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(Dix heures onze minutes)
Question avec débat
Définition d'une politique familiale
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Veuillez
vous asseoir. Il s'agit de la commission permanente des affaires sociales qui
se réunit, aujourd'hui, pour discuter de la question avec débat
du député de Mégantic-Compton qui s'adresse au ministre
des Affaires sociales sur le sujet suivant: La définition d'une
politique familiale au Québec.
Conformément à notre règlement et à la suite
d'une entente également intervenue entre les principaux porte-parole des
partis, M. le député de Mégantic-Compton, vous allez
prendre la parole en premier pour une période n'excédant pas 20
minutes. Par la suite, ce sera le tour du député de Saint-Laurent
pour la même période. Ensuite, M. le ministre des Affaires
sociales. Enfin, s'établira un échange, tout en tenant compte du
fait qu'à notre commission, il n'y a pas de motion, il n'y a pas de
vote, que le quorum est présumé exister et que, d'autre part, le
ministre a un droit de parole privilégié de même que celui
qui a adressé la question avec débat, c'est-à-dire le
député de Mégantic-Compton, à qui d'ailleurs, je
cède la parole.
Exposé du sujet M. Fernand Grenier
M. Grenier: Merci, M. le Président. M. le ministre, M. le
député de Saint-Laurent, à la commission parlementaire des
affaires sociales concernant l'avant-projet de loi sur les services de garde
à l'enfance, différents groupes ont manifesté le voeu que
l'on mette à jour au Québec une politique familiale. Le ministre
des Affaires sociales, un peu fatigué par la répétition de
cette demande, a déclaré aux représentants du CRSSS de
Rimouski que son rôle était d'offrir des services. À son
tour, le député de Richelieu a ajouté il
était à ce moment-là l'adjoint parlementaire du ministre
"Le Parti québécois a une politique sociale qui englobe la
politique familiale."
À mon avis, ces deux déclarations du côté
ministériel illustrent bien le manque de cohérence et
d'idéal socio-familial chez ce gouvernement. En effet, un gouvernement
ne doit pas se contenter d'être seulement un robot à projet de
loi. Il doit aussi prévoir longtemps d'avance les grandes orientations
sociales du peuple qu'il dirige. Un gouvernement ne doit donc pas se contenter
d'offrir des services à la population qui arrivent trop souvent quand le
besoin est devenu criant et que la crise est proche. Un gouvernement ne doit
donc pas s'arrêter à son rôle de pompier; il a aussi le
devoir impératif de faire de la prévention. J'ai ici une
citation: "La patrie est un projet commun, une création continue de nos
efforts solidaires. Le plus grave désastre qui puisse menacer un peuple
n'est pas l'anéantissement militaire, c'est l'indifférence de ses
membres à la forme de son avenir."
M. le Président, avant que l'on m'accuse de manquer
d'originalité ou tout simplement de plagier, je dois préciser que
cette citation a été utilisée aussi par les auteurs du
livre "La politique québécoise du développement culturel".
Le Parti québécois a trouvé essentiel que le Québec
ait sa politique culturelle.
Quels sont les arguments invoqués, l'an passé, par le
gouvernement du Parti québécois afin de mettre en branle sa
politique culturelle? Voici quelques-uns de ces arguments.
Un gouvernement démocratique doit soumettre aux citoyens les vues
d'ensemble qui l'inspirent dans sa politique culturelle, comme pour le reste
d'ailleurs. Deuxièmement, cela n'amène pas pour autant
l'État à imposer de haut une sorte de doctrine ou de
système. Troisièmement, c'est au sein des libres débats
publics que doit se dégager un projet collectif.
Enfin, j'invite le ministre des Affaires sociales à consulter son
collègue, le ministre d'Etat au Développement culturel. Celui-ci
semble avoir assez bien compris que de dégager une politique
générale ne signifie pas, dans un pays démocratique, que
l'on s'érige en autorité suprême. (10 h 15)
Si je dis cela, c'est en faisant allusion à une autre
déclaration du ministre des Affaires sociales alors que celui-ci
affirmait qu'il n'appartenait pas à un gouvernement de définir
une politique familiale. Cependant, cela ne veut pas dire que nous n'en avons
pas besoin. Aussi, on ne peut invoquer, comme l'a fait récemment le
ministre, le fait que l'on vive dans une société pluraliste pour
réfuter l'idée d'une politique familiale.
L'énoncé de politique culturelle dont le ministre d'Etat a
fait la promotion fait justement le point sur cette motion "fourre-tout" qu'est
le pluralisme. En effet, ce nébuleux concept, s'il en est un, est une
échappatoire trop facile devant les responsabilités qui incombent
aux élus du peuple. D'autre part, il est vrai que notre
société est en perpétuelle mutation. Cette mouvance n'a
cependant pas arrêté les protagonistes de la politique culturelle
de mener leur travail à bien.
Ce qui me semble anormal chez ce gouvernement, c'est que l'on se
préoccupe tant de la culture tout en ignorant ce qui la sous-tend,
c'est-à-dire la famille.
Au Québec, nous voulons une politique familiale. Ce désir
est apparu très clair chez les intervenants non seulement pendant la
dernière commission des affaires sociales, mais aussi pendant la
commission de la justice sur le droit de la famille. Une politique familiale
serait une toile de fond sur laquelle devrait s'articuler toute notre
législation touchant la famille.
Une politique familiale rassemblerait les valeurs
véhiculées par notre société pluraliste. Tenant
compte de ces valeurs, la législation pourrait trouver une orientation
optimale. Il ne s'agit
pas ici que le gouvernement se mette à définir la famille.
Je rappelle au ministre que cela serait hors de sens.
Au Québec, il existe des moyens démocratiques de
consultation qui peuvent nous révéler le pouls socio-familial,
les aspirations et désirs des Québécois en la
matière. Or, je suis conscient que, d'ores et déjà, un
problème se pose face aux innombrables situations familiales. Comment
envisager une politique tout en tenant compte de ce facteur?
Je propose donc deux principes. Le premier, c'est que tout doit partir
de l'enfant. En effet, une loi-cadre ou un livre blanc sur une politique
familiale doit centrer son action autour du dénominateur commun à
tous les types de familles, soit l'enfant. Le deuxième principe, c'est
celui de permettre aux parents d'assumer leurs responsabilités.
Nous vivons dans une société basée sur les droits
de la personne. Une saine politique familiale devrait mettre de l'avant la
responsabilité des parents envers leurs enfants, rétablissant
ainsi l'équilibre entre droits et responsabilités. Souvent, il
est difficile à des parents de se prendre en main quand arrivent les
difficultés. Comme le signalaient les Organismes familiaux
associés du Québec, l'OFAQ, dans leur numéro de
décembre 1978 "Ce que pourrait présenter une politique
familiale... des lois ayant pour objet le bien et le souci de protéger
et d'aider sa famille sans se substituer à elle."
Pendant l'audition des mémoires sur les garderies, les
représentants de l'OFAQ interrogeaient le ministre à savoir
où se situait, à l'intérieur du contexte de la famille,
l'avant-projet de loi sur les services de garde à l'enfance. Le ministre
n'a pas répondu, parce qu'il n'avait aucune réponse à
donner. Bien que l'avant-projet de loi sur l'Office de garde à l'enfance
soit d'une criante nécessité, il n'en reste pas moins qu'il fait
partie du travail à la pièce auquel se livre notre ministre des
Affaires sociales. De quelle philosophie socio-familiale relève cet
avant-projet de loi? Personne ne le sait, puisqu'il vient strictement combler
un besoin sans aucune orientation et sans idéal précis.
Déjà, le 23 décembre 1978, quelques jours avant
l'entrée en vigueur de la Loi de la protection de la jeunesse, on
signalait que cette loi n'était qu'un élément de politique
familiale, et on s'interrogeait sur l'éventualité d'une charte
des droits de l'enfant. On ressentait donc déjà le besoin
d'encadrer cette législation. Presque un an après la mise en
vigueur de la loi 24, on est en droit de se demander si c'était vraiment
un projet collectif reflétant la façon dont la population aurait
voulu régler ce problème bien spécifique.
Que dire des foyers d'accueil? À la suite de la fameuse
"Opération 30 000", j'attire l'attention sur certains titres de
journaux. Par exemple: "25 000 enfants québécois sont des
réfugiés", "30 000 enfants ping-pong".
Enfin, le ministre lui-même avoue avec désolation, lors du
colloque à Boscoville: "Trop d'enfants sont placés en institution
sans raison". Dans le dossier que M. Roger de Bellefeuille nous livre sur
"l'Opération 30 000", un fait est soulevé: Le rapport
"Opération 30 000" ne fournit pas de réponse, mais d'autres
devraient se charger de la donner. "D'autres", ce sont les
Québécois qui doivent s'unir pour regarder les faits et trouver
des solutions à longue échéance. Il faut à tout
prix couper court aux prophéties des travailleurs sociaux qui
prévoient un avenir plutôt sombre pour 47% de ces enfants. Une
politique familiale devrait naturellement encourager les familles à
rester unies. Présentement, sur le plan fiscal, il y a une incitation
à la dislocation familiale. Ainsi, la pension alimentaire en cas de
séparation ou de divorce est déductible d'impôt, tandis que
l'enfant à charge n'est pas déductible, au provincial.
Le problème auquel nous sommes confrontés relève
souvent d'une question de mentalité. S'il faut la changer, ce n'est
surtout pas un projet de loi statutaire qui, du jour au lendemain, effectuera
le revirement. C'est là que surgit encore le besoin d'une politique
familiale qui, à long terme, pourra tracer les jalons d'une telle
réforme.
La refonte du Code civil, chapitre de la famille, a suscité bien
des espoirs parmi les tenants de la famille. En effet, on croyait que,
dorénavant, nos lois sur la famille accuseraient plus de
cohérence. On s'est malheureusement vite détrompé quand
est apparu le projet de loi no 13, Loi modifiant la Loi de l'adoption. En
effet, cette législation aurait dû succéder et non
précéder la refonte du Code civil. Ainsi, le projet de refonte
prévoyait tout un mécanisme de surveillance face à
l'adoption privée concernant les intermédiaires. La
première chose que l'on a sue, le ministre des Affaires sociales a rendu
caduques ces dispositions, en proposant un projet de loi statutaire, en rayant
définitivement de la carte le choix, pour la mère, de choisir
l'intermédiaire qui veillera à faire adopter son enfant. Soit dit
en passant, certains membres de ce gouvernement préconisent que la femme
est libre de disposer de l'enfant qu'elle porte quand il s'agit d'un
avortement. Cependant, si une femme veut donner son enfant pour adoption, elle
n'est pas libre de choisir son intermédiaire. Enfin, nous ne sommes pas
à une incohérence près...
En prenant une telle position face à l'adoption, le ministre
s'est érigé en autorité en décidant ce qui
était bien et ce qui était mal. Et voilà qu'il a
déclaré devant l'OFAQ qu'il ne voulait pas s'aventurer dans une
politique familiale de peur de porter atteinte aux grands principes de notre
société pluraliste.
Je répète qu'il appartient au ministre de définir
une politique familiale, qu'il doit aller glaner parmi la population
québécoise. Une politique familiale viserait à donner aux
Québécois ce qu'ils veulent et non ce que veulent les politiciens
au pouvoir, peu importe de quel gouvernement ils sont.
Mme la ministre d'Etat à la Condition féminine
déclarait le 24 août dernier, à Sherbrooke, devant les
membres de l'AFEAS, que la femme devrait
être libre de travailler, de se marier, de rester
célibataire, d'avoir des enfants. Je ne veux pas porter de jugement de
valeur sur les propos de Mme Payette, cependant si c'est cela qu'elle
préconise, en tant que membre du gouvernement, il serait important de
savoir si les femmes du Québec endossent ses dires.
Un autre point que Mme le ministre d'Etat à la Condition
féminine met de l'avant: Toutes les régions du Québec ont
besoin de système d'interruption volontaire de grossesse, affirmait Mme
Payette dans le Journal de Québec du 26 octobre 1979.
Selon quel mandat peut-elle préconiser l'interruption volontaire
de grossesse, alors qu'il n'y a aucun consensus là-dessus au
Québec. La preuve en est manifeste. Les cliniques d'avortement
thérapeutique récemment installées ne peuvent prendre leur
air d'aller. Ces cliniques mises sur pied en douce sont encore des
pièces éparpillées, des services disparates qui ne
s'apparentent avec aucune philosophie d'ensemble. Ne nous y trompons pas,
l'avortement sur demande n'a pas rallié la faveur de la majorité
des Québécoises.
Si le gouvernement avait su bien palper le pouls des citoyens en
matière d'avortement, il ne serait pas aux prises avec un
problème si odieux.
Une loi-cadre ou un livre blanc sur la famille ferait la promotion des
aspirations du peuple et non de celles des politiciens au pouvoir. De cette
façon, on serait sûr d'aller vers les vrais besoins des gens
assurant ainsi une cohérence à la législation en
matière de la famille évitant le travail à la pièce
qui se pratique présentement. C'est à ce moment seulement que la
famille en soi deviendrait un projet collectif reflétant le consensus
des Québécois.
Avant de conclure, permettez-moi de rappeler les positions de mon parti
relativement à une politique familiale. Une politique familiale serait
une toile de fond dont les Québécois se doteraient et sur
laquelle viendrait se fixer la législation en matière de la
famille. Une politique familiale serait articulée autour de deux
principes fondamentaux, soit: 1. le dénominateur commun de la famille:
l'enfant; 2. que le gouvernement aide les parents à assumer leurs
responsabilités sans les prendre à leur place.
Une politique familiale doit être élaborée dans une
perspective de prévention et toucherait essentiellement:
premièrement, le Service de protection de la jeunesse;
deuxièmement, les foyers d'accueil pour enfants et personnes
âgées; troisièmement, la mère de famille;
quatrièmement, la planification familiale et cinquièmement, le
service de garderie et bien sûr, il peut s'y ajouter autre chose.
Enfin, je résume ici par quelques questions que j'adresse au
ministre en terminant. Est-ce que le ministre est prêt à
reconnaître ce manque de cohérence occasionné par l'absence
d'une politique familiale?
J'aimerais savoir aussi quels ont été, jusqu'à ce
jour, les efforts du gouvernement en vue d'articuler une politique vraiment
familiale?
Troisièmement, est-ce que le ministre peut nous expliquer comment
il perçoit la différence entre politique sociale et politique
familiale, chose que le député de Richelieu semblait
mélanger?
Quatrièmement, deux ans après son arrivée au
pouvoir, le gouvernement a donné le jour à une politique
culturelle, alors qu'il n'existait même pas un embryon de politique
familiale. Comment le ministre peut-il justifier cette attitude de son
gouvernement? Est-ce que c'était vraiment une priorité que cette
politique culturelle, alors qu'il semble que la politique familiale n'en est
pas une?
M. le Président, je termine avec cette entrée en
matière, bien sûr, quitte à revenir avec des questions
additionnelles que je poserai au ministre dans quelques minutes.
Le Vice-Président (M. Vaillancourt, Jonquiè
re):
Merci. M. le député de Saint-Laurent.
M. Claude Forget
M. Forget: Merci, M. le Président. La question de
politique familiale est une question qui revient et qui, nécessairement,
va continuer de revenir dans toutes espèces de discussions soit au
niveau politique, soit au niveau de ceux qui essaient de comprendre comment
notre société évolue et quels sont les services et les
politiques qui pourraient permettre ou encourager que cette évolution se
fasse dans le sens qui leur apparaît souhaitable.
Mais avant d'en venir à des prescriptions, je pense qu'il est bon
de faire un certain nombre d'observations pour se demander véritablement
quels problèmes nous voulons résoudre par une politique ou des
politiques familiales.
Il peut étonner bien des observateurs de constater que dans nos
sociétés occidentales, au Canada et au Québec, en
particulier, dans une certaine mesure on pourrait dire que jamais les familles
ne se sont aussi bien portées, dans le sens au moins où
c'est une surprise pour tous ceux qui prennent connaissance de ces chiffres
pour la première fois jamais on ne s'est autant marié,
jamais la vie de couple et de famille n'a été aussi populaire, si
l'on veut, qu'elle ne l'est maintenant, jamais le pourcentage de la population
qui vit dans des familles plutôt qu'isolément n'a
été aussi élevé que maintenant. On se marie plus
que jamais et la plupart des familles ont, à un moment ou l'autre,
parfois plus tard que dans le passé, un ou deux enfants, moins que dans
le passé, mais elles en ont. Ceci affecte un plus grand nombre de
familles que jamais, je crois.
Donc, on pourrait dire, en regardant ces chiffres de façon
peut-être trop superficielle, mais ces chiffres témoignent quand
même d'une réalité, que la vie en couple, la vie en famille
est une réalité plus présente en 1979 qu'elle ne l'a
jamais été dans notre histoire. Cependant, il y a des
problèmes qui touchent essentiellement deux éléments, deux
dimensions de la vie des familles, des problèmes de stabilité. Un
mariage sur quatre, à peu près, finit par une séparation
ou un divorce, et il y a des problèmes de fécondité, si
l'on veut,
c'est-à-dire que le nombre moyen d'enfants par famille est plus
bas qu'il n'a jamais été au Québec. C'est ce
problème de stabilité et de fécondité qui, je
pense, doit se situer au centre de nos préoccupations, lorsque nous
parlons de politique familiale. (10 h 30)
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'insister longuement pour
nous persuader nous-mêmes et persuader les autres de l'importance de la
famille comme institution sociale. La famille constitue le cadre dans lequel
chacun d'entre nous s'est développé et a vécu. Le
succès ou les difficultés de la vie de famille sont tellement
déterminants pour notre bien-être, notre qualité de vie, ce
sont peut-être les éléments prépondérants
pour déterminer ces deux dimensions de notre existence. Pour ce qui est
de l'enfant, la famille continue d'être, encore aujourd'hui,
malgré le développement des réseaux d'éducation, le
véhicule ou l'instrument principal de l'éducation et de la
socialisation. C'est, parmi toutes les autres formules qui existent, la seule
qui, de façon systématique, maintient les jeunes, les enfants, en
contact avec les adultes et je pense que c'est ce qui caractérise le
plus le processus d'éducation de l'enfant, son développement
affectif et intellectuel. C'est ce contact entre générations,
puisqu'on sait bien, qu'il s'agisse de garderies, qu'il s'agisse
d'écoles, les enfants sont beaucoup plus entre eux que dans une relation
avec des adultes, ce qui est très important pour le
développement.
Donc, c'est un sujet important, c'est un sujet qui est
déterminant pour nos vies, qui présente certains
problèmes. Comment réagir de façon globale? Comment
développer une vision d'ensemble de ce qu'il faudrait faire pour que la
famille éprouve moins que maintenant ces problèmes
d'instabilité et ces problèmes liés au fait que le taux de
fécondité que nous connaissons maintenant est tout juste
suffisant pour maintenir ta population à un niveau stable, abstraction
faite de toute émigration ou immigration? Ce qui pose pour toute
société un problème fondamental, bien sûr, non pas
de survie parce que cela peut continuer comme cela pendant plusieurs
générations et le taux de diminution est tellement faible que ce
ne serait pas en soi un facteur d'extinction mais il reste que cela
pose, au plan de la qualité de vie dans une société, des
problèmes évidents de vieillissement, d'essoufflement et aussi
des problèmes économiques à cause du fait que les
générations sont liées les unes avec les autres dans des
rapports de solidarité, les jeunes et les vieux
bénéficiant du travail et de la contribution, dans le fond, des
classes d'adultes et d'âge mûr qui sont sur le marché du
travail et qu'un déséquilibre dans la structure des âges
découlant d'un faible taux de natalité risque de créer
pour l'avenir des difficultés sensibles de ce côté.
La philosophie d'ensemble, je pense qu'on peut en avoir plusieurs et
peut-être que c'est ce qui va ressortir de notre discussion de ce matin.
Nous pouvons avoir une attitude moralisatrice devant les réalités
que nous constatons et dire:
Voici quelle est la société idéale, quel est le
rôle idéal de la famille et il faut, par des lois, forcer les gens
à se conformer à ce modèle idéal. C'est
peut-être un peu ce que nous venons d'entendre, tout à l'heure, en
projetant une notion fortement inspirée par des impératifs moraux
et sociaux qui devraient s'exprimer dans la législation, si j'ai bien
compris les remarques du député de Mégantic-Compton. Je
pense qu'une telle attitude, quelle que soit sa valeur au plan éthique,
au plan moral, emporterait avec elle des risques assez considérables
d'inefficacité.
Il y a un phénomène nouveau dans l'histoire de
l'humanité et l'histoire des familles, en particulier, qui est à
la racine des deux problèmes que j'ai mentionnés de
stabilité et de faible fécondité. C'est que la vie de
famille, la famille elle-même, dans son rôle essentiel,
reflète désormais non pas le poids de la nécessité,
le poids d'impératifs sociaux qui viennent de l'extérieur
déterminer les comportements, le fait que l'on se marie ou non, le fait
que l'on a des enfants ou non, le fait qu'on a un grand nombre d'enfants ou
non. Ce n'est plus, ou du moins c'est beaucoup moins qu'avant, le fait de la
nécessité physique, biologique ou morale. C'est le reflet de
choix. L'homme et la femme contemporains sont devant des problèmes de
choix. Les idées ont évolué. Nos connaissances ont
évolué. La société elle-même a
évolué, de sorte que tout individu se pose maintenant ces
questions: Me marierai-je ou non? Aurai-je des enfants ou non? dans un contexte
de liberté. On peut le déplorer. On peut vouloir revenir à
une époque où la société et la biologie
déterminaient complètement les comportements, mais ce n'est plus
le cas.
Il faut bien s'en rendre compte: quels que soient les regrets qu'on
puisse entretenir à cet égard regrets que je ne partage
pas d'ailleurs, je m'empresse de le souligner ils auront beau les
regretter, je pense qu'il est futile de penser que l'on puisse revenir en
arrière.
C'est donc dans ce contexte de choix libre des hommes et des femmes, des
couples, qu'il faut aborder la question d'une politique familiale. Comment
fournir à ces hommes et à ces femmes libres, les
éléments qui vont les amener, dans leur choix personnel, à
prendre des décisions compatibles avec l'intérêt de la
société, l'intérêt de la collectivité et leur
propre intérêt à long terme, devrais-je ajouter? Les
individus peuvent se décider librement, mais ils peuvent aussi, à
moins que l'on y prenne garde, être déterminés, dans leur
choix, par des facteurs à court terme plutôt que par des
considérations à plus long terme.
Il y a donc là une donnée fondamentale. Je pense qu'il y a
une vision fondamentale de fournir des raisons valables à nos
concitoyens et à nous-mêmes pour enrichir et renforcer la vie des
familles, selon l'acception ou le sens que notre époque donne à
ce terme, et de donner des raisons valables aussi pour que ces couples
choisissent librement d'avoir des enfants, puisqu'une société
dépend vitalement de ces décisions, et d'en avoir en nombre
suffisant pour que la société, dans son
ensemble, se perpétue dans un état d'équilibre et
d'harmonie à long terme et non pas seulement en considération de
facteurs égoïstes et de très court terme.
La réflexion se fait depuis plusieurs années et elle
contient nécessairement plusieurs éléments de
détails qui doivent tous, cependant, se rattacher à une vision
d'ensemble. Il y a quelques années, en 1975, par exemple, dans notre
milieu, au Québec, le Conseil des affaires sociales et de la famille a
entrepris une réflexion d'ensemble sur la situation des familles
québécoises. C'est un texte qui est publié, qui est
disponible et qui devrait peut-être être lu par tous ceux qui
s'intéressent à cette question puisqu'il s'agit de propositions
ajustées à la situation québécoise. C'est un texte
qui n'a pas perdu de son actualité puisque, même si la
réflexion a commencé dès 1975, ce n'est qu'en juin 1978
que le Conseil des affaires sociales et de la famille a rendu ce rapport
public. C'est un rapport qui contient 52 recommandations, de même que des
explications et des chiffres qui permettent de situer le problème et
d'en comprendre les recommandations.
Si l'on fait la lecture des différentes recommandations, on peut
se rendre compte que nous avons encore énormément de pain sur la
planche, de travail à accomplir pour qu'effectivement les
problèmes identifiés dans ce texte et les recommandations qui y
sont présentées deviennent des réalités.
Dans la préparation des réformes de toutes sortes qui
doivent intervenir, c'est à ce moment-là, je pense, qu'il est
nécessaire de s'inspirer de la vision d'ensemble à laquelle je
faisais allusion tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il ne sert
à rien de vouloir forcer les couples, les hommes et les femmes, à
l'époque dans laquelle nous vivons, à adopter des comportements,
mais il s'agit plutôt de leur donner des raisons valables d'adopter des
comportements qui soient socialement bénéfiques.
Il y a plusieurs domaines dans lesquels ceci peut se faire. On a fait
allusion tout à l'heure à des questions en suspens qui demeurent
en suspens; il serait intéressant de savoir si le ministre des Affaires
sociales peut nous informer du progrès qui va être
réalisé au cours des prochains mois. Je mentionne quelques-unes
d'entre elles.
Il y a la réforme du Code civil dans tout son chapitre sur le
droit des personnes et de la famille qui a fait l'objet d'audiences publiques,
qui a fait l'objet, antérieurement à cela, d'un rapport du
comité de révision du Code civil, dont on devait aborder
l'étude à titre de projet de loi, d'après des
déclarations du ministre de la Justice, dès cet automne, chose
qui n'a pas encore été faite. Le ministre de la Justice plaidera
sans doute qu'il attendait des développements dans les discussions avec
les autres provinces et le gouvernement fédéral relativement au
droit de la famille comme chapitre de la Constitution canadienne. Certaines de
ces discussions ont eu lieu, je ne sais pas jusqu'à quel point
d'élaboration on en est rendu, mais remarquons tout de suite que
même si ces discus- sions ne sont pas terminées sur le plan
constitutionnel et dans le contexte actuel, on peut comprendre pourquoi
il demeure que la réforme du droit de la famille comprend de
nombreux autres éléments et qu'il n'est pas vrai de dire qu'on ne
peut rien faire avant que la question constitutionnelle soit tranchée.
On pourrait adopter vis-à-vis de cela plusieurs stratégies, soit
de faire l'étude de projets conditionnels à des modifications
constitutionnelles, je pense que nous sommes suffisamment près d'un
accord de ce côté-là. Au niveau de toutes les provinces, il
n'y a que la question du divorce, véritablement, et pas le divorce
lui-même, mais les motifs de divorce, qui continue de faire des
difficultés sur le plan du dossier constitutionnel. Il y a
énormément de choses qu'il serait possible de faire en attendant
la conclusion définitive des discussions constitutionnelles.
Il y a les problèmes dans le domaine du travail. Il est clair que
si nous voulons à la fois que les femmes se décident à
fonder des foyers, à fonder des familles, il faut, dans le contexte
actuel, leur donner l'assurance qu'elles conservent une accessibilité
aussi égale que possible avec les hommes au marché du travail,
à une vie professionnelle, à une carrière, etc. Il y a
déjà quelques mesures qui ont été adoptées
je pense, en particulier, aux congés de maternité
dans la Loi des conditions minimales de travail, mais il y a d'autres
modifications qui, elles, attendent depuis longtemps. Il y a, par exemple,
toute cette question de discrimination dans les avantages sociaux, les
régimes d'assurance, les régimes de pension supplémentaire
auxquels souscrivent les salariés dans des entreprises et qui sont
actuellement discriminatoires vis-à-vis des femmes; les femmes ne
peuvent pas bénéficier, au titre des régimes
d'assurance-vie et des régimes collectifs de retraite, des mêmes
avantages que les hommes salariés dans les mêmes
circonstances.
Il y a un rapport que le gouvernement a entre les mains depuis
bientôt deux ans, qui est resté lettre morte jusqu'à
maintenant, portant précisément là-dessus, pas un rapport
préliminaire, c'est le deuxième rapport suite à une
consultation, ce processus ayant été amorcé par votre
serviteur il y a déjà, maintenant, quelque cinq ans. Le nouveau
gouvernement a eu le fruit de tout cela quelques mois après avoir pris
les responsabilités gouvernementales. Il y aura bientôt deux ans
que ce processus de consultation est terminé et il ne s'est rien fait
dans ce domaine depuis tout ce temps.
Il y a la question du recyclage. Il y a des femmes qui s'absentent du
marché du travail pendant quelques années, pendant la
période où il est assez important et où la plupart
préfèrent, probablement avec raison, demeurer au foyer pour
s'occuper de très jeunes enfants et il y a un problème d'absence
de continuité. Les programmes du ministère de l'Education, du
côté du perfectionnement, ne répondent pas aux besoins des
femmes qui ne sont plus, à ce moment, des adolescentes. Elles sont des
femmes avec une certaine expérience de la vie, une certaine
maturité, et elles ont un
besoin particulier de recyclage qui ne s'étend pas seulement
à des connaissances techniques ou professionnelles, mais qui devrait
prendre également une dimension sur le plan de la consultation, sur le
plan d'une aide. (10 h 45)
II y a une barrière, bien sûr, sur le plan des
connaissances, une barrière psychologique à franchir pour une
femme qui a été pendant cinq, dix ou douze ans ou quinze ans
absente du marché du travail. Il y a là quelque chose de beaucoup
plus actif que simplement d'offrir des cours. Encore faudrait-il que ces cours
soient mieux adaptés. De ce côté, non plus, le
ministère de l'Education n'a pas fait des pas de géant, c'est le
moins qu'on puisse dire. Enfin, il y a tous les services qui relèvent du
ministre des Affaires sociales sur le plan de la consultation matrimoniale,
familiale, sur le plan des cliniques de planification familiale. Il y a
là des services beaucoup plus ponctuels pour lesquels les progrès
ne sont pas très grands, mais où il y a eu quelques efforts
parcellaires.
Encore une fois, encore davantage dans des domaines comme la
planification des naissances que dans le domaine plus large de la consultation
matrimoniale où repose une partie de la solution au problème de
l'instabilité des familles, la prévention, de ce
côté, est possible. Encore faudrait-il que les services
appropriés soient accessibles. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Merci, M. le député de Saint-Laurent. M. le ministre des
Affaires sociales.
Réponse du ministre M. Denis Lazure
M. Lazure: M. le Président, je suis heureux que le
député de Mégantic-Compton ait inscrit cette question au
feuilleton. Cela nous permet de faire le point sur l'évolution, les
progrès qui ont été accomplis depuis trois ans en
matière de politiques, de pratiques qui favorisent le
développement d'un climat familial, d'un esprit familial positif. Le
député de Saint-Laurent va se réjouir aussi, puisque le
texte que j'ai préparé pour ce matin est basé en grande
partie sur le rapport du Conseil des affaires sociales et de la famille, le
rapport de 1978, auquel on fait allusion, d'ailleurs, dans le rapport annuel de
1978/79, que j'ai déposé la semaine dernière. Je veux dire
tout de suite aussi que le député de Mégantic-Compton
exagère légèrement quand il prétend que ce
gouvernement n'a pas de politique familiale. Avoir une politique familiale,
cela ne veut pas dire nécessairement qu'on publie un livre vert, suivi
ensuite d'un livre blanc. Avoir une politique familiale, cela veut dire aussi
adopter des mesures législatives ou des mesures administratives qui
favorisent la cohésion, qui favorisent la solidité, si vous
voulez, de la cellule familiale. Cela, en toute humilité, je pense que
notre gouvernement l'a fait amplement. D'ailleurs, nous avons
créé, à l'intérieur du Conseil des affaires
sociales et de la famille, il n'y a pas longtemps, un comité
spécial d'étude des questions familiales. Le Conseil des affaires
sociales et de la famille a organisé en février 1979, pour la
première fois, une consultation genre colloque à Montréal
sur certains problèmes familiaux, en particulier la
dénatalité. J'ai d'ailleurs participé à ce colloque
de février dernier à Montréal.
Quant à l'avant-projet de loi sur les services de garde auquel le
député de Mégantic-Compton a fait allusion, je pense qu'il
est faux de dire que ce projet de loi ne présente aucune orientation. Au
contraire, l'orientation fondamentale de notre politique en matière de
service de garde, c'est précisément de laisser le libre choix
à chaque parent, à chaque couple ou à chaque individu qui
a la responsabilité d'un jeune enfant, leur laisser la liberté de
choix quant au type de service de garde. Je pense que c'est fondamental. Nous
avons, d'ailleurs, introduit le concept de la garde familiale dans ce projet de
loi.
Finalement, le programme du Parti québécois je cite
un extrait de notre programme affirme que "la famille est la cellule de
base de notre société. Elle subit présentement les
mutations d'une époque de transition qui affecte tout le monde
occidental et qui se manifeste, notamment, par un phénomène de
dénatalité." Le programme préconise donc l'adoption d'une
politique de la famille qui tiendra compte des exigences de notre monde
contemporain.
L'amélioration du niveau de vie des familles
québécoises et la participation croissante des femmes au
marché du travail ont modifié profondément le milieu de
vie familial et sont associées à l'éclosion de nouvelles
aspirations et de nouvelles valeurs. Ici, j'ouvre la parenthèse pour
souligner, moi aussi, comme le député de Saint-Laurent l'a fait
tantôt, qu'il est un peu futile d'entonner le refrain de la nostalgie
d'une politique familiale ou la nostalgie plutôt d'un esprit familial qui
a marqué, pendant plusieurs générations, notre
communauté francophone au Québec. Cet esprit qui était
axé sur la famille, le village, l'église, la communauté
très restreinte, la communauté rurale, je pense que notre
défi en 1979, ce n'est pas d'essayer de retrouver cet esprit. C'est
plutôt d'essayer d'adapter cet esprit, qui découlait d'une grande
cohésion familiale, au nouvel environnement, au nouveau milieu de vie
qui s'appelle le milieu urbain ou semi-urbain pour 80% de la population.
La valorisation de l'autonomie de chacun des membres de la famille, la
remise en question de la définition des rôles exclusifs de l'homme
et de la femme, la recherche d'un mode de relations interpersonnelles davantage
basé sur la communication et l'échange, le désir de
participer activement à l'acte de naissance, sont autant de
manifestations de ce milieu familial en voie de transformation.
Afin de compenser les pertes financières que représente un
accouchement et permettre à la mère de prendre soin de son
nourrisson, le gouvernement, comme on le sait, vient d'offrir aux
syndiqués des secteurs public et parapublic un congé de
maternité payé de 20 semaines, que les mères peuvent
répartir à leur gré, avant et après la date
prévue pour la naissance. À leur demande, tout comme le
père, elles pourront bénéficier d'un congé sans
solde de deux ans. Les propositions du gouvernement prévoient
également un congé de dix semaines avec pleine
rémunération pour l'adoption d'un enfant, avec la
possibilité de le prolonger en congé sans solde durant deux ans.
La loi 43 qui modifiait la Loi du salaire minimum fait obligation à
l'employeur de respecter les droits de l'employé féminin à
son retour au travail, à la suite d'un accouchement. Par cette loi, le
gouvernement accorde aux femmes le droit au travail, sans les priver de leur
droit à la maternité. Je pense que c'est une des grandes
caractéristiques de notre époque d'essayer, comme gouvernement,
de respecter l'exercice de ces deux droits de la part de la femme: son droit au
travail, tout comme l'homme, mais aussi son droit à la
maternité.
Désormais, l'importance de l'investissement affectif que
représente la naissance d'un enfant, associée à une
connaissance élargie des besoins, tant physiques que psychologiques, se
manifeste par une préoccupation croissante envers la qualité des
soins à prodiguer. Cela se traduit, depuis quelques années, par
l'humanisation des naissances et, en particulier, par la mise sur pied de cours
prénataux. Actuellement, 40% des femmes enceintes, en milieu urbain, et
80% des femmes enceintes, en milieu rural, suivent ces cours prénataux.
Grâce à ces cours prénataux, nous sommes en train de
réduire le taux de mortalité qui entoure la naissance, la
mortalité périnatale. Nous pensons que, d'ici 1983, nous aurons
réduit de 50% ce taux de mortalité.
De plus, le ministère invite les hôpitaux à
favoriser la cohabitation de la mère et de son bébé en
milieu hospitalier. Les recherches récentes décrivent encore plus
qu'elles ne l'ont jamais fait la valeur indéniable de l'allaitement
maternel du point de vue nutritif comme du point de vue psychologique. Afin
d'inciter la mère à allaiter son enfant, le gouvernement a
organisé des programmes d'information et de promotion de l'allaitement
maternel.
Dernièrement, le ministère des Affaires sociales a
publié la brochure "Mieux vivre avec son enfant", brochure qui guide les
mères en ce qui a trait à la nutrition du nourrisson. Notre
société reconnaît de plus en plus au couple le droit de
contrôler son pouvoir procréateur; mais les couples appelés
à choisir soit de faciliter soit de prévenir des naissances ne
possèdent pas tous une information adaptée à leurs
attitudes ou à leurs besoins. C'est pourquoi le gouvernement a mis sur
pied une vingtaine de cliniques de planification des naissances qui offrent
toute la gamme des services médicaux, sociaux, et psychologiques
reliés à cette question. L'accent y est donc mis sur
l'information relative aux méthodes de planification des naissances et
aux problèmes reliés à la sexualité et à
l'infertilité.
J'ouvre la parenthèse, M. le Président, pour corriger tout
de suite une impression qui a pu être laissée par le
député de Mégantic-Compton quand il parle de ces cliniques
de planification de naissances, il ajoute pratiquement, dans la même
phrase, l'expression "avortement sur demande".
M. le Président, je pense qu'il y a là une espèce
de tactique un peu dangereuse qui laisserait entendre à la population du
Québec que ces cliniques de planification familiale sont des centres
d'avortement sur demande, ce qu'elles ne sont pas. Ces cliniques de
planification, en plus de remplir les fonctions que je viens de décrire,
peuvent aussi, à l'occasion, et dans le cadre du Code criminel du
Canada, recommander à un médecin de procéder à
l'avortement thérapeutique, qui devient une forme de traitement, lorsque
la santé de la mère est en danger. Il ne s'agit donc pas, encore
une fois il faut le nier vigoureusement d'avortement sur demande,
mais plutôt d'un geste médical, chirurgical qui consiste à
traiter la mère dans le cadre d'une loi qui existe.
M. le Président, notre ministère a aussi et continue de
faire des efforts considérables pour améliorer les habitudes
alimentaires des Québécois, aussi bien les enfants que les
adultes, par la publication de différents documents, à part celui
que j'ai mentionné tout à l'heure, "Bien manger à la
garderie", la brochure qui a été distribuée à un
million d'exemplaires "Le guide alimentaire du Québec" et, depuis le 1er
octobre, le ministère de l'Agriculture, de concert avec le
ministère de l'Education, procède à la distribution
gratuite de lait aux 620 000 écoliers des niveaux primaire et de la
maternelle, ce qui représente un déboursé annuel d'environ
$9 millions.
De même, dans l'espoir de voir enfin naître au Québec
une nouvelle génération de non-fumeurs, nous avons poursuivi
notre lutte contre le tabagisme. Cette campagne prend des formes diverses,
puisqu'elle s'adresse autant aux adolescents éventuels fumeurs ou
éventuels non-fumeurs, qu'aux éducateurs, aux professeurs, et
aussi à la femme enceinte et aux parents de jeunes enfants.
L'arrivée massive des femmes sur le marché du travail
modifie de façon significative le partage des rôles de protection
des enfants assumée traditionnellement uniquement par la mère. De
plus, l'accroissement sensible du nombre de familles monoparentales constitue
une nouvelle réalité dont on doit tenir compte, lorsqu'on
légifère sur des questions qui touchent la famille.
Ces situations ont créé des besoins en service de garde
qui ne peuvent plus être considérés comme des besoins
marginaux. On évalue à environ 150 000 enfants de moins de cinq
ans, le nombre de jeunes dont les deux parents travaillent et qui ont, par
conséquent, besoin d'un service de garde pour la majeure partie de la
journée.
Il n'y a pas si longtemps, nous avions à peine 10 000 places de
garde à travers tout le Québec. Nous avons fait des efforts
considérables depuis quelques années, si bien qu'aujourd'hui,
nous avons 16 000 places de garde, ce qui est encore nettement insuffisant. (11
heures)
C'est pourquoi notre gouvernement a multiplié par sept le budget
qui était affecté aux services de garde en 1976/77,
c'est-à-dire $3 500 000, qui est passé à $22 500 000 cette
année et qui passera à $32 500 000 l'an prochain. À
l'intérieur de ces services de garde, je le répète encore
une fois et cela se traduit dans le projet de loi qui sera déposé
d'ici quelques semaines à l'Assemblée nationale, à
l'intérieur de cette politique de services de garde, nous voulons faire
en sorte que tous les milieux du Québec, milieu rural, milieu
semi-rural, milieu urbain, puissent recourir au service de garde qui convient
le mieux aux aspirations des parents et des enfants. C'est pourquoi, en plus de
la garderie de quartier habituelle ou de la garderie en milieu de travail, nous
introduisons le concept, la notion de la garde en milieu familial
subventionnée par le gouvernement, pour la première fois. Je
pense que c'est un exemple assez frappant du souci qu'a ce gouvernement de
respecter cette espèce de pluralité, de respecter cette
variété de mentalités qui existent dans notre
société québécoise.
La famille est aussi en étroite interaction avec les deux
systèmes qui découlent, l'un du ministère des Affaires
sociales et l'autre du ministère de l'Education. Notre gouvernement, il
y a déjà quelques années, a pris la décision
d'empêcher la fermeture de nombreuses écoles, surtout des
écoles de quartier, des écoles primaires, mais aussi, dans le
milieu rural, des écoles du rang ou des écoles du village. Je
pense qu'en faisant cela notre gouvernement a reconnu la valeur sociale de
cette école qui, dans notre milieu, a toujours été une
grande préoccupation de la famille, surtout de la famille rurale.
Le gouvernement a aussi adopté un certain nombre de lois
je vais passer rapidement qui favorisent l'intégration de
certains groupes de notre société qui étaient mis à
l'écart dans la société. Je pense, en particulier, aux
enfants et aux adolescents handicapés, handicapés physiques aussi
bien que handicapés mentaux. Par le projet de loi no 9, par la
création de l'Office pour les personnes handicapées, par des
programmes d'intégration au travail aussi bien que d'intégration
scolaire, nous sommes en train de mettre à la disposition des parents
qui ont des enfants handicapés tout un train de mesures qui
empêcheront ou qui éviteront le placement de ces enfants
handicapés en institution ou en famille d'accueil. Dans le discours
inaugural, le premier ministre a eu l'occasion d'annoncer qu'au cours de cette
année financière, le gouvernement mettra sur pied un
système d'allocations familiales aux parents qui ont des enfants
handicapés à la maison, handicapés physiques et
handicapés mentaux. Comme on le sait, déjà le budget de
l'exercice financier actuel prévoit une somme de $3 millions pour mettre
en marche ce programme qui devrait débuter bientôt.
Nous avons aussi, par la loi 24, la Loi sur la protection de la
jeunesse, indiqué très nettement notre confiance en la famille,
notre confiance envers les groupes communautaires qui sont les organismes
clés, familles et groupes communautaires, pour faire face au
comportement antisocial, au comportement délinquant d'une partie de
notre jeunesse. La loi 24 que notre gouvernement a adoptée, que
l'Assemblée nationale a adoptée, est basée en très
grande partie non plus sur le recours au processus judiciaire pour faire face
aux comportements déviants des jeunes, mais beaucoup plus sur
l'implication des parents et de la famille, avec l'aide de personnel social et
de personnel oeuvrant à l'intérieur de la direction de la
protection de la jeunesse dans chacune des régions du Québec.
M. le Président, la famille comprend évidemment toutes les
étapes, toutes les phases de la vie, de la naissance jusqu'à la
mort, et il y a aussi un groupe de citoyens qui constituent une partie
importante de la famille québécoise. C'est le groupe des
personnes âgées. Un pourcentage de plus en plus important de
citoyens et de citoyennes au Québec se retrouvent dans le groupe
d'âge au-delà de 65 ans, et Dieu sait si notre gouvernement a fait
des efforts considérables pour essayer de maintenir à domicile,
donc, de préserver la cellule familiale du couple âgé, le
plus longtemps possible, la personne âgée, par des services d'aide
à domicile qui, cette année, coûtent environ $45 millions
et pour lesquels le gouvernement précédent avait
dépensé environ $22 millions en 1976/77. Donc, maintien à
domicile, maintien de l'intégrité de la cellule familiale des
personnes âgées et, au besoin, lorsque les conditions
économiques et financières du couple âgé ne leur
permettent plus de vivre dans leur maison ou dans leur appartement, il y a
construction massive de logements à prix modique, de HLM. Ce
gouvernement-ci a construit en deux ans plus de logements à prix modique
pour personnes âgées que le gouvernement précédent
l'avait fait dans les quatre ou cinq dernières années avant
1976.
Je termine, M. le Président, en ajoutant que ce même
gouvernement, puisque les personnes âgées ont, à un certain
moment, une santé qui est plus déficiente santé
mentale et physique ont besoin d'aller dans un centre d'accueil, ce
gouvernement-ci a aussi entrepris un programme massif d'investissements et de
construction de centres d'accueil au Québec.
M. le Président, en résumé, notre gouvernement,
conformément au programme du Parti québécois, a
accordé et va continuer d'accorder une importance primordiale aux
besoins de la famille et, plutôt que de faire de longs discours sur les
politiques théoriques de la famille, nous voulons et nous
entendons continuer prendre des mesures concrètes qui vont
faciliter le maintien de la cellule familiale et améliorer son
fonctionnement. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Merci beaucoup. Je dois reconnaître le député de
Sherbrooke, qui a demandé le droit de parole tout à l'heure. M.
le député de Sherbrooke. Ensuite, M. le député de
Mégantic-Compton.
Discussion générale
M. Gosselin: M. le Président, je ne serai pas tellement
long, quoique je trouve cela un peu dommage qu'on ne puisse pas avoir plus de
temps pour discuter de ce sujet très intéressant et très
important. Je veux féliciter, pour commencer, le député de
Mégantic-Compton de nous avoir permis ce débat. Je pense que se
donner trois heures un vendredi matin pour discuter des politiques de la
famille n'est pas un luxe. C'est rafraîchissant, et je compte que les
conclusions de cette commission nous permettront de voir un certain nombre de
problèmes qui se posent dans l'évolution de la famille
québécoise d'aujourd'hui et des responsabilités que le
gouvernement a à exercer.
Je me considère comme étant un député
ministériel très préoccupé par l'évolution
des politiques familiales. À cet égard, j'ai fait réaliser
l'année dernière une tentative de bilan pour voir les multiples
réalisations que notre gouvernement avait pu amener aux conditions de
vie des familles québécoises. J'ai constaté que le bilan,
depuis trois ans, était relativement impressionnant. Au niveau de la
fiscalité, notamment, tout le sens de notre réforme fiscale a
été de protéger les bas et moyens revenus et surtout,
habituellement, parmi les responsables de familles de deux ou trois enfants,
travailleurs d'usine, donc, le milieu québécois le plus
représentatif.
Je pense que, du côté fiscal, même si cela n'a pas
été relevé très souvent, à l'examen, on va
constater que toutes les échelles de dégrèvement
d'impôt en regard du nombre d'enfants sont probablement le geste le plus
important qu'on ait posé pour aider les familles
québécoises. Au niveau de la détaxation des
vêtements, du textile, etc., c'est une mesure profamiliale aussi parce
qu'elle affecte la consommation des familles et c'est une mesure qui est
susceptible d'aider vraiment les familles québécoises, les
couples qui ont trois ou quatre enfants, par exemple, à mieux
réaliser la budgétisation des nécessités
familiales.
Je vais m'attarder à seulement deux ou trois points. Je voudrais
parler aujourd'hui au nom de mon épouse, qui est éducatrice au
foyer, trois enfants. Pendant les premières années de notre
mariage, elle travaillait. Nous avons eu notre premier enfant alors qu'elle
poursuivait des études et qu'elle travaillait à temps plein. Par
choix de couple, par choix personnel aussi, depuis deux ans, avec trois
enfants, nous avons décidé de vivre le temps familial, si l'on
peut dire. Nous avons décidé de fonder une famille de trois ou
quatre enfants. Nous en avons déjà trois; il y en aura
peut-être un autre dans l'avenir. Comme couple, nous nous trouvons...
Une voix: C'est rafraîchissant.
M. Gosselin: ... pris dans un certain nombre de problèmes,
effectivement. Le choix d'avoir trois ou quatre enfants aujourd'hui est
très impliquant. Je voudrais parler pour mon épouse parce qu'elle
revendique certains droits. D'abord, le droit à la reconnaissance de
toutes ces mères au foyer. C'est encore important au Québec,
celles qui choisissent d'être éducatrices au foyer. C'est un
rôle extraordinairement noble. C'est un rôle qui peut être
infiniment libérateur aussi et qui suppose qu'on y apporte toute
l'attention et tout le support qu'il mérite. En termes de support, ce
que mon épouse revendique quand elle participe au comité
d'école, notamment parce que mon fils aîné est au primaire,
c'est de pouvoir bénéficier de cours aux parents qui soient
efficaces, c'est de pouvoir avoir des activités avec les autres
mères de famille et les autres parents pour vraiment mieux
réaliser son rôle d'éducatrice au foyer et également
partager, avec les autres mères, les problèmes familiaux qui sont
vécus. Donc, le droit à la reconnaissance. J'avoue que cela n'est
pas toujours facile. Il faut se battre au niveau des écoles pour qu'on
porte vraiment attention aux besoins de cet ordre exprimés par les
mères au foyer.
La deuxième chose qu'elle revendique, c'est le droit au travail,
mais possiblement à temps partiel, et non pas à temps plein,
parce que la situation des mères qui ont trois ou quatre enfants ne leur
permet pas ou leur permet difficilement de travailler à temps plein. Les
mères qui travaillent à temps plein sont souvent des mères
qui ont un ou deux enfants ou celles qui ont déjà
éduqué leur famille et qui peuvent se permettre de retourner sur
le marché du travail à temps plein. Je crois qu'en termes de
statistiques je n'ai pas les données factuelles devant les yeux
on pourrait conclure que les mères de trois ou quatre enfants
aujourd'hui, pour la plupart, n'ont pas accès au marché du
travail à temps plein.
Elle a aussi un droit strict absolument nécessaire et fondamental
aux loisirs, le droit d'être plus qu'une mère au foyer prise sept
jours par semaine avec ses enfants. Elle a le droit strict de pouvoir
participer socialement, de pouvoir se libérer une journée ou une
journée et demie par semaine pour ses rencontres au comité
d'école ou pour son cours de couture, ou pour son cours de psychologie
à l'université. C'est un droit fondamental. (11 h 15)
J'avoue qu'on est un peu paralysé par l'accessibilité
à ces droits, actuellement, et qu'il faudrait peut-être
s'attarder, dans les nouveaux progrès qu'il faudra apporter au niveau
législatif, à cette clientèle familiale. Il faudrait faire
attention. L'affirmation de certains droits individuels, comme, par exemple,
l'affirmation du droit au travail pour les femmes, ne doit pas nier certains
autres pour une autre catégorie de femmes. Je veux parler des
congés de maternité, notamment, et des services de garde. Bravo
pour les services de garde, bravo pour l'augmentation assez considérable
des budgets depuis 1976, bravo pour les $22 millions. Mais pour les
éducatrices au foyer, comme mon épouse, ces $22 millions risquent
de ne pas être mis très à profit. Celles qui vont en
bénéficier parmi les femmes, je ne le dis pas par négation
du droit des autres femmes d'y avoir accès, je dis simplement que les
éducatrices au foyer qui revendiquent, comme mon épouse, d'avoir
une journée
par semaine, ou de pouvoir participer en fin de semaine ou en
soirée à des activités sociales, ne sont actuellement pas
rejointes par les politiques de service de garde voire le modèle des
garderies institutionnelles.
C'est la même chose quant à l'accès au congé
de maternité. On n'est pas rejoint par cela comme couple.
Je veux conclure là-dessus, simplement, pour dire qu'il y a une
attention particulière à apporter du côté des
mères au foyer, des éducatrices au foyer, qui ont trois ou quatre
enfants. Il y a des politiques actuelles qui consacrent des progrès
très réels dans la promotion des droits de la femme,
l'accès au travail. Ce sont des progrès très réels,
mais qui, s'ils ne sont pas élargis à l'autre catégorie de
femmes qui sont au foyer, nous amèneront à conclure qu'on ne
réalise pas tout à fait la justice et qu'on finit par avoir des
politiques qui ne sont pas tout à fait, autant qu'on pourrait le vouloir
et autant qu'elles pourraient l'être, favorables à la famille. On
a des progrès importants à faire de ce
côté-là.
Tout cela est un peu brouillon. Je m'excuse, M. le Président, de
cet énoncé un peu brouillon. Je pense que ça vaut la peine
qu'on y revienne, il y a des progrès à faire en termes de
politique familiale. Je félicite encore une fois le député
de Mégantic-Compton du débat qu'il nous permet de faire ce
matin.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, il est bien sûr que je
réalise, comme tout le monde ici, que la société a fait
des progrès considérables, a subi des changements; il faut dire,
dans certains cas, qu'elle ne s'est pas transformée, elle a subi les
changements que l'État lui a imposés au cours des
dernières années, principalement depuis la dernière
décade. Je suis conscient du problème des loisirs qui s'est
élargi au Québec, qui s'est agrandi considérablement. Je
suis conscient, également, que la femme a davantage pris le
marché du travail. On est conscient, aussi, qu'on vit dans un pays
où la richesse ne fait pas défaut, et on sait que ce sont
là les grandes influences sur la vie de famille.
J'entendais le député de Saint-Laurent qui disait: On se
marie plus que jamais. Oui, tout le monde le réalise, avec cette
exception qui fait que depuis quelques années, on se marie plusieurs
fois, le même individu se marie plusieurs fois; mais ce n'est quand
même pas cela qui consolide les liens familiaux. On se rend compte que,
même si on a davantage de mariages, la cellule familiale est de plus en
plus ébranlée.
Je suis, parmi les trois représentants des formations politiques
qui sont ici, celui qui est le plus enraciné aux valeurs traditionnelles
dites rurales, qu'on a tout à l'heure décrites, un petit village
autour de l'église, tout cela, c'est parce que ce sont là mes
origines; mais je suis peut-être celui qui le regrette le plus. Je pense
bien que je n'ai pas à m'en accuser, je peux m'en confesser, mais je
trouve que ce n'est rien de mauvais que de le regretter. J'accepte quand
même que la société québécoise est en
période de transformation importante depuis une quinzaine
d'années.
Pour moi, le fil conducteur d'un gouvernement n'est pas
nécessairement de courir au-devant de ces changements. Il est aussi de
tenter de sauvegarder ses valeurs traditionnelles. C'est aussi le rôle du
gouvernement. Ce qui fait la richesse de notre société, c'est de
tenter de sauvegarder ses valeurs traditionnelles parce qu'on a fait la preuve
partout, pas seulement ici, qu'une société qui se tient, qu'une
société qui a une base où on peut retourner, c'est celle
qui a une vie de famille intense, là où un gouvernement peut
provoquer une vie intense de famille par ses lois, par tous les moyens
honnêtes qui sont à la portée d'un gouvernement. Je
regretterais, bien sûr, toute loi qui serait présentée
devant cette Chambre et qui tenterait de transformer notre
société, ne pas conserver ce qu'elle était, ne pas la
retourner... Il faut conserver au moins de ce qu'on a connu de bon. Cela ne
veut pas dire qu'on n'a pas droit de corriger les choses qui ne sont pas
bonnes.
Quand j'ai vu des lois passer devant nous, je me suis
élevé j'ai été le seul des trois formations
politiques autour de la table à le faire contre le fait de briser
cette tradition, et le ministre s'en souvient, c'est encore tout frais dans son
esprit, par exemple, la Société d'adoption des enfants qui
existait dans le secteur privé. J'ai été le seul. Les deux
autres formations se sont liguées pour dire que ce devrait être
une commission formée par le gouvernement qui s'en charge. Je trouve que
c'est détruire une valeur qu'on avait ici et qui a même
été reconnue à la commission.
M. Forget: M. le Président, est-ce que je pourrais poser
une question? Est-ce que le député de Mégantic-Compton
fait allusion à l'adoption récente d'une modification à la
Loi de l'adoption?
M. Grenier: Oui.
M. Forget: Je l'inviterais à relire les débats
parce qu'avant qu'il ne le mentionne, dans les débats que nous avons eus
là-dessus, je me suis opposé au projet gouvernemental
précisément sur ce point de créer un monopole
régional dans l'évaluation des parents ou des familles adoptives.
Je pense que le député de Mégantic-Compton qui dit qu'il a
été le seul devrait relire les débats qui ont eu lieu
à ce moment. Il a été le second à le mentionner.
Nous-mêmes, nous avions insisté fortement sur ce point.
M. Grenier: D'accord. Je reprends...
M. Lazure: Est-ce que je pourrais ouvrir une parenthèse
moi aussi, s'il vous plaît? Très court, dix secondes. Je veux
dissiper ce malentendu. Notre projet de loi qui modifie la Loi de l'adoption
n'a pas créé un nouveau monopole public pour l'adoption des
enfants. Ce que vous
appelez un monopole public pour l'adoption, c'est en somme l'existence
de quatorze centres de services sociaux au Québec, dans chaque
région, à qui le gouvernement précédent et nous
confions la responsabilité d'évaluer les parents, les enfants
dans le processus de l'adoption.
M. Grenier: Très bien. On se rappelle les débats
qu'il y a eu ici à la Chambre; que je parle le second sur ce projet de
loi, c'est la loi qui m'y oblige parce qu'on ne parle pas le premier, on parle
après l'Opposition officielle. Mais ce que je veux relater à
cette Chambre, c'est qu'en commission parlementaire, alors que le
député de L'Acadie était là et que j'ai fait une
proposition, j'ai demandé un vote autour de la table. Le ministre est
là, il s'en souvient, M. le député de Sherbrooke
était également là à ce moment. J'ai demandé
un vote autour de la table. J'ai été le seul à soutenir la
proposition que j'ai faite à ce moment de conserver, en plus de ces
quatorze centres de placement, parallèlement aussi ces
sociétés qu'on a connues et qu'on qualifie encore de hautement
correctes pour continuer le placement dans le secteur privé. La raison
pour laquelle je m'y opposais et qui affecte ce matin le problème que
nous avons devant nous, qui transforme le problème que nous avons devant
nous, c'est que cette fille enceinte, ou cette mère enceinte seule ne
pourra plus à l'avenir décider d'elle-même chez qui elle va
placer son enfant, chez qui elle va placer son enfant par l'entremise d'un
intermédiaire qu'elle connaît.
C'est à cela que je me suis opposé et j'étais le
seul. Je veux bien le rappeler devant cette Chambre. Je n'ai eu l'appui ni du
gouvernement, ni de l'Opposition officielle à ce moment. C'est un point
précis, c'est un point important. Pour moi, c'était le noeud de
la loi. Je voudrais rappeler cela au ministre que ce sont des circonstances
comme celle-là.
Pour ne pas faire de la préhistoire, je parlerai du placement en
garderie. Je me suis battu, encore une fois, pour conserver ce que le
gouvernement appelle actuellement les garderies à but lucratif et que,
moi, j'appelle les garderies privées. Evidemment, quand on veut
massacrer quelqu'un, on lui donne des termes péjoratifs; alors, ce sont
les garderies à but lucratif contre les garderies populaires. Je dirai
que ce sont des garderies privées contre les garderies
étatisantes. Cela va peut-être être plus juste comme
option.
Le ministre dit que, dans cette société pluraliste, il est
ouvert à tout cela, mais on sait quand même les difficultés
qui pourront surgir pour la continuation de ces garderies dites privées.
Le ministre sait fort bien de quoi je parle, puisqu'on vient d'adopter cette
loi.
Le ministre a parlé, bien sûr, tout à l'heure de ces
25%, du droit de la femme à la maternité avec les 20 semaines.
C'est 25% des femmes, il ne faut quand même pas laisser l'illusion au
public que c'est 100% des femmes, c'est 25% des femmes qui ont le droit de
rester à la maison et de prendre leurs 20 semaines de congé de
maternité. Je pense que les autres qui décident, comme le
décrivait le député de Sherbrooke, de rester à la
maison pour être à temps plein des mères de famille, n'y
voient rien là-dedans. Bien sûr, ce sont les femmes qui sont
déjà sur le marché du travail. Ce n'est pas une politique
encore très large, c'est un début. Il faut féliciter le
ministre pour ce début, mais ce n'est pas encore très large.
Quant à l'autre point qu'il a soulevé sur les cliniques
d'avortement, le ministre ferait bien d'être informé, il y a un
circulaire que le ministre doit avoir en main, avec une lettre qui était
en date du 10 mai 1979 et qui se lit comme suit: "Camarades infirmières,
il me fait plaisir de vous informer de l'ouverture du Centre de santé
pour les femmes de Québec, le 14 mai prochain. Je vous envoie un
dépliant décrivant nos activités, vous pouvez nous
rejoindre au numéro de téléphone qui est ici."
Dans ce dépliant, on donne l'adresse, le numéro de
téléphone de ce centre, qui n'est pas parmi les 20 centres
reconnus, parmi les centres hospitaliers que le ministre nous a signalés
tout à l'heure. Cela se lit ainsi: "Un deuxième service offert
il y a d'autre chose avant qui ne nous intéresse pas ce matin
par le centre de santé est celui de l'interruption volontaire des
grossesses. Nous voulons offrir aux femmes la possibilité de vivre un
arrêt de grossesse dans les meilleures conditions médicales,
sociales et psychologiques possible, aux taux les plus bas et selon la
capacité de payer de chacune. Nous pratiquons des interruptions
jusqu'à douze semaines, après quoi nous faisons de la
référence." Je ne pense pas qu'il ait la
bénédiction du gouvernement. S'il l'avait, je pense que le
ministre devrait quand même...
M. Lazure: II n'y a pas de question de privilège dans ce
genre d'échange ici, mais, encore une fois, pour être bien
sûr que le député de Mégantic-Compton n'induit pas
la population du Québec en erreur, je veux tout de suite lui faire
remarquer que ce qu'il vient de lire, cette espèce d'annonce commerciale
qu'il vient de lire vient non pas d'une de nos cliniques de planification
familiale, mais d'un groupe tout à fait privé à but
lucratif.
M. Grenier: C'est cela.
M. Lazure: M. le Président, je pense que le
procédé est un peu odieux de vouloir associer une
discussion...
M. Grenier: M. le Président, question de règlement.
Le ministre sait fort bien de quoi je parle. Il veut interrompre ma discussion
ici, il est fort au courant de ce qui se passe là, et je lui ai
précisé il n'y a pas de question de privilège
que cela ne se passait pas dans ces hôpitaux qui sont reconnus. Je
vais reprendre le journal des Débats, je lui ai dit que c'était
en dehors de cela, mais probablement à la connaissance du ministre. Si
c'est avec son placet, sa bénédiction, c'est encore pire.
M. Lazure: ... par association qu'on appelle cela.
M. Grenier: M. le Président, le ministre devrait
être saisi de cela. Si c'est voulu, si c'est accepté, qu'il le
dise, sinon, qu'il le dénonce.
M. Lazure: C'est ce que je fais actuellement, je le
dénonce, parce que je n'étais même pas au courant d'une
telle annonce. Cela n'a rien à faire avec notre programme de cliniques
de planification familiale, en rien.
M. Grenier: Non, je l'ai dit, avant que vous interveniez, que
vous m'interrompiez. J'ai dit que cela n'avait rien à faire avec les 20
centres dits reconnus, dans les centres hospitaliers.
M. Lazure: Vous l'avez dit plus ou moins.
M. Forget: Si on me permet d'intervenir pour poser une question
au ministre, est-ce que le ministre nous affirme sérieusement qu'il ne
connaissait pas l'existence de cette clinique ouverte par la CSN,
financée par la CSN, de planification familiale et d'avortement? Est-ce
que, vraiment, il nous affirme que, comme ministre de la santé, que,
comme ministre des Affaires sociales il ne connaissait pas l'existence de cette
clinique qui est un fait connu par un tas de gens à travers le
Québec, et en particulier des gens de la ville de Québec, puisque
c'est à Québec?
M. Lazure: M. le Président, en réponse à la
question du député de Saint-Laurent, le ministre est parfaitement
au courant de l'existence de plusieurs cliniques du genre. Je n'étais
pas au courant du dépliant en question avec... (11 h 30)
M. Forget: Ah!...
M. Lazure: ... l'appellation "Infirmière camarade". Je
n'étais pas au courant de ce dépliant, mais je suis parfaitement
au courant qu'il en existe un bon nombre.
M. Grenier: M. le Président, je pense qu'à l'aveu
du ministre, il serait fort intéressant de voir quelle sera sa ligne de
conduite à partir de maintenant, vu qu'il en est informé,
qu'est-ce qu'il a l'intention de faire avec ce problème.
Bien sûr qu'on est d'accord pour ces cliniques
thérapeutiques, celles qui sont acceptées par des hôpitaux
et qui se développent graduellement, honnêtement et correctement.
Il n'y a personne qui va aller à l'encontre de cela. Mais que le
ministre, le sachant maintenant, tolère un système à
côté qui ne va vraiment pas dans l'esprit de ce qu'il est en train
d'instituer, de ce que l'ancien gouvernement aussi avait commencé dans
les hôpitaux et qui est tout à fait correct... Je pense que le
ministre se doit d'agir, se doit de dénoncer, doit arrêter cela et
proposer des correctifs, c'est bien sûr.
Un dernier point que je soulève il y aurait bien d'autres
choses, mais je veux aussi permettre au ministre de répondre à
certaines questions c'est que le ministre nous a brossé le
tableau qu'il nous avait donné au colloque des Affaires sociales. Le
thème était "Naître au Québec". C'est à peu
près la base de son texte de ce matin. Il nous avait dit à ce
moment qu'il y avait deux principes dans ce besoin de "Naître au
Québec". Il nous disait: Aux prises avec cette question de
vieillissement de notre population, le gouvernement du Québec a
adopté une politique à deux volets.
Le premier aspect de cette politique prévoit la mise en place de
mesures qui tendent à modifier le processus même de
l'évolution démographique. On a dit que c'était vague
comme processus et on n'en a pas beaucoup plus de détails ce matin.
Le deuxième aspect permet d'améliorer le sort des
personnes âgées. On veut bien et, si c'est cela la politique
familiale, la politique de naissance, le droit de naître, en
améliorant le sort des personnes âgées, c'est bien
sûr que ce n'est pas cela qui fait des enfants forts au Québec. On
a besoin de cela aussi, mais si c'est le thème majeur de "Naître
au Québec", comme il le disait, je pense qu'il y aurait moyen de
descendre un peu plus creux et d'essayer de donner le fond de son âme, de
donner un peu plus de ses volontés, de ses désirs
d'améliorer cet esprit d'une nouvelle loi qui devrait venir, à
mon sens, cette nouvelle politique de "Naître au Québec".
J'aimerais bien que le ministre éclaircisse certaines de ces
questions et nous dise quelle est son intention face à ces quelques
problèmes qui se posent.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
M. le ministre, pour le moment, parce qu'il a un droit de parole
privilégié, mais non exclusif. Après cela, M. le
député de Saint-Hyacinthe. Par après, je
reconnaîtrai M. le député de Rimouski et, à la fin,
on essaiera de faire un tour des trois formations politiques. M. le
ministre.
M. Lazure: Rapidement, M. le Président.
Premièrement, sur l'adoption. Je répète que notre loi
récente n'a pas créé un nouveau réseau public pour
l'adoption. Ce réseau public qui est basé sur les centres de
services sociaux, quatorze au Québec, avec des succursales dans
plusieurs endroits, ces centres de services sociaux ont la
responsabilité, en cas d'adoption prévue, de rencontrer les
futurs parents adoptifs, d'évaluer leur personnalité,
jusqu'à un certain point, leur motivation et les conditions dans
lesquelles vivrait le futur enfant adopté.
La responsabilité de ces centres de services sociaux inclut aussi
la responsabilité de tenir compte du souhait ou de la
préférence d'une jeune mère qui veut confier son enfant
pour adoption.
Le député de Mégantic-Compton disait tantôt:
Cette nouvelle loi empêche maintenant la jeune mère de confier son
enfant à l'adulte de son choix. Ce n'est pas exact, parce que la
nouvelle mère en question peut fort bien, lors de rencontres avec les
représentants du centre de services sociaux, indiquer sa
préférence pour tel ou tel genre de parents adoptifs ou
même, spécifiquement, de façon
précise, indiquer sa préférence pour telle ou telle
personne.
Les centres de services sociaux en tiennent compte
évidemment.
M. Grenier: M. le Président, je dois interrompre le
ministre. Je m'excuse, mais ce que le ministre dit ne correspond absolument pas
à l'esprit de la loi qu'on a adoptée; absolument pas. Cela a
été dit clairement et ce n'est pas le ministre, mais c'est un
haut fonctionnaire je ne me souviens pas lequel qui avait dit:
Cela fait quand même assez longtemps qu'il y a des listes d'attente et
qu'on doit procéder par les numéros 1, 2 et 3.
M. Lazure: M. le Président, là on tombe dans un
terrain glissant. C'est l'interprétation de l'esprit de la loi que le
député de Mégantic-Compton en fait. La mienne et celle du
ministère des Affaires sociales est fort différente. Il n'y a pas
de raison au monde pour que le personnel d'un centre de services sociaux ne
tienne pas compte des préférences d'une jeune mère qui
veut confier son enfant pour adoption.
Le deuxième point soulevé par le député
touche les services de garde. Encore une fois, je veux répéter
qu'une des caractéristiques nouvelles de la politique du gouvernement en
matière de services de garde, c'est de rendre admissibles aux
subventions du gouvernement les services de garde en milieu familial. Je pense
qu'il vaut la peine de s'y arrêter un court moment. Jusqu'ici, le
gouvernement subventionnait les garderies de quartier, les garderies en milieu
de travail et aussi les parents dont les revenus sont plus faibles qui
envoyaient leurs enfants à ces garderies. Maintenant, depuis le 1er
septembre, le gouvernement subventionne des parents qui décident de
placer leur enfant pour la journée, ou une bonne partie de la
journée, dans une famille. Cette nouvelle formule de garde est
particulièrement appropriée dans un milieu rural et dans un
milieu semi-rural, où il n'y a pas suffisamment de jeunes enfants dont
les deux parents travaillent pour créer une garderie. C'est là
une formule de garde qui correspond tout à fait aux
préoccupations qu'a la famille en milieu rural et semi-rural.
D'ailleurs, cette formule sera aussi accessible aux familles qui
habitent les villes. Ma dernière remarque tendra à dissiper,
à enlever toute confusion autour de ces cliniques de planification
familiale. Le député de Mégantic-Compton dit: Qu'est-ce
que le ministre des Affaires sociales fera vis-à-vis des cliniques qui
annoncent et qui font de la sollicitation? Il n'y a pas seulement celles dont
il a parlé; il y a aussi dans les journaux de Montréal on
peut le voir à chaque fin de semaine de la sollicitation pour des
groupes de Montréal en particulier qui transportent des femmes qui
veulent avoir un avortement thérapeutique aux Etats-Unis.
M. le Président, c'est précisément un des objectifs
de notre gouvernement, en créant des cliniques de planification
familiale à l'intérieur de nos hôpitaux, de façon
bien officielle, bien ouver- te, d'abolir, d'éliminer toutes ces
cliniques qui sont plus ou moins clandestines. Ce n'est pas à moi
d'évaluer, sur le plan de la justice si, oui ou non, il y a
illégalité. Il y a un Procureur général, il y a un
ministre de la Justice, qui surveille cet aspect de la question. Ma
responsabilité, quant à moi, celle du gouvernement, c'est
d'offrir, comme la loi le permet, aux femmes du Québec, dans toutes les
régions du Québec, des services de planification familiale qui
incluent l'avortement sous forme de traitement, lorsque la santé de la
mère est en jeu.
M. Cordeau: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Oui, M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: ... étant donné l'heure avancée,
je vais adresser immédiatement mes questions spécifiquement au
ministre.
Tantôt, vous avez mentionné que le Conseil des affaires
sociales et de la famille avait tenu un colloque sur la
dénatalité. Quand prévoyez-vous que le rapport de ce
colloque, soit les conclusions ou les recommandations seront rendues
publiques?
Ma deuxième question concerne les handicapés.
Tantôt, vous avez mentionné que, dans le discours du budget, un
montant de $3 millions serait à la disposition d'un programme qui sera
élaboré un peu plus tard concernant l'aide aux handicapés.
J'aimerais vous demander quand vous prévoyez présenter ce
programme d'aide aux familles qui gardent leurs handicapés à la
maison. Je crois que plusieurs familles, actuellement, vous interrogent et sont
un peu au courant de vos politiques futures, mais elles trouvent que cela prend
du temps avant que le programme soit mis en oeuvre.
Concernant les handicapés, avez-vous l'intention
d'améliorer l'aide à apporter aux handicapés qui demeurent
à la maison quand le mari travaille, souventefois au salaire minimum,
quand il y a aussi d'autres enfants à la maison? Je crois
qu'actuellement, vous accordez $40 par semaine à la mère des
handicapés qui demeurent à la maison, pour défrayer le
coût d'une aide familiale pour les soins du ménage. Mais
réellement, aujourd'hui, à $40 par semaine, il est impossible de
trouver une personne qui va aller passer 30 ou 35 heures par semaine à
la maison pour aider ces handicapés. Au nom de ces handicapés, je
vous demande sérieusement et sincèrement de réviser ce
programme qui a peut-être été très valable dans le
passé, mais qui est rendu tout à fait désuet
aujourd'hui.
Il y a une autre chose. Tantôt, le député de
Sherbrooke a parlé des éducatrices au foyer. C'est très
bien. J'appuie ce qu'il a dit. Actuellement, le gouvernement aide les
travailleuses concernant la maternité. Premièrement, elles ont
droit à plusieurs semaines d'aide et elles reçoivent
également $240 lors de la maternité. Je demande à M. le
ministre s'il a l'intention d'étendre ce programme d'aide, lorsqu'il y a
une maternité, à toutes les
éducatrices au foyer. Réellement, je pense bien que lors
d'une maternité, la mère qui reste à la maison a besoin,
à ces occasions, d'aide. Avec ces $240, cela lui permettrait
peut-être d'embaucher une personne ou de retenir ses services pour la
soulager un peu de sa charge familiale.
Voilà les quelques questions très brèves, mais bien
précises, que je pose au ministre et j'aimerais qu'il y réponde.
Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Lazure: M. le Président, je remercie le
député de Saint-Hyacinthe pour la clarté de ses questions.
Je vais essayer d'être aussi clair dans mes réponses. Je vais
commencer par la fin et je remonterai. Au sujet des $240, la réponse, M.
le Président, c'est: Oui, le gouvernement étudie la
possibilité d'étendre ces $240 aux femmes qui donnent naissance
à un enfant et qui travaillent à domicile au lieu de travailler
à l'extérieur du domicile. Nous étudions la
possibilité de l'appliquer à ces femmes qui sont au foyer. Si
nous ne le faisons pas tout de suite, c'est seulement parce que nous n'avons
pas les crédits disponibles. Nous avons voulu commencer par le groupe
qui était le plus pénalisé par une grossesse, par un
accouchement, c'est-à-dire la femme qui était obligée de
travailler à l'extérieur du foyer et c'est elle qui était
le plus pénalisée dans notre système. Je pense qu'il faut
l'avouer. Le plus rapidement possible, nous avons l'intention d'affecter la
même somme aux femmes qui travaillent au foyer.
Quant aux enfants handicapés, le programme d'allocations aux
parents de ces enfants handicapés à domicile, pour lesquels nous
avons une somme de $3 millions, devrait commencer d'ici quelques mois. Nous
sommes en train de compléter les modalités de ces allocations
familiales additionnelles. Ce sont des allocations familiales
supplémentaires. M. le Président, le député va
comprendre qu'il s'agit là de quelque chose d'assez nouveau et nous
n'avons pas de modèle ailleurs. Nous avons regardé à
plusieurs endroits, plusieurs Etats américains, provinces ou pays en
Europe et c'est une pratique qui n'existe pas, pour ainsi dire, qui n'est pas
utilisée. Nous pensons qu'il faut le faire le plus rapidement possible
et d'ici quelques mois, ce sera en vigueur.
Quant à la personne handicapée adulte dont le mari
travaille ou dont la femme travaille, nous sommes en train de modifier les
règlements à l'aide sociale et nous sommes bien conscients que
certains groupes, tel que celui-là, l'autre groupe important qui ne
reçoit pas les prestations qu'il devrait recevoir, le groupe des
familles monoparentales, des femmes dans 90% ou 95% des cas, pas seulement des
jeunes femmes qui constituent un ménage monoparental, mais aussi des
veuves d'un certain âge, nous sommes en train de modifier des
règlements dans le but d'améliorer ces prestations. (11 h 45)
J'ajouterai ici que ces couples, dont un conjoint est handicapé
et demeure à la maison, sont justement visés par l'aide à
domicile beaucoup plus importante que nous avons développée. Elle
s'applique pour deux clientèles: les personnes âgées et les
personnes handicapées à domicile.
Finalement, concernant la première question du
député de Saint-Hyacinthe quant au rapport sur le colloque de
février dernier à Montréal, ce rapport est
déjà disponible depuis le mois de mai et nous pourrons vous en
faire parvenir un exemplaire avec plaisir.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Rimouski et, par la suite, M. le député
de Saint-Laurent.
M. Marcoux: M. le Président, je voudrais aussi contribuer
à ce débat qui se déroule d'une façon très
positive depuis ce matin. Je voudrais d'abord signifier que j'endosse
entièrement l'esprit, sinon même la lettre, des propos de mon
collègue de Sherbrooke dans ses préoccupations. Il a fait un
portrait à partir d'un cas précis, le sien, j'aurais pu faire le
même portrait.
Je voudrais revenir un peu au point de départ de nos discussions
et poser le problème globalement, ce qui va peut-être nous mener
aussi à une conclusion à la fin de ce débat. Ce n'est
peut-être pas en tant que parent, comme mon collègue de
Sherbrooke, que sera mon point de départ, mais plutôt en tant
qu'ancien professeur de sociologie, à la suite de ma formation de
sociologue. J'ai eu l'occasion de lire "Le choc du futur", un livre qui nous
situe dans l'évolution actuelle en Occident sur plusieurs aspects; mais
il y a, entre autres, dans ce livre, un chapitre qui parle de la famille en
lambeaux.
Ce matin, on nous a invités à parler d'une politique de la
famille. À la lumière de la connaissance de la famille
aujourd'hui, je me demande s'il ne vaudrait pas mieux parler d'une politique
des familles. S'il y a une chose qui n'existe plus, je pense que c'est la
famille type. Il y a 30, 40 ou 50 ans, la famille était le coeur de la
société et il y avait un type de famille, le père, la
mère avec de nombreux enfants, et on évoluait dans ce cadre toute
sa vie. Aujourd'hui, il y a une diversification des types de familles et, de la
naissance à la mort, on vit toutes sortes de situations familiales qui
n'ont aucune commune mesure. Je pense que c'est un changement fondamental.
On peut continuer à parler, à vouloir faire une politique
de la famille, mais, en pratique, je pense qu'on est obligé de faire une
politique des familles, parce qu'il y a maintenant toutes sortes de familles.
Il y a la famille classique, le père, la mère et deux ou trois
enfants. Il y a la famille monoparentale dirigée par une femme. Il y a
la famille monoparentale dirigée par un homme. Il y a le couple de
famille et qui, maintenant, est obligé de vivre comme couple
jusqu'à la fin.
M. Grenier: Les familles triparentales! M. Marcoux:
Pardon?
M. Grenier: Les familles triparentales.
M. Marcoux: Oui, aussi. En fait, en constatant ce fait, je pense
que c'est un point de départ important parce que, à ce
moment-là, cela va nous éloigner de certaines simplifications.
Tantôt, on a parlé d'une politique qui pourrait être
fondée sur une attitude moralisatrice. Si on constate qu'il y a
plusieurs sortes de familles, il va falloir laisser place à plusieurs
sortes de morales ou de types de valeurs par rapport à la famille et non
que l'État essaie d'imposer une conception de la famille, une morale de
la famille. Je suis convaincu que si notre gouvernement voulait en arriver
à une politique de la famille, nos amis d'en face en tout cas,
particulièrement le député de Mégantic-Compton,
seraient peut-être les premiers à nous surveiller et à
vouloir nous accuser, en voulant imposer une politique de la famille, une
conception de l'État de la famille, de vouloir faire du socialisme, de
vouloir faire une politique étatique de la famille, d'intervenir dans la
famille.
Cela m'amène à considérer que l'attitude de
l'État par rapport à la famille, compte tenu du fait que la
famille n'existe plus, que ce sont des familles qui existent, que l'attitude du
gouvernement doit être changée afin d'offrir des types de services
différents pour chacun des besoins différents des familles
aujourd'hui. Le danger, bien sûr, c'est de tomber dans ce que je pourrais
appeler l'État cafétéria ou l'État Steinberg
où l'État dit: Oui, j'ai une politique familiale, regardez, j'ai
tel service pour les handicapés, tel service pour les personnes
âgées, tel service pour la femme au travail. C'est un peu
l'État cafétéria ou l'État Steinberg où tous
les services sont là pour toutes les sortes de famille, mais où
on ne saisit pas de ligne directrice, de principe de base à ces
services.
Je rejoins un principe énoncé par le député
de Saint-Laurent, sur lequel je suis entièrement d'accord. Je pense
qu'il y a un seul principe qui doit fonder les politiques familiales d'un
gouvernement moderne, c'est la liberté de choix. Ce n'est pas à
l'État à choisir de favoriser le retour de la femme au travail ou
le maintien de la femme au foyer quand les enfants sont en bas âge. Le
choix de l'État doit être de faire en sorte que les choix de la
femme ou les choix de la famille soient possibles. Il y a beaucoup de familles,
d'hommes ou de femmes, dans notre société, qui sont contre le
fait que la femme travaille lorsqu'elle a des enfants en bas âge. Il y en
a tout autant, sinon plus, qui sont favorables à ce que la femme
continue de travailler. Je pense que ce n'est pas à l'État
à imposer des choix, ou même à favoriser telle orientation
plutôt que telle autre. Le principe de base d'une politique des familles,
ce doit être de permettre la liberté de choix à l'homme,
à la femme, aux enfants et aux personnes âgées, à
tous les types de famille. C'est le principe sur lequel je fonderais tout
jugement sur des politiques familiales et des services qui devraient être
offerts par l'État à la famille.
Encore une fois, j'éviterais de tomber dans le piège
facile, peut-être, d'avoir une belle politique de la famille où on
pourrait facilement être accusé d'imposer un modèle
familial et être accusé d'intervention étatique.
Un autre point sur lequel je voudrais insister, c'est le principe
à la lumière duquel je jugerais les actions de l'État par
rapport à une politique des familles, le principe de favoriser la
liberté de choix des individus comme de la famille. On devrait y
regarder de près, parce que, lorsqu'on parle de liberté de choix,
on voit un gouvernement qui réagit à des pressions, qui
réagit à des rapports de force. Ce qui m'inquiète, c'est
que, par rapport à ce secteur d'activités des politiques de la
famille, un peu comme dans un autre secteur où on vit actuellement de
façon très active, dans le domaine des négociations dans
les secteurs public et parapublic, le gouvernement soit davantage sensible
à certains fronts communs qu'aux intérêts de l'ensemble
d'une population.
Il y a beaucoup de familles sans voix...
M. Grenier: Pouvez-vous répéter votre
dernière phrase?
M. Marcoux: Je vais répéter ceci: II y a des
groupes organisés pour peut-être clarifier ma pensée
qui sont bien placés pour défendre leurs
intérêts et les faire valoir. Il y a d'autres groupes, dans notre
société, qui n'ont pas de voix, ils ne sont pas organisés,
ils ne sont pas structurés. Souvent, l'État, parce que ce sont
des groupes organisés et qu'ils sont plus forts, va être plus
sensible aux demandes de ces groupes. Si je l'applique à la politique
des familles là, je rejoins mon collègue de Sherbrooke
on sera beaucoup plus facilement sensibilisés, nous, tous les
députés, par les groupes de pression aux besoins de la femme au
travail à temps plein, alors que la femme au travail à temps
partiel, ou les femmes qui voudraient travailler à temps partiel,
souvent, n'ont pas de porte-voix, ou leur porte-voix crie avec moins de force.
Je pense que ce doit être notre rôle de député de
faire en sorte que tous les types de besoins familiaux puissent être
entendus et obtiennent des services.
En ce sens, je pense qu'on devrait porter plus d'attention au cours des
prochaines années. Satisfaire les besoins de la femme au foyer, mais
cette dernière, souvent dans notre monde moderne y est de façon
temporaire. Elle y est pour quatre, cinq ou six ans. Elle est en instance de
retour dans le marché du travail, souvent. Durant cette période,
elle vit des problèmes particuliers, des problèmes nouveaux pour
lesquels nous n'avons pas actuellement tous les instruments. Si on prend
l'exemple des services de garde, c'est bien sûr qu'on a commencé.
C'était peut-être inévitable de développer les
garderies qu'on pourrait dire institutionnelles. Maintenant, il va falloir
s'attaquer rapidement à développer les services de ce qu'on
appelle les haltes-garderies, la garde en milieu familial. Cela entre
déjà dans nos principes de politique, mais il va falloir pousser
sur la machine pour que cela se développe rapidement, parce que si on
laisse aller les choses d'elles-mêmes, comme souvent il n'y a pas de
groupe organisé pour pousser sur ce type de développement de
service, cela peut prendre beaucoup plus de temps alors
que des besoins criants sont là. On pourrait étaler de
multiples exemples.
En tout cas, je ne vois qu'une partie de notre rôle de
député, indépendamment des partis politiques, c'est de
faire en sorte dans les nouveaux services à développer pour
l'ensemble des familles, qu'on soit sensible à des besoins qui n'ont pas
l'occasion de se manifester souvent peut-être dans les journaux, à
la radio et à la télévision, mais qui sont là de
façon absolument criante.
Pour terminer, juste une phrase. Je dirais encore là que
l'essentiel, c'est de permettre la liberté de choix à des couples
qui veulent former différents types de familles et qui ne veulent pas
tous correspondre au même modèle. C'est bien sûr que c'est
plus difficile, dans le fond, c'est bien plus engageant, que d'arriver à
dire: II y a un modèle parfait de la famille maintenant, en 1980. C'est
celui-là auquel on va correspondre. L'ensemble de nos politiques va
être bâti juste autour de ce modèle. Je pense que c'est plus
difficile de faire des politiques polyvalentes, des politiques larges qui
assurent la liberté de choix, mais c'est le défi qu'on a à
relever aujourd'hui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Comme la question est
posée par M. le député de Mégantic-Compton et
qu'à titre de troisième parti, du moins pour aujourd'hui, je n'ai
pas un droit de parole privilégié, je vais tenter de limiter mes
remarques au minimum. Je dois dire que j'ai aussi, à cause de cette
situation particulière, observé un peu avec un certain
détachement ce dialogue entre l'Union Nationale et le Parti
québécois, relativement à la politique familiale. Ce qui
me frappe, il ne faut pas en vouloir comme tel au ministre des Affaires
sociales, c'est qu'aux questions qui lui ont été adressées
par l'Union Nationale, il a, et c'est probablement normal dans les
circonstances, dressé un bilan des réalisations de son
gouvernement au cours des dernières années. Encore une fois, il
ne faut pas lui en vouloir. C'est de bonne guerre d'essayer de faire un
tableau, un panégyrique le plus impressionnant possible du gouvernement.
Je pense qu'on peut déplorer, à ce moment-ci, de la part du
gouvernement une insistance peut-être un peu trop grande à des
réalisations qui, sans être négligeables, n'ont
malgré tout pas le caractère aussi engageant et aussi dynamique
que le ministre a voulu le démontrer. Je veux donner quelques exemples,
parce qu'ils ont été mentionnés et ils n'ont pas, par la
suite, été relevés.
Le ministre a dit que le gouvernement a empêché la
fermeture des écoles de rang, des écoles de quartier. C'est le
genre d'argumentation qui, dans le fond, jette un écran de fumée,
qui n'éclaircit pas du tout le problème. On sait très bien
que le gouvernement a fait des déclarations sur le sujet, mais qu'il n'a
rien fait de concret pour donner une réalité à ces
affirmations. Il a imposé une obligation morale aux commissions
scolaires locales de laisser ouvertes des écoles, mais il a
refusé toute espèce de secours financier pour leur permettre de
le faire. Il n'a pas modifié ses normes de financement dans le domaine
scolaire pour rendre la chose possible là où il y avait
véritablement des problèmes financiers. (12 heures)
Prenez un autre exemple, la question des services de garde. Si on
regarde les manchettes et les déclarations du gouvernement depuis trois
ans, il double à tous les ans les crédits, double le nombre de
places. Comme il y en avait 10 000 en 1976, d'après ce que le ministre a
dit, et c'est effectivement vrai, on devrait être rendu à 80 000,
parce que si vous doublez quelque chose trois ans de suite, à partir de
10 000, cela donne 80 000 en troisième année. Or, il n'y a que 16
000 places aujourd'hui encore.
Si on regarde les montants qui sont attribués pour la subvention
aux parents pour les services de garde, on constate et cela aussi, c'est
une impression bien différente de celle qu'on retire des
déclarations gouvernementales qu'il y a à peine eu une
indexation. Les montants ont augmenté pas tout à fait aussi vite
que le coût de la vie. Il y avait eu un premier montant
déterminé en 1974 quand nous-mêmes, nous avions
lancé le mouvement, il a été majoré à
l'automne 1976 avant les élections, un an et quelques mois après
son lancement, il y a eu une indexation, et puis après il s'est
écoulé des mois et des mois et les majorations qui sont venues,
encore une fois, ne nous ont pas remis dans la situation de la valeur
réelle que ces prestations avaient au printemps 1974.
On peut bien dire que l'on fait des choses. C'est vrai, on a fait ces
ajustements, mais c'est loin d'être les grandes manoeuvres d'une
politique familiale.
On a parlé de l'Office des handicapés, c'est vrai que le
gouvernement péquiste a hérité d'une loi sur la protection
des personnes handicapées qui commence à être mise en
oeuvre, mais avec des crédits extrêmement faibles. Dans des
circonstances, on a voulu décentraliser à Drummondville le
siège social de cet organisme et cela a créé toutes sortes
de difficultés pour sa mise en route. Je pense que la
vérité a quand même ses droits et, comme le ministre a fait
état de ces choses, je me devais de les soulever.
Je dois soulever également le fait que relativement à des
questions centrales pour la détermination d'une politique familiale
adaptée aux besoins de notre époque, les questions que j'ai
soulevées relativement à la révision du Code civil sont
sans réponses. Les questions relativement à égaliser ou
à faire disparaître la discrimination à l'égard des
femmes dans les avantages sociaux, les régimes d'assurance collective et
de pension, c'est resté sans réponse et cela demeure sans
réponse depuis deux ans. Il y a tout le problème de la
consultation matrimoniale et familiale, le rôle qu'ont ou que n'auront
pas parce que là-dessus, il semble que les orientations
gouvernementales soient assez imprécises les CLSC, par exemple,
dans une plus grande accessibilité à des
services de consultation, et même à des services de
consultation de planification familiale. Le ministre a parlé
exclusivement de l'insertion dans les hôpitaux des cliniques de
planification familiale. Est-ce qu'il n'y a pas là un rôle pour
les CLSC? Est-ce qu'ils n'ont pas été conçus justement
près de la population pour servir des besoins de ce genre,
d'information, d'aide, de secours et même des besoins encore plus
précis que cela, le cas échéant, quand la consultation et
l'information en révèlent la nécessité.
Je pense qu'il y a un très grand nombre de questions qui sont
sans réponse. Bien sûr, la société évolue
progressivement, il serait peut-être irresponsable de vouloir que tout se
fasse d'un seul coup. Il demeure que dans le contexte de liberté auquel
faisait allusion, à la suite de mes remarques, le député
de Rimouski, il y a des choses importantes à faire. N'oublions pas que
lorsque nous parlons de politique familiale, dans le concret, nous devons nous
adresser aux jeunes adultes et aux jeunes couples qui ont à prendre des
décisions pour un avenir qui s'étend sur 20 et 30 ans. Toutes les
questions relatives aujourd'hui au statut de la femme sont centrales pour la
détermination, la prise de ces décisions. Est-ce que le milieu du
travail, en particulier, va attribuer à la femme un sort, une situation
qui va la laisser véritablement libre de choisir le mariage et la
famille, sans se handicaper elle-même quant à son avenir. C'est
une question vitale. On n'est pas encore au point où on peut vraiment
offrir une réponse satisfaisante à cette interrogation des jeunes
femmes qui ont devant elles deux possibilités: se marier et avoir des
enfants et renoncer, peut-être c'est certainement cela l'image
qu'il faut vaincre à toute possibilité de
développement personnel sur les plans économique et social, parce
que notre société est devenue une société où
il faut participer au marché du travail. C'est peut-être
malheureux, mais il y a une très forte pression de ce côté.
Celles qui veulent répondre à cet appel, il faut qu'elles le
fassent dans la plus grande liberté possible.
Or, dans le moment, nous ne pouvons malheureusement pas offrir ces
garanties. Le retour au milieu du travail est difficile. L'absence pendant
quelques années entraîne des coûts significatifs pour la
femme et le couple.
Tant que nous n'avons pas résolu ce problème d'une
politique familiale, il reste un grand point d'interrogation pour ce qui est de
l'avenir. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je crois que
le dossier sur la condition féminine c'est dommage que la
ministre d'Etat à la Condition féminine ne soit pas avec nous ce
matin est le dossier par excellence de la politique familiale. C'est un
des volets les plus importants et il faut y trouver des réponses.
Du côté du recyclage, par exemple, il y a certainement des
carences nombreuses du côté des programmes de perfectionnement et
de recyclage. Il nous semble qu'on pourrait y remédier, même sans
législation, assez facilement, pourvu qu'on accepte de revoir de vieux
concepts qui ont inspiré jadis les programmes d'éducation des
adultes.
Il y a évidemment aussi tous les problèmes
économiques qu'entoure l'absence pendant plusieurs années de la
femme du marché du travail. Il y a eu des débuts de solution
lorsque le Régime de rentes a été modifié. Mais
certains groupes on le sait se posent encore des questions sur
les modifications encore nécessaires au Régime de rentes pour
véritablement égaliser les chances de ce côté entre
les hommes et les femmes et surtout entre les femmes qui choisissent de
participer au marché du travail tout en élevant une famille et
celle qui préfère participer au marché du travail sans
élever une famille.
C'est véritablement là que se pose le problème de
choix et ce sont ces femmes qu'il nous faut persuader qu'il est possible de
travailler pour l'avenir de la collectivité et pour elles-mêmes en
même temps sans incompatibilité, qu'il est possible
d'élever des enfants, de mettre au monde des contribuables futurs dont
nous aurons tous besoin quand nous serons vieux et qu'il est possible
également de se réaliser comme personne sans entraîner des
pénalités insupportables et non seulement au moment où on
les assume, mais qui durent toute la vie.
M. le Président, je crois qu'il y a plusieurs points
d'interrogation. Le ministre n'a pas voulu faire porter ses remarques sur ces
questions d'avenir, sur les intentions du gouvernement relativement à
ces dimensions d'avenir.
Je pense qu'on a un peu trop porté sur ce qui s'est accompli
durant les dernières années. C'est bon, cela pourrait être
meilleur. C'est même excellent dans certains cas, mais il reste que le
travail qu'il reste à accomplir est encore très
considérable et nous n'avons pas, malheureusement, durant les quelques
minutes que nous avons pu consacrer à ce sujet, eu beaucoup
d'éclaircissements quant à l'avenir. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Merci. M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, me permettez-vous rapidement
de répondre à quelques questions? Je m'excuse auprès du
député de Saint-Laurent de ne pas avoir répondu de
façon plus spécifique. Sur la question, par exemple, qui touche
les amendements au Code civil, au chapitre des droits de la famille, de
l'enfant, les préparatifs sont à peu près
complétés et mon collègue de la Justice, à la suite
de l'approbation par le Conseil des ministres, pas plus tard qu'il y a quelques
jours, mercredi, cette semaine, devrait déposer un projet de loi d'ici
Noël.
Quant à la discrimination à l'égard de la femme
dans plusieurs lois ou pratiques administratives actuelles, le comité
que le gouvernement a formé il y a environ six ou huit mois, un
comité ministériel pour réaliser le livre blanc
"Egalité et Indépendance", le livre blanc du Conseil du statut de
la femme, ce comité qui est maintenant présidé par le
nouveau ministre à la Condition féminine,
doit faire rapport bientôt. Soyez assuré, M. le
Président, que la mise en application de toutes les recommandations de
"Egalité et Indépendance" va se faire le plus rapidement
possible.
Dernière remarque concernant les garderies. Le
député de Saint-Laurent dit: Comment se fait-il qu'on n'a pas
plus de places en garderie que 16 000, puisqu'on dépense beaucoup plus?
Il est bien évident que, quand on double le budget, cela ne veut pas
dire qu'on va avoir le double de places, parce qu'il y a des situations qui
devaient être corrigées. Les salaires du personnel dans les
garderies il faut en avoir visité pour le savoir les
salaires des jeunes femmes en garderie étaient et sont encore,
jusqu'à un certain point, scandaleux, très souvent en bas du
salaire minimum.
Les augmentations budgétaires que nous avons eues depuis quelques
années servent non pas seulement à créer de nouvelles
garderies, de nouvelles places, mais servent à améliorer les
conditions de travail du personnel féminin dans ces garderies, servent
aussi à améliorer l'équipement. Nous avons triplé
la mise de fonds initiale dans toute nouvelle garderie.
Je voulais apporter ces précisions et, sur un plan plus
général, je veux simplement rappeler que notre ministère
suit de très près les travaux de ce nouveau comité qui a
été créé par le Conseil consultatif des affaires
sociales et de la famille. Nous avons un Conseil de la famille qui nous avise
qui a été créé par l'ancien gouvernement
nous avons constamment des avis, des suggestions, des propositions qui
nous sont fournis par le Conseil de la famille et nous entendons continuer
d'utiliser au maximum ce Conseil de la famille comme un organisme consultatif
extrêmement précieux pour nous.
M. Marcoux: M. le Président, est-ce que je peux ajouter
quelques mots.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Très brièvement, puisque je me dois de donner la parole au
député de Mégantic-Compton qui a un droit
privilégié avec le ministre.
M. Marcoux: Très brièvement. Il y aurait le mot de
la fin.
M. Grenier: Ce ne sera pas long, on veut terminer pour 12 h
30.
M. Marcoux: Deux minutes à peine, sur deux points
précis qu'a abordés le député de Saint-Laurent.
C'est bien sûr, le ministre a énuméré plusieurs
mesures qui ont été réalisées ou mises en oeuvre
depuis trois ans. Vous avez posé des questions, à savoir si, par
exemple, la politique concernant le maintien de l'école primaire dans le
milieu rural, l'école de quartier en ville, quel genre
d'utilité... Vous avez émis presque un doute. Je peux vous dire,
comme député d'un comté rural où il y a 2
municipalités sur 22 qui ont été touchées par cette
politique, où des parents se battaient depuis des années pour
avoir l'assurance que leur école de la municipalité serait
maintenue... C'est parfaitement relié au maintien du tissu familial
parce que ces gens voulaient vivre dans leur milieu naturel. D'accord, ce ne
sont pas tellement des implications financières, c'est plutôt une
orientation.
Un autre exemple qui va dans le même sens; je le prends dans mon
comté, mais je sais que c'est vrai maintenant dans plusieurs
comtés au Québec. Dans les sept ou huit premières
années, on ne construisait des HLM, des logements à loyer
modique, que dans les villes; c'étaient de gros édifices de 80,
90, 100 logements. Les municipalités rurales qui demandaient des HLM
obtenaient très peu souvent gain de cause. Je dois vous dire qu'en trois
ans, 6 municipalités rurales de mon comté sur 22, toutes celles
qui avaient fait des demandes avant 1976 et qui s'étaient toujours vu
refuser leur demande, ont vu leur demande acceptée. Bien sûr que
ce ne seront pas de gros édifices de 90 logements dans une
municipalité de 300 à 400 familles; ce seront des bâtisses
de 13, 20 logements. Mais, pour ces municipalités, qu'est-ce que cela
signifie? Pour les personnes âgées de ces municipalités,
cela signifie le maintien dans leur milieu social naturel cinq, dix, quinze ans
de plus qu'autrement, car on les aurait transplantées en ville parce
qu'avant, la politique était de les amener en ville où, souvent,
la première chose qu'elles demandaient, c'était d'être
admises aux foyers d'hébergement. On sait que le déracinement
d'une personne âgée occasionne souvent le recours à des
médicaments, etc., quelques années plus tôt.
Ce sont des exemples je ne veux pas insister davantage qui
illustrent, même si cela ne touche pas l'ensemble des
Québécois, une volonté de faire en sorte qu'il y ait des
services pour le maintien de la famille le plus longtemps possible.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci, M. le Président. Cette politique de la
famille que nous étudions ce matin, que nous regardons de plus
près ce matin, avait été demandée par le
gouvernement actuel et son porte-parole dans le domaine des affaires sociales
qui est l'actuel organisateur en chef du gouvernement, qui vient de faire ses
preuves dans trois comtés. (12 h 15)
Quand je parle de politique d'Etat, M. le Président, dans le
domaine familial, je ne veux pas dire de politique sociale. Il y a une nuance
bien précise entre une politique sociale et une politique familiale. La
politique sociale va surtout toucher des personnes, des individus, je dirais,
marginaux, par rapport à ce qui est normal dans la
société. Tandis qu'une politique familiale va être
axée directement sur la cellule, l'entité de ce qui est un groupe
de personnes qui ont décidé de vivre en famille,
c'est-à-dire un père, une mère et des enfants.
Donc, déjà c'était exigé en mai 1975 par les
gens qui étaient dans l'Opposition et qui forment le gouvernement
actuellement. Actuellement, je pense qu'on fait face exactement à ce qui
est décrit par le député de Rimouski, même si le
livre d'Alvin Toffler le "Choc du futur" est dépassé. L'auteur le
disait lui-même en l'écrivant: Dans cinq ans, mon livre sera
dépassé. Ce qu'il y a de vrai dans son assertion de tout à
l'heure, c'est qu'on fait justement face à une politique de famille qui
a l'air d'une politique de cafétéria ou de Steinberg. C'est
exactement ce que nous avons. Ce que nous voulons reconnaître
là-dedans, malgré tout ce qui s'est dit depuis le début,
c'est en laissant le choix, la liberté aux personnes, aux enfants et aux
parents, bien sûr, il n'est pas question d'entraver... c'est de sentir
quand même le poids de la responsabilité qui doit être celle
des parents et des enfants et, celle du gouvernement.
Ce que je disais, c'est que dans cette politique familiale, on sente un
peu ce qu'est la famille québécoise. Je pense qu'on doit trouver
au Québec, comme dans d'autres coins du monde, ce fil conducteur dont je
parlais tout à l'heure qui sera cette politique globale, en laissant
cette liberté aux familles de faire leur choix. On n'est plus en 1930,
mais il me semble qu'on devrait être capable... comme le disait le
ministre Léger en 1975. Tout à l'heure, au début je
reviens là-dessus puisque cela a eu l'air déplacé depuis
que c'est commencé nous préconisions une politique
familiale et on disait: Une politique familiale serait une toile de fond dont
les Québécois se doteraient et sur laquelle viendrait se fixer la
législation en matière de la famille, une politique familiale qui
serait articulée autour de deux principes fondamentaux et j'y
reviens puisqu'on a semblé dire que cela pouvait être autre chose
le dénominateur commun devrait être l'enfant.
Deuxièmement, que le gouvernement aide les parents à
assumer leurs responsabilités sans perdre leur place. Ensuite, on dit:
Une politique familiale doit être élaborée dans une
perspective de prévention et toucherait essentiellement je
reprends les termes du début et c'est autour de cela ensuite qu'on a
parlé pendant toute la discussion le service de protection
à la jeunesse, les foyers d'accueil pour enfants et pour personnes
âgées, la mère de famille à la maison ou au travail,
la planification familiale, les services de garderie. Toute la discussion a
tourné autour de cela. C'est exactement ce qu'on a tracé au
début de cette discussion.
Maintenant, je sais que le ministre est préoccupé par les
temps qui courent et on s'en veut de l'amener en commission durant trois
heures, avec les difficultés qu'il peut y avoir; on s'en excuse. Il
reste quand même que si on choisit des moments où il n'y a pas de
grève ou pas de difficulté au Québec, je pense que le jour
n'arrivera pas à interroger le ministre sur la politique familiale par
les temps qui courent.
On a choisi de poser des questions ce matin, mais je pense que le
ministre, qui nous a livré un peu l'essentiel de son texte qu'il avait
livré le 17 février 1979 à peu près dans les
mêmes termes, en ajoutant des explications sur d'autres services
développés au Québec, aurait avantage à retourner
prendre un bain de peuple, un bain de foule, pour savoir exactement ce qui se
passe. Ce serait le temps. On rencontre actuellement des chefs syndicaux
à temps et à contretemps et on rencontre des groupes
minoritaires, comme le signalait tout à l'heure le député
de Rimouski, mais il serait peut-être temps d'aller voir dans le peuple,
dans le monde, ce qui se passe actuellement pour établir cette
politique, ce fil conducteur, d'aller glaner, comme on vous le dit ce
n'est pas le ministre en catimini, à son bureau dans la
population ce que devrait être une politique familiale.
Je voudrais que le ministre nous dise, puisque j'aurai l'occasion d'y
revenir dans quelques jours s'il n'y a pas de développements, ce qu'il
entend faire avec les cliniques privées d'avortement qu'on connaît
au Québec. J'en ai donné un exemple tout à l'heure.
Qu'est-ce que le ministre entend faire avec cela avec son collègue, le
ministre de la Justice? Il ne faut quand même pas penser que s'il y a des
chèques en retard à cause d'une grève, c'est ce qui se
passe là. Ce sont des actes criminels qui se font tous les jours au
Québec avec ou sans la bénédiction du gouvernement. Je
voudrais savoir ce que le ministre a l'intention de faire dans les jours qui
vont suivre. Il me semble qu'on ne peut pas se permettre de laisser continuer
ces activités qui se sont multipliées à un rythme assez
grandissant, d'après ce qu'on nous dit.
Je termine avec cela, M. le Président. Je voudrais remercier,
bien sûr, le ministre d'avoir accepté de nous rencontrer
aujourd'hui et d'avoir répondu, peut-être pas, bien sûr,
à toutes nos questions, mais d'avoir levé le voile sur certaines
difficultés de la politique de la famille.
M. Lazure: M. le Président, rapidement, sur la
dernière question du député de Mégantic-Compton, la
réaction la plus constructive et utile que je peux avoir à titre
de ministre des Affaires sociales vis-à-vis de l'existence de ces
cliniques, c'est de promouvoir et d'inciter les hôpitaux à fournir
à la population féminine ce genre de service qui est permis par
la loi. Je reviens à une remarque du député de
Saint-Laurent. Nous n'avons jamais exclu le CLSC. D'ailleurs, le CLSC fournit
une bonne partie de l'éventail des services que la clinique de
planification familiale dispense actuellement. Au député de
Mégantic-Compton, j'ajouterai que mon collègue de la Justice est
celui qui doit évaluer dans quelle mesure ces activités sont
légales ou illégales. Quant à nous, nous voulons
précisément multiplier les activités légales dans
le cadre de nos établissements publics qui sont financés par les
impôts des Québécois.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Merci, M. le ministre. Merci, messieurs les députés. Les
travaux de la commission sont ajournés sine die.
Fin de la séance à 12 h 21