée par certaines personnes pour faire des revenus. À ce moment-là on annonce ouvertement ses couleurs. À ce point de vue-là, c'est honnête de la part des gens des garderies à but lucratif et ce ne sont pas les gens que je vise à ce moment-ci, c'est le fait. Je souscris absolument à la position des gens qui se sont opposés à l'idée que la garde des enfants soit une possibilité ou une source pour des gens de faire des revenus à partir desquels ils peuvent vivre, parce que, dans la réalité, cela peut vouloir dire, étant donné des fluctuations budgétaires ou autres, que la satisfaction des besoins des enfants peut varier, parce que je gagne ma vie avec les besoins des enfants. À ce moment-là, je pense que les besoins des enfants ne doivent pas être soumis à cette fluctuation-là.

M. Grenier: D'accord. Vous avez fait allusion, bien sûr, vous aussi, comme bien d'autres, à cette politique familiale qui n'est pas développée ici. Il n'arrive pas souvent, en fait, il n'arrive pas que dans une loi, on donne une philosophie. On s'est plaint, depuis le début de cette commission, d'un manque de politique familiale de la part du gouvernement. Ce n'est pas une accusation qu'on porte à l'actuel gouvernement. D'autres gouvernements auraient pu se pencher là-dessus bien avant aujourd'hui. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il y a des familles. Ce n'est pas parce qu'il y a un nouveau gouvernement ...les familles existaient avant lui. On s'est rendu compte que pour l'étude de ce projet de loi c'eut été essentiel, je pense, qu'on ait cette définition d'une politique familiale. Vous avez également attiré notre attention sur la "conscientisation" des gens. Je suis content de

vous l'entendre dire. On le vit régulièrement. On le vit au niveau de nos circonscriptions. Ce qui nous manque, ici, au niveau d'une commission parlementaire — on vit le reflet de ce qui se passe dans notre société et vous avez été la première à en témoigner ici aujourd'hui — ce sont des groupes, ce qu'on appelle souvent le vrai monde. Ce n'est pas la bonne expression, je suis bien d'accord, puisque les gens qui sont venus ici sont aussi du vrai monde — mais les gens qui ne viennent pas représenter des associations, les gens en général. Je suis content que vous le signaliez. C'est pour cela que je vais y revenir, pour attirer davantage l'attention des gens de la commission. Cela nous manque à nous. Cela vous manque à vous aussi qui travaillez dans les groupements. Cela nous manque à nous de sentir le milieu lui-même, l'expérience que vous avez vécue aux États-Unis. Cela nous manque au niveau de nos circonscriptions et cela se reflète ici au niveau de la commission. Ce sont les mêmes problèmes qui se vivent ici.

Je veux vous remercier aussi pour ce que vous nous avez fourni, le ton et les termes modérés que vous nous avez donnés. J'apprécie grandement une rencontre comme nous en avons une ici aujourd'hui, entre vous et nous, le ton modéré et les expressions modérées aussi. Souvent, pour revendiquer, on exagère d'un côté ou de l'autre, mais vous nous proposez des choses, aujourd'hui, où c'est facile de faire une table ronde, de discuter et de voir où il peut y avoir des carences pour déterminer les modifications qu'on peut apporter à ce projet de loi. Je veux vous remercier, madame.

Le Président (M. Boucher): Merci. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie le groupe de professeurs de l'Université de Montréal, Mme d'Anjou et Mme Berthelet, pour la présentation de leur mémoire. J'appelle immédiatement la Corporation Garderies Le Colombier Inc. Si vous voulez vous identifier et procéder à la lecture de votre mémoire, s'il vous plaît.

Corporation Garderies Le Colombier Inc.

M. Rodrigue (Guy): D'accord. Voici mes collègues, Michel Bonneau et Jean Provencher, tous deux administrateurs de la corporation.

Le Président (M. Boucher): Vous êtes monsieur?

M. Rodrigue: Guy Rodrigue, président du conseil d'administration.

M. le Président, permettez-nous, avant de faire nos représentations concernant l'avant-projet de loi sur les services de garde à l'enfance, de faire un bref historique des faits qui nous amènent devant vous. Le Colombier Enr., qui devint Garderies Le Colombier Inc., fut fondé à la fin des années cinquante. D'abord une école maternelle, on en vint rapidement, pour satisfaire à un besoin, à offrir des services de garde. Lentement, ce type de service spécialisé a pris de l'ampleur pour en arriver, au début des années 1970, à un type de service qui s'apparente à nos garderies actuelles.

En septembre 1975, à la suite d'une forte demande, il fut décidé d'agrandir les locaux, situés au sous-sol depuis le tout début. L'agrandissement s'effectuera en occupant le rez-de-chaussée de la maison sise au 889 Bon-Air, à Sainte-Foy.

Quelques mois plus tard, le Service d'inspection de la ville de Sainte-Foy nous informait que normalement, selon les règlements de zonage, nous avions le droit d'occuper 25% de la superficie de la maison, alors que nous en étions rendus à 60%. Le ministère des Affaires sociales nous accorda alors un permis nous autorisant à accueillir 65 enfants.

Dès janvier 1976, nous n'avions aucune place de disponible. En juillet 1976, la corporation a pris une nouvelle expansion dans d'autres locaux situés sur le chemin Sainte-Foy, à Sainte-Foy. En tout, la corporation offre maintenant ses services de garde à 125 enfants répartis entre les deux établissements.

En 1978, le ministère des Affaires sociales nous suggéra de faire l'acquisition de ces maisons afin de nous assurer une certaine indépendance et aussi assurer la continuité de nos services. À la suite de cette suggestion, en mai 1978, eut lieu la première rencontre avec les autorités de la ville de Sainte-Foy, dans le but de normaliser notre établissement de la rue Bon-Air. Nous fûmes très bien accueillis et la ville décida de soumettre le tout à la Commission d'urbanisme.

La Garderie Le Colombier n'étant pas la seule à contrevenir à un règlement de zonage, le problème a pris une certaine ampleur. La Commission d'urbanisme, après concertation avec les représentants du ministère des Affaires sociales, fit les recommandations suivantes: premièrement, légaliser la situation des garderies existantes; deuxièmement, autoriser les futures garderies dans toutes les zones multifamiliales.

Dans tous les cas, ces garderies doivent respecter les normes du ministère des Affaires sociales.

La ville de Sainte-Foy décida de légaliser les garderies existantes en demandant un changement au règlement de zonage, créant des dispositions particulières à l'endroit du lot où existent ces garderies. La ville demandait qu'en plus des usages permis par le règlement actuel, on autorise, pour un lot donné, une garderie d'enfants soumise aux normes du ministère des Affaires sociales. Le but du changement était de normaliser une situation existante et non de créer une nouvelle garderie. À la suite de l'opposition des citoyens, un référendum fut tenu le 22 septembre 1979 et les résultats furent les suivants: en faveur: 24; contre: 31 ; rejeté: 1 ; n'ont pas voté: 7. (17 h 30)

Les membres du conseil d'administration, ayant rencontré les propriétaires concernés, ont constaté que la plupart de ces propriétaires ne sont pas prêts à reconnaître la nécessité des

garderies. D'autres nous ont dit: Nous sommes pour la garderie, mais contre le changement de zonage.

Le règlement fut rejeté et la garderie ne pourra plus oeuvrer dans la clandestinité. Devant ce résultat, les garderies de Sainte-Foy, qui sont dans la même situation, voient leur avenir compromis.

J'aimerais ici attirer votre attention sur les pièces jointes au mémoire. D'abord, il y a une série de lettres que nous avons fait parvenir aux citoyens de la rue Bon-Air, incluant une copie du projet d'amendement au règlement de zonage. Il y a aussi une lettre d'un groupe de citoyens qui étaient contre le changement et une autre d'un groupe en faveur de l'amendement. Aussi, parmi les extraits du journal Le Soleil, on trouve des articles intitulés: "Ouvrir est malaisé". "La garderie Le Colombier n'agrandira pas ses locaux". "Sainte-Foy, craintes non fondées vis-à-vis de la garderie Le Colombier". "Le conseilleur Dutil demande d'aller voter pour sauver la garderie Le Colombier".

Malgré cette campagne, aidés par tous les media et par le conseiller du quartier, il semble que les citoyens du secteur concerné, tout en se prononçant verbalement pour la garderie, ne veulent pas que la ville amende le règlement de zonage.

Quelques jours après le référendum tenu pour Le Colombier, une autre garderie s'est trouvée dans la même situation. Il s'agit de la garderie Jardin des Anges, située aussi à Sainte-Foy. Cette garderie a un permis qui lui permet d'accueillir 75 enfants. Nous avons appris qu'une autre garderie, cette fois de 30 places, pourrait d'ici peu, subir le même sort, ce qui, dans le moment, met en péril 170 places de garderie, et ce dans la ville de Sainte-Foy seulement.

Il semble que cette situation pourrait s'étendre à d'autres villes. Nous pensons que le service des garderies du ministère est à même de confirmer l'ampleur du problème. En ce qui nous concerne, nous avons tenté vainement, pendant plus d'une année, de nous relocaliser. Les problèmes auxquels nous avons dû faire face sont bien résumés dans un article du journal Le Soleil, paru le 7 avril 1979 et inclus dans notre mémoire sous le titre: "Ouvrir est malaisé". Le gros problème, c'est de trouver un local dans un secteur où le zonage est adéquat.

J'aimerais, ici encore, attirer votre attention sur un autre article paru dans le journal Le Soleil. Je crois qu'il vous a été distribué. Je vais le citer: "M. Camilien Tremblay, conseiller municipal, a ajouté que le ministère des Affaires sociales devra sans doute intervenir sous forme de législation pour forcer la ville à garder ces garderies ouvertes. Sinon, tout le réseau des garderies privées à Sainte-Foy risque de s'effondrer, car d'autres institutions du genre devront faire l'objet d'amendements au zonage au cours des prochains mois."

L'article 91 prévoit qu'aucun règlement municipal adopté en vertu d'une loi générale ou spéciale, ne peut avoir pour effet d'empêcher l'instauration ou le maintien d'un service de garde en garderie ou en milieu familial pour le seul motif qu'il s'agit d'un service de garde en garderie ou en milieu familial. Le présent article prévaut sur toute loi générale ou spéciale.

Or, ce matin, nous recevions la lettre suivante, adressée aux garderies Le Colombier: "Monsieur, suite au scrutin tenu le 22 septembre dernier relativement à l'approbation du règlement no 2302 et au rapport d'icelui présenté au conseil lors de la séance du 1er octobre dernier, constatant le rejet de ce règlement, la ville de Sainte-Foy me charge de vous faire savoir que vous ne pouvez plus opérer votre garderie dans la maison sise sur le lot 128-247 du cadastre officiel pour la paroisse de Sainte-Foy, à l'adresse civique 889, Bon-Air.

Toutefois, sans préjudice au droit de la ville d'exiger la fermeture immédiate de cette garderie, il vous est accordé un délai de 60 jours, à compter de la présente lettre, pour localiser celle-ci dans une zone ou un secteur de zone où ce genre d'activité est permis.

Auriez-vous l'obligeance de prendre les moyens nécessaires pour vous conformer à ce délai. Bien à vous, Noël Perron, avocat, greffier, directeur du contentieux, ville de Sainte-Foy".

En résumé, M. le Président, notre problème n'est pas unique. Il représente un obstacle réel au développement d'un réseau de garderies. La garderie de quartier a sa place autant que la garderie en milieu de travail, mais les obstacles, dont le zonage, mettent en péril le réseau actuel en plus d'empêcher l'ouverture de nouvelles garderies.

Nous vous demandons donc de maintenir l'article 91 dans toute sa rigueur. Mon collègue va vous expliquer ce qu'on entend par là.

M. Bonneau (Michel): Dans l'expression "dans toute sa rigueur" le conseil d'administration de la corporation met beaucoup d'espoir, en ce sens qu'il croit que l'article 91 devrait protéger sans aucune équivoque les garderies existantes détenant un permis du ministère des Affaires sociales et qui font ou feront l'objet de menace de fermeture de la part des autorités municipales. À cette fin, nous aimerions poser une question: Est-ce que le libellé actuel de l'article 91 protège les garderies existantes? Sinon, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de le modifier de façon à protéger le présent en même temps que le futur?

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.

M. Lazure: Je remercie les représentants des Garderies Le Colombier de venir nous saisir de leur problème, qui peut avoir des implications pour d'autres garderies à Québec ou ailleurs. On est conscient des difficultés que certaines garderies existantes ou nouvelles ont connues par rapport à des règlements de zonage municipaux. C'est pourquoi on propose cet article 91. L article 91, tel qu'il apparaît ici, comme vous le voyez, découle de discussions avec le ministre des Affaires municipales. Ce que nous obtenons, par l'article

91 tel qu'il est rédigé, c'est d'empêcher, dans la mesure où c'est humainement possible, qu'il y ait une discrimination, via le zonage, vis-à-vis d'une garderie. Autrement dit, qu'une municipalité se serve d'un règlement de zonage pour "discriminer" contre une garderie. L'article 91 voit à ça. Mais l'article 91 tel qu'il est rédigé ne peut pas empêcher une municipalité de changer des règlements de zonage. Que voulez-vous? Je ne peux pas, par le biais d'une loi, en tant que ministre des Affaires sociales, m'ingérer à ce point dans la gestion des municipalités et interdire aux municipalités de légiférer, de réglementer en matière de zonage.

Pour être bien précis, pour revenir à votre question, malheureusement, comme il est rédigé, cet article ne réglerait pas votre problème. J'ai vérifié encore tantôt auprès de mes conseillers. La seule façon de régler votre problème, ce serait d'enlever la dernière ligne et demie au premier paragraphe. Je relis l'article tel qu'il pourrait être, tel qu'il devrait être pour régler votre problème: "Aucun règlement municipal adopté en vertu d'une loi générale ou spéciale ne peut avoir pour effet d'empêcher l'instauration ou le maintien d'un service de garde en garderie ou en milieu familial." Il faudrait arrêter là. Vous voyez, c'est énorme comme intrusion dans le domaine de la gestion municipale. Je suis sûr, enfin je pense... Je suis prêt à en discuter avec mon collègue des Affaires municipales, mais j'ai bien l'impression qu'il va me dire: Écoutez! vous allez trop loin. Vous empêchez les municipalités d'administrer leur propre règlement.

M. Bonneau: Mais il reste que pour avoir communiqué depuis le tout début avec les autorités municipales et les fonctionnaires de la ville de Sainte-Foy, on a pu se rendre compte qu'actuellement les autorités et les fonctionnaires sont en plein désarroi. Ils s'attendaient vraiment à ce que les citoyens du quartier ne s'opposent pas à un amendement créant des dispositions particulières pour un lot donné. Ils ont été surpris.

Évidemment, tout amendement à l'avenir, dans la ville de Sainte-Foy, inutile d'y penser. La ville ne s'embarquera plus à faire des avis publics et même des référendums. Elle a été échaudée. Le Jardin des Anges paie en fait pour le débat que nous avons eu avec 63 propriétaires du secteur. Les échanges ont été très clairs et très nets. Il y a certainement, à mon point de vue personnel, pour avoir été très actif au niveau de cette campagne publicitaire, au-delà de 35 de ces propriétaires qui sont nettement en faveur de la garderie, mais contre tout changement à leur règlement de zonage; ils en sont jaloux.

M. Lazure: M. le Président, c'est un peu ironique que vous veniez tout de suite après le groupe de professeurs de l'Université de Montréal. La représentante de ce groupe déplorait tantôt que la société soit peu éclairée quant aux besoins de services de garde et c'est vrai, la société en est peu consciente. Votre cas non seulement attire toute notre sympathie, mais aussi notre attention et nos actions; les fonctionnaires du ministère s'occupent de votre problème, mais votre cas représente cette fois-ci non pas l'ignorance ou le préjugé d'un conseil municipal, mais bien une espèce d'intolérance de la part de la population du quartier, peut-être parce qu'elle est mal éclairée, mais je pense que c'est un beau cas d'intolérance et presque d'insouciance de la part de la population du quartier. J'ai une question à vous poser. Comment se fait-il, étant donné qu'il y a certainement beaucoup de parents qui sont propriétaires, mais en dehors de cette petite zone où seuls les propriétaires ont été admissibles à voter au référendum, qu'il y ait très peu de propriétaires qui ont voté finalement...

M. Bonneau: II y avait un maximum de...

M. Lazure: ... pourquoi est-ce que vous n'obtiendriez pas que les propriétaires qui sont dans Sainte-Foy, mais qui débordent de cette zone et qui envoient leurs enfants à la garderie, puissent avoir droit de vote à ce référendum? Est-ce qu'il a été question de cela?

M. Bonneau: À ce moment-là, oui, il en a été question. Là, on revient à notre cas, qui est tout à fait particulier, et qu'on amène comme exemple. Il est là, il est réel. Évidemment, on dit bien que notre problème n'est pas unique. Il y a eu des cas qui se sont présentés, comme nous, il y en aura encore, et c'est ce qu'on trouve malheureux. Tous les propriétaires, en fait, des zones contiguës au secteur Bon-Air, ont eu la chance de s'exprimer avant le secteur Bon-Air, par voie des journaux, et il n'y a eu strictement personne dans ce secteur qui se soit opposé, qui ait demandé d'élargir la zone du référendum. C'est très complexe et je pense bien qu'au niveau de la ville de Sainte-Foy, les représentations qu'on peut faire sont nulles, à toutes fins utiles...

M. Lazure: En conclusion, vous avez un délai de deux mois. Je peux simplement vous dire qu'on va redoubler d'efforts pour essayer de vous aider à trouver d'autres locaux au cas où vous auriez légalement besoin de déménager, mais je ne pense pas qu'on puisse...

D'ailleurs, dans votre lettre, vous demandez qu'on maintienne l'article 91 tel quel. On a bien l'intention de le maintenir tel quel, mais je vous dis tout de suite qu'il ne serait pas assez puissant pour régler votre problème.

M. Bonneau: Indépendamment de ça, M. le ministre, il reste que si les citoyens du quartier avaient voté majoritairement pour nous, on ne serait pas venus ici. Le problème n'aurait pas jailli, en fait, au niveau... C'est dans ce sens que notre démarche se fait au niveau de la commission parlementaire, pour souligner la situation précaire que vivent les garderies existantes. (17 h 45)

M. Lazure: Mon dernier commentaire, c'est qu'on pourrait en parler longuement. Je pense

qu'il ne faut pas dramatiser non plus. Il arrive quand même assez rarement que des garderies ont de tels problèmes de zonage. On a les chiffres et on est au courant des problèmes. Mais ça nous confirme que, surtout dans le cas de nouvelles garderies, il faut absolument que le voisinage participe, non seulement que les parents contrôlent le conseil d'administration de la garderie majoritairement, mais que, là où la garderie va s'installer, il y ait des conversations et qu'il y ait une espèce de consultation de la part des responsables, des parents qui veulent créer la garderie et des gens qui habitent dans ce coin-là, pour que, dès le départ, il y ait une acceptation de la part du voisinage, car il n'y a aucune loi qui va rendre les gens, de façon magique, plus tolérants du jour au lendemain, il n'y a aucune loi qui peut faire ça.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais ajouter seulement un mot, on va appuyer le ministre dans ses efforts de recherche. Le problème que vous venez de nous présenter, je l'ai vécu quand il s'est agi d'affecter une école pour des enfants handicapés, de prendre une école désaffectée, d'y mettre des enfants handicapés; le voisinage s'y opposait, ça ne fait pas quinze ans, ça fait quatre ans. La même chose, quand il s'agissait de placer des enfants atteints d'arriération mentale, c'était la même sorte de problème. Je vous dis que, malheureusement, les préjugés à l'égard des garderies sont très nombreux. J'ai invité un député du côté ministériel, j'aurais pu avoir, probablement la même réaction de mon côté, en disant: Écoutez, si les garderies ne vous intéressent pas, vous devriez venir avec nous, il a dit: Moi, mes enfants, on les garde.

Je pense que c'est là l'état des choses. Tout ce qu'on peut faire, c'est d'essayer de voir... Du côté de la loi sur les handicapés, est-ce qu'il n'y a pas un article...

M. Lazure: On a l'article équivalent. Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Lazure: Parce qu'on a eu des problèmes avec les handicapés, comme vous le dites, et on a eu des problèmes avec les ex-malades mentaux, les foyers aussi pour ex-malades mentaux. Tout ça, on l'a corrigé par une clause équivalente à ça, qui dit, dans le fond, que les villes hésitent beaucoup, ça exerce une grosse pression morale sur une municipalité maintenant. Ils ne peuvent plus, par le truc du zonage, venir interdire des foyers de groupe, comme cela se faisait à Pointe-aux-Trembles, à Montréal. Il est célèbre, ce cas-là. Mais aller plus loin que ça, ça voudrait dire, interdire à une municipalité de faire des règlements de zonage, c'est ce que ça voudrait dire, et c'est ce qu'on ne peut pas faire.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: C'est sûr qu'on fait face à un problème. Souvent, on se bat dans les commissions pour parler de décentralisation des pouvoirs, mais, quand on décentralise un pouvoir qui est donné à des municipalités, il arrive des problèmes de ce genre. Encore une fois, vous signalez que ce n'est pas la municipalité de Sainte-Foy qui s'oppose, mais un groupe de citoyens et c'est même un groupe minoritaire. Si on peut se servir de cette tribune pour demander à ces gens, en minorité, qui n'acceptent pas les services d'une garderie dans leur milieu, alors que ce sont leurs enfants, leur milieu à eux, et que c'est bien chez eux, cela fait des situations d'un genre un peu cocasse, difficiles à accepter dans une société qu'on veut encore pluraliste.

Les efforts que fera le ministre pour tenter de trouver un nouveau local, si jamais cela devait en arriver là, je souhaite bien que cela débouche pour vous autres, mais peut-être qu'en attendant, si on vous a donné 60 jours, il y aurait moyen qu'on envoie parfois d'autres personnes qui sont de meilleurs vendeurs, même si on a déployé toutes nos énergies pour convaincre des familles, convaincre des milieux. On a déjà vu cela dans d'autres secteurs de travail. Je vous souhaite bien que cela puisse réussir. C'est à peu près tout ce qu'on peut faire ici, autour de cette table.

Le Président (M. Boucher): Merci.

M. Provencher (Jean): M. le Président, en terminant, j'aimerais simplement soulever un point qui me frappe en cette fin de journée de commission parlementaire. Nous avons eu l'occasion d'entendre différents mémoires. Il apparaît que l'avant-projet de loi, tel que conçu, regarde énormément vers l'avenir. Et nous, en fin de journée, nous sommes des gens en place. Nous venons vous dire que nous avons des problèmes. C'étaient, effectivement, dans le courant de la journée, des insertions très justes quant au nombre grandissant d'enfants qui ont besoin de garderies, de places, et également le nombre d'enfants qui va grandissant.

Ce que je voudrais simplement vous souligner, M. le ministre, c'est que notre problème — et je tiens à souligner que c'est un problème, on me le mentionnait au service des garderies — qui s'est produit, non pas par centaines, mais c'est quand même un problème assez particulier qui s'est retrouvé ailleurs en province et qui, à Sainte-Foy, se retrouve déjà en trois exemplaires.

Ce problème l'est pour une garderie existante. On parle de créer des places et on vous dit ce soir que nous allons peut-être en perdre 150 à Sainte-Foy, qui est une ville de la province de Québec. Nous n'avons pas de chiffres en main — peut-être que M. le ministre en a plus que nous — sur des cas qui, sans être exactement semblables, ont une portée à peu près pareille.

Je me demande si, dans une disposition que je n'ai pas en main, un texte de loi que je n'ai pas, un libellé que je n'ai pas conçu, on ne pourrait pas prévoir — et cela ne me semblerait pas un empiètement à ce moment-ci, des dispositions, dans

cette loi, pour ces garderies, et non pas dans un caractère général.

M. Lazure: Je peux vous dire, pour ne rien vous cacher, que je me suis mis une petite note à côté de l'article 91, au moins pour les garderies existantes. Cela rejoint votre idée. On va essayer de plaider. Je ne suis pas trop optimiste, mais je vous assure qu'on va essayer de plaider pour les garderies existantes. Il serait inutile d'essayer de plaider pour les garderies à venir. Mais pour les garderies existantes, on va essayer.

M. Provencher: Si vous le permettez, cet empiètement, effectivement, est un problème, je le conçois. Mais il faut également voir, dans tout règlement de zonage — j'en ai lu quelques-uns, m'étant occupé du dossier — que la garderie est difficile à définir. On peut la retrouver au niveau du commerce, des groupes commerces. Et c'est là qu'on la retrouve habituellement. Je pense que ce n'est pas correct. On ne peut la catégoriser institutionnelle, effectivement, parce que ce n'est pas une école comme telle. Mais ce n'est certes pas un commerce. Et c'est justement ce problème, face à la population, que nous avons rencontré dans une campagne. C'est pour cela que je précise que le ministère des Affaires sociales, je pense, en intervenant, ne fait pas d'empiètement. Les garderies qui relèvent de son ministère, je pense qu'on doit les expliquer aux villes, on doit le faire comprendre aux villes. Je pense que c'est un mandat que vous avez et c'est ce qu'on vous suggère, aujourd'hui, en insérant à l'article 91 les dispositions pour les garderies existantes.

M. Lazure: On va faire l'impossible. Je peux vous dire aussi que la recherche de locaux continue. On va explorer au peigne fin tout Sainte-Foy pour voir s'il n'est pas possible de vous relocaliser. Bonne chance.

Le Président (M. Boucher): Merci. Brièvement, s'il vous plaît.

M. Bonneau: Seulement un commentaire. Quant aux autres articles de l'avant-projet de loi touchant les services de garde en garderie, je pense que la Corporation Garderies Le Colombier Inc., qui est une corporation sans but lucratif dont le conseil d'administration est composé majoritairement de parents d'enfants fréquentant régulièrement notre garderie, ne les perçoit pas comme une menace, mais comme une transposition écrite de la réalité que la corporation vit actuellement. L'office et ses pouvoirs ne nous apparaissent pas comme une menace. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Bonneau, M. Rodrigue et M. Provencher, pour la présentation de votre mémoire au nom de tous les membres de la commission.

J'appellerais maintenant les professeurs du département de technique de garderie d'enfants du cégep de Saint-Jérôme.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je me suis hâtée pour les autres, ce n'est pas moi qui ai pris le temps de la commission. Enfin, on va commencer par ne pas perdre de temps, mais, à 18 h 15, il faut que je disparaisse.

Le Président (M. Boucher): Les membres de la commission sont d'accord pour prolonger après 18 heures?

Mme Lavoie-Roux: Pas plus tard que 18 h 15, ou je ne vous donne pas mon consentement.

Le Président (M. Boucher): D'accord. Merci.

M. Grenier: Si, à 18 h 15, on n'a pas terminé, je m'en vais.

Le Président (M. Boucher): Veuillez vous identifier et identifier les gens qui sont avec vous.

Professeurs du département de

technique de garderie du cégep

de Saint-Jérôme

M. Cantin (Gilles): Je m'appelle Gilles Cantin. Je suis professeur au cégep de Saint-Jérôme en technique de garderie. C'est un cours qui a pour objectif premier de former des éducateurs au niveau de la petite enfance, plus particulièrement dans les garderies. À ma gauche ici, il y a Yolande Lavigueur, qui est aussi enseignante au cégep de Saint-Jérôme, et Aline Hachey, à ma droite.

On nous laisse vingt minutes, si je comprends bien?

Le Président (M. Boucher): Si vous voulez aller aux conclusions le plus rapidement possible, en résumant votre mémoire, il y aura plus de temps pour les questions, étant donné que les membres de la commission sont d'accord pour prolonger après 18 heures, jusqu'à 18 h 15. Vous aurez plus de temps pour les questions, parce qu'il faut que vous compreniez que les mémoires ont été lus par tous les membres de la commission.

M. Cantin: Oui, je regrette un peu qu'on nous ait inscrits en dernier lieu. Je considère qu'on est quand même les perdants.

Le Président (M. Boucher): Non, mais il reste que votre mémoire sera inscrit au journal des Débats au complet... (Voir annexe)

M. Cantin: Je comprends qu'enfin, on a moins de temps que les autres, c'est un fait que je ne prendrai pas le temps...

Le Président (M. Boucher): Je comprends. Les membres de la commission sont au courant de tout le mémoire, étant donné qu'ils l'ont lu.

M. Cantin: Ils l'ont lu. D'accord. Pour nous introduire, actuellement au Québec — je ne sais

pas si les gens sont au courant — il existe quatre cégeps qui donnent le cours en technique de garderie. Nous sommes le seul cégep public francophone. Pardon?

Mme Lavoie-Roux: C'est incroyable!

M. Cantin: Oui. Notre métier, c'est de former des éducateurs en garderie de par notre formation et aussi de par ce que nous avons à faire avec nos étudiantes. On visite régulièrement des garderies un peu partout au Québec. Nous sommes allés dans les régions de Sherbrooke, Québec, Montréal, évidemment — c'est une région qu'on couvre beaucoup — l'Outaouais et les Laurentides. C'est un peu dans cet esprit, à la suite de tout ce qu'on a pu voir dans les différentes garderies, les contacts qu'on a régulièrement avec des gens des milieux, à la fois des parents, à la fois des travailleurs et même des enfants, qu'on s'est permis d'adresser ici, à la commission parlementaire, ce mémoire. Ce mémoire ne va pas dans les détails, dans les recommandations très précises, mais il dresse quand même les grandes lignes qui devraient, selon nous, guider le projet de loi et, éventuellement, la loi. Je vais y aller selon les points qui sont ici:

Premièrement, nous sommes pour un réseau de garde. Selon nous, c'est essentiel actuellement, au Québec, qui, soit dit en passant, est assez en retard sur les autres provinces, que le réseau de garde soit complété et perfectionné. Les besoins des parents dans ce sens se résument à deux points précis: L'accessibilité aux garderies et aussi la qualité du service de garde. Quand on parle d'accessibilité, c'est du point de vue du nombre de places. On considère qu'il faut à tout prix que ce nombre de places en garderie augmente. On considère que celui-ci, par rapport aux taux qui sont exigés dans les garderies actuellement, est un taux qui est élevé et qui diminue, selon nous, l'accessibilité aux garderies.

On parle aussi de la qualité qui est, selon nous, le deuxième besoin essentiel de la population, la qualité du réseau de garde. C'est dans ce sens qu'on se pose de sérieuses questions sur la garde en milieu familial. Selon nous, dans le projet de loi actuel, il n'y a rien qui garantit une qualité à ce type de garde. On n'est pas contre la formule de garde dans le milieu familial, résidentiel ou quel qu'il soit, mais par contre, de la façon dont c'est abordé dans la loi, il nous semble qu'il n'y a à peu près aucune garantie que cela va être un service de qualité, que ce soit au niveau de la supervision de ces milieux, que ce soit au niveau des ressources qui vont être disponibles aux gens qui vont travailler auprès de ces enfants et par rapport aussi au contrôle. C'est une notion qui, pour nous autres, est tout à fait fondamentale dans les garderies actuelles. C'est une originalité du Québec et je pense qu'il ne faut pas la perdre.

Les parents, de plus en plus, contrôlent véritablement leurs garderies et d'une façon efficace. Actuellement, dans l'avant-projet de loi, la notion du contrôle aux usagers tombe complètement dans tous les autres services de garde autres que les garderies traditionnelles. Pour nous, en tout cas, il est essentiel que ce soit conservé. De plus, on se prononce pour un financement direct aux garderies. Actuellement, c'est assez incroyable — il faut se promener dans les garderies pour voir cela — de voir les conditions dans lesquelles elles parviennent à survivre à certains moments. Jusqu'ici, toutes les mesures financières qui ont été apportées ont aidé, mais jamais pour obtenir un réseau de garde de qualité. Dans ce sens, les $2 qui sont amenés, on peut dire que c'est un pas. C'est la première fois que le gouvernement reconnaît un financement direct aux garderies, mais par contre, on peut se rappeler que cette demande a été faite, je crois, en 1974, par le regroupement des garderies. À l'époque, on demandait $2, mais le taux habituel d'une garderie était de $5 à $6. Maintenant, cela varie de $10 à $12.

Les $2, je pense qu'ils ne sont pas suffisants, sûrement pas. Je crois que j'ai résumé un peu le mémoire. Je regrette, en tout cas, que nous n'ayons pas eu le temps de le lire. Je pense que ma pensée n'est peut-être pas aussi cohérente que la manière dont il avait été écrit. On me signale un dernier point que j'ai oublié, par rapport à la formation, au type de formation donnée au cégep de Saint-Jérôme. Dans ce sens, on va se trouver à apporter un élément nouveau par rapport à ce qui a été amené par, je crois, l'Association des propriétaires de garderies à but lucratif ou quelque chose comme cela. Le type de formation que nous donnons a pour but de former des gens qui sont, d'une certaine façon, des animateurs communautaires. Nous formons nos étudiantes pour qu'elles soient aptes à travailler avec les parents parce qu'au cégep de Saint-Jérôme, nous reconnaissons que c'est une des qualités indispensables aux garderies actuellement au Québec et que nos étudiantes devront travailler avec les parents et non se substituer aux parents. C'est dans ce sens qu'on parle un peu d'animateurs, c'est-à-dire, qu'ils doivent avoir des qualités de travail au niveau des adultes en plus des qualités de travail au niveau des enfants. (18 heures)

Ce qui avait été avancé, je crois, dans un autre mémoire, ou enfin, une autre rencontre, c'est ceci: que le gouvernement restreigne l'expansion des garderies à but lucratif est une espèce d'atteinte aux droits individuels des étudiantes, notamment, qui suivent un cours de trois ans pour s'ouvrir une garderie. En tout cas, ce n'est pas du tout de cette façon que cela se vit chez nous. Nos étudiantes n'ont pas tellement le goût de partir à leur propre compte.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Cantin, pour votre collaboration. M. le ministre.

M. Lazure: Je vais me concentrer sur deux ou trois points. Je remercie le groupe de Saint-Jérôme d'être venu aujourd'hui nous présenter son mémoire. On connaît l'action du cégep de Saint-Jérôme, je la connais depuis un bon bout de temps, on la connaît aussi par l'intermédiaire de

Mme Gariépy qui est active dans le regroupement des garderies sans but lucratif, qui est enseignante chez vous. Cela me rassure que les gens que vous formez au cégep ne brûlent pas, en sortant, d'aller créer leur propre garderie à but lucratif. On va plutôt laisser de côté cette question pour revenir à la qualité en fonction de la garde familiale.

Je répète ce que j'ai dit tantôt au groupe de l'Université de Montréal, au cas où cela vous aurait échappé, et c'est une possibilité que j'évoque. Dans les modifications que nous apporterions au projet, on peut concevoir que l'agence qui va chapeauter, coordonner l'action de la garde familiale, en somme, que cette agence soit, sinon contrôlée, qu'elle ait, en tout cas, au moins obligatoirement un comité de parents qui aura recours à la garde familiale. On va regarder cette possibilité de faire l'équivalent, en somme, pour la garde familiale, de ce qu'on fait pour la garderie. Si je comprends bien, c'est un peu votre souhait, comme c'était le souhait de quelques autres groupes.

On convient que les $2 ne sont pas suffisants, mais je suis content de voir que vous reconnaissez que c'est un pas dans la bonne direction. J'ai une question concernant les stagiaires et, entre parenthèses, aussi, on a l'intention de discuter avec nos amis de l'Éducation de la possibilité d'étendre un peu — et là-dessus, j'aimerais avoir vos réactions — à moins que vous soyez d'avis contraire, mais il me semble, à prime abord, qu'il pourrait y avoir quelques autres cégeps au Québec, le Québec est tellement immense, géographiquement, qui dispenseraient cet enseignement en technique de garderie. Si vous êtes de cet avis, nous, nous avons bien l'intention d'en discuter avec le ministre de l'Éducation.

Quel est, à votre connaissance, non seulement chez vous, mais dans l'ensemble des quatre cégeps, le temps que l'étudiant consacre à des stages pratiques en garderies?

M. Cantin: Pour répondre à cette question indirectement, il y a trois stages pendant la formation qui dure trois ans. Le premier stage, d'une durée d'une session, consiste à environ 15 jours de journées complètes de sept heures passées en garderies; le deuxième est d'environ 30 jours et le troisième est de 45 jours. Si on fait un calcul rapide, cela fait 90 jours en tout. C'est un minimum, évidemment.

M. Lazure: C'est à temps complet durant ces jours-là?

M. Cantin: Oui, c'est sept heures.

M. Lazure: Avez-vous une ou quelques garderies attitrées pour ces stages?

M. Cantin: Vous voulez savoir si on va dans une seule garderie?

M. Lazure: Oui.

M. Cantin: Non, nous fréquentons — le chiffre est inscrit dans le mémoire — environ de 30 à 40 garderies différentes, d'un peu partout, par session.

Mme Hachey (Aline): Étant le seul cégep public francophone, on a, nécessairement, des étudiantes de partout dans le Québec. Au niveau du stage de troisième année, qui est un stage de bloc intensif, on a des étudiantes qui manifestent le désir de travailler chez elles pour être dans leur région. Ça marche, c'est d'accord, elles font leur stage là-bas et on va les superviser là-bas. On va à Sherbrooke, à Drummondville, à Québec; on est allé dans l'Outaouais aussi. Cela nous donne un éventail des besoins, au niveau de toute la province, qui est très précieux pour notre enseignement pratique.

M. Lazure: Vous avez Marie-Victorin, qui est un cégep privé, évidemment, qui a le même cours, n'est-ce pas?

Mme Hachey: Oui.

M. Lazure: Les deux autres, ce sont lesquels? Mme Hachey: Cap-Rouge et un en anglais. M. Lazure: Cap-Rouge et un anglophone. Mme Hachey: Vanier à Montréal.

M. Lazure: Vanier, oui. Je n'ai pas de question pour le moment, peut-être que je reviendrai.

Mme Lavigueur (Yolande): Vous nous... Le Président (M. Boucher): Oui, allez-y.

Mme Lavigueur: Vous nous avez demandé ce qu'on pensait d'étendre le cours à d'autres cégeps. C'est difficile d'être contre en ce sens qu'on a beaucoup de demandes d'admission qu'on est obligé de refuser, de personnes qui viennent de partout dans la province, étant donné qu'on est les seuls francophones à offrir le cours; évidemment, on voudrait... On est à travailler à un comité provincial pour le programme qui est encore expérimental et cela devrait être terminé et on voudrait être consulté d'une certaine façon avant que le cours ne s'étende ailleurs. On ne peut pas être contre cela.

M. Lazure: J'imagine que vous êtes d'avis que le cours doit cesser d'être expérimental et être reconnu d'une façon permanente. Nous, on le pense. Êtes-vous de cet avis?

Mme Lavigueur: Oui, aussi.

M. Cantin: Évidemment, parce que quand on dit "cours expérimental", il ne faut pas penser que c'est un laboratoire. C'est une formation qui se donne et qui est nettement satisfaisante. Les commentaires qu'on a eus des garderies — on a eu notre première série de finissantes l'année dernière — sont qu'elles sont très satisfaites. Elles n'ont pas eu de problème à se trouver d'emploi du tout.

M. Lazure: Combien de personnes graduent chez vous par année?

M. Cantin: On est contingenté, on a le droit d'accepter 33 étudiantes par année.

M. Lazure: Seulement 33!

M. Cantin: Oui. L'année dernière, il y en a eu 23 qui ont fini. Comparativement au nombre de places de garderies qui vont s'ouvrir prochainement, c'est nettement insuffisant.

Qu'on pense qu'au cégep, c'est sûr que si c'est le seul cours au Québec qui se donne et qui est spécialisé pour les enfants de 0 à 6 ans, en tout cas, actuellement, c'est insuffisant. C'est le seul cours strictement spécialisé pour cet âge, l'âge préscolaire, et pour le travail avec des groupes d'enfants de cet âge, ce qui est particulier aussi, et c'est nettement insuffisant. C'est bien sûr, cela va de soi.

Le Président (M. Boucher): Merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je veux vous remercier. Je n'ai pas tellement de questions et de commentaires, je pense que vous avez été ici une partie de la journée, vous y étiez peut-être avant aussi. Les questions que vous soulevez recoupent évidemment celles que particulièrement le regroupement des garderies est venu présenter ici. Je vous donne mon point de vue là-dessus, je ne veux pas revenir sur toute la discussion de la garde en milieu familial, je veux simplement vous assurer que nous ferons les efforts nécessaires pour que des balises soient mises. Il reste toujours ce danger que plusieurs ont évoqué, que l'équilibre s'en aille vers ce type de garde plutôt que la garde en garderie, quoique je ne l'écarte pas comme étant une réponse à des besoins dans des milieux spécifiques.

J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer assez longtemps un ou deux professeurs du cégep de Saint-Jérôme. J'aurais simplement quelques questions très courtes à vous poser. Est-ce que les gens qui sortent de votre école ou qui sont des diplômés trouvent tous de l'emploi immédiatement?

M. Cantin: Je peux répondre que, chez nos finissantes qui sont sorties en mai l'année dernière, on a fait un petit sondage au mois de septembre, parce qu'il y a deux garderies de la région qui avaient communiqué avec nous pour offrir des postes. Sur 23, on a rejoint 21 candidates et 19 étaient placées. Je pense que c'est très bon si on compare ceci avec d'autres options.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Pardon? Une voix: Placées dans des garderies? M. Cantin: Ah oui, dans des garderies.

Une voix: Déjà existantes.

Mme Lavoie-Roux: Maintenant, est-ce que beaucoup de demandes vous sont adressées pour du personnel?

M. Cantin: Oui, on en a régulièrement, depuis que le cours existe.

Mme Lavoie-Roux: Avez-vous l'impression qu'il y a vraiment surplus? Si on vous a contingentés, c'est qu'il devait y avoir à un moment donné un surplus?

M. Cantin: Je ne sais pas sur quoi on a pu se baser, pour établir qu'il y avait un surplus.

Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela que je vous demande d'une façon précise si vous avez...

M. Cantin: Là, enfin on parle pour notre cégep.

M. Lazure: II n'y avait pas de volonté politique d'avoir un réseau de garderies à l'époque, parce que cela remonte loin. Non, mais je suis sérieux, cela remonte à quoi, quatre ou cinq ans?

M. Cantin: Le cours existe à Saint-Jérôme depuis trois ans, c'est la quatrième année.

M. Lazure: Quatrième année. Alors, mettez une année ou deux pour la préparation du cours à l'intérieur du ministère. À l'époque, il y avait très peu de garderies et il n'y avait pas de plan pour en avoir tellement.

Mme Lavoie-Roux: II y a 16 000 places en garderies. Il y en avait 13 000 à ce moment-là. Il ne faut quand même pas dire que c'est la seule raison pour laquelle cela a été contingenté. Vous le dites vous-même, les 4000 places ne seront pas disponibles demain matin. Combien en avez-vous eu depuis le budget du mois d'avril?

M. Lazure: Depuis trois ans, c'est...

Mme Lavoie-Roux: Depuis le budget du mois d'avril.

M. Lazure: Depuis le budget du mois d'avril, combien de places?

Mme Lavoie-Roux: De nouvelles places? Il y a celles qui ont disparu aussi.

M. Lazure: Je ne peux pas vous le dire. Demain, si vous le voulez, je vous donnerai les chiffres.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Le ministre veut faire un peu de politique, mais la question, c'est qu'il faut savoir quand même pourquoi cela a été contingenté.

M. Lazure: Un tout petit peu. On gagne notre vie comme cela. C'est notre gagne-pain.

Mme La voie-Roux: Un tout petit peu.

M. Lazure: C'est votre "job". C'est ma "job".

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que Marie-Victorin a débuté avant vous autres? C'est cette école qui a pris l'initiative, n'est-ce pas?

M. Cantin: Oui, oui. Les deux cours au niveau privé ont débuté avant les cours privés...

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

M. Cantin: ... et ils ne sont pas contingentés.

Mme Lavoie-Roux: Ils ne sont pas contingentés?

M. Cantin: Non.

M. Lazure: Cela, c'est fort!

Mme Hachey: Marie-Victorin doit remonter au moins à sept années d'existence, alors que nous, c'est notre quatrième année.

Mme Lavoie-Roux: Je voulais seulement vérifier. C'est l'impression que j'avais qu'elle avait été à l'origine de tout cela.

Mme Hachey: Nos premières finissantes sont sorties l'an dernier.

Mme Lavoie-Roux: Oui, et elles sont toutes placées. Il n'y a pas de problème.

Mme Hachey: Ce sont toutes des nouvelles.

Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas demandé de faire lever le contingentement cette année?

M. Cantin: On est une équipe assez nouvelle. Le cours est à inventer ni plus ni moins dans le sens que, comme je le disais, au Québec, j'ai suivi un cours universitaire en préscolaire.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais avez-vous des relations avec Marie-Victorin pour l'établissement de...

M. Cantin: Oui, oui. Tous les cours... D'ailleurs, on a eu un télégramme d'appui qui provenait du comité de coordination provinciale ce matin et qui a été lu. On a des contacts avec les autres cégeps. Ce sont des sujets qui sont discutés.

Mme Lavoie-Roux: Des garçons s'inscrivent-ils à vos cours?

M. Cantin: Très peu.

Mme Lavoie-Roux: Combien sur 30? Vous en aviez 33 d'inscrits. Combien s'étaient inscrits?

M. Cantin: Peut-être une moyenne de un sur 30 environ.

Mme Lavoie-Roux: Combien? M. Cantin: Un sur 30.

Mme Lavoie-Roux: Un sur 30. Vous êtes un brave. Quel est le salaire de vos gens en sortant et comment se compare-t-il avec celui de tous les autres diplômés des techniques professionnelles?

M. Cantin: Actuellement, dans les garderies, c'est souvent le salaire minimum, ce qui est assez ridicule, si on pense que ces étudiants... Il faut qu'ils soient un peu missionnaires pour passer trois ans dans un cégep et arriver sur le marché du travail pour gagner le salaire minimum. Ils le savent. Ils s'y attendent. Il y a des places où c'est mieux payé, mais cela dépasse rarement $6 l'heure.

Mme Lavoie-Roux: Quelqu'un qui sortirait — sortirait est une mauvaise expression — qui terminerait ses études dans une autre technique professionnelle, à quel salaire débuterait-il?

M. Cantin: Je n'ai pas de chiffre exact, mais un éducateur spécialisé, c'est une profession qui touche l'éducation, combien peut-il gagner? Le ministre des Affaires sociales pourrait très bien nous répondre là-dessus.

M. Lazure: Oui. $7000 ou $8000, $8000 ou $9000 par année, sûrement un peu plus, sûrement plus que le technicien en garderie.

M. Cantin: Sûrement.

Mme Lavoie-Roux: II y en a qui m'ont parlé...

M. Cantin: Les conditions de travail ne sont pas les mêmes non plus, ils ont quand même des... Les travailleurs en garderie ne sont pas syndiqués. Il y a une seule garderie dans tout le Québec qui est syndiquée et qui n'a pas d'affiliation.

Mme Lavoie-Roux: On m'a parlé d'un écart possible de $100 par semaine pour des débutants, entre ceux qui vont dans le domaine des garderies et ceux qui iraient, par exemple, en éducation spécialisée. Je voulais vérifier cela. C'est la raison de ma question.

M. Cantin: C'est très possible. Mme Hachey: C'est fort possible. M. Cantin: C'est très plausible.

M. Lazure: Cela pourrait être un écart de $150 par semaine par rapport à $250 par semaine?

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

M. Lazure: C'est concevable. Je ne pense pas qu'en général, ce soit aussi fort que cela, mais ce serait au moins $50 d'écart.

Mme Lavoie-Roux: Et quand on connaît après cela la progression dans les échelles, cela se ressent pendant plusieurs années.

M. Lazure: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup et on va tenter de...

Le Président (M. Boucher): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je veux vous remercier de l'apport que vous nous donnez aujourd'hui et c'est bon de tomber sur des gens qui sont vraiment dans le secteur de l'éducation, de ce milieu proprement dit. Je pense que c'est le premier mémoire qu'on a de ce secteur. À Vanier et Cap-Rouge, combien sort-il de finissants à peu près par année? Vous avez donné les chiffres de Marie-Victorin, mais Vanier et Cap-Rouge, en avez-vous une idée?

M. Cantin: Le cégep Vanier est aussi contingenté, étant public. Pour Marie-Victorin et Cap-Rouge, je ne pourrais pas avancer de chiffres, mais je crois que c'est le double à peu près.

M. Grenier: Le double? Quand vous dites qu'un jeune homme sur 30 va chez vous, vous êtes saisi aussi de l'état de fait que, dans l'enseignement du primaire, il y a à peu près 90% de femmes aussi. Vous vous êtes penchés sur ce problème? (18 h 15)

Quelle conclusion tirez-vous de cela, à savoir qu'il y ait si peu d'hommes à l'âge de la jeune enfance et qu'on la prolonge au niveau du secondaire? Ce sont encore des femmes en très grand nombre qui sont autour des enfants. A-t-on tiré des conclusions dans votre milieu à ce sujet?

Mme Hachey: Je peux peut-être vous répondre.

M. Grenier: Oui.

Mme Hachey: Je pense que la pression sociale est, bien sûr, très forte sur nos étudiants et sur nos étudiantes, de toute façon, même dans le cadre du collège de Saint-Jérôme. Ce n'est pas très bien vu d'être en garderie. Pourquoi aller étudier trois ans pour s'occuper des enfants? C'est sûr que socialement, c'est mal compris qu'on doive étudier pour s'occuper des enfants. Cela devrait être naturel que toutes les femmes soient capables de s'occuper des enfants. Ce que, bien sûr, les gens oublient, c'est que de s'occuper d'un groupe d'enfants et de s'occuper de son enfant, c'est très différent; c'est un autre monde.

M. Grenier: ...

Mme Hachey: Je pense que la pression sociale est évidemment beaucoup plus forte sur les garçons dans le milieu familial. Un garçon qui est en garderie doit être assez solide dans ses convictions et dans son désir de travailler avec des petits enfants parce qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui comprennent ses aspirations.

M. Grenier: D'accord. Ce que vous dites là est certainement vrai, mais ce n'est pas aussi un peu parce que la psychologie féminine est beaucoup plus près des jeunes que la psychologie de l'homme? Vous ne vous êtes pas arrêtée à cela?

M. Cantin: Je peux peut-être...

Mme Lavoie-Roux: Moi qui pensais que vous pouviez remplacer votre femme auprès de vos enfants et que cela ne faisait pas de différence.

M. Grenier: Oui, je le fais régulièrement et j'ai beaucoup de succès.

Mme Lavoie-Roux: Bon!

M. Grenier: J'ai beaucoup de succès aussi. Mais je pose la question; je la pose. Je n'ai pas dit que j'étais convaincu de cela. Je pose la question.

M. Cantin: Je me sens un petit peu concerné qu'on parle de cela. Je crois qu'il y a beaucoup de préjugés autour de cela et qu'une mère n'a pas nécessairement de qualifications innées plus qu'un père peut en avoir. Parfois, j'ai quasiment vérifié le contraire.

M. Grenier: J'aimerais savoir s'il vous est arrivé de donner des cours parce qu'il existe quand même des garderies depuis bon nombre d'années. Est-ce que vous donnez des cours de recyclage aux personnes de ce milieu?

M. Cantin: Non. C'est quelque chose qui s'en vient. Dans notre région, il y a de plus en plus de demandes. C'est encore à l'état embryonnaire. Par rapport à la garde en milieu familial, quand on parle de manque de ressources qui ne sont pas prévues dans la loi, c'est une des choses qu'on croit absolument nécessaires pour les gens qui travailleraient dans ce type de garde.

M. Grenier: Pour une femme qui oeuvre dans ce milieu, est-ce qu'il y a un endroit de rafraîchissement où on retourne de temps en temps? Est-ce que cela existe dans l'un ou l'autre des organismes que vous avez mentionnés, par exemple à Marie-Victorin, Cap-Rouge ou Vanier, ou si cela n'existe pas?

M. Cantin: II y a très peu de choses qui existent en ce domaine; très peu.

M. Grenier: C'est surprenant.

Mme Hachey: Les besoins sont énormes. M. Grenier: Pardon?

Mme Lavigueur: II existe des cours du soir qui sont donnés au cégep Marie-Victorin, mais cela ne semblait pas être la formule qui répondait aux besoins des gens qui travaillent déjà de 7 heures jusqu'à 22 heures. Aller suivre des cours du soir, ce n'est pas...

M. Grenier: Non, ce n'est certainement pas la formule idéale.

Mme Lavigueur: Elle reste à trouver, cette nouvelle formule pour recycler les gens.

M. Grenier: C'est étrange.

Mme Lavigueur: Une formation en cours d'emploi, c'est à faire.

M. Grenier: Vous admettez avec nous que c'est joliment étrange après tant d'années qu'on n'ait pas encore pensé à recycler les gens du milieu!

Mme Lavigueur: Mais cela ne fait pas tant d'années.

M. Grenier: Non. Qu'il y ait des écoles, je suis d'accord avec vous.

Mme Lavigueur: Oui.

M. Grenier: Mais qu'il y ait des garderies, les garderies existent depuis bon nombre d'années, et qu'on n'ait pas pensé de trouver une formule pour cela...

Mme Hachey: Les garderies essaient de survivre. Alors, vous savez, elles vont à l'essentiel.

M. Grenier: Elles se préoccupent de l'essentiel. Le pain d'abord.

Mme Hachey: Oui, c'est cela. Si on peut avoir un peu de pain.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentants des professeurs du département de technique de garderie du cégep de Saint-Jérôme. La commission ajourne ses travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 19)

ANNEXE

Mémoire des professeurs du département de technique de garderie du cégep de Saint-Jérôme

Présenté en commission parlementaire

sur l'avant-projet de loi des services de garde à l'enfance

Ce 24 septembre 1979

Monsieur le président,

II existe au Québec un programme de niveau collégial dont l'objectif est de former des travailleurs de garderie compétents. Ce programme est récent et il se donne dans deux cégeps privés, un collège public anglophone et un seul cégep public francophone: le nôtre, le Collège de Saint-Jérôme. Nous sommes un département formé de sept personnes et nos antécédents, nos formations, nos âges et notre vécu sont très variés.

Nous avons tous des diplômes de compétence au niveau de la petite enfance, mais dans plusieurs champs de spécialisation différents. Tous, nous avons vécu avec des enfants comme personne ressource-animatrice responsable dans différents milieux de garde et, depuis que nous avons la responsabilité de former des travailleurs en garderie, nous avons vécu une immersion intensive dans le monde québécois des garderies.

Nous sommes en contact depuis quatre ans, d'une façon régulière, avec des garderies de l'Outaouais à Québec en passant par les Laurentides, Montréal et Sherbrooke. Nous avons supervisé deux-cent soixante-dix stagiaires qui ont vécu leur formation pratique dans des garderies aussi dynamiques et variées que leurs usagers à travers la Province.

Nous avons en commun la connaissance des jeunes enfants et l'espèce de conscience euphorique de travailler à l'essentiel, là où l'avenir commence. Pour nous, les personnes-clefs sont celles à qui la société confie les plus jeunes de ses enfants. Et il existe déjà des garderies où des personnes pleines de ressources se mettent au service des parents et en font bénéficier les enfants. Nous en sommes plus que témoins, nous avons tous vécu la réalité d'une garderie qui se met sur pied et veille à la qualité de sa vie et de sa pédagogie.

C'est pourquoi cette loi-cadre, qui veut régir tous les milieux de garde, nous intéresse et nous concerne au plus haut point.

Nous sommes convaincus que le tissu social québécois se fait de façon accélérée et originale et que le fil de chaîne doit composer de plus en plus avec les garderies. La société qui se repense et se recrée doit d'abord accepter que ses enfants évoluent en des milieux de garde différents et nouveaux. Ces micro-communautés réalistes, à l'image et au service de ceux qui les composent, ne peuvent toutefois pas s'organiser et fonctionner sans s'appuyer sur des ressources matérielles et des compétences pédagogiques concrètes et largement disponibles.

Une des ressources à laquelle nous croyons sans réserve, c'est celle du personnel que nous contribuons à former.

Ces personnes ont des connaissances, bien sûr, en ce qui a trait à l'organisation de la vie quotidienne, du cadre physique et des activités adaptées aux jeunes enfants, mais en plus elles ont développé une solide conscience sociale et un respect du droit du parent à orienter la vie, les valeurs et l'éducation de son enfant.

Nos étudiants sont aussi en contact étroit et évolutif avec l'ensemble de la réalité communautaire et politique du phénomène "garderie".

Nos travailleurs savent que l'enfant, en plus de sa réalité psychologique, est un personnage social qui a des liens et un passé qu'il importe de connaître et dont il faut tenir compte. Ils sont aussi responsables de l'adaptation de la famille à la situation nouvelle de fréquentation d'une garderie et à la prise en charge du milieu de garde par cette même famille. À l'expérience, nous avons pu vérifier que tout éducateur en service de garde, qu'il soit spécialisé ou non, doit s'appuyer sur des compétences et des ressources.

Toute politique gouvernementale allant à l'encontre de cette prémisse constitue un retour en arrière par rapport à un réseau qui serait un service allant de soi, auquel tout le monde participe et auquel tout le monde a droit.

Pour un réseau de garde:

Notre premier souci est de voir le réseau des services de garde prendre suffisamment d'ampleur Dour qu'il puisse répondre à tous les besoins de la population. Ces besoins se résument en deux points bien précis, soit l'accessibilité aux services de garde et la qualité de ces mêmes services.

Actuellement au Québec, le nombre de places en garderie est nettement insuffisant; 150 000 enfants dont les mères travaillent et 16 000 places en garderie. Ce n'est donc pas surprenant de voir des garderies dont la liste d'attente est deux ou trois fois plus considérable que la liste des enfants inscrits et fréquentant la garderie. C'est donc, d'une part, quant au nombre de places disponibles que l'accessibilité est gravement compromise. D'autre part, le coût actuel élevé que doivent défrayer les parents nuit considérablement à l'accessibilité de ces services. L'aspect du financement des services de garde est lui aussi intimement lié à la notion d'accessibilité.

L'autre besoin de la population a trait en la qualité du service de garde. Tous les spécialistes s'accordent à dire que les années de 0 à 6 ans sont de toute première importance dans le développement de l'enfant et peuvent être déterminantes sur l'ensemble d'une vie. Il va sans dire que les parents, dont les enfants vivront de longs moments de cette importante période en milieu de garderie, désirent s'assurer de la qualité du travail d'éducation qu'on réalisera auprès de leurs enfants. Dans ce sens, nous croyons que la qualité des services de garde passe inévitablement par le contrôle aux usagers.

Pour un service de qualité

En tant que pédagogues, nous désirons voir s'implanter au Québec un réseau de garde organisé et structuré, capable d'offrir un service de qualité aux parents et aux enfants.

En nous basant sur notre expérience, la formule des garderies semble offrir le service de qualité que nous préconisons. D'abord parce que ce modèle de garde est organisé, structuré et uniformisé de façon à assurer aux enfants une chance égale de se développer, de se socialiser et de s'épanouir. En plus depuis dix ans, les parents exercent en garderie leur pouvoir décisionnel sur l'ensemble des activités pédagogiques et administratives. Pour nous, un service de qualité doit s'organiser, se structurer avec des normes, des ratios, des exigences minimales définis par les parents-usagers.

Actuellement, nous ne trouvons pas que le projet de loi nous garantit un service de qualité. Particulièrement, la politique des agences de familles de garde semble très éloignée de nos exigences qualitatives.

D'abord l'agence n'offre aucun support technique et pédagogique à ces familles. Nous croyons qu'un travailleur isolé et sans aide deviendra vite épuisé et sans ressource dans cette tâche éducative. En outre, rien dans ce système de garde ne vérifie ou n'évalue la compétence de la personne responsable. Pour travailler avec des jeunes enfants, de groupes d'âges différents et pour leur fournir un programme d'activité favorisant leur développement social, affectif et physique, il faut posséder des connaissances pédagogiques de base et des qualités personnelles d'organisation et de stimulation. Nous ne voulons pas insinuer que tous les travailleurs en famille de garde doivent être diplômés en technique de

garderie. Par contre nous soulignons que ces personnes doivent posséder un minimum de qualités éducatives. Ceci afin d'éviter des abus comme des enfants "parqués" devant la télévision à la journée ou des bébés laissés sans stimulation durant des heures.

Dans un deuxième temps, le ratio des familles de garde nous semble trop élevé. Comment une personne seule peut s'occuper adéquatement de neuf enfants de 0 à 6 ans, préparer le repas du midi, voir à l'ordre et à la salubrité de sa maison, faire quelques tâches ménagères usuelles et fournir à la fois un programme d'activités adaptées à chacun des enfants???

On aurait tort de comparer la garde en milieu familial avec les grosses familles d'autrefois. Le premier enfant, d'une famille de neuf, a au moins neuf ans et il n'y a pas plus de trois enfants en couches en même temps. Les plus vieux non seulement se débrouillent seuls, mais ils prennent aussi soin des plus jeunes. Dans une famille de garde, on peut se retrouver avec quatre bébés de trois à 12 mois, trois enfants de 2 ans en couches et deux enfants de 5 ans. Quels soins une personne seule peut donner à des bébés tout en répondant aux besoins de stimulation intellectuelle et physique des plus vieux?

On se rappelle l'émoi du Québec à la naissance "des jumelles Dionne". Quelle tâche pour une mère!!! Cinq enfants du même âge!!! Or, dans les familles de garde, le gouvernement demande aux femmes d'accomplir la même tâche multipliée par deux. En nous basant sur notre connaissance du développement des enfants de 0 à 6 ans, des soins physiques et affectifs nécessaires à leur développement harmonieux, nous rejetons cette norme un adulte/neuf enfants et nous réclamons la norme un adulte/quatre enfants ou deux adultes pour neuf enfants.

En dernier lieu, nous croyons qu'un petit groupe de parents, peut-être surtout parce qu'il est petit et plus rapidement mobilisable et efficace, doit garder le contrôle de son service de garde. C'est l'exigence la plus légitime que les parents peuvent avoir, soit de conserver un droit de regard et un pouvoir d'intervention sur l'administration de leur service. Ainsi, ils choisissent l'éducation qu'ils souhaitent pour leurs jeunes enfants. Nous ne voyons rien dans le projet de loi qui assure ou même permet le contrôle des parents.

Ceci nous amène à rejeter la formule des agences comme inadéquate, ne garantissant aucunement une qualité de service pour nos enfants. Nous préconisons plutôt un réseau organisé et structuré de service de garde comprenant des garderies de dix enfants et plus, et des petites garderies de dix enfants et moins. Ainsi les parents pourraient se donner le service qui leur convient davantage selon leurs objectifs personnels, leurs lieux de résidence, les facteurs régionaux. Ils pourraient compter sur une même qualité de service dans les deux formules, car elles rencontrent les mêmes normes de qualité, de supervision et de ratio. Les services de garde ainsi uniformisés offriraient des garanties suffisantes, et l'ensemble du réseau resterait à l'image et aux besoins des usagers, ce qui constitue le meilleur outil d'éducation communautaire.

Toute autre formule nous semble discriminatoire et injuste pour les enfants, les parents et les travailleurs concernés.

Pour un contrôle aux usagers:

Dans un contexte éducatif, le contrôle aux usagers réclamé par les parents et travailleurs en garderie annonce la volonté d'une partie de la population de se rendre responsable des services de garde.

Aucun gouvernement n'a d'autre volonté que d'accepter que des citoyens s'impliquent aussi positivement dans la mise en oeuvre et la continuité d'un service.

Dans tous les secteurs des Affaires sociales, on recherche le ou les moyens qui feront de l'utilisateur d'un service un participant à part entière. Toute la politique de contribution financière du parent, dans les cas de placements d'enfants handicapés physiques, psycho-social ou autres, en est une preuve. Hélas, la contribution parentale se limite trop souvent à cet apport financier. Les fonctionnaires recherchent encore les moyens de faire participer plus activement les parents à la vie sociale et affective de leurs enfants.

Ce contrôle aux usagers, source de tant de discussions, vu dans une perspective d'évolution des mentalités, de changements sociaux et économiques, marque la volonté des parents de conserver un pouvoir d'intervention collectif et décisionnel sur la vie quotidienne de ce monde relativement nouveau, que se trouve être la garderie.

Selon la définition de la loi des services de santé et des services sociaux, les garderies ont un statut d'établissement des affaires sociales.

Bientôt les garderies et autres services de garde seront régis par la loi des services de garde à l'enfance. Cette nouvelle loi régira comme clientèle la future population adulte du Québec.

Ceux qui réclament des services de garde ne les réclament pas pour une clientèle catégorisée. Ils ne réclament pas de centres d'accueil ou des familles d'accueil. Ils réclament des services de garde où parents et travailleurs administreront selon leurs objectifs, ce centre de vie qu'est la garderie.

Le contrôle aux usagers, dans le cas des services de garde, est une requête en capacité d'agir de la population: "Nous sommes actifs, adultes en pleine possession de nos moyens. Nous sommes en mesure de nous administrer pédagogiquement et financièrement. Faites-nous confiance." Voilà, ce qu'ils réclament.

Ils ne demandent qu'un soutien social et financier.

Social: — respecter leur droit à l'autodétermination, en termes de vie pédagogique et administrative. — obliger les intervenants concernés, surtout ceux qui nuisent à l'évolution d'une société par leur trop grand conservatisme et leur manque d'esprit social, à mettre leurs moyens à la disposition des services de garde.

Financier: — soutenir par un financement direct les services de garde, car les parents ont atteint leur capacité maximale à payer. Les malaises économiques d'une société et l'évolution sociale d'une population doivent être supportés par elle.

Depuis dix ans, dans les garderies, l'éducation communautaire a fait ses preuves. Les parents participent activement à la vie administrative et pédagogique de leur service de garde.

Faites en sorte que cette participation, tant recherchée dans d'autres secteurs des affaires sociales, demeure.

Pour un financement direct:

Depuis 1970, les instances décisionnelles du gouvernement, Conseil des ministres et Conseil du trésor, n'ont jamais acquiescé à la demande des garderies de se voir accorder un financement direct.

Pourtant, on dit que le budget des services de garde a plus que triplé en trois ans: on annonce que l'échelle d'aide financière a été indexée à 17% (précisons que ce n'est que dans un seul cas), que des budgets supplémentaires sont accordés pour l'implantation de garderies...

Mais que faites-vous pour améliorer la situation des garderies existantes, celles qui sont aux prises avec la hausse du coût de la vie, avec le fait que les parents paient à l'heure actuelle une cotisation maximale? En effet, deux conjoints aux salaires totalisant $16 000 brut par année, avec un enfant, ne reçoivent aucune aide financière. Il leur en coûte en frais de garde $50 par semaine, $200 par mois pour un total de $2 600 annuellement. Que faites-vous pour eux???

En 1974, la revendication de financement direct des garderies, se situait à $2 par jour/enfant.

En 1979, le ministre, M. Denis Lazure, dans son mémoire financier présenté au Conseil des ministres, s'est vu refuser une demande d'aide financière directe aux garderies de $2 jour/enfant; ceci cinq ans plus tard.

Nous ne pouvons que vous confirmer le besoin d'aide financière directe réclamée par les garderies.

Nos visites régulières dans le milieu, nos recherches et réflexions sur l'organisation administrative et financière des garderies aboutissent aux conclusions de ces dernières: l'état doit assumer sa responsabilité sociale face à la société enfantine par une aide financière directe aux garderies.

La responsabilité d'administrer ces fonds revient aux parents. Ensemble, ils déterminent le cadre de vie où ils veulent voir évoluer leurs enfants. Ensemble, ils déterminent les objectifs pédagogiques minimaux. Ensemble, ils décideront des postes budgétaires où ils affecteront les revenus de la garderie et ce, selon leurs priorités.

Comme pédagogues, nous reconnaissons le droit de tous les enfants à un service de garde de qualité.

Pour ce, nous réclamons: — un réseau de services de garde de qualité uniformisée; — accessible en place disponible et en capacité à payer; — financé directement par l'État; — contrôlé par les parents et travailleurs usagers.

Nos recommandations s'inspirent uniquement de cette recherche à un mieux-être pour l'enfant.

Nous ne pouvons endosser un projet de loi en matière de services de garde qui ne précise pas la politique sociale mise de l'avant par le gouvernement.

Une trop grande place pour la législation, comme c'est le cas à l'heure actuelle, laisse prévoir une politique qui s'inspire du moment présent. Les temps à venir doivent aussi pouvoir compter sur un cadre organisationnel.

On doit assurer à l'enfant une qualité de vie qui s'inscrit dans une politique globale de respect.

Une "société" se doit de donner à l'enfant le meilleur d'elle-même.

Nous demeurons vôtres,

LES PROFESSEURS DU DÉPARTEMENT DE TECHNIQUE DE GARDERIE DU CÉGEP DE SAINT-JÉRÔME

Gilles Cantin, Camille Gariépy, Geneviève Rowstorowska, Aline Hachey, Yolande Lavigueur, Ginette Bertrand, Rachel Guénette.

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