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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le vendredi 16 novembre 1979 - Vol. 21 N° 211

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat: La définition d'une politique familiale


Journal des débats

 

(Dix heures onze minutes)

Question avec débat

Définition d'une politique familiale

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Veuillez vous asseoir. Il s'agit de la commission permanente des affaires sociales qui se réunit, aujourd'hui, pour discuter de la question avec débat du député de Mégantic-Compton qui s'adresse au ministre des Affaires sociales sur le sujet suivant: La définition d'une politique familiale au Québec.

Conformément à notre règlement et à la suite d'une entente également intervenue entre les principaux porte-parole des partis, M. le député de Mégantic-Compton, vous allez prendre la parole en premier pour une période n'excédant pas 20 minutes. Par la suite, ce sera le tour du député de Saint-Laurent pour la même période. Ensuite, M. le ministre des Affaires sociales. Enfin, s'établira un échange, tout en tenant compte du fait qu'à notre commission, il n'y a pas de motion, il n'y a pas de vote, que le quorum est présumé exister et que, d'autre part, le ministre a un droit de parole privilégié de même que celui qui a adressé la question avec débat, c'est-à-dire le député de Mégantic-Compton, à qui d'ailleurs, je cède la parole.

Exposé du sujet M. Fernand Grenier

M. Grenier: Merci, M. le Président. M. le ministre, M. le député de Saint-Laurent, à la commission parlementaire des affaires sociales concernant l'avant-projet de loi sur les services de garde à l'enfance, différents groupes ont manifesté le voeu que l'on mette à jour au Québec une politique familiale. Le ministre des Affaires sociales, un peu fatigué par la répétition de cette demande, a déclaré aux représentants du CRSSS de Rimouski que son rôle était d'offrir des services. À son tour, le député de Richelieu a ajouté — il était à ce moment-là l'adjoint parlementaire du ministre — "Le Parti québécois a une politique sociale qui englobe la politique familiale."

À mon avis, ces deux déclarations du côté ministériel illustrent bien le manque de cohérence et d'idéal socio-familial chez ce gouvernement. En effet, un gouvernement ne doit pas se contenter d'être seulement un robot à projet de loi. Il doit aussi prévoir longtemps d'avance les grandes orientations sociales du peuple qu'il dirige. Un gouvernement ne doit donc pas se contenter d'offrir des services à la population qui arrivent trop souvent quand le besoin est devenu criant et que la crise est proche. Un gouvernement ne doit donc pas s'arrêter à son rôle de pompier; il a aussi le devoir impératif de faire de la prévention. J'ai ici une citation: "La patrie est un projet commun, une création continue de nos efforts solidaires. Le plus grave désastre qui puisse menacer un peuple n'est pas l'anéantissement militaire, c'est l'indifférence de ses membres à la forme de son avenir."

M. le Président, avant que l'on m'accuse de manquer d'originalité ou tout simplement de plagier, je dois préciser que cette citation a été utilisée aussi par les auteurs du livre "La politique québécoise du développement culturel". Le Parti québécois a trouvé essentiel que le Québec ait sa politique culturelle.

Quels sont les arguments invoqués, l'an passé, par le gouvernement du Parti québécois afin de mettre en branle sa politique culturelle? Voici quelques-uns de ces arguments.

Un gouvernement démocratique doit soumettre aux citoyens les vues d'ensemble qui l'inspirent dans sa politique culturelle, comme pour le reste d'ailleurs. Deuxièmement, cela n'amène pas pour autant l'État à imposer de haut une sorte de doctrine ou de système. Troisièmement, c'est au sein des libres débats publics que doit se dégager un projet collectif.

Enfin, j'invite le ministre des Affaires sociales à consulter son collègue, le ministre d'Etat au Développement culturel. Celui-ci semble avoir assez bien compris que de dégager une politique générale ne signifie pas, dans un pays démocratique, que l'on s'érige en autorité suprême. (10 h 15)

Si je dis cela, c'est en faisant allusion à une autre déclaration du ministre des Affaires sociales alors que celui-ci affirmait qu'il n'appartenait pas à un gouvernement de définir une politique familiale. Cependant, cela ne veut pas dire que nous n'en avons pas besoin. Aussi, on ne peut invoquer, comme l'a fait récemment le ministre, le fait que l'on vive dans une société pluraliste pour réfuter l'idée d'une politique familiale.

L'énoncé de politique culturelle dont le ministre d'Etat a fait la promotion fait justement le point sur cette motion "fourre-tout" qu'est le pluralisme. En effet, ce nébuleux concept, s'il en est un, est une échappatoire trop facile devant les responsabilités qui incombent aux élus du peuple. D'autre part, il est vrai que notre société est en perpétuelle mutation. Cette mouvance n'a cependant pas arrêté les protagonistes de la politique culturelle de mener leur travail à bien.

Ce qui me semble anormal chez ce gouvernement, c'est que l'on se préoccupe tant de la culture tout en ignorant ce qui la sous-tend, c'est-à-dire la famille.

Au Québec, nous voulons une politique familiale. Ce désir est apparu très clair chez les intervenants non seulement pendant la dernière commission des affaires sociales, mais aussi pendant la commission de la justice sur le droit de la famille. Une politique familiale serait une toile de fond sur laquelle devrait s'articuler toute notre législation touchant la famille.

Une politique familiale rassemblerait les valeurs véhiculées par notre société pluraliste. Tenant compte de ces valeurs, la législation pourrait trouver une orientation optimale. Il ne s'agit

pas ici que le gouvernement se mette à définir la famille. Je rappelle au ministre que cela serait hors de sens.

Au Québec, il existe des moyens démocratiques de consultation qui peuvent nous révéler le pouls socio-familial, les aspirations et désirs des Québécois en la matière. Or, je suis conscient que, d'ores et déjà, un problème se pose face aux innombrables situations familiales. Comment envisager une politique tout en tenant compte de ce facteur?

Je propose donc deux principes. Le premier, c'est que tout doit partir de l'enfant. En effet, une loi-cadre ou un livre blanc sur une politique familiale doit centrer son action autour du dénominateur commun à tous les types de familles, soit l'enfant. Le deuxième principe, c'est celui de permettre aux parents d'assumer leurs responsabilités.

Nous vivons dans une société basée sur les droits de la personne. Une saine politique familiale devrait mettre de l'avant la responsabilité des parents envers leurs enfants, rétablissant ainsi l'équilibre entre droits et responsabilités. Souvent, il est difficile à des parents de se prendre en main quand arrivent les difficultés. Comme le signalaient les Organismes familiaux associés du Québec, l'OFAQ, dans leur numéro de décembre 1978 "Ce que pourrait présenter une politique familiale... des lois ayant pour objet le bien et le souci de protéger et d'aider sa famille sans se substituer à elle."

Pendant l'audition des mémoires sur les garderies, les représentants de l'OFAQ interrogeaient le ministre à savoir où se situait, à l'intérieur du contexte de la famille, l'avant-projet de loi sur les services de garde à l'enfance. Le ministre n'a pas répondu, parce qu'il n'avait aucune réponse à donner. Bien que l'avant-projet de loi sur l'Office de garde à l'enfance soit d'une criante nécessité, il n'en reste pas moins qu'il fait partie du travail à la pièce auquel se livre notre ministre des Affaires sociales. De quelle philosophie socio-familiale relève cet avant-projet de loi? Personne ne le sait, puisqu'il vient strictement combler un besoin sans aucune orientation et sans idéal précis.

Déjà, le 23 décembre 1978, quelques jours avant l'entrée en vigueur de la Loi de la protection de la jeunesse, on signalait que cette loi n'était qu'un élément de politique familiale, et on s'interrogeait sur l'éventualité d'une charte des droits de l'enfant. On ressentait donc déjà le besoin d'encadrer cette législation. Presque un an après la mise en vigueur de la loi 24, on est en droit de se demander si c'était vraiment un projet collectif reflétant la façon dont la population aurait voulu régler ce problème bien spécifique.

Que dire des foyers d'accueil? À la suite de la fameuse "Opération 30 000", j'attire l'attention sur certains titres de journaux. Par exemple: "25 000 enfants québécois sont des réfugiés", "30 000 enfants ping-pong".

Enfin, le ministre lui-même avoue avec désolation, lors du colloque à Boscoville: "Trop d'enfants sont placés en institution sans raison". Dans le dossier que M. Roger de Bellefeuille nous livre sur "l'Opération 30 000", un fait est soulevé: Le rapport "Opération 30 000" ne fournit pas de réponse, mais d'autres devraient se charger de la donner. "D'autres", ce sont les Québécois qui doivent s'unir pour regarder les faits et trouver des solutions à longue échéance. Il faut à tout prix couper court aux prophéties des travailleurs sociaux qui prévoient un avenir plutôt sombre pour 47% de ces enfants. Une politique familiale devrait naturellement encourager les familles à rester unies. Présentement, sur le plan fiscal, il y a une incitation à la dislocation familiale. Ainsi, la pension alimentaire en cas de séparation ou de divorce est déductible d'impôt, tandis que l'enfant à charge n'est pas déductible, au provincial.

Le problème auquel nous sommes confrontés relève souvent d'une question de mentalité. S'il faut la changer, ce n'est surtout pas un projet de loi statutaire qui, du jour au lendemain, effectuera le revirement. C'est là que surgit encore le besoin d'une politique familiale qui, à long terme, pourra tracer les jalons d'une telle réforme.

La refonte du Code civil, chapitre de la famille, a suscité bien des espoirs parmi les tenants de la famille. En effet, on croyait que, dorénavant, nos lois sur la famille accuseraient plus de cohérence. On s'est malheureusement vite détrompé quand est apparu le projet de loi no 13, Loi modifiant la Loi de l'adoption. En effet, cette législation aurait dû succéder et non précéder la refonte du Code civil. Ainsi, le projet de refonte prévoyait tout un mécanisme de surveillance face à l'adoption privée concernant les intermédiaires. La première chose que l'on a sue, le ministre des Affaires sociales a rendu caduques ces dispositions, en proposant un projet de loi statutaire, en rayant définitivement de la carte le choix, pour la mère, de choisir l'intermédiaire qui veillera à faire adopter son enfant. Soit dit en passant, certains membres de ce gouvernement préconisent que la femme est libre de disposer de l'enfant qu'elle porte quand il s'agit d'un avortement. Cependant, si une femme veut donner son enfant pour adoption, elle n'est pas libre de choisir son intermédiaire. Enfin, nous ne sommes pas à une incohérence près...

En prenant une telle position face à l'adoption, le ministre s'est érigé en autorité en décidant ce qui était bien et ce qui était mal. Et voilà qu'il a déclaré devant l'OFAQ qu'il ne voulait pas s'aventurer dans une politique familiale de peur de porter atteinte aux grands principes de notre société pluraliste.

Je répète qu'il appartient au ministre de définir une politique familiale, qu'il doit aller glaner parmi la population québécoise. Une politique familiale viserait à donner aux Québécois ce qu'ils veulent et non ce que veulent les politiciens au pouvoir, peu importe de quel gouvernement ils sont.

Mme la ministre d'Etat à la Condition féminine déclarait le 24 août dernier, à Sherbrooke, devant les membres de l'AFEAS, que la femme devrait

être libre de travailler, de se marier, de rester célibataire, d'avoir des enfants. Je ne veux pas porter de jugement de valeur sur les propos de Mme Payette, cependant si c'est cela qu'elle préconise, en tant que membre du gouvernement, il serait important de savoir si les femmes du Québec endossent ses dires.

Un autre point que Mme le ministre d'Etat à la Condition féminine met de l'avant: Toutes les régions du Québec ont besoin de système d'interruption volontaire de grossesse, affirmait Mme Payette dans le Journal de Québec du 26 octobre 1979.

Selon quel mandat peut-elle préconiser l'interruption volontaire de grossesse, alors qu'il n'y a aucun consensus là-dessus au Québec. La preuve en est manifeste. Les cliniques d'avortement thérapeutique récemment installées ne peuvent prendre leur air d'aller. Ces cliniques mises sur pied en douce sont encore des pièces éparpillées, des services disparates qui ne s'apparentent avec aucune philosophie d'ensemble. Ne nous y trompons pas, l'avortement sur demande n'a pas rallié la faveur de la majorité des Québécoises.

Si le gouvernement avait su bien palper le pouls des citoyens en matière d'avortement, il ne serait pas aux prises avec un problème si odieux.

Une loi-cadre ou un livre blanc sur la famille ferait la promotion des aspirations du peuple et non de celles des politiciens au pouvoir. De cette façon, on serait sûr d'aller vers les vrais besoins des gens assurant ainsi une cohérence à la législation en matière de la famille évitant le travail à la pièce qui se pratique présentement. C'est à ce moment seulement que la famille en soi deviendrait un projet collectif reflétant le consensus des Québécois.

Avant de conclure, permettez-moi de rappeler les positions de mon parti relativement à une politique familiale. Une politique familiale serait une toile de fond dont les Québécois se doteraient et sur laquelle viendrait se fixer la législation en matière de la famille. Une politique familiale serait articulée autour de deux principes fondamentaux, soit: 1. le dénominateur commun de la famille: l'enfant; 2. que le gouvernement aide les parents à assumer leurs responsabilités sans les prendre à leur place.

Une politique familiale doit être élaborée dans une perspective de prévention et toucherait essentiellement: premièrement, le Service de protection de la jeunesse; deuxièmement, les foyers d'accueil pour enfants et personnes âgées; troisièmement, la mère de famille; quatrièmement, la planification familiale et cinquièmement, le service de garderie et bien sûr, il peut s'y ajouter autre chose.

Enfin, je résume ici par quelques questions que j'adresse au ministre en terminant. Est-ce que le ministre est prêt à reconnaître ce manque de cohérence occasionné par l'absence d'une politique familiale?

J'aimerais savoir aussi quels ont été, jusqu'à ce jour, les efforts du gouvernement en vue d'articuler une politique vraiment familiale?

Troisièmement, est-ce que le ministre peut nous expliquer comment il perçoit la différence entre politique sociale et politique familiale, chose que le député de Richelieu semblait mélanger?

Quatrièmement, deux ans après son arrivée au pouvoir, le gouvernement a donné le jour à une politique culturelle, alors qu'il n'existait même pas un embryon de politique familiale. Comment le ministre peut-il justifier cette attitude de son gouvernement? Est-ce que c'était vraiment une priorité que cette politique culturelle, alors qu'il semble que la politique familiale n'en est pas une?

M. le Président, je termine avec cette entrée en matière, bien sûr, quitte à revenir avec des questions additionnelles que je poserai au ministre dans quelques minutes.

Le Vice-Président (M. Vaillancourt, Jonquiè re): Merci. M. le député de Saint-Laurent.

M. Claude Forget

M. Forget: Merci, M. le Président. La question de politique familiale est une question qui revient et qui, nécessairement, va continuer de revenir dans toutes espèces de discussions soit au niveau politique, soit au niveau de ceux qui essaient de comprendre comment notre société évolue et quels sont les services et les politiques qui pourraient permettre ou encourager que cette évolution se fasse dans le sens qui leur apparaît souhaitable.

Mais avant d'en venir à des prescriptions, je pense qu'il est bon de faire un certain nombre d'observations pour se demander véritablement quels problèmes nous voulons résoudre par une politique ou des politiques familiales.

Il peut étonner bien des observateurs de constater que dans nos sociétés occidentales, au Canada et au Québec, en particulier, dans une certaine mesure on pourrait dire que jamais les familles ne se sont aussi bien portées, dans le sens au moins où — c'est une surprise pour tous ceux qui prennent connaissance de ces chiffres pour la première fois — jamais on ne s'est autant marié, jamais la vie de couple et de famille n'a été aussi populaire, si l'on veut, qu'elle ne l'est maintenant, jamais le pourcentage de la population qui vit dans des familles plutôt qu'isolément n'a été aussi élevé que maintenant. On se marie plus que jamais et la plupart des familles ont, à un moment ou l'autre, parfois plus tard que dans le passé, un ou deux enfants, moins que dans le passé, mais elles en ont. Ceci affecte un plus grand nombre de familles que jamais, je crois.

Donc, on pourrait dire, en regardant ces chiffres de façon peut-être trop superficielle, mais ces chiffres témoignent quand même d'une réalité, que la vie en couple, la vie en famille est une réalité plus présente en 1979 qu'elle ne l'a jamais été dans notre histoire. Cependant, il y a des problèmes qui touchent essentiellement deux éléments, deux dimensions de la vie des familles, des problèmes de stabilité. Un mariage sur quatre, à peu près, finit par une séparation ou un divorce, et il y a des problèmes de fécondité, si l'on veut,

c'est-à-dire que le nombre moyen d'enfants par famille est plus bas qu'il n'a jamais été au Québec. C'est ce problème de stabilité et de fécondité qui, je pense, doit se situer au centre de nos préoccupations, lorsque nous parlons de politique familiale. (10 h 30)

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'insister longuement pour nous persuader nous-mêmes et persuader les autres de l'importance de la famille comme institution sociale. La famille constitue le cadre dans lequel chacun d'entre nous s'est développé et a vécu. Le succès ou les difficultés de la vie de famille sont tellement déterminants pour notre bien-être, notre qualité de vie, ce sont peut-être les éléments prépondérants pour déterminer ces deux dimensions de notre existence. Pour ce qui est de l'enfant, la famille continue d'être, encore aujourd'hui, malgré le développement des réseaux d'éducation, le véhicule ou l'instrument principal de l'éducation et de la socialisation. C'est, parmi toutes les autres formules qui existent, la seule qui, de façon systématique, maintient les jeunes, les enfants, en contact avec les adultes et je pense que c'est ce qui caractérise le plus le processus d'éducation de l'enfant, son développement affectif et intellectuel. C'est ce contact entre générations, puisqu'on sait bien, qu'il s'agisse de garderies, qu'il s'agisse d'écoles, les enfants sont beaucoup plus entre eux que dans une relation avec des adultes, ce qui est très important pour le développement.

Donc, c'est un sujet important, c'est un sujet qui est déterminant pour nos vies, qui présente certains problèmes. Comment réagir de façon globale? Comment développer une vision d'ensemble de ce qu'il faudrait faire pour que la famille éprouve moins que maintenant ces problèmes d'instabilité et ces problèmes liés au fait que le taux de fécondité que nous connaissons maintenant est tout juste suffisant pour maintenir ta population à un niveau stable, abstraction faite de toute émigration ou immigration? Ce qui pose pour toute société un problème fondamental, bien sûr, non pas de survie — parce que cela peut continuer comme cela pendant plusieurs générations et le taux de diminution est tellement faible que ce ne serait pas en soi un facteur d'extinction — mais il reste que cela pose, au plan de la qualité de vie dans une société, des problèmes évidents de vieillissement, d'essoufflement et aussi des problèmes économiques à cause du fait que les générations sont liées les unes avec les autres dans des rapports de solidarité, les jeunes et les vieux bénéficiant du travail et de la contribution, dans le fond, des classes d'adultes et d'âge mûr qui sont sur le marché du travail et qu'un déséquilibre dans la structure des âges découlant d'un faible taux de natalité risque de créer pour l'avenir des difficultés sensibles de ce côté.

La philosophie d'ensemble, je pense qu'on peut en avoir plusieurs et peut-être que c'est ce qui va ressortir de notre discussion de ce matin. Nous pouvons avoir une attitude moralisatrice devant les réalités que nous constatons et dire:

Voici quelle est la société idéale, quel est le rôle idéal de la famille et il faut, par des lois, forcer les gens à se conformer à ce modèle idéal. C'est peut-être un peu ce que nous venons d'entendre, tout à l'heure, en projetant une notion fortement inspirée par des impératifs moraux et sociaux qui devraient s'exprimer dans la législation, si j'ai bien compris les remarques du député de Mégantic-Compton. Je pense qu'une telle attitude, quelle que soit sa valeur au plan éthique, au plan moral, emporterait avec elle des risques assez considérables d'inefficacité.

Il y a un phénomène nouveau dans l'histoire de l'humanité et l'histoire des familles, en particulier, qui est à la racine des deux problèmes que j'ai mentionnés de stabilité et de faible fécondité. C'est que la vie de famille, la famille elle-même, dans son rôle essentiel, reflète désormais non pas le poids de la nécessité, le poids d'impératifs sociaux qui viennent de l'extérieur déterminer les comportements, le fait que l'on se marie ou non, le fait que l'on a des enfants ou non, le fait qu'on a un grand nombre d'enfants ou non. Ce n'est plus, ou du moins c'est beaucoup moins qu'avant, le fait de la nécessité physique, biologique ou morale. C'est le reflet de choix. L'homme et la femme contemporains sont devant des problèmes de choix. Les idées ont évolué. Nos connaissances ont évolué. La société elle-même a évolué, de sorte que tout individu se pose maintenant ces questions: Me marierai-je ou non? Aurai-je des enfants ou non? dans un contexte de liberté. On peut le déplorer. On peut vouloir revenir à une époque où la société et la biologie déterminaient complètement les comportements, mais ce n'est plus le cas.

Il faut bien s'en rendre compte: quels que soient les regrets qu'on puisse entretenir à cet égard — regrets que je ne partage pas d'ailleurs, je m'empresse de le souligner — ils auront beau les regretter, je pense qu'il est futile de penser que l'on puisse revenir en arrière.

C'est donc dans ce contexte de choix libre des hommes et des femmes, des couples, qu'il faut aborder la question d'une politique familiale. Comment fournir à ces hommes et à ces femmes libres, les éléments qui vont les amener, dans leur choix personnel, à prendre des décisions compatibles avec l'intérêt de la société, l'intérêt de la collectivité et leur propre intérêt à long terme, devrais-je ajouter? Les individus peuvent se décider librement, mais ils peuvent aussi, à moins que l'on y prenne garde, être déterminés, dans leur choix, par des facteurs à court terme plutôt que par des considérations à plus long terme.

Il y a donc là une donnée fondamentale. Je pense qu'il y a une vision fondamentale de fournir des raisons valables à nos concitoyens et à nous-mêmes pour enrichir et renforcer la vie des familles, selon l'acception ou le sens que notre époque donne à ce terme, et de donner des raisons valables aussi pour que ces couples choisissent librement d'avoir des enfants, puisqu'une société dépend vitalement de ces décisions, et d'en avoir en nombre suffisant pour que la société, dans son

ensemble, se perpétue dans un état d'équilibre et d'harmonie à long terme et non pas seulement en considération de facteurs égoïstes et de très court terme.

La réflexion se fait depuis plusieurs années et elle contient nécessairement plusieurs éléments de détails qui doivent tous, cependant, se rattacher à une vision d'ensemble. Il y a quelques années, en 1975, par exemple, dans notre milieu, au Québec, le Conseil des affaires sociales et de la famille a entrepris une réflexion d'ensemble sur la situation des familles québécoises. C'est un texte qui est publié, qui est disponible et qui devrait peut-être être lu par tous ceux qui s'intéressent à cette question puisqu'il s'agit de propositions ajustées à la situation québécoise. C'est un texte qui n'a pas perdu de son actualité puisque, même si la réflexion a commencé dès 1975, ce n'est qu'en juin 1978 que le Conseil des affaires sociales et de la famille a rendu ce rapport public. C'est un rapport qui contient 52 recommandations, de même que des explications et des chiffres qui permettent de situer le problème et d'en comprendre les recommandations.

Si l'on fait la lecture des différentes recommandations, on peut se rendre compte que nous avons encore énormément de pain sur la planche, de travail à accomplir pour qu'effectivement les problèmes identifiés dans ce texte et les recommandations qui y sont présentées deviennent des réalités.

Dans la préparation des réformes de toutes sortes qui doivent intervenir, c'est à ce moment-là, je pense, qu'il est nécessaire de s'inspirer de la vision d'ensemble à laquelle je faisais allusion tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il ne sert à rien de vouloir forcer les couples, les hommes et les femmes, à l'époque dans laquelle nous vivons, à adopter des comportements, mais il s'agit plutôt de leur donner des raisons valables d'adopter des comportements qui soient socialement bénéfiques.

Il y a plusieurs domaines dans lesquels ceci peut se faire. On a fait allusion tout à l'heure à des questions en suspens qui demeurent en suspens; il serait intéressant de savoir si le ministre des Affaires sociales peut nous informer du progrès qui va être réalisé au cours des prochains mois. Je mentionne quelques-unes d'entre elles.

Il y a la réforme du Code civil dans tout son chapitre sur le droit des personnes et de la famille qui a fait l'objet d'audiences publiques, qui a fait l'objet, antérieurement à cela, d'un rapport du comité de révision du Code civil, dont on devait aborder l'étude à titre de projet de loi, d'après des déclarations du ministre de la Justice, dès cet automne, chose qui n'a pas encore été faite. Le ministre de la Justice plaidera sans doute qu'il attendait des développements dans les discussions avec les autres provinces et le gouvernement fédéral relativement au droit de la famille comme chapitre de la Constitution canadienne. Certaines de ces discussions ont eu lieu, je ne sais pas jusqu'à quel point d'élaboration on en est rendu, mais remarquons tout de suite que même si ces discus- sions ne sont pas terminées sur le plan constitutionnel — et dans le contexte actuel, on peut comprendre pourquoi — il demeure que la réforme du droit de la famille comprend de nombreux autres éléments et qu'il n'est pas vrai de dire qu'on ne peut rien faire avant que la question constitutionnelle soit tranchée. On pourrait adopter vis-à-vis de cela plusieurs stratégies, soit de faire l'étude de projets conditionnels à des modifications constitutionnelles, je pense que nous sommes suffisamment près d'un accord de ce côté-là. Au niveau de toutes les provinces, il n'y a que la question du divorce, véritablement, et pas le divorce lui-même, mais les motifs de divorce, qui continue de faire des difficultés sur le plan du dossier constitutionnel. Il y a énormément de choses qu'il serait possible de faire en attendant la conclusion définitive des discussions constitutionnelles.

Il y a les problèmes dans le domaine du travail. Il est clair que si nous voulons à la fois que les femmes se décident à fonder des foyers, à fonder des familles, il faut, dans le contexte actuel, leur donner l'assurance qu'elles conservent une accessibilité aussi égale que possible avec les hommes au marché du travail, à une vie professionnelle, à une carrière, etc. Il y a déjà quelques mesures qui ont été adoptées — je pense, en particulier, aux congés de maternité — dans la Loi des conditions minimales de travail, mais il y a d'autres modifications qui, elles, attendent depuis longtemps. Il y a, par exemple, toute cette question de discrimination dans les avantages sociaux, les régimes d'assurance, les régimes de pension supplémentaire auxquels souscrivent les salariés dans des entreprises et qui sont actuellement discriminatoires vis-à-vis des femmes; les femmes ne peuvent pas bénéficier, au titre des régimes d'assurance-vie et des régimes collectifs de retraite, des mêmes avantages que les hommes salariés dans les mêmes circonstances.

Il y a un rapport que le gouvernement a entre les mains depuis bientôt deux ans, qui est resté lettre morte jusqu'à maintenant, portant précisément là-dessus, pas un rapport préliminaire, c'est le deuxième rapport suite à une consultation, ce processus ayant été amorcé par votre serviteur il y a déjà, maintenant, quelque cinq ans. Le nouveau gouvernement a eu le fruit de tout cela quelques mois après avoir pris les responsabilités gouvernementales. Il y aura bientôt deux ans que ce processus de consultation est terminé et il ne s'est rien fait dans ce domaine depuis tout ce temps.

Il y a la question du recyclage. Il y a des femmes qui s'absentent du marché du travail pendant quelques années, pendant la période où il est assez important et où la plupart préfèrent, probablement avec raison, demeurer au foyer pour s'occuper de très jeunes enfants et il y a un problème d'absence de continuité. Les programmes du ministère de l'Education, du côté du perfectionnement, ne répondent pas aux besoins des femmes qui ne sont plus, à ce moment, des adolescentes. Elles sont des femmes avec une certaine expérience de la vie, une certaine maturité, et elles ont un

besoin particulier de recyclage qui ne s'étend pas seulement à des connaissances techniques ou professionnelles, mais qui devrait prendre également une dimension sur le plan de la consultation, sur le plan d'une aide. (10 h 45)

II y a une barrière, bien sûr, sur le plan des connaissances, une barrière psychologique à franchir pour une femme qui a été pendant cinq, dix ou douze ans ou quinze ans absente du marché du travail. Il y a là quelque chose de beaucoup plus actif que simplement d'offrir des cours. Encore faudrait-il que ces cours soient mieux adaptés. De ce côté, non plus, le ministère de l'Education n'a pas fait des pas de géant, c'est le moins qu'on puisse dire. Enfin, il y a tous les services qui relèvent du ministre des Affaires sociales sur le plan de la consultation matrimoniale, familiale, sur le plan des cliniques de planification familiale. Il y a là des services beaucoup plus ponctuels pour lesquels les progrès ne sont pas très grands, mais où il y a eu quelques efforts parcellaires.

Encore une fois, encore davantage dans des domaines comme la planification des naissances que dans le domaine plus large de la consultation matrimoniale où repose une partie de la solution au problème de l'instabilité des familles, la prévention, de ce côté, est possible. Encore faudrait-il que les services appropriés soient accessibles. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Merci, M. le député de Saint-Laurent. M. le ministre des Affaires sociales.

Réponse du ministre M. Denis Lazure

M. Lazure: M. le Président, je suis heureux que le député de Mégantic-Compton ait inscrit cette question au feuilleton. Cela nous permet de faire le point sur l'évolution, les progrès qui ont été accomplis depuis trois ans en matière de politiques, de pratiques qui favorisent le développement d'un climat familial, d'un esprit familial positif. Le député de Saint-Laurent va se réjouir aussi, puisque le texte que j'ai préparé pour ce matin est basé en grande partie sur le rapport du Conseil des affaires sociales et de la famille, le rapport de 1978, auquel on fait allusion, d'ailleurs, dans le rapport annuel de 1978/79, que j'ai déposé la semaine dernière. Je veux dire tout de suite aussi que le député de Mégantic-Compton exagère légèrement quand il prétend que ce gouvernement n'a pas de politique familiale. Avoir une politique familiale, cela ne veut pas dire nécessairement qu'on publie un livre vert, suivi ensuite d'un livre blanc. Avoir une politique familiale, cela veut dire aussi adopter des mesures législatives ou des mesures administratives qui favorisent la cohésion, qui favorisent la solidité, si vous voulez, de la cellule familiale. Cela, en toute humilité, je pense que notre gouvernement l'a fait amplement. D'ailleurs, nous avons créé, à l'intérieur du Conseil des affaires sociales et de la famille, il n'y a pas longtemps, un comité spécial d'étude des questions familiales. Le Conseil des affaires sociales et de la famille a organisé en février 1979, pour la première fois, une consultation genre colloque à Montréal sur certains problèmes familiaux, en particulier la dénatalité. J'ai d'ailleurs participé à ce colloque de février dernier à Montréal.

Quant à l'avant-projet de loi sur les services de garde auquel le député de Mégantic-Compton a fait allusion, je pense qu'il est faux de dire que ce projet de loi ne présente aucune orientation. Au contraire, l'orientation fondamentale de notre politique en matière de service de garde, c'est précisément de laisser le libre choix à chaque parent, à chaque couple ou à chaque individu qui a la responsabilité d'un jeune enfant, leur laisser la liberté de choix quant au type de service de garde. Je pense que c'est fondamental. Nous avons, d'ailleurs, introduit le concept de la garde familiale dans ce projet de loi.

Finalement, le programme du Parti québécois — je cite un extrait de notre programme — affirme que "la famille est la cellule de base de notre société. Elle subit présentement les mutations d'une époque de transition qui affecte tout le monde occidental et qui se manifeste, notamment, par un phénomène de dénatalité." Le programme préconise donc l'adoption d'une politique de la famille qui tiendra compte des exigences de notre monde contemporain.

L'amélioration du niveau de vie des familles québécoises et la participation croissante des femmes au marché du travail ont modifié profondément le milieu de vie familial et sont associées à l'éclosion de nouvelles aspirations et de nouvelles valeurs. Ici, j'ouvre la parenthèse pour souligner, moi aussi, comme le député de Saint-Laurent l'a fait tantôt, qu'il est un peu futile d'entonner le refrain de la nostalgie d'une politique familiale ou la nostalgie plutôt d'un esprit familial qui a marqué, pendant plusieurs générations, notre communauté francophone au Québec. Cet esprit qui était axé sur la famille, le village, l'église, la communauté très restreinte, la communauté rurale, je pense que notre défi en 1979, ce n'est pas d'essayer de retrouver cet esprit. C'est plutôt d'essayer d'adapter cet esprit, qui découlait d'une grande cohésion familiale, au nouvel environnement, au nouveau milieu de vie qui s'appelle le milieu urbain ou semi-urbain pour 80% de la population.

La valorisation de l'autonomie de chacun des membres de la famille, la remise en question de la définition des rôles exclusifs de l'homme et de la femme, la recherche d'un mode de relations interpersonnelles davantage basé sur la communication et l'échange, le désir de participer activement à l'acte de naissance, sont autant de manifestations de ce milieu familial en voie de transformation.

Afin de compenser les pertes financières que représente un accouchement et permettre à la mère de prendre soin de son nourrisson, le gouvernement, comme on le sait, vient d'offrir aux

syndiqués des secteurs public et parapublic un congé de maternité payé de 20 semaines, que les mères peuvent répartir à leur gré, avant et après la date prévue pour la naissance. À leur demande, tout comme le père, elles pourront bénéficier d'un congé sans solde de deux ans. Les propositions du gouvernement prévoient également un congé de dix semaines avec pleine rémunération pour l'adoption d'un enfant, avec la possibilité de le prolonger en congé sans solde durant deux ans. La loi 43 qui modifiait la Loi du salaire minimum fait obligation à l'employeur de respecter les droits de l'employé féminin à son retour au travail, à la suite d'un accouchement. Par cette loi, le gouvernement accorde aux femmes le droit au travail, sans les priver de leur droit à la maternité. Je pense que c'est une des grandes caractéristiques de notre époque d'essayer, comme gouvernement, de respecter l'exercice de ces deux droits de la part de la femme: son droit au travail, tout comme l'homme, mais aussi son droit à la maternité.

Désormais, l'importance de l'investissement affectif que représente la naissance d'un enfant, associée à une connaissance élargie des besoins, tant physiques que psychologiques, se manifeste par une préoccupation croissante envers la qualité des soins à prodiguer. Cela se traduit, depuis quelques années, par l'humanisation des naissances et, en particulier, par la mise sur pied de cours prénataux. Actuellement, 40% des femmes enceintes, en milieu urbain, et 80% des femmes enceintes, en milieu rural, suivent ces cours prénataux. Grâce à ces cours prénataux, nous sommes en train de réduire le taux de mortalité qui entoure la naissance, la mortalité périnatale. Nous pensons que, d'ici 1983, nous aurons réduit de 50% ce taux de mortalité.

De plus, le ministère invite les hôpitaux à favoriser la cohabitation de la mère et de son bébé en milieu hospitalier. Les recherches récentes décrivent encore plus qu'elles ne l'ont jamais fait la valeur indéniable de l'allaitement maternel du point de vue nutritif comme du point de vue psychologique. Afin d'inciter la mère à allaiter son enfant, le gouvernement a organisé des programmes d'information et de promotion de l'allaitement maternel.

Dernièrement, le ministère des Affaires sociales a publié la brochure "Mieux vivre avec son enfant", brochure qui guide les mères en ce qui a trait à la nutrition du nourrisson. Notre société reconnaît de plus en plus au couple le droit de contrôler son pouvoir procréateur; mais les couples appelés à choisir soit de faciliter soit de prévenir des naissances ne possèdent pas tous une information adaptée à leurs attitudes ou à leurs besoins. C'est pourquoi le gouvernement a mis sur pied une vingtaine de cliniques de planification des naissances qui offrent toute la gamme des services médicaux, sociaux, et psychologiques reliés à cette question. L'accent y est donc mis sur l'information relative aux méthodes de planification des naissances et aux problèmes reliés à la sexualité et à l'infertilité.

J'ouvre la parenthèse, M. le Président, pour corriger tout de suite une impression qui a pu être laissée par le député de Mégantic-Compton quand il parle de ces cliniques de planification de naissances, il ajoute pratiquement, dans la même phrase, l'expression "avortement sur demande".

M. le Président, je pense qu'il y a là une espèce de tactique un peu dangereuse qui laisserait entendre à la population du Québec que ces cliniques de planification familiale sont des centres d'avortement sur demande, ce qu'elles ne sont pas. Ces cliniques de planification, en plus de remplir les fonctions que je viens de décrire, peuvent aussi, à l'occasion, et dans le cadre du Code criminel du Canada, recommander à un médecin de procéder à l'avortement thérapeutique, qui devient une forme de traitement, lorsque la santé de la mère est en danger. Il ne s'agit donc pas, encore une fois — il faut le nier vigoureusement — d'avortement sur demande, mais plutôt d'un geste médical, chirurgical qui consiste à traiter la mère dans le cadre d'une loi qui existe.

M. le Président, notre ministère a aussi et continue de faire des efforts considérables pour améliorer les habitudes alimentaires des Québécois, aussi bien les enfants que les adultes, par la publication de différents documents, à part celui que j'ai mentionné tout à l'heure, "Bien manger à la garderie", la brochure qui a été distribuée à un million d'exemplaires "Le guide alimentaire du Québec" et, depuis le 1er octobre, le ministère de l'Agriculture, de concert avec le ministère de l'Education, procède à la distribution gratuite de lait aux 620 000 écoliers des niveaux primaire et de la maternelle, ce qui représente un déboursé annuel d'environ $9 millions.

De même, dans l'espoir de voir enfin naître au Québec une nouvelle génération de non-fumeurs, nous avons poursuivi notre lutte contre le tabagisme. Cette campagne prend des formes diverses, puisqu'elle s'adresse autant aux adolescents éventuels fumeurs ou éventuels non-fumeurs, qu'aux éducateurs, aux professeurs, et aussi à la femme enceinte et aux parents de jeunes enfants.

L'arrivée massive des femmes sur le marché du travail modifie de façon significative le partage des rôles de protection des enfants assumée traditionnellement uniquement par la mère. De plus, l'accroissement sensible du nombre de familles monoparentales constitue une nouvelle réalité dont on doit tenir compte, lorsqu'on légifère sur des questions qui touchent la famille.

Ces situations ont créé des besoins en service de garde qui ne peuvent plus être considérés comme des besoins marginaux. On évalue à environ 150 000 enfants de moins de cinq ans, le nombre de jeunes dont les deux parents travaillent et qui ont, par conséquent, besoin d'un service de garde pour la majeure partie de la journée.

Il n'y a pas si longtemps, nous avions à peine 10 000 places de garde à travers tout le Québec. Nous avons fait des efforts considérables depuis quelques années, si bien qu'aujourd'hui, nous avons 16 000 places de garde, ce qui est encore nettement insuffisant. (11 heures)

C'est pourquoi notre gouvernement a multiplié par sept le budget qui était affecté aux services de garde en 1976/77, c'est-à-dire $3 500 000, qui est passé à $22 500 000 cette année et qui passera à $32 500 000 l'an prochain. À l'intérieur de ces services de garde, je le répète encore une fois et cela se traduit dans le projet de loi qui sera déposé d'ici quelques semaines à l'Assemblée nationale, à l'intérieur de cette politique de services de garde, nous voulons faire en sorte que tous les milieux du Québec, milieu rural, milieu semi-rural, milieu urbain, puissent recourir au service de garde qui convient le mieux aux aspirations des parents et des enfants. C'est pourquoi, en plus de la garderie de quartier habituelle ou de la garderie en milieu de travail, nous introduisons le concept, la notion de la garde en milieu familial subventionnée par le gouvernement, pour la première fois. Je pense que c'est un exemple assez frappant du souci qu'a ce gouvernement de respecter cette espèce de pluralité, de respecter cette variété de mentalités qui existent dans notre société québécoise.

La famille est aussi en étroite interaction avec les deux systèmes qui découlent, l'un du ministère des Affaires sociales et l'autre du ministère de l'Education. Notre gouvernement, il y a déjà quelques années, a pris la décision d'empêcher la fermeture de nombreuses écoles, surtout des écoles de quartier, des écoles primaires, mais aussi, dans le milieu rural, des écoles du rang ou des écoles du village. Je pense qu'en faisant cela notre gouvernement a reconnu la valeur sociale de cette école qui, dans notre milieu, a toujours été une grande préoccupation de la famille, surtout de la famille rurale.

Le gouvernement a aussi adopté un certain nombre de lois — je vais passer rapidement — qui favorisent l'intégration de certains groupes de notre société qui étaient mis à l'écart dans la société. Je pense, en particulier, aux enfants et aux adolescents handicapés, handicapés physiques aussi bien que handicapés mentaux. Par le projet de loi no 9, par la création de l'Office pour les personnes handicapées, par des programmes d'intégration au travail aussi bien que d'intégration scolaire, nous sommes en train de mettre à la disposition des parents qui ont des enfants handicapés tout un train de mesures qui empêcheront ou qui éviteront le placement de ces enfants handicapés en institution ou en famille d'accueil. Dans le discours inaugural, le premier ministre a eu l'occasion d'annoncer qu'au cours de cette année financière, le gouvernement mettra sur pied un système d'allocations familiales aux parents qui ont des enfants handicapés à la maison, handicapés physiques et handicapés mentaux. Comme on le sait, déjà le budget de l'exercice financier actuel prévoit une somme de $3 millions pour mettre en marche ce programme qui devrait débuter bientôt.

Nous avons aussi, par la loi 24, la Loi sur la protection de la jeunesse, indiqué très nettement notre confiance en la famille, notre confiance envers les groupes communautaires qui sont les organismes clés, familles et groupes communautaires, pour faire face au comportement antisocial, au comportement délinquant d'une partie de notre jeunesse. La loi 24 que notre gouvernement a adoptée, que l'Assemblée nationale a adoptée, est basée en très grande partie non plus sur le recours au processus judiciaire pour faire face aux comportements déviants des jeunes, mais beaucoup plus sur l'implication des parents et de la famille, avec l'aide de personnel social et de personnel oeuvrant à l'intérieur de la direction de la protection de la jeunesse dans chacune des régions du Québec.

M. le Président, la famille comprend évidemment toutes les étapes, toutes les phases de la vie, de la naissance jusqu'à la mort, et il y a aussi un groupe de citoyens qui constituent une partie importante de la famille québécoise. C'est le groupe des personnes âgées. Un pourcentage de plus en plus important de citoyens et de citoyennes au Québec se retrouvent dans le groupe d'âge au-delà de 65 ans, et Dieu sait si notre gouvernement a fait des efforts considérables pour essayer de maintenir à domicile, donc, de préserver la cellule familiale du couple âgé, le plus longtemps possible, la personne âgée, par des services d'aide à domicile qui, cette année, coûtent environ $45 millions et pour lesquels le gouvernement précédent avait dépensé environ $22 millions en 1976/77. Donc, maintien à domicile, maintien de l'intégrité de la cellule familiale des personnes âgées et, au besoin, lorsque les conditions économiques et financières du couple âgé ne leur permettent plus de vivre dans leur maison ou dans leur appartement, il y a construction massive de logements à prix modique, de HLM. Ce gouvernement-ci a construit en deux ans plus de logements à prix modique pour personnes âgées que le gouvernement précédent l'avait fait dans les quatre ou cinq dernières années avant 1976.

Je termine, M. le Président, en ajoutant que ce même gouvernement, puisque les personnes âgées ont, à un certain moment, une santé qui est plus déficiente — santé mentale et physique — ont besoin d'aller dans un centre d'accueil, ce gouvernement-ci a aussi entrepris un programme massif d'investissements et de construction de centres d'accueil au Québec.

M. le Président, en résumé, notre gouvernement, conformément au programme du Parti québécois, a accordé et va continuer d'accorder une importance primordiale aux besoins de la famille et, plutôt que de faire de longs discours sur les politiques théoriques de la famille, nous voulons — et nous entendons continuer — prendre des mesures concrètes qui vont faciliter le maintien de la cellule familiale et améliorer son fonctionnement. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Merci beaucoup. Je dois reconnaître le député de Sherbrooke, qui a demandé le droit de parole tout à l'heure. M. le député de Sherbrooke. Ensuite, M. le député de Mégantic-Compton.

Discussion générale

M. Gosselin: M. le Président, je ne serai pas tellement long, quoique je trouve cela un peu dommage qu'on ne puisse pas avoir plus de temps pour discuter de ce sujet très intéressant et très important. Je veux féliciter, pour commencer, le député de Mégantic-Compton de nous avoir permis ce débat. Je pense que se donner trois heures un vendredi matin pour discuter des politiques de la famille n'est pas un luxe. C'est rafraîchissant, et je compte que les conclusions de cette commission nous permettront de voir un certain nombre de problèmes qui se posent dans l'évolution de la famille québécoise d'aujourd'hui et des responsabilités que le gouvernement a à exercer.

Je me considère comme étant un député ministériel très préoccupé par l'évolution des politiques familiales. À cet égard, j'ai fait réaliser l'année dernière une tentative de bilan pour voir les multiples réalisations que notre gouvernement avait pu amener aux conditions de vie des familles québécoises. J'ai constaté que le bilan, depuis trois ans, était relativement impressionnant. Au niveau de la fiscalité, notamment, tout le sens de notre réforme fiscale a été de protéger les bas et moyens revenus et surtout, habituellement, parmi les responsables de familles de deux ou trois enfants, travailleurs d'usine, donc, le milieu québécois le plus représentatif.

Je pense que, du côté fiscal, même si cela n'a pas été relevé très souvent, à l'examen, on va constater que toutes les échelles de dégrèvement d'impôt en regard du nombre d'enfants sont probablement le geste le plus important qu'on ait posé pour aider les familles québécoises. Au niveau de la détaxation des vêtements, du textile, etc., c'est une mesure profamiliale aussi parce qu'elle affecte la consommation des familles et c'est une mesure qui est susceptible d'aider vraiment les familles québécoises, les couples qui ont trois ou quatre enfants, par exemple, à mieux réaliser la budgétisation des nécessités familiales.

Je vais m'attarder à seulement deux ou trois points. Je voudrais parler aujourd'hui au nom de mon épouse, qui est éducatrice au foyer, trois enfants. Pendant les premières années de notre mariage, elle travaillait. Nous avons eu notre premier enfant alors qu'elle poursuivait des études et qu'elle travaillait à temps plein. Par choix de couple, par choix personnel aussi, depuis deux ans, avec trois enfants, nous avons décidé de vivre le temps familial, si l'on peut dire. Nous avons décidé de fonder une famille de trois ou quatre enfants. Nous en avons déjà trois; il y en aura peut-être un autre dans l'avenir. Comme couple, nous nous trouvons...

Une voix: C'est rafraîchissant.

M. Gosselin: ... pris dans un certain nombre de problèmes, effectivement. Le choix d'avoir trois ou quatre enfants aujourd'hui est très impliquant. Je voudrais parler pour mon épouse parce qu'elle revendique certains droits. D'abord, le droit à la reconnaissance de toutes ces mères au foyer. C'est encore important au Québec, celles qui choisissent d'être éducatrices au foyer. C'est un rôle extraordinairement noble. C'est un rôle qui peut être infiniment libérateur aussi et qui suppose qu'on y apporte toute l'attention et tout le support qu'il mérite. En termes de support, ce que mon épouse revendique quand elle participe au comité d'école, notamment parce que mon fils aîné est au primaire, c'est de pouvoir bénéficier de cours aux parents qui soient efficaces, c'est de pouvoir avoir des activités avec les autres mères de famille et les autres parents pour vraiment mieux réaliser son rôle d'éducatrice au foyer et également partager, avec les autres mères, les problèmes familiaux qui sont vécus. Donc, le droit à la reconnaissance. J'avoue que cela n'est pas toujours facile. Il faut se battre au niveau des écoles pour qu'on porte vraiment attention aux besoins de cet ordre exprimés par les mères au foyer.

La deuxième chose qu'elle revendique, c'est le droit au travail, mais possiblement à temps partiel, et non pas à temps plein, parce que la situation des mères qui ont trois ou quatre enfants ne leur permet pas ou leur permet difficilement de travailler à temps plein. Les mères qui travaillent à temps plein sont souvent des mères qui ont un ou deux enfants ou celles qui ont déjà éduqué leur famille et qui peuvent se permettre de retourner sur le marché du travail à temps plein. Je crois qu'en termes de statistiques — je n'ai pas les données factuelles devant les yeux — on pourrait conclure que les mères de trois ou quatre enfants aujourd'hui, pour la plupart, n'ont pas accès au marché du travail à temps plein.

Elle a aussi un droit strict absolument nécessaire et fondamental aux loisirs, le droit d'être plus qu'une mère au foyer prise sept jours par semaine avec ses enfants. Elle a le droit strict de pouvoir participer socialement, de pouvoir se libérer une journée ou une journée et demie par semaine pour ses rencontres au comité d'école ou pour son cours de couture, ou pour son cours de psychologie à l'université. C'est un droit fondamental. (11 h 15)

J'avoue qu'on est un peu paralysé par l'accessibilité à ces droits, actuellement, et qu'il faudrait peut-être s'attarder, dans les nouveaux progrès qu'il faudra apporter au niveau législatif, à cette clientèle familiale. Il faudrait faire attention. L'affirmation de certains droits individuels, comme, par exemple, l'affirmation du droit au travail pour les femmes, ne doit pas nier certains autres pour une autre catégorie de femmes. Je veux parler des congés de maternité, notamment, et des services de garde. Bravo pour les services de garde, bravo pour l'augmentation assez considérable des budgets depuis 1976, bravo pour les $22 millions. Mais pour les éducatrices au foyer, comme mon épouse, ces $22 millions risquent de ne pas être mis très à profit. Celles qui vont en bénéficier parmi les femmes, je ne le dis pas par négation du droit des autres femmes d'y avoir accès, je dis simplement que les éducatrices au foyer qui revendiquent, comme mon épouse, d'avoir une journée

par semaine, ou de pouvoir participer en fin de semaine ou en soirée à des activités sociales, ne sont actuellement pas rejointes par les politiques de service de garde voire le modèle des garderies institutionnelles.

C'est la même chose quant à l'accès au congé de maternité. On n'est pas rejoint par cela comme couple.

Je veux conclure là-dessus, simplement, pour dire qu'il y a une attention particulière à apporter du côté des mères au foyer, des éducatrices au foyer, qui ont trois ou quatre enfants. Il y a des politiques actuelles qui consacrent des progrès très réels dans la promotion des droits de la femme, l'accès au travail. Ce sont des progrès très réels, mais qui, s'ils ne sont pas élargis à l'autre catégorie de femmes qui sont au foyer, nous amèneront à conclure qu'on ne réalise pas tout à fait la justice et qu'on finit par avoir des politiques qui ne sont pas tout à fait, autant qu'on pourrait le vouloir et autant qu'elles pourraient l'être, favorables à la famille. On a des progrès importants à faire de ce côté-là.

Tout cela est un peu brouillon. Je m'excuse, M. le Président, de cet énoncé un peu brouillon. Je pense que ça vaut la peine qu'on y revienne, il y a des progrès à faire en termes de politique familiale. Je félicite encore une fois le député de Mégantic-Compton du débat qu'il nous permet de faire ce matin.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, il est bien sûr que je réalise, comme tout le monde ici, que la société a fait des progrès considérables, a subi des changements; il faut dire, dans certains cas, qu'elle ne s'est pas transformée, elle a subi les changements que l'État lui a imposés au cours des dernières années, principalement depuis la dernière décade. Je suis conscient du problème des loisirs qui s'est élargi au Québec, qui s'est agrandi considérablement. Je suis conscient, également, que la femme a davantage pris le marché du travail. On est conscient, aussi, qu'on vit dans un pays où la richesse ne fait pas défaut, et on sait que ce sont là les grandes influences sur la vie de famille.

J'entendais le député de Saint-Laurent qui disait: On se marie plus que jamais. Oui, tout le monde le réalise, avec cette exception qui fait que depuis quelques années, on se marie plusieurs fois, le même individu se marie plusieurs fois; mais ce n'est quand même pas cela qui consolide les liens familiaux. On se rend compte que, même si on a davantage de mariages, la cellule familiale est de plus en plus ébranlée.

Je suis, parmi les trois représentants des formations politiques qui sont ici, celui qui est le plus enraciné aux valeurs traditionnelles dites rurales, qu'on a tout à l'heure décrites, un petit village autour de l'église, tout cela, c'est parce que ce sont là mes origines; mais je suis peut-être celui qui le regrette le plus. Je pense bien que je n'ai pas à m'en accuser, je peux m'en confesser, mais je trouve que ce n'est rien de mauvais que de le regretter. J'accepte quand même que la société québécoise est en période de transformation importante depuis une quinzaine d'années.

Pour moi, le fil conducteur d'un gouvernement n'est pas nécessairement de courir au-devant de ces changements. Il est aussi de tenter de sauvegarder ses valeurs traditionnelles. C'est aussi le rôle du gouvernement. Ce qui fait la richesse de notre société, c'est de tenter de sauvegarder ses valeurs traditionnelles parce qu'on a fait la preuve partout, pas seulement ici, qu'une société qui se tient, qu'une société qui a une base où on peut retourner, c'est celle qui a une vie de famille intense, là où un gouvernement peut provoquer une vie intense de famille par ses lois, par tous les moyens honnêtes qui sont à la portée d'un gouvernement. Je regretterais, bien sûr, toute loi qui serait présentée devant cette Chambre et qui tenterait de transformer notre société, ne pas conserver ce qu'elle était, ne pas la retourner... Il faut conserver au moins de ce qu'on a connu de bon. Cela ne veut pas dire qu'on n'a pas droit de corriger les choses qui ne sont pas bonnes.

Quand j'ai vu des lois passer devant nous, je me suis élevé — j'ai été le seul des trois formations politiques autour de la table à le faire — contre le fait de briser cette tradition, et le ministre s'en souvient, c'est encore tout frais dans son esprit, par exemple, la Société d'adoption des enfants qui existait dans le secteur privé. J'ai été le seul. Les deux autres formations se sont liguées pour dire que ce devrait être une commission formée par le gouvernement qui s'en charge. Je trouve que c'est détruire une valeur qu'on avait ici et qui a même été reconnue à la commission.

M. Forget: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question? Est-ce que le député de Mégantic-Compton fait allusion à l'adoption récente d'une modification à la Loi de l'adoption?

M. Grenier: Oui.

M. Forget: Je l'inviterais à relire les débats parce qu'avant qu'il ne le mentionne, dans les débats que nous avons eus là-dessus, je me suis opposé au projet gouvernemental précisément sur ce point de créer un monopole régional dans l'évaluation des parents ou des familles adoptives. Je pense que le député de Mégantic-Compton qui dit qu'il a été le seul devrait relire les débats qui ont eu lieu à ce moment. Il a été le second à le mentionner. Nous-mêmes, nous avions insisté fortement sur ce point.

M. Grenier: D'accord. Je reprends...

M. Lazure: Est-ce que je pourrais ouvrir une parenthèse moi aussi, s'il vous plaît? Très court, dix secondes. Je veux dissiper ce malentendu. Notre projet de loi qui modifie la Loi de l'adoption n'a pas créé un nouveau monopole public pour l'adoption des enfants. Ce que vous

appelez un monopole public pour l'adoption, c'est en somme l'existence de quatorze centres de services sociaux au Québec, dans chaque région, à qui le gouvernement précédent et nous confions la responsabilité d'évaluer les parents, les enfants dans le processus de l'adoption.

M. Grenier: Très bien. On se rappelle les débats qu'il y a eu ici à la Chambre; que je parle le second sur ce projet de loi, c'est la loi qui m'y oblige parce qu'on ne parle pas le premier, on parle après l'Opposition officielle. Mais ce que je veux relater à cette Chambre, c'est qu'en commission parlementaire, alors que le député de L'Acadie était là et que j'ai fait une proposition, j'ai demandé un vote autour de la table. Le ministre est là, il s'en souvient, M. le député de Sherbrooke était également là à ce moment. J'ai demandé un vote autour de la table. J'ai été le seul à soutenir la proposition que j'ai faite à ce moment de conserver, en plus de ces quatorze centres de placement, parallèlement aussi ces sociétés qu'on a connues et qu'on qualifie encore de hautement correctes pour continuer le placement dans le secteur privé. La raison pour laquelle je m'y opposais et qui affecte ce matin le problème que nous avons devant nous, qui transforme le problème que nous avons devant nous, c'est que cette fille enceinte, ou cette mère enceinte seule ne pourra plus à l'avenir décider d'elle-même chez qui elle va placer son enfant, chez qui elle va placer son enfant par l'entremise d'un intermédiaire qu'elle connaît.

C'est à cela que je me suis opposé et j'étais le seul. Je veux bien le rappeler devant cette Chambre. Je n'ai eu l'appui ni du gouvernement, ni de l'Opposition officielle à ce moment. C'est un point précis, c'est un point important. Pour moi, c'était le noeud de la loi. Je voudrais rappeler cela au ministre que ce sont des circonstances comme celle-là.

Pour ne pas faire de la préhistoire, je parlerai du placement en garderie. Je me suis battu, encore une fois, pour conserver ce que le gouvernement appelle actuellement les garderies à but lucratif et que, moi, j'appelle les garderies privées. Evidemment, quand on veut massacrer quelqu'un, on lui donne des termes péjoratifs; alors, ce sont les garderies à but lucratif contre les garderies populaires. Je dirai que ce sont des garderies privées contre les garderies étatisantes. Cela va peut-être être plus juste comme option.

Le ministre dit que, dans cette société pluraliste, il est ouvert à tout cela, mais on sait quand même les difficultés qui pourront surgir pour la continuation de ces garderies dites privées. Le ministre sait fort bien de quoi je parle, puisqu'on vient d'adopter cette loi.

Le ministre a parlé, bien sûr, tout à l'heure de ces 25%, du droit de la femme à la maternité avec les 20 semaines. C'est 25% des femmes, il ne faut quand même pas laisser l'illusion au public que c'est 100% des femmes, c'est 25% des femmes qui ont le droit de rester à la maison et de prendre leurs 20 semaines de congé de maternité. Je pense que les autres qui décident, comme le décrivait le député de Sherbrooke, de rester à la maison pour être à temps plein des mères de famille, n'y voient rien là-dedans. Bien sûr, ce sont les femmes qui sont déjà sur le marché du travail. Ce n'est pas une politique encore très large, c'est un début. Il faut féliciter le ministre pour ce début, mais ce n'est pas encore très large.

Quant à l'autre point qu'il a soulevé sur les cliniques d'avortement, le ministre ferait bien d'être informé, il y a un circulaire que le ministre doit avoir en main, avec une lettre qui était en date du 10 mai 1979 et qui se lit comme suit: "Camarades infirmières, il me fait plaisir de vous informer de l'ouverture du Centre de santé pour les femmes de Québec, le 14 mai prochain. Je vous envoie un dépliant décrivant nos activités, vous pouvez nous rejoindre au numéro de téléphone qui est ici."

Dans ce dépliant, on donne l'adresse, le numéro de téléphone de ce centre, qui n'est pas parmi les 20 centres reconnus, parmi les centres hospitaliers que le ministre nous a signalés tout à l'heure. Cela se lit ainsi: "Un deuxième service offert — il y a d'autre chose avant qui ne nous intéresse pas ce matin — par le centre de santé est celui de l'interruption volontaire des grossesses. Nous voulons offrir aux femmes la possibilité de vivre un arrêt de grossesse dans les meilleures conditions médicales, sociales et psychologiques possible, aux taux les plus bas et selon la capacité de payer de chacune. Nous pratiquons des interruptions jusqu'à douze semaines, après quoi nous faisons de la référence." Je ne pense pas qu'il ait la bénédiction du gouvernement. S'il l'avait, je pense que le ministre devrait quand même...

M. Lazure: II n'y a pas de question de privilège dans ce genre d'échange ici, mais, encore une fois, pour être bien sûr que le député de Mégantic-Compton n'induit pas la population du Québec en erreur, je veux tout de suite lui faire remarquer que ce qu'il vient de lire, cette espèce d'annonce commerciale qu'il vient de lire vient non pas d'une de nos cliniques de planification familiale, mais d'un groupe tout à fait privé à but lucratif.

M. Grenier: C'est cela.

M. Lazure: M. le Président, je pense que le procédé est un peu odieux de vouloir associer une discussion...

M. Grenier: M. le Président, question de règlement. Le ministre sait fort bien de quoi je parle. Il veut interrompre ma discussion ici, il est fort au courant de ce qui se passe là, et je lui ai précisé — il n'y a pas de question de privilège — que cela ne se passait pas dans ces hôpitaux qui sont reconnus. Je vais reprendre le journal des Débats, je lui ai dit que c'était en dehors de cela, mais probablement à la connaissance du ministre. Si c'est avec son placet, sa bénédiction, c'est encore pire.

M. Lazure: ... par association qu'on appelle cela.

M. Grenier: M. le Président, le ministre devrait être saisi de cela. Si c'est voulu, si c'est accepté, qu'il le dise, sinon, qu'il le dénonce.

M. Lazure: C'est ce que je fais actuellement, je le dénonce, parce que je n'étais même pas au courant d'une telle annonce. Cela n'a rien à faire avec notre programme de cliniques de planification familiale, en rien.

M. Grenier: Non, je l'ai dit, avant que vous interveniez, que vous m'interrompiez. J'ai dit que cela n'avait rien à faire avec les 20 centres dits reconnus, dans les centres hospitaliers.

M. Lazure: Vous l'avez dit plus ou moins.

M. Forget: Si on me permet d'intervenir pour poser une question au ministre, est-ce que le ministre nous affirme sérieusement qu'il ne connaissait pas l'existence de cette clinique ouverte par la CSN, financée par la CSN, de planification familiale et d'avortement? Est-ce que, vraiment, il nous affirme que, comme ministre de la santé, que, comme ministre des Affaires sociales il ne connaissait pas l'existence de cette clinique qui est un fait connu par un tas de gens à travers le Québec, et en particulier des gens de la ville de Québec, puisque c'est à Québec?

M. Lazure: M. le Président, en réponse à la question du député de Saint-Laurent, le ministre est parfaitement au courant de l'existence de plusieurs cliniques du genre. Je n'étais pas au courant du dépliant en question avec... (11 h 30)

M. Forget: Ah!...

M. Lazure: ... l'appellation "Infirmière camarade". Je n'étais pas au courant de ce dépliant, mais je suis parfaitement au courant qu'il en existe un bon nombre.

M. Grenier: M. le Président, je pense qu'à l'aveu du ministre, il serait fort intéressant de voir quelle sera sa ligne de conduite à partir de maintenant, vu qu'il en est informé, qu'est-ce qu'il a l'intention de faire avec ce problème.

Bien sûr qu'on est d'accord pour ces cliniques thérapeutiques, celles qui sont acceptées par des hôpitaux et qui se développent graduellement, honnêtement et correctement. Il n'y a personne qui va aller à l'encontre de cela. Mais que le ministre, le sachant maintenant, tolère un système à côté qui ne va vraiment pas dans l'esprit de ce qu'il est en train d'instituer, de ce que l'ancien gouvernement aussi avait commencé dans les hôpitaux et qui est tout à fait correct... Je pense que le ministre se doit d'agir, se doit de dénoncer, doit arrêter cela et proposer des correctifs, c'est bien sûr.

Un dernier point que je soulève — il y aurait bien d'autres choses, mais je veux aussi permettre au ministre de répondre à certaines questions — c'est que le ministre nous a brossé le tableau qu'il nous avait donné au colloque des Affaires sociales. Le thème était "Naître au Québec". C'est à peu près la base de son texte de ce matin. Il nous avait dit à ce moment qu'il y avait deux principes dans ce besoin de "Naître au Québec". Il nous disait: Aux prises avec cette question de vieillissement de notre population, le gouvernement du Québec a adopté une politique à deux volets.

Le premier aspect de cette politique prévoit la mise en place de mesures qui tendent à modifier le processus même de l'évolution démographique. On a dit que c'était vague comme processus et on n'en a pas beaucoup plus de détails ce matin.

Le deuxième aspect permet d'améliorer le sort des personnes âgées. On veut bien et, si c'est cela la politique familiale, la politique de naissance, le droit de naître, en améliorant le sort des personnes âgées, c'est bien sûr que ce n'est pas cela qui fait des enfants forts au Québec. On a besoin de cela aussi, mais si c'est le thème majeur de "Naître au Québec", comme il le disait, je pense qu'il y aurait moyen de descendre un peu plus creux et d'essayer de donner le fond de son âme, de donner un peu plus de ses volontés, de ses désirs d'améliorer cet esprit d'une nouvelle loi qui devrait venir, à mon sens, cette nouvelle politique de "Naître au Québec".

J'aimerais bien que le ministre éclaircisse certaines de ces questions et nous dise quelle est son intention face à ces quelques problèmes qui se posent.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

M. le ministre, pour le moment, parce qu'il a un droit de parole privilégié, mais non exclusif. Après cela, M. le député de Saint-Hyacinthe. Par après, je reconnaîtrai M. le député de Rimouski et, à la fin, on essaiera de faire un tour des trois formations politiques. M. le ministre.

M. Lazure: Rapidement, M. le Président. Premièrement, sur l'adoption. Je répète que notre loi récente n'a pas créé un nouveau réseau public pour l'adoption. Ce réseau public qui est basé sur les centres de services sociaux, quatorze au Québec, avec des succursales dans plusieurs endroits, ces centres de services sociaux ont la responsabilité, en cas d'adoption prévue, de rencontrer les futurs parents adoptifs, d'évaluer leur personnalité, jusqu'à un certain point, leur motivation et les conditions dans lesquelles vivrait le futur enfant adopté.

La responsabilité de ces centres de services sociaux inclut aussi la responsabilité de tenir compte du souhait ou de la préférence d'une jeune mère qui veut confier son enfant pour adoption.

Le député de Mégantic-Compton disait tantôt: Cette nouvelle loi empêche maintenant la jeune mère de confier son enfant à l'adulte de son choix. Ce n'est pas exact, parce que la nouvelle mère en question peut fort bien, lors de rencontres avec les représentants du centre de services sociaux, indiquer sa préférence pour tel ou tel genre de parents adoptifs ou même, spécifiquement, de façon

précise, indiquer sa préférence pour telle ou telle personne.

Les centres de services sociaux en tiennent compte évidemment.

M. Grenier: M. le Président, je dois interrompre le ministre. Je m'excuse, mais ce que le ministre dit ne correspond absolument pas à l'esprit de la loi qu'on a adoptée; absolument pas. Cela a été dit clairement et ce n'est pas le ministre, mais c'est un haut fonctionnaire — je ne me souviens pas lequel — qui avait dit: Cela fait quand même assez longtemps qu'il y a des listes d'attente et qu'on doit procéder par les numéros 1, 2 et 3.

M. Lazure: M. le Président, là on tombe dans un terrain glissant. C'est l'interprétation de l'esprit de la loi que le député de Mégantic-Compton en fait. La mienne et celle du ministère des Affaires sociales est fort différente. Il n'y a pas de raison au monde pour que le personnel d'un centre de services sociaux ne tienne pas compte des préférences d'une jeune mère qui veut confier son enfant pour adoption.

Le deuxième point soulevé par le député touche les services de garde. Encore une fois, je veux répéter qu'une des caractéristiques nouvelles de la politique du gouvernement en matière de services de garde, c'est de rendre admissibles aux subventions du gouvernement les services de garde en milieu familial. Je pense qu'il vaut la peine de s'y arrêter un court moment. Jusqu'ici, le gouvernement subventionnait les garderies de quartier, les garderies en milieu de travail et aussi les parents dont les revenus sont plus faibles qui envoyaient leurs enfants à ces garderies. Maintenant, depuis le 1er septembre, le gouvernement subventionne des parents qui décident de placer leur enfant pour la journée, ou une bonne partie de la journée, dans une famille. Cette nouvelle formule de garde est particulièrement appropriée dans un milieu rural et dans un milieu semi-rural, où il n'y a pas suffisamment de jeunes enfants dont les deux parents travaillent pour créer une garderie. C'est là une formule de garde qui correspond tout à fait aux préoccupations qu'a la famille en milieu rural et semi-rural.

D'ailleurs, cette formule sera aussi accessible aux familles qui habitent les villes. Ma dernière remarque tendra à dissiper, à enlever toute confusion autour de ces cliniques de planification familiale. Le député de Mégantic-Compton dit: Qu'est-ce que le ministre des Affaires sociales fera vis-à-vis des cliniques qui annoncent et qui font de la sollicitation? Il n'y a pas seulement celles dont il a parlé; il y a aussi dans les journaux de Montréal — on peut le voir à chaque fin de semaine — de la sollicitation pour des groupes de Montréal en particulier qui transportent des femmes qui veulent avoir un avortement thérapeutique aux Etats-Unis.

M. le Président, c'est précisément un des objectifs de notre gouvernement, en créant des cliniques de planification familiale à l'intérieur de nos hôpitaux, de façon bien officielle, bien ouver- te, d'abolir, d'éliminer toutes ces cliniques qui sont plus ou moins clandestines. Ce n'est pas à moi d'évaluer, sur le plan de la justice si, oui ou non, il y a illégalité. Il y a un Procureur général, il y a un ministre de la Justice, qui surveille cet aspect de la question. Ma responsabilité, quant à moi, celle du gouvernement, c'est d'offrir, comme la loi le permet, aux femmes du Québec, dans toutes les régions du Québec, des services de planification familiale qui incluent l'avortement sous forme de traitement, lorsque la santé de la mère est en jeu.

M. Cordeau: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Oui, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: ... étant donné l'heure avancée, je vais adresser immédiatement mes questions spécifiquement au ministre.

Tantôt, vous avez mentionné que le Conseil des affaires sociales et de la famille avait tenu un colloque sur la dénatalité. Quand prévoyez-vous que le rapport de ce colloque, soit les conclusions ou les recommandations seront rendues publiques?

Ma deuxième question concerne les handicapés. Tantôt, vous avez mentionné que, dans le discours du budget, un montant de $3 millions serait à la disposition d'un programme qui sera élaboré un peu plus tard concernant l'aide aux handicapés. J'aimerais vous demander quand vous prévoyez présenter ce programme d'aide aux familles qui gardent leurs handicapés à la maison. Je crois que plusieurs familles, actuellement, vous interrogent et sont un peu au courant de vos politiques futures, mais elles trouvent que cela prend du temps avant que le programme soit mis en oeuvre.

Concernant les handicapés, avez-vous l'intention d'améliorer l'aide à apporter aux handicapés qui demeurent à la maison quand le mari travaille, souventefois au salaire minimum, quand il y a aussi d'autres enfants à la maison? Je crois qu'actuellement, vous accordez $40 par semaine à la mère des handicapés qui demeurent à la maison, pour défrayer le coût d'une aide familiale pour les soins du ménage. Mais réellement, aujourd'hui, à $40 par semaine, il est impossible de trouver une personne qui va aller passer 30 ou 35 heures par semaine à la maison pour aider ces handicapés. Au nom de ces handicapés, je vous demande sérieusement et sincèrement de réviser ce programme qui a peut-être été très valable dans le passé, mais qui est rendu tout à fait désuet aujourd'hui.

Il y a une autre chose. Tantôt, le député de Sherbrooke a parlé des éducatrices au foyer. C'est très bien. J'appuie ce qu'il a dit. Actuellement, le gouvernement aide les travailleuses concernant la maternité. Premièrement, elles ont droit à plusieurs semaines d'aide et elles reçoivent également $240 lors de la maternité. Je demande à M. le ministre s'il a l'intention d'étendre ce programme d'aide, lorsqu'il y a une maternité, à toutes les

éducatrices au foyer. Réellement, je pense bien que lors d'une maternité, la mère qui reste à la maison a besoin, à ces occasions, d'aide. Avec ces $240, cela lui permettrait peut-être d'embaucher une personne ou de retenir ses services pour la soulager un peu de sa charge familiale.

Voilà les quelques questions très brèves, mais bien précises, que je pose au ministre et j'aimerais qu'il y réponde. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je remercie le député de Saint-Hyacinthe pour la clarté de ses questions. Je vais essayer d'être aussi clair dans mes réponses. Je vais commencer par la fin et je remonterai. Au sujet des $240, la réponse, M. le Président, c'est: Oui, le gouvernement étudie la possibilité d'étendre ces $240 aux femmes qui donnent naissance à un enfant et qui travaillent à domicile au lieu de travailler à l'extérieur du domicile. Nous étudions la possibilité de l'appliquer à ces femmes qui sont au foyer. Si nous ne le faisons pas tout de suite, c'est seulement parce que nous n'avons pas les crédits disponibles. Nous avons voulu commencer par le groupe qui était le plus pénalisé par une grossesse, par un accouchement, c'est-à-dire la femme qui était obligée de travailler à l'extérieur du foyer et c'est elle qui était le plus pénalisée dans notre système. Je pense qu'il faut l'avouer. Le plus rapidement possible, nous avons l'intention d'affecter la même somme aux femmes qui travaillent au foyer.

Quant aux enfants handicapés, le programme d'allocations aux parents de ces enfants handicapés à domicile, pour lesquels nous avons une somme de $3 millions, devrait commencer d'ici quelques mois. Nous sommes en train de compléter les modalités de ces allocations familiales additionnelles. Ce sont des allocations familiales supplémentaires. M. le Président, le député va comprendre qu'il s'agit là de quelque chose d'assez nouveau et nous n'avons pas de modèle ailleurs. Nous avons regardé à plusieurs endroits, plusieurs Etats américains, provinces ou pays en Europe et c'est une pratique qui n'existe pas, pour ainsi dire, qui n'est pas utilisée. Nous pensons qu'il faut le faire le plus rapidement possible et d'ici quelques mois, ce sera en vigueur.

Quant à la personne handicapée adulte dont le mari travaille ou dont la femme travaille, nous sommes en train de modifier les règlements à l'aide sociale et nous sommes bien conscients que certains groupes, tel que celui-là, l'autre groupe important qui ne reçoit pas les prestations qu'il devrait recevoir, le groupe des familles monoparentales, des femmes dans 90% ou 95% des cas, pas seulement des jeunes femmes qui constituent un ménage monoparental, mais aussi des veuves d'un certain âge, nous sommes en train de modifier des règlements dans le but d'améliorer ces prestations. (11 h 45)

J'ajouterai ici que ces couples, dont un conjoint est handicapé et demeure à la maison, sont justement visés par l'aide à domicile beaucoup plus importante que nous avons développée. Elle s'applique pour deux clientèles: les personnes âgées et les personnes handicapées à domicile.

Finalement, concernant la première question du député de Saint-Hyacinthe quant au rapport sur le colloque de février dernier à Montréal, ce rapport est déjà disponible depuis le mois de mai et nous pourrons vous en faire parvenir un exemplaire avec plaisir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Rimouski et, par la suite, M. le député de Saint-Laurent.

M. Marcoux: M. le Président, je voudrais aussi contribuer à ce débat qui se déroule d'une façon très positive depuis ce matin. Je voudrais d'abord signifier que j'endosse entièrement l'esprit, sinon même la lettre, des propos de mon collègue de Sherbrooke dans ses préoccupations. Il a fait un portrait à partir d'un cas précis, le sien, j'aurais pu faire le même portrait.

Je voudrais revenir un peu au point de départ de nos discussions et poser le problème globalement, ce qui va peut-être nous mener aussi à une conclusion à la fin de ce débat. Ce n'est peut-être pas en tant que parent, comme mon collègue de Sherbrooke, que sera mon point de départ, mais plutôt en tant qu'ancien professeur de sociologie, à la suite de ma formation de sociologue. J'ai eu l'occasion de lire "Le choc du futur", un livre qui nous situe dans l'évolution actuelle en Occident sur plusieurs aspects; mais il y a, entre autres, dans ce livre, un chapitre qui parle de la famille en lambeaux.

Ce matin, on nous a invités à parler d'une politique de la famille. À la lumière de la connaissance de la famille aujourd'hui, je me demande s'il ne vaudrait pas mieux parler d'une politique des familles. S'il y a une chose qui n'existe plus, je pense que c'est la famille type. Il y a 30, 40 ou 50 ans, la famille était le coeur de la société et il y avait un type de famille, le père, la mère avec de nombreux enfants, et on évoluait dans ce cadre toute sa vie. Aujourd'hui, il y a une diversification des types de familles et, de la naissance à la mort, on vit toutes sortes de situations familiales qui n'ont aucune commune mesure. Je pense que c'est un changement fondamental.

On peut continuer à parler, à vouloir faire une politique de la famille, mais, en pratique, je pense qu'on est obligé de faire une politique des familles, parce qu'il y a maintenant toutes sortes de familles. Il y a la famille classique, le père, la mère et deux ou trois enfants. Il y a la famille monoparentale dirigée par une femme. Il y a la famille monoparentale dirigée par un homme. Il y a le couple de famille et qui, maintenant, est obligé de vivre comme couple jusqu'à la fin.

M. Grenier: Les familles triparentales! M. Marcoux: Pardon?

M. Grenier: Les familles triparentales.

M. Marcoux: Oui, aussi. En fait, en constatant ce fait, je pense que c'est un point de départ important parce que, à ce moment-là, cela va nous éloigner de certaines simplifications. Tantôt, on a parlé d'une politique qui pourrait être fondée sur une attitude moralisatrice. Si on constate qu'il y a plusieurs sortes de familles, il va falloir laisser place à plusieurs sortes de morales ou de types de valeurs par rapport à la famille et non que l'État essaie d'imposer une conception de la famille, une morale de la famille. Je suis convaincu que si notre gouvernement voulait en arriver à une politique de la famille, nos amis d'en face — en tout cas, particulièrement le député de Mégantic-Compton, seraient peut-être les premiers à nous surveiller et à vouloir nous accuser, en voulant imposer une politique de la famille, une conception de l'État de la famille, de vouloir faire du socialisme, de vouloir faire une politique étatique de la famille, d'intervenir dans la famille.

Cela m'amène à considérer que l'attitude de l'État par rapport à la famille, compte tenu du fait que la famille n'existe plus, que ce sont des familles qui existent, que l'attitude du gouvernement doit être changée afin d'offrir des types de services différents pour chacun des besoins différents des familles aujourd'hui. Le danger, bien sûr, c'est de tomber dans ce que je pourrais appeler l'État cafétéria ou l'État Steinberg où l'État dit: Oui, j'ai une politique familiale, regardez, j'ai tel service pour les handicapés, tel service pour les personnes âgées, tel service pour la femme au travail. C'est un peu l'État cafétéria ou l'État Steinberg où tous les services sont là pour toutes les sortes de famille, mais où on ne saisit pas de ligne directrice, de principe de base à ces services.

Je rejoins un principe énoncé par le député de Saint-Laurent, sur lequel je suis entièrement d'accord. Je pense qu'il y a un seul principe qui doit fonder les politiques familiales d'un gouvernement moderne, c'est la liberté de choix. Ce n'est pas à l'État à choisir de favoriser le retour de la femme au travail ou le maintien de la femme au foyer quand les enfants sont en bas âge. Le choix de l'État doit être de faire en sorte que les choix de la femme ou les choix de la famille soient possibles. Il y a beaucoup de familles, d'hommes ou de femmes, dans notre société, qui sont contre le fait que la femme travaille lorsqu'elle a des enfants en bas âge. Il y en a tout autant, sinon plus, qui sont favorables à ce que la femme continue de travailler. Je pense que ce n'est pas à l'État à imposer des choix, ou même à favoriser telle orientation plutôt que telle autre. Le principe de base d'une politique des familles, ce doit être de permettre la liberté de choix à l'homme, à la femme, aux enfants et aux personnes âgées, à tous les types de famille. C'est le principe sur lequel je fonderais tout jugement sur des politiques familiales et des services qui devraient être offerts par l'État à la famille.

Encore une fois, j'éviterais de tomber dans le piège facile, peut-être, d'avoir une belle politique de la famille où on pourrait facilement être accusé d'imposer un modèle familial et être accusé d'intervention étatique.

Un autre point sur lequel je voudrais insister, c'est le principe à la lumière duquel je jugerais les actions de l'État par rapport à une politique des familles, le principe de favoriser la liberté de choix des individus comme de la famille. On devrait y regarder de près, parce que, lorsqu'on parle de liberté de choix, on voit un gouvernement qui réagit à des pressions, qui réagit à des rapports de force. Ce qui m'inquiète, c'est que, par rapport à ce secteur d'activités des politiques de la famille, un peu comme dans un autre secteur où on vit actuellement de façon très active, dans le domaine des négociations dans les secteurs public et parapublic, le gouvernement soit davantage sensible à certains fronts communs qu'aux intérêts de l'ensemble d'une population.

Il y a beaucoup de familles sans voix...

M. Grenier: Pouvez-vous répéter votre dernière phrase?

M. Marcoux: Je vais répéter ceci: II y a des groupes organisés — pour peut-être clarifier ma pensée — qui sont bien placés pour défendre leurs intérêts et les faire valoir. Il y a d'autres groupes, dans notre société, qui n'ont pas de voix, ils ne sont pas organisés, ils ne sont pas structurés. Souvent, l'État, parce que ce sont des groupes organisés et qu'ils sont plus forts, va être plus sensible aux demandes de ces groupes. Si je l'applique à la politique des familles — là, je rejoins mon collègue de Sherbrooke — on sera beaucoup plus facilement sensibilisés, nous, tous les députés, par les groupes de pression aux besoins de la femme au travail à temps plein, alors que la femme au travail à temps partiel, ou les femmes qui voudraient travailler à temps partiel, souvent, n'ont pas de porte-voix, ou leur porte-voix crie avec moins de force. Je pense que ce doit être notre rôle de député de faire en sorte que tous les types de besoins familiaux puissent être entendus et obtiennent des services.

En ce sens, je pense qu'on devrait porter plus d'attention au cours des prochaines années. Satisfaire les besoins de la femme au foyer, mais cette dernière, souvent dans notre monde moderne y est de façon temporaire. Elle y est pour quatre, cinq ou six ans. Elle est en instance de retour dans le marché du travail, souvent. Durant cette période, elle vit des problèmes particuliers, des problèmes nouveaux pour lesquels nous n'avons pas actuellement tous les instruments. Si on prend l'exemple des services de garde, c'est bien sûr qu'on a commencé. C'était peut-être inévitable de développer les garderies qu'on pourrait dire institutionnelles. Maintenant, il va falloir s'attaquer rapidement à développer les services de ce qu'on appelle les haltes-garderies, la garde en milieu familial. Cela entre déjà dans nos principes de politique, mais il va falloir pousser sur la machine pour que cela se développe rapidement, parce que si on laisse aller les choses d'elles-mêmes, comme souvent il n'y a pas de groupe organisé pour pousser sur ce type de développement de service, cela peut prendre beaucoup plus de temps alors

que des besoins criants sont là. On pourrait étaler de multiples exemples.

En tout cas, je ne vois qu'une partie de notre rôle de député, indépendamment des partis politiques, c'est de faire en sorte dans les nouveaux services à développer pour l'ensemble des familles, qu'on soit sensible à des besoins qui n'ont pas l'occasion de se manifester souvent peut-être dans les journaux, à la radio et à la télévision, mais qui sont là de façon absolument criante.

Pour terminer, juste une phrase. Je dirais encore là que l'essentiel, c'est de permettre la liberté de choix à des couples qui veulent former différents types de familles et qui ne veulent pas tous correspondre au même modèle. C'est bien sûr que c'est plus difficile, dans le fond, c'est bien plus engageant, que d'arriver à dire: II y a un modèle parfait de la famille maintenant, en 1980. C'est celui-là auquel on va correspondre. L'ensemble de nos politiques va être bâti juste autour de ce modèle. Je pense que c'est plus difficile de faire des politiques polyvalentes, des politiques larges qui assurent la liberté de choix, mais c'est le défi qu'on a à relever aujourd'hui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Comme la question est posée par M. le député de Mégantic-Compton et qu'à titre de troisième parti, du moins pour aujourd'hui, je n'ai pas un droit de parole privilégié, je vais tenter de limiter mes remarques au minimum. Je dois dire que j'ai aussi, à cause de cette situation particulière, observé un peu avec un certain détachement ce dialogue entre l'Union Nationale et le Parti québécois, relativement à la politique familiale. Ce qui me frappe, il ne faut pas en vouloir comme tel au ministre des Affaires sociales, c'est qu'aux questions qui lui ont été adressées par l'Union Nationale, il a, et c'est probablement normal dans les circonstances, dressé un bilan des réalisations de son gouvernement au cours des dernières années. Encore une fois, il ne faut pas lui en vouloir. C'est de bonne guerre d'essayer de faire un tableau, un panégyrique le plus impressionnant possible du gouvernement. Je pense qu'on peut déplorer, à ce moment-ci, de la part du gouvernement une insistance peut-être un peu trop grande à des réalisations qui, sans être négligeables, n'ont malgré tout pas le caractère aussi engageant et aussi dynamique que le ministre a voulu le démontrer. Je veux donner quelques exemples, parce qu'ils ont été mentionnés et ils n'ont pas, par la suite, été relevés.

Le ministre a dit que le gouvernement a empêché la fermeture des écoles de rang, des écoles de quartier. C'est le genre d'argumentation qui, dans le fond, jette un écran de fumée, qui n'éclaircit pas du tout le problème. On sait très bien que le gouvernement a fait des déclarations sur le sujet, mais qu'il n'a rien fait de concret pour donner une réalité à ces affirmations. Il a imposé une obligation morale aux commissions scolaires locales de laisser ouvertes des écoles, mais il a refusé toute espèce de secours financier pour leur permettre de le faire. Il n'a pas modifié ses normes de financement dans le domaine scolaire pour rendre la chose possible là où il y avait véritablement des problèmes financiers. (12 heures)

Prenez un autre exemple, la question des services de garde. Si on regarde les manchettes et les déclarations du gouvernement depuis trois ans, il double à tous les ans les crédits, double le nombre de places. Comme il y en avait 10 000 en 1976, d'après ce que le ministre a dit, et c'est effectivement vrai, on devrait être rendu à 80 000, parce que si vous doublez quelque chose trois ans de suite, à partir de 10 000, cela donne 80 000 en troisième année. Or, il n'y a que 16 000 places aujourd'hui encore.

Si on regarde les montants qui sont attribués pour la subvention aux parents pour les services de garde, on constate — et cela aussi, c'est une impression bien différente de celle qu'on retire des déclarations gouvernementales — qu'il y a à peine eu une indexation. Les montants ont augmenté pas tout à fait aussi vite que le coût de la vie. Il y avait eu un premier montant déterminé en 1974 quand nous-mêmes, nous avions lancé le mouvement, il a été majoré à l'automne 1976 avant les élections, un an et quelques mois après son lancement, il y a eu une indexation, et puis après il s'est écoulé des mois et des mois et les majorations qui sont venues, encore une fois, ne nous ont pas remis dans la situation de la valeur réelle que ces prestations avaient au printemps 1974.

On peut bien dire que l'on fait des choses. C'est vrai, on a fait ces ajustements, mais c'est loin d'être les grandes manoeuvres d'une politique familiale.

On a parlé de l'Office des handicapés, c'est vrai que le gouvernement péquiste a hérité d'une loi sur la protection des personnes handicapées qui commence à être mise en oeuvre, mais avec des crédits extrêmement faibles. Dans des circonstances, on a voulu décentraliser à Drummondville le siège social de cet organisme et cela a créé toutes sortes de difficultés pour sa mise en route. Je pense que la vérité a quand même ses droits et, comme le ministre a fait état de ces choses, je me devais de les soulever.

Je dois soulever également le fait que relativement à des questions centrales pour la détermination d'une politique familiale adaptée aux besoins de notre époque, les questions que j'ai soulevées relativement à la révision du Code civil sont sans réponses. Les questions relativement à égaliser ou à faire disparaître la discrimination à l'égard des femmes dans les avantages sociaux, les régimes d'assurance collective et de pension, c'est resté sans réponse et cela demeure sans réponse depuis deux ans. Il y a tout le problème de la consultation matrimoniale et familiale, le rôle qu'ont ou que n'auront pas — parce que là-dessus, il semble que les orientations gouvernementales soient assez imprécises — les CLSC, par exemple, dans une plus grande accessibilité à des

services de consultation, et même à des services de consultation de planification familiale. Le ministre a parlé exclusivement de l'insertion dans les hôpitaux des cliniques de planification familiale. Est-ce qu'il n'y a pas là un rôle pour les CLSC? Est-ce qu'ils n'ont pas été conçus justement près de la population pour servir des besoins de ce genre, d'information, d'aide, de secours et même des besoins encore plus précis que cela, le cas échéant, quand la consultation et l'information en révèlent la nécessité.

Je pense qu'il y a un très grand nombre de questions qui sont sans réponse. Bien sûr, la société évolue progressivement, il serait peut-être irresponsable de vouloir que tout se fasse d'un seul coup. Il demeure que dans le contexte de liberté auquel faisait allusion, à la suite de mes remarques, le député de Rimouski, il y a des choses importantes à faire. N'oublions pas que lorsque nous parlons de politique familiale, dans le concret, nous devons nous adresser aux jeunes adultes et aux jeunes couples qui ont à prendre des décisions pour un avenir qui s'étend sur 20 et 30 ans. Toutes les questions relatives aujourd'hui au statut de la femme sont centrales pour la détermination, la prise de ces décisions. Est-ce que le milieu du travail, en particulier, va attribuer à la femme un sort, une situation qui va la laisser véritablement libre de choisir le mariage et la famille, sans se handicaper elle-même quant à son avenir. C'est une question vitale. On n'est pas encore au point où on peut vraiment offrir une réponse satisfaisante à cette interrogation des jeunes femmes qui ont devant elles deux possibilités: se marier et avoir des enfants et renoncer, peut-être — c'est certainement cela l'image qu'il faut vaincre — à toute possibilité de développement personnel sur les plans économique et social, parce que notre société est devenue une société où il faut participer au marché du travail. C'est peut-être malheureux, mais il y a une très forte pression de ce côté. Celles qui veulent répondre à cet appel, il faut qu'elles le fassent dans la plus grande liberté possible.

Or, dans le moment, nous ne pouvons malheureusement pas offrir ces garanties. Le retour au milieu du travail est difficile. L'absence pendant quelques années entraîne des coûts significatifs pour la femme et le couple.

Tant que nous n'avons pas résolu ce problème d'une politique familiale, il reste un grand point d'interrogation pour ce qui est de l'avenir. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je crois que le dossier sur la condition féminine — c'est dommage que la ministre d'Etat à la Condition féminine ne soit pas avec nous ce matin — est le dossier par excellence de la politique familiale. C'est un des volets les plus importants et il faut y trouver des réponses.

Du côté du recyclage, par exemple, il y a certainement des carences nombreuses du côté des programmes de perfectionnement et de recyclage. Il nous semble qu'on pourrait y remédier, même sans législation, assez facilement, pourvu qu'on accepte de revoir de vieux concepts qui ont inspiré jadis les programmes d'éducation des adultes.

Il y a évidemment aussi tous les problèmes économiques qu'entoure l'absence pendant plusieurs années de la femme du marché du travail. Il y a eu des débuts de solution lorsque le Régime de rentes a été modifié. Mais certains groupes — on le sait — se posent encore des questions sur les modifications encore nécessaires au Régime de rentes pour véritablement égaliser les chances de ce côté entre les hommes et les femmes et surtout entre les femmes qui choisissent de participer au marché du travail tout en élevant une famille et celle qui préfère participer au marché du travail sans élever une famille.

C'est véritablement là que se pose le problème de choix et ce sont ces femmes qu'il nous faut persuader qu'il est possible de travailler pour l'avenir de la collectivité et pour elles-mêmes en même temps sans incompatibilité, qu'il est possible d'élever des enfants, de mettre au monde des contribuables futurs dont nous aurons tous besoin quand nous serons vieux et qu'il est possible également de se réaliser comme personne sans entraîner des pénalités insupportables et non seulement au moment où on les assume, mais qui durent toute la vie.

M. le Président, je crois qu'il y a plusieurs points d'interrogation. Le ministre n'a pas voulu faire porter ses remarques sur ces questions d'avenir, sur les intentions du gouvernement relativement à ces dimensions d'avenir.

Je pense qu'on a un peu trop porté sur ce qui s'est accompli durant les dernières années. C'est bon, cela pourrait être meilleur. C'est même excellent dans certains cas, mais il reste que le travail qu'il reste à accomplir est encore très considérable et nous n'avons pas, malheureusement, durant les quelques minutes que nous avons pu consacrer à ce sujet, eu beaucoup d'éclaircissements quant à l'avenir. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Merci. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, me permettez-vous rapidement de répondre à quelques questions? Je m'excuse auprès du député de Saint-Laurent de ne pas avoir répondu de façon plus spécifique. Sur la question, par exemple, qui touche les amendements au Code civil, au chapitre des droits de la famille, de l'enfant, les préparatifs sont à peu près complétés et mon collègue de la Justice, à la suite de l'approbation par le Conseil des ministres, pas plus tard qu'il y a quelques jours, mercredi, cette semaine, devrait déposer un projet de loi d'ici Noël.

Quant à la discrimination à l'égard de la femme dans plusieurs lois ou pratiques administratives actuelles, le comité que le gouvernement a formé il y a environ six ou huit mois, un comité ministériel pour réaliser le livre blanc "Egalité et Indépendance", le livre blanc du Conseil du statut de la femme, ce comité qui est maintenant présidé par le nouveau ministre à la Condition féminine,

doit faire rapport bientôt. Soyez assuré, M. le Président, que la mise en application de toutes les recommandations de "Egalité et Indépendance" va se faire le plus rapidement possible.

Dernière remarque concernant les garderies. Le député de Saint-Laurent dit: Comment se fait-il qu'on n'a pas plus de places en garderie que 16 000, puisqu'on dépense beaucoup plus? Il est bien évident que, quand on double le budget, cela ne veut pas dire qu'on va avoir le double de places, parce qu'il y a des situations qui devaient être corrigées. Les salaires du personnel dans les garderies — il faut en avoir visité pour le savoir — les salaires des jeunes femmes en garderie étaient et sont encore, jusqu'à un certain point, scandaleux, très souvent en bas du salaire minimum.

Les augmentations budgétaires que nous avons eues depuis quelques années servent non pas seulement à créer de nouvelles garderies, de nouvelles places, mais servent à améliorer les conditions de travail du personnel féminin dans ces garderies, servent aussi à améliorer l'équipement. Nous avons triplé la mise de fonds initiale dans toute nouvelle garderie.

Je voulais apporter ces précisions et, sur un plan plus général, je veux simplement rappeler que notre ministère suit de très près les travaux de ce nouveau comité qui a été créé par le Conseil consultatif des affaires sociales et de la famille. Nous avons un Conseil de la famille qui nous avise — qui a été créé par l'ancien gouvernement — nous avons constamment des avis, des suggestions, des propositions qui nous sont fournis par le Conseil de la famille et nous entendons continuer d'utiliser au maximum ce Conseil de la famille comme un organisme consultatif extrêmement précieux pour nous.

M. Marcoux: M. le Président, est-ce que je peux ajouter quelques mots.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Très brièvement, puisque je me dois de donner la parole au député de Mégantic-Compton qui a un droit privilégié avec le ministre.

M. Marcoux: Très brièvement. Il y aurait le mot de la fin.

M. Grenier: Ce ne sera pas long, on veut terminer pour 12 h 30.

M. Marcoux: Deux minutes à peine, sur deux points précis qu'a abordés le député de Saint-Laurent. C'est bien sûr, le ministre a énuméré plusieurs mesures qui ont été réalisées ou mises en oeuvre depuis trois ans. Vous avez posé des questions, à savoir si, par exemple, la politique concernant le maintien de l'école primaire dans le milieu rural, l'école de quartier en ville, quel genre d'utilité... Vous avez émis presque un doute. Je peux vous dire, comme député d'un comté rural où il y a 2 municipalités sur 22 qui ont été touchées par cette politique, où des parents se battaient depuis des années pour avoir l'assurance que leur école de la municipalité serait maintenue... C'est parfaitement relié au maintien du tissu familial parce que ces gens voulaient vivre dans leur milieu naturel. D'accord, ce ne sont pas tellement des implications financières, c'est plutôt une orientation.

Un autre exemple qui va dans le même sens; je le prends dans mon comté, mais je sais que c'est vrai maintenant dans plusieurs comtés au Québec. Dans les sept ou huit premières années, on ne construisait des HLM, des logements à loyer modique, que dans les villes; c'étaient de gros édifices de 80, 90, 100 logements. Les municipalités rurales qui demandaient des HLM obtenaient très peu souvent gain de cause. Je dois vous dire qu'en trois ans, 6 municipalités rurales de mon comté sur 22, toutes celles qui avaient fait des demandes avant 1976 et qui s'étaient toujours vu refuser leur demande, ont vu leur demande acceptée. Bien sûr que ce ne seront pas de gros édifices de 90 logements dans une municipalité de 300 à 400 familles; ce seront des bâtisses de 13, 20 logements. Mais, pour ces municipalités, qu'est-ce que cela signifie? Pour les personnes âgées de ces municipalités, cela signifie le maintien dans leur milieu social naturel cinq, dix, quinze ans de plus qu'autrement, car on les aurait transplantées en ville parce qu'avant, la politique était de les amener en ville où, souvent, la première chose qu'elles demandaient, c'était d'être admises aux foyers d'hébergement. On sait que le déracinement d'une personne âgée occasionne souvent le recours à des médicaments, etc., quelques années plus tôt.

Ce sont des exemples — je ne veux pas insister davantage — qui illustrent, même si cela ne touche pas l'ensemble des Québécois, une volonté de faire en sorte qu'il y ait des services pour le maintien de la famille le plus longtemps possible.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci, M. le Président. Cette politique de la famille que nous étudions ce matin, que nous regardons de plus près ce matin, avait été demandée par le gouvernement actuel et son porte-parole dans le domaine des affaires sociales qui est l'actuel organisateur en chef du gouvernement, qui vient de faire ses preuves dans trois comtés. (12 h 15)

Quand je parle de politique d'Etat, M. le Président, dans le domaine familial, je ne veux pas dire de politique sociale. Il y a une nuance bien précise entre une politique sociale et une politique familiale. La politique sociale va surtout toucher des personnes, des individus, je dirais, marginaux, par rapport à ce qui est normal dans la société. Tandis qu'une politique familiale va être axée directement sur la cellule, l'entité de ce qui est un groupe de personnes qui ont décidé de vivre en famille, c'est-à-dire un père, une mère et des enfants.

Donc, déjà c'était exigé en mai 1975 par les gens qui étaient dans l'Opposition et qui forment le gouvernement actuellement. Actuellement, je pense qu'on fait face exactement à ce qui est décrit par le député de Rimouski, même si le livre d'Alvin Toffler le "Choc du futur" est dépassé. L'auteur le disait lui-même en l'écrivant: Dans cinq ans, mon livre sera dépassé. Ce qu'il y a de vrai dans son assertion de tout à l'heure, c'est qu'on fait justement face à une politique de famille qui a l'air d'une politique de cafétéria ou de Steinberg. C'est exactement ce que nous avons. Ce que nous voulons reconnaître là-dedans, malgré tout ce qui s'est dit depuis le début, c'est en laissant le choix, la liberté aux personnes, aux enfants et aux parents, bien sûr, il n'est pas question d'entraver... c'est de sentir quand même le poids de la responsabilité qui doit être celle des parents et des enfants et, celle du gouvernement.

Ce que je disais, c'est que dans cette politique familiale, on sente un peu ce qu'est la famille québécoise. Je pense qu'on doit trouver au Québec, comme dans d'autres coins du monde, ce fil conducteur dont je parlais tout à l'heure qui sera cette politique globale, en laissant cette liberté aux familles de faire leur choix. On n'est plus en 1930, mais il me semble qu'on devrait être capable... comme le disait le ministre Léger en 1975. Tout à l'heure, au début — je reviens là-dessus puisque cela a eu l'air déplacé depuis que c'est commencé — nous préconisions une politique familiale et on disait: Une politique familiale serait une toile de fond dont les Québécois se doteraient et sur laquelle viendrait se fixer la législation en matière de la famille, une politique familiale qui serait articulée autour de deux principes fondamentaux — et j'y reviens puisqu'on a semblé dire que cela pouvait être autre chose — le dénominateur commun devrait être l'enfant.

Deuxièmement, que le gouvernement aide les parents à assumer leurs responsabilités sans perdre leur place. Ensuite, on dit: Une politique familiale doit être élaborée dans une perspective de prévention et toucherait essentiellement — je reprends les termes du début et c'est autour de cela ensuite qu'on a parlé pendant toute la discussion — le service de protection à la jeunesse, les foyers d'accueil pour enfants et pour personnes âgées, la mère de famille à la maison ou au travail, la planification familiale, les services de garderie. Toute la discussion a tourné autour de cela. C'est exactement ce qu'on a tracé au début de cette discussion.

Maintenant, je sais que le ministre est préoccupé par les temps qui courent et on s'en veut de l'amener en commission durant trois heures, avec les difficultés qu'il peut y avoir; on s'en excuse. Il reste quand même que si on choisit des moments où il n'y a pas de grève ou pas de difficulté au Québec, je pense que le jour n'arrivera pas à interroger le ministre sur la politique familiale par les temps qui courent.

On a choisi de poser des questions ce matin, mais je pense que le ministre, qui nous a livré un peu l'essentiel de son texte qu'il avait livré le 17 février 1979 à peu près dans les mêmes termes, en ajoutant des explications sur d'autres services développés au Québec, aurait avantage à retourner prendre un bain de peuple, un bain de foule, pour savoir exactement ce qui se passe. Ce serait le temps. On rencontre actuellement des chefs syndicaux à temps et à contretemps et on rencontre des groupes minoritaires, comme le signalait tout à l'heure le député de Rimouski, mais il serait peut-être temps d'aller voir dans le peuple, dans le monde, ce qui se passe actuellement pour établir cette politique, ce fil conducteur, d'aller glaner, comme on vous le dit — ce n'est pas le ministre en catimini, à son bureau — dans la population ce que devrait être une politique familiale.

Je voudrais que le ministre nous dise, puisque j'aurai l'occasion d'y revenir dans quelques jours s'il n'y a pas de développements, ce qu'il entend faire avec les cliniques privées d'avortement qu'on connaît au Québec. J'en ai donné un exemple tout à l'heure. Qu'est-ce que le ministre entend faire avec cela avec son collègue, le ministre de la Justice? Il ne faut quand même pas penser que s'il y a des chèques en retard à cause d'une grève, c'est ce qui se passe là. Ce sont des actes criminels qui se font tous les jours au Québec avec ou sans la bénédiction du gouvernement. Je voudrais savoir ce que le ministre a l'intention de faire dans les jours qui vont suivre. Il me semble qu'on ne peut pas se permettre de laisser continuer ces activités qui se sont multipliées à un rythme assez grandissant, d'après ce qu'on nous dit.

Je termine avec cela, M. le Président. Je voudrais remercier, bien sûr, le ministre d'avoir accepté de nous rencontrer aujourd'hui et d'avoir répondu, peut-être pas, bien sûr, à toutes nos questions, mais d'avoir levé le voile sur certaines difficultés de la politique de la famille.

M. Lazure: M. le Président, rapidement, sur la dernière question du député de Mégantic-Compton, la réaction la plus constructive et utile que je peux avoir à titre de ministre des Affaires sociales vis-à-vis de l'existence de ces cliniques, c'est de promouvoir et d'inciter les hôpitaux à fournir à la population féminine ce genre de service qui est permis par la loi. Je reviens à une remarque du député de Saint-Laurent. Nous n'avons jamais exclu le CLSC. D'ailleurs, le CLSC fournit une bonne partie de l'éventail des services que la clinique de planification familiale dispense actuellement. Au député de Mégantic-Compton, j'ajouterai que mon collègue de la Justice est celui qui doit évaluer dans quelle mesure ces activités sont légales ou illégales. Quant à nous, nous voulons précisément multiplier les activités légales dans le cadre de nos établissements publics qui sont financés par les impôts des Québécois.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Merci, M. le ministre. Merci, messieurs les députés. Les travaux de la commission sont ajournés sine die.

Fin de la séance à 12 h 21

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