L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente des affaires sociales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente des affaires sociales

Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le mardi 13 octobre 1981 - Vol. 25 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires sur le projet de loi no 15 - Loi sur l'abolition de la retraite obligatoire et modifiant certaines dispositions législatives


Journal des débats

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Boucher): La commission permanente des affaires sociales est réunie pour entendre les personnes ou organismes relativement au projet de loi no 15, Loi sur l'abolition de la retraite obligatoire et modifiant certaines dispositions législatives.

Les membres de la commission sont: M. Proulx (Saint-Jean) qui remplace M. Brouillet (Chauveau); Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Houde (Berthier); M. Lazure (Bertrand) qui remplace M. Johnson (Anjou); M. Lachance (Bellechasse) qui remplace Mme Juneau (Johnson); Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Leduc (Fabre), M. Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier).

Les intervenants de la commission sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Bélanger (Mégantic-Compton), Mme Harel

(Maisonneuve), M. Kehoe (Chapleau), Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M. Laplante (Bourassa); M. Lincoln (Nelligan) qui remplace M. Mathieu (Beauce-Sud), M. O'Gallagher (Robert-Baldwin).

Est-ce qu'il y a un rapporteur? M. Rochefort.

Avant d'inviter le premier groupe, je demanderais à M. le ministre s'il a des commentaires préliminaires. M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Denis Lazure

M. Lazure: M. le Président, chers collègues de l'Assemblée, mesdames et messieurs qui venez contribuer à l'amélioration du processus démocratique en participant à cette commission parlementaire, je veux d'abord remercier tous ceux qui se sont donné la peine de réfléchir sur cette mesure que nous étudions aujourd'hui, aussi bien ceux qui nous ont adressé un mémoire et qui vont participer à cette commission que ceux et celles qui nous ont envoyé des lettres depuis quelques mois.

Sans vouloir déprécier le travail de cette commission, bien au contraire, nous avons voulu aller au-delà en invitant les citoyens à nous résumer sur une page ou deux leur opinion sur ce projet. L'invitation avait été publiée dans les journaux au cours de l'été et la réponse a été très encourageante puisqu'à ce jour nous avons reçu au-delà de 500 lettres. Vendredi dernier, nous avons compilé 400 de ces lettres et elles se subdivisaient de la façon suivante: 244 exprimaient une opinion favorable au projet de loi, tandis que 157 faisaient valoir des arguments défavorables ou des arguments à l'encontre du projet de loi. Nous avons également reçu deux pétitions: l'une de 400 noms en faveur et l'autre de 75 noms contre. Plusieurs personnes ont exprimé le souhait que la loi soit rétroactive à la date du dépôt à l'Assemblée nationale.

Voici quelques-unes des idées exprimées en faveur du projet. Il permettra une meilleure utilisation des ressources humaines, permettra aux personnes âgées de ne pas se sentir en marge de la société, reconnaît le droit au travail au même titre que le droit à la retraite, pourrait pallier un manque de main-d'oeuvre éventuel. On nous a signalé un cas particulier; les femmes à l'emploi d'une entreprise d'emballage sont obligées de prendre leur retraite à l'âge de 60 ans en vertu d'une règle convenue entre l'entreprise et le syndicat il y a déjà 40 ans. Elles se retirent avec une rente qui va de 100 $ à 140 $ par mois, ce qui est bien en dessous du seuil de pauvreté. Ces employées veulent, à juste titre, avoir le droit de prendre leur retraite à l'âge désiré et sans discrimination en fonction du sexe.

Je dois ouvrir une parenthèse; il est bien évident qu'il y a un pourcentage plus élevé de femmes que d'hommes qui bénéficieront de cette abolition de l'âge de la retraite obligatoire. L'exemple que je cite ici, on peut en retrouver plusieurs dans tout le Québec, d'employées féminines qui sont pénalisées et qui doivent se retirer à l'âge de 60 ans, alors que ceci s'applique rarement chez les hommes.

Parmi les arguments invoqués contre le projet de loi, on retrouve beaucoup d'inquiétude quant aux effets qu'il pourrait avoir sur le chômage des jeunes. Certaines personnes craignent de perdre le droit qu'elles ont acquis auprès de leur employeur de prendre leur retraite à un âge plus jeune. La grande majorité de ceux qui se sont exprimés contre l'abolition de la retraite obligatoire se sont montrés en faveur de la retraite facultative à compter de 60 ans ou même 65 ans. Cela nous permettrait de libérer, dit-on, des emplois. On nous suggère aussi de réduire le temps de travail à compter d'un certain âge, afin que la mise à la retraite se fasse graduellement. Enfin, certaines personnes croient que le gouvernement et les employeurs s'enrichiront de cette mesure. On verra tantôt que tel

n'est pas le cas. (10 h 15)

Voilà donc un bref bilan de cette opération que nous avons menée auprès du public. Avant de poursuivre, je tiens à rappeler que le projet de loi 15 s'inscrit dans une réforme beaucoup plus vaste que le gouvernement entend mener à bien dans le domaine de la retraite au Québec. Cette réforme devra répondre à des besoins très criants et qui nous ont été maintes fois signalés lors de consultations auprès de nos concitoyens âgés. Le projet de loi abolissant la retraite obligatoire en fonction de l'âge, ou du nombre d'années de service, doit donc être considéré comme le premier pas vers une réforme fondamentale de la retraite qui prendra appui sur de nombreuses études réalisées depuis quelques années à partir du rapport Cofirentes rendu public en 1977 jusqu'à la tournée de consultations du troisième âge que j'ai eu le plaisir d'effectuer en octobre 1980.

La logique conduisant à la rédaction de ce projet de loi est d'emblée très évidente. Je n'ai qu'à rapporter cette remarque d'un travailleur de Montréal âgé de 64 ans qui, justement au cours de cette tournée de consultations à l'automne 1980, nous disait tout simplement: Si un homme ou une femme à 65 ans est en bonne santé, pourquoi ne pas continuer à travailler? Pourquoi pas?

On a beau chercher, nous n'avons trouvé aucune base scientifique, sociale, médicale ou autre pour justifier qu'à 65 ans, il est dans l'intérêt d'une personne ou dans celui de la société qu'elle prenne sa retraite. Au contraire, plusieurs arguments militent en faveur du libre choix de l'âge de la retraite. En fait, on sait qu'il n'existe pas de loi qui oblige les travailleurs à prendre leur retraite à 65 ans. Toutefois, la très grande majorité des travailleurs sont soumis à un âge de retraite obligatoire, soit en vertu des dispositions d'un régime de rentes, soit en vertu d'une convention collective ou à cause d'une pratique de leur employeur. Même les gouvernements, à tous les paliers, contribuent à maintenir ces pratiques. Il s'agit là aussi d'une chose qui, sans être légale, est conventionnelle et, comme dans bien d'autres cas, cette convention, comme on le voit, a force de loi, puisque cela nous prend une loi pour modifier cette convention, cette pratique.

Voyons un peu à qui s'adresse ce projet de loi. 55% des travailleurs québécois ne participent pas à un régime supplémentaire de rentes, et par le fait même, ne sont soumis à aucune disposition concernant la retraite obligatoire, sauf cette pratique très généralisée, comme on vient de le voir tantôt, de remercier de ses services une personne qui atteint 65 ans et parfois 60 ans.

Pour les 45% de travailleurs qui contribuent à un régime de retraite supplémentaire, l'âge de la retraite obligatoire varie selon le secteur d'activité auquel ils appartiennent. Dans le secteur public, la règle est de 65 ans, tandis que dans le secteur privé, toutefois, un bon nombre, soit un peu plus de 50% des cotisants à un régime supplémentaire de rentes ne sont obligés de quitter leur emploi qu'à 70 ans. Donc, déjà, dans un bon nombre de régimes supplémentaires de rentes, on a reculé de 65 à 70 ans l'échéance pour la retraite.

La majorité des travailleurs québécois sera donc touchée par cette mesure. Mais combien se prévaudront de ce nouveau droit? Aux États-Unis, où une loi semblable interdit la retraite forcée jusqu'à 70 ans pour le secteur privé et sans aucune limite d'âge pour le secteur public - cette loi date de 1978 - on a pu constater que la décision de continuer ou pas au-delà de 65 ou 70 ans est conditionnée par les facteurs économiques. Donc, si la personne, en général, a une rente assez confortable à 65 ans ou 70 ans, la tendance générale, depuis au moins 15 ans, est de prendre cette rente et se retirer du marché du travail et même parfois de prendre une retraite anticipée, alors qu'au contraire - cette expérience américaine date de 1978 - lorsque le salaire ainsi que le régime de rentes public ou privé n'offrent pas de conditions tellement alléchantes, la personne est portée à continuer de travailler pendant un certain nombre d'années.

Les études réalisées au Canada prévoient que, par cette loi, la proportion des travailleurs âgés, de plus de 65 ans sur le marché du travail, pourrait augmenter de 2% à 4%. Or, 8% de la population âgée de plus de 65 ans participe déjà au marché du travail. Cette proportion serait donc portée à 10% ou 12% et s'échelonnerait par contre sur une période de plusieurs années. En chiffres absolus, ces 2% à 4% d'augmentation du nombre de personnes âgées qui voudraient continuer à travailler, cela donne quelque chose entre 1500 et 2000 personnes par année de plus. D'une part, c'est un chiffre théorique maximal, si vous voulez, qui découle de la transposition des expériences américaines et, d'autre part, de sondages qui ont été faits auprès d'entreprises ici au Canada.

Le projet de loi n'aura donc pas d'impact significatif sur l'accessibilité du marché du travail pour les jeunes. On peut même présumer qu'à moyen terme, lorsque nous aurons terminé notre réforme des régimes de rentes, en améliorant les revenus de retraite et en facilitant la retraite anticipée, comme nous entendons le faire, cet impact sera annulé. En d'autres termes, si autour de 1500 ou 2000 personnes, chaque année, lorsque cette nouvelle loi sera en vigueur, décidaient de continuer de travailler

au-delà de 65 ans, nous savons par contre que, lorsque les réformes auront été faites pour faciliter la retraite anticipée à un âge plus jeune, par exemple 60 ans dans un premier temps, surtout pour ceux et celles qui souffrent d'incapacité partielle ou de maladie professionnelle avec invalidité partielle, nous sommes convaincus que le nombre de ceux et celles qui prendraient une retraite anticipée à 60 ans annulerait le nombre de ceux et celles qui voudraient continuer à travailler au-delà de 65 ans. Alors, c'est pour cela que l'on dit, à court terme, en nombre, il s'agit d'une loi qui va toucher peu de personnes et, à moyen terme, il s'agit d'une première étape qui sera annulée par la deuxième étape, c'est-à-dire la retraite anticipée.

Mais, de toute manière, comment certains peuvent-ils se montrer contre ce projet de loi en invoquant l'argument qu'il pourrait réduire l'emploi des jeunes? Dans la même logique, ne pouvons-nous pas dénoncer le fait que chaque homme qui détient un emploi prend la place d'une femme ou vice versa, que chaque personne handicapée qui détient un emploi prend la place d'une personne non handicapée?

Essentiellement, donc, ce projet de loi en est un qui vise à abolir une discrimination. C'est d'abord et avant tout un projet de loi à portée sociale.

Voyons maintenant quel moyen nous proposons d'utiliser pour abolir la mise à la retraite obligatoire. Deux voies étaient possibles pour atteindre ce but. On aurait pu amender en conséquence la charte des droits de la personne ou encore, comme nous avons décidé de le faire, amender la Loi sur les normes minimales du travail en faisant de l'âge un motif illégal de mise à pied.

La Charte des droits et libertés de la personne, dans le domaine du travail, interdit entre autres la discrimination dans l'embauche, l'apprentissage, le déplacement, etc. Il est bien évident que la portée de la charte dans le cas qui nous concerne dépasse de beaucoup l'objectif visé qui est d'interdire la mise à pied en vertu de l'âge. Il apparaît que l'abolition de la retraite obligatoire est une mesure qui s'apparente beaucoup plus à une norme de travail, ce qui n'empêche pas évidemment de modifier la charte des droits de la personne pour rendre discriminatoire tout congédiement à cause de l'âge. En d'autres termes, nous pensons que, sur le plan fondamental, la charte des droits de la personne devra probablement être modifiée et on sait que le gouvernement a actuellement une commission parlementaire qui entend les représentations de différents groupes quant à des modifications à apporter à la charte des droits de la personne.

Quant aux recours offerts par ces deux véhicules, charte des droits et loi des normes minimales, il semble que ceux prévus par la

Loi sur les normes du travail soient plus adaptés au cas qui nous préoccupe. La charte des droits permet en effet un délai de deux ans pour porter plainte, alors qu'une plainte formulée par un employé au commissaire du travail doit être faite dans les trente jours. Il est difficile d'imaginer comment un employeur pourrait réintégrer un employé après deux ans suite à une recommandation que ferait la Commission des droits de la personne si on suivait ce médium.

La commission des droits, par le rapport d'enquête qu'elle fournit, joue un rôle de support important auprès de la personne qui se croit lésée dans ses droits. Il faut retenir toutefois que les recommandations de la commission ne sont pas exécutoires, alors que les recommandations d'un commissaire de travail le sont.

Notons aussi qu'aux États-Unis la loi interdisant la discrimination en fonction de l'âge au travail est sous la responsabilité, comme nous le proposons ici, du ministre du Travail.

Je voudrais me pencher maintenant sur quelques aspects particuliers du projet de loi où nous aimerions plus spécialement entendre l'opinion des participants à cette commission. D'abord les articles 4 et 5. Le premier prévoit qu'une personne désirant se prévaloir de son droit de continuer à travailler au-delà de l'âge normal aurait continué de cotiser à son régime de retraite de même que son employeur. L'article 5 prévoit que la rente de retraite de cette personne lui serait versée au moment où elle prendrait effectivement sa retraite. Ces deux articles sont appelés à être modifiés à la lumière des recommandations qui nous ont déjà été faites et qui nous seront faites, afin de prévoir un mode de revalorisation des rentes de retraite pour les employés qui continueront à travailler et à cotiser passé l'âge normal de la retraite.

L'objectif du gouvernement n'est évidemment pas de faire des économies sur le dos des travailleurs âgés, mais bien de leur permettre de prendre une retraite dans les meilleures conditions financières possible. D'autre part, nous ne rejetons pas la possibilité d'exclure certaines catégories d'employés de la portée de la loi. Cela pourrait s'avérer utile dans certains cas particuliers, comme, par exemple, les pompiers, les policiers, mais il est évident que si nous voulons garder le caractère fondamentalement antidiscriminatoire de cette loi, il faut que le nombre des exemptions soit réduit au strict minimum.

En terminant ces remarques, j'aimerais simplement signaler que rien ni personne n'est à l'abri du changement. La population du Québec, qui comptait, il y a à peine une trentaine d'années, un peu plus de 200 000 personnes âgées de 65 ans et plus, en

compte aujourd'hui au-delà de 540 000, soit plus de 8,4% de la population totale du Québec. Nous prévoyons qu'en l'an 2000, et ce n'est pas loin, c'est environ dans une vingtaine d'années, ce pourcentage des personnes âgées atteindra 10% pour se situer autour de 880 000.

Nous devons donc faire face à une nouvelle réalité et ne pas adapter les lois, les services ou les règlements serait courir à la perte de notre société. Personnellement, je suis persuadé que la mise au rancart forcée de travailleurs ou de travailleuses jouissant de la plus grande expérience constitue une sérieuse perte en capital humain pour notre économie, d'autant plus qu'en raison de la diminution de la natalité au cours des vingt dernières années, l'arrivée de main-d'oeuvre jeune sur le marché du travail se fera de plus en plus rare dans un avenir assez rapproché.

Mais, au-delà de ces considérations économiques, le projet de loi 15 mettra un terme à une pratique foncièrement discriminatoire et injuste qui s'est implantée dans notre société. La population n'admet plus cette forme de discrimination. Un sondage publié en février dernier dans la plupart de nos quotidiens indiquait que l'opinion publique avait évolué au cours des quinze dernières années sur ce sujet. Ainsi au Canada, toujours selon des sondages Gallup, en 1967, seulement 47% de la population était en faveur de l'abolition de la retraite obligatoire et ce pourcentage, en 1980, passait à 62% ou, en d'autres termes, 62% de la population estimait qu'il fallait laisser le libre choix de l'âge de la retraite.

Une autre enquête, menée cette fois auprès des employeurs par le Conference Board du Canada, indiquait que ceux-ci en majorité estimaient que la suppression de la retraite automatique à un certain âge ou après un certain nombre d'années de service n'aurait que peu ou pas de conséquence sur l'efficacité et la rentabilité de leur entreprise. La plupart des 232 employeurs sondés par le Conference Board ont déclaré ne pas craindre que la suppression de la retraite obligatoire ne cause de sérieuses difficultés pour la gestion du personnel. Ils estiment également que les employés âgés sont tout aussi fiables et efficaces que les plus jeunes. (10 h 30)

En fait, le taux d'absentéisme est pas mal moins élevé chez les personnes âgées de plus de 65 ans que chez les autres. En fait, ces employeurs ont répondu majoritairement que la plupart des programmes sociaux comme l'assurance-maladie, les assurances complémentaires, l'assurance pour soins dentaires, etc. pourraient être maintenus. Pourquoi donc maintenir une pratique qui, selon l'American Medical Association, est souvent cause de maladies physiques et psychiques voire de mort prématurée?

Selon la Fédération de l'âge d'or du Québec, la situation d'inactivité qui résulte en outre de la perte d'emploi "a une action néfaste sur le moral et sur la condition physique de l'individu qui voit s'en aller en pure perte ses énergies, ses talents, son expérience et son prestige". Dans une société où la productivité est devenue un des critères les plus importants d'existence, toujours selon la FADOQ, la personne âgée perd son statut social au sein de sa communauté.

Dans un mémoire qu'elle adressait au gouvernement du Québec, en novembre 1980, la FADOQ constatait qu'un autre élément qui change considérablement la vie d'une personne âgée, c'est la baisse constante de son revenu. D'ailleurs, il est douloureux de constater qu'environ 50% des personnes âgées vivent soit en dessous ou juste autour du seuil de la pauvreté. Un autre organisme représentant les intérêts de nos aînés, l'Association québécoise pour la défense des droits des retraités et préretraités, en décembre 1980, se disait d'accord avec le principe du projet de loi. L'organisme précisait qu'il ne doit évidemment pas s'agir de remettre en question le principe du droit à la retraite, mais de permettre à chacun de choisir d'y accéder sans être pénalisé.

Les organismes syndicaux se sont également prononcés. En octobre 1978, dans un mémoire préparé pour le Sénat canadien, la C5N se disait également pour l'abolition de la retraite forcée. La CSN estimait que le problème le plus frappant était sans doute la faiblesse des ressources financières des personnes âgées. "La réalité brutale, c'est que trop souvent les gens se retrouvent à la retraite dans la pauvreté ou encore avec une telle baisse de leurs revenus qu'il ne leur reste plus qu'à regarder passer le temps. L'espoir de la retraite heureuse est trop souvent déçu."

Pour sa part, lors d'un colloque qu'elle tenait à la fin de mai dernier, la Fédération des travailleurs du Québec s'était penchée sur les problèmes de la retraite. Selon son président, cette centrale est d'accord avec le principe énoncé dans le projet de loi 15. Je dois dire que, lors de ce colloque, 54% des participants se sont déclarés contre le projet de loi 15. Toutefois, la plupart d'entre eux fondaient leur appréhension sur la crainte que ce projet de loi allait à l'encontre de certains privilèges que plusieurs syndiqués avaient obtenus depuis quelques années, à savoir le droit à une retraite anticipée. Ce colloque de la FTQ, comme beaucoup des mémoires qui nous seront présentés dans les jours qui viennent, a démontré un certain malentendu qui consiste à croire que permettre à une personne âgée de continuer à travailler au-delà de 65 ans va avoir des répercussions néfastes, négatives sur ces

nouvelles ententes qu'on voit depuis quelques années dans les conventions collectives, qui permettent aux travailleurs et aux travailleuses d'avoir une retraite anticipée.

J'espère que les délibérations de notre commission vont permettre de dissiper une fois pour toutes ce malentendu. Je veux rassurer tous ceux qui entretiennent encore cette crainte, car c'est bien le contraire que nous souhaitons et rien dans le libellé du projet de loi ne réduirait le droit de prendre sa retraite à 60 ans ou même à 55 ans. Comme nous l'avons déjà annoncé, le gouvernement soumettra, dès qu'il sera en mesure de le faire, un projet de loi qui va faciliter l'accès à la retraite anticipée pour ceux et celles qui le désirent et, en tout premier lieu, pour ceux et celles qui ont travaillé dans les secteurs où les risques d'accidents ou de maladies professionnelles sont les plus marqués.

Notre projet de loi répond donc aux attentes de la population. Les réactions que nous avons entendues depuis son dépôt le 25 mai dernier sont, en général, favorables. Nous sommes également très fiers d'être les premiers au Canada à légiférer en ce sens. Je suis persuadé que d'autres gouvernements emboîteront le pas et rétabliront, eux aussi, ce droit individuel élémentaire que tout citoyen devrait avoir, celui de pouvoir choisir librement le moment de se retirer. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. Madame la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je vais commencer un peu par ce qu'on appelle dans le contexte une boutade. Je suis heureuse de voir tout à coup la fierté canadienne de notre ministre d'État au développement social.

M. Lazure: Fierté québécoise d'être les premiers au Canada.

Mme Lavoie-Roux: Plus sérieusement, je ne voudrais pas ici reprendre les éléments que j'ai soulevés au moment du discours de deuxième lecture. Je les reprendrai très brièvement tout à l'heure.

Je voudrais d'abord dire combien, comme Opposition officielle, nous sommes heureux de voir que le gouvernement a finalement consenti à entendre des mémoires sur la loi 15. Nous avions été convoqués -cela devait peut-être être un peu plus tôt -pour étudier le projet de loi article par article, sans entendre de mémoires ou la population s'exprimer là-dessus. Sans doute, le ministre a par la suite demandé qu'on écrive des lettres, etc. Je pense que cela vaut beaucoup mieux que ceci se fasse en public. À cet égard, le ministre nous a fait le résumé des lettres ou des mémoires personnels qu'il a reçus. Je lui demanderais, s'il y en a de plus significatifs, s'il nous les remettrait.

Nous avions exprimé au moment de la deuxième lecture notre accord avec le principe de l'abolition de l'âge de la retraite. Nous avons voté en faveur du principe du projet de loi, parce qu'il nous semblait que, rendu à 65 ans, la liberté de choix que possédaient les personnes âgées était passablement diminuée en fonction du choix de prendre sa retraite ou de ne pas la prendre. De plus, il nous apparaissait qu'on traitait d'une façon absolument similaire des individus dont les circonstances de vie, de santé, de motivation ou autres pouvaient être fort différentes. À ce moment, on avait un modèle uniforme pour tous et chacun qui respectait très peu les désirs, les aspirations et les besoins de chacun.

Je voudrais simplement, par contre, mettre en garde - particulièrement les personnes âgées en sont fort conscientes - la population contre le fait que l'abolition de l'âge de la retraite va être une panacée aux problèmes des personnes du troisième âge. Je ne pense pas que le ministre ait prétendu cela non plus. Ces lois qui sont adoptées et que l'on publicise avec beaucoup de fanfare créent parfois l'impression que c'est une solution à des problèmes. C'est une correction à une discrimination qui, à notre point de vue, n'est plus acceptable, mais c'est loin de corriger les problèmes auxquels les personnes qui doivent prendre leur retraite ou qui même n'ont pas le loisir de prendre leur retraite parce qu'elles n'ont jamais travaillé font face quand elles deviennent admissibles à la sécurité prévue pour les personnes âgées, soit la pension de vieillesse ou les rentes du Québec, dans certains cas, ou le supplément de revenu garanti. Les rentes du Québec, il faut bien se le dire, la majorité des femmes n'y ont pas accès, comme d'ailleurs le Régime de pensions du Canada, elles sont très faibles et ne permettent pas aux personnes âgées qui arrivent à 65 ans de vivre dans des conditions décentes pour la grande majorité d'entre elles.

À cet égard, le ministre a dit, dans son discours ou dans ses notes d'introduction, qu'il voulait augmenter les régimes de rentes. J'aimerais qu'il nous donne des explications tout à l'heure sur la façon dont il entend procéder - je fais allusion au haut de la page 5. Quand vous en parlez, vous prévoyez un projet de loi pour les retraites anticipées, et également une augmentation des régimes de retraite. Il faut bien signaler à cet égard que le Québec, à ce moment-ci, ne détient pas un record de fierté. Quand on examine le revenu, tel qu'il a été publié dans le rapport du Conseil national du bien-être social sur la femme, en octobre 1979,

et qu'on fait une étude sur l'écart entre le revenu minimum garanti des personnes âgées et le seuil de pauvreté dans toutes les capitales provinciales, c'est le Québec qui détient le record, du plus grand écart entre le revenu minimum garanti des personnes âgées et le seuil de pauvreté. Il vient même derrière les Maritimes, dont le Nouveau-Brunswick.

Il faut bien réaliser que, dans les autres provinces, les gouvernements ont accepté ou ont choisi de verser un supplément de revenu en plus de ce que les personnes du troisième âge recevaient du gouvernement fédéral ou des régimes de rentes. C'est le cas, par exemple, de la Colombie britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse qui ont adopté cette approche. Il y a d'autres provinces, le Québec qui ont accepté d'accorder un supplément par le truchement de l'allocation-logement, c'est-à-dire en versant une prestation qui comble un part de l'écart existant entre le loyer payé et... Cela se fait en Colombie britannique, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et au Québec.

Mais le résultat net de tout cela -peut-être que c'est un peu triste de le rappeler, mais il ne faut jamais le perdre de vue, le ministre sera certainement d'accord là-dessus - c'est que la très grande majorité de nos personnes âgées vivent en bas du seuil de pauvreté au Québec et plus particulièrement les femmes. Elles sont en plus grand nombre et la plupart n'ont jamais participé au Régime de rentes du Québec. Surtout si elles sont seules, elles doivent se tirer d'affaires avec la pension de vieillesse et le supplément de revenu garanti pour les personnes âgées qui sont également versés par le gouvernement fédéral.

Je ne m'attarderai pas là-dessus plus longtemps. Je vais simplement signaler que l'abolition de l'âge de la retraite élimine une discrimination contre laquelle la société s'élève de plus en plus. Les statistiques que le ministre a données sont tout à fait exactes. Mais il ne faut pas oublier que cela corrigera peu de choses, si on ne s'attaque pas à la racine même du problème, soit de prévoir, pour les personnes à leur retraite, des revenus un peu plus élevés que ceux qu'elles ont présentement.

D'ailleurs, mes collègues ont soulevé ce point lors du discours de deuxième lecture. Nous parlons de part et d'autre de l'abolition de l'âge de la retraite dans le sens d'accorder une plus grande liberté aux personnes âgées. En fait, s'agit-il d'un choix fictif ou d'un choix véritable - on le retrouve dans les notes du ministre - quand c'est souvent pour des raisons économiques que les personnes vont choisir de continuer de travailler après 65 ans pour suppléer à des revenus trop faibles?

Des difficultés sont soulevées dans un grand nombre de mémoires. Peut-être que le ministre, au fur et à mesure, nous apportera des données plus précises que celles qu'il nous avait apportées en deuxième lecture. J'avais, à ce moment-là, demandé qu'on dépose les études actuarielles, et des données qu'on aurait sur le déséquilibre que cela pourrait apporter dans l'emploi, particulièrement chez les jeunes. Quoique je ne souscrive pas à cet avancé dans le sens que, si on retarde l'âge de la retraite ou qu'on le rend flexible, les jeunes vont se trouver pénalisés, mais il reste que c'est une difficulté souvent soulevée par les adversaires de l'abolition de l'âge de la retraite. Si on avait des données un peu plus précises - vous avez tenté d'en donner quelques-unes, M. le ministre - comme celles des États-Unis, où cela s'est fait, on rassurerait peut-être la population. (10 h 45)

Pour ma part, l'élément fondamental -je l'avais déjà souligné - c'est le fait que les personnes qui entrent sur le marché du travail n'occupent pas, ou très peu souvent, les emplois qui seront occupés par les personnes de 65 ans et plus. L'argument qui m'apparaît le plus fondamental, c'est: Pourquoi le droit au travail - je pense même que la Commission des droits de la personne recommandait d'inclure dans la Charte des droits et libertés, en commission la semaine dernière, le droit au travail; ne serait-il réservé qu'aux jeunes et ne serait pas réservé aux personnes plus âgées qui ont aussi les capacités, la motivation et le désir de travailler, les aptitudes, etc.? Je pense qu'il y a là une sorte de discrimination qui s'est inscrite dans nos moeurs sans qu'on le veuille, mais qui m'apparaît tout à fait condamnable.

Sur ce point, puisque j'ai abordé la question de la Charte des droits et libertés de la personne, je sais que le gouvernement a choisi de l'inclure dans la loi sur les conditions minimales de travail ou des normes minimales de travail, et cela relèverait de la Commission des normes du travail. Je pense que l'argument qu'il utilise, à savoir que cela sera plus efficace que la Charte des droits et libertés de la personne où il y a des attentes - on nous a parlé d'attente de six ans la semaine dernière - de deux ans au moins, ce sera peut être plus efficace de passer par la Commission des normes du travail, mais j'espère que ceci n'exclut pas la possibilité d'inscrire l'âge comme motif de discrimination dans la Charte des droits et libertés de la personne. Il n'y a pas d'inconvénient à ce que ce soit rappelé à deux endroits; au contraire, je pense que cela sensibilisera davantage les gens. Justement, la Charte des droits et libertés de la personne a surtout pour but de sensibiliser et d'éduquer la population aux

facteurs possibles de discrimination.

J'avais également soulevé en deuxième lecture les problèmes qui surviendraient dans la gestion du personnel, quant aux critères d'évaluation du rendement du personnel. À 65 ans, c'était automatique dans la plupart des cas, les gens prenaient leur retraite, mais si l'âge de la retraite devient plus flexible, il surviendra sûrement des problèmes d'évaluation. Est-ce qu'il n'y aura pas de possibilité pour l'employeur, ou à peu près pas, de dire qu'un membre de son personnel - pas nécessairement parce qu'il a atteint 65 ans, il peut avoir atteint 69, 70, 71 ans, ou un âge plus avancé - n'est plus capable ou a de la difficulté à remplir un emploi qu'il avait jusqu'à ce moment-là? Ce problème est soulevé dans certains mémoires et il devra être repris, parce que l'on pourrait nuire à l'objectif que l'on veut atteindre si on entrait dans des batailles ou des difficultés de cet ordre où, finalement, l'employeur n'aurait plus, à toutes fins utiles aucun recours pour se protéger.

Les autres problèmes concernent la gestion administrative, des problèmes d'ordre actuariel; il y a, par exemple, des problèmes de jonction à établir entre les 4983 régimes de retraite déjà enregistrés et dont plusieurs prévoyaient déjà la retraite différée, mais avec des formules différentes de celle que prévoit la loi 15. On prévoyait des retraites différées auxquelles l'employeur et l'employé continuaient de participer pour augmenter les montants de retraite qui seraient versés aux individus lorsqu'ils quitteraient le marché du travail.

Le gouvernement semble, d'après les explications que le ministre vient de nous donner, prévoir une amélioration de la valeur de la rente. Ce n'est pas encore très clair, comment se font ces calculs; pour le gouvernement, c'est peut-être plus simple, mais je pense qu'il faut tenir compte des différents régimes de retraite supplémentaires qui existent dans les entreprises et partout ailleurs. Je ne crois pas que ce soit uniforme d'un endroit à l'autre. Il se pose là des problèmes d'administration qu'on ne saurait rejeter du revers de la main en disant que c'est uniquement une question de bonne volonté. Je pense que ce qui est remarquable, c'est que tous les mémoires qui sont devant nous, à l'exception peut-être d'un qui est un mémoire individuel, si je ne m'abuse - il nous en est arrivé encore quelques autres ce matin, mais en tout cas dans ceux que j'ai vus, ce qui est la grande majorité - tout le monde est d'accord avec le principe de l'abolition de l'âge de la retraite. Il y a des problèmes d'ordre administratif, de concordance avec les conventions collectives, quant à l'assurance-salaire, à l'invalidité, aux droits acquis par les conventions collectives de pouvoir prendre des retraites anticipées; il y a beaucoup de modalités qui varient d'une convention collective à l'autre et qui varient aussi quant aux bénéfices que les retraités peuvent obtenir au moment de l'âge de la retraite.

C'est dans ce sens-là que nous avions fait une recommandation au ministre, ou du moins nous avions soulevé la possibilité de l'étendre sur une période, enfin là-dessus on n'avait pas de normes précises, parce que je pense que nous n'avions pas les données pour le faire avec une précision absolue. Est-ce que cela serait de procéder par étapes, par exemple, de commencer sur une période d'un an, trois ans et, après trois ans, si toutes les difficultés possibles ont été aplanies et si on a vraiment été en mesure de voir quels sont les problèmes à solutionner et que ceci s'est réglé, cela pourrait être une période de trois ans, comme cela pourrait être une période de cinq ans? Il n'est certainement pas dans notre intention de l'étendre sur une période de temps indéfini qui, finalement, serait une façon un peu détournée de dire qu'on est pour l'abolition de la retraite, mais plus ou moins.

J'aimerais quand même que le gouvernement, s'il a des données précises, s'il peut nous assurer que, par exemple, les compagnies d'assurances qui nous ont dit qu'elles étaient prêtes et que, pour elles, c'est une question de temps de se mettre à jour... Également, je ne sais pas si c'est l'association des actuaires qui a un mémoire, qui a parlé un peu dans le même sens. Je pense qu'il ne faut pas voir chez ces citoyens, qui viennent devant nous, uniquement un effort de contrer une législation avec laquelle ils se disent d'accord au point de départ.

M. le Président, je ne veux pas prolonger mes remarques. Je pense que les gens sont ici pour se faire entendre et ils soulèvent eux-mêmes la majorité des problèmes que j'ai soulevés et qui ont été soulevés en deuxième lecture. Je veux assurer le ministre de ma collaboration ainsi que de celle de mes collègues et remercier d'une façon particulière tous les gens qui se sont déplacés pour venir présenter leur point de vue sur cette question de l'abolition de l'âge de la retraite.

Je suis certaine que, sur un sujet comme celui-là, qui fait au point de départ un consensus sur le principe, qui pose certains problèmes, certaines difficultés sur les modalités de l'application de la loi, on devrait, avec de la bonne volonté de part et d'autre, arriver dans les délais les plus rapides possible, et là je parle de l'Assemblée nationale et des autres étapes qui doivent suivre, à mettre en place une législation qui, je pense, satisfait aux besoins et aux désirs de la population. Je suis certaine que le ministre saura montrer la souplesse nécessaire, il l'a déjà montré dans

le passé sur d'autres projets de loi et qu'il ne s'entêtera pas sur... Il nous avait dit, dans sa réplique en troisième lecture, qu'il n'est pas question de retarder, ceci s'appliquera automatiquement au moment de l'adoption ou de la sanction de la loi. Maintenant, il y a une façon de procéder, on peut tellement retarder la sanction de la loi que cela équivaudrait à un délai moins officiel, mais qui n'en serait pas moins un délai. Je pense que, pour la confiance du public, c'est peut-être mieux de procéder avec eux selon les recommandations qu'ils font.

Si le ministre a réponse à toutes les questions que nos invités feront valoir, peut-être qu'il n'y a pas de problèmes, que c'est un problème imaginaire ou appréhendé, à ce moment-là, on sera heureux de procéder immédiatement. Il faut bien se rappeler que, si on veut que toute la population participe, parce que c'est dans le milieu du travail que les gens seront appelés à participer, à ne pas créer de difficultés, à ne pas multiplier les embûches pour le citoyen ou le travailleur qui se retrouve seul dans son milieu de travail finalement et qui, à un moment donné, a 65 ans, si on veut lui faciliter la tâche, il faut obtenir la collaboration de tout le monde et particulièrement des employeurs qui ont à négocier tous ces régimes de retraite. Alors, je vous remercie, M. le Président, et nous sommes prêts pour notre part à entendre les mémoires.

Le Président (M. Boucher): Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Denis Lazure

M. Lazure: Oui, M. le Président, juste quelques brefs commentaires. Je remercie la députée de L'Acadie et les collègues de l'Opposition pour leur esprit de collaboration. Je veux réagir rapidement à deux ou trois points en commençant par la fin. Lorsque le gouvernement américain a adopté sa loi en 1978, il a prévu que la loi s'appliquait immédiatement mais que, d'autre part, les changements qui devaient être apportés aux nombreuses conventions collectives et aux nombreux régimes de retraite se feraient au cours d'une période de trois ans. Sans nous engager de façon définitive, ça me paraît un délai raisonnable. En d'autres termes, je pense qu'il est important que la discrimination quant à l'âge disparaisse aussitôt la loi promulguée, mais qu'on laisse le jeu des négociations se faire et que les modalités d'ajustement de chaque régime supplémentaire de rentes - il y en a presque 5000 au Québec - se fassent, soit à l'occasion de la prochaine convention, lorsqu'il y a convention de travail, soit encore dans un délai maximal de trois ans. C'est une approche qui semble très intéressante de prime abord et dont nous aurons l'occasion de discuter durant les jours qui viennent.

Deuxièmement, on nous dit: Faites cet étalage de l'âge maximal de la retraite par tranches, une année à la fois. Le rapport du Sénat canadien avait proposé ça. Remarquez que lorsqu'on élimine l'âge obligatoire, qui est 65 ans actuellement, au cours de la première année, il y a une tranche qui va profiter de cette nouvelle possibilité. La deuxième année, ceux qui à 65 ans ont décidé de continuer auront 66 ans et pourront continuer.

En somme, quand on examine de près les répercussions des deux approches, ça revient pas mal au même. Il est bien sûr qu'à partir du moment où un employeur ne peut plus invoquer l'âge pour une mise à pied, il est clair que les évaluations du personnel devront être drôlement plus rigoureuses qu'elles ne l'ont été, que ce soit dans les secteurs public et parapublic ou dans le secteur privé. Bien souvent l'employeur, vis-à-vis d'un employé d'un certain âge, se donne plus ou moins la peine de faire une évaluation sérieuse du rendement du travail et escompte qu'à 65 ans, le jour de l'anniversaire va venir régler son problème, en ce sens que la personne devra automatiquement partir. Il est évident que les méthodes d'évaluation du personnel devront être raffinées, qu'on devra les faire avec beaucoup plus de rigueur qu'autrefois.

Finalement, M. le Président, deux mots sur le Régime de rentes du Québec. Il est bien clair que la cotisation actuelle bipartite, bilatérale, 1,8% employeur, 1,8% employé, sur toute cotisation qui remonte à 1965-1966 - doit être modifiée. D'autre part, ce n'est certainement pas le temps ou l'endroit pour sortir un chiffre; il est clair que le taux devra être modifié à la hausse. C'est pour ça, je le répète encore une fois, que ce projet de loi qui abolit l'âge obligatoire de la retraite n'est qu'une première étape vers toute une série de changements que nous devrons apporter aux différents régimes de rentes, y compris au régime de rentes public du Québec. (11 heures)

C'est vrai que certaines provinces ajoutent un supplément de pension aux personnes âgées de 65 ans et plus. Nous, nous préférons ajouter des services, que ce soit l'allocation de logement que nous nous sommes engagés à étendre éventuellement aux 55 ans et plus, que ce soit par la gratuité des transports ambulanciers ou des médicaments, il y a différentes façons de soulager le fardeau financier des personnes âgées; une façon, c'est par la dispensation de chèques de pension de vieillesse et une autre, c'est aussi par la gratuité de certains services.

Alors, M. le Président, nous abordons la

commission avec beaucoup d'ouverture d'esprit, comme le notait la députée de L'Acadie, et je suis convaincu que toutes ces discussions auront pour effet de bonifier ce projet de loi qui sera évidemment rédigé de nouveau, lorsque les travaux de la commission seront terminés.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais simplement demander au ministre combien il y a d'États aux Etats-Unis - je n'ai pas la donnée - qui ont mis en application le principe général de l'abolition de l'âge de la retraite.

M. Lazure: Tous les États.

Mme Lavoie-Roux: Tous les États?

M. Lazure: Tous les États.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez des données? Cela fait combien d'années?

M. Lazure: La loi a été adoptée en 1978.

Mme Lavoie-Roux: Cela ne fait pas très longtemps. Est-ce qu'il y a quand même des données pour les différents États?

M. Lazure: Non. Nous n'avons pas de données État par État, nous avons essayé d'en avoir, mais il n'y en a pas actuellement de disponibles. Les données que nous avons sont partielles, elles viennent du gouvernement fédéral,' de Washington, et touchent un peu la fonction publique, certains secteurs privés aussi. Dans leur projet de loi, ils avaient prévu l'obligation qu'a le gouvernement fédéral de produire des recherches sur les répercussions de cette loi, mais ces recherches ne sont pas encore produites, malheureusement. Une des raisons, c'est justement que, là-bas, on a laissé aux parties, employeurs et employés, le temps de s'entendre sur les ajustements à faire aux différents régimes supplémentaires de retraite, c'est ce que j'expliquais tantôt, et dans certains cas, la durée maximale était de trois ans, dans d'autres, cela vient à peine de se faire. Alors, il n'y a pas de données systématiques, ni pour l'ensemble du pays, ni État par État.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que le ministre a des données actuarielles qui ont été faites ailleurs, à savoir quelle influence cette modification a sur les données actuarielles? Est-ce que le problème est aussi compliqué que les gens...

M. Lazure: La réponse est non. Il n'y a pas de données actuarielles, parce qu'on ne peut, à l'avance, présumer comment...

Mme Lavoie-Roux: Non, mais par rapport aux États-Unis?

M. Lazure: Par rapport aux États-Unis, non. Tout ce que nous savons, essentiellement, dans les données parcellaires que nous avons eues de la part des fonctionnaires du ministère du Travail, aux États-Unis, ceux qui administrent cette loi, c'est que, selon ces données fragmentaires, ça ne touche pas un grand nombre de personnes. Il ne faut pas oublier que, dans la fonction publique américaine, on avait déjà, depuis 1967, augmenté l'âge obligatoire de la retraite de 65 ans à 70 ans. Les fonctionnaires, depuis déjà plusieurs années aux États-Unis, pouvaient attendre jusqu'à 70 ans pour être obligés de se retirer. Aujourd'hui, il n'y a aucune limite, alors qu'elle a été portée à 70 ans dans le secteur privé.

Il n'y a pas eu de répercussions importantes, si on parle du nombre de personnes âgées qui ont continué à travailler. Ce qu'on a constaté, c'est que là où les personnes continuaient à travailler, c'était surtout parce que si elles arrêtaient, leur revenu de retraite aurait été insuffisant. Donc, c'est surtout chez les personnes ayant un bas salaire ou un mauvais régime supplémentaire de rentes.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question, M. le Président. Est-ce que la Régie des rentes du Québec, - parce que là, ça touche quand même le gouvernement - a fait des projections sur les coûts? Est-ce que le gouvernement a fait des projections sur le nombre de personnes qui pourraient être touchées dans la fonction publique et parapublique? Avant de se lancer dans un projet de loi, j'ai l'impression que ce qui touche particulièrement le gouvernement -laissons de côté l'entreprise privée - a dû être examiné.

M. Lazure: M. le Président, il n'y a pas de répercussions sur les coûts, même avec une valorisation de la rente. Autrement dit, si la personne arrivée à 65 ans, au lieu de prendre sa retraite comme c'est le cas actuellement, décide de continuer à travailler trois ans, jusqu'à 68 ans à supposer qu'en se retirant à 65 ans elle retire une rente - je donne un chiffre arbitraire - de 10 000 $ par année, à partir de 65 ans jusqu'à sa mort - de façon actuarielle, à partir de 65 ans, l'espérance de vie est à peu près de douze ou treize ans - donc, pendant douze ou treize ans, elle recevrait ses 10 000 $ par année. Si la personne travaille trois ans de plus, elle va donc retirer sa pension trois

ans de moins. C'est pour cela qu'on parle d'une valorisation de la rente en escomptant que, durant la période d'espérance de vie qui serait de neuf ans au lieu de douze ans, la personne recevrait un peu plus chaque année pour arriver au même total, le total de 10 000 $ multiplié par douze. Il n'y a pas véritablement de coût pour la rente elle-même. Pour les bénéfices marginaux, pour les avantages sociaux, il peut y avoir un certain coût à ce moment, mais la règle que nous préconisons, toujours dans l'optique d'une non-discrimination, c'est que la règle du jeu pour les avantages sociaux s'applique tout autant à l'employé de 66 ans qu'à l'employé de 46 ans. C'est par le jeu des négociations qu'employeurs et employés pourront s'entendre sur l'inclusion d'avantages sociaux.

Mme Lavoie-Roux: Le ministre avait dit lors de son discours en troisième lecture que les gens pourraient avoir le choix soit de retirer leur rente du Québec à 65 ans ou soit de la laisser se valoriser, si je peux utiliser l'expression, en continuant de verser, eux-mêmes et l'employeur, au fonds de la Régie des rentes du Québec. Est-ce que les deux options sont encore ouvertes?

M. Lazure: Oui. C'est pour cela que j'ai dit dans mes remarques que nous allons modifier les articles 4 et 5 qui, à toutes fins utiles, étaient des articles transitoires. Ce que nous entendons faire, c'est laisser le choix à la personne ou bien de tout retirer à 65 ans en continuant de travailler et en ne cotisant pas - ce sera possible - ou de continuer, donc à cotiser et d'obtenir de cette façon une rente différée qui aura une certaine valorisation. La valorisation exacte, nous ne la connaissons pas encore; il faudra écouter tous les points de vue durant ces journées de commission parlementaire. Il est clair qu'en toute équité comme je l'expliquais tantôt, à la personne qui continue à travailler jusqu'à 68 ans on ne peut pas donner exactement la même pension mensuelle que si elle avait arrêté à 65 ans, puisqu'elle va toucher la pension trois ans de moins. Donc, il faut qu'il y ait une certaine valorisation.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci. L'ordre du jour comporte neuf groupes que je vais énumérer dans l'ordre: d'abord, la Fédération de l'âge d'or du Québec, l'Association de bienfaisance et de retraite des policiers de la Communauté urbaine de Montréal, le Comité assurances et pensions, l'Université de Montréal, le Syndicat des professeurs de l'Université de Montréal, l'Association des policiers provinciaux du Québec, le Canadien Pacifique, le Centre de services sociaux Ville-Marie, enfin, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec.

Je dois rappeler tout simplement qu'autant que faire se peut, compte tenu des groupes qui sont ici, nous allons essayer de maintenir la coutume lors de la présentation des mémoires, qui comporte quand même une période d'une heure par mémoire, dont vingt minutes pour la présentation et quarante minutes pour les questions.

J'appelle donc immédiatement la Fédération de l'âge d'or du Québec, représentée par Mme Gertrude Boily, porte-parole. Si vous voulez prendre place au centre.

Mémoires Fédération de l'âge d'or du Québec

Mme Boily (Gertrude): M. le Président de la commission, M. le ministre Lazure, MM. les députés, mesdames et messieurs, je vous dis à tous et chacun bonjour. Permettez-moi de me présenter, Mme Gertrude Boily, présidente d'un club de l'âge d'or regroupant au-delà de 600 membres, trésorière du Conseil régional de l'âge d'or Saguenay-Lac-Saint-Jean, représentante au conseil d'administration de la Fédération de l'âge d'or du Québec; à gauche, M. Roger Duhamel, vice-président des publications FADOQ, collaborateur et bénévole à la Fédération de l'âge d'or du Québec; à ma droite, M. Jean-Louis Marchand, directeur du service au développement de la fédération et enfin, à ma gauche, Mme Rita Cambron, agent au développement de la fédération.

Il me fait plaisir de faire la lecture du mémoire de la Fédération de l'âge d'or du Québec. Je m'en réjouis d'autant plus que M. le ministre Lazure a touché beaucoup au contenu de notre mémoire. Cela veut dire qu'il semble bon.

La Fédération de l'âge d'or du Québec regroupe près de 150 000 citoyens québécois retraités à travers ses 950 clubs regroupés en 16 conseils régionaux. Elle est donc la plus importante organisation du troisième âge et, à ce titre, elle s'intéresse, depuis sa fondation, aux problèmes liés de près ou de loin à la mise à la retraite d'un nombre ou d'un pourcentage toujours plus grand de nos concitoyens.

Le fait de recruter nos membres parmi les personnes de 55 ans et plus rend notre expérience particulièrement pertinente pour nous prononcer sur la question de l'abolition de la retraite obligatoire à 65 ans. Déjà, en 1980, notre congrès adoptait la résolution suivante: "Considérant le besoin de réduire au minimum les possibilités de discrimination fondée sur l'âge; "Considérant la prolongation de

l'espérance de vie bien au-delà de 65 ans; "Considérant qu'un grand nombre de personnes de 65 ans sont aptes à poursuivre avec succès une carrière ou un emploi où elles sont devenues" des autorités ou des compétences dans leur domaine; "Considérant que les énergies et les compétences de chacun sont précieuses et qu'on ne peut se payer le luxe de les gaspiller; "Considérant par ailleurs que certaines catégories de travailleurs ont plus de difficultés à poursuivre intégralement l'exercice de leur métier jusqu'à 65 ans; "La Fédération de l'âge d'or du Québec recommande: "Qu'il y ait plus de souplesse et de flexibilité quant à l'âge de la mise à la retraite; "Que le caractère obligatoire de la mise à la retraite à l'âge de 65 ans soit abandonné; "Que le travailleur qui connaît une défaillance de santé puisse être autorisé, à partir de 60 ans, à prendre une retraite calculée sur une base actuarielle; "Que, par ailleurs, le travailleur en pleine possession de ses moyens et qui le désire puisse continuer à travailler au-delà de 65 ans; (11 h 15) "Que les ententes entre les gouvernements, les entreprises, les syndicats, et les caisses de retraite publiques et privées interviennent au plus tôt en vue d'établir de nouvelles règles flexibles et souples de mise à la retraite qui respectent les droits et besoins des individus.

Nous ne pouvons donc que nous réjouir que le gouvernement du Québec s'apprête à corriger une injustice flagrante par son projet de loi 15. Il est plus que temps qu'une forme de discrimination aussi odieuse que la mise au rancart de personnes en raison de leur âge cesse.

Notre analyse de la situation. On sait que le Québécois qui prend sa retraite aujourd'hui possède encore une espérance de vie moyenne de 16 ans. Il est certes convenable de penser qu'une partie de ces années sera consacrée à une retraite méritée et choisie. Il apparaît, par ailleurs, évident que les forcer à passer autant d'années à l'écart du monde du travail dans lequel on a acquis progressivement compétence et savoir-faire heurte bon nombre de travailleurs. Pourquoi l'ouvrier, l'employé de bureau, le professionnel salarié serait-il condamné à la retraite obligatoire à 65 ans alors que l'entrepreneur, le commerçant n'y sont pas forcés, que sénateurs et évêques n'y sont contraints qu'à 75 ans?

Nous croyons fermement que l'âge biologique et physiologique est tout à fait relatif et que seul l'âge fonctionnel doit être considéré. Or, les recherches tentent à démontrer qu'il n'y a pas de différence notable de la motivation d'un travailleur selon qu'il soit plus ou moins vieux.

Ce que le travailleur âgé perd en rapidité il le compense par un meilleur jugement et une meilleure connaissance de la tâche à accomplir. On peut penser qu'en fin de compte cela s'équilibre. De même, l'analyse des statistiques de la Commission du travail du Québec, ventilées selon l'âge des travailleurs impliqués, montre bien que la fréquence proportionnelle des accidents et des maladies professionnelles diminue avec l'âge des travailleurs. Selon le Dr Léon Koyl, gériâtre de Toronto, seulement 10% des gens qui cessent de travailler à 65 ans ont perdu de leur compétence et ils demeurent tous encore capables de produire utilement.

Une étude du Conference Board of Canada arrive à la conclusion qu'il ne s'agit pas d'une question de santé ou de capacité de travail, mais bien d'une question qui concerne plutôt les droits de la personne: La question philosophique que nous devons nous poser est de savoir si la retraite obligatoire fait partie intégrante des conditions de l'emploi ou constitue, en fait, une violation des droits humains fondamentaux et devrait donc être interdite. Un préretraité caractérisait récemment cette situation avec raison, en disant qu'il s'agit d'une source d'aliénation, une dénégation de droit et un gaspillage éhonté de nos ressources humaines.

D'ailleurs, un sondage Gallup, réalisé au début de 1980, montre qu'un nombre de plus en plus grand de Canadiens estiment qu'obliger les gens à prendre leur retraite à 65 ans n'est pas une bonne idée. En 1966, seulement 47% des Canadiens étaient opposés à la retraite obligatoire contre 49% de gens favorables. En 1977, 52% des citoyens étaient contre la retraite obligatoire; ce pourcentage monte à 59% en 1980. De 1966 à 1980, le nombre de gens favorables à la retraite obligatoire à 65 ans a fondu de 49 à 35%. Le message est clair.

Dans les faits, nous savons par diverses études que l'abolition de la retraite obligatoire à 65 ans ne donnera pas lieu à des changements considérables, du moins pour les travailleurs actuels de 55 ans et plus. L'étude du Conference Board of Canada évalue à seulement 4% le nombre de ceux qui voudront conserver leur emploi actuel après 65 ans. D'autres recherches démontrent que les travailleurs de professions inférieures tendent à se retirer plus tôt que les employés des échelons supérieurs. À titre d'exemple, les ouvriers qui languissent à un travail ennuyeux et dénué de sens choisiront vraisemblablement la retraite avec une fréquence supérieure à celle des ouvriers satisfaits. Les véritables problèmes sont en vérité ailleurs: l'instabilité ou la perte d'emploi avant d'atteindre 65 ans, l'insécurité quant au revenu à la retraite et l'absence

d'adaptation du milieu de travail aux besoins du futur retraité. Voyons tour à tour chacun de ces problèmes.

L'instabilité ou la perte d'emploi avant d'atteindre 65 ans. L'industrie et les autres employeurs commencent à considérer un travailleur comme "âgé" à 45 ans, 20 ans avant qu'il atteigne l'âge actuel de la retraite obligatoire. C'est un fait reconnu qu'un employé licencié à 50 ans ou plus éprouve des difficultés quasi insurmontables à réintégrer le marché du travail, à cause des préjugés contre l'embauche d'employés d'un certain âge. Une étude de l'Organisation internationale du travail précise en outre que la durée moyenne de l'intervalle entre deux emplois, c'est-à-dire la durée du chômage, est quatre fois supérieure pour les travailleurs de plus de 45 ans à celle constatée pour ceux de moins de 20 ans. L'existence de législation interdisant la discrimination à l'égard de l'âge dans l'embauche ne semble pas avoir un impact suffisant; peut-être faudra-il un jour, par discrimination positive, exiger des entreprises de 500 travailleurs et plus qu'elles aient à leur service un certain pourcentage de travailleurs "âgés" ordinairement discriminés. Il est certain que la crise économique actuelle, qui entraîne nombre de licenciements dans tous les secteurs, s'accompagnera d'une difficulté supplémentaire en raison de la concurrence acharnée qu'elle crée pour les travailleurs de 45 ans et plus de se retrouver en emploi. b) L'insécurité quant au revenu à la retraite. Il est évident que la décision d'opter pour une retraite anticipée ou pour un maintien en emploi après 65 ans repose pour beaucoup sur la capacité de tout travailleur de s'assurer un revenu de retraite suffisant. Une recherche faite en 1976 pour le Conseil des sciences du Canada démontre qu'une pension constituée de 60% du salaire de fin d'emploi se réduirait à 26% en 10 ans, si elle était rongée par un taux d'inflation annuel de 8%. Comme nous le savons tous, le taux d'inflation se situe actuellement autour de 11% et des indices sérieux donnent à penser qu'il pourrait faire un saut important au cours des prochaines années. Or, si la législation permet et encourage la retraite anticipée, il est par ailleurs certain que l'âge à partir duquel un revenu de retraite continuera d'être versé se maintiendra, lui, à 65 ans. Or, seules les rentes publiques sont indexées et permettent aux retraités d'affronter l'inflation. La gestion actuelle des régimes privés de retraite offre un rendement souvent aléatoire; il y a donc lieu d'espérer qu'ils puissent être intégrés au régime public, si le gouvernement tient véritablement à rendre possible la retraite facultative anticipée. Signalons que de nombreux travailleurs "âgés" sont actuellement lourdement pénalisés lorsqu'ils perdent leur emploi avant d'atteindre 65 ans, parce que, en dépit de leurs 20, 25 ou 30 ans de service auprès d'un employeur, leur régime de retraite demeure non transférable ou non transformable en rente immédiate. Par ailleurs, dans les cas où ils peuvent jouir d'une rente immédiate souvent fort limitée, cette situation les prive de leur droit au soutien de l'assurance-chômage ou de l'aide sociale. c) L'absence d'adaptation du milieu de travail aux besoins du futur retraité. Un autre phénomène important est l'absence d'aménagement des milieux de travail, ce que le gériatre Jacques Carette appelle une "politique d'emploi du troisième âge": "Il faudrait d'abord aménager les postes de travail, à mesure que les titulaires vieillissent, l'avance en âge n'étant pas seulement un déclin possible, inévitable, mais pouvant être aussi une croissance continue, un épanouissement progressif. Il faudrait aussi favoriser une mobilité de poste à poste, notamment par des mesures de formation professionnelle, en ne réservant pas les avantages de cette dernière aux seules classes d'âge plus jeunes. "Cette remise en question des postes de travail, des cadences, des horaires, de leur évolution et de leur répartition tout au long de la vie professionnelle devrait être permanente et associer obligatoirement tous les intéressés." Pour beaucoup de travailleurs âgées interviewés, une retraite facultative passerait de préférence par l'occupation d'un travail à temps partiel leur permettant d'accroître leur revenu de retraite, de garder un pied dans le monde du travail et d'organiser adéquatement leur temps de loisir. Car l'un des plus grands traumatismes sociaux actuels demeure le passage brutal de l'univers du travail à celui de la retraite, sans préparation aucune. Déjà, en 1979, par exemple, le rapport Croll recommandait que "les employeurs élaborent des programmes de retraite échelonnés, assortis de congés annuels plus longs, de semaines de travail plus courtes, pour les employés qui approchent de l'âge de la retraite". C'est dans ce sens qu'il faut aller, en impliquant dans ces réformes des pratiques actuelles les premiers concernés, les préretraités et leurs organisations syndicales, là où il y en existe.

Les aspects légaux. Huit des dix provinces canadiennes interdisent la discrimination fondée sur l'âge. La Commission des droits de la personne et le gouvernement du Québec se sont rendu compte que nous ne pouvions rester indifférents à cette forme certaine de discrimination. Déjà, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick ont des lois qui protègent les citoyens contre une retraite prématurée et la tendance actuelle est à l'extension de telles législations tant en Amérique du Nord qu'en Europe. Le projet de loi 15 va dans ce

sens. Pourquoi ne pas permettre, par exemple, de convertir les anciennes "banques" de congés maladie en congés de préretraite? Pourquoi ne pas concevoir dès maintenant des cours ou des activités de préparation à la retraite?

La loi devrait donc prévoir des modalités de préretraite à compter de 55 ans, après 20 de services continus pour un même employeur ou 30 années de travail accumulées; la retraite facultative devrait devenir possible à 60 ans avec un ajustement actuariel des prestations du Régime de rentes du Québec et le droit de convertir dès lors en rente à versement invariable tout régime enregistré d'épargne-retraite ou régime privé supplémentaire; à 65 ans, s'ajouteraient des prestations actuelles (indexées) alors que l'âge obligatoire de la retraite serait aboli ou reporté à un âge plus avancé: 70 ans, demi-retraite; 75 ans, retraite complète.

Voilà donc la position raisonnable et juste que la Fédération de l'âge d'or du Québec est venue défendre aujourd'hui pour que la retraite facultative et progressive devienne un droit et un fait dans notre société.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier Mme Boily et ses collègues de la fédération pour nous avoir présenté un mémoire d'une très haute qualité; on n'attendait pas moins de la FADOQ. Il est tout à fait dans l'ordre que le premier groupe à se faire entendre soit la Fédération de l'âge d'or du Québec. Je dois dire évidemment que je suis en accord avec les recommandations qui sont énumérées tout de suite en page 1 du mémoire; cependant, j'ai quelques questions. Je vous avoue que votre proposition de procéder à une discrimination positive vis-à-vis des personnes âgées en créant des postes qui seraient obligatoirement détenus par des personnes âgées, c'est une chose qui m'intéresse au plus haut point. Le gouvernement tente de faire la même chose actuellement pour les personnes handicapées, par exemple. Est-ce que vous avez des façons bien concrètes? Comment pourriez-vous nous proposer de procéder pour une telle chose? (11 h 30)

Mme Boily: Pour les personnes âgées, comme le disait le mémoire, il pourrait y avoir du travail à temps partiel; ça ne veut pas dire que la personne âgée pourrait être employée 40 heures par semaine. Souvent, il y a des petits travaux qui pourraient fort bien se faire par le retraité, mais qui sont faits par d'autres. Chez nous, je pourrais vous citer des exemples; entre autres, il y a des gens qui ont pris leur retraite, qui se sont bien embêtés. Souvent, ces gens tombent malades parce qu'ils se sentent en dessous du seuil... Prenons l'employé d'usine qui prend sa retraite, il ne retire pas tout son salaire, il est coupé de la moitié et plus. Comment pensez-vous que cet homme puisse prendre sa retraite heureux? Il s'en va chez lui et il dit: II faut que je me cherche autre chose. Heureux sont ceux qui en trouvent.

C'est ça qu'on dit dans le mémoire: les retraités pourraient fort bien, comme les handicapés, travailler.

M. Lazure: Vous avez raison d'insister sur l'importance de créer des postes à temps partiel.

Mme Boily: Oui.

M. Lazure: C'est sûr que les deux mesures, que ce soit l'abolition de l'âge obligatoire, que ce soit la retraite anticipée, n'ont du sens que si la société fournit de plus en plus d'emplois à temps partiel. C'est clair que la solution idéale, c'est la mise à la retraite graduelle.

Deuxième point, M. le Président. Vous proposez aussi que les congés de maladie accumulés en banque puissent être utilisés pour une préretraite. C'est une chose qui se fait déjà dans les secteurs public et parapublic, sur une assez haute échelle. Il y a un bon nombre de fonctionnaires ou de gens de l'éducation, des affaires sociales qui, effectivement, utilisent leurs congés de maladie accumulés pour se donner une préretraite. Ce que vous réclamez là, c'est surtout pour le secteur privé, en somme. Quand on arrive au secteur privé, on parle de régime supplémentaire de retraite et, en gros, ces 5000 régimes supplémentaires de retraite font l'objet d'une négociation entre patrons et employés.

J'en profite pour faire une mise au point. Tantôt, je répondais, à une question de la députée de L'Acadie, qu'il n'y avait pas de coûts véritables découlant d'une telle loi. Entendons-nous bien, il faut distinguer entre le Régime de rentes du Québec, le régime public, le grand régime public tel qu'on le connaît, et les 5000 régimes supplémentaires, incluant les régimes supplémentaires parapublics, éducation, fonctionnaires, affaires sociales.

Quand je dis qu'il n'y a pas de coûts, il n'y a pas de coûts dans le Régime de rentes du Québec en ce sens qu'il n'est pas affecté de façon notable par cette loi. Je l'ai dit dans mes remarques tantôt, nous allons éventuellement procéder à des modifications majeures du Régime de rentes du Québec et là, il y aura des changements dans les coûts. Mais, dans les régimes supplémentaires de rentes, il y aura un certain coût négocié par le patron et l'employé. Ce coût va varier selon la qualité de la convention collective,

si vous voulez. C'est un peu comme le coût des avantages sociaux, des bénéfices marginaux, qui varie beaucoup d'une entreprise à l'autre. À titre d'exemple, pour bien se situer, quand on parle de 4%, comme le Conference Board l'a fait - dans mes remarques, je dis de 2% à 4%; prenons le chiffre maximal, pour être prudent, pour être conservateur, 4%. Comme il y a environ 40 000 personnes qui sont au travail et qui arrivent à 65 ans chaque année, 4% de ces 40 000 qui ont leur 65e anniversaire, ça fait exactement 1600 personnes par année. C'est pour ça qu'on dit que le nombre de personnes affectées est relativement négligeable.

Si on évalue au maximum 1000 de ces 1600 personnes, parce que je rejoins la question de la députée de L'Acadie à savoir combien ça peut coûter à l'État et aux entreprises privées, si on établit l'hypothèse que 1000 de ces 1600 personnes viendraient de la fonction publique ou parapublique -cette projection a été faite par la CARR, la commission d'administration des régimes de rentes - sur la base de 1000 qui dépasseraient 65 ans, cela donne un coût d'environ 2 000 000 $ à l'État,à cause de sa contribution comme employeur pour les 330 000 personnes de la fonction publique et parapublique.

Maintenant, vous dites aussi, je reviens au mémoire de la FADOQ, qu'il faudrait intégrer les régimes supplémentaires de rentes, parce que leurs conditions sont plutôt mauvaises dans bien des cas. Il faudrait les intégrer au régime public. Vous faites cette suggestion à un moment donné, à la page 5, disant qu'il y a donc lieu d'espérer qu'ils puissent être intégrés au régime public si le gouvernement tient véritablement à rendre possible la retraite facultative anticipée.

Dans le fond, ce n'est pas une question de dogme. Si les régimes supplémentaires privés étaient bonifiés, s'ils étaient comparables aux régimes supplémentaires du public et du parapublic, probablement que vous ne feriez pas cette suggestion. Vous dites: Dans bien des cas, les régimes supplémentaires, que ce soit pour les gens des régions du Lac-Saint-Jean, du Saguenay, de l'Abitibi ou de Montréal, ont des conditions qui laissent beaucoup à désirer. On s'en aperçoit. On étudie actuellement, puisque c'est un engagement que notre parti a pris durant la campagne électorale, les modalités de rendre transférables des fonds de retraite privés, les 5000 fonds de retraite privés.

Comment les rendre transférables? Il ne s'agit pas seulement de les rendre transférables, il faut les bonifier aussi, parce que les gens qui ont investi dans un fonds privé, un régime supplémentaire privé, sont très souvent astreints à des conditions assez sévères, la règle de 45 ans et 10 ans de travail, d'expérience, pour pouvoir toucher le régime supplémentaire. Dans la plupart des pays d'Europe, on n'a pas une telle règle. Au contraire, dans beaucoup de pays, il n'y a même pas de délai minimal de durée d'emploi ou, s'il y en a, c'est un délai d'un an ou de deux ans à la place de dix ans. Il n'y a pas de règle quant à l'âge non plus pour toucher sa rente. S'il y en a, c'est 30 ou 35 ans. Il y a énormément d'amélioration à apporter à ces 5000 régimes supplémentaires de rentes.

Je voudrais vous demander quand vous dites: Intégrons les régimes supplémentaires au régime public, ce que vous voulez dire exactement. Comment feriez-vous cela?

Mme Boily: Je vais donner la parole à M. Marchand pour cette réponse.

M. Marchand (Jean-Louis): Évidemment, dans ce rapport, vous remarquez qu'il y a quelques suggestions concrètes; vous en relevez, il y en a d'autres d'ailleurs. Je suis sûr que vous allez les lire et, nous l'espérons, les retenir. Cela nous paraissait comme le moyen le plus sûr, en somme. Quand on dit: Ces régimes, il y a moyen de faire en sorte que les employeurs les négocient avec les syndicats, avec les employés, et qu'on y arrive par la négociation. C'est une marche, c'est une façon d'y arriver. Cependant, nous nous disons: Si cela ne fonctionne pas, il faudrait peut-être songer à un moyen comme cela, comme, d'ailleurs, lorsqu'on parle de demander à une industrie de conserver un pourcentage de personnes de tel âge parmi l'ensemble de ces employés.

Évidemment, cette mesure sociale, est-ce possible de l'inclure dans une loi? Justement, vous en êtes à ce stade de l'étude de cette loi. Pour nous, cela nous paraît vraiment une proposition concrète. Comme vous l'avez mentionné, avec les handicapés, cela a eu du succès. Nous nous disons: Pourquoi pas entrer dans le même... On sait bien qu'il va falloir y mettre le temps. Comme je vous dis, madame, qui est présidente d'un club de 600 personnes, connaît très bien tous ces problèmes. Ils existent, on les a vus dans nos 16 régions, ils sont des problèmes réels, que vivent les gens qui arrivent à la retraite et qui n'ont pas de régime de rente ou qui encore, s'ils ont quitté, leur régime n'étant pas transféré, en somme, sortent avec rien. On se dit: Dans l'avenir, quel moyen y aurait-il? On se dit: C'est sûr que, s'il y avait intégration, ce serait le moyen le plus sûr. Cette proposition va dans ce sens. Je ne sais pas si je réponds à votre question. M. Duhamel, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Duhamel (Roger): M. le Président, j'ai été très frappé quand le ministre a dit

tantôt qu'il s'agissait de la première étape d'une législation sociale d'ensemble qui vise des buts plus étendus. Si j'ai bien compris le projet de loi 15 actuel, il vise d'abord à établir une certaine orientation. Le fond de notre mémoire, ainsi que le fond des remarques préliminaires que vous avez faites, de même que le fond des remarques de la députée de L'Acadie, c'est que le principe philosophique, si l'on veut, mais surtout social et psychologique qui nous importe, c'est le respect de la liberté du travailleur, à quelque âge qu'il soit rendu, de continuer à travailler ou de cesser préalablement si, pour des raisons personnelles que nous n'avons pas à juger, il estime qu'il est temps pour lui de se garer des voitures. Ce sont ces principes que nous avons en vue. Au surplus, du fait d'une expérience concrète qui est celle de la fédération, nous avons voulu -comment dirais-je, le mot paraît péjoratif -ramasser quelques fruits d'une expérience quotidienne qui seraient comme des amorces et des indices pour une réglementation éventuelle qui dépendrait de la loi ou d'une autre législation. Là, nous n'entrons pas dans la technique législative ou juridique. Il y a aussi beaucoup de problèmes techniques de nature actuarielle qui, évidemment, dépassent infiniment notre compétence personnelle, mais tout simplement ce que nous avons voulu respectueusement soumettre aux autorités, c'est la tendance, c'est l'orientation que nous souhaitons. En effet, bien avant - ceci n'est pas la première fois que nous le réclamons - que le gouvernement ait lancé ce projet de loi, notre fédération avait adopté des résolutions à ses différents congrès en espérant en arriver là. Je ne vous cache pas que, probablement, le précédent américain de 1978, auquel vous avez fait allusion avec beaucoup de pertinence, a peut-être été un trébuchet qui, à notre esprit, nous a entraînés à nous orienter dans ce sens. Je cherche simplement à cerner l'état d'esprit qui nous anime en venant devant vous ce matin, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier la FADOQ de son mémoire. Je suis contente de la dernière mise au point de M. Duhamel. Je pense que tous et chacun ici peuvent développer l'argumentation sur le bien-fondé du principe de l'abolition de l'âge de la retraite pour tenir compte - on l'a développé tour à tour - des diversités individuelles, de la motivation ou des aspirations de chacun, etc. Ce qui m'a frappé dans votre mémoire, c'est qu'il met bien plus l'accent, à mon point de vue, sur les problèmes que vous avez sentis et que vous avez vraiment identifiés en a, b, c; l'instabilité ou la perte d'emploi. Vous avez dit combien vous êtes préoccupés que déjà, à 40 ou 45 ans, on peut être considéré comme non employable; ensuite, l'insécurité quant au revenu, qui semble être la motivation principale des gens qui veulent continuer un travail, l'insuffisance des revenus. Là-dessus, si on me permet une digression, le ministre est revenu tout à l'heure en disant: Nous autres, nous préférons donner sous forme de gratuité des services aux personnes âgées plutôt que de donner un supplément de revenu, comme on l'a fait dans d'autres provinces. Je voudrais lui faire remarquer que, dans bien d'autres provinces, il y a aussi la gratuité de services identiques - j'ai donné le cas de Logirente - et que, même dans le cas de la gratuité des médicaments, le gouvernement du Québec commence actuellement à soustraire des médicaments à cette gratuité. Il en a retiré de la liste des médicaments gratuits et même cela est assez éphémère. Il semblerait que la motivation principale, c'est vraiment de s'assurer une retraite plus confortable, tout en gardant comme intérêt, de permettre la transition entre la retraite complète. Dans le fond, cette modalité -c'est la question que je voudrais vous poser -transitoire entre l'âge de la retraite, c'est-à-dire entre la retraite complète et la retraite partielle, est-ce que ces mesures pourraient, à votre point de vue, être amorcées avant l'âge de 65 ans si, par exemple, on continue de garder l'âge de la retraite à 65 ans? Ce sont des modalités que vous déplorez ne pas exister même pour les gens qui arrivent à 65 ans.

M. Marchand: Dans un premier temps, on a bien souligné dans le mémoire que la difficulté commence à 45 ans; déjà il y a un feu rouge, parce que le problème des gens de 45 ans qui tombent en chômage est un problème extrêmement aigu. On se demande si dans la législation sociale il n'y aurait pas lieu de protéger ces gens de 45 à 65 ans qui peuvent être dans des difficultés aussi fortes que ceux qui prennent leur retraite à 65 ans. Je sais du projet de loi que quelqu'un ne pourrait pas être mis à la retraite à 65 ans en raison de l'âge. Il faudrait que la compagnie ou l'employeur prouve que ce n'est pas à cause de l'âge que la personne va être renvoyée. Je pense que c'est clair; j'ai retenu cela.

Vous avez actuellement beaucoup de cas où l'on renvoie des gens de 50 ans pour en prendre de 35, et cela est un problème; on dit que ce n'est pas rattaché directement au problème de la retraite obligatoire, mais cela fait partie du problème, et c'est un des aspects que la fédération a voulu vous souligner. Ce problème, il faudrait l'envisager dans son ensemble en se disant, qu'il commence avant. Lorsqu'on offre des cours de formation professionnelle, je le sais par expérience parce que j'ai travaillé dans ce

domaine avant de prendre ma retraite, on dit: En bas de 40 ans on ne donne pas de cours. Nous l'avons vécu, c'est une discrimination même. Je ne sais pas si la loi que vous voulez mettre sur pied peut entrer dans tout cela, mais on a voulu vous le souligner.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais vous demander si vous avez fait, j'imagine que vous n'avez pas l'équipement pour faire une recherche scientifique, certains sondages chez vos membres; s'ils avaient eu le choix de pouvoir travailler après 65 ans, est-ce qu'ils l'auraient fait? Quelle aurait été leur motivation première pour continuer de travailler après 65 ans? Vous semblez dire que cela est une question de revenu, mais il y a peut-être autre chose aussi. Est-ce que vous avez des données qui, sans provenir d'une grande recherche, ont été obtenues par sondage auprès de vos membres?

Mme Cambron (Rita): Je dois répondre, M. le Président, que nous en tant qu'organisme bénévole on ne dispose pas de beaucoup de personnel. Je ne pourrais pas vous donner de chiffre. Ce que je peux vous dire, c'est que voilà deux ans, à l'occasion de notre congrès, nous avons eu un atelier de travail qui avait comme titre: Droit au travail, droit au repos. C'était justement pour connaître l'avis de nos gens. Dans l'atelier, il y avait sûrement 150 personnes. Avant que le congrès ait lieu, on sait que, dans chacune des 16 régions, les gens se rencontrent et étudient un peu les questions qui seront débattues dans les ateliers.

Alors, on avait voulu amener les gens à réfléchir là-dessus et à donner leur opinion. "Droit au repos", pour nous, cela veut dire qu'une personne qui a 60 ans - on le mentionne dans notre mémoire - à cause de son travail, sa santé peut-être si diminuée qu'elle a de la difficulté à continuer. Actuellement parce qu'elle ne peut toucher une pension de retraite qu'à 65 ans, elle continue à travailler en continuant à détériorer sa santé.

On sait que dans certains pays d'Europe, à 50 ans, certaines catégories de travailleurs - comme, en Belgique, les mineurs - touche une prestation de retraite de façon, je ne dirais pas obligatoire, mais certaine.

Ici au Canada, au Québec, il n'y a aucune catégorie de personnes qui est privilégiée de recevoir une sécurité de revenu avant l'âge de 65 ans même si l'on est vraiment tout à fait diminué dans sa santé. Il n'y a que le recours à l'invalidité, disons, de la Régie des rentes ici, mais alors, il faut prouver toutes sortes de choses, qui des fois sont assez difficiles à prouver. On avait parlé aussi du droit au travail justement de catégories de personnes qui, à 65 ans, sont en pleine forme, en pleine possession de leurs moyens, et ont acquis une compétence et une expérience parfois irremplaçables. On disait que c'est vraiment un gaspillage de ressources humaines et d'énergie que de les mettre au rancart de façon obligatoire à 65 ans.

Je voudrais continuer un peu. La grande raison aussi de vouloir continuer à travailler, c'est l'insuffisance des revenus. Notre mouvement regroupe des gens de 65, 70, 75 ans. Il y en a un certain nombre qui n'ont même pas participé à la Régie des rentes; un grand nombre de femmes n'ayant pas participé à la Régie des rentes ne peuvent toucher que la sécurité de vieillesse du gouvernement fédéral et le supplément de revenu garanti. C'est vraiment insuffisant par les temps qui courent.

Concernant la retraite, il y a cet aspect de la sécurité du revenu, mais il y a aussi une préparation psychologique qu'il faut donner à la retraite. Cela m'amènerait peut-être à parler de la banque des congés de maladie. Quant à la préparation psychologique, il y a beaucoup de gens qui, à 65 ans, devant une retraite obligatoire, sont tout à fait démunis, parce qu'ils ne savent pas quoi faire. Sur le plan physique aussi, parce qu'ils n'ont pas prévu quelles activités ils pourraient faire après la retraite. Notre mouvement existe un peu dans le but de les aider. Je sais qu'en Europe, il y a les caisses de retraite. Les gouvernements participent beaucoup à la préparation à la retraite, à des sessions de préparation à la retraite et les employés peuvent y participer à partir de 55 ou 60 ans. Ils y participent pour apprendre des choses, comment s'habituer à la retraite et c'est pris sur des congés de maladie peut-être, des journées de congé. Cela peut être la retraite graduelle. Ils font quatre jours par semaine ou ils ont une période de vacances prolongée, cela leur permet de consacrer des journées à se préparer à la retraite. Les employeurs peuvent y participer et les caisses de retraite en France y participent beaucoup avec des organismes un peu similaires aux nôtres.

Mme Lavoie-Roux: Serait-il erroné de conclure que, à votre avis, il y a élément de discrimination, on s'entend tous là-dessus, on devrait l'éliminer si, par exemple, on avait des formules beaucoup plus souples, comme il en existe en Suède ou ailleurs, de préparation de mise à la retraite par du travail à temps partiel, enfin, ce dont vous parlez vous-même, une préparation psychologique, la participation, le recyclage de certaines personnes pour pouvoir tranquillement sortir du marché du travail, finalement, le problème de l'abolition de l'âge de la retraite qui demeurerait, en fait, bon au niveau des principes, se poserait avec

beaucoup moins d'acuité alors que, du jour au lendemain, le fait pour des gens de laisser leur travail - il y a eu des études faites en médecine et ailleurs - je ne les ai peut-être pas avec moi, j'en ai vu quelques-unes -particulièrement chez des hommes, cela a un effet tout à fait néfaste, alors que chez les femmes la récupération est plus facile.

Mme Cambron: Les femmes ne prennent jamais de retraite.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ce fameux problème d'un âge de retraite se poserait d'une façon beaucoup moins aiguë qu'aujourd'hui?

Mme Boily: Cela serait certainement un peu moins dur pour eux. Mais il reste que vous savez ce qui arrive, c'est toujours l'homme qui va sortir du marché du travail. Un an ou deux avant, il commence déjà à être angoissé, parce qu'il sait que le jour fatidique va arriver. C'est la coupure d'argent, souvent il n'est pas autant en santé qu'à l'âge de 30 ans ou de 40 ans. Alors il envisage tout cela, c'est ce que je disais au début, souvent ces personnes-là sont désemparées.

Également, on dit que la femme n'a pas de retraite, c'est vrai, mais aussi je veux parler de la femme de 60 ans qui est veuve. C'est peut-être aussi un peu en rapport avec ce mémoire. Lorsqu'elle est veuve, elle n'a rien de 60 à 65 ans; on a placé cela dans nos résolutions de cette année. Il faudra aussi que notre gouvernement se penche surtout sur ces cas, parce que je n'ai pas à vous dire que dans nos clubs, il y a une moyenne de 7 femmes pour un homme. Que font ces femmes qui sont seules dans la vie, désemparées? Alors, si elles touchaient un revenu quelconque ou si, lorsque le mari décède, la femme ne perdait pas tous les droits de son mari, je pense qu'à ce moment-là on se ramasserait avec pas mal moins de problèmes dans notre association. Ce n'est pas facile, je vous assure qu'il faut y voir au point de vue humain. Je me réjouis personnellement de notre mouvement qui aide grandement ces personnes, mais on voudrait également que les gouvernements se penchent surtout sur le cas des veuves qui n'ont pas encore la retraite et qui ont tout perdu qui n'ont rien de 60 à 65 ans, les femmes seules célibataires aussi. Lorsqu'elle se retire du marché du travail, c'est sûr qu'à 60 ans une femme qui a travaillé à la maison et à l'extérieur est parfois pas mal épuisée. Alors, à 60 ans, qu'est-ce qu'elle fait? Elle a recours au bien-être social du ministère.

C'est un peu là-dessus que nous, on se penche parce qu'on trouve ça vraiment affreux de voir des personnes qui nous arrivent dans des états aussi lamentables. La première condition, c'est toujours la question d'argent. Elles sont en santé ou non, mais elles ont peur du lendemain parce qu'elles ne savent pas ce qu'elles vont faire.

Mme Lavoie-Roux: Une toute dernière question. Est-ce que le problème de la faiblesse des revenus ou de la pauvreté des personnes de 65 ans et plus - on peut même mettre 50-50 pour bien des femmes qui n'ont jamais été sur le marché du travail et 60 ans et plus - est souvent un obstacle à ce qu'elles puissent se joindre aux activités des clubs de l'âge d'or? Leurs revenus sont tellement faibles que c'est même difficile pour elles ou elles se sentent un peu marginalisées. J'ai souvent eu cette impression en visitant des clubs de l'âge d'or.

Mme Boily: Si vous me le permettez, Mme la députée, oui, on a des personnes - je peux parler personnellement dans mon club -qui ne sont pas capables même de payer leur contribution annuelle et qui ne peuvent pas participer à nos nombreuses activités parce qu'elles n'ont pas d'argent, une fois qu'elles se sont nourries, pas de la nourriture extraordinaire, une nourriture bien humble, minimum et qu'elles se sont ramassées dans un petit loyer, pour ne pas dire taudis, souventefois. Ces personnes qui ont oeuvré toute leur vie, nous en aidons beaucoup, c'est sûr, mais on ne peut pas, non plus, tout faire pour elles.

Par contre, chez nous, je sais que nos personnes âgées démunies, comme on peut parler, notre club met franchement la force de frappe pour elles. On essaie de les aider dans la mesure du possible pour qu'elles puissent penser qu'elles sont égales aux autres, parce que ces personnes se sentent inférieures aux autres. Elles sont dévalorisées, elles ne sont pas capables de se permettre ça. Pourquoi? Parce qu'elles n'ont pas l'argent nécessaire. Elles sont très dévalorisées, pour ne pas dire humiliées.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Fabre.

M. Leduc: Mes questions touchent la page 7 de votre mémoire, les aspects légaux. Vous avancez, à titre de suggestion, 75 ans comme âge de retraite complète.

Première question, est-ce que vous ne croyez pas préférable de ne pas mentionner d'âge étant donné qu'on veut précisément abolir l'âge de la retraite?

Deuxième question, vous parlez à 70 ans de la demi-retraite. Est-ce que c'est relié au travail à temps partiel, au travail à demi-temps, dans votre esprit?

M. Marchand: II est évident qu'à 70 ans, c'est dans le sens de la demi-retraite au travail partiel; à 75 ans, ça deviendrait des cas d'exception. Le but, c'est de ne pas mettre de barrière. Vous avez - je ne veux pas allonger - d'autres mémoires qui vous sont parvenus où on vous fait la liste de tous les gens qui, à 75 ans, ont fait des choses merveilleuses ou à 84 ans. Je ne les nomme pas, vous allez le lire dans les mémoires. Il y a un mémoire merveilleux qui vient d'une autre région et que je vous invite à lire attentivement. Qu'est-ce que vous voulez? Vous avez un exemple vivant: M. Tardif - je ne sais pas quel âge il a, on ne lui demande plus - est venu ici il y a une semaine. Est-ce que ce n'est pas un exemple vivant qu'à 78 ans on est quelqu'un et qu'on est capable de faire quelque chose? C'est bien sûr que ce ne sont pas tous les gens qui vont se rendre à 75 ans, mais j'aimerais bien m'y rendre, moi; je ne sais pas si vous autres vous le voulez. (12 heures)

M. Duhamel: M. le Président, dans le même esprit, pour répondre au député de Fabre, je vous avoue bien franchement que, dans mon esprit du moins - et je parle personnellement - ces chiffres me paraissent donnés à titre exemplaire et je ne me ferais pas mettre sur le bûcher pour les défendre; c'est l'esprit qu'ils appellent.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: J'aurais voulu poser une question à n'importe qui dans votre groupe, une question capitale sur les transferts des pensions de régimes privés. Le ministre a souligné qu'il y a 55% de gens qui ne participent pas aux régimes privés. Évidemment, les statistiques, aux États-Unis, démontrent que la question des transferts -je ne connais pas les chiffres au Canada, mais je suis sûr que ça doit être un peu comparable - c'est que les femmes changent d'emploi en moyenne à tous les trois ans et les hommes en moyenne à tous les quatre ou cinq ans. Donc, parce qu'elles vont d'un travail à un autre, elles perdent le droit à leur pension privée. En fait, vous mentionnez ce point dans votre mémoire.

Il y a également la seconde question, celle des gens qui ont contribué à un régime de retraite et qui meurent avant le temps de la retraite, les veuves n'ont alors aucune pension.

Il me semble que c'est très beau de dire: On va tous travailler indéfiniment, mais, s'il faut forcer les gens à travailler parce qu'ils n'ont pas de revenu, c'est un peu un choix faussé, ce n'est pas un libre choix.

Pour cette question de régimes privés, qui ne fonctionnent pas en fait à leur capacité, à cause des transferts et à cause de la mort prématurée de l'homme ou de la femme - quel que soit le cas - est-ce que vous ne pensez pas qu'il aurait été bon, dans cette loi, de consacrer cette comptabilité de transferts ainsi que le transfert aux veuves? Je voudrais demander au ministre ce qui empêche de faire ça en même temps, parce que c'est un point capital. On peut dire: On va attendre une autre loi pour le faire, mais, en fait, peut-être aurions-nous pu profiter de cette loi pour rendre ces régimes privés beaucoup plus transférables. Cela résoudrait une grosse partie du problème que l'âge d'or présente ici.

M. Lazure: M. le Président, juste sur ce dernier point très précis, nous travaillons depuis un certain temps sur un projet qui va amener la transférabilité des plans de retraite privés. C'est extrêmement complexe, pas seulement parce qu'il y a 5000 plans de retraite privés au Québec, mais surtout parce que les conditions d'admissibilité à ces plans privés varient beaucoup d'un plan à un autre. Instaurer un mécanisme de transférabilité du jour au lendemain serait une extrême déception pour tout le monde, si on ne faisait pas en sorte d'améliorer les conditions d'admissibilité des plans de retraite privés. En d'autres termes, les plans de retraite privés doivent être modifiés. Je l'ai dit tantôt et je le répète, actuellement, la règle habituelle c'est 45 ans et 10 ans de services. Nous pensons - surtout quand on regarde du côté de l'Europe - que ce sont des conditions beaucoup trop sévères; nous pensons que demander dix ans de services pour être admissible au plan de retraite, c'est trop long. La plupart des pays d'Europe n'ont pas de limite et, quand ils en ont, c'est un an ou deux. Nous pensons aussi qu'il n'est pas nécessaire que l'employé ait atteint 45 ans pour avoir le droit de transférer son fonds de retraite.

M. le Président, nous avons envisagé d'inclure tout le mécanisme de la transférabilité avec ce projet de loi, mais, malheureusement, devant l'extrême complexité de l'opération, nous devons remettre à une deuxième étape la transférabilité.

M. Lincoln: Mais peut-être serait-ce important, M. le ministre, de situer les principes, ici, en commission parlementaire, de se mettre d'accord sur certains principes de base, parce que, si on pose ici le geste de dire: On va retirer l'âge de la retraite obligatoire, mais si, ensuite, on passe un, deux ou trois ans à réfléchir sur les principes mêmes qui vont rendre la chose effective, en essayant de le faire de façon que la retraite, à quelque âge qu'elle soit, soit véritable, à ce moment, on a posé un geste presque vide, parce que, si les gens

sont forcés de travailler pour vivre, cette loi deviendrait une espèce de mythe.

M. Lazure: M. le Président, un autre commentaire. Parmi les nombreuses choses à corriger dans les régimes supplémentaires de rentes, à part ce que j'ai énuméré, il y a une autre anomalie, à savoir que, très souvent, l'employeur ne contribue pas au régime supplémentaire de rentes, ou s'il contribue, sa participation n'est pas connue. C'est une question d'équité sociale. Nous pensons que non seulement il faudra identifier, comme c'est le cas actuellement, la cotisation de l'employé, mais qu'il faudra aussi que la cotisation de l'employeur soit bien identifiée. Elle ne l'est pas. C'est pour rejoindre ce que vous appelez les principes de base. Il y a beaucoup de choses qui sont tout à fait fondamentales et qui devront être modifiées avant qu'on puisse parler d'une transférabilité qui soit vraiment profitable pour les gens.

M. Lincoln: Ce que je veux vous dire, par exemple, c'est: Est-ce qu'on pourrait penser à un genre d'échéancier? Si on se réfère à l'expérience américaine, chez ERISA, ils ont commencé justement par régler la question des fonds de retraite privés. C'est cela la question clé parce que la grande majorité des gens sont dans des sociétés privées avec des régimes privés. Chez ERISA, ils ont commencé à travailler là-dessus en 1974 et, en 1978, ils ont réglé la question de l'âge. Ici, on fait le contraire. On dit: Bon! On va ouvrir la question de l'âge, mais toutes les questions fondamentales qui font que la retraite est valable ou non à l'âge où la personne se retire ne sont pas réglées. Peut-être que cela sera réglé dans un an, dans deux ans, dans trois ans. Alors, peut-être qu'on va dire aux gens d'ici: Bon! On met la retraite libre; vous pouvez vous retirer à 55, 60, 65 ou 70 ans, mais, en fait, vous n'aurez pas d'argent avec cette retraite, tant qu'on n'aura pas réglé le problème fondamental qui est celui de la retraite elle-même, surtout dans les régimes privés. Alors, est-ce qu'on a un genre d'échéancier, à savoir si on peut dire que dans un an ou dans deux ans cela va se faire?

M. Lazure: M. le Président, je répète que nous n'avons pas du tout l'intention de nous traîner les pieds. Nous avons l'intention de procéder par étapes. Justement, l'Opposition, comme certains groupes, au mois de mai, quand nous avons déposé le projet de loi, nous a mis en garde contre la précipitation. Alors, nous avons décidé de faire cette consultation tout l'été et de la couronner par cette commission parlementaire, la consultation sur l'abolition de l'âge obligatoire de la retraite.

De la même manière, je ne pense pas qu'on doive nous pousser dans le dos pour énoncer tout de suite le contenu d'un deuxième projet qui viendra en son temps quand nous serons prêts, mais ce n'est pas une question d'années. Nous avons l'intention de revenir devant l'Assemblée nationale avec un autre projet de loi qui va toucher la retraite anticipée, le travail à temps partiel, la transférabilité des fonds de retraite.

Quant à la retraite anticipée, nous l'avons dit bien clairement, c'est un engagement que nous allons respecter. Nous allons, dans un premier temps, commencer par les employés qui ont une invalidité partielle, 25%, soit par maladie ou par accident de travail, et fournir une rente d'invalidité à 100%, même si l'invalidité n'est que de 25%. Nous avons annoncé très exactement quelles seraient les étapes et nous allons maintenir cet engagement.

M. le Président, une dernière remarque au sujet des licenciements dont vous parlez à la page 6, je crois, ou plutôt à la page 5, en haut de la page 5. Vous craignez à bon droit qu'il y ait un plus grand nombre de licenciements de personnes qui arrivent dans la cinquantaine à mesure que la situation économique devient un peu plus difficile. Je veux simplement vous dire que l'expérience américaine, avec la loi de 1978, a permis à un grand nombre de personnes qui auraient été mises à pied, s'il n'y avait pas eu cette loi, d'être protégées. Le ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, chaque fois qu'il a été saisi de congédiements, de licenciements collectifs qui étaient en rapport avec l'âge, presque toujours a tranché en faveur de l'employé et les employeurs ont dû reprendre les employés. Nous avons la conviction que ce projet de loi, une fois adopté, va protéger les personnes âgées contre des licenciements.

Je veux aussi féliciter encore une fois Mme Boily et ses collègues pour la qualité de leur mémoire.

Mme Boily: En terminant, je vous remercie, M. le Président, au nom de mon groupe, ainsi que M. le ministre, Mme la députée et MM. les députés, de nous avoir écoutés religieusement lors de la présentation de notre mémoire et nous espérons qu'il y aura des suites à tout cela. Nous partons optimistes après la présentation de notre mémoire. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, Mme Boily. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie la Fédération de l'âge d'or du Québec.

J'appelle maintenant l'Association de bienfaisance et de retraite des policiers de la Communauté urbaine de Montréal, représentée par M. Jacques Perron.

Si vous voulez procéder à la lecture de

votre mémoire.

Association de bienfaisance et de retraite des policiers de la CUM

M. Perron (Jacques): Avant de commencer, j'aimerais remercier la commission de nous permettre de nous faire entendre et j'aimerais faire le point sur l'encadrement administratif de l'Association de bienfaisance et de retraite des policiers de la Communauté urbaine de Montréal. L'association a été créée par une loi privée, la loi 260, lui donnant comme mandat d'administrer deux régimes de retraite, le régime de retraite des policiers de Montréal et le régime de retraite des policiers de la communauté.

Actuellement, on représente environ 4800 membres actifs et 1500 policiers retraités et veuves. Chez ces policiers actifs, l'âge obligatoire de la retraite, dans notre régime, est de 60 ans. Il y a environ 10% des policiers qui prennent leur retraite à l'âge obligatoire. Il y a d'autres policiers qui aimeraient continuer à travailler au-delà de l'âge obligatoire, mais il y a un refus total de l'employeur de permettre à ces gens de continuer. Donc, nécessairement, le projet de loi s'inscrit dans une orientation qui était peut-être voulue ou non par l'ensemble des policiers mais certes par un certain nombre de policiers.

D'autre part, pour moi, le projet de loi, c'est, j'espère, un cataplasme de courte durée dans le cadre d'une législation globale où, effectivement, les gens vont pouvoir avoir des revenus de retraite bonifiés. D'ailleurs, la majorité de ceux qui voudraient continuer chez nous à travailler au-delà de l'âge obligatoire, c'est pour leur permettre d'avoir un revenu de retraite décent. C'est particulièrement pour ça qu'ils veulent continuer à travailler. C'est pour ça qu'en l'absence d'une législation globale, je pense que ce projet de loi est quand même le bienvenu. Il va au moins permettre à ceux qui n'ont pas assez du revenu de la retraite de continuer à vivre d'une façon décente.

Maintenant, ceci dit, le projet de loi fait en sorte que l'employeur sera empêché de congédier un salarié à cause de l'âge obligatoire de la retraite. Le projet de loi ne crée pas, à toutes fins utiles, un droit au travail. Je m'excuse, je ne lis pas le mémoire, est-ce que vous aimeriez mieux que je le lise?

M. Lazure: Non, non.

M. Perron (Jacques): Le projet de loi ne crée pas, à toutes fins utiles, un droit au travail, il empêche l'employeur de congédier quelqu'un à cause de l'âge obligatoire de la retraite. Nous autres, on dit au gouvernement: Je pense qu'il y aurait lieu de créer un droit au travail. On dit, à la page 4 du mémoire que le projet de loi devrait édicter le droit pour tout salarié de continuer son emploi après avoir atteint l'âge ou le nombre d'années de service qui occasionnent sa mise à la retraite obligatoire; il devrait créer une présomption en sa faveur que tout congédiement, suspension ou mise à la retraite après cette date l'est pour le seul motif d'âge ou d'années de service; il imposerait à l'employer le fardeau de prouver que le congédiement, la suspension ou la mise à la retraite a été fait pour un autre motif jugé raisonnable. À l'autre page on dit qu'il donnerait juridiction, en pareil cas, à un commissaire nommé en vertu du Code du travail.

Je pense qu'à ce moment-là il y aurait un droit clair créé pour les travailleurs, de pouvoir continuer au-delà de l'âge obligatoire de la retraite.

Maintenant, M. le ministre, vous avez fait des remarques quant à l'article 4, où il est stipulé qu'effectivement, les employés et l'employeur, le cas échéant, continueraient à contribuer à leur régime de retraite. Il est bien entendu que, dans un régime à salaire final, où effectivement, les employés peuvent accumuler jusqu'à un maximum de crédits de rente, si les employés continuent à contribuer au-delà de ce maximum, premièrement, il y a la loi qui l'empêche, deuxièmement, cela ne ferait que permettre à l'employeur de payer moins dans son régime de retraite. Je vous donne un exemple. Si le maximum de crédits de rente stipulé dans le régime, c'est 80% ou 70%, on peut prendre le chiffre et si l'employé continue à contribuer, il va faire en sorte qu'à ce moment-là, la quote-part que l'employeur doit mettre dans le régime de retraite va être beaucoup moins grande, parce que c'est l'employé qui va continuer à contribuer sans accumuler d'autres bénéfices de crédits de rentes. Donc, je pense qu'il y a là une injustice flagrante, particulièrement dans le cas des policiers et dans le cas de tous les employés paragouvernementaux.

D'autre part, quand vous dites aussi: "L'employeur devra continuer à contribuer, le cas échéant...", on se pose beaucoup de questions. Qu'est-ce que ça veut dire "le cas échéant"? Vous disiez de toute façon tout à l'heure qu'il y aurait des modifications apportées à la loi. J'espère que ces modifications vont être d'une clarté énorme afin d'empêcher l'employeur de venir les contester en cour. Je ne voudrais pas faire le procès de la communauté ici, ce n'est peut-être pas la place, mais on sait que la communauté même conteste l'article 501A du règlement des régimes supplémentaires de rentes. Donc, à toutes fins utiles, je pense qu'il va falloir que ce soit extrêmement clair.

À l'article 4, les modifications, c'est pour ne permettre à aucun employeur de venir le contester. Dans ce sens-là, je pense que, étant donné la diversité des régimes de retraite, ça va devenir extrêmement compliqué et je n'aimerais pas être à la place des légistes.

À l'article 5, quand vous dites qu'effectivement les prestations vont devenir payables au moment effectif où l'employé va prendre sa retraite, cela aussi, je pense que ça va faire que l'employeur va bénéficier de ce retard-là de l'employé à prendre sa retraite. Lorsque l'employé arrive à l'âge de 60 ans chez nous, il prend sa retraite. Il a tant de crédits de rentes. Je vous donne un exemple. Disons qu'il s'accumule 100 000 $ qui devraient lui être versés au cours de sa retraite. S'il ne prend sa retraite que quatre ans après, au lieu de 100 000 $ qui devraient lui être versés, il y en aura peut-être 70 000 $ qui lui seront effectivement versés, ce qui fait que l'employeur va avoir 30 000 $ de moins à payer dans le régime de retraite.

Le régime de retraite dit aussi chez nous "que l'employé va payer 8% incluant le RRQ." Ceci fait que, s'il continue à contribuer après 65 ans, étant donné que les cotisations au RRQ se terminent à l'âge de 65 ans, la partie de cotisation du RRQ dans ses 8% va entrer dans le régime, va être versée au régime. Encore là, ça diminue l'apport de l'employeur.

Je pense qu'à toutes fins utiles il y aurait peut-être lieu de laisser les parties négocier. Il existe actuellement des régimes de retraite qui sont négociés, avec des ententes. Il y aurait peut-être lieu que les avantages des régimes de retraite continuent d'être négociés. D'autre part, à un moment donné, lorsque le régime étatique de l'assurance-maladie et de l'assurance-hospitalisation a été mis sur pied, il y avait un article - de mémoire, je pense que c'était l'article 13 - qui disait que, lorsque l'employeur contribuait à un régime d'assurance-maladie privé, si, par la mise en place du régime étatique, la quote-part de l'employeur au niveau du régime d'assurance-maladie était plus élevée que ce qu'il contribuait dans le régime privé, son obligation devenait éteinte. Mais, d'autre part, si c'était moins élevé, il fallait que l'employeur retourne, sous une forme ou sous une autre, ces sommes au syndicat ou aux employés.

Je pense qu'il pourrait y avoir une clause omnibus dans la loi qui couvrirait effectivement l'ensemble des bénéfices, quitte à mettre une espèce de tribunal d'arbitrage qui ferait qu'à un moment donné, en l'absence d'entente entre l'employeur, l'administrateur et un groupe d'employés, ce tribunal viendrait trancher la question.

Il y a aussi l'article 7 qui, à notre avis, est relativement ambigu. On parle du moment où un employeur aurait donné un avis de cessation d'emploi. Je pense que la mise en vigueur pratique du projet de loi devrait être au moment du dépôt de ce projet de loi à l'Assemblée nationale, ce qui ferait que cela ne laisserait pas place à interprétation pour dire: Je lui ai envoyé un avis de cessation d'emploi il y a longtemps. Un employeur envoie un avis de cessation d'emploi aujourd'hui. Si le projet de loi est adopté dans un an, à ce moment, cette personne ne pourra pas bénéficier de l'abolition de l'âge obligatoire de la retraite. La mise en vigueur du projet de loi devrait être rétroactive au moment du dépôt du projet de loi. C'est l'intention du gouvernement de légiférer, et dans cette intention, à ce moment, je pense qu'on ne doit pénaliser personne par les dispositions contenues à l'article 7.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Perron.

M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier M. Perron, ses confrères et consoeurs - puisqu'il y a des consoeurs maintenant - de l'Association de bienfaisance...

M. Perron (Jacques): Je m'excuse, M. Lazure, il y a Michel Benoît, qui est directeur administratif à l'association.

M. Lazure: C'est un mémoire qui, tout en étant court, est extrêmement dense. Il y a surtout au plan technique plusieurs suggestions bien pertinentes. Dans le premier point que vous avez soulevé, vous souhaitez au fond qu'au lieu d'abolir cette discrimination quant à l'âge on en fasse un droit à la continuation au travail. Je ne pense pas que vous vouliez dire de façon aussi générale un droit au travail, vous parlez du droit à la continuation au travail. Si c'est cela, je ne vois pas d'objection du tout, c'est sûrement l'esprit de notre projet de loi. Au fond, vous voulez une formulation qui serait plus positive. Je retiens votre formulation, d'autant plus que dans le texte de la loi - et là je pense que vous n'avez pas saisi exactement la portée qu'on voulait y mettre - dans notre esprit, c'est clair que le fardeau de la preuve sera sur l'employeur et non pas sur l'employé. Donc, si nous, au départ, nous avons voulu que le fardeau de la preuve soit sur l'employeur, à savoir de démontrer que ce n'est pas à cause de l'âge qu'il a congédié la personne, il va de soi que nous sommes d'accord pour appeler cela un droit. C'est un droit nouveau à la continuation au travail.

Quant à l'article 4, je l'ai dit tantôt, nous allons le modifier pour que tous les

employeurs - espérons, les 5000 employeurs, les 5000 régimes supplémentaires - le comprennent bien clairement. Premièrement, nous voulons que soit dit clairement dans un nouvel article que l'employé aura le choix, ou bien de toucher sa rente tout de suite ou de continuer à investir, à cotiser et à toucher une rente différée. Le principe du libre choix sera exactement et clairement identifié. Deuxièmement, nous voulons nous aligner sur les lois de l'impôt qui prévoient une limite à 71 ans, qui prévoient que vous ne pouvez pas continuer de contribuer à un plan de retraite après le dernier jour qui a précédé votre 71e anniversaire. Donc, nous voulons respecter ces lois des différents ministères du Revenu, du Québec et du Canada. Nous voulons aussi respecter la règle du maximum de 70%. Ces deux remarques devraient répondre à vos souhaits quant à l'article 4 qui sera foncièrement modifié.

Quant à l'article 5, nous allons le faire disparaître carrément. Dans la formulation actuelle, il était non seulement ambigu, mais il excluait, d'une certaine façon, la revalorisation des régimes supplémentaires. Comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, nous avons l'intention de consacrer dans ce projet de loi modifié le principe d'une revalorisation des régimes supplémentaires de rentes.

Là où nos positions se rejoignent, votre association et nous, c'est dans l'intention de laisser faire le libre jeu des négociations. Je n'ai pas d'inquiétude, quant à moi, au sujet des policiers; l'association de bienfaisance est appuyée par un syndicat qui négocie d'excellentes conditions de travail.

Sérieusement, nous pensons - c'est un peu la position de notre Régie des rentes -que les employeurs et les employés doivent non seulement s'entendre sur les échelles de salaire, mais ils doivent s'entendre aussi sur les avantages sociaux et les régimes supplémentaires de rentes. Votre position est très proche de la nôtre à ce sujet.

Quant à l'article 7.4, l'avis de cessation, nous convenons qu'il est extrêmement difficile d'application et nous avons l'intention de faire disparaître carrément cet article.

M. le Président, je n'ai pas d'autres commentaires pour le moment. Je remercie, encore une fois, l'association de bienfaisance pour cet excellent mémoire.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci à l'Association de bienfaisance et de retraite des policiers de la Communauté urbaine de Montréal. Je suis d'accord avec le ministre, vous êtes arrivés avec des questions très précises. Il a commenté la majorité de ces recommandations. Je suis heureuse de voir qu'il est prêt à parler d'un droit plutôt que d'une interdiction à l'employeur d'un droit au travail. D'ailleurs, il y aura pas mal de coordination à faire avec la Charte des droits et libertés, la commission ayant recommandé quelque chose d'analogue. Il n'y a pas de difficulté majeure.

J'aurais deux questions plus précises à vous poser. Vous parlez de la bonification des régimes de retraite. Est-ce que vous pourriez nous dire si le régime de retraite, qui est applicable, par exemple, dans le cas d'un policier de la Communauté urbaine de Montréal qui prend sa retraite à l'âge prévu, a sa pleine valeur? Est-ce que cela vous paraît suffisant face à l'inflation? Est-ce que vos régimes de retraite sont indexés? Où vous paraît le noeud du problème?

M. Perron (Jacques): Je vais essayer d'être le moins complexe possible, parce qu'il y a quand même des régimes qui sont relativement complexes à cause de l'intégration des forces policières, en 1972. (12 h 30)

Le régime du policier qui a été engagé après 1972 est assez complet, avec indexation des rentes. Maintenant, à cause de l'intégration des forces policières en 1972, un nouveau régime a été négocié et est entré en vigueur le 1er janvier 1978. Mais il y a aussi tous les anciens régimes qui existaient avant 1972 où cette partie n'a pas été touchée, ce qui fait qu'il y a eu nécessairement des dispositions transitoires entre les deux,' qu'il y a plusieurs policiers en retraite actuellement - et qu'il y en a d'autres qui y seront aussi. Nécessairement, quand on connaît des taux d'inflation de 13% annuellement, ce n'est pas long qu'effectivement leur rente est réellement grugée par l'inflation, ce qui fait qu'à toutes fins utiles, dans sept ou huit ans, ils vont se retrouver tout près du seuil de pauvreté, comme à peu près l'ensemble de la population. Il y a des retraités d'avant 1972 qui sont sous le seuil de pauvreté. Il y en a qui ont 4000 $ de rente.

Aujourd'hui, dans notre société, c'est une chose inconcevable. Il y a nécessairement un coût à tout cela. Le coût, je sais bien que, pour ce qui est des policiers, il a été quand même partagé aussi par les policiers, parce que c'est une caisse de retraite qui existe depuis 1892, c'est une caisse de retraite où, effectivement, pendant nombre d'années, les policiers ont cotisé seuls, ils ont cotisé jusqu'à 10% de leur salaire, ce qui fait que la conscience d'avoir un revenu de retraite différé est venue quand même assez tôt chez les policiers. Or, il n'en demeure pas moins que l'ensemble de la population - le ministre Lazure parlait tout à l'heure des statistiques - la majorité des gens qui prenant leur retraite aujourd'hui peut vivre pendant deux ou trois ans avec

une compensation moindre que le salaire qu'ils avaient avant la retraite, mais au bout de trois ou quatre ans, le revenu réel étant tellement diminué à cause de l'inflation, ils tombent presque sur l'aide sociale. Nécessairement, pour ces gens qui ont travaillé tout le temps de leur vie, avoir recours à l'aide sociale, ils sont obligés de se piler sur le coeur pour faire cela, parce que ce ne sont pas des gens faits pour retirer des prestations d'aide sociale.

Mme Lavoie-Roux: Les problèmes sont aigus pour vos retraités d'avant 1972, si je vous comprends bien?

M. Perron (Jacques): Même pour certains actuellement. Ceux qui ont quitté avant aujourd'hui vont avoir de gros problèmes financiers dans quatre ou cinq ans.

Mme Lavoie-Roux: Merci. Vous nous avez entendus parler tout à l'heure - la FADOQ en a parlé, en particulier - des problèmes que vivent les femmes, compte tenu - je ne sais pas si on peut parler de la "transférabilité" à ce moment-là - de la retraite ou de la partie de la retraite qu'elles ont après le décès de leur conjoint. Pouvez-vous nous dire dans votre cas comment s'applique ce transfert de la retraite du policier à son épouse?

M. Perron (Jacques): En fait, la rente de retraite versée dans le cas d'une veuve, c'est 50% de la rente accumulée par le policier. Cette rente est quand même aussi intégrée à la Régie des rentes du Québec, ce qui fait qu'au moins la veuve retire 50% de la rente que le policier recevait au moment de son décès.

Mme Lavoie-Roux: Je me suis laissé dire que, dans le cas, je pense, des policiers de la Communauté urbaine de Montréal, vous soustrayiez de la rente du policier le Régime de rentes du Québec.

M. Perron (Jacques): Oui.

Mme Lavoie-Roux: À ce moment-là, ce n'est plus... pour les deux intégrés, 50% pour les deux.

M. Perron (Jacques): Oui. Je pense que vous faites référence à un article d'un journal qui est sorti récemment. En fait, la rente que la veuve reçoit, c'est 50% des crédits de rente que le policier s'était accumulés. On va prendre un exemple concret pour bien imager les choses. Disons que le policier a quitté avec 15 000 $ de rente. La rente que sa veuve va recevoir, c'est 7500 $ incluant la rente que le RRQ lui verse. Si le RRQ lui verse 3000 $ de rente, à ce moment-là, nous autres, nous allons lui verser 4500 $ et le RRQ va lui verser 3000 $, ce qui va lui faire quand même 7500 $.

Mme Lavoie-Roux: Vous ne la pénalisez pas à cause du Régime de rentes du Québec?

M. Perron (Jacques): Dans certains cas, il y a certaines ambiguïtés qui existent dans notre régime et qu'on est en train d'éclaircir. Étant donné que le policier paie 8% dans le régime de retraite incluant le 1,8% jusqu'au MGA au niveau du RRQ, à ce moment, lorsqu'il se retire, prend sa retraite, même pour le policier lorsqu'il va arriver à l'âge de 65 ans, sa rente va être intégrée avec le Régime de rentes du Québec; par conséquent, nécessairement, la veuve aussi lorsque le policier va décéder. II va y avoir intégration des montants versés par le Régime de rentes du Québec.

Mme Lavoie-Roux: En tout cas, je pense que c'était un point à voir. Pourquoi j'ai soulevé la question, M. le Président? C'est que je pense que le ministre, qui parle de bonification des régimes de rentes, enfin, d'occasion de revoir tous les régimes de rentes, devrait aussi examiner si, dans le transfert aux femmes du régime de retraite du conjoint, on s'assure bien que les gens ne soient pas pénalisés. Ils y ont droit. Une veuve a droit à quoi? À 50% du Régime de rentes du Québec de son mari. 60%? Personne ne le sait. C'est amusant, mais je crois que c'est ça.

M. Lazure: Litige. Le pourcentage exact, je vais vous le donner tantôt.

Mme Lavoie-Roux: Admettons que ce soit 60%, cela n'a pas tellement d'importance pour les fins de la discussion. Il semblerait que, dans certains cas de retraites qui sont versées à la veuve, dans le calcul, l'homme qui prend sa retraite a droit... Sa veuve à droit à 50%. Mais, quand on calcule ces 50%, on soustrait les 60% qui viennent du Régime de rentes du Québec. Ce qui fait, à mon point de vue...

M. Lazure: M. le Président, encore une fois, distinguons toujours le régime supplémentaire privé du Régime de rentes du Québec. Ce sont vraiment deux choses tout à fait différentes. Dans les régimes supplémentaires de rentes comme celui des policiers, qui est un bon régime, ce sont des conditions sujettes aux négociations employeurs-employés et nous sommes d'avis qu'il faut maintenir ce mécanisme de la négociation tout en modifiant éventuellement, je l'ai dit tantôt, les règles du jeu telles qu'identifier la cotisation de l'employeur, ce qui n'est pas le cas actuellement, et d'autres règles du jeu qu'il faudrait établir. Mais,

essentiellement, puisque c'est laissé au jeu des négociations, par définition, on aura une variété de régimes supplémentaires.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Lazure: Les pourcentages de réversibilité - c'est-à-dire, dans le jargon, ce qu'on appelle réversibilité, c'est le pourcentage que la veuve va toucher - dans la rente du policier, on a vu que c'était 50%. Mais il y a beaucoup de régimes supplémentaires qui n'ont même pas de réversibilité, où la veuve ne touchera rien ou très peu. C'est pour les régimes supplémentaires. Pour le Régime de rentes du Québec, il n'y a pas de coordination avec tous les régimes privés. Il y a une coordination complète entre le Régime de rentes du Québec et le régime de rentes supplémentaires de la Fraternité des policiers. Mais, par exemple, vous n'avez pas une coordination complète avec le régime de rentes des fonctionnaires ou avec ce qu'on appelle le RREGOP, le gros régime RREGOP qui touche au-delà de 200,000 personnes dans les secteurs public et parapublic. Il n'y a pas de coordination complète entre le régime supplémentaire qui s'appelle RREGOP ou régime des fonctionnaires et le Régime de rentes du Québec. Autrement dit, vous pouvez, comme ex-enseignant, toucher, disons, 8000 $ de rentes par année, mais vous allez toucher en plus vos 1500 $ de rentes du Québec, Donc, il y a lieu de réviser - et cela fait partie de ce que j'expliquais au tout début de la commission ce matin, le travail de révision en profondeur que nous faisons sur tout ce qui touche les rentes - il y a lieu d'établir des règles claires quant à la coordination entre le régime de rentes public et tous les régimes privés, quelle que soit la nature des régimes privés. Il faut qu'il y ait une coordination beaucoup plus claire que celle qui existe actuellement.

Mme Lavoie-Roux: Mais je soulevais le point, M. le Président... En tout cas, que vous l'examiniez, c'est excellent, mais le Régime de rentes du Québec ne fait pas partie des régimes supplémentaires de rentes. C'est un régime qui est assumé par le gouvernement, par l'employé et je trouve difficile qu'il entre en ligne de compte. Par exemple, je suis d'accord quand l'entreprise privée ou tout autre régime supplémentaire de rentes décide: Vous aurez tel pourcentage de votre salaire, que ce soit sujet à la négociation, mais je me pose des questions sérieuses quand on fait intervenir le calcul du Régime de rentes du Québec dans ce régime de rentes global, si on veut, pour venir dans certains cas pénaliser les femmes, parce que, dans la majorité des cas, les conjoints sont des femmes, mais elles n'ont pas travaillé...

M. Lazure: M. le Président, il faut dire que les maris de ces femmes, de ces futures veuves, ce sont eux qui ont négocié avec l'employeur cette coordination complète avec le Régime de rentes du Québec. C'est une des caractéristiques de leur régime de rentes, les policiers de la Communauté urbaine de Montréal, que ce soit intégré à 100% au Régime de rentes du Québec. Ce sont les policiers qui l'ont voulu ainsi.

J'ai la réponse, si vous voulez, à votre question de tantôt. Les veuves, les survivantes, quant au Régime de rentes du Québec, c'est 60%, comme vous le disiez tantôt, à la condition que la veuve elle-même n'ait pas participé au régime de rentes, à condition qu'elle ne touche rien elle-même. Si elle y a participé et si elle touche sa propre rente, à ce moment-là, le pourcentage varie.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, Merci. Le Président (M. Boucher): M. Perron.

M. Perron (Jacques): Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose pour répondre aussi à votre question? En fait, les veuves ne sont pas pénalisées par cela. C'est une entente qui est intervenue entre deux parties, entre le syndicat et l'employeur pour dire que lorsque, effectivement, l'épouse deviendra veuve, il y aura intégration de la rente versée par le Régime de rentes du Québec, au même titre que lorsqu'un policier est frappé d'invalidité professionnelle il y a intégration de la rente versée par la Commission des accidents du travail du Québec. C'est une entente. Les parties ont convenu de cela. Donc, il n'y a aucune pénalisation.

Mme Lavoie-Roux: Sauf que dans certains cas les contributions au Régime de rentes du Québec par le mari n'ont pas été faites au moment où il était à l'emploi du corps policier...

M. Perron (Jacques): Là...

Mme Lavoie-Roux: ... nécessairement, parce que vous savez que votre âge de retraite est plus hâtif. Ils peuvent aller travailler et acquérir... Ce ne sera plus le cas, maintenant que les gens contribuent au Régime de rentes du Québec depuis X nombre d'années, mais ce fut le cas au moment où le Régime de rentes du Québec a débuté. À ce moment-là, les gens n'y avaient pas contribué par leur travail à la communauté urbaine, mais ils y ont contribué par un emploi ultérieur qu'ils ont pris après avoir démissionné, quelques années ou même totalement en dehors du travail des policiers

de la communauté urbaine.

M. Perron (Jacques): Je suis d'accord avec vous. Dans ce sens, je pense qu'il y a discrimination parce qu'il y a intégration du RRQ effectivement là où le policier s'est accumulé cela ailleurs; il aura travaillé pour un autre employeur ou c'est un autre employeur qui a payé ou si le 1,8 est sa quote-part, et c'est lui qui s'est payé aussi 1,8 mais pour un autre travail. Les règlements chez nous étant ce qu'ils sont, c'est qu'à ce moment-là, c'est écrit qu'effectivement c'est la rente payable par le RRQ pour ce qui est de la veuve. Donc, à ce moment-là, il y a double intégration, même que la veuve s'est accumulé un régime de retraite, elle a payé du RRQ, et son RRQ effectivement est intégrable dans son régime et est intégrable aussi dans le nôtre. Actuellement, on tente de corriger ces anomalies et ces erreurs de texte. (12 h 45)

Le Président (Boucher): Merci. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie M. Perron et M. Benoît pour la présentation de leur mémoire, et j'inviterais immédiatement à se faire entendre le Comité syndical des assurances et pensions, représenté par M. Armand Brousseau. M. Brousseau vous pouvez lire votre mémoire.

Comité syndical assurances et pensions

M. Brousseau (Armand): M. le ministre, messieurs, mesdames. Nous, les ouvriers de la Canadian Steel, notre mémoire, on s'est mis ensemble pour le rédiger. On voudrait que, tenant compte de la responsabilité syndicale que nous avons, il y ait lieu de reporter l'âge de la retraite et de la rendre volontaire, selon le vote que l'on a passé dans l'usine. On veut avoir le retraité volontaire. Dans l'usine, il y avait alors 750 employés, 462 ont voté pour rendre l'âge de la retraite volontaire et 297 ont voté contre.

Dans notre mémoire, nous demandons l'âge de la retraite volontaire à 55 ans pour tous ceux qui travaillent dans l'industrie lourde, comme les fonderies, les mines ou les forêts. À 55 ans, c'est par rapport à tous ceux qui sont atteints d'une maladie professionnelle ou de surdité professionnelle comme dans les fonderies; nous en avons plusieurs. Seulement à la CSF, nous en avons 108 cas actuellement. C'est ce dont je m'occupe actuellement, les maladies professionnelles.

Ensuite, les fonds privés de retraite existants devraient être nationalisés et indexés au coût de la vie et ainsi être ramenés sous le contrôle du gouvernement québécois, ce qui freinerait la perte que subissent les travailleurs, lorsque ces mêmes fonds privés font faillite. De cette façon, le problème de la "transférabilité" - qui existe aujourd'hui de toute façon - serait résolu et, en même temps, ce serait un coup porté au chômage puisque les investissements se feraient au Québec.

En ce qui concerne les travailleurs qui n'ont pas accumulé suffisamment d'années avant leur retraite, il serait bon de leur permettre de racheter des années à leur fonds de retraite, tout comme on peut faire avec la Régie des rentes du Québec. Il va sans dire qu'en nationalisant tous les fonds de pension privés, l'argent ainsi récupéré serait investi au Québec; actuellement les fonds de retraite qu'on a, tout l'argent est investi dans les autres provinces et aux États-Unis. Hawker Siddeley, c'est une multinationale avec 12 fonderies au Canada et tous les fonds de retraite sont investis ailleurs.

Ensuite, en nationalisant les fonds de retraite, cela empêcherait le vol des fonds de retraite des ouvriers. J'ai des noms, si vous voulez, ici, de gens qui se sont fait voler leurs fonds de retraite, jusqu'à 28 ans de fonds de retraite, d'ancienneté dans une compagnie. La compagnie pour voler un fonds de retraite, elle s'y prend légalement. C'est légal selon la loi, mais ce n'est pas juste, quand même. Tout ce qu'elle dit, c'est qu'on manque de travail. Alors, le type est mis à pied. Parce qu'il ne veut pas être sur l'assurance-chômage, il s'en va travailler ailleurs pour une couple d'années et, s'il manque de travail encore à la même place, le type revient à la même usine et il a perdu toute son ancienneté, ainsi que son fonds de retraite. Il y a plusieurs types comme cela qui ont perdu jusqu'à 28 ans d'ancienneté. C'est pour cela qu'on demande au gouvernement de nationaliser tous les fonds de retraite; de cette manière, on en perdra beaucoup moins et un ouvrier pourrait avoir une pension indexée au coût de la vie et il pourrait vivre beaucoup moins au seuil de la pauvreté ou sur le bien-être social, parce que actuellement nous détenons le championnat du bien-être social, ici au Québec.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Brousseau. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier M. Brousseau et ses compagnons et compagnes de travail d'avoir non seulement présenté ce mémoire, mais aussi d'avoir discuté de la question. Cela nous a paru un bel exemple de participation à la base au niveau d'une usine dans la discussion d'un projet de loi. Souvent, les mémoires que les commissions parlementaires entendent viennent surtout d'organismes qui ont des permanences et qui ont des moyens assez sophistiqués pour préparer de tels mémoires. Nous voyons dans ce mémoire des idées très

généreuses qui ne sont pas toutes faciles d'application du jour au lendemain. Pour ce qui est de la retraite anticipée, encore une fois, nous voulons dans un premier temps, non pas à partir de 55 ans comme vous le souhaiteriez, mais à partir de 60 ans quitte à aller à 55 ans plus tard, dans un avenir prochain permettre la retraite anticipée à des bonnes conditions et non pas aux conditions actuelles que l'on connaît. L'employé qui aurait 25% d'incapacité, que ce soit à cause d'un accident ou d'une maladie, toucherait quand même non pas 25% d'une prestation d'invalidité, mais 100%. Alors, c'est une modification qui est en voie de préparation et cela va toucher, évidemment, des lieux de travail comme les fonderies, les forêts, les mines où les postes sont difficiles quant à la santé.

La deuxième suggestion que vous faites c'est de nationaliser les fonds de retraite. Tantôt, j'ai donné des exemples de règles du jeu qui devront être modifiées avant de rendre les plans de retraite privés transférables. J'ai parlé de la cotisation de l'employeur qui devrait être identifiée, j'ai parlé du délai, du nombre d'années voulu pour qu'on soit admissible, ce nombre d'années est trop élevé; j'ai parlé de l'âge, qui est trop élevé aussi. Là, vous nous parlez des investissements que font les entreprises avec les caisses de retraite. Cela, c'est un problème très aigu. On s'en doute souvent ou on le connaît par morceaux, par pièces, mais on n'a pas vraiment un portrait exact de l'investissement de tous ces milliards de dollars qui sont dans les caisses de fonds de retraite privés. On soupçonne, comme vous le dites vous-même, qu'une bonne partie, surtout dans le cas de multinationales dont la maison mère est aux États-Unis, va aux États-Unis et, très souvent, en Ontario.

Il est bien sûr que, sans dire que du jour au lendemain on va nationaliser les 5000 régimes de rentes privés, on peut quand même affirmer que, si on veut mettre de l'ordre dans les 5000 régimes de rentes supplémentaires, il va falloir confier à un organisme gouvernemental la gestion, la coordination de tous ces régimes supplémentaires de rentes. Ne serait-ce que pour assurer la transférabilité, ça prend un organisme central. Est-ce que cet organisme de coordination des 5000 régimes supplémentaires de rentes devra aussi regarder de façon très minutieuse quels investissements font les propriétaires de ces entreprises?

Finalement, vous parlez de rachat. Les rachats sont difficiles, ils sont chers. Il y a, dans un certain nombre de régimes supplémentaires, surtout dans le secteur parapublic des affaires sociales et de l'éducation, la possibilité de racheter des années. Mais vous avez raison de dire que, dans beaucoup de régimes supplémentaires privés d'entreprises, ce n'est pas possible. Cela, c'est une règle du jeu qui devra être modifiée aussi quand on va faire la réforme sur les régimes supplémentaires de rentes.

M. le Président, c'est tout. Encore une fois, je remercie M. Brousseau pour ses suggestions qui, même si elles paraissent très idéalistes à prime abord, nous indiquent les préoccupations des travailleurs qu'il représente ici.

Le Président (M. Boucher): Merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. À mon tour, j'aimerais remercier M. Brousseau. Votre mémoire indique bien que, pour vous autres, le problème n'était pas tellement au sujet de l'abolition de l'âge de la retraite qu'au sujet de la possibilité d'une retraite anticipée.

M. Brousseau: Oui.

Mme Lavoie-Roux: C'est vraiment ce que vous êtes venu nous dire.

Vous dites: La retraite doit être volontaire à compter de l'âge 55 ans. Le ministre vient de nous annoncer que son projet indiquerait l'âge de 60 ans. Selon votre expérience avec les catégories de travailleurs auxquelles vous faites allusion, l'industrie lourde, les mines ou la forêt, est-ce que vous avez des données comme quoi les gens sont obligés de se retirer à 55 ans ou si l'âge de 60 ans apparaît raisonnable?

M. Brousseau: Tous les travailleurs de fonderie sont atteints de silicose. Moi-même, je suis atteint à 60%; je suis invalide médicalement et je suis obligé de travailler quand même parce que je n'ai pas de pension qui pourrait me faire vivre. Après 35 ans de service pour la CSF, dans mon cas, ma pension me donnerait 280 $ par mois. Le premier fonds de retraite avait disparu avec des faillites et toutes sortes d'histoires que les compagnies nous racontent, il a fallu aller devant les tribunaux pour avoir l'argent qu'on avait déposé nous-mêmes. On nous a donné 0,5% sur notre argent, après on a fait une grève et on a négocié un fonds de retraite non contributoire que la compagnie contribue au fonds de retraite.

Le mémoire que je présente couvrirait aussi les gens qui ne sont pas syndiqués parce que, au Québec, on a seulement 30% qui sont syndiqués parmi les ouvriers qui travaillent dur, l'ouvrage qui est dur comme la fonderie, les mines ou les carrières. Si le gouvernement nationalisait tout ces fonds de retraite, même le travailleur qui n'est pas syndiqué adhérerait au fonds de retraite et, au lieu d'être au seuil de la pauvreté parce que tous les travailleurs qui retirent seulement les rentes du Québec et les rentes

d'Ottawa seraient dans un fonds de retraite... Aujourd'hui, vous avez à peu près 40% des travailleurs, parce que ce ne sont pas tous des travailleurs réguliers, il y a des travailleurs à temps partiel; ils n'ont même pas de fonds de retraite, ils ont juste les rentes du Québec et celles d'Ottawa, c'est tout ce qu'ils ont.

On demande 55 ans pour un homme qui est atteint de silicose grave et qui pourrait prendre sa retraite et se reposer. La silicose est dix fois pire que le cancer parce qu'il n'y a aucun remède; le cancer se soigne mais la silicose ne se soigne pas. Il n'y a aucune science médicale qui peut soigner la silicose. C'est de la poussière de sable sur les poumons qui vous empêche de respirer, c'est tout ce que c'est. On la prend dans les fonderies surtout, dans les carrières, dans les mines, toutes ces choses-là.

J'ai gardé des dossiers depuis 22 ans sur la silicose à la Canadian Steel, ceux qui sont morts au travail, ceux qui sont morts en dehors et c'est très rare que les types qui travaillent dans les fonderies, quand ils prennent leur retraite à 65 ans, puissent vivre plus de trois ans. Le maximum était de cinq ans chez nous, après avoir pris sa retraite. C'est pour ça qu'on demande la retraite volontaire à 65 ans; naturellement, on veut que ce soit volontaire. Chez nous, dans l'usine, il y a 750 employés actuellement, le vote a été, pour ceux qui voudraient travailler après 65 ans - ce sont des jeunes qui nous ont dit qu'ils voudraient travailler - de 3% seulement.

Tout le monde est presque obligé, dans une fonderie, de prendre sa retraite à 55 ans. Il y en a plusieurs qui ont pris leur retraite avant le temps. Pendant ce temps, les ouvriers sont pénalisés, ils retirent moins que leur pension, ils sont coupés. Par exemple, un homme qui prend sa pension à 60 ans, chez nous, est pénalisé de 3%.

Mme Lavoie-Roux: Au plan physique, M. Brousseau, est-ce qu'il a été établi médicalement pour les travailleurs dans les fonderies ou dans les mines - peut-être que vous n'avez pas l'information, je vous la demande - que 55 ans devrait être l'âge maximal pour travailler dans un tel milieu?

M. Brousseau: Oui. Nous avons eu des rencontres avec six médecins des CLSC de Montréal, nous avons discuté très longtemps de ces choses et à plusieurs reprises, parce qu'on cherche toujours des moyens d'éliminer la poussière. J'en ai discuté aussi avec le ministre Léger assez souvent. À 55 ans, un homme devrait être obligé de prendre sa retraite, quand il travaille dans une fonderie où il y a de la poussière de silice, vous savez... (13 heures)

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Brousseau: ... parce qu'il y a des poussières respirables et d'autres qui ne le sont pas.

Mme Lavoie-Roux: Si je vous pose la question, c'est pour faire réfléchir le ministre avant qu'il inscrive 60 ans dans sa loi. Vous parlez de la nationalisation des fonds privés de retraite et le ministre vous répond qu'on ne sait pas où ça s'en va, etc., il n'y a pas un regard assez serré là-dessus. Il faudrait peut-être aussi que le gouvernement nous dise ce qu'il fait avec les fonds de retraite qu'il y a dans la caisse de dépôt. Ce n'est pas assez scruté à la loupe pour le public. Voici la question précise que je veux vous poser; vous dites: Ces mêmes fonds privés font faillite, est-ce que c'est courant, est-ce qu'il y en a beaucoup?

M. Brousseau: Pardon, ce n'est pas le fonds qui fait faillite, c'est la compagnie qui administre le fonds.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Brousseau: Lorsqu'elle déclare faillite, si c'est une autre qui vient acheter les titres, elle peut être de la même famille; comme nous, chez nous, elle a fait faillite à trois reprises et ce sont des actionnaires d'Écosse qui ont repris; ils ont simplement changé le nom et ils continuent quand même. La fonderie chez nous est ouverte depuis 1912 - les premières grosses coulées - et elle a changé de nom plusieurs fois depuis ce temps, mais c'est toujours la même fonderie et c'est toujours le même travail. Alors, lorsqu'une compagnie comme ça fait faillite, la part de la compagnie qui est dans les fonds de retraite privés disparaît, c'est simple. Ensuite, lorsqu'il y a plusieurs ouvriers qui ont de l'ancienneté, elle s'arrange toujours pour manquer de travail, alors les ouvriers sont mis à pied et ces ouvriers vont travailler ailleurs. Quelquefois, il y a deux ou trois ans qu'ils travaillent ailleurs, tout à coup, ils reviennent travailler à la même place, pour une raison ou une autre, mais ils ont perdu leurs années antérieures.

Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, ce que vous soulevez c'est le problème de la transférabilité des fonds de retraite.

M. Brousseau: Si c'était nationalisé, la transférabilité serait éliminée du même coup et, en même temps, le vol des fonds de retraite serait éliminé; tout serait éliminé du même coup.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais demander au ministre s'il est au courant. Ce dont M. Brousseau parle, je l'ai souvent entendu dire, surtout dans les petites villes où il y a des

petites usines et où les gens sont syndiqués, mais pas très bien organisés; la compagnie fait faillite et, finalement, les fonds de retraite, etc. partent. Quel est le droit de recours de ces gens? C'est devant les tribunaux, évidemment?

M. Lazure: Devant les tribunaux.

Mme Lavoie-Roux: Devant les tribunaux.

M. Lazure: Mais, dans la réforme que nous allons proposer éventuellement à l'Assemblée nationale, il y aura aussi, dans les nouvelles règles du jeu, des prévisions, des règles à suivre quant à la liquidation d'un fonds de retraite collectif, que ce soit par faillite ou autrement, et au respect des droits des travailleurs.

Je reviens à la question de la nationalisation des fonds de retraite. Mme la députée de L'Acadie demande au ministre ce que le gouvernement fait avec la caisse de dépôt. En deux mots, le gouvernement se sert de l'argent du public pour assurer un meilleur développement économique du Québec. C'est ça qui est la différence dans l'utilisation des milliards qui entrent chaque année dans la caisse de dépôt, ça va au développement socio-économique des

Québécois; ce n'est pas investi en Ontario ou aux États-Unis, comme c'est le cas dans la plupart des régimes supplémentaires de rentes.

Mme Lavoie-Roux: C'est investi dans les déficits.

M. Lazure: Exemple: une compagnie qui s'appelle Domtar, où le gouvernement du Québec, grâce à la caisse de dépôt, a maintenant une présence majoritaire au sein du conseil d'administration, qui est une entreprise importante dans l'économie du Québec.

Une voix: Tricofil, SIDBEC.

Mme Lavoie-Roux: C'est votre meilleure, celle-là! Merci beaucoup, M. Brousseau.

Une voix: C'est réellement formidable!

Le Président (M. Boucher): Pas d'autres questions? Je remercie, au nom des membres de la commission, M. Brousseau pour son mémoire.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 05) (Reprise de la séance à 15 h 08)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous plaît!

À la suspension, à 13 heures, nous en avions terminé avec le Comité syndical des assurances et pensions de la Canadian Steel et nous en étions au mémoire de l'Université de Montréal. Je prierais les représentants de l'Université de Montréal, dont M. Paul Lacoste est le porte-parole, de venir présenter leur mémoire.

Université de Montréal

M. Boucher (Jacques): M. le Président, mon nom est Jacques Boucher. Je suis le secrétaire général de l'université. Je tiens à excuser le recteur Paul Lacoste, qui devait être ici ce matin, qui est retenu à la maison à cause de la grippe et qui s'excuse de ne pouvoir présenter le mémoire de l'université. J'espère que je le ferai le mieux possible, étant donné quand même l'importance de la question et des enjeux qui sont en cause dans toute cette question.

Vous avez devant vous un mémoire de la direction de l'Université de Montréal. Compte tenu des très brefs délais qui nous ont été donnés pour étudier cette question, à peine un mois et, en fait, moins d'un mois, il n'était pas possible que la direction de l'Université de Montréal procède à autre chose que - après avoir étudié elle-même la question - de simplement consulter de façon informelle soit l'assemblée universitaire, le conseil de l'université, l'ensemble des professeurs et des composantes de l'université.

Ainsi ce n'est pas une consultation en bonne et due forme à laquelle nous nous sommes livrés, ce sont des coups de sonde, c'est une discussion qui a eu lieu à l'assemblée universitaire, c'est une discussion qui a eu lieu au comité du statut, c'est une discussion qui a eu lieu au conseil de l'université.

Tout cela reste finalement la réaction de la direction de l'université, qui n'engage rien de plus qu'elle-même dans cette question, encore que, entre la première version du mémoire et la version que vous avez sous les yeux, à la suite des discussions et des consultations qui ont eu lieu, il y a eu de nombreuses modifications.

On peut dire que, même si c'est le mémoire de la direction de l'Université de Montréal, ce mémoire reflète quand même un certain consensus, ne serait-ce que parce qu'il est quand même assez nuancé, qu'il propose plus une problématique - c'est très universitaire - que des solutions tranchées et qu'il demande, vous l'avez vu, un moratoire.

Si j'avais à résumer ce mémoire en une phrase, je dirais que l'Université de Montréal ne peut pas à ce stade-ci de la discussion et de la réflexion dire, d'une part, qu'elle est farouchement opposée à la loi 15. Cela ne

veut pas dire, non plus, qu'elle est enthousiaste et qu'elle encourage le gouvernement à y aller. Ce que je peux dire à ce moment, c'est que la direction de l'Université de Montréal est inquiète des conséquences de cette loi à la fois dans son milieu, le milieu de l'université, mais également d'une façon générale pour l'ensemble de la société.

Nous demandons un moratoire, ce qui, je pense, nous laisserait le temps de réfléchir un peu plus aux conséquences, il me semble, extrêmement graves que suppose cette loi. Également, faute de mieux, un moratoire, dans l'éventualité où la loi 15 serait adoptée dans un bref délai, laisserait aux institutions le temps de réagir et le temps de s'ajuster. Le sens du témoignage que la direction vient vous livrer ici, c'est de vous faire sentir un peu les énormes problèmes qu'une telle loi risque de provoquer chez nous et que, dans certains cas, elle peut provoquer.

Évidemment, il est difficile de s'opposer au principe qui est généreux. Je sais que le Bureau international du travail, la commission d'enquête du Sénat et toutes sortes d'organismes tous plus prestigieux les uns que les autres reconnaissent que la retraite à 65 ans devrait disparaître. Cependant, mon témoignage est ici de vous dire qu'en apportant des correctifs aux maux que pose la retraite il faudrait se garder de créer pour les autres secteurs de la société, pour les autres classes d'âges, pour les collègues de travail, pour les étudiants dans le cas des institutions d'enseignement, pour les personnes âgées elles-mêmes, plus de problèmes que ceux que l'on s'efforce de régler.

Notre intention n'est pas de demander, comme cela s'est fait aux États-Unis, un régime d'exception pour les professeurs d'université. Vous savez sans doute qu'aux États-Unis, en 1978,. le Congrès américain a créé deux ou trois classes d'exceptions, dont une spécifiquement pour les professeurs d'université. Notre intention, ce n'est pas de vous dire: Notre fonds de retraite étant tellement en bon état, l'Université de Montréal ou les universités sont un monde tellement à part qu'il faut les mettre à part de cette loi.

Tout simplement, ce que je viens faire, c'est vous dire qu'il est important de ne pas procéder à la hâte et qu'il est important de se rendre compte des conséquences de ce qui peut se passer. Encore une fois, je ne viens ici que vous donner un exemple dans un milieu comme l'Université de Montréal, mais on pourrait faire la même chose dans probablement beaucoup d'autres milieux, de vous donner les hypothèses ou les conséquences possibles ou les questions qu'on se pose et qui sont restées sans réponse pour le moment et qui pourraient se produire si une loi comme la loi no 15 était adoptée.

Les fonctions de l'université. Notre mémoire insiste sur ce que c'est que ce milieu de travail bien particulier, qui n'est pas unique. Probablement qu'on pourra dire que Radio-Québec ou que les milieux d'architectes ou d'ingénieurs ou d'administrateurs sont grosso modo apparentés au milieu universitaire. Mais il reste que le milieu universitaire est un milieu bien particulier, dont la fonction est une fonction d'enseignement et de recherche, mais également qui s'inscrit dans un cadre assez large. (15 h 15)

Le rôle de l'université c'est de transmettre des connaissances, mais c'est également de renouveler ces connaissances, c'est de les critiquer, c'est de faire appel à la production, à la créativité, à la publication. Mais dans ce sens-là l'université n'est pas un lieu unique, il y a beaucoup, j'espère, d'autres lieux que l'université qui vivent sur ce besoin de créativité, sur ce besoin de renouvellement constant. Mais il reste quand même que l'université, c'est son problème, doit continuellement se renouveler, faute de quoi elle cesse de jouer le rôle qui est le sien.

L'université c'est une entité abstraite, elle est faite des personnes qui la composent et le renouvellement de l'université se fait à partir du renouvellement des individus qui la composent. Je conviens avec vous qu'il n'y a pas une corrélation absolument étroite entre l'âge et la capacité de renouvellement. Il y a des gens qui sont vieux à 35 ou 40 ans et il y en a qui à 70 ans sont au point de vue de la créativité remarquablement féconds, c'est clair. Mais on peut quand même au moins se poser des questions.

Mesdames, messieurs, nous ne savons pas dans l'état actuel des choses et de la réflexion quel est l'impact du vieillissement du corps professoral sur une de ces missions essentielles de l'université qui est, encore une fois, le renouvellement des connaissances, les contacts avec les jeunes et la créativité, la publication, tout ce qui fait que l'université est l'université. On entend depuis plusieurs années beaucoup d'inquiétude de la part des milieux universitaires, pas seulement québécois mais canadiens et américains. Quant aux conséquences désastreuses que l'on prévoit du vieillissement du corps professoral sur cette mission de l'université, encore une fois, on a pratiquement peu de données, ce sont des hypothèses. Il y a des exemples. On sait que d'autres milieux, les milieux européens notamment, qui ne connaissaient pas d'âge obligatoire de la retraite, ont été obligés de se battre et cela a été considéré comme une victoire que d'abaisser l'âge de la retraite de l'infini à 75 ans ou 70 ans. On a considéré dans ces autres milieux que c'était un

progrès pour les universités que d'abaisser l'âge de la retraite.

Or, dans notre cas à nous, à l'université, il est important de se rendre compte qu'il y a un équilibre entre la créativité, le dynamisme - j'allais dire la jeunesse, ce n'est pas nécessairement relié à la jeunesse - et un rythme plus soutenu de publications et l'expérience. Est-ce qu'on retrouve plus souvent la créativité chez les plus jeunes et l'expérience chez les plus vieux? C'est à voir. Là-dessus, les opinions varient mais je suis ici pour vous dire que ce n'est pas aussi tranché que ça en a l'air. Encore une fois, on se refuse de trancher, mais je pense qu'il est inutile de se leurrer. Une loi comme celle qui nous est proposée aura des conséquences graves ou risque d'avoir des conséquences graves sur le déroulement de l'institution. Plaçons-nous dans le contexte budgétaire qui est celui des universités. Ce n'est plus une question de créativité, c'est tout simplement une question de la nécessité qu'il y ait dans un secteur, dans un département, dans une faculté un équilibre entre les professeurs plus âgés et les plus jeunes.

L'université, comme tous les secteurs publics ou parapublics, se trouve dans la situation où elle ne peut pas engager de nouveaux professeurs sauf à partir des départs. La situation dans laquelle nous nous trouvons, c'est que si l'âge de la retraite est reporté de 65 ans à l'infini, il y aura un certain nombre de professeurs, on ne sait pas combien, qui décideront de continuer. Dans le contexte actuel, c'est inutile de se leurrer, ces professeurs qui décideront de rester après 65 ans, c'est autant de jeunes professeurs de moins qui pourront entrer dans la carrière. Nous en sommes même à ce point qu'il nous faudra peut-être - j'espère que non - remercier de jeunes professeurs qui sont en début de carrière pour éventuellement, si la loi était passée, garder des professeurs par ailleurs excellents, ce n'est pas ça qui est en cause, mais qui ont 65, 70 ans et qui décideront de rester.

La grande inconnue, si cette loi 15 est adoptée, c'est de savoir combien de professeurs décideront de rester dans le circuit après 65 ans. Une enquête a été faite parmi les professeurs par le Syndicat des professeurs de l'Université de Montréal, tout récemment, et le résultat était, en 1980, qu'en moyenne les professeurs désiraient quitter à 65 ans, plus ou moins. Évidemment, le chiffre est rassurant et on pourrait dire, à partir de ça: II n'y a pas de quoi s'inquiéter de cette loi 15, si les professeurs veulent partir à 65 ans, pourquoi s'inquiéter?

Mais ce que ne livrent pas les statistiques, c'est qu'on est en face, dans ce cas-ci, d'une moyenne. Si la moyenne est à 65 ans, il y en a évidemment qui voudront partir à 60 ans, il y en a qui voudront partir à 70 ans. Dans quels secteurs sont ceux qui veulent rester jusqu'à 70 ans, 75 ans? On a déjà des départements où il y a un sérieux problème de vieillissement et d'absence de renouvellement du corps professoral, tout en étant, par ailleurs, des professeurs excellents. Il y a besoin de sang neuf dans toute structure, et l'université n'y échappe pas.

L'enquête qui a été faite par le Syndicat des professeurs ne laisse pas voir ces différenciations et je pense que, malgré les données qui peuvent être rassurantes à première vue, nous ne sommes pas, comme direction, rassurés sur la possibilité de continuer à réengager des jeunes profs et que les conséquences ne seront pas néfastes sur le recrutement du corps professoral. En fait, le corps professoral de l'Université de Montréal, comme celui de toutes les universités du Québec, vous le savez bien, a été recruté massivement dans les années soixante, entre 1960 et 1970.

La quasi-totalité du corps professoral actuel, dans une très grande proportion, a été recrutée pendant cette période d'abondance; depuis 1975-1976, cela a tendance à plafonner. Évidemment, tout ce monde, vers 1990 ou l'an 2000, arrivera brutalement et massivement à la retraite. On pourrait dire à ce moment-là: Si vous n'avez pas prévu la situation, vous aurez besoin de garder vos vieux professeurs à 65 ans et à 70 ans, justement parce qu'il n'y aura pas suffisamment de jeunes. Par ailleurs, est-ce qu'on a suffisamment réfléchi aux conséquences sur les études supérieures? Nos études de maîtrise et de doctorat se recrutent de quelle façon? En grande partie, à même ceux qui espèrent, au moins, comme une de leurs avenues, faire de l'enseignement universitaire. Or, si la perspective est que la carrière est bloquée pour des années à venir, évidemment, cela aura un impact sur les études de maîtrise et de doctorat, ce qui veut dire qu'encore une fois, dans dix ans ou dans vingt ans, quand il s'agira de recruter et que les professeurs qui sont aujourd'hui en service partiront massivement, où va-t-on les recruter? II y a toutes sortes de problèmes qui sont en cause et qui sont liés à cette question de l'âge de la retraite. L'âge de la retraite n'est pas l'élément définitif et uniquement responsable de ce qui va se passer, du vieillissement du corps professoral, mais c'est un des éléments. Je pense que cela vaudrait la peine, encore une fois, de se donner quelques mois de réflexion.

Les professeurs, à l'Université de Montréal, comme ailleurs dans les universités du Québec, ont la permanence, la tenure. Dans le contrat collectif actuel, cette permanence se termine à 65 ans, à moins que l'université ne la prolonge exceptionnellement, d'année en année, jusqu'à l'âge de 70 ans, ce qui est prévu par nos règlements. Donc, l'âge de la retraite est à

65 ans et la permanence s'achève avec la prise de la retraite à 65 ans. Quel va être l'impact d'une loi comme la loi 15 sur la permanence? Est-ce que les professeurs resteront permanents avec tout ce que cela peut supposer jusqu'au moment où ils décideront de prendre leur retraite? C'est un problème auquel actuellement nous n'avons pas de réponse. Est-ce qu'il faudrait songer à dissocier la permanence et l'âge de la retraite ou le travail à partir d'un certain âge, 65 ans, 60 ans ou autrement? C'est une des possibilités à laquelle nous n'avons pas de réponse actuellement.

Le mémoire insiste sur la nécessité d'une retraite dans la dignité. Je me permets d'insister particulièrement sur ce problème. Il est clair que la retraite à 65 ans a quelque chose d'odieux, c'est évident. De dire à tout le monde: À 65 ans, automatiquement, tapis rouge, champagne et adieux...

M. Lazure: ...

M. Boucher (Jacques): Partout. Le champagne, non, même plus. L'ancienne montre en or! Sauf que cela a quand même l'avantage de ne pas avoir de note d'infamie sur personne, mais, quant à moi, je préférerais de beaucoup, à 65 ans, me faire dire: Vous avez été un grand professeur, un excellent secrétaire général, mais on ne peut plus vous garder, que de me faire dire: -dans le système actuel, c'est la seule solution - Nous ne pouvons plus vous garder, parce que vous n'êtes plus capable. C'est cela le choix dans notre système; la retraite est obligatoire, aveugle et bête - comme tout ce qui est aveugle - mais elle n'est pas discriminatoire.

Dans un milieu comme celui de l'Université de Montréal, essayons de vivre, dans un milieu universitaire, ce qui va se passer quand un professeur aura décidé qu'il prendra sa retraite au moment où cela lui plaira. Si les règles restent ce qu'elles sont, qu'il est encore permanent, qu'est-ce qui va se passer? L'université, honnêtement, comme n'importe quelle compagnie, comme n'importe quel gouvernement, peut-elle dire à quelqu'un: Monsieur, vous avez servi admirablement pendant 30 ou 35 ans à l'université. Vous voulez continuer jusqu'à votre bon plaisir à travailler pour l'université. Nous croyons que vous n'êtes plus capable et la seule hypothèse, la seule porte de sortie pour nous, c'est le renvoi pour cause. Est-ce que l'université ou n'importe quel employeur, devant quelqu'un dont l'activité créatrice - ou tout simplement l'activité - ralentit, peut honnêtement et décemment, à la fois pour elle, pour le milieu de travail et pour le travailleur âgé, littéralement le mettre à la porte? Je peux vous dire que je vis actuellement, que l'Université de Montréal vit actuellement un cas de ce genre où le professeur s'accroche. C'est pénible et humainement quasiment impossible de dire à quelqu'un: Non, vous n'êtes plus capable de répondre aux fonctions, et c'est plus ou moins un "renvoi pour cause". C'est, encore une fois, dans le système actuel, si on n'envisage pas d'autres solutions ou d'autres options, le seul choix possible.

Sous prétexte et avec l'intention sans doute louable d'aider les personnes âgées, je me demande si dans le système actuel on n'est pas en train de leur causer, à elles précisément, plus de problèmes qu'autre chose. C'est évident qu'il y a aussi les problèmes financiers que je n'essaie pas de nier, c'est clair, mais en prolongeant l'âge de la retraite pour régler un autre problème qui est un problème financier à la retraite, je ne pense pas qu'on règle le problème.

Évidemment, il y a des solutions entre la retraite obligatoire et pas de retraite du tout, ou la retraite ad libitum, mais l'université, comme l'ensemble de la société, en est encore à ses balbutiements quant aux solutions. Là aussi, la raison pour laquelle on vous demande un moratoire, c'est qu'il y a probablement, entre la retraite obligatoire et le renvoi pour cause, des solutions. Mais je vous avoue qu'aucune n'a vraiment été testée, ou au moins à ma connaissance n'a été vraiment testée. Si le gouvernement nous imposait du jour au lendemain une loi comme celle-là, comme milieu de travail, on serait fichtrement embêtés. (15 h 30)

Comment génère-t-on des solutions? On parle de retraite progressive, de partage entre la retraite et le salaire, de demi-temps, de toutes sortes de choses; comment est-ce que tout cela s'inscrit dans une institution comme l'Université de Montréal, ou comme une université? Soulignons également que certaines industries ou certaines entreprises offrent dans leur panoplie de tâches tout un éventail. L'université offre un éventail quand même relativement restreint; c'est de l'enseignement à un certain niveau, dans des groupes plus ou moins grands, et c'est de la recherche, cela s'arrête là. Evidemment, on peut toujours créer quelques tâches administratives, on peut toujours essayer de trouver quelques options, mais cela reste finalement relativement limité.

Les professeurs, dans une institution comme l'université, ne sont pas les seuls à faire profession de sens critique et de créativité; les cadres, les administrateurs ont cette fonction également, et dans n'importe quelle institution comme l'université, les administrateurs ne sont pas engagés à terme. Est-ce qu'une loi comme celle-ci leur donne le droit de s'incruster dans leur tâche? Déjà, cela leur cause des problèmes. On a recruté massivement des personnes jeunes dans les

années 1960 qui ont 40, 45 ans et qui ont encore devant eux, dans des postes de responsabilité, vingt ans de carrière: qu'est-ce que l'on va faire avec cela?

Notre mémoire évoque les conséquences de la loi 15 sur les budgets de fonctionnement des universités et sur les avantages sociaux. Est-ce que l'on se rend compte qu'il faudra, à la suite de cette loi, si elle est votée, modifier de fond en comble tout notre régime d'avantages sociaux, régime de retraite, régime d'assurance-maladie, régime d'assurance ceci et cela? Encore là, cela demande du temps, et je pense que cela demande aussi considération.

Les tendances sociales actuelles. C'est drôle, j'avais compris depuis un bon bout de temps que la tendance sociale au Québec comme partout ailleurs était d'avancer l'âge de la retraite; 65 ans, pour plusieurs, c'était bien tard et la capacité d'adaptation à la retraite était moins grande à 65 ans qu'à 60 ans, et, dans toute cette société du loisir, il me semblait qu'il y avait tendance à avancer l'âge de la retraite à plutôt 65 ans ou même 55 ans que de la retarder indéfiniment, et, par conséquent, rendre dans certains cas, rendre plus pénible le choc de la retraite.

Je comprends que les circonstances ont changé, je comprends que l'inflation galope plus fort qu'il y a 20 ans et qu'il y a 10 ans, je comprends que les caisses de retraite ne se portent pas toutes bien, mais je me demande honnêtement - et encore une fois je n'ai pas de réponse - si le projet de loi 15 ne va pas à rebours des tendances sociales actuelles, je me le demande. Je me demande également, si la loi 15, dans certaines de ses conséquences, ne risque pas de poser des problèmes de conflit avec certaines politiques gouvernementales qui nous concernent plus particulièrement, notamment, la politique de financement du ministère de l'Éducation, qui cherche à financer les jeunes chercheurs, à les introduire dans le circuit, et, dans la mesure où la loi 15 peut affecter l'entrée des jeunes chercheurs, est-ce que cette loi ne va pas à l'encontre d'une autre politique gouvernementale dans laquelle, à ma connaissance, on investit plusieurs millions de dollars?

Rapidement, M. le Président, et en regrettant, premièrement, que le recteur ne soit pas là pour faire ce plaidoyer et cette démonstration, deuxièmement, que l'on n'ait pas eu plus de temps pour y réfléchir, tout cela étant forcément sommaire, je m'en rends compte, je pense qu'en voilà assez pour nous convaincre que l'amendement à la Charte des droits et libertés de la personne dont on discute dans un autre forum et le projet de loi 15 sont prématurés. Il faut que le gouvernement qui, à bien des égards, est dans une situation semblable à celle de l'université, se donne et nous donne un temps de réflexion avant d'adopter un changement chargé d'autant d'incertitudes et aussi lourd de conséquences.

Voilà pourquoi nous le répétons, il est essentiel que l'on accorde un moratoire sur cette question de l'âge de la retraite.

Le Président (M. Boucher): Merci M.

Boucher. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je vais remercier le secrétaire général de l'université pour le mémoire qu'il nous présente aujourd'hui. C'est un point de vue qui est fort bien défendu, fort bien étoffé. Nous aurons l'occasion, au cours de l'après-midi, d'entendre un autre point de vue de gens qui viennent aussi de l'Université de Montréal.

Quelques remarques, puis ensuite quelques questions.

M. Boucher nous dit: Je me demande si le projet de loi ne va pas à l'encontre d'une tendance actuelle, à savoir celle de prendre sa retraite plus jeune. Je vais répéter encore une fois que ce projet de loi n'a pas pour but d'inciter la personne de 65 ans à continuer de travailler. Ce n'est pas un projet de loi d'incitation, c'est un projet de loi qui veut simplement - et il n'est jamais trop tôt pour le faire, il est toujours trop tard pour le faire - enlever un facteur de discrimination.

Quant aux répercussions que vous laissez entrevoir qui pourraient être graves pour l'université, je vous avoue que cela m'étonne un peu parce que, même si les milieux ne sont pas tout à fait équivalents, les 222 entreprises qui avaient été sondées par le Conference Board of Canada, qui est quand même un organisme sérieux, la très vaste majorité de ces chefs d'entreprises nous disaient: Nous n'appréhendons pas de problèmes particuliers.

Vous faites référence à la loi américaine qui a exempté les professeurs d'université, non pas en permanence mais jusqu'au 1er janvier 1982; dans quelques mois, cette exemption prendra fin. Pourquoi le gouvernement américain avait-il décidé de faire une exception pour les professeurs d'université? L'explication nous vient du gouvernement américain lui-même. On nous explique que c'est tout simplement parce qu'à la même époque les gouvernements américains, autant le gouvernement fédéral que les gouvernements des États, essayaient par toutes sortes de mesures de faire du rattrapage, de faire de la discrimination positive en faveur des femmes et des noirs. Pour permettre le programme de redressement, si vous voulez, en faveur des femmes et des noirs, le gouvernement américain a décidé de ne pas inclure les professeurs d'université jusqu'au 1er janvier 1982. À partir de janvier 1982, les professeurs d'université vont être sujets à la

loi comme tout le monde.

À partir du moment où on comprend que le projet de loi n'a pas pour but d'inciter les gens à s'accrocher à leur emploi comme vous le dites, à ce moment-là on en revient toujours au même principe fondamental. Le professeur de 66 ans, s'il est en bonne forme physique et mentale pour dispenser son enseignement, on peut dire qu'il prend la place d'un professeur de 36 ans ou de 26 ans; c'est bien sûr qu'on peut dire cela. Mais cette logique peut nous mener à l'absurde au point de dire que tout homme qui remplit un emploi remplace une femme qui devrait le remplir, et vice versa. C'est sûr qu'une telle loi va obliger les employeurs, qu'ils soient des universités ou des entreprises commerciales, à raffiner leurs méthodes d'évaluation.

Je ne peux pas accepter le raisonnement qui nous est présenté aujourd'hui, que c'est mieux une mesure discriminatoire qui s'applique à tout le monde, comme c'est le cas actuellement, la retraite obligatoire à 65 ans, que d'être obligé soi-disant de blesser quelqu'un parce qu'il n'aurait plus la capacité physique ou mentale de remplir sa fonction rendu à 65 ans. Je ne peux pas accepter ce raisonnement. Je comprends que c'est difficile dans un milieu comme une université d'établir la compétence du professeur, d'année en année mais ce n'est pas parce que c'est difficile que ce n'est pas faisable.

J'avais aussi quelques questions à vous poser. La sécurité d'emploi pour le professeur, vous nous en avez parlé un peu. Après combien d'années prend-elle effet dans l'ensemble de tout votre corps professoral? Deuxième question, je reviendrai ensuite avec deux derniers commentaires, quel est le taux de roulement, de départ naturel parmi le corps professoral à l'Université de Montréal?

M. Boucher (Jacques): La sécurité d'emploi dans le cheminement de carrière d'un professeur vient normalement après la cinquième ou la sixième année grosso modo; c'est là que vient l'agrégation. Après six ou sept ans d'agrégation, il y a l'étape suivante qui est la titularisation mais qui en termes de sécurité d'emploi n'ajoute rien. Donc, la réponse à votre première question c'est après cinq ou six ans. Pour ce qui est du taux de roulement, je n'ai pas de données là-dessus; ce sont plus des intuitions qu'autre chose, j'aimerais mieux avoir évidemment les professeurs avec moi. Il y a évidemment un certain taux de rotation normale mais qui, à ma connaissance, est beaucoup moins grave dans le milieu anglophone où le bassin est beaucoup plus large. Il y a des facultés où le roulement est plus fort que d'autres mais, d'une façon générale, le roulement, surtout dans ces époques actuelles, est quand même relativement faible de sorte que, encore une fois, notre marge de manoeuvre, en termes de renouvellement de l'ensemble du corps professoral, est quand même très faible. Je ne peux pas vous donner les chiffres à ce moment-ci.

M. Lazure: J'ai eu l'occasion de dire ce matin, en évoquant l'expérience des États-Unis, que nous gardions la porte ouverte, non pas à un moratoire, au sens où vous semblez l'utiliser, à exempter tel groupe pour une période de temps, mais plutôt à un étapisme de bon aloi quant à l'application de la loi surtout lorsque les employés bénéficient d'un régime supplémentaire de rentes à l'intérieur d'une convention collective.

En d'autres termes, ce que les Américains ont fait, nous l'avons examiné, nous allons continuer de l'examiner à la lumière des commentaires que nous allons entendre à la commission parlementaire. Ces derniers ont donc dit: La loi entre en vigueur, mais les modalités du plan de pension devront être ajustées à la nouvelle loi lors de la prochaine convention collective ou dans un délai maximum de trois ans. Nous ne sommes pas fermés à un étapisme de ce genre. Encore une fois, je vous rappelle que l'exemption de groupes d'employés doit être gardée au strict minimum, autrement ça ne devient plus une loi antidiscriminatoire mais ça va devenir une loi d'exception. Aux États-Unis d'ailleurs, on a fait très peu d'exception parce que cette exception des professeurs d'université, je le répète, était pour une période temporaire de trois ans, mais les corps qui sont en permanence exemptés sont très rares: policiers, pompiers et quelques autres. Nous gardons l'esprit ouvert à une certaine mise en vigueur par étapes.

Finalement, vous parlez de certaines hypothèses intéressantes: travail à temps partiel, retraite graduelle, etc. Au gouvernement, on serait bien intéressé à avoir les lumières de vos chercheurs à l'université. C'est sûr que dans notre société du Québec, on n'a pas eu recours suffisamment encore à ces mesures alternatives. J'ai dit ce matin, je le répète, que, dans une deuxième étape, une fois ce projet de loi adopté, nous avons l'intention de présenter un projet de loi qui va permettre la retraite anticipée. Je rejoins ce que vous appelez la tendance actuelle qui va permettre la retraite anticipée à 60 ans dans un premier temps et surtout pour les personnes qui ont un certain degré d'invalidité.

C'est justement une des raisons pour lesquelles nous ne pensons pas qu'une telle loi aurait des conséquences tellement néfastes dans les universités. Au contraire, nous sommes conscients que la tendance va vers la retraite en bas de 65 ans. Dans la mesure où surtout les plans de pension ont de l'allure, dans la même mesure, on assiste

dans les corps enseignants, de façon générale, à une prise de retraite en bas de 65 ans. Nous disons tout simplement que ce projet de loi veut mettre fin à une discrimination et pour ça - ceux qui sont les objets de la discrimination - le temps n'est jamais trop tôt pour le faire.

Le Président (M. Boucher): M. Boucher.

M. Boucher (Jacques): M. le Président, je me rends compte que je n'ai peut-être pas été suffisamment clair. (15 h 45)

D'abord, je veux réitérer ici que la position de la direction de l'Université de Montréal est une position d'inquiétude en face des conséquences probables dans certains cas. Ce n'est pas une attitude négative à tout prix, c'est une attitude - par ailleurs, je ne tente pas de minimiser -inquiète en face de ça, c'est la première chose. Deuxième chose, je pense que je n'ai pas été suffisamment clair. Si on a parlé de moratoire, ça ne veut absolument pas dire un régime d'exception pour les professeurs d'université. J'ai insisté sur le fait qu'on ne demande pas que les professeurs d'université, comme cela s'est fait aux États-Unis, soient exemptés de la loi et de l'application de la loi. Mon témoignage est le suivant: Dans un milieu comme celui-ci, comme celui qu'on a, voici des conséquences possibles, dans certains cas probables, ou voici le genre de questions qui seront posées et auxquelles on n'a pas de réponse, qui risquent de poser des problèmes très sérieux. C'est notre position, mais on n'a pas l'intention, comme cela s'est fait aux Etats-Unis, de demander une exception pour les professeurs d'université. Je veux que ce soit bien clair.

M. Lazure: Une dernière question, si vous permettez. Quand vous parlez de moratoire, vous avez parlé de quelques mois, au cours de vos remarques tout à l'heure, mais vous avez quel délai en tête, comme moratoire?

M. Boucher (Jacques): II n'y a pas de délai. On en a discuté, on a parlé de six mois, d'un an. Écoutez, le moratoire a un double sens, d'accord? L'idée de moratoire peut vouloir dire: Est-ce qu'on a vraiment suffisamment réfléchi aux conséquences d'une telle loi si elle était adoptée? Le premier sens du mot moratoire, c'est qu'on a eu un mois, un mois et demi pour réfléchir à ça, collectivement, il me semble que c'est trop grave pour qu'on adopte une loi comme celle-là aussi rapidement. Donnons-nous six mois, un an, pour y réfléchir, sans préjuger des conséquences. C'est le premier sens du mot moratoire.

Le deuxième sens du mot moratoire - il n'est pas exclusif du premier - c'est que si, par contre, le gouvernement décidait qu'à partir du 1er janvier 1982 la loi 15 est en vigueur, je vous dis - à partir des exemples que je vous cite dans le mémoire - qu'il y a les conventions collectives qu'il faudra sans doute revoir, qu'il y a les fonds de retraite, qu'il y a un éventail de choses à remettre en cause, qui sont remises en cause par cette loi. Là encore, ça ne peut pas se faire du jour au lendemain. C'est le deuxième sens du mot moratoire.

M. Lazure: Une dernière remarque, M. le Président, parce que M. Boucher est revenu à deux reprises à la notion d'un mois et demi. Je vous rappelle quand même que le projet de loi a été déposé au mois de mai à l'Assemblée nationale et il a été rendu public au mois de mai. C'est quand même beaucoup plus qu'un mois et demi, c'est plutôt quatre mois et demi. Depuis le temps où le public sait, tous les employeurs savent que le projet de loi a été adopté à l'unanimité, en deuxième lecture, à l'Assemblée nationale, au mois de juin. Donc, tous les employeurs ont eu beaucoup plus qu'un mois et demi pour réfléchir à ce projet de loi.

M. Boucher (Jacques): Est-ce que je peux quand même répondre que la publicité dans les journaux convoquant ces audiences publiques s'est faite au cours du mois de juillet ou août, si mes souvenirs sont bons. Je vous avoue que, tout en sachant que la loi s'en venait, pour être franc, M. le ministre, beaucoup de gens auxquels je parle de cette loi autour de moi disent: Écoutez, ça ne tient pas debout, ce n'est pas possible de faire ça aussi vite que ça, c'est une nouvelle philosophie du travail et de la gestion de la boîte, mais il n'y a personne qui ose le dire. Il n'y a personne qui ose se présenter devant les autorités et dire franchement: On est contre ou on pense que c'est trop vite.

M. Lazure: M. le Président, mon dernier commentaire - je ne peux laisser penser cela sans le relever - je l'ai dit tantôt, je le répète, je vais probablement le dire plusieurs fois d'ici la fin de cette commission parlementaire, nous sommes ouverts à une application progressive, une application par étape. Je ne veux pas, encore une fois, évoquer la méthodologie, la façon dont le gouvernement américain a procédé à l'implantation de sa loi. Donc, nous ne voulons pas tout révolutionner du jour au lendemain. Dans les différentes modalités, dans les différents ajustements auxquels chaque employeur, surtout celui qui a un fonds de retraite supplémentaire, devra procéder avec ses employés, il est bien sûr qu'il va falloir y mettre un certain temps.

Je pense qu'il faut continuellement

distinguer entre l'urgence de mettre fin à une discrimination, l'urgence de donner un choix à l'employé, quant à son âge de retraite, et en même temps la prudence de laisser le temps à chaque groupe, employeurs et employés, de négocier un nouveau contrat qui tiendra compte de la nouvelle loi.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier M. Boucher, de l'Université de Montréal, d'être venu présenter son mémoire. Il faut vous remercier de votre franchise. Évidemment, ceci est sorti du discours - ils pourront peut-être dire que je fais de la politique partisane, mais ce sont les faits - inaugural un mois après l'élection, quand on a été rappelés, comme étant une promesse électorale. Si on n'avait pas ralenti les choses, si on n'avait pas demandé de nous produire des études qu'on n'a pas encore eues, de toute façon, probablement que la loi aurait été adoptée au mois de mai ou au mois de juin, en session. Je me réjouis quand même qu'on parle d'un étapisme de bon aloi, mais s'il durait aussi longtemps que l'autre étapisme, vous n'auriez pas à vous inquiéter.

Je pense qu'il est évident que tout le monde est pour la vertu. Il n'y a personne dans cette salle qui ne parle pas de cette nécessité d'enlever ce facteur de discrimination qui est large. On en a parlé toute la semaine dernière dans l'autre salle un peu plus loin. Là-dessus, ce ne serait même pas la peine de se réunir pour se dire cela entre nous, je pense qu'on perd tout notre temps ici. Ce qui est important, comme je le disais ce matin, c'est de mettre en place les conditions pour une application de la loi qui amène une collaboration de tout le monde et qui ne soit pas précipitée, qui finalement n'aille pas à ['encontre des objectifs qu'on veut atteindre. Si, parce qu'on se précipite, parce qu'on n'a pas les données, on se retrouve tout à coup à poser des jugements de valeur sur des individus, jugements qui ne sont pas basés sur des critères d'évaluation sérieux, si on se trouve devant des difficultés financières auxquelles on ne pourra pas faire face et où les gens auront immédiatement un droit de recours auquel on ne pourra pas répondre, enfin, il y a toutes ces contingentes qu'il faut examiner.

Nous avons tenté de rappeler ces choses au gouvernement au mois de mai, mais quand on connaît l'impétuosité de l'ancien ministre des Affaires sociales, qui est maintenant ministre d'État au Développement social, il n'y a rien qui l'arrête, il fallait que cela fasse. Qu'est-ce que c'est? Trop fort ne casse pas, ou quelque chose comme cela. Il reste qu'il a quand même fait un léger progrès depuis le mois de mai. Je dois le dire et le rappeler, quand le ministre des Affaires sociales dit: Écoutez, cela fait quatre mois qu'il a été déposé, les gens avaient le temps de réagir. C'est vrai que les avis publics n'ont pas paru avant le mois d'août et que nous-mêmes avions été convoqués pour une commission parlementaire pour étudier le projet de loi article par article. C'est à cause des représentations qui ont été faites. Moi-même, j'ai appelé au secrétariat des commissions parlementaires pour dire: Qu'est-ce qui se passe? On avait cru comprendre que cela siégerait compte tenu que le Conseil du patronat, la FTQ et quelques autres grands organismes avaient demandé d'être entendus en commission parlementaire. Tout à coup, il n'y avait même plus de commission parlementaire. On s'en venait étudier le projet de loi article par article. Ceci, pour rétablir les faits.

L'Université de Montréal n'a pas à se sentir gênée de dire: On est pour le principe, allez de l'avant, mais essayons de mesurer toutes les conséquences, que ce soit au plan social, que ce soit au plan économique, etc.

La première des choses, aux États-Unis, on fait beaucoup état du fait que la loi interdit la retraite forcée jusqu'à 70 ans, dans le secteur privé, et sans limite d'âge, dans le secteur public, depuis 1978. Compte tenu de mon ignorance - peut-être que le ministre ou vous, M. Boucher, le savez - est-ce que toutes les universités et les collèges aux États-Unis sont considérés comme étant du secteur public? J'aurais tendance à penser qu'il y a de l'un et de l'autre, et du secteur public et du secteur privé, et que la loi s'appliquerait aux universités ou collèges relevant du secteur privé, dans le sens de l'interdiction de la retraite forcée jusqu'à 70 ans seulement, du moins pour un certain nombre d'universités et de collèges.

M. Lazure: Sur ce point précis, il y a des universités privées et des universités publiques aux États-Unis.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est ce que je croyais.

M. Lazure: L'exemption de trois ans jusqu'au 1er janvier 1982 s'appliquait à tous les professeurs d'universités publiques ou privées.

Mme Lavoie-Roux: Oui. C'est vous-même dans votre discours, M. le ministre, qui avez dit cela ce matin. J'étais fort heureuse de l'apprendre. Aux États-Unis, la loi interdit la retraite forcée jusqu'à 70 ans dans le secteur privé. Le moratoire de trois ans, je le laisse de côté; j'accepte votre explication. Mais cela veut dire que, pour un certain nombre d'universités et de collèges,

la loi ne les oblige pas à dépasser 70 ans. M. Lazure: Exact.

Mme Lavoie-Roux: Alors qu'ici, il s'agit de l'abolition de l'âge de la retraite pour tout le monde sans limite.

M. Lazure: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Les comparaisons, il y a quand même une certaine nuance à faire. Vous l'avez faite dans votre discours, mais là, on parle toujours comme s'il n'y avait pas d'âge de retraite de fixée nulle part aux États-Unis. Comme on sait qu'aux États-Unis le secteur privé est plus grand que le secteur public, je pense que déjà...

M. Lazure: Ah non! j'ai bien dit ce matin que c'était 70 ans pour le secteur privé américain et sans limite pour le secteur public.

Mme Lavoie-Roux: Ah oui! vous l'avez dit, je l'ai pris en note.

M. Lincoln: Le secteur public fédéral, c'est tout à fait différent.

M. Lazure: Oui, je parle du fédéral.

M. Lincoln: Non pas le secteur public des États-Unis, c'est le secteur public fédéral, c'est-à-dire un employé à l'emploi du gouvernement fédéral.

M. Lazure: Dans le sens fédéral du terme.

M. Lincoln: Dans le sens fédéral du terme; c'est encore une distinction.

M. Lazure: Oui, dans le sens fédéral du terme.

Mme Lavoie-Roux: Cela fait une autre limite aussi dans...

M. Lincoln: Cela fait une autre limite, c'est cela.

Mme Lavoie-Roux: De toute façon! La question que j'aimerais poser...

M. Lazure: Oui, c'est 3 000 000 d'employés à peu près.

Mme Lavoie-Roux: Oui, ils sont 250 000 000; nous autres, nous avons 6 000 000 de population, M. le ministre. Au rythme où on va, cela n'augmente pas vite. On diminue, paraît-il.

Vous vous inquiétez beaucoup de l'évaluation des professeurs qui seraient rendus à 65 ans et qui, tout à coup, décideraient de prolonger leur carrière universitaire. Avez-vous développé des critères d'évaluation pour ceux qui sont en bas de 65 ans? Il y aura peut-être des professeurs de 65 ans et plus qui n'auront plus la compétence, mais il y a peut-être des professeurs en bas de 65 ans qui n'ont pas la compétence. Avez-vous, à leur endroit, ce même souci de compétence que celui que vous avez, ce qui est légitime, à l'endroit de ceux qui dépasseraient la limite de 65 ans?

M. Boucher (Jacques): M. le Président, effectivement, c'est une bonne question. Il est évidemment injuste de faire porter aux professeurs de 65 ans et plus, j'allais dire, l'odieux ou la responsabilité d'une situation alors qu'il y en un certain nombre, comme dans tous les secteurs, qui, à 50, 55 ou 60 ans, ont cessé d'être productifs, c'est bien clair. Notre système a des processus d'évaluation. En faire ici le procès, dire s'ils sont suffisants ou non, je m'interdirais de le faire; je pense qu'il y a du progrès à faire de ce côté. C'est le moins que je puisse dire.

Mme Lavoie-Roux: J'ai l'impression que vous soulevez tout le problème du dynamisme que les universités doivent avoir, de la créativité, de la recherche, etc. Vous le posez en fonction d'une loi qui vient abolir l'âge de la retraite. Je ne suis pas sûre que tout le problème du vieillissement de la population des universités n'est pas plus aigu dans le sens, par exemple, des coupures budgétaires, d'une part, dans le sens de la sécurité d'emploi, d'autre part. Est-ce que la sécurité d'emploi dans les universités, qui doivent être un foyer de dynamisme, de créativité, enfin tous les qualificatifs qu'on peut trouver, telle qu'on la connaît avec, comme vous dites, des critères d'évaluation qui sont très difficiles d'application, il faut bien se le dire, dans tout le domaine de l'enseignement, parce que, finalement, c'est toujours la sécurité d'emploi qui l'emporte... Si on veut avoir ce même souci, c'est-à-dire si on veut partager votre souci - je le partage - de ce dynamisme, de ce renouvellement, de cette cohabitation des plus jeunes et des plus âgés, les uns complétant les autres, est-ce que ce n'est pas un problème qui doit se poser à un autre niveau? Évidemment, on discute de l'abolition de l'âge de la retraite, je comprends que vous le posiez en fonction de cela, mais ne faut-il pas le poser d'une façon plus générale et même s'il n'y avait pas l'abolition de l'âge de la retraite, le problème ne demeurerait-il pas assez entier?

M. Boucher (Jacques): Je suis d'accord avec vous. Il reste quand même que, si on pose le problème dans le cadre de l'âge de la retraite - encore une fois, je ne veux pas

faire porter à l'âge de la retraite après 65 ans le poids de tout le vieillissement du corps professoral, le corps professoral vieillit actuellement avec ce que cela peut supposer de bons aspects et d'aspects moins bons et l'âge de la retraite est un facteur qui, pour le moment, n'a pas joué, mais l'âge de la retraite est un facteur qui s'ajoute à quelque chose qui existe déjà. (16 heures)

Par ailleurs, je pense qu'effectivement, avec vous, on n'a pas été - c'est une opinion très personnelle, je n'engage pas la direction de l'Université de Montréal à ce sujet-là, puis j'imagine que mes confrères du syndicat auront peut-être d'autres opinions là-dessus -suffisamment vigilants du côté de l'évaluation. Encore une fois on a vécu dans un époque de relative prospérité. Nous savions qu'il y avait, comme partout ailleurs, des professeurs qui étaient moins productifs, qu'on pouvait compenser en engageant des jeunes et que cela ne faisait qu'enrichir le milieu. Maintenant, cela n'est plus possible. À ce moment-ci, si l'on combine l'âge de la retraite et les coupures budgétaires, le problème du vieillissement chez certains -prématuré ou pas prématuré - devient aigu. On a actuellement, à l'université, le choix, si la loi était adoptée bientôt, entre garder les professeurs dont on sait qu'ils ne sont pas productifs depuis un certain nombre d'années mais qui sont par ailleurs de vieux serviteurs de l'institution depuis au-delà de 30 ans, que jamais l'université littéralement ne mettra à la porte... Par ailleurs, il faudra peut-être mettre à la porte, à leur place, des jeunes qui viennent de commencer et qui n'attendent que le feu vert pour faire une carrière. Nous en sommes là.

Mme Lavoie-Roux: Je vais me faire taper sur les doigts par le syndicat des enseignants parce que je touche à cette vache sacrée qui est la sécurité d'emploi, mais comme vous abordez ce problème sous cet angle du dynamisme, il faut peut-être le poser aussi dans cette autre dimension qui est cette fameuse sécurité d'emploi, au niveau universitaire j'entends bien, dans le cas du corps professoral.

Je suppose que vous allez me dire que vous n'avez pas eu le temps de faire ces études. Vous n'avez aucune idée, au moment où l'on se parle, de ce que cela pourrait impliquer du point de vue des coûts, évidemment ne sachant pas le nombre de gens qui prolongeraient leurs services à l'université? Avez-vous fait une tentative d'évaluation?

M. Boucher (Jacques): La tentative d'évaluation, je l'ai quelque part dans mon dossier. En termes très large, d'ici 1986, si mes souvenirs sont bons, les départs, si l'âge de la retraite est maintenu à 65 ans, se chiffrent environ à 15 ou 20 par année. Ce n'est pas énorme. En même temps, dans certains cas, c'est la seule possibilité pour certains départements d'engager de jeunes professeurs.

À partir de 1985 et carrément à partir de 1990 le mouvement s'accélère; c'est plusieurs dizaines par année qui devront partir, cela est clair. L'année pivot est autour de 1990.

Mme Lavoie-Roux: Évidemment, nous avons demandé au gouvernement de nous donner une certaine estimation des coûts. On a eu ce matin un début de réponse. La CARR a fait certaines études: avec des hypothèses de 1000 personnes cela équivaudrait à 2 000 000 $ par année; enfin on évalue cela à 2 000 000 $. C'est évident que lorsque l'on fait le tour de toute la fonction publique et parapublique... Je pense que la CARR l'a peut-être fait uniquement pour la fonction publique. Est-ce qu'elle l'a fait pour la fonction publique et parapublique?

M. Lazure: Les deux, publique et parapublique.

Mme Lavoie-Roux: Alors, 1000 c'est dans les deux secteurs, c'est-à-dire pour environ 300 000 employés.

M. Lazure: Oui. Dans l'hypothèse d'une augmentation de 4% de la main-d'oeuvre de 65 ans qui resterait sur le marché, cela donne 4% de 40 000 employés qui à chaque année atteignent 65 ans, soit 1600. Donc, l'hypothèse maximale, c'est que 1600 personnes à chaque année utiliseraient cette loi pour continuer de travailler. Dans les 1600, la CARR dit: Supposons qu'il y en a 1000 qui se recrutent, soit dans la fonction publique ou parapublique, ils coûteraient 2 000 000 $ additionnels par année à cause de la cotisation de l'État comme employeur.

Mme Lavoie-Roux: Parce que, ordinairement, on évalue les avantages sociaux. J'imagine que cela doit être à peu près la même chose dans le monde universitaire. On évalue à 25% du salaire le coût des avantages sociaux. C'est quand même assez considérable.

Une autre question que je voudrais vous poser, c'est la question de la créativité et de la recherche. Est-ce que vous avez des études à l'Université de Montréal disant combien de professeurs font de la recherche, publient? Avez-vous un éventail des âges, par exemple, reliés à la productivité? À quel moment de la carrière ce signe est-il le plus accentué? Des fois, on se fait dire qu'il y en a peut-être 20% qui font de la recherche dans les universités, 20 à 25%, mais que ce n'est pas davantage. C'est pour ça que,

comme vous avez fait beaucoup valoir cet argument qui reste valable, celui de la créativité et de la recherche, j'aimerais quand même en savoir plus. Ce serait intéressant, au point de vue de l'âge, de savoir si ce sont vraiment les plus jeunes qui sont les plus créateurs, qui produisent le plus, où est-ce que ça se situe dans l'éventail?

M. Boucher (Jacques): On n'a pas de données complètes là-dessus, surtout qu'on n'a pas fait la corrélation en termes d'âge. Le vice-recteur à la recherche a monté depuis deux ans un fichier complet des publications des professeurs, on les avait déjà d'une façon partielle. Je pense que je peux dire ceci: Un professeur qui obtient sa permanence, et encore davantage sa titularisation, doit montrer dans son dossier une activité de recherche importante, autrement, il n'a pas sa permanence, c'est la première chose. Évidemment, ça varie, il y a des secteurs où, traditionnellement, la recherche est une activité sine qua non; si vous n'avez pas de fonds de recherche, si vous n'avez pas votre laboratoire, je pense surtout aux sciences plus exactes et qui ont une longue tradition de recherche, vous n'existez pas et, très tôt, vous êtes mis au rancart, la sanction se fait de cette façon. Il faut que vous continuiez à publier, il faut continuer à obtenir les fonds de recherche.

Dans d'autres secteurs, la tradition est moins bien établie, c'est vrai. L'université, les conventions collectives, le milieu social poussent tous les professeurs à faire plus de recherche. Évidemment, comme je vous le dis, il y a la première étape, qui est celle de l'agrégation, où le professeur doit montrer un activité de recherche, l'étape de la titularisation où il doit montrer un dossier d'excellence en matière de recherche. Qu'est-ce qui se passe après? On revient à la question que vous avez posée tout à l'heure, il n'y a plus de contrôle systématique, il y a le contrôle du milieu qui joue, il y a le contrôle des confrères qui joue. Celui qui perd ses subventions de recherche se retrouve dans une situation délicate, c'est clair. Je sais qu'il y a des chiffres qui ont couru récemment, je pense que c'était dans le livre vert sur la recherche, qu'il y avait un tiers des professeurs d'université qui faisaient de la recherche. C'est un tiers - j'ai été quand même assez proche de ce milieu, à ce moment-là - qui est venu d'où on ne sait trop. Je n'ai jamais vu de preuves ni dans un sens ni dans l'autre et, encore une fois, on essaie de se donner des outils pour y répondre. Il est clair que personne n'est (chez les professeurs d'université) le Einstein et le grand chercheur dans son domaine.

Par ailleurs, les professeurs doivent en faire, y consacrer une certaine partie de leur temps, ça fait partie de leur tâche d'enseignement. Si on revient à notre propos ici, la corrélation entre la publication, la créativité et l'âge, on peut avoir des hypothèses. Je regarde autour de moi, je regarde mes collègues et je constate des choses. Je sais qu'il y a une pression qui est très forte sur le jeune pour publier, précisément parce qu'il doit avoir son agrégation et il n'a pas le choix. Je constate qu'il y a de vieux professeurs qui continuent à publier plus que les jeunes, c'est clair, et il en a d'autres qui ont peut-être tendance à s'appuyer davantage sur l'expérience et à se renouveler un peu moins, ce qui ne veut pas dire que ce sont les moins bons professeurs. Je viens de la faculté de droit, les cours qu'on donne, les professeurs qu'on affecte en première année aux grandes classes, ce sont les professeurs qui ont le plus d'expérience; dans certains cas, ils font moins de recherche que d'autres, mais cela a moins d'importance. Une personne qui ne fait plus de recherche à 60 ans, qui ne se renouvelle plus constamment n'est pas nécessairement un moins bon professeur, sauf, qu'il faut que, quelque part dans le secteur, si c'est le sien, en droit ou en chimie, il y ait quelqu'un qui fasse de la recherche pour se remettre à jour. S'il ne la fait pas à 60 ans ou à 65 ans, c'est moins grave. Encore une fois, je n'ai pas de données pour vous dire s'il en fait ou s'il n'en fait pas. S'il n'en fait pas, c'est moins grave, à condition qu'il y ait des jeunes, mais, actuellement, il n'y a plus de place pour les jeunes dans le système.

Mme Lavoie-Roux: Dernière question. On devrait peut-être vous convoquer de nouveau à une commission de l'éducation, ce serait fort intéressant, mais on n'a jamais cette chance depuis cinq ans.

M. Lazure: Cela aussi va venir plus vite que vous ne le croyez.

Mme Lavoie-Roux: Au niveau universitaire?

M. Lazure: Sur toute l'éducation. Cela bouge!

Mme Lavoie-Roux: Finalement! Est-ce que vous pouvez nous dire si, à la suite des coupures budgétaires, vous avez été obligés de remercier des professeurs? Parce que la sécurité étant acquise à peu près après cinq ans, évidemment, si vous ne pouvez pas procéder par attrition, vous allez être obligés d'agir par le renvoi ou le congédiement de certains professeurs. Est-ce que vous avez été obligés, jusqu'à ce moment-ci, d'avoir recours à cette mesure ultime qui, je pense, serait regrettable?

M. Boucher (Jacques): À ce moment-

ci, à ce jour, la réponse est non.

Mme Lavoie-Roux: Merci bien.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Je voulais poser une question par rapport à la loi américaine, parce que le ministre a dit ce matin que la loi américaine est la seule base qu'on a pour quelque chose de semblable. Je veux toucher la question universitaire; je pense que cette question n'est pas trop claire et j'aurais voulu avoir des éclaircissements là-dessus. De la façon dont je comprends ça, la loi américaine date de 1967. Elle a été amendée en 1974 et, ensuite, en 1978. Ce n'est pas une loi qui traite principalement de la retraite, c'est une loi contre la discrimination sur l'âge. En fait, cela implique la retraite, naturellement, mais, d'après ce que je comprends - vous me corrigerez si j'ai tort - aux États-Unis, d'abord, on n'a pas d'universités fédérales comme telles. Il y a les universités d'État comme Plattsburgh State ou Louisiana State, et, ensuite, vous avez des universités privées comme Harvard, Yale, Princeton, etc.

Ce que l'amendement avait dit tout d'abord, en 1978, c'était qu'on avait fait une exception pour permettre aux universités et aux collèges, par rapport aux professeurs qui avaient la "tenure" de pouvoir décréter une retraite obligatoire entre 65 ans et 70 ans, c'est-à-dire faire une exception, au lieu de 70 ans, comme l'acte disait, entre 65 ans et 70 ans.

En 1982, tout ce que ça va faire, cela va forcer les collèges et les universités à suivre la loi qui dit maintenant: Pour tout le monde, ça va être 70 ans, excepté pour les employés du gouvernement fédéral. Tout ce que ça va faire pour les universités et les collèges, ça va les mettre sur le même pied que l'entreprise privée, c'est-à-dire 70 ans. D'après ce que je peux comprendre de ce que j'ai lu, l'idée des États-Unis était de faire une étape pour faire une étude de ce qui se passe, parce que toutes leurs études actuarielles s'arrêtent à 70 ans. Ils ont dit: À partir de 70 ans, nous ne connaissons pas les conséquences sociales, nous ne connaissons pas les conséquences économiques, nous ne connaissons pas les conséquences actuarielles. C'est pourquoi ils se sont arrêtés à 70 ans. Peut-être que ça nous donne un peu à réfléchir; avant d'ouvrir ça complètement d'un coup, on devrait attendre les chiffres et les rapports des États-Unis pour ceux qui ont passé 70 ans, études qui sont en cours en ce moment.

M. Lazure: M. le Président, j'ai le texte devant moi du projet de loi qui est ensuite devenu loi, en 1978.

M. Lincoln: C'est avant 1978, la loi. M. Lazure: L'amendement de 1978... M. Lincoln: Oui.

M. Lazure: ...qui amendait - vous avez raison, M. le député de Nelligan - la loi de 1967.

M. Lincoln: 1967, oui.

M. Lazure: L'amendement de 1978 abolit la discrimination quant à l'âge.

M. Lincoln: Oui, d'accord.

M. Lazure: C'est de ça qu'on parlé tout le temps, d'ailleurs. Il s'appelle Age Discrimination in Employment...

M. Lincoln: Discrimination in Employment Act.

M. Lazure: ...Act, ADEA. M. Lincoln: Oui.

M. Lazure: Notre projet de loi no 15 vise essentiellement le même but: abolir la discrimination qui consiste à mettre à pied quelqu'un parce qu'il a 65 ans. (16 h 15)

M. Lincoln: Oui, là, nous sommes tout à fait d'accord.

M. Lazure: La philosophie, je pense qu'on s'entend là-dessus.

M. Lincoln: Oui, on s'entend là-dessus.

M. Lazure: Nous avons comme préoccupation celle que les législateurs états-uniens ont eue. Ils ont procédé par étapes, ils avaient déjà rehaussé l'âge de la retraite, dans un premier temps. Il y a deux caractéristiques au bill de 1978, une dont on n'a pas parlé encore aujourd'hui, qui consiste à appliquer cette loi seulement aux individus qui, s'ils étaient retirés à 65 ans, auraient une rente de moins de 27 000 $. Autrement dit, les revenus très élevés sont exemptés de l'application de cette loi.

M. Lincoln: Je pensais que c'était 20 000 $.

M. Lazure: 27 000 $.

L'autre exemption dans cette loi - on en a parlé tantôt - c'étaient les professeurs d'université. Les renseignements verbaux que nous avons eus des fonctionnaires de Washington, du ministère du Travail, c'était que cette exemption qui est temporaire -elle prend fin le 1er janvier 1982 - était pour permettre à d'autres programmes

gouvernementaux d'être menés à bien, c'est-à-dire de pouvoir faire du rattrapage et d'employer un plus grand nombre de femmes et de citoyens de race noire.

Cela étant dit, nous revenons au propos principal qui consiste à dire: II ne faut pas bousculer les choses. On ne peut pas du jour au lendemain, sans connaître toutes les données... J'ai admis à l'Opposition au mois de mai, au mois de juin, comme je le fais encore aujourd'hui, que nous n'avons pas des données précises là-dessus. On assiste chez nous, en moins intense, en moins important, au même mouvement d'opposition qu'on a vu aux États-Unis à l'époque. Pour avoir lu beaucoup de documentation sur les circonstances qui ont présidé à l'adoption de ce projet de loi, beaucoup d'hommes d'affaires étaient très inquiets, beaucoup de dirigeants dans les différentes communautés se disaient extrêmement inquiets et s'opposaient à ce projet de loi, prédisaient toutes sortes de conséquences néfastes.

Ce que les Américains constatent après une expérience de quelques années, c'est qu'il n'y a pas eu de conséquences aussi dramatiques qu'on l'avait supposé. Ils ont prévu dans leur projet de loi de corriger périodiquement certaines lacunes qu'il pourrait y avoir, d'apporter des modifications au projet de loi. En particulier, ils ont prévu une chose intéressante qu'on pourra peut-être retenir dans notre projet de loi, l'obligation de fournir des données de recherches après trois ans de mise en vigueur de la loi. En résumé, j'accepte très bien la critique qui veut qu'on procède sans avoir de données précises, mais c'est inévitable, c'est le sujet lui-même qui nous en empêche, parce qu'on est dans l'imprévisible, c'est une situation nouvelle. On peut simplement aller regarder ailleurs où ils ont fait une expérience semblable pour arriver à la conclusion que les prédictions qui sont plutôt négatives ou plutôt alarmistes ne se sont pas avérées justes, non seulement aux États-Unis, mais dans quelques autres pays d'Europe où on a eu des lois semblables.

Cela étant dit, je répète encore une fois qu'à la suite de cette commission nous allons examiner la possibilité que dans cette loi, quant à l'application touchant les 5000 conventions collectives et les 5000 fonds de retraite supplémentaires, il y ait un certain gradualisme, un certain étapisme dans l'application de la loi.

M. Lincoln: Est-ce que je peux faire une intervention très courte? Ce que je voulais vous souligner, M. le ministre, c'est que les États-Unis ont pris cette soupape de sûreté, de ne pas aller de l'avant tant qu'ils n'auront pas eu des renseignements passé 70 ans. En fait, le comité qui a conçu tout le travail dit: "Felt that it should not address this question until this information had been developed", c'est-à-dire passé 70 ans. Ils ont dit: Là, nous avons des renseignements actuariels, nous avons des renseignements sur la question des conséquences sociales, historiques, etc. On va aller jusqu'à 70 ans. Je vous dis que, puisque les États-Unis sont en train d'obtenir le reste, est-ce qu'on ne peut pas attendre? On pourrait faire adopter la loi en principe en disant: On va vous l'ouvrir après qu'on aura voté cela jusqu'à 75 ans, dès qu'il y aura des données réelles puisque les États-Unis sont en train de les amasser maintenant.

M. Lazure: M. le Président, si je comprends bien l'intervention du député de Nelligan, vous proposeriez, comme cela a été notre intention à l'origine, de limiter à 70 ans. C'est votre propos.

M. Lincoln: Peut-être en première étape, mais dire dans le principe de la loi que...

M. Lazure: Ce n'est pas exclu. Dans l'engagement électoral qui nous a amenés à préparer ce projet de loi - personne ne va nous reprocher de tenir un engagement électoral - nous parlions de 70 ans. Mais, en préparant le projet de loi au cours du printemps et au début de l'été, on s'est rendu compte, toujours basé sur l'expérience d'autres pays, qu'il y a tellement peu de personnes qui veulent continuer après 70 ans qu'on s'est dit: Pourquoi, puisque c'est une loi antidiscrimination, ne pas enlever tout âge, vu que, de toute façon, il y a très peu de personnes qui continuent après 70 ans? Personnellement, je ne suis pas opposé à ce que, dans une première étape, on mette 70 ans dans la loi. C'est une décision qu'on prendra à la suite de la commission parlementaire.

Mme Lavoie-Roux: L'été porte conseil, n'est-ce pas'?

M. Lazure: Mme la députée de

L'Acadie se souviendra que, lors de mon discours de deuxième lecture, j'ai dit exactement ce que je viens de dire...

Mme Lavoie-Roux: Bon...

M. Lazure: ... que l'engagement électoral parlait de 70 ans et qu'après réflexion et consultation, étant donné le très petit nombre de ceux ou celles qui voudraient aller au-delà de 70 ans, aussi bien aller carrément vers l'abolition de tout âge.

Mme Lavoie-Roux: Si vous l'avez dit, je vous crois, M. le ministre.

Le Président (M. Boucher): II n'y a plus de question? Au nom des membres de la

commission, je remercie M. Boucher d'avoir présenté son mémoire au nom de l'Université de Montréal.

Syndicat général des professeurs de l'UM

J'appellerais maintenant le Syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal représenté par M. Pierre Bordeleau.

M. Bordeleau, si vous voulez procéder à la lecture de votre mémoire.

M. Bordeleau (Pierre): M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les députés, je tiens d'abord à remercier cette commission d'avoir accepté de nous entendre. Je me permets de vous signaler aussi la présence du secrétaire du syndicat, M. Marius D'Ambroise, qui est à ma gauche.

Le mémoire du Syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal, est relativement court, bref. Il se veut plutôt communicatif. C'est pourquoi nous ne l'avons pas enrobé d'un long préambule ou de longues considérations, essayant de nous centrer particulièrement sur le contenu même du projet de loi no 15.

Je dois aussi indiquer que, bien qu'il soit indiqué sur la première page du mémoire qu'il s'agit de la position du bureau de direction du syndicat général, notre conseil syndical, qui est l'organisme décisionnel par excellence, au niveau du SGPUM, a donné son aval au projet, de telle sorte qu'il me fait plaisir de dire que je parle ici au nom du SGPUM et non pas uniquement au nom de son bureau de direction.

Nous n'avons pas non plus conçu notre mémoire comme une réponse au mémoire de l'université. Cela était difficile en raison du fait que les deux mémoires ont été conçus dans le temps parallèlement et nous n'avons pas non plus voulu nous embarquer, si vous me passez le mot, dans la même problématique que l'université. Nous avons voulu, comme je le disais tout à l'heure, nous centrer surtout sur le projet de loi.

Vous me permettrez cependant quelques commentaires préliminaires qui ne sont pas dans le projet de loi. Nous ne partageons pas cette sorte de conception de la vieillesse qui est sous-jacente au mémoire de l'université. Bien que M. Boucher ait indiqué qu'il ne faisait pas de relation directe entre la vieillesse et la créativité, le sens critique, le renouvellement des connaissances, etc., il y a suffisamment de sous-entendus dans le mémoire pour nous laisser croire que le fond de la pensée de l'université, c'est qu'il y a peut-être une relation plus directe qu'on le croit entre la vieillesse et la productivité universitaire. Nous ne partageons pas cette conception, M. le Président.

Nous comprenons cependant les inquiétudes de l'université en ce qui concerne les questions de permanence, les questions de régimes de retraite, nous la comprenons bien sûr, car l'université, si le projet de loi est adopté, devra négocier avec non seulement les professeurs, mais tous les employés de l'université des adaptations au fonds de retraite actuel et aussi, bien sûr, des adaptations en ce qui concerne les questions d'évaluation et les questions de permanence. Cependant, je m'explique malgré tout assez mal ces inquiétudes d'avoir à négocier ces choses-là, parce qu'en ce qui concerne les professeurs les négociations que nous avons eues avec l'université, il me fait plaisir de le dire, se sont toujours déroulées dans un climat excellent. À preuve, nous avons signé récemment une nouvelle convention collective pour une durée de trois ans.

D'autre part, nous ne pouvons pas être d'accord avec les hypothèses pessimistes de l'université, car elles ne reposent sur aucune donnée vraiment précise, sur aucune recherche vraiment précise; elles reposent beaucoup plus sur des expériences vécues ou, si vous me passez l'expression, sur des critères qui tiennent de ce qu'on appelle le pifomètre. Sur ces bases, nous ne pouvons pas formuler, quant à nous, les mêmes hypothèses que formulait tout à l'heure l'université; nous n'avons pas les mêmes inquiétudes quant aux inconvénients, aux effets, semble-t-il, très négatifs qui sont appréhendés par l'université.

Par ailleurs, on disait tout à l'heure que la permanence à l'université se termine à 65 ans. Elle se termine dans les faits à 65 ans en raison même du règlement de régime de retraite, mais on ne dit nulle part dans la convention collective que la fin de la carrière d'un professeur de l'Université de Montréal, c'est 65 ans. La permanence est acquise - c'est tout ce que dit la convention collective là-dessus - lorsqu'un professeur devient agrégé ou lorsqu'il est engagé comme professeur agrégé permanent et il la conserve jusqu'à la fin de sa carrière.

Si vous me permettez, M. le Président, il y a quelques questions qui ont été posées tout à l'heure et qui m'ont inspiré un certain nombre de réflexions ou, du moins, de réponses. Pour éclairer cette commission, il serait peut-être utile que je vous donne brièvement mon point de vue sur certaines questions qui ont été soulevées. Je les prends à peu près dans l'ordre des notes que j'ai prises.

En ce qui concerne le taux de roulement, les départs naturels et non pas les mises à la retraite, d'après les chiffres que nous fournit l'université - ce sont des chiffres qui ne concernent que notre unité d'accréditation - cela représente tout près de 1200 professeurs et chercheurs. Or, nous couvrons tous les professeurs de l'Université de Montréal à l'exception des médecins plein-temps géographiques, qui sont couverts

par un autre syndicat, et à l'exception des chargés de cours qui sont des employés à temps partiel, de toute façon, mais nous couvrons tout le reste.

Pour ce qui est de l'Université de Montréal, cela ne couvre pas les écoles affiliées. D'après ces chiffres-là, le taux de roulement est entre 10% et 15% par année; je vous donne entre 10% et 15% parce que cela peut varier d'une année à l'autre, c'est relativement important comme taux de roulement. C'est certainement plus important que le nombre de professeurs qui prennent leur retraite actuellement. (16 h 30)

En ce qui concerne les critères d'évaluation - je voudrais rassurer Mme la députée de L'Acadie - nous nous préoccupons beaucoup en tant que syndicat des critères d'évaluation. Je dois dire aussi qu'il y a une opération qui a été entreprise depuis quelques années à l'assemblée universitaire. C'est une entreprise qui vise à déterminer des critères d'évaluation plus précis, c'est-à-dire qui tiennent moins de l'évaluation subjective, pour chacune des quatre fonctions de la tâche. Je rappelle aussi que nous étions tellement intéressés comme syndicat par la question de l'évaluation que, lors de la dernière négociation, nous avions insisté -c'était l'une de nos demandes - auprès de l'administration de l'université pour que nous soyons partie prenante comme syndicat dans le déroulement de ce processus de détermination des critères. Cela, curieusement, nous a été refusé. On a voulu que nous soyons là seulement à la fin du processus, c'est-à-dire lorsque toute l'opération est entreprise et qui est une opération très vaste, qui ne vise pas à donner des critères généraux pour l'ensemble de l'université, ce qui serait complètement aberrant; je pense qu'on n'évalue pas un chimiste comme on évalue un psycholoque ou un travailleur social.

Il s'agit donc d'établir des critères d'évaluation qui vont recevoir une application dans la grande variété des départements ou des facultés de l'Université de Montréal. Par conséquent, elle doit subir des adaptations à chaque discipline, ce qui m'apparaît être une approche très sage. Ce n'est qu'au bout de toute cette opération que le syndicat sera impliqué dans un comité conjoint avec l'université pour étudier les critères qui auront été définis par les départements et l'administration et, éventuellement, les inclure dans la convention collective. C'est une opération qui est commencée et je voulais rassurer là-dessus Mme la députée.

Si vous me le permettez aussi, M. le Président, j'aimerais quand même vous dire, lorsqu'on parle d'évaluation, que je connais peu de travailleurs qui sont autant évalués que les professeurs d'université. Je ne vous apprends rien en disant que, pour accéder à la carrière de professeur d'université, nous devons subir plusieurs évaluations, si je compte la durée des études et le nombre de diplômes ou de cycles d'études qu'il faut franchir avant d'aspirer un jour à devenir professeur d'université. Il y a donc là plusieurs évaluations qui sont faites avant même qu'on entre. Pour entrer à l'université, la sélection du corps professoral est très forte. La preuve en est qu'à l'Université de Montréal, le taux d'échec lors d'un renouvellement d'engagement comme professeur adjoint est relativement faible et le taux d'échec, lorsque vient le moment de l'agrégation, est relativement faible si on considère ça par rapport à l'ensemble. Cependant, je vous signale, pour vous rassurer encore une fois, qu'il y a des professeurs qui perdent leur poste au bout de la sixième année comme professeur adjoint parce qu'ils n'ont pas réussi à se qualifier pour devenir professeurs agrégés et, par conséquent, à bénéficier de la permanence. C'est 7 à 8% par année environ sur l'ensemble des demandes de promotion à l'agrégation; ça ne représente pas un gros chiffre; en termes absolus, c'est cinq ou six personnes bon an mal an environ, mais vous en parlerez à ceux à qui ça arrive et vous leur demanderez quel stress ils ont vécu.

Par la suite, il faut vous dire qu'on est constamment évalué. On est évalué lorsqu'on entre à l'université, selon le statut. Si on entre avant même d'avoir terminé son doctorat, si on entre comme chargé d'enseignement, on subit une évaluation pour obtenir son doctorat et on subit une évaluation ensuite pour être nommé professeur adjoint. À peine trois ans après, l'évaluation se fait même un an avant la fin du contrat de trois ans, on est encore évalué pour savoir si on est encore bon pour un second contrat de professeur adjoint. On est ensuite évalué au moment de l'agrégation, c'est-à-dire au bout de cinq ou six ans généralement. On l'est ensuite, si on veut devenir professeur titulaire, au bout de six ou sept ans.

Je dois vous dire que c'est une évaluation qui est extrêmement exigeante; mon collègue, M. Boucher, l'indiquait tout à l'heure. Outre ces évaluations qui sont des évaluations officielles à l'intérieur de l'université, le professeur d'université est évalué chaque fois qu'il fait une demande de subvention, chaque fois qu'il demande une bourse de recherche ou des fonds de subvention, il est évalué, encore une fois, par des pairs. Je peux vous dire que là aussi, c'est extrêmement exigeant, et ce ne sont effectivement pas tous les professeurs qui bénéficient de fonds de recherche. On est aussi évalué chaque fois qu'on dépose un article pour publication dans une revue savante. Encore une fois, on est évalué par des pairs et, là aussi, l'évaluation est

extrêmement sévère et la sélection très forte, étant donné la grande quantité d'articles qui sont soumis aux revues.

On sait que malgré que nous sommes seulement un petit marché francophone de 6 000 000, notre rayonnement comme professeurs d'université doit dépasser les bornes du Québec. Par conséquent, les professeurs doivent aussi chercher à publier à l'extérieur, en Europe, et doivent aussi essayer de publier en langue étrangère, généralement en anglais, en allemand ou en espagnol. Là aussi, la compétition est extrêmement forte, parce qu'on a affaire à un bassin de population qui est nettement plus grand. Encore une fois, on est évalué. Là, je ne parle pas des évaluations que font subir les étudiants, officieusement ou officiellement; je ne compte pas celles-là. Je ne compte pas non plus la pression des pairs qui évaluent aussi, sans que cela soit officiel.

Trouvez-moi un travailleur dans les secteurs public et privé qui soit aussi évalué qu'un professeur d'université. J'aimerais bien avoir des exemples.

Une dernière remarque, si vous me permettez, quant au fameux tiers qui traîne un peu partout. C'est le Conseil des universités qui, malheureusement, a laissé traîner ce chiffre. Je répondrai à cela qu'on sous-estime sans doute l'importance que prend la recherche dans les tâches des professeurs d'université. Moi non plus, je ne sais pas trop sur quelle base on s'est fondé pour dire qu'il y avait seulement un tiers des professeurs d'université qui faisaient de la recherche.

Ce tiers dénote une certaine conception de la recherche que nous ne pouvons partager. D'autre part, il faut faire remarquer, avec insistance, que la recherche ne doit pas uniquement s'évaluer - et surtout, ça ne doit pas être le critère principal - en fonction de la quantité. La productivité d'un professeur d'université ne se mesure pas à la quantité d'articles publiés dans les revues savantes. Il faut que cela soit dit.

Quant au mémoire lui-même, nous sommes pour le droit à la retraite volontaire, parce que l'âge obligatoire de la retraite est une convention arbitraire et discriminatoire, sans rapport avec la capacité effective de travail de la personne, parce que le rejet du travailleur en dehors de la société active peut entraîner des répercussions dommageables à sa santé physique et mentale, parce que la société gaspille ainsi des ressources humaines considérables et parce que cela permettrait à beaucoup d'éviter d'être précipités dans la pauvreté. Bien que nous soyons conscients que pour maintenir un niveau de vie décent, on devra travailler tant qu'on le pourra, ce qui, dans les circonstances, n'est qu'un palliatif à l'absence d'un régime adéquat de sécurité sociale, nous appuyons le principe de l'abolition de la retraite obligatoire.

Je crois que n'eût été la rédaction des articles 4 et 5 sur lesquels nous allons revenir, nous aurions été d'accord sur le projet de loi dans sa formulation. D'où la nuance que nous sommes d'accord sur le principe plutôt que sur le projet de loi tel que formulé.

Pour le droit à une retraite décente, il ne faudrait pas que cette mesure - le discours d'introduction du ministre, ce matin, a de quoi nous réjouir, puisqu'il nous a dit que c'était la première étape d'une réforme du régime de retraite - dispense les employeurs et l'État de rechercher l'amélioration des revenus de retraite. Si le droit de choisir le moment de sa retraite est un droit individuel qu'il importe de consacrer, le droit à une retraite décente est un droit social sans lequel le premier serait vain. Ainsi, nous nous inquiétons. Nos inquiétudes sont peut-être moins fortes cet après-midi qu'elles ne l'étaient avant qu'on dépose le mémoire, mais nous nous inquiétons de voir le ministre d'État au Développement social proposer l'abolition de l'âge obligatoire de la retraite indépendamment d'une politique des revenus de retraite. Semble-t-il que ça doit venir, nous nous en réjouissons.

Le dossier de la retraite, dans notre syndicat, est un vieux dossier. Cela fait quelques années qu'on y travaille. Nous avons publié l'an dernier, en avril 1980, un numéro spécial de notre journal sur la retraite, que nous avons annexé à ce mémoire, de façon à vous fournir un arrière-plan que nous n'avons pas voulu répéter au sein même du mémoire. Je me réjouis d'ailleurs que l'université nous ait par deux fois cités dans son propre mémoire. C'est donc dire que, là-dessus, nous étions probablement un pas en avant dans les réflexions.

Avant qu'il ne soit question d'une intervention législative, le SGPUM a étudié la possibilité d'installer à l'université un système de retraite volontaire qui permettrait au professeur de planifier sa fin de carrière en fonction de ses capacités, de ses intérêts et des services qu'il pourrait le mieux rendre à l'université et à la société. Les professeurs pourraient choisir entre différents régimes qui vont de la retraite anticipée à la retraite différée, en passant par la demi-retraite, selon diverses combinaisons. Je vous réfère à l'article du journal signé par mon collègue démographe Jacques Henripin. Cette retraite sur mesure devrait permettre de remédier aux difficultés soulevées par ceux qui s'opposent à la retraite volontaire. Autrement dit, nous abordons le problème de la retraite de la façon la plus positive possible, en disant: II y a plusieurs façons de se retirer. L'important, c'est qu'on ne soit pas brutalement obligé de

se retirer du jour au lendemain et brutalement cesser une activité intellectuelle intense à 65 ans.

En ce qui concerne le vieillissement du corps professoral, il est probable que la combinaison des choix individuels des professeurs entre les divers régimes de fin de carrière résulterait en l'établissement de l'âge moyen de la retraite, en deçà de 65 ans, les réponses à la question du sondage que nous avons mené indiquent que cet âge moyen tomberait à 61,2 ans. Évidemment, cette hypothèse implique que la retraite ou la demi-retraite anticipée n'entraîne pas de pénalité actuarielle, c'est-à-dire qu'il faut aménager le régime de retraite de telle sorte que ce soit favorable de prendre sa retraite avant 65 ans, mais l'amélioration du régime des rentes dans ce sens ne nous apparaît pas comme un problème insurmontable. Quoi qu'il en soit, sans ces améliorations, les professeurs se retireraient à 65,4 ans en moyenne, bien que les professeurs n'auront, en moyenne, à l'âge de 65 ans que 26,5 années de service sur les 35 nécessaires pour obtenir la rente maximale prévue de 70%, au salaire moyen des cinq meilleures années. Or, la chute du niveau de vie est un motif important du refus de la retraite.

Quant à l'augmentation des coûts, notre projet de retraite à la CARR prévoit une combinaison de revenus de retraite et de salaire, de façon à affecter le moins possible la masse salariale, pour ne pas empêcher l'ouverture de postes, quoique, par les temps qui courent, la chose sera difficile. Je ferai une parenthèse en disant que les coupures budgétaires dans le système universitaire actuellement auront probablement des effets encore plus négatifs sur le renouvellement du corps professoral que tous les effets négatifs appréhendés par l'université dans son mémoire.

Par contre, ils nécessiteraient l'amélioration du régime de rentes pour permettre des options de retraite ou de demi-retraite anticipée. Nous croyons qu'il est possible de minimiser les coûts de la retraite volontaire en jouant sur la complémentarité des choix, tout en s'assurant d'une redistribution équitable des revenus qui tienne compte des droits acquis de chacun. Cependant, le projet de loi oblige le travailleur qui décide de poursuivre sa carrière au-delà de l'âge ou du nombre d'années de service prévu à son régime de retraite à continuer à cotiser à celui-ci, l'article 4, en même temps qu'il interdit toute amélioration de la rente ou tout cumul d'une rente et d'un salaire, enfin, d'un même employeur ici, à l'article 5. En conséquence, nous ne pouvons pas appuyer un projet de loi dont le contenu même empêche d'améliorer le sort du travailleur retraité en consacrant une sorte de statu quo de son régime de retraite. Nous réclamons le droit à la retraite volontaire à la condition de pouvoir négocier des conditions de retraite acceptables qui permettent au travailleur de planifier la fin de sa carrière.

Les articles 4 et 5 du projet de loi devront être révisés en ce sens avant son adoption définitive. Je voudrais signaler qu'à l'Université de Montréal, nous vivons une situation, comme syndicat, qui est assez difficile. En effet, le comité de la retraite, qui gère en quelque sorte le régime des rentes de l'Université de Montréal, n'est pas formé à même des représentants des différents syndicats, mais fonctionne par élection à l'intérieur des grands corps d'employés, de telle sorte que les syndicats n'ont pas de représentation directe. Cela est doublé par le fait que le régime de rentes est un régime qui couvre l'ensemble des employés de l'université et non pas seulement les professeurs. Vous voyez tout de suite les batailles d'intérêts entre les employés du non-enseignant, les employés de soutien, par exemple, et, éventuellement, les cadres, les professionnels et les professeurs qui vivent un même régime de retraite et qui essaient de trouver des solutions d'accommodement qui plaisent à tout le monde et surtout qui plaisent à l'administration de l'université qui est majoritaire au comité de la retraite. Ainsi, lorsque nous demandons de pouvoir négocier des conditions de retraite, encore faudrait-il, dans le milieu qu'est l'Université de Montréal, que les syndicats, en tant que cartel ici probablement puisqu'il s'agit d'un régime de rentes qui couvre l'ensemble des employés, puissent directement négocier ces questions de régime de retraite à l'Université de Montréal. (16 h 45)

Il y a probablement des situations semblables aussi ailleurs. Je tenais à signaler cette difficulté que nous avons d'avoir prise sur le régime de retraite. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Bordeleau. M. le ministre.

M. Lazure: M, le Président, je veux remercier M. Bordeleau et son collègue, en somme, tous les membres du Syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal, de nous permettre d'entendre leur version, et de nous exposer leur philosophie quant au travail passé l'âge de 65 ans. Je suis content de constater que l'ensemble des 1200 professeurs ne voient pas l'avenir, dans le contexte d'une loi en vigueur, de façon aussi pessimiste que la direction de l'université.

Je vais me contenter de répondre à deux ou trois points; peut-être que le plus important concerne les articles 4 et 5. J'ai

eu l'occasion de dire ce matin que, dans notre esprit, il s'agissait d'articles transitoires. Nous allons sûrement modifier l'article 4 et probablement que l'article 5 disparaîtra. L'article 4, une fois modifié, va permettre au travailleur, à la travailleuse, à l'employé, de choisir parmi différentes possibilités.

Lorsque l'employé de 65 ans décidera de continuer - je peux évoquer quelques possibilités que nous envisageons déjà et il peut y en avoir d'autres; ce que je dis n'est pas limitatif - il pourra percevoir sa rente mensuelle en même temps qu'il percevra son salaire pendant un an, deux ans, trois ans, peu importe le nombre d'années où il choisit de continuer à travailler. C'est une première possibilité. Donc, perception de la rente au fur et à mesure, parallèle à la perception de son salaire.

La deuxième possibilité, c'est de reporter la rente au moment de la prise de la retraite. Cela peut se subdiviser, à son tour, en deux modalités différentes. Il peut y avoir un report au moment de la prise de la retraite avec ou sans nouvelle cotisation. Dans les deux hypothèses, reporter la rente à plus tard, disons trois ans, soit à 68 ans, je disais, ce matin, qu'il est clair qu'au point de vue de l'équité sociale il doit y avoir une certaine valorisation de cette rente. Encore une fois, je ne parle pas du RRQ, du Régime de rentes du Québec. Je parle des 5000 régimes de rentes supplémentaires. Dans la mesure où un employé à 65 ans, s'il vit jusqu'à 75 ans, recevrait, par hypothèse, 10 000 $ par année, soit un total de 100 000 $, il est sûr qu'au plan de l'équité sociale, s'il va travailler trois ans de plus et ne toucher sa rente que pendant sept ans, il faudra que le montant ne soit plus de 10 000 $ par année pour équivaloir à 100 000 $, mais il faudra que, si la rente est condensée en sept ans au lieu d'être étendue sur dix ans, il y ait une valorisation de cette rente.

Je pense qu'il y a eu une espèce de flottement dans la formulation du premier projet de loi et nous avons pris, d'ailleurs en accord avec la Régie des rentes du Québec, nous prenons cette orientation d'une certaine valorisation qu'il restera à déterminer.

Finalement, les négociations vont être un moment capital, un moment extrêmement important pour les employés, puisque les modalités de ces 5000 régimes supplémentaires sont très souvent arrêtées par voie de négociation, par voie d'entente collective.

C'est pourquoi nous parlons d'une certaine valorisation. Les valorisations, de même que les bénéfices sociaux pourront être plus ou moins élevés dans la mesure où les négociations voudront se concentrer sur ce chapitre, par opposition au salaire proprement dit.

Je n'ai pas d'autres commentaires, M. le Président. Je veux remercier les professeurs, non seulement pour le mémoire, mais, aussi, pour l'intérêt que le syndicat des professeurs a pris à cette question des rentes depuis un bon moment. Le numéro spécial de leur journal l'illustre bien. Je veux à l'avance aussi dire à ce groupe-ci, comme à d'autres, que pour les autres étapes qui vont nous amener à réviser l'ensemble des systèmes de rentes, des régimes de rentes au Québec, privés et publics, nous profiterons aussi de leur contribution en vue d'une meilleure connaissance du problème. Merci.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je n'aurai qu'une question. Ma collègue de Jacques-Cartier aura quelques questions supplémentaires à poser.

Il y a plusieurs points dans votre mémoire avec lesquels je suis d'accord et je n'y reviendrai pas. Au bas de la page 2, vous dites: Les professeurs se retireront avec une moyenne de service de 27,5 - ce que je comprends bien, ordinairement on ne devient pas professeur à l'université à 19 ans - pour obtenir la rente maximale prévue par le régime qui est de 70% du salaire moyen des cinq meilleures années. Or, la chute du niveau de vie est un motif important du refus de la retraite.

Pour les professeurs d'université qui prennent leur retraite après 27,5 années de service, parce qu'ils ont probablement atteint 65 ans, ce sont des professeurs agrégés, en général, j'imagine, titulaires, pardon, que représente 55% de la pension comme revenu de retraite? En moyenne?

M. Bordeleau (Pierre): Ce que cela représente...

Mme Lavoie-Roux: Après 27,5 et non pas après 35 ans.

M. Bordeleau (Pierre): Mon collègue, qui a sa petite calculatrice, va vous répondre, parce qu'il faut tenir compte du salaire moyen des cinq meilleures années.

M. D'Ambroise (Marius): Ce serait dans les environ de 30 000 $ à l'heure actuelle pour quelqu'un qui aurait contribué au maximum. Ce qui est le cas de très très peu de professeurs.

Mme Lavoie-Roux: À 55%, donc, en conséquence.

M. Bordeleau (Pierre): Encore faut-il signaler qu'il y a des professeurs qui se retirent avec moins que cela parce qu'ils n'ont pas atteint même 27,5 années.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est une pension qui est indexée.

M. Bordeleau (Pierre): C'est-à-dire que par le passé elle n'était pas indexée annuellement. Le comité de retraite se penchait sur la question tous les trois ans et c'est en fonction des surplus actuariels. Cela a été indexé il y a trois ans, au coût de la vie et on a décidé d'une indexation annuelle. Pour vous donner un exemple, l'inflation de cette année, en juin dernier, a été de 7,5%. Le coût de la vie étant de 12,82. Donc, cette année en tout cas, on a indexé en bas du coût de la vie. Mais on le fera, semble-t-il, tous les ans. On se penchera sur la question.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une indexation automatique comme on retrouve...

M. Bordeleau (Pierre): Non.

Mme Lavoie-Roux: ... dans la fonction publique et parapublique, dans le monde scolaire, par exemple, où il y a une indexation automatique.

M. Bordeleau (Pierre): Ce n'est pas une indexation automatique, c'est-à-dire que le montant de l'indexation n'est pas automatique et, comme je vous disais tout à l'heure, avant cette année on se prononçait sur l'indexation tous les trois ans et il n'y avait pas de rétroactivité. On indexait au bout de trois ans, mais sans rétroactivité pour les années passées. On prenait un montant X qu'on versait à ce moment-là, effectif à la date de la décision. Maintenant, il y a un nouveau règlement qui permet au comité de la retraite de se pencher sur la question de l'indexation annuellement, mais ce n'est pas statutairement le coût de la vie qui est donné. Cela dépend du rendement du fonds.

Mme Lavoie-Roux: II y a une révision automatique annuelle maintenant.

M. Bordeleau (Pierre): Maintenant, il y aura une révision annuelle.

Mme Lavoie-Roux: Quelle est la moyenne des salaires des professeurs de l'Université de Montréal?

M. Bordeleau (Pierre): Je vous donne cela grossièrement parce qu'on n'a pas fait de calculs sur les derniers chiffres.

Mme Lavoie-Roux: Oui, même si c'était pour l'an dernier, ce n'est pas grave.

M. Bordeleau (Pierre): C'est parce qu'il y a eu des ajustements avec la convention collective et il y en aura un au coût de la vie prochainement. Je vous dirai que c'est environ 38 000 $ à 40 000 $, le salaire moyen actuellement, pour un âge moyen, à l'Université de Montréal, qui est d'environ 40 ou 41 ans.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. Je me demande si vous êtes au courant du système adopté par l'Université McGill en 1979. On parle de cela dans son mémoire, mais vous n'en avez pas de copie. C'est un programme conçu dans le même esprit que la loi no 15, mais je crois que les résultats sont plus positifs pour les professeurs ainsi que pour l'université, au point de vue financier. J'aimerais citer quelques phrases de son mémoire. Selon ce plan, un professeur peut demander au comité des retraites différées un sursis d'un an et ce, presque à concurrence de trois ans. Le sursis n'est accordé que si le doyen et le professeur peuvent établir à la satisfaction du comité que le professeur en question est en bonne santé et que sa contribution à un programme d'enseignement et de recherche du département est essentielle et ne peut être assurée d'une manière satisfaisante par un professeur plus jeune. Les professeurs qui satisfont à ces critères reçoivent 80% de leur salaire pendant la durée de leur sursis.

L'expérience de McGill, entre 1979 et 1982, démontre que 19 des 54 enseignants qui le pouvaient ont sollicité pareil sursis. Onze d'entre eux se sont vu accorder un sursis d'un an et un professeur a même obtenu un sursis de trois ans. Donc, je crois qu'on est assez content. On a d'autres programmes aussi. On peut embaucher un professeur qui a pris sa retraite à temps partiel pour certains projets de recherche spéciale. Avez-vous considéré un tel programme? Il me semble que cela pourrait régler la situation dans les universités et il est possible qu'un tel programme puisse avoir une application dans d'autres domaines aussi.

M. Bordeleau (Pierre): Actuellement, à l'Université de Montréal, il existe une possibilité pour un professeur de travailler au-delà de l'âge de 65 ans. Il y a un des règlements du régime de retraite qui dit qu'exceptionnellement un professeur peut continuer à travailler au-delà de l'âge de 65 ans s'il fait preuve d'une excellence, etc., qu'il doit démontrer, en quelque sorte. La procédure pour ce faire est équivalente à celle de la nomination d'un jeune professeur adjoint. C'est la même procédure qui suppose les mêmes consultations, les mêmes comités, etc., de telle sorte que c'est le professeur qui a le fardeau de la preuve.

L'expérience des années passées a démontré qu'il y a très peu de professeurs à

65 ans qui se qualifiaient et qui pouvaient travailler au-delà de l'âge de 65 ans dans ce système. Ceux qui ont pu le faire au-delà de 65 ans travaillaient dans des secteurs où il était extrêmement difficile de recruter des professeurs plus jeunes qui avaient la même spécialisation, la même excellence ou la même compétence. Certains de ceux-là - et il y en a peut-être un, deux, je dirais au maximum trois à l'université - ont pu travailler au-delà de l'âge de 65 ans à plein traitement. (17 heures)

Maintenant, il y a une autre catégorie de professeurs, ceux qui ont bénéficié d'un régime de retraite qui les faisait vivre près du seuil de la pauvreté, étant donné le peu d'années de service qu'ils avaient accumulé à l'Université de Montréal et compte tenu qu'ils n'ont pas pu racheter, etc., pour toutes sortes de raisons. Il y a eu des cas comme ça qui ont été réglés à la pièce.

Nous avons participé, comme syndicat, à la défense d'un de ces cas, qui était un professeur très connu et qui avait apporté une contribution excellente. Ce professeur s'est vu attribuer un forfait, de sorte qu'il puisse arrondir ses fins de mois, parce que, vraiment, il ne pouvait plus maintenir une activité intellectuelle, compte tenu des revenus de retraite qu'il avait. Alors, il y a eu quelques cas comme celui-là qui ont été réglés aussi. Autrement, la plupart doivent quitter.

Il est certain que la solution de McGill est peut-être une voie à explorer et il y en a sûrement d'autres. Quand nous parlons de retraite à la carte, nous parlons de solution comme celle-là qui pourrait être de cumuler une partie de la rente avec un demi-temps comme professeur. Au lieu de croire qu'il va y avoir des effets épouvantables, il faut essayer de regarder ça de façon positive en disant: Quels sont les meilleurs moyens, pour un professeur d'université, de se retirer tranquillement de la carrière? Il faut aussi se poser la question: Quelle est la meilleure façon d'employer nos vieux professeurs? Il est clair qu'on n'est peut-être pas obligé de demander à un professeur qui a 65 ans d'être aussi rayonnant, en termes quantitatifs, qu'un jeune professeur qui cherche à se qualifier pour devenir agrégé, et lui demander qu'il ait un grand rayonnement en termes de publications, qu'il les empile les unes sur les autres. Je pense qu'il y a peut-être d'autres façons d'utiliser ces professeurs; il faut mettre au service des étudiants leur grande expérience, leur grande sagesse aussi. Il faudrait peut-être parfois aussi les mettre au service de l'administration de l'université; ils ont peut-être aussi, dans leur sagesse, un certain nombre d'idées qui pourraient éventuellement aider les jeunes administrateurs d'université. Or, il y a toutes sortes de solutions comme celles-là qui sont certainement possibles. Disons que, pour l'instant, nous ne favorisons pas une solution plutôt qu'une autre et nous pensons plutôt à un régime qui soit assez souple pour que vraiment chaque individu puisse se tailler une retraite à la carte. On a ce privilège, les professeurs d'université, de pouvoir nous retirer en gardant une certaine activité intellectuelle; du moins, je l'espère en tout cas.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Puis-je vous demander si, compte tenu des discussions qu'il y a eu au préalable, il y avait une première étape dans la loi qui disait - parce qu'on n'a pas encore assez de données étendues là-dessus - que l'âge de la retraite serait 70 ans, est-ce que ça irait à votre syndicat, en principe?

M. Bordeleau (Pierre): Écoutez, c'est reporter le problème de cinq ans. Je pense qu'il y aura encore des professeurs, à 70 ans, qui se sentiront encore verts et qui voudront continuer à travailler parce qu'ils se sentent encore la force de le faire. C'est reporter le problème de cinq ans, à mon sens, et je ne vois pas tellement quel avantage on y gagnerait. Je pense que le droit à une retraite volontaire, c'est la principale valeur qu'il faut chercher à sauvegarder. Je ne vois pas tellement d'avantage, je ne pense pas que ça résoudrait les problèmes que de repousser ça à 70 ans, parce que, encore une fois, pourquoi à 70 ans, pourquoi pas 75 ans, pourquoi pas 68 ans? Selon quel barème peut-on dire qu'à 70 ans, un professeur d'université n'est plus capable de remplir ses tâches? Je ne sais pas. Vous me permettrez de donner un exemple personnel; j'ai quelqu'un dans ma famille qui est médecin et qui a dépassé largement l'âge de 70 ans - il en a 74 - et il continue à travailler à temps partiel, mais il continue à travailler et, année après année, l'institution qui l'emploie lui demande de continuer, parce qu'il est capable de le faire. Cet homme, si on décidait du jour au lendemain de le mettre à sa retraite, je pense qu'il ne s'en remettrait pas. Et c'est le cas de professeurs d'université. Là, je donne quand même un exemple chez un travailleur intellectuel. Je pense que c'est ça qu'il faut corriger, cette espèce d'arbitraire de l'âge. Le couperet tombe parce qu'on a tel ou tel âge. Je pense que c'est cela qui est carrément arbitraire.

Le Président (M. Boucher): Merci. Au nom des membres de la commission, je remercie M. Bordeleau et M. D'Ambroise pour la présentation de leur mémoire.

Association des policiers provinciaux du Québec

J'appelle immédiatement l'Association des policiers provinciaux du Québec, représentée par Me Laurian Barré, porte-parole. M. Barré, si vous voulez bien présenter ceux qui vous accompagnent.

M. Richard (Raymond): M. le Président, si vous me le permettez. Mon nom est Raymond Richard. M. le ministre, membres de la commission parlementaire, mesdames et mesdemoiselles, à titre de président de l'Association des policiers provinciaux du Québec, je me permettrai de vous présenter le mémoire. Avant de commencer, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À mon extrême droite, M. Jean-Marie Bouchard, vice-président de l'association, Me Laurian Barré, conseiller juridique, M. Jean-Pierre Provencher, actuaire de la firme Martineau et Provencher, M. Eddy Bertrand, secrétaire-trésorier de l'association, et M. Gilles Dostie, secrétaire général.

L'Association des policiers provinciaux du Québec, qui regroupe les quelque 4700 membres salariés de la Sûreté du Québec, voudrait soumettre à cette commission parlementaire certaines observations concernant le projet de loi no 15 sur l'abolition de la retraite obligatoire.

L'association est, évidemment, d'accord en principe sur un tel projet de loi qui constitue une mesure sociale très valable. Cette mesure est du reste rendue nécessaire à bien des égards dans le contexte économique actuel où les retraités figurent souvent parmi les plus démunis. Ce projet de loi ne nous apparaît toutefois pas comme une solution complète au problème des retraités. Il ne suffit pas, à notre avis, de consacrer le droit au travail jusqu'à un âge avancé pour ceux qui veulent ou peuvent travailler, mais il importe de concilier ce droit avec un autre, tout aussi fondamental, soit le droit à une existence décente pour les retraités, surtout ceux qui ne peuvent continuer à travailler. Aussi faudrait-il prévoir à l'occasion de cette législation ou d'une prochaine législation l'établissement de caisses ou régimes privés de retraite à l'égard de ceux qui n'en disposent pas.

Cette mesure complémentaire aurait à tout le moins l'avantage de procurer une plus grande sécurité à ceux qui, autrement, n'auraient pas le choix que de continuer à travailler ou qui ne le peuvent tout simplement pas.

Une telle mesure sociale, même si elle peut paraître équitable, doit cependant comporter certains tempéraments. Étant donné qu'il s'agit, par ce projet de loi, de consacrer le droit de toute personne qui atteint l'âge normal de la retraite de continuer à travailler, il nous apparaît important de tenir compte des facteurs qui découlent du milieu du travail et du type d'emploi.

Ce n'est pas nier le droit au travail que de l'assortir de certaines modalités suivant le contexte où il s'exerce. Il ne suffit pas de permettre à une personne de continuer à exercer son emploi après l'âge normal de la retraite, encore faut-il s'assurer que la personne soit en mesure de l'exercer suivant les exigences inhérentes à son emploi.

La fonction de policier nous semble une fonction où il faut tenir compte de cette situation et maintenir un âge obligatoire pour la retraite. La fonction de policier consiste à maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, à prévenir le crime et à en rechercher les auteurs. C'est notamment le rôle qui est dévolu à la Sûreté du Québec par l'article 39 de la Loi de police. On peut dès lors concevoir que ce rôle comporte chez celui qui est appelé à l'exercer des exigences qui découlent non seulement de la nature des fonctions, mais aussi des attentes de la population.

On pourrait prétendre que la fonction policière comporte plusieurs aspects et que les tâches sont diversifiées. À ceci, nous répondons que, malgré le rapport du groupe de travail sur les fonctions policières au Québec, déposé en janvier 1978, on n'a pas encore réussi à définir la fonction policière, ni à déterminer les attributions les plus susceptibles d'accroître l'efficacité de la police. Toutefois, on assiste depuis les dernières années à une orientation de la police vers un rôle de plus en plus opérationnel. C'est ainsi que des tâches dites de bureau et d'autres de surveillance sont plutôt confiées à des personnes ou des organismes qui ne sont pas de la police.

Dans cette optique d'une police de plus en plus opérationnelle où l'on veut tirer le meilleur profit de ses capacités, il est difficile de concevoir que le policier puisse de la même façon continuer d'exercer ses fonctions jusqu'à un âge avancé. Le domaine dans lequel le policier est appelé à évoluer tout au cours de sa carrière devrait justifier une mise à la retraite à l'âge déterminé de 60 ans autant pour sa propre sécurité que pour celle des autres.

D'ailleurs, le contexte législatif réglementaire a depuis plusieurs années consacré le statut particulier du policier et notamment du membre de la Sûreté du Québec dans le domaine du travail.

La Sûreté du Québec est exclue de l'application du Code du travail. Les relations de travail sont en effet régies par une loi spéciale, la Loi sur le régime syndical applicable à la Sûreté du Québec. Au surplus, la Loi de police qui les régit prévoit l'adoption de règlements concernant entre autres les normes d'embauche, la classification et les conditions d'entraînement.

C'est ainsi que l'on retrouve au règlement P-7 adopté par la Commission de police diverses dispositions applicables à l'agent de police. Celui-ci, pour être embauché, ne doit pas avoir atteint l'âge de 35 ans et doit, par ailleurs, avoir subi avec succès un examen médical conforme aux exigences qui sont stipulées dans ledit règlement. Il a du reste fallu adopter un autre règlement pour exempter de l'application de ces normes les policiers des autoroutes qui en 1980 ont été intégrés à la Sûreté du Québec.

Il apparaît difficile de concilier l'application de telles normes avec le fait que le policier ne devient astreint à aucune norme en ce qui concerne l'âge de la retraite.

À cet égard, il convient de souligner que l'âge obligatoire de la retraite prévu à la Loi de police est passé de 65 ans, pour les officiers, 62 ans pour les sergents et 60 ans pour les caporaux et les agents qu'il était en 1968 à 60 ans ou 32 ans de service pour tous les membres de la Sûreté du Québec depuis 1971.

En effet, lors des discussions qui ont eu lieu à cette époque avec le gouvernement du Québec concernant le régime de retraite des policiers provinciaux, il fut établi et reconnu que les exigences de la fonction justifiaient une mise à la retraite obligatoire à un âge ne dépassant pas 60 ans.

Par la suite, en 1976, l'association entreprenait avec le gouvernement du Québec une nouvelle négociation pour le renouvellement du régime de retraite. Cette négociation qui s'est poursuivie au cours des dernières années a permis d'en arriver à une entente le 7 juillet 1981 avec effet rétroactif au 1er avril 1981. Les termes de cette entente avec le gouvernement indiquent entre autres qu'un membre de la Sûreté du Québec peut bénéficier d'une retraite hâtive après 20 ans de service. Cette modification au régime de retraite des policiers démontre à nouveau la tendance du gouvernement à permettre une retraite bien avant l'âge de la retraite dans les autres secteurs.

Le projet de loi no 15, s'il devait être adopté dans sa forme actuelle remettrait en cause toute cette question. Il remettrait plus particulièrement en cause l'évolution qui s'est faite au cours des années sur l'opportunité de fixer l'âge de la retraite obligatoire des membres de la sûreté en deçà de l'âge normal de la retraite dans un contexte plus général de sécurité individuelle et collective et d'efficacité policière accrue.

En conclusion, la retraite facultative à un âge dépassant l'âge normal de la retraite ne nous apparaît pas correspondre à un besoin à la Sûreté du Québec. Les membres de la sûreté ont en effet l'avantage que nous souhaiterions voir accorder à tous les retraités, celui d'être dotés d'un régime de retraite qui leur assure une certaine sécurité. (17 h 15)

Cette retraite facultative ne nous paraît pas non plus s'imposer dans un domaine comme celui de la Sûreté du Québec, où le particularisme a été reconnu depuis plusieurs années à divers égards, dont celui de la retraite. Aussi croyons-nous devoir soumettre à cette commission parlementaire que l'inclusion des membres de la sûreté dans le projet de loi no 15 ne nous paraît pas appropriée et qu'il faudrait à tout le moins examiner toutes les incidences d'une telle mesure avant de l'instaurer. Il serait important à cet égard que la loi contienne une disposition à l'effet que toute convention collective contenant un régime de retraite en vigueur puisse être rouverte spécifiquement par rapport au régime de retraite afin que les parties revoient toutes les dispositions affectées par l'abolition de la retraite obligatoire et qu'elles s'assurent qu'aucun employé ne sera pénalisé s'il continue son emploi après la date de mise en vigueur de la loi, ce qui est le cas à la Sûreté du Québec pour le membre qui continuerait d'occuper sa fonction après l'âge de 60 ans (ou 32 ans de service).

M. le Président, quand l'Association des policiers provinciaux a soumis ce mémoire à la commission parlementaire, elle ne connaissait pas d'avance, évidemment, la réaction du gouvernement face à certaines recommandations. Après vous avoir entendus parler ce matin et après avoir entendu les propos vis-à-vis de ce qui s'est fait aux États-Unis, nous croyons que nous pouvons espérer dorénavant que les membres de la Sûreté du Québec puissent être exclus du projet de loi no 15.

Nous avions évidemment, étant très prudents, complété notre rapport et nous avons soumis à la commission parlementaire ce matin quelques notes additionnelles concernant des points techniques. M. le Président, si vous n'avez aucune objection, j'inviterais M. Jean-Pierre Provencher à vous donner les détails concernant nos notes supplémentaires qui ont été soumises à la commission ce matin.

Le Président (M. Boucher): M.

Provencher.

M. Provencher (Jean-Pierre): Le projet de loi no 15 vise l'abolition de la retraite obligatoire et s'applique, en conséquence, à la Loi sur les normes du travail et à toutes les lois régissant les régimes de retraite d'employés des secteurs privé et public, sauf la loi du Régime de rentes du Québec. Dans sa conception, cette loi vise à éliminer la pratique de certains employeurs qui congédient automatiquement ou à leur gré leurs employés qui atteignent un certain âge ou un certain nombre d'années de service.

Dans bon nombre de cas, ces pratiques empêchent les employés qui sont encore capables physiquement et psychologiquement d'accomplir leurs propres fonctions de continuer à travailler et ainsi d'augmenter leurs revenus de façon à pourvoir à leurs besoins, alors que leurs modestes prestations de retraite ne suffiraient pas. C'est notamment le cas pour plusieurs employés qui ne participent à aucun régime de retraite, qui n'ont accumulé que de très faibles crédits dans un régime de retraite tout récent ou encore qui ne se qualifient pas aux pleines prestations du Régime de rentes du Québec. Pour tous ces employés, la continuation de leur emploi est presque nécessaire et un congédiement de la part de l'employeur devient une forme de discrimination.

Ainsi, donc, des stricts points de vue sociaux et économiques, nous sommes d'accord avec le principe général de cette loi. Cependant, bien qu'en accord avec les principes, notre appui cesse là, puisque, tant dans sa rédaction que dans ses modalités d'application, nous y décelons des lacunes considérables dont certaines créent ou seraient susceptibles de créer encore plus d'inéquités et d'anomalies que d'en éliminer si des dispositions plus précises et mieux adaptées n'y sont incorporées afin d'y pallier.

À l'article 4 du projet de loi, il est prévu qu'un participant à un régime de retraite qui occupe son emploi après la date où il aurait obligatoirement pris sa retraite continue de cotiser au régime de retraite selon les dispositions du régime qui lui est applicable. De même, son employeur continue de cotiser au régime le cas échéant. Déjà là, on peut se demander ce que signifie cet article, surtout lorsqu'il s'agit d'un régime de retraite à prestations définies tel celui de la Sûreté du Québec. Est-ce que l'employeur contribuera le même niveau ou montant que l'année avant la date de retraite obligatoire, le même montant que le participant, le montant nécessaire à l'achat d'un crédit de rente pour une année de service de plus? Si oui, de quel crédit de rente s'agit-il? Sur quelle formule est-il établi et sur quelle base son coût est-il déterminé? Qu'arrive-t-il si le participant est membre d'un régime non contributif ou d'un régime contributif dont les cotisations cessent après un certain nombre d'années de participation? Doit-il maintenant cotiser après la retraite obligatoire?

Il semble, à première vue, que dans la rédaction de cet article le législateur n'ait considéré que les régimes à prestations indéterminées contributifs, du type "money purchase", où les cotisations du participant et de de l'employeur sont déterminées selon une formule précise et connue.

Dans les autres cas - ceux-là constituent la majorité des régimes de retraite au Québec - la législation, telle que rédigée, résulterait en des iniquités potentielles.

Quant au montant de rente payable, par suite de travail après la date de retraite obligatoire, seul l'article 5 y fait allusion et, encore là, de façon ni claire ni précise. En effet, la seule mention qui y est faite est que le montant, qui aurait été payable à la retraite obligatoire, devient payable à partir de la date effective de retraite. Ainsi donc, il n'est aucunement stipulé si ce montant payable doit être augmenté de crédits de rente additionnels pour les années de service après la date de retraite obligatoire ou ajusté selon un équivalent actuariel.

À la lecture de cet article, tout laisse croire que le montant de rente payable dans un tel cas doit être stipulé ou défini par les dispositions du régime de retraite concerné. Cela, évidemment, pourrait être acceptable, en autant que ce régime de retraite puisse être examiné et/ou modifié au besoin, pour tenir compte de l'impact de la loi.

Regardons maintenant ce qu'il en est de l'implication de ce projet de loi sur le régime de retraite des membres de la Sûreté du Québec, lequel est régi par convention collective jusqu'au 31 mars 1986.

En premier lieu, la retraite obligatoire, après 32 ans de service, ne serait plus applicable et, dès lors, un membre pourrait continuer à occuper ses fonctions. Dans un tel cas, le policier, membre du régime, devrait continuer à verser ses cotisations au régime. Ainsi, on observe une iniquité entre un membre qui continue de travailler après 65 ans, et qui cesse de cotiser au Régime de rentes du Québec, par rapport à l'autre qui continue ses cotisations au Régime de rentes du Québec. Dans le premier cas, le membre verserait un plein 8% de son salaire au régime de retraite et accumulerait le même montant de rente que son confrère qui verserait 8%, moins les cotisations au Régime de rentes du Québec.

De même, comme le régime de retraite des membres de la Sûreté du Québec est du type prestations définies, on doit se demander quel serait le niveau de contribution requise de l'employeur, puisque les modalités actuelles ont été négociées pour toute la durée de la convention collective et que rien n'est prévu quant au travail après la date de retraite obligatoire, spécifiquement à la contribution de l'employeur dans ce cas. Nous faisons donc face à l'arbitraire.

De plus, la formule de rente du régime des membres de la Sûreté du Québec prévoit l'accumulation de 70% de la moyenne des quatre meilleures années de salaire, après 32 ans de service; soit 30 années à 2,3%, ce qui fait 69% et deux années à 0,5%, ce qui constitue le 1% additionnel pour se rendre à 70%. Elle ne prévoit aucun crédit de rente

additionnelle par la suite, la retraite devenant obligatoire après 32 ans de service.

Cette disposition, si elle ne pouvait être amendée, constituerait une lacune très sérieuse, en particulier lorsqu'on exige des cotisations du membre. D'autre part, si aucun crédit de rente additionnelle n'est gagné pour le service après 32 ans, il se pourrait - ceci n'est qu'une hypothèse, puisque le régime de retraite ne contient aucune disposition dans ce sens - que la rente payable à la retraite soit calculée à partir d'une moyenne de salaire des quatre meilleures années, déplacée d'un an pour chaque année de service après 32 ans. Dans la plupart des cas, la valeur d'une telle rente ajustée, payable à une date de retraite différée, est moindre que la valeur de la rente accumulée et payable après 32 ans de service, pénalisant ainsi le membre désirant demeurer en service. De plus, ce membre étant tenu de cotiser 8% de son salaire, moins ses cotisations au Régime de rentes du Québec, ceci le pénaliserait doublement. Dans ce cas, il est bien évident que la cotisation de l'employeur, après 32 années de service, serait nulle. Ceci n'est aucunement conforme à l'article 4 du projet de loi, et encore moins à l'esprit du projet de loi.

Tout cela démontre les immenses iniquités auxquelles les membres de la Sûreté du Québec pourraient être assujettis par le biais de la loi no 15. Nous pouvons donc en conclure que, à moins que les dispositions du régime ne puissent être modifiées, l'application de la loi, telle que proposée pénaliserait fortement un membre qui désirerait demeurer en service, ce qui n'est sûrement pas l'objectif de la loi.

À la suite de ces constatations, nous sommes en désaccord total avec l'application telle quelle de cette loi sur le régime de retraite de la Sûreté du Québec, compte tenu du fait que les dispositions de ce régime sont liées par la convention collective en vigueur. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier le président, M. Richard, et ses collègues de bien vouloir nous présenter aujourd'hui des remarques extrêmement intéressantes sur notre projet de loi.

Je vais commencer par la question qui me vient tout de suite à l'esprit. Est-ce que vous demandez, oui ou non, l'exemption? Demandez-vous d'être soustraits à l'application de cette loi ou pas? Dans votre premier mémoire - je ne parle pas des notes supplémentaires - vous demandiez d'en être soustraits.

M. Richard (Raymond): Exactement.

M. Lazure: Est-ce que vous continuez à demander d'en être soustraits?

M. Richard (Raymond): Nous continuons à demander d'être exclus de cette loi.

M. Lazure: À partir du moment où vous êtes exclus - et nous sommes portés à être d'accord, je l'ai dit ce matin, autant pour les policiers que pour les pompiers - à partir du moment où on s'entendrait pour que vous soyez soustraits à l'application de la loi, il y a beaucoup de questions que vous soulevez qui sont éminemment techniques et qu'il n'est peut-être pas aussi important de discuter qu'on l'aurait fait si vous aviez été astreints à la loi.

De toute manière, je veux quand même répéter certaines précisions sur les articles 4 et 5 parce que la plupart de vos remarques techniques touchent, encore une fois, les anciens articles 4 et 5. J'ai déjà dit, à quelques reprises, qu'on va retrancher complètement l'article 5 et, quant à l'article 4, il sera reformulé de manière que l'individu ait un choix à 65 ans. Si l'individu décide de continuer à travailler à 65 ans, il y a trois possibilités. Il peut y en avoir d'autres, mais pour le moment on en envisage au moins trois. La personne continuerait de toucher son salaire, mais en même temps toucherait sa rente, toucherait les versements réguliers de sa rente. La deuxième possibilité, la rente serait différée avec ou sans cotisation. Donc, c'est la deuxième possibilité qui se subdivise en deux à son tour: rente différée avec cotisation ou rente différée sans cotisation. Dans les deux cas, je répète que cette rente différée, si on veut être équitable au plan social, devrait être valorisée. En d'autres termes, si l'individu touche sa rente seulement durant dix ans au lieu de treize ans, il nous paraîtrait équitable que les versements annuels des dix années mis ensemble soient au moins l'équivalent de ce qu'il aurait touché pendant les treize ans. Donc, la valorisation actuarielle.

Finalement, parmi les nombreuses questions techniques que vous soulevez, la réponse qui s'applique à peu près à toutes vos questions, on la retrouve dans les négociations entre les deux parties. À partir du moment où on dit que l'employeur devra équitablement donner une rente revalorisée, tout le reste, à savoir la cotisation de l'un ou de l'autre, fait partie de la négociation entre les deux parties.

M. le Président, j'hésite à aller un peu plus loin dans tous les points techniques qui ont été soulevés puisque l'Association des policiers provinciaux du Québec demande à être exemptée de l'application de cette loi et que nous, jusqu'ici, sommes portés à dire oui à cette exemption. D'autre part, je pense qu'il y a des remarques extrêmement intéressantes et je veux les remercier pour

leur excellent mémoire.

M. Barré (Laurian): M. le Président, si vous me permettez simplement un mot à la suite des remarques de M. le ministre. Ce que l'association a voulu principalement faire valoir, c'est ce qui est contenu dans la première partie de son mémoire, à savoir que pour les raisons indiquées les membres de la Sûreté du Québec devraient être exclus de l'application de cette loi. Maintenant, on a voulu, simplement à titre indicatif, souligner aux membres de cette commission les problèmes d'ordre technique qui pourraient se soulever advenant l'application de la loi dans sa forme actuelle. (17 h 30)

M. Lazure: J'ajouterais aussi que, comme l'association le dit dans les premiers paragraphes, cette loi n'est certainement pas une solution complète à tous les problèmes des retraités et c'est simplement une loi qui vise à donner le libre choix aux personnes. Je parle de l'ensemble des travailleurs. Excluons les policiers ou les pompiers. Elle vise à donner le libre choix quant au moment de la retraite. D'autres étapes, en particulier, concernant les régimes supplémentaires de rentes, d'autres étapes sont absolument nécessaires si on veut améliorer la condition des retraités.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Laurier.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais simplement demander aux personnes qui ont préparé les notes supplémentaires si, finalement, ces commentaires que vous formulez ici s'appliquent nécessairement exclusivement au fonds de retraite de la Sûreté du Québec ou s'ils ont une portée générale.

M. Richard (Raymond): Pas nécessairement aux membres de la Sûreté du Québec. Ils ont une portée générale, mais, pour nous, étant donné que c'est la première partie du rapport où nous souhaitons que nos recommandations soient acceptées, à ce moment, pour la sûreté, les notes supplémentaires ont beaucoup moins d'effet, mais ils ont tout de même une portée générale.

M. Sirros: Ce qui fait qu'après cinq mois, on trouve maintenant que c'est normal que les policiers ne soient pas soumis à la loi. Cela ne veut pas dire que les commentaires formulés ici n'ont pas une valeur pour l'application de la loi dans d'autres domaines parce que vos fonds de retraite ressemblent pas mal, j'imagine, aux autres fonds de retraite du régime...

M. Richard (Raymond): Nos notes supplémentaires ont une valeur pour les autres conventions collectives et pour les autres travailleurs.

Le Président (M. Boucher): Y a-t-il d'autres questions? Au nom de tous les membres de la commission, je remercie M. Richard ainsi que tous ceux qui l'accompagnent pour la présentation du mémoire.

M. Richard (Raymond): M. le Président, en terminant, au nom de l'association et en mon nom personnel, permettez-moi de vous remercier de nous avoir donné l'occasion d'être entendus aujourd'hui.

Le Président (M. Boucher): Merci. J'appelle le Canadien Pacifique représenté par Me Albert O. Gadbois, porte-parole, et Mme Dominique Poulin-Gouin.

Canadien Pacifique Ltée

M. Gadbois (Albert O.): M. le Président, mesdames et messieurs de la commission, accompagné de Me Poulin-Gouin, je me présente ici au nom d'une quantité de compagnies qui font partie de la famille corporative du Canadien Pacifique Limitée. Ces compagnies sont énumérées à nos notes et je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'en répéter l'énumération.

Quant au principe de la loi, nous n'y avons aucune objection. Nous considérons que cette loi comporte un côté social très prononcé et que les membres de l'Assemblée nationale possèdent l'expertise nécessaire pour décider du fond de la loi; d'avance, nous nous déclarons satisfaits de toutes les décisions auxquelles vous en arriverez quant au fond et au principe de la loi. La seule chose cependant que j'aimerais vous faire remarquer, c'est que le premier article du projet de loi me semble venir en contradiction avec une autre loi de l'Assemblée nationale. En effet, l'article 23 de la Loi des régimes supplémentaires de rentes prévoit que les régimes qui lui sont soumis, qui sont enregistrés devant elle ne doivent pas comporter de prise de retraite ultérieure à l'âge de 70 ans. Or, dans ce projet de loi qui est devant nous actuellement, il nous semblerait qu'à moins de circonstances physiques ou mentales, on pourrait prendre une retraite indéfinie. Je crois que, dans les circonstances, il y aurait lieu de vérifier la concordance de la présente loi avec l'article 23 de la loi des régimes supplémentaires.

Ceci dit, M. le Président, je me trouve très embarrassé. J'avais préparé un mémoire qui est devant vous. Je suis ici depuis ce matin et, ce matin, j'ai entendu le ministre dire que l'article 5 disparaîtrait, que des modalités seraient apportées à l'article 4,

que certains des problèmes que je soulève dans mon mémoire pourraient être réglés par voie de convention collective et, finalement, pour empirer le tout, M. le Président, les représentants des policiers viennent de soulever la plupart des problèmes que je soulève moi-même.

Dans ces circonstances, je ne crois pas qu'il y ait lieu pour moi d'abuser de votre temps. Je ne crois pas que je devrais discuter plus avant des notes que j'avais préparées, excepté pour demander, M. le Président, et vous faire remarquer que si nous voulons soumettre certains débats au jeu des conventions collectives, il faut se rappeler que ce jeu n'est pas toujours très doux. Il y a des difficultés que nous connaissons. C'est pour cette raison que je suggérerais, puisque j'ai appris seulement aujourd'hui que vous avez l'intention de procéder de cette façon, qu'il y ait quand même un cadre de loi dans lequel les conventions collectives pourraient être préparées afin que nous ne nous voyions pas pris avec un tas de différends ouvriers et de grèves survenant à la suite de l'adoption de cette loi. Si nous sommes pour nous en remettre à la bonne volonté des employeurs et des syndicats, je le veux bien, mais je dis qu'il faut tout de même leur donner certaines indications. Peut-être que les indications que vous trouverez dans mon mémoire, mes notes ou celles qui vous ont été lues il y a quelques minutes pourraient être celles que voudrait faire siennes ce comité.

Je vous dis que je ne veux pas perdre votre temps, parce que tout ce que j'avais à vous dire a pratiquement déjà été dit. Nous sommes venus ici avec l'intention non pas de critiquer le projet de loi, mais nous sommes venus avec l'intention, en tant que citoyens corporatifs, de contribuer à l'élaboration d'une loi qui, nous l'espérons, sera à l'avantage de tous. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Gadbois. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier Me Gadbois, ses collaborateurs et ses collaboratrices, ainsi que le Canadien Pacifique, non seulement pour la valeur de leur mémoire, mais aussi pour leur esprit de collaboration. Je comprends le dilemme qu'on a exposé tout à l'heure et je vais essayer d'emblée de répondre quand même à certaines questions fondamentales. Il y a deux principes de base qui constituent le cadre de ce que vous souhaitez. Vous avez raison de souligner, d'après votre expression, que le jeu des négociations n'est pas toujours très doux. Je pense qu'on est placé pour le savoir, au gouvernement, comme vous l'êtes aussi à la tête d'une entreprise importante.

Donc, deux principes de base. Le premier - j'ai eu l'occasion de le dire ce matin - c'est une certaine revalorisation ou une revalorisation certaine du fonds accumulé lorsque l'employé de 65 ans décidera de continuer à travailler. Il est bien sûr qu'il devra bénéficier d'une revalorisation de sa rente différée. Le deuxième principe de base, c'est que l'employé, lorsqu'il choisit de continuer à travailler et qu'il en a les capacités à 65 ans, devrait continuer à toucher le même salaire à travail égal. Quand on parle d'un salaire, on inclut non seulement le chèque de paie, le salaire proprement dit, mais aussi tout ce qui va avec cela: les avantages sociaux, les bénéfices de la caisse de retraite, le régime de rentes supplémentaire étant un de ces avantages sociaux.

À partir du moment où l'employeur et l'employé sont d'accord que l'individu maintienne son même travail pour maintenir aussi la même rémunération, à l'intérieur de cette rémunération, il peut y avoir un réaménagement et c'est là qu'intervient la négociation à la table entre patron et employé. Le réaménagement peut prendre plusieurs formes. Ce peut être un accent placé sur une plus grande valorisation de la rente aux dépens de certains avantages, tels que l'assurance dentaire, l'assurance-maladie, les jours de maladie ou toute autre sorte d'avantages sociaux dont avait bénéficié l'employé jusqu'à 65 ans.

M. le Président, c'est dans le but de pouvoir réagir aux commentaires de Me Gadbois. Vous avez raison de vous attendre que le gouvernement vous procure un certain cadre qui va sous-tendre les négociations, qui va être l'arrière-plan pour les négociations qui devront se faire pour les 5000 régimes de retraite privés et les régimes supplémentaires. Je pense que c'est l'essentiel de vos préoccupations.

Il y a un dernier point précis. Dans votre mémoire, vous posiez la question: Qu'arrivera-t-il à la veuve lorsque l'employé de 67 ans qui a décidé de continuer à travailler décède subitement? Nous allons -c'est une lacune dans le texte actuel du projet de loi - inclure une clause par laquelle l'employé de plus de 65 ans qui décide de continuer à travailler sera présumé retraité, pour les besoins de la rente au conjoint du survivant. Donc, pour les besoins de la rente à la veuve, même si l'employé continue à travailler au-delà de 65 ans, s'il décède, la veuve pourra toucher la rente qu'elle aurait touchée si son mari avait pris sa retraite à 65 ans.

Je remercie beaucoup l'équipe du Canadien Pacifique pour son mémoire fort intéressant.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux également remercier les membres du Canadien Pacifique qui sont venus faire des représentations. Je comprends un peu leur surprise. On a vraiment l'impression que le projet de loi no 15 avait été un peu préparé en catastrophe, comme dirait le premier ministre, parce que tout s'effrite et on va revenir avec un autre, mais c'est toujours bon.

M. Lazure: C'était pour susciter des réactions, on en a eu. C'est fort positif.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Au fur et à mesure que les mémoires ont été présentés, finalement, les policiers sont venus et on leur a dit qu'ils ne seraient pas inclus, etc.

M. Lazure: Probablement.

Mme Lavoie-Roux: Probablement. Quand vous êtes rendus au "probablement", pour vous...

Une voix: C'est acquis.

Mme Lavoie-Roux: ... oui, c'est acquis.

(17 h 45)

Je pense que vos commentaires sur l'article 4 rejoignent un peu les commentaires des policiers; vous avez les mêmes questions vis-à-vis des rentes déterminées, des retraites, etc. La question que je voudrais vous poser, c'est juste pour mon intérêt personnel. Comme vous représentez une quinzaine d'entreprises, pourriez-vous me dire quels sont les régimes prévus pour le conjoint survivant dans vos régimes de retraite supplémentaires?

M. Gadbois: Dans la plupart de ces régimes et je dirais même dans la presque totalité de ces régimes, l'épouse reçoit 50% des prestations que recevait son mari au moment de son décès et nous ne soustrayons rien pour les paiements qui viennent de la Régie des rentes.

Mme Lavoie-Roux: Vous ne faites pas comme les pompiers qu'on avait ce matin. Vous dites dans la majorité. Alors, ce ne sont pas tous les régimes de rentes qui prévoient une réversibilité de 50% au conjoint survivant.

M. Gadbois: Voici, j'ai laissé un doute pour la bonne raison que je n'ai pas vérifié sur ce point chacun des régimes, mais je sais que c'est la règle dans la famille Canadien Pacifique Limitée. Il peut y avoir une exception dans ses compagnies que j'ai mentionnées et c'est pour ça que je n'ai pas voulu vous donner un oui absolu.

Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup, M.

Gadbois.

M. Gadbois: Merci.

Le Président (M. Boucher): Y a-t-il d'autres questions? Au nom de tous les membres de la commission, je remercie Me Poulin-Gouin et Me Gadbois pour la présentation de leur mémoire.

M, Gadbois: Merci beaucoup.

Le Président (M. Boucher): Compte tenu de l'heure, est-ce que les membres de la commission seraient disposés à suspendre jusqu'à 20 heures ou si on doit entreprendre l'étude d'un autre mémoire?

M. Lincoln: Je pense que les gens du Centre de services sociaux Ville-Marie avaient demandé s'ils pouvaient se faire entendre. C'est très bref, apparemment. Ils ont quelque chose en ville. Ils ne vont pas lire le mémoire.

Mme Lavoie-Roux: Là, il ne faut pas faire de discrimination. Cela veut dire que les fonctionnaires provinciaux reviendraient à 20 heures. Est-ce qu'ils ont des objections? C'est peut-être ça qu'il faut se demander.

M. Lazure: M. le Président, je suis bien prêt à être souple, comme d'habitude. Si le CSS Ville-Marie veut être entendu tout de suite et que lé Syndicat des fonctionnaires n'a pas d'objection, à ce moment, le Syndicat des fonctionnaires passerait à 20 heures.

Mme Lavoie-Roux: Oui, à 20 heures. Est-ce que cela vous va? Cela peut être assez long pour le Syndicat des fonctionnaires.

M. Lazure: Ah oui. Je ne pense pas qu'en quinze minutes on puisse passer les deux groupes.

CSS Ville-Marie

Le Président (M. Boucher): J'appelle le Centre de services sociaux Ville-Marie représenté par M. John Walker.

M. Walker (John): M. le Président, M. le ministre et les membres du comité parlementaire, nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour donner notre appui, le Centre Ville-Marie, sur le projet de loi no 15. I would like to briefly a focus on the work of the professional social workers in the many different fields of practice involving contact with persons and it is the professional social workers that deal with the traumatic effects of retirement. In our brief, we have highlighted some of our concerns.

Basically, we have suggested that age alone should not be a criterion and we fully agree that retirement should not be based on the criterion of age. We stress the need for flexibility in the application of the law. We look at financing. We feel that the retirement before, or at age 65 may well be proclaimed as a desirable option or even as a social right, but it is an illusionary option or right in a well planned occupational world unless adequate retirement income can be assured. Be assured that we deal with vulnerable people on marginal income.

We feel the impact on the employer will be considerable. We were pleased to hear Dr Lazure's comments this morning in terms of the need to introduce regular performance evaluations at every level of the organization. The fact remains, however, that people do become obsolete in their jobs and for reasons having to do with physical as well as mental factors, while mandatory retirement removes the stigma of not being retained because the performance is inferior to that of others who may be retained, we do not consider that the proposed legislation should be used as a pretext to the enshrinement of incompetence. To that effect, M. le Président, I would like to read the recommendations that we would like to put forward. Mr. Al Eisenring, who is the director of our Regional Resource Development Division will read the recommendations.

M. Eisenring (AI): Les recommandations du Centre de services sociaux Ville-Marie sont les suivantes: 1. Que la loi abolisse la détermination d'un âge de retraite obligatoire; 2. Que la loi portant sur la retraite soit très explicite quant à l'instauration des phases progressives de mise à la retraite; 3. Que des mesures législatives appropriées soient prises de manière à assurer une certaine flexibilité dans la mise à la retraite qui ne soit pas préjudiciable aux retraités, quel que soit leur âge, c'est-à-dire que ceux-ci reçoivent des prestations équitables; 4. Que la loi assure la création en milieu de travail d'un organisme paritaire chargé d'entendre les griefs déposés par les salariés qui estiment que la décision de les mettre à la retraite en raison de leur âge est tout à fait arbitraire; 5. Que les litiges entre les salariés les plus âgés et leurs employeurs, qui ne sont pas encore résolus et qui se rapportent à la loi, puissent être portés en appel devant un organisme public. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.

M. Lazure: Je remercie les représentants du Centre de services sociaux Ville-Marie. Je vais essayer de répondre, de réagir aux cinq recommandations tout de suite puisqu'il n'y a pas de discussion, il n'y a pas de divergence sur le fond du projet de loi lui-même.

Quant aux recommandations 4 et 5, il ne nous paraît pas nécessaire de créer un nouvel organisme public pour agir à titre d'arbitre dans les litiges là où un employé se sentirait lésé, là où il aurait été soi-disant congédié à cause de son âge. Nous pensons -en tout cas, il vaut la peine d'essayer - que la Commission des normes du travail, de concert avec les commissaires au travail, sont parfaitement en mesure de répondre aux problèmes qui vont surgir. La décision d'un commissaire au travail est exécutoire. Nous avons regardé du côté des États-Unis. Leur loi, qui est semblable à celle que nous voulons nous donner, est administrée par le ministère du Travail, un peu par les mêmes mécanismes que ce que nous proposons. Peut-être après quelques années d'expérience faudra-t-il créer un nouvel organisme public, mais je ne pense pas que cela soit nécessaire pour la première phase de cette loi. Nous croyons que les façons de fonctionner des commissaires du travail, jusqu'ici, ont été reconnues comme efficaces autant par la partie patronale que par la partie syndicale.

La recommandation 1, c'est votre accord de principe pour abolir la discrimination. La recommandation 2 demande "que la loi portant sur la retraite obligatoire soit très explicite quant à l'instauration des phases progressives de mise à la retraite." Cela m'amène à répéter ce que j'ai dit à quelques reprises aujourd'hui. Nous envisageons cette possibilité de procéder par délais, de procéder par étapes et nous pensons que les modalités d'application de la loi devront faire l'objet d'un accord entre la partie patronale et la partie syndicale, probablement à l'occasion de la nouvelle négociation dans chaque cas et en imposant quand même un délai maximal qui pourrait - je le mets au conditionnel - être le même que celui que les Américains se sont donné, c'est-à-dire trois ans.

Donc, de votre recommandation 2, nous allons retenir l'essentiel. Nous retenons votre préoccupation comme celle d'autres groupes et probablement que nous pourrons y donner satisfaction.

J'ai plus d'hésitation pour la recommandation 3 que je ne comprends pas très bien. Est-ce que vous pourriez l'expliciter un peu? C'est la seule question que j'ai à poser. Mais je ne comprends pas très bien à la recommandation 3, ce que vous avez en tête.

M. Walker: Non, pas en tête, mais on a décidé qu'il y a un besoin de flexibilité dans

la loi. We feel that it is of great importance to the role of the individual differences in the rights of choice. Recognition should also be given to the different requirements and the various types of work in work environment. Therefore, there should be support for the concept of gradual transition from the status of full employment to the complete withdrawal from the work force. It is in that sense, c'est dans ce sens que nous faisons cette recommandation.

M. Lazure: Oui, un peu comme les représentants du Syndicat de l'université aujourd'hui nous ont parlé de retraite à la carte, un mode de retraite qui est approprié et adapté aux besoins et aux désirs de chaque individu. Cela peut être le temps complet pendant un an, deux ans. Cela peut être le temps partiel pendant trois ans, quatre ans. Si c'est ça que vous voulez dire, nous sommes tout à fait d'accord avec cette approche. On parle souvent de ces modalités. C'est évoqué aussi par la direction de l'Université de Montréal. On parle souvent de ces modalités intéressantes de mise à la retraite graduelle. Elles s'appliquent aux deux extrêmes. Elles s'appliquent autant par en bas que par en haut. Elles s'appliquent autant pour la retraite anticipée à 55 ans, 60 ans que pour une retraite prolongée ou un travail prolongé au-delà de 65 ans. Nous sommes d'accord avec ce genre de mesures transitoires entre le travail à temps complet et la retraite à temps complet. Il y a toute une gamme de dispositions intermédiaires qu'il faut favoriser et nous avons bien l'intention de le faire. Je remercie beaucoup les représentants du CSS Ville-Marie.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Laurier.

M. Sirros: M. le Président, j'aimerais à mon tour remercier les gens du CSS Ville-Marie et je les remercie aussi pour la brièveté et la clarté de leur mémoire. I just had a very brief question that I want to ask. Do you see a role for social service centers and particularly Ville-Marie perhaps in the whole area of preparation for retirement or do you have programs actually right now, and would it be possible in your mind to somehow link, if you like, the whole approach towards a more flexible retirement. This is one bit we are told about the law; supposedly, there is more to come in that kind of things, I would not call a Chinese torture bit by bit that kind of thing, but where do you see the role of a social service center such as yours, also taking into consideration that we are going through some budget cuts, that they are cutting services, you know, allowing things to have a sort of rational whole to it, where do you see their role in terms of their whole area retirement?

M. Walker: I see two responses to your question, Sir. First, there is a role for the social services and particularly the social service centers because preretirement councils, as I would think, are specialized in services that could be offered. I think we would like to be involved in preretirement counseling programs, in the field of social work. Particularly now in Québec with the CSS and, as you mentioned, some of the difficulties we are having in providing tertiary services and crisis services, we have not been involved in the prevention or preretirement programs as much as we would have liked to.

Thirdly, the only area I am aware of that are fairly active in preretirement counseling programs is the industrial practice in the old school of social work and, I believe, the University of Montreal is doing some preretirement counseling programs with companies, but I do think the CSS should be involved in preretirement counseling programs. (18 heures)

M. Sirros: Seulement une dernière question que je pourrais adresser au ministre. Ce matin, vous avez dit, M. le ministre, que dans l'optique d'appuyer les personnes âgées en termes de leur retraite économique, le Québec a opté à un certain moment pour offrir des services, entre autres, certains médicaments gratuits, l'aide aux rentiers pour les loyers, etc. Dans votre pensée, cela inclut-il aussi les services sociaux de ce genre qui seraient quelque chose qui pourrait compléter des mesures sociales comme telles, mais en mettant aussi à la disposition des gens des moyens pour effectivement leur permettre d'avoir une retraite un peu plus décente?

M. Lazure: Je pense que jusqu'ici notre gouvernement, autant que le gouvernement précédent, avait considéré les maisons d'enseignement, et plus spécialement les cégeps et les universités, comme les agents d'abord et avant tout responsables de cette préparation à la retraite. Dans la mesure où il y a un contenu pédagogique dans le sens large du terme, cela me paraît avoir été un choix assez normal de dire: La responsabilité de dispenser des cours de préparation à la retraite ou à la préretraite, cela relève du monde de l'éducation. Certains cégeps, certaines universités ont des programmes fort actifs et touchent des centaines, des milliers de personnes préretraitées. Cela n'empêche pas, évidemment, les centres de services sociaux - d'ailleurs, certains centres l'ont fait depuis longtemps - de continuer à dispenser - cela n'a pas besoin d'être appelé de façon bien officielle des cours de préparation - à leur clientèle surtout... Les

centres de services sociaux ont une clientèle qui est régulière, malheureusement trop régulière et qui reste... Je dis "malheureusement" dans le sens qu'il s'agit de groupes défavorisés économiquement dans la société et qui souvent n'ont comme seul interlocuteur dans le réseau public que le centre de services sociaux et un peu parfois le CLSC.

Bref, je pense que le gouvernement compte surtout sur les maisons d'enseignement pour dispenser de façon importante ces cours de préparation à la retraite, mais, en même temps, il trouve normal que les centres de services sociaux continuent de le faire. Il y a de la place pour les deux agents de formation. Les besoins sont tellement immenses dans ce domaine, autant les CLSC que les CSS, que je n'ai pas peur d'une concurrence dangereuse dans ce domaine avec les cégeps ou les universités. Il y a de la place pour les deux groupes.

M. Sirros: Je voudrais simplement souligner deux dernières petites choses face à cela. D'une part, on assiste à des coupures assez draconiennes, surtout dans le domaine de l'éducation aux adultes, coupures qui viennent finalement mettre de côté un peu ce que vous dites, dans le sens que ce genre de choses ne pourrait pas continuer. D'autre part, il me semble qu'il se dégage un genre d'attitude de laisser-faire dans le sens qu'on se fie à la volonté et à l'imagination des gens et que cela va arriver que les centres de services sociaux ou les CLSC vont s'impliquer.

Même quand on parle, depuis ce matin, d'un plan d'ensemble pour toute la question de la retraite où on voit, comme je le disais tout à l'heure, des morceaux à la fois, j'ai de la difficulté à dégager l'ensemble dans cela.

M. Lazure: Je rappellerai tout simplement au député de Laurier que, dans le réseau des affaires sociales, il y a certains programmes qui ont été, à toutes fins utiles, exemptés des restrictions budgétaires et les services aux personnes âgées sont de ces programmes qui ont été exemptés. Par exemple, c'est un peu, si vous voulez, indirect, mais l'aide à domicile pour les personnes âgées n'a pas été touchée du tout par les restrictions budgétaires. C'est un des budgets protégés, si vous voulez.

M. Sirros: Sur le plan théorique, M. le ministre, autrement, vous savez aussi bien que moi que, depuis longtemps, les institutions mettaient beaucoup plus dans le domaine de l'aide à domicile que le budget protégé et qu'actuellement, elles sont dans la situation de devoir couper ce montant supplémentaire et elles retournent finalement uniquement au budget protégé, parce que les besoins du milieu demandaient à ce moment-là aux institutions de faire ce genre de suppléance, si vous voulez, au budget protégé.

Mme Lavoie-Roux: Dans les CSS, M. le ministre...

M. Lazure: Écoutez! Quand le budget de l'aide à domicile passe de 55 000 000 $ à 60 000 000 $, je vous réponds que cela n'est pas théorique. C'est de l'argent, ce sont des cents. Mais, sérieusement...

M. Sirros: De 55 000 000 $ à 60 000 000 $?

M. Lazure: 62 000 000 $, me dit-on, plus exactement.

Mme Lavoie-Roux: L'indexation, c'est quelque 15%.

M. Lazure: Sérieusement, dans les directives que le ministre des Affaires sociales, le député d'Anjou, a envoyées à tous les établissements du réseau, aux 1000 établissements du réseau des affaires sociales, il est dit, de façon bien claire, que certaines clientèles doivent être exemptées des restrictions budgétaires, puis il identifie les personnes âgées comme étant une de ces clientèles.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président - je l'apporterai au ministre; d'ailleurs, les membres de son cabinet pourraient le lui apporter - dans le budget de redressement d'au moins un CSS que j'ai vu à Montréal -ce n'est pas le CSS Ville-Marie - il y a une coupure de 6% dans l'aide à domicile. Est-ce qu'on va toute la mettre du côté des handicapés et ne pas toucher aux personnes âgées? C'est toujours une possibilité, mais il faut dire que les handicapés n'en ont pas à revendre, eux non plus, comme services à domicile.

M. Lazure: Je vous dis que le budget de l'aide à domicile qui touche autant...

Mme Lavoie-Roux: Je vais vous le montrer.

M. Lazure: ... les personnes âgées que les personnes handicapées est passé de 55 000 000 $ à 62 300 000 $.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais l'indexation et les conventions collectives, M. le ministre.

M. Lazure: C'est un budget qui est protégé, le budget de l'aide à domicile. Mme la députée de L'Acadie parle d'un projet. Il

s'agit bien d'un projet que le CSS Montréal métropolitain a rendu public il y a quelque temps et non pas du budget final du CSSMM. C'est un projet. Si, dans le projet, le CSS n'a pas tenu compte de la directive du ministère, il y aura des discussions entre le ministère et le CSSMM, à ce moment-là.

Mme Lavoie-Roux: On fera la vérification en temps et lieu, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci. Alors, au nom des membres de la commission, je remercie les représentants du CSS Ville-Marie.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 07)

(Reprise de la séance à 20 h 05)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre! s'il vous plaît!

À la suspension de 18 heures, nous en étions au Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc.

Il y a un changement; comme membre de la commission, M. Laplante (Bourassa) remplace M. Boucher (Rivière-du-Loup).

M. Harguindeguy, si vous voulez y aller avec votre mémoire.

Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec

M. Harguindeguy (Jean-Louis): D'accord. D'abord, M. le Président, vous me permettrez de présenter les autres membres de l'exécutif qui m'accompagnent. Si nous ne sommes pas au complet, c'est que nous avons aussi d'autres activités, notamment des activités syndicales, qui nous préoccupent. Vous comprendrez qu'on ne peut pas être partout. À ma droite, M. Roland Saint-Jean, vice-président de l'unité ouvriers, M. Georges Nadeau, à l'extrême droite, vice-président de l'unité fonctionnaires, à ma gauche, M. Jean-Guy Fréchette, vice-président de l'unité ouvriers et aussi responsable des régimes de retraite, et M. Pierre Cormier, vice-président, fonctionnaires.

Pour le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, le projet de loi no 15 semble beaucoup plus le résultat d'engagements électoraux pris dans le but de plaire à une partie de la population, dans le dessein évident de se doter d'un capital politique, puisque, selon nous, le projet de loi no 15 ne découle pas d'une étude approfondie de toute la situation, contrairement à ce que nous aurions pu croire si l'on se fie aux documents soumis à l'occasion du sommet économique tenu au cours du mois de mai 1977 à Pointe-au-Pic. À cette occasion, vous soumettiez des idées quant aux personnes âgées, l'âge de la retraite méritait d'être réexaminée et aussi en présumant certaines conséquences.

En plus de ne répondre aucunement aux interrogations que l'on pouvait avoir en 1977, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec considère que le projet de loi no 15 n'est qu'un palliatif à l'incurie démontrée par le gouvernement dans l'administration des divers régimes de retraite depuis déjà quelques années. Le projet de loi, dans sa forme actuelle, aura nécessairement comme conséquence une certaine récupération financière de la part des employeurs et particulièrement du gouvernement du Québec et répond ainsi de façon précise aux appréhensions du ministre des Finances, M. Jacques Parizeau.

Ce projet de loi, en plus de diminuer considérablement les contributions des employeurs, puisque les obligations des divers régimes de retraite seront diminuées, aura également comme conséquence que les retraités bénéficieront d'une pension pendant une période beaucoup plus courte puisqu'ils demeureront éventuellement beaucoup plus longtemps sur le marché du travail. De plus, en déposant le projet de loi no 15, le gouvernement ne satisfait qu'à ses propres objectifs, ayant négligé de faire toutes les concordances nécessaires en termes d'ajustement des lois qui nous régissent ainsi que des conventions collectives négociées, et qui toutes ont comme fondement l'âge obligatoire de la retraite à 65 ans, particulièrement dans l'attribution des avantages sociaux.

Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec ne peut s'opposer à l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire. Cependant, nous tenons à vous rappeler que nos démarches antérieures ont toujours été à l'effet de permettre la prise de la retraite à un âge moindre, tout en soumettant des dispositions qui auraient permis aux retraités de bénéficier d'une réelle retraite. L'abolition de l'âge obligatoire de la retraite devrait avoir comme corollaire l'amélioration des divers bénéfices de rentes, afin de permettre aux travailleurs de quelque institution que ce soit de pouvoir bénéficier d'une retraite vraiment méritée à la suite de plusieurs années de labeur.

Or, le projet de loi no 15 ne répond aucunement à ces aspirations puisque, selon nous, les seules personnes qui pourront effectivement prendre leur retraite plus tôt que 65 ans ne seront que des personnes dont les moyens financiers leur permettent de pouvoir satisfaire à leurs obligations, alors que celles qui sont pauvres devront nécessairement continuer à travailler en dépit de leur âge, compte tenu de l'insuffisance de leurs revenus pour satisfaire

à leurs obligations personnelles.

Nous ne croyons pas que le fait de permettre à un employé de continuer à travailler soit la meilleure solution, même si, pour le gouvernement, c'est possiblement la plus facile. Plutôt que de soumettre des solutions qui pourraient être avant-gardistes pour les personnes de cet âge, afin de leur assurer une sécurité matérielle, le gouvernement préfère les laisser travailler jusqu'à ce qu'elles soient devenues incapables de remplir quelque travail que ce soit et être rendues à un âge et à une condition physique qui ne leur permettront plus de pouvoir bénéficier de leur retraite. À l'étude des statistiques concernant les retraités de la fonction publique, nous pouvons en effet constater que la moyenne des pensions payées après la retraite varie de dix à douze ans.

Par conséquent si l'on permet à un employé de travailler pendant cinq ou sept ans de plus pour qu'il puisse continuer à assurer sa sécurité matérielle, il est évident que le gouvernement économisera des sommes considérables et que l'employé qui a versé pendant plusieurs années des cotisations en vue d'une rente de retraite ne pourra effectivement en profiter pleinement, et même dans certains cas aucunement si le décès survient avant la prise de la retraite ou dans les mois qui suivent.

Nous croyons donc que le gouvernement leurre l'ensemble de la population en lui laissant croire qu'il a ainsi trouvé une solution à ce problème social en permettant aux gens de continuer à travailler jusqu'à leur décès, puisque seulement 43% des travailleurs possèdent des régimes supplémentaires de retraite et que généralement les personnes à la retraite n'ont pas de revenus suffisants.

Le projet de loi no 15 ne répond pas également à plusieurs interrogations que nous pouvons avoir. En effet, comment seront calculées exactement les prestations de ceux qui demeureront à l'emploi après la date de retraite obligatoire actuelle. Les prestations ne devraient-elles pas être augmentées actuariellement pour tenir compte de l'âge de retraite plus avancé.

De plus, de quels motifs autres que l'âge, les années de service disposera le gouvernement pour imposer la retraite à l'un de ses employés? Quelles seront les dispositions des régimes de retraite qui seront applicables à un employé qui a plus de 65 ans et qui devient invalide? Quels seront les recours d'un employé qui estime qu'il a été destitué ou congédié en raison de son âge, l'employeur estimant qu'il n'est plus en mesure d'exercer les attributions de sa classification, si par contre l'employé ne peut être admissible à des prestations d'invalidité compte tenu des définitions actuelles.

La Loi sur le régime de rentes du Québec ne sera-t-elle pas éventuellement modifiée pour tenir compte du revenu gagné après 65 ans par les cotisants qui demeureront à leur emploi régulier et ce, même si une telle possibilité n'est pas pécuniairement avantageuse pour l'employé concerné.

Comment seront compensés les avantages sociaux négociés pour l'ensemble des syndiqués des secteurs public et parapublic, mais qui ne seront plus applicables à ceux qui demeureront au travail après 65 ans? Exemples: assurance-salaire, congé de maladie, assurance-maladie, plan A notamment.

Conclusion. Même si le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec est en accord avec une politique d'un droit au travail pour tous les travailleurs et travailleuses du Québec, nous ne croyons pas que le projet de loi no 15 puisse être considéré comme une mesure efficace tant sur le plan social qu'économique, et compte tenu de la période de chômage que nous traversons présentement, nous estimons que le projet de loi no 15 devrait être étudié dans le cadre d'une politique globale de revenu minimum garanti qui tiendrait compte également d'une véritable politique de main-d'oeuvre permettant à l'ensemble des travailleurs du Québec d'aspirer à un travail correspondant à leurs capacités et à leur formation.

Nous croyons donc que le gouvernement ne devrait pas adopter le projet de loi no 15 dans sa forme actuelle et reporter plutôt son étude ultérieurement afin de permettre une consultation concrète des divers intervenants, ce qui nous permettrait de prendre connaissance des solutions globales envisagées, et non partielles, par le gouvernement dans les divers secteurs énoncés précédemment.

Alors, c'est la position du syndicat, s'il y a des précisions que l'on peut apporter, on se fera un plaisir de le faire.

Le Président (Boucher): Merci. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je remercie M. le président du syndicat et ses confrères et consoeurs qui ont travaillé à la rédaction de ce mémoire. Je ne le remercie pas particulièrement pour le ton assez brutal qu'il emploie au tout début.

Je voudrais situer dans son véritable contexte l'origine de ce projet de loi. C'est vrai que c'est un engagement électoral, mais de respecter un engagement électoral, je n'ai jamais pensé que c'était quelque chose d'indigne ou de négatif, et si cela a été un engagement électoral, c'est tout simplement parce que, en regardant autour de nous, on se rend compte que c'est voulu par la

population.

J'ai fait état, ce matin, dans mes remarques du début, que des sondages Gallup, faits périodiquement depuis trois ou quatre ans, démontrent clairement que d'année en année le pourcentage - c'est à l'échelle du Canada - de gens qui disent s'opposer à une retraite obligatoire, grimpe constamment. Le dernier Gallup, en 1981, donnait 62% de la population qui désirait l'abolition de l'âge obligatoire de la retraite. En plus, on sait que beaucoup d'organismes, du côté patronal ou syndical, la CSN en particulier, en 1978, se prononçait catégoriquement contre un âge obligatoire de retraite, le conseil du patronat s'est dit d'accord, la Fédération des clubs de l'âge d'or l'a demandé depuis plusieurs années, en somme, des groupes de notre population, quelle que soit leur origine, ont réclamé que les citoyens, les citoyennes rendus à 65 ans aient la liberté du choix de continuer ou non à travailler.

Alors, on est bien d'accord avec le syndicat des fonctionnaires lorsqu'il nous dit que ce n'est pas une loi qui va régler tous les problèmes des retraités; on n'a jamais prétendu cela non plus. On a dit, et je répète, que ce projet de loi est le premier d'une série de projets de loi qui vont affecter l'ensemble des régimes de retraite publics et privés, parce qu'un autre engagement que nous avons l'intention de tenir, c'est celui qui va consister à rendre facultative la retraite à partir de 60 ans surtout, dans une première étape, pour les employés, les travailleurs, les travailleuses qui, à cause du type d'emploi, souffrent d'une invalidité ou d'une incapacité, à cause d'une maladie professionnelle, de 25% et plus. Nous n'avons pas la prétention que ce projet de loi modeste, qui vise une seule chose, c'est abolir une mesure discriminatoire qui existe actuellement et donner aux gens la liberté de choisir selon leurs propres capacités mentales et physiques et leur propre désir quant à leur mode de vie, de pouvoir continuer ou non à travailler... (20 h 15)

Je pense que, si on s'arrête aux articles 4 et 5 qui sont dans le projet de loi actuel, on va répondre à un bon nombre des interrogations du syndicat des fonctionnaires. Les articles 4 et 5, dans notre esprit, et j'admets que cela n'a pas été dit assez clairement à l'époque, avaient un caractère transitoire. L'article 5, nous avons l'intention de le retrancher complètement. L'article 4 sera beaucoup plus clair. L'article 4 va mettre en relief les différents choix que le travailleur ou la travailleuse aura, rendu à 65 ans. Il y en a au moins trois et ce n'est pas limitatif, les trois choix, il peut y en avoir d'autres. Mais, pour le moment, nous en retenons trois.

La personne pourra vouloir, tout en continuant de travailler quelques années au- delà de 65 ans, toucher à la fois son salaire et sa rente mensuelle ou bimensuelle, peu importe, mais commencer de toucher sa rente. C'est un premier choix. Un deuxième choix, c'est de vouloir obtenir une rente différée et dans la rente différée, pour le moment où la personne prendra sa retraite, mettons à 68 ans au lieu de 65 ans, dans cette hypothèse de la rente différée, si c'est le choix de l'individu, à ce moment, la rente différée pourra être grossie ou non par des cotisations additionnelles durant les trois ans où l'employé va continuer de travailler. Mais l'employé pourra avoir le choix de ne pas continuer à cotiser. Dans ces deux hypothèses de la rente différée avec ou sans cotisation, il nous apparaît équitable que la rente qui sera versée plus tard et pendant un moins grand nombre d'années soit valorisée. Pour le moment, nous nous arrêtons à dire que la rente, quant à nous, doit être valorisée. Exactement de combien sera-t-elle valorisée? Cela reste à décider et je pense que c'est un des points justement où la commission parlementaire va nous aider, va nous éclairer pour qu'on en arrive à une formulation qui soit bien claire.

M. le Président, je pense qu'il doit être clairement compris que le gouvernement n'a pas l'intention de tenter de renflouer telle ou telle caisse sur le dos des personnes âgées qui décideraient de travailler au-delà de 65 ans. Je pense que cela serait tout à fait inéquitable et ce n'est pas du tout l'intention du gouvernement. On a déjà, en 1977, amendé la Loi sur le Régime de rentes du Québec pour permettre justement aux personnes âgées de continuer de toucher leur pleine rente - là je parle du Régime de rentes du Québec, le RRQ - même si ces personnes, par un travail à temps partiel ou à temps complet, touchent un revenu. On se souviendra qu'avant 1977, avant que nous amendions la loi, la personne âgée de 65 ans et plus, de plus de 65 ans, voyait sa rente du Régime de rentes du Québec diminuer si elle avait un revenu hebdomadaire grâce à son travail à temps partiel ou à temps complet.

Je vous rappelle cette modification que nous avons apportée à la loi pour vous indiquer quand même le genre de philosophie, le genre d'orientation qui préside à la présentation de ce projet de loi.

Finalement, nous l'avons dit, ce projet de loi est la première d'un certain nombre de mesures que nous avons l'intention de prendre. J'ai parlé tantôt d'abaisser l'âge de la retraite facultative, la retraite anticipée, mais nous avons l'intention aussi, comme cela a été un engagement, de faire en sorte que les régimes de retraite supplémentaires soient transférables, et pour qu'ils soient transférables de façon valable, il faut évidemment changer les règles du jeu dans les régimes de retraite privés, dans les

régimes de rentes supplémentaires.

Je reviens à la question des avantages sociaux, des bénéfices marginaux. Notre approche, c'est de dire que l'employé parvenu à 65 ans qui, autant de son point de vue que du point de vue de l'employeur, a ce qu'il faut pour continuer le travail qu'il ou elle accomplissait, cet employé devrait obtenir la même rémunération à 66 ans ou à 67 ans qu'à 63 ans ou 64 ans: à travail égal, rémunération égale. À l'intérieur de cette même rémunération globale, il faudra laisser au jeu des négociations le soin de réaménager ou non les sommes qui sont affectées aux avantages sociaux. En d'autres termes, nous pensons qu'au point de vue de l'équité sociale, la personne doit toucher la même rémunération. Quand je parle de rémunération, c'est salaire et avantages sociaux. Maintenant, est-ce que cette rémunération globale pourrait être affectée autrement? C'est une question que les deux parties en cause devront régler à la table des négociations.

En conclusion, M. le Président, nous voulons rassurer le syndicat des fonctionnaires. Il ne s'agit pas dans notre esprit d'une tentative pour récupérer des fonds sur le dos des travailleurs âgés. Il s'agit d'une première étape dans un certain nombre de mesures que nous allons prendre pour améliorer la condition des personnes âgées surtout quant au travail. Finalement, nous voulons aussi ajouter, puisque dans votre mémoire vous parlez du mécanisme de recours, que les recours qui seront faits à la Commission des normes du travail, cela nous paraît une voie intéressante puisque la Commission des normes du travail semble obtenir une cote intéressante autant de la part des employeurs que des employés et semble fonctionner de façon efficace.

Je veux, en terminant, remercier le syndicat des fonctionnaires pour les suggestions constructives qu'on retrouve quand même dans son mémoire. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier le Syndicat des fonctionnaires provinciaux pour son mémoire. Je pense bien que c'est superflu de vous dire que je concours au premier paragraphe, mais ça fait du bien de voir que ça vient d'ailleurs que de l'Opposition officielle. Cela donne plus de crédibilité. C'est évident qu'il s'agissait d'un engagement électoral. Nous en avions un semblable d'ailleurs, sauf que nous avions dit que toutes les répercussions devaient être examinées dans les plus brefs délais avant de présenter un tel projet de loi. Le gouvernement a décidé qu'il pouvait faire ça vite. Là, il a ralenti un peu. Vous savez, le ministre ne veut pas qu'on mette en doute ses bonnes intentions. Je ne mets pas en doute les intentions du ministre. Jamais je ne ferais cela. Mais je peux peut-être mettre en doute les intentions du gouvernement, par exemple, parce que, même si vous faites allusion au fait que c'est une façon peut-être de récupérer certaines sommes ou que le gouvernement retardera la dépense de certaines sommes, je dois vous dire que ceci a été confirmé dans certaines études. J'avais eu l'occasion d'en parler en deuxième lecture. C'est évident qu'il y a des objectifs humains, le respect du libre choix, etc.; je pense que là-dessus, tout le monde s'entend. Mais en 1980, une commission présidentielle aux États-Unis sur la politique des régimes de retraite recommandait l'élévation de l'âge de la retraite d'un mois par année, pour la fixer à 68 ans afin de permettre d'alléger le système américain de sécurité sociale. Vous vous souviendrez peut-être qu'il y a un an ou deux ans, quelque chose comme ça, il y avait eu de grands articles laissant entendre que tout le régime de sécurité sociale des États-Unis devait éclater.

Ce n'étaient peut-être pas les termes exacts. On sait fort bien ici qu'il y a des rappels à l'ordre, pour dire le moins, de la Régie des rentes du Québec, à savoir que la même chose pourrait nous arriver aussi si des mesures énergiques ne sont prises. Je veux bien qu'on ait, chacun d'entre nous, des sentiments très humains et je pense que, de fait, ils sont là. Mais il ne faut pas oublier qu'au plan économique, c'est trop tôt pour le mesurer, mais ça pourrait aussi avoir des effets bénéfiques à dire, à ce que le syndicat nous dise qu'il y a peut-être des intérêts économiques de la part des gouvernements. Il ne faudrait pas être trop chatouilleux là-dessus, ce n'est pas impossible.

L'autre point que vous faites valoir, en page 3, c'est que le projet de loi 15 fera en sorte que les personnes qui pourront effectivement prendre leur retraite avant 65 ans ne seront que des personnes dont les moyens financiers leur permettent de satisfaire à leurs obligations, alors que les plus pauvres devront continuer à travailler en dépit de leur âge.

Je pense que tout le monde ici ou à peu près et que tous les mémoires qui nous ont été présentés ici aujourd'hui ont fait cette démonstration que ce qui motivait le plus les gens à continuer de travailler, c'étaient les besoins économiques, c'était le fait...

M. Harguindeguy: Personne ne travaille parce que ça lui fait plaisir de travailler, il travaille parce qu'il en a besoin.

Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, je ne serais peut-être pas aussi absolue que vous,

M. Harguindeguy. Je me dis qu'il y a peut-être aussi des gens, je ne sais pas si on les entendra, je l'ai lu quelque part, dans un mémoire de professeurs d'université, trois ou quatre, si ma mémoire est bonne, qui auraient voulu continuer à travailler en recherche; je pense que ce n'était pas nécessairement pour des raisons économiques, je pense que c'était l'intérêt. Il y a aussi des gens qui se sont mal préparés à leur retraite, qui ont des revenus financiers suffisants, qui trouvent plus de satisfaction à continuer de travailler, je ne veux pas énumérer toutes le hypothèses possibles.

Mais il a été établi ici aujourd'hui - je pense que le ministre ne le contestera pas, il l'a dit lui-même cet après-midi - que c'est évident que ceux qui ont des retraites substantielles sont plus portés à prendre leur retraite plus tôt, d'une façon anticipée ou à ne pas la retarder. Je pense que, là-dessus, il y a un consensus. Plusieurs mémoires ici l'ont établi, il ne suffit pas d'abolir l'âge de la retraite, mais il faut s'assurer qu'au moment de l'âge de la retraite, les gens aient une retraite décente et ne se retrouvent pas, comme le laissent voir toutes les statistiques qu'on a eues, en dessous du seuil de la pauvreté, ce qui est le cas de 75% à peu près des personnes âgées actuellement, qui ont dépassé 65 ans.

On a beaucoup d'engagements de la part du ministre, on va avoir un projet de loi sur la retraite anticipée, on va avoir un projet de loi pour la revalorisation des rentes, on va avoir un projet de loi pour...

M. Lazure: La transférabilité.

Mme Lavoie-Roux: ... la transférabilité, en tout cas, on a écouté tout ça. Cela enlève beaucoup de vos arguments dans votre mémoire, puisque tous ces bienfaits vont nous arriver au printemps. Cela devait arriver à l'automne, je ne sais pas si ça arrive encore à l'automne...

M. Lazure: Dans une prochaine étape.

Mme Lavoie-Roux: Cela, une prochaine étape, c'est quoi, le printemps ou l'automne?

M. Lazure: Peut-être le printemps, si Dieu le veut.

Mme Lavoie-Roux: Peut-être le printemps, alors, ça semble moins sûr que ce soit à l'automne, mais au printemps, peut-être à l'automne, dans le discours du ministre. En tout cas, si vous le faites au printemps, on ne vous en voudra pas.

Il y a évidemment le fait que, depuis 1977, on a entre les mains le rapport de Cofirentes, les ajustements n'ont pas été faits, mais ça aussi, ça va venir avec le soleil du printemps.

J'aimerais vous demander si vous avez fait un certain sondage chez vos membres pour savoir quelles sont chez les fonctionnaires, les catégories d'employés, qui aimeraient se prévaloir de l'abolition de l'âge de la retraite. Est-ce que vous avez des données là-dessus? (20 h 30)

M. Harguindeguy: Non, sauf qu'au salaire que les fonctionnaires gagnent, ils peuvent difficilement se permettre de tous prendre leur retraite. D'ailleurs, c'est pour cela qu'il y en a quelques-uns qui sont intéressés de continuer à travailler parce qu'ils ne peuvent pas arriver à vivre. Il faut quand même admettre que les salaires ont commencé à être raisonnables seulement depuis quelques années. Bien longtemps, les fonctionnaires ont travaillé à des salaires dérisoires.

Quant à nous, le projet de loi no 15 est arrivé, on pourrait dire, comme un cheveu sur la soupe. Sans nécessairement avoir les lois qui sont quand même correspondantes, on est assujetti au régime de retraite des fonctionnaires, au RREGOP également. Notre convention collective prévoit aussi des dispositions. Si le projet de loi entrait en vigueur cette année, on va encore être au moins pendant un an et demi, deux ans, avec une convention collective qui existe. Tantôt, le ministre a dit qu'il laisserait aux parties le soin de déterminer de quelle façon on pourrait rajuster les montants qui pourraient être attribués. Sauf que notre convention collective vient à échéance le 31 décembre 1982 et avant qu'elle soit renouvelée, si on se fie aux expériences antérieures - la dernière fois, depuis 1978, on a signé en 1980 - on peut se retrouver en 1984 avec des personnes qui vont être lésées ou ne sachant pas quoi faire, parce que la base de tous nos bénéfices marginaux de la caisse de retraite de notre convention collective, c'est 65 ans.

Les gens sont peut-être intéressés aujourd'hui. Quand on voit que le maximum qui peut être atteint, c'est 70% du salaire basé sur les cinq meilleures années, quand on a des gens qui ont un salaire moyen de 15 000 $ par année, comme c'est le cas des fonctionnaires, même à 70%, c'est seulement 8500 $ que vous avez comme revenu. À 8500 $, dans la situation actuelle, dans le contexte économique actuel, il n'y a pas beaucoup de gens qui sont intéressés à prendre leur retraite. Chez nous, pourquoi y a-t-il beaucoup de gens qui sont intéressés à continuer? C'est parce qu'ils ont des besoins financiers. Il y en qui ont encore des enfants à leur charge au niveau universitaire ou au cégep, dans certains cas. Il y a quand même des personnes qui ont des responsabilités familiales. Comme la retraite ne leur permet pas de subvenir suffisamment à leurs besoins...

Quand on regarde aussi les statistiques, il y en a plusieurs qui meurent parce qu'ils manquent de préparation et ils ont tellement de soucis financiers que, finalement, après quelques années, ils disparaissent. Au gouvernement seulement, des statistiques récentes démontrent que c'est après 8 ans de retraite que près du tiers des retraités décèdent, entre 8 ans et 14 ans de retraite. Déjà, la base étant à 65 ans, cela veut dire qu'à 73 ans, ils commencent déjà à nous quitter. Alors, s'ils continuent à travailler, ils vont faire quoi? Ils vont continuer à travailler jusqu'à leur décès. On va encore en enterrer plus qu'on en enterre à l'heure actuelle.

C'est pour cela qu'on estimait qu'il était important de savoir exactement quels sont les autres amendements qui vont venir. C'est quoi? Une retraite, ce n'est pas seulement une partie; c'est un tout. Quand les membres viennent nous voir, il faut quand même évaluer tous les besoins. En tout cas, tout doit être évalué en même temps pour ne pas dire: Tu as droit à la retraite, prends-la et, après, on verra le reste. C'est pour cela que, chez nous, globalement, on ne s'est pas opposé. Au contraire, dans nos revendications antérieures, on a toujours été dans le sens de réduire l'âge de la retraite, faire en sorte que les gens puissent la prendre à un âge pour qu'ils puissent en profiter aussi physiquement. À 65 ans, je ne suis pas sûr du nombre de gens qui vont travailler pour le plaisir de travailler à 65 ans. Quant à faire de la recherche, l'exemple que vous avez donné tantôt des professeurs, je ne pense pas que ce soit parmi les fonctionnaires qu'on retrouve cela. On a assez peu de mandats.

Mme Lavoie-Roux: Évidemment, il y a différentes catégories de fonctionnaires. C'est peut-être difficile pour vous autres, mais est-ce que vous êtes capable de me donner la moyenne des pensions qui sont versées aux fonctionnaires?

M. Harguindeguy: La CARR vient de sortir son dernier rapport dans lequel elle a établi tous les montants. On prend cela à l'intérieur. C'est tout récent. Montant de la pension, chez les hommes, au RRF, de 10D0 $ à 2000 $, vous avez 1847 hommes sur 9450 qui ont ce montant comme pension, et 310 femmes. De 1000 $ à 3000 $, vous en avez 1595. Ce qui veut dire que c'est quand même 3300 personnes sur 9450, c'est près du tiers qui ont en bas de 3000 $ de pension par année. Ce n'est sûrement pas avec ce montant qu'ils peuvent vivre.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ces petits montants sont indexés?

M. Harguindeguy: Indexés à 3% par année.

Mme Lavoie-Roux: 3%.

M. Harguindeguy: Non, l'excédent à 3% au coût de la vie maintenant depuis deux ans, c'est vrai.

Mme Lavoie-Roux: Pardon?

M. Harguindeguy: C'est le nouveau régime qui est censé venir.

Mme Lavoie-Roux: C'est indexé au taux d'inflation?

M. Harguindeguy: Oui, celui établi par le régime de rentes, la Régie des rentes.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Harguindeguy: Mais c'est le nouveau régime qu'on nous a promis qui s'en vient, semble-t-il, au mois de janvier et qui va comporter une indexation incomplète.

M. Lazure: Est-ce que vous me permettez, M. le Président, une question en rapport avec cela? Quand vous donnez le chiffre de 1500 $ ou 2000 $, évidemment, c'est à part du Régime de rentes du Québec...

M. Harguindeguy: Du Québec, oui.

M. Lazure: ...et de la pension de vieillesse.

M. Harguindeguy: Sauf qu'avec le régime de retraite RRF, il y a un montant déductible lorsque la personne reçoit le Régime de rentes du Québec. Une réduction actuarielle est effectuée quand la personne reçoit ses rentes du Québec. Donc, les personnes de 65 ans et plus en reçoivent moins du régime de retraite parce qu'une réduction est effectuée. Mais ça, ce se sont des statistiques du 31 décembre 1980. C'est un document qui vient tout juste d'être publié, le septième rapport de la Commission administrative du régime de retraite.

Mme Lavoie-Roux: On a dû l'avoir, mais je ne l'ai pas regardé.

M. Harguindeguy: II est arrivé seulement hier ou aujourd'hui, c'est tout récent. À l'intérieur de ce document, vous allez tout de même retrouver des statistiques sûrement intéressantes qui démontrent que l'avenir des retraités n'est sûrement pas rose.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, à l'intérieur de la fonction publique, chez les

fonctionnaires du Québec, des expériences sont faites dans le sens d'une souplesse, d'une certaine flexibilité quant à l'âge de la retraite, c'est-à-dire du travail à temps partiel? Est-ce que des modalités ont été expérimentées pour, justement, faciliter la retraite?

M. Harguindeguy: Pas encore. On attend la politique de temps partiel du gouvernement. On doit être consulté là-dessus. Est-ce que, ça aussi, ce sera possible? On ne le sait pas.

Mme Lavoie-Roux: Mais dans le moment, les gens prennent leur retraite à un âge déterminé.

M. Harguindeguy: Actuellement, les employés doivent être à leur travail à temps plein, mis à part quelques cas où le temps partiel existe, mais ce n'est pas dans le sens de permettre une préretraite ou de le préparer graduellement à la retraite. Ce n'est pas dans ce sens que la politique du temps partiel est appliquée à l'heure actuelle. C'est beaucoup plus pour des besoins bien spécifiques de l'administration; à la RAMQ, à la Régie des rentes du Québec, c'est strictement pour les besoins de l'organisation que les gens sont à temps partiel; ce n'est pas dans l'intérêt des membres.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. Harguindeguy.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président. C'est un mémoire qui me surprend un peu. Il y a un moment où vous semblez dire, M. Harguindeguy, que vous êtes contre. Vous aimeriez le dire, mais c'est ni chair ni poisson. Vous dites: "Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux ne peut s'opposer à l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire. Cependant, nous tenons à vous rappeler que nos démarches antérieures ont toujours été à l'effet de permettre la prise de la retraite à un âge moindre." Quant à moi, je vois une contradiction dans cet énoncé. Vous auriez pu carrément dire: On ne le veut pas pour telle et telle raisons.

Vous nous reprochez aussi d'aller un peu vite. Vous parlez de consultations. En somme, si on avait adopté ce projet de loi le printemps dernier, je pense que vous auriez eu raison, à ce moment-là, de dire que c'était un peu vite parce qu'il nous restait encore des consultations à faire dans la population. Mais aujourd'hui, pourquoi cette présente commission parlementaire? C'est surtout pour aller chercher cette information qui nous manque et fournir des réponses aux questions que vous posez dans vos mémoires.

Une autre argumentation; vous dites que c'est une promesse gouvernementale. On ne le nie pas, mais vous ne niez pas, non plus, que c'est une promesse qui a du sens par le texte que vous nous présentez et les conclusions sur la revalorisation de la personne.

Une première question. Je voudrais savoir quelle est la moyenne d'âge des fonctionnaires qui prennent leur retraite suivant la convention.

M. Harguindeguy: C'est 65 ans, la retraite obligatoire.

M. Laplante: C'est 65 ans, mais beaucoup la prennent avant d'atteindre l'âge de 65 ans.

M. Harguindeguy: II y en a peut-être.

M. Laplante: Ce sont des retraites anticipées auxquelles les fonctionnaires ont droit.

M. Harguindeguy: II y a des possibilités, dans le Régime de retraite des fonctionnaires - pas dans le RREGOP - après 55 ans d'âge et 22 ans de service, de prendre une retraite. Mais il y a aussi des retraites avec des réductions actuarielles, quand même. Ce ne sont pas toujours des pleines retraites, non plus.

Si on regarde la répartition du nombre de retraités selon la CARR, - c'est elle qui a les données les plus précises - dans les régimes de retraite selon le sexe et l'âge, au 31 décembre 1980, dans le régime de retraite des fonctionnaires, généralement c'est 65 et 69 ans, sur 9450 retraités, vous en avez 5900 qui ont - donc plus de 50% -entre 65 et 74 ans. Entre 60 et 64 ans, vous en avez 1000 qui ont pris leur retraite à ce stade. Moins de 50, il y en a 83. Cela peut être pour toutes sortes de motifs. Il peut y avoir des motifs d'invalidité aussi qui font en sorte que la personne devient admissible au régime de retraite des fonctionnaires, pas au RREGOP, parce qu'au RREGOP il n'y a pas de rente d'invalidité possible.

M. Laplante: Pour ceux qui prennent leur retraite avant l'âge de 65 ans, croyez-vous que les cours qui se donnent à l'intérieur de la fonction publique, je ne sais pas si vous y participez...

M. Harguindeguy: Les cours préparatoires, oui.

M. Laplante: Est-ce que cela a une influence sur les fonctionnaires pour se bien préparer d'ailleurs à une retraite et avancer l'âge de la retraite aussi?

M. Harguindeguy: D'avancer non, parce que, habituellement, ceux qui sont admissibles sont déjà ceux qui vont prendre leur retraite d'une façon anticipée dans les années qui vont suivre. Même des fois, c'est l'année où ils vont prendre leur retraite qu'ils reçoivent ce cours. Ce n'est pas non plus tout le monde, parce qu'il y a quelques restrictions budgétaires qui coupent ces programmes également. Ce n'est pas tous les retraités qui ont la possibilité de participer à ces cours. Mais cela a eu au moins un certain avantage; cela a quand même permis aux gens de se préparer plus adéquatement qu'auparavant, parce que là ils commencent à y penser tout au moins un bon six mois ou un an avant de prendre leur retraite.

M. Laplante: Mais cela a des chances de porter des fruits avant qu'ils puissent prendre leur retraite à un moment donné.

M. Harguindeguy: Avant. M. Laplante: Avant aussi.

M. Harguindeguy: Je n'ai pas l'impression que c'est cela qui incite bien des gens. Mais je voudrais répondre à vos deux questions. Vous avez voulu dire qu'on n'est pas d'accord.

D'abord, le ministre tantôt a annoncé qu'il y aurait d'autres modifications. Le projet de loi no 15 nous laisse quand même avec bien des appréhensions parce qu'il n'y a pas de réponse. On n'a pas retrouvé les réponses que le ministre nous a indiquées. Si les retraités avaient un choix entre continuer à travailler et avoir la possibilité d'une retraite réellement sans souci financier, je ne suis pas sûr que les gens continueraient à travailler, si au moins ils pouvaient s'assurer de satisfaire leurs besoins personnels et ceux de leur famille.

Aujourd'hui, ceux qu'on rencontre le plus fréquemment, ceux qui veulent continuer à travailler, c'est parce qu'ils ont besoin de continuer à travailler, parce qu'ils savent qu'ils n'arriveront pas à vivre avec la rente qui est payable. C'est sûr que si on donne la possibilité à ces mêmes gens aujourd'hui de continuer à travailler, ils vont possiblement continuer à travailler pour continuer à recevoir leur plein salaire en autant qu'ils soient physiquement capables d'exercer leurs attributions. Donc, le choix à l'heure actuelle n'existe pas. S'ils veulent vivre, il faut qu'ils continuent à travailler; alors que nous, on aurait voulu qu'il y ait peut-être une consultation plus exhaustive qui soit faite sur l'ensemble des régimes.

On a aussi des questions qu'on se pose. Quelqu'un qui va devenir invalide parce qu'il aura dépassé 65 ans, que va-t-il lui arriver? Est-ce qu'il va continuer à être admissible aux prestations d'assurance-salaire? Est-ce qu'il va pouvoir continuer à garder un certain emploi s'il désire continuer à travailler? Parce qu'on a dit tantôt que c'est une mesure discriminatoire qu'on voulait abolir. Est-ce que, même si physiquement il n'est plus apte à faire son travail, mettons de technicien, mais il désire continuer à travailler, parce qu'il a peut-être besoin ou pour toutes sortes de motifs, quand il va être invalide, on va lui permettre quand même de le faire? Cela, on ne le sait pas. Il n'y a personne qui peut encore nous donner une réponse pour dire ce qui va arriver.

M. Laplante: C'est que je pense... M. Lazure: Vous permettez. M. Laplante: Oui.

M. Lazure: Sur ce point précis, on a donné des réponses claires là-dessus. Cela me fait plaisir de le répéter ce soir au président du syndicat des fonctionnaires. C'est bien évident que la personne, le fonctionnaire ou peu importe, qui désire continuer à travailler au-delà de 65 ans, doit avoir les capacités physiques et mentales pour le faire. Si la personne est invalide, elle n'est pas en mesure de répondre aux exigences de l'emploi, c'est clair qu'à ce moment, elle prend sa retraite. Elle reçoit ses prestations de rente. (20 h 45)

On ne peut pas à la fois prétendre vouloir continuer à travailler, parce qu'on est en bonne santé et recevoir une pension d'invalidité tout en étant un employé à plein temps soi-disant capable de remplir la fonction. C'est clair que c'est l'un ou l'autre, mais, pour ce qui est de l'ensemble des avantages sociaux, je pensais avoir donné la réponse tantôt. À travail égal, quel que soit l'âge, la rémunération doit être égale. Par conséquent, si un employé de 66 ans doit continuer à toucher la même rémunération globale, salaire et avantages sociaux, la partie avantages sociaux, que ce soit 20% ou 25% ou 30% du salaire, pourra être réaménagée par négociation entre l'employeur et l'employé. Quant à nous, l'employé, même s'il dépasse 65 ans, devra continuer à toucher la même rémunération globale, que la rémunération soit composée à 80% du salaire et à 20% d'autres avantages ou à 85%, 15%, c'est laissé au jeu de la négociation.

M. Harguindeguy: II faut quand même comprendre. Pour saisir comme il faut, est-ce que cela voudrait dire que, contrairement aux dispositions actuelles, la disposition qui permet à un employé de demander sa rétrogradation lorsqu'il devient invalide et qu'il ne veut pas prendre sa retraite parce qu'il est encore physiquement apte à faire

autre chose dans la fonction publique, ne s'appliquerait plus quand il aura dépassé 65 ans?

M. Lazure: Cela ne veut pas dire cela.

Justement, si vous voulez, cela nous fait déboucher sur une considération plus générale dans l'application, la mise en vigueur de la loi. J'aimerais mieux y revenir tantôt, quand le député de Bourassa aura terminé.

M. Laplante: Merci, M. le ministre. Socialement, nous, on est d'accord avec ce que vous dites à l'effet de faire vivre plus décemment la personne de 65 ans et plus, et l'enlever du seuil de la pauvreté. Je pense qu'on peut se rejoindre très facilement là-dessus. À la page 4, lorsque vous dites: Par conséquent, si l'on permet à un employé de travailler pendant cinq ans ou sept ans de plus je ne sais pas où vous allez chercher ces chiffres. Si on prend la moyenne d'espérance de vie - on va prendre la fonction publique, c'est ce que vous représentez ce soir - je serais curieux de savoir la moyenne d'âge des mortalités dans la fonction publique, chez vous.

M. Harguindeguy: La moyenne, c'est 72 ans.

M. Laplante: 72 ans. Quand vous dites de cinq à sept ans, vous croyez que c'est la majorité des gens qui irait jusqu'à 72 ans?

M. Harguindeguy: C'est peut-être une projection qu'on fait. De toute façon, même si on augmente la durée d'emploi, si on permet aux gens de travailler trois ans, quatre ans ou cinq ans de plus, on n'augmentera pas plus la durée de vie, par exemple. Ils vont continuer de mourir à 72 pareil, en moyenne. On n'augmente pas cela par un projet de loi.

M. Laplante: J'y vois, en moyenne, un nombre très restreint au Québec - ce sont mes vues personnelles - soit environ 3000 personnes par année qui pourraient dire: On travaille deux ans de plus. La moyenne est à peu près de deux ans de plus, pour 3000 personnes.

En appliquant l'autre plafond de 60 ans dans une autre loi à venir - parce que c'est rattaché à deux ou trois autres lois qui vont venir, qui seront rassemblées, pour compléter le "puzzle" - quand on pourra donner l'âge de la retraite d'une personne qui est en perte de capacité, disons peut-être de 25% ou 30% ou 40%, je ne sais pas, l'incapacité permanente, vous aurez droit au régime plus tard. Je pense que c'est largement compensé par ces 2500 ou 3000 personnes. C'est tout cet aspect qu'il faut regarder, si on veut créer une société encore plus juste pour les personnes âgées.

Vient après cela l'application de la loi pour les 55 ans aussi, où on pourra établir des programmes sérieux de préparation à la retraite et faire prendre conscience aux gens qu'à un moment donné, avec tous les régimes qu'ils se sont ramassés, cela ne vaut pas la peine de travailler non plus passé un certain âge puisqu'ils vont tout donner en impôt. Il faut analyser tout ça de nouveau. Je vous remercie de votre mémoire.

M. Harguindeguy: C'est parce qu'on aurait souhaité étudier tout cela en même temps. Là, on étudie un petit morceau du "puzzle" et dans deux ans on va avoir autre chose.

M. Laplante: Je pense que c'est difficile. Vous êtes président d'un syndicat. Vous n'êtes pas capable de préparer tout un programme dans un ensemble, d'un seul coup, sur une même feuille. Je pense qu'on est pris de la même façon, nous aussi, il faut suivre étape par étape, mais je suis certain que ce sera fait d'ici deux ans, au plus tard. Je pense que ce n'est pas dévoiler un secret, les députés ministériels demandent au gouvernement de respecter cela dans le plus court délai possible.

Mme Lavoie-Roux: ... avec les coupures budgétaires.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: J'ai écouté le député de Bourassa avec beaucoup d'intérêt, mais je pense que le sens de ce mémoire est très clair. Je crois que tous ici nous sommes pour le principe d'une retraite flexible. Je pense bien que personne ne peut s'opposer à ce principe. Mais je pense que la clé, c'est de déterminer quelle est la priorité. Est-ce que la priorité, c'est de faire une retraite valable, une retraite qui va permettre aux gens de vivre raisonnablement ou d'adopter une loi qui dit: Vous aurez une retraite flexible, mais sans qu'on sache ce que cette retraite va apporter aux gens lorsqu'ils vont cesser de travailler? S'ils sont obligés de travailler, s'ils n'ont pas les moyens nécessaires, on a mis la charrue devant les boeufs. C'est ça qu'on est en train de dire, je pense que c'est le sens de ce mémoire.

Ce matin, on en a discuté; les États-Unis ont mis presque dix ans pour adopter leur programme de retraite. Ce qu'ils ont fait avant, ç'a été de régler la question des fonds de retraite, l'assurance des fonds de retraite privés pour éviter la banqueroute, justement, des fonds de retraite privés. Ils ont réalisé que seulement 28% des Américains qui avaient un régime de retraite privé profitaient d'une retraite à cause des transferts, à cause des veuvages, à cause des

banqueroutes. Ils ont assuré ça. Ils ont commencé par régler tout le problème des retraites par une loi. Par la suite, ils sont arrivés avec un programme de retraite flexible, ce qui fut la dernière étape, en 1978. Ils ont étudié cela, ils ont fait cela étape par étape. En Ontario, on est à étudier des programmes de retraite. Ils ont produit dix volumes, 2000 pages. Ils y ont travaillé pendant des mois.

Nous, on arrive avec notre retraite flexible, on fait ça à la vapeur, une petite commission qui va durer quatre jours pour étudier une telle question. Après cela, on est supposé attendre une loi, ce qui va peut-être prendre deux ans, d'après votre programme, et on ne sait pas du tout ce que ça va donner. Le fait est que tous les régimes publics - si on tient compte du rapport du Vérificateur général, il n'y a aucun blâme à porter à un gouvernement ou à l'autre, peut-être direz-vous que c'est à cause du gouvernement libéral précédent ou quoi que ce soit - les régimes autres que RREGOP, ont des déficits actuariels de milliards de dollars, quelque chose comme 8 900 000 000 $. RREGOP lui-même commence à être en déficit. C'est ça qu'il faudrait régler avant de dire aux gens: On va vous offrir une retraite flexible. Mais, quand ils prennent leur retraite, rien n'a été amélioré.

Je pense que c'est ce que ces messieurs disent: on aurait dû regarder cette question dans son ensemble parce que toute cette question forme un ensemble. Cette loi, elle ne coûte rien, alors, on dit de belles paroles: On va vous offrir une retraite flexible. Mais ça ne change rien au fond du problème, on n'a rien fait. Je crois que ces messieurs disent: Peut-être qu'on aurait dû regarder la question fondamentale, qui est beaucoup plus difficile, avant de passer par là. Je suis d'avis que c'est une opinion très valable.

M. Lazure: Si vous le permettez, M. le Président, je vais commencer par réagir aux propos du député de Nelligan. Quand il compare le cheminement des Américains par rapport au nôtre, je pense qu'il ne donne pas le tableau complet. La loi que le Congrès américain a adoptée en 1974 était tout simplement pour établir les normes minimales des régimes supplémentaires de rentes. Cela a été fait, ici au Québec, en 1965. Je pense qu'il faut reconnaître que les régimes de rentes, non seulement au Québec, mais au Canada, si on met les deux ensemble, privés et publics, peuvent être comparés avantageusement au système américain. C'est un peu comme ce qu'on retrouve en sécurité sociale de façon plus générale, que ce soit l'assurance-maladie ou l'assurance- hospitalisation.

La loi de 1974, aux États-Unis, touchait les régimes supplémentaires de rentes. C'est l'équivalent de notre loi sur les régimes supplémentaires de rentes qui a été adoptée en 1965; on l'a révisée à quelques reprises depuis ce temps. Cela établissait les normes minimales, mais ça établissait aussi tous les principes de solvabilité des régimes supplémentaires de rentes. C'est tout à fait injuste de dire que nous, on se précipite à corps perdu là-dedans, sans expérience, alors que les Américains ont pris dix ans pour le faire. Ce qu'ils ont fait durant ces dix ans, ce sont des choses qui avaient été faites ici au Québec et au Canada auparavant.

Deuxièmement, on ne se précipite pas sans connaissance de cause. Il y a eu des rapports de faits. Dans mes propos de ce matin, j'ai fait allusion au rapport Cofirentes, mais il y a eu aussi le rapport du sénateur Croll, du Sénat du Canada; il y a eu le rapport de l'Ontario justement. Il y a eu plusieurs rapports de faits depuis quelques années et qui ne touchent pas seulement l'abolition de l'âge obligatoire de la retraite. C'est un des très nombreux aspects de la réforme des régimes de rentes publics et privés que nous voulons entreprendre, que nous entreprenons avec ce premier geste.

Je voudrais revenir au mémoire du syndicat des fonctionnaires et en même temps toucher à une remarque de la députée de L'Acadie. Encore une fois, ce projet de loi ne change pas l'âge de la prise de retraite "normale" qui est 65 ans et qui va demeurer 65 ans. Nous ne changeons pas l'âge de la retraite. Au point de vue actuariel, si vous voulez, l'âge soi-disant normal de la retraite va continuer d'être 65 ans. Donc, nous ne bouleversons pas toutes les estimations qui peuvent être faites. Tout ce que la loi fait, c'est de donner à chaque individu le privilège, le loisir de décider s'il ou elle veut décider de continuer à travailler pendant un certain nombre d'années.

Bien sûr que cette loi, pour les quelques milliers de personnes qui voudront en profiter chaque année, au Québec, comporte des avantages économiques. Ce n'est pas parce qu'il y a un gain économique à ce recours pour l'individu qui veut continuer à travailler que ce n'est pas une loi d'abord et avant tout à portée sociale. C'est évident que pour plusieurs salariés dont les régimes supplémentaires de rentes ne sont pas suffisants, ou qui n'ont pas du tout de régime supplémentaire de rentes - on ne s'en cache pas - pour le moment, pouvoir continuer à travailler quelques années, c'est quand même une ressource intéressante, s'ils sont en forme physique et mentale pour le faire.

Finalement, M. le Président, je demanderais - ça rejoint un peu les remarques du député de Bourassa - parce qu'il y a une certaine ambiguïté dans le

mémoire du syndicat des fonctionnaires... On dit qu'on est d'accord avec le principe, mais, à la fin, on dit: "Nous croyons donc que le gouvernement ne devrait pas adopter le projet de loi no 15 dans sa forme actuelle -on est bien d'accord qu'il ne sera pas adopté dans sa forme actuelle, c'est pour ça qu'on a fait une commission parlementaire - et reporter plutôt son étude ultérieurement, afin de permettre une consultation concrète des divers intervenants, ce qui nous permettrait de prendre connaissance des solutions globales envisagées...", etc.

Je pose la question au président du syndicat des fonctionnaires. Dans l'hypothèse où notre projet de loi, qui pourrait possiblement suivre le modèle américain dans son application, dans l'hypothèse où l'application serait étendue sur une période de quelques années, à la fois pour permettre le renouvellement des conventions collectives, tout en imposant un délai maximum, dans cette hypothèse d'une orientation qui se ferait par étapes dans l'application de la loi, est-ce que ça rejoint votre dernier paragraphe ou si, dans votre dernier paragraphe, vous parlez d'autre chose?

M. Harguindeguy: Cela va le rejoindre en partie. Cela va satisfaire au moins certaines appréhensions et permettra d'ajuster nos conventions collectives, nos régimes de retraite aussi qui vont nécessairement devoir être amendés également. D'autre part, quand vous avez indiqué qu'il y aura, par exemple, la retraite facultative à 60 ans et d'autres mesures, il s'agissait quand même d'avoir une vue plus globale sur l'ensemble des bénéfices, quitte à prévoir que certains de ces avantages ne puissent entrer en vigueur qu'à certaine période, selon un échéancier. Actuellement, on discute strictement autour de l'abolition de l'âge de la retraite ou des années de service, alors qu'il y a peut-être d'autres conséquences à ça. Il faut ajuster tous les régimes. (21 heures)

La base, comme vous l'avez dit vous-même, l'âge normal de la retraite qui sert à évaluer d'une façon actuarielle les bénéfices, c'est quand même 65 ans et ça va le demeurer. Un député a mentionné tantôt que ce qui était envisagé, c'était pas plus que deux ans. Faire un tel changement d'orientation pour permettre physiquement aux gens de ne travailler que pendant deux ans de temps, parce qu'ils ne seront plus en mesure de travailler après, je pense que c'est quand même encore strictement bien minime comme modification. Les seuls qui vont en profiter pour deux ans, ce sera qui encore? Ce sont toujours les mêmes personnes.

C'est pour ça que nous, on estimait qu'on aurait dû voir l'ensemble des modifications que le gouvernement a envisagées, quitte à savoir d'avance que tel ou tel bénéfice ne serait envisagé ou mis en vigueur que dans deux ans, dans trois ans, dans quatre ans, selon un échéancier. On a une partie du problème qu'on discute, on a toutes sortes d'appréhensions qu'on voudrait au moins voir clarifier. On nous dit: On l'envisage, mais ça va venir après. On préférerait le savoir tout de suite pour qu'on sache ce qu'on veut faire aux régimes de retraite. Éventuellement, s'il y a une réelle politique de revenu minimum garanti, ce sera quoi la nécessité d'avoir des régimes de retraite aussi? On ne le sait pas non plus. Qu'est-ce que ce sera la politique? Est-ce que ça va englober les gens qui auront des régimes de retraite? Est-ce qu'il va y avoir une partie qui va être payée ou est-ce qu'il y aura une réduction pour ceux qui ont des régimes privés ou publics? On ne le sait pas. C'est toute cette politique de revenu minimum, ça revient à ça finalement, un régime de retraite. Il y a des gens qui sont plus prévoyants que d'autres, ceux qui ont des régimes de retraite. Quelle sera l'attitude du gouvernement, l'orientation dans le revenu minimum garanti? Est-ce qu'il sera utile d'avoir des régimes de retraite tantôt? On ne le sait pas. Vous le savez peut-être parce que vous avez déjà des études dans ce domaine, mais on peut difficilement y répondre.

M. Lazure: Mais qu'on appelle ça revenu minimum individuel ou familial garanti ou encore salaire plus régime de rentes potable, décent, garanti, au fond, ça revient au même. Chose certaine - le gouvernement l'a dit à plusieurs reprises; je pense qu'il faut se souvenir des énoncés de politique du gouvernement et en ça, on tombe d'accord avec nos amis du gouvernement fédéral - les régimes supplémentaires de rentes doivent être améliorés et aussi les régimes publics, le régime public du Canada et le régime public du Québec. Les cotisations au Régime de rentes du Québec n'ont pas été ajustées depuis 15 ans, 1,8% employeur, 1,8% employé. C'est le même taux depuis 15 ans. Il est bien évident que ces taux doivent être réajustés. Il est bien clair que nous voulons procéder à une bonification, à une révision majeure des régimes de rentes publics et privés. Pour nous, plutôt que de voir ça comme étant mettre la charrue devant les boeufs d'établir la non-discrimination quant à l'âge, c'est comme un principe préalable qu'on pose et on dit: Autour de ce principe fondamental que chaque travailleur et travailleuse au Québec aura le choix du moment de sa retraite, on va greffer une série de réformes qui vont améliorer le sort des retraités.

M. Harguindeguy: Si vous me le permettez, ce n'est quand même pas l'ensemble des travailleurs qui ont des régimes de retraite. Aujourd'hui, ils se fient sur quoi? Strictement sur le Régime de rentes du Québec qui leur permet d'avoir une certaine retraite.

M. Lazure: Le fait de pouvoir continuer à travailler après 65 ans, si la personne est en forme, justement va lui permettre d'avoir un revenu un peu plus décent.

M. Harguindeguy: Elle n'aura pas le choix, c'est ce qu'on dit aussi. Finalement, ça va permettre aux gens de travailler parce qu'ils ont besoin de travailler. S'il y avait un régime de rentes du Québec qui était suffisant pour leur permettre de vivre raisonnablement, ils ne travailleraient certainement pas.

M. Lazure: Nous avons l'intention de réviser le Régime de rentes du Québec.

M. Harguindeguy: C'est tout ça qu'on aurait voulu voir étudier en même temps, mais que malheureusement on n'a pas. On ne sait pas où vous allez.

M. Lazure: Mais parfois le mieux est l'ennemi du bien. Je pense que parfois il faut procéder par étapes. Quand on parle d'enlever un motif de discrimination, je pense qu'on ne fait pas d'erreur et c'est ce qu'on tente de faire avec le projet de loi no 15.

M. Harguindeguy: On va vous encourager à aller sur cette voie parce qu'il y a pas mal de discrimination au gouvernement dans d'autres domaines.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Je n'ai pas envie de faire un débat avec le ministre, mais ce que je voulais dire simplement, c'est que je n'ai pas envie de dire que les Américains sont en avance sur nous ou qu'on est en avance sur eux, mais il y a certaines choses qu'ils ont faites. Je vais vous donner un exemple: les banqueroutes des compagnies qui ont été citées ce matin qui privent des gens de leur retraite, les Américains ont assuré ce fonds avant de rentrer; il y a deux ans de cela. Ils ont une fondation - je ne vous dis pas que c'est le nec plus ultra, peut-être que l'on est en avance - tout ce que je veux vous dire, c'est qu'ils semblent avoir travaillé sur une politique de concertation, il y a eu la commission Carter qui siège depuis deux ans sur la question de toute l'affaire de sécurité sociale, de pension; elle a travaillé sur la flexibilité de l'âge de la retraite.

Vous étiez d'accord ce matin, il y a toute la question de la comptabilité qui doit être changée. La question des veuves doit être améliorée. Il y a justement la question de l'assurance des fonds de pension, puis il y la solvabilité; mais si les firmes font banqueroute, comme l'exemple a été donné ce matin, cela ne sert à rien.

Il y a toutes ces questions. On dit: On va poser le principe aujourd'hui; c'est très joli, mais toute ces questions comment est-ce qu'on les règle et dans combien de temps? Peut-être que cela prendra un an, deux ans et peut-être qu'on aurait dû faire tout cela de concert; c'est cela que je crois être la question.

M. Lazure: Écoutez. On tombe d'accord pour dire que c'est une stratégie qui est discutable. On aurait pu attendre le jour glorieux où, dans un seul projet de loi, on aurait tout fait cela ensemble, mais il aura fallu attendre probablement plusieurs années. Nous pensons qu'il faut le faire dans deux ou trois étapes.

Je retiens les remarques du député de Nelligan. Là où l'on peut apprendre de l'expérience américaine, norvégienne ou suédoise peu importe, prenons-le ce grain de sagesse. Je l'ai dit à plusieurs reprises aujourd'hui, je l'ai répété tantôt, nous envisageons la possibilité de rendre cette loi applicable par étapes. C'est un peu ce que les Américains ont fait. Alors, nous n'avons pas du tout l'intention de réinventer les boutons à quatre trous chaque jour. Mais quand on nous dit: N'allez pas si vite, parce qu'il faut faire des études, c'est là où je ne suis pas d'accord; on les a les études; on en a suffisamment des études américaines, canadiennes, ontariennes, québécoises, saskatchewanaises, on en a de partout. Je pense que l'on sait à peu près où on veut aller. Quant à l'implantation de ces différentes réformes, nous pensons qu'il faut procéder graduellement, justement pour ne pas bousculer tout le monde en même temps.

Mme Lavoie-Roux: Cela progresse depuis le printemps dernier, beaucoup.

Le Président (Boucher): Alors, il n'y a pas d'autres questions?

Je remercie au nom de tous les membres de la commission le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec.

La commission ajourne ses travaux à demain 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 08)

Document(s) associé(s) à la séance