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Question avec débat
(Dix heures huit minutes)
La Présidente (Mme Cuerrier): À l'ordre, madame et
messieurs!
La commission permanente des affaires sociales se réunit ce matin
pour discuter de la question avec débat de Mme la députée
de L'Acadie concernant le maintien des services essentiels au cours des
arrêts de travail dans le secteur des affaires sociales.
Il est bien entendu que nous sommes assujettis à l'article 162A
du règlement.
J'aimerais rappeler, avant que nous ne débutions, que le droit de
parole de Mme la députée de L'Acadie et de M. le ministre des
Affaires sociales sont des droits de parole privilégiés, mais
qu'ils ne sont pas exclusifs.
Mme la députée de L'Acadie, vous avez droit à 20
minutes pour la première intervention.
Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi, Mme la Présidente. Est-ce
que c'est vraiment 20 minutes?
La Présidente (Mme Cuerrier): Non, ce n'est pas
statique...
Mme Lavoie-Roux: Vous n'êtes pas assez souple. Des fois, 25
minutes...
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, sûrement. Mme
Lavoie-Roux: Oui, d'accord.
La Présidente (Mme Cuerrier): Voulez-vous dire que vous
voulez dépasser les 20 minutes?
Mme Lavoie-Roux: Oui, peut-être.
La Présidente (Mme Cuerrier): Là, il faudra le
consentement de la commission.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre a droit aux
premiers 20 minutes d'intervention aussi, quant à la première
intervention. Mme la députée de L'Acadie.
Exposé du sujet Mme Thérèse
Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, Mme la Présidente. Je suis
heureuse que les règlements de l'Assemblée nationale nous donnent
cette occasion de discuter de ce problème crucial qui est le maintien
des services essentiels lors de conflits dans les centres hospitaliers.
Nous avions convoqué le ministre du Travail et, après
entente avec le leader du gouvernement, j'ai fort bien accepté...
D'ailleurs, ce fut par oubli, et je m'en excuse, que le nom du ministre des
Affaires sociales n'a pas été ajouté. Mais, par contre,
j'ai dit au leader du gouvernement que je tenais vraiment, si le ministre du
Travail ne pouvait assister à cette réunion, que ceci ne serve
pas de prétexte pour ne pas répondre à des questions qui
seraient peut-être plus du ressort du ministre du Travail. Mais, à
tout événement, l'objet de ce débat ou de cette question
avec débat ne veut pas porter sur les négociations ou
l'état des négociations. Je pense que ceci pourra faire l'objet
d'un autre débat. Je pense même que l'Union Nationale l'a
peut-être prévu pour la semaine prochaine.
Nous voulons vraiment nous en tenir plus strictement à l'examen
du maintien des services de santé lors des conflits qui ont eu lieu au
printemps, particulièrement dans les hôpitaux de la région
de Québec. Notre objectif est vraiment de savoir si, à cette
occasion ou à ces occasions, la protection et la sécurité
de la population ont été assurées comme elles doivent
l'être dans une société civilisée.
Nous avons entendu, pas plus tard qu'hier ou avant-hier peut-être,
le premier ministre s'insurger, et à bon droit, du fait que certains
bénéficiaires de la Commission des accidents du travail ne
pourraient percevoir leur chèque ou leur indemnité. Je pense que
la question se pose d'une façon encore plus cruciale quand il s'agit de
problèmes qui peuvent mettre en question la vie même des
citoyens.
Je voudrais immédiatement attaquer le fonds du sujet
lui-même. Comme on le sait, l'article 99i du Code du travail, qui avait
été adopté par la loi 59 apportant ces modifications au
Code du travail, prévoyait la création d'un conseil sur le
maintien des services de santé et des services sociaux dans les
établissements du réseau des affaires sociales. Le mandat
principal confié par le législateur à ce conseil
était d'informer le public en ce qui concerne le maintien des services
essentiels à l'occasion des conflits de travail. La nature de son mandat
de même que les moyens dont il dispose pour s'acquitter de ce défi
font du conseil ou devraient faire du conseil qu'il constitue la meilleure
garantie qui soit que les services essentiels seront assurés à la
population. Le conseil, il faut le dire, ne dispose d'aucun pouvoir pour
obliger les parties à dispenser des services de santé et des
services sociaux. Toutefois, l'appréciation qu'il fait des situations de
conflit et le rapport public qu'il doit produire à leur sujet ne peuvent
qu'être déterminants en ce qui concerne les décisions
gouvernementales, à savoir de suspendre ou non l'exercice du droit de
grève qui est prévu au Code du travail et qui a été
adopté au moment de l'adoption de la loi 59 qui venait modifier le Code
du travail. Il s'agit de la suspension du droit de grève pour une
durée de trente jours. D'ailleurs, un télégramme que le
ministre des Affaires sociales adressait au président du conseil pour le
maintien des services essentiels le 31 mai dernier disait: "Votre information
peut déterminer les prochains actes à poser pour le
gouvernement". J'imagine qu'il pouvait à ce mo-
ment faire allusion à cette possibilité d'exercer ce
pouvoir de suspendre le droit de grève pour une période de trente
jours.
Malheureusement, depuis sa création, le Conseil sur le maintien
des services de santé et des services sociaux, à notre point de
vue, ne s'est pas acquitté de son mandat. Le gouvernement ne semble rien
faire, et, à notre connaissance, n'a posé aucun geste concret
pour redresser la situation.
Le conseil ne satisfait pas à son mandat pour trois raisons
principales:
I Les rapports publics du conseil sont faits avec trop de retard pour
qu'ils soient de quelque utilité.
II Les rapports faits par le conseil sont incomplets.
III Les rapports faits par le conseil ne reflètent pas
fidèlement la teneur des observations faites à l'occasion des
conflits de travail, observations qui sont faites par des experts qui doivent
aller sur les lieux et rendre compte de la situation.
Que les rapports du conseil soient produits trop tardivement,
rappelons-nous que c'est autour du 28 mars 1979 que débutèrent
les débrayages des infirmières membres du Cartel des organismes
professionnels de la santé, dont fait partie la Fédération
des syndicats professionnels des infirmiers et infirmières du
Québec et que la population nous a sans doute entendus appeler le SPIIQ.
Au mois de juin 1979, les 13 000 membres de la Fédération des
syndicats professionnels des infirmiers et infirmières du Québec,
répartis dans quelque 144 établissements, avaient
déjà effectué environ 160 000 jours de grève. (10 h
15)
II est pour le moins surprenant de constater que c'est après plus
de deux mois et demi de conflit de travail que le Conseil sur le maintien des
services de santé s'est décidé à procéder
à la nomination d'experts afin d'évaluer l'impact des
arrêts de travail, eu égard au maintien des services essentiels en
particulier. C'est en effet autour des 12 et 14 juin 1979, alors que le premier
débrayage avait eu lieu le 28 mars, que le conseil a
procédé à la nomination de sept experts chargés de
lui faire rapport sur la situation prévalant dans autant
d'hôpitaux.
À noter ici que, contrairement au conseil, les experts
désignés par ce dernier se sont acquittés de leur mandat
avec beaucoup de célérité. En effet, les experts ont, en
moyenne, réussi à produire leur rapport au Conseil pour le
maintien des services essentiels dans les quatre jours qui ont suivi leur
nomination. Enfin, on constate qu'il s'est par la suite écoulé en
moyenne 26 jours supplémentaires entre la date de remise des rapports
des experts au conseil et l'information publique qu'a diffusée ce
dernier à la suite de ces rapports.
Ainsi, et malgré le fait que les expertises elles-mêmes
n'aient pris que quatre jours pour être complétées, il aura
fallu attendre environ trois mois pour que le conseil informe la population de
la situation qui avait prévalu dans sept établissements du
réseau des affaires sociales.
Il est bien évident qu'une information publique aussi tardive est
pratiquement inutile. En fait, les travaux du conseil dans un tel contexte ne
sont plus d'aucun secours pour le gouvernement qui, dès le début
d'un conflit de travail, doit décider s'il doit suspendre ou non
l'exercice du droit de grève. De plus, ces travaux ne peuvent pas servir
au public pour apprécier la qualité des interventions
gouvernementales en ce qui concerne la protection de la santé et de la
sécurité de la population.
Deuxièmement, les rapports publiés par le conseil sont
incomplets. Il importe de préciser que c'est par rapport aux besoins de
la population. C'est pour deux raisons que ces rapports nous apparaissent
incomplets. La première, c'est que c'est par rapport aux besoins de la
population en général et non pas par rapport aux gens qui,
à un moment donné, séjournent dans un établissement
de santé ou de services sociaux que l'on doit apprécier la notion
de services essentiels. En fait, lorsque l'on parle de services essentiels, il
faut à la fois considérer le cas de gens qui sont dans un
établissement, qu'on appelle les bénéficiaires, et le cas
de personnes qui ne peuvent pas avoir accès à des services de
santé ou à des services sociaux à cause d'une diminution
des activités dans les établissements.
Fort de ce qui précède, il est troublant de constater,
à la lecture des communiqués du Conseil sur le maintien des
services de santé, que l'on ne se soucie que des
bénéficiaires, c'est-à-dire des gens qui sont en
établissement lorsque l'on informe la population sur les situations qui
existent à l'occasion de ces conflits.
À notre connaissance, aucun communiqué de quelque nature
que ce soit émanant du Conseil sur le maintien des services de
santé et des services sociaux ne fait la moindre allusion au sort
réservé aux gens qui se sont vu refuser l'accès à
un établissement de santé ou de services sociaux. Et on sait, Mme
la Présidente, qu'ils sont fort nombreux. Un tel comportement de la part
du Conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux
a comme conséquence qu'aujourd'hui, comme auparavant, la population se
retrouve sans information concernant la situation qui prévaut
réellement en matière de maintien des services essentiels dans la
population en général, les rapports du conseil ne se limitant
qu'aux gens qui séjournent dans un établissement.
Deuxièmement, les rapports du conseil sont, d'autre part,
incomplets, en ce sens que, depuis le début des débrayages au
mois de mars 1979, le conseil n'a pas cru opportun de faire plus de treize
expertises dont le résultat de sept seulement a fait l'objet d'un
communiqué de la part du conseil à ce jour. Il est bien
évident qu'on ne saurait exiger que des expertises soient faites dans
tous les conflits de travail au cours des présentes négociations.
Toutefois, il semble que le conseil aurait pu se donner la peine de faire des
évaluations complètes des différentes situations
vécues au cours des conflits de travail dans un plus grand nombre de
cas. La
rapidité avec laquelle les experts se sont acquittés de
leur mandat là où on a fait appel à leurs services aurait
dû inciter le conseil à multiplier les expériences.
Certes, on pourra toujours nous dire que l'information du public par le
conseil peut être faite sans que ce dernier ne recoure
systématiquement à des expertises. Nous sommes d'accord en
théorie avec cette affirmation. Toutefois, jusqu'à ce jour,
lorsque le conseil a informé le public sans avoir recours à des
expertises, il s'est contenté de rapporter la version patronale, de
même que la version syndicale sans lui-même porter de jugement sur
la situation de fait. On admettra que, dans une telle perspective, le public ne
puisse être satisfait de la qualité de l'information qu'on lui
fournit.
Troisièmement, les rapports faits par le conseil ne
reflètent pas fidèlement la teneur des observations faites
à l'occasion des expertises. De la lecture des communiqués
émis par le conseil suite aux différentes expertises qu'il a fait
faire se dégage une impression générale, à savoir
que les services essentiels ont été assurés au cours des
conflits de travail que nous avons connus entre le mois de mars et le mois de
juin 1979.
Pourtant, lorsque l'on fait la lecture intégrale des expertises
qui ont été remises au conseil, nous croyons qu'il en fut
autrement. Nous reproduisons, en annexe du présent document, le texte
intégral des sept communiqués émis par le Conseil sur le
maintien des services de santé et des services sociaux, au début
d'octobre de même que les différentes expertises qu'avait faites
le conseil.
Je me contenterai, dans les minutes qui suivent, d'exposer
brièvement la teneur du communiqué émis par le conseil et
de mettre en relief certaines constatations de faits relevées par les
experts et produites dans le rapport au conseil.
Premièrement, l'hôpital Laval de Québec. Le
communiqué du conseil sur le maintien des services essentiels se lit
comme suit: II y a eu une certaine exagération en sonnant l'alarme
dès le 28 mai à l'hôpital Laval de Québec,
l'allongement de la liste d'attente, surtout en cardiologie, étant
"principalement" due à une contamination du bloc opératoire.
Déjà, quand on regarde le rapport des experts, il ne s'agit pas
du terme "principalement", mais du terme "partiellement". Enfin, c'est
peut-être un détail, mais là où je pense ça
devient important, c'est lorsque le conseil dit: "Depuis le début du
conflit, aucun bénéficiaire nécessitant une intervention
cardiaque d'urgence n'a été privé de soins
adéquats". Il s'agit là de la seule mention directe et
précise du maintien des services essentiels.
Pourtant, lorsque l'on regarde le rapport de l'expert, on peut lire
Mme la Présidente, j'ai ici un texte beaucoup plus
développé, l'information y est au complet, mais, compte tenu du
temps, je dois quand même me limiter à sortir certains extraits:
"D'autre part, en date du 14 juin, il reste encore quinze malades atteints
d'une pathologie cardiaque très grave et qui devraient normalement
être opérés rapidement. Tous ces malades étaient
inscrits sur les listes d'attente depuis déjà quelque temps lors
de la première intervention des médecins, en date du 22 mai. On
peut donc dire qu'à peu près tous ont attendu maintenant un mois
pour une intervention qu'ils auraient normalement dû avoir en dedans de
deux semaines. Parmi ces malades, on compte trois cas de maladies je
passe les détails qui sont peut-être d'ordre plus médical
II faut réaliser que les malades atteints d'une sténose
aortique sévère symptomatique pour lesquels une intervention
chirurgicale a été décidée après
étude du cas sont des malades sujets à la mort subite. Par
ailleurs, les malades souffrant d'angine sévère et
nécessitant un triple pontage sont des candidats à un infarctus
aigu du myocarde qui peut être fatal ou compromettre la chirurgie. "Pour
ces 14 malades cardiaques bénéficiaires et ayant droit à
des soins de qualité dans des délais raisonnables, on peut
affirmer de façon catégorique que le délai d'un mois et
plus dans certains cas leur est préjudiciable et qu'ils sont inutilement
exposés à un risque de mort subite ou de
détérioration grave de leur état. Un des malades
décédé en attente d'opération et auquel les
médecins se sont référés dans leur lettre du 22
mai, témoigne de la gravité des délais. "Il s'agit d'un
patient de 71 ans qui avait reçu son congé de l'hôpital
Laval, souffrant d'une angine sévère et chez qui il y avait
obstruction complète du tronc commun comme des artères
coronaires. Comme le malade présentait également une pathologie
des artères carotidiennes, on a décidé de le
transférer à l'hôpital de l'Enfant-Jésus afin qu'il
puisse subir une angiographie, un test technique spécial qui ne se
faisait pas à l'hôpital Laval. Comme il y a eu grève
à la fin de mars à l'Hôpital de L'Enfant-Jésus, on a
réduit le pourcentage d'occupation à 60% dans cette institution
et on n'a pas trouvé de place pour hospitaliser ce monsieur de 71 ans et
procéder à son angiographie, procédure jugée sans
doute sélective Remarquez bien que c'est toujours l'expert qui
parle Quelques jours plus tard, soit au début d'avril, le patient
décédait subitement d'une crise cardiaque. Ce malade serait
peut-être décédé de toute façon de l'une ou
l'autre de ses multiples pathologies. Il n'en reste pas moins que si les
diverses interventions médicochirurgicales avaient pu être faites
dans les délais normaux, il aurait alors très probablement pu
survivre puisque le résultat de la chirurgie pour l'occlusion
complète du tronc commun est, en général, assez bon."
Un peu plus loin, l'expert parle de problèmes particuliers en
pneumologie. "Les problèmes de pneumologie sont assez semblables
à ceux de cardiologie. Les pneumologues et chirurgiens thoraciques ont
en attente 33 malades porteurs d'un cancer du poumon prouvé ou fortement
soupçonné. Par ailleurs, il y a dans l'hôpital neuf malades
qui sont prêts à être opérés pour cette
même affection, mais qui sont constamment remis de jour en jour et n'ont
pu être traités adéqua-
tement. Le degré d'urgence dans l'intervention
médicochirurgicale pour les malades atteints d'un cancer du poumon est
tout à fait relatif. Le médecin doit déterminer si un
malade est un candidat à la chirurgie ou non. Pour ceux qui
malheureusement ne peuvent pas être opérés, le délai
à recevoir un traitement quelconque, soit de radiothérapie ou
chimiothérapie, leur cause un certain préjudice, mais il ne met
pas leur vie en danger. Ces malades peuvent attendre de quatre à six
semaines sans que raisonnablement on puisse affirmer que leur vie sera
abrégée de façon significative. Bien entendu, s'ils sont
souffrants ou très symptomatiques, ce délai devient alors
inacceptable. Par ailleurs, les malades qui sont prêts à
être opérés ou qui sont en attente à
l'extérieur et qui seraient opérables voient leurs chances de
survie diminuées il s'agit de nos malades à
l'extérieur s'ils ne sont pas traités rapidement. "Comme
en chirurgie cardiaque, on peut donc dire que, pour une chirurgie thoracique,
un malade qui est privé de soins chirurgicaux pour quatre semaines ou
plus après le diagnostic de son cancer du poumon subit un
préjudice grave, qui met sa vie en danger, s'il se fait un essaimage
à distance pendant ce laps de temps. Il s'agit donc, encore ici, des
bénéficiaires qui ont le droit de recevoir des soins de
qualité et qui en sont privés depuis une période de temps
telle que leur survie est en danger". C'est l'expert qui parle. "Tout comme en
cardiologie on craint l'arrivée des vacances qui ne permettrait pas
alors de traiter rapidement tous ces malades qui s'accumulent sur les listes
d'attente".
Les conclusions de ce rapport d'experts. "Par ailleurs, 25 jours plus
tard, soit le 15 juin, on constate que la situation a pu évoluer et
qu'il reste encore 14 malades cardiaques graves et une dizaine de patients
pulmonaires graves qui n'ont pas reçu les soins auxquels ils avaient
droit. Il ne fait pas de doute que ces délais sont beaucoup trop longs
et qu'ils risquent d'être préjudiciables aux malades. Certains
d'entre eux pourraient décéder faute de soins, tandis que
d'autres pourraient voir leur état se détériorer de
façon grave et permanente".
Dans le cas du centre hospitalier de l'Université Laval, on peut
lire, dans le communiqué émis par le conseil, et je cite: "Les
bénéficiaires hospitaliers ont reçu les soins et
traitements requis pour leur état".
J'ai les détails ici, mais, pour raccourcir, on parle des
services à l'unité néonatale, services essentiels qui sont
rendus à l'unité néonatale de l'hôpital
universitaire de l'Université Laval." Ils sont donnés pour douze
lits sur une capacité de seize lits. Depuis le début du conflit,
quinze malades ont dû être transférés, soit à
l'hôpital Sainte-Justice ou au CHUS avec, dans certains cas, des
inconvénients importants pour ces malades. "Un certain nombre de cas
très urgents ont dû être transférés dans
d'autres hôpitaux, à savoir trois cas d'infarctus et un cas
d'appendicite aiguë. Cette donnée nous vient du directeur des
services professionnels. Nous avons fortement souligné aux
autorités de l'hôpital et à la partie syndicale qu'il
s'agissait là d'une violation flagrante des services essentiels, tels
que prévus au Code du travail. "Une appréciation rapide des faits
nous permet de conclure que le fonctionnement de l'unité
néonatale est insuffisant. La réduction de seize à douze
lits est injustifiable au regard du maintien des services essentiels.
Même en temps normal, ce nombre de lits ouverts apparaîtrait tout
à fait insuffisant puisqu'il y a une demande de porter ce chiffre
à trente lits depuis plusieurs mois".
Un peu plus loin, on parle du retard dans l'admission des patients.
"Seulement en chirurgie adulte et pédiatrique, on estime que les cas
dits sélectifs sont d'environ 245. Quant aux cas urgents, ils seraient
d'environ 44. De ces 44 cas urgents en chirurgie, neuf patients pourraient
mourir ou avoir une complication mortelle à brève
échéance". Je cite toujours cette fois l'expert du centre
hospitalier de l'Université Laval.
Un troisième hôpital, l'hôpital Christ-Roi. Je lis le
communiqué du conseil sur les services essentiels: "Les services
essentiels ont été assurés et aucun
bénéficiaire n'a manqué de soins à
l'hôpital". Je voudrais simplement citer que l'expert qui est allé
là a bien indiqué: "Quant à la suffisance de l'entente en
matière de services essentiels, bien que celle-ci soit
déterminante selon le Code du travail, elle semble de nature à
permettre à l'hôpital d'en arriver à faire face
actuellement aux situations urgentes qui s'y présentent. Toutefois, cet
aspect ne saurait s'envisager isolément sans tenir compte de
l'évolution de la situation sur un plan régional plus vaste."
Comme on vient de le voir, l'expertise se limite à ce qui s'est
passé le 13 juin et l'expert soulève des questions
sérieuses, à savoir si on peut vraiment dire que les services
sont assurés si on n'a pas tenu compte de l'évolution de la
situation sur un plan régional. (10 h 30)
Si je passe à l'hôpital Jean-Talon de Montréal, le
conseil dit: "En aucun moment les bénéficiaires
hospitalisés à l'hôpital Jean-Talon à
Montréal n'ont été en danger immédiat durant la
grève. Pourtant, en conclusion de son expertise, l'expert nous dit:
"Pour ce qui est de l'application réaliste de la partie de la loi qui
touche au maintien des services essentiels, la vision d'un seul cas ne me
permet pas de me prononcer. Il appartient, cependant, au conseil de se poser de
sérieuses questions." C'est deux jours plus tard cette
fois-là, le conseil a agi avec beaucoup de célérité
qu'il nous donne ce communiqué où il dit que personne
n'est en danger. Mais on pourrait se demander si, après deux jours, on a
pu vraiment répondre d'une façon sérieuse aux questions
que se posait l'expert lui-même.
L'Hôtel-Dieu de Québec. Le conseil nous dit: "La
qualité des soins aux patients hospitalisés n'a pas
été affectée, de l'avis même de la direction de
l'hôpital." Pourtant, l'expert rapporte ceci: "Malgré certaines
affirmations contradictoires sur le sujet, il semble assez correct d'affirmer
qu'avec un
taux d'occupation de 50% l'Hôtel-Dieu de Québec a
été en mesure de dispenser des soins adéquats à ses
patients hospitalisés pendant la grève en autant que les
conditions suivantes étaient remplies: 1 - les débrayages ne
dépassaient pas trois jours et demi; 2- ces débrayages
n'étaient pas trop rapprochés; 3- les cadres étaient en
mesure de travailler au moins douze heures; 4- les infirmières
syndiquées étaient disponibles pour ajouter du personnel
additionnel sur demande dans les cas urgents. "Il est évident que,
lorsque l'une ou l'autre de ces conditions n'était pas observée
ou encore lorsque le taux d'occupation était trop élevé,
la qualité des soins pouvait affecter la sécurité des
patients hospitalisés. Heureusement, exception faite de la mi-mai alors
que le taux d'occupation était de l'ordre de 90%, l'ensemble des
conditions étaient généralement remplies. '
II semble bien qu'il fut une période où elles
n'étaient pas remplies. Le rapport de l'expert dit "étaient
généralement remplies". "En fait, la direction
hospitalière se trouve dans un cercle vicieux. D'une part, si elle
maintient un taux d'occupation normal et que les infirmières
débrayent, elle n'est pas en mesure d'assurer des soins adéquats
aux malades hospitalisés. D'autre part, si elle s'ajuste en
prévision de grèves en maintenant un taux d'occupation minimal,
elle doit interdire l'admission à des patients qui auraient besoin
d'être hospitalisés. C'est ce chemin qu'a suivi l'Hôtel-Dieu
de Québec et c'est pourquoi le principal problème n'est pas
surtout du côté des patients hospitalisés c'est
l'expert qui parle et je pense que cela correspond à une question
antérieure que j'ai posée le problème se pose
surtout du côté de ceux qui attendent pour être
hospitalisés et dans la mesure où cet hôpital en est un
très spécialisé, particulièrement dans les cas de
cancers, la situation est particulièrement délicate".
Dernier cas, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous avez déjà
dépassé largement, Mme la députée. À moins
que nous n'ayons le consentement unanime, je vais devoir vous demander de
conclure.
M. Bellemare: Consentement.
Mme Lavoie-Roux: II me reste un cas.
La Présidente (Mme Cuerrier): Consentement, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: On ne perdra pas de temps, je vais y aller tout
de suite. Il s'agit du dernier cas, l'hôpital du Saint-Sacrement de
Québec. Le conseil pour le maintien des services essentiels, dans son
communiqué, dit, et je cite: "Les services ont toujours
été maintenus aux bénéficiaires de
l'établissement." L'expert dit: 1 "Selon une liste remise par le
comité des normes d'admission et de séjour, plusieurs malades
devraient être admis dans les plus brefs délais, compte tenu de
pathologies graves qui mettent leur vie en danger. Ainsi, en date du 11 juin
1979, plus de 26 cas graves et d'une grande urgence étaient en attente
selon les prétentions du comité des admissions. 2 "Le
président du Conseil des médecins et dentistes note
également que, depuis le 11 juin 1979, les services essentiels ne sont
pas fournis au niveau de deux unités de soins, soit le 4 et le 7
d'Youville. "Plusieurs cas de cancers diagnostiqués attendent depuis
environ un mois pour être admis à l'hôpital pour
intervention chirurgicale. "Certains membres du corps médical
prétendent que la situation peut être qualifiée de
dramatique. On estime déjà que les soins adéquats ne
peuvent plus toujours être donnés aux patients hospitalisés
et que des compromis médicalement dangereux font maintenant partie de la
routine quotidienne. On estime que la grève qui perdure a des
conséquences directes sur le taux de morbidité ou de
mortalité pour la population de la région, et elle en aura
à brève échéance sur le taux de mortalité.
"Malgré les demandes répétées de réduire le
taux effectif d'occupation à 201 lits, les autorités
médicales estiment que cela est irréaliste et quasi
irresponsable. Déjà, avec une occupation de 244 lits, on n'est
plus en mesure d'assurer les services essentiels au sens prévu par la
loi."
Mme la Présidente, comme je l'avais fait remarquer, le texte
était beaucoup plus long. Je n'ai pas voulu prendre des phrases au
hasard. D'ailleurs, ce sont les interprétations des experts. Je me suis
tenue loin des comptes rendus des syndicats ou de la partie patronale pour
vraiment donner l'opinion de l'expert.
Mes questions au ministre sont les suivantes. Je lui en ai
déjà posé trois originalement, à savoir si les
rapports sont complets, s'ils arrivent à temps, si les
communiqués du conseil pour le maintien des services essentiels
correspondent aux rapports des experts. J'y ajouterais les suivantes: Le
ministre considère-t-il que les services essentiels ont toujours
été assurés à la population au cours des
arrêts de travail qui ont eu lieu jusqu'à ce jour dans les centres
hospitaliers du Québec en général et, en particulier, dans
le cas des hôpitaux que je viens de mentionner, l'hôpital Laval de
Québec, Centre hospitalier de l'Université Laval, hôpital
Christ-Roi de Vanier, hôpital Jean-Talon, Hôtel-Dieu de
Québec, hôpital Saint-Sacrement de Québec.
La Présidente (Mme Cuerrier): Ne pourriez-vous pas
réserver vos autres questions? Vous pourrez intervenir
immédiatement après M. le ministre, Mme la députée.
Est-ce que vous n'entendez pas plutôt réserver une partie de vos
questions pour une intervention immédiatement après lui?
Mme Lavoie-Roux: Si vous voulez, je pourrai revenir.
La Présidente (Mme Cuerrier): Parce qu'il faut quand
même s'en tenir à l'article 162A du règlement.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, parfait.
M. Bellemare: Je pense bien qu'à ce moment Mme la
députée voudra bien nous donner une petite chance...
Mme Lavoie-Roux: Oui, Mme la Présidente devrait faire
remarquer au député de Johnson que j'en avais beaucoup plus. J'ai
vraiment coupé.
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, d'accord. Je pense
quand même que nous pourrons, à certains moments au cours de cette
période, donner la parole à M. le député de
Johnson, c'est bien sûr. M. le ministre.
Réponse du ministre M. Denis Lazure
M. Lazure: Mme la Présidente, la députée de
L'Acadie, dans son intervention, a tenté de démontrer que les
grèves que la région de Québec a connues en mai et juin
ont causé des préjudices. Je voudrais tout de suite rassurer la
députée de L'Acadie et tout le monde, c'est bien évident
qu'on est d'accord avec ce diagnostic. C'est bien évident que tout
arrêt de travail dans un hôpital comporte quelque chose d'un peu
odieux, comporte des inconvénients considérables pour la
population.
Là-dessus, on n'aura pas de dispute, la députée de
l'Acadie et moi. Je pourrais en parler en connaissance de cause pour avoir
vécu les deux grèves générales de 1972 et de 1976
à titre de directeur général d'un hôpital.
Je peux comprendre les inconvénients majeurs qu'une grève
cause à la population, aux malades qui sont hospitalisés, mais
aussi à leur famille et aux malades qui ne sont pas hospitalisés
mais qui devraient l'être.
Quand on aborde des périodes comme celles-là, Mme la
Présidente, je pense qu'il faut garder un certain calme. Le calme, ce
n'est pas synonyme d'indifférence. Le calme, ce n'est pas synonyme de
négligence, parce que le contraire du calme, la panique, dans des
circonstances comme celles-là, devient mauvaise conseillère. Une
panique du genre de celle qu'on a connue en 1970, par exemple, serait mauvaise
conseillère dans une période où il y a des
problèmes sérieux de relations de travail au Québec.
Le Québec a connu, depuis 1965, des grèves dans les
secteurs public et parapublic. En 1966, le gouvernement de l'Union Nationale a
dû mettre en tutelle tous les hôpitaux, toutes les administrations
hospitalières du Québec pour pouvoir arriver à un
règlement du conflit. En 1972, le gouvernement Bourassa a dû
recourir à une loi spéciale pour régler le conflit.
M. Bellemare: On avait annoncé une session spéciale
à ce moment-là.
M. Lazure: Le même gouvernement Bourassa, en 1972, a
dû emprisonner les chefs syndicaux. Il y a eu toute une pluie d'amendes
et il y a eu évidemment des décrets qui ont ramené des
syndiqués au travail, notamment les enseignants et les
infirmières de la FIIQ. Finalement, en 1976, le gouvernement Bourassa
toujours, avait adopté une loi, la loi 253, qui a très mal
fonctionné, qui a résulté en 7000 à 8000 plaintes
et qui a amené aussi toute une série de procédures
judiciaires.
Mme la Présidente, le gouvernement du Parti
québécois, quand il est arrivé au pouvoir, a voulu adopter
une nouvelle loi, faire un peu de prévention. Contrairement à ce
qui se faisait souvent dans le passé, soit improviser des lois comme la
loi 253, improviser en cours de conflit des lois pour encadrer les relations de
travail, nous avons prévenu cette situation et nous avons fait adopter
par l'Assemblée nationale, notamment, le projet de loi 59 qui amende le
Code du travail. J'y reviendrai tantôt.
Mme la Présidente, je voudrais quand même ajouter que le
Québec est assez unique en son genre en ce qui touche l'utilisation du
droit de grève dans le secteur hospitalier. Je ne connais aucun pays
dans le monde occidental, en tout cas, et encore moins dans le monde
socialiste, j'imagine, qui a recours si souvent au droit de grève dans
le secteur hospitalier.
Je pense que nos chefs syndicalistes ne font pas suffisamment preuve
d'imagination par l'utilisation de leurs moyens de pression. Comme dans le
passé, il n'y a pas si longtemps, notamment en 1976, les dirigeants des
hôpitaux n'ont pas suffisamment fait preuve d'imagination en se
contentant de recourir à des procédures judiciaires.
Donc, une fois arrivés au pouvoir, nous avons vécu, par la
loi 59, un cadre bien serré de négociations, un calendrier de
négociations qui donnait les étapes de négociations et,
entre autres choses, nous avons mis sur pied un conseil qui est responsable du
maintien de services de santé et services sociaux. Dans la même
loi, nous avons prévu un mécanisme pour assurer le mieux possible
les services essentiels en cas de débrayage, et ce mécanisme,
nous l'avons fondé sur la bonne foi des deux parties. Nous avons la
conviction, et je pense que l'expérience nous a donné raison
jusqu'à ce jour, que, dans un hôpital, si les deux parties
s'entendent sur le nombre d'employés syndiqués qui doivent entrer
au moment d'un conflit de travail, nous sommes persuadés que, dans cet
hôpital-là, il y aura beaucoup moins d'inconvénients, il y
aura toujours des inconvénients, mais il y aura moins
d'inconvénients que dans un hôpital où il n'y a pas eu
entente locale.
Alors, la loi prévoit que, s'il n'y a pas entente, le fardeau de
la responsabilité repose sur le dos du syndicat et elle prévoit
que le syndicat dépose une liste, s'engage à respecter cette
liste et à assurer les services essentiels.
L'article 99 de la même loi prévoit que le gouvernement, en
cas de grève appréhendée ou de grève
déjà en cours, peut suspendre le droit de grève pour 30
jours. Je vous ferai remarquer en passant, Mme la députée de
L'Acadie, que, pour
ce faire, le gouvernement n'a pas à recevoir un avis favorable du
Conseil sur le maintien des services de santé. Par conséquent, le
ministre des Affaires sociales, pour recommander une ligne de conduite au
lieutenant-gouverneur en conseil, n'a pas à attendre les rapports du
comité sur les services essentiels.
Dans les grèves du printemps dernier, surtout dans la
région de Québec, et c'est là-dessus que Mme la
députée de L'Acadie s'est attardée, nous avons eu
l'assurance de ce Conseil sur le maintien des services de santé et
services sociaux que, dans tous les cas où il y a eu plainte de
l'hôpital, et je réponds de façon très
spécifique à l'une des questions de la députée de
L'Acadie, il y a eu enquête. Je pense donc que ce n'est pas
équitable vis-à-vis du Conseil sur le maintien des services de
santé, de laisser entendre que ce conseil a été
négligent et n'a pas enquêté dans tous les cas où il
y avait lieu de le faire. Nous avons la certitude que le conseil y est
allé et a envoyé un expert dans tous les cas où il y a eu
une plainte.
J'ajouterai que, de l'aveu unanime des parties syndicales autant que des
parties patronales, de tous les experts, dans tous les cas, les ententes ont
été respectées et les listes respectées. Aussi,
tout le monde a convenu que, durant ces deux mois, mai et juin, les services
essentiels aux malades hospitalisés ont été satisfaisants.
(10 h 45)
Cela nous amène à parler des malades qui sont en dehors de
l'hôpital. Bien sûr, durant toute l'année, il y a un certain
nombre de malades, qu'ils souffrent de cancer ou de troubles cardiaques, qui
attendent pour être hospitalisés. Il est évident que des
débrayages vont occasionner des augmentations du délai. Par
contre, on entre sur un terrain très glissant quand on essaie de
démontrer que c'est à cause de la grève dans tel ou tel
hôpital que M. X, souffrant d'un cancer, est décédé.
C'est un terrain très glissant; il s'agit d'une preuve qu'il est
à peu près impossible de faire. Je pense qu'il faut faire preuve
de grande prudence, qu'il faut être beaucoup plus prudent que ne l'a
été, par exemple, le Dr Lambert, au mois de juin dernier, le
président de l'Association des conseils des médecins, qui a tout
à coup lancé dans le public une accusation très grave,
à savoir que trois enfants, à Québec, étaient
décédés à cause de la grève. Ces
affirmations gratuites ont ensuite été réfutées par
les hôpitaux en question.
Je pense que, si on veut que les services essentiels soient maintenus
dans la meilleure mesure possible, il faut non seulement la collaboration des
deux parties en cause, patronale et syndicale, mais aussi il faut que les
tierces parties, autant les hommes politiques que les groupements,
médecins ou autres, qui peuvent avoir des intérêts
particuliers fassent preuve de responsabilité et ne deviennent pas des
semeurs de panique. Il est très grave qu'un parti de l'Opposition
accepte trop facilement les hypothèses du Dr X ou du Dr Y et en fasse
ensuite une argumentation.
Il est bien évident que les services qui sont prévus dans
une entente locale ou dans une liste doivent être
réévalués au jour le jour. Nous avons aussi l'assurance
des deux parties que cette clause de réouverture au jour le jour des
négociations est contenue dans toutes les ententes et dans toutes les
listes déposées.
Je pense qu'il faut aussi la collaboration de la population. En temps de
débrayage, il y a quand même d'autres services médicaux qui
sont disponibles. À part les cabinets privés, les polycliniques
privées, il ne faut pas oublier qu'il y a dans plusieurs CLSC, centres
locaux de services communautaires, plusieurs salles d'urgence. Si on veut
vraiment garder en tête l'unique bien de la population et minimiser le
plus possible les inconvénients, il faut constamment rappeler à
la population de ne pas abuser des salles d'urgence, surtout en temps de
grève. On sait qu'en temps normal un bon nombre de patients
environ 50% se rendent à l'urgence alors qu'ils n'ont pas un
problème urgent. Ce phénomène continue même en temps
de débrayage. Mme la Présidente, je pense qu'il est de notre
devoir de rappeler à la population qu'elle doit hésiter beaucoup
avant de se rendre à une salle d'urgence; elle doit être
sûre que son cas est urgent et aussi elle doit recourir aux autres
services qui existent.
Le Conseil sur le maintien des services de santé et des services
sociaux a eu un départ difficile. Le gouvernement en a convenu et je
pense qu'il est normal que toute nouvelle loi, surtout quand elle fait appel
à une nouvelle philosophie, doit prendre un certain temps. Nous sommes
les premiers à reconnaître qu'il y a eu des retards, mais au
moment où on se parle, ce conseil est en mesure de fonctionner
très bien au jour le jour.
Il est faux de prétendre que les rapports du Conseil sur le
maintien des services de santé sont trop en retard. Nous recevons
quotidiennement la députée de L'Acadie le sait,
puisqu'elle a accès à cette information des rapports
détaillés du conseil, nous donnant l'état de la situation
dans chaque hôpital où il y a un débrayage. Quant aux
rapports qui suivent une expertise dans un hôpital, il est bien
évident qu'il y a eu des retards au début, mais nous avons
l'assurance que dorénavant, puisque tous les experts nécessaires
ont été embauchés par le conseil, ces rapports
n'accuseront pas de retard.
Mme la Présidente, on ne peut pas parler des services essentiels
sans déboucher quelque peu sur les négociations. Les
débrayages que nous avons eus jusqu'à maintenant qui ont
affecté des hôpitaux dans la région de Québec et de
la région de Montréal étaient dus principalement aux
infirmières et autres professionnels, c'est-à-dire les groupes
dont la convention est expirée depuis 1978, avec lesquels nous
négocions depuis plusieurs mois. Je dois le répéter ici
encore aujourd'hui, autant le Cartel des organismes professionnels de la
santé, le COPS, que la Fédération des infirmiers et
infirmières du Québec, à mon avis et à l'avis du
gouvernement, ne sont pas justifiés de recourir à des moyens de
pression hors de proportion. Ils sont trop exagérés dans les
circonstances, compte tenu que les négociations ont pro-
gressé de façon très sensible, surtout avec la
Fédération des infirmiers et infirmières du Québec,
depuis deux mois, et compte tenu aussi que ces deux groupements ne montrent
pas, à notre avis, tout l'enthousiasme qu'ils devraient montrer aux
tables de négociation.
On peut comprendre que ces deux groupements veuillent être
prudents par rapport aux offres que le gouvernement fait actuellement aux
groupes de 1979; on peut comprendre que ces deux groupements de syndicats
veuillent attendre un peu pour voir, d'où un rythme qui n'est pas
dû à nous de négociation, surtout dans le cas du
COPS, qui n'est pas satisfaisant.
Mme la Présidente, dans les deux cas, ou bien la
négociation avance beaucoup, c'est le cas de la FIIQ, ou bien les
négociations avancent peu, et c'est, à notre avis, parce que le
syndicat n'est pas assez pressé. Dans les deux cas, nous ne pensons pas
qu'il soit justifié de recourir à des débrayages aussi
graves, aussi importants.
Finalement, si on veut faire de la prévention, si on veut que la
population ne soit pas pénalisée, ou le moins possible, quand des
syndiqués exercent un droit, c'est-à-dire le droit de
grève, il faut que les négociations progressent rapidement. Je
ferai remarquer à la députée de L'Acadie, surtout en ce
qui concerne le front commun, dont la convention a expiré en juin 1979,
il y a à peine quelques mois, que jamais dans le passé les
négociations n'ont progressé aussi rapidement avec un front
commun. Jamais dans le passé le gouvernement et ses partenaires n'ont
montré autant d'empressement à négocier et, jamais dans le
passé le gouvernement n'a déposé des offres aussi claires,
aussi importantes que celles que nous avons déposées il y a
quelques jours concernant les plans de pension, offres qui donnent satisfaction
aux syndiqués à 100%, qui répondent à leurs
demandes à 100%. Et la dernière offre que nous avons
déposée il y a à peine quelques jours touche les
congés de maternité et donne à toutes les
syndiquées 20 semaines de congé de maternité
payées, plus deux ans de congé sans solde; elle donne même
au père deux jours de congé payés et la possibilité
de prendre deux ans sans solde, pour ceux qui veulent assumer très
pleinement leur rôle de père.
En terminant, Mme la Présidente, nous avons, comme gouvernement,
vis-à-vis des services essentiels, largement assuré nos
responsabilités, nous avons tenté de faire montre d'imagination,
nous avons fait de la prévention. Nous pensons qu'il va continuer d'y
avoir des problèmes chaque fois qu'il y aura débrayage. Mais nous
pouvons assurer ceci à la population, grâce au conseil des
services essentiels et à la vigilance de notre ministère et de
nos fonctionnaires qui recueillent au jour le jour tous les renseignements.
Grâce à ces deux piliers qui surveillent la situation, nous
pouvons assurer je réponds directement à la
dernière question de la députée de L'Acadie
à la population que jusqu'ici, dans tous les cas, l'entente a
été respectée.
Nous avons bien l'intention d'assumer nos responsabilités. Le
Code du travail permet au gouvernement de suspendre le droit de grève
pour trente jours, si la santé ou la sécurité du public
est en jeu. Et si jamais cette situation survenait, nous prendrons les mesures
nécessaires. Merci.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée
de L'Acadie.
Discussion générale
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, je voudrais simplement
revenir sur quelques affirmations du ministre. Je vous avais fait remarquer au
début que l'objet de notre question avec débat n'était pas
la négociation. Notre préoccupation et elle est profonde
c'est que la population sache et que le gouvernement l'informe
également ce qu'il en est exactement des services essentiels
assurés à la population en temps de conflit dans les milieux
hospitaliers.
Il y avait trois questions préalables. Le ministre n'a
peut-être pas utilisé le terme "injuste ", mais il ne m'a pas
offusquée, de toute façon, en répondant à mon
affirmation que le conseil procédait avec trop de retard. Tant mieux,
Mme la Présidente, si les choses se sont améliorées. Mais
il reste qu'il n'a pas réfuté. Nous n'avons pas les
données sur la situation actuelle, je n'ai pas les rapports des experts
sur la situation actuelle. Mais je vous ai parlé de la situation qui
prévalait à Québec aux mois d'avril, de mai et de juin,
alors que le ministre répondait à mes questions à
l'Assemblée nationale et disait à tout le monde: Cela cause des
inconvénients, mais tout va bien. Et j'arrive ici avec ces
témoignages. À ce moment-là, le retard était
évident. Si cela s'est amélioré, bravo! mais je pense que
vous n'avez pas vraiment répondu à cette question.
Quant à la deuxième, que les rapports faits par le conseil
sont incomplets, je pense que vous n'y avez pas répondu non plus, si on
tient compte du contenu du rapport des experts.
Mais c'est la troisième question qui, à mon point de vue,
était la plus importante. Les rapports faits par le conseil ne
reflètent pas fidèlement la teneur des observations faites
à l'occasion des conflits de travail. Je pense que j'ai
démontré qu'il était fort évident que les
communiqués du conseil, les six communiqués qui disent que
personne n'a été privé de soins adéquats, que les
services essentiels sont assurés, ne parlent pas de la teneur, des mises
en garde et des jugements sévères qui sont posés par les
experts.
Le ministre n'a pas répondu à cette question.
M. Lazure: Est-ce que vous me permettez de répondre tout
de suite à celle-ci?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Lazure: II faut bien comprendre que le conseil sur le maintien
des services de santé est formé d'une espèce de
comité paritaire, comme un conseil d'administration, qui est responsable
des décisions du conseil et de l'information émanant du conseil.
L'information qui sort du conseil est basée en bonne partie, sur le
rapport d'un
expert qui est allé étudier la situation dans un
hôpital.
La députée de L'Acadie se scandalise parce que
l'information publique diffusée ne correspond pas entièrement au
rapport écrit de l'expert, mais il n'y a pas lieu de se scandaliser.
Mme Lavoie-Roux: C'est aux conclusions du conseil que je
m'oppose, Mme la Présidente.
M. Lazure: Le conseil, en plus du rapport écrit de son
expert, a aussi un rapport verbal du même expert. Le conseil discute
lui-même de ce rapport. C'est lui qui est responsable de
l'émission finale d'un communiqué. Il ne faut pas se scandaliser
si, parfois, il y a des divergences entre les deux.
Mme Lavoie-Roux: II reste, Mme la Présidente, qu'entre les
faits que j'ai signalés et les communiqués du conseil disant que
personne n'est privé de soins adéquats, que les services
essentiels sont rendus, il y a une différence. À moins que vous
me disiez que les experts ne sont pas sérieux quand ils font leurs
rapports, ce que vous n'avez pas dit et que je ne veux pas vous faire dire.
M. Lazure: Et que je ne dirai pas non plus parce que, la plupart
du temps, les deux coïncident, les rapports du conseil et ceux de
l'expert.
Mme Lavoie-Roux: Pas dans les conclusions auxquelles arrivent les
communiqués du conseil. Le ministre dit: On ne peut jamais
établir de lien de cause à effet, à savoir qu'un
délai dans l'hospitalisation ou que le transport d'un patient dans un
autre milieu peut être dangereux pour un patient ou causer sa mort. Et il
a fait référence au cas du monsieur de 71 ans dont l'expert avait
fait état.
Je vous ferai remarquer que les conclusions auxquelles l'expert arrive,
ce ne sont pas les miennes. C'est l'expert qui dit: "Ce malade serait
peut-être décédé, de toute façon."
Évidemment, à moins d'une mort violente, vous ne pourrez jamais
établir de lien de cause à effet à savoir si un
délai a causé la mort ou a causé un préjudice
grave. (11 heures)
C'est cette démonstration-là que le ministre veut et on
n'arrivera peut-être jamais à l'établir. "Ce malade serait
peut-être décédé d'une façon ou de l'autre de
ses multiples pathologies. Il n'en reste pas moins que, si les diverses
interventions médico-chirurgicales avaient pu être faites dans les
délais normaux, il aurait alors très probablement pu survivre,
puisque le résultat de la chirurgie pour l'occlusion complète du
tronc commun est en général assez bon".
Un peu plus loin, dans le cas de l'Université Laval, on parle des
besoins, de l'appréciation: "Une appréciation d'effets me permet
de conclure que le fonctionnement de l'unité néonatale est tout
à fait insuffisant. La réduction de seize à douze lits est
injustifiable, en regard du maintien des services essentiels. Même en
temps normal, ce nombre de lits ouverts apparaît tout à fait
insuffisant, puisqu'il y a une demande de porter ce chiffre à trente
lits, etc."
Je ne suis pas pour recommencer la lecture, mais le ministre n'a
répondu à aucune de ces affirmations. Je le répète,
Mme la Présidente d'ailleurs, je sais que vous en êtes fort
consciente ce ne sont pas mes affirmations, ce sont les affirmations des
experts.
M. Lazure: Mme la Présidente...
Mme Lavoie-Roux: Je vous écouterai après. Quand le
ministre nous dit également que les gens peuvent aller dans les CLSC, le
ministre sait fort bien que, dans la plupart des cas, quand les gens arrivent
à un hôpital, souvent ils sont passés par le CLSC et ils
ont été référés à l'hôpital,
parce qu'il s'agissait d'un cas qui nécessitait une aide à
l'hôpital. Je pense qu'il ne faut quand même pas exagérer
là-dessus.
Le ministre a également parlé des cas du Dr Lambert, que
les médecins avaient ou qu'un médecin avait
exagérés. Je ne pense pas, Mme la Présidente, que j'aie
fait allusion de quelque façon que ce soit à ce cas du Dr
Lambert. Je pense que tous les faits que j'ai ici sont des faits qui ne
relèvent pas de ma confection ou de mon imagination, ce sont des faits
exacts qui sont rapportés là.
Cela a pris bien du temps au ministre avant d'arriver aux
réponses plus ou moins précises à la suite des questions
que je lui avais posées. Il a fait l'historique des conflits de travail
dans les milieux hospitaliers au Québec, en partant de l'Union
Nationale, en passant par les gouvernements libéraux pour finalement
arriver à ce beau, bon gouvernement qui n'a pas de conflits.
Mme la Présidente, je vous ferai remarquer que toutes ces
observations qui sont faites ont été faites à l'occasion
de conflits qui ont été causés dans les hôpitaux par
un syndicat qu'on appelle le COPS et qui jamais auparavant n'avait fait de
grève. Il s'était toujours entendu avec tous les gouvernements
et, pourtant, on se souviendra qu'aux mois de mai, de juin, tout était
pour se régler, il n'y avait que les infirmières dans ce syndicat
qui regroupe plusieurs groupes professionnels qui n'étaient pas
satisfaites et que cela allait se régler. Elles sont encore en
grève. Je ne voulais pas aborder la question des négociations,
mais, puisque le ministre a voulu l'aborder sous cet angle-là, je pense
qu'il faut préciser que ces gens qui ont fait 160 000 jours de
grève n'en avaient jamais fait avant sous aucun gouvernement et que,
même si leur convention est terminée depuis juin 1978, ils sont
encore sans convention collective.
Le ministre a également fait état que son gouvernement a
adopté une loi où on assure les services essentiels. On a
créé un conseil pour le maintien des services essentiels. Exact,
mais dans le fond, je me demande, Mme la Présidente, si on n'a pas
simplement rendu légal ce qui avant était illégal, parce
qu'auparavant, il y avait des services essentiels, une liste de services
essentiels. On pouvait venir à une entente sur des services
essentiels, même sous les anciens gouvernements, sauf que, quand
on ne s'entendait pas, c'était un commissaire qui était
chargé de dresser la liste des services essentiels et cette
liste-là était toujours ou enfin était très
généralement très généralement, je ne
voudrais pas dire cela a été contestée par les
syndicats, qui disaient: C'est nous qui connaissons quels doivent être
les services essentiels. Je voudrais bien que le ministre me fasse la
différence entre cette chose que les syndicats, à ce
moment-là, n'acceptant pas la liste des services essentiels de la part
du commissaire, décidaient de la dresser eux-mêmes et c'est ce qui
existe aujourd'hui, parce qu'aujourd'hui, quand il n'y a pas une entente dans
les centres hospitaliers entre la partie patronale et le syndicat, c'est encore
le syndicat qui dresse lui-même sa liste syndicale. Ce qu'on a fait, par
contre, on a rendu légal ce qui était illégal, mais, dans
les faits, a-t-on vraiment changé quelque chose, est-ce que c'est
à partir d'une liste tout simplement, qui est dressée souvent
sans entente, qu'on peut décider que les services essentiels sont
assurés?
Je voudrais faire remarquer au ministre également que la
négociation du front commun n'est même pas commencée et
que, depuis avril et juin dernier, on connaît des débrayages dans
les hôpitaux. Il y a maintenant deux syndicats d'infirmières qui
ont fait des débrayages. Au lieu de faire dévier la question sur
la négociation, que le ministre attende pour savoir si la CSN va
débrayer deux jours la semaine prochaine et voie ce que cela va causer
dans les hôpitaux avant d'affirmer hors de tout doute qu'ils ont tout
sous contrôle.
J'arrête ici mes propos, parce que ce n'est vraiment pas
là-dessus que je veux faire porter le débat. Notre
préoccupation, c'est de savoir si, avec les modifications qui ont
été faites au Code du travail, compte tenu des rapports des
experts, compte tenu des observations qui nous sont rapportées à
nos bureaux quotidiennement, vraiment le ministre peut tenter de me rassurer.
Il n'a pas besoin de me rassurer, le ministre, qu'il rassure la population. On
a dit dans des éditoriaux cette semaine qu'il ne suffisait plus de dire
à la population: Tout va bien. On essaie de lui apporter des faits
montrant que tout ne va pas bien et les experts ont souligné des
carences extrêmement sérieuses. Je ne veux pas en faire la
lecture, mais c'est sur ce point. Le ministre m'affirme d'abord que les
services essentiels ont été assurés, d'accord, si on se
réfère à une liste ou à une entente, mais,
même à cela, j'ai souligné des points où les experts
soulèvent des questions à cet égard.
Deuxièmement, je pense que la loi ne fait pas uniquement
obligation de dresser des listes syndicales, mais dit aussi que le conseil est
chargé d'informer le public de la situation qui prévaut en
matière d'ententes, de listes syndicales et de maintien de services
essentiels lors d'un conflit de travail. De cette troisième
préoccupation qui m'apparaît quand même la plus importante,
on n'a guère de nouvelles de la part du ministre. Le ministre
considère-t-il toujours qu'ils sont maintenus? Deuxièmement, le
ministre a-t-il pris connaissance des expertises effectuées par les
mandataires du Conseil sur le maintien des services de santé et des
services sociaux? Est-ce que le ministre peut affirmer ici que ces expertises
reflètent bien la situation vécue dans les différents
centres hospitaliers? Ce sont les trois questions que je lui pose.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, ou bien la
députée de L'Acadie manque de connaissances, pour utiliser une
expression gentille...
Mme Lavoie-Roux: Dites donc que je suis ignorante! Cela m'est
égal!
M. Lazure: ... ou elle est de mauvaise foi quand elle dit que,
dans le front commun, les négociations ne sont même pas
commencées. C'est ce que vous avez dit textuellement. Je vous mets au
défi de vérifier le journal des Débats.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de...
M. Lazure: M. le Président, j'ai la parole. Je vous ai
laissé parler tantôt. Vous avez dit textuellement: Les
négociations ne sont même pas commencées.
Mme Lavoie-Roux: Non, je veux faire une rétractation. Si
je l'ai dit et j'accorde foi aux propos du ministre je me suis
mal exprimée et j'aimerais immédiatement me corriger. Ce que j'ai
voulu dire, c'est qu'elles ne sont pas assez avancées pour savoir quels
seront les problèmes à venir. C'est pour cela que nos propos de
ce matin ont porté sur les conflits qui ont eu lieu au printemps, de
telle sorte que, si d'autres conflits surgissent, la population soit certaine
que de vrais services essentiels lui seront assurés.
M. Lazure: Je suis content de voir que la députée
de L'Acadie retire ses paroles qui n'étaient pas exactes. Ma principale
intervention, si vous le permettez...
Mme Lavoie-Roux: On ne va pas en faire tout un plat.
M. Lazure:... c'est la suivante: C'est un procédé
trop facile de piger dans un rapport détaillé, assez long,
quelques extraits pour essayer de monter en épingle un aspect
particulier du rapport qui va dramatiser la situation. Le rapport que la
députée de L'Acadie a cité, concernant la personne de 71
ans, dit textuellement: "II serait peut-être mort quand même s'il
n'y avait pas eu de débrayage."
Mme Lavoie-Roux: Je l'ai lu.
M. Lazure: Malgré cela, la députée de
L'Acadie y revient pour développer un climat de panique, un climat
d'anxiété et d'inquiétude. En plus, elle a recours
à son procédé habituel d'essayer de
faire croire à la population que le gouvernement ne fait rien,
que le gouvernement n'est pas intéressé par la situation et que
le gouvernement dit que tout va bien.
M. le Président, je pense que c'est un procédé qui
est un peu grossier. Le gouvernement et le ministre des Affaires sociales ne
disent pas: Tout va bien. J'ai bien pris garde, dans mes remarques
préliminaires, justement, de dire que ça va mal dans les secteurs
public et parapublic lorsque les syndicats recourent, de façon abusive,
à leur droit de grève, et j'ai bien dit qu'au Québec nous
avions une situation particulière. Aucun État aux
États-Unis, aucune province au Canada, aucun pays en Europe n'a recours
aussi souvent à ce droit de grève.
Mais je dirais aussi ceci, M. le Président, à la
députée de L'Acadie, parce que derrière tout ça il
y a une espèce de soupçon que la conclusion libérale, ce
serait: Enlevons le droit de grève. On fait quoi après avoir
enlevé le droit de grève, M. le Président? Elle n'ose pas
aller jusqu'au bout de la pensée.
M. Pagé: Question de règlement! M. Lazure:
Elle laisse entrevoir...
M. Pagé: Question de règlement, M. le
Président!
M. Lazure: ... comme son chef, M. Ryan, l'a laissé
entrevoir...
M. Pagé: M. le Président, question de
règlement! Question de règlement!
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! M. le
ministre! Question de règlement, M. le député de
Portneuf?
M. Pagé: Très brièvement, M. le
Président. La question avec débat doit porter... D'ailleurs, vous
en avez l'expérience vous, M. le Président, probablement beaucoup
plus que le ministre à cet égard. La question avec débat
doit porter sur un sujet qui est amené par l'Opposition. La question de
ce matin, je pense qu'elle a été clairement indiquée,
clairement évoquée par la députée de L'Acadie. La
députée de L'Acadie a posé plusieurs questions. Depuis
tantôt, M. le Président, et vous en conviendrez avec moi, le
ministre des Affaires sociales veut ramener le débat sur un projet qui
est tout autre que celui qu'on a inscrit ce matin. Le droit de grève
dans le secteur public, on va en parler mercredi. J'espère que vous en
parlerez vous-même, parce que vous serez personnellement visé.
M. Chevrette: M. le Président...
M. Pagé: M. le Président, c'étaient
là mes commentaires...
M. Lazure: Des menaces! Des menaces, M. le député
de Portneuf! Le style habituel, des menaces!
M. Pagé: Non, ce ne sont pas des menaces. Mais on parlera
des choses dont il faut parler au moment où on doit en parler et
ça, c'est mercredi. Ce matin, on vous invite à répondre
à nos questions, tout simplement.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Joliette-Montcalm, question de règlement.
M. Chevrette: Tout ce que j'allais dire, c'est que, quand on ne
veut pas avoir de réponse, on ne pose pas de question.
M. Pagé: On va en poser tantôt.
M. Chevrette: II répond aux allusions et aux questions de
la députée de L'Acadie. Il doit avoir le droit.
M. Lazure: M. le Président, je continue.
Le Président (M. Boucher): Je pense que le ministre
était en train de répondre aux questions qu'a posées Mme
la députée de L'Acadie. Alors, on va le laisser poursuivre.
M. le ministre.
M. Lazure: Vous savez, M. le Président, en faisant des
allusions, on peut toucher des choses encore plus importantes que les choses
qu'on vise par des questions. Je pense qu'il est correct de reprendre ces
allusions.
Je reviens encore sur la remarque que je faisais tantôt. On
extrait d'un long rapport une phrase qui émet l'hypothèse que
"peut-être la mort était reliée", mais l'expert ajoute, en
toute honnêteté: Peut-être aussi que l'individu serait mort
s'il n'y avait pas eu de débrayage. Mais de sortir ces extraits...
Mme Lavoie-Roux: ... après.
M. Lazure: ... et de les monter en épingle, M. le
Président, ce n'est pas responsable. C'est aussi irresponsable que
lorsque le Dr Lambert déclarait que trois enfants étaient morts
à Québec à cause de la grève. Le Dr Lambert a
dû ravaler ses paroles puisque les trois hôpitaux en question ont
nié ces soi-disant morts à cause des débrayages.
Les urgences là, je reviens à une des questions de
la députée de L'Acadie ont été ouvertes
constamment, sauf deux exceptions, durant tous ces mois où il y a eu des
débrayages. Quand la députée de L'Acadie prétend
que notre loi 59 ne fait que consacrer une situation de fait qui existait
depuis 1976, elle est dans l'erreur, parce que la loi 253 avait comme base un
mécanisme strictement judiciaire. Les ententes ou, à
défaut d'ententes, les listes étaient soumises à un
arbitre, et un arbitre qui ne faisait qu'entendre les deux parties dans une
pièce fermée, alors que la loi actuelle et le fonctionnement du
conseil sur les
services essentiels sont basés sur une expertise sur place,
à la suite de plaintes. Je pense qu'il est important, M. le
Président, pour dégonfler un peu les ballons lancés par la
députée de L'Acadie, de répéter encore une fois
que, dans tous les cas où les hôpitaux ont porté plainte au
conseil, le conseil a envoyé un expert. Entre parenthèses, je
peux assurer la députée de L'Acadie que j'ai lu tous les rapports
des experts. Dans tous les cas, donc, il y a eu expertise. (11 h 15)
Une autre différence fondamentale entre notre loi et la loi du
gouvernement Bourassa en 1976, c'est que la loi du gouvernement Bourassa,
à cause d'une philosophie qui était strictement judiciaire et qui
n'était pas basée sur la bonne foi des deux parties, a
amené comme conséquence une avalanche de poursuites judiciaires
et de plaintes. Il y a eu entre 7000 et 8000 plaintes en rapport avec cette loi
253.
M. le Président, je veux bien croire que la députée
de L'Acadie est plus à l'aise dans des questions scolaires, dans des
questions d'éducation que dans des questions d'affaires sociales...
Mme Lavoie-Roux: C'est trop facile.
M. Lazure: ... mais je pense qu'elle devrait prendre du recul,
mieux se renseigner sur ce qui s'est passé en 1972 et en 1976 avant de
faire des comparaisons et avant d'affirmer que c'est du pareil au
même.
Je conclus, M. le Président, en disant encore une fois que dans
la mesure où tout débrayage d'un secteur hospitalier cause des
préjudices graves à la population, nous faisons, comme
gouvernement, l'impossible pour réduire ces inconvénients. Nous
pouvons affirmer que jusqu'ici, durant tous les débrayages, les services
essentiels ont été assurés. Le seul recours que
l'Opposition a, M. le Président, maintenant, c'est de poser des
questions sur des malades qui sont à domicile.
À ce moment-là on est dans de pures hypothèses.
Humainement, tout ce qu'il est possible de faire, c'est de bien vérifier
si les services aux malades hospitalisés sont adéquats, et ils le
sont.
M. Bellemare: M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: D'abord je voudrais signaler que la menace de
grève dans les secteurs hospitaliers en 1966 venait juste au
début du mandat de M. Johnson et qu'il avait nommé M. Pratte
vous vous souvenez de ça après avoir
édicté un arrêté en conseil pour enlever le droit
aux administrateurs de gérer les hôpitaux. Même après
ces interventions qui étaient un peu draconiennes, dans le temps, M.
Johnson a été poussé au pied du mur et a annoncé
une session spéciale. Le jour où la session devait ouvrir,
à 3 heures, on a réglé. Donc, il n'y a pas eu de session.
1970, 1972, 1974, je me souviens aussi de ces années où on a
voulu aller jusqu'à l'outrance dans certains débrayages.
J'étais moi-même hospitalisé dans un hôpital de
Montréal pour une opération très grave. Dans la nuit on
faisait le vide des hôpitaux, on venait voir si les malades
étaient réellement des cas très graves. J'avais
été opéré le matin, j'étais donc un des
grands malades. On a foncé dans ma chambre et c'est ma femme qui est
allée les mettre à la porte. Ceci pour en venir à
l'argument suivant que je veux développer ce matin, à savoir
qu'il y a des droits pour les syndicats, mais qu'il y a aussi des devoirs
impérieux. Je me trouve dans une position intenable ce matin. Ce n'est
pas ma place d'être ici ce matin pour revendiquer, au nom des
civilisés, des justes limites.
Dans le programme du parti "PQuiou" on a été
jusqu'à dire: On va trouver des formules nouvelles pour empêcher
ces débrayages sporadiques et particulièrement pour respecter les
malades dans les hôpitaux. On a adopté le projet de loi 59 pour
établir les services essentiels, mais c'est impensable que, dans un pays
civilisé comme le nôtre, on n'ait pas avancé d'un pas dans
le domaine syndical pour respecter au moins les droits acquis d'un malade dans
un hôpital. Il y a une maudite limite pour les syndicats de se penser
rois et maîtres de la population et d'exercer un pouvoir, un droit qui ne
leur a jamais été donné. Il y a une limite dans la
province de Québec de faire chanter tout le monde et d'être
obligé d'aller jusqu'à l'adoption de la loi 59 pour
empêcher les syndicalistes d'outrepasser le bon sens.
Dans un pays civilisé comme le nôtre, on a
évolué, on a réellement fait du progrès au point de
vue de la civilisation, mais quelle civilisation ont-ils, eux, maintenant,
vis-à-vis des otages? C'est réellement de la barbarie.
Je m'élève avec violence, c'est indigne d'un peuple
civilisé que d'agir de la sorte et, malgré les lois, on trouve
encore le moyen de passer outre à la loi. Je comprends que la grande
bénédiction que leur a donnée le "P-Quiou" en
effaçant pour $50 millions de poursuites les a rendus plus braves. Cela
a été une erreur monumentale au point de vue administratif. C'est
bon d'être bon, mais jusqu'à faire ça, parce que la
situation vous prouve aujourd'hui que vous avez craché en l'air et que
ça revient sur le nez du gouvernement.
En voulez-vous une preuve? Au Centre Miriam, à Laval, où
on avait 65 employés syndiqués, on a laissé 90 enfants,
handicapés mentalement et physiquement, absolument à leur sort.
On a, je le comprends, recruté d'urgence les cadres pour pallier cela;
mais c'en est une preuve où l'on dépasse le bon sens, le droit de
se faire respecter. On prend les malades en otage, on les fait chanter et on
fait chanter le gouvernement avec ça; il y a toujours une maudite
limite; excusez-moi, M. le Président, je retire le mot "maudite"
c'est une abomination que de voir, aux premiers jours de juin, dans les
hôpitaux de Québec, qu'on a entrepris de réduire, de
façon importante, le taux d'occupation, réduire le taux
d'occupation pour rendre service à qui? Est-ce que
l'intérêt public
commandait véritablement de réduire les services
d'admission? C'est abominable!
Voici une lettre dont vous avez peut-être pris connaissance dans
le dossier qui a été déposé par le président
des services essentiels, au mois de juin. Elle est adressée à M.
Henri Larouche, directeur général de l'hôpital Laval. "Cher
monsieur,
L'Institut de cardiologie est le seul centre desservant l'est de la
province pour les soins surspécialisés de cardiologie et de
chirurgie cardiaque. Les services essentiels, tels que fournis, se sont
avérés inadéquats et compromettent la
sécurité des malades. La liste d'attente des malades pour
chirurgie cardiaque dépasse la centaine, depuis le début du
conflit, de ces malades qui sont jugés prioritaires: 33 pontages
orthocoronaires, onze cardiopathies congénitales, et sept remplacements
valvulaires aortiques. Déjà deux malades sont
décédés en attendant le transfert."
Je ne veux pas, comme le disait le ministre, crier au scandale et
essayer d'attirer la sympathie du ministre, non, mais voici une lettre qui est
écrite et dans laquelle on dit qu'il y a deux malades qui sont
décédés en attendant le transfert. "Les médecins et
chirurgiens de l'Institut de cardiologie jugent qu'ils ne peuvent, dans les
circonstances, fournir les soins surspécialisés de cardiologie et
de chirurgie cardiaque; en conséquence, les médecins et les
chirurgiens de l'Institut de cardiologie vous prient instamment de prendre tous
les moyens pour corriger cette situation et rétablir des conditions
décentes pour les malades."
Cela, M. le Président, je l'ai pris dans les dossiers qui ont
été déposés en Chambre par le président des
services essentiels. Cela en est une preuve; on ne court pas dans les
cimetières pour aller compter le nombre de morts depuis ce temps, c'est
probablement la meilleure réponse qu'on pourrait donner aux
médecins: Les cimetières sont remplis de morts. Ce n'est pas
votre faute, on a eu recours à vous, mais vous avez manqué votre
coup bien des fois; il n'y a pas de clients qui sont capables de revendiquer un
droit d'appel, ils sont morts, les cimetières sont remplis. Y a-t-il une
municipalité qui n'ait pas de cimetière?
On a jeté hors de l'hôpital des patients qui devraient
normalement continuer d'y recevoir des soins, à cause justement des
services essentiels; on a refusé d'admettre des patients qui auraient
dû normalement suivre l'itinéraire de leur maladie.
Dans un cas comme dans l'autre, le citoyen contribuable subit
actuellement de la part des syndicats je ne blâme pas le
gouvernement, ce n'est pas de sa faute, il est devant un état de fait
une agression bureaucratique. Vous avez été trop bon, M.
le ministre, vous leur avez pardonné bien des défauts pendant
l'autre grève et surtout bien des offenses qui avaient été
légalement constituées et judiciairement adoptées. $50
millions qui ont été remis.
Voulez-vous un exemple? Ce n'est pas pour soulever des cas typiques,
mais Mme Louise MacKay, de Cap Rouge, consulte son médecin au sujet de
son bébé je voudrais bien que le nom puisse être
signalé, Mme Louise MacKay et son médecin lui dit:
Conduisez immédiatement votre enfant à l'hôpital. Elle
arrive et il se passe 22 heures avant qu'on lui dise qu'on ne l'admet pas,
d'aller à Sainte-Justice à Montréal. L'enfant a
été transporté d'urgence à Sainte-Justine à
moitié mort; on l'a quasiment ressuscité pour l'opérer.
C'est un cas et cela a été public; c'était dans les
journaux, dans la Presse du 5 juin. Pas besoin de vous dire qu'on a
trouvé ça comme un diplôme de non-compétence des
services essentiels.
Si on ferme l'urgence, cela veut dire qu'on refuse une personne qui fait
une crise cardiaque ou du cancer avancé. Qui peut juger ça, sinon
un pathologiste? Dans la composition du conseil des services essentiels, il y a
un seul médecin, le Dr Harvey Barkun, il y a trois gardes-malades,
Paulette Côté, Ginette Lestage et Andrée Serre, services
auxiliaires de Notre-Dame, et J.-Y. Légaré.
Mme la Présidente, pour vous démontrer que, malgré
notre état de pays civilisé, on est en retard, je me souviens
qu'en 1964, quand M. Lesage a donné le droit de grève aux
services publics, M. Pépin avait dit avec M. Marchand qui était
ministre à Ottawa et qui est aujourd'hui sénateur: M. Lesage, on
vous demande bien humblement de nous laisser essayer le droit de grève
dans les services publics. On a vu ce que cela a donné. On a
été obligé d'adopter la loi 59 pour assurer un conseil des
services essentiels qui ne produit pas véritablement ce pourquoi il a
été nommé, pas plus que le conseil d'information qui est
aussi dans la loi 59.
L'article 99j de la loi dit qu'une entente ou une liste doit notamment
prévoir le libre accès d'un bénéficiaire, tel que
défini au paragraphe p) de l'article 1 de la loi des services de
santé et services sociaux. Mme la Présidente, c'est
épouvantable de vivre dans un pays, dans une province, dans un monde
civilisé comme on dit l'être et d'avoir à subir ça,
d'être inquiets pour nos familles, inquiets pour les êtres qui nous
sont les plus chers, parce qu'ils n'auront pas la facilité d'aller sur
des listes d'attente parce que les services essentiels contrôlent mal
leur affaire.
Je félicite, ce matin, Mme la député de L'Acadie
d'avoir bien voulu porter ce sujet à notre attention commune par sa
question avec débat. Je pense que c'était réellement un
sujet d'appoint qu'elle a magnifiquement exposé, qui nous invite,
particulièrement nous les législateurs, à dire aux
syndicats: Vous avez des droits, c'est vrai, on vous les a reconnus, mais aussi
vous avez le devoir de respecter la population civilisée et de ne pas
prendre en otage comme moyen d'action des malades ou des enfants dans les
écoles. Il faut leur indiquer un point d'arrêt. Il y a toujours
une limite à vouloir aller au-delà du bon sens et c'est ce qu'on
fait présentement. Le ministre, qu'est-ce que tu veux qu'il fasse? Il
fait ce que les autres ont fait dans le temps, le Dr Leclerc et les autres. On
n'est pas capable d'aller plus loin.
Mais les services essentiels dont on avait parlé dans le
programme du "PQuiou" cela aurait été,
en vertu de la loi 59, un remède absolu à tous les
maux.
(11 h 30)
Mme la Présidente, on dirait qu'il n'y a pas de pires sourds que
ceux qui ne veulent pas entendre. Ce matin, mon intervention est justement pour
dire aux syndicats: Vous allez trop loin. Le premier ministre est rendu
à l'admettre en pleine Chambre. Il dit: II y a une limite. C'est une
question de jours ou de semaines, mais probablement que ce sera très
prochainement que nous allons imposer des nouvelles directives, nous allons
prendre des moyens d'action.
C'est le premier ministre d'une province qui a été
appuyé par les syndicalistes. Vous savez, ces gens représentent
92 500 personnes dans les services de santé; il y en a 50 000 qui
appartiennent à la CSN, il y en a 12 000 qui appartiennent à la
FTQ, il y en a 7000 à la Fédération des infirmières
et infirmiers du Québec, il y en a 23 000 dans le Cartel des organismes
professionnels de la santé.
Mais ce petit groupe de 92 000 n'a pas le droit d'imposer sa loi de
barbarie vis-à-vis les malades. Est-ce qu'on choisit le temps où
on est malade? Est-ce qu'on choisit la période à laquelle on va
subir des traitements spécialisés? Non, madame. Mais eux autres
prennent cela comme moyen d'action pour faire chanter le gouvernement, pour
faire de la pression et dire, comme ils font dans les services publics
actuellement. Vous ne passerez pas.
Vous savez que l'honorable premier ministre avait dit à ces
gens-là: Ne lâchez pas. Et, aujourd'hui, il l'a, sa
réponse. Ils ne lâchent pas. Pauvre premier ministre, je le
plains. Vous savez que nous sommes aussi responsables des actes qu'on a
posés. Les paroles s'envolent, mais les écrits restent. Et je
pense que vous, Mme la Présidente, qui avez assez d'expérience,
parce que vous avez vécu dans un domaine qui vous a donné
l'avantage de connaître ce qu'est l'enseignement, vous savez quels
préjudices cela peut causer aux enfants par le retard. Ce n'est pas la
question ce matin.
Mais on a dit: Les services essentiels, ce seront des chiens de garde.
Il y a un gars qui a écrit dans un journal que les chiens de garde
étaient des chiens de garde édentés. C'est écrit le
20 juin, dans le journal La Presse.
Les services essentiels, le ministre répond avec beaucoup
d'assurance. C'est un bon ministre qu'on a, c'est sûr. Je le dis parce
que j'ai été témoin de certains actes où il a
véritablement agi dans l'intérêt public,
particulièrement dans le comté que je représente. Il fait
son possible.
Mais, pour les services essentiels, il dit: Tout y est et tout
fonctionne bien. C'est correct pour la quantité, peut-être. Mais
la qualité doit exister aussi. La quantité, c'est correct. Vous
êtes d'accord avec les chiffres qui nous sont donnés. Mais la
qualité des services essentiels, est-ce qu'elle y est? Et la loi dit
bien: quantité et qualité. La qualité n'y est pas. Pour la
quantité, dans certains hôpitaux, cela fait, mais pas pour la
qualité. Pour la qualité, c'est terrible.
Je termine. J'aurais une charge contre le con- seil de l'information,
mais il n'est pas question de cela. Pourquoi les malades ne seraient-ils pas
appelés à faire partie de la table des négociations? Le
ministre pourrait peut-être me donner une bonne réponse sur cela.
Est-ce qu'il y a une raison pour que les malades ne soient pas à la
table des négociations? Vous n'avez pas pensé qu'à un
moment donné, si les malades étaient à la table des
négociations, cela changerait peut-être bien des choses, si on
avait quelqu'un de dynamique; que les malades soient présents à
la table des négociations. Quand vous voyez passer devant le parlement
100 chaises roulantes, est-ce que c'est parce que cela va bien? 100 chaises
roulantes, devant le parlement du Québec, sur la Grande-Allée,
et, à Montréal, 60 chaises roulantes dans les rues; est-ce qu'on
ne peut pas dire qu'il y a un peu de révolte bien naturelle, bien
mesurée et bien actualisée?
On dit, dans un article de M. Hardy, dans un journal du 19 juin: "Pour
une large part, la grève des hôpitaux a provoqué la chute
du gouvernement Bourassa." Je reprends ce texte et je le mets dans le
décor des situations qu'on vit. Est-ce que les grèves qu'on a
eues ou les grèves qui sont appréhendées ne causeront pas
la chute du gouvernement? Je ne fais pas de menace. Je fais simplement lire un
article qui a été écrit le 19 juin 1979, par un homme qui
connaît un peu le métier. "Sans être antisyndicaliste,
dit-il, il faut se rendre à l'évidence que le système de
maintien des services essentiels ne fonctionne pas."
L'Association des patients de l'hôpital
Saint-Charles-Borromée a déposé il y a quelques semaines,
Mme la Présidente, une réclamation de $350 000 contre le syndicat
des employés de l'hôpital. Pensez-vous qu'on va s'occuper de cela
après le large pardon qu'on leur a donné et la remise des $50
millions de l'amende qui avait été décrétée
par les tribunaux, en 1976? L'association des patients de l'hôpital vient
d'intenter une action pour $350 000 contre le syndicat. Il a
éclaté de rire, n'est-ce pas? Sur les tablettes! Vous avez mal
fait de faire cela. Vous avez brimé, mon cher, ce qu'on appelle
l'intérêt public. Prendre des fonds qui appartenaient à la
province pour acheter une paix relative ou peut-être, je suppose, pour
remercier les syndicats d'avoir été "PQuiou"... Je ne l'affirme
pas, mais je dis simplement que c'est difficile pour ceux qui sont
syndicalistes d'être juge et partie, comme le dit la loi sur les services
essentiels. Ils sont juge et partie. Il y a sûrement conflit
d'intérêts. Nous autres, Mme la Présidente... Ah oui! j'ai
fini. D'ailleurs, j'ai dit tout ce que j'avais à dire du mieux possible.
C'était intéressant, n'est-ce pas? Je voudrais...
M. Lazure: Pas de complexe, pas de complexe.
M. Bellemare: Je pense qu'on n'a pas le droit de monnayer un
succès syndicaliste sur le dos de la santé ou la
sécurité de la population du Québec. C'est pourquoi, la
semaine prochaine, lors d'une question avec débat, je parlerai d'enlever
le droit de grève dans les services publics. Merci.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. Lazure: Mme la Présidente, je remercie le
député de Johnson des bonnes paroles qu'il a eues à mon
endroit.
M. Bellemare: C'est vrai.
M. Lazure: Je le remercie aussi de toute la sollicitude, de
l'intérêt qu'il porte à la réélection du
Parti québécois.
M. Bellemare: Ah, ah, ah!
M. Lazure: Je lui fais remarquer quand même, pour
être sérieux, que, malgré des conflits très graves
de 1972, parce que le député de Johnson dit: Faites attention,
s'il y a trop de problèmes au cours des négociations avec le
front commun, votre élection peut être compromise... C'est une
remarque qui est intéressante, mais il faut quand même se souvenir
qu'en 1972, malgré les terribles problèmes qu'on a vécus,
quelques mois plus tard, en 1973, le gouvernement Bourassa était
réélu avec la plus grande majorité jamais vue au
Québec. Ainsi vont les caprices de l'électorat.
Le député de Johnson, au fond, fait une argumentation
contre le droit de grève ou l'usage du droit de grève dans les
secteurs public et parapublic. Il dit, au début de ses remarques, qu'on
a laissé les syndicats passer outre aux lois. J'ai pris la citation de
façon bien exacte. C'est sérieux comme accusation. Nous ne
croyons pas que, pour le moment, depuis que la loi 59 existe, les syndicats
aient passé outre aux lois. Ils n'ont pas passé outre aux lois.
Mais, comme le député l'a dit tantôt, on va reparler la
semaine prochaine du droit de grève, des négociations en
général.
Je voudrais revenir rapidement aux malades, aux problèmes qui
entourent des situations de débrayage. Vous avez fait allusion aux
transferts; les deux partis de l'Opposition ont fait allusion aux transferts.
Je voudrais qu'on comprenne bien que, dans le cours normal des choses, qu'il
s'agisse d'un nouveau-né, d'un bébé, d'une personne
âgée, d'un cardiaque ou d'un malade pulmonaire, des transferts
d'un hôpital à un autre, cela se fait couramment, cela se fait
tous les jours.
L'admission à l'hôpital pour les cas qui sont à
domicile, cela vaut la peine d'y revenir, parce que c'est un peu le
thème qu'on a entendu au mois de mai, au mois de juin. Les gens
disaient: C'est vrai que les malades qui sont dans l'hôpital sont bien
traités, mais il ne faut pas oublier qu'on pénalise les gens qui
sont à la maison, et qui devraient être à l'hôpital.
Je répète ce que j'ai dit au mois de mai: La
responsabilité de voir à l'admission d'un malade qui est à
domicile, c'est la responsabilité du médecin traitant, du
médecin de famille.
Je continue à croire qu'aux mois de mai et juin, aucun
syndiqué n'a refusé l'accès d'un malade dans une urgence,
aucun syndiqué. Par conséquent, je pense qu'il est de
l'obligation du médecin, chaque fois que, dans sa liste de malades qui
attendent pour une opération, chaque fois qu'il pense que ce malade
devrait entrer d'urgence, c'est son obligation, sa responsabilité de
faire en sorte qu'il s'emmène, que le malade soit emmené à
l'urgence. Nous avons jusqu'ici, sur la base d'expériences, l'assurance
que ce malade sera admis, mais encore faut-il que quelqu'un l'emmène
à l'hôpital. Les urgences ont été très
rarement fermées pour les douzaines et les douzaines d'hôpitaux
qui ont eu des débrayages d'un jour ou de deux jours depuis cinq ou six
mois...
M. Bellemare: ... un hôpital!
M. Lazure: Il y a eu quelques fermetures d'urgence dans
Montréal ou Québec. D'habitude, c'était une urgence de
fermée à la fois. Là aussi, il faut faire attention pour
ne pas dramatiser dans une ville comme Québec où il y a 25
hôpitaux avec des urgences, ou à Montréal, il y a une
cinquantaine avec des urgences. Qu'une urgence soit fermée
temporairement pour six heures ou douze heures, ce n'est quand même pas
une catastrophe.
M. Bellemare: Cela contredit la loi.
M. Lazure: La qualité des services essentiels...
M. Bellemare: Oui.
M. Lazure: ... on entre dans une forêt très touffue,
on entre dans un domaine où il est absolument impossible d'avoir des
mesures de qualité. Qui va aller mesurer la qualité de soins
qu'une infirmière dispense? Ce n'est pas facile.
M. Bellemare: La qualité du malade est plus ou
moins...
M. Lazure: Le député de Johnson a raison de
proposer que les malades soient plus impliqués. Je ne sais pas si cela
doit aller jusqu'à la participation à la table de la
négociation, comme il le dit, mais nous en avons tenu compte. Le Conseil
sur le maintien des services de santé, par exemple, a recouru au
comité provincial des malades. Il y a au moins un des treize experts
engagés par le conseil qui est un représentant de ce
comité provincial de malades. Le comité provincial de malades,
d'ailleurs, a été consulté quand il s'est agi de
constituer le Conseil sur les services essentiels.
Mme la Présidente, j'aimerais, pour le temps qu'il me reste,
passer la parole au député de Joliette-Montcalm, qui aurait
quelques remarques à faire au sujet des interventions du
député de Johnson.
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous auriez jusqu'à
11 h 56, M. le député de Joliette-Montcalm, si tant est que nous
considérions le temps qui aurait pu être alloué au
ministre.
M. Chevrette: Je vais me situer à l'intérieur de
cela, Mme la Présidente.
M. Pagé: Mme la Présidente, je m'excuse, le
député de Joliette-Montcalm me permettra quand même. Ce
matin, la question avec débat a été amenée par la
députée de L'Acadie. Mme la députée de L'Acadie a
fait des représentations, a posé des questions et elle aimerait
conclure. Nous avions l'intention de terminer nos travaux vers midi. J'aimerais
bien, quant à moi, qu'elle puisse en arriver à sa conclusion
d'ici quelques minutes dans les plus brefs délais.
M. Chevrette: D'accord. Dans ce cas, je vais...
La Présidente (Mme Cuerrier): Si vous voulez bien, nous
ménagerons...
M. Lazure: Nous sommes d'accord.
M. Chevrette: Je me donne quatre ou cinq minutes, au maximum.
M. Bellemare: Le ministre s'en va!
La Présidente (Mme Cuerrier): Si vous voulez bien, nous
ménagerons un temps pour Mme la députée de L'Acadie pour
sa conclusion, et ensuite, un temps pour M. le ministre, puisque Mme la
députée avait été la première à poser
la question.
M. Lazure: Très bref. M. Chevrette: Très
bref.
La Présidente (Mme Cuerrier): Rapidement, M. le
député de Joliette-Montcalm.
M. Pagé: Cinq minutes et dix minutes.
M. Chevrette: Je voudrais tout simplement souligner quelques
points qui ont été amenés ici. Quant la
députée de L'Acadie, en particulier, se servait de rapports
d'experts et qu'elle dit qu'ils sont incomplets, je suis un peu d'accord avec
elle, dans le sens suivant: un rapport d'expert doit aussi vérifier la
situation en temps de grève par rapport à la situation en temps
de travail. On aurait probablement pu constater, par exemple, que les
cédules d'opérations à l'hôpital Laval
n'étaient pas plus grandes en temps de grève qu'en temps de
non-grève. C'est important pour porter un jugement de valeur face
à la situation dans le cas d'un débrayage. On a malheureusement
constaté dans certains hôpitaux qu'il n'y avait pas plus
d'opérations que quand il n'y avait pas de grève. Cela
m'apparaît un petit peu aberrant et cela permet à certains hommes
publics de se poser des questions très sérieuses. On semble
vouloir faire porter le blâme complètement sur le dos du
syndicaliste. Je pense que non. Il y a du tort des deux côtés. Je
m'excuse, j'apporterai les nuances qui s'imposent. Je suis d'accord qu'il faut
lancer des appels au monde syndical pour ne pas exagérer dans
l'utilisation d'un droit, mais il m'apparaît qu'avec les huit jours
d'avis, on peut prévoir certaines situations dans certains
hôpitaux, surtout dans le cas de Laval, par exemple.
(11 h 45)
Je donne l'exemple suivant: si un hôpital qui prévoit qu'il
y a un débrayage, parce qu'on a huit jours pour aviser, ne s'organise
pas pour respecter le taux d'occupation, le syndicat est responsable d'assurer
le minimum qu'il a négocié ou le minimum qu'il s'est
engagé à faire respecter. Mais la situation est la suivante: II
ne contrôle pas, cependant, le taux d'occupation du même
hôpital. Je suppose que les services essentiels suggérés
par le syndicat représentent un taux d'occupation de 48% ou de 50% et
que la direction permet un taux d'occupation de 65%, c'est bien évident
que la qualité, dont parlait le député de Johnson, n'est
plus assurée, parce que le taux d'occupation devrait être en
fonction du pourcentage de services essentiels qu'on s'est engagé
à donner.
Moi, je vous avoue le député de Johnson va tomber
d'accord avec moi là-dessus que la situation actuelle, ce n'est
pas le fruit de la spontanéité en relations de travail. Cela
s'est bâti, ce climat. Je demeure convaincu, moi, que ce n'est pas en
écrivant dans une loi: Demain matin, vous n'avez pas le droit de faire
la grève qu'on règle le problème des relations de travail
au Québec.
M. Bellemare: C'était dans votre programme.
M. Chevrette: Ce serait vraiment utopique de croire ça. On
n'a jamais dit, non plus, qu'on adopterait la loi pour dire qu'on enlève
le droit de grève, parce qu'avec les violations légales qui ont
eu lieu, en particulier dans la période 1970-1976 et je regardais
un des conseillers du Parti libéral qui a vécu toutes ces phases,
un certain bout avec moi, à part ça, à certaines tables de
négociation Dieu sait comment on a eu de la difficulté
à faire appliquer certaines lois. Pourquoi? Parce qu'elles
étaient irréalistes.
Le député de Johnson disait tantôt, par exemple:
Vous avez donné la bénédiction pour $50 millions. Mais,
pauvre de vous, du jour au lendemain, on allait imposer des amendes de $5000
à des individus qui gagnaient à peine $25 par jour!
C'était tout à fait irréaliste. Je conclus
là-dessus, Mme la députée, ce ne sera pas long.
M. Bellemare: Ce n'est pas vous autres qui avez
décidé ça, c'est la cour.
M. Chevrette: Non, ce que je veux expliquer, c'est que la
législation, à l'époque, en particulier sous le
régime Bourassa, était complètement farfelue, tellement
farfelue que les gens n'y croyaient pas à force que c'était tout
à fait exagéré. Quand on veut qu'une loi soit
respectée, il faut qu'elle se situe dans le cadre d'une conjoncture
politique et d'un climat social qui sont reconnus; sinon, vous courez, comme
législateurs, après la violation de la législation.
M. Bellemare: Oui.
M. Chevrette: C'est ça aussi, le piège dans lequel
on ne doit pas plonger comme législateurs. On doit plutôt faire
appel, comme l'a fait le député de Johnson, à la
modération. On se doit de ne pas chercher la provocation et on se doit,
cependant, d'être éveillé.
La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, votre conclusion, Mme
la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, je voudrais, d'abord,
faire remarquer que le ministre n'a jamais répondu aux faits
précis que j'ai apportés. C'est toujours par des allusions. Il
m'a également accusé de sortir des extraits. Bon! Je lui ferai
remarquer d'ailleurs, ceci sera remis au public qui pourra juger
lui-même qu'il n'y a pas eu de parties de phrases d'extraites,
contrairement à ce que le ministre lui-même a fait au sujet du
monsieur de 71 ans. S'il l'avait lu jusqu'au bout, il l'aurait vu. J'ai
également dit qu'on était prêt à déposer tous
les rapports d'expertises et les communiqués du conseil. D'ailleurs, je
ferai remarquer qu'alors que j'ai cité au texte les experts, le conseil,
en certaines occasions, ne les cite même pas au texte.
J'ai apporté des faits précis et le ministre n'y a pas
répondu. Nous avons vu le député de Joliette soulever des
points que je n'ai même pas soulevés et les réfuter
lui-même, des questions hypothétiques; il n'a répondu
à aucun des points que j'ai soulevés. Je voudrais
également faire remarquer qu'en première réponse le
ministre a fait état de son bon gouvernement par rapport à ceux
qui l'ont précédé, mais qu'en deuxième
réplique il m'a accusée personnellement. Je n'ai pas la
compétence, etc. Je ne connais rien aux affaires sociales. Mais, Mme la
Présidente, je pense qu'il doit rire dans sa longue barbe un peu parce
qu'il sait fort bien que j'ai travaillé dans des hôpitaux pendant
dix ans. Nous avons même eu des contacts professionnels alors qu'il
était en centre hospitalier et d'ailleurs, quand il veut m'amadouer dans
d'autres commissions, il y fait facilement allusion.
Je pense qu'il était là sur une mauvaise piste, mais c'est
dans le même sens des autres réfutations qu'il a tenté de
faire et qui sonnaient vraiment faux. Je voudrais également rectifier un
point. Ceci ne se voulait pas une attaque contre les syndicats, au contraire.
Les syndicats, la loi leur permet... Enfin, ils fonctionnent avec ce que la loi
leur permet et la loi c'est vraiment l'Assemblée nationale qui en a la
responsabilité et non les syndicats.
Les questions que je voudrais poser en terminant, la première:
Est-ce que la loi, telle qu'elle existe, est suffisante pour assurer à
la population la sécurité et les services requis auxquels elle a
droit en temps de conflit? C'est une première question.
Est-ce que le gouvernement, conscient de ce qui existe, des rapports des
experts il les a eus bien avant nous, Mme la Présidente a
examiné la possibilité de voir dans quelle mesure il avait
utilisé ce que la loi lui permet? Il y avait une possibilité de
suspension de grève pour 30 jours.
Également, est-ce que le gouvernement nous dit que, pour autant
que les listes sont respectées, cela assure les services essentiels? Je
pense que nous avons fait la démonstration ce matin que c'était
loin d'être suffisant. Je voudrais terminer, et que le ministre ne me
dise pas que je sors encore ces passages du contexte, je les ai lus plus
longuement. Je veux simplement dire quelques points où le ministre n'a
pas apporté de réponse.
Pour quatorze malades cardiaques bénéficiaires et ayant
droit à des soins de qualité dans les délais raisonnables,
on peut affirmer de façon catégorique que le délai d'un
mois et plus dans certains cas leur est préjudiciable et qu'ils sont
inutilement exposés à un risque de mort subite ou à une
détérioration grave de leur état.
À l'hôpital Laval, un certain nombre de cas très
urgents ont dû être transférés dans d'autres
hôpitaux. Nous avons fortement souligné aux autorités de
l'hôpital et à la partie syndicale qu'il s'agissait là
d'une violation flagrante des services essentiels tels que prévus au
Code du travail.
À l'hôpital Laval, on lit qu'en chirurgie thoracique comme
en chirurgie cardiaque il s'agit ici de bénéficiaires qui ont
droit de recevoir des soins de qualité et qui en sont privés
depuis une période de temps telle que leur survie est en danger...
Finalement, Mme la Présidente, en parlant de l'Hôtel-Dieu
de Québec, dans la mesure où cet hôpital est un
hôpital très spécialisé, principalement dans les cas
de cancers, la situation est particulièrement délicate. Il est
vrai que j'ai raccourci, mais c'est quand même au texte, j'ai lu toutes
les parties qui étaient touchées et les expertises sont là
pour qu'on s'y réfère.
Mme la Présidente, je pense qu'il n'y a absolument pas de
mauvaise foi de notre part. Le ministre est encore vraiment peu conscient de
ses responsabilités quand il tente de dire, devant la population: Non,
nous avons fait de bonnes lois, tout va bien, les services essentiels sont
assurés. On n'est pas pour se préoccuper de tous ceux qui sont
à la maison; évidemment, il y en a toujours qui attendent, mais
je pense que ces données font la preuve, hors de tout doute, que le
gouvernement ne s'est pas acquitté de ses responsabilités et
continue de ne pas vouloir s'en acquitter. Il y a actuellement à
Montréal des débrayages dans probablement une dizaine
d'hôpitaux, le transport en commun est complètement
paralysé. Même les transferts dans les hôpitaux
auxquels le ministre faisait allusion tout à l'heure ne sont
presque plus possible, quand on connaît la situation de la circulation
à Montréal. Alors, je pense que c'est encore de la fausse
réassurance que le ministre donne au public.
Notre seule préoccupation je le répète
est que le gouvernement nous sommes prêts à l'aider;
je l'ai fait dans cet esprit ce matin examine la loi, voie dans quelle
mesure on peut mieux assurer les services essentiels et prenne des mesures pour
que, dans les faits, ces services essentiels soient assurés à la
population. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Dernière
intervention, la conclusion de M. le ministre des Affaires sociales.
M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Je remercie Mme la
députée de L'Acadie pour avoir évoqué cette
période plus calme où nous travaillions tous les deux dans le
secteur hospitalier; ça fait déjà très
longtemps!
J'ai simplement voulu dire et j'ai dit que Mme la députée
de L'Acadie était plus familière, plus à l'aise dans les
questions d'éducation et c'est normal.
Ceci étant dit, je vais prendre les questions qu'elle a
posées dans sa conclusion, une par une.
Quant à nous, la loi pour reprendre l'expression de Mme la
députée de L'Acadie est actuellement suffisante. La loi,
à notre avis, fonctionne pour autant qu'une loi peut fonctionner, dans
la mesure où les humains qui appliquent la loi sont de bonne foi pour
faire appliquer cette loi. On trouve une confirmation du bon fonctionnement de
cette loi et du bon fonctionnement du conseil sur les services essentiels dans
le fait suivant, où je rejoins directement les questions de Mme la
députée de L'Acadie.
Contrairement à ce qu'elle a laissé entendre, le
comité sur les services essentiels a répondu à toutes les
plaintes des hôpitaux. Treize hôpitaux, depuis le mois de mai, ont
porté plainte au comité et, dans chacun des cas, il y a eu
enquête, Mme la Présidente, et c'est capital, c'est fondamental,
dans chacun de ces cas, il y a eu enquête et le rapport officiel du
comité sur les services essentiels a conclu en disant, dans les treize
cas sur treize, que les services nécessaires avaient été
fournis. Encore une fois, il faut distinguer entre le rapport très
détaillé qu'un expert fournit au comité sur les services
essentiels, c'est une chose; ensuite, il y a discussion avec les membres du
comité sur les services essentiels et ce sont les membres du
comité sur les services essentiels qui émettent le
communiqué final ou la décision finale.
Dans tous les cas, la conclusion du comité a été
très claire, dans tous les cas, les services nécessaires avaient
été maintenus. C'est ça, au fond, le concept principal,
l'idée fondamentale de la loi et du rôle du comité, de voir
à maintenir les services nécessaires pour la santé et la
sécurité des gens. J'ajouterai aussi que le ministère des
Affaires sociales et le ministre ont des rapports quotidiens, venant de nos
propres fonctionnaires; nous assumons pleinement notre responsabilité
et, en plus des rapports quotidiens qui viennent depuis quelque temps du
comité sur les services essentiels, nous avons aussi nos propres
rapports quotidiens.
Je dois dire avec satisfaction que, dans presque tous les cas, les deux
rapports concordent. Ce sont des rapports établis par
téléphone avec tous les hôpitaux qui sont en
débrayage chaque jour, en consultant et la partie patronale et la partie
syndicale. Je réponds à sa deuxième question: Oui, nous
avons envisagé la possibilité de suspendre le droit de
grève, nous l'avons envisagée. Si c'est nécessaire, si la
situation le commande, nous l'envisagerons encore. Lorsque nous l'avons
envisagée, notre conclusion a été: Étant
donné que les services de santé étaient suffisamment
maintenus, il n'y avait pas lieu de retirer ce droit de grève.
L'autre question, la dernière de la députée de
L'Acadie, où elle parle, encore une fois, en citant des extraits de
rapports d'experts, de certains malades dont le risque de décès
augmentait à cause de la période d'attente, dans ces cas
précis que j'ai bien connus, de par les rapports de tous les jours que
j'étudiais, que ce soit à l'hôpital Laval, au CHUL ou dans
les hôpitaux de Québec, je peux vous assurer, Mme la
Présidente, que les médecins, chaque fois qu'ils ont
assumé leurs responsabilités, chaque fois qu'ils ont rempli leurs
obligations professionnelles de faire transporter les malades de leur domicile
vers l'hôpital, ces malades étaient admis.
Il faut, cependant, que les médecins ne se contentent pas de
dire: Nous avons des malades à domicile qui vont peut-être mourir
parce qu'il y a un débrayage. Il faut que ces médecins les
emmènent ou les fassent venir à l'hôpital et nous avons la
certitude, sur la base de l'expérience que nous avons eue en tout cas,
que ces malades seront admis aux urgences. (12 heures)
Mme la Présidente, je conclus à mon tour. Je me
réjouis que nous ayons eu cette occasion de faire un retour en
arrière sur la période de mai et juin. Je pense que nous pouvons
toujours apprendre suite à ces discussions et tirer certaines
leçons. Je peux vous assurer, Mme la Présidente, que cette loi
59, qui comporte en particulier la création du comité des
services essentiels, jusqu'ici, nous a démontré, depuis cinq ou
six mois, qu'elle était infiniment supérieure comme loi à
la loi 253 et à toutes les autres mesures législatives que les
gouvernements antérieurs ont pu prendre.
Mme Lavoie-Roux: C'est le ministre qui le dit, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): C'était la question
avec débat de Mme la députée de L'Acadie au ministre des
Affaires sociales. La commission des affaires sociales ajourne ses travaux sine
die.
Fin de la séance à 12 h 1