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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le vendredi 11 décembre 1981 - Vol. 26 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des organismes intéressés au projet de loi no 27 - Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le domaine de la santé et des services sociaux


Journal des débats

 

(Douze heures huit minutes)

Le Président (M. Bordeleau): La commission des affaires sociales reprend ses travaux aux fins d'entendre les mémoires sur le projet de loi no 27. Les membres de la commission pour la séance de ce matin sont: M. Boucher (Rivière-du-Loup) remplacé par M. Brouillet (Chauveau); Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Houde (Berthier), M. Johnson (Anjou), Mme Juneau (Johnson), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Leduc (Fabre), M. Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier).

Les intervenants sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Bélanger (Mégantic-Compton), Mme Harel (Maisonneuve), M. Kehoe (Chapleau), M. Lafrenière (Ungava), M. Laplante (Bourassa), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. O'Gallagher (Robert Baldwin).

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la députée de L'Acadie?

Mme Lavoie-Roux: Écoutez, s'il y en a qui viennent, on fera ce qu'on a fait hier soir. Je ne pense pas qu'il y ait foule ce matin.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Non? Cela me surprendrait également.

Je pense qu'on peut commencer immédiatement, étant donné...

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas à cause du manque d'intérêt des mémoires...

Le Président (M. Bordeleau): ... l'heure déjà tardive.

Mme Lavoie-Roux: ... c'est à cause de l'heure tardive.

Le Président (M. Bordeleau): Pour remplir le mandat de la commission, il nous reste trois mémoires à entendre qui sont ceux de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, en premier lieu, de l'Association de santé publique, et finalement, de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires.

Nous sommes prêts à entendre immédiatement l'Association des pharmaciens des établissements de santé. J'imagine que ce sont les représentants qui sont ici? M. Donald Laberge, président et porte-parole.

M. Laberge (Donald): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec

M. Laberge: Oui, M. le Président. M. le ministre des Affaires sociales, distingués membres de la commission parlementaire, permettez-moi, avant de commencer, de vous présenter les gens qui m'accompagnent: à ma gauche, Me Yvan Brodeur, conseiller juridique de l'association, M. Robert Létourneau, premier vice-président; à ma droite, M. Gaétan Dubois, secrétaire de l'association, et Mme Hélène Lambert, deuxième vice-présidente.

Je voudrais noter que nous avons déposé ce matin une annexe à notre mémoire.

Il nous est agréable de vous présenter les commentaires de l'Assocation des pharmaciens des établissements de santé du Québec relativement au projet de loi 27. Constituée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels du Québec, notre association regroupe 446 pharmaciens et représente l'ensemble des pharmaciens oeuvrant dans les établissements de santé du Québec. Au-delà de la mission traditionnelle de défense des intérêts professionnels et économiques des pharmaciens d'établissements, l'APESQ s'est employée à favoriser l'organisation et le développement de la pharmacie dans le réseau des affaires sociales, en étroite collaboration avec le ministère des Affaires sociales. À titre d'exemple, signalons notre contribution aux normes sur les services de pharmacie dans les centres hospitaliers, aux normes sur les services de pharmacie en centres d'accueil, aux stages de formation professionnelle, à la résidence en pharmacie d'hôpital, aux cliniques externes, dans les centres hospitaliers, etc.

De fait, notre présence devant cette commission illustre notre souci de contribuer positivement à la détermination d'une loi qui assure des services de santé de haute qualité à nos concitoyens. Lorsque notre association a été fondée il y a vingt ans, on dénombrait

25 pharmaciens dans les hôpitaux du Québec. En même temps que la pharmacie hospitalière s'est développée, le réseau des centres de services de santé s'est ramifié au point que le terme hôpital est devenu trop étroit pour désigner adéquatement cette diversité de centres de services de santé. Ainsi sont apparus les centres hospitaliers, les centres d'accueil et les CLSC. Conséquemment, notre groupe de pharmaciens, désigné alors sous le nom de Société professionnelle des pharmaciens d'hôpitaux, a modifié son appellation pour devenir en juillet 1973 l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, Évidemment, la majorité de nos membres exercent dans les centres hospitaliers. Cependant, plusieurs d'entre eux oeuvrent en centre d'accueil, parfois à temps plein, souvent à temps partiel, partageant leurs activités entre un centre hospitalier et un ou plusieurs centres d'accueil. Quant aux CLSC, quelques-uns de nos membres y fournissent des services pharmaceutiques adaptés à la vocation de ce type d'établissement.

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse pour mentionner aussi que la grande majorité de nos membres détient un diplôme ou un certificat en pharmacie d'hôpital. Cette formation de deuxième cycle existe depuis une quinzaine d'années. Le stage de résidence qui s'y applique est d'ailleurs subventionné par le ministère des Affaires sociales. Ces changements dans la pratique de la pharmacie en établissement devraient se refléter dans la loi et la réglementation en vigueur. Tel n'est pas le cas. C'est ainsi qu'il y a lieu, croyons-nous, d'apporter des modifications à la Loi sur l'assurance-maladie et à la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Premier point, la Loi sur l'assurance-maladie et notre reconnaissance syndicale. Nous demandons que l'article 3 de la Loi sur l'assurance-maladie soit amendé pour que le ministre des Affaires sociales ait le pouvoir, avec l'approbation du gouvernement, de conclure avec l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec une entente qui puisse s'appliquer à tous les pharmaciens en établissement et lier tous les établissements de santé.

La situation actuelle. Les pharmaciens en établissement de santé sont des professionnels au sens de la Loi sur l'assurance-maladie. En effet, l'article 1b de cette loi définit les professionnels de la santé comme tout médecin, dentiste, optométriste ou pharmacien légalement autorisé à fournir les services assurés.

Toutefois, les services professionnels rendus par les pharmaciens en établissement de santé ne sont pas présentement des services assurés au sens de la Loi sur l'assurance-maladie, cette loi se limitant à assurer le coût des services et médicaments fournis à certaines catégories de personnes, personnes âgées, bénéficiaires de l'aide sociale, par les pharmaciens propriétaires rémunérés à l'acte.

D'autre part, les services fournis par les pharmaciens dans les centres hospitaliers sont des services assurés au terme de la Loi sur l'assurance-hospitalisation. C'est ainsi que, dans le cas des services pharmaceutiques fournis en centre hospitalier, l'article 3 de la Loi sur l'assurance-hospitalisation reçoit application.

Article 3. "Le ministre peut aussi, avec l'approbation du gouvernement, conclure avec tout organisme représentatif d'une catégorie de professionnels de la santé au sens de la Loi sur l'assurance-maladie, toute entente aux fins de l'application de la présente loi. "Toute entente ou partie d'entente peut, s'il y est pourvu expressément, lier tout établissement. Toutefois, le ministre doit consulter les établissements ou groupes d'établissements susceptibles d'être liés par une entente ou partie d'entente et ceux-ci peuvent transmettre au ministre des recommandations quant aux modalités de leur participation à la conclusion de cette entente ou partie d'entente."

Le ministre des Affaires sociales a déjà exercé vis-à-vis de l'Association des pharmaciens des établissements de santé les pouvoirs que lui reconnaît l'article 3. Ainsi, le 30 juillet 1976 notre association concluait avec le ministre des Affaires sociales une entente relative aux services pharmaceutiques dispensés en centre hospitalier. (12 h 15)

Cette entente comportait la reconnaissance formelle de notre association comme organisme représentatif des pharmaciens exerçant leur profession en centre hospitalier. Sur le plan légal, le ministre des Affaires sociales reconnaissait ainsi notre association au même titre, de la même façon que les autres organismes représentatifs régis par l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie et l'article 3 de la Loi sur l'assurance-hospitalisation. Ces organismes représentent respectivement les médecins, les médecins spécialistes, les dentistes, les chirurgiens buccaux, les optométristes, les pharmaciens propriétaires et les pharmaciens d'établissements de santé.

L'amendement requis. Pour autant, le ministre des Affaires sociales n'a pas présentement le pouvoir de conclure avec l'Association des pharmaciens des établissements de santé une entente concernant les services pharmaceutiques rendus dans les centres d'accueil et les CLSC. L'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec représentant la très grande majorité des pharmaciens oeuvrant dans ces établissements est justifiée de demander que la loi soit amendée pour que ses membres y bénéficient

du droit fondamental de voir leurs conditions de travail négociées par l'organisme représentatif de leur choix.

Cet amendement implique essentiellement que l'article 3 de la Loi sur l'assurance-maladie soit amendée, en sorte que tous les services que rendent les pharmaciens dans un établissement, qu'il s'agisse d'un centre hospitalier, d'un centre d'accueil ou d'un CLSC, deviennent des services assurés, au sens de la Loi sur l'assurance-maladie, pour toutes catégories d'établissements que le gouvernement pourra déterminer. En d'autres termes, nous désirons que la loi soit amendée pour que le gouvernement puisse, par règlement, décréter que les services pharmaceutiques rendus dans une ou plusieurs catégories d'établissements deviennent des services assurés. Ainsi, le ministre des Affaires sociales détiendrait le pouvoir d'entreprendre avec l'Association des pharmaciens des établissements de santé des négociations pour conclure une entente pouvant s'appliquer à toutes catégories d'établissements déterminées par le gouvernement.

L'amendement requis pourrait se matérialiser, notamment, en ajoutant un paragraphe d au premier alinéa de l'article 3. Article 3. Le coût des services suivants qui sont rendus par un professionnel de la santé est assumé par la régie pour le compte de tout bénéficiaire conformément aux dispositions de la présente loi et des règlements, paragraphes a, b, c et d que nous voulons introduire: Tous les services que rendent les pharmaciens dans un établissement visé par règlement.

C'est de haute lutte que nous avons pu obtenir, lors de notre première négociation, notre reconnaissance syndicale et ce, malgré une représentativité incontestable. De plus, en dépit de cette reconnaissance syndicale, notre association n'a pu obtenir un contrat collectif analogue aux ententes déjà conclues avec les autres organismes représentatifs des professionnels de la santé, l'entente de ceux-ci liant automatiquement tous les établissements.

Il demeure étrange que les pharmaciens d'établissements, premier groupe de professionnels de la santé à privilégier le mode du salariat, à accepter un mode de rémunération qui permet de dissocier le service pharmaceutique du bien que constitue le médicament, soient victimes de leur bonne foi et soient pratiquement privés du droit de négocier reconnu à leurs confrères qui pratiquent en officine.

Notre association demande un redressement de la situation. Elle désire conclure avec le ministre des Affaires sociales une entente collective qui régisse tout pharmacien en établissement de santé, selon des conditions d'exercice et de rémunération uniformes. Il ne saurait s'agir d'une exigence excessive. Nous demandons simplement que l'on amende la loi pour faire cesser l'état actuel de discrimination envers les pharmaciens des établissements de santé.

Partie II: Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Avant d'exposer nos commentaires sur les modifications législatives concernant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, permettez-nous de préciser le rôle du pharmacien en établissement de santé. Ces précisions vous permettront de mieux situer l'objet de nos représentations.

En établissement de santé, le pharmacien a pour rôle d'assurer une utilisation rationnelle du médicament. À cet égard, le législateur confiait au pharmacien d'importantes responsabilités reliées à la sélection ainsi qu'au contrôle de la distribution et de l'utilisation des médicaments.

Ces responsabilités sont décrites dans la Loi sur la pharmacie et dans le règlement d'application de la Loi sur les services de santé et services sociaux. Elles sont précisées par des directives ministérielles telles les normes du service de pharmacie dans les centres hospitaliers et les normes du service de pharmacie dans les centres d'accueil.

L'évolution constante de la pratique de la pharmacie depuis 1972 a fait que le rôle du pharmacien en établissement de santé est maintenant surtout axé sur des activités de contrôle clinique de la médication.

Ces activités sont principalement la validation des ordonnances, l'opinion pharmaceutique, le service auprès du malade et l'information.

Permettez-nous d'apporter brièvement quelques précisions sur chacune des ces activités.

Validation des ordonnances. L'ensemble des tâches reliées à la validation des ordonnances a pour but d'apprécier l'opportunité clinique de la prescription du médecin ou du dentiste. Cette responsabilité spécifique est confiée par la Loi sur la pharmacie qui régit l'exercice de notre profession. En effet, cette loi définit l'expression "ordonnance" comme étant une autorisation de fournir des médicaments ou des poisons, donnée par des personnes autorisées à prescrire des médicaments ou des poisons par une loi du Québec essentiellement des médecins et des dentistes.

Contrairement à d'autres groupes professionnels, le pharmacien n'est donc pas un simple exécutant; la loi a créé une exception pour le pharmacien. Le pharmacien est le seul professionnel autorisé à déroger au traitement prescrit par un médecin. Le pharmacien peut donc refuser d'exécuter une ordonnance, ce qui dépasse le simple droit de recommandation. Les rapports médecin-

pharmacien demeurent donc de consultant à consultant.

L'opinion pharmaceutique. L'opinion pharmaceutique s'inscrit dans une perspective de collaboration interdisciplinaire et se manifeste selon les deux hypothèses suivantes:

Première hypothèse: L'analyse de l'ordonnance révèle que la médication est inopportune sur le plan clinique. En pareil cas, le pharmacien en informe le prescripteur et discute avec lui des correctifs appropriés.

La deuxième hypothèse: Le prescripteur recherche l'opinion du pharmacien auquel il entend adresser une ordonnance. Cette situation représente la méthode de travail la plus efficace et devient une pratique de plus en plus fréquente.

Cette activité clinique-conseil du pharmacien auprès du médecin et dentiste représente l'aspect le plus important de son rôle en établissement de santé. Le succès des politiques de consommation rationnelle du médicament comme agent thérapeutique dépend de cette collaboration entre le médecin ou le dentiste et le pharmacien.

Le service auprès du malade. La pharmacie clinique met le pharmacien en communication croissante avec le malade. Les programmes de formation universitaire ont d'ailleurs été repensés pour tenir compte de cette collaboration plus active que le pharmacien apporte aux médecins traitants.

Ces rapports du pharmacien avec le malade empruntent principalement deux modes, soit l'histoire médicamenteuse à l'arrivée du malade et le conseil pharmaceutique au départ du patient.

Ces interventions cliniques du pharmacien auprès du malade demeurent certes limitées aux situations spéciales, eu égard aux effectifs disponibles.

Cette contribution s'inscrit dans le cadre des programmes préventifs de santé; elle n'a pas encore l'ampleur que justifierait la nécessité de contrer la consommation abusive des médicaments.

L'utilité du pharmacien dans les programmes de prévention des départements de santé communautaire nous apparaît évidente. Il y aurait donc lieu de favoriser cette participation.

L'information. Le pharmacien joue de plus en plus, en établissement de santé, une fonction d'information auprès des médecins, des dentistes et du personnel infirmier concernant la médication. Cette fonction, il l'assume par la tenue de conférences, de séminaires ainsi que par la publication de bulletins pharmaceutiques.

L'avalanche du matériel publicitaire publié par les compagnies pharmaceutiques rend de plus en plus vitale une information critique sur les médicaments.

En conclusion, on observe que le rôle professionnel du pharmacien en établissement de santé se transforme et évolue de plus en plus vers une collaboration clinique au soin du malade favorisant ainsi un rapprochement médecin-pharmacien. Ce phénomène engagé depuis des années est irréversible.

La spécificité de l'apport du pharmacien au soin du malade dans le contexte de la pharmacie clinique devrait se refléter dans la structure organisationnelle de l'établissement de santé. Telle n'est pas actuellement la situation.

En effet, les médecins et dentistes en centres hospitaliers font partie d'un département clinique qui relève d'un chef de département sous l'autorité du directeur des services professionnels.

Les médecins et dentistes sont également membres du Conseil des médecins et dentistes, organisme responsable essentiellement d'assurer la qualité de l'acte médical.

D'autre part, les pharmaciens en centres hospitaliers font partie du service de pharmacie sous l'autorité du directeur des services hospitaliers.

Les pharmaciens étant rattachés aux services hospitaliers sont exclus du Conseil des médecins et dentistes, dont relève pourtant l'important comité de pharmacologie, le chef du service de pharmacie étant toutefois membre à part entière de ce comité. Il s'agit d'un comité du Conseil des médecins et dentistes.

Il s'agit là d'une solution boiteuse, qui ne tient pas compte de l'ensemble de l'apport du pharmacien au soin du malade et du rapprochement qui s'est dessiné entre le médecin et le pharmacien au cours des dix dernières années. Il est utile de rappeler qu'au début des années soixante-dix, les pharmaciens d'établissement de santé étaient généralement intégrés aux bureaux médicaux prévus par la loi des hôpitaux, au même titre que les chirurgiens-dentistes.

C'est avec l'adoption de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et de son règlement d'application que la situation change; le pharmacien est rattaché aux services hospitaliers et exclu du Conseil des médecins et dentistes.

L'implication du pharmacien dans le processus de validation des ordonnances et en particulier le rôle de consultant et de collaborateur qu'il y joue par rapport au médecin, la participation du pharmacien à l'élaboration de l'opinion pharmaceutique, la contribution croissante du pharmacien aux services auprès du malade de même que le rôle joué auprès des médecins et dentistes dans l'information critique concernant la médication, tous ces facteurs impliquent, par nécessité, que les pharmaciens soient groupés dans un département clinique, sous l'autorité du directeur des services professionnels et qu'ils soient membres à part entière du Conseil des médecins et dentistes.

Un bref rappel historique vous permettra d'ailleurs de constater la constance des positions prises par notre association dans les représentations qu'elle a eu l'occasion de faire auprès du ministre des Affaires sociales depuis une dizaine d'années.

En février 1971, lors de la commission parlementaire traitant du projet de loi no 69, la Société professionnelle des pharmaciens d'hôpitaux, devenue depuis l'APES, traitait des rôles respectifs du médecin et du pharmacien.

On signalait entre autres, et je cite: "La suite logique de l'acte médical est très souvent l'acte pharmaceutique. Ce n'est qu'en de rares occasions qu'il est possible de prévoir un traitement qui n'implique pas de médication. C'est en travaillant de concert que les médecins et pharmaciens peuvent assurer à leurs patients une thérapie adéquate et une qualité supérieure de soins. L'établissement, dans nos institutions, d'un formulaire par le comité de pharmacologie et thérapeutique auquel participe activement le pharmacien, a contribué à accroître la sécurité des patients et à diminuer les coûts".

En juillet 1972, lors de la commission parlementaire sur le projet de règlement en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, la Société professionnelle des pharmaciens d'hôpitaux, devenue aujourd'hui l'APES, soulignait que le service de pharmacie devrait relever de la direction des services professionnels et non de la direction des services hospitaliers, à cause de la nature du travail du pharmacien qui est relié très souvent à l'activité médicale.

En août 1976, l'APES présentait au ministre Claude Forget ses commentaires sur le projet de règlement en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Ces commentaires rappelaient que, forts de l'expérience vécue depuis 1972, donc quatre ans d'expérience sous le DSH, nous étions persuadés que les pharmaciens des établissements de santé devaient se regrouper sous la direction des services professionnels.

En mars 1979, dans un mémoire présenté au ministre Denis Lazure, notre association proposait une réforme de la réglementation édictée en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, en recommandant au ministre des Affaires sociales les modifications suivantes, et je cite: "Que le service de pharmacie soit placé sous la direction des services professionnels. Que le service de pharmacie soit régi par les règles d'organisation et de fonctionnement relatives aux départements et aux services cliniques. Que les pharmaciens fassent partie du Conseil des médecins et dentistes. Ces modifications adapteraient les structures aux réalités et permettraient au pharmacien d'assumer plus efficacement son rôle au sein de l'équipe clinique."

Pour en revenir plus précisément au projet de loi no 27, nous nous permettons deux remarques: les responsabilités additionnelles que le projet de loi no 27 veut confier aux chefs de départements médicaux s'apparentent de plus en plus aux responsabilités actuelles du chef du service de pharmacie. Deuxième remarque: Nous ne pouvons qu'être d'accord d'ailleurs avec la rémunération prévue pour les chefs de départements médicaux, les chefs de service de pharmacie bénéficiant déjà d'une rémunération supplémentaire pour leurs activités administratives.

En conséquence, nous demandons à cette commission parlementaire que l'article 3 de la Loi sur l'assurance-maladie soit amendé pour que le ministre des Affaires sociales ait le pouvoir, avec l'approbation du gouvernement, de conclure avec l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, une entente qui puisse s'appliquer à tous les pharmaciens en établissements et lier tous les établissements de santé. Deuxième recommandation: Nous réitérons à cette commission parlementaire nos demandes antérieures, à l'effet que la Loi sur les services de santé et les services sociaux soit modifiée pour que le service de pharmacie devienne un département clinique, que le chef du département de pharmacie soit placé sous la surveillance du directeur des services professionnels et que les pharmaciens soient membres du Conseil des médecins et dentistes.

Permettez-moi, M. le Président, de passer maintenant à l'annexe que nous avons déposée ce matin. Cette annexe traite de deux sujets. Première partie: Aspect économique du rôle du pharmacien au sein du Conseil des médecins et dentistes. Deuxième partie, circulaire 1981-071 émise le 7 juillet 1981 et ayant pour objet les services de pharmacie en centre d'accueil d'hébergement. (12 h 30)

Aspect économique du rôle du pharmacien au sein du conseil des médecins et dentistes. Dans le plan actuel d'organisation des établissements, le pharmacien se retrouve sous la direction des services hospitaliers. En conséquence, le pharmacien est appelé à participer régulièrement à des rencontres réunissant les chefs de services hospitaliers, par exemple, le chef du service d'accueil, le chef du service des archives, le chef technicien du service de radiologie ou celui du service des laboratoires. Ces rencontres portent essentiellement sur des discussions d'ordre administratif. Dans ce contexte, il n'y a aucune relation entre l'impact financier de la consommation des médicaments et les dépenses engendrées dans les autres services hospitaliers puisque aucune de leurs dépenses

n'implique des médicaments.

Le pharmacien ne peut donc échanger avec les chefs de ces services, il ne peut vraiment y avoir de langage commun ni de relation de cause à effet qui puissent s'établir. Par contre, telle n'est pas la situation avec les chefs de département clinique, lesquels sont essentiellement des médecins, lesquels sont aussi les principaux intervenants au chapitre de la consommation des médicaments en établissement. Car, rappelons-le, ce n'est qu'en de rares occasions qu'il est possible de prévoir un traitement qui n'implique pas de médication. Comme la suite logique de l'acte médical est très souvent l'acte pharmaceutique, c'est donc en travaillant de concert que les médecins et les pharmaciens peuvent assurer à leurs patients une thérapie adéquate, une qualité supérieure de soins.

C'est aussi en travaillant de concert avec les médecins que les pharmaciens peuvent matérialiser, par le biais de l'élaboration d'une liste de médicaments à partir de la liste de médicaments de la régie, par le biais de programmes de revue de l'utilisation des médicaments, leur souci de la plus stricte économie compatible avec l'efficacité du traitement. Pour se faire, M. le ministre, il nous faut une structure organisationnelle adéquate. C'est vraiment au niveau du conseil des médecins et dentistes que le pharmacien peut discuter avec tous les chefs de département clinique de problèmes reliés à l'utilisation des médicaments et intervenir de façon valable et significative. C'est à ce niveau que le pharmacien peut réaliser, entre autres, l'équilibre coût/qualité tant recherché. Comme le mentionnait l'Ordre des pharmaciens dans son mémoire présenté mercredi soir, si le chef du département de pharmacie doit contrôler l'utilisation non seulement des médicaments, mais aussi de budgets très importants reliés à la consommation de ces médicaments, il devrait pouvoir compter sur des moyens accrus prévus dans la structure organisationnelle d'un département clinique.

D'ailleurs, le législateur a reconnu partiellement cette réalité en prévoyant la création d'un comité de pharmacologie, lequel est un des comités obligatoirement formés par le conseil des médecins et dentistes. Et le législateur a pris soin de préciser que le pharmacien fait partie ex officio de ce comité. Il a aussi pris soin, M. le ministre, de préciser que ce comité de pharmacologie a pour fonction, entre autres, de conseiller le pharmacien sur la préparation d'un formulaire ou liste de médicaments en usage dans l'hôpital, à partir de la liste de médicaments visés à l'article 4 de la Loi sur l'assurance-maladie. Il nous apparaît intéressant de souligner que les formulaires internes et propres à chaque établissement contiennent environ de 400 à 600 médicaments extraits de la liste de la régie, laquelle, comme vous le savez, en contient quelques milliers. En fait, ce sont de 400 à 600 médicaments en centre hospitalier et moins de 100 médicaments en centre d'accueil, alors qu'il y a environ 2000 médicaments.

Il y a là une première source d'économie substantielle résultant de l'exercice des pouvoirs de sélection des médicaments dévolus aux pharmaciens par la réglementation afférente au chapitre 48. Une deuxième source d'économie apparaît lorsqu'à partir de cette liste restreinte, le pharmacien applique le principe de l'équilibre coût par rapport à l'efficacité du traitement, par son pouvoir de sélection.

Deuxième partie de l'annexe. La circulaire 1981-071 émise le 7 juillet 1981 et ayant pour objet les services de pharmacie en centre d'accueil d'hébergement. Cette circulaire du 7 juillet 1981 contient, entre autres, les éléments suivants. Elle définit les services pharmaceutiques et attribue aux pharmaciens le rôle clinique que nous venons d'évoquer dans notre mémoire. Elle précise que l'établissement doit retenir les services d'un pharmacien oeuvrant sur place qui doit être rémunéré selon le mode du salariat ou de la vacation. Elle précise aussi que les centres d'accueil doivent s'approvisionner en médicaments selon les mécanismes d'achat de groupe. Cette circulaire fait ainsi la distinction, comme nous le faisons dans notre mémoire, entre le bien, le médicament, et le service pharmaceutique lui-même. Cette circulaire ajoute ensuite que ces modes de distribution et de financement des médicaments pour les bénéficiaires hébergés constituent le meilleur mécanisme pour éviter la surconsommation de médicaments, et nous sommes totalement d'accord avec cet énoncé du ministère.

L'orientation politique du ministère des Affaires sociales étant maintenant connue, nous demandons au ministre des Affaires sociales de fournir un cadre légal à cette politique par le biais de l'amendement que nous avons proposé à l'article 3 de la Loi sur l'assurance-maladie. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. Laberge. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. Laberge, merci à vous et à vos collègues de cette présentation avec encore une fois nos excuses des retards dans l'horaire qui ont pu causer quelques changements dans vos activités cette semaine.

Il y a essentiellement dans votre mémoire deux sections: la question de la reconnaissance collective qu'on pourrait appeler la reconnaissance syndicale ou la

clarification du rôle de l'interlocuteur au niveau des conditions de travail et deuxièmement ce que j'appellerais l'intégration du pharmacien dans l'établissement, et dans votre cas et dans le cas de ceux que vous représentez, c'est déjà fait. Ce que vous évoquez, c'est le type de relation et la dynamique de cette relation qui existe entre les professionnels que vous représentez et les autres, compte tenu de l'interdépendance relative, du moins de l'interrelation qui existe notamment au niveau des gestes thérapeutiques entre les différents professionnels dont vous faites partie.

Sur la première partie, vous n'êtes pas sans savoir, vous l'évoquez vous-même, que le problème est d'autant plus complexe qu'il y a chez vous des gens qui sont salariés, d'autres qui occupent des postes de cadre, qu'il y a la Loi sur l'assurance-maladie et qu'il y a celle sur l'assurance-hospitalisation, qu'il y a la relation avec l'établissement et qu'il y a également la relation avec le ministère à certains égards. Considérez-vous que ce que vous proposez résoudrait, notamment, cette question du statut de ceux qui sont cadres et de ceux qui ne le sont pas?

M. Laberge: Ce qu'on désire, c'est que vous vous donniez le pouvoir de négocier. Je pense que la question des cadres et des non-cadres ferait l'objet à ce moment des négociations. On pourrait voir lors des négociations...

M. Johnson (Anjou): Vous voulez dire que cette reconnaissance que vous recherchez, disons, au sens de la Loi sur l'assurance-maladie...

M. Laberge: C'est au niveau des centres d'accueil surtout qu'on la recherche; il n'est pas question de cadre, je pense bien, dans les centres d'accueil, quand même.

M. Johnson (Anjou): Actuellement, il y en a seulement un de toute façon.

M. Laberge: Les gens sont là à la vacation quelques heures par semaine. Vous connaissez le ratio actuel, le .05 heure par lit, et je ne pense pas qu'il soit question de cadre en centre d'accueil. Donc, l'amendement de la première partie, c'est surtout pour les centres d'accueil et les CLSC. J'espère bien qu'il n'est pas question de cadre au niveau de ces établissements pour un pharmacien qui va là à la vacation.

M. Johnson (Anjou): Je pense qu'il y en a assez de façon générale.

M. Laberge: C'est ce qu'on entend dire souvent et on est d'accord avec cela, nous, de toute façon, on l'a dit longtemps dans nos négociations qu'il y avait trop de cadres.

M. Johnson (Anjou): D'accord. Alors, pour vous, dans le fond, cela vient... Ce que vous voudriez finalement, c'est que votre association en tant qu'association ait comme domaine d'interventions tout ce qui touche aux conditions de rémunération et/ou d'exercice, parce qu'il y a eu de longs débats là-dessus avec d'autres, de tous les pharmaciens pratiquant en établissement, que ce soit encore une fois sur la base de ceux qui sont à la vacation, notamment dans les centres d'accueil, ou de ceux qui sont à toutes fins utiles à temps plein. Je me demande d'ailleurs si vous n'en avez pas quelques-uns qui sont des temps pleins géographiques sur un plan universitaire aussi. Est-ce que je me trompe?

M. Laberge: Ils ne font pas partie de notre association, mais nous avons des temps pleins en centre d'accueil. Dans certains centres d'accueil, effectivement, il y a des pharmaciens à temps plein. D'ailleurs, je me permets une remarque sur cela, M. le ministre. Le ratio de .050 est évidemment aussi objet de négociation, si vous voulez.. Lorsque notre association a négocié avec le ministère sur cela, c'était dans le but de régler un problème, qui était le problème des petits centres hospitaliers. Or, quand vous avez repris votre directive, vous parliez du ratio de .05, ce n'est pas un ratio qui a été négocié après discussion, disons que ce n'était pas dans le cadre des négociations, et cela a été interprété de façon mathématique, malheureusement, et je pense qu'en fait la directive disait ça, par les gros centres d'accueil. Cela cause réellement un problème, parce que, dans un centre d'accueil de 250 lits, il y a actuellement des pharmaciens à temps plein, et je pense qu'il faut nécessairement un pharmacien à temps plein, lorsqu'il y a 250 lits dans un centre accueil.

Si vous appliquez le ratio de .050 vous allez voir que c'est loin d'être un temps plein. Et ça ne laisse vraiment pas la place au pharmacien de jouer toutes ses activités cliniques qui permettent toujours de contrôler le coût finalement du médicament. Cela ne lui permet que de faire l'essentiel, et non pas les interventions dans les dossiers, ce qui est important. Vous pourrez vérifier d'ailleurs avec les fonctionnaires, je suis assuré que, lors de ces discussions-là, le problème qu'on voulait résoudre, c'était celui des petits centres d'accueil. Parce que c'était vraiment un problème. On a dit: On va trouver un ratio pour commencer. On s'est dit: C'est un départ, on est d'accord, on est un groupe qui veut collaborer. Finalement cela pose un problème pour les gros centres.

M. Johnson (Anjou): Sur la deuxième partie de votre intervention qui est tout le mécanisme de l'interrelation avec les professionnels, notamment, pensons essentiellement aux centres hospitaliers, parce que c'est là qu'en pratique le volume et le nombre de personnes impliquées justifient qu'on s'en préoccupe à ce point. Si je comprends bien, vous faites partie ex officio, en vertu du règlement, d'un comité statutaire, qui a un rôle de conseil du responsable de la pharmacie mais vous ne faites pas partie du CMD en vertu de la loi.

M. Laberge: Exactement. Le comité de pharmacologie est formé, est c'est un des comités obligatoires d'ailleurs. Il y a quatre comités obligatoires que le CMD doit former actuellement. Le comité de pharmacologie en est un. Donc il est formé par le conseil des médecins et dentistes, c'est obligatoire qu'ils le forment. Et, ce qui est obligatoire dans la composition, c'est que le chef du service de pharmacie en fausse partie. C'est par règlement ça. Et cela dépend du CMD.

M. Johnson (Anjou): D'accord. Deuxièmement, et si vous le permettez, il y a peut-être deux ou trois choses que je voudrais faire ressortir pour ensuite qu'on discute un peu sur les conclusions qu'on en tire, ou que vous en tirez. Deuxièmement, en plus de cette participation à un comité conseil obligatoire du CMD et votre non-participation au CMD, il y a le fait que vous avez le droit, en vertu de la loi, d'intervenir contrairement, je pense, aux autres professionnels de la santé, ou vous avez le droit d'intervenir et de changer une prescription médicale.

M. Laberge: Et de refuser aussi une prescription médicale.

M. Johnson (Anjou): Ou de refuser une prescription médicale. Et c'est une caractéristique, si je comprends bien, de votre profession par rapport aux autres dans l'établissement.

M. Laberge: On a essayé de voir s'il y avait d'autres groupes, et on a l'impression que non, qu'il n'y a aucun groupe qui a le pouvoir de modifier une prescription médicale.

M. Johnson (Anjou): Troisièmement, le statut, prenons les centres hospitaliers encore une fois. Dans un centre hospitalier, on va en prendre trois catégories. Dans un centre hospitalier de la dimension de l'Hôtel-Dieu à Québec, ou de Notre-Dame à Montréal, il y a combien de pharmaciens dans l'établissement?

M. Laberge: Je peux vous donner des statistiques.

M. Johnson (Anjou): À peu près, des ordres de grandeur disons, pour les fins des membres de la commission.

M. Laberge: Disons que, vous m'avez donné les exemples, je ne peux pas vous donner les nombres précis pour les exemples que vous m'avez donnés. En général, lorsqu'il y a quatre pharmaciens dans un centre hospitalier, en haut de quatre, cela devient des exceptions.

M. Johnson (Anjou): Mais quatre là...

M. Laberge: Alors, on dit qu'il y en aurait sept à l'Hôtel-Dieu de Québec donc cela devient déjà une exception.

M. Johnson (Anjou): Ah bon! D'accord.

M. Laberge: Lorsqu'il y a quatre, cinq pharmaciens... je vais vous répondre autrement. Il y a trop de centres hospitaliers qui ont seulement un pharmacien. Cela n'a absolument pas de sens. Il n'y a pas de continuité de service. Il n'y a absolument aucune continuité de service. Alors quatre, cinq, lorsque ça dépasse cela, ce sont des exceptions disons.

M. Johnson (Anjou): Bon, d'accord. C'est parce que j'essaie de mettre en évidence un inconvénient de cela, dans ce que vous revendiquez au niveau de la reconnaissance du chef de département, par exemple, ou du fait que vous releviez du directeur des services professionnels, évidemment, c'est le petit nombre. (12 h 45)

M. Laberge: Vous permettez que je commente?

M. Johnson (Anjou): Oui, M. Laberge.

M. Laberge: Je regarde chez moi, je suis au centre hospitalier de Valleyfield. Prenons le département d'anesthésie. Jusqu'à il y a quelques mois, il comprenait deux membres; maintenant, ils sont trois. Le département de chirurgie à Valleyfield s'est modifié; il y a peut-être une dizaine de membres et au département de pharmacie à Valleyfield, il y aurait trois membres, comme au département d'anesthésie.

M. Johnson (Anjou): C'est une réponse.

M. Laberge: Je pense que cela se défend bien.

M. Johnson (Anjou): Je vous soumets maintenant ceci, pour avoir votre réaction et je terminerai là-dessus. De toute évidence, une meilleure intégration au niveau structurel

semblerait a priori s'imposer par cette raison. Je vous poserais cette question: Pourquoi pensez-vous que cela n'a pas été fait? C'est avec un peu de candeur là...

M. Laberge: Quand on a étudié la réglementation, effectivement, des services de santé, services sociaux, où on a commencé à... Ce qui est arrivé, en fait... Je pense que, quand on a fait cela, on était pris avec un certain nombre de services; on ne savait pas trop où les rattacher parce que là, je vous rappelle qu'antérieurement à cela le service de pharmacie, de radiologie et de laboratoire, pour prendre ces trois exemples-là, relevaient du directeur médical, l'ancien titre pour DSP.

Quand est arrivée la réglementation, on a été poigné avec un nombre de services; on ne savait pas où les placer et, comme on fait souvent, on a dit: On va former un autre cadre. On l'a appelé "Directeur des services hospitaliers" et là, on a mis ce qui restait comme service, qu'on ne pouvait pas mettre sous l'auxiliaire, qu'on ne pouvait pas mettre sous le DSP parce qu'à ce moment on a dit DSP... On a dû régler la question en disant: Cela, ce sont les médecins et les dentistes; on les met dans ce cadre-là et cela finit là. On a dit concernant les auxiliaires: Les services de buanderie et de lingerie, on les met sous une direction d'auxiliaires, cela va relativement bien. Quand on était pris avec ce qui restait, les laboratoires, l'accueil, les archives et la pharmacie, on a formé un autre directorat, le DSH. Je pense que c'est à peu près ce qui s'est passé en fait; on était pris, on a formé un directorat. On démontre, surtout dans notre aspect économique, que finalement nous, la pharmacie, avec l'accueil et les archives, ce n'est pas que... Ce sont des bonnes personnes, c'est intéressant; quand on dit que nos réunions sont d'ordre administratif, on a des discussions, cela est intéressant, mais cela ne me rapporte rien sur mon budget à moi, parce que là, je parlais de l'aspect financier. Cela ne me rapporte rien; à l'accueil - qu'est-ce que vous voulez? - les gens qui travaillent là, le chef inclus, ne coûtent pas un sou de médicament. Cela fait 11 ans que je travaille à Valleyfield, l'accueil ne m'a pas coûté un sou, j'ai peut-être donné deux aspirines au chef de service une fois. Je n'en ai pas le droit, vous me direz, j'ai pris cela sur le budget de l'hôpital, vous me direz peut-être...

M. Johnson (Anjou): Tant que ce sont uniquement des aspirines.

M. Laberge: ... continuez ensuite, avec les archives, vous voyez ce que je veux dire. On discute de budget entre nous, les chefs de service, et on ne peut pas s'influencer vis-à-vis de nos propres budgets; je ne peux pas dire à l'accueil qu'il dépense trop de médicaments, il n'en utilise pas. Il faut que je sois à la table où, à côté de moi, j'ai des chefs de départements médicaux qui, eux, représentent les membres qui utilisent des médicaments. Il faut que je me retrouve ensuite au Conseil des médecins et dentistes pour que, quand on traite de médicaments, je sois là aussi. Je pense que cela se tient bien, autant sur le plan professionnel que vous retrouvez dans notre mémoire, que sur le plan économique - et cela aussi, c'est important - que vous retrouvez dans notre annexe.

M. Johnson (Anjou): D'accord.

Je prends bonne note de vos remarques. Je n'entrerai pas ici dans le détail technique des amendements que vous suggérez; on a des équipes qui fignolent ces choses et qui ont eu d'ailleurs, antérieurement, l'occasion de discuter et de ressasser le dossier récemment là-dessus. Vous aurez notre position, lors de la deuxième lecture, sur ces différentes choses.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.

Je veux aussi remercier l'Association des pharmaciens des établissements de santé. Je pense que même si le mémoire porte sur un point très très précis et que vous ne vous êtes pas prononcés sur son ensemble, c'est quand même fort instructif.

Une question précise: Sur ce point technique que vous venez de discuter avec le ministre, je dois vous dire qu'au premier abord, j'ai une attitude positive à votre requête mais je pense qu'il y a un tas d'autres considérations d'organisation de l'hôpital qui peuvent m'échapper à ce moment parce que dans le fond, vous demandez quelque chose de nouveau. Je pense qu'on aura l'occasion d'en discuter, article par article, mais je veux simplement vous signaler que votre demande, à première vue, ne semble pas sans fondement logique en tout cas. Voulez-vous me préciser combien de vos 446 membres travaillent à temps plein dans les établissements et combien sont à temps partiel, à vacation?

M. Laberge: Je vais vous expliquer ça d'une certaine façon. En centre hospitalier, disons que la très grande majorité travaille à temps complet. On a quelques personnes qui vont travailler à temps partiel, régulier si on veut. En centre d'accueil, la majorité de nos gens travaille à temps partiel, et souvent, ce qu'on retrouve, ce sont des pharmaciens qui travaillent déjà dans un centre hospitalier, qui travaillent également dans un ou deux

centres d'accueil. Je ne sais pas si vous comprenez. Et ils peuvent travailler trois jours dans un centre hospitalier, engagés par le centre hospitalier, et peuvent, par un centre d'accueil, être engagés à vacation, ce qui complète ainsi leur horaire d'une semaine. C'est la raison pour laquelle cela m'est difficile de vous dire combien exactement, c'est sûr que je pourrais vous fournir...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il y a parmi vos membres des gens qui exploitent aussi des pharmacies?

M. Laberge: Non. C'est totalement défendu qu'ils fassent partie de notre association. Non. Maintenant, puisque vous soulevez une question, actuellement, et je pense que c'est relié un peu à la circulaire du ministère des Affaires sociales, qui dit un certain nombre de choses. Voici pour répondre un peu à votre question. Je pense que vous faites référence au fait que des pharmaciens autres que des membres de notre association puissent offrir des services actuellement dans les centres d'accueil. C'est probablement peut-être...

Mme Lavoie-Roux: Non.

M. Laberge: Qu'il y aurait des pharmaciens non-membres dans notre association en centre d'accueil. Est-ce que c'est ça votre question?

Mme Lavoie-Roux: Non. Est-ce que, pour être membre de votre association, vous devez travailler exclusivement dans un centre hospitalier ou dans un centre d'accueil? Compte tenu du fait que vous en avez quand même un certain nombre qui ne sont pas à temps plein, est-ce qu'il y en a qui peuvent travailler dans des pharmacies? Je ne sais pas si, par rapport aux établissements, vous les appeliez des pharmacies privées. Je pense que ce serait ça.

M. Laberge: D'accord, d'accord. Là je comprends bien votre question. Autant, effectivement, un pharmacien peut travailler - c'est le même exemple que tantôt - trois jours dans un centre hospitalier et le reste de son temps dans d'autres établissements autant il peut c'est évident, travailler trois jours au centre hospitalier et partager le reste de son temps dans des officines privées.

M. Johnson (Anjou): Pas propriétaire, c'est ça.

M. Laberge: II n'est pas propriétaire effectivement, mais il pourrait...

M. Johnson (Anjou): Théoriquement l'être.

M. Laberge: ... théoriquement être propriétaire tout en étant engagé dans un centre hospitalier...

M. Brodeur (Yvan): Mais en tant que pharmacien propriétaire, il n'est pas représenté par l'APESQ, il est représenté par l'association des pharmaciens propriétaires.

Mme Lavoie-Roux: Alors il pourrait être membre des deux associations.

M. Brodeur: Oui madame.

Mme Lavoie-Roux: Bon. Vous n'avez pas de statistiques sur cela.

M. Laberge: II n'y en a pas beaucoup là. Vous voulez dire des membres de l'APESQ et en même de L'OQPP. Ah mon Dieu! c'est moins de cinq, je pense. Je dirais moins de cinq personnes.

Mme Lavoie-Roux: Bon.

M. Laberge: Ce que l'on a voulu dire lorsque le pharmacien d'établissement s'en va travailler en pharmacie communautaire pour compléter son horaire de travail, moi je ne parlais pas de ce pharmacien-là qui était propriétaire de la pharmacie. Le pharmacien qui fait ses trois jours à l'hôpital, qui s'en va à l'officine, s'en va travailler pour un propriétaire.

Mme Lavoie-Roux: Là, ce que je déduis, c'est qu'il y en a trois catégories, la dernière étant très mince, peut-être de quatre ou cinq. Il y a la catégorie de ceux qui travaillent exclusivement en établissement, il n'y a pas de problème à temps plein...

M. Laberge: Oui, oui. C'est la majorité de nos membres, ça.

Mme Lavoie-Roux: Là, j'aurais aimé ça avoir des chiffres. Il y a la catégorie de ceux qui travaillent d'une façon mixte, si je peux m'exprimer ainsi. On s'est couché assez tard hier soir, j'ai les idées moins claires ce matin. Et la troisième catégorie, qui est très minime, vous dites que cela pourrait être quatre ou cinq, qui seraient membres des deux parce qu'ils sont aussi propriétaires d'une pharmacie. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Laberge: Ce que je dis, c'est que dans notre association, nous avons au plus... Moi, j'enlèverais même le nombre de cinq. Disons que nous avons peut-être cinq personnes, membres de notre association, qui

sont également propriétaires d'une pharmacie.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que ces membres... parce que, dans le fond, les catégories, c'est assez important pour cerner notamment votre revendication de reconnaissance pour être sûr qu'on ne tranche pas dans des débats dans lesquels on ne veut pas trancher dans certains cas. Essentiellement, vos membres, ce sont des salariés d'établissement.

Deuxièmement, vous avez d'autres membres qui sont des gens qui sont à la vacation dans de petits établissements qui ne sont pas à temps plein et qui, sur le plan de leur pratique, complètent leur revenu par un travail dans des officines mais encore une fois non pas à titre de propriétaires mais à titre de salariés, à contrat ou autrement. C'est la deuxième catégorie, vous devez en avoir plusieurs comme cela. Vous avez, à l'occasion, parmi vos membres des gens qui travaillent en établissement mais qui sont d'abord et avant tout propriétaires. Je présume que cela doit être des choses comme les centres d'accueil aux Îles-de-la-Madeleine; je présume que là c'est un pharmacien-propriétaire qui va desservir.

M. Laberge: C'est cela. Quand je dis que c'est cinq personnes, ce sont des cas marginaux comme ceux-là.

Mme Lavoie-Roux: Oublions les cinq, les autres se divisent... Donnez-moi une estimation de la proportion.

M. Laberge: Écoutez, je ne sais pas vraiment ce que vous voulez avoir comme statistiques.

Mme Lavoie-Roux: C'est très clair, il y a ceux qui travaillent à temps plein dans les établissements, qui ne vont pas travailler dans les pharmacies privées à salaire. Ce sont les deux premières catégories; je laisse de côté la troisième.

M. Laberge: On me dit qu'on aurait 400 pharmaciens qui travailleraient à temps plein - est-ce que c'est cela que dit M. le ministre - dans les centres hospitaliers et 46 pharmaciens en centre d'accueil exclusivement... Une autre chose, il y aurait 46 pharmaciens qui travailleraient exclusivement dans des établissements autres que les centres hospitaliers, alors que vous aviez tantôt des pharmaciens qui travaillaient en centre hospitalier et en plus dans des centres d'accueil. Là, on aurait 46 pharmaciens qui travailleraient uniquement en centre d'accueil, mais on en a beaucoup plus que cela dans les centres d'accueil parce que des gens sont dans les centres hospitaliers et travaillent également dans un certain nombre de centres d'accueil.

Mme Lavoie-Roux: Pour moi, c'est l'ensemble du secteur public. Je pourrais poser ma question différemment.

M. Laberge: Peut-être, oui.

Mme Lavoie-Roux: II y a ceux qui exercent leur profession totalement dans les centres publics, que ce soient les centres d'accueil pour soins prolongés ou de courte durée, peu importe, et qui partagent leur temps entre les deux; ils sont totalement dans les institutions publiques. Alors, de vos 446, combien combinent l'ensemble de leur travail dans les centres publics et combien ont une activité - c'est le mot que je cherchais tout à l'heure - mixte entre le centre public et l'institution privée, non pas l'institution mais la pharmacie privée?

M. Laberge: Écoutez, je vous ai dit qu'on avait 400 pharmaciens qui travaillaient à temps plein, donc 35 heures par semaine; sur 446, c'est clair. Mais il faut que je vous dise quand même que ces gens à temps plein pourraient travailler en officine privée le soir, un soir ou deux par semaine, remplacer un collègue d'officine le soir. C'est pour cela qu'il...

Mme Lavoie-Roux: Là, je comprends.

M. Laberge: ... faut que vous voyiez ce qui arrive.

Mme Lavoie-Roux: C'est la troisième dimension.

M. Laberge: On vous dit 400 à temps plein mais ces gens-là... Vous me dites exclusivement, je ne peux pas vous répondre que oui, exclusivement, parce qu'on ne dit pas à nos membres: Ne va jamais travailler en officine.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela, non, non, c'est cela.

Alors, globalement...

M. Laberge: II y a d'autres statistiques, Mme Lavoie-Roux, si vous me le permettez. L'ordre des pharmaciens rapportait, selon ses statistiques, 487 pharmaciens en établissements de santé. Nous, on dit qu'on en représente 446; vous pouvez voir la différence. Je ne sais pas si cela peut vous aider...

Mme Lavoie-Roux: J'essayais de démêler cela parce que je pense que cela a des implications également sur les recommandations que vous faites.

Ma deuxième question n'a pas trait à l'ensemble de votre mémoire, mais puisque vous êtes devant nous. Cet aspect de conseil clinique que vous remplissez dans les

institutions, je le trouve fort intéressant et à un moment donné vous parlez justement d'un travail que vous faites pour éviter la surconsommation de médicaments là où ce n'est pas indiqué. Tout le monde, tous les pharmaciens, j'espère, ont ce même souci. Mais on observe et on nous dit et je pense que je l'ai observé aussi, quoique je ne puisse pas le prouver scientifiquement parce que je n'ai pas les qualifications pour cela -que dans les centres d'accueil pour personnes âgées, il y a, je vais être prudente, mais au moins une certaine surconsommation de tranquillisants, de médicaments de toutes sortes. Est-ce que c'est votre opinion et dans quelle mesure pouvez-vous contrer cette tendance qui ne provient pas de vous mais qui peut provenir de ceux qui oeuvrent auprès de ces bénéficiaires-là? (13 heures)

M. Laberge: Je pense que nous partageons entièrement vos commentaires sur la forte consommation des patients qui sont en centre d'accueil d'hébergement. Je pense qu'on ne peut quand même pas s'empêcher de noter que les services pharmaceutiques, dans ces établissements-là, ne sont pas vraiment couverts. On a là des gens qui travaillent en centre d'accueil, mais les centres d'accueil ne sont pas tous couverts, loin de là. De ce côté, il y a déjà eu des ouvertures du ministère en 1977, 1978, disons 1979 ou dans ce coin-là, où on a débloqué des centres, on a ouvert des postes. On commence maintenant à couvrir les centres d'accueil mais il y a encore énormément de centres d'accueil où il n'y a aucun service pharmaceutique. Et il est intéressant de noter - et on a des études qui, quand même, ont démontré ça - que l'arrivée d'un pharmacien, au début, dans un centre d'accueil où il n'y en a jamais eu, s'autofinance. Simplement d'une part, en commençant par faire le ménage dans les médicaments que le centre d'accueil a à sa disposition. On mentionne que la liste de la régie contient 2000 médicaments. Moi, je vous affirme que, dans les centres d'accueil où les pharmaciens exercent, selon la directive du ministère, il y a moins de 100 médicaments. Entre 2000 et 100, vous comprendrez que c'est quand même relativement important.

Si vous avez à votre disposition 2000 médicaments, déjà il y a de fortes possibilités que les patients qui ont cet arsenal devant eux, qui ne peuvent pas les prendre eux-mêmes, peuvent en consommer beaucoup.

Si vous en avez moins de 100, déjà les possibilités sont diminuées. Et je voudrais reprendre l'autofinancement du service pharmaceutique. On a constaté, dans ces cas-là - je parle au début, quand on arrive - que quand vous en êtes rendu à bien contrôler votre distribution et votre utilisation, on ne peut pas continuellement autofinancer les services. Mais au début, certainement. Les services pharmaceutiques s'autofinancent par la diminution de la consommation du médicament. Cela s'autofinance. Cela ne coûte pas plus cher pour l'établissement.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question, c'est en bas de la page, je pense que c'est la page 11. Non, ce n'est peut-être pas cela. Il me semblait que c'était dans le bas d'une page, excusez-moi. Vous faites allusion au fait que vous n'avez qu'une liste je le dis de mémoire là - de 600 médicaments, et là oublions les centres d'accueil, je pense que vous vous adressez à une catégorie de clientèle particulière. Que le nombre de médicaments soit limité etc. c'est fort possible. Mais dans le centre hospitalier, vous avez 600 médicaments, de mémoire. Est-ce que ceci vous permet de couvrir toutes les ordonnances des médecins? En fait, la question que je vous pose, comment expliquez-vous la différence entre les 600 et les 2000 de la liste générale?

M. Laberge: Bon. Je pense que c'est assez facile à expliquer. Pratiquer la pharmacie, que ce soit en officine privée ou en établissement de santé, c'est essentiellement la même chose. C'est de contrôler l'utilisation rationnelle. Pour ça, il n'y a pas de problèmes. Sauf que la façon de pratiquer est différente: entre travailler en officine et travailler en établissement.

Il y a d'abord, d'une part, le mode de rémunération - le salariat dans notre cas -donc pour l'ensemble des activités. Donc une dissociation du bien, qui est le médicament par rapport au service lui-même. À l'officine, c'est à l'acte; donc, il y a deux sources de rémunération. II y a l'honoraire et il y a la notion de profit sur le bien. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est le rapport Hould, c'est à peu près textuellement ce que le rapport Hould dit. Mais ce n'est pas simplement sur ce phénomène là que je veux embarquer, je ne veux pas rentrer dans la question du salariat, ce n'est pas pour moi une idéologie, pour le ministre non plus. Mais, je vais continuer à donner d'autres éléments qui vont vous montrer que les pouvoirs donnés au pharmacien en établissement sont différents. On lui en donne des supplémentaires, on lui donne un cadre qui lui permet de faire davantage.

On peut parler du comité de pharmacologie. Le pharmacien, par le règlement de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, a la responsabilité supplémentaire de la sélection des médicaments dans son centre. C'est lui qui a l'autorité de dire: On va avoir ce médicament-là ou on ne l'aura pas. Lorsque le pharmacien propriétaire reçoit une ordonnance, il ne peut pas dire. Bien,

écoutez, ce n'est pas sur mon formulaire. Parce que lui, son formulaire c'est la liste de la Régie de l'assurance-maladie, les 2000. Alors que nous, via ce que la réglementation nous donne comme responsabilité, à savoir la sélection, c'est nous qui déterminons quels médicaments vont être utilisés dans notre centre hospitalier. Pour nous aider dans ça, il y a le comité de pharmacologie que nous pouvons aller consulter avant de prendre notre décision.

Donc, je pense que c'est là que se produit le phénomène que nous choisissons de 400 à 600 médicaments et que nous en avons suffisamment pour travailler dans nos établissements. J'ajouterais même, si vous me permettez, que l'ordre des pharmaciens a mentionné qu'il voulait en laisser tomber une partie, toutefois, parce que dans l'article 108, anciennement, on disait que tout établissement devrait utiliser des médicaments dans la liste et là, il y a une "mautadite" porte qui est ouverte où on parle de toute nécessité médicale particulière. L'ordre en fait mention. On dit: Laissez tomber la première partie, gardez la question de la recherche fondamentale. Bon, je n'ai pas le texte, je m'en excuse. Je pense qu'effectivement, M. le ministre, là-dessus, il y a de l'économie à faire.

Si vous dites au directeur des finances des centres hospitaliers que dorénavant les médicaments hors liste, dans leur centre hospitalier, ne sont plus des dépenses admissibles, vous allez nous donner un bon coup de main. Et pour la raison suivante. J'ai mentionné - cela est un autre phénomène important relié au nombre de pharmaciens - qu'il y a une relation entre le nombre de pharmaciens et le nombre de médicaments hors liste.

Vous comprenez que le pharmacien, seul dans son établissement, a bien des choses à faire. Alors, quand il y a une nécessité médicale particulière, préparer son dossier pour l'envoyer, c'est bien difficile. Moi, ce que je suggérerais d'ajouter, en plus que ce que l'ordre dit, c'est: À moins que le pharmacien du centre hospitalier ait reçu du conseil consultatif de pharmacologie l'autorisation d'ajouter ce médicament à son formulaire pour des indications précises. Je pense qu'il y a vraiment quelque chose à faire de ce côté-là aussi. Je m'excuse, Mme Lavoie-Roux, j'ai fait...

Mme Lavoie-Roux: Non, non, non, cela va. Je suis habituée, on a fait ça de temps à autre. Bon, vous dites: C'est la liste qu'on a choisie de 600 médicaments, on fonctionne avec ça et on pense que nos patients sont bien servis. Mais est-ce que vous êtes capable, quand même, de dire qu'il y a des médicaments qui sont prescrits par le médecin, par exemple au moment du congé du patient, que vous n'auriez pas dans vos bureaux, enfin, dans vos laboratoires, et qui doivent être achetés dans une pharmacie? En fait, le sens de ma question, c'est que c'est vrai que probablement, avec vos 600 médicaments, vous pouvez répondre aux besoins certainement fondamentaux.

M. Laberge: C'est sûr.

Mme Lavoie-Roux: Mais il reste quand même, je pense qu'à peu près tout le monde a vécu cette expérience-là, que quand on sort de l'hôpital, à un moment donné, on va vous dire: Bien, vous ne pourrez pas trouver ça ici. Je ne pense pas que c'est parce que le médecin s'amuse à vouloir nous envoyer à l'autre pharmacie, mais ce sont des médicaments que vous trouvez ailleurs. Et il nous le prescrit comme étant possiblement un médicament plus satisfaisant. Dans ce sens-là, même si votre liste ne laissera mourir personne, vous restreignez peut-être là, sans tomber dans les extravagances, le choix et la "thérapeutique", si on peut dire.

M. Laberge: On limitait le choix du médecin à son traitement. Je pense que ce que le comité de pharmacologie a comme objet là, c'est de conseiller le pharmacien. Le pharmacien, c'est lui qui décide. Bon, le médecin dit: Moi, j'ai absolument besoin du dernier anxiolytique qui est sorti, s'il réussit à me convaincre qu'effectivement son patient en a besoin, je pense que c'est là une relation de consultant à consultant. Moi, je suis préparé avec mon équipe de pharmaciens, on regarde le dossier de la demande que le médecin a faite, et on lui dit: Écoutez, à notre avis, à ce jour en tout cas, je n'accepte pas votre demande, on a comme alternative tel autre médicament. Il y a toujours des incidences de coût, pratiquement, dans ces affaires-là. Si le médecin, par contre, réussit scientifiquement à me prouver avec d'autres études qu'il a raison de demander cela, que des malades en ont besoin dans le centre hospitalier et qu'il est meilleur que l'autre, il est évident qu'on va l'accepter. Ce qui arrive à ce moment, c'est que, quand on en trouve un meilleur, s'il n'y a pas trop d'incidence économique, on essaie de sortir celui qui serait remplacé par le meilleur. Il faut faire attention, Mme Lavoie-Roux, aux nouveaux médicaments. C'est un peu comme une Renault 1981...

Mme Lavoie-Roux: Je ne parlais pas dans le sens du nouveau médicament. Il peut être nouveau, mais il peut aussi ne pas être nouveau et être utilisé. Juste une petite rectification. Ce n'était pas dans le sens de priver l'individu de son choix au médicament parce que l'individu, s'il est comme moi, il ne sait pas lequel est le meilleur de toute façon. C'était plutôt dans le sens de la thérapie prescrite par le médecin pour un

individu.

M. Laberge: Cela serait assez étonnant. Je me dis: II me semble que les gens à l'hôpital devraient être normalement plus malades que les gens qui sont chez eux. Je ne sais pas. Il semble que c'est une évidence. Peut-être que je me trompe. Je n'ai pas pensé longtemps à ça, mais cela me vient spontanément. Je pense à ça tout à coup. Je me dis: Mon Dieu, si on les soigne, alors qu'ils sont vraiment malades, avec 400 à 600 médicaments, comment n'est-il pas possible de le faire en externe? Je ne comprends pas.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question, c'est vraiment la dernière. Vous êtes des salariés. Pourriez-vous très brièvement dire comment vous négociez vos conditions de travail? Je ne sais pas au juste. Tantôt on a mentionné que c'était peut-être à l'intérieur des cadres ou je ne sais trop. Est-ce que vous avez la sécurité d'emploi pour ceux qui sont à temps plein et quels sont les avantages sociaux que vous avez, sécurité d'emploi, assurance-salaire? Est-ce que c'est comparable, par exemple, à la fonction publique? Vous êtes en fait sur les échelles de la fonction publique à l'intérieur de l'échelle des cadres. Parfait, merci.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie. M. Brodeur, dernier petit mot de la fin.

M. Brodeur: Oui. Si vous me permettez, Mme Lavoie-Roux, vous avez parlé justement des négociations et j'aimerais ajouter quelque chose concernant l'amendement qu'on demande à l'article 3. Très brièvement. Effectivement, le problème se pose essentiellement en centres d'accueil parce que déjà le ministre a le pouvoir de négocier avec nous aux termes de la Loi sur l'assurance-maladie. Ce qu'on dit, cela n'est pas: Reconnaissez-nous comme association en amendant la loi. Effectivement, on est conscient des difficultés pratiques auxquelles le ministre a fait référence tantôt. Ce qu'on dit au ministre, c'est: Donnez-vous le pouvoir de négocier une entente qui pourra lier les établissements et les centres d'accueil. Notre expérience à cet égard nous a démontré qu'il était impossible d'arriver à des résultats pratiques sans une clause de cette nature. On a eu dans le passé des échanges avec le ministère. On est arrivé même à un projet d'entente. Finalement, il aurait fallu que les centres d'accueil y souscrivent individuellement et ça a tourné en queue de poisson.

On se rend compte qu'il y a des avantages en termes de normalisation. Il y aurait énormément d'avantages pratiques à une formule comme celle-là. Mais, pour autant, tout ce qu'on demande, c'est une disposition qui dirait que le ministre ou le Conseil des ministres peut, par règlement, déterminer que les services pharmaceutiques rendus dans tel ou tel type d'établissement deviennent des services assurés. À partir de ce moment, aux termes de l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie, le ministre aurait le pouvoir, lorsqu'il aurait décrété, par exemple, que pour les centres d'accueil cela deviendra, à partir de telle date, un service assuré, le ministre, dis-je, aurait le pouvoir nécessairement de négocier avec nous aux termes de l'article 19 ou de négocier avec une autre association si c'est une autre qui est représentative. Mais ce qui se présente dans les faits, c'est qu'on représente la très grande majorité des pharmaciens en établissements de santé et en centres d'accueil en particulier, mais on ne peut pas, finalement, négocier leurs conditions de travail.

Le Président (M. Bordeleau): Merci beaucoup, madame, messieurs. Le prochain groupe que nous recevrons est l'Association de la santé publique. Je demande à leurs représentants de s'approcher... Tout le monde s'approche. (13 h 15)

Le groupe est représenté, j'imagine, par M. André-Pierre Contandriopoulos. C'est bien cela? Je vous demanderai de présenter les personnes qui sont avec vous. Je ne dirais pas que votre mémoire est volumineux, mais il contient plusieurs pages, est-ce que ce serait possible, sans vouloir vous contraindre d'aucune façon, de résumer certains points?

Association de la santé publique

M. Contandriopoulos (André-Pierre):

Vous allez dans le sens de ce qu'on avait préparé. On ne comptait pas lire notre mémoire, mais bien le présenter pour en faire ressortir les principaux points.

Le Président (M. Bordeleau): Ah bon! Je l'apprécierais beaucoup, et, je pense, les membres de la commission également.

M. Contandriopoulos: Parfait.

Le Président (M. Bordeleau): Vous pouvez y aller maintenant.

M. Contandriopoulos: Nous sommes membres du bureau de direction de l'Association pour la santé publique du Québec. Le mémoire sera présenté par le Dr Maguire, par M. Marc Renaud et par moi-même. Comme vous nous le demandez et c'est ce que nous avions prévu, nous ne comptons pas faire lecture de notre mémoire, mais bien faire ressortir certains

points qui nous sont apparus essentiels.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous pourriez rapprocher votre micro?

M. Contandriopoulos: Je vais rapprocher mon micro. Bon! Je ne peux plus lire en même temps.

Le Président (M. Bordeleau): Voulez-vous répéter les noms des personnes qui vous accompagnent? On n'a pas compris.

M. Contandriopoulos: Je reprends. Les personnes présentes sont le Dr Robert Maguire, M. Marc Renaud et moi-même, André-Pierre Contandriopoulos. Nous ne lirons pas notre mémoire, mais nous présenterons les principaux points sur lesquels nous avons fait porter nos réflexions et nos recommandations.

En tout premier lieu, nous tenons à dire que nous sommes d'accord avec l'esprit de ce projet de loi, mais nous pensons que plusieurs points pourraient et devraient vraisemblablement être modifiés et améliorés. Nos commentaires ne porteront pas sur l'ensemble des points touchés par la loi, mais nous allons tenter de faire ressortir certains éléments et principalement ceux qui touchent l'organisation des services de santé et, par voie de conséquence, ceux qui ont un impact sur la santé de la population.

Le cadre dans lequel nous allons essayer d'articuler nos commentaires s'est développé en reprenant les principaux points qui sous-tendent les réformes qu'a connues notre système de santé québécois, c'est-à-dire principalement l'accessibilité, l'efficacité et l'humanisation des services. Nos commentaires porteront sur ces points. Nous traiterons d'abord brièvement de l'accessibilité aux services, ensuite de l'efficacité économique et de l'efficacité qu'on a appelée administrative et, finalement, nous parlerons de l'humanisation et de la participation.

À la fin de notre mémoire - ce que nous ne lirons pas - nous retrouvons l'ensemble des modifications que nous proposons, qui sont soulignées, les textes du projet de loi sont repris et les modifications que nous proposons sont soulignées.

En termes d'accessibilité, nous tenons à mentionner que nous sommes d'accord avec la nécessité d'une intervention. Jusqu'à présent, au Québec, le problème de l'accessibilité, aux services médicaux entre autres, n'est pas entièrement réglé. Depuis 1970, dans le cadre des négociations, nous ne sommes pas arrivés, malgré la vigueur de la démographie médicale, malgré le fait que le Québec soit une des régions du monde dans lesquelles il y a le plus de médecins, à avoir une répartition adéquate, acceptable des médecins sur le territoire.

On pourrait développer ce point en détail, mais j'aimerais seulement faire ressortir un exemple, et on a des chiffres beaucoup plus détaillés pour appuyer ces dires. Dans certaines régions, on a des ratios du nombre de personnes par médecin spécialiste qui sont beaucoup plus grands qu'ailleurs. En Abitibi, par exemple, il y a trois fois plus de personnes par pédiatre, par gynéco-obstétricien, par interniste, c'est-à-dire les médecines de spécialité de base, élémentaires, que dans la moyenne du Québec. En même temps - ce qui est paradoxal - il y a 50% de personnes de plus par omnipraticien. Autrement dit, ce sont des régions dans lesquelles il n'y a pas suffisamment de spécialistes, mais, en plus, il n'y a pas un nombre suffisant d'omnipraticiens pour compenser le manque de spécialistes.

Je sais bien qu'il y a de longues argumentations sur le fait que l'ensemble des spécialités ne doivent pas être réparties également à l'ensemble du Québec, mais si l'ensemble des spécialistes naturellement devaient être concentrés dans certaines régions où il y a des hôpitaux, on devrait voir un nombre plus grand d'omnipraticiens dans les régions dans lesquelles il y a moins de spécialistes et c'est absolument l'inverse que l'on observe au Québec. Pour être bref, la question de l'accessibilité au Québec se pose et on peut dire aujourd'hui que les négociations avec les professionnels de la santé, dont le mandat clair est la défense des intérêts de leurs membres, ces négociations n'ont pas apporté de résultats complètement satisfaisants. Il nous semble important de sortir de l'enjeu des négociations ce point de l'accessibilité et d'essayer de trouver un autre moyen de le régler.

Dans le projet de loi, on propose un décret ministériel. Nous pensons - et c'est là l'objet d'une résolution - que si la négociation n'a pas pu résoudre ce problème, le décret ministériel peut poser aussi un certain nombre de questions et nous suggérons d'ajouter à la proposition l'obligation, pour la structure gouvernementale, de consulter les personnes compétentes en santé publique et représentatives des régions concernées avant de faire passer un délai, autrement dit, d'assortir le décret d'un minimum de consultations auprès de la population qui est concernée par les manques d'effectifs.

Cette nécessité de consultation, nous y reviendrons dans le troisième point de notre présentation, à propos de la création de comités de bénéficiaires qu'on pourrait appeler aux fonctions élargies. Nous y reviendrons plus tard.

En termes d'accessibilité, il y avait là un élément de la loi qui était en faveur de trouver des moyens qui permettraient

d'améliorer l'accessibilité aux services. On trouve malencontreusement aussi dans le projet de loi deux éléments qui iraient en sens inverse et qui pourraient, dans la suite du temps, amener une restriction de l'accessibilité aux services.

Nous en faisons mention à l'article 5 du projet de loi, qui porte sur la médiane. C'est une manière détournée de faire introduire la médiane et nous avons l'impression que cet article ouvre la porte à la possibilité d'un ticket modérateur, fait en sorte que le patient pourrait être amené à débourser une certaine somme pour obtenir le médicament de son choix.

D'une part, sur le plan des principes, ça va à l'encontre des grands principes qui ont sous-tendu notre système de soins et, d'autre part, sur le plan de l'efficacité économique, nous sommes convaincus que cet élément est peu utile. Autrement dit, les sommes qu'à court terme on pourrait récupérer par le principe de la médiane sont relativement faibles. À moyen terme, il est vraisemblable que l'industrie pharmaceutique et les médecins prendront une habitude systématique d'indiquer de ne pas substituer sur les ordonnances de médicaments, ce qui réduira à zéro le principe de la médiane, et, à encore plus long terme, le lobbying des compagnies pharmaceutiques jouera sur le prix des médicaments pour rendre les compagnies qui produisent actuellement en dessous de la médiane inopérantes ou hors du marché et ces gens contrôleront les prix.

Nous suggérons le retrait pur et simple de cet article de loi sous le fait qu'il est une atteinte à l'accessibilité de toute la population à des services et que sur le plan économique il est plus dangereux qu'autre chose.

Dans le même ordre d'idées, il serait vraisemblablement, et cela n'est pas explicitement inclus dans notre mémoire, intéressant de reconsidérer l'article 23 alinéa b1 dans lequel on prévoit qu'on pourrait enlever certains services actuellement assurés. Il faudrait éventuellement discuter sous quelles conditions et avec quelle méthode de consultation on reviendrait sur des services déjà assurés.

Voilà pour ce qui a trait, rapidement, à l'accessibilité ou à des éléments qui touchent à l'accessibilité dans le cadre de cette loi. L'efficacité financière, nous touchons là un point qui nous semble important... Et nous parlons de l'article 1, c'est-à-dire de l'article dans lequel on prévoit que les résidents, durant leur stage de formation, n'auraient pas le droit d'être payés à l'acte en dehors des établissements. Ce point nous semble parfaitement souhaitable, c'est une mesure de rationalisation normale de ce qui se passe actuellement, en termes de rémunération des résidents.

Il nous semblerait par ailleurs qu'il serait possible et probablement souhaitable d'étendre cet article à certains services qui seraient offerts par des médecins et, entre autres, les "temps pleins géographiques". Seulement à titre d'exemple, les "temps pleins géographiques" sont payés par l'université, des salaires qui vont à l'Université de Montréal de 34 000 $ à 56 000 $ et qui sont actuellement en voie de renégociation. Donc, ce sont déjà des salaires anciens. Des salaires de cet ordre correspondent effectivement à du quasi temps plein. On peut se demander ou s'interroger fortement sur la duplication de rémunération dont font état ou dont bénéficient ces professionnels de la santé. Donc, on pourrait peut-être penser à élargir à d'autres types de médecins les conditions que l'on prévoit pour les résidents.

Encore dans le cas de l'efficacité financière, mais un peu en marge, bien que ce soit extrêmement important, l'article 30 du projet de loi no 27 prévoit accorder des bourses de recherche aux établissements ou organismes universitaires pour des travaux portant sur les sciences traditionnelles de la santé. Il nous semble que là encore il serait opportun de considérer que la recherche dans le domaine de la santé, compte tenu de l'évolution de ce que devient la maladie, compte tenu du vieillissement de la population, déborde assez largement des domaines classiques de la recherche fondamentale dans les sciences cliniques et qu'il serait important de permettre que ces bourses de recherche puissent couvrir des domaines ou des apports tels que la sociologie, l'anthropologie, l'économie c'est-à-dire les sciences sociales dans leur contribution à une meilleure compréhension du système de santé. Donc, élargissement de cet article 30 prévu dans le projet de loi no 27.

Je vais céder la parole à mon collègue, Marc Renaud, qui va continuer la suite de la représentation.

M. Renaud (Marc): Je voulais vous parler...

Le Président (M. Bordeleau): Allez-y.

M. Renaud: M. le Président, je dois vous parler de deux aspects de notre mémoire, celui qui concerne l'efficacité administrative et celui qui concerne la participation des usagers. Commençons, si vous le voulez bien, par la question de l'efficacité administrative, de la restructuration d'ensemble et des pouvoirs à l'intérieur de l'hôpital. Depuis longtemps, on se plaint de l'existence de deux lignes d'autorité à l'intérieur des hôpitaux. On a même inventé le terme, si je ne me trompe pas, c'est M. Deschênes lui-même il y a quelques années qui a inventé ce terme, on a même parlé de deux solitudes, les médecins

ayant souvent de la difficulté à parler aux administrateurs parce qu'ils ne connaissent pas la médecine et, inversement, les administrateurs ayant de la difficulté à parler aux médecins. Le projet de loi essaie de mettre un peu d'ordre dans tout cela et de clarifier les rôles de chacun, et cela nous semble extrêmement louable. Cependant, on trouve un peu curieux les principes que le projet de loi met de l'avant. On a le sentiment, en lisant l'ensemble du projet de loi, qu'on va renforcer le pouvoir du Conseil des médecins et dentistes et diminuer les pouvoirs des directeurs généraux des conseils d'administration d'établissements. Il nous semble qu'au contraire on devrait essayer de renforcer les conseils d'administration et les pouvoirs des directeurs généraux plutôt que de renforcer les CMD.

À cet égard, nous avons trois suggestions précises: la première traite de l'article 20 et des canaux d'information. Le projet de loi limite l'accès au profil individuel de pratique des médecins aux chefs de département clinique. Nous sommes entièrement d'accord avec cette limite, mais nous croyons que le chef de département clinique, comme lui-même n'est pas salarié, devrait voir son profil individuel de pratique examiné par le DSP de l'établissement. C'est un point mineur, si vous voulez, mais cela nous semble malgré tout un point important.

Deuxième aspect de cette question de distribution de l'information, le projet de loi limite l'accès au profil collectif de pratique au ministre et au Conseil des médecins et dentistes. Quant à nous, il nous semblerait souhaitable, encore une fois, pour éliminer ces deux lignes d'autorité, que ces profils collectifs de pratique soient également accessibles au DSP et aux conseils d'administration des établissements qui ainsi pourront un peu mieux analyser les rôles respectifs des divers départements.

Notre deuxième suggestion traite des pouvoirs qui sont impartis aux CMD. L'ensemble des pouvoirs et de l'établissement des normes et sanctions à l'intérieur du projet de loi est donné au Conseil des médecins et dentistes. Il me semble tout à fait normal qu'effectivement les médecins élaborent ces normes, mais il nous semblerait également souhaitable que les médecins ne soient pas totalement juges et parties dans cette question et qu'en conséquence le conseil d'administration soit le lieu où ces normes sont entérinées. Je m'excuse, on perd un peu le fil de nos idées.

Mme Lavoie-Roux: On vous écoute, on a deux oreilles, comme le dit le ministre.

M. Johnson (Anjou): On réagit en même temps.

M. Renaud: Vous êtes bons! Finalement, je vais être bref. Troisième suggestion, qui est au fond notre suggestion la plus importante eu égard à l'efficacité administrative qui serait un changement dans les fonctions de gestion. Le projet de loi suggère que ce soient les chefs de département et les CMD qui aient une fonction de gestion des ressources disponibles; c'est ce que dit le texte de loi. Or, il nous semble qu'il y a un glissement sémantique important. Les chefs de département clinique sont responsables des services médicaux et non des ressources disponibles. Ces ressources sont, elles, de la responsabilité administrative de l'établissement, les directeurs de soins infirmiers, les directeurs de soins hospitaliers et du BSP. Il nous semblerait extrêmement important que ce mot "ressources" soit enlevé et remplacé par la notion de services, de manière, encore une fois, que ce soit le conseil d'administration de l'hôpital qui ait la responsabilité la plus importante à l'intérieur de l'établissement.

(13 h 30)

Finalement, le dernier aspect de notre mémoire concerne la participation des usagers. Nous sommes totalement d'accord avec l'esprit du projet de loi suivant lequel il est nécessaire de changer la composition des conseils d'administration des hôpitaux et des centres d'accueil. L'expérience des membres de notre association de même que plusieurs études qui ont été faites sur ces différents mécanismes de participation ont toutes montré que, si dans certains cas il y a eu un changement de climat en raison de la participation des usagers, grosso modo, cette participation est restée embryonnaire et n'a pas eu les effets qu'on escomptait au départ. Bref, la participation des usagers n'a pas atteint les objectifs qui étaient poursuivis. La loi propose de restructurer cette participation des différents agents à l'intérieur de l'hôpital en éliminant les usagers pour les conseils d'administration des centres d'accueil et des hôpitaux et de les remplacer par des bénévoles et des bénéficiaires. Dans le cas des bénéficiaires, cela nous semble tout à fait valable, tout à fait souhaitable qu'effectivement les gens qui sont parties prenantes d'une organisation et qui passent toute leur vie dans cette organisation puissent effectivement participer à la gestion de cette organisation. De la même manière, il nous semble tout à fait souhaitable que des bénévoles puissent participer à la gestion de leur organisation puisqu'ils donnent généreusement de leur temps à ces organisations.

Cependant, ce qui nous préoccupe en fin de compte, c'est que l'idée même de la participation des usagers dont on parle au Québec depuis dix ans est largement abandonnée dans le projet de loi eu égard

aux hôpitaux et aux centres d'accueil et, quant à nous, l'association a le sentiment que cette idée est peut-être éliminée un peu trop rapidement. Il faut quand même se rappeler l'esprit dans lequel cette législation avait été introduite. C'était l'esprit suivant lequel les services de santé sont de tous les secteurs de notre vie collective, un des secteurs les plus bureaucratisés et professionnalisés qui soit, de telle manière que les usagers sont inévitablement un peu perdus dans ces structures. Bien sûr, tout le monde a de la bonne volonté. Les professionnels cherchent à faire comprendre aux patients comment dénicher des services à l'intérieur du système. De la même manière, la bureaucratie fait de même, mais il reste que les usagers sont globalement perdus très souvent. Il nous semblerait qu'il ne faille pas éliminer le principe de la participation des usagers, mais au contraire, essayer de la restructurer d'une manière nouvelle.

L'Association pour la santé publique du Québec a eu au cours de l'année dernière une expérience assez grande de visite des différentes régions du Québec pour organiser des colloques régionaux sur l'accouchement. Au fur et à mesure qu'on se promenait d'une région à l'autre, on était extrêmement frappé du fait qu'il y ait au Québec un ensemble de groupes mobilisés sur les questions de santé. Il y a des gens qui étaient extrêmement préoccupés de faire en sorte que les services de santé changent dans des directions qui soient meilleures pour la population. On a surtout eu affaire aux comités d'humanisation de l'accouchement puisque ce sont des comités qui existent un peu partout au Québec, mais on a également rencontré dans l'ensemble d'autres groupes, par exemple, l'Association de promotion de la santé, les comités d'accidentés du travail, les associations de consommateurs qui sont préoccupés de questions de santé, les associations d'ex-psychiatrisés et les associations de retraités et préretraités. Bref, on a rencontré tout un ensemble de groupes qui nous semblent être des groupes porteurs d'un rôle des usagers dans le contexte de la gestion des services de santé à l'heure actuelle.

En conséquence, on a deux suggestions globales. La première est de changer la définition du terme même d'"usagers" qui est donné dans la loi et la seconde est de créer des comités d'usagers sur une base régionale. Le projet de loi nous dit que, pour être défini comme usagers - maintenant, c'est restreint, évidemment, parce qu'on les a enlevés des hôpitaux - il faut avoir été malades, à toutes fins utiles, dans les deux dernières années et détenir une carte quelconque de participation au service. Concrètement, cela veut dire qu'un homme comme moi - et les hommes consultent moins que les femmes - dans la trentaine, qui ne va pas voir le médecin souvent, n'a pas le droit de participer à la gestion de ces services de santé. En d'autres termes, quelqu'un qui est en santé n'a pas le droit de s'occuper de ce qui va se passer quand il va être malade. Il y a quelque chose d'un peu paradoxal dans tout cela. Ce qui est encore pire, dans le contexte actuel, c'est qu'on parle énormément de prévention où on dit: II est important d'arriver à développer des services qui sont préventifs; on empêche les gens qui sont souvent en santé et qui cherchent à faire de la prévention de participer à la gestion des services de santé. Il y a quelque chose qui n'a pas d'allure dans tout cela. Il nous semblerait vraiment souhaitable de changer la définition des usagers pour la remplacer par une définition qui serait à peu près comme suit: "Toute personne qui réside sur le territoire d'un conseil régional et qui a reçu ou qui est susceptible de recevoir des services d'un établissement sur ce territoire." En d'autres mots, que l'usager soit l'usager potentiel de même que l'usager des deux dernières années. Donc, c'est notre première suggestion. La seconde suggestion, c'est qu'on essaie de reconceptualiser la participation des usagers, pas dans l'abstrait, mais en créant concrètement dans chaque région du Québec, des comités d'usagers.

Autant les bénéficiaires sont un peu pris en otage, si vous voulez, à l'intérieur des établissements où ils travaillent, autant les usagers sont pris en otage des services qu'on leur offre. Il nous semble éminemment souhaitable que ces usagers aient une fonction à l'intérieur du système et puissent réagir. On a fait une erreur importante dans la notion de participation telle qu'elle a été avancée par la commission Castonguay et reprise dans le chapitre XLVIII par la suite. On a tenu pour acquis qu'il était possible à des citoyens de se mobiliser sur une base d'établissement, qu'il était possible à des citoyens de s'asseoir aux conseils d'administration et de pouvoir parler de dossiers de relations du travail, de donner des avis au ministre, de gérer les ressources d'un établissement. À toutes fins utiles, ce sont vraiment des tâches extrêmement dures. Je participe moi-même parfois à des conseils d'administration à l'intérieur de l'université sur des sujets que je ne connais pas, et je vous avoue que je m'absente souvent. C'est quasiment inévitable.

On se dit que, s'il y avait moyen de créer sur une base régionale des comités d'usagers à l'intérieur desquels on permettrait à tout le monde de se présenter, les groupes qui, actuellement, sont mobilisés sur les questions de santé y participeraient et auraient intérêt à voir de leurs membres se présenter et prendre position sur des questions de santé. À l'avant-dernier

colloque, où Jean-Yves Rivard faisait un bilan de la réforme Castonguay, une idée essentielle a ressorti, c'est que la participation individuelle, en général, ne marche pas. Ce qui fonctionne dans notre société hautement organisée, c'est une participation organisée, sur la base des groupes qui existent. Ce qu'on suggère, c'est de créer un comité d'usagers en espérant que les groupes qui sont déjà mobilisés sur les questions de santé puissent y participer.

On donne essentiellement deux fonctions à ce comité d'usagers, autour des mêmes fonctions attribuées au comité des bénéficiaires. L'une est une fonction de transmission de l'information du haut vers le bas, et l'autre est une transmission de l'information du bas vers le haut. Encore une fois, l'usager est perdu dans les services de santé. Très souvent, on n'a pas d'information eu égard à la qualité des pratiques qui se produisent dans un hôpital ou dans un autre ou dans la variation des normes dans un hôpital par rapport à un autre. Il nous semble extrêmement important que ces comités aient comme principale fonction, d'abord, de transmettre l'information, de questionner les directeurs généraux des établissements, de questionner le CRSSS, de questionner le ministre et d'être en mesure de transmettre au public, par le mécanisme des médias, une certaine information sur la valeur respective des services ou sur différents points de vue qui peuvent être discutés, différents modes qui peuvent exister relativement aux différentes thérapies.

Il y a également une fonction d'information du bas vers le haut. Vous en avez probablement déjà entendu parler, bien des gens se plaignent des mécanismes de plaintes. Les gens sont mal à l'aise; on sent souvent que leurs plaintes sont mal suivies. Il nous semble qu'un comité d'usagers pourrait avoir comme fonction d'aider les usagers à transmettre leurs plaintes aux groupes concernés.

Ce qui nous semble important pardessus tout - je termine là-dessus - c'est que le comité d'usagers ne devrait d'aucune manière avoir de fonctions bureaucratiques. Ce sont les fonctions bureaucratiques qu'on a imposées aux fameux citoyens qui participaient aux organisations qui, jusqu'à un certain point, ont tué la participation populaire, de telle manière qu'il nous semble important, pour établir un certain contrôle de ces organisations, d'avoir des organismes assez distincts, au fond. On a pensé, dans notre mémoire, de demander aux CRSSS de superviser les élections à l'intérieur de ces fameux comités d'usagers si jamais ils étaient créés. En y repensant par la suite, on s'est dit qu'il serait peut-être encore préférable, compte tenu du fait que les CRSSS vont inévitablement avoir tendance à vouloir voir leur politique défendue par les comités d'usagers, que ce soit, en fait, l'Office de la protection du consommateur qui organise ces élections.

En résumé, il semble y avoir deux conditions sine qua non au bon fonctionnement du comité. C'est premièrement, que le comité n'ait pas de fonction de gestion directe, mais une fonction d'orientation générale des services de santé, donc, pas de rôle fonctionnel, bureaucratiquement parlant, mais un rôle d'information et d'aide aux usagers, d'une part, et, d'autre part, que ce comité d'usagers ait un pouvoir réel. Le pouvoir réel, c'est qu'il faudrait forcer d'une manière quelconque les directeurs des différents établissements ou des différentes fonctions ministérielles de répondre aux questions des usagers et de donner les statistiques, quand besoin il y a.

Par exemple, quand on visitait le Québec sur la question des accouchements, on a été frappé de constater que, dans certaines régions, certains comités d'humanisation de l'accouchement avaient été créés depuis un an ou deux et que ces comités n'avaient jamais réussi à parler au directeur général de l'établissement de la région et à obtenir de lui un certain nombre d'informations. Il a fallu que le colloque régional se produise pour qu'enfin ces gens se parlent. Donc, si un comité d'usagers était créé, il faudrait effectivement que les directeurs d'établissement aient le devoir de leur donner de l'information.

Tout cela peut sembler dangereux au ministre des Affaires sociales, le responsable de l'ordre public dans ce secteur. Cela peut sembler assez curieux de dire: On va, au fond, financer la contestation ou financer des contre-pouvoirs. Mais je ne suis pas sûr que ce soit si dangereux, d'une part, et, d'autre part, je me demande si on n'aurait pas avantage à tolérer une certaine incertitude, une certaine ambiguïté dans le secteur de la santé au Québec, et probablement dans d'autres secteurs.

Il semble que, depuis une quinzaine d'années, ce qu'on amène comme conception de la démocratie, c'est une conception d'organigramme. On a une conception très linéaire de la démocratie, ça part d'en haut avec le ministre et on a toutes sortes de boites en bas et le débat se déroule dans les officines de ces différentes boites d'organigramme. Or, la véritable démocratie, à mon sens, et au sens de la plupart des membres de l'association, ce n'est pas ça. La véritable démocratie c'est l'affrontement de points de vue dans l'arène publique. C'est le rapport entre des pouvoirs et des contre-pouvoirs et ce comité d'usagers aurait un peu ce genre de fonction-là. Je termine là-dessus.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M.

Renaud.

M. le ministre, vous avez des questions?

M. Johnson (Anjou): Messieurs, je vous remercie du mémoire que vous avez déposé et des remarques que vous y avez ajoutées, dans certains cas sous forme de synthèse et dans certains cas sous forme d'ajouts et d'explications de contexte.

Les jours qui ont précédé fournissent des réponses satisfaisantes ou pas ou une partie des réponses à certaines des préoccupations que vous avez, notamment en ce qui a trait à médiane, 23b 1), la question des résidents. C'est pour cela que je vais plutôt concentrer mes remarques sur deux choses. La question de l'information et cette question qui est centrale à vos yeux, je pense, qui est la participation des citoyens.

La question de l'information, il faut bien se comprendre. Il y a peut-être une méprise dans la façon de l'expliquer de notre côté ou peut-être une ambiguïté dans le texte, je ne sais pas. Mais il faut bien se rappeler que le directeur des services professionnels fait partie de l'exécutif du CMD et comme il en fait partie il a donc cette notion d'une transmission de l'information des profils individuels aux DSP également.

On ne prétend pas résoudre le problème de la bicéphalie hospitalière. Je pense d'ailleurs que ce serait bien prétentieux que de tenter de le faire. C'est un long long cheminement, je pense, dans une collectivité. Ce que l'on tente de faire, c'est au moins de mieux l'harmoniser. Vous nous dites peut-être un peu malhabilement à l'égard des pouvoirs des CMD, peut-être irions-nous dans le sens contraire de l'objectif visé. Je ne crois pas, dans la mesure où le directeur des services professionnels reste une cheville et une charnière extrêmement importantes, très concrètement, si on regarde le développement du réseau depuis un certain nombre d'années. Il y a aussi des précisions qui devront être apportées en cours de route.

Sur la question des bénéficiaires, et je sais l'action que font certains des membres chez vous à travers le territoire pour pousser cette plus grande conscience des citoyens d'une réflexion autour de leur propre santé et des instruments que la collectivité s'est donnée. Vous me permettrez de vous dire que je pense que nous visons le même objectif qui est celui d'une participation accrue. Je ne le dis pas juste théoriquement. Vous évoquiez toute cette ébullition qui est peut-être nécessaire, cette espèce de contrepoids à la bureaucratie par la participation des citoyens, à laquelle je crois beaucoup, mais le pari qu'on fait, c'est qu'à partir des expériences des dix dernières années, notamment dans le cas des hôpitaux où les assemblées d'usagers avaient quelque chose et restent encore quelque chose d'un peu caricatural dans la majorité des cas, il s'agit de faire confiance au fait que l'évolution de notre société a permis depuis dix ans l'éclosion d'une série d'organismes dont ceux auxquels vous avez référé. Notre approche a peut-être quelque chose d'analogiquement un peu corporatif dans un autre milieu, c'est de reconnaître que ces citoyens se sont formés et ont agi à travers des organismes bénévoles et c'est de permettre, par ces personnes qui ont agi à travers des organismes bénévoles, de devenir des intrants dans le système, au niveau de leur participation au conseil d'administration. En présumant que cette démarche d'ébullition ne doive pas passer par une structuration des usagers, mais qu'elle existe dans la société. Le pari qu'on fait c'est que la structure gouvernementale ou le CRSSS, où on essaie encore une fois, d'augmenter l'intrant des citoyens et de créer un contrepoids au réflexe bureaucratique au niveau du conseil d'administration, se fera dans ce sens-là.

Encore une fois, je pense qu'en termes d'objectifs, peut-être qu'ils sont plus près que n'en donne l'impression le texte, vous aurez sûrement l'occasion dans les jours qui viennent de nous entendre nous référer à ces notions et à ces principes à l'occasion de la deuxième lecture. (13 h 45)

Je m'excuse d'être si bref dans mes commentaires, mais je pense que vos commentaires sont très précis et je n'ai pas de question additionnelle. Le texte parle par lui-même, même s'il peut y avoir des divergences de vues.

M. Contandriopoulos: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, monsieur.

M. Contandriopoulos: ... un point d'éclaircissement. Quand vous dites que le DSP reçoit le profil individuel des chefs de service, je ne vois pas, dans l'article 20, où c'est marqué. Il est effectivement marqué que le profil de pratique collectif des professionnels va au CMD et que les profils individuels vont uniquement au chef de département. Donc, le profil de pratique du chef de département n'est pas soumis à un examen individuel.

M. Johnson (Anjou): Ah! je comprends ce que vous voulez dire. Je m'excuse. D'abord, j'ai fait un lapsus quand j'ai dit "individuel" au lieu de "collectif". Je comprends ce que vous voulez dire: Le profil du chef de département, lui, personne ne le voit.

M. Contandriopoulos: Et on dit que le DSP devrait pouvoir le voir.

M. Johnson (Anjou): D'accord, je comprends.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les membres de l'Association pour la santé publique du Québec de leur mémoire. Je pense que cela apporte une autre dimension. Je crois comprendre que vous êtes un groupe "bénévole". Je pense que c'est vraiment bénévole, c'est-à-dire que c'est une organisation volontaire, etc. Cela nous éloigne peut-être d'autres préoccupations. Sans faire de reproche à qui que ce soit, c'est normal que les gens viennent faire valoir leur point de vue, mais vous semblez peut-être un peu plus éloignés d'autres préoccupations que les gens ont.

Je sens chez vous, à moins que je ne me trompe, une préoccupation, d'abord, de mettre l'accent sur la participation et j'apprécie les commentaires que M. Renaud a faits pour expliciter ce qui est dans le mémoire. Je trouve cela intéressant. Vous avez dit: II faut que le réseau - ce n'est pas l'expression que vous avez utilisée, c'est la mienne - devienne un peu moins hermétique. Je pense que c'est le message que vous avez voulu transmettre. C'est vrai qu'il est hermétique. Par expérience, je peux vous dire que ce sont des réflexions que les députés nous font quand ils se voient pris dans cette grande structure. Ils disent: Franchement, c'est un monde à part, le réseau des affaires sociales.

Il y a un point sur lequel je m'entends peut-être un peu moins avec vous. Votre idée de la création de comités de citoyens est intéressante, par contre, je pense aussi que la participation des bénéficiaires est importante. Est-ce qu'il y a un meilleur équilibre à établir entre les deux? C'est à voir et cela me semble extrêmement important, surtout quand on parle des soins prolongés et des centres d'accueil, de ce genre d'établissement.

Vous avez établi votre mémoire encore une fois, je m'excuse si j'ai un peu de difficulté à m'exprimer - à partir de la philosophie de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Vous reprenez, par exemple, la notion d'accessibilité, la notion d'universalité reliée à l'accessibilité, la notion de participation. Je suis heureuse que vous ayez soulevé l'article 5, mais cela m'a étonnée que vous n'ayez pas soulevé l'article 23 qui, à mon point de vue, pourrait être encore plus important au point de vue de l'introduction, par la bande, pour utiliser une expression particulière, d'un ticket modérateur.

Je m'étonne, par contre - c'est peut-être une question de temps - que vous ne vous soyez pas arrêtés à des notions de confidentialité et de choix pour les bénéficiaires ou les citoyens, par certains pouvoirs accordés en vertu de l'article 31a, à moins que je ne me trompe d'article: 18.1, 18.2 ou 18.3. Par exemple, dans l'organisation de la centrale, on va assez loin pour la rendre efficace dans le type de renseignements qui peuvent être transmis. Non pas à ce moment-ci, ce seront peut-être seulement des nombres, etc., mais on va aussi loin qu'on le peut; ce peuvent être des noms et, à un moment donné, quand la machine ne produit pas l'efficacité demandée, on étend. Ce sont quand même des choses sur lesquelles - je ne sais pas si vous vous êtes posé des questions - il faut peut-être se poser des questions.

Il y a évidemment la question de la restriction du libre choix du citoyen. Il y a des contraintes physiques, géographiques, etc. qui existent. C'est peut-être un autre point, au niveau du principe, qu'il faudrait relever. Il y a des points, comme la question de la répartition géographique par le gouvernement, sur lesquels je suis tout à fait d'accord. Je voudrais vous poser une question précise: Pensez-vous que le mécanisme actuel sera efficace, celui qui est suggéré par la loi, la rémunération à la baisse ou à la hausse, comme on le voudra?

Je suis d'accord avec vous aussi quant à la question du salariat du résident qui se trouve modifié. Je pense que vous avez raison là-dessus. Vous avez raison aussi sur la nécessité de mieux coordonner les dépenses du secteur public pour les gens qui ont à la fois un salariat et d'autres types d'honoraires, mais je ne sais pas où vous oeuvrez, si vous êtes dans le secteur public, parapublic ou si vous êtes dans les universités, je n'en ai aucune idée... c'est-à-dire, je n'en ai aucune idée, je peux en avoir mais je voudrais aussi que ce même souci, vous l'exerciez à l'égard d'autres professions. Ici, je ne me place pas à la défense des médecins plus qu'à une autre profession, mais vous savez fort bien que dans d'autres professions il y a ce même genre de duplication de paiements par l'État de revenus. Vous examinerez les comptes publics, ils parlent d'eux-mêmes. C'est ce genre de choses-là, mais, précisément, je pense qu'il y a un objectif que tout le monde veut atteindre et c'est à l'égard des régions éloignées. C'est sur le mécanisme lui-même.

Sur l'autre question de la bicéphalie dont on a parlé au sujet de l'administration, la bicéphalie des médecins et de l'administration hospitalière, il y a une question qui m'inquiète. Je ne sais pas si vous y avez réfléchi. On a introduit la notion de chef de département à qui on donne maintenant - il y avait toujours eu des chefs de département - une fonction particulière

qui, d'après ce que je comprends, va être rémunérée. N'y a-t-il pas danger à long terme ou à moyen terme qu'on évolue à cet égard vers une autre forme de bureaucratisation ou de fonctionnarisme à l'intérieur même des services? Je vous ai posé un tas de questions, je ne vous en poserai pas d'autres. Je voudrais seulement avoir vos réactions. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la députée. M. Renaud.

M. Renaud: Est-ce qu'on peut réagir deux secondes? Je voudrais d'abord réagir à la question de la bicéphalite, comme le disait M. Johnson. Jusqu'à un certain point, il me semble que c'est bon qu'il y ait ces deux lignes de pouvoir dans un hôpital, parce que l'autogestion est probablement la méthode de travail la plus intéressante pour tout le monde. Si j'étais médecin dans un hôpital, j'imagine bien que j'aimerais, moi, contrôler mes collègues. Cependant, ce qu'il faut éviter, c'est que cette formule en vienne à prendre une place telle que la ligne administrative, elle, perde du poids. C'est un peu cette inquiétude qu'on manifestait dans le mémoire tout simplement.

Je voudrais également parler brièvement des usagers. Je suis entièrement d'accord avec vous, Mme Lavoie-Roux, que la participation des bénéficiaires est quelque chose de fondamental et qu'elle fait un progrès énorme dans cette loi, parce qu'effectivement ce sont ces gens, au fond, qui ont le plus de choses à dire puisqu'ils vivent dans l'établissement; c'est la même chose pour les bénévoles. Il me semble que c'est un pas en avant considérable et, comme le disait M. Johnson tantôt, en ce sens la loi ne va pas contre la participation des usagers. Par ailleurs, je suis quand même un peu troublé quand j'entends le ministre Johnson nous dire que le CRSSS a une fonction de maintien de l'ébullition, du questionnement par rapport aux questions de santé. Cela ne me saute pas aux yeux. Si j'étais dans la position inverse, je vous poserais la question: Comment maintient-on une ébullition? Pardon?

Mme Lavoie-Roux: ...quelquefois, je dois vous dire.

M. Renaud: Parce que les CRSSS - j'ai énormément d'estime pour les gens des CRSSS - sont malgré tout pris dans une logique de gestion bureaucratique. Ils sont pris à régler les problèmes d'allocation des ressources dans les établissements, à régler un ensemble de problèmes de rapports entre groupes professionnels et groupes d'établissements sur le territoire. Il y a souvent la fonction des usagers à l'intérieur des CRSSS ou la fonction d'information, dans quel hôpital on fait tel genre d'accouchement, quels sont les taux d'hystérectomie et d'amygdalectomie, etc., de chirurgie élective dans les différents hôpitaux d'une région donnée. Les CRSSS ont très rarement rempli cette fonction. Il nous semblerait, nous, que ce serait souhaitable que ce ne soient pas les CRSSS qui remplissent ce rôle, mais bien un comité d'usagers qui, lui, n'aurait pas les mains liées et qu'on ne paierait pas pour faire cela, auquel on ne ferait que fournir des ressources matérielles.

Le Président (M. Bordeleau): Merci.

M. Contandriopoulos: Vous voulez qu'on continue à répondre?

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Contandriopoulos.

M. Contandriopoulos: II y a avait deux ou trois questions dans l'air. Il y avait des sous-questions et des questions sur l'accessibilité. Vous vous étonniez qu'on n'ait pas réagi à la confidentialité ou au problème du respect du droit de l'individu par rapport à l'information. Je pense - et je parle moitié en mon nom et moitié au nom de l'association - qu'il y a à certains moments des arbitrages à faire entre un minimum de circulation de l'information et une volonté de rationalisation. Il faut qu'on arrive à avoir suffisamment d'information pour pouvoir faire un certain nombre de choix de façon éclairée.

Trop souvent, le respect de ces règles de la non-transmission de l'information de la part de l'individu peut amener une impossibilité de fonctionner pour arriver à rationaliser les services. Quand on lisait la loi, on avait l'impression qu'à travers ce projet de loi il y avait une volonté d'améliorer la circulation de l'information, à peu près à tous les niveaux. Les articles que vous avez désignés semblent aller dans cette volonté de faire mieux connaître ce qui préoccupe les gens qui travaillent. Alors, on va donner des profils individuels aux chefs de département, on va donner des profils collectifs à ceux qui gèrent un peu plus haut, on va redonner de l'information à d'autres personnes de façon que les gens soient informés et puissent avoir du "feedback" sur ce qu'ils font de toutes les façons.

Mme Lavoie-Roux: Ma question était davantage en fonction de l'article où on donne des pouvoirs au conseil régional...

M. Contandriopoulos: L'article 31.

Mme Lavoie-Roux: ... de déplacer la distribution...

M. Johnson (Anjou): Le choix de l'établissement.

Mme Lavoie-Roux: Oui, le choix de l'établissement et la centrale va avoir tel type de renseignements. Je suis certaine, dans un premier geste, que ce qu'on veut, ce sont uniquement des renseignements statistiques: le nombre d'admissions, de départs, etc. Si je peux retrouver la loi, je vais vous le dire plus exactement, excusez-moi. "En regard des inscriptions et des admissions des bénéficiaires, de leur transfert et transport en ambulance."

Vous êtes rendus aux inscriptions et aux admissions des bénéficiaires. À partir de cela, vous pouvez, à un moment donné, trouver que ces choses ne sont pas suffisantes et vous pouvez étendre vos recherches à d'autres types. Je pense qu'il faut toujours être prudent, au point de départ, dans les balises qu'on met pour ne pas, toujours au nom de l'efficacité, qu'on dépasse ce qui devrait être une norme régulière.

M. Contandriopoulos: Je peux dire qu'on n'y a pas réfléchi plus que cela. Notre souci de rationalité l'a emporté sur notre crainte du bris de la confidentialité. On n'y a pas réfléchi plus que cela en tant qu'association. Je ne me prononcerai pas en mon nom personnel.

Vous posiez la question à savoir: Est-ce que les mécanismes prévus dans le projet de loi seraient suffisants pour améliorer l'accessibilité? Il semble que le projet de loi prévoit la possibilité d'instaurer des mécanismes. Il va permettre à la structure gouvernementale de modifier des règles du jeu de façon à créer des moyens qui permettraient d'améliorer l'accessibilité. Le projet de loi, en tant que tel, ne donne pas ces moyens de façon précise. On dit qu'on pourrait éventuellement modifier les revenus, qu'on pourrait éventuellement donner des primes, qu'on pourrait faire telles choses, mais, à l'heure actuelle, si je lis la loi correctement, c'est sujet à discussion, c'est sujet à décret, c'est éventuellement sujet à négociation. Je ne vois pas de façon précise quelle serait la modalité actuellement choisie à travers ce projet de loi.

Autrement dit, en regardant cela, je me dis: La loi prévoit la possibilité, pour le ministère, de prévoir des mécanismes qui régleraient cette question de l'accessibilité, mécanismes qui ne seraient pas sujets automatiquement à un processus de négociation.

Mme Lavoie-Roux: Mais il y en a un mécanisme qui est clairement identifié dans la loi.

M. Johnson (Anjou): La désignation d'un territoire, voulez-vous dire?

Mme Lavoie-Roux: Non, non.

M. Johnson (Anjou): Ou le décret dans le cas des nouveaux arrivants.

Mme Lavoie-Roux: Oui. "...peut prévoir une rémunération différente pour les médecins durant les premières années."

M. Contandriopoulos: Oui, "peut".

Mme Lavoie-Roux: Oui, "peut", d'accord. Cela sous-entend qu'on va le soumettre à la négociation ou à l'entente.

M. Contandriopoulos: C'est ce que j'ai dit.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il y en a un d'identifié de façon précise.

M. Contandriopoulos: Oui, c'est cela. On peut faire cela. On pourrait aussi ouvrir des cabinets gratuits pour les médecins, on pourrait développer des pratiques de groupe, on pourrait garantir des revenus pendant un certain temps, on pourrait garantir un emploi dans la ville après dix ans de service en région éloignée. On peut inventer un éventail excessivement large de moyens incitatifs, de stimulants qui feraient en sorte que les médecins iraient en région éloignée.

Ce que je comprends, c'est que la loi dit: Cela, il faut que ce soit de notre ressort. Le ministère dit: II faut que ce soit de notre ressort et nous, on lui suggère de consulter un peu les gens qui sont concernés, mais ça ne peut pas être uniquement du ressort des négociations. Il n'est pas évident, a priori, logiquement, que les associations qui défendent les intérêts économiques de leurs membres vont aussi être préoccupées de la même façon de l'accessibilité aux services par la population.

Mme Lavoie-Roux: Savez-vous - ce sera ma dernière réflexion - qu'il y avait déjà des mécanismes que le gouvernement n'a pas utilisés?

M. Contandriopoulos: Je le sais bien, la loi 65 prévoyait des mécanismes similaires. Un dernier point, si vous me le permettez. Vous m'avez posé une question. Vous parlez de la crainte que le pouvoir qu'on donne aux chefs de département pourrait amener des modifications dans la rémunération des chefs de département. Vous semblez dire qu'on ouvrait la voie...

Mme Lavoie-Roux: Ils vont ajouter une rémunération.

M. Contandriopoulos: Ils vont être payés

pour une tâche médico-administrative.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est cela. (14 heures)

M. Contandriopoulos: ... et vous sembliez me suggérer que peut-être ça pourrait être l'amorce de modifications dans la rémunération, c'est ça?

Mme Lavoie-Roux: Non, que ça pourrait être l'amorce, finalement, d'un chef de département qui deviendrait un fonctionnaire.

M. Contandriopoulos: Là encore, je pense qu'il faut faire très attention de distinguer un mode de rémunération d'une situation d'employés.

Mme Lavoie-Roux: Bien, c'est ça. Cela peut évoluer vers ça.

M. Contandriopoulos: Dans le projet de loi - là je ne le défends pas spécialement -le chef de département est sous l'autorité du CMD. Pour le moment, il n'est pas clair que c'est différent de ce qui se passe actuellement. Ce que l'on dit, c'est qu'on va ajouter une rémunération pour les activités supplémentaires qu'il va avoir. Bon, la suite des négociations dira ce qu'il va advenir de son statut, mais le projet de loi en tant que tel ne me semble pas particulièrement dangereux.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la députée de l'Acadie.

M. Johnson (Anjou): Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie messieurs de l'Association de la santé publique. J'invite maintenant notre dernier groupe pour aujourd'hui, soit l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires.

C'est M. André Lévesque, je présume. Si vous voulez nous présenter les personnes qui sont avec vous.

Association québécoise des pharmaciens propriétaires

M. Lévesque (André): Oui. À mon extrême gauche, M. Normand Simard, deuxième vice-président; Olivier Vaillancourt, secrétaire; Me Claude Trudel, notre conseiller juridique; à mon extrême droite, M. Réal Lemire, premier vice-président, et, à ma droite personnelle, M. Daniel Larouche, qui est notre économiste.

Le Président (M. Bordeleau): Nous sommes prêts à vous entendre.

M. Lévesque (André): Comme nous sommes les derniers à nous présenter devant vous et que les derniers sont toujours les premiers, j'ai vraiment l'impression que nos recommandations seront celles auxquelles vous vous arrêterez d'avantage, et je vous en remercie à l'avance.

Le Président (M. Bordeleau): Voulez-vous rapprocher votre micro, M. Lévesque, s'il vous plait?

M. Lévesque (André): M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission, je tiens d'abord à remercier la commission d'avoir invité l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires à formuler ses commentaires sur le projet de loi 27.

L'AQPP représente les quelque 1200 pharmaciens propriétaires du Québec. Depuis 1972 le réseau québécois de pharmacie exécute les ordonnances dont le coût est défrayé par le gouvernement dans le cadre de ses programmes d'assistance-médicaments. C'est à ce titre que les pharmaciens sont touchés par la Loi sur l'assurance-maladie.

Comme la majorité des modifications que le gouvernement se propose d'apporter à la Loi sur l'assurance-maladie vise d'abord et avant tout les médecins, L'AQPP n'attend pas commenter l'économie générale du projet de loi. Toutefois, certaines dispositions de ce projet auront des effets immédiats ou potentiels sur les pharmaciens et sur les bénéficiaires des programmes gouvernementaux d'assistance-médicaments. C'est ce dont j'ai l'intention de vous entretenir brièvement.

Afin de faciliter votre compréhension de l'impact du projet de loi sur les pharmaciens et les bénéficiaires, qu'il me soit permis de vous rappeler certaines modalités de fonctionnement des programmes de médicaments. Le système de rémunération du pharmacien dans le cadre des programmes en vigueur depuis 1972 comprend deux composantes. Lorsque le pharmacien exécute une ordonnance qu'il facture à la Régie de l'assurance-maladie, il est, d'une part, remboursé pour le médicament qu'il fournit au patient, et, d'autre part, rémunéré pour le service qu'il rend en exécutant l'ordonnance. Le coût du médicament est fixé deux fois l'an par le ministre des Affaires sociales sur recommandation du Conseil consultatif de pharmacologie et publié dans la liste des médicaments dont fait état l'article 4 de la Loi sur l'assurance-maladie.

Le coût inscrit à cette liste correspond au prix généralement payé par le pharmacien pour se procurer le médicament. Quant au montant des honoraires professionnels, il est le fruit d'une négociation entre le gouvernement et l'AQPP. Ces honoraires

comprennent, outre la rémunération du service lui-même, un montant qui compense les frais généraux du pharmacien.

Ainsi, la rémunération du pharmacien dans le cadre des programmes gouvernementaux est en partie négociée et en partie fixée unilatéralement par le gouvernement. Ce système, qui donne déjà de multiples possibilités de contrôle au gouvernement, a assez bien fonctionné jusqu'à présent.

La signification et la valeur économique des honoraires étaient assez bien circonscrites. Il était donc possible de négocier les honoraires en connaissant les grandes lignes des conditions qui entoureraient l'exercice de la pharmacie au cours d'une entente. Le projet de loi propose de modifier les règles du jeu. Cette modification comporte trois volets.

Premièrement, l'article 4 du projet de loi, qui modifie l'article 19 de la loi, réduit le champ des négociations aux seules conditions de travail des professionnels de la santé. En effet, on pourrait difficilement contester le privilège du gouvernement de gérer le système québécois de santé. De fait, les ententes négociées par les pharmaciens n'ont jamais débordé le domaine des conditions de travail de ceux-ci.

En deuxième lieu, le projet de loi donne au gouvernement des pouvoirs de réglementation sur les modalités de couverture et de remboursement du coût des médicaments dont les effets pourront se répercuter justement sur les conditions de travail et sur la rémunération du pharmacien.

Troisièmement, l'article 31 du projet ajoute un nouvel article, l'article 104.1, qui rend la loi d'ordre public et empêche ainsi les pharmaciens de se protéger par la négociation contre les effets néfastes que pourrait avoir les règlements, décrets ou arrêtés adoptés en vertu des nouveaux pouvoirs que le gouvernement cherche à se donner.

Je crois utile de m'attarder un peu plus sur les deux derniers points.

L'article 2 du projet de loi, qui vise à modifier l'article 4 de la loi, donnerait au ministre le pouvoir non seulement de dresser la liste des médicaments, mais aussi de déterminer la méthode de fixation du prix de chaque médicament et le montant maximal, s'il y a lieu, dont la régie assume le paiement dans les cas, conditions ou circonstances qu'elle détermine.

Ainsi, le ministre aurait le pouvoir de modifier à tout moment les prix remboursés au pharmacien pour les médicaments. À la limite, le ministre aurait le loisir de décider unilatéralement qu'il ne rembourse plus le coût du médicament en fixant, par exemple, le prix plafond à zéro. C'est dire que le ministre aurait le pouvoir de modifier à volonté, en cours d'entente et de façon unilatérale, les conditions de travail des pharmaciens.

Certes, le genre de mesures rendues possibles par l'article 2 du projet de loi concerne ce qu'on pourrait appeler les privilèges d'assureur du gouvernement, qui sont parfaitement légitimes.

Mais cette disposition prend une tout autre signification lorsqu'on l'examine à la lumière de l'article 31 du projet de loi qui propose de rendre la Loi sur l'assurance-maladie d'ordre public. L'adoption de cet article impliquerait que les pharmaciens seraient complètement à la merci des mesures prises en vertu de l'article 2 du projet de loi sans même pouvoir négocier les modalités d'implantation de ces mesures ni une compensation propre à absorber les coûts entraînés par ces mesures, le cas échéant.

Le ministre demande donc des pouvoirs qui lui permettraient de modifier les règles du jeu, au gré des objectifs budgétaires ou autres du gouvernement. La consommation augmente plus rapidement que prévu, il ne faut pas s'alarmer. Il n'y a qu'à baisser le prix maximum remboursé par la régie et tout rentrera dans l'ordre pour les fonctionnaires et les politiciens. Les pharmaciens et la population n'auront qu'à s'adapter. Les négociations avec les pharmaciens sont difficiles? Qu'à cela ne tienne. Donnons-leur aujourd'hui les honoraires qu'ils réclament; demain, le ministre décrétera une nouvelle baisse des prix plafonds.

Bref, le projet de loi no 27, s'il était adopté dans sa version actuelle, donnerait au ministre des Affaires sociales une capacité quasi illimitée de jouer avec la masse d'argent impliquée dans les programmes de médicaments. Il s'agit d'un mode de fonctionnement dont rêve sans doute tout responsable d'un budget gouvernemental. Mais une telle situation aurait un effet secondaire grave, celui de donner au pharmacien un cadre de pratique d'une fluidité telle que toute planification un tant soit peu sérieuse serait impossible pour eux.

Cette affirmation vaut autant pour chacun des pharmaciens dans l'administration de son officine que pour l'ensemble des pharmaciens dans leur négociation avec le gouvernement. On a dit, à raison d'ailleurs, que le but des programmes d'assistance médicaments n'était pas d'assurer un niveau de revenu aux pharmaciens. Cet argument a d'autant plus de vraisemblance que le régime est partiel. Mais nul ne saurait contester que l'État, par ses extensions successives de programmes au cours des neuf dernières années, est maintenant à l'origine de 25% à 30% du chiffre d'affaires total des pharmaciens, ce qui est loin d'être négligeable.

Comme, en plus, les pharmaciens n'ont déjà pas de possibilité réelle de choix quant à leur adhésion au régime, il est clair que

l'État ne peut plus nier sa responsabilité envers cette catégorie de professionnels de la santé. Or, le projet de loi donnerait à l'État les moyens d'abdiquer cette responsabilité. Les membres de la commission comprendront dès lors notre inquiétude.

Les pharmaciens ne seront pas les seuls à être touchés par le projet de loi, les bénéficiaires des programmes le seront aussi. Premièrement, l'article 5 du projet, qui modifie l'article 22 de la loi, stipule que le pharmacien peut exiger la différence entre le prix du médicament indiqué à la liste et le montant dont la régie assume le paiement. Malgré l'élégance des termes employés, c'est bien un ticket modérateur qui se glisse ainsi dans le régime des médicaments. Tous les médicaments dont les prix seront au-dessus des prix maxima fixés par le ministre, seront susceptibles d'être frappés d'un ticket modérateur. Plus les prix maxima seront bas, plus grand sera le nombre de médicaments frappés d'un ticket modérateur.

Et pourtant, le gouvernement a écarté sans équivoque il y a quelques mois, cette idée d'un ticket modérateur. Il faut dire toutefois que le gouvernement a agrémenté la notion de ticket modérateur d'une subtilité additionnelle. Car, non content de donner cette possibilité au ministre, le projet lui permet de rejeter l'odieux de la décision finale sur chaque pharmacien pris individuellement.

Le règlement sur les frais modérateurs, adopté le 22 juillet 1981 et publié dans la Gazette officielle du 19 août, nous indique que le gouvernement a bien l'intention d'agir en ce sens. De la sorte, il sera toujours possible de dire que c'est le pharmacien et non le gouvernement qui impose un ticket modérateur. Lorsqu'un pharmacien voudra prendre une telle responsabilité, il devra, selon nous, d'abord se faire élire à l'Assemblée nationale, mais dans son officine le pharmacien n'a pas à prendre une responsabilité que le gouvernement refuse d'endosser.

Deuxièmement, le paragraphe s.5 de l'article 23 du projet introduit un nouveau pouvoir réglementaire permettant de déterminer les conditions requises pour que le coût des médicaments soit assumé par la régie. À nos yeux, les bénéficiaires ont tout lieu d'être inquiets d'un tel pouvoir. Cela ouvre la porte à toutes les possibilités de restriction dans la couverture des programmes. Par exemple, il sera possible que certains médicaments ne soient remboursés que sur approbation préalable des fonctionnaires de la régie en fonction du diagnostic posé par le médecin. Déjà des mesures en ce sens nous ont été annoncées par le Conseil consultatif de pharmacologie et la Régie de l'assurance-maladie.

Il n'est question de mettre en doute ni la bonne foi ni la compétence des fonctionnaires de la régie, mais nous ne croyons pas qu'il leur appartienne de déterminer la médication requise par les patients. De plus, cette disposition du projet de loi donne au gouvernement des pouvoirs de réglementation tels que l'accessibilité aux médicaments dans le cadre des programmes gouvernementaux pourra rapidement rétrécir comme une peau de chagrin au gré, encore une fois, des objectifs financiers à court terme du gouvernement.

L'accessibilité aux soins de santé, qu'on avait pourtant érigée en droit fondamental, devient désormais monnayable. Bien sûr, nous sommes conscients que les coûts de la santé en général, et en ce qui nous concerne, le coût des programmes des médicaments, ont augmenté de façon assez spectaculaire au cours de la dernière décennie. Nous sommes conscients aussi qu'en cette période de restrictions budgétaires, il faut bien aller chercher des économies quelque part.

Mais, est-il bien nécessaire de suspendre des épées de Damoclès au-dessus de la tête des professionnels et des bénéficiaires, ainsi que le gouvernement se propose de le faire? (14 h 15)

Que le gouvernement cherche à améliorer la gestion du système québécois de santé, l'AQPP trouve cela hautement souhaitable. Que le gouvernement privilégie, pour ce faire, la voie législative et réglementaire, cela relève d'un choix politique qui lui appartient et dont il est responsable devant la population.

Nous ne saurions donc lui contester ce privilège, bien que nous nous réservions le droit de critiquer, le moment venu, les mesures spécifiques qui seront décidées en vertu des orientations choisies.

L'article 4 du projet de loi indique la volonté bien arrêtée du gouvernement de ramener le champ des ententes négociées avec les organismes représentatifs de professionnels de la santé aux seules conditions de travail. Accepterions-nous cette réduction du champ de négociation que nous aurions toutes les raisons d'être inquiets puisque par l'article 31 du projet, le gouvernement et le ministre, par leurs règlements, décrets et arrêtés, à l'avenir d'ordre public, pourraient unilatéralement modifier même nos conditions de travail.

Que le gouvernement bâillonne ainsi les associations de professionnels et qu'il nous enlève la possibilité de négocier avec lui lorsque ses actions auront un impact sur nos conditions de travail, cela est inacceptable.

On ne s'étonnera donc pas que l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires demande le retrait de l'article 31 du projet de loi qui vise à rendre d'ordre public la Loi sur l'assurance-maladie. C'est notre seule demande, mais on comprendra qu'elle ne se prête à aucun compromis.

Mes collègues et moi-même sommes maintenant à la disposition de la commission.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Des questions, M. le ministre?

M. Johnson (Anjou): Oui. Merci, messieurs, de votre mémoire. Je ne veux pas reprendre tout ce qu'on a évoqué depuis trois jours au niveau des articles sur le pouvoir de décret, etc. Je pense que les membres de la commission m'ont entendu le dire à peu près dix fois et je ne pense pas qu'ils le supporteraient une onzième fois, étant donné qu'on est à la fin de la commission. J'aurais quelques questions sur le fond de votre mémoire.

Vous représentez les pharmaciens propriétaires. On se demanderait pourquoi vous êtes en relation avec l'État. Vous êtes en relation avec l'État parce que, à un moment donné, il y a un gouvernement -celui qui nous a précédés, d'ailleurs - qui a instauré un programme permettant que des citoyens, assistés sociaux, notamment, puissent bénéficier de médicaments payés par la collectivité. Cela a fait, je pense - à moins que vous ne me fassiez une démonstration contraire, ce qui m'étonnerait un peu - augmenter essentiellement votre chiffre d'affaires et vos revenus parce que, s'il n'y avait pas eu ce programme de 150 000 000 $, cela ne se serait pas traduit par 150 000 000 $ de consommation de médicaments dont à peu près 50% sont afférents à des honoraires.

Pour regarder où on va et où on est, c'est toujours utile, je trouve, de regarder d'où on vient. On vient d'une époque, il n'y a pas si longtemps, où il n'y avait pas ce programme, où il n'y avait pas 50 000 000 $ ou 75 000 000 $ qui s'en allaient dans vos pharmacies, chez vos membres. En ce sens, vous comprendrez mes réactions, à l'occasion, quand je vois certaines affiches, dans certaines pharmacies ce temps-ci qui, au nom du bien commun et de l'intérêt des citoyens, visent carrément à faire oublier que vous avez 75 000 000 $ d'honoraires que vous n'aviez pas avant. C'est dans cette perspective que je voudrais qu'on mette certains bémols sur certaines de vos affirmations. Vous n'êtes pas dans un programme universel et la seule raison pour laquelle vous êtes en relation avec l'État est que l'État a consenti aux citoyens - c'est le rôle de l'État de prendre cette décision, des parlementaires et de l'Exécutif - un programme particulier qui coûte 150 000 000 $ aux "payeurs de taxes" du Québec dont la moitié s'en va en honoraires chez vous.

En ce sens-là, je me permettrai de vous dire que - vous pouvez avoir votre opinion là-dessus, comme tout groupe de citoyens intéressés - fondamentalement, c'est un ajout sur ce qui est votre commerce. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de contraintes, etc., mais c'est un ajout en termes absolus. C'est toujours important de redéfinir les choses, ce dont votre association ne semble pas avoir tenu compte récemment dans certaines réactions à la médiane et dans autre chose, mais, moi, je m'en suis rendu compte.

J'aurais une question sur les médicaments et la liste. Nous avons entendu l'ordre hier nous dire que c'est vrai, 2000 médicaments, c'était beaucoup, 4000, si on inclut les marques commerciales différentes mais 2000 substances, c'était beaucoup, alors qu'à certains endroits on s'en tire fort bien avec 600 ou 700. On a entendu vos collègues, pharmaciens également, mais qui sont eux pharmaciens d'établissements, qui travaillent dans un contexte clinique où leur rapport clinique est plus fréquent, évidemment, un peu par définition - c'est rare que les médecins vont dans les pharmacies, ils sont à l'hôpital assez souvent - nous dire que dans le fond, avec 600 ou 700 médicaments, ils considéraient que c'est ce qui se fait dans les hôpitaux et que les gens ne sont pas maltraités. Je voudrais peut-être vous entendre un petit peu sur l'extension de cette liste et son importance.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. Lévesque.

M. Lévesque (André): Voici.

Premièrement, M. le ministre, cela me laisse un peu perplexe, quand vous laissez entendre que le gouvernement, par ses programmes, fait presque une faveur aux pharmaciens de leur permettre d'exister. Même si cela ne fait pas 25 ans que je pratique la pharmacie, avant qu'on ait des programmes à frais partagés par l'État, les pharmaciens exerçaient leur profession et vivaient quand même assez décemment.

C'est bien sûr que, quand le gouvernement est entré dans le système et qu'il a couvert les médicaments pour les bénéficiaires de l'aide sociale et les personnes âgées, dans certaines régions spécialement cela a pu accroître un certain volume d'ordonnances. Mais je n'aimerais pas qu'on pose comme principe de départ que c'est une faveur qu'on a fait aux pharmaciens quand l'État est entré dans le champ, parce que nous aussi on rend un service. L'État nous paie pour un service qu'on rend à ses privilégiés, comme une compagnie d'assurance les paie pour ses assurés.

M. Johnson (Anjou): Cela m'apparaît important, je ne prétends pas que le gouvernement vous fasse une faveur, je vous dis juste que, s'il n'y avait pas ce programme, il y aurait moins d'honoraires qui

vous seraient versés, c'est une addition. Vous me dites que les pharmaciens avant ce programme vivaient fort bien, je n'en doute pas, tant mieux, je vous dis juste qu'on a simplement ajouté à ce confort des pharmaciens, et je pense qu'en termes de climat cela est important qu'on se comprenne bien. Ce programme n'ayant pas le caractère universel d'autres programmes dans notre système à l'égard d'autres types de professionnels, c'est un ajout à vos commerces, c'est aussi simple que cela. Encore une fois, je ne prétends pas que ce soit une faveur, il y a un service que vous rendez. S'il n'y avait pas de services que vous rendiez, on ne vous paierait pas des honoraires pour le faire. Je dis qu'en termes de volume, on ne niera pas, j'espère, que ce programme a augmenté le volume et le chiffre d'affaires de toutes les pharmacies du Québec. C'est simplement une affaire de fait, ce n'est pas un commentaire.

M. Lévesque (André): De toute façon, M. le ministre, je n'ai pas de chiffres pour prouver de combien l'apparition des programmes de santé défrayés par le gouvernement a augmenté le chiffre d'affaires des pharmaciens. C'est sûr que les personnes âgées avant consommaient quand même des médicaments même si cela ne leur était pas remboursé. La preuve, c'est que dans le moment les médicaments qui ne sont pas dans la liste, beaucoup de personnes âgées continuent à se les payer elles-mêmes. Donc, on n'est pas capable d'évaluer jusqu'à quel point la venue du système a augmenté la masse monétaire des pharmaciens.

Pour ce qui est du point auquel vous avez fait allusion tout à l'heure, à savoir le retrait de certains médicaments de la liste, je pense que l'AQPP en tant que personne morale a le droit de s'impliquer socialement au même titre que les autres syndicats.

Deuxièmement, nous avons mis sur pied un système d'assistance-médicaments au Québec, dont je pense que non seulement le gouvernement mais les citoyens eux-mêmes étaient fiers et je trouve qu'il serait malheureux qu'au cours des années, strictement pour des besoins budgétaires, on coupe dans la liste; un jour, on va se réveiller avec une liste de deux pages. Est-ce qu'on pourra encore défendre qu'on a un système d'assistance-médicaments? J'en doute fort. Cela va?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Sur le fond, j'aimerais vous entendre puisque vous dites avoir une responsabilité sociale. Je n'en doute pas. Tout le monde a le droit de s'exprimer. Je pense que votre association fait valoir certains points de vue et c'est parfaitement votre droit, mais sur le fond, de fait, il y a 2000 médicaments différents sur cette liste. Il y a 4000 marques différentes, alors que dans la plupart des pays, il y en a 500, 600 ou 700. Dans les établissements où les gens sont fort bien traités, il y en a 700. Est-ce que pour vous, - après tout, vous êtes des professionnels -est-ce que vous avez porté un jugement sur cela ou si vous pensez que c'est...

M. Lévesque (André): Les médicaments que vous avez retirés de la liste, je pense, vous les avez laissés disponibles dans les établissements de santé et dans les centres d'accueil, ce qui laisse entendre quand même que ce ne sont pas là des médicaments complètement inutiles et que si des personnes âgées dans des centres d'accueil ont droit à cette médication, je ne vois pas pourquoi les personnes qui viennent dans nos pharmacies, elles, n'y auraient pas droit ou celles qui demeurent à domicile. Au fond, ce sont elles qui coûtent le moins cher à l'État. Je ne vois pas pourquoi on les prive plus que celles qui demeurent en centre d'accueil ou ailleurs.

M. Johnson (Anjou): Je pense que cela provient du mécanisme. En établissement, les médicaments ont toujours été gratuits. C'est comme cela que fonctionne le système en vertu du régime instauré d'un bout à l'autre. Permettez que je termine. Deuxièmement, on n'empêche pas les gens d'acheter des laxatifs. S'ils veulent en acheter, ils peuvent en acheter, mais vous n'aurez pas d'honoraires professionnels parce qu'ils vont l'acheter au comptoir. C'est aussi simple que cela.

M. Lévesque (André): C'est une question de pouvoir d'achat des bénéficiaires. On n'est pas capable d'évaluer dans le moment quels sont les bénéficiaires qui auront les moyens de se les payer, comme vous dites.

M. Johnson (Anjou): Ah bon! Cela me ramène à la première affirmation que je faisais à ce moment-là quand je dis que je présume que ce programme a augmenté de façon considérable, d'une façon sûrement qui est sensible à notre chiffre d'affaires, parce que vous dites: Si vous retirez ces médicaments, les gens ne l'achèteront pas. Donc, je dois présumer qu'avant le programme ils n'en achetaient pas non plus. S'ils n'en achetaient pas avant le programme, est-ce que oui ou non cela a augmenté vos chiffres d'affaires?

M. Lévesque (André): Je n'ai pas dit que les gens ne les achèteront pas. J'ai dit que je ne pouvais pas évaluer combien d'entre eux ont les moyens de les acheter. Il y a sûrement des gens qui vont continuer à

se les payer pareil. C'est pour ça que je dis que pour nous cela n'a pas été une bataille de gros sous parce que, possiblement, on va continuer à vendre les mêmes médicaments aux gens. Dans quelle proportion? Il y a ça, mais il y a sûrement des gens de l'aide sociale dont les revenus sont trop bas et qui ne pourront pas, eux, se les payer, mais je ne suis pas capable d'évaluer le pourcentage de ces gens. Il y a sûrement beaucoup de personnes de 65 ans et plus qui, elles, vont sûrement avoir les moyens de se les payer encore.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je remercie l'Association québécoise des pharmaciens...

M. Larouche (Daniel): Un instant!

Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse. Un complément de réponse ou...

M. Larouche: ... additionnel, si vous voulez, dans le cadre de ce que le ministre...

Le Président (M. Bordeleau): Si vous voulez bien vous identifier d'abord.

M. Larouche: Daniel Larouche. Je suis l'économiste.

M. le ministre a parlé d'augmentation de volume tantôt à plusieurs reprises même et je pense que nul ne saurait contester effectivement qu'il y a eu augmentation de volume. Après tout, c'était justement un des objectifs de la mesure en question. C'était d'accroître l'accessibilité et qui dit accroissement d'accessibilité dit forcément que s'il y a un problème de ce côté à l'origine dit forcément accroissement de volume. Donc, il y a eu accroissement de volume, mais donc, personne ne peut invoquer la surprise devant ce phénomène. J'aimerais ajouter une autre remarque à cela. Finalement, il a été assez peu question - s'il en a été question, si on a pu voir cela dans le mémoire ici aujourd'hui - il n'a été aucunement question du pouvoir du gouvernement d'allonger ou de réduire la liste. En tout cas l'association ne fait aucune demande, aucune recommandation là-dessus.

M. Johnson (Anjou): Très bien...

M. Larouche: L'association ne conteste pas ici aujourd'hui le droit du gouvernement d'allonger ou de rétrécir la liste, absolument pas.

M. Johnson (Anjou): Aujourd'hui? D'accord. Je veux dire, elle l'a fait récemment à l'occasion de... Mais ça, c'est une autre affaire. D'accord.

M. Larouche: C'était de l'information.

M. Johnson (Anjou): Ah bon! Très bien. C'est parce que j'aime ça qu'on établisse bien clairement les rôles et ce qu'on fait tous là-dedans. Ce que j'essaie de dire, c'est que votre mémoire qui soulève une couple de questions importantes, je pense, sur le plan juridique, n'explicite pas une chose; c'est que le programme gouvernemental touche 14% de la population. Ce n'est pas un programme universel. C'est absolument partiel et ça, je pense que ça change la nature même de la relation qui existe entre les gens que vous représentez comme association et l'État, contrairement à ce qui se passe chez les médecins, par exemple. (14 h 30)

Cela m'apparaît assez fondamental, mais si cela était marqué en lettres très claires au début, on pourrait peut-être moduler beaucoup de choses qu'on retrouve dans votre mémoire. C'est simplement un commentaire que je voulais qu'on fasse pour les membres de la commission, qui peuvent être éclairés de ma part, comme ils le sont pas vous et votre mémoire. C'est tout, c'est simplement cela, je peux peut-être permettre à ma collègue d'intervenir.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.

M. Larouche: Je voudrais juste poser une petite question. C'est...

Le Président (M. Bordeleau):

Normalement, ce sont les gens de la table qui posent des questions, remarquez, je ne veux pas vous empêcher de parler mais...

M. Larouche: Je veux avoir un éclaircissement dans ce cas-là.

Le Président (M. Bordeleau): Allez-y.

M. Larouche: En quoi est-ce que la nature universelle ou partielle d'un programme change fondamentalement la relation entre l'État et le professionnel qui rend les services?

M. Johnson (Anjou): Cela change au sens où votre revendication est une revendication économique, que je reconnais. Vous avez le droit d'avoir une revendication économique, c'est pour cela que vous avez une association. Ce programme, j'en regarde l'évolution depuis 1977; il est passé de 71 000 000 $ à 148 000 000 $, c'est pas mal plus vite que l'inflation. Je sais qu'il y a à peu près 50% de cela qui s'en va sous forme d'honoraires aux professionnels que vous représentez et j'affirme que votre revendication - puisque votre mémoire est revendicateur à cet égard - doit s'inscrire

dans la réalité, cette réalité. C'est celle d'une évolution assez remarquable de ce programme qui touche 14% de la population et qui émarge au budget de l'État pour tout près de 150 000 000 $ à un rythme de progression qui l'a fait doubler en moins de quatre ans. Il m'apparaît normal que ces choses soient remises en perspective.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.

Mme la députée de l'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier l'association et je voudrais nous excuser auprès de ses représentants pour le fait qu'on les ait fait attendre toute la journée hier et qu'on les ait remis à aujourd'hui. Ils l'ont accepté de bonne grâce, pour nous accommoder, parce qu'on aurait probablement fini à 2 heures et demie au lieu de finir à une heure et quart.

À tout événement, évidemment, tous les professionnels qui sont venus ici devant nous et qui oeuvrent dans le secteur privé, a priori, on se dit toujours, ou les gens semblent insinuer qu'ils n'ont pas de conscience sociale. Je pense que le ministre - cela ne veut pas dire que je suis d'accord avec tout ce qu'il y a dans votre mémoire -est entré sur un terrain glissant. Quand M. Lévesque a fait valoir la question de l'accessibilité, aux bénéficiaires démunis, de certains médicaments, ce qu'il ne faut pas oublier, M. le ministre - ce n'est peut-être pas vous qui en êtes responsable - c'est qu'à un moment donné votre gouvernement, pour des raisons qui étaient certainement, en partie, des raisons de rentabilité électorale, a décidé d'ajouter, au troisième tiers, des personnes âgées qui n'étaient pas couvertes, qui ne recevaient pas la gratuité des médicaments, et de les couvrir. Fort bien. Là-dessus, j'aimerais avoir une opinion, plus tard, des pharmaciens. Il semble bien, selon les statistiques que l'on obtient, que ce soit ce troisième tiers qui utilise le plus les médicaments gratuits. Aujourd'hui, les pharmaciens viennent nous dire que, dans un contexte économique difficile pour le gouvernement, on décide de retirer juste à ce moment-ci une série de médicaments qui ne sont peut-être pas les plus essentiels - il ne s'agit pas d'antibiotiques, il ne s'agit pas de choses comme cela - mais qui, quand même, sont retirés non pas uniquement à ceux qui peuvent se les procurer, mais à la population qui avait accès à la gratuité. Ils sont retirés à des bénéficiaires qui, ou ne pourront pas se les payer ou, s'ils se les paient, le feront au détriment d'autres choses qui leur seraient tout autant essentielles. Il faut bien se rappeler que pour les bénéficiaires de l'aide sociale ou les personnes âgées qui ont des revenus très bas - là-dessus, personne ne se chicanera - pour eux, qu'on n'ait gardé, par exemple, aucun produit laxatif - apparemment, il y en avait une série qu'on a éliminée totalement, alors que l'Ontario les donne encore gratuitement à ces personnes âgées... Je sais que le ministre va me rétorquer qu'on a une liste moins longue en Ontario, mais ce n'est pas la question, car la question de la liste, je l'ai abordée tout à l'heure avec les autres pharmaciens...

M. Johnson (Anjou): C'est fondamental.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais là, c'est un dénominateur commun, si je comprends ce qu'un dénominateur commun veut dire au plan d'une liste de médicaments qui ont été enlevés. On n'entendra pas le personnel du réseau s'en plaindre puisqu'il leur est encore accessible, me dit-on ou selon ce que j'ai cru comprendre, alors que ceux qui n'y ont pas accès par le truchement du réseau, c'est-à-dire les centres d'accueil, devront se les payer eux-mêmes. Je pense qu'il y a là un problème réel. Je ne me prononce pas à savoir si c'est la bonne liste ou si on aurait dû en enlever moins ou plus, mais je pense qu'il y a une question fondamentale qui se pose et qu'on n'a jamais posée directement au gouvernement, parce que l'occasion ne s'est pas présentée.

Évidemment, il ne faut pas toujours nécessairement voir dans ces questions des intérêts spécifiquement économiques ou financiers de la part des personnes qui les posent. Moi, je la pose et je n'ai pas d'intérêt économique, je peux vous l'assurer, dans cette question. Ceci étant dit, j'aimerais que vous m'explicitiez un peu l'article 5. Vous dites: On introduit, par le truchement de l'article 5, un ticket modérateur. Je pense que cela a été signalé par le groupe qui vous a précédés, et on ne pouvait certainement pas l'accuser d'avoir des intérêts économiques.

Mais pour l'article ... saisir, ce qui lui a été ajouté, et vous reliez cela à l'entente, c'est que dans l'entente... Écoutez, par le pouvoir, à l'article 31, que le ministre se donne de réviser une entente, il pourrait modifier en cours d'entente ce qui aurait été convenu à l'article 4. Est-ce que vous pouvez expliciter ce sujet? Est-ce que j'ai bien compris cela? C'est l'argument en général sur 31. Si l'article 31 était enlevé, disons, ou modifié, est-ce que vous auriez encore cette même préoccupation par rapport à l'ajout qui a été fait ou à la modification qui a été apportée dans l'article 2? Je veux essayer de bien comprendre.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Lévesque.

M. Lévesque (André): Disons que pour nous, c'est vraiment l'article 3 qui est la

pierre d'achoppement. Parce qu'une fois l'article 31 enlevé, il nous sera loisible de négocier avec le gouvernement.

Mme Lavoie-Roux: Ah bon! Alors, c'est dans le sens du temporaire que ceci pourrait avoir en fonction de l'article 31. C'est la seule chose...

M. Lévesque (André): C'est parce que l'article 31 vient éliminer...

Mme Lavoie-Roux: Intervenir en cours d'entente.

M. Lévesque (André): Oui, il vient rendre caduques toutes nos ententes, en fait.

Mme Lavoie-Roux: Alors, s'il était modifié à ce moment, cette objection ne résisterait pas...

M. Lévesque (André): On pourrait s'accommoder des autres dispositions du projet de loi, si l'article 31 n'était pas là parce qu'au moins, on aurait la possibilité de négocier des ententes, de se prémunir dans ces ententes contre les effets de certains articles et d'avoir une certaine survie d'une entente à l'autre. Tandis qu'avec l'article 31 on est dans une insécurité totale, parce que le ministre et le gouvernement se gardent le pouvoir d'intervenir à n'importe quel moment par différentes mesures, soit au niveau de la liste, soit au niveau de la fixation des prix maximaux, soit au niveau des frais modérateurs que le pharmacien pourra percevoir, soit de la catégorie de bénéficiaires qui pourra en être exonérée, sur les modes de perception de ces frais, etc. Alors, on se trouve dans une complète insécurité au cours de nos ententes, avec l'article 31.

Mme Lavoie-Roux: C'est vraiment l'article 2 et l'article 5 que vous vouliez, le 2 relié à l'article 31, porter à notre attention.

Il y a une question que j'aimerais vous poser. C'est la seule, je finirai ensuite par un commentaire. Je me préoccupe quand même - je pense que tout le monde s'en préoccupe - de la question de la surconsommation des médicaments. Je voudrais savoir comment, comme association, volontairement évidemment, vous prenez des mesures pour l'éducation du public dans ce sens. C'est vrai que des pharmaciens moins consciencieux pourraient avoir uniquement intérêt à en vendre le plus possible. Il reste que vous avez aussi une responsabilité sociale, d'abord, vis-à-vis des coûts et, ensuite - oublions ceux pour qui l'État paie, parlons de ceux qui paient - vis-à-vis de l'état général de la santé des citoyens. Je pense que dans votre formation, il y a certainement cette dimension.

Est-ce que, au niveau de l'éducation, vous prenez des mesures ou des moyens pour remplir cette dimension sociale de votre profession?

Le Président (M. Bordeleau): M.

Lévesque.

M. Lévesque (André): Disons qu'au cours des dernières années l'AQPP a endossé à 100% toutes les actions qui ont été entreprises par l'Ordre des pharmaciens pour améliorer la qualité de services des pharmaciens.

M. Johnson (Anjou): Pardon?

M. Lévesque (André): J'ai dit que toutes les actions...

M. Johnson (Anjou): Rapprochez le micro le plus possible. Merci.

M. Lévesque (André): ... qui ont été entreprises par l'Ordre des pharmaciens dans les dernières années, qui a pour mission de protéger la santé publique, comme vous le savez ont été endossées à 100% par l'AQPP. Nous avons même, lors de nos congrès, tenu des journées d'étude, nous avons même envoyé à nos membres, à nos frais, des cassettes sur différentes médications, sur des bêta-bloquants, sur toutes sortes de choses; nous avons même débordé notre champ d'activité, à un moment donné, pour que les pharmaciens soient mieux renseignés et pour qu'ils donnent des services pharmaceutiques de meilleure qualité.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Maintenant, est-ce que je me trompe en disant - je ne sais pas si c'était l'initiative de quelques pharmaciens ou d'un certain groupe - que dans certaines pharmacies, quand on vous vend un médicament ou qu'on vous remplit une prescription, attachées à la prescription - je me demandais de qui venait l'initiative -il y a des indications précises - non pas les recommandations "deux fois par jour, le matin ou le soir" - quant aux effets de cette médication, ce qui est une forme éducative en soi?

M. Lévesque (André): L'Association des pharmaciens propriétaires met à la disposition de ses membres ce qu'on appelle des feuillets d'information à remettre aux patients lors de la délivrance de l'ordonnance. C'est même l'AQPP qui est à l'origine de ce genre de dépliants. C'est nous qui avons initié la mesure pour que les pharmaciens informent les patients des contre-indications de différents médicaments, la façon optimale de les absorber. C'est nous qui avons été initiateurs de ces dépliants que

vous retrouvez dans les pharmacies et que les pharmaciens remettent à leurs patients lors de l'exécution de l'ordonnance. C'est l'une de nos préoccupations.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ceux qui s'en servent sont assez nombreux?

M. Lévesque (André): Je crois que c'est de plus en plus répandu. La pharmacie a beaucoup évolué ces dernières années et dans le bon sens.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

M. Lévesque (André): Je vous remercie, madame.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): J'ai deux questions; d'abord, une assez générale. Le fond de votre mémoire semble vouloir nous amener à changer quelque chose. Peut-être que cela explique le début de nos échanges. Le fond de votre mémoire semble vouloir rattacher le montant de revenu des professionnels que vous êtes, dans le cadre de l'application d'un programme qui couvre 14% de la population, à une négociation sur le prix des médicaments. Vous parlez beaucoup du prix des médicaments dans votre mémoire et vous dites: Là, le gouvernement pourrait modifier le prix plafond alors que cela a toujours été sur les honoraires professionnels qu'on a fait jouer cela. Est-ce que je dois comprendre que vous voulez... Ce qui est très différent de ce qui a toujours existé jusqu'à maintenant.

M. Lévesque (André): Je pourrais l'expliquer, mais je pense que notre économiste va le faire d'une façon encore plus savante.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Larouche.

M. Larouche: Je ne pense pas qu'il ait été question de négocier le prix du médicament dans le mémoire. Reste un fait, le service que rend le pharmacien est attaché à un bien, ce qui complique un peu la chose. Lorsque l'honoraire est négocié, il est, bien sûr, négocié en se basant sur un ensemble de données qui sont censées refléter les coûts de fonctionnement d'une pharmacie et les frais généraux d'une pharmacie. Des manipulations à la liste pourraient, tout comme des changements dans les méthodes de fixation des prix, avoir un impact sur les pratiques du pharmacien, que ce soit au niveau de ses méthodes administratives, que ce soit au niveau de ses approvisionnements et de ses politiques d'inventaire. (14 h 45)

Que voulez-vous? Un pharmacien, tout professionnel qu'il soit, est pris avec des contraintes de type commercial ou des préoccupations de type commercial de par sa gestion. Cela change donc les paramètres qui servent de base à la négociation d'honoraires. Donc, sans changer la valeur nominale de l'honoraire, les modifications à la liste peuvent changer tout ce qui a servi de base à la négociation d'honoraires et, ainsi, modifier l'honoraire réel net perçu par le pharmacien.

Je vous donne un exemple très concret qui est justement la médiane qui doit entrer en vigueur le 1er janvier. On a calculé à l'association que les coûts engendrés par les modifications à la pratique rendues nécessaires par l'adoption de la médiane seraient d'environ 0,24 $ par ordonnance délivrée dans le cadre du programme. Vous allez me dire: C'est peut-être moins, c'est peut-être plus. Vous allez peut-être me dire que ce n'est pas vrai. D'ailleurs, on a entrepris des négociations avec les représentants du ministère là-dessus, parce que maintenant la loi et l'entente nous le permettent.

Peut-être que ce n'est pas vrai. Peut-être que c'est 0,15 $. Peut-être que c'est 0,24 $, mais il reste une chose: il y a matière à discussion là-dessus. Il y a donc matière à négociation là-dessus. Or, ce que les amendements proposés à la loi provoqueraient, c'est que, matière à discussion ou non, il n'y aurait plus matière à négociation. Donc, c'est dans ce sens qu'il y a un lien à établir entre la gestion de la liste des médicaments, la gestion des modalités qui s'y rattachent et les conditions de travail du pharmacien, notamment l'honoraire professionnel. C'est dans ce sens-là et c'est ça, le sujet fondamental des préoccupations du pharmacien. Il n'est donc pas vraiment question de négocier la liste des médicaments, quoique, éventuellement, on pourrait explorer d'autres façons.

M. Johnson (Anjou): Je reviens à votre texte sur deux choses. Vous dites à la page 4: "Ainsi, la rémunération du pharmacien dans le cadre des programmes gouvernementaux est en partie négociée et en partie fixée unilatéralement par le gouvernement". Le prix des médicaments ne fait pas partie de la rémunération. Je comprends mal.

M. Larouche: Si l'industrie du médicament et l'industrie de distribution du médicament étaient structurées de sorte que chaque pharmacien, quelles que soient ses habitudes d'achat, quel que soit son volume d'affaires, réussisse à se procurer tel médicament pour un prix donné et que ce

prix soit identique au prix qu'on trouve dans la liste, on ne pourrait pas parler de rémunération du pharmacien. C'est le monde idéal qui ne souffre aucune imperfection. Maintenant, il y a des imperfections. Autour des prix de la liste, dans la réalité quotidienne du pharmacien, il existe des variations. Certains pharmaciens sont avantagés, d'autres moins. D'autres seront désavantagés dans certains cas. Cela introduit au grand dam de tout le monde, d'ailleurs - parce que j'entends souvent des commentaires du conseil consultatif de pharmacologie, à la régie ou au ministère et du côté des pharmaciens c'est aussi dérangeant, si je peux m'exprimer ainsi - des possibilités de rémunération additionnelle sur le médicament comme tel. C'est un fait. Je pense que cela n'a jamais été nié par les pharmaciens. Cela offre un élément supplémentaire d'insécurité chez le pharmacien compte tenu du système.

M. Johnson (Anjou): Je vais revenir là-dessus, parce que c'est assez fondamental, je pense. Je relève dans votre mémoire beaucoup de choses qui ont trait à cela. C'est une approche qui nous surprend quand vous dites notamment: "L'article 2 du projet de loi qui vise à modifier l'article 4 de la loi donnerait au ministre le pouvoir non seulement de dresser la liste des médicaments, mais aussi de déterminer la méthode de fixation des prix." Je vous le dis, il l'a toujours eu. La loi 27 vient simplement baliser ça. Et il y a toute une notion derrière ce que vous venez de dire, un peu comme si la relation qui existe entre le gouvernement et les membres de votre association, pouvait prendre le caractère d'une subvention à la dimension commerciale de l'opération. La notion du prix et de l'achat en volume, etc... J'espère que le gouvernement ne viendra pas expliquer aux pharmaciens qui font du commerce comment lui pourrait avoir un meilleur "deal" avec telle compagnie, etc. Cela ne regarde pas le gouvernement. On ne veut pas subventionner les opérations commerciales. La relation qui existe entre le gouvernement et vos membres, c'est de payer pour les gestes, au nom du fait qu'ils sont des professionnels dans le cadre d'un programme d'accès pour 14% de la population, à certains médicaments. C'est tout cela, l'esprit dont je parle dans votre mémoire, et qui précédait les remarques préliminaires que j'ai faites tout à l'heure à la suite de votre exposé.

Il y a un programme qui ne représente qu'une fraction de la population, qui ne représente, vous nous l'avez dit, qu'une fraction de votre activité, et dans lequel nous intervenons et nous reconnaissons le titre de professionnels que vous avez, la nécessité de payer les actes professionnels posés par vos membres, alors que la philosophie qui sous-tend cela, c'est que ça devient une politique presque de rémunération à l'égard d'une "entreprise" ou de subvention à l'égard d'une entreprise. Je pense que cela devrait relever de la SDI et non pas de la RAMQ. C'est vraiment au titre que vous êtes des professionnels qui intervenez, encore une fois, dans un processus qui n'implique qu'une partie de la population pour une partie de vos activités. Cela me semble compliquer considérablement la relation entre l'État et les pharmaciens si on se met à faire entrer en ligne de compte tout le processus de fixation des prix au niveau des compagnies. Je vous dirai d'ailleurs que je pense qu'il y a une partie de cela qui serait peut-être inconstitutionnelle dans la mesure où on pourrait entrer dans des détails qui nous amènent dans le commerce interprovincial. On n'a pas l'intention de faire cela. En tout cas, je trouve que l'approche est complexe; je ne pense pas qu'on règle cela ici à la table, et j'ai l'impression que nos gens vont être obligés de se parler un peu dans d'autres forums. Je veux simplement vous rappeler cela.

Finalement sur une question de fond, qui m'apparaît fondamentale, il y a un article que vous soulevez, l'application de l'article 31 de l'article 5. On dit à l'article 5, il ne s'agit pas d'introduire au-delà du ticket modérateur qui était déjà prévu dans le chapitre 48 des lois de 71, il s'agit simplement d'asseoir, à l'article 5, ce qui permet de mieux encadrer l'arrêté en conseil qui touche la médiane. On l'a fait en vertu du ticket modérateur du chapitre 48 et on précise que ce n'est pas un ticket modérateur, ce sont des frais additionnels. Je pense qu'il faut être plus limpide.

Mais ce qu'on dit à l'article 5 c'est, par addition à la fin du quatrième alinéa qui suit: "Cependant un pharmacien peut exiger la différence entre le prix du médicament indiqué à la liste et le montant dont la régie assume le paiement dans les cas, condition et circonstance prescrits."

Vous voudriez voir là, "doit exiger la différence", si je comprends bien. Parce que vous parliez tout à l'heure du gouvernement qui va faire peser l'odieux sur le professionnel dans chaque cas individuel, d'expliquer... J'aimerais vous entendre clairement sur ça. C'est quoi la différence entre "peut" et "doit".

Le Président (M. Bordeleau): Un instant. Je veux juste faire part à tous les membres de la commission qu'il y a une commission qui va siéger à 15 heures. Donc, je demanderais à tout le monde d'être le plus concis possible. Mais monsieur...

M. Trudel (Claude): Bien M. le Président. Oui, Claude Trudel, conseiller

juridique de l'association. Pour répondre à la question qui est posée, je pense qu'en fait, dans un premier temps, c'est vrai que l'article 5 du projet de loi était nécessaire à compter du moment où le gouvernement n'assume, à ce moment-là, qu'une partie. Par exemple, disons dans le système du prix médian, pour certains médicaments, la régie n'assume qu'une partie du coût. C'est bien sûr qu'à ce moment-là c'était nécessaire qu'on ajoute un alinéa ou une phrase pour permettre aux pharmaciens de réclamer la différence, dans les cas évidemment où c'est permis. Parce que si on ne l'avait pas ajouté, à cause du texte actuel, il est bien dit qu'un professionnel de la santé ne peut pas réclamer plus que ce qui est prévu dans une entente. Parfait. Je pense qu'il faut quand même lire l'article en question, avec également, le pouvoir de réglementation qui est accordé à l'article 23 du projet qui remplace le paragraphe f actuel par un nouveau paragraphe f et qui donne des pouvoirs de réglementation pour non seulement fixer le montant des frais payables, mais fixer également par règlement les modalités de perception et les cas, également, d'exonération. Je pense que c'est un pouvoir quand même assez large. De toute façon, quand on parle du "peut" ou du "doit", on peut bien, et ça, je pense que ça peut être... Évidemment, on pourrait discuter longtemps, mais l'association peut bien dire pour un certain nombre de raisons que s'il y a un supplément de prix, le pharmacien, tous les pharmaciens pourraient être tenus ou devraient être tenus de le réclamer. Cela peut être pour empêcher, à ce moment-là, une certaine discrimination entre des pharmacies de différentes tailles et aussi pour empêcher que le bénéficiaire s'en prenne, à toutes fins utiles, concernant le ticket modérateur non pas à l'État qui l'a décidé, mais au pharmacien qui, lui, à ce moment-là sera dans la situation... Certains pharmaciens diront: Moi, je ne le réclame pas, à toutes fins utiles, le ticket modérateur et d'autres devront le réclamer sinon, ils auront des problèmes financiers.

En négociation, on décide, à ce moment-là, d'écrire une règle et de dire: Lorsqu'il y aura des frais modérateurs qui seront fixés par l'État - et l'État fixera des frais modérateurs ou non, cela ne nous regarde pas - lorsque l'État décidera à ce moment-là de fixer des frais modérateurs, tous les pharmaciens devront les réclamer comme condition de paiement par la régie.

M. Johnson (Anjou): ...

M. Trudel: Seulement pour compléter: On avait une règle semblable qui avait été négociée en 1972 avec le gouvernement, qui s'est toujours répétée d'une entente à l'autre et sans qu'on ne nous consulte, sans qu'on nous dise rien, on sort un règlement qui vient dans le fond, aujourd'hui, détruire le principe même de cette règle 13 qui avait été négociée.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre, si vous voulez finir, j'ai une question de Mme la députée de Johnson.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai pris bonne note de cela, je pense que c'est un débat intéressant qui s'amorçait, mais on en voit les tenants et aboutissants avec l'exposé de M. Trudel. Nous aurons l'occasion, je pense, en cours de route, d'en reparler, mais comme cette salle doit servir pour une autre commission parlementaire dans exactement une minute, je pense que nous allons malheureusement être obligés de mettre fin à nos exposés.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: J'avais une toute petite question.

Le Président (M. Bordeleau): Allez-y.

Mme Juneau: C'est parce que Mme la députée de L'Acadie mentionnait tout à l'heure les laxatifs. J'aurais voulu avoir une petite précision là-dessus, parce que j'ai su qu'ils avaient été enlevés de la liste. Certains médicaments, par exemple, le Metamucil ou quelque chose du genre, ne sont pas indispensables à la vie. À ce que j'ai su, le médicament se vendrait environ 3,60 $ et les frais professionnels des pharmaciens seraient de 3 $. Est-ce exact qu'une personne pourrait prendre, peut-être, par année, au maximum une bouteille par mois, ce qui équivaudrait à 43,20 $ et qui coûterait à l'État 36 $ pour les frais professionnels? Et, si c'est un bénéficiaire de l'aide sociale, en fin de compte, cela coûte 79,20 $. Je trouve que cela coûte très cher pour dire que ce n'est vraiment pas un médicament qui est indispensable et qui ne peut pas se le payer... Je ne sais pas, il me semble toujours. J'aimerais que vous me disiez si cela est exact.

M. Lévesque (André): Disons, quand vous parlez de 3,60 $, que cela est le prix coûtant du Metamucil facturé à la Régie de l'assurance-maladie. Est-ce exact?

Mme Juneau: Je n'ai pas compris, je m'excuse.

M. Lévesque (André): J'ai dit: Quand vous parlez de 3,60 $, cela est le prix coûtant du Metamucil facturé à la Régie de l'assurance-maladie. D'accord? Là-dessus, c'est bien sûr, il y a des honoraires négociés

de 3 $ qui sont ajoutés. Ceci fait 6,60 $ par mois, si je ne m'abuse, pour un patient qui en prend une bouteille par mois.

Supposons qu'on dit que le pharmacien vend le Metamucil au comptoir, il va sûrement se garder une marge de profits qui ne peut pas être en bas de 30%, parce qu'en bas de cela, il n'y a pas de pharmacies rentables. Alors, il va sûrement le vendre autour de 5 $, 5,25 $ ou quelque chose du genre. La différence n'est pas aussi énorme que celle que vous mentionnez. (15 heures)

De toute façon, nous, les pharmaciens, je peux vous dire qu'avant le retrait des médicaments de la liste, nous n'avons pas été consultés. Il est fort possible que, si nous l'avions été, nous aurions eu des solutions à proposer au gouvernement. Peut-être des méthodes autres de dispenser ces médicaments-là, peut-être des façons différentes de calculer l'honoraire en fonction de ces médicaments-là, mais nous n'avons pas été consultés, nous avons été tout simplement placés devant un état de fait. Et, quand vous parlez d'honoraires, qu'un honoraire de 3 $ vous paraît élevé pour dispenser un flacon de Metamucil, je dois vous dire que, lorsqu'on vend cent Tagamet qui nous coûtent 25,50 $, c'est aussi 3 $. Alors, il faut bien voir l'honoraire du pharmacien selon une moyenne.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, je remercie les représentants de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires.

M. Johnson (Anjou): Pas de remarques finales... J'en aurais eu, mais si vous voulez qu'on s'en dispense...

Le Président (M. Bordeleau): On va reporter cela en deuxième lecture. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Les remarques finales que je ferais seraient malicieuses, alors je vais m'en dispenser. Mais malicieux, ce n'est pas mauvais.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, je voudrais remercier les membres de la commission parlementaire des affaires sociales et je demanderais au rapporteur de faire rapport à l'Assemblée que la commission des affaires sociales ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 15 h 02)

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