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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Boucher): La commission permanente des
affaires sociales est réunie pour entendre les personnes ou organismes
relativement au projet de loi no 15, Loi sur l'abolition de la retraite
obligatoire et modifiant certaines dispositions législatives.
Les membres de la commission sont: M. Proulx (Saint-Jean) qui remplace
M. Brouillet (Chauveau); Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Houde (Berthier);
M. Lazure (Bertrand) qui remplace M. Johnson (Anjou); M. Lachance (Bellechasse)
qui remplace Mme Juneau (Johnson); Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Leduc
(Fabre), M. Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier).
Les intervenants de la commission sont: M. Beauséjour
(Iberville), M. Bélanger (Mégantic-Compton), Mme Harel
(Maisonneuve), M. Kehoe (Chapleau), Mme Lachapelle (Dorion), M.
Lafrenière (Ungava), M. Laplante (Bourassa); M. Lincoln (Nelligan) qui
remplace M. Mathieu (Beauce-Sud), M. O'Gallagher (Robert-Baldwin).
Est-ce qu'il y a un rapporteur? M. Rochefort.
Avant d'inviter le premier groupe, je demanderais à M. le
ministre s'il a des commentaires préliminaires. M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Denis Lazure
M. Lazure: M. le Président, chers collègues de
l'Assemblée, mesdames et messieurs qui venez contribuer à
l'amélioration du processus démocratique en participant à
cette commission parlementaire, je veux d'abord remercier tous ceux qui se sont
donné la peine de réfléchir sur cette mesure que nous
étudions aujourd'hui, aussi bien ceux qui nous ont adressé un
mémoire et qui vont participer à cette commission que ceux et
celles qui nous ont envoyé des lettres depuis quelques mois.
Sans vouloir déprécier le travail de cette commission,
bien au contraire, nous avons voulu aller au-delà en invitant les
citoyens à nous résumer sur une page ou deux leur opinion sur ce
projet. L'invitation avait été publiée dans les journaux
au cours de l'été et la réponse a été
très encourageante puisqu'à ce jour nous avons reçu
au-delà de 500 lettres. Vendredi dernier, nous avons compilé 400
de ces lettres et elles se subdivisaient de la façon suivante: 244
exprimaient une opinion favorable au projet de loi, tandis que 157 faisaient
valoir des arguments défavorables ou des arguments à l'encontre
du projet de loi. Nous avons également reçu deux
pétitions: l'une de 400 noms en faveur et l'autre de 75 noms contre.
Plusieurs personnes ont exprimé le souhait que la loi soit
rétroactive à la date du dépôt à
l'Assemblée nationale.
Voici quelques-unes des idées exprimées en faveur du
projet. Il permettra une meilleure utilisation des ressources humaines,
permettra aux personnes âgées de ne pas se sentir en marge de la
société, reconnaît le droit au travail au même titre
que le droit à la retraite, pourrait pallier un manque de main-d'oeuvre
éventuel. On nous a signalé un cas particulier; les femmes
à l'emploi d'une entreprise d'emballage sont obligées de prendre
leur retraite à l'âge de 60 ans en vertu d'une règle
convenue entre l'entreprise et le syndicat il y a déjà 40 ans.
Elles se retirent avec une rente qui va de 100 $ à 140 $ par mois, ce
qui est bien en dessous du seuil de pauvreté. Ces employées
veulent, à juste titre, avoir le droit de prendre leur retraite à
l'âge désiré et sans discrimination en fonction du
sexe.
Je dois ouvrir une parenthèse; il est bien évident qu'il y
a un pourcentage plus élevé de femmes que d'hommes qui
bénéficieront de cette abolition de l'âge de la retraite
obligatoire. L'exemple que je cite ici, on peut en retrouver plusieurs dans
tout le Québec, d'employées féminines qui sont
pénalisées et qui doivent se retirer à l'âge de 60
ans, alors que ceci s'applique rarement chez les hommes.
Parmi les arguments invoqués contre le projet de loi, on retrouve
beaucoup d'inquiétude quant aux effets qu'il pourrait avoir sur le
chômage des jeunes. Certaines personnes craignent de perdre le droit
qu'elles ont acquis auprès de leur employeur de prendre leur retraite
à un âge plus jeune. La grande majorité de ceux qui se sont
exprimés contre l'abolition de la retraite obligatoire se sont
montrés en faveur de la retraite facultative à compter de 60 ans
ou même 65 ans. Cela nous permettrait de libérer, dit-on, des
emplois. On nous suggère aussi de réduire le temps de travail
à compter d'un certain âge, afin que la mise à la retraite
se fasse graduellement. Enfin, certaines personnes croient que le gouvernement
et les employeurs s'enrichiront de cette mesure. On verra tantôt que
tel
n'est pas le cas. (10 h 15)
Voilà donc un bref bilan de cette opération que nous avons
menée auprès du public. Avant de poursuivre, je tiens à
rappeler que le projet de loi 15 s'inscrit dans une réforme beaucoup
plus vaste que le gouvernement entend mener à bien dans le domaine de la
retraite au Québec. Cette réforme devra répondre à
des besoins très criants et qui nous ont été maintes fois
signalés lors de consultations auprès de nos concitoyens
âgés. Le projet de loi abolissant la retraite obligatoire en
fonction de l'âge, ou du nombre d'années de service, doit donc
être considéré comme le premier pas vers une réforme
fondamentale de la retraite qui prendra appui sur de nombreuses études
réalisées depuis quelques années à partir du
rapport Cofirentes rendu public en 1977 jusqu'à la tournée de
consultations du troisième âge que j'ai eu le plaisir d'effectuer
en octobre 1980.
La logique conduisant à la rédaction de ce projet de loi
est d'emblée très évidente. Je n'ai qu'à rapporter
cette remarque d'un travailleur de Montréal âgé de 64 ans
qui, justement au cours de cette tournée de consultations à
l'automne 1980, nous disait tout simplement: Si un homme ou une femme à
65 ans est en bonne santé, pourquoi ne pas continuer à
travailler? Pourquoi pas?
On a beau chercher, nous n'avons trouvé aucune base scientifique,
sociale, médicale ou autre pour justifier qu'à 65 ans, il est
dans l'intérêt d'une personne ou dans celui de la
société qu'elle prenne sa retraite. Au contraire, plusieurs
arguments militent en faveur du libre choix de l'âge de la retraite. En
fait, on sait qu'il n'existe pas de loi qui oblige les travailleurs à
prendre leur retraite à 65 ans. Toutefois, la très grande
majorité des travailleurs sont soumis à un âge de retraite
obligatoire, soit en vertu des dispositions d'un régime de rentes, soit
en vertu d'une convention collective ou à cause d'une pratique de leur
employeur. Même les gouvernements, à tous les paliers, contribuent
à maintenir ces pratiques. Il s'agit là aussi d'une chose qui,
sans être légale, est conventionnelle et, comme dans bien d'autres
cas, cette convention, comme on le voit, a force de loi, puisque cela nous
prend une loi pour modifier cette convention, cette pratique.
Voyons un peu à qui s'adresse ce projet de loi. 55% des
travailleurs québécois ne participent pas à un
régime supplémentaire de rentes, et par le fait même, ne
sont soumis à aucune disposition concernant la retraite obligatoire,
sauf cette pratique très généralisée, comme on
vient de le voir tantôt, de remercier de ses services une personne qui
atteint 65 ans et parfois 60 ans.
Pour les 45% de travailleurs qui contribuent à un régime
de retraite supplémentaire, l'âge de la retraite obligatoire varie
selon le secteur d'activité auquel ils appartiennent. Dans le secteur
public, la règle est de 65 ans, tandis que dans le secteur privé,
toutefois, un bon nombre, soit un peu plus de 50% des cotisants à un
régime supplémentaire de rentes ne sont obligés de quitter
leur emploi qu'à 70 ans. Donc, déjà, dans un bon nombre de
régimes supplémentaires de rentes, on a reculé de 65
à 70 ans l'échéance pour la retraite.
La majorité des travailleurs québécois sera donc
touchée par cette mesure. Mais combien se prévaudront de ce
nouveau droit? Aux États-Unis, où une loi semblable interdit la
retraite forcée jusqu'à 70 ans pour le secteur privé et
sans aucune limite d'âge pour le secteur public - cette loi date de 1978
- on a pu constater que la décision de continuer ou pas au-delà
de 65 ou 70 ans est conditionnée par les facteurs économiques.
Donc, si la personne, en général, a une rente assez confortable
à 65 ans ou 70 ans, la tendance générale, depuis au moins
15 ans, est de prendre cette rente et se retirer du marché du travail et
même parfois de prendre une retraite anticipée, alors qu'au
contraire - cette expérience américaine date de 1978 - lorsque le
salaire ainsi que le régime de rentes public ou privé n'offrent
pas de conditions tellement alléchantes, la personne est portée
à continuer de travailler pendant un certain nombre d'années.
Les études réalisées au Canada prévoient
que, par cette loi, la proportion des travailleurs âgés, de plus
de 65 ans sur le marché du travail, pourrait augmenter de 2% à
4%. Or, 8% de la population âgée de plus de 65 ans participe
déjà au marché du travail. Cette proportion serait donc
portée à 10% ou 12% et s'échelonnerait par contre sur une
période de plusieurs années. En chiffres absolus, ces 2% à
4% d'augmentation du nombre de personnes âgées qui voudraient
continuer à travailler, cela donne quelque chose entre 1500 et 2000
personnes par année de plus. D'une part, c'est un chiffre
théorique maximal, si vous voulez, qui découle de la
transposition des expériences américaines et, d'autre part, de
sondages qui ont été faits auprès d'entreprises ici au
Canada.
Le projet de loi n'aura donc pas d'impact significatif sur
l'accessibilité du marché du travail pour les jeunes. On peut
même présumer qu'à moyen terme, lorsque nous aurons
terminé notre réforme des régimes de rentes, en
améliorant les revenus de retraite et en facilitant la retraite
anticipée, comme nous entendons le faire, cet impact sera annulé.
En d'autres termes, si autour de 1500 ou 2000 personnes, chaque année,
lorsque cette nouvelle loi sera en vigueur, décidaient de continuer de
travailler
au-delà de 65 ans, nous savons par contre que, lorsque les
réformes auront été faites pour faciliter la retraite
anticipée à un âge plus jeune, par exemple 60 ans dans un
premier temps, surtout pour ceux et celles qui souffrent d'incapacité
partielle ou de maladie professionnelle avec invalidité partielle, nous
sommes convaincus que le nombre de ceux et celles qui prendraient une retraite
anticipée à 60 ans annulerait le nombre de ceux et celles qui
voudraient continuer à travailler au-delà de 65 ans. Alors, c'est
pour cela que l'on dit, à court terme, en nombre, il s'agit d'une loi
qui va toucher peu de personnes et, à moyen terme, il s'agit d'une
première étape qui sera annulée par la deuxième
étape, c'est-à-dire la retraite anticipée.
Mais, de toute manière, comment certains peuvent-ils se montrer
contre ce projet de loi en invoquant l'argument qu'il pourrait réduire
l'emploi des jeunes? Dans la même logique, ne pouvons-nous pas
dénoncer le fait que chaque homme qui détient un emploi prend la
place d'une femme ou vice versa, que chaque personne handicapée qui
détient un emploi prend la place d'une personne non
handicapée?
Essentiellement, donc, ce projet de loi en est un qui vise à
abolir une discrimination. C'est d'abord et avant tout un projet de loi
à portée sociale.
Voyons maintenant quel moyen nous proposons d'utiliser pour abolir la
mise à la retraite obligatoire. Deux voies étaient possibles pour
atteindre ce but. On aurait pu amender en conséquence la charte des
droits de la personne ou encore, comme nous avons décidé de le
faire, amender la Loi sur les normes minimales du travail en faisant de
l'âge un motif illégal de mise à pied.
La Charte des droits et libertés de la personne, dans le domaine
du travail, interdit entre autres la discrimination dans l'embauche,
l'apprentissage, le déplacement, etc. Il est bien évident que la
portée de la charte dans le cas qui nous concerne dépasse de
beaucoup l'objectif visé qui est d'interdire la mise à pied en
vertu de l'âge. Il apparaît que l'abolition de la retraite
obligatoire est une mesure qui s'apparente beaucoup plus à une norme de
travail, ce qui n'empêche pas évidemment de modifier la charte des
droits de la personne pour rendre discriminatoire tout congédiement
à cause de l'âge. En d'autres termes, nous pensons que, sur le
plan fondamental, la charte des droits de la personne devra probablement
être modifiée et on sait que le gouvernement a actuellement une
commission parlementaire qui entend les représentations de
différents groupes quant à des modifications à apporter
à la charte des droits de la personne.
Quant aux recours offerts par ces deux véhicules, charte des
droits et loi des normes minimales, il semble que ceux prévus par la
Loi sur les normes du travail soient plus adaptés au cas qui nous
préoccupe. La charte des droits permet en effet un délai de deux
ans pour porter plainte, alors qu'une plainte formulée par un
employé au commissaire du travail doit être faite dans les trente
jours. Il est difficile d'imaginer comment un employeur pourrait
réintégrer un employé après deux ans suite à
une recommandation que ferait la Commission des droits de la personne si on
suivait ce médium.
La commission des droits, par le rapport d'enquête qu'elle
fournit, joue un rôle de support important auprès de la personne
qui se croit lésée dans ses droits. Il faut retenir toutefois que
les recommandations de la commission ne sont pas exécutoires, alors que
les recommandations d'un commissaire de travail le sont.
Notons aussi qu'aux États-Unis la loi interdisant la
discrimination en fonction de l'âge au travail est sous la
responsabilité, comme nous le proposons ici, du ministre du Travail.
Je voudrais me pencher maintenant sur quelques aspects particuliers du
projet de loi où nous aimerions plus spécialement entendre
l'opinion des participants à cette commission. D'abord les articles 4 et
5. Le premier prévoit qu'une personne désirant se
prévaloir de son droit de continuer à travailler au-delà
de l'âge normal aurait continué de cotiser à son
régime de retraite de même que son employeur. L'article 5
prévoit que la rente de retraite de cette personne lui serait
versée au moment où elle prendrait effectivement sa retraite. Ces
deux articles sont appelés à être modifiés à
la lumière des recommandations qui nous ont déjà
été faites et qui nous seront faites, afin de prévoir un
mode de revalorisation des rentes de retraite pour les employés qui
continueront à travailler et à cotiser passé l'âge
normal de la retraite.
L'objectif du gouvernement n'est évidemment pas de faire des
économies sur le dos des travailleurs âgés, mais bien de
leur permettre de prendre une retraite dans les meilleures conditions
financières possible. D'autre part, nous ne rejetons pas la
possibilité d'exclure certaines catégories d'employés de
la portée de la loi. Cela pourrait s'avérer utile dans certains
cas particuliers, comme, par exemple, les pompiers, les policiers, mais il est
évident que si nous voulons garder le caractère fondamentalement
antidiscriminatoire de cette loi, il faut que le nombre des exemptions soit
réduit au strict minimum.
En terminant ces remarques, j'aimerais simplement signaler que rien ni
personne n'est à l'abri du changement. La population du Québec,
qui comptait, il y a à peine une trentaine d'années, un peu plus
de 200 000 personnes âgées de 65 ans et plus, en
compte aujourd'hui au-delà de 540 000, soit plus de 8,4% de la
population totale du Québec. Nous prévoyons qu'en l'an 2000, et
ce n'est pas loin, c'est environ dans une vingtaine d'années, ce
pourcentage des personnes âgées atteindra 10% pour se situer
autour de 880 000.
Nous devons donc faire face à une nouvelle réalité
et ne pas adapter les lois, les services ou les règlements serait courir
à la perte de notre société. Personnellement, je suis
persuadé que la mise au rancart forcée de travailleurs ou de
travailleuses jouissant de la plus grande expérience constitue une
sérieuse perte en capital humain pour notre économie, d'autant
plus qu'en raison de la diminution de la natalité au cours des vingt
dernières années, l'arrivée de main-d'oeuvre jeune sur le
marché du travail se fera de plus en plus rare dans un avenir assez
rapproché.
Mais, au-delà de ces considérations économiques, le
projet de loi 15 mettra un terme à une pratique foncièrement
discriminatoire et injuste qui s'est implantée dans notre
société. La population n'admet plus cette forme de
discrimination. Un sondage publié en février dernier dans la
plupart de nos quotidiens indiquait que l'opinion publique avait
évolué au cours des quinze dernières années sur ce
sujet. Ainsi au Canada, toujours selon des sondages Gallup, en 1967, seulement
47% de la population était en faveur de l'abolition de la retraite
obligatoire et ce pourcentage, en 1980, passait à 62% ou, en d'autres
termes, 62% de la population estimait qu'il fallait laisser le libre choix de
l'âge de la retraite.
Une autre enquête, menée cette fois auprès des
employeurs par le Conference Board du Canada, indiquait que ceux-ci en
majorité estimaient que la suppression de la retraite automatique
à un certain âge ou après un certain nombre d'années
de service n'aurait que peu ou pas de conséquence sur
l'efficacité et la rentabilité de leur entreprise. La plupart des
232 employeurs sondés par le Conference Board ont déclaré
ne pas craindre que la suppression de la retraite obligatoire ne cause de
sérieuses difficultés pour la gestion du personnel. Ils estiment
également que les employés âgés sont tout aussi
fiables et efficaces que les plus jeunes. (10 h 30)
En fait, le taux d'absentéisme est pas mal moins
élevé chez les personnes âgées de plus de 65 ans que
chez les autres. En fait, ces employeurs ont répondu majoritairement que
la plupart des programmes sociaux comme l'assurance-maladie, les assurances
complémentaires, l'assurance pour soins dentaires, etc. pourraient
être maintenus. Pourquoi donc maintenir une pratique qui, selon
l'American Medical Association, est souvent cause de maladies physiques et
psychiques voire de mort prématurée?
Selon la Fédération de l'âge d'or du Québec,
la situation d'inactivité qui résulte en outre de la perte
d'emploi "a une action néfaste sur le moral et sur la condition physique
de l'individu qui voit s'en aller en pure perte ses énergies, ses
talents, son expérience et son prestige". Dans une société
où la productivité est devenue un des critères les plus
importants d'existence, toujours selon la FADOQ, la personne âgée
perd son statut social au sein de sa communauté.
Dans un mémoire qu'elle adressait au gouvernement du
Québec, en novembre 1980, la FADOQ constatait qu'un autre
élément qui change considérablement la vie d'une personne
âgée, c'est la baisse constante de son revenu. D'ailleurs, il est
douloureux de constater qu'environ 50% des personnes âgées vivent
soit en dessous ou juste autour du seuil de la pauvreté. Un autre
organisme représentant les intérêts de nos
aînés, l'Association québécoise pour la
défense des droits des retraités et préretraités,
en décembre 1980, se disait d'accord avec le principe du projet de loi.
L'organisme précisait qu'il ne doit évidemment pas s'agir de
remettre en question le principe du droit à la retraite, mais de
permettre à chacun de choisir d'y accéder sans être
pénalisé.
Les organismes syndicaux se sont également prononcés. En
octobre 1978, dans un mémoire préparé pour le Sénat
canadien, la C5N se disait également pour l'abolition de la retraite
forcée. La CSN estimait que le problème le plus frappant
était sans doute la faiblesse des ressources financières des
personnes âgées. "La réalité brutale, c'est que trop
souvent les gens se retrouvent à la retraite dans la pauvreté ou
encore avec une telle baisse de leurs revenus qu'il ne leur reste plus
qu'à regarder passer le temps. L'espoir de la retraite heureuse est trop
souvent déçu."
Pour sa part, lors d'un colloque qu'elle tenait à la fin de mai
dernier, la Fédération des travailleurs du Québec
s'était penchée sur les problèmes de la retraite. Selon
son président, cette centrale est d'accord avec le principe
énoncé dans le projet de loi 15. Je dois dire que, lors de ce
colloque, 54% des participants se sont déclarés contre le projet
de loi 15. Toutefois, la plupart d'entre eux fondaient leur appréhension
sur la crainte que ce projet de loi allait à l'encontre de certains
privilèges que plusieurs syndiqués avaient obtenus depuis
quelques années, à savoir le droit à une retraite
anticipée. Ce colloque de la FTQ, comme beaucoup des mémoires qui
nous seront présentés dans les jours qui viennent, a
démontré un certain malentendu qui consiste à croire que
permettre à une personne âgée de continuer à
travailler au-delà de 65 ans va avoir des répercussions
néfastes, négatives sur ces
nouvelles ententes qu'on voit depuis quelques années dans les
conventions collectives, qui permettent aux travailleurs et aux travailleuses
d'avoir une retraite anticipée.
J'espère que les délibérations de notre commission
vont permettre de dissiper une fois pour toutes ce malentendu. Je veux rassurer
tous ceux qui entretiennent encore cette crainte, car c'est bien le contraire
que nous souhaitons et rien dans le libellé du projet de loi ne
réduirait le droit de prendre sa retraite à 60 ans ou même
à 55 ans. Comme nous l'avons déjà annoncé, le
gouvernement soumettra, dès qu'il sera en mesure de le faire, un projet
de loi qui va faciliter l'accès à la retraite anticipée
pour ceux et celles qui le désirent et, en tout premier lieu, pour ceux
et celles qui ont travaillé dans les secteurs où les risques
d'accidents ou de maladies professionnelles sont les plus marqués.
Notre projet de loi répond donc aux attentes de la population.
Les réactions que nous avons entendues depuis son dépôt le
25 mai dernier sont, en général, favorables. Nous sommes
également très fiers d'être les premiers au Canada à
légiférer en ce sens. Je suis persuadé que d'autres
gouvernements emboîteront le pas et rétabliront, eux aussi, ce
droit individuel élémentaire que tout citoyen devrait avoir,
celui de pouvoir choisir librement le moment de se retirer. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. Madame
la députée de L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je vais commencer
un peu par ce qu'on appelle dans le contexte une boutade. Je suis heureuse de
voir tout à coup la fierté canadienne de notre ministre
d'État au développement social.
M. Lazure: Fierté québécoise d'être
les premiers au Canada.
Mme Lavoie-Roux: Plus sérieusement, je ne voudrais pas ici
reprendre les éléments que j'ai soulevés au moment du
discours de deuxième lecture. Je les reprendrai très
brièvement tout à l'heure.
Je voudrais d'abord dire combien, comme Opposition officielle, nous
sommes heureux de voir que le gouvernement a finalement consenti à
entendre des mémoires sur la loi 15. Nous avions été
convoqués -cela devait peut-être être un peu plus tôt
-pour étudier le projet de loi article par article, sans entendre de
mémoires ou la population s'exprimer là-dessus. Sans doute, le
ministre a par la suite demandé qu'on écrive des lettres, etc. Je
pense que cela vaut beaucoup mieux que ceci se fasse en public. À cet
égard, le ministre nous a fait le résumé des lettres ou
des mémoires personnels qu'il a reçus. Je lui demanderais, s'il y
en a de plus significatifs, s'il nous les remettrait.
Nous avions exprimé au moment de la deuxième lecture notre
accord avec le principe de l'abolition de l'âge de la retraite. Nous
avons voté en faveur du principe du projet de loi, parce qu'il nous
semblait que, rendu à 65 ans, la liberté de choix que
possédaient les personnes âgées était passablement
diminuée en fonction du choix de prendre sa retraite ou de ne pas la
prendre. De plus, il nous apparaissait qu'on traitait d'une façon
absolument similaire des individus dont les circonstances de vie, de
santé, de motivation ou autres pouvaient être fort
différentes. À ce moment, on avait un modèle uniforme pour
tous et chacun qui respectait très peu les désirs, les
aspirations et les besoins de chacun.
Je voudrais simplement, par contre, mettre en garde -
particulièrement les personnes âgées en sont fort
conscientes - la population contre le fait que l'abolition de l'âge de la
retraite va être une panacée aux problèmes des personnes du
troisième âge. Je ne pense pas que le ministre ait prétendu
cela non plus. Ces lois qui sont adoptées et que l'on publicise avec
beaucoup de fanfare créent parfois l'impression que c'est une solution
à des problèmes. C'est une correction à une discrimination
qui, à notre point de vue, n'est plus acceptable, mais c'est loin de
corriger les problèmes auxquels les personnes qui doivent prendre leur
retraite ou qui même n'ont pas le loisir de prendre leur retraite parce
qu'elles n'ont jamais travaillé font face quand elles deviennent
admissibles à la sécurité prévue pour les personnes
âgées, soit la pension de vieillesse ou les rentes du
Québec, dans certains cas, ou le supplément de revenu garanti.
Les rentes du Québec, il faut bien se le dire, la majorité des
femmes n'y ont pas accès, comme d'ailleurs le Régime de pensions
du Canada, elles sont très faibles et ne permettent pas aux personnes
âgées qui arrivent à 65 ans de vivre dans des conditions
décentes pour la grande majorité d'entre elles.
À cet égard, le ministre a dit, dans son discours ou dans
ses notes d'introduction, qu'il voulait augmenter les régimes de rentes.
J'aimerais qu'il nous donne des explications tout à l'heure sur la
façon dont il entend procéder - je fais allusion au haut de la
page 5. Quand vous en parlez, vous prévoyez un projet de loi pour les
retraites anticipées, et également une augmentation des
régimes de retraite. Il faut bien signaler à cet égard que
le Québec, à ce moment-ci, ne détient pas un record de
fierté. Quand on examine le revenu, tel qu'il a été
publié dans le rapport du Conseil national du bien-être social sur
la femme, en octobre 1979,
et qu'on fait une étude sur l'écart entre le revenu
minimum garanti des personnes âgées et le seuil de pauvreté
dans toutes les capitales provinciales, c'est le Québec qui
détient le record, du plus grand écart entre le revenu minimum
garanti des personnes âgées et le seuil de pauvreté. Il
vient même derrière les Maritimes, dont le Nouveau-Brunswick.
Il faut bien réaliser que, dans les autres provinces, les
gouvernements ont accepté ou ont choisi de verser un supplément
de revenu en plus de ce que les personnes du troisième âge
recevaient du gouvernement fédéral ou des régimes de
rentes. C'est le cas, par exemple, de la Colombie britannique, de l'Alberta, de
la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse qui
ont adopté cette approche. Il y a d'autres provinces, le Québec
qui ont accepté d'accorder un supplément par le truchement de
l'allocation-logement, c'est-à-dire en versant une prestation qui comble
un part de l'écart existant entre le loyer payé et... Cela se
fait en Colombie britannique, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et au
Québec.
Mais le résultat net de tout cela -peut-être que c'est un
peu triste de le rappeler, mais il ne faut jamais le perdre de vue, le ministre
sera certainement d'accord là-dessus - c'est que la très grande
majorité de nos personnes âgées vivent en bas du seuil de
pauvreté au Québec et plus particulièrement les femmes.
Elles sont en plus grand nombre et la plupart n'ont jamais participé au
Régime de rentes du Québec. Surtout si elles sont seules, elles
doivent se tirer d'affaires avec la pension de vieillesse et le
supplément de revenu garanti pour les personnes âgées qui
sont également versés par le gouvernement
fédéral.
Je ne m'attarderai pas là-dessus plus longtemps. Je vais
simplement signaler que l'abolition de l'âge de la retraite
élimine une discrimination contre laquelle la société
s'élève de plus en plus. Les statistiques que le ministre a
données sont tout à fait exactes. Mais il ne faut pas oublier que
cela corrigera peu de choses, si on ne s'attaque pas à la racine
même du problème, soit de prévoir, pour les personnes
à leur retraite, des revenus un peu plus élevés que ceux
qu'elles ont présentement.
D'ailleurs, mes collègues ont soulevé ce point lors du
discours de deuxième lecture. Nous parlons de part et d'autre de
l'abolition de l'âge de la retraite dans le sens d'accorder une plus
grande liberté aux personnes âgées. En fait, s'agit-il d'un
choix fictif ou d'un choix véritable - on le retrouve dans les notes du
ministre - quand c'est souvent pour des raisons économiques que les
personnes vont choisir de continuer de travailler après 65 ans pour
suppléer à des revenus trop faibles?
Des difficultés sont soulevées dans un grand nombre de
mémoires. Peut-être que le ministre, au fur et à mesure,
nous apportera des données plus précises que celles qu'il nous
avait apportées en deuxième lecture. J'avais, à ce
moment-là, demandé qu'on dépose les études
actuarielles, et des données qu'on aurait sur le
déséquilibre que cela pourrait apporter dans l'emploi,
particulièrement chez les jeunes. Quoique je ne souscrive pas à
cet avancé dans le sens que, si on retarde l'âge de la retraite ou
qu'on le rend flexible, les jeunes vont se trouver pénalisés,
mais il reste que c'est une difficulté souvent soulevée par les
adversaires de l'abolition de l'âge de la retraite. Si on avait des
données un peu plus précises - vous avez tenté d'en donner
quelques-unes, M. le ministre - comme celles des États-Unis, où
cela s'est fait, on rassurerait peut-être la population. (10 h 45)
Pour ma part, l'élément fondamental -je l'avais
déjà souligné - c'est le fait que les personnes qui
entrent sur le marché du travail n'occupent pas, ou très peu
souvent, les emplois qui seront occupés par les personnes de 65 ans et
plus. L'argument qui m'apparaît le plus fondamental, c'est: Pourquoi le
droit au travail - je pense même que la Commission des droits de la
personne recommandait d'inclure dans la Charte des droits et libertés,
en commission la semaine dernière, le droit au travail; ne serait-il
réservé qu'aux jeunes et ne serait pas réservé aux
personnes plus âgées qui ont aussi les capacités, la
motivation et le désir de travailler, les aptitudes, etc.? Je pense
qu'il y a là une sorte de discrimination qui s'est inscrite dans nos
moeurs sans qu'on le veuille, mais qui m'apparaît tout à fait
condamnable.
Sur ce point, puisque j'ai abordé la question de la Charte des
droits et libertés de la personne, je sais que le gouvernement a choisi
de l'inclure dans la loi sur les conditions minimales de travail ou des normes
minimales de travail, et cela relèverait de la Commission des normes du
travail. Je pense que l'argument qu'il utilise, à savoir que cela sera
plus efficace que la Charte des droits et libertés de la personne
où il y a des attentes - on nous a parlé d'attente de six ans la
semaine dernière - de deux ans au moins, ce sera peut être plus
efficace de passer par la Commission des normes du travail, mais
j'espère que ceci n'exclut pas la possibilité d'inscrire
l'âge comme motif de discrimination dans la Charte des droits et
libertés de la personne. Il n'y a pas d'inconvénient à ce
que ce soit rappelé à deux endroits; au contraire, je pense que
cela sensibilisera davantage les gens. Justement, la Charte des droits et
libertés de la personne a surtout pour but de sensibiliser et
d'éduquer la population aux
facteurs possibles de discrimination.
J'avais également soulevé en deuxième lecture les
problèmes qui surviendraient dans la gestion du personnel, quant aux
critères d'évaluation du rendement du personnel. À 65 ans,
c'était automatique dans la plupart des cas, les gens prenaient leur
retraite, mais si l'âge de la retraite devient plus flexible, il
surviendra sûrement des problèmes d'évaluation. Est-ce
qu'il n'y aura pas de possibilité pour l'employeur, ou à peu
près pas, de dire qu'un membre de son personnel - pas
nécessairement parce qu'il a atteint 65 ans, il peut avoir atteint 69,
70, 71 ans, ou un âge plus avancé - n'est plus capable ou a de la
difficulté à remplir un emploi qu'il avait jusqu'à ce
moment-là? Ce problème est soulevé dans certains
mémoires et il devra être repris, parce que l'on pourrait nuire
à l'objectif que l'on veut atteindre si on entrait dans des batailles ou
des difficultés de cet ordre où, finalement, l'employeur n'aurait
plus, à toutes fins utiles aucun recours pour se protéger.
Les autres problèmes concernent la gestion administrative, des
problèmes d'ordre actuariel; il y a, par exemple, des problèmes
de jonction à établir entre les 4983 régimes de retraite
déjà enregistrés et dont plusieurs prévoyaient
déjà la retraite différée, mais avec des formules
différentes de celle que prévoit la loi 15. On prévoyait
des retraites différées auxquelles l'employeur et
l'employé continuaient de participer pour augmenter les montants de
retraite qui seraient versés aux individus lorsqu'ils quitteraient le
marché du travail.
Le gouvernement semble, d'après les explications que le ministre
vient de nous donner, prévoir une amélioration de la valeur de la
rente. Ce n'est pas encore très clair, comment se font ces calculs; pour
le gouvernement, c'est peut-être plus simple, mais je pense qu'il faut
tenir compte des différents régimes de retraite
supplémentaires qui existent dans les entreprises et partout ailleurs.
Je ne crois pas que ce soit uniforme d'un endroit à l'autre. Il se pose
là des problèmes d'administration qu'on ne saurait rejeter du
revers de la main en disant que c'est uniquement une question de bonne
volonté. Je pense que ce qui est remarquable, c'est que tous les
mémoires qui sont devant nous, à l'exception peut-être d'un
qui est un mémoire individuel, si je ne m'abuse - il nous en est
arrivé encore quelques autres ce matin, mais en tout cas dans ceux que
j'ai vus, ce qui est la grande majorité - tout le monde est d'accord
avec le principe de l'abolition de l'âge de la retraite. Il y a des
problèmes d'ordre administratif, de concordance avec les conventions
collectives, quant à l'assurance-salaire, à l'invalidité,
aux droits acquis par les conventions collectives de pouvoir prendre des
retraites anticipées; il y a beaucoup de modalités qui varient
d'une convention collective à l'autre et qui varient aussi quant aux
bénéfices que les retraités peuvent obtenir au moment de
l'âge de la retraite.
C'est dans ce sens-là que nous avions fait une recommandation au
ministre, ou du moins nous avions soulevé la possibilité de
l'étendre sur une période, enfin là-dessus on n'avait pas
de normes précises, parce que je pense que nous n'avions pas les
données pour le faire avec une précision absolue. Est-ce que cela
serait de procéder par étapes, par exemple, de commencer sur une
période d'un an, trois ans et, après trois ans, si toutes les
difficultés possibles ont été aplanies et si on a vraiment
été en mesure de voir quels sont les problèmes à
solutionner et que ceci s'est réglé, cela pourrait être une
période de trois ans, comme cela pourrait être une période
de cinq ans? Il n'est certainement pas dans notre intention de l'étendre
sur une période de temps indéfini qui, finalement, serait une
façon un peu détournée de dire qu'on est pour l'abolition
de la retraite, mais plus ou moins.
J'aimerais quand même que le gouvernement, s'il a des
données précises, s'il peut nous assurer que, par exemple, les
compagnies d'assurances qui nous ont dit qu'elles étaient prêtes
et que, pour elles, c'est une question de temps de se mettre à jour...
Également, je ne sais pas si c'est l'association des actuaires qui a un
mémoire, qui a parlé un peu dans le même sens. Je pense
qu'il ne faut pas voir chez ces citoyens, qui viennent devant nous, uniquement
un effort de contrer une législation avec laquelle ils se disent
d'accord au point de départ.
M. le Président, je ne veux pas prolonger mes remarques. Je pense
que les gens sont ici pour se faire entendre et ils soulèvent
eux-mêmes la majorité des problèmes que j'ai
soulevés et qui ont été soulevés en deuxième
lecture. Je veux assurer le ministre de ma collaboration ainsi que de celle de
mes collègues et remercier d'une façon particulière tous
les gens qui se sont déplacés pour venir présenter leur
point de vue sur cette question de l'abolition de l'âge de la
retraite.
Je suis certaine que, sur un sujet comme celui-là, qui fait au
point de départ un consensus sur le principe, qui pose certains
problèmes, certaines difficultés sur les modalités de
l'application de la loi, on devrait, avec de la bonne volonté de part et
d'autre, arriver dans les délais les plus rapides possible, et là
je parle de l'Assemblée nationale et des autres étapes qui
doivent suivre, à mettre en place une législation qui, je pense,
satisfait aux besoins et aux désirs de la population. Je suis certaine
que le ministre saura montrer la souplesse nécessaire, il l'a
déjà montré dans
le passé sur d'autres projets de loi et qu'il ne s'entêtera
pas sur... Il nous avait dit, dans sa réplique en troisième
lecture, qu'il n'est pas question de retarder, ceci s'appliquera
automatiquement au moment de l'adoption ou de la sanction de la loi.
Maintenant, il y a une façon de procéder, on peut tellement
retarder la sanction de la loi que cela équivaudrait à un
délai moins officiel, mais qui n'en serait pas moins un délai. Je
pense que, pour la confiance du public, c'est peut-être mieux de
procéder avec eux selon les recommandations qu'ils font.
Si le ministre a réponse à toutes les questions que nos
invités feront valoir, peut-être qu'il n'y a pas de
problèmes, que c'est un problème imaginaire ou
appréhendé, à ce moment-là, on sera heureux de
procéder immédiatement. Il faut bien se rappeler que, si on veut
que toute la population participe, parce que c'est dans le milieu du travail
que les gens seront appelés à participer, à ne pas
créer de difficultés, à ne pas multiplier les
embûches pour le citoyen ou le travailleur qui se retrouve seul dans son
milieu de travail finalement et qui, à un moment donné, a 65 ans,
si on veut lui faciliter la tâche, il faut obtenir la collaboration de
tout le monde et particulièrement des employeurs qui ont à
négocier tous ces régimes de retraite. Alors, je vous remercie,
M. le Président, et nous sommes prêts pour notre part à
entendre les mémoires.
Le Président (M. Boucher): Merci, Mme la
députée. M. le ministre.
M. Denis Lazure
M. Lazure: Oui, M. le Président, juste quelques brefs
commentaires. Je remercie la députée de L'Acadie et les
collègues de l'Opposition pour leur esprit de collaboration. Je veux
réagir rapidement à deux ou trois points en commençant par
la fin. Lorsque le gouvernement américain a adopté sa loi en
1978, il a prévu que la loi s'appliquait immédiatement mais que,
d'autre part, les changements qui devaient être apportés aux
nombreuses conventions collectives et aux nombreux régimes de retraite
se feraient au cours d'une période de trois ans. Sans nous engager de
façon définitive, ça me paraît un délai
raisonnable. En d'autres termes, je pense qu'il est important que la
discrimination quant à l'âge disparaisse aussitôt la loi
promulguée, mais qu'on laisse le jeu des négociations se faire et
que les modalités d'ajustement de chaque régime
supplémentaire de rentes - il y en a presque 5000 au Québec - se
fassent, soit à l'occasion de la prochaine convention, lorsqu'il y a
convention de travail, soit encore dans un délai maximal de trois ans.
C'est une approche qui semble très intéressante de prime abord et
dont nous aurons l'occasion de discuter durant les jours qui viennent.
Deuxièmement, on nous dit: Faites cet étalage de
l'âge maximal de la retraite par tranches, une année à la
fois. Le rapport du Sénat canadien avait proposé ça.
Remarquez que lorsqu'on élimine l'âge obligatoire, qui est 65 ans
actuellement, au cours de la première année, il y a une tranche
qui va profiter de cette nouvelle possibilité. La deuxième
année, ceux qui à 65 ans ont décidé de continuer
auront 66 ans et pourront continuer.
En somme, quand on examine de près les répercussions des
deux approches, ça revient pas mal au même. Il est bien sûr
qu'à partir du moment où un employeur ne peut plus invoquer
l'âge pour une mise à pied, il est clair que les
évaluations du personnel devront être drôlement plus
rigoureuses qu'elles ne l'ont été, que ce soit dans les secteurs
public et parapublic ou dans le secteur privé. Bien souvent l'employeur,
vis-à-vis d'un employé d'un certain âge, se donne plus ou
moins la peine de faire une évaluation sérieuse du rendement du
travail et escompte qu'à 65 ans, le jour de l'anniversaire va venir
régler son problème, en ce sens que la personne devra
automatiquement partir. Il est évident que les méthodes
d'évaluation du personnel devront être raffinées, qu'on
devra les faire avec beaucoup plus de rigueur qu'autrefois.
Finalement, M. le Président, deux mots sur le Régime de
rentes du Québec. Il est bien clair que la cotisation actuelle
bipartite, bilatérale, 1,8% employeur, 1,8% employé, sur toute
cotisation qui remonte à 1965-1966 - doit être modifiée.
D'autre part, ce n'est certainement pas le temps ou l'endroit pour sortir un
chiffre; il est clair que le taux devra être modifié à la
hausse. C'est pour ça, je le répète encore une fois, que
ce projet de loi qui abolit l'âge obligatoire de la retraite n'est qu'une
première étape vers toute une série de changements que
nous devrons apporter aux différents régimes de rentes, y compris
au régime de rentes public du Québec. (11 heures)
C'est vrai que certaines provinces ajoutent un supplément de
pension aux personnes âgées de 65 ans et plus. Nous, nous
préférons ajouter des services, que ce soit l'allocation de
logement que nous nous sommes engagés à étendre
éventuellement aux 55 ans et plus, que ce soit par la gratuité
des transports ambulanciers ou des médicaments, il y a
différentes façons de soulager le fardeau financier des personnes
âgées; une façon, c'est par la dispensation de
chèques de pension de vieillesse et une autre, c'est aussi par la
gratuité de certains services.
Alors, M. le Président, nous abordons la
commission avec beaucoup d'ouverture d'esprit, comme le notait la
députée de L'Acadie, et je suis convaincu que toutes ces
discussions auront pour effet de bonifier ce projet de loi qui sera
évidemment rédigé de nouveau, lorsque les travaux de la
commission seront terminés.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais simplement demander au ministre
combien il y a d'États aux Etats-Unis - je n'ai pas la donnée -
qui ont mis en application le principe général de l'abolition de
l'âge de la retraite.
M. Lazure: Tous les États.
Mme Lavoie-Roux: Tous les États?
M. Lazure: Tous les États.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez des données? Cela
fait combien d'années?
M. Lazure: La loi a été adoptée en 1978.
Mme Lavoie-Roux: Cela ne fait pas très longtemps. Est-ce
qu'il y a quand même des données pour les différents
États?
M. Lazure: Non. Nous n'avons pas de données État
par État, nous avons essayé d'en avoir, mais il n'y en a pas
actuellement de disponibles. Les données que nous avons sont partielles,
elles viennent du gouvernement fédéral,' de Washington, et
touchent un peu la fonction publique, certains secteurs privés aussi.
Dans leur projet de loi, ils avaient prévu l'obligation qu'a le
gouvernement fédéral de produire des recherches sur les
répercussions de cette loi, mais ces recherches ne sont pas encore
produites, malheureusement. Une des raisons, c'est justement que,
là-bas, on a laissé aux parties, employeurs et employés,
le temps de s'entendre sur les ajustements à faire aux différents
régimes supplémentaires de retraite, c'est ce que j'expliquais
tantôt, et dans certains cas, la durée maximale était de
trois ans, dans d'autres, cela vient à peine de se faire. Alors, il n'y
a pas de données systématiques, ni pour l'ensemble du pays, ni
État par État.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que le ministre a des données
actuarielles qui ont été faites ailleurs, à savoir quelle
influence cette modification a sur les données actuarielles? Est-ce que
le problème est aussi compliqué que les gens...
M. Lazure: La réponse est non. Il n'y a pas de
données actuarielles, parce qu'on ne peut, à l'avance,
présumer comment...
Mme Lavoie-Roux: Non, mais par rapport aux États-Unis?
M. Lazure: Par rapport aux États-Unis, non. Tout ce que
nous savons, essentiellement, dans les données parcellaires que nous
avons eues de la part des fonctionnaires du ministère du Travail, aux
États-Unis, ceux qui administrent cette loi, c'est que, selon ces
données fragmentaires, ça ne touche pas un grand nombre de
personnes. Il ne faut pas oublier que, dans la fonction publique
américaine, on avait déjà, depuis 1967, augmenté
l'âge obligatoire de la retraite de 65 ans à 70 ans. Les
fonctionnaires, depuis déjà plusieurs années aux
États-Unis, pouvaient attendre jusqu'à 70 ans pour être
obligés de se retirer. Aujourd'hui, il n'y a aucune limite, alors
qu'elle a été portée à 70 ans dans le secteur
privé.
Il n'y a pas eu de répercussions importantes, si on parle du
nombre de personnes âgées qui ont continué à
travailler. Ce qu'on a constaté, c'est que là où les
personnes continuaient à travailler, c'était surtout parce que si
elles arrêtaient, leur revenu de retraite aurait été
insuffisant. Donc, c'est surtout chez les personnes ayant un bas salaire ou un
mauvais régime supplémentaire de rentes.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question, M. le
Président. Est-ce que la Régie des rentes du Québec, -
parce que là, ça touche quand même le gouvernement - a fait
des projections sur les coûts? Est-ce que le gouvernement a fait des
projections sur le nombre de personnes qui pourraient être
touchées dans la fonction publique et parapublique? Avant de se lancer
dans un projet de loi, j'ai l'impression que ce qui touche
particulièrement le gouvernement -laissons de côté
l'entreprise privée - a dû être examiné.
M. Lazure: M. le Président, il n'y a pas de
répercussions sur les coûts, même avec une valorisation de
la rente. Autrement dit, si la personne arrivée à 65 ans, au lieu
de prendre sa retraite comme c'est le cas actuellement, décide de
continuer à travailler trois ans, jusqu'à 68 ans à
supposer qu'en se retirant à 65 ans elle retire une rente - je donne un
chiffre arbitraire - de 10 000 $ par année, à partir de 65 ans
jusqu'à sa mort - de façon actuarielle, à partir de 65
ans, l'espérance de vie est à peu près de douze ou treize
ans - donc, pendant douze ou treize ans, elle recevrait ses 10 000 $ par
année. Si la personne travaille trois ans de plus, elle va donc retirer
sa pension trois
ans de moins. C'est pour cela qu'on parle d'une valorisation de la rente
en escomptant que, durant la période d'espérance de vie qui
serait de neuf ans au lieu de douze ans, la personne recevrait un peu plus
chaque année pour arriver au même total, le total de 10 000 $
multiplié par douze. Il n'y a pas véritablement de coût
pour la rente elle-même. Pour les bénéfices marginaux, pour
les avantages sociaux, il peut y avoir un certain coût à ce
moment, mais la règle que nous préconisons, toujours dans
l'optique d'une non-discrimination, c'est que la règle du jeu pour les
avantages sociaux s'applique tout autant à l'employé de 66 ans
qu'à l'employé de 46 ans. C'est par le jeu des
négociations qu'employeurs et employés pourront s'entendre sur
l'inclusion d'avantages sociaux.
Mme Lavoie-Roux: Le ministre avait dit lors de son discours en
troisième lecture que les gens pourraient avoir le choix soit de retirer
leur rente du Québec à 65 ans ou soit de la laisser se valoriser,
si je peux utiliser l'expression, en continuant de verser, eux-mêmes et
l'employeur, au fonds de la Régie des rentes du Québec. Est-ce
que les deux options sont encore ouvertes?
M. Lazure: Oui. C'est pour cela que j'ai dit dans mes remarques
que nous allons modifier les articles 4 et 5 qui, à toutes fins utiles,
étaient des articles transitoires. Ce que nous entendons faire, c'est
laisser le choix à la personne ou bien de tout retirer à 65 ans
en continuant de travailler et en ne cotisant pas - ce sera possible - ou de
continuer, donc à cotiser et d'obtenir de cette façon une rente
différée qui aura une certaine valorisation. La valorisation
exacte, nous ne la connaissons pas encore; il faudra écouter tous les
points de vue durant ces journées de commission parlementaire. Il est
clair qu'en toute équité comme je l'expliquais tantôt,
à la personne qui continue à travailler jusqu'à 68 ans on
ne peut pas donner exactement la même pension mensuelle que si elle avait
arrêté à 65 ans, puisqu'elle va toucher la pension trois
ans de moins. Donc, il faut qu'il y ait une certaine valorisation.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci. L'ordre du jour comporte
neuf groupes que je vais énumérer dans l'ordre: d'abord, la
Fédération de l'âge d'or du Québec, l'Association de
bienfaisance et de retraite des policiers de la Communauté urbaine de
Montréal, le Comité assurances et pensions, l'Université
de Montréal, le Syndicat des professeurs de l'Université de
Montréal, l'Association des policiers provinciaux du Québec, le
Canadien Pacifique, le Centre de services sociaux Ville-Marie, enfin, le
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec.
Je dois rappeler tout simplement qu'autant que faire se peut, compte
tenu des groupes qui sont ici, nous allons essayer de maintenir la coutume lors
de la présentation des mémoires, qui comporte quand même
une période d'une heure par mémoire, dont vingt minutes pour la
présentation et quarante minutes pour les questions.
J'appelle donc immédiatement la Fédération de
l'âge d'or du Québec, représentée par Mme Gertrude
Boily, porte-parole. Si vous voulez prendre place au centre.
Mémoires Fédération de
l'âge d'or du Québec
Mme Boily (Gertrude): M. le Président de la commission, M.
le ministre Lazure, MM. les députés, mesdames et messieurs, je
vous dis à tous et chacun bonjour. Permettez-moi de me présenter,
Mme Gertrude Boily, présidente d'un club de l'âge d'or regroupant
au-delà de 600 membres, trésorière du Conseil
régional de l'âge d'or Saguenay-Lac-Saint-Jean,
représentante au conseil d'administration de la Fédération
de l'âge d'or du Québec; à gauche, M. Roger Duhamel,
vice-président des publications FADOQ, collaborateur et
bénévole à la Fédération de l'âge d'or
du Québec; à ma droite, M. Jean-Louis Marchand, directeur du
service au développement de la fédération et enfin,
à ma gauche, Mme Rita Cambron, agent au développement de la
fédération.
Il me fait plaisir de faire la lecture du mémoire de la
Fédération de l'âge d'or du Québec. Je m'en
réjouis d'autant plus que M. le ministre Lazure a touché beaucoup
au contenu de notre mémoire. Cela veut dire qu'il semble bon.
La Fédération de l'âge d'or du Québec
regroupe près de 150 000 citoyens québécois
retraités à travers ses 950 clubs regroupés en 16 conseils
régionaux. Elle est donc la plus importante organisation du
troisième âge et, à ce titre, elle s'intéresse,
depuis sa fondation, aux problèmes liés de près ou de loin
à la mise à la retraite d'un nombre ou d'un pourcentage toujours
plus grand de nos concitoyens.
Le fait de recruter nos membres parmi les personnes de 55 ans et plus
rend notre expérience particulièrement pertinente pour nous
prononcer sur la question de l'abolition de la retraite obligatoire à 65
ans. Déjà, en 1980, notre congrès adoptait la
résolution suivante: "Considérant le besoin de réduire au
minimum les possibilités de discrimination fondée sur
l'âge; "Considérant la prolongation de
l'espérance de vie bien au-delà de 65 ans;
"Considérant qu'un grand nombre de personnes de 65 ans sont aptes
à poursuivre avec succès une carrière ou un emploi
où elles sont devenues" des autorités ou des compétences
dans leur domaine; "Considérant que les énergies et les
compétences de chacun sont précieuses et qu'on ne peut se payer
le luxe de les gaspiller; "Considérant par ailleurs que certaines
catégories de travailleurs ont plus de difficultés à
poursuivre intégralement l'exercice de leur métier jusqu'à
65 ans; "La Fédération de l'âge d'or du Québec
recommande: "Qu'il y ait plus de souplesse et de flexibilité quant
à l'âge de la mise à la retraite; "Que le caractère
obligatoire de la mise à la retraite à l'âge de 65 ans soit
abandonné; "Que le travailleur qui connaît une défaillance
de santé puisse être autorisé, à partir de 60 ans,
à prendre une retraite calculée sur une base actuarielle; "Que,
par ailleurs, le travailleur en pleine possession de ses moyens et qui le
désire puisse continuer à travailler au-delà de 65 ans;
(11 h 15) "Que les ententes entre les gouvernements, les entreprises, les
syndicats, et les caisses de retraite publiques et privées interviennent
au plus tôt en vue d'établir de nouvelles règles flexibles
et souples de mise à la retraite qui respectent les droits et besoins
des individus.
Nous ne pouvons donc que nous réjouir que le gouvernement du
Québec s'apprête à corriger une injustice flagrante par son
projet de loi 15. Il est plus que temps qu'une forme de discrimination aussi
odieuse que la mise au rancart de personnes en raison de leur âge
cesse.
Notre analyse de la situation. On sait que le Québécois
qui prend sa retraite aujourd'hui possède encore une espérance de
vie moyenne de 16 ans. Il est certes convenable de penser qu'une partie de ces
années sera consacrée à une retraite méritée
et choisie. Il apparaît, par ailleurs, évident que les forcer
à passer autant d'années à l'écart du monde du
travail dans lequel on a acquis progressivement compétence et
savoir-faire heurte bon nombre de travailleurs. Pourquoi l'ouvrier,
l'employé de bureau, le professionnel salarié serait-il
condamné à la retraite obligatoire à 65 ans alors que
l'entrepreneur, le commerçant n'y sont pas forcés, que
sénateurs et évêques n'y sont contraints qu'à 75
ans?
Nous croyons fermement que l'âge biologique et physiologique est
tout à fait relatif et que seul l'âge fonctionnel doit être
considéré. Or, les recherches tentent à démontrer
qu'il n'y a pas de différence notable de la motivation d'un travailleur
selon qu'il soit plus ou moins vieux.
Ce que le travailleur âgé perd en rapidité il le
compense par un meilleur jugement et une meilleure connaissance de la
tâche à accomplir. On peut penser qu'en fin de compte cela
s'équilibre. De même, l'analyse des statistiques de la Commission
du travail du Québec, ventilées selon l'âge des
travailleurs impliqués, montre bien que la fréquence
proportionnelle des accidents et des maladies professionnelles diminue avec
l'âge des travailleurs. Selon le Dr Léon Koyl,
gériâtre de Toronto, seulement 10% des gens qui cessent de
travailler à 65 ans ont perdu de leur compétence et ils demeurent
tous encore capables de produire utilement.
Une étude du Conference Board of Canada arrive à la
conclusion qu'il ne s'agit pas d'une question de santé ou de
capacité de travail, mais bien d'une question qui concerne plutôt
les droits de la personne: La question philosophique que nous devons nous poser
est de savoir si la retraite obligatoire fait partie intégrante des
conditions de l'emploi ou constitue, en fait, une violation des droits humains
fondamentaux et devrait donc être interdite. Un préretraité
caractérisait récemment cette situation avec raison, en disant
qu'il s'agit d'une source d'aliénation, une dénégation de
droit et un gaspillage éhonté de nos ressources humaines.
D'ailleurs, un sondage Gallup, réalisé au début de
1980, montre qu'un nombre de plus en plus grand de Canadiens estiment
qu'obliger les gens à prendre leur retraite à 65 ans n'est pas
une bonne idée. En 1966, seulement 47% des Canadiens étaient
opposés à la retraite obligatoire contre 49% de gens favorables.
En 1977, 52% des citoyens étaient contre la retraite obligatoire; ce
pourcentage monte à 59% en 1980. De 1966 à 1980, le nombre de
gens favorables à la retraite obligatoire à 65 ans a fondu de 49
à 35%. Le message est clair.
Dans les faits, nous savons par diverses études que l'abolition
de la retraite obligatoire à 65 ans ne donnera pas lieu à des
changements considérables, du moins pour les travailleurs actuels de 55
ans et plus. L'étude du Conference Board of Canada évalue
à seulement 4% le nombre de ceux qui voudront conserver leur emploi
actuel après 65 ans. D'autres recherches démontrent que les
travailleurs de professions inférieures tendent à se retirer plus
tôt que les employés des échelons supérieurs.
À titre d'exemple, les ouvriers qui languissent à un travail
ennuyeux et dénué de sens choisiront vraisemblablement la
retraite avec une fréquence supérieure à celle des
ouvriers satisfaits. Les véritables problèmes sont en
vérité ailleurs: l'instabilité ou la perte d'emploi avant
d'atteindre 65 ans, l'insécurité quant au revenu à la
retraite et l'absence
d'adaptation du milieu de travail aux besoins du futur retraité.
Voyons tour à tour chacun de ces problèmes.
L'instabilité ou la perte d'emploi avant d'atteindre 65 ans.
L'industrie et les autres employeurs commencent à considérer un
travailleur comme "âgé" à 45 ans, 20 ans avant qu'il
atteigne l'âge actuel de la retraite obligatoire. C'est un fait reconnu
qu'un employé licencié à 50 ans ou plus éprouve des
difficultés quasi insurmontables à réintégrer le
marché du travail, à cause des préjugés contre
l'embauche d'employés d'un certain âge. Une étude de
l'Organisation internationale du travail précise en outre que la
durée moyenne de l'intervalle entre deux emplois, c'est-à-dire la
durée du chômage, est quatre fois supérieure pour les
travailleurs de plus de 45 ans à celle constatée pour ceux de
moins de 20 ans. L'existence de législation interdisant la
discrimination à l'égard de l'âge dans l'embauche ne semble
pas avoir un impact suffisant; peut-être faudra-il un jour, par
discrimination positive, exiger des entreprises de 500 travailleurs et plus
qu'elles aient à leur service un certain pourcentage de travailleurs
"âgés" ordinairement discriminés. Il est certain que la
crise économique actuelle, qui entraîne nombre de licenciements
dans tous les secteurs, s'accompagnera d'une difficulté
supplémentaire en raison de la concurrence acharnée qu'elle
crée pour les travailleurs de 45 ans et plus de se retrouver en emploi.
b) L'insécurité quant au revenu à la retraite. Il est
évident que la décision d'opter pour une retraite
anticipée ou pour un maintien en emploi après 65 ans repose pour
beaucoup sur la capacité de tout travailleur de s'assurer un revenu de
retraite suffisant. Une recherche faite en 1976 pour le Conseil des sciences du
Canada démontre qu'une pension constituée de 60% du salaire de
fin d'emploi se réduirait à 26% en 10 ans, si elle était
rongée par un taux d'inflation annuel de 8%. Comme nous le savons tous,
le taux d'inflation se situe actuellement autour de 11% et des indices
sérieux donnent à penser qu'il pourrait faire un saut important
au cours des prochaines années. Or, si la législation permet et
encourage la retraite anticipée, il est par ailleurs certain que
l'âge à partir duquel un revenu de retraite continuera
d'être versé se maintiendra, lui, à 65 ans. Or, seules les
rentes publiques sont indexées et permettent aux retraités
d'affronter l'inflation. La gestion actuelle des régimes privés
de retraite offre un rendement souvent aléatoire; il y a donc lieu
d'espérer qu'ils puissent être intégrés au
régime public, si le gouvernement tient véritablement à
rendre possible la retraite facultative anticipée. Signalons que de
nombreux travailleurs "âgés" sont actuellement lourdement
pénalisés lorsqu'ils perdent leur emploi avant d'atteindre 65
ans, parce que, en dépit de leurs 20, 25 ou 30 ans de service
auprès d'un employeur, leur régime de retraite demeure non
transférable ou non transformable en rente immédiate. Par
ailleurs, dans les cas où ils peuvent jouir d'une rente immédiate
souvent fort limitée, cette situation les prive de leur droit au soutien
de l'assurance-chômage ou de l'aide sociale. c) L'absence d'adaptation du
milieu de travail aux besoins du futur retraité. Un autre
phénomène important est l'absence d'aménagement des
milieux de travail, ce que le gériatre Jacques Carette appelle une
"politique d'emploi du troisième âge": "Il faudrait d'abord
aménager les postes de travail, à mesure que les titulaires
vieillissent, l'avance en âge n'étant pas seulement un
déclin possible, inévitable, mais pouvant être aussi une
croissance continue, un épanouissement progressif. Il faudrait aussi
favoriser une mobilité de poste à poste, notamment par des
mesures de formation professionnelle, en ne réservant pas les avantages
de cette dernière aux seules classes d'âge plus jeunes. "Cette
remise en question des postes de travail, des cadences, des horaires, de leur
évolution et de leur répartition tout au long de la vie
professionnelle devrait être permanente et associer obligatoirement tous
les intéressés." Pour beaucoup de travailleurs âgées
interviewés, une retraite facultative passerait de
préférence par l'occupation d'un travail à temps partiel
leur permettant d'accroître leur revenu de retraite, de garder un pied
dans le monde du travail et d'organiser adéquatement leur temps de
loisir. Car l'un des plus grands traumatismes sociaux actuels demeure le
passage brutal de l'univers du travail à celui de la retraite, sans
préparation aucune. Déjà, en 1979, par exemple, le rapport
Croll recommandait que "les employeurs élaborent des programmes de
retraite échelonnés, assortis de congés annuels plus
longs, de semaines de travail plus courtes, pour les employés qui
approchent de l'âge de la retraite". C'est dans ce sens qu'il faut aller,
en impliquant dans ces réformes des pratiques actuelles les premiers
concernés, les préretraités et leurs organisations
syndicales, là où il y en existe.
Les aspects légaux. Huit des dix provinces canadiennes
interdisent la discrimination fondée sur l'âge. La Commission des
droits de la personne et le gouvernement du Québec se sont rendu compte
que nous ne pouvions rester indifférents à cette forme certaine
de discrimination. Déjà, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick ont
des lois qui protègent les citoyens contre une retraite
prématurée et la tendance actuelle est à l'extension de
telles législations tant en Amérique du Nord qu'en Europe. Le
projet de loi 15 va dans ce
sens. Pourquoi ne pas permettre, par exemple, de convertir les anciennes
"banques" de congés maladie en congés de préretraite?
Pourquoi ne pas concevoir dès maintenant des cours ou des
activités de préparation à la retraite?
La loi devrait donc prévoir des modalités de
préretraite à compter de 55 ans, après 20 de services
continus pour un même employeur ou 30 années de travail
accumulées; la retraite facultative devrait devenir possible à 60
ans avec un ajustement actuariel des prestations du Régime de rentes du
Québec et le droit de convertir dès lors en rente à
versement invariable tout régime enregistré
d'épargne-retraite ou régime privé supplémentaire;
à 65 ans, s'ajouteraient des prestations actuelles (indexées)
alors que l'âge obligatoire de la retraite serait aboli ou reporté
à un âge plus avancé: 70 ans, demi-retraite; 75 ans,
retraite complète.
Voilà donc la position raisonnable et juste que la
Fédération de l'âge d'or du Québec est venue
défendre aujourd'hui pour que la retraite facultative et progressive
devienne un droit et un fait dans notre société.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux remercier Mme Boily et
ses collègues de la fédération pour nous avoir
présenté un mémoire d'une très haute
qualité; on n'attendait pas moins de la FADOQ. Il est tout à fait
dans l'ordre que le premier groupe à se faire entendre soit la
Fédération de l'âge d'or du Québec. Je dois dire
évidemment que je suis en accord avec les recommandations qui sont
énumérées tout de suite en page 1 du mémoire;
cependant, j'ai quelques questions. Je vous avoue que votre proposition de
procéder à une discrimination positive vis-à-vis des
personnes âgées en créant des postes qui seraient
obligatoirement détenus par des personnes âgées, c'est une
chose qui m'intéresse au plus haut point. Le gouvernement tente de faire
la même chose actuellement pour les personnes handicapées, par
exemple. Est-ce que vous avez des façons bien concrètes? Comment
pourriez-vous nous proposer de procéder pour une telle chose? (11 h
30)
Mme Boily: Pour les personnes âgées, comme le disait
le mémoire, il pourrait y avoir du travail à temps partiel;
ça ne veut pas dire que la personne âgée pourrait
être employée 40 heures par semaine. Souvent, il y a des petits
travaux qui pourraient fort bien se faire par le retraité, mais qui sont
faits par d'autres. Chez nous, je pourrais vous citer des exemples; entre
autres, il y a des gens qui ont pris leur retraite, qui se sont bien
embêtés. Souvent, ces gens tombent malades parce qu'ils se sentent
en dessous du seuil... Prenons l'employé d'usine qui prend sa retraite,
il ne retire pas tout son salaire, il est coupé de la moitié et
plus. Comment pensez-vous que cet homme puisse prendre sa retraite heureux? Il
s'en va chez lui et il dit: II faut que je me cherche autre chose. Heureux sont
ceux qui en trouvent.
C'est ça qu'on dit dans le mémoire: les retraités
pourraient fort bien, comme les handicapés, travailler.
M. Lazure: Vous avez raison d'insister sur l'importance de
créer des postes à temps partiel.
Mme Boily: Oui.
M. Lazure: C'est sûr que les deux mesures, que ce soit
l'abolition de l'âge obligatoire, que ce soit la retraite
anticipée, n'ont du sens que si la société fournit de plus
en plus d'emplois à temps partiel. C'est clair que la solution
idéale, c'est la mise à la retraite graduelle.
Deuxième point, M. le Président. Vous proposez aussi que
les congés de maladie accumulés en banque puissent être
utilisés pour une préretraite. C'est une chose qui se fait
déjà dans les secteurs public et parapublic, sur une assez haute
échelle. Il y a un bon nombre de fonctionnaires ou de gens de
l'éducation, des affaires sociales qui, effectivement, utilisent leurs
congés de maladie accumulés pour se donner une
préretraite. Ce que vous réclamez là, c'est surtout pour
le secteur privé, en somme. Quand on arrive au secteur privé, on
parle de régime supplémentaire de retraite et, en gros, ces 5000
régimes supplémentaires de retraite font l'objet d'une
négociation entre patrons et employés.
J'en profite pour faire une mise au point. Tantôt, je
répondais, à une question de la députée de
L'Acadie, qu'il n'y avait pas de coûts véritables découlant
d'une telle loi. Entendons-nous bien, il faut distinguer entre le Régime
de rentes du Québec, le régime public, le grand régime
public tel qu'on le connaît, et les 5000 régimes
supplémentaires, incluant les régimes supplémentaires
parapublics, éducation, fonctionnaires, affaires sociales.
Quand je dis qu'il n'y a pas de coûts, il n'y a pas de coûts
dans le Régime de rentes du Québec en ce sens qu'il n'est pas
affecté de façon notable par cette loi. Je l'ai dit dans mes
remarques tantôt, nous allons éventuellement procéder
à des modifications majeures du Régime de rentes du Québec
et là, il y aura des changements dans les coûts. Mais, dans les
régimes supplémentaires de rentes, il y aura un certain
coût négocié par le patron et l'employé. Ce
coût va varier selon la qualité de la convention collective,
si vous voulez. C'est un peu comme le coût des avantages sociaux,
des bénéfices marginaux, qui varie beaucoup d'une entreprise
à l'autre. À titre d'exemple, pour bien se situer, quand on parle
de 4%, comme le Conference Board l'a fait - dans mes remarques, je dis de 2%
à 4%; prenons le chiffre maximal, pour être prudent, pour
être conservateur, 4%. Comme il y a environ 40 000 personnes qui sont au
travail et qui arrivent à 65 ans chaque année, 4% de ces 40 000
qui ont leur 65e anniversaire, ça fait exactement 1600 personnes par
année. C'est pour ça qu'on dit que le nombre de personnes
affectées est relativement négligeable.
Si on évalue au maximum 1000 de ces 1600 personnes, parce que je
rejoins la question de la députée de L'Acadie à savoir
combien ça peut coûter à l'État et aux entreprises
privées, si on établit l'hypothèse que 1000 de ces 1600
personnes viendraient de la fonction publique ou parapublique -cette projection
a été faite par la CARR, la commission d'administration des
régimes de rentes - sur la base de 1000 qui dépasseraient 65 ans,
cela donne un coût d'environ 2 000 000 $ à l'État,à cause de sa contribution comme employeur pour les 330 000
personnes de la fonction publique et parapublique.
Maintenant, vous dites aussi, je reviens au mémoire de la FADOQ,
qu'il faudrait intégrer les régimes supplémentaires de
rentes, parce que leurs conditions sont plutôt mauvaises dans bien des
cas. Il faudrait les intégrer au régime public. Vous faites cette
suggestion à un moment donné, à la page 5, disant qu'il y
a donc lieu d'espérer qu'ils puissent être intégrés
au régime public si le gouvernement tient véritablement à
rendre possible la retraite facultative anticipée.
Dans le fond, ce n'est pas une question de dogme. Si les régimes
supplémentaires privés étaient bonifiés, s'ils
étaient comparables aux régimes supplémentaires du public
et du parapublic, probablement que vous ne feriez pas cette suggestion. Vous
dites: Dans bien des cas, les régimes supplémentaires, que ce
soit pour les gens des régions du Lac-Saint-Jean, du Saguenay, de
l'Abitibi ou de Montréal, ont des conditions qui laissent beaucoup
à désirer. On s'en aperçoit. On étudie
actuellement, puisque c'est un engagement que notre parti a pris durant la
campagne électorale, les modalités de rendre transférables
des fonds de retraite privés, les 5000 fonds de retraite
privés.
Comment les rendre transférables? Il ne s'agit pas seulement de
les rendre transférables, il faut les bonifier aussi, parce que les gens
qui ont investi dans un fonds privé, un régime
supplémentaire privé, sont très souvent astreints à
des conditions assez sévères, la règle de 45 ans et 10 ans
de travail, d'expérience, pour pouvoir toucher le régime
supplémentaire. Dans la plupart des pays d'Europe, on n'a pas une telle
règle. Au contraire, dans beaucoup de pays, il n'y a même pas de
délai minimal de durée d'emploi ou, s'il y en a, c'est un
délai d'un an ou de deux ans à la place de dix ans. Il n'y a pas
de règle quant à l'âge non plus pour toucher sa rente. S'il
y en a, c'est 30 ou 35 ans. Il y a énormément
d'amélioration à apporter à ces 5000 régimes
supplémentaires de rentes.
Je voudrais vous demander quand vous dites: Intégrons les
régimes supplémentaires au régime public, ce que vous
voulez dire exactement. Comment feriez-vous cela?
Mme Boily: Je vais donner la parole à M. Marchand pour
cette réponse.
M. Marchand (Jean-Louis): Évidemment, dans ce rapport,
vous remarquez qu'il y a quelques suggestions concrètes; vous en
relevez, il y en a d'autres d'ailleurs. Je suis sûr que vous allez les
lire et, nous l'espérons, les retenir. Cela nous paraissait comme le
moyen le plus sûr, en somme. Quand on dit: Ces régimes, il y a
moyen de faire en sorte que les employeurs les négocient avec les
syndicats, avec les employés, et qu'on y arrive par la
négociation. C'est une marche, c'est une façon d'y arriver.
Cependant, nous nous disons: Si cela ne fonctionne pas, il faudrait
peut-être songer à un moyen comme cela, comme, d'ailleurs,
lorsqu'on parle de demander à une industrie de conserver un pourcentage
de personnes de tel âge parmi l'ensemble de ces employés.
Évidemment, cette mesure sociale, est-ce possible de l'inclure
dans une loi? Justement, vous en êtes à ce stade de l'étude
de cette loi. Pour nous, cela nous paraît vraiment une proposition
concrète. Comme vous l'avez mentionné, avec les
handicapés, cela a eu du succès. Nous nous disons: Pourquoi pas
entrer dans le même... On sait bien qu'il va falloir y mettre le temps.
Comme je vous dis, madame, qui est présidente d'un club de 600
personnes, connaît très bien tous ces problèmes. Ils
existent, on les a vus dans nos 16 régions, ils sont des
problèmes réels, que vivent les gens qui arrivent à la
retraite et qui n'ont pas de régime de rente ou qui encore, s'ils ont
quitté, leur régime n'étant pas transféré,
en somme, sortent avec rien. On se dit: Dans l'avenir, quel moyen y aurait-il?
On se dit: C'est sûr que, s'il y avait intégration, ce serait le
moyen le plus sûr. Cette proposition va dans ce sens. Je ne sais pas si
je réponds à votre question. M. Duhamel, voulez-vous ajouter
quelque chose?
M. Duhamel (Roger): M. le Président, j'ai
été très frappé quand le ministre a dit
tantôt qu'il s'agissait de la première étape d'une
législation sociale d'ensemble qui vise des buts plus étendus. Si
j'ai bien compris le projet de loi 15 actuel, il vise d'abord à
établir une certaine orientation. Le fond de notre mémoire, ainsi
que le fond des remarques préliminaires que vous avez faites, de
même que le fond des remarques de la députée de L'Acadie,
c'est que le principe philosophique, si l'on veut, mais surtout social et
psychologique qui nous importe, c'est le respect de la liberté du
travailleur, à quelque âge qu'il soit rendu, de continuer à
travailler ou de cesser préalablement si, pour des raisons personnelles
que nous n'avons pas à juger, il estime qu'il est temps pour lui de se
garer des voitures. Ce sont ces principes que nous avons en vue. Au surplus, du
fait d'une expérience concrète qui est celle de la
fédération, nous avons voulu -comment dirais-je, le mot
paraît péjoratif -ramasser quelques fruits d'une expérience
quotidienne qui seraient comme des amorces et des indices pour une
réglementation éventuelle qui dépendrait de la loi ou
d'une autre législation. Là, nous n'entrons pas dans la technique
législative ou juridique. Il y a aussi beaucoup de problèmes
techniques de nature actuarielle qui, évidemment, dépassent
infiniment notre compétence personnelle, mais tout simplement ce que
nous avons voulu respectueusement soumettre aux autorités, c'est la
tendance, c'est l'orientation que nous souhaitons. En effet, bien avant - ceci
n'est pas la première fois que nous le réclamons - que le
gouvernement ait lancé ce projet de loi, notre fédération
avait adopté des résolutions à ses différents
congrès en espérant en arriver là. Je ne vous cache pas
que, probablement, le précédent américain de 1978, auquel
vous avez fait allusion avec beaucoup de pertinence, a peut-être
été un trébuchet qui, à notre esprit, nous a
entraînés à nous orienter dans ce sens. Je cherche
simplement à cerner l'état d'esprit qui nous anime en venant
devant vous ce matin, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier la FADOQ de son
mémoire. Je suis contente de la dernière mise au point de M.
Duhamel. Je pense que tous et chacun ici peuvent développer
l'argumentation sur le bien-fondé du principe de l'abolition de
l'âge de la retraite pour tenir compte - on l'a développé
tour à tour - des diversités individuelles, de la motivation ou
des aspirations de chacun, etc. Ce qui m'a frappé dans votre
mémoire, c'est qu'il met bien plus l'accent, à mon point de vue,
sur les problèmes que vous avez sentis et que vous avez vraiment
identifiés en a, b, c; l'instabilité ou la perte d'emploi. Vous
avez dit combien vous êtes préoccupés que
déjà, à 40 ou 45 ans, on peut être
considéré comme non employable; ensuite,
l'insécurité quant au revenu, qui semble être la motivation
principale des gens qui veulent continuer un travail, l'insuffisance des
revenus. Là-dessus, si on me permet une digression, le ministre est
revenu tout à l'heure en disant: Nous autres, nous
préférons donner sous forme de gratuité des services aux
personnes âgées plutôt que de donner un supplément de
revenu, comme on l'a fait dans d'autres provinces. Je voudrais lui faire
remarquer que, dans bien d'autres provinces, il y a aussi la gratuité de
services identiques - j'ai donné le cas de Logirente - et que,
même dans le cas de la gratuité des médicaments, le
gouvernement du Québec commence actuellement à soustraire des
médicaments à cette gratuité. Il en a retiré de la
liste des médicaments gratuits et même cela est assez
éphémère. Il semblerait que la motivation principale,
c'est vraiment de s'assurer une retraite plus confortable, tout en gardant
comme intérêt, de permettre la transition entre la retraite
complète. Dans le fond, cette modalité -c'est la question que je
voudrais vous poser -transitoire entre l'âge de la retraite,
c'est-à-dire entre la retraite complète et la retraite partielle,
est-ce que ces mesures pourraient, à votre point de vue, être
amorcées avant l'âge de 65 ans si, par exemple, on continue de
garder l'âge de la retraite à 65 ans? Ce sont des modalités
que vous déplorez ne pas exister même pour les gens qui arrivent
à 65 ans.
M. Marchand: Dans un premier temps, on a bien souligné
dans le mémoire que la difficulté commence à 45 ans;
déjà il y a un feu rouge, parce que le problème des gens
de 45 ans qui tombent en chômage est un problème extrêmement
aigu. On se demande si dans la législation sociale il n'y aurait pas
lieu de protéger ces gens de 45 à 65 ans qui peuvent être
dans des difficultés aussi fortes que ceux qui prennent leur retraite
à 65 ans. Je sais du projet de loi que quelqu'un ne pourrait pas
être mis à la retraite à 65 ans en raison de l'âge.
Il faudrait que la compagnie ou l'employeur prouve que ce n'est pas à
cause de l'âge que la personne va être renvoyée. Je pense
que c'est clair; j'ai retenu cela.
Vous avez actuellement beaucoup de cas où l'on renvoie des gens
de 50 ans pour en prendre de 35, et cela est un problème; on dit que ce
n'est pas rattaché directement au problème de la retraite
obligatoire, mais cela fait partie du problème, et c'est un des aspects
que la fédération a voulu vous souligner. Ce problème, il
faudrait l'envisager dans son ensemble en se disant, qu'il commence avant.
Lorsqu'on offre des cours de formation professionnelle, je le sais par
expérience parce que j'ai travaillé dans ce
domaine avant de prendre ma retraite, on dit: En bas de 40 ans on ne
donne pas de cours. Nous l'avons vécu, c'est une discrimination
même. Je ne sais pas si la loi que vous voulez mettre sur pied peut
entrer dans tout cela, mais on a voulu vous le souligner.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais vous demander si vous avez fait,
j'imagine que vous n'avez pas l'équipement pour faire une recherche
scientifique, certains sondages chez vos membres; s'ils avaient eu le choix de
pouvoir travailler après 65 ans, est-ce qu'ils l'auraient fait? Quelle
aurait été leur motivation première pour continuer de
travailler après 65 ans? Vous semblez dire que cela est une question de
revenu, mais il y a peut-être autre chose aussi. Est-ce que vous avez des
données qui, sans provenir d'une grande recherche, ont été
obtenues par sondage auprès de vos membres?
Mme Cambron (Rita): Je dois répondre, M. le
Président, que nous en tant qu'organisme bénévole on ne
dispose pas de beaucoup de personnel. Je ne pourrais pas vous donner de
chiffre. Ce que je peux vous dire, c'est que voilà deux ans, à
l'occasion de notre congrès, nous avons eu un atelier de travail qui
avait comme titre: Droit au travail, droit au repos. C'était justement
pour connaître l'avis de nos gens. Dans l'atelier, il y avait
sûrement 150 personnes. Avant que le congrès ait lieu, on sait
que, dans chacune des 16 régions, les gens se rencontrent et
étudient un peu les questions qui seront débattues dans les
ateliers.
Alors, on avait voulu amener les gens à réfléchir
là-dessus et à donner leur opinion. "Droit au repos", pour nous,
cela veut dire qu'une personne qui a 60 ans - on le mentionne dans notre
mémoire - à cause de son travail, sa santé peut-être
si diminuée qu'elle a de la difficulté à continuer.
Actuellement parce qu'elle ne peut toucher une pension de retraite qu'à
65 ans, elle continue à travailler en continuant à
détériorer sa santé.
On sait que dans certains pays d'Europe, à 50 ans, certaines
catégories de travailleurs - comme, en Belgique, les mineurs - touche
une prestation de retraite de façon, je ne dirais pas obligatoire, mais
certaine.
Ici au Canada, au Québec, il n'y a aucune catégorie de
personnes qui est privilégiée de recevoir une
sécurité de revenu avant l'âge de 65 ans même si l'on
est vraiment tout à fait diminué dans sa santé. Il n'y a
que le recours à l'invalidité, disons, de la Régie des
rentes ici, mais alors, il faut prouver toutes sortes de choses, qui des fois
sont assez difficiles à prouver. On avait parlé aussi du droit au
travail justement de catégories de personnes qui, à 65 ans, sont
en pleine forme, en pleine possession de leurs moyens, et ont acquis une
compétence et une expérience parfois irremplaçables. On
disait que c'est vraiment un gaspillage de ressources humaines et
d'énergie que de les mettre au rancart de façon obligatoire
à 65 ans.
Je voudrais continuer un peu. La grande raison aussi de vouloir
continuer à travailler, c'est l'insuffisance des revenus. Notre
mouvement regroupe des gens de 65, 70, 75 ans. Il y en a un certain nombre qui
n'ont même pas participé à la Régie des rentes; un
grand nombre de femmes n'ayant pas participé à la Régie
des rentes ne peuvent toucher que la sécurité de vieillesse du
gouvernement fédéral et le supplément de revenu garanti.
C'est vraiment insuffisant par les temps qui courent.
Concernant la retraite, il y a cet aspect de la sécurité
du revenu, mais il y a aussi une préparation psychologique qu'il faut
donner à la retraite. Cela m'amènerait peut-être à
parler de la banque des congés de maladie. Quant à la
préparation psychologique, il y a beaucoup de gens qui, à 65 ans,
devant une retraite obligatoire, sont tout à fait démunis, parce
qu'ils ne savent pas quoi faire. Sur le plan physique aussi, parce qu'ils n'ont
pas prévu quelles activités ils pourraient faire après la
retraite. Notre mouvement existe un peu dans le but de les aider. Je sais qu'en
Europe, il y a les caisses de retraite. Les gouvernements participent beaucoup
à la préparation à la retraite, à des sessions de
préparation à la retraite et les employés peuvent y
participer à partir de 55 ou 60 ans. Ils y participent pour apprendre
des choses, comment s'habituer à la retraite et c'est pris sur des
congés de maladie peut-être, des journées de congé.
Cela peut être la retraite graduelle. Ils font quatre jours par semaine
ou ils ont une période de vacances prolongée, cela leur permet de
consacrer des journées à se préparer à la retraite.
Les employeurs peuvent y participer et les caisses de retraite en France y
participent beaucoup avec des organismes un peu similaires aux
nôtres.
Mme Lavoie-Roux: Serait-il erroné de conclure que,
à votre avis, il y a élément de discrimination, on
s'entend tous là-dessus, on devrait l'éliminer si, par exemple,
on avait des formules beaucoup plus souples, comme il en existe en Suède
ou ailleurs, de préparation de mise à la retraite par du travail
à temps partiel, enfin, ce dont vous parlez vous-même, une
préparation psychologique, la participation, le recyclage de certaines
personnes pour pouvoir tranquillement sortir du marché du travail,
finalement, le problème de l'abolition de l'âge de la retraite qui
demeurerait, en fait, bon au niveau des principes, se poserait avec
beaucoup moins d'acuité alors que, du jour au lendemain, le fait
pour des gens de laisser leur travail - il y a eu des études faites en
médecine et ailleurs - je ne les ai peut-être pas avec moi, j'en
ai vu quelques-unes -particulièrement chez des hommes, cela a un effet
tout à fait néfaste, alors que chez les femmes la
récupération est plus facile.
Mme Cambron: Les femmes ne prennent jamais de retraite.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ce fameux problème d'un
âge de retraite se poserait d'une façon beaucoup moins aiguë
qu'aujourd'hui?
Mme Boily: Cela serait certainement un peu moins dur pour eux.
Mais il reste que vous savez ce qui arrive, c'est toujours l'homme qui va
sortir du marché du travail. Un an ou deux avant, il commence
déjà à être angoissé, parce qu'il sait que le
jour fatidique va arriver. C'est la coupure d'argent, souvent il n'est pas
autant en santé qu'à l'âge de 30 ans ou de 40 ans. Alors il
envisage tout cela, c'est ce que je disais au début, souvent ces
personnes-là sont désemparées.
Également, on dit que la femme n'a pas de retraite, c'est vrai,
mais aussi je veux parler de la femme de 60 ans qui est veuve. C'est
peut-être aussi un peu en rapport avec ce mémoire. Lorsqu'elle est
veuve, elle n'a rien de 60 à 65 ans; on a placé cela dans nos
résolutions de cette année. Il faudra aussi que notre
gouvernement se penche surtout sur ces cas, parce que je n'ai pas à vous
dire que dans nos clubs, il y a une moyenne de 7 femmes pour un homme. Que font
ces femmes qui sont seules dans la vie, désemparées? Alors, si
elles touchaient un revenu quelconque ou si, lorsque le mari
décède, la femme ne perdait pas tous les droits de son mari, je
pense qu'à ce moment-là on se ramasserait avec pas mal moins de
problèmes dans notre association. Ce n'est pas facile, je vous assure
qu'il faut y voir au point de vue humain. Je me réjouis personnellement
de notre mouvement qui aide grandement ces personnes, mais on voudrait
également que les gouvernements se penchent surtout sur le cas des
veuves qui n'ont pas encore la retraite et qui ont tout perdu qui n'ont rien de
60 à 65 ans, les femmes seules célibataires aussi. Lorsqu'elle se
retire du marché du travail, c'est sûr qu'à 60 ans une
femme qui a travaillé à la maison et à l'extérieur
est parfois pas mal épuisée. Alors, à 60 ans, qu'est-ce
qu'elle fait? Elle a recours au bien-être social du ministère.
C'est un peu là-dessus que nous, on se penche parce qu'on trouve
ça vraiment affreux de voir des personnes qui nous arrivent dans des
états aussi lamentables. La première condition, c'est toujours la
question d'argent. Elles sont en santé ou non, mais elles ont peur du
lendemain parce qu'elles ne savent pas ce qu'elles vont faire.
Mme Lavoie-Roux: Une toute dernière question. Est-ce que
le problème de la faiblesse des revenus ou de la pauvreté des
personnes de 65 ans et plus - on peut même mettre 50-50 pour bien des
femmes qui n'ont jamais été sur le marché du travail et 60
ans et plus - est souvent un obstacle à ce qu'elles puissent se joindre
aux activités des clubs de l'âge d'or? Leurs revenus sont
tellement faibles que c'est même difficile pour elles ou elles se sentent
un peu marginalisées. J'ai souvent eu cette impression en visitant des
clubs de l'âge d'or.
Mme Boily: Si vous me le permettez, Mme la députée,
oui, on a des personnes - je peux parler personnellement dans mon club -qui ne
sont pas capables même de payer leur contribution annuelle et qui ne
peuvent pas participer à nos nombreuses activités parce qu'elles
n'ont pas d'argent, une fois qu'elles se sont nourries, pas de la nourriture
extraordinaire, une nourriture bien humble, minimum et qu'elles se sont
ramassées dans un petit loyer, pour ne pas dire taudis, souventefois.
Ces personnes qui ont oeuvré toute leur vie, nous en aidons beaucoup,
c'est sûr, mais on ne peut pas, non plus, tout faire pour elles.
Par contre, chez nous, je sais que nos personnes âgées
démunies, comme on peut parler, notre club met franchement la force de
frappe pour elles. On essaie de les aider dans la mesure du possible pour
qu'elles puissent penser qu'elles sont égales aux autres, parce que ces
personnes se sentent inférieures aux autres. Elles sont
dévalorisées, elles ne sont pas capables de se permettre
ça. Pourquoi? Parce qu'elles n'ont pas l'argent nécessaire. Elles
sont très dévalorisées, pour ne pas dire
humiliées.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Fabre.
M. Leduc: Mes questions touchent la page 7 de votre
mémoire, les aspects légaux. Vous avancez, à titre de
suggestion, 75 ans comme âge de retraite complète.
Première question, est-ce que vous ne croyez pas
préférable de ne pas mentionner d'âge étant
donné qu'on veut précisément abolir l'âge de la
retraite?
Deuxième question, vous parlez à 70 ans de la
demi-retraite. Est-ce que c'est relié au travail à temps partiel,
au travail à demi-temps, dans votre esprit?
M. Marchand: II est évident qu'à 70 ans, c'est dans
le sens de la demi-retraite au travail partiel; à 75 ans, ça
deviendrait des cas d'exception. Le but, c'est de ne pas mettre de
barrière. Vous avez - je ne veux pas allonger - d'autres mémoires
qui vous sont parvenus où on vous fait la liste de tous les gens qui,
à 75 ans, ont fait des choses merveilleuses ou à 84 ans. Je ne
les nomme pas, vous allez le lire dans les mémoires. Il y a un
mémoire merveilleux qui vient d'une autre région et que je vous
invite à lire attentivement. Qu'est-ce que vous voulez? Vous avez un
exemple vivant: M. Tardif - je ne sais pas quel âge il a, on ne lui
demande plus - est venu ici il y a une semaine. Est-ce que ce n'est pas un
exemple vivant qu'à 78 ans on est quelqu'un et qu'on est capable de
faire quelque chose? C'est bien sûr que ce ne sont pas tous les gens qui
vont se rendre à 75 ans, mais j'aimerais bien m'y rendre, moi; je ne
sais pas si vous autres vous le voulez. (12 heures)
M. Duhamel: M. le Président, dans le même esprit,
pour répondre au député de Fabre, je vous avoue bien
franchement que, dans mon esprit du moins - et je parle personnellement - ces
chiffres me paraissent donnés à titre exemplaire et je ne me
ferais pas mettre sur le bûcher pour les défendre; c'est l'esprit
qu'ils appellent.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: J'aurais voulu poser une question à n'importe
qui dans votre groupe, une question capitale sur les transferts des pensions de
régimes privés. Le ministre a souligné qu'il y a 55% de
gens qui ne participent pas aux régimes privés.
Évidemment, les statistiques, aux États-Unis, démontrent
que la question des transferts -je ne connais pas les chiffres au Canada, mais
je suis sûr que ça doit être un peu comparable - c'est que
les femmes changent d'emploi en moyenne à tous les trois ans et les
hommes en moyenne à tous les quatre ou cinq ans. Donc, parce qu'elles
vont d'un travail à un autre, elles perdent le droit à leur
pension privée. En fait, vous mentionnez ce point dans votre
mémoire.
Il y a également la seconde question, celle des gens qui ont
contribué à un régime de retraite et qui meurent avant le
temps de la retraite, les veuves n'ont alors aucune pension.
Il me semble que c'est très beau de dire: On va tous travailler
indéfiniment, mais, s'il faut forcer les gens à travailler parce
qu'ils n'ont pas de revenu, c'est un peu un choix faussé, ce n'est pas
un libre choix.
Pour cette question de régimes privés, qui ne fonctionnent
pas en fait à leur capacité, à cause des transferts et
à cause de la mort prématurée de l'homme ou de la femme -
quel que soit le cas - est-ce que vous ne pensez pas qu'il aurait
été bon, dans cette loi, de consacrer cette comptabilité
de transferts ainsi que le transfert aux veuves? Je voudrais demander au
ministre ce qui empêche de faire ça en même temps, parce que
c'est un point capital. On peut dire: On va attendre une autre loi pour le
faire, mais, en fait, peut-être aurions-nous pu profiter de cette loi
pour rendre ces régimes privés beaucoup plus
transférables. Cela résoudrait une grosse partie du
problème que l'âge d'or présente ici.
M. Lazure: M. le Président, juste sur ce dernier point
très précis, nous travaillons depuis un certain temps sur un
projet qui va amener la transférabilité des plans de retraite
privés. C'est extrêmement complexe, pas seulement parce qu'il y a
5000 plans de retraite privés au Québec, mais surtout parce que
les conditions d'admissibilité à ces plans privés varient
beaucoup d'un plan à un autre. Instaurer un mécanisme de
transférabilité du jour au lendemain serait une extrême
déception pour tout le monde, si on ne faisait pas en sorte
d'améliorer les conditions d'admissibilité des plans de retraite
privés. En d'autres termes, les plans de retraite privés doivent
être modifiés. Je l'ai dit tantôt et je le
répète, actuellement, la règle habituelle c'est 45 ans et
10 ans de services. Nous pensons - surtout quand on regarde du
côté de l'Europe - que ce sont des conditions beaucoup trop
sévères; nous pensons que demander dix ans de services pour
être admissible au plan de retraite, c'est trop long. La plupart des pays
d'Europe n'ont pas de limite et, quand ils en ont, c'est un an ou deux. Nous
pensons aussi qu'il n'est pas nécessaire que l'employé ait
atteint 45 ans pour avoir le droit de transférer son fonds de
retraite.
M. le Président, nous avons envisagé d'inclure tout le
mécanisme de la transférabilité avec ce projet de loi,
mais, malheureusement, devant l'extrême complexité de
l'opération, nous devons remettre à une deuxième
étape la transférabilité.
M. Lincoln: Mais peut-être serait-ce important, M. le
ministre, de situer les principes, ici, en commission parlementaire, de se
mettre d'accord sur certains principes de base, parce que, si on pose ici le
geste de dire: On va retirer l'âge de la retraite obligatoire, mais si,
ensuite, on passe un, deux ou trois ans à réfléchir sur
les principes mêmes qui vont rendre la chose effective, en essayant de le
faire de façon que la retraite, à quelque âge qu'elle soit,
soit véritable, à ce moment, on a posé un geste presque
vide, parce que, si les gens
sont forcés de travailler pour vivre, cette loi deviendrait une
espèce de mythe.
M. Lazure: M. le Président, un autre commentaire. Parmi
les nombreuses choses à corriger dans les régimes
supplémentaires de rentes, à part ce que j'ai
énuméré, il y a une autre anomalie, à savoir que,
très souvent, l'employeur ne contribue pas au régime
supplémentaire de rentes, ou s'il contribue, sa participation n'est pas
connue. C'est une question d'équité sociale. Nous pensons que non
seulement il faudra identifier, comme c'est le cas actuellement, la cotisation
de l'employé, mais qu'il faudra aussi que la cotisation de l'employeur
soit bien identifiée. Elle ne l'est pas. C'est pour rejoindre ce que
vous appelez les principes de base. Il y a beaucoup de choses qui sont tout
à fait fondamentales et qui devront être modifiées avant
qu'on puisse parler d'une transférabilité qui soit vraiment
profitable pour les gens.
M. Lincoln: Ce que je veux vous dire, par exemple, c'est: Est-ce
qu'on pourrait penser à un genre d'échéancier? Si on se
réfère à l'expérience américaine, chez
ERISA, ils ont commencé justement par régler la question des
fonds de retraite privés. C'est cela la question clé parce que la
grande majorité des gens sont dans des sociétés
privées avec des régimes privés. Chez ERISA, ils ont
commencé à travailler là-dessus en 1974 et, en 1978, ils
ont réglé la question de l'âge. Ici, on fait le contraire.
On dit: Bon! On va ouvrir la question de l'âge, mais toutes les questions
fondamentales qui font que la retraite est valable ou non à l'âge
où la personne se retire ne sont pas réglées.
Peut-être que cela sera réglé dans un an, dans deux ans,
dans trois ans. Alors, peut-être qu'on va dire aux gens d'ici: Bon! On
met la retraite libre; vous pouvez vous retirer à 55, 60, 65 ou 70 ans,
mais, en fait, vous n'aurez pas d'argent avec cette retraite, tant qu'on n'aura
pas réglé le problème fondamental qui est celui de la
retraite elle-même, surtout dans les régimes privés. Alors,
est-ce qu'on a un genre d'échéancier, à savoir si on peut
dire que dans un an ou dans deux ans cela va se faire?
M. Lazure: M. le Président, je répète que
nous n'avons pas du tout l'intention de nous traîner les pieds. Nous
avons l'intention de procéder par étapes. Justement,
l'Opposition, comme certains groupes, au mois de mai, quand nous avons
déposé le projet de loi, nous a mis en garde contre la
précipitation. Alors, nous avons décidé de faire cette
consultation tout l'été et de la couronner par cette commission
parlementaire, la consultation sur l'abolition de l'âge obligatoire de la
retraite.
De la même manière, je ne pense pas qu'on doive nous
pousser dans le dos pour énoncer tout de suite le contenu d'un
deuxième projet qui viendra en son temps quand nous serons prêts,
mais ce n'est pas une question d'années. Nous avons l'intention de
revenir devant l'Assemblée nationale avec un autre projet de loi qui va
toucher la retraite anticipée, le travail à temps partiel, la
transférabilité des fonds de retraite.
Quant à la retraite anticipée, nous l'avons dit bien
clairement, c'est un engagement que nous allons respecter. Nous allons, dans un
premier temps, commencer par les employés qui ont une invalidité
partielle, 25%, soit par maladie ou par accident de travail, et fournir une
rente d'invalidité à 100%, même si l'invalidité
n'est que de 25%. Nous avons annoncé très exactement quelles
seraient les étapes et nous allons maintenir cet engagement.
M. le Président, une dernière remarque au sujet des
licenciements dont vous parlez à la page 6, je crois, ou plutôt
à la page 5, en haut de la page 5. Vous craignez à bon droit
qu'il y ait un plus grand nombre de licenciements de personnes qui arrivent
dans la cinquantaine à mesure que la situation économique devient
un peu plus difficile. Je veux simplement vous dire que l'expérience
américaine, avec la loi de 1978, a permis à un grand nombre de
personnes qui auraient été mises à pied, s'il n'y avait
pas eu cette loi, d'être protégées. Le ministère du
Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, chaque
fois qu'il a été saisi de congédiements, de licenciements
collectifs qui étaient en rapport avec l'âge, presque toujours a
tranché en faveur de l'employé et les employeurs ont dû
reprendre les employés. Nous avons la conviction que ce projet de loi,
une fois adopté, va protéger les personnes âgées
contre des licenciements.
Je veux aussi féliciter encore une fois Mme Boily et ses
collègues pour la qualité de leur mémoire.
Mme Boily: En terminant, je vous remercie, M. le
Président, au nom de mon groupe, ainsi que M. le ministre, Mme la
députée et MM. les députés, de nous avoir
écoutés religieusement lors de la présentation de notre
mémoire et nous espérons qu'il y aura des suites à tout
cela. Nous partons optimistes après la présentation de notre
mémoire. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, Mme Boily. Au nom de
tous les membres de la commission, je remercie la Fédération de
l'âge d'or du Québec.
J'appelle maintenant l'Association de bienfaisance et de retraite des
policiers de la Communauté urbaine de Montréal,
représentée par M. Jacques Perron.
Si vous voulez procéder à la lecture de
votre mémoire.
Association de bienfaisance et de retraite des
policiers de la CUM
M. Perron (Jacques): Avant de commencer, j'aimerais remercier la
commission de nous permettre de nous faire entendre et j'aimerais faire le
point sur l'encadrement administratif de l'Association de bienfaisance et de
retraite des policiers de la Communauté urbaine de Montréal.
L'association a été créée par une loi
privée, la loi 260, lui donnant comme mandat d'administrer deux
régimes de retraite, le régime de retraite des policiers de
Montréal et le régime de retraite des policiers de la
communauté.
Actuellement, on représente environ 4800 membres actifs et 1500
policiers retraités et veuves. Chez ces policiers actifs, l'âge
obligatoire de la retraite, dans notre régime, est de 60 ans. Il y a
environ 10% des policiers qui prennent leur retraite à l'âge
obligatoire. Il y a d'autres policiers qui aimeraient continuer à
travailler au-delà de l'âge obligatoire, mais il y a un refus
total de l'employeur de permettre à ces gens de continuer. Donc,
nécessairement, le projet de loi s'inscrit dans une orientation qui
était peut-être voulue ou non par l'ensemble des policiers mais
certes par un certain nombre de policiers.
D'autre part, pour moi, le projet de loi, c'est, j'espère, un
cataplasme de courte durée dans le cadre d'une législation
globale où, effectivement, les gens vont pouvoir avoir des revenus de
retraite bonifiés. D'ailleurs, la majorité de ceux qui voudraient
continuer chez nous à travailler au-delà de l'âge
obligatoire, c'est pour leur permettre d'avoir un revenu de retraite
décent. C'est particulièrement pour ça qu'ils veulent
continuer à travailler. C'est pour ça qu'en l'absence d'une
législation globale, je pense que ce projet de loi est quand même
le bienvenu. Il va au moins permettre à ceux qui n'ont pas assez du
revenu de la retraite de continuer à vivre d'une façon
décente.
Maintenant, ceci dit, le projet de loi fait en sorte que l'employeur
sera empêché de congédier un salarié à cause
de l'âge obligatoire de la retraite. Le projet de loi ne crée pas,
à toutes fins utiles, un droit au travail. Je m'excuse, je ne lis pas le
mémoire, est-ce que vous aimeriez mieux que je le lise?
M. Lazure: Non, non.
M. Perron (Jacques): Le projet de loi ne crée pas,
à toutes fins utiles, un droit au travail, il empêche l'employeur
de congédier quelqu'un à cause de l'âge obligatoire de la
retraite. Nous autres, on dit au gouvernement: Je pense qu'il y aurait lieu de
créer un droit au travail. On dit, à la page 4 du mémoire
que le projet de loi devrait édicter le droit pour tout salarié
de continuer son emploi après avoir atteint l'âge ou le nombre
d'années de service qui occasionnent sa mise à la retraite
obligatoire; il devrait créer une présomption en sa faveur que
tout congédiement, suspension ou mise à la retraite après
cette date l'est pour le seul motif d'âge ou d'années de service;
il imposerait à l'employer le fardeau de prouver que le
congédiement, la suspension ou la mise à la retraite a
été fait pour un autre motif jugé raisonnable. À
l'autre page on dit qu'il donnerait juridiction, en pareil cas, à un
commissaire nommé en vertu du Code du travail.
Je pense qu'à ce moment-là il y aurait un droit clair
créé pour les travailleurs, de pouvoir continuer au-delà
de l'âge obligatoire de la retraite.
Maintenant, M. le ministre, vous avez fait des remarques quant à
l'article 4, où il est stipulé qu'effectivement, les
employés et l'employeur, le cas échéant, continueraient
à contribuer à leur régime de retraite. Il est bien
entendu que, dans un régime à salaire final, où
effectivement, les employés peuvent accumuler jusqu'à un maximum
de crédits de rente, si les employés continuent à
contribuer au-delà de ce maximum, premièrement, il y a la loi qui
l'empêche, deuxièmement, cela ne ferait que permettre à
l'employeur de payer moins dans son régime de retraite. Je vous donne un
exemple. Si le maximum de crédits de rente stipulé dans le
régime, c'est 80% ou 70%, on peut prendre le chiffre et si
l'employé continue à contribuer, il va faire en sorte qu'à
ce moment-là, la quote-part que l'employeur doit mettre dans le
régime de retraite va être beaucoup moins grande, parce que c'est
l'employé qui va continuer à contribuer sans accumuler d'autres
bénéfices de crédits de rentes. Donc, je pense qu'il y a
là une injustice flagrante, particulièrement dans le cas des
policiers et dans le cas de tous les employés paragouvernementaux.
D'autre part, quand vous dites aussi: "L'employeur devra continuer
à contribuer, le cas échéant...", on se pose beaucoup de
questions. Qu'est-ce que ça veut dire "le cas échéant"?
Vous disiez de toute façon tout à l'heure qu'il y aurait des
modifications apportées à la loi. J'espère que ces
modifications vont être d'une clarté énorme afin
d'empêcher l'employeur de venir les contester en cour. Je ne voudrais pas
faire le procès de la communauté ici, ce n'est peut-être
pas la place, mais on sait que la communauté même conteste
l'article 501A du règlement des régimes supplémentaires de
rentes. Donc, à toutes fins utiles, je pense qu'il va falloir que ce
soit extrêmement clair.
À l'article 4, les modifications, c'est pour ne permettre
à aucun employeur de venir le contester. Dans ce sens-là, je
pense que, étant donné la diversité des régimes de
retraite, ça va devenir extrêmement compliqué et je
n'aimerais pas être à la place des légistes.
À l'article 5, quand vous dites qu'effectivement les prestations
vont devenir payables au moment effectif où l'employé va prendre
sa retraite, cela aussi, je pense que ça va faire que l'employeur va
bénéficier de ce retard-là de l'employé à
prendre sa retraite. Lorsque l'employé arrive à l'âge de 60
ans chez nous, il prend sa retraite. Il a tant de crédits de rentes. Je
vous donne un exemple. Disons qu'il s'accumule 100 000 $ qui devraient lui
être versés au cours de sa retraite. S'il ne prend sa retraite que
quatre ans après, au lieu de 100 000 $ qui devraient lui être
versés, il y en aura peut-être 70 000 $ qui lui seront
effectivement versés, ce qui fait que l'employeur va avoir 30 000 $ de
moins à payer dans le régime de retraite.
Le régime de retraite dit aussi chez nous "que l'employé
va payer 8% incluant le RRQ." Ceci fait que, s'il continue à contribuer
après 65 ans, étant donné que les cotisations au RRQ se
terminent à l'âge de 65 ans, la partie de cotisation du RRQ dans
ses 8% va entrer dans le régime, va être versée au
régime. Encore là, ça diminue l'apport de l'employeur.
Je pense qu'à toutes fins utiles il y aurait peut-être lieu
de laisser les parties négocier. Il existe actuellement des
régimes de retraite qui sont négociés, avec des ententes.
Il y aurait peut-être lieu que les avantages des régimes de
retraite continuent d'être négociés. D'autre part, à
un moment donné, lorsque le régime étatique de
l'assurance-maladie et de l'assurance-hospitalisation a été mis
sur pied, il y avait un article - de mémoire, je pense que
c'était l'article 13 - qui disait que, lorsque l'employeur contribuait
à un régime d'assurance-maladie privé, si, par la mise en
place du régime étatique, la quote-part de l'employeur au niveau
du régime d'assurance-maladie était plus élevée que
ce qu'il contribuait dans le régime privé, son obligation
devenait éteinte. Mais, d'autre part, si c'était moins
élevé, il fallait que l'employeur retourne, sous une forme ou
sous une autre, ces sommes au syndicat ou aux employés.
Je pense qu'il pourrait y avoir une clause omnibus dans la loi qui
couvrirait effectivement l'ensemble des bénéfices, quitte
à mettre une espèce de tribunal d'arbitrage qui ferait
qu'à un moment donné, en l'absence d'entente entre l'employeur,
l'administrateur et un groupe d'employés, ce tribunal viendrait trancher
la question.
Il y a aussi l'article 7 qui, à notre avis, est relativement
ambigu. On parle du moment où un employeur aurait donné un avis
de cessation d'emploi. Je pense que la mise en vigueur pratique du projet de
loi devrait être au moment du dépôt de ce projet de loi
à l'Assemblée nationale, ce qui ferait que cela ne laisserait pas
place à interprétation pour dire: Je lui ai envoyé un avis
de cessation d'emploi il y a longtemps. Un employeur envoie un avis de
cessation d'emploi aujourd'hui. Si le projet de loi est adopté dans un
an, à ce moment, cette personne ne pourra pas bénéficier
de l'abolition de l'âge obligatoire de la retraite. La mise en vigueur du
projet de loi devrait être rétroactive au moment du
dépôt du projet de loi. C'est l'intention du gouvernement de
légiférer, et dans cette intention, à ce moment, je pense
qu'on ne doit pénaliser personne par les dispositions contenues à
l'article 7.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Perron.
M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux remercier M. Perron,
ses confrères et consoeurs - puisqu'il y a des consoeurs maintenant - de
l'Association de bienfaisance...
M. Perron (Jacques): Je m'excuse, M. Lazure, il y a Michel
Benoît, qui est directeur administratif à l'association.
M. Lazure: C'est un mémoire qui, tout en étant
court, est extrêmement dense. Il y a surtout au plan technique plusieurs
suggestions bien pertinentes. Dans le premier point que vous avez
soulevé, vous souhaitez au fond qu'au lieu d'abolir cette discrimination
quant à l'âge on en fasse un droit à la continuation au
travail. Je ne pense pas que vous vouliez dire de façon aussi
générale un droit au travail, vous parlez du droit à la
continuation au travail. Si c'est cela, je ne vois pas d'objection du tout,
c'est sûrement l'esprit de notre projet de loi. Au fond, vous voulez une
formulation qui serait plus positive. Je retiens votre formulation, d'autant
plus que dans le texte de la loi - et là je pense que vous n'avez pas
saisi exactement la portée qu'on voulait y mettre - dans notre esprit,
c'est clair que le fardeau de la preuve sera sur l'employeur et non pas sur
l'employé. Donc, si nous, au départ, nous avons voulu que le
fardeau de la preuve soit sur l'employeur, à savoir de démontrer
que ce n'est pas à cause de l'âge qu'il a congédié
la personne, il va de soi que nous sommes d'accord pour appeler cela un droit.
C'est un droit nouveau à la continuation au travail.
Quant à l'article 4, je l'ai dit tantôt, nous allons le
modifier pour que tous les
employeurs - espérons, les 5000 employeurs, les 5000
régimes supplémentaires - le comprennent bien clairement.
Premièrement, nous voulons que soit dit clairement dans un nouvel
article que l'employé aura le choix, ou bien de toucher sa rente tout de
suite ou de continuer à investir, à cotiser et à toucher
une rente différée. Le principe du libre choix sera exactement et
clairement identifié. Deuxièmement, nous voulons nous aligner sur
les lois de l'impôt qui prévoient une limite à 71 ans, qui
prévoient que vous ne pouvez pas continuer de contribuer à un
plan de retraite après le dernier jour qui a
précédé votre 71e anniversaire. Donc, nous voulons
respecter ces lois des différents ministères du Revenu, du
Québec et du Canada. Nous voulons aussi respecter la règle du
maximum de 70%. Ces deux remarques devraient répondre à vos
souhaits quant à l'article 4 qui sera foncièrement
modifié.
Quant à l'article 5, nous allons le faire disparaître
carrément. Dans la formulation actuelle, il était non seulement
ambigu, mais il excluait, d'une certaine façon, la revalorisation des
régimes supplémentaires. Comme je l'ai dit dans mes remarques
préliminaires, nous avons l'intention de consacrer dans ce projet de loi
modifié le principe d'une revalorisation des régimes
supplémentaires de rentes.
Là où nos positions se rejoignent, votre association et
nous, c'est dans l'intention de laisser faire le libre jeu des
négociations. Je n'ai pas d'inquiétude, quant à moi, au
sujet des policiers; l'association de bienfaisance est appuyée par un
syndicat qui négocie d'excellentes conditions de travail.
Sérieusement, nous pensons - c'est un peu la position de notre
Régie des rentes -que les employeurs et les employés doivent non
seulement s'entendre sur les échelles de salaire, mais ils doivent
s'entendre aussi sur les avantages sociaux et les régimes
supplémentaires de rentes. Votre position est très proche de la
nôtre à ce sujet.
Quant à l'article 7.4, l'avis de cessation, nous convenons qu'il
est extrêmement difficile d'application et nous avons l'intention de
faire disparaître carrément cet article.
M. le Président, je n'ai pas d'autres commentaires pour le
moment. Je remercie, encore une fois, l'association de bienfaisance pour cet
excellent mémoire.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci à l'Association de bienfaisance et
de retraite des policiers de la Communauté urbaine de Montréal.
Je suis d'accord avec le ministre, vous êtes arrivés avec des
questions très précises. Il a commenté la majorité
de ces recommandations. Je suis heureuse de voir qu'il est prêt à
parler d'un droit plutôt que d'une interdiction à l'employeur d'un
droit au travail. D'ailleurs, il y aura pas mal de coordination à faire
avec la Charte des droits et libertés, la commission ayant
recommandé quelque chose d'analogue. Il n'y a pas de difficulté
majeure.
J'aurais deux questions plus précises à vous poser. Vous
parlez de la bonification des régimes de retraite. Est-ce que vous
pourriez nous dire si le régime de retraite, qui est applicable, par
exemple, dans le cas d'un policier de la Communauté urbaine de
Montréal qui prend sa retraite à l'âge prévu, a sa
pleine valeur? Est-ce que cela vous paraît suffisant face à
l'inflation? Est-ce que vos régimes de retraite sont indexés?
Où vous paraît le noeud du problème?
M. Perron (Jacques): Je vais essayer d'être le moins
complexe possible, parce qu'il y a quand même des régimes qui sont
relativement complexes à cause de l'intégration des forces
policières, en 1972. (12 h 30)
Le régime du policier qui a été engagé
après 1972 est assez complet, avec indexation des rentes. Maintenant,
à cause de l'intégration des forces policières en 1972, un
nouveau régime a été négocié et est
entré en vigueur le 1er janvier 1978. Mais il y a aussi tous les anciens
régimes qui existaient avant 1972 où cette partie n'a pas
été touchée, ce qui fait qu'il y a eu
nécessairement des dispositions transitoires entre les deux,' qu'il y a
plusieurs policiers en retraite actuellement - et qu'il y en a d'autres qui y
seront aussi. Nécessairement, quand on connaît des taux
d'inflation de 13% annuellement, ce n'est pas long qu'effectivement leur rente
est réellement grugée par l'inflation, ce qui fait qu'à
toutes fins utiles, dans sept ou huit ans, ils vont se retrouver tout
près du seuil de pauvreté, comme à peu près
l'ensemble de la population. Il y a des retraités d'avant 1972 qui sont
sous le seuil de pauvreté. Il y en a qui ont 4000 $ de rente.
Aujourd'hui, dans notre société, c'est une chose
inconcevable. Il y a nécessairement un coût à tout cela. Le
coût, je sais bien que, pour ce qui est des policiers, il a
été quand même partagé aussi par les policiers,
parce que c'est une caisse de retraite qui existe depuis 1892, c'est une caisse
de retraite où, effectivement, pendant nombre d'années, les
policiers ont cotisé seuls, ils ont cotisé jusqu'à 10% de
leur salaire, ce qui fait que la conscience d'avoir un revenu de retraite
différé est venue quand même assez tôt chez les
policiers. Or, il n'en demeure pas moins que l'ensemble de la population - le
ministre Lazure parlait tout à l'heure des statistiques - la
majorité des gens qui prenant leur retraite aujourd'hui peut vivre
pendant deux ou trois ans avec
une compensation moindre que le salaire qu'ils avaient avant la
retraite, mais au bout de trois ou quatre ans, le revenu réel
étant tellement diminué à cause de l'inflation, ils
tombent presque sur l'aide sociale. Nécessairement, pour ces gens qui
ont travaillé tout le temps de leur vie, avoir recours à l'aide
sociale, ils sont obligés de se piler sur le coeur pour faire cela,
parce que ce ne sont pas des gens faits pour retirer des prestations d'aide
sociale.
Mme Lavoie-Roux: Les problèmes sont aigus pour vos
retraités d'avant 1972, si je vous comprends bien?
M. Perron (Jacques): Même pour certains actuellement. Ceux
qui ont quitté avant aujourd'hui vont avoir de gros problèmes
financiers dans quatre ou cinq ans.
Mme Lavoie-Roux: Merci. Vous nous avez entendus parler tout
à l'heure - la FADOQ en a parlé, en particulier - des
problèmes que vivent les femmes, compte tenu - je ne sais pas si on peut
parler de la "transférabilité" à ce moment-là - de
la retraite ou de la partie de la retraite qu'elles ont après le
décès de leur conjoint. Pouvez-vous nous dire dans votre cas
comment s'applique ce transfert de la retraite du policier à son
épouse?
M. Perron (Jacques): En fait, la rente de retraite versée
dans le cas d'une veuve, c'est 50% de la rente accumulée par le
policier. Cette rente est quand même aussi intégrée
à la Régie des rentes du Québec, ce qui fait qu'au moins
la veuve retire 50% de la rente que le policier recevait au moment de son
décès.
Mme Lavoie-Roux: Je me suis laissé dire que, dans le cas,
je pense, des policiers de la Communauté urbaine de Montréal,
vous soustrayiez de la rente du policier le Régime de rentes du
Québec.
M. Perron (Jacques): Oui.
Mme Lavoie-Roux: À ce moment-là, ce n'est plus...
pour les deux intégrés, 50% pour les deux.
M. Perron (Jacques): Oui. Je pense que vous faites
référence à un article d'un journal qui est sorti
récemment. En fait, la rente que la veuve reçoit, c'est 50% des
crédits de rente que le policier s'était accumulés. On va
prendre un exemple concret pour bien imager les choses. Disons que le policier
a quitté avec 15 000 $ de rente. La rente que sa veuve va recevoir,
c'est 7500 $ incluant la rente que le RRQ lui verse. Si le RRQ lui verse 3000 $
de rente, à ce moment-là, nous autres, nous allons lui verser
4500 $ et le RRQ va lui verser 3000 $, ce qui va lui faire quand même
7500 $.
Mme Lavoie-Roux: Vous ne la pénalisez pas à cause
du Régime de rentes du Québec?
M. Perron (Jacques): Dans certains cas, il y a certaines
ambiguïtés qui existent dans notre régime et qu'on est en
train d'éclaircir. Étant donné que le policier paie 8%
dans le régime de retraite incluant le 1,8% jusqu'au MGA au niveau du
RRQ, à ce moment, lorsqu'il se retire, prend sa retraite, même
pour le policier lorsqu'il va arriver à l'âge de 65 ans, sa rente
va être intégrée avec le Régime de rentes du
Québec; par conséquent, nécessairement, la veuve aussi
lorsque le policier va décéder. II va y avoir intégration
des montants versés par le Régime de rentes du Québec.
Mme Lavoie-Roux: En tout cas, je pense que c'était un
point à voir. Pourquoi j'ai soulevé la question, M. le
Président? C'est que je pense que le ministre, qui parle de bonification
des régimes de rentes, enfin, d'occasion de revoir tous les
régimes de rentes, devrait aussi examiner si, dans le transfert aux
femmes du régime de retraite du conjoint, on s'assure bien que les gens
ne soient pas pénalisés. Ils y ont droit. Une veuve a droit
à quoi? À 50% du Régime de rentes du Québec de son
mari. 60%? Personne ne le sait. C'est amusant, mais je crois que c'est
ça.
M. Lazure: Litige. Le pourcentage exact, je vais vous le donner
tantôt.
Mme Lavoie-Roux: Admettons que ce soit 60%, cela n'a pas
tellement d'importance pour les fins de la discussion. Il semblerait que, dans
certains cas de retraites qui sont versées à la veuve, dans le
calcul, l'homme qui prend sa retraite a droit... Sa veuve à droit
à 50%. Mais, quand on calcule ces 50%, on soustrait les 60% qui viennent
du Régime de rentes du Québec. Ce qui fait, à mon point de
vue...
M. Lazure: M. le Président, encore une fois, distinguons
toujours le régime supplémentaire privé du Régime
de rentes du Québec. Ce sont vraiment deux choses tout à fait
différentes. Dans les régimes supplémentaires de rentes
comme celui des policiers, qui est un bon régime, ce sont des conditions
sujettes aux négociations employeurs-employés et nous sommes
d'avis qu'il faut maintenir ce mécanisme de la négociation tout
en modifiant éventuellement, je l'ai dit tantôt, les règles
du jeu telles qu'identifier la cotisation de l'employeur, ce qui n'est pas le
cas actuellement, et d'autres règles du jeu qu'il faudrait
établir. Mais,
essentiellement, puisque c'est laissé au jeu des
négociations, par définition, on aura une variété
de régimes supplémentaires.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Lazure: Les pourcentages de réversibilité -
c'est-à-dire, dans le jargon, ce qu'on appelle
réversibilité, c'est le pourcentage que la veuve va toucher -
dans la rente du policier, on a vu que c'était 50%. Mais il y a beaucoup
de régimes supplémentaires qui n'ont même pas de
réversibilité, où la veuve ne touchera rien ou très
peu. C'est pour les régimes supplémentaires. Pour le
Régime de rentes du Québec, il n'y a pas de coordination avec
tous les régimes privés. Il y a une coordination complète
entre le Régime de rentes du Québec et le régime de rentes
supplémentaires de la Fraternité des policiers. Mais, par
exemple, vous n'avez pas une coordination complète avec le régime
de rentes des fonctionnaires ou avec ce qu'on appelle le RREGOP, le gros
régime RREGOP qui touche au-delà de 200,000 personnes dans les
secteurs public et parapublic. Il n'y a pas de coordination complète
entre le régime supplémentaire qui s'appelle RREGOP ou
régime des fonctionnaires et le Régime de rentes du
Québec. Autrement dit, vous pouvez, comme ex-enseignant, toucher,
disons, 8000 $ de rentes par année, mais vous allez toucher en plus vos
1500 $ de rentes du Québec, Donc, il y a lieu de réviser - et
cela fait partie de ce que j'expliquais au tout début de la commission
ce matin, le travail de révision en profondeur que nous faisons sur tout
ce qui touche les rentes - il y a lieu d'établir des règles
claires quant à la coordination entre le régime de rentes public
et tous les régimes privés, quelle que soit la nature des
régimes privés. Il faut qu'il y ait une coordination beaucoup
plus claire que celle qui existe actuellement.
Mme Lavoie-Roux: Mais je soulevais le point, M. le
Président... En tout cas, que vous l'examiniez, c'est excellent, mais le
Régime de rentes du Québec ne fait pas partie des régimes
supplémentaires de rentes. C'est un régime qui est assumé
par le gouvernement, par l'employé et je trouve difficile qu'il entre en
ligne de compte. Par exemple, je suis d'accord quand l'entreprise privée
ou tout autre régime supplémentaire de rentes décide: Vous
aurez tel pourcentage de votre salaire, que ce soit sujet à la
négociation, mais je me pose des questions sérieuses quand on
fait intervenir le calcul du Régime de rentes du Québec dans ce
régime de rentes global, si on veut, pour venir dans certains cas
pénaliser les femmes, parce que, dans la majorité des cas, les
conjoints sont des femmes, mais elles n'ont pas travaillé...
M. Lazure: M. le Président, il faut dire que les maris de
ces femmes, de ces futures veuves, ce sont eux qui ont négocié
avec l'employeur cette coordination complète avec le Régime de
rentes du Québec. C'est une des caractéristiques de leur
régime de rentes, les policiers de la Communauté urbaine de
Montréal, que ce soit intégré à 100% au
Régime de rentes du Québec. Ce sont les policiers qui l'ont voulu
ainsi.
J'ai la réponse, si vous voulez, à votre question de
tantôt. Les veuves, les survivantes, quant au Régime de rentes du
Québec, c'est 60%, comme vous le disiez tantôt, à la
condition que la veuve elle-même n'ait pas participé au
régime de rentes, à condition qu'elle ne touche rien
elle-même. Si elle y a participé et si elle touche sa propre
rente, à ce moment-là, le pourcentage varie.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, Merci. Le Président (M.
Boucher): M. Perron.
M. Perron (Jacques): Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose
pour répondre aussi à votre question? En fait, les veuves ne sont
pas pénalisées par cela. C'est une entente qui est intervenue
entre deux parties, entre le syndicat et l'employeur pour dire que lorsque,
effectivement, l'épouse deviendra veuve, il y aura intégration de
la rente versée par le Régime de rentes du Québec, au
même titre que lorsqu'un policier est frappé d'invalidité
professionnelle il y a intégration de la rente versée par la
Commission des accidents du travail du Québec. C'est une entente. Les
parties ont convenu de cela. Donc, il n'y a aucune pénalisation.
Mme Lavoie-Roux: Sauf que dans certains cas les contributions au
Régime de rentes du Québec par le mari n'ont pas
été faites au moment où il était à l'emploi
du corps policier...
M. Perron (Jacques): Là...
Mme Lavoie-Roux: ... nécessairement, parce que vous savez
que votre âge de retraite est plus hâtif. Ils peuvent aller
travailler et acquérir... Ce ne sera plus le cas, maintenant que les
gens contribuent au Régime de rentes du Québec depuis X nombre
d'années, mais ce fut le cas au moment où le Régime de
rentes du Québec a débuté. À ce moment-là,
les gens n'y avaient pas contribué par leur travail à la
communauté urbaine, mais ils y ont contribué par un emploi
ultérieur qu'ils ont pris après avoir démissionné,
quelques années ou même totalement en dehors du travail des
policiers
de la communauté urbaine.
M. Perron (Jacques): Je suis d'accord avec vous. Dans ce sens, je
pense qu'il y a discrimination parce qu'il y a intégration du RRQ
effectivement là où le policier s'est accumulé cela
ailleurs; il aura travaillé pour un autre employeur ou c'est un autre
employeur qui a payé ou si le 1,8 est sa quote-part, et c'est lui qui
s'est payé aussi 1,8 mais pour un autre travail. Les règlements
chez nous étant ce qu'ils sont, c'est qu'à ce moment-là,
c'est écrit qu'effectivement c'est la rente payable par le RRQ pour ce
qui est de la veuve. Donc, à ce moment-là, il y a double
intégration, même que la veuve s'est accumulé un
régime de retraite, elle a payé du RRQ, et son RRQ effectivement
est intégrable dans son régime et est intégrable aussi
dans le nôtre. Actuellement, on tente de corriger ces anomalies et ces
erreurs de texte. (12 h 45)
Le Président (Boucher): Merci. Au nom de tous les membres
de la commission, je remercie M. Perron et M. Benoît pour la
présentation de leur mémoire, et j'inviterais
immédiatement à se faire entendre le Comité syndical des
assurances et pensions, représenté par M. Armand Brousseau. M.
Brousseau vous pouvez lire votre mémoire.
Comité syndical assurances et pensions
M. Brousseau (Armand): M. le ministre, messieurs, mesdames. Nous,
les ouvriers de la Canadian Steel, notre mémoire, on s'est mis ensemble
pour le rédiger. On voudrait que, tenant compte de la
responsabilité syndicale que nous avons, il y ait lieu de reporter
l'âge de la retraite et de la rendre volontaire, selon le vote que l'on a
passé dans l'usine. On veut avoir le retraité volontaire. Dans
l'usine, il y avait alors 750 employés, 462 ont voté pour rendre
l'âge de la retraite volontaire et 297 ont voté contre.
Dans notre mémoire, nous demandons l'âge de la retraite
volontaire à 55 ans pour tous ceux qui travaillent dans l'industrie
lourde, comme les fonderies, les mines ou les forêts. À 55 ans,
c'est par rapport à tous ceux qui sont atteints d'une maladie
professionnelle ou de surdité professionnelle comme dans les fonderies;
nous en avons plusieurs. Seulement à la CSF, nous en avons 108 cas
actuellement. C'est ce dont je m'occupe actuellement, les maladies
professionnelles.
Ensuite, les fonds privés de retraite existants devraient
être nationalisés et indexés au coût de la vie et
ainsi être ramenés sous le contrôle du gouvernement
québécois, ce qui freinerait la perte que subissent les
travailleurs, lorsque ces mêmes fonds privés font faillite. De
cette façon, le problème de la "transférabilité" -
qui existe aujourd'hui de toute façon - serait résolu et, en
même temps, ce serait un coup porté au chômage puisque les
investissements se feraient au Québec.
En ce qui concerne les travailleurs qui n'ont pas accumulé
suffisamment d'années avant leur retraite, il serait bon de leur
permettre de racheter des années à leur fonds de retraite, tout
comme on peut faire avec la Régie des rentes du Québec. Il va
sans dire qu'en nationalisant tous les fonds de pension privés, l'argent
ainsi récupéré serait investi au Québec;
actuellement les fonds de retraite qu'on a, tout l'argent est investi dans les
autres provinces et aux États-Unis. Hawker Siddeley, c'est une
multinationale avec 12 fonderies au Canada et tous les fonds de retraite sont
investis ailleurs.
Ensuite, en nationalisant les fonds de retraite, cela empêcherait
le vol des fonds de retraite des ouvriers. J'ai des noms, si vous voulez, ici,
de gens qui se sont fait voler leurs fonds de retraite, jusqu'à 28 ans
de fonds de retraite, d'ancienneté dans une compagnie. La compagnie pour
voler un fonds de retraite, elle s'y prend légalement. C'est
légal selon la loi, mais ce n'est pas juste, quand même. Tout ce
qu'elle dit, c'est qu'on manque de travail. Alors, le type est mis à
pied. Parce qu'il ne veut pas être sur l'assurance-chômage, il s'en
va travailler ailleurs pour une couple d'années et, s'il manque de
travail encore à la même place, le type revient à la
même usine et il a perdu toute son ancienneté, ainsi que son fonds
de retraite. Il y a plusieurs types comme cela qui ont perdu jusqu'à 28
ans d'ancienneté. C'est pour cela qu'on demande au gouvernement de
nationaliser tous les fonds de retraite; de cette manière, on en perdra
beaucoup moins et un ouvrier pourrait avoir une pension indexée au
coût de la vie et il pourrait vivre beaucoup moins au seuil de la
pauvreté ou sur le bien-être social, parce que actuellement nous
détenons le championnat du bien-être social, ici au
Québec.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Brousseau. M. le
ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux remercier M. Brousseau
et ses compagnons et compagnes de travail d'avoir non seulement
présenté ce mémoire, mais aussi d'avoir discuté de
la question. Cela nous a paru un bel exemple de participation à la base
au niveau d'une usine dans la discussion d'un projet de loi. Souvent, les
mémoires que les commissions parlementaires entendent viennent surtout
d'organismes qui ont des permanences et qui ont des moyens assez
sophistiqués pour préparer de tels mémoires. Nous voyons
dans ce mémoire des idées très
généreuses qui ne sont pas toutes faciles d'application du
jour au lendemain. Pour ce qui est de la retraite anticipée, encore une
fois, nous voulons dans un premier temps, non pas à partir de 55 ans
comme vous le souhaiteriez, mais à partir de 60 ans quitte à
aller à 55 ans plus tard, dans un avenir prochain permettre la retraite
anticipée à des bonnes conditions et non pas aux conditions
actuelles que l'on connaît. L'employé qui aurait 25%
d'incapacité, que ce soit à cause d'un accident ou d'une maladie,
toucherait quand même non pas 25% d'une prestation d'invalidité,
mais 100%. Alors, c'est une modification qui est en voie de préparation
et cela va toucher, évidemment, des lieux de travail comme les
fonderies, les forêts, les mines où les postes sont difficiles
quant à la santé.
La deuxième suggestion que vous faites c'est de nationaliser les
fonds de retraite. Tantôt, j'ai donné des exemples de
règles du jeu qui devront être modifiées avant de rendre
les plans de retraite privés transférables. J'ai parlé de
la cotisation de l'employeur qui devrait être identifiée, j'ai
parlé du délai, du nombre d'années voulu pour qu'on soit
admissible, ce nombre d'années est trop élevé; j'ai
parlé de l'âge, qui est trop élevé aussi. Là,
vous nous parlez des investissements que font les entreprises avec les caisses
de retraite. Cela, c'est un problème très aigu. On s'en doute
souvent ou on le connaît par morceaux, par pièces, mais on n'a pas
vraiment un portrait exact de l'investissement de tous ces milliards de dollars
qui sont dans les caisses de fonds de retraite privés. On
soupçonne, comme vous le dites vous-même, qu'une bonne partie,
surtout dans le cas de multinationales dont la maison mère est aux
États-Unis, va aux États-Unis et, très souvent, en
Ontario.
Il est bien sûr que, sans dire que du jour au lendemain on va
nationaliser les 5000 régimes de rentes privés, on peut quand
même affirmer que, si on veut mettre de l'ordre dans les 5000
régimes de rentes supplémentaires, il va falloir confier à
un organisme gouvernemental la gestion, la coordination de tous ces
régimes supplémentaires de rentes. Ne serait-ce que pour assurer
la transférabilité, ça prend un organisme central. Est-ce
que cet organisme de coordination des 5000 régimes
supplémentaires de rentes devra aussi regarder de façon
très minutieuse quels investissements font les propriétaires de
ces entreprises?
Finalement, vous parlez de rachat. Les rachats sont difficiles, ils sont
chers. Il y a, dans un certain nombre de régimes supplémentaires,
surtout dans le secteur parapublic des affaires sociales et de
l'éducation, la possibilité de racheter des années. Mais
vous avez raison de dire que, dans beaucoup de régimes
supplémentaires privés d'entreprises, ce n'est pas possible.
Cela, c'est une règle du jeu qui devra être modifiée aussi
quand on va faire la réforme sur les régimes
supplémentaires de rentes.
M. le Président, c'est tout. Encore une fois, je remercie M.
Brousseau pour ses suggestions qui, même si elles paraissent très
idéalistes à prime abord, nous indiquent les
préoccupations des travailleurs qu'il représente ici.
Le Président (M. Boucher): Merci. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. À mon
tour, j'aimerais remercier M. Brousseau. Votre mémoire indique bien que,
pour vous autres, le problème n'était pas tellement au sujet de
l'abolition de l'âge de la retraite qu'au sujet de la possibilité
d'une retraite anticipée.
M. Brousseau: Oui.
Mme Lavoie-Roux: C'est vraiment ce que vous êtes venu nous
dire.
Vous dites: La retraite doit être volontaire à compter de
l'âge 55 ans. Le ministre vient de nous annoncer que son projet
indiquerait l'âge de 60 ans. Selon votre expérience avec les
catégories de travailleurs auxquelles vous faites allusion, l'industrie
lourde, les mines ou la forêt, est-ce que vous avez des données
comme quoi les gens sont obligés de se retirer à 55 ans ou si
l'âge de 60 ans apparaît raisonnable?
M. Brousseau: Tous les travailleurs de fonderie sont atteints de
silicose. Moi-même, je suis atteint à 60%; je suis invalide
médicalement et je suis obligé de travailler quand même
parce que je n'ai pas de pension qui pourrait me faire vivre. Après 35
ans de service pour la CSF, dans mon cas, ma pension me donnerait 280 $ par
mois. Le premier fonds de retraite avait disparu avec des faillites et toutes
sortes d'histoires que les compagnies nous racontent, il a fallu aller devant
les tribunaux pour avoir l'argent qu'on avait déposé
nous-mêmes. On nous a donné 0,5% sur notre argent, après on
a fait une grève et on a négocié un fonds de retraite non
contributoire que la compagnie contribue au fonds de retraite.
Le mémoire que je présente couvrirait aussi les gens qui
ne sont pas syndiqués parce que, au Québec, on a seulement 30%
qui sont syndiqués parmi les ouvriers qui travaillent dur, l'ouvrage qui
est dur comme la fonderie, les mines ou les carrières. Si le
gouvernement nationalisait tout ces fonds de retraite, même le
travailleur qui n'est pas syndiqué adhérerait au fonds de
retraite et, au lieu d'être au seuil de la pauvreté parce que tous
les travailleurs qui retirent seulement les rentes du Québec et les
rentes
d'Ottawa seraient dans un fonds de retraite... Aujourd'hui, vous avez
à peu près 40% des travailleurs, parce que ce ne sont pas tous
des travailleurs réguliers, il y a des travailleurs à temps
partiel; ils n'ont même pas de fonds de retraite, ils ont juste les
rentes du Québec et celles d'Ottawa, c'est tout ce qu'ils ont.
On demande 55 ans pour un homme qui est atteint de silicose grave et qui
pourrait prendre sa retraite et se reposer. La silicose est dix fois pire que
le cancer parce qu'il n'y a aucun remède; le cancer se soigne mais la
silicose ne se soigne pas. Il n'y a aucune science médicale qui peut
soigner la silicose. C'est de la poussière de sable sur les poumons qui
vous empêche de respirer, c'est tout ce que c'est. On la prend dans les
fonderies surtout, dans les carrières, dans les mines, toutes ces
choses-là.
J'ai gardé des dossiers depuis 22 ans sur la silicose à la
Canadian Steel, ceux qui sont morts au travail, ceux qui sont morts en dehors
et c'est très rare que les types qui travaillent dans les fonderies,
quand ils prennent leur retraite à 65 ans, puissent vivre plus de trois
ans. Le maximum était de cinq ans chez nous, après avoir pris sa
retraite. C'est pour ça qu'on demande la retraite volontaire à 65
ans; naturellement, on veut que ce soit volontaire. Chez nous, dans l'usine, il
y a 750 employés actuellement, le vote a été, pour ceux
qui voudraient travailler après 65 ans - ce sont des jeunes qui nous ont
dit qu'ils voudraient travailler - de 3% seulement.
Tout le monde est presque obligé, dans une fonderie, de prendre
sa retraite à 55 ans. Il y en a plusieurs qui ont pris leur retraite
avant le temps. Pendant ce temps, les ouvriers sont pénalisés,
ils retirent moins que leur pension, ils sont coupés. Par exemple, un
homme qui prend sa pension à 60 ans, chez nous, est
pénalisé de 3%.
Mme Lavoie-Roux: Au plan physique, M. Brousseau, est-ce qu'il a
été établi médicalement pour les travailleurs dans
les fonderies ou dans les mines - peut-être que vous n'avez pas
l'information, je vous la demande - que 55 ans devrait être l'âge
maximal pour travailler dans un tel milieu?
M. Brousseau: Oui. Nous avons eu des rencontres avec six
médecins des CLSC de Montréal, nous avons discuté
très longtemps de ces choses et à plusieurs reprises, parce qu'on
cherche toujours des moyens d'éliminer la poussière. J'en ai
discuté aussi avec le ministre Léger assez souvent. À 55
ans, un homme devrait être obligé de prendre sa retraite, quand il
travaille dans une fonderie où il y a de la poussière de silice,
vous savez... (13 heures)
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Brousseau: ... parce qu'il y a des poussières
respirables et d'autres qui ne le sont pas.
Mme Lavoie-Roux: Si je vous pose la question, c'est pour faire
réfléchir le ministre avant qu'il inscrive 60 ans dans sa loi.
Vous parlez de la nationalisation des fonds privés de retraite et le
ministre vous répond qu'on ne sait pas où ça s'en va,
etc., il n'y a pas un regard assez serré là-dessus. Il faudrait
peut-être aussi que le gouvernement nous dise ce qu'il fait avec les
fonds de retraite qu'il y a dans la caisse de dépôt. Ce n'est pas
assez scruté à la loupe pour le public. Voici la question
précise que je veux vous poser; vous dites: Ces mêmes fonds
privés font faillite, est-ce que c'est courant, est-ce qu'il y en a
beaucoup?
M. Brousseau: Pardon, ce n'est pas le fonds qui fait faillite,
c'est la compagnie qui administre le fonds.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Brousseau: Lorsqu'elle déclare faillite, si c'est une
autre qui vient acheter les titres, elle peut être de la même
famille; comme nous, chez nous, elle a fait faillite à trois reprises et
ce sont des actionnaires d'Écosse qui ont repris; ils ont simplement
changé le nom et ils continuent quand même. La fonderie chez nous
est ouverte depuis 1912 - les premières grosses coulées - et elle
a changé de nom plusieurs fois depuis ce temps, mais c'est toujours la
même fonderie et c'est toujours le même travail. Alors, lorsqu'une
compagnie comme ça fait faillite, la part de la compagnie qui est dans
les fonds de retraite privés disparaît, c'est simple. Ensuite,
lorsqu'il y a plusieurs ouvriers qui ont de l'ancienneté, elle s'arrange
toujours pour manquer de travail, alors les ouvriers sont mis à pied et
ces ouvriers vont travailler ailleurs. Quelquefois, il y a deux ou trois ans
qu'ils travaillent ailleurs, tout à coup, ils reviennent travailler
à la même place, pour une raison ou une autre, mais ils ont perdu
leurs années antérieures.
Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, ce que vous soulevez c'est le
problème de la transférabilité des fonds de retraite.
M. Brousseau: Si c'était nationalisé, la
transférabilité serait éliminée du même coup
et, en même temps, le vol des fonds de retraite serait
éliminé; tout serait éliminé du même
coup.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais demander au ministre s'il est au
courant. Ce dont M. Brousseau parle, je l'ai souvent entendu dire, surtout dans
les petites villes où il y a des
petites usines et où les gens sont syndiqués, mais pas
très bien organisés; la compagnie fait faillite et, finalement,
les fonds de retraite, etc. partent. Quel est le droit de recours de ces gens?
C'est devant les tribunaux, évidemment?
M. Lazure: Devant les tribunaux.
Mme Lavoie-Roux: Devant les tribunaux.
M. Lazure: Mais, dans la réforme que nous allons proposer
éventuellement à l'Assemblée nationale, il y aura aussi,
dans les nouvelles règles du jeu, des prévisions, des
règles à suivre quant à la liquidation d'un fonds de
retraite collectif, que ce soit par faillite ou autrement, et au respect des
droits des travailleurs.
Je reviens à la question de la nationalisation des fonds de
retraite. Mme la députée de L'Acadie demande au ministre ce que
le gouvernement fait avec la caisse de dépôt. En deux mots, le
gouvernement se sert de l'argent du public pour assurer un meilleur
développement économique du Québec. C'est ça qui
est la différence dans l'utilisation des milliards qui entrent chaque
année dans la caisse de dépôt, ça va au
développement socio-économique des
Québécois; ce n'est pas investi en Ontario ou aux
États-Unis, comme c'est le cas dans la plupart des régimes
supplémentaires de rentes.
Mme Lavoie-Roux: C'est investi dans les déficits.
M. Lazure: Exemple: une compagnie qui s'appelle Domtar, où
le gouvernement du Québec, grâce à la caisse de
dépôt, a maintenant une présence majoritaire au sein du
conseil d'administration, qui est une entreprise importante dans
l'économie du Québec.
Une voix: Tricofil, SIDBEC.
Mme Lavoie-Roux: C'est votre meilleure, celle-là! Merci
beaucoup, M. Brousseau.
Une voix: C'est réellement formidable!
Le Président (M. Boucher): Pas d'autres questions? Je
remercie, au nom des membres de la commission, M. Brousseau pour son
mémoire.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 05) (Reprise de la
séance à 15 h 08)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît!
À la suspension, à 13 heures, nous en avions
terminé avec le Comité syndical des assurances et pensions de la
Canadian Steel et nous en étions au mémoire de
l'Université de Montréal. Je prierais les représentants de
l'Université de Montréal, dont M. Paul Lacoste est le
porte-parole, de venir présenter leur mémoire.
Université de Montréal
M. Boucher (Jacques): M. le Président, mon nom est Jacques
Boucher. Je suis le secrétaire général de
l'université. Je tiens à excuser le recteur Paul Lacoste, qui
devait être ici ce matin, qui est retenu à la maison à
cause de la grippe et qui s'excuse de ne pouvoir présenter le
mémoire de l'université. J'espère que je le ferai le mieux
possible, étant donné quand même l'importance de la
question et des enjeux qui sont en cause dans toute cette question.
Vous avez devant vous un mémoire de la direction de
l'Université de Montréal. Compte tenu des très brefs
délais qui nous ont été donnés pour étudier
cette question, à peine un mois et, en fait, moins d'un mois, il
n'était pas possible que la direction de l'Université de
Montréal procède à autre chose que - après avoir
étudié elle-même la question - de simplement consulter de
façon informelle soit l'assemblée universitaire, le conseil de
l'université, l'ensemble des professeurs et des composantes de
l'université.
Ainsi ce n'est pas une consultation en bonne et due forme à
laquelle nous nous sommes livrés, ce sont des coups de sonde, c'est une
discussion qui a eu lieu à l'assemblée universitaire, c'est une
discussion qui a eu lieu au comité du statut, c'est une discussion qui a
eu lieu au conseil de l'université.
Tout cela reste finalement la réaction de la direction de
l'université, qui n'engage rien de plus qu'elle-même dans cette
question, encore que, entre la première version du mémoire et la
version que vous avez sous les yeux, à la suite des discussions et des
consultations qui ont eu lieu, il y a eu de nombreuses modifications.
On peut dire que, même si c'est le mémoire de la direction
de l'Université de Montréal, ce mémoire reflète
quand même un certain consensus, ne serait-ce que parce qu'il est quand
même assez nuancé, qu'il propose plus une problématique -
c'est très universitaire - que des solutions tranchées et qu'il
demande, vous l'avez vu, un moratoire.
Si j'avais à résumer ce mémoire en une phrase, je
dirais que l'Université de Montréal ne peut pas à ce
stade-ci de la discussion et de la réflexion dire, d'une part, qu'elle
est farouchement opposée à la loi 15. Cela ne
veut pas dire, non plus, qu'elle est enthousiaste et qu'elle encourage
le gouvernement à y aller. Ce que je peux dire à ce moment, c'est
que la direction de l'Université de Montréal est inquiète
des conséquences de cette loi à la fois dans son milieu, le
milieu de l'université, mais également d'une façon
générale pour l'ensemble de la société.
Nous demandons un moratoire, ce qui, je pense, nous laisserait le temps
de réfléchir un peu plus aux conséquences, il me semble,
extrêmement graves que suppose cette loi. Également, faute de
mieux, un moratoire, dans l'éventualité où la loi 15
serait adoptée dans un bref délai, laisserait aux institutions le
temps de réagir et le temps de s'ajuster. Le sens du témoignage
que la direction vient vous livrer ici, c'est de vous faire sentir un peu les
énormes problèmes qu'une telle loi risque de provoquer chez nous
et que, dans certains cas, elle peut provoquer.
Évidemment, il est difficile de s'opposer au principe qui est
généreux. Je sais que le Bureau international du travail, la
commission d'enquête du Sénat et toutes sortes d'organismes tous
plus prestigieux les uns que les autres reconnaissent que la retraite à
65 ans devrait disparaître. Cependant, mon témoignage est ici de
vous dire qu'en apportant des correctifs aux maux que pose la retraite il
faudrait se garder de créer pour les autres secteurs de la
société, pour les autres classes d'âges, pour les
collègues de travail, pour les étudiants dans le cas des
institutions d'enseignement, pour les personnes âgées
elles-mêmes, plus de problèmes que ceux que l'on s'efforce de
régler.
Notre intention n'est pas de demander, comme cela s'est fait aux
États-Unis, un régime d'exception pour les professeurs
d'université. Vous savez sans doute qu'aux États-Unis, en 1978,.
le Congrès américain a créé deux ou trois classes
d'exceptions, dont une spécifiquement pour les professeurs
d'université. Notre intention, ce n'est pas de vous dire: Notre fonds de
retraite étant tellement en bon état, l'Université de
Montréal ou les universités sont un monde tellement à part
qu'il faut les mettre à part de cette loi.
Tout simplement, ce que je viens faire, c'est vous dire qu'il est
important de ne pas procéder à la hâte et qu'il est
important de se rendre compte des conséquences de ce qui peut se passer.
Encore une fois, je ne viens ici que vous donner un exemple dans un milieu
comme l'Université de Montréal, mais on pourrait faire la
même chose dans probablement beaucoup d'autres milieux, de vous donner
les hypothèses ou les conséquences possibles ou les questions
qu'on se pose et qui sont restées sans réponse pour le moment et
qui pourraient se produire si une loi comme la loi no 15 était
adoptée.
Les fonctions de l'université. Notre mémoire insiste sur
ce que c'est que ce milieu de travail bien particulier, qui n'est pas unique.
Probablement qu'on pourra dire que Radio-Québec ou que les milieux
d'architectes ou d'ingénieurs ou d'administrateurs sont grosso modo
apparentés au milieu universitaire. Mais il reste que le milieu
universitaire est un milieu bien particulier, dont la fonction est une fonction
d'enseignement et de recherche, mais également qui s'inscrit dans un
cadre assez large. (15 h 15)
Le rôle de l'université c'est de transmettre des
connaissances, mais c'est également de renouveler ces connaissances,
c'est de les critiquer, c'est de faire appel à la production, à
la créativité, à la publication. Mais dans ce
sens-là l'université n'est pas un lieu unique, il y a beaucoup,
j'espère, d'autres lieux que l'université qui vivent sur ce
besoin de créativité, sur ce besoin de renouvellement constant.
Mais il reste quand même que l'université, c'est son
problème, doit continuellement se renouveler, faute de quoi elle cesse
de jouer le rôle qui est le sien.
L'université c'est une entité abstraite, elle est faite
des personnes qui la composent et le renouvellement de l'université se
fait à partir du renouvellement des individus qui la composent. Je
conviens avec vous qu'il n'y a pas une corrélation absolument
étroite entre l'âge et la capacité de renouvellement. Il y
a des gens qui sont vieux à 35 ou 40 ans et il y en a qui à 70
ans sont au point de vue de la créativité remarquablement
féconds, c'est clair. Mais on peut quand même au moins se poser
des questions.
Mesdames, messieurs, nous ne savons pas dans l'état actuel des
choses et de la réflexion quel est l'impact du vieillissement du corps
professoral sur une de ces missions essentielles de l'université qui
est, encore une fois, le renouvellement des connaissances, les contacts avec
les jeunes et la créativité, la publication, tout ce qui fait que
l'université est l'université. On entend depuis plusieurs
années beaucoup d'inquiétude de la part des milieux
universitaires, pas seulement québécois mais canadiens et
américains. Quant aux conséquences désastreuses que l'on
prévoit du vieillissement du corps professoral sur cette mission de
l'université, encore une fois, on a pratiquement peu de données,
ce sont des hypothèses. Il y a des exemples. On sait que d'autres
milieux, les milieux européens notamment, qui ne connaissaient pas
d'âge obligatoire de la retraite, ont été obligés de
se battre et cela a été considéré comme une
victoire que d'abaisser l'âge de la retraite de l'infini à 75 ans
ou 70 ans. On a considéré dans ces autres milieux que
c'était un
progrès pour les universités que d'abaisser l'âge de
la retraite.
Or, dans notre cas à nous, à l'université, il est
important de se rendre compte qu'il y a un équilibre entre la
créativité, le dynamisme - j'allais dire la jeunesse, ce n'est
pas nécessairement relié à la jeunesse - et un rythme plus
soutenu de publications et l'expérience. Est-ce qu'on retrouve plus
souvent la créativité chez les plus jeunes et l'expérience
chez les plus vieux? C'est à voir. Là-dessus, les opinions
varient mais je suis ici pour vous dire que ce n'est pas aussi tranché
que ça en a l'air. Encore une fois, on se refuse de trancher, mais je
pense qu'il est inutile de se leurrer. Une loi comme celle qui nous est
proposée aura des conséquences graves ou risque d'avoir des
conséquences graves sur le déroulement de l'institution.
Plaçons-nous dans le contexte budgétaire qui est celui des
universités. Ce n'est plus une question de créativité,
c'est tout simplement une question de la nécessité qu'il y ait
dans un secteur, dans un département, dans une faculté un
équilibre entre les professeurs plus âgés et les plus
jeunes.
L'université, comme tous les secteurs publics ou parapublics, se
trouve dans la situation où elle ne peut pas engager de nouveaux
professeurs sauf à partir des départs. La situation dans laquelle
nous nous trouvons, c'est que si l'âge de la retraite est reporté
de 65 ans à l'infini, il y aura un certain nombre de professeurs, on ne
sait pas combien, qui décideront de continuer. Dans le contexte actuel,
c'est inutile de se leurrer, ces professeurs qui décideront de rester
après 65 ans, c'est autant de jeunes professeurs de moins qui pourront
entrer dans la carrière. Nous en sommes même à ce point
qu'il nous faudra peut-être - j'espère que non - remercier de
jeunes professeurs qui sont en début de carrière pour
éventuellement, si la loi était passée, garder des
professeurs par ailleurs excellents, ce n'est pas ça qui est en cause,
mais qui ont 65, 70 ans et qui décideront de rester.
La grande inconnue, si cette loi 15 est adoptée, c'est de savoir
combien de professeurs décideront de rester dans le circuit après
65 ans. Une enquête a été faite parmi les professeurs par
le Syndicat des professeurs de l'Université de Montréal, tout
récemment, et le résultat était, en 1980, qu'en moyenne
les professeurs désiraient quitter à 65 ans, plus ou moins.
Évidemment, le chiffre est rassurant et on pourrait dire, à
partir de ça: II n'y a pas de quoi s'inquiéter de cette loi 15,
si les professeurs veulent partir à 65 ans, pourquoi
s'inquiéter?
Mais ce que ne livrent pas les statistiques, c'est qu'on est en face,
dans ce cas-ci, d'une moyenne. Si la moyenne est à 65 ans, il y en a
évidemment qui voudront partir à 60 ans, il y en a qui voudront
partir à 70 ans. Dans quels secteurs sont ceux qui veulent rester
jusqu'à 70 ans, 75 ans? On a déjà des départements
où il y a un sérieux problème de vieillissement et
d'absence de renouvellement du corps professoral, tout en étant, par
ailleurs, des professeurs excellents. Il y a besoin de sang neuf dans toute
structure, et l'université n'y échappe pas.
L'enquête qui a été faite par le Syndicat des
professeurs ne laisse pas voir ces différenciations et je pense que,
malgré les données qui peuvent être rassurantes à
première vue, nous ne sommes pas, comme direction, rassurés sur
la possibilité de continuer à réengager des jeunes profs
et que les conséquences ne seront pas néfastes sur le recrutement
du corps professoral. En fait, le corps professoral de l'Université de
Montréal, comme celui de toutes les universités du Québec,
vous le savez bien, a été recruté massivement dans les
années soixante, entre 1960 et 1970.
La quasi-totalité du corps professoral actuel, dans une
très grande proportion, a été recrutée pendant
cette période d'abondance; depuis 1975-1976, cela a tendance à
plafonner. Évidemment, tout ce monde, vers 1990 ou l'an 2000, arrivera
brutalement et massivement à la retraite. On pourrait dire à ce
moment-là: Si vous n'avez pas prévu la situation, vous aurez
besoin de garder vos vieux professeurs à 65 ans et à 70 ans,
justement parce qu'il n'y aura pas suffisamment de jeunes. Par ailleurs, est-ce
qu'on a suffisamment réfléchi aux conséquences sur les
études supérieures? Nos études de maîtrise et de
doctorat se recrutent de quelle façon? En grande partie, à
même ceux qui espèrent, au moins, comme une de leurs avenues,
faire de l'enseignement universitaire. Or, si la perspective est que la
carrière est bloquée pour des années à venir,
évidemment, cela aura un impact sur les études de maîtrise
et de doctorat, ce qui veut dire qu'encore une fois, dans dix ans ou dans vingt
ans, quand il s'agira de recruter et que les professeurs qui sont aujourd'hui
en service partiront massivement, où va-t-on les recruter? II y a toutes
sortes de problèmes qui sont en cause et qui sont liés à
cette question de l'âge de la retraite. L'âge de la retraite n'est
pas l'élément définitif et uniquement responsable de ce
qui va se passer, du vieillissement du corps professoral, mais c'est un des
éléments. Je pense que cela vaudrait la peine, encore une fois,
de se donner quelques mois de réflexion.
Les professeurs, à l'Université de Montréal, comme
ailleurs dans les universités du Québec, ont la permanence, la
tenure. Dans le contrat collectif actuel, cette permanence se termine à
65 ans, à moins que l'université ne la prolonge
exceptionnellement, d'année en année, jusqu'à l'âge
de 70 ans, ce qui est prévu par nos règlements. Donc, l'âge
de la retraite est à
65 ans et la permanence s'achève avec la prise de la retraite
à 65 ans. Quel va être l'impact d'une loi comme la loi 15 sur la
permanence? Est-ce que les professeurs resteront permanents avec tout ce que
cela peut supposer jusqu'au moment où ils décideront de prendre
leur retraite? C'est un problème auquel actuellement nous n'avons pas de
réponse. Est-ce qu'il faudrait songer à dissocier la permanence
et l'âge de la retraite ou le travail à partir d'un certain
âge, 65 ans, 60 ans ou autrement? C'est une des possibilités
à laquelle nous n'avons pas de réponse actuellement.
Le mémoire insiste sur la nécessité d'une retraite
dans la dignité. Je me permets d'insister particulièrement sur ce
problème. Il est clair que la retraite à 65 ans a quelque chose
d'odieux, c'est évident. De dire à tout le monde: À 65
ans, automatiquement, tapis rouge, champagne et adieux...
M. Lazure: ...
M. Boucher (Jacques): Partout. Le champagne, non, même
plus. L'ancienne montre en or! Sauf que cela a quand même l'avantage de
ne pas avoir de note d'infamie sur personne, mais, quant à moi, je
préférerais de beaucoup, à 65 ans, me faire dire: Vous
avez été un grand professeur, un excellent secrétaire
général, mais on ne peut plus vous garder, que de me faire dire:
-dans le système actuel, c'est la seule solution - Nous ne pouvons plus
vous garder, parce que vous n'êtes plus capable. C'est cela le choix dans
notre système; la retraite est obligatoire, aveugle et bête -
comme tout ce qui est aveugle - mais elle n'est pas discriminatoire.
Dans un milieu comme celui de l'Université de Montréal,
essayons de vivre, dans un milieu universitaire, ce qui va se passer quand un
professeur aura décidé qu'il prendra sa retraite au moment
où cela lui plaira. Si les règles restent ce qu'elles sont, qu'il
est encore permanent, qu'est-ce qui va se passer? L'université,
honnêtement, comme n'importe quelle compagnie, comme n'importe quel
gouvernement, peut-elle dire à quelqu'un: Monsieur, vous avez servi
admirablement pendant 30 ou 35 ans à l'université. Vous voulez
continuer jusqu'à votre bon plaisir à travailler pour
l'université. Nous croyons que vous n'êtes plus capable et la
seule hypothèse, la seule porte de sortie pour nous, c'est le renvoi
pour cause. Est-ce que l'université ou n'importe quel employeur, devant
quelqu'un dont l'activité créatrice - ou tout simplement
l'activité - ralentit, peut honnêtement et décemment,
à la fois pour elle, pour le milieu de travail et pour le travailleur
âgé, littéralement le mettre à la porte? Je peux
vous dire que je vis actuellement, que l'Université de Montréal
vit actuellement un cas de ce genre où le professeur s'accroche. C'est
pénible et humainement quasiment impossible de dire à quelqu'un:
Non, vous n'êtes plus capable de répondre aux fonctions, et c'est
plus ou moins un "renvoi pour cause". C'est, encore une fois, dans le
système actuel, si on n'envisage pas d'autres solutions ou d'autres
options, le seul choix possible.
Sous prétexte et avec l'intention sans doute louable d'aider les
personnes âgées, je me demande si dans le système actuel on
n'est pas en train de leur causer, à elles précisément,
plus de problèmes qu'autre chose. C'est évident qu'il y a aussi
les problèmes financiers que je n'essaie pas de nier, c'est clair, mais
en prolongeant l'âge de la retraite pour régler un autre
problème qui est un problème financier à la retraite, je
ne pense pas qu'on règle le problème.
Évidemment, il y a des solutions entre la retraite obligatoire et
pas de retraite du tout, ou la retraite ad libitum, mais l'université,
comme l'ensemble de la société, en est encore à ses
balbutiements quant aux solutions. Là aussi, la raison pour laquelle on
vous demande un moratoire, c'est qu'il y a probablement, entre la retraite
obligatoire et le renvoi pour cause, des solutions. Mais je vous avoue
qu'aucune n'a vraiment été testée, ou au moins à ma
connaissance n'a été vraiment testée. Si le gouvernement
nous imposait du jour au lendemain une loi comme celle-là, comme milieu
de travail, on serait fichtrement embêtés. (15 h 30)
Comment génère-t-on des solutions? On parle de retraite
progressive, de partage entre la retraite et le salaire, de demi-temps, de
toutes sortes de choses; comment est-ce que tout cela s'inscrit dans une
institution comme l'Université de Montréal, ou comme une
université? Soulignons également que certaines industries ou
certaines entreprises offrent dans leur panoplie de tâches tout un
éventail. L'université offre un éventail quand même
relativement restreint; c'est de l'enseignement à un certain niveau,
dans des groupes plus ou moins grands, et c'est de la recherche, cela
s'arrête là. Evidemment, on peut toujours créer quelques
tâches administratives, on peut toujours essayer de trouver quelques
options, mais cela reste finalement relativement limité.
Les professeurs, dans une institution comme l'université, ne sont
pas les seuls à faire profession de sens critique et de
créativité; les cadres, les administrateurs ont cette fonction
également, et dans n'importe quelle institution comme
l'université, les administrateurs ne sont pas engagés à
terme. Est-ce qu'une loi comme celle-ci leur donne le droit de s'incruster dans
leur tâche? Déjà, cela leur cause des problèmes. On
a recruté massivement des personnes jeunes dans les
années 1960 qui ont 40, 45 ans et qui ont encore devant eux, dans
des postes de responsabilité, vingt ans de carrière: qu'est-ce
que l'on va faire avec cela?
Notre mémoire évoque les conséquences de la loi 15
sur les budgets de fonctionnement des universités et sur les avantages
sociaux. Est-ce que l'on se rend compte qu'il faudra, à la suite de
cette loi, si elle est votée, modifier de fond en comble tout notre
régime d'avantages sociaux, régime de retraite, régime
d'assurance-maladie, régime d'assurance ceci et cela? Encore là,
cela demande du temps, et je pense que cela demande aussi
considération.
Les tendances sociales actuelles. C'est drôle, j'avais compris
depuis un bon bout de temps que la tendance sociale au Québec comme
partout ailleurs était d'avancer l'âge de la retraite; 65 ans,
pour plusieurs, c'était bien tard et la capacité d'adaptation
à la retraite était moins grande à 65 ans qu'à 60
ans, et, dans toute cette société du loisir, il me semblait qu'il
y avait tendance à avancer l'âge de la retraite à
plutôt 65 ans ou même 55 ans que de la retarder
indéfiniment, et, par conséquent, rendre dans certains cas,
rendre plus pénible le choc de la retraite.
Je comprends que les circonstances ont changé, je comprends que
l'inflation galope plus fort qu'il y a 20 ans et qu'il y a 10 ans, je comprends
que les caisses de retraite ne se portent pas toutes bien, mais je me demande
honnêtement - et encore une fois je n'ai pas de réponse - si le
projet de loi 15 ne va pas à rebours des tendances sociales actuelles,
je me le demande. Je me demande également, si la loi 15, dans certaines
de ses conséquences, ne risque pas de poser des problèmes de
conflit avec certaines politiques gouvernementales qui nous concernent plus
particulièrement, notamment, la politique de financement du
ministère de l'Éducation, qui cherche à financer les
jeunes chercheurs, à les introduire dans le circuit, et, dans la mesure
où la loi 15 peut affecter l'entrée des jeunes chercheurs, est-ce
que cette loi ne va pas à l'encontre d'une autre politique
gouvernementale dans laquelle, à ma connaissance, on investit plusieurs
millions de dollars?
Rapidement, M. le Président, et en regrettant,
premièrement, que le recteur ne soit pas là pour faire ce
plaidoyer et cette démonstration, deuxièmement, que l'on n'ait
pas eu plus de temps pour y réfléchir, tout cela étant
forcément sommaire, je m'en rends compte, je pense qu'en voilà
assez pour nous convaincre que l'amendement à la Charte des droits et
libertés de la personne dont on discute dans un autre forum et le projet
de loi 15 sont prématurés. Il faut que le gouvernement qui,
à bien des égards, est dans une situation semblable à
celle de l'université, se donne et nous donne un temps de
réflexion avant d'adopter un changement chargé d'autant
d'incertitudes et aussi lourd de conséquences.
Voilà pourquoi nous le répétons, il est essentiel
que l'on accorde un moratoire sur cette question de l'âge de la
retraite.
Le Président (M. Boucher): Merci M.
Boucher. M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je vais remercier le
secrétaire général de l'université pour le
mémoire qu'il nous présente aujourd'hui. C'est un point de vue
qui est fort bien défendu, fort bien étoffé. Nous aurons
l'occasion, au cours de l'après-midi, d'entendre un autre point de vue
de gens qui viennent aussi de l'Université de Montréal.
Quelques remarques, puis ensuite quelques questions.
M. Boucher nous dit: Je me demande si le projet de loi ne va pas
à l'encontre d'une tendance actuelle, à savoir celle de prendre
sa retraite plus jeune. Je vais répéter encore une fois que ce
projet de loi n'a pas pour but d'inciter la personne de 65 ans à
continuer de travailler. Ce n'est pas un projet de loi d'incitation, c'est un
projet de loi qui veut simplement - et il n'est jamais trop tôt pour le
faire, il est toujours trop tard pour le faire - enlever un facteur de
discrimination.
Quant aux répercussions que vous laissez entrevoir qui pourraient
être graves pour l'université, je vous avoue que cela
m'étonne un peu parce que, même si les milieux ne sont pas tout
à fait équivalents, les 222 entreprises qui avaient
été sondées par le Conference Board of Canada, qui est
quand même un organisme sérieux, la très vaste
majorité de ces chefs d'entreprises nous disaient: Nous
n'appréhendons pas de problèmes particuliers.
Vous faites référence à la loi américaine
qui a exempté les professeurs d'université, non pas en permanence
mais jusqu'au 1er janvier 1982; dans quelques mois, cette exemption prendra
fin. Pourquoi le gouvernement américain avait-il décidé de
faire une exception pour les professeurs d'université? L'explication
nous vient du gouvernement américain lui-même. On nous explique
que c'est tout simplement parce qu'à la même époque les
gouvernements américains, autant le gouvernement fédéral
que les gouvernements des États, essayaient par toutes sortes de mesures
de faire du rattrapage, de faire de la discrimination positive en faveur des
femmes et des noirs. Pour permettre le programme de redressement, si vous
voulez, en faveur des femmes et des noirs, le gouvernement américain a
décidé de ne pas inclure les professeurs d'université
jusqu'au 1er janvier 1982. À partir de janvier 1982, les professeurs
d'université vont être sujets à la
loi comme tout le monde.
À partir du moment où on comprend que le projet de loi n'a
pas pour but d'inciter les gens à s'accrocher à leur emploi comme
vous le dites, à ce moment-là on en revient toujours au
même principe fondamental. Le professeur de 66 ans, s'il est en bonne
forme physique et mentale pour dispenser son enseignement, on peut dire qu'il
prend la place d'un professeur de 36 ans ou de 26 ans; c'est bien sûr
qu'on peut dire cela. Mais cette logique peut nous mener à l'absurde au
point de dire que tout homme qui remplit un emploi remplace une femme qui
devrait le remplir, et vice versa. C'est sûr qu'une telle loi va obliger
les employeurs, qu'ils soient des universités ou des entreprises
commerciales, à raffiner leurs méthodes d'évaluation.
Je ne peux pas accepter le raisonnement qui nous est
présenté aujourd'hui, que c'est mieux une mesure discriminatoire
qui s'applique à tout le monde, comme c'est le cas actuellement, la
retraite obligatoire à 65 ans, que d'être obligé soi-disant
de blesser quelqu'un parce qu'il n'aurait plus la capacité physique ou
mentale de remplir sa fonction rendu à 65 ans. Je ne peux pas accepter
ce raisonnement. Je comprends que c'est difficile dans un milieu comme une
université d'établir la compétence du professeur,
d'année en année mais ce n'est pas parce que c'est difficile que
ce n'est pas faisable.
J'avais aussi quelques questions à vous poser. La
sécurité d'emploi pour le professeur, vous nous en avez
parlé un peu. Après combien d'années prend-elle effet dans
l'ensemble de tout votre corps professoral? Deuxième question, je
reviendrai ensuite avec deux derniers commentaires, quel est le taux de
roulement, de départ naturel parmi le corps professoral à
l'Université de Montréal?
M. Boucher (Jacques): La sécurité d'emploi dans le
cheminement de carrière d'un professeur vient normalement après
la cinquième ou la sixième année grosso modo; c'est
là que vient l'agrégation. Après six ou sept ans
d'agrégation, il y a l'étape suivante qui est la titularisation
mais qui en termes de sécurité d'emploi n'ajoute rien. Donc, la
réponse à votre première question c'est après cinq
ou six ans. Pour ce qui est du taux de roulement, je n'ai pas de données
là-dessus; ce sont plus des intuitions qu'autre chose, j'aimerais mieux
avoir évidemment les professeurs avec moi. Il y a évidemment un
certain taux de rotation normale mais qui, à ma connaissance, est
beaucoup moins grave dans le milieu anglophone où le bassin est beaucoup
plus large. Il y a des facultés où le roulement est plus fort que
d'autres mais, d'une façon générale, le roulement, surtout
dans ces époques actuelles, est quand même relativement faible de
sorte que, encore une fois, notre marge de manoeuvre, en termes de
renouvellement de l'ensemble du corps professoral, est quand même
très faible. Je ne peux pas vous donner les chiffres à ce
moment-ci.
M. Lazure: J'ai eu l'occasion de dire ce matin, en
évoquant l'expérience des États-Unis, que nous gardions la
porte ouverte, non pas à un moratoire, au sens où vous semblez
l'utiliser, à exempter tel groupe pour une période de temps, mais
plutôt à un étapisme de bon aloi quant à
l'application de la loi surtout lorsque les employés
bénéficient d'un régime supplémentaire de rentes
à l'intérieur d'une convention collective.
En d'autres termes, ce que les Américains ont fait, nous l'avons
examiné, nous allons continuer de l'examiner à la lumière
des commentaires que nous allons entendre à la commission parlementaire.
Ces derniers ont donc dit: La loi entre en vigueur, mais les modalités
du plan de pension devront être ajustées à la nouvelle loi
lors de la prochaine convention collective ou dans un délai maximum de
trois ans. Nous ne sommes pas fermés à un étapisme de ce
genre. Encore une fois, je vous rappelle que l'exemption de groupes
d'employés doit être gardée au strict minimum, autrement
ça ne devient plus une loi antidiscriminatoire mais ça va devenir
une loi d'exception. Aux États-Unis d'ailleurs, on a fait très
peu d'exception parce que cette exception des professeurs d'université,
je le répète, était pour une période temporaire de
trois ans, mais les corps qui sont en permanence exemptés sont
très rares: policiers, pompiers et quelques autres. Nous gardons
l'esprit ouvert à une certaine mise en vigueur par étapes.
Finalement, vous parlez de certaines hypothèses
intéressantes: travail à temps partiel, retraite graduelle, etc.
Au gouvernement, on serait bien intéressé à avoir les
lumières de vos chercheurs à l'université. C'est sûr
que dans notre société du Québec, on n'a pas eu recours
suffisamment encore à ces mesures alternatives. J'ai dit ce matin, je le
répète, que, dans une deuxième étape, une fois ce
projet de loi adopté, nous avons l'intention de présenter un
projet de loi qui va permettre la retraite anticipée. Je rejoins ce que
vous appelez la tendance actuelle qui va permettre la retraite anticipée
à 60 ans dans un premier temps et surtout pour les personnes qui ont un
certain degré d'invalidité.
C'est justement une des raisons pour lesquelles nous ne pensons pas
qu'une telle loi aurait des conséquences tellement néfastes dans
les universités. Au contraire, nous sommes conscients que la tendance va
vers la retraite en bas de 65 ans. Dans la mesure où surtout les plans
de pension ont de l'allure, dans la même mesure, on assiste
dans les corps enseignants, de façon générale,
à une prise de retraite en bas de 65 ans. Nous disons tout simplement
que ce projet de loi veut mettre fin à une discrimination et pour
ça - ceux qui sont les objets de la discrimination - le temps n'est
jamais trop tôt pour le faire.
Le Président (M. Boucher): M. Boucher.
M. Boucher (Jacques): M. le Président, je me rends compte
que je n'ai peut-être pas été suffisamment clair. (15 h
45)
D'abord, je veux réitérer ici que la position de la
direction de l'Université de Montréal est une position
d'inquiétude en face des conséquences probables dans certains
cas. Ce n'est pas une attitude négative à tout prix, c'est une
attitude - par ailleurs, je ne tente pas de minimiser -inquiète en face
de ça, c'est la première chose. Deuxième chose, je pense
que je n'ai pas été suffisamment clair. Si on a parlé de
moratoire, ça ne veut absolument pas dire un régime d'exception
pour les professeurs d'université. J'ai insisté sur le fait qu'on
ne demande pas que les professeurs d'université, comme cela s'est fait
aux États-Unis, soient exemptés de la loi et de l'application de
la loi. Mon témoignage est le suivant: Dans un milieu comme celui-ci,
comme celui qu'on a, voici des conséquences possibles, dans certains cas
probables, ou voici le genre de questions qui seront posées et
auxquelles on n'a pas de réponse, qui risquent de poser des
problèmes très sérieux. C'est notre position, mais on n'a
pas l'intention, comme cela s'est fait aux Etats-Unis, de demander une
exception pour les professeurs d'université. Je veux que ce soit bien
clair.
M. Lazure: Une dernière question, si vous permettez. Quand
vous parlez de moratoire, vous avez parlé de quelques mois, au cours de
vos remarques tout à l'heure, mais vous avez quel délai en
tête, comme moratoire?
M. Boucher (Jacques): II n'y a pas de délai. On en a
discuté, on a parlé de six mois, d'un an. Écoutez, le
moratoire a un double sens, d'accord? L'idée de moratoire peut vouloir
dire: Est-ce qu'on a vraiment suffisamment réfléchi aux
conséquences d'une telle loi si elle était adoptée? Le
premier sens du mot moratoire, c'est qu'on a eu un mois, un mois et demi pour
réfléchir à ça, collectivement, il me semble que
c'est trop grave pour qu'on adopte une loi comme celle-là aussi
rapidement. Donnons-nous six mois, un an, pour y réfléchir, sans
préjuger des conséquences. C'est le premier sens du mot
moratoire.
Le deuxième sens du mot moratoire - il n'est pas exclusif du
premier - c'est que si, par contre, le gouvernement décidait qu'à
partir du 1er janvier 1982 la loi 15 est en vigueur, je vous dis - à
partir des exemples que je vous cite dans le mémoire - qu'il y a les
conventions collectives qu'il faudra sans doute revoir, qu'il y a les fonds de
retraite, qu'il y a un éventail de choses à remettre en cause,
qui sont remises en cause par cette loi. Là encore, ça ne peut
pas se faire du jour au lendemain. C'est le deuxième sens du mot
moratoire.
M. Lazure: Une dernière remarque, M. le Président,
parce que M. Boucher est revenu à deux reprises à la notion d'un
mois et demi. Je vous rappelle quand même que le projet de loi a
été déposé au mois de mai à
l'Assemblée nationale et il a été rendu public au mois de
mai. C'est quand même beaucoup plus qu'un mois et demi, c'est
plutôt quatre mois et demi. Depuis le temps où le public sait,
tous les employeurs savent que le projet de loi a été
adopté à l'unanimité, en deuxième lecture, à
l'Assemblée nationale, au mois de juin. Donc, tous les employeurs ont eu
beaucoup plus qu'un mois et demi pour réfléchir à ce
projet de loi.
M. Boucher (Jacques): Est-ce que je peux quand même
répondre que la publicité dans les journaux convoquant ces
audiences publiques s'est faite au cours du mois de juillet ou août, si
mes souvenirs sont bons. Je vous avoue que, tout en sachant que la loi s'en
venait, pour être franc, M. le ministre, beaucoup de gens auxquels je
parle de cette loi autour de moi disent: Écoutez, ça ne tient pas
debout, ce n'est pas possible de faire ça aussi vite que ça,
c'est une nouvelle philosophie du travail et de la gestion de la boîte,
mais il n'y a personne qui ose le dire. Il n'y a personne qui ose se
présenter devant les autorités et dire franchement: On est contre
ou on pense que c'est trop vite.
M. Lazure: M. le Président, mon dernier commentaire - je
ne peux laisser penser cela sans le relever - je l'ai dit tantôt, je le
répète, je vais probablement le dire plusieurs fois d'ici la fin
de cette commission parlementaire, nous sommes ouverts à une application
progressive, une application par étape. Je ne veux pas, encore une fois,
évoquer la méthodologie, la façon dont le gouvernement
américain a procédé à l'implantation de sa loi.
Donc, nous ne voulons pas tout révolutionner du jour au lendemain. Dans
les différentes modalités, dans les différents ajustements
auxquels chaque employeur, surtout celui qui a un fonds de retraite
supplémentaire, devra procéder avec ses employés, il est
bien sûr qu'il va falloir y mettre un certain temps.
Je pense qu'il faut continuellement
distinguer entre l'urgence de mettre fin à une discrimination,
l'urgence de donner un choix à l'employé, quant à son
âge de retraite, et en même temps la prudence de laisser le temps
à chaque groupe, employeurs et employés, de négocier un
nouveau contrat qui tiendra compte de la nouvelle loi.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
M. Boucher, de l'Université de Montréal, d'être venu
présenter son mémoire. Il faut vous remercier de votre franchise.
Évidemment, ceci est sorti du discours - ils pourront peut-être
dire que je fais de la politique partisane, mais ce sont les faits - inaugural
un mois après l'élection, quand on a été
rappelés, comme étant une promesse électorale. Si on
n'avait pas ralenti les choses, si on n'avait pas demandé de nous
produire des études qu'on n'a pas encore eues, de toute façon,
probablement que la loi aurait été adoptée au mois de mai
ou au mois de juin, en session. Je me réjouis quand même qu'on
parle d'un étapisme de bon aloi, mais s'il durait aussi longtemps que
l'autre étapisme, vous n'auriez pas à vous inquiéter.
Je pense qu'il est évident que tout le monde est pour la vertu.
Il n'y a personne dans cette salle qui ne parle pas de cette
nécessité d'enlever ce facteur de discrimination qui est large.
On en a parlé toute la semaine dernière dans l'autre salle un peu
plus loin. Là-dessus, ce ne serait même pas la peine de se
réunir pour se dire cela entre nous, je pense qu'on perd tout notre
temps ici. Ce qui est important, comme je le disais ce matin, c'est de mettre
en place les conditions pour une application de la loi qui amène une
collaboration de tout le monde et qui ne soit pas précipitée, qui
finalement n'aille pas à ['encontre des objectifs qu'on veut atteindre.
Si, parce qu'on se précipite, parce qu'on n'a pas les données, on
se retrouve tout à coup à poser des jugements de valeur sur des
individus, jugements qui ne sont pas basés sur des critères
d'évaluation sérieux, si on se trouve devant des
difficultés financières auxquelles on ne pourra pas faire face et
où les gens auront immédiatement un droit de recours auquel on ne
pourra pas répondre, enfin, il y a toutes ces contingentes qu'il faut
examiner.
Nous avons tenté de rappeler ces choses au gouvernement au mois
de mai, mais quand on connaît l'impétuosité de l'ancien
ministre des Affaires sociales, qui est maintenant ministre d'État au
Développement social, il n'y a rien qui l'arrête, il fallait que
cela fasse. Qu'est-ce que c'est? Trop fort ne casse pas, ou quelque chose comme
cela. Il reste qu'il a quand même fait un léger progrès
depuis le mois de mai. Je dois le dire et le rappeler, quand le ministre des
Affaires sociales dit: Écoutez, cela fait quatre mois qu'il a
été déposé, les gens avaient le temps de
réagir. C'est vrai que les avis publics n'ont pas paru avant le mois
d'août et que nous-mêmes avions été convoqués
pour une commission parlementaire pour étudier le projet de loi article
par article. C'est à cause des représentations qui ont
été faites. Moi-même, j'ai appelé au
secrétariat des commissions parlementaires pour dire: Qu'est-ce qui se
passe? On avait cru comprendre que cela siégerait compte tenu que le
Conseil du patronat, la FTQ et quelques autres grands organismes avaient
demandé d'être entendus en commission parlementaire. Tout à
coup, il n'y avait même plus de commission parlementaire. On s'en venait
étudier le projet de loi article par article. Ceci, pour rétablir
les faits.
L'Université de Montréal n'a pas à se sentir
gênée de dire: On est pour le principe, allez de l'avant, mais
essayons de mesurer toutes les conséquences, que ce soit au plan social,
que ce soit au plan économique, etc.
La première des choses, aux États-Unis, on fait beaucoup
état du fait que la loi interdit la retraite forcée
jusqu'à 70 ans, dans le secteur privé, et sans limite
d'âge, dans le secteur public, depuis 1978. Compte tenu de mon ignorance
- peut-être que le ministre ou vous, M. Boucher, le savez - est-ce que
toutes les universités et les collèges aux États-Unis sont
considérés comme étant du secteur public? J'aurais
tendance à penser qu'il y a de l'un et de l'autre, et du secteur public
et du secteur privé, et que la loi s'appliquerait aux universités
ou collèges relevant du secteur privé, dans le sens de
l'interdiction de la retraite forcée jusqu'à 70 ans seulement, du
moins pour un certain nombre d'universités et de collèges.
M. Lazure: Sur ce point précis, il y a des
universités privées et des universités publiques aux
États-Unis.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est ce que je croyais.
M. Lazure: L'exemption de trois ans jusqu'au 1er janvier 1982
s'appliquait à tous les professeurs d'universités publiques ou
privées.
Mme Lavoie-Roux: Oui. C'est vous-même dans votre discours,
M. le ministre, qui avez dit cela ce matin. J'étais fort heureuse
de l'apprendre. Aux États-Unis, la loi interdit la retraite
forcée jusqu'à 70 ans dans le secteur privé. Le moratoire
de trois ans, je le laisse de côté; j'accepte votre explication.
Mais cela veut dire que, pour un certain nombre d'universités et de
collèges,
la loi ne les oblige pas à dépasser 70 ans. M. Lazure:
Exact.
Mme Lavoie-Roux: Alors qu'ici, il s'agit de l'abolition de
l'âge de la retraite pour tout le monde sans limite.
M. Lazure: C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: Les comparaisons, il y a quand même une
certaine nuance à faire. Vous l'avez faite dans votre discours, mais
là, on parle toujours comme s'il n'y avait pas d'âge de retraite
de fixée nulle part aux États-Unis. Comme on sait qu'aux
États-Unis le secteur privé est plus grand que le secteur public,
je pense que déjà...
M. Lazure: Ah non! j'ai bien dit ce matin que c'était 70
ans pour le secteur privé américain et sans limite pour le
secteur public.
Mme Lavoie-Roux: Ah oui! vous l'avez dit, je l'ai pris en
note.
M. Lincoln: Le secteur public fédéral, c'est tout
à fait différent.
M. Lazure: Oui, je parle du fédéral.
M. Lincoln: Non pas le secteur public des États-Unis,
c'est le secteur public fédéral, c'est-à-dire un
employé à l'emploi du gouvernement fédéral.
M. Lazure: Dans le sens fédéral du terme.
M. Lincoln: Dans le sens fédéral du terme; c'est
encore une distinction.
M. Lazure: Oui, dans le sens fédéral du terme.
Mme Lavoie-Roux: Cela fait une autre limite aussi dans...
M. Lincoln: Cela fait une autre limite, c'est cela.
Mme Lavoie-Roux: De toute façon! La question que
j'aimerais poser...
M. Lazure: Oui, c'est 3 000 000 d'employés à peu
près.
Mme Lavoie-Roux: Oui, ils sont 250 000 000; nous autres, nous
avons 6 000 000 de population, M. le ministre. Au rythme où on va, cela
n'augmente pas vite. On diminue, paraît-il.
Vous vous inquiétez beaucoup de l'évaluation des
professeurs qui seraient rendus à 65 ans et qui, tout à coup,
décideraient de prolonger leur carrière universitaire. Avez-vous
développé des critères d'évaluation pour ceux qui
sont en bas de 65 ans? Il y aura peut-être des professeurs de 65 ans et
plus qui n'auront plus la compétence, mais il y a peut-être des
professeurs en bas de 65 ans qui n'ont pas la compétence. Avez-vous,
à leur endroit, ce même souci de compétence que celui que
vous avez, ce qui est légitime, à l'endroit de ceux qui
dépasseraient la limite de 65 ans?
M. Boucher (Jacques): M. le Président, effectivement,
c'est une bonne question. Il est évidemment injuste de faire porter aux
professeurs de 65 ans et plus, j'allais dire, l'odieux ou la
responsabilité d'une situation alors qu'il y en un certain nombre, comme
dans tous les secteurs, qui, à 50, 55 ou 60 ans, ont cessé
d'être productifs, c'est bien clair. Notre système a des processus
d'évaluation. En faire ici le procès, dire s'ils sont suffisants
ou non, je m'interdirais de le faire; je pense qu'il y a du progrès
à faire de ce côté. C'est le moins que je puisse dire.
Mme Lavoie-Roux: J'ai l'impression que vous soulevez tout le
problème du dynamisme que les universités doivent avoir, de la
créativité, de la recherche, etc. Vous le posez en fonction d'une
loi qui vient abolir l'âge de la retraite. Je ne suis pas sûre que
tout le problème du vieillissement de la population des
universités n'est pas plus aigu dans le sens, par exemple, des coupures
budgétaires, d'une part, dans le sens de la sécurité
d'emploi, d'autre part. Est-ce que la sécurité d'emploi dans les
universités, qui doivent être un foyer de dynamisme, de
créativité, enfin tous les qualificatifs qu'on peut trouver,
telle qu'on la connaît avec, comme vous dites, des critères
d'évaluation qui sont très difficiles d'application, il faut bien
se le dire, dans tout le domaine de l'enseignement, parce que, finalement,
c'est toujours la sécurité d'emploi qui l'emporte... Si on veut
avoir ce même souci, c'est-à-dire si on veut partager votre souci
- je le partage - de ce dynamisme, de ce renouvellement, de cette cohabitation
des plus jeunes et des plus âgés, les uns complétant les
autres, est-ce que ce n'est pas un problème qui doit se poser à
un autre niveau? Évidemment, on discute de l'abolition de l'âge de
la retraite, je comprends que vous le posiez en fonction de cela, mais ne
faut-il pas le poser d'une façon plus générale et
même s'il n'y avait pas l'abolition de l'âge de la retraite, le
problème ne demeurerait-il pas assez entier?
M. Boucher (Jacques): Je suis d'accord avec vous. Il reste quand
même que, si on pose le problème dans le cadre de l'âge de
la retraite - encore une fois, je ne veux pas
faire porter à l'âge de la retraite après 65 ans le
poids de tout le vieillissement du corps professoral, le corps professoral
vieillit actuellement avec ce que cela peut supposer de bons aspects et
d'aspects moins bons et l'âge de la retraite est un facteur qui, pour le
moment, n'a pas joué, mais l'âge de la retraite est un facteur qui
s'ajoute à quelque chose qui existe déjà. (16 heures)
Par ailleurs, je pense qu'effectivement, avec vous, on n'a pas
été - c'est une opinion très personnelle, je n'engage pas
la direction de l'Université de Montréal à ce
sujet-là, puis j'imagine que mes confrères du syndicat auront
peut-être d'autres opinions là-dessus -suffisamment vigilants du
côté de l'évaluation. Encore une fois on a vécu dans
un époque de relative prospérité. Nous savions qu'il y
avait, comme partout ailleurs, des professeurs qui étaient moins
productifs, qu'on pouvait compenser en engageant des jeunes et que cela ne
faisait qu'enrichir le milieu. Maintenant, cela n'est plus possible. À
ce moment-ci, si l'on combine l'âge de la retraite et les coupures
budgétaires, le problème du vieillissement chez certains
-prématuré ou pas prématuré - devient aigu. On a
actuellement, à l'université, le choix, si la loi était
adoptée bientôt, entre garder les professeurs dont on sait qu'ils
ne sont pas productifs depuis un certain nombre d'années mais qui sont
par ailleurs de vieux serviteurs de l'institution depuis au-delà de 30
ans, que jamais l'université littéralement ne mettra à la
porte... Par ailleurs, il faudra peut-être mettre à la porte,
à leur place, des jeunes qui viennent de commencer et qui n'attendent
que le feu vert pour faire une carrière. Nous en sommes là.
Mme Lavoie-Roux: Je vais me faire taper sur les doigts par le
syndicat des enseignants parce que je touche à cette vache sacrée
qui est la sécurité d'emploi, mais comme vous abordez ce
problème sous cet angle du dynamisme, il faut peut-être le poser
aussi dans cette autre dimension qui est cette fameuse sécurité
d'emploi, au niveau universitaire j'entends bien, dans le cas du corps
professoral.
Je suppose que vous allez me dire que vous n'avez pas eu le temps de
faire ces études. Vous n'avez aucune idée, au moment où
l'on se parle, de ce que cela pourrait impliquer du point de vue des
coûts, évidemment ne sachant pas le nombre de gens qui
prolongeraient leurs services à l'université? Avez-vous fait une
tentative d'évaluation?
M. Boucher (Jacques): La tentative d'évaluation, je l'ai
quelque part dans mon dossier. En termes très large, d'ici 1986, si mes
souvenirs sont bons, les départs, si l'âge de la retraite est
maintenu à 65 ans, se chiffrent environ à 15 ou 20 par
année. Ce n'est pas énorme. En même temps, dans certains
cas, c'est la seule possibilité pour certains départements
d'engager de jeunes professeurs.
À partir de 1985 et carrément à partir de 1990 le
mouvement s'accélère; c'est plusieurs dizaines par année
qui devront partir, cela est clair. L'année pivot est autour de
1990.
Mme Lavoie-Roux: Évidemment, nous avons demandé au
gouvernement de nous donner une certaine estimation des coûts. On a eu ce
matin un début de réponse. La CARR a fait certaines
études: avec des hypothèses de 1000 personnes cela
équivaudrait à 2 000 000 $ par année; enfin on
évalue cela à 2 000 000 $. C'est évident que lorsque l'on
fait le tour de toute la fonction publique et parapublique... Je pense que la
CARR l'a peut-être fait uniquement pour la fonction publique. Est-ce
qu'elle l'a fait pour la fonction publique et parapublique?
M. Lazure: Les deux, publique et parapublique.
Mme Lavoie-Roux: Alors, 1000 c'est dans les deux secteurs,
c'est-à-dire pour environ 300 000 employés.
M. Lazure: Oui. Dans l'hypothèse d'une augmentation de 4%
de la main-d'oeuvre de 65 ans qui resterait sur le marché, cela donne 4%
de 40 000 employés qui à chaque année atteignent 65 ans,
soit 1600. Donc, l'hypothèse maximale, c'est que 1600 personnes à
chaque année utiliseraient cette loi pour continuer de travailler. Dans
les 1600, la CARR dit: Supposons qu'il y en a 1000 qui se recrutent, soit dans
la fonction publique ou parapublique, ils coûteraient 2 000 000 $
additionnels par année à cause de la cotisation de l'État
comme employeur.
Mme Lavoie-Roux: Parce que, ordinairement, on évalue les
avantages sociaux. J'imagine que cela doit être à peu près
la même chose dans le monde universitaire. On évalue à 25%
du salaire le coût des avantages sociaux. C'est quand même assez
considérable.
Une autre question que je voudrais vous poser, c'est la question de la
créativité et de la recherche. Est-ce que vous avez des
études à l'Université de Montréal disant combien de
professeurs font de la recherche, publient? Avez-vous un éventail des
âges, par exemple, reliés à la productivité?
À quel moment de la carrière ce signe est-il le plus
accentué? Des fois, on se fait dire qu'il y en a peut-être 20% qui
font de la recherche dans les universités, 20 à 25%, mais que ce
n'est pas davantage. C'est pour ça que,
comme vous avez fait beaucoup valoir cet argument qui reste valable,
celui de la créativité et de la recherche, j'aimerais quand
même en savoir plus. Ce serait intéressant, au point de vue de
l'âge, de savoir si ce sont vraiment les plus jeunes qui sont les plus
créateurs, qui produisent le plus, où est-ce que ça se
situe dans l'éventail?
M. Boucher (Jacques): On n'a pas de données
complètes là-dessus, surtout qu'on n'a pas fait la
corrélation en termes d'âge. Le vice-recteur à la recherche
a monté depuis deux ans un fichier complet des publications des
professeurs, on les avait déjà d'une façon partielle. Je
pense que je peux dire ceci: Un professeur qui obtient sa permanence, et encore
davantage sa titularisation, doit montrer dans son dossier une activité
de recherche importante, autrement, il n'a pas sa permanence, c'est la
première chose. Évidemment, ça varie, il y a des secteurs
où, traditionnellement, la recherche est une activité sine qua
non; si vous n'avez pas de fonds de recherche, si vous n'avez pas votre
laboratoire, je pense surtout aux sciences plus exactes et qui ont une longue
tradition de recherche, vous n'existez pas et, très tôt, vous
êtes mis au rancart, la sanction se fait de cette façon. Il faut
que vous continuiez à publier, il faut continuer à obtenir les
fonds de recherche.
Dans d'autres secteurs, la tradition est moins bien établie,
c'est vrai. L'université, les conventions collectives, le milieu social
poussent tous les professeurs à faire plus de recherche.
Évidemment, comme je vous le dis, il y a la première
étape, qui est celle de l'agrégation, où le professeur
doit montrer un activité de recherche, l'étape de la
titularisation où il doit montrer un dossier d'excellence en
matière de recherche. Qu'est-ce qui se passe après? On revient
à la question que vous avez posée tout à l'heure, il n'y a
plus de contrôle systématique, il y a le contrôle du milieu
qui joue, il y a le contrôle des confrères qui joue. Celui qui
perd ses subventions de recherche se retrouve dans une situation
délicate, c'est clair. Je sais qu'il y a des chiffres qui ont couru
récemment, je pense que c'était dans le livre vert sur la
recherche, qu'il y avait un tiers des professeurs d'université qui
faisaient de la recherche. C'est un tiers - j'ai été quand
même assez proche de ce milieu, à ce moment-là - qui est
venu d'où on ne sait trop. Je n'ai jamais vu de preuves ni dans un sens
ni dans l'autre et, encore une fois, on essaie de se donner des outils pour y
répondre. Il est clair que personne n'est (chez les professeurs
d'université) le Einstein et le grand chercheur dans son domaine.
Par ailleurs, les professeurs doivent en faire, y consacrer une certaine
partie de leur temps, ça fait partie de leur tâche d'enseignement.
Si on revient à notre propos ici, la corrélation entre la
publication, la créativité et l'âge, on peut avoir des
hypothèses. Je regarde autour de moi, je regarde mes collègues et
je constate des choses. Je sais qu'il y a une pression qui est très
forte sur le jeune pour publier, précisément parce qu'il doit
avoir son agrégation et il n'a pas le choix. Je constate qu'il y a de
vieux professeurs qui continuent à publier plus que les jeunes, c'est
clair, et il en a d'autres qui ont peut-être tendance à s'appuyer
davantage sur l'expérience et à se renouveler un peu moins, ce
qui ne veut pas dire que ce sont les moins bons professeurs. Je viens de la
faculté de droit, les cours qu'on donne, les professeurs qu'on affecte
en première année aux grandes classes, ce sont les professeurs
qui ont le plus d'expérience; dans certains cas, ils font moins de
recherche que d'autres, mais cela a moins d'importance. Une personne qui ne
fait plus de recherche à 60 ans, qui ne se renouvelle plus constamment
n'est pas nécessairement un moins bon professeur, sauf, qu'il faut que,
quelque part dans le secteur, si c'est le sien, en droit ou en chimie, il y ait
quelqu'un qui fasse de la recherche pour se remettre à jour. S'il ne la
fait pas à 60 ans ou à 65 ans, c'est moins grave. Encore une
fois, je n'ai pas de données pour vous dire s'il en fait ou s'il n'en
fait pas. S'il n'en fait pas, c'est moins grave, à condition qu'il y ait
des jeunes, mais, actuellement, il n'y a plus de place pour les jeunes dans le
système.
Mme Lavoie-Roux: Dernière question. On devrait
peut-être vous convoquer de nouveau à une commission de
l'éducation, ce serait fort intéressant, mais on n'a jamais cette
chance depuis cinq ans.
M. Lazure: Cela aussi va venir plus vite que vous ne le
croyez.
Mme Lavoie-Roux: Au niveau universitaire?
M. Lazure: Sur toute l'éducation. Cela bouge!
Mme Lavoie-Roux: Finalement! Est-ce que vous pouvez nous dire si,
à la suite des coupures budgétaires, vous avez été
obligés de remercier des professeurs? Parce que la
sécurité étant acquise à peu près
après cinq ans, évidemment, si vous ne pouvez pas procéder
par attrition, vous allez être obligés d'agir par le renvoi ou le
congédiement de certains professeurs. Est-ce que vous avez
été obligés, jusqu'à ce moment-ci, d'avoir recours
à cette mesure ultime qui, je pense, serait regrettable?
M. Boucher (Jacques): À ce moment-
ci, à ce jour, la réponse est non.
Mme Lavoie-Roux: Merci bien.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Je voulais poser une question par rapport à la
loi américaine, parce que le ministre a dit ce matin que la loi
américaine est la seule base qu'on a pour quelque chose de semblable. Je
veux toucher la question universitaire; je pense que cette question n'est pas
trop claire et j'aurais voulu avoir des éclaircissements
là-dessus. De la façon dont je comprends ça, la loi
américaine date de 1967. Elle a été amendée en 1974
et, ensuite, en 1978. Ce n'est pas une loi qui traite principalement de la
retraite, c'est une loi contre la discrimination sur l'âge. En fait, cela
implique la retraite, naturellement, mais, d'après ce que je comprends -
vous me corrigerez si j'ai tort - aux États-Unis, d'abord, on n'a pas
d'universités fédérales comme telles. Il y a les
universités d'État comme Plattsburgh State ou Louisiana State,
et, ensuite, vous avez des universités privées comme Harvard,
Yale, Princeton, etc.
Ce que l'amendement avait dit tout d'abord, en 1978, c'était
qu'on avait fait une exception pour permettre aux universités et aux
collèges, par rapport aux professeurs qui avaient la "tenure" de pouvoir
décréter une retraite obligatoire entre 65 ans et 70 ans,
c'est-à-dire faire une exception, au lieu de 70 ans, comme l'acte
disait, entre 65 ans et 70 ans.
En 1982, tout ce que ça va faire, cela va forcer les
collèges et les universités à suivre la loi qui dit
maintenant: Pour tout le monde, ça va être 70 ans, excepté
pour les employés du gouvernement fédéral. Tout ce que
ça va faire pour les universités et les collèges,
ça va les mettre sur le même pied que l'entreprise privée,
c'est-à-dire 70 ans. D'après ce que je peux comprendre de ce que
j'ai lu, l'idée des États-Unis était de faire une
étape pour faire une étude de ce qui se passe, parce que toutes
leurs études actuarielles s'arrêtent à 70 ans. Ils ont dit:
À partir de 70 ans, nous ne connaissons pas les conséquences
sociales, nous ne connaissons pas les conséquences économiques,
nous ne connaissons pas les conséquences actuarielles. C'est pourquoi
ils se sont arrêtés à 70 ans. Peut-être que ça
nous donne un peu à réfléchir; avant d'ouvrir ça
complètement d'un coup, on devrait attendre les chiffres et les rapports
des États-Unis pour ceux qui ont passé 70 ans, études qui
sont en cours en ce moment.
M. Lazure: M. le Président, j'ai le texte devant moi du
projet de loi qui est ensuite devenu loi, en 1978.
M. Lincoln: C'est avant 1978, la loi. M. Lazure:
L'amendement de 1978... M. Lincoln: Oui.
M. Lazure: ...qui amendait - vous avez raison, M. le
député de Nelligan - la loi de 1967.
M. Lincoln: 1967, oui.
M. Lazure: L'amendement de 1978 abolit la discrimination quant
à l'âge.
M. Lincoln: Oui, d'accord.
M. Lazure: C'est de ça qu'on parlé tout le temps,
d'ailleurs. Il s'appelle Age Discrimination in Employment...
M. Lincoln: Discrimination in Employment Act.
M. Lazure: ...Act, ADEA. M. Lincoln: Oui.
M. Lazure: Notre projet de loi no 15 vise essentiellement le
même but: abolir la discrimination qui consiste à mettre à
pied quelqu'un parce qu'il a 65 ans. (16 h 15)
M. Lincoln: Oui, là, nous sommes tout à fait
d'accord.
M. Lazure: La philosophie, je pense qu'on s'entend
là-dessus.
M. Lincoln: Oui, on s'entend là-dessus.
M. Lazure: Nous avons comme préoccupation celle que les
législateurs états-uniens ont eue. Ils ont procédé
par étapes, ils avaient déjà rehaussé l'âge
de la retraite, dans un premier temps. Il y a deux caractéristiques au
bill de 1978, une dont on n'a pas parlé encore aujourd'hui, qui consiste
à appliquer cette loi seulement aux individus qui, s'ils étaient
retirés à 65 ans, auraient une rente de moins de 27 000 $.
Autrement dit, les revenus très élevés sont
exemptés de l'application de cette loi.
M. Lincoln: Je pensais que c'était 20 000 $.
M. Lazure: 27 000 $.
L'autre exemption dans cette loi - on en a parlé tantôt -
c'étaient les professeurs d'université. Les renseignements
verbaux que nous avons eus des fonctionnaires de Washington, du
ministère du Travail, c'était que cette exemption qui est
temporaire -elle prend fin le 1er janvier 1982 - était pour permettre
à d'autres programmes
gouvernementaux d'être menés à bien,
c'est-à-dire de pouvoir faire du rattrapage et d'employer un plus grand
nombre de femmes et de citoyens de race noire.
Cela étant dit, nous revenons au propos principal qui consiste
à dire: II ne faut pas bousculer les choses. On ne peut pas du jour au
lendemain, sans connaître toutes les données... J'ai admis
à l'Opposition au mois de mai, au mois de juin, comme je le fais encore
aujourd'hui, que nous n'avons pas des données précises
là-dessus. On assiste chez nous, en moins intense, en moins important,
au même mouvement d'opposition qu'on a vu aux États-Unis à
l'époque. Pour avoir lu beaucoup de documentation sur les circonstances
qui ont présidé à l'adoption de ce projet de loi, beaucoup
d'hommes d'affaires étaient très inquiets, beaucoup de dirigeants
dans les différentes communautés se disaient extrêmement
inquiets et s'opposaient à ce projet de loi, prédisaient toutes
sortes de conséquences néfastes.
Ce que les Américains constatent après une
expérience de quelques années, c'est qu'il n'y a pas eu de
conséquences aussi dramatiques qu'on l'avait supposé. Ils ont
prévu dans leur projet de loi de corriger périodiquement
certaines lacunes qu'il pourrait y avoir, d'apporter des modifications au
projet de loi. En particulier, ils ont prévu une chose
intéressante qu'on pourra peut-être retenir dans notre projet de
loi, l'obligation de fournir des données de recherches après
trois ans de mise en vigueur de la loi. En résumé, j'accepte
très bien la critique qui veut qu'on procède sans avoir de
données précises, mais c'est inévitable, c'est le sujet
lui-même qui nous en empêche, parce qu'on est dans
l'imprévisible, c'est une situation nouvelle. On peut simplement aller
regarder ailleurs où ils ont fait une expérience semblable pour
arriver à la conclusion que les prédictions qui sont plutôt
négatives ou plutôt alarmistes ne se sont pas
avérées justes, non seulement aux États-Unis, mais dans
quelques autres pays d'Europe où on a eu des lois semblables.
Cela étant dit, je répète encore une fois
qu'à la suite de cette commission nous allons examiner la
possibilité que dans cette loi, quant à l'application touchant
les 5000 conventions collectives et les 5000 fonds de retraite
supplémentaires, il y ait un certain gradualisme, un certain
étapisme dans l'application de la loi.
M. Lincoln: Est-ce que je peux faire une intervention très
courte? Ce que je voulais vous souligner, M. le ministre, c'est que les
États-Unis ont pris cette soupape de sûreté, de ne pas
aller de l'avant tant qu'ils n'auront pas eu des renseignements passé 70
ans. En fait, le comité qui a conçu tout le travail dit: "Felt
that it should not address this question until this information had been
developed", c'est-à-dire passé 70 ans. Ils ont dit: Là,
nous avons des renseignements actuariels, nous avons des renseignements sur la
question des conséquences sociales, historiques, etc. On va aller
jusqu'à 70 ans. Je vous dis que, puisque les États-Unis sont en
train d'obtenir le reste, est-ce qu'on ne peut pas attendre? On pourrait faire
adopter la loi en principe en disant: On va vous l'ouvrir après qu'on
aura voté cela jusqu'à 75 ans, dès qu'il y aura des
données réelles puisque les États-Unis sont en train de
les amasser maintenant.
M. Lazure: M. le Président, si je comprends bien
l'intervention du député de Nelligan, vous proposeriez, comme
cela a été notre intention à l'origine, de limiter
à 70 ans. C'est votre propos.
M. Lincoln: Peut-être en première étape, mais
dire dans le principe de la loi que...
M. Lazure: Ce n'est pas exclu. Dans l'engagement électoral
qui nous a amenés à préparer ce projet de loi - personne
ne va nous reprocher de tenir un engagement électoral - nous parlions de
70 ans. Mais, en préparant le projet de loi au cours du printemps et au
début de l'été, on s'est rendu compte, toujours
basé sur l'expérience d'autres pays, qu'il y a tellement peu de
personnes qui veulent continuer après 70 ans qu'on s'est dit: Pourquoi,
puisque c'est une loi antidiscrimination, ne pas enlever tout âge, vu
que, de toute façon, il y a très peu de personnes qui continuent
après 70 ans? Personnellement, je ne suis pas opposé à ce
que, dans une première étape, on mette 70 ans dans la loi. C'est
une décision qu'on prendra à la suite de la commission
parlementaire.
Mme Lavoie-Roux: L'été porte conseil, n'est-ce
pas'?
M. Lazure: Mme la députée de
L'Acadie se souviendra que, lors de mon discours de deuxième
lecture, j'ai dit exactement ce que je viens de dire...
Mme Lavoie-Roux: Bon...
M. Lazure: ... que l'engagement électoral parlait de 70
ans et qu'après réflexion et consultation, étant
donné le très petit nombre de ceux ou celles qui voudraient aller
au-delà de 70 ans, aussi bien aller carrément vers l'abolition de
tout âge.
Mme Lavoie-Roux: Si vous l'avez dit, je vous crois, M. le
ministre.
Le Président (M. Boucher): II n'y a plus de question? Au
nom des membres de la
commission, je remercie M. Boucher d'avoir présenté son
mémoire au nom de l'Université de Montréal.
Syndicat général des professeurs de
l'UM
J'appellerais maintenant le Syndicat général des
professeurs de l'Université de Montréal représenté
par M. Pierre Bordeleau.
M. Bordeleau, si vous voulez procéder à la lecture de
votre mémoire.
M. Bordeleau (Pierre): M. le Président, M. le ministre,
Mme et MM. les députés, je tiens d'abord à remercier cette
commission d'avoir accepté de nous entendre. Je me permets de vous
signaler aussi la présence du secrétaire du syndicat, M. Marius
D'Ambroise, qui est à ma gauche.
Le mémoire du Syndicat général des professeurs de
l'Université de Montréal, est relativement court, bref. Il se
veut plutôt communicatif. C'est pourquoi nous ne l'avons pas
enrobé d'un long préambule ou de longues considérations,
essayant de nous centrer particulièrement sur le contenu même du
projet de loi no 15.
Je dois aussi indiquer que, bien qu'il soit indiqué sur la
première page du mémoire qu'il s'agit de la position du bureau de
direction du syndicat général, notre conseil syndical, qui est
l'organisme décisionnel par excellence, au niveau du SGPUM, a
donné son aval au projet, de telle sorte qu'il me fait plaisir de dire
que je parle ici au nom du SGPUM et non pas uniquement au nom de son bureau de
direction.
Nous n'avons pas non plus conçu notre mémoire comme une
réponse au mémoire de l'université. Cela était
difficile en raison du fait que les deux mémoires ont été
conçus dans le temps parallèlement et nous n'avons pas non plus
voulu nous embarquer, si vous me passez le mot, dans la même
problématique que l'université. Nous avons voulu, comme je le
disais tout à l'heure, nous centrer surtout sur le projet de loi.
Vous me permettrez cependant quelques commentaires préliminaires
qui ne sont pas dans le projet de loi. Nous ne partageons pas cette sorte de
conception de la vieillesse qui est sous-jacente au mémoire de
l'université. Bien que M. Boucher ait indiqué qu'il ne faisait
pas de relation directe entre la vieillesse et la créativité, le
sens critique, le renouvellement des connaissances, etc., il y a suffisamment
de sous-entendus dans le mémoire pour nous laisser croire que le fond de
la pensée de l'université, c'est qu'il y a peut-être une
relation plus directe qu'on le croit entre la vieillesse et la
productivité universitaire. Nous ne partageons pas cette conception, M.
le Président.
Nous comprenons cependant les inquiétudes de l'université
en ce qui concerne les questions de permanence, les questions de régimes
de retraite, nous la comprenons bien sûr, car l'université, si le
projet de loi est adopté, devra négocier avec non seulement les
professeurs, mais tous les employés de l'université des
adaptations au fonds de retraite actuel et aussi, bien sûr, des
adaptations en ce qui concerne les questions d'évaluation et les
questions de permanence. Cependant, je m'explique malgré tout assez mal
ces inquiétudes d'avoir à négocier ces choses-là,
parce qu'en ce qui concerne les professeurs les négociations que nous
avons eues avec l'université, il me fait plaisir de le dire, se sont
toujours déroulées dans un climat excellent. À preuve,
nous avons signé récemment une nouvelle convention collective
pour une durée de trois ans.
D'autre part, nous ne pouvons pas être d'accord avec les
hypothèses pessimistes de l'université, car elles ne reposent sur
aucune donnée vraiment précise, sur aucune recherche vraiment
précise; elles reposent beaucoup plus sur des expériences
vécues ou, si vous me passez l'expression, sur des critères qui
tiennent de ce qu'on appelle le pifomètre. Sur ces bases, nous ne
pouvons pas formuler, quant à nous, les mêmes hypothèses
que formulait tout à l'heure l'université; nous n'avons pas les
mêmes inquiétudes quant aux inconvénients, aux effets,
semble-t-il, très négatifs qui sont appréhendés par
l'université.
Par ailleurs, on disait tout à l'heure que la permanence à
l'université se termine à 65 ans. Elle se termine dans les faits
à 65 ans en raison même du règlement de régime de
retraite, mais on ne dit nulle part dans la convention collective que la fin de
la carrière d'un professeur de l'Université de Montréal,
c'est 65 ans. La permanence est acquise - c'est tout ce que dit la convention
collective là-dessus - lorsqu'un professeur devient agrégé
ou lorsqu'il est engagé comme professeur agrégé permanent
et il la conserve jusqu'à la fin de sa carrière.
Si vous me permettez, M. le Président, il y a quelques questions
qui ont été posées tout à l'heure et qui m'ont
inspiré un certain nombre de réflexions ou, du moins, de
réponses. Pour éclairer cette commission, il serait
peut-être utile que je vous donne brièvement mon point de vue sur
certaines questions qui ont été soulevées. Je les prends
à peu près dans l'ordre des notes que j'ai prises.
En ce qui concerne le taux de roulement, les départs naturels et
non pas les mises à la retraite, d'après les chiffres que nous
fournit l'université - ce sont des chiffres qui ne concernent que notre
unité d'accréditation - cela représente tout près
de 1200 professeurs et chercheurs. Or, nous couvrons tous les professeurs de
l'Université de Montréal à l'exception des médecins
plein-temps géographiques, qui sont couverts
par un autre syndicat, et à l'exception des chargés de
cours qui sont des employés à temps partiel, de toute
façon, mais nous couvrons tout le reste.
Pour ce qui est de l'Université de Montréal, cela ne
couvre pas les écoles affiliées. D'après ces
chiffres-là, le taux de roulement est entre 10% et 15% par année;
je vous donne entre 10% et 15% parce que cela peut varier d'une année
à l'autre, c'est relativement important comme taux de roulement. C'est
certainement plus important que le nombre de professeurs qui prennent leur
retraite actuellement. (16 h 30)
En ce qui concerne les critères d'évaluation - je voudrais
rassurer Mme la députée de L'Acadie - nous nous
préoccupons beaucoup en tant que syndicat des critères
d'évaluation. Je dois dire aussi qu'il y a une opération qui a
été entreprise depuis quelques années à
l'assemblée universitaire. C'est une entreprise qui vise à
déterminer des critères d'évaluation plus précis,
c'est-à-dire qui tiennent moins de l'évaluation subjective, pour
chacune des quatre fonctions de la tâche. Je rappelle aussi que nous
étions tellement intéressés comme syndicat par la question
de l'évaluation que, lors de la dernière négociation, nous
avions insisté -c'était l'une de nos demandes - auprès de
l'administration de l'université pour que nous soyons partie prenante
comme syndicat dans le déroulement de ce processus de
détermination des critères. Cela, curieusement, nous a
été refusé. On a voulu que nous soyons là seulement
à la fin du processus, c'est-à-dire lorsque toute
l'opération est entreprise et qui est une opération très
vaste, qui ne vise pas à donner des critères
généraux pour l'ensemble de l'université, ce qui serait
complètement aberrant; je pense qu'on n'évalue pas un chimiste
comme on évalue un psycholoque ou un travailleur social.
Il s'agit donc d'établir des critères d'évaluation
qui vont recevoir une application dans la grande variété des
départements ou des facultés de l'Université de
Montréal. Par conséquent, elle doit subir des adaptations
à chaque discipline, ce qui m'apparaît être une approche
très sage. Ce n'est qu'au bout de toute cette opération que le
syndicat sera impliqué dans un comité conjoint avec
l'université pour étudier les critères qui auront
été définis par les départements et
l'administration et, éventuellement, les inclure dans la convention
collective. C'est une opération qui est commencée et je voulais
rassurer là-dessus Mme la députée.
Si vous me le permettez aussi, M. le Président, j'aimerais quand
même vous dire, lorsqu'on parle d'évaluation, que je connais peu
de travailleurs qui sont autant évalués que les professeurs
d'université. Je ne vous apprends rien en disant que, pour
accéder à la carrière de professeur d'université,
nous devons subir plusieurs évaluations, si je compte la durée
des études et le nombre de diplômes ou de cycles d'études
qu'il faut franchir avant d'aspirer un jour à devenir professeur
d'université. Il y a donc là plusieurs évaluations qui
sont faites avant même qu'on entre. Pour entrer à
l'université, la sélection du corps professoral est très
forte. La preuve en est qu'à l'Université de Montréal, le
taux d'échec lors d'un renouvellement d'engagement comme professeur
adjoint est relativement faible et le taux d'échec, lorsque vient le
moment de l'agrégation, est relativement faible si on considère
ça par rapport à l'ensemble. Cependant, je vous signale, pour
vous rassurer encore une fois, qu'il y a des professeurs qui perdent leur poste
au bout de la sixième année comme professeur adjoint parce qu'ils
n'ont pas réussi à se qualifier pour devenir professeurs
agrégés et, par conséquent, à
bénéficier de la permanence. C'est 7 à 8% par année
environ sur l'ensemble des demandes de promotion à l'agrégation;
ça ne représente pas un gros chiffre; en termes absolus, c'est
cinq ou six personnes bon an mal an environ, mais vous en parlerez à
ceux à qui ça arrive et vous leur demanderez quel stress ils ont
vécu.
Par la suite, il faut vous dire qu'on est constamment
évalué. On est évalué lorsqu'on entre à
l'université, selon le statut. Si on entre avant même d'avoir
terminé son doctorat, si on entre comme chargé d'enseignement, on
subit une évaluation pour obtenir son doctorat et on subit une
évaluation ensuite pour être nommé professeur adjoint.
À peine trois ans après, l'évaluation se fait même
un an avant la fin du contrat de trois ans, on est encore évalué
pour savoir si on est encore bon pour un second contrat de professeur adjoint.
On est ensuite évalué au moment de l'agrégation,
c'est-à-dire au bout de cinq ou six ans généralement. On
l'est ensuite, si on veut devenir professeur titulaire, au bout de six ou sept
ans.
Je dois vous dire que c'est une évaluation qui est
extrêmement exigeante; mon collègue, M. Boucher, l'indiquait tout
à l'heure. Outre ces évaluations qui sont des évaluations
officielles à l'intérieur de l'université, le professeur
d'université est évalué chaque fois qu'il fait une demande
de subvention, chaque fois qu'il demande une bourse de recherche ou des fonds
de subvention, il est évalué, encore une fois, par des pairs. Je
peux vous dire que là aussi, c'est extrêmement exigeant, et ce ne
sont effectivement pas tous les professeurs qui bénéficient de
fonds de recherche. On est aussi évalué chaque fois qu'on
dépose un article pour publication dans une revue savante. Encore une
fois, on est évalué par des pairs et, là aussi,
l'évaluation est
extrêmement sévère et la sélection
très forte, étant donné la grande quantité
d'articles qui sont soumis aux revues.
On sait que malgré que nous sommes seulement un petit
marché francophone de 6 000 000, notre rayonnement comme professeurs
d'université doit dépasser les bornes du Québec. Par
conséquent, les professeurs doivent aussi chercher à publier
à l'extérieur, en Europe, et doivent aussi essayer de publier en
langue étrangère, généralement en anglais, en
allemand ou en espagnol. Là aussi, la compétition est
extrêmement forte, parce qu'on a affaire à un bassin de population
qui est nettement plus grand. Encore une fois, on est évalué.
Là, je ne parle pas des évaluations que font subir les
étudiants, officieusement ou officiellement; je ne compte pas
celles-là. Je ne compte pas non plus la pression des pairs qui
évaluent aussi, sans que cela soit officiel.
Trouvez-moi un travailleur dans les secteurs public et privé qui
soit aussi évalué qu'un professeur d'université.
J'aimerais bien avoir des exemples.
Une dernière remarque, si vous me permettez, quant au fameux
tiers qui traîne un peu partout. C'est le Conseil des universités
qui, malheureusement, a laissé traîner ce chiffre. Je
répondrai à cela qu'on sous-estime sans doute l'importance que
prend la recherche dans les tâches des professeurs d'université.
Moi non plus, je ne sais pas trop sur quelle base on s'est fondé pour
dire qu'il y avait seulement un tiers des professeurs d'université qui
faisaient de la recherche.
Ce tiers dénote une certaine conception de la recherche que nous
ne pouvons partager. D'autre part, il faut faire remarquer, avec insistance,
que la recherche ne doit pas uniquement s'évaluer - et surtout,
ça ne doit pas être le critère principal - en fonction de
la quantité. La productivité d'un professeur d'université
ne se mesure pas à la quantité d'articles publiés dans les
revues savantes. Il faut que cela soit dit.
Quant au mémoire lui-même, nous sommes pour le droit
à la retraite volontaire, parce que l'âge obligatoire de la
retraite est une convention arbitraire et discriminatoire, sans rapport avec la
capacité effective de travail de la personne, parce que le rejet du
travailleur en dehors de la société active peut entraîner
des répercussions dommageables à sa santé physique et
mentale, parce que la société gaspille ainsi des ressources
humaines considérables et parce que cela permettrait à beaucoup
d'éviter d'être précipités dans la pauvreté.
Bien que nous soyons conscients que pour maintenir un niveau de vie
décent, on devra travailler tant qu'on le pourra, ce qui, dans les
circonstances, n'est qu'un palliatif à l'absence d'un régime
adéquat de sécurité sociale, nous appuyons le principe de
l'abolition de la retraite obligatoire.
Je crois que n'eût été la rédaction des
articles 4 et 5 sur lesquels nous allons revenir, nous aurions
été d'accord sur le projet de loi dans sa formulation.
D'où la nuance que nous sommes d'accord sur le principe plutôt que
sur le projet de loi tel que formulé.
Pour le droit à une retraite décente, il ne faudrait pas
que cette mesure - le discours d'introduction du ministre, ce matin, a de quoi
nous réjouir, puisqu'il nous a dit que c'était la première
étape d'une réforme du régime de retraite - dispense les
employeurs et l'État de rechercher l'amélioration des revenus de
retraite. Si le droit de choisir le moment de sa retraite est un droit
individuel qu'il importe de consacrer, le droit à une retraite
décente est un droit social sans lequel le premier serait vain. Ainsi,
nous nous inquiétons. Nos inquiétudes sont peut-être moins
fortes cet après-midi qu'elles ne l'étaient avant qu'on
dépose le mémoire, mais nous nous inquiétons de voir le
ministre d'État au Développement social proposer l'abolition de
l'âge obligatoire de la retraite indépendamment d'une politique
des revenus de retraite. Semble-t-il que ça doit venir, nous nous en
réjouissons.
Le dossier de la retraite, dans notre syndicat, est un vieux dossier.
Cela fait quelques années qu'on y travaille. Nous avons publié
l'an dernier, en avril 1980, un numéro spécial de notre journal
sur la retraite, que nous avons annexé à ce mémoire, de
façon à vous fournir un arrière-plan que nous n'avons pas
voulu répéter au sein même du mémoire. Je me
réjouis d'ailleurs que l'université nous ait par deux fois
cités dans son propre mémoire. C'est donc dire que,
là-dessus, nous étions probablement un pas en avant dans les
réflexions.
Avant qu'il ne soit question d'une intervention législative, le
SGPUM a étudié la possibilité d'installer à
l'université un système de retraite volontaire qui permettrait au
professeur de planifier sa fin de carrière en fonction de ses
capacités, de ses intérêts et des services qu'il pourrait
le mieux rendre à l'université et à la
société. Les professeurs pourraient choisir entre
différents régimes qui vont de la retraite anticipée
à la retraite différée, en passant par la demi-retraite,
selon diverses combinaisons. Je vous réfère à l'article du
journal signé par mon collègue démographe Jacques
Henripin. Cette retraite sur mesure devrait permettre de remédier aux
difficultés soulevées par ceux qui s'opposent à la
retraite volontaire. Autrement dit, nous abordons le problème de la
retraite de la façon la plus positive possible, en disant: II y a
plusieurs façons de se retirer. L'important, c'est qu'on ne soit pas
brutalement obligé de
se retirer du jour au lendemain et brutalement cesser une
activité intellectuelle intense à 65 ans.
En ce qui concerne le vieillissement du corps professoral, il est
probable que la combinaison des choix individuels des professeurs entre les
divers régimes de fin de carrière résulterait en
l'établissement de l'âge moyen de la retraite, en
deçà de 65 ans, les réponses à la question du
sondage que nous avons mené indiquent que cet âge moyen tomberait
à 61,2 ans. Évidemment, cette hypothèse implique que la
retraite ou la demi-retraite anticipée n'entraîne pas de
pénalité actuarielle, c'est-à-dire qu'il faut
aménager le régime de retraite de telle sorte que ce soit
favorable de prendre sa retraite avant 65 ans, mais l'amélioration du
régime des rentes dans ce sens ne nous apparaît pas comme un
problème insurmontable. Quoi qu'il en soit, sans ces
améliorations, les professeurs se retireraient à 65,4 ans en
moyenne, bien que les professeurs n'auront, en moyenne, à l'âge de
65 ans que 26,5 années de service sur les 35 nécessaires pour
obtenir la rente maximale prévue de 70%, au salaire moyen des cinq
meilleures années. Or, la chute du niveau de vie est un motif important
du refus de la retraite.
Quant à l'augmentation des coûts, notre projet de retraite
à la CARR prévoit une combinaison de revenus de retraite et de
salaire, de façon à affecter le moins possible la masse
salariale, pour ne pas empêcher l'ouverture de postes, quoique, par les
temps qui courent, la chose sera difficile. Je ferai une parenthèse en
disant que les coupures budgétaires dans le système universitaire
actuellement auront probablement des effets encore plus négatifs sur le
renouvellement du corps professoral que tous les effets négatifs
appréhendés par l'université dans son mémoire.
Par contre, ils nécessiteraient l'amélioration du
régime de rentes pour permettre des options de retraite ou de
demi-retraite anticipée. Nous croyons qu'il est possible de minimiser
les coûts de la retraite volontaire en jouant sur la
complémentarité des choix, tout en s'assurant d'une
redistribution équitable des revenus qui tienne compte des droits acquis
de chacun. Cependant, le projet de loi oblige le travailleur qui décide
de poursuivre sa carrière au-delà de l'âge ou du nombre
d'années de service prévu à son régime de retraite
à continuer à cotiser à celui-ci, l'article 4, en
même temps qu'il interdit toute amélioration de la rente ou tout
cumul d'une rente et d'un salaire, enfin, d'un même employeur ici,
à l'article 5. En conséquence, nous ne pouvons pas appuyer un
projet de loi dont le contenu même empêche d'améliorer le
sort du travailleur retraité en consacrant une sorte de statu quo de son
régime de retraite. Nous réclamons le droit à la retraite
volontaire à la condition de pouvoir négocier des conditions de
retraite acceptables qui permettent au travailleur de planifier la fin de sa
carrière.
Les articles 4 et 5 du projet de loi devront être
révisés en ce sens avant son adoption définitive. Je
voudrais signaler qu'à l'Université de Montréal, nous
vivons une situation, comme syndicat, qui est assez difficile. En effet, le
comité de la retraite, qui gère en quelque sorte le régime
des rentes de l'Université de Montréal, n'est pas formé
à même des représentants des différents syndicats,
mais fonctionne par élection à l'intérieur des grands
corps d'employés, de telle sorte que les syndicats n'ont pas de
représentation directe. Cela est doublé par le fait que le
régime de rentes est un régime qui couvre l'ensemble des
employés de l'université et non pas seulement les professeurs.
Vous voyez tout de suite les batailles d'intérêts entre les
employés du non-enseignant, les employés de soutien, par exemple,
et, éventuellement, les cadres, les professionnels et les professeurs
qui vivent un même régime de retraite et qui essaient de trouver
des solutions d'accommodement qui plaisent à tout le monde et surtout
qui plaisent à l'administration de l'université qui est
majoritaire au comité de la retraite. Ainsi, lorsque nous demandons de
pouvoir négocier des conditions de retraite, encore faudrait-il, dans le
milieu qu'est l'Université de Montréal, que les syndicats, en
tant que cartel ici probablement puisqu'il s'agit d'un régime de rentes
qui couvre l'ensemble des employés, puissent directement négocier
ces questions de régime de retraite à l'Université de
Montréal. (16 h 45)
Il y a probablement des situations semblables aussi ailleurs. Je tenais
à signaler cette difficulté que nous avons d'avoir prise sur le
régime de retraite. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Bordeleau. M. le
ministre.
M. Lazure: M, le Président, je veux remercier M. Bordeleau
et son collègue, en somme, tous les membres du Syndicat
général des professeurs de l'Université de
Montréal, de nous permettre d'entendre leur version, et de nous exposer
leur philosophie quant au travail passé l'âge de 65 ans. Je suis
content de constater que l'ensemble des 1200 professeurs ne voient pas
l'avenir, dans le contexte d'une loi en vigueur, de façon aussi
pessimiste que la direction de l'université.
Je vais me contenter de répondre à deux ou trois points;
peut-être que le plus important concerne les articles 4 et 5. J'ai
eu l'occasion de dire ce matin que, dans notre esprit, il s'agissait
d'articles transitoires. Nous allons sûrement modifier l'article 4 et
probablement que l'article 5 disparaîtra. L'article 4, une fois
modifié, va permettre au travailleur, à la travailleuse, à
l'employé, de choisir parmi différentes possibilités.
Lorsque l'employé de 65 ans décidera de continuer - je
peux évoquer quelques possibilités que nous envisageons
déjà et il peut y en avoir d'autres; ce que je dis n'est pas
limitatif - il pourra percevoir sa rente mensuelle en même temps qu'il
percevra son salaire pendant un an, deux ans, trois ans, peu importe le nombre
d'années où il choisit de continuer à travailler. C'est
une première possibilité. Donc, perception de la rente au fur et
à mesure, parallèle à la perception de son salaire.
La deuxième possibilité, c'est de reporter la rente au
moment de la prise de la retraite. Cela peut se subdiviser, à son tour,
en deux modalités différentes. Il peut y avoir un report au
moment de la prise de la retraite avec ou sans nouvelle cotisation. Dans les
deux hypothèses, reporter la rente à plus tard, disons trois ans,
soit à 68 ans, je disais, ce matin, qu'il est clair qu'au point de vue
de l'équité sociale il doit y avoir une certaine valorisation de
cette rente. Encore une fois, je ne parle pas du RRQ, du Régime de
rentes du Québec. Je parle des 5000 régimes de rentes
supplémentaires. Dans la mesure où un employé à 65
ans, s'il vit jusqu'à 75 ans, recevrait, par hypothèse, 10 000 $
par année, soit un total de 100 000 $, il est sûr qu'au plan de
l'équité sociale, s'il va travailler trois ans de plus et ne
toucher sa rente que pendant sept ans, il faudra que le montant ne soit plus de
10 000 $ par année pour équivaloir à 100 000 $, mais il
faudra que, si la rente est condensée en sept ans au lieu d'être
étendue sur dix ans, il y ait une valorisation de cette rente.
Je pense qu'il y a eu une espèce de flottement dans la
formulation du premier projet de loi et nous avons pris, d'ailleurs en accord
avec la Régie des rentes du Québec, nous prenons cette
orientation d'une certaine valorisation qu'il restera à
déterminer.
Finalement, les négociations vont être un moment capital,
un moment extrêmement important pour les employés, puisque les
modalités de ces 5000 régimes supplémentaires sont
très souvent arrêtées par voie de négociation, par
voie d'entente collective.
C'est pourquoi nous parlons d'une certaine valorisation. Les
valorisations, de même que les bénéfices sociaux pourront
être plus ou moins élevés dans la mesure où les
négociations voudront se concentrer sur ce chapitre, par opposition au
salaire proprement dit.
Je n'ai pas d'autres commentaires, M. le Président. Je veux
remercier les professeurs, non seulement pour le mémoire, mais, aussi,
pour l'intérêt que le syndicat des professeurs a pris à
cette question des rentes depuis un bon moment. Le numéro spécial
de leur journal l'illustre bien. Je veux à l'avance aussi dire à
ce groupe-ci, comme à d'autres, que pour les autres étapes qui
vont nous amener à réviser l'ensemble des systèmes de
rentes, des régimes de rentes au Québec, privés et
publics, nous profiterons aussi de leur contribution en vue d'une meilleure
connaissance du problème. Merci.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je n'aurai qu'une
question. Ma collègue de Jacques-Cartier aura quelques questions
supplémentaires à poser.
Il y a plusieurs points dans votre mémoire avec lesquels je suis
d'accord et je n'y reviendrai pas. Au bas de la page 2, vous dites: Les
professeurs se retireront avec une moyenne de service de 27,5 - ce que je
comprends bien, ordinairement on ne devient pas professeur à
l'université à 19 ans - pour obtenir la rente maximale
prévue par le régime qui est de 70% du salaire moyen des cinq
meilleures années. Or, la chute du niveau de vie est un motif important
du refus de la retraite.
Pour les professeurs d'université qui prennent leur retraite
après 27,5 années de service, parce qu'ils ont probablement
atteint 65 ans, ce sont des professeurs agrégés, en
général, j'imagine, titulaires, pardon, que représente 55%
de la pension comme revenu de retraite? En moyenne?
M. Bordeleau (Pierre): Ce que cela représente...
Mme Lavoie-Roux: Après 27,5 et non pas après 35
ans.
M. Bordeleau (Pierre): Mon collègue, qui a sa petite
calculatrice, va vous répondre, parce qu'il faut tenir compte du salaire
moyen des cinq meilleures années.
M. D'Ambroise (Marius): Ce serait dans les environ de 30 000 $
à l'heure actuelle pour quelqu'un qui aurait contribué au
maximum. Ce qui est le cas de très très peu de professeurs.
Mme Lavoie-Roux: À 55%, donc, en conséquence.
M. Bordeleau (Pierre): Encore faut-il signaler qu'il y a des
professeurs qui se retirent avec moins que cela parce qu'ils n'ont pas atteint
même 27,5 années.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est une pension qui est
indexée.
M. Bordeleau (Pierre): C'est-à-dire que par le
passé elle n'était pas indexée annuellement. Le
comité de retraite se penchait sur la question tous les trois ans et
c'est en fonction des surplus actuariels. Cela a été
indexé il y a trois ans, au coût de la vie et on a
décidé d'une indexation annuelle. Pour vous donner un exemple,
l'inflation de cette année, en juin dernier, a été de
7,5%. Le coût de la vie étant de 12,82. Donc, cette année
en tout cas, on a indexé en bas du coût de la vie. Mais on le
fera, semble-t-il, tous les ans. On se penchera sur la question.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une indexation automatique comme on
retrouve...
M. Bordeleau (Pierre): Non.
Mme Lavoie-Roux: ... dans la fonction publique et parapublique,
dans le monde scolaire, par exemple, où il y a une indexation
automatique.
M. Bordeleau (Pierre): Ce n'est pas une indexation automatique,
c'est-à-dire que le montant de l'indexation n'est pas automatique et,
comme je vous disais tout à l'heure, avant cette année on se
prononçait sur l'indexation tous les trois ans et il n'y avait pas de
rétroactivité. On indexait au bout de trois ans, mais sans
rétroactivité pour les années passées. On prenait
un montant X qu'on versait à ce moment-là, effectif à la
date de la décision. Maintenant, il y a un nouveau règlement qui
permet au comité de la retraite de se pencher sur la question de
l'indexation annuellement, mais ce n'est pas statutairement le coût de la
vie qui est donné. Cela dépend du rendement du fonds.
Mme Lavoie-Roux: II y a une révision automatique annuelle
maintenant.
M. Bordeleau (Pierre): Maintenant, il y aura une révision
annuelle.
Mme Lavoie-Roux: Quelle est la moyenne des salaires des
professeurs de l'Université de Montréal?
M. Bordeleau (Pierre): Je vous donne cela grossièrement
parce qu'on n'a pas fait de calculs sur les derniers chiffres.
Mme Lavoie-Roux: Oui, même si c'était pour l'an
dernier, ce n'est pas grave.
M. Bordeleau (Pierre): C'est parce qu'il y a eu des ajustements
avec la convention collective et il y en aura un au coût de la vie
prochainement. Je vous dirai que c'est environ 38 000 $ à 40 000 $, le
salaire moyen actuellement, pour un âge moyen, à
l'Université de Montréal, qui est d'environ 40 ou 41 ans.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. Je me demande si vous êtes au courant
du système adopté par l'Université McGill en 1979. On
parle de cela dans son mémoire, mais vous n'en avez pas de copie. C'est
un programme conçu dans le même esprit que la loi no 15, mais je
crois que les résultats sont plus positifs pour les professeurs ainsi
que pour l'université, au point de vue financier. J'aimerais citer
quelques phrases de son mémoire. Selon ce plan, un professeur peut
demander au comité des retraites différées un sursis d'un
an et ce, presque à concurrence de trois ans. Le sursis n'est
accordé que si le doyen et le professeur peuvent établir à
la satisfaction du comité que le professeur en question est en bonne
santé et que sa contribution à un programme d'enseignement et de
recherche du département est essentielle et ne peut être
assurée d'une manière satisfaisante par un professeur plus jeune.
Les professeurs qui satisfont à ces critères reçoivent 80%
de leur salaire pendant la durée de leur sursis.
L'expérience de McGill, entre 1979 et 1982, démontre que
19 des 54 enseignants qui le pouvaient ont sollicité pareil sursis. Onze
d'entre eux se sont vu accorder un sursis d'un an et un professeur a même
obtenu un sursis de trois ans. Donc, je crois qu'on est assez content. On a
d'autres programmes aussi. On peut embaucher un professeur qui a pris sa
retraite à temps partiel pour certains projets de recherche
spéciale. Avez-vous considéré un tel programme? Il me
semble que cela pourrait régler la situation dans les universités
et il est possible qu'un tel programme puisse avoir une application dans
d'autres domaines aussi.
M. Bordeleau (Pierre): Actuellement, à l'Université
de Montréal, il existe une possibilité pour un professeur de
travailler au-delà de l'âge de 65 ans. Il y a un des
règlements du régime de retraite qui dit qu'exceptionnellement un
professeur peut continuer à travailler au-delà de l'âge de
65 ans s'il fait preuve d'une excellence, etc., qu'il doit démontrer, en
quelque sorte. La procédure pour ce faire est équivalente
à celle de la nomination d'un jeune professeur adjoint. C'est la
même procédure qui suppose les mêmes consultations, les
mêmes comités, etc., de telle sorte que c'est le professeur qui a
le fardeau de la preuve.
L'expérience des années passées a
démontré qu'il y a très peu de professeurs à
65 ans qui se qualifiaient et qui pouvaient travailler au-delà de
l'âge de 65 ans dans ce système. Ceux qui ont pu le faire
au-delà de 65 ans travaillaient dans des secteurs où il
était extrêmement difficile de recruter des professeurs plus
jeunes qui avaient la même spécialisation, la même
excellence ou la même compétence. Certains de ceux-là - et
il y en a peut-être un, deux, je dirais au maximum trois à
l'université - ont pu travailler au-delà de l'âge de 65 ans
à plein traitement. (17 heures)
Maintenant, il y a une autre catégorie de professeurs, ceux qui
ont bénéficié d'un régime de retraite qui les
faisait vivre près du seuil de la pauvreté, étant
donné le peu d'années de service qu'ils avaient accumulé
à l'Université de Montréal et compte tenu qu'ils n'ont pas
pu racheter, etc., pour toutes sortes de raisons. Il y a eu des cas comme
ça qui ont été réglés à la
pièce.
Nous avons participé, comme syndicat, à la défense
d'un de ces cas, qui était un professeur très connu et qui avait
apporté une contribution excellente. Ce professeur s'est vu attribuer un
forfait, de sorte qu'il puisse arrondir ses fins de mois, parce que, vraiment,
il ne pouvait plus maintenir une activité intellectuelle, compte tenu
des revenus de retraite qu'il avait. Alors, il y a eu quelques cas comme
celui-là qui ont été réglés aussi.
Autrement, la plupart doivent quitter.
Il est certain que la solution de McGill est peut-être une voie
à explorer et il y en a sûrement d'autres. Quand nous parlons de
retraite à la carte, nous parlons de solution comme celle-là qui
pourrait être de cumuler une partie de la rente avec un demi-temps comme
professeur. Au lieu de croire qu'il va y avoir des effets épouvantables,
il faut essayer de regarder ça de façon positive en disant: Quels
sont les meilleurs moyens, pour un professeur d'université, de se
retirer tranquillement de la carrière? Il faut aussi se poser la
question: Quelle est la meilleure façon d'employer nos vieux
professeurs? Il est clair qu'on n'est peut-être pas obligé de
demander à un professeur qui a 65 ans d'être aussi rayonnant, en
termes quantitatifs, qu'un jeune professeur qui cherche à se qualifier
pour devenir agrégé, et lui demander qu'il ait un grand
rayonnement en termes de publications, qu'il les empile les unes sur les
autres. Je pense qu'il y a peut-être d'autres façons d'utiliser
ces professeurs; il faut mettre au service des étudiants leur grande
expérience, leur grande sagesse aussi. Il faudrait peut-être
parfois aussi les mettre au service de l'administration de l'université;
ils ont peut-être aussi, dans leur sagesse, un certain nombre
d'idées qui pourraient éventuellement aider les jeunes
administrateurs d'université. Or, il y a toutes sortes de solutions
comme celles-là qui sont certainement possibles. Disons que, pour
l'instant, nous ne favorisons pas une solution plutôt qu'une autre et
nous pensons plutôt à un régime qui soit assez souple pour
que vraiment chaque individu puisse se tailler une retraite à la carte.
On a ce privilège, les professeurs d'université, de pouvoir nous
retirer en gardant une certaine activité intellectuelle; du moins, je
l'espère en tout cas.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Puis-je vous demander si, compte tenu des discussions
qu'il y a eu au préalable, il y avait une première étape
dans la loi qui disait - parce qu'on n'a pas encore assez de données
étendues là-dessus - que l'âge de la retraite serait 70
ans, est-ce que ça irait à votre syndicat, en principe?
M. Bordeleau (Pierre): Écoutez, c'est reporter le
problème de cinq ans. Je pense qu'il y aura encore des professeurs,
à 70 ans, qui se sentiront encore verts et qui voudront continuer
à travailler parce qu'ils se sentent encore la force de le faire. C'est
reporter le problème de cinq ans, à mon sens, et je ne vois pas
tellement quel avantage on y gagnerait. Je pense que le droit à une
retraite volontaire, c'est la principale valeur qu'il faut chercher à
sauvegarder. Je ne vois pas tellement d'avantage, je ne pense pas que ça
résoudrait les problèmes que de repousser ça à 70
ans, parce que, encore une fois, pourquoi à 70 ans, pourquoi pas 75 ans,
pourquoi pas 68 ans? Selon quel barème peut-on dire qu'à 70 ans,
un professeur d'université n'est plus capable de remplir ses
tâches? Je ne sais pas. Vous me permettrez de donner un exemple
personnel; j'ai quelqu'un dans ma famille qui est médecin et qui a
dépassé largement l'âge de 70 ans - il en a 74 - et il
continue à travailler à temps partiel, mais il continue à
travailler et, année après année, l'institution qui
l'emploie lui demande de continuer, parce qu'il est capable de le faire. Cet
homme, si on décidait du jour au lendemain de le mettre à sa
retraite, je pense qu'il ne s'en remettrait pas. Et c'est le cas de professeurs
d'université. Là, je donne quand même un exemple chez un
travailleur intellectuel. Je pense que c'est ça qu'il faut corriger,
cette espèce d'arbitraire de l'âge. Le couperet tombe parce qu'on
a tel ou tel âge. Je pense que c'est cela qui est carrément
arbitraire.
Le Président (M. Boucher): Merci. Au nom des membres de la
commission, je remercie M. Bordeleau et M. D'Ambroise pour la
présentation de leur mémoire.
Association des policiers provinciaux du
Québec
J'appelle immédiatement l'Association des policiers provinciaux
du Québec, représentée par Me Laurian Barré,
porte-parole. M. Barré, si vous voulez bien présenter ceux qui
vous accompagnent.
M. Richard (Raymond): M. le Président, si vous me le
permettez. Mon nom est Raymond Richard. M. le ministre, membres de la
commission parlementaire, mesdames et mesdemoiselles, à titre de
président de l'Association des policiers provinciaux du Québec,
je me permettrai de vous présenter le mémoire. Avant de
commencer, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent.
À mon extrême droite, M. Jean-Marie Bouchard,
vice-président de l'association, Me Laurian Barré, conseiller
juridique, M. Jean-Pierre Provencher, actuaire de la firme Martineau et
Provencher, M. Eddy Bertrand, secrétaire-trésorier de
l'association, et M. Gilles Dostie, secrétaire
général.
L'Association des policiers provinciaux du Québec, qui regroupe
les quelque 4700 membres salariés de la Sûreté du
Québec, voudrait soumettre à cette commission parlementaire
certaines observations concernant le projet de loi no 15 sur l'abolition de la
retraite obligatoire.
L'association est, évidemment, d'accord en principe sur un tel
projet de loi qui constitue une mesure sociale très valable. Cette
mesure est du reste rendue nécessaire à bien des égards
dans le contexte économique actuel où les retraités
figurent souvent parmi les plus démunis. Ce projet de loi ne nous
apparaît toutefois pas comme une solution complète au
problème des retraités. Il ne suffit pas, à notre avis, de
consacrer le droit au travail jusqu'à un âge avancé pour
ceux qui veulent ou peuvent travailler, mais il importe de concilier ce droit
avec un autre, tout aussi fondamental, soit le droit à une existence
décente pour les retraités, surtout ceux qui ne peuvent continuer
à travailler. Aussi faudrait-il prévoir à l'occasion de
cette législation ou d'une prochaine législation
l'établissement de caisses ou régimes privés de retraite
à l'égard de ceux qui n'en disposent pas.
Cette mesure complémentaire aurait à tout le moins
l'avantage de procurer une plus grande sécurité à ceux
qui, autrement, n'auraient pas le choix que de continuer à travailler ou
qui ne le peuvent tout simplement pas.
Une telle mesure sociale, même si elle peut paraître
équitable, doit cependant comporter certains tempéraments.
Étant donné qu'il s'agit, par ce projet de loi, de
consacrer le droit de toute personne qui atteint l'âge normal de la
retraite de continuer à travailler, il nous apparaît important de
tenir compte des facteurs qui découlent du milieu du travail et du type
d'emploi.
Ce n'est pas nier le droit au travail que de l'assortir de certaines
modalités suivant le contexte où il s'exerce. Il ne suffit pas de
permettre à une personne de continuer à exercer son emploi
après l'âge normal de la retraite, encore faut-il s'assurer que la
personne soit en mesure de l'exercer suivant les exigences inhérentes
à son emploi.
La fonction de policier nous semble une fonction où il faut tenir
compte de cette situation et maintenir un âge obligatoire pour la
retraite. La fonction de policier consiste à maintenir la paix, l'ordre
et la sécurité publique, à prévenir le crime et
à en rechercher les auteurs. C'est notamment le rôle qui est
dévolu à la Sûreté du Québec par l'article 39
de la Loi de police. On peut dès lors concevoir que ce rôle
comporte chez celui qui est appelé à l'exercer des exigences qui
découlent non seulement de la nature des fonctions, mais aussi des
attentes de la population.
On pourrait prétendre que la fonction policière comporte
plusieurs aspects et que les tâches sont diversifiées. À
ceci, nous répondons que, malgré le rapport du groupe de travail
sur les fonctions policières au Québec, déposé en
janvier 1978, on n'a pas encore réussi à définir la
fonction policière, ni à déterminer les attributions les
plus susceptibles d'accroître l'efficacité de la police.
Toutefois, on assiste depuis les dernières années à une
orientation de la police vers un rôle de plus en plus
opérationnel. C'est ainsi que des tâches dites de bureau et
d'autres de surveillance sont plutôt confiées à des
personnes ou des organismes qui ne sont pas de la police.
Dans cette optique d'une police de plus en plus opérationnelle
où l'on veut tirer le meilleur profit de ses capacités, il est
difficile de concevoir que le policier puisse de la même façon
continuer d'exercer ses fonctions jusqu'à un âge avancé. Le
domaine dans lequel le policier est appelé à évoluer tout
au cours de sa carrière devrait justifier une mise à la retraite
à l'âge déterminé de 60 ans autant pour sa propre
sécurité que pour celle des autres.
D'ailleurs, le contexte législatif réglementaire a depuis
plusieurs années consacré le statut particulier du policier et
notamment du membre de la Sûreté du Québec dans le domaine
du travail.
La Sûreté du Québec est exclue de l'application du
Code du travail. Les relations de travail sont en effet régies par une
loi spéciale, la Loi sur le régime syndical applicable à
la Sûreté du Québec. Au surplus, la Loi de police qui les
régit prévoit l'adoption de règlements concernant entre
autres les normes d'embauche, la classification et les conditions
d'entraînement.
C'est ainsi que l'on retrouve au règlement P-7 adopté par
la Commission de police diverses dispositions applicables à l'agent de
police. Celui-ci, pour être embauché, ne doit pas avoir atteint
l'âge de 35 ans et doit, par ailleurs, avoir subi avec succès un
examen médical conforme aux exigences qui sont stipulées dans
ledit règlement. Il a du reste fallu adopter un autre règlement
pour exempter de l'application de ces normes les policiers des autoroutes qui
en 1980 ont été intégrés à la
Sûreté du Québec.
Il apparaît difficile de concilier l'application de telles normes
avec le fait que le policier ne devient astreint à aucune norme en ce
qui concerne l'âge de la retraite.
À cet égard, il convient de souligner que l'âge
obligatoire de la retraite prévu à la Loi de police est
passé de 65 ans, pour les officiers, 62 ans pour les sergents et 60 ans
pour les caporaux et les agents qu'il était en 1968 à 60 ans ou
32 ans de service pour tous les membres de la Sûreté du
Québec depuis 1971.
En effet, lors des discussions qui ont eu lieu à cette
époque avec le gouvernement du Québec concernant le régime
de retraite des policiers provinciaux, il fut établi et reconnu que les
exigences de la fonction justifiaient une mise à la retraite obligatoire
à un âge ne dépassant pas 60 ans.
Par la suite, en 1976, l'association entreprenait avec le gouvernement
du Québec une nouvelle négociation pour le renouvellement du
régime de retraite. Cette négociation qui s'est poursuivie au
cours des dernières années a permis d'en arriver à une
entente le 7 juillet 1981 avec effet rétroactif au 1er avril 1981. Les
termes de cette entente avec le gouvernement indiquent entre autres qu'un
membre de la Sûreté du Québec peut bénéficier
d'une retraite hâtive après 20 ans de service. Cette modification
au régime de retraite des policiers démontre à nouveau la
tendance du gouvernement à permettre une retraite bien avant l'âge
de la retraite dans les autres secteurs.
Le projet de loi no 15, s'il devait être adopté dans sa
forme actuelle remettrait en cause toute cette question. Il remettrait plus
particulièrement en cause l'évolution qui s'est faite au cours
des années sur l'opportunité de fixer l'âge de la retraite
obligatoire des membres de la sûreté en deçà de
l'âge normal de la retraite dans un contexte plus général
de sécurité individuelle et collective et d'efficacité
policière accrue.
En conclusion, la retraite facultative à un âge
dépassant l'âge normal de la retraite ne nous apparaît pas
correspondre à un besoin à la Sûreté du
Québec. Les membres de la sûreté ont en effet l'avantage
que nous souhaiterions voir accorder à tous les retraités, celui
d'être dotés d'un régime de retraite qui leur assure une
certaine sécurité. (17 h 15)
Cette retraite facultative ne nous paraît pas non plus s'imposer
dans un domaine comme celui de la Sûreté du Québec,
où le particularisme a été reconnu depuis plusieurs
années à divers égards, dont celui de la retraite. Aussi
croyons-nous devoir soumettre à cette commission parlementaire que
l'inclusion des membres de la sûreté dans le projet de loi no 15
ne nous paraît pas appropriée et qu'il faudrait à tout le
moins examiner toutes les incidences d'une telle mesure avant de l'instaurer.
Il serait important à cet égard que la loi contienne une
disposition à l'effet que toute convention collective contenant un
régime de retraite en vigueur puisse être rouverte
spécifiquement par rapport au régime de retraite afin que les
parties revoient toutes les dispositions affectées par l'abolition de la
retraite obligatoire et qu'elles s'assurent qu'aucun employé ne sera
pénalisé s'il continue son emploi après la date de mise en
vigueur de la loi, ce qui est le cas à la Sûreté du
Québec pour le membre qui continuerait d'occuper sa fonction
après l'âge de 60 ans (ou 32 ans de service).
M. le Président, quand l'Association des policiers provinciaux a
soumis ce mémoire à la commission parlementaire, elle ne
connaissait pas d'avance, évidemment, la réaction du gouvernement
face à certaines recommandations. Après vous avoir entendus
parler ce matin et après avoir entendu les propos vis-à-vis de ce
qui s'est fait aux États-Unis, nous croyons que nous pouvons
espérer dorénavant que les membres de la Sûreté du
Québec puissent être exclus du projet de loi no 15.
Nous avions évidemment, étant très prudents,
complété notre rapport et nous avons soumis à la
commission parlementaire ce matin quelques notes additionnelles concernant des
points techniques. M. le Président, si vous n'avez aucune objection,
j'inviterais M. Jean-Pierre Provencher à vous donner les détails
concernant nos notes supplémentaires qui ont été soumises
à la commission ce matin.
Le Président (M. Boucher): M.
Provencher.
M. Provencher (Jean-Pierre): Le projet de loi no 15 vise
l'abolition de la retraite obligatoire et s'applique, en conséquence,
à la Loi sur les normes du travail et à toutes les lois
régissant les régimes de retraite d'employés des secteurs
privé et public, sauf la loi du Régime de rentes du
Québec. Dans sa conception, cette loi vise à éliminer la
pratique de certains employeurs qui congédient automatiquement ou
à leur gré leurs employés qui atteignent un certain
âge ou un certain nombre d'années de service.
Dans bon nombre de cas, ces pratiques empêchent les
employés qui sont encore capables physiquement et psychologiquement
d'accomplir leurs propres fonctions de continuer à travailler et ainsi
d'augmenter leurs revenus de façon à pourvoir à leurs
besoins, alors que leurs modestes prestations de retraite ne suffiraient pas.
C'est notamment le cas pour plusieurs employés qui ne participent
à aucun régime de retraite, qui n'ont accumulé que de
très faibles crédits dans un régime de retraite tout
récent ou encore qui ne se qualifient pas aux pleines prestations du
Régime de rentes du Québec. Pour tous ces employés, la
continuation de leur emploi est presque nécessaire et un
congédiement de la part de l'employeur devient une forme de
discrimination.
Ainsi, donc, des stricts points de vue sociaux et économiques,
nous sommes d'accord avec le principe général de cette loi.
Cependant, bien qu'en accord avec les principes, notre appui cesse là,
puisque, tant dans sa rédaction que dans ses modalités
d'application, nous y décelons des lacunes considérables dont
certaines créent ou seraient susceptibles de créer encore plus
d'inéquités et d'anomalies que d'en éliminer si des
dispositions plus précises et mieux adaptées n'y sont
incorporées afin d'y pallier.
À l'article 4 du projet de loi, il est prévu qu'un
participant à un régime de retraite qui occupe son emploi
après la date où il aurait obligatoirement pris sa retraite
continue de cotiser au régime de retraite selon les dispositions du
régime qui lui est applicable. De même, son employeur continue de
cotiser au régime le cas échéant. Déjà
là, on peut se demander ce que signifie cet article, surtout lorsqu'il
s'agit d'un régime de retraite à prestations définies tel
celui de la Sûreté du Québec. Est-ce que l'employeur
contribuera le même niveau ou montant que l'année avant la date de
retraite obligatoire, le même montant que le participant, le montant
nécessaire à l'achat d'un crédit de rente pour une
année de service de plus? Si oui, de quel crédit de rente
s'agit-il? Sur quelle formule est-il établi et sur quelle base son
coût est-il déterminé? Qu'arrive-t-il si le participant est
membre d'un régime non contributif ou d'un régime contributif
dont les cotisations cessent après un certain nombre d'années de
participation? Doit-il maintenant cotiser après la retraite
obligatoire?
Il semble, à première vue, que dans la rédaction de
cet article le législateur n'ait considéré que les
régimes à prestations indéterminées contributifs,
du type "money purchase", où les cotisations du participant et de de
l'employeur sont déterminées selon une formule précise et
connue.
Dans les autres cas - ceux-là constituent la majorité des
régimes de retraite au Québec - la législation, telle que
rédigée, résulterait en des iniquités
potentielles.
Quant au montant de rente payable, par suite de travail après la
date de retraite obligatoire, seul l'article 5 y fait allusion et, encore
là, de façon ni claire ni précise. En effet, la seule
mention qui y est faite est que le montant, qui aurait été
payable à la retraite obligatoire, devient payable à partir de la
date effective de retraite. Ainsi donc, il n'est aucunement stipulé si
ce montant payable doit être augmenté de crédits de rente
additionnels pour les années de service après la date de retraite
obligatoire ou ajusté selon un équivalent actuariel.
À la lecture de cet article, tout laisse croire que le montant de
rente payable dans un tel cas doit être stipulé ou défini
par les dispositions du régime de retraite concerné. Cela,
évidemment, pourrait être acceptable, en autant que ce
régime de retraite puisse être examiné et/ou modifié
au besoin, pour tenir compte de l'impact de la loi.
Regardons maintenant ce qu'il en est de l'implication de ce projet de
loi sur le régime de retraite des membres de la Sûreté du
Québec, lequel est régi par convention collective jusqu'au 31
mars 1986.
En premier lieu, la retraite obligatoire, après 32 ans de
service, ne serait plus applicable et, dès lors, un membre pourrait
continuer à occuper ses fonctions. Dans un tel cas, le policier, membre
du régime, devrait continuer à verser ses cotisations au
régime. Ainsi, on observe une iniquité entre un membre qui
continue de travailler après 65 ans, et qui cesse de cotiser au
Régime de rentes du Québec, par rapport à l'autre qui
continue ses cotisations au Régime de rentes du Québec. Dans le
premier cas, le membre verserait un plein 8% de son salaire au régime de
retraite et accumulerait le même montant de rente que son confrère
qui verserait 8%, moins les cotisations au Régime de rentes du
Québec.
De même, comme le régime de retraite des membres de la
Sûreté du Québec est du type prestations définies,
on doit se demander quel serait le niveau de contribution requise de
l'employeur, puisque les modalités actuelles ont été
négociées pour toute la durée de la convention collective
et que rien n'est prévu quant au travail après la date de
retraite obligatoire, spécifiquement à la contribution de
l'employeur dans ce cas. Nous faisons donc face à l'arbitraire.
De plus, la formule de rente du régime des membres de la
Sûreté du Québec prévoit l'accumulation de 70% de la
moyenne des quatre meilleures années de salaire, après 32 ans de
service; soit 30 années à 2,3%, ce qui fait 69% et deux
années à 0,5%, ce qui constitue le 1% additionnel pour se rendre
à 70%. Elle ne prévoit aucun crédit de rente
additionnelle par la suite, la retraite devenant obligatoire
après 32 ans de service.
Cette disposition, si elle ne pouvait être amendée,
constituerait une lacune très sérieuse, en particulier lorsqu'on
exige des cotisations du membre. D'autre part, si aucun crédit de rente
additionnelle n'est gagné pour le service après 32 ans, il se
pourrait - ceci n'est qu'une hypothèse, puisque le régime de
retraite ne contient aucune disposition dans ce sens - que la rente payable
à la retraite soit calculée à partir d'une moyenne de
salaire des quatre meilleures années, déplacée d'un an
pour chaque année de service après 32 ans. Dans la plupart des
cas, la valeur d'une telle rente ajustée, payable à une date de
retraite différée, est moindre que la valeur de la rente
accumulée et payable après 32 ans de service, pénalisant
ainsi le membre désirant demeurer en service. De plus, ce membre
étant tenu de cotiser 8% de son salaire, moins ses cotisations au
Régime de rentes du Québec, ceci le pénaliserait
doublement. Dans ce cas, il est bien évident que la cotisation de
l'employeur, après 32 années de service, serait nulle. Ceci n'est
aucunement conforme à l'article 4 du projet de loi, et encore moins
à l'esprit du projet de loi.
Tout cela démontre les immenses iniquités auxquelles les
membres de la Sûreté du Québec pourraient être
assujettis par le biais de la loi no 15. Nous pouvons donc en conclure que,
à moins que les dispositions du régime ne puissent être
modifiées, l'application de la loi, telle que proposée
pénaliserait fortement un membre qui désirerait demeurer en
service, ce qui n'est sûrement pas l'objectif de la loi.
À la suite de ces constatations, nous sommes en désaccord
total avec l'application telle quelle de cette loi sur le régime de
retraite de la Sûreté du Québec, compte tenu du fait que
les dispositions de ce régime sont liées par la convention
collective en vigueur. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux remercier le
président, M. Richard, et ses collègues de bien vouloir nous
présenter aujourd'hui des remarques extrêmement
intéressantes sur notre projet de loi.
Je vais commencer par la question qui me vient tout de suite à
l'esprit. Est-ce que vous demandez, oui ou non, l'exemption? Demandez-vous
d'être soustraits à l'application de cette loi ou pas? Dans votre
premier mémoire - je ne parle pas des notes supplémentaires -
vous demandiez d'en être soustraits.
M. Richard (Raymond): Exactement.
M. Lazure: Est-ce que vous continuez à demander d'en
être soustraits?
M. Richard (Raymond): Nous continuons à demander
d'être exclus de cette loi.
M. Lazure: À partir du moment où vous êtes
exclus - et nous sommes portés à être d'accord, je l'ai dit
ce matin, autant pour les policiers que pour les pompiers - à partir du
moment où on s'entendrait pour que vous soyez soustraits à
l'application de la loi, il y a beaucoup de questions que vous soulevez qui
sont éminemment techniques et qu'il n'est peut-être pas aussi
important de discuter qu'on l'aurait fait si vous aviez été
astreints à la loi.
De toute manière, je veux quand même répéter
certaines précisions sur les articles 4 et 5 parce que la plupart de vos
remarques techniques touchent, encore une fois, les anciens articles 4 et 5.
J'ai déjà dit, à quelques reprises, qu'on va retrancher
complètement l'article 5 et, quant à l'article 4, il sera
reformulé de manière que l'individu ait un choix à 65 ans.
Si l'individu décide de continuer à travailler à 65 ans,
il y a trois possibilités. Il peut y en avoir d'autres, mais pour le
moment on en envisage au moins trois. La personne continuerait de toucher son
salaire, mais en même temps toucherait sa rente, toucherait les
versements réguliers de sa rente. La deuxième possibilité,
la rente serait différée avec ou sans cotisation. Donc, c'est la
deuxième possibilité qui se subdivise en deux à son tour:
rente différée avec cotisation ou rente différée
sans cotisation. Dans les deux cas, je répète que cette rente
différée, si on veut être équitable au plan social,
devrait être valorisée. En d'autres termes, si l'individu touche
sa rente seulement durant dix ans au lieu de treize ans, il nous
paraîtrait équitable que les versements annuels des dix
années mis ensemble soient au moins l'équivalent de ce qu'il
aurait touché pendant les treize ans. Donc, la valorisation
actuarielle.
Finalement, parmi les nombreuses questions techniques que vous soulevez,
la réponse qui s'applique à peu près à toutes vos
questions, on la retrouve dans les négociations entre les deux parties.
À partir du moment où on dit que l'employeur devra
équitablement donner une rente revalorisée, tout le reste,
à savoir la cotisation de l'un ou de l'autre, fait partie de la
négociation entre les deux parties.
M. le Président, j'hésite à aller un peu plus loin
dans tous les points techniques qui ont été soulevés
puisque l'Association des policiers provinciaux du Québec demande
à être exemptée de l'application de cette loi et que nous,
jusqu'ici, sommes portés à dire oui à cette exemption.
D'autre part, je pense qu'il y a des remarques extrêmement
intéressantes et je veux les remercier pour
leur excellent mémoire.
M. Barré (Laurian): M. le Président, si vous me
permettez simplement un mot à la suite des remarques de M. le ministre.
Ce que l'association a voulu principalement faire valoir, c'est ce qui est
contenu dans la première partie de son mémoire, à savoir
que pour les raisons indiquées les membres de la Sûreté du
Québec devraient être exclus de l'application de cette loi.
Maintenant, on a voulu, simplement à titre indicatif, souligner aux
membres de cette commission les problèmes d'ordre technique qui
pourraient se soulever advenant l'application de la loi dans sa forme actuelle.
(17 h 30)
M. Lazure: J'ajouterais aussi que, comme l'association le dit
dans les premiers paragraphes, cette loi n'est certainement pas une solution
complète à tous les problèmes des retraités et
c'est simplement une loi qui vise à donner le libre choix aux personnes.
Je parle de l'ensemble des travailleurs. Excluons les policiers ou les
pompiers. Elle vise à donner le libre choix quant au moment de la
retraite. D'autres étapes, en particulier, concernant les régimes
supplémentaires de rentes, d'autres étapes sont absolument
nécessaires si on veut améliorer la condition des
retraités.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Laurier.
M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais
simplement demander aux personnes qui ont préparé les notes
supplémentaires si, finalement, ces commentaires que vous formulez ici
s'appliquent nécessairement exclusivement au fonds de retraite de la
Sûreté du Québec ou s'ils ont une portée
générale.
M. Richard (Raymond): Pas nécessairement aux membres de la
Sûreté du Québec. Ils ont une portée
générale, mais, pour nous, étant donné que c'est la
première partie du rapport où nous souhaitons que nos
recommandations soient acceptées, à ce moment, pour la
sûreté, les notes supplémentaires ont beaucoup moins
d'effet, mais ils ont tout de même une portée
générale.
M. Sirros: Ce qui fait qu'après cinq mois, on trouve
maintenant que c'est normal que les policiers ne soient pas soumis à la
loi. Cela ne veut pas dire que les commentaires formulés ici n'ont pas
une valeur pour l'application de la loi dans d'autres domaines parce que vos
fonds de retraite ressemblent pas mal, j'imagine, aux autres fonds de retraite
du régime...
M. Richard (Raymond): Nos notes supplémentaires ont une
valeur pour les autres conventions collectives et pour les autres
travailleurs.
Le Président (M. Boucher): Y a-t-il d'autres questions? Au
nom de tous les membres de la commission, je remercie M. Richard ainsi que tous
ceux qui l'accompagnent pour la présentation du mémoire.
M. Richard (Raymond): M. le Président, en terminant, au
nom de l'association et en mon nom personnel, permettez-moi de vous remercier
de nous avoir donné l'occasion d'être entendus aujourd'hui.
Le Président (M. Boucher): Merci. J'appelle le Canadien
Pacifique représenté par Me Albert O. Gadbois, porte-parole, et
Mme Dominique Poulin-Gouin.
Canadien Pacifique Ltée
M. Gadbois (Albert O.): M. le Président, mesdames et
messieurs de la commission, accompagné de Me Poulin-Gouin, je me
présente ici au nom d'une quantité de compagnies qui font partie
de la famille corporative du Canadien Pacifique Limitée. Ces compagnies
sont énumérées à nos notes et je ne crois pas qu'il
soit nécessaire d'en répéter
l'énumération.
Quant au principe de la loi, nous n'y avons aucune objection. Nous
considérons que cette loi comporte un côté social
très prononcé et que les membres de l'Assemblée nationale
possèdent l'expertise nécessaire pour décider du fond de
la loi; d'avance, nous nous déclarons satisfaits de toutes les
décisions auxquelles vous en arriverez quant au fond et au principe de
la loi. La seule chose cependant que j'aimerais vous faire remarquer, c'est que
le premier article du projet de loi me semble venir en contradiction avec une
autre loi de l'Assemblée nationale. En effet, l'article 23 de la Loi des
régimes supplémentaires de rentes prévoit que les
régimes qui lui sont soumis, qui sont enregistrés devant elle ne
doivent pas comporter de prise de retraite ultérieure à
l'âge de 70 ans. Or, dans ce projet de loi qui est devant nous
actuellement, il nous semblerait qu'à moins de circonstances physiques
ou mentales, on pourrait prendre une retraite indéfinie. Je crois que,
dans les circonstances, il y aurait lieu de vérifier la concordance de
la présente loi avec l'article 23 de la loi des régimes
supplémentaires.
Ceci dit, M. le Président, je me trouve très
embarrassé. J'avais préparé un mémoire qui est
devant vous. Je suis ici depuis ce matin et, ce matin, j'ai entendu le ministre
dire que l'article 5 disparaîtrait, que des modalités seraient
apportées à l'article 4,
que certains des problèmes que je soulève dans mon
mémoire pourraient être réglés par voie de
convention collective et, finalement, pour empirer le tout, M. le
Président, les représentants des policiers viennent de soulever
la plupart des problèmes que je soulève moi-même.
Dans ces circonstances, je ne crois pas qu'il y ait lieu pour moi
d'abuser de votre temps. Je ne crois pas que je devrais discuter plus avant des
notes que j'avais préparées, excepté pour demander, M. le
Président, et vous faire remarquer que si nous voulons soumettre
certains débats au jeu des conventions collectives, il faut se rappeler
que ce jeu n'est pas toujours très doux. Il y a des difficultés
que nous connaissons. C'est pour cette raison que je suggérerais,
puisque j'ai appris seulement aujourd'hui que vous avez l'intention de
procéder de cette façon, qu'il y ait quand même un cadre de
loi dans lequel les conventions collectives pourraient être
préparées afin que nous ne nous voyions pas pris avec un tas de
différends ouvriers et de grèves survenant à la suite de
l'adoption de cette loi. Si nous sommes pour nous en remettre à la bonne
volonté des employeurs et des syndicats, je le veux bien, mais je dis
qu'il faut tout de même leur donner certaines indications.
Peut-être que les indications que vous trouverez dans mon mémoire,
mes notes ou celles qui vous ont été lues il y a quelques minutes
pourraient être celles que voudrait faire siennes ce comité.
Je vous dis que je ne veux pas perdre votre temps, parce que tout ce que
j'avais à vous dire a pratiquement déjà été
dit. Nous sommes venus ici avec l'intention non pas de critiquer le projet de
loi, mais nous sommes venus avec l'intention, en tant que citoyens corporatifs,
de contribuer à l'élaboration d'une loi qui, nous
l'espérons, sera à l'avantage de tous. Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Gadbois. M. le
ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux remercier Me Gadbois,
ses collaborateurs et ses collaboratrices, ainsi que le Canadien Pacifique, non
seulement pour la valeur de leur mémoire, mais aussi pour leur esprit de
collaboration. Je comprends le dilemme qu'on a exposé tout à
l'heure et je vais essayer d'emblée de répondre quand même
à certaines questions fondamentales. Il y a deux principes de base qui
constituent le cadre de ce que vous souhaitez. Vous avez raison de souligner,
d'après votre expression, que le jeu des négociations n'est pas
toujours très doux. Je pense qu'on est placé pour le savoir, au
gouvernement, comme vous l'êtes aussi à la tête d'une
entreprise importante.
Donc, deux principes de base. Le premier - j'ai eu l'occasion de le dire
ce matin - c'est une certaine revalorisation ou une revalorisation certaine du
fonds accumulé lorsque l'employé de 65 ans décidera de
continuer à travailler. Il est bien sûr qu'il devra
bénéficier d'une revalorisation de sa rente
différée. Le deuxième principe de base, c'est que
l'employé, lorsqu'il choisit de continuer à travailler et qu'il
en a les capacités à 65 ans, devrait continuer à toucher
le même salaire à travail égal. Quand on parle d'un
salaire, on inclut non seulement le chèque de paie, le salaire
proprement dit, mais aussi tout ce qui va avec cela: les avantages sociaux, les
bénéfices de la caisse de retraite, le régime de rentes
supplémentaire étant un de ces avantages sociaux.
À partir du moment où l'employeur et l'employé sont
d'accord que l'individu maintienne son même travail pour maintenir aussi
la même rémunération, à l'intérieur de cette
rémunération, il peut y avoir un réaménagement et
c'est là qu'intervient la négociation à la table entre
patron et employé. Le réaménagement peut prendre plusieurs
formes. Ce peut être un accent placé sur une plus grande
valorisation de la rente aux dépens de certains avantages, tels que
l'assurance dentaire, l'assurance-maladie, les jours de maladie ou toute autre
sorte d'avantages sociaux dont avait bénéficié
l'employé jusqu'à 65 ans.
M. le Président, c'est dans le but de pouvoir réagir aux
commentaires de Me Gadbois. Vous avez raison de vous attendre que le
gouvernement vous procure un certain cadre qui va sous-tendre les
négociations, qui va être l'arrière-plan pour les
négociations qui devront se faire pour les 5000 régimes de
retraite privés et les régimes supplémentaires. Je pense
que c'est l'essentiel de vos préoccupations.
Il y a un dernier point précis. Dans votre mémoire, vous
posiez la question: Qu'arrivera-t-il à la veuve lorsque l'employé
de 67 ans qui a décidé de continuer à travailler
décède subitement? Nous allons -c'est une lacune dans le texte
actuel du projet de loi - inclure une clause par laquelle l'employé de
plus de 65 ans qui décide de continuer à travailler sera
présumé retraité, pour les besoins de la rente au conjoint
du survivant. Donc, pour les besoins de la rente à la veuve, même
si l'employé continue à travailler au-delà de 65 ans, s'il
décède, la veuve pourra toucher la rente qu'elle aurait
touchée si son mari avait pris sa retraite à 65 ans.
Je remercie beaucoup l'équipe du Canadien Pacifique pour son
mémoire fort intéressant.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux également
remercier les membres du Canadien Pacifique qui sont venus faire des
représentations. Je comprends un peu leur surprise. On a vraiment
l'impression que le projet de loi no 15 avait été un peu
préparé en catastrophe, comme dirait le premier ministre, parce
que tout s'effrite et on va revenir avec un autre, mais c'est toujours bon.
M. Lazure: C'était pour susciter des réactions, on
en a eu. C'est fort positif.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Au fur et à mesure que les
mémoires ont été présentés, finalement, les
policiers sont venus et on leur a dit qu'ils ne seraient pas inclus, etc.
M. Lazure: Probablement.
Mme Lavoie-Roux: Probablement. Quand vous êtes rendus au
"probablement", pour vous...
Une voix: C'est acquis.
Mme Lavoie-Roux: ... oui, c'est acquis.
(17 h 45)
Je pense que vos commentaires sur l'article 4 rejoignent un peu les
commentaires des policiers; vous avez les mêmes questions
vis-à-vis des rentes déterminées, des retraites, etc. La
question que je voudrais vous poser, c'est juste pour mon intérêt
personnel. Comme vous représentez une quinzaine d'entreprises,
pourriez-vous me dire quels sont les régimes prévus pour le
conjoint survivant dans vos régimes de retraite
supplémentaires?
M. Gadbois: Dans la plupart de ces régimes et je dirais
même dans la presque totalité de ces régimes,
l'épouse reçoit 50% des prestations que recevait son mari au
moment de son décès et nous ne soustrayons rien pour les
paiements qui viennent de la Régie des rentes.
Mme Lavoie-Roux: Vous ne faites pas comme les pompiers qu'on
avait ce matin. Vous dites dans la majorité. Alors, ce ne sont pas tous
les régimes de rentes qui prévoient une
réversibilité de 50% au conjoint survivant.
M. Gadbois: Voici, j'ai laissé un doute pour la bonne
raison que je n'ai pas vérifié sur ce point chacun des
régimes, mais je sais que c'est la règle dans la famille Canadien
Pacifique Limitée. Il peut y avoir une exception dans ses compagnies que
j'ai mentionnées et c'est pour ça que je n'ai pas voulu vous
donner un oui absolu.
Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup, M.
Gadbois.
M. Gadbois: Merci.
Le Président (M. Boucher): Y a-t-il d'autres questions? Au
nom de tous les membres de la commission, je remercie Me Poulin-Gouin et Me
Gadbois pour la présentation de leur mémoire.
M, Gadbois: Merci beaucoup.
Le Président (M. Boucher): Compte tenu de l'heure, est-ce
que les membres de la commission seraient disposés à suspendre
jusqu'à 20 heures ou si on doit entreprendre l'étude d'un autre
mémoire?
M. Lincoln: Je pense que les gens du Centre de services sociaux
Ville-Marie avaient demandé s'ils pouvaient se faire entendre. C'est
très bref, apparemment. Ils ont quelque chose en ville. Ils ne vont pas
lire le mémoire.
Mme Lavoie-Roux: Là, il ne faut pas faire de
discrimination. Cela veut dire que les fonctionnaires provinciaux reviendraient
à 20 heures. Est-ce qu'ils ont des objections? C'est peut-être
ça qu'il faut se demander.
M. Lazure: M. le Président, je suis bien prêt
à être souple, comme d'habitude. Si le CSS Ville-Marie veut
être entendu tout de suite et que lé Syndicat des fonctionnaires
n'a pas d'objection, à ce moment, le Syndicat des fonctionnaires
passerait à 20 heures.
Mme Lavoie-Roux: Oui, à 20 heures. Est-ce que cela vous
va? Cela peut être assez long pour le Syndicat des fonctionnaires.
M. Lazure: Ah oui. Je ne pense pas qu'en quinze minutes on puisse
passer les deux groupes.
CSS Ville-Marie
Le Président (M. Boucher): J'appelle le Centre de services
sociaux Ville-Marie représenté par M. John Walker.
M. Walker (John): M. le Président, M. le ministre et les
membres du comité parlementaire, nous sommes heureux d'être ici
aujourd'hui pour donner notre appui, le Centre Ville-Marie, sur le projet de
loi no 15. I would like to briefly a focus on the work of the professional
social workers in the many different fields of practice involving contact with
persons and it is the professional social workers that deal with the traumatic
effects of retirement. In our brief, we have highlighted some of our
concerns.
Basically, we have suggested that age alone should not be a criterion
and we fully agree that retirement should not be based on the criterion of age.
We stress the need for flexibility in the application of the law. We look at
financing. We feel that the retirement before, or at age 65 may well be
proclaimed as a desirable option or even as a social right, but it is an
illusionary option or right in a well planned occupational world unless
adequate retirement income can be assured. Be assured that we deal with
vulnerable people on marginal income.
We feel the impact on the employer will be considerable. We were pleased
to hear Dr Lazure's comments this morning in terms of the need to introduce
regular performance evaluations at every level of the organization. The fact
remains, however, that people do become obsolete in their jobs and for reasons
having to do with physical as well as mental factors, while mandatory
retirement removes the stigma of not being retained because the performance is
inferior to that of others who may be retained, we do not consider that the
proposed legislation should be used as a pretext to the enshrinement of
incompetence. To that effect, M. le Président, I would like to read the
recommendations that we would like to put forward. Mr. Al Eisenring, who is the
director of our Regional Resource Development Division will read the
recommendations.
M. Eisenring (AI): Les recommandations du Centre de services
sociaux Ville-Marie sont les suivantes: 1. Que la loi abolisse la
détermination d'un âge de retraite obligatoire; 2. Que la loi
portant sur la retraite soit très explicite quant à
l'instauration des phases progressives de mise à la retraite; 3. Que des
mesures législatives appropriées soient prises de manière
à assurer une certaine flexibilité dans la mise à la
retraite qui ne soit pas préjudiciable aux retraités, quel que
soit leur âge, c'est-à-dire que ceux-ci reçoivent des
prestations équitables; 4. Que la loi assure la création en
milieu de travail d'un organisme paritaire chargé d'entendre les griefs
déposés par les salariés qui estiment que la
décision de les mettre à la retraite en raison de leur âge
est tout à fait arbitraire; 5. Que les litiges entre les salariés
les plus âgés et leurs employeurs, qui ne sont pas encore
résolus et qui se rapportent à la loi, puissent être
portés en appel devant un organisme public. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.
M. Lazure: Je remercie les représentants du Centre de
services sociaux Ville-Marie. Je vais essayer de répondre, de
réagir aux cinq recommandations tout de suite puisqu'il n'y a pas de
discussion, il n'y a pas de divergence sur le fond du projet de loi
lui-même.
Quant aux recommandations 4 et 5, il ne nous paraît pas
nécessaire de créer un nouvel organisme public pour agir à
titre d'arbitre dans les litiges là où un employé se
sentirait lésé, là où il aurait été
soi-disant congédié à cause de son âge. Nous pensons
-en tout cas, il vaut la peine d'essayer - que la Commission des normes du
travail, de concert avec les commissaires au travail, sont parfaitement en
mesure de répondre aux problèmes qui vont surgir. La
décision d'un commissaire au travail est exécutoire. Nous avons
regardé du côté des États-Unis. Leur loi, qui est
semblable à celle que nous voulons nous donner, est administrée
par le ministère du Travail, un peu par les mêmes
mécanismes que ce que nous proposons. Peut-être après
quelques années d'expérience faudra-t-il créer un nouvel
organisme public, mais je ne pense pas que cela soit nécessaire pour la
première phase de cette loi. Nous croyons que les façons de
fonctionner des commissaires du travail, jusqu'ici, ont été
reconnues comme efficaces autant par la partie patronale que par la partie
syndicale.
La recommandation 1, c'est votre accord de principe pour abolir la
discrimination. La recommandation 2 demande "que la loi portant sur la retraite
obligatoire soit très explicite quant à l'instauration des phases
progressives de mise à la retraite." Cela m'amène à
répéter ce que j'ai dit à quelques reprises aujourd'hui.
Nous envisageons cette possibilité de procéder par délais,
de procéder par étapes et nous pensons que les modalités
d'application de la loi devront faire l'objet d'un accord entre la partie
patronale et la partie syndicale, probablement à l'occasion de la
nouvelle négociation dans chaque cas et en imposant quand même un
délai maximal qui pourrait - je le mets au conditionnel - être le
même que celui que les Américains se sont donné,
c'est-à-dire trois ans.
Donc, de votre recommandation 2, nous allons retenir l'essentiel. Nous
retenons votre préoccupation comme celle d'autres groupes et
probablement que nous pourrons y donner satisfaction.
J'ai plus d'hésitation pour la recommandation 3 que je ne
comprends pas très bien. Est-ce que vous pourriez l'expliciter un peu?
C'est la seule question que j'ai à poser. Mais je ne comprends pas
très bien à la recommandation 3, ce que vous avez en
tête.
M. Walker: Non, pas en tête, mais on a décidé
qu'il y a un besoin de flexibilité dans
la loi. We feel that it is of great importance to the role of the
individual differences in the rights of choice. Recognition should also be
given to the different requirements and the various types of work in work
environment. Therefore, there should be support for the concept of gradual
transition from the status of full employment to the complete withdrawal from
the work force. It is in that sense, c'est dans ce sens que nous faisons cette
recommandation.
M. Lazure: Oui, un peu comme les représentants du Syndicat
de l'université aujourd'hui nous ont parlé de retraite à
la carte, un mode de retraite qui est approprié et adapté aux
besoins et aux désirs de chaque individu. Cela peut être le temps
complet pendant un an, deux ans. Cela peut être le temps partiel pendant
trois ans, quatre ans. Si c'est ça que vous voulez dire, nous sommes
tout à fait d'accord avec cette approche. On parle souvent de ces
modalités. C'est évoqué aussi par la direction de
l'Université de Montréal. On parle souvent de ces
modalités intéressantes de mise à la retraite graduelle.
Elles s'appliquent aux deux extrêmes. Elles s'appliquent autant par en
bas que par en haut. Elles s'appliquent autant pour la retraite
anticipée à 55 ans, 60 ans que pour une retraite prolongée
ou un travail prolongé au-delà de 65 ans. Nous sommes d'accord
avec ce genre de mesures transitoires entre le travail à temps complet
et la retraite à temps complet. Il y a toute une gamme de dispositions
intermédiaires qu'il faut favoriser et nous avons bien l'intention de le
faire. Je remercie beaucoup les représentants du CSS Ville-Marie.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Laurier.
M. Sirros: M. le Président, j'aimerais à mon tour
remercier les gens du CSS Ville-Marie et je les remercie aussi pour la
brièveté et la clarté de leur mémoire. I just had a
very brief question that I want to ask. Do you see a role for social service
centers and particularly Ville-Marie perhaps in the whole area of preparation
for retirement or do you have programs actually right now, and would it be
possible in your mind to somehow link, if you like, the whole approach towards
a more flexible retirement. This is one bit we are told about the law;
supposedly, there is more to come in that kind of things, I would not call a
Chinese torture bit by bit that kind of thing, but where do you see the role of
a social service center such as yours, also taking into consideration that we
are going through some budget cuts, that they are cutting services, you know,
allowing things to have a sort of rational whole to it, where do you see their
role in terms of their whole area retirement?
M. Walker: I see two responses to your question, Sir. First,
there is a role for the social services and particularly the social service
centers because preretirement councils, as I would think, are specialized in
services that could be offered. I think we would like to be involved in
preretirement counseling programs, in the field of social work. Particularly
now in Québec with the CSS and, as you mentioned, some of the
difficulties we are having in providing tertiary services and crisis services,
we have not been involved in the prevention or preretirement programs as much
as we would have liked to.
Thirdly, the only area I am aware of that are fairly active in
preretirement counseling programs is the industrial practice in the old school
of social work and, I believe, the University of Montreal is doing some
preretirement counseling programs with companies, but I do think the CSS should
be involved in preretirement counseling programs. (18 heures)
M. Sirros: Seulement une dernière question que je pourrais
adresser au ministre. Ce matin, vous avez dit, M. le ministre, que dans
l'optique d'appuyer les personnes âgées en termes de leur retraite
économique, le Québec a opté à un certain moment
pour offrir des services, entre autres, certains médicaments gratuits,
l'aide aux rentiers pour les loyers, etc. Dans votre pensée, cela
inclut-il aussi les services sociaux de ce genre qui seraient quelque chose qui
pourrait compléter des mesures sociales comme telles, mais en mettant
aussi à la disposition des gens des moyens pour effectivement leur
permettre d'avoir une retraite un peu plus décente?
M. Lazure: Je pense que jusqu'ici notre gouvernement, autant que
le gouvernement précédent, avait considéré les
maisons d'enseignement, et plus spécialement les cégeps et les
universités, comme les agents d'abord et avant tout responsables de
cette préparation à la retraite. Dans la mesure où il y a
un contenu pédagogique dans le sens large du terme, cela me paraît
avoir été un choix assez normal de dire: La responsabilité
de dispenser des cours de préparation à la retraite ou à
la préretraite, cela relève du monde de l'éducation.
Certains cégeps, certaines universités ont des programmes fort
actifs et touchent des centaines, des milliers de personnes
préretraitées. Cela n'empêche pas, évidemment, les
centres de services sociaux - d'ailleurs, certains centres l'ont fait depuis
longtemps - de continuer à dispenser - cela n'a pas besoin d'être
appelé de façon bien officielle des cours de préparation -
à leur clientèle surtout... Les
centres de services sociaux ont une clientèle qui est
régulière, malheureusement trop régulière et qui
reste... Je dis "malheureusement" dans le sens qu'il s'agit de groupes
défavorisés économiquement dans la société
et qui souvent n'ont comme seul interlocuteur dans le réseau public que
le centre de services sociaux et un peu parfois le CLSC.
Bref, je pense que le gouvernement compte surtout sur les maisons
d'enseignement pour dispenser de façon importante ces cours de
préparation à la retraite, mais, en même temps, il trouve
normal que les centres de services sociaux continuent de le faire. Il y a de la
place pour les deux agents de formation. Les besoins sont tellement immenses
dans ce domaine, autant les CLSC que les CSS, que je n'ai pas peur d'une
concurrence dangereuse dans ce domaine avec les cégeps ou les
universités. Il y a de la place pour les deux groupes.
M. Sirros: Je voudrais simplement souligner deux dernières
petites choses face à cela. D'une part, on assiste à des coupures
assez draconiennes, surtout dans le domaine de l'éducation aux adultes,
coupures qui viennent finalement mettre de côté un peu ce que vous
dites, dans le sens que ce genre de choses ne pourrait pas continuer. D'autre
part, il me semble qu'il se dégage un genre d'attitude de laisser-faire
dans le sens qu'on se fie à la volonté et à l'imagination
des gens et que cela va arriver que les centres de services sociaux ou les CLSC
vont s'impliquer.
Même quand on parle, depuis ce matin, d'un plan d'ensemble pour
toute la question de la retraite où on voit, comme je le disais tout
à l'heure, des morceaux à la fois, j'ai de la difficulté
à dégager l'ensemble dans cela.
M. Lazure: Je rappellerai tout simplement au député
de Laurier que, dans le réseau des affaires sociales, il y a certains
programmes qui ont été, à toutes fins utiles,
exemptés des restrictions budgétaires et les services aux
personnes âgées sont de ces programmes qui ont été
exemptés. Par exemple, c'est un peu, si vous voulez, indirect, mais
l'aide à domicile pour les personnes âgées n'a pas
été touchée du tout par les restrictions
budgétaires. C'est un des budgets protégés, si vous
voulez.
M. Sirros: Sur le plan théorique, M. le ministre,
autrement, vous savez aussi bien que moi que, depuis longtemps, les
institutions mettaient beaucoup plus dans le domaine de l'aide à
domicile que le budget protégé et qu'actuellement, elles sont
dans la situation de devoir couper ce montant supplémentaire et elles
retournent finalement uniquement au budget protégé, parce que les
besoins du milieu demandaient à ce moment-là aux institutions de
faire ce genre de suppléance, si vous voulez, au budget
protégé.
Mme Lavoie-Roux: Dans les CSS, M. le ministre...
M. Lazure: Écoutez! Quand le budget de l'aide à
domicile passe de 55 000 000 $ à 60 000 000 $, je vous réponds
que cela n'est pas théorique. C'est de l'argent, ce sont des cents.
Mais, sérieusement...
M. Sirros: De 55 000 000 $ à 60 000 000 $?
M. Lazure: 62 000 000 $, me dit-on, plus exactement.
Mme Lavoie-Roux: L'indexation, c'est quelque 15%.
M. Lazure: Sérieusement, dans les directives que le
ministre des Affaires sociales, le député d'Anjou, a
envoyées à tous les établissements du réseau, aux
1000 établissements du réseau des affaires sociales, il est dit,
de façon bien claire, que certaines clientèles doivent être
exemptées des restrictions budgétaires, puis il identifie les
personnes âgées comme étant une de ces
clientèles.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président - je l'apporterai au
ministre; d'ailleurs, les membres de son cabinet pourraient le lui apporter -
dans le budget de redressement d'au moins un CSS que j'ai vu à
Montréal -ce n'est pas le CSS Ville-Marie - il y a une coupure de 6%
dans l'aide à domicile. Est-ce qu'on va toute la mettre du
côté des handicapés et ne pas toucher aux personnes
âgées? C'est toujours une possibilité, mais il faut dire
que les handicapés n'en ont pas à revendre, eux non plus, comme
services à domicile.
M. Lazure: Je vous dis que le budget de l'aide à domicile
qui touche autant...
Mme Lavoie-Roux: Je vais vous le montrer.
M. Lazure: ... les personnes âgées que les personnes
handicapées est passé de 55 000 000 $ à 62 300 000 $.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais l'indexation et les conventions
collectives, M. le ministre.
M. Lazure: C'est un budget qui est protégé, le
budget de l'aide à domicile. Mme la députée de L'Acadie
parle d'un projet. Il
s'agit bien d'un projet que le CSS Montréal métropolitain
a rendu public il y a quelque temps et non pas du budget final du CSSMM. C'est
un projet. Si, dans le projet, le CSS n'a pas tenu compte de la directive du
ministère, il y aura des discussions entre le ministère et le
CSSMM, à ce moment-là.
Mme Lavoie-Roux: On fera la vérification en temps et lieu,
M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci. Alors, au nom des
membres de la commission, je remercie les représentants du CSS
Ville-Marie.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 07)
(Reprise de la séance à 20 h 05)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre! s'il vous
plaît!
À la suspension de 18 heures, nous en étions au Syndicat
des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc.
Il y a un changement; comme membre de la commission, M. Laplante
(Bourassa) remplace M. Boucher (Rivière-du-Loup).
M. Harguindeguy, si vous voulez y aller avec votre mémoire.
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec
M. Harguindeguy (Jean-Louis): D'accord. D'abord, M. le
Président, vous me permettrez de présenter les autres membres de
l'exécutif qui m'accompagnent. Si nous ne sommes pas au complet, c'est
que nous avons aussi d'autres activités, notamment des activités
syndicales, qui nous préoccupent. Vous comprendrez qu'on ne peut pas
être partout. À ma droite, M. Roland Saint-Jean,
vice-président de l'unité ouvriers, M. Georges Nadeau, à
l'extrême droite, vice-président de l'unité fonctionnaires,
à ma gauche, M. Jean-Guy Fréchette, vice-président de
l'unité ouvriers et aussi responsable des régimes de retraite, et
M. Pierre Cormier, vice-président, fonctionnaires.
Pour le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, le
projet de loi no 15 semble beaucoup plus le résultat d'engagements
électoraux pris dans le but de plaire à une partie de la
population, dans le dessein évident de se doter d'un capital politique,
puisque, selon nous, le projet de loi no 15 ne découle pas d'une
étude approfondie de toute la situation, contrairement à ce que
nous aurions pu croire si l'on se fie aux documents soumis à l'occasion
du sommet économique tenu au cours du mois de mai 1977 à
Pointe-au-Pic. À cette occasion, vous soumettiez des idées quant
aux personnes âgées, l'âge de la retraite méritait
d'être réexaminée et aussi en présumant certaines
conséquences.
En plus de ne répondre aucunement aux interrogations que l'on
pouvait avoir en 1977, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec considère que le projet de loi no 15 n'est qu'un palliatif
à l'incurie démontrée par le gouvernement dans
l'administration des divers régimes de retraite depuis
déjà quelques années. Le projet de loi, dans sa forme
actuelle, aura nécessairement comme conséquence une certaine
récupération financière de la part des employeurs et
particulièrement du gouvernement du Québec et répond ainsi
de façon précise aux appréhensions du ministre des
Finances, M. Jacques Parizeau.
Ce projet de loi, en plus de diminuer considérablement les
contributions des employeurs, puisque les obligations des divers régimes
de retraite seront diminuées, aura également comme
conséquence que les retraités bénéficieront d'une
pension pendant une période beaucoup plus courte puisqu'ils demeureront
éventuellement beaucoup plus longtemps sur le marché du travail.
De plus, en déposant le projet de loi no 15, le gouvernement ne
satisfait qu'à ses propres objectifs, ayant négligé de
faire toutes les concordances nécessaires en termes d'ajustement des
lois qui nous régissent ainsi que des conventions collectives
négociées, et qui toutes ont comme fondement l'âge
obligatoire de la retraite à 65 ans, particulièrement dans
l'attribution des avantages sociaux.
Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec ne peut
s'opposer à l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire.
Cependant, nous tenons à vous rappeler que nos démarches
antérieures ont toujours été à l'effet de permettre
la prise de la retraite à un âge moindre, tout en soumettant des
dispositions qui auraient permis aux retraités de
bénéficier d'une réelle retraite. L'abolition de
l'âge obligatoire de la retraite devrait avoir comme corollaire
l'amélioration des divers bénéfices de rentes, afin de
permettre aux travailleurs de quelque institution que ce soit de pouvoir
bénéficier d'une retraite vraiment méritée à
la suite de plusieurs années de labeur.
Or, le projet de loi no 15 ne répond aucunement à ces
aspirations puisque, selon nous, les seules personnes qui pourront
effectivement prendre leur retraite plus tôt que 65 ans ne seront que des
personnes dont les moyens financiers leur permettent de pouvoir satisfaire
à leurs obligations, alors que celles qui sont pauvres devront
nécessairement continuer à travailler en dépit de leur
âge, compte tenu de l'insuffisance de leurs revenus pour satisfaire
à leurs obligations personnelles.
Nous ne croyons pas que le fait de permettre à un employé
de continuer à travailler soit la meilleure solution, même si,
pour le gouvernement, c'est possiblement la plus facile. Plutôt que de
soumettre des solutions qui pourraient être avant-gardistes pour les
personnes de cet âge, afin de leur assurer une sécurité
matérielle, le gouvernement préfère les laisser travailler
jusqu'à ce qu'elles soient devenues incapables de remplir quelque
travail que ce soit et être rendues à un âge et à une
condition physique qui ne leur permettront plus de pouvoir
bénéficier de leur retraite. À l'étude des
statistiques concernant les retraités de la fonction publique, nous
pouvons en effet constater que la moyenne des pensions payées
après la retraite varie de dix à douze ans.
Par conséquent si l'on permet à un employé de
travailler pendant cinq ou sept ans de plus pour qu'il puisse continuer
à assurer sa sécurité matérielle, il est
évident que le gouvernement économisera des sommes
considérables et que l'employé qui a versé pendant
plusieurs années des cotisations en vue d'une rente de retraite ne
pourra effectivement en profiter pleinement, et même dans certains cas
aucunement si le décès survient avant la prise de la retraite ou
dans les mois qui suivent.
Nous croyons donc que le gouvernement leurre l'ensemble de la population
en lui laissant croire qu'il a ainsi trouvé une solution à ce
problème social en permettant aux gens de continuer à travailler
jusqu'à leur décès, puisque seulement 43% des travailleurs
possèdent des régimes supplémentaires de retraite et que
généralement les personnes à la retraite n'ont pas de
revenus suffisants.
Le projet de loi no 15 ne répond pas également à
plusieurs interrogations que nous pouvons avoir. En effet, comment seront
calculées exactement les prestations de ceux qui demeureront à
l'emploi après la date de retraite obligatoire actuelle. Les prestations
ne devraient-elles pas être augmentées actuariellement pour tenir
compte de l'âge de retraite plus avancé.
De plus, de quels motifs autres que l'âge, les années de
service disposera le gouvernement pour imposer la retraite à l'un de ses
employés? Quelles seront les dispositions des régimes de retraite
qui seront applicables à un employé qui a plus de 65 ans et qui
devient invalide? Quels seront les recours d'un employé qui estime qu'il
a été destitué ou congédié en raison de son
âge, l'employeur estimant qu'il n'est plus en mesure d'exercer les
attributions de sa classification, si par contre l'employé ne peut
être admissible à des prestations d'invalidité compte tenu
des définitions actuelles.
La Loi sur le régime de rentes du Québec ne sera-t-elle
pas éventuellement modifiée pour tenir compte du revenu
gagné après 65 ans par les cotisants qui demeureront à
leur emploi régulier et ce, même si une telle possibilité
n'est pas pécuniairement avantageuse pour l'employé
concerné.
Comment seront compensés les avantages sociaux
négociés pour l'ensemble des syndiqués des secteurs public
et parapublic, mais qui ne seront plus applicables à ceux qui
demeureront au travail après 65 ans? Exemples: assurance-salaire,
congé de maladie, assurance-maladie, plan A notamment.
Conclusion. Même si le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec est en accord avec une politique d'un droit au travail pour tous
les travailleurs et travailleuses du Québec, nous ne croyons pas que le
projet de loi no 15 puisse être considéré comme une mesure
efficace tant sur le plan social qu'économique, et compte tenu de la
période de chômage que nous traversons présentement, nous
estimons que le projet de loi no 15 devrait être étudié
dans le cadre d'une politique globale de revenu minimum garanti qui tiendrait
compte également d'une véritable politique de main-d'oeuvre
permettant à l'ensemble des travailleurs du Québec d'aspirer
à un travail correspondant à leurs capacités et à
leur formation.
Nous croyons donc que le gouvernement ne devrait pas adopter le projet
de loi no 15 dans sa forme actuelle et reporter plutôt son étude
ultérieurement afin de permettre une consultation concrète des
divers intervenants, ce qui nous permettrait de prendre connaissance des
solutions globales envisagées, et non partielles, par le gouvernement
dans les divers secteurs énoncés précédemment.
Alors, c'est la position du syndicat, s'il y a des précisions que
l'on peut apporter, on se fera un plaisir de le faire.
Le Président (Boucher): Merci. M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je remercie M. le
président du syndicat et ses confrères et consoeurs qui ont
travaillé à la rédaction de ce mémoire. Je ne le
remercie pas particulièrement pour le ton assez brutal qu'il emploie au
tout début.
Je voudrais situer dans son véritable contexte l'origine de ce
projet de loi. C'est vrai que c'est un engagement électoral, mais de
respecter un engagement électoral, je n'ai jamais pensé que
c'était quelque chose d'indigne ou de négatif, et si cela a
été un engagement électoral, c'est tout simplement parce
que, en regardant autour de nous, on se rend compte que c'est voulu par la
population.
J'ai fait état, ce matin, dans mes remarques du début, que
des sondages Gallup, faits périodiquement depuis trois ou quatre ans,
démontrent clairement que d'année en année le pourcentage
- c'est à l'échelle du Canada - de gens qui disent s'opposer
à une retraite obligatoire, grimpe constamment. Le dernier Gallup, en
1981, donnait 62% de la population qui désirait l'abolition de
l'âge obligatoire de la retraite. En plus, on sait que beaucoup
d'organismes, du côté patronal ou syndical, la CSN en particulier,
en 1978, se prononçait catégoriquement contre un âge
obligatoire de retraite, le conseil du patronat s'est dit d'accord, la
Fédération des clubs de l'âge d'or l'a demandé
depuis plusieurs années, en somme, des groupes de notre population,
quelle que soit leur origine, ont réclamé que les citoyens, les
citoyennes rendus à 65 ans aient la liberté du choix de continuer
ou non à travailler.
Alors, on est bien d'accord avec le syndicat des fonctionnaires
lorsqu'il nous dit que ce n'est pas une loi qui va régler tous les
problèmes des retraités; on n'a jamais prétendu cela non
plus. On a dit, et je répète, que ce projet de loi est le premier
d'une série de projets de loi qui vont affecter l'ensemble des
régimes de retraite publics et privés, parce qu'un autre
engagement que nous avons l'intention de tenir, c'est celui qui va consister
à rendre facultative la retraite à partir de 60 ans surtout, dans
une première étape, pour les employés, les travailleurs,
les travailleuses qui, à cause du type d'emploi, souffrent d'une
invalidité ou d'une incapacité, à cause d'une maladie
professionnelle, de 25% et plus. Nous n'avons pas la prétention que ce
projet de loi modeste, qui vise une seule chose, c'est abolir une mesure
discriminatoire qui existe actuellement et donner aux gens la liberté de
choisir selon leurs propres capacités mentales et physiques et leur
propre désir quant à leur mode de vie, de pouvoir continuer ou
non à travailler... (20 h 15)
Je pense que, si on s'arrête aux articles 4 et 5 qui sont dans le
projet de loi actuel, on va répondre à un bon nombre des
interrogations du syndicat des fonctionnaires. Les articles 4 et 5, dans notre
esprit, et j'admets que cela n'a pas été dit assez clairement
à l'époque, avaient un caractère transitoire. L'article 5,
nous avons l'intention de le retrancher complètement. L'article 4 sera
beaucoup plus clair. L'article 4 va mettre en relief les différents
choix que le travailleur ou la travailleuse aura, rendu à 65 ans. Il y
en a au moins trois et ce n'est pas limitatif, les trois choix, il peut y en
avoir d'autres. Mais, pour le moment, nous en retenons trois.
La personne pourra vouloir, tout en continuant de travailler quelques
années au- delà de 65 ans, toucher à la fois son salaire
et sa rente mensuelle ou bimensuelle, peu importe, mais commencer de toucher sa
rente. C'est un premier choix. Un deuxième choix, c'est de vouloir
obtenir une rente différée et dans la rente
différée, pour le moment où la personne prendra sa
retraite, mettons à 68 ans au lieu de 65 ans, dans cette
hypothèse de la rente différée, si c'est le choix de
l'individu, à ce moment, la rente différée pourra
être grossie ou non par des cotisations additionnelles durant les trois
ans où l'employé va continuer de travailler. Mais
l'employé pourra avoir le choix de ne pas continuer à cotiser.
Dans ces deux hypothèses de la rente différée avec ou sans
cotisation, il nous apparaît équitable que la rente qui sera
versée plus tard et pendant un moins grand nombre d'années soit
valorisée. Pour le moment, nous nous arrêtons à dire que la
rente, quant à nous, doit être valorisée. Exactement de
combien sera-t-elle valorisée? Cela reste à décider et je
pense que c'est un des points justement où la commission parlementaire
va nous aider, va nous éclairer pour qu'on en arrive à une
formulation qui soit bien claire.
M. le Président, je pense qu'il doit être clairement
compris que le gouvernement n'a pas l'intention de tenter de renflouer telle ou
telle caisse sur le dos des personnes âgées qui
décideraient de travailler au-delà de 65 ans. Je pense que cela
serait tout à fait inéquitable et ce n'est pas du tout
l'intention du gouvernement. On a déjà, en 1977, amendé la
Loi sur le Régime de rentes du Québec pour permettre justement
aux personnes âgées de continuer de toucher leur pleine rente -
là je parle du Régime de rentes du Québec, le RRQ -
même si ces personnes, par un travail à temps partiel ou à
temps complet, touchent un revenu. On se souviendra qu'avant 1977, avant que
nous amendions la loi, la personne âgée de 65 ans et plus, de plus
de 65 ans, voyait sa rente du Régime de rentes du Québec diminuer
si elle avait un revenu hebdomadaire grâce à son travail à
temps partiel ou à temps complet.
Je vous rappelle cette modification que nous avons apportée
à la loi pour vous indiquer quand même le genre de philosophie, le
genre d'orientation qui préside à la présentation de ce
projet de loi.
Finalement, nous l'avons dit, ce projet de loi est la première
d'un certain nombre de mesures que nous avons l'intention de prendre. J'ai
parlé tantôt d'abaisser l'âge de la retraite facultative, la
retraite anticipée, mais nous avons l'intention aussi, comme cela a
été un engagement, de faire en sorte que les régimes de
retraite supplémentaires soient transférables, et pour qu'ils
soient transférables de façon valable, il faut évidemment
changer les règles du jeu dans les régimes de retraite
privés, dans les
régimes de rentes supplémentaires.
Je reviens à la question des avantages sociaux, des
bénéfices marginaux. Notre approche, c'est de dire que
l'employé parvenu à 65 ans qui, autant de son point de vue que du
point de vue de l'employeur, a ce qu'il faut pour continuer le travail qu'il ou
elle accomplissait, cet employé devrait obtenir la même
rémunération à 66 ans ou à 67 ans qu'à 63
ans ou 64 ans: à travail égal, rémunération
égale. À l'intérieur de cette même
rémunération globale, il faudra laisser au jeu des
négociations le soin de réaménager ou non les sommes qui
sont affectées aux avantages sociaux. En d'autres termes, nous pensons
qu'au point de vue de l'équité sociale, la personne doit toucher
la même rémunération. Quand je parle de
rémunération, c'est salaire et avantages sociaux. Maintenant,
est-ce que cette rémunération globale pourrait être
affectée autrement? C'est une question que les deux parties en cause
devront régler à la table des négociations.
En conclusion, M. le Président, nous voulons rassurer le syndicat
des fonctionnaires. Il ne s'agit pas dans notre esprit d'une tentative pour
récupérer des fonds sur le dos des travailleurs
âgés. Il s'agit d'une première étape dans un certain
nombre de mesures que nous allons prendre pour améliorer la condition
des personnes âgées surtout quant au travail. Finalement, nous
voulons aussi ajouter, puisque dans votre mémoire vous parlez du
mécanisme de recours, que les recours qui seront faits à la
Commission des normes du travail, cela nous paraît une voie
intéressante puisque la Commission des normes du travail semble obtenir
une cote intéressante autant de la part des employeurs que des
employés et semble fonctionner de façon efficace.
Je veux, en terminant, remercier le syndicat des fonctionnaires pour les
suggestions constructives qu'on retrouve quand même dans son
mémoire. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
le Syndicat des fonctionnaires provinciaux pour son mémoire. Je pense
bien que c'est superflu de vous dire que je concours au premier paragraphe,
mais ça fait du bien de voir que ça vient d'ailleurs que de
l'Opposition officielle. Cela donne plus de crédibilité. C'est
évident qu'il s'agissait d'un engagement électoral. Nous en
avions un semblable d'ailleurs, sauf que nous avions dit que toutes les
répercussions devaient être examinées dans les plus brefs
délais avant de présenter un tel projet de loi. Le gouvernement a
décidé qu'il pouvait faire ça vite. Là, il a
ralenti un peu. Vous savez, le ministre ne veut pas qu'on mette en doute ses
bonnes intentions. Je ne mets pas en doute les intentions du ministre. Jamais
je ne ferais cela. Mais je peux peut-être mettre en doute les intentions
du gouvernement, par exemple, parce que, même si vous faites allusion au
fait que c'est une façon peut-être de récupérer
certaines sommes ou que le gouvernement retardera la dépense de
certaines sommes, je dois vous dire que ceci a été
confirmé dans certaines études. J'avais eu l'occasion d'en parler
en deuxième lecture. C'est évident qu'il y a des objectifs
humains, le respect du libre choix, etc.; je pense que là-dessus, tout
le monde s'entend. Mais en 1980, une commission présidentielle aux
États-Unis sur la politique des régimes de retraite recommandait
l'élévation de l'âge de la retraite d'un mois par
année, pour la fixer à 68 ans afin de permettre d'alléger
le système américain de sécurité sociale. Vous vous
souviendrez peut-être qu'il y a un an ou deux ans, quelque chose comme
ça, il y avait eu de grands articles laissant entendre que tout le
régime de sécurité sociale des États-Unis devait
éclater.
Ce n'étaient peut-être pas les termes exacts. On sait fort
bien ici qu'il y a des rappels à l'ordre, pour dire le moins, de la
Régie des rentes du Québec, à savoir que la même
chose pourrait nous arriver aussi si des mesures énergiques ne sont
prises. Je veux bien qu'on ait, chacun d'entre nous, des sentiments très
humains et je pense que, de fait, ils sont là. Mais il ne faut pas
oublier qu'au plan économique, c'est trop tôt pour le mesurer,
mais ça pourrait aussi avoir des effets bénéfiques
à dire, à ce que le syndicat nous dise qu'il y a peut-être
des intérêts économiques de la part des gouvernements. Il
ne faudrait pas être trop chatouilleux là-dessus, ce n'est pas
impossible.
L'autre point que vous faites valoir, en page 3, c'est que le projet de
loi 15 fera en sorte que les personnes qui pourront effectivement prendre leur
retraite avant 65 ans ne seront que des personnes dont les moyens financiers
leur permettent de satisfaire à leurs obligations, alors que les plus
pauvres devront continuer à travailler en dépit de leur
âge.
Je pense que tout le monde ici ou à peu près et que tous
les mémoires qui nous ont été présentés ici
aujourd'hui ont fait cette démonstration que ce qui motivait le plus les
gens à continuer de travailler, c'étaient les besoins
économiques, c'était le fait...
M. Harguindeguy: Personne ne travaille parce que ça lui
fait plaisir de travailler, il travaille parce qu'il en a besoin.
Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, je ne serais peut-être
pas aussi absolue que vous,
M. Harguindeguy. Je me dis qu'il y a peut-être aussi des gens, je
ne sais pas si on les entendra, je l'ai lu quelque part, dans un mémoire
de professeurs d'université, trois ou quatre, si ma mémoire est
bonne, qui auraient voulu continuer à travailler en recherche; je pense
que ce n'était pas nécessairement pour des raisons
économiques, je pense que c'était l'intérêt. Il y a
aussi des gens qui se sont mal préparés à leur retraite,
qui ont des revenus financiers suffisants, qui trouvent plus de satisfaction
à continuer de travailler, je ne veux pas énumérer toutes
le hypothèses possibles.
Mais il a été établi ici aujourd'hui - je pense que
le ministre ne le contestera pas, il l'a dit lui-même cet
après-midi - que c'est évident que ceux qui ont des retraites
substantielles sont plus portés à prendre leur retraite plus
tôt, d'une façon anticipée ou à ne pas la retarder.
Je pense que, là-dessus, il y a un consensus. Plusieurs mémoires
ici l'ont établi, il ne suffit pas d'abolir l'âge de la retraite,
mais il faut s'assurer qu'au moment de l'âge de la retraite, les gens
aient une retraite décente et ne se retrouvent pas, comme le laissent
voir toutes les statistiques qu'on a eues, en dessous du seuil de la
pauvreté, ce qui est le cas de 75% à peu près des
personnes âgées actuellement, qui ont dépassé 65
ans.
On a beaucoup d'engagements de la part du ministre, on va avoir un
projet de loi sur la retraite anticipée, on va avoir un projet de loi
pour la revalorisation des rentes, on va avoir un projet de loi pour...
M. Lazure: La transférabilité.
Mme Lavoie-Roux: ... la transférabilité, en tout
cas, on a écouté tout ça. Cela enlève beaucoup de
vos arguments dans votre mémoire, puisque tous ces bienfaits vont nous
arriver au printemps. Cela devait arriver à l'automne, je ne sais pas si
ça arrive encore à l'automne...
M. Lazure: Dans une prochaine étape.
Mme Lavoie-Roux: Cela, une prochaine étape, c'est quoi, le
printemps ou l'automne?
M. Lazure: Peut-être le printemps, si Dieu le veut.
Mme Lavoie-Roux: Peut-être le printemps, alors, ça
semble moins sûr que ce soit à l'automne, mais au printemps,
peut-être à l'automne, dans le discours du ministre. En tout cas,
si vous le faites au printemps, on ne vous en voudra pas.
Il y a évidemment le fait que, depuis 1977, on a entre les mains
le rapport de Cofirentes, les ajustements n'ont pas été faits,
mais ça aussi, ça va venir avec le soleil du printemps.
J'aimerais vous demander si vous avez fait un certain sondage chez vos
membres pour savoir quelles sont chez les fonctionnaires, les catégories
d'employés, qui aimeraient se prévaloir de l'abolition de
l'âge de la retraite. Est-ce que vous avez des données
là-dessus? (20 h 30)
M. Harguindeguy: Non, sauf qu'au salaire que les fonctionnaires
gagnent, ils peuvent difficilement se permettre de tous prendre leur retraite.
D'ailleurs, c'est pour cela qu'il y en a quelques-uns qui sont
intéressés de continuer à travailler parce qu'ils ne
peuvent pas arriver à vivre. Il faut quand même admettre que les
salaires ont commencé à être raisonnables seulement depuis
quelques années. Bien longtemps, les fonctionnaires ont travaillé
à des salaires dérisoires.
Quant à nous, le projet de loi no 15 est arrivé, on
pourrait dire, comme un cheveu sur la soupe. Sans nécessairement avoir
les lois qui sont quand même correspondantes, on est assujetti au
régime de retraite des fonctionnaires, au RREGOP également. Notre
convention collective prévoit aussi des dispositions. Si le projet de
loi entrait en vigueur cette année, on va encore être au moins
pendant un an et demi, deux ans, avec une convention collective qui existe.
Tantôt, le ministre a dit qu'il laisserait aux parties le soin de
déterminer de quelle façon on pourrait rajuster les montants qui
pourraient être attribués. Sauf que notre convention collective
vient à échéance le 31 décembre 1982 et avant
qu'elle soit renouvelée, si on se fie aux expériences
antérieures - la dernière fois, depuis 1978, on a signé en
1980 - on peut se retrouver en 1984 avec des personnes qui vont être
lésées ou ne sachant pas quoi faire, parce que la base de tous
nos bénéfices marginaux de la caisse de retraite de notre
convention collective, c'est 65 ans.
Les gens sont peut-être intéressés aujourd'hui.
Quand on voit que le maximum qui peut être atteint, c'est 70% du salaire
basé sur les cinq meilleures années, quand on a des gens qui ont
un salaire moyen de 15 000 $ par année, comme c'est le cas des
fonctionnaires, même à 70%, c'est seulement 8500 $ que vous avez
comme revenu. À 8500 $, dans la situation actuelle, dans le contexte
économique actuel, il n'y a pas beaucoup de gens qui sont
intéressés à prendre leur retraite. Chez nous, pourquoi y
a-t-il beaucoup de gens qui sont intéressés à continuer?
C'est parce qu'ils ont des besoins financiers. Il y en qui ont encore des
enfants à leur charge au niveau universitaire ou au cégep, dans
certains cas. Il y a quand même des personnes qui ont des
responsabilités familiales. Comme la retraite ne leur permet pas de
subvenir suffisamment à leurs besoins...
Quand on regarde aussi les statistiques, il y en a plusieurs qui meurent
parce qu'ils manquent de préparation et ils ont tellement de soucis
financiers que, finalement, après quelques années, ils
disparaissent. Au gouvernement seulement, des statistiques récentes
démontrent que c'est après 8 ans de retraite que près du
tiers des retraités décèdent, entre 8 ans et 14 ans de
retraite. Déjà, la base étant à 65 ans, cela veut
dire qu'à 73 ans, ils commencent déjà à nous
quitter. Alors, s'ils continuent à travailler, ils vont faire quoi? Ils
vont continuer à travailler jusqu'à leur décès. On
va encore en enterrer plus qu'on en enterre à l'heure actuelle.
C'est pour cela qu'on estimait qu'il était important de savoir
exactement quels sont les autres amendements qui vont venir. C'est quoi? Une
retraite, ce n'est pas seulement une partie; c'est un tout. Quand les membres
viennent nous voir, il faut quand même évaluer tous les besoins.
En tout cas, tout doit être évalué en même temps pour
ne pas dire: Tu as droit à la retraite, prends-la et, après, on
verra le reste. C'est pour cela que, chez nous, globalement, on ne s'est pas
opposé. Au contraire, dans nos revendications antérieures, on a
toujours été dans le sens de réduire l'âge de la
retraite, faire en sorte que les gens puissent la prendre à un âge
pour qu'ils puissent en profiter aussi physiquement. À 65 ans, je ne
suis pas sûr du nombre de gens qui vont travailler pour le plaisir de
travailler à 65 ans. Quant à faire de la recherche, l'exemple que
vous avez donné tantôt des professeurs, je ne pense pas que ce
soit parmi les fonctionnaires qu'on retrouve cela. On a assez peu de
mandats.
Mme Lavoie-Roux: Évidemment, il y a différentes
catégories de fonctionnaires. C'est peut-être difficile pour vous
autres, mais est-ce que vous êtes capable de me donner la moyenne des
pensions qui sont versées aux fonctionnaires?
M. Harguindeguy: La CARR vient de sortir son dernier rapport dans
lequel elle a établi tous les montants. On prend cela à
l'intérieur. C'est tout récent. Montant de la pension, chez les
hommes, au RRF, de 10D0 $ à 2000 $, vous avez 1847 hommes sur 9450 qui
ont ce montant comme pension, et 310 femmes. De 1000 $ à 3000 $, vous en
avez 1595. Ce qui veut dire que c'est quand même 3300 personnes sur 9450,
c'est près du tiers qui ont en bas de 3000 $ de pension par
année. Ce n'est sûrement pas avec ce montant qu'ils peuvent
vivre.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ces petits montants sont
indexés?
M. Harguindeguy: Indexés à 3% par année.
Mme Lavoie-Roux: 3%.
M. Harguindeguy: Non, l'excédent à 3% au coût
de la vie maintenant depuis deux ans, c'est vrai.
Mme Lavoie-Roux: Pardon?
M. Harguindeguy: C'est le nouveau régime qui est
censé venir.
Mme Lavoie-Roux: C'est indexé au taux d'inflation?
M. Harguindeguy: Oui, celui établi par le régime de
rentes, la Régie des rentes.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Harguindeguy: Mais c'est le nouveau régime qu'on nous a
promis qui s'en vient, semble-t-il, au mois de janvier et qui va comporter une
indexation incomplète.
M. Lazure: Est-ce que vous me permettez, M. le Président,
une question en rapport avec cela? Quand vous donnez le chiffre de 1500 $ ou
2000 $, évidemment, c'est à part du Régime de rentes du
Québec...
M. Harguindeguy: Du Québec, oui.
M. Lazure: ...et de la pension de vieillesse.
M. Harguindeguy: Sauf qu'avec le régime de retraite RRF,
il y a un montant déductible lorsque la personne reçoit le
Régime de rentes du Québec. Une réduction actuarielle est
effectuée quand la personne reçoit ses rentes du Québec.
Donc, les personnes de 65 ans et plus en reçoivent moins du
régime de retraite parce qu'une réduction est effectuée.
Mais ça, ce se sont des statistiques du 31 décembre 1980. C'est
un document qui vient tout juste d'être publié, le septième
rapport de la Commission administrative du régime de retraite.
Mme Lavoie-Roux: On a dû l'avoir, mais je ne l'ai pas
regardé.
M. Harguindeguy: II est arrivé seulement hier ou
aujourd'hui, c'est tout récent. À l'intérieur de ce
document, vous allez tout de même retrouver des statistiques
sûrement intéressantes qui démontrent que l'avenir des
retraités n'est sûrement pas rose.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, à l'intérieur de la
fonction publique, chez les
fonctionnaires du Québec, des expériences sont faites dans
le sens d'une souplesse, d'une certaine flexibilité quant à
l'âge de la retraite, c'est-à-dire du travail à temps
partiel? Est-ce que des modalités ont été
expérimentées pour, justement, faciliter la retraite?
M. Harguindeguy: Pas encore. On attend la politique de temps
partiel du gouvernement. On doit être consulté là-dessus.
Est-ce que, ça aussi, ce sera possible? On ne le sait pas.
Mme Lavoie-Roux: Mais dans le moment, les gens prennent leur
retraite à un âge déterminé.
M. Harguindeguy: Actuellement, les employés doivent
être à leur travail à temps plein, mis à part
quelques cas où le temps partiel existe, mais ce n'est pas dans le sens
de permettre une préretraite ou de le préparer graduellement
à la retraite. Ce n'est pas dans ce sens que la politique du temps
partiel est appliquée à l'heure actuelle. C'est beaucoup plus
pour des besoins bien spécifiques de l'administration; à la RAMQ,
à la Régie des rentes du Québec, c'est strictement pour
les besoins de l'organisation que les gens sont à temps partiel; ce
n'est pas dans l'intérêt des membres.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. Harguindeguy.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Merci, M. le Président. C'est un
mémoire qui me surprend un peu. Il y a un moment où vous semblez
dire, M. Harguindeguy, que vous êtes contre. Vous aimeriez le dire, mais
c'est ni chair ni poisson. Vous dites: "Le Syndicat des fonctionnaires
provinciaux ne peut s'opposer à l'abolition de l'âge de la
retraite obligatoire. Cependant, nous tenons à vous rappeler que nos
démarches antérieures ont toujours été à
l'effet de permettre la prise de la retraite à un âge moindre."
Quant à moi, je vois une contradiction dans cet énoncé.
Vous auriez pu carrément dire: On ne le veut pas pour telle et telle
raisons.
Vous nous reprochez aussi d'aller un peu vite. Vous parlez de
consultations. En somme, si on avait adopté ce projet de loi le
printemps dernier, je pense que vous auriez eu raison, à ce
moment-là, de dire que c'était un peu vite parce qu'il nous
restait encore des consultations à faire dans la population. Mais
aujourd'hui, pourquoi cette présente commission parlementaire? C'est
surtout pour aller chercher cette information qui nous manque et fournir des
réponses aux questions que vous posez dans vos mémoires.
Une autre argumentation; vous dites que c'est une promesse
gouvernementale. On ne le nie pas, mais vous ne niez pas, non plus, que c'est
une promesse qui a du sens par le texte que vous nous présentez et les
conclusions sur la revalorisation de la personne.
Une première question. Je voudrais savoir quelle est la moyenne
d'âge des fonctionnaires qui prennent leur retraite suivant la
convention.
M. Harguindeguy: C'est 65 ans, la retraite obligatoire.
M. Laplante: C'est 65 ans, mais beaucoup la prennent avant
d'atteindre l'âge de 65 ans.
M. Harguindeguy: II y en a peut-être.
M. Laplante: Ce sont des retraites anticipées auxquelles
les fonctionnaires ont droit.
M. Harguindeguy: II y a des possibilités, dans le
Régime de retraite des fonctionnaires - pas dans le RREGOP -
après 55 ans d'âge et 22 ans de service, de prendre une retraite.
Mais il y a aussi des retraites avec des réductions actuarielles, quand
même. Ce ne sont pas toujours des pleines retraites, non plus.
Si on regarde la répartition du nombre de retraités selon
la CARR, - c'est elle qui a les données les plus précises - dans
les régimes de retraite selon le sexe et l'âge, au 31
décembre 1980, dans le régime de retraite des fonctionnaires,
généralement c'est 65 et 69 ans, sur 9450 retraités, vous
en avez 5900 qui ont - donc plus de 50% -entre 65 et 74 ans. Entre 60 et 64
ans, vous en avez 1000 qui ont pris leur retraite à ce stade. Moins de
50, il y en a 83. Cela peut être pour toutes sortes de motifs. Il peut y
avoir des motifs d'invalidité aussi qui font en sorte que la personne
devient admissible au régime de retraite des fonctionnaires, pas au
RREGOP, parce qu'au RREGOP il n'y a pas de rente d'invalidité
possible.
M. Laplante: Pour ceux qui prennent leur retraite avant
l'âge de 65 ans, croyez-vous que les cours qui se donnent à
l'intérieur de la fonction publique, je ne sais pas si vous y
participez...
M. Harguindeguy: Les cours préparatoires, oui.
M. Laplante: Est-ce que cela a une influence sur les
fonctionnaires pour se bien préparer d'ailleurs à une retraite et
avancer l'âge de la retraite aussi?
M. Harguindeguy: D'avancer non, parce que, habituellement, ceux
qui sont admissibles sont déjà ceux qui vont prendre leur
retraite d'une façon anticipée dans les années qui vont
suivre. Même des fois, c'est l'année où ils vont prendre
leur retraite qu'ils reçoivent ce cours. Ce n'est pas non plus tout le
monde, parce qu'il y a quelques restrictions budgétaires qui coupent ces
programmes également. Ce n'est pas tous les retraités qui ont la
possibilité de participer à ces cours. Mais cela a eu au moins un
certain avantage; cela a quand même permis aux gens de se préparer
plus adéquatement qu'auparavant, parce que là ils commencent
à y penser tout au moins un bon six mois ou un an avant de prendre leur
retraite.
M. Laplante: Mais cela a des chances de porter des fruits avant
qu'ils puissent prendre leur retraite à un moment donné.
M. Harguindeguy: Avant. M. Laplante: Avant aussi.
M. Harguindeguy: Je n'ai pas l'impression que c'est cela qui
incite bien des gens. Mais je voudrais répondre à vos deux
questions. Vous avez voulu dire qu'on n'est pas d'accord.
D'abord, le ministre tantôt a annoncé qu'il y aurait
d'autres modifications. Le projet de loi no 15 nous laisse quand même
avec bien des appréhensions parce qu'il n'y a pas de réponse. On
n'a pas retrouvé les réponses que le ministre nous a
indiquées. Si les retraités avaient un choix entre continuer
à travailler et avoir la possibilité d'une retraite
réellement sans souci financier, je ne suis pas sûr que les gens
continueraient à travailler, si au moins ils pouvaient s'assurer de
satisfaire leurs besoins personnels et ceux de leur famille.
Aujourd'hui, ceux qu'on rencontre le plus fréquemment, ceux qui
veulent continuer à travailler, c'est parce qu'ils ont besoin de
continuer à travailler, parce qu'ils savent qu'ils n'arriveront pas
à vivre avec la rente qui est payable. C'est sûr que si on donne
la possibilité à ces mêmes gens aujourd'hui de continuer
à travailler, ils vont possiblement continuer à travailler pour
continuer à recevoir leur plein salaire en autant qu'ils soient
physiquement capables d'exercer leurs attributions. Donc, le choix à
l'heure actuelle n'existe pas. S'ils veulent vivre, il faut qu'ils continuent
à travailler; alors que nous, on aurait voulu qu'il y ait
peut-être une consultation plus exhaustive qui soit faite sur l'ensemble
des régimes.
On a aussi des questions qu'on se pose. Quelqu'un qui va devenir
invalide parce qu'il aura dépassé 65 ans, que va-t-il lui
arriver? Est-ce qu'il va continuer à être admissible aux
prestations d'assurance-salaire? Est-ce qu'il va pouvoir continuer à
garder un certain emploi s'il désire continuer à travailler?
Parce qu'on a dit tantôt que c'est une mesure discriminatoire qu'on
voulait abolir. Est-ce que, même si physiquement il n'est plus apte
à faire son travail, mettons de technicien, mais il désire
continuer à travailler, parce qu'il a peut-être besoin ou pour
toutes sortes de motifs, quand il va être invalide, on va lui permettre
quand même de le faire? Cela, on ne le sait pas. Il n'y a personne qui
peut encore nous donner une réponse pour dire ce qui va arriver.
M. Laplante: C'est que je pense... M. Lazure: Vous
permettez. M. Laplante: Oui.
M. Lazure: Sur ce point précis, on a donné des
réponses claires là-dessus. Cela me fait plaisir de le
répéter ce soir au président du syndicat des
fonctionnaires. C'est bien évident que la personne, le fonctionnaire ou
peu importe, qui désire continuer à travailler au-delà de
65 ans, doit avoir les capacités physiques et mentales pour le faire. Si
la personne est invalide, elle n'est pas en mesure de répondre aux
exigences de l'emploi, c'est clair qu'à ce moment, elle prend sa
retraite. Elle reçoit ses prestations de rente. (20 h 45)
On ne peut pas à la fois prétendre vouloir continuer
à travailler, parce qu'on est en bonne santé et recevoir une
pension d'invalidité tout en étant un employé à
plein temps soi-disant capable de remplir la fonction. C'est clair que c'est
l'un ou l'autre, mais, pour ce qui est de l'ensemble des avantages sociaux, je
pensais avoir donné la réponse tantôt. À travail
égal, quel que soit l'âge, la rémunération doit
être égale. Par conséquent, si un employé de 66 ans
doit continuer à toucher la même rémunération
globale, salaire et avantages sociaux, la partie avantages sociaux, que ce soit
20% ou 25% ou 30% du salaire, pourra être réaménagée
par négociation entre l'employeur et l'employé. Quant à
nous, l'employé, même s'il dépasse 65 ans, devra continuer
à toucher la même rémunération globale, que la
rémunération soit composée à 80% du salaire et
à 20% d'autres avantages ou à 85%, 15%, c'est laissé au
jeu de la négociation.
M. Harguindeguy: II faut quand même comprendre. Pour saisir
comme il faut, est-ce que cela voudrait dire que, contrairement aux
dispositions actuelles, la disposition qui permet à un employé de
demander sa rétrogradation lorsqu'il devient invalide et qu'il ne veut
pas prendre sa retraite parce qu'il est encore physiquement apte à
faire
autre chose dans la fonction publique, ne s'appliquerait plus quand il
aura dépassé 65 ans?
M. Lazure: Cela ne veut pas dire cela.
Justement, si vous voulez, cela nous fait déboucher sur une
considération plus générale dans l'application, la mise en
vigueur de la loi. J'aimerais mieux y revenir tantôt, quand le
député de Bourassa aura terminé.
M. Laplante: Merci, M. le ministre. Socialement, nous, on est
d'accord avec ce que vous dites à l'effet de faire vivre plus
décemment la personne de 65 ans et plus, et l'enlever du seuil de la
pauvreté. Je pense qu'on peut se rejoindre très facilement
là-dessus. À la page 4, lorsque vous dites: Par
conséquent, si l'on permet à un employé de travailler
pendant cinq ans ou sept ans de plus je ne sais pas où vous allez
chercher ces chiffres. Si on prend la moyenne d'espérance de vie - on va
prendre la fonction publique, c'est ce que vous représentez ce soir - je
serais curieux de savoir la moyenne d'âge des mortalités dans la
fonction publique, chez vous.
M. Harguindeguy: La moyenne, c'est 72 ans.
M. Laplante: 72 ans. Quand vous dites de cinq à sept ans,
vous croyez que c'est la majorité des gens qui irait jusqu'à 72
ans?
M. Harguindeguy: C'est peut-être une projection qu'on fait.
De toute façon, même si on augmente la durée d'emploi, si
on permet aux gens de travailler trois ans, quatre ans ou cinq ans de plus, on
n'augmentera pas plus la durée de vie, par exemple. Ils vont continuer
de mourir à 72 pareil, en moyenne. On n'augmente pas cela par un projet
de loi.
M. Laplante: J'y vois, en moyenne, un nombre très
restreint au Québec - ce sont mes vues personnelles - soit environ 3000
personnes par année qui pourraient dire: On travaille deux ans de plus.
La moyenne est à peu près de deux ans de plus, pour 3000
personnes.
En appliquant l'autre plafond de 60 ans dans une autre loi à
venir - parce que c'est rattaché à deux ou trois autres lois qui
vont venir, qui seront rassemblées, pour compléter le "puzzle" -
quand on pourra donner l'âge de la retraite d'une personne qui est en
perte de capacité, disons peut-être de 25% ou 30% ou 40%, je ne
sais pas, l'incapacité permanente, vous aurez droit au régime
plus tard. Je pense que c'est largement compensé par ces 2500 ou 3000
personnes. C'est tout cet aspect qu'il faut regarder, si on veut créer
une société encore plus juste pour les personnes
âgées.
Vient après cela l'application de la loi pour les 55 ans aussi,
où on pourra établir des programmes sérieux de
préparation à la retraite et faire prendre conscience aux gens
qu'à un moment donné, avec tous les régimes qu'ils se sont
ramassés, cela ne vaut pas la peine de travailler non plus passé
un certain âge puisqu'ils vont tout donner en impôt. Il faut
analyser tout ça de nouveau. Je vous remercie de votre
mémoire.
M. Harguindeguy: C'est parce qu'on aurait souhaité
étudier tout cela en même temps. Là, on étudie un
petit morceau du "puzzle" et dans deux ans on va avoir autre chose.
M. Laplante: Je pense que c'est difficile. Vous êtes
président d'un syndicat. Vous n'êtes pas capable de
préparer tout un programme dans un ensemble, d'un seul coup, sur une
même feuille. Je pense qu'on est pris de la même façon, nous
aussi, il faut suivre étape par étape, mais je suis certain que
ce sera fait d'ici deux ans, au plus tard. Je pense que ce n'est pas
dévoiler un secret, les députés ministériels
demandent au gouvernement de respecter cela dans le plus court délai
possible.
Mme Lavoie-Roux: ... avec les coupures budgétaires.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: J'ai écouté le député de
Bourassa avec beaucoup d'intérêt, mais je pense que le sens de ce
mémoire est très clair. Je crois que tous ici nous sommes pour le
principe d'une retraite flexible. Je pense bien que personne ne peut s'opposer
à ce principe. Mais je pense que la clé, c'est de
déterminer quelle est la priorité. Est-ce que la priorité,
c'est de faire une retraite valable, une retraite qui va permettre aux gens de
vivre raisonnablement ou d'adopter une loi qui dit: Vous aurez une retraite
flexible, mais sans qu'on sache ce que cette retraite va apporter aux gens
lorsqu'ils vont cesser de travailler? S'ils sont obligés de travailler,
s'ils n'ont pas les moyens nécessaires, on a mis la charrue devant les
boeufs. C'est ça qu'on est en train de dire, je pense que c'est le sens
de ce mémoire.
Ce matin, on en a discuté; les États-Unis ont mis presque
dix ans pour adopter leur programme de retraite. Ce qu'ils ont fait avant,
ç'a été de régler la question des fonds de
retraite, l'assurance des fonds de retraite privés pour éviter la
banqueroute, justement, des fonds de retraite privés. Ils ont
réalisé que seulement 28% des Américains qui avaient un
régime de retraite privé profitaient d'une retraite à
cause des transferts, à cause des veuvages, à cause des
banqueroutes. Ils ont assuré ça. Ils ont commencé
par régler tout le problème des retraites par une loi. Par la
suite, ils sont arrivés avec un programme de retraite flexible, ce qui
fut la dernière étape, en 1978. Ils ont étudié
cela, ils ont fait cela étape par étape. En Ontario, on est
à étudier des programmes de retraite. Ils ont produit dix
volumes, 2000 pages. Ils y ont travaillé pendant des mois.
Nous, on arrive avec notre retraite flexible, on fait ça à
la vapeur, une petite commission qui va durer quatre jours pour étudier
une telle question. Après cela, on est supposé attendre une loi,
ce qui va peut-être prendre deux ans, d'après votre programme, et
on ne sait pas du tout ce que ça va donner. Le fait est que tous les
régimes publics - si on tient compte du rapport du Vérificateur
général, il n'y a aucun blâme à porter à un
gouvernement ou à l'autre, peut-être direz-vous que c'est à
cause du gouvernement libéral précédent ou quoi que ce
soit - les régimes autres que RREGOP, ont des déficits actuariels
de milliards de dollars, quelque chose comme 8 900 000 000 $. RREGOP
lui-même commence à être en déficit. C'est ça
qu'il faudrait régler avant de dire aux gens: On va vous offrir une
retraite flexible. Mais, quand ils prennent leur retraite, rien n'a
été amélioré.
Je pense que c'est ce que ces messieurs disent: on aurait dû
regarder cette question dans son ensemble parce que toute cette question forme
un ensemble. Cette loi, elle ne coûte rien, alors, on dit de belles
paroles: On va vous offrir une retraite flexible. Mais ça ne change rien
au fond du problème, on n'a rien fait. Je crois que ces messieurs
disent: Peut-être qu'on aurait dû regarder la question
fondamentale, qui est beaucoup plus difficile, avant de passer par là.
Je suis d'avis que c'est une opinion très valable.
M. Lazure: Si vous le permettez, M. le Président, je vais
commencer par réagir aux propos du député de Nelligan.
Quand il compare le cheminement des Américains par rapport au
nôtre, je pense qu'il ne donne pas le tableau complet. La loi que le
Congrès américain a adoptée en 1974 était tout
simplement pour établir les normes minimales des régimes
supplémentaires de rentes. Cela a été fait, ici au
Québec, en 1965. Je pense qu'il faut reconnaître que les
régimes de rentes, non seulement au Québec, mais au Canada, si on
met les deux ensemble, privés et publics, peuvent être
comparés avantageusement au système américain. C'est un
peu comme ce qu'on retrouve en sécurité sociale de façon
plus générale, que ce soit l'assurance-maladie ou l'assurance-
hospitalisation.
La loi de 1974, aux États-Unis, touchait les régimes
supplémentaires de rentes. C'est l'équivalent de notre loi sur
les régimes supplémentaires de rentes qui a été
adoptée en 1965; on l'a révisée à quelques reprises
depuis ce temps. Cela établissait les normes minimales, mais ça
établissait aussi tous les principes de solvabilité des
régimes supplémentaires de rentes. C'est tout à fait
injuste de dire que nous, on se précipite à corps perdu
là-dedans, sans expérience, alors que les Américains ont
pris dix ans pour le faire. Ce qu'ils ont fait durant ces dix ans, ce sont des
choses qui avaient été faites ici au Québec et au Canada
auparavant.
Deuxièmement, on ne se précipite pas sans connaissance de
cause. Il y a eu des rapports de faits. Dans mes propos de ce matin, j'ai fait
allusion au rapport Cofirentes, mais il y a eu aussi le rapport du
sénateur Croll, du Sénat du Canada; il y a eu le rapport de
l'Ontario justement. Il y a eu plusieurs rapports de faits depuis quelques
années et qui ne touchent pas seulement l'abolition de l'âge
obligatoire de la retraite. C'est un des très nombreux aspects de la
réforme des régimes de rentes publics et privés que nous
voulons entreprendre, que nous entreprenons avec ce premier geste.
Je voudrais revenir au mémoire du syndicat des fonctionnaires et
en même temps toucher à une remarque de la députée
de L'Acadie. Encore une fois, ce projet de loi ne change pas l'âge de la
prise de retraite "normale" qui est 65 ans et qui va demeurer 65 ans. Nous ne
changeons pas l'âge de la retraite. Au point de vue actuariel, si vous
voulez, l'âge soi-disant normal de la retraite va continuer d'être
65 ans. Donc, nous ne bouleversons pas toutes les estimations qui peuvent
être faites. Tout ce que la loi fait, c'est de donner à chaque
individu le privilège, le loisir de décider s'il ou elle veut
décider de continuer à travailler pendant un certain nombre
d'années.
Bien sûr que cette loi, pour les quelques milliers de personnes
qui voudront en profiter chaque année, au Québec, comporte des
avantages économiques. Ce n'est pas parce qu'il y a un gain
économique à ce recours pour l'individu qui veut continuer
à travailler que ce n'est pas une loi d'abord et avant tout à
portée sociale. C'est évident que pour plusieurs salariés
dont les régimes supplémentaires de rentes ne sont pas
suffisants, ou qui n'ont pas du tout de régime supplémentaire de
rentes - on ne s'en cache pas - pour le moment, pouvoir continuer à
travailler quelques années, c'est quand même une ressource
intéressante, s'ils sont en forme physique et mentale pour le faire.
Finalement, M. le Président, je demanderais - ça rejoint
un peu les remarques du député de Bourassa - parce qu'il y a une
certaine ambiguïté dans le
mémoire du syndicat des fonctionnaires... On dit qu'on est
d'accord avec le principe, mais, à la fin, on dit: "Nous croyons donc
que le gouvernement ne devrait pas adopter le projet de loi no 15 dans sa forme
actuelle -on est bien d'accord qu'il ne sera pas adopté dans sa forme
actuelle, c'est pour ça qu'on a fait une commission parlementaire - et
reporter plutôt son étude ultérieurement, afin de permettre
une consultation concrète des divers intervenants, ce qui nous
permettrait de prendre connaissance des solutions globales
envisagées...", etc.
Je pose la question au président du syndicat des fonctionnaires.
Dans l'hypothèse où notre projet de loi, qui pourrait
possiblement suivre le modèle américain dans son application,
dans l'hypothèse où l'application serait étendue sur une
période de quelques années, à la fois pour permettre le
renouvellement des conventions collectives, tout en imposant un délai
maximum, dans cette hypothèse d'une orientation qui se ferait par
étapes dans l'application de la loi, est-ce que ça rejoint votre
dernier paragraphe ou si, dans votre dernier paragraphe, vous parlez d'autre
chose?
M. Harguindeguy: Cela va le rejoindre en partie. Cela va
satisfaire au moins certaines appréhensions et permettra d'ajuster nos
conventions collectives, nos régimes de retraite aussi qui vont
nécessairement devoir être amendés également.
D'autre part, quand vous avez indiqué qu'il y aura, par exemple, la
retraite facultative à 60 ans et d'autres mesures, il s'agissait quand
même d'avoir une vue plus globale sur l'ensemble des
bénéfices, quitte à prévoir que certains de ces
avantages ne puissent entrer en vigueur qu'à certaine période,
selon un échéancier. Actuellement, on discute strictement autour
de l'abolition de l'âge de la retraite ou des années de service,
alors qu'il y a peut-être d'autres conséquences à
ça. Il faut ajuster tous les régimes. (21 heures)
La base, comme vous l'avez dit vous-même, l'âge normal de la
retraite qui sert à évaluer d'une façon actuarielle les
bénéfices, c'est quand même 65 ans et ça va le
demeurer. Un député a mentionné tantôt que ce qui
était envisagé, c'était pas plus que deux ans. Faire un
tel changement d'orientation pour permettre physiquement aux gens de ne
travailler que pendant deux ans de temps, parce qu'ils ne seront plus en mesure
de travailler après, je pense que c'est quand même encore
strictement bien minime comme modification. Les seuls qui vont en profiter pour
deux ans, ce sera qui encore? Ce sont toujours les mêmes personnes.
C'est pour ça que nous, on estimait qu'on aurait dû voir
l'ensemble des modifications que le gouvernement a envisagées, quitte
à savoir d'avance que tel ou tel bénéfice ne serait
envisagé ou mis en vigueur que dans deux ans, dans trois ans, dans
quatre ans, selon un échéancier. On a une partie du
problème qu'on discute, on a toutes sortes d'appréhensions qu'on
voudrait au moins voir clarifier. On nous dit: On l'envisage, mais ça va
venir après. On préférerait le savoir tout de suite pour
qu'on sache ce qu'on veut faire aux régimes de retraite.
Éventuellement, s'il y a une réelle politique de revenu minimum
garanti, ce sera quoi la nécessité d'avoir des régimes de
retraite aussi? On ne le sait pas non plus. Qu'est-ce que ce sera la politique?
Est-ce que ça va englober les gens qui auront des régimes de
retraite? Est-ce qu'il va y avoir une partie qui va être payée ou
est-ce qu'il y aura une réduction pour ceux qui ont des régimes
privés ou publics? On ne le sait pas. C'est toute cette politique de
revenu minimum, ça revient à ça finalement, un
régime de retraite. Il y a des gens qui sont plus prévoyants que
d'autres, ceux qui ont des régimes de retraite. Quelle sera l'attitude
du gouvernement, l'orientation dans le revenu minimum garanti? Est-ce qu'il
sera utile d'avoir des régimes de retraite tantôt? On ne le sait
pas. Vous le savez peut-être parce que vous avez déjà des
études dans ce domaine, mais on peut difficilement y
répondre.
M. Lazure: Mais qu'on appelle ça revenu minimum individuel
ou familial garanti ou encore salaire plus régime de rentes potable,
décent, garanti, au fond, ça revient au même. Chose
certaine - le gouvernement l'a dit à plusieurs reprises; je pense qu'il
faut se souvenir des énoncés de politique du gouvernement et en
ça, on tombe d'accord avec nos amis du gouvernement
fédéral - les régimes supplémentaires de rentes
doivent être améliorés et aussi les régimes publics,
le régime public du Canada et le régime public du Québec.
Les cotisations au Régime de rentes du Québec n'ont pas
été ajustées depuis 15 ans, 1,8% employeur, 1,8%
employé. C'est le même taux depuis 15 ans. Il est bien
évident que ces taux doivent être réajustés. Il est
bien clair que nous voulons procéder à une bonification, à
une révision majeure des régimes de rentes publics et
privés. Pour nous, plutôt que de voir ça comme étant
mettre la charrue devant les boeufs d'établir la non-discrimination
quant à l'âge, c'est comme un principe préalable qu'on pose
et on dit: Autour de ce principe fondamental que chaque travailleur et
travailleuse au Québec aura le choix du moment de sa retraite, on va
greffer une série de réformes qui vont améliorer le sort
des retraités.
M. Harguindeguy: Si vous me le permettez, ce n'est quand
même pas l'ensemble des travailleurs qui ont des régimes de
retraite. Aujourd'hui, ils se fient sur quoi? Strictement sur le Régime
de rentes du Québec qui leur permet d'avoir une certaine retraite.
M. Lazure: Le fait de pouvoir continuer à travailler
après 65 ans, si la personne est en forme, justement va lui permettre
d'avoir un revenu un peu plus décent.
M. Harguindeguy: Elle n'aura pas le choix, c'est ce qu'on dit
aussi. Finalement, ça va permettre aux gens de travailler parce qu'ils
ont besoin de travailler. S'il y avait un régime de rentes du
Québec qui était suffisant pour leur permettre de vivre
raisonnablement, ils ne travailleraient certainement pas.
M. Lazure: Nous avons l'intention de réviser le
Régime de rentes du Québec.
M. Harguindeguy: C'est tout ça qu'on aurait voulu voir
étudier en même temps, mais que malheureusement on n'a pas. On ne
sait pas où vous allez.
M. Lazure: Mais parfois le mieux est l'ennemi du bien. Je pense
que parfois il faut procéder par étapes. Quand on parle d'enlever
un motif de discrimination, je pense qu'on ne fait pas d'erreur et c'est ce
qu'on tente de faire avec le projet de loi no 15.
M. Harguindeguy: On va vous encourager à aller sur cette
voie parce qu'il y a pas mal de discrimination au gouvernement dans d'autres
domaines.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Je n'ai pas envie de faire un débat avec le
ministre, mais ce que je voulais dire simplement, c'est que je n'ai pas envie
de dire que les Américains sont en avance sur nous ou qu'on est en
avance sur eux, mais il y a certaines choses qu'ils ont faites. Je vais vous
donner un exemple: les banqueroutes des compagnies qui ont été
citées ce matin qui privent des gens de leur retraite, les
Américains ont assuré ce fonds avant de rentrer; il y a deux ans
de cela. Ils ont une fondation - je ne vous dis pas que c'est le nec plus
ultra, peut-être que l'on est en avance - tout ce que je veux vous dire,
c'est qu'ils semblent avoir travaillé sur une politique de concertation,
il y a eu la commission Carter qui siège depuis deux ans sur la question
de toute l'affaire de sécurité sociale, de pension; elle a
travaillé sur la flexibilité de l'âge de la retraite.
Vous étiez d'accord ce matin, il y a toute la question de la
comptabilité qui doit être changée. La question des veuves
doit être améliorée. Il y a justement la question de
l'assurance des fonds de pension, puis il y la solvabilité; mais si les
firmes font banqueroute, comme l'exemple a été donné ce
matin, cela ne sert à rien.
Il y a toutes ces questions. On dit: On va poser le principe
aujourd'hui; c'est très joli, mais toute ces questions comment est-ce
qu'on les règle et dans combien de temps? Peut-être que cela
prendra un an, deux ans et peut-être qu'on aurait dû faire tout
cela de concert; c'est cela que je crois être la question.
M. Lazure: Écoutez. On tombe d'accord pour dire que c'est
une stratégie qui est discutable. On aurait pu attendre le jour glorieux
où, dans un seul projet de loi, on aurait tout fait cela ensemble, mais
il aura fallu attendre probablement plusieurs années. Nous pensons qu'il
faut le faire dans deux ou trois étapes.
Je retiens les remarques du député de Nelligan. Là
où l'on peut apprendre de l'expérience américaine,
norvégienne ou suédoise peu importe, prenons-le ce grain de
sagesse. Je l'ai dit à plusieurs reprises aujourd'hui, je l'ai
répété tantôt, nous envisageons la
possibilité de rendre cette loi applicable par étapes. C'est un
peu ce que les Américains ont fait. Alors, nous n'avons pas du tout
l'intention de réinventer les boutons à quatre trous chaque jour.
Mais quand on nous dit: N'allez pas si vite, parce qu'il faut faire des
études, c'est là où je ne suis pas d'accord; on les a les
études; on en a suffisamment des études américaines,
canadiennes, ontariennes, québécoises, saskatchewanaises, on en a
de partout. Je pense que l'on sait à peu près où on veut
aller. Quant à l'implantation de ces différentes réformes,
nous pensons qu'il faut procéder graduellement, justement pour ne pas
bousculer tout le monde en même temps.
Mme Lavoie-Roux: Cela progresse depuis le printemps dernier,
beaucoup.
Le Président (Boucher): Alors, il n'y a pas d'autres
questions?
Je remercie au nom de tous les membres de la commission le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec.
La commission ajourne ses travaux à demain 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 08)