L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'aménagement du territoire

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'aménagement du territoire

Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le vendredi 26 octobre 2001 - Vol. 37 N° 19

Interpellation : La crise du logement


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Dix heures quatre minutes)

La Présidente (Mme Doyer): La commission de l'aménagement du territoire se réunit à l'occasion de l'interpellation, par la députée de La Pinière, de la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole sur le sujet suivant: La crise du logement.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Charest (Rimouski) est remplacée par Mme Blanchet (Crémazie); M. Duguay (Duplessis) est remplacé par M. Lachance (Bellechasse); M. Laprise (Roberval) est remplacé par M. Bertrand (Portneuf); et M. Cholette (Hull) est remplacé par Mme Houda-Pepin (La Pinière).

La Présidente (Mme Doyer): Merci. Alors, je me permets de rappeler brièvement le déroulement d'une séance d'interpellation. Dans un premier temps, la députée de La Pinière, qui a demandé l'interpellation, aura un temps de parole de 10 minutes, suivie de la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole pour également 10 minutes. Par la suite, des périodes de cinq minutes seront allouées selon l'ordre suivant: un député de l'opposition, suivi de la ministre, suivie d'un député du groupe ministériel. Vingt minutes avant la fin de la séance, j'accorderai une période de 10 minutes de conclusion à la ministre et un temps équivalent à la députée de La Pinière.

Alors, sur ce, sans plus de préambule, je laisse la parole à la députée de La Pinière pour une première période de 10 minutes.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Auparavant, étant donné que nous avons commencé avec quelques minutes de retard et que nous avons, dans une interpellation, une enveloppe de deux heures, est-ce que, par consentement, la ministre accepterait qu'on déborde le midi?

La Présidente (Mme Doyer): Oui, Mme la députée de La Pinière, je vais m'assurer que l'interpellation dure deux heures, tel que prévu.

Exposé du sujet

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, tout d'abord, je voudrais saluer la ministre et les collègues députés qui se sont déplacés pour participer à cette interpellation. Je salue également le personnel administratif et politique qui accompagne la ministre. Je suis, de mon côté, accompagnée par Me Luc Archambault, du service de recherche à l'aile parlementaire libérale, que je remercie d'ailleurs pour son soutien. Je salue également tous les partenaires de l'habitation au Québec ? et ils sont très nombreux ? notamment les organismes communautaires et coopératifs ainsi que les associations de propriétaires et les offices municipaux d'habitation qui oeuvrent, chacun dans son domaine, à soulager la crise du logement, car, si nous sommes réunis ici aujourd'hui, Mme la Présidente, autour de cette interpellation, c'est bien parce qu'il y a une crise de logement, une crise sans précédent au Québec, particulièrement dans les grands centres urbains de la région de Montréal, Hull et Québec.

Je voudrais souligner d'entrée de jeu que j'aborde cette interpellation en mettant de côté toute partisanerie politique. Je ne souhaite pas que ce débat se fasse sur le dos des démunis et des mal logés. La crise du logement est réelle, elle est vécue dramatiquement par des milliers de familles au Québec. Je le fais par respect pour ceux et celles qui ont des difficultés à trouver un logement, pour ceux et celles qui doivent défrayer jusqu'à 50 % de leurs revenus pour se loger; par respect pour les organisations et les bénévoles qui se dévouent au service des locataires; par respect pour les partenaires qui travaillent à bâtir des coopératives; par respect pour ceux et celles qui se cassent la tête à tous les jours pour trouver un toit à des personnes âgées en perte d'autonomie; par respect pour les milliers de propriétaires privés qui ont contribué au développement du parc immobilier du Québec et qui sont aujourd'hui aux prises avec un marché déséquilibré où les relations entre propriétaires et locataires se sont dramatiquement détériorées.

Ce débat sur la crise du logement est important. Il est important à bien des égards. Je pense, entre autres, à toutes ces femmes monoparentales, ces familles à faibles revenus, ces personnes âgées en perte d'autonomie et ces nouveaux arrivants qui aspirent à avoir un logement décent et une certaine qualité de vie. J'invite donc la ministre à profiter de cette occasion pour faire avancer le débat en nous précisant ses orientations et ses engagements.

Je tiens à préciser également que, par solidarité avec les mal logés et les sans-logis, je voudrais assurer la ministre de l'appui de l'opposition officielle pour parler d'une seule voix, afin d'aller chercher à Ottawa les ressources dont nous avons besoin pour nous aider à mettre de nouvelles unités de logement sur le marché locatif tout en améliorant la qualité du parc locatif existant. Des négociations sont en cours entre le gouvernement fédéral et les provinces pour les transferts des budgets de l'habitation. On sait que, depuis 1994, le gouvernement fédéral s'est retiré de la construction de nouvelles unités de logement social. Il contribue cependant à hauteur de 340 millions de dollars par année au financement de l'habitation au Québec.

Les groupes impliqués dans le dossier de l'habitation s'entendent pour dire qu'il faut arrêter de prendre les démunis en otage, qu'il faut éviter les guerres de drapeaux et amener tous les niveaux de gouvernement à travailler ensemble à résoudre la crise du logement. J'adhère entièrement à ce principe. Il faut garder à l'esprit les intérêts supérieurs du Québec, et l'intérêt supérieur du Québec commande que, comme parlementaires, nous puissions faire tout ce qui est humainement possible pour mettre fin à cette crise. J'invite donc la ministre à faire preuve de diligence, de bonne foi, dans ses négociations avec le fédéral pour aller chercher l'argent dont nous avons besoin et aider ainsi nos mal logés et les sans-logis du Québec.

n (10 h 10) n

Pour démontrer le sérieux de l'opposition officielle par rapport à ce dossier, permettez-moi de vous rappeler que, dès que j'ai été nommée à cette responsabilité de porte-parole du dossier de l'habitation, j'ai entrepris une tournée des organismes communautaires coopératifs et privés qui oeuvrent sur la première ligne de front. J'ai également eu des rencontres avec des experts et des représentants de différents secteurs impliqués dans ce dossier, notamment M. Claude Ryan, ancien ministre des Affaires municipales, que je remercie pour ses conseils et suggestions. À l'issue de cet exercice de consultation, j'ai soumis un rapport, à mon caucus, qui a fait l'objet d'une discussion, et ce n'est donc pas étonnant que la première interpellation de la présente session parlementaire porte précisément sur la crise du logement.

Aujourd'hui, j'interpelle la ministre des Affaires municipales pour répondre à un certain nombre de questions qui nous préoccupent et qui préoccupent les intervenants dans ce dossier. Le premier constat que l'on peut faire, c'est de reconnaître l'existence de la crise de logement. Tant et aussi longtemps que le gouvernement et la ministre responsable de l'habitation refusent d'admettre cette réalité, il sera difficile de mettre de l'avant les solutions appropriées. Il va sans dire que, pour trouver des solutions à un problème, il faut d'abord le reconnaître.

La tribune d'aujourd'hui ne devrait pas servir à des justifications ou à une séance d'autocongratulation dans laquelle la ministre et ses collègues députés viendraient nous dire à quel point le bilan du gouvernement a été formidable, car, si tel est le cas, on aura manqué une occasion pour faire un vrai débat sur les problèmes réels du logement locatif au Québec. Il ne sert à rien de nier l'évidence, il y a une crise de logement au Québec, et c'est le sujet de l'interpellation d'aujourd'hui. Cette crise est d'autant plus grave qu'elle affecte des milliers de familles démunies, et même les familles à revenus moyens.

Qu'il suffise de rappeler certains faits. Selon les chiffres du recensement de 1996, 518 000 ménages québécois consacrent plus de 30 % de leurs revenus pour se loger. De ce nombre, 273 000 ménages, surtout des personnes seules et des familles monoparentales, consacrent plus de 50 % de leurs revenus au logement. Les listes d'attente pour accéder à un logement à loyer modique ne cessent de s'allonger. Dans la seule région de Montréal, au 1er juillet dernier, 566 familles dépourvues et incapables de se trouver un toit pour se loger ont fait appel aux services de l'Office d'habitation de Montréal en désespoir de cause. Ce chiffre ne comprend pas, bien sûr, les familles excédées qui ont tellement perdu espoir qu'elles ne se donnent même plus la peine de s'adresser aux offices municipaux d'habitation. Selon les dernières informations que nous avons colligées cette semaine, 230 familles seraient toujours à la recherche d'un logement dans la région de Montréal, et plusieurs autres, dans la région de l'Outaouais.

On se rappellera de la crise qui a éclaté à la veille du 1er juillet dernier et qui a jeté dans la rue plusieurs dizaines de familles. La ministre a tenté de colmater les brèches, mais c'était nettement insuffisant et inadéquat, de l'avis même des organismes impliqués. En effet, l'annonce des mesures d'urgence n'a pas permis de résorber la crise, et pour cause; ce que la ministre proposait, c'est un supplément de loyer pour quelque 500 familles. Or, le problème demeure entier, car il n'y a pas de logements de disponibles. Le problème, faut-il le rappeler, c'est la pénurie de logements.

En effet, le taux de vacance ou le taux d'inoccupation de logements locatifs est en chute libre depuis les quatre dernières années dans les régions les plus populeuses du Québec. Montréal, Hull et Québec sont parmi les plus touchées, mais elles ne sont malheureusement pas les seules. Tout le monde s'entend pour dire que le marché est en déséquilibre dans ces régions, et, si la tendance se maintient, la crise ne fera que s'amplifier. De son côté, l'industrie privée de la construction s'est progressivement désintéressée du marché locatif à prix modique à cause du manque de rentabilité de ce secteur. Les nouveaux développements domiciliaires sont orientés vers les besoins de la classe moyenne et les riches, alors que la qualité du parc du logement locatif se détériore. Mme la Présidente, j'ai énormément de données à l'appui de mon argumentation, mais cette crise, faut-il le rappeler, frappe particulièrement les grands centres urbains et elle commence à atteindre les régions périphériques et les régions éloignées.

Face à ces données ? face à ces données, parce que, aujourd'hui, je voudrais interpeller la ministre pour qu'on avance dans le débat ? qu'est-ce que la ministre entend faire pour ramener le taux d'inoccupation à un niveau d'équilibre de 3 % dans les villes, dans les quartiers durement touchés par la crise du logement? Et j'insiste là-dessus, Mme la Présidente, parce que j'ai lu, dans un document de la ministre des Finances, qu'elle se réjouissait que le taux de vacance soit autour de 1 %, 1,5 %. Lorsqu'on arrive à 1,5 %, on est déjà dans une situation de crise, le marché n'est plus en équilibre. Tout le monde s'entend, les experts s'entendent que 3 %, c'est le niveau d'équilibre dans le marché.

Je veux donc profiter de cette interpellation, Mme la Présidente, pour donner la chance à la ministre de nous annoncer les bonnes nouvelles et nous faire part de sa vision d'avenir. Est-ce que la ministre responsable de l'habitation reconnaît la crise actuelle? Et qu'est-ce qu'elle a l'intention de recommander à son gouvernement, et plus particulièrement à sa collègue ministre des Finances, qui nous prépare un budget pour jeudi, le 1er novembre prochain? Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme la députée de La Pinière. Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Réponse de la ministre

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Je me réjouis que nous ayons, ce matin, cette interpellation qui nous permettra certainement de faire le bilan de l'action du gouvernement en matière d'habitation, des besoins également des citoyens et qui nous permettra de tracer des perspectives, d'autant plus que le ton et le contenu de l'intervention de Mme la députée de La Pinière me laissent entendre qu'elle recherche... elle est à la recherche également de solutions. Je me réjouis de l'appui unanime qu'elle a manifesté à l'égard de la position de négociation du Québec face au transfert qui tarde tant, là, depuis bientôt six ans, le transfert des unités appartenant au gouvernement fédéral et qu'il a déjà transférées dans six autres provinces. Vous savez, Mme la Présidente, que c'est d'une voix unanime que le Québec a toujours parlé en refusant la proposition fédérale, parce que non seulement insatisfaisante, mais insuffisante, puisqu'elle viendrait cristalliser pour l'éternité le manque d'unités que le Québec a toujours déploré au cours des 30 dernières années.

Alors, Mme la Présidente, le logement est au coeur d'une politique familiale pour le gouvernement du Québec, est au coeur d'une politique de lutte à la pauvreté et à l'exclusion. Le logement est aussi un facteur de développement économique important, puisque l'on dit dans le langage populaire que, quand le bâtiment va, tout va. Et c'est donc ayant en tête cette conjonction d'économique et social que nous examinons les perspectives à développer en matière d'habitation, à la fois au niveau de la construction de logements neufs, logements locatifs, sociaux, communautaires, privés et, en même temps, également, que nous examinons toute la question de la rénovation.

n (10 h 20) n

Alors, il y a eu une réelle pénurie de logements dans trois villes du Québec, notamment pour les ménages à faibles revenus et pour les familles nombreuses à la recherche de grands logements. C'est une pénurie qui a été rapide, presque brutale, alors que, au cours des 15 dernières années, le Québec avait connu une très, très réelle abondance de logements locatifs. D'ailleurs, les propriétaires locatifs s'en rappellent très bien, puisque nous avons connu des taux d'inoccupation très élevés, systématiquement maintenus au-dessus du seuil de 3 % qui est défini comme le taux d'équilibre du marché locatif, et, bien évidemment, c'étaient des taux d'inoccupation jamais vus durant les 15 dernières années. Je parle de la période jusqu'en 1997, donc c'est quand même assez récent. Des taux d'inoccupation durant la période quatre-vingt-dix, notamment, qui se sont situés à plus de 7 %, qui ont même atteint jusqu'à 8 %, et donc une période où on a constaté que c'était la période la plus longue où les taux d'inoccupation étaient les plus élevés. Et puis tout cela s'est terminé en 1997, mais d'une manière assez rapide à partir de 1999. Pensez qu'ici, dans la ville de Québec, le taux d'inoccupation était de 4,4 en 1999, et qu'en l'espace de deux ans il sera à 1,4.

Et le paradoxe de ça, c'est que grâce à la croissance économique... Parce qu'il y a pas eu d'augmentation de population. C'est pas la croissance démographique qui aura été le facteur déterminant, mais c'est la croissance économique qui a été le facteur essentiel qui aura généré la création annuelle de nouveaux ménages. En fait, ce sont des personnes qui soit partageaient leur logement ou, pour certaines d'entre elles, restaient chez leurs parents. Alors, on a vu une très, très forte croissance du nombre de ménages. Le nombre de ménages était autour de 23, 28 000 dans les années quatre-vingt, et il passera à 42 000 en 1999 et l'an dernier. Alors, c'est donc une croissance du nombre de ménages, une croissance phénoménale du nombre de ménages constitués d'une seule personne: 60 % d'augmentation, au cours de la dernière décennie, du nombre de ménages qu'on dit non familiaux, c'est-à-dire d'une seule personne.

Alors, on voit qu'il y a eu un changement extrêmement important, mais il est pas inusité. Il s'était déjà produit et il s'est même produit souvent dans le passé. Par exemple, il y a 15 ans, en 1985, le taux de vacance, si vous voulez, était très, très, très bas, 1,7 %, et puis, deux années plus tard ? deux années plus tard, de 1985 à 1987 ? il était remonté à 4,3 %. On sait qu'on peut se considérer à l'aise comme société quand le taux d'inoccupation est autour de 3. Alors, on voit bien que... On doit reconnaître que le marché s'est adapté rapidement. Et, contrairement aux stéréotypes, c'est pas la législation de contrôle des loyers qui a empêché le marché de s'adapter à chacune des décennies de soixante-dix, parce que les chiffres... Je pourrais donner l'équivalent d'une situation rapidement modifiée dans les années soixante-dix, dans les années quatre-vingt et, nous l'espérons, avec l'action conjointe du secteur privé et du gouvernement, dans la décennie qui est la nôtre maintenant.

Alors, c'est donc, par exemple, cependant une situation qui n'est pas celle de tout le Québec. Il y a encore des villes au Québec ? on pense à Chicoutimi ou on pense à des villes comme Trois-Rivières ? où le taux de vacance fait 6, 7 %. Il faut donc faire très, très attention pour que les solutions apportées soient conséquentes aux situations vécues et non pas uniformiser. Donc, des solutions sur mesure et non pas mur à mur. C'est essentiel, sinon on va aggraver la situation dans certaines... Dans certains centres urbains du Québec, en région notamment, on va aggraver la situation avec des solutions qui seraient celles convenant à Montréal, Québec et Hull.

Alors, d'une manière générale, ce qu'on constate, c'est que les grands logements sont moins disponibles que les petits logements et que les récentes baisses généralisées du taux d'inoccupation amènent surtout les familles nombreuses à être en difficulté. Alors, il y a donc un resserrement important sur le marché des grands logements destinés aux familles nombreuses. Cependant, il faudra voir évidemment la situation telle qu'elle se présente et de manière évolutive, puisqu'on me rapporte qu'il y a eu une très, très forte hausse cette année, par rapport à l'an dernier, de la construction de logements locatifs. Alors, une hausse qui est de près de 20 % de plus cette année par rapport à l'an dernier au Québec, et, évidemment, il faudra voir aussi ce qui se passera en termes de formation de ménages, puisque cette formation des ménages n'est pas le résultat d'une augmentation de population, mais le résultat d'une prolifération de ménages au moment où il y a une forte croissance économique, d'autant plus que, comparativement à ce qui prévaut dans les autres provinces canadiennes, le coût du logement demeure relativement faible au Québec.

Et, je comprends Mme la députée de La Pinière de rappeler les statistiques de 1996, nous aurons celles de 2001. Je lui souligne que les statistiques qu'elle cite, de 1996, sont celles de la situation qui prévalait lors du gouvernement précédent, et nous aurons en 2001... Nous aurons donc dès cette année les résultats du recensement de 2001, là, qui vient de se terminer. Et, cependant, il y a... Donc, on peut constater que les loyers ont augmenté et ont augmenté surtout durant les années quatre-vingt. Cependant, les loyers, quand on les compare à toutes les autres provinces canadiennes... Le loyer médian moyen est encore le plus faible au Québec. Par exemple, le loyer moyen était de 506 $ par mois au Québec en 1996 et 511 $ à l'Île-du-Prince-Édouard, 538 $ en Nouvelle-Écosse, 555 $ en Alberta, 679 $ en Ontario et 704 $ en Colombie-Britannique. Alors, on voit bien, n'est-ce pas, qu'il y a eu donc maintien, sans doute grâce à la Régie du logement... Et là je voudrais contredire cette idée que la Régie du logement a empêché des investissements importants dans le logement locatif, puisque je dois rappeler que, durant les cinq premières années de la construction neuve, le logement est celui du marché, puisque la fixation des loyers n'intervient qu'après ces cinq années.

Alors, j'aurai l'occasion de revenir sur les perspectives de développement lors de la prochaine intervention.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme la ministre. Alors, Mme la députée de La Pinière.

Argumentation

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je ne voudrais pas, surtout, tomber dans un argumentaire sur les chiffres, mais je voudrais donner une statistique qui nous vient de la Société canadienne d'hypothèques et de logement en date du 9 octobre dernier. Le nombre d'habitations mises en chantier en septembre dans la région métropolitaine de Montréal a fléchi de 31 % par rapport à la même période l'an dernier. La Société canadienne d'hypothèques et de logement a dénombré 864 nouveaux logements en construction comparativement à 1 256, en septembre de l'an 2000. Et, juste pour lui illustrer, à la ministre... Je ne sais pas, elle va pas nécessairement voir, mais c'est assez visible, les logements locatifs mis en chantier dans la région métropolitaine de Montréal de 1985 à 2001... Voyez-vous le graphisme? Voyez-vous le graphisme, où est-ce qu'on est rendu à 2001, et également les taux de vacance dans la région métropolitaine, Mme la Présidente, de 1985 à 2000, où est-ce qu'on est rendu? Donc, les chiffres sont parlants, la crise est réelle. Je ne voudrais pas... Ici, c'est les logements locatifs mis en chantier, toujours sur l'île de Montréal, et on le voit que le pic était en 1989, 1990, 1991, et là ça a commencé... On est rendu à 2001, Mme la Présidente, c'est extrêmement bas, c'est visible à l'oeil nu.

Mais, toujours est-il, Mme la Présidente, je voudrais fonder ma présentation sur le concret. Je voudrais aborder la question des programmes d'habitation. Parce que la ministre nous a parlé de l'économie qui a progressé, elle a oublié de nous parler de la pauvreté qui s'est élargie dans la société. Alors, il faut, à mon avis, Mme la Présidente, revenir sur terre, et j'invite la ministre à aller au-delà des statistiques pour commencer par reconnaître la crise. Donc, les programmes d'habitation mis de l'avant par le gouvernement, je voudrais aborder avec la ministre le programme AccèsLogis.

Il faut tout d'abord reconnaître la persévérance et le travail remarquable de plusieurs acteurs issus des mouvements communautaires et coopératifs qui ont, à l'origine, mis de l'avant ce programme AccèsLogis, qui l'ont conçu, qui l'ont fait accepter lors du Sommet de l'économie en 1996. On sait que ce programme est entré... a été annoncé en 1997. Bien que modeste dans ses moyens, le programme AccèsLogis a permis au Québec de mettre sur le marché de nouvelles unités de logement accessibles aux familles défavorisées. Les budgets récents ont plutôt refroidi plusieurs acteurs qui ont vite compris que le logement social n'était pas vraiment une priorité de ce gouvernement. Nous avons eu, la ministre et moi, l'occasion d'en débattre à l'étude des crédits, mais aujourd'hui la question qui se pose est encore plus pressante. Ce programme arrive à échéance dans quelques mois ? on nous dit en mars 2002, selon les dernières informations ? on ignore encore aujourd'hui ce que la ministre et son gouvernement ont l'intention de faire, rappelant que ça prend au minimum un an avant de monter un projet de construction de nouvelles unités de logement.

n (10 h 30) n

Je suis très heureuse d'entendre la ministre annoncer, ce matin, qu'elle a l'intention, peut-être ? je serais heureuse si elle le faisait ? de bonifier ce programme AccèsLogis pour sa dernière année d'application et qu'elle va le prolonger pour un autre cinq ans, puisqu'il y a des résultats concrets qui sont au bout. En effet, Mme la Présidente, dans un communiqué du 23 octobre dernier ? donc, c'est tout récent, nous sommes le 26 ? l'Association des groupes de ressources techniques, qui, avec d'autres partenaires du milieu coopératif, communautaires et municipaux, travaille à bâtir et à rénover des logements accessibles aux personnes défavorisées, ils ont mentionné dans leur communiqué qu'il y a 147 projets de coopérative qui sont disponibles, qui sont montés, qui sont prêts à être mis en chantier si le gouvernement met de l'avant les ressources.

Alors, je voudrais inviter la ministre à nous dire qu'est-ce qu'elle répond à ces organismes qui ont 145 projets prêts à être construits, à soulager la crise du logement. Est-ce qu'elle va mettre les ressources en place? Est-ce qu'elle va répondre à cette attente? Et qu'est-ce qu'elle a l'intention de faire avec le programme AccèsLogis? Considérant que ça a donné des résultats, même modestes, on est satisfait du fait qu'il y ait eu des résultats. Parce que la crise est réelle, et je ne suis pas d'accord avec la ministre pour dire que la crise est due au fait qu'il y a une croissance économique. C'est une analyse qui est parcellaire, Mme la Présidente, et je l'invite à nous répondre sur le devenir du programme AccèsLogis.

La Présidente (Mme Doyer): Merci. Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Le Québec est la seule province, avec la Colombie-Britannique, qui, suite au retrait du gouvernement fédéral en 1994, a continué d'investir dans le logement social et communautaire. Alors, c'est donc avec fierté que nous avons participé aux conférences fédérales-provinciales qui se sont tenues l'été dernier pour faire connaître le bilan de l'action du gouvernement du Québec en matière d'habitation.

Je voudrais d'abord corriger une impression qu'a laissée Mme la députée de La Pinière à l'effet que le gouvernement fédéral participait encore à la hauteur de ce qu'elle a énoncé: il y a 100 millions de trop dans ce que vous avez mentionné. En fait, le gouvernement fédéral continue à financer les unités HLM construites avant 1994 et y va d'une contribution très, très modeste de 25 millions par année pour un arc-en-ciel d'autres programmes, alors que Québec consacre annuellement 175 millions au logement social, en fait, à l'intervention en matière d'habitation sociale communautaire et de soutien aux locataires à faibles revenus.

Pensez que le retrait du gouvernement fédéral aura eu un impact extrêmement considérable. Les autres provinces, sauf le Québec et la Colombie-Britannique, depuis sept ans n'ont pas agi. Si on chiffre le manque à gagner que ça a constitué pour le Québec, pensez qu'on a, au gouvernement du Québec, investi 1,2 milliard de dollars depuis les cinq dernières années, donc depuis le Sommet sur l'économie et l'emploi, 1,2 milliard, alors que, si le gouvernement fédéral avait maintenu son taux de financement historique, c'est 700 millions de plus qui auraient été injectés et 29 000 nouvelles unités qui auraient pu être construites. Alors, il est bien évident qu'il y a un front commun des provinces qui réclame une contribution du gouvernement fédéral à la hauteur des impôts qu'on lui envoie, d'abord, et à la hauteur des surplus qu'il aura accumulés.

Mme la Présidente, le Québec a donc mis en place ce programme québécois en matière d'habitation dans lequel on retrouve différents programmes: l'allocation-logement, qui est versée aux familles à faibles revenus avec enfants et aux personnes de 55 ans et plus, et qui coûte annuellement environ 104 millions de dollars et qui permet à 155 000 ménages de bénéficier mensuellement d'une aide pour payer leur loyer. Également, nous avons mis en place ce programme dont a parlé Mme la députée de La Pinière, AccèsLogis, qui est un programme de construction de 1 325 logements annuellement. Nous en sommes autour de 4 000 nouveaux logements construits, et la moitié de ces logements bénéficie du Programme de supplément au loyer, qui permet à un locataire de ne pas contribuer pour plus de 25 % de son revenu pour se loger. Également, nous avons maintenu à 25 % du revenu du locataire le coût d'un loyer HLM. Je rappelle qu'à travers tout le Canada le coût mensuel d'un loyer HLM est déjà à 30 % du revenu d'un locataire, et il n'y a qu'au Québec où nous avons maintenu ce coût du loyer à 25 %.

Nous avons également mis en place un programme qui a connu un très grand succès, qui est le programme RénoVillage, et qui est un programme de rénovation qui s'est adressé à des propriétaires à très faibles revenus, les propriétaires en moyenne qui ont un revenu de 14 000, avec une maison évaluée à 26 000, pour des travaux majeurs qui sont de l'ordre 6 500 $ par année. Et ce programme a eu un immense succès au point où, en deux ans, nous avons investi les 50 millions qui avaient été annoncés et avons dû mettre de l'argent supplémentaire.

Et évidemment, je voudrais également rappeler que les nouvelles villes regroupées, donc les huit nouvelles grandes villes de plus de 100 000 habitants qui seront mises en place dès le 1er janvier prochain, suite aux élections municipales qui se déroulent maintenant, et ainsi que les 20 nouvelles villes de taille moyenne, qui sont les capitales régionales, devront toutes dorénavant constituer un fonds d'habitation sociale non pas pour remplacer ou se substituer à la contribution que Québec entend maintenir en matière d'habitation sociale, mais pour partager l'apport municipal qui favorisera certainement le développement de projets.

Alors, j'aurai l'occasion également de poursuivre, Mme la Présidente, au cours de l'interpellation sur les perspectives à venir.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme la ministre. Alors, Mme la députée de Crémazie.

Mme Manon Blanchet

Mme Blanchet: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, il me fait plaisir de participer ce matin, avec ma collègue la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole, à cette interpellation de Mme la députée de La Pinière sur la situation du logement social.

Par contre, je ne suis pas d'accord avec la députée de La Pinière, qui parle de la situation comme d'une crise. Je suis d'accord qu'il y a une pénurie, une forte pénurie de logements, mais, comme ma collègue le disait, il ne faut pas étendre la situation à tout le Québec; il s'agit de conjoncture régionale. Et, pour l'instant, le problème se situe, je dirais, dans les régions de Montréal, Québec et Hull. Dans les semaines passées, effectivement, beaucoup des collègues de la région de Montréal ont eu des visites et des téléphones de gens, de citoyens et citoyennes de leur circonscription qui étaient à la recherche de logement et avaient beau aller cogner à toutes les portes, malheureusement les logements se faisaient très rares.

Alors, oui, nous sommes tous conscients, et le gouvernement du Québec est conscient de cette difficulté à trouver un logement, notamment parce qu'il y a beaucoup de ménages à faibles revenus, mais aussi parce qu'il y a de nombreuses familles qui cherchent de grands logements, qui se font de plus en plus rares. Voilà pourquoi donc le gouvernement du Québec a pris des mesures, en juillet dernier, pour fournir le plus tôt possible une aide aux ménages qui éprouvent un besoin impérieux de logement. Vers la fin du mois de juin donc, des groupes communautaires en logement et le réseau des offices municipaux d'habitation avaient informé le gouvernement du Québec qu'un nombre considérable de ménages allaient se retrouver sans logis au 1er juillet dernier, du fait qu'ils avaient déjà résilié le bail précédent et qu'ils étaient malheureusement incapables de trouver un logement convenable à prix abordable.

Afin de s'assurer qu'aucun ménage donc ne se retrouve à la rue, le gouvernement a agi rapidement et a su apporter une réponse efficace à cette situation d'urgence. Dès le 27 juin donc, il a débloqué 3 240 000 $ afin d'octroyer un nombre maximal de 500 nouvelles unités de supplément au loyer destinées de façon prioritaire aux ménages qui se seraient trouvés sans logis à compter de cette date, soit du 1er juillet. Ces ménages devaient toutefois répondre aux critères d'admissibilité prévus au règlement sur l'attribution des logements à loyer modique.

n (10 h 40) n

Le 4 octobre dernier, 320 unités du Programme de supplément au loyer ont été octroyées sur une possibilité de 500, soit 205 pour Montréal, 100 sur le territoire de la CMM, en excluant le territoire de l'actuelle ville de Montréal, et 15 dans les autres régions du Québec. À cela s'ajoutent 44 ménages qui ont soit trouvé un logement, mais sont toujours en attente d'une entente avec le propriétaire pour l'attribution d'une de ces unités, ou sont en recherche d'un logement. Ainsi, cette mesure permettra de loger 364 ménages, laissant 136 unités encore disponibles pour les ménages sans logis.

La répartition de ces unités sera réajustée sous peu, afin d'adapter l'offre de cette mesure d'aide aux besoins réels de chacune des régions de même qu'à la disponibilité effective de logements. Ainsi, un certain nombre des unités prévues à l'extérieur de la Communauté métropolitaine de Montréal devront y être transférées. Rappelons que le supplément au loyer ne s'adresse qu'aux ménages à faibles revenus admissibles en vertu du règlement sur l'attribution des logements à loyer modique. Les personnes qui croient être admissibles à cette mesure d'urgence ont la responsabilité de s'adresser à leur Office municipal d'habitation. Les groupes populaires d'aide au logement peuvent orienter les personnes qui font appel à leurs services. La mesure d'urgence du 27 juin 2001 a donc été un succès. Le gouvernement a démontré sa capacité d'agir rapidement lorsque la situation l'exige. Cette mesure doit une bonne partie de ses résultats au dévouement et aux efforts des employés des offices municipaux d'habitation, en particulier celui de Montréal. Il faut par ailleurs souligner que, comparativement à ce qui prévaut dans certaines régions canadiennes, le coût du logement demeure relativement faible au Québec, ce qui lui confère un avantage comparatif certain sur le plan concurrentiel en matière de capacité d'attirer de nouveaux investissements, notamment dans les grands centres.

En ce qui a trait au loyer, en terminant, Mme la Présidente, qu'il suffise de mentionner que, tandis que le loyer moyen était de 506 $ au Québec en 1996, il se situait à 511 $ à l'Île-du-Prince-Édouard, 538 $ en Nouvelle-Écosse, 555 $ en Alberta, 679 $ en Ontario et 704 $ en Colombie-Britannique, des écarts qui ont trait au prix des résidences, pour les propriétaires-occupants entre autres. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme la députée. Mme la députée de La Pinière.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je voudrais d'abord dire, à cette étape de nos travaux, que nous ne sommes pas dans le même registre. Je parle de la crise du logement qui est vécue par des personnes, des vraies personnes. Je parle d'une crise du logement que la ministre remonte à il y a quatre ans, à 1997, et qui perdure, et qui s'envenime, et là on nous parle, Mme la Présidente, du bilan du gouvernement. Je trouve ça regrettable.

Une précision, la ministre conteste la contribution du fédéral dans l'habitation. Je voulais lui dire que le chiffre de 340 millions que j'ai avancé dans ma présentation est inscrit dans une lettre qui lui a été transmise par le ministre responsable de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, M. Gagliano, en février dernier, et je cite: «Le gouvernement du Canada consacre actuellement quelque 340 millions de dollars par année pour le logement au Québec, soit un peu plus que ce que consacre le gouvernement du Québec lui-même.» Je n'ai pas eu de réponse de la ministre qu'elle conteste ces chiffres.

Ceci étant, Mme la Présidente, étant donné qu'on est là pour chercher des solutions à la crise du logement, parce qu'elle existe, on peut bien parler de pénurie, on peut bien jouer la sémantique, mais dans le vrai là, dans le concret, il y a des gens qui sont mal logés, il y a des gens qui sont sans logis, et ils sont nombreux au Québec, Mme la Présidente. Et la grande question qui nous préoccupe, nous, de l'opposition officielle, mais aussi qui préoccupe l'ensemble des intervenants dans ce dossier, c'est: Comment le gouvernement actuel entend-il résoudre la crise du logement? Cette question est importante. Elle l'est encore plus au lendemain des événements du 11 septembre, qui pourraient amener le gouvernement à justifier une fois de plus son manque de leadership dans ce dossier. Des groupes s'inquiètent, en fait, que le gouvernement puisse se servir des événements du 11 septembre dernier et de leur impact économique pour passer encore une fois à côté de l'urgence d'agir pour résoudre la crise du logement. Si la ministre accepte de reconnaître l'existence réelle au Québec d'une crise du logement, dans le logement locatif, j'aimerais connaître les orientations qu'elle a peut-être déjà proposées ou qu'elle a l'intention de proposer à son gouvernement pour tenter de résoudre cette crise.

Dernièrement, dans une entrevue au Devoir, la ministre a exprimé le souhait de voir le plus grand nombre de Québécois accéder à la propriété. On n'est pas contre la vertu, et idéalement, dans le meilleur des mondes, les Québécois et les Québécoises seraient mieux logés s'ils étaient propriétaires, sauf que nous devons... nous devons regarder la réalité en face, nous ne devons pas perdre de vue l'ampleur de la pauvreté au Québec. Force est de constater qu'il y a une corrélation entre pauvreté et absence d'accessibilité au logement décent. Et, s'il y a une priorité que le gouvernement devrait cibler en matière de logement, c'est bien celle d'aider à mettre sur le marché de nouvelles unités de logement pour les plus démunis. De plus, étant donné les ressources limitées du gouvernement, il est impératif que les investissements publics en habitation soient dirigés vers les besoins de base, de manière à combler le fossé entre les populations les mieux nanties et celles qui ont été laissées pour compte.

Au-delà de la vision égalitaire qu'on peut espérer, il y a aussi l'impératif économique. En effet, l'habitation est un levier économique qui doit être mis au service du développement du Québec, donc encouragé. Au Québec, un bon nombre de locateurs sont des petits propriétaires qui ont investi leurs économies dans la construction ou dans l'achat de petits immeubles locatifs. Il faut aussi voir comment on peut intéresser les petits investisseurs à considérer le secteur du logement locatif à prix modique. Il faut que la ministre s'assure que les propriétaires et les locataires ont un traitement équitable. Il en va de la saine relation entre ces partenaires-clés. Actuellement, il y a un sentiment d'aliénation chez les propriétaires par rapport au gouvernement. La ministre doit lever toutes les ambiguïtés sur ses intentions par rapport à ça. Il faut également regarder la possibilité de mesures incitatives qui favoriseraient l'investissement dans le logement à prix modique. Ce faisant, c'est tout un chantier pour la création d'emplois qui s'ouvre, et, la ministre l'a dit: Quand le bâtiment va, tout va.

Alors, Mme la Présidente, l'opposition officielle est prête à offrir ses idées, sa collaboration au gouvernement. La mise en chantier de nouvelles unités de logement ne peut se faire sans le partenariat avec les trois niveaux de gouvernement, cela va de soi, mais aussi avec le privé et avec les groupes communautaires dans leur grande diversité. J'invite la ministre à agir dans ce dossier.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme la députée de La Pinière. Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme la Présidente, je crois que la députée de La Pinière ne pourra que féliciter le gouvernement à la fin de l'exercice qui est en cours présentement, qui devrait se terminer incessamment, exercice qui nous permettra de faire connaître le plan d'action qui favorisera la réalisation d'un grand chantier, comme nous y invite Mme la députée de La Pinière, au printemps prochain.

Alors, je lui rappelle cependant qu'elle ne doit pas... ou elle doit dire clairement le rôle qu'elle veut faire jouer à la Régie des loyers. Nous aurons l'occasion, lorsque nous étudierons en commission parlementaire le projet de loi qui a été déposé, de connaître l'état d'opinion de l'opposition sur ces matières. Nous sommes, nous, à la recherche d'un équilibre, d'un juste équilibre entre propriétaires et locataires, et elle me donne l'occasion de rappeler aux propriétaires que, malgré la publicité contraire qui en est faite... Et j'ai eu l'occasion d'ailleurs d'écrire à leur corporation, appelée Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, à cet effet. Alors, malgré la publicité contraire, les propriétaires ont le droit, en vertu même du projet de loi qui est déposé pour adoption devant l'Assemblée nationale, de demander le nom, la date de naissance, l'adresse et le numéro de téléphone d'un candidat locataire ainsi que le nom, l'adresse et le numéro de téléphone de son propriétaire actuel, au moment où il est en demande de logement. Et il a donc, ce propriétaire qui est sollicité par un locataire, le droit de procéder à une enquête de crédit.

n (10 h 50) n

Alors, cependant il ne doit pas y avoir abus dans la collecte des renseignements, et c'est ce que nous entendons corriger dans la situation actuelle où on a vu des demandeurs de logements, nombreux dans certains quartiers dont le taux d'inoccupation est très bas, avoir à payer pour faire ouvrir un dossier par un propriétaire. Alors, il y a là matière, évidemment, à correction. Mais le projet de loi va permettre au propriétaire d'exiger certains renseignements à partir desquels il pourra procéder à une enquête de crédit, et cela, conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

Cependant, on ne peut pas comparer, comme le fait la publicité, qui est outrancière, on ne peut pas comparer les renseignements demandés pour un logement subventionné par l'État aux renseignements qui sont légitimement demandés par un propriétaire privé. Pourquoi? Parce qu'un logement subventionné par l'État, c'est un logement où on ne contribue pas plus que 25 % de son revenu pour se loger. Donc, il va de soi qu'on doit faire passer un test pour être capable de sélectionner les personnes qui, en toute équité, ont un problème de revenus et qui, en toute équité, doivent déclarer ces revenus pour être choisies préférablement à d'autres demandeurs. Alors, si les propriétaires privés veulent faire du logement subventionné, je suis prête à proposer au gouvernement qu'ils aient le droit aux mêmes renseignements. Mais, lorsqu'on compare du logement subventionné à du logement sur le marché, alors là il faut bien comprendre qu'on ne peut pas comparer des choses différentes en demandant d'être traité de la même façon.

Ceci dit, ces mises en chantier de nouvelles unités, nous les souhaitons, nous travaillons très, très, très énergiquement de manière à ce que le Programme de logement abordable annoncé l'an passé, il y a déjà un an, par le gouvernement fédéral avec... il y a un an, des exigences qui passaient complètement à côté... Ce Programme de logement abordable était à toutes fins inabordable, si tant est que nous l'avions accepté avec les paramètres proposés par le gouvernement fédéral. C'était du logement qui coûtait 700 $, parce que c'était tellement des critères qui, disons, certainement coïncidaient avec ceux de Toronto ou de l'Ontario, mais qui passaient complètement à côté du marché du loyer médian ici, au Québec. Alors, nous sommes à travailler avec le gouvernement fédéral, qui a accepté de mettre de côté ces critères qu'il voulait nous imposer. Nous sommes à travailler sur des loyers de 350 $ par mois et, essentiellement, majoritairement de 350, certains autres de 500 $ par mois.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme la ministre. M. le député de Bellechasse.

M. Claude Lachance

M. Lachance: Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui avec la députée de Crémazie, mon collègue de Portneuf et évidemment la ministre responsable du secteur de l'habitation pour cette interpellation, qui doit être certainement la dixième ou quelque chose du genre depuis que j'occupe la fonction de député.

D'abord, une constatation que je dois faire: lorsqu'on examine les résultats d'une enquête de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, réalisée en octobre 2000, sur les logements locatifs, on observe que les taux d'inoccupation varient beaucoup d'une région à l'autre. Par exemple, si on enregistre un taux de 2,2 % pour l'ensemble du Québec, c'est 1,4 pour la région métropolitaine de recensement de Hull, à 6,8 dans celle de Trois-Rivières. Et, dans les trois RMR les plus urbanisées, le taux se situait à 1,6 à Québec, 1,5 à Montréal et 1,4 à Hull. Dans les plus petits centres, les taux vont de 3,1 % dans les agglomérations de 50 000 à 100 000 habitants, à 5,9 % dans les agglomérations de 10 000 à 50 000 habitants. Les écarts constatés entre les taux d'inoccupation des différentes zones pour l'année 2000 existaient aussi en 1999. Bref, on doit conclure que le manque relatif de logements locatifs, ça touche particulièrement les trois grands centres urbains du Québec: Montréal, Québec et Hull.

Mais, dans certaines régions, Mme la Présidente, comme celle, par exemple, où j'habite, dans Chaudière-Appalaches, la question du logement se pose de façon très différente. Le problème, ce n'est certainement pas le manque de logements de façon générale, mais plutôt les difficultés financières de ménages à faibles revenus de conserver en bon état leur résidence. Et heureusement, le gouvernement du Québec répond spécifiquement à ce problème par le moyen du programme RénoVillage, dont on a parlé et qui, depuis 1997, a aidé plus de 8 500 ménages à faibles revenus dans plus de 1 250 municipalités de moins de 5 000 habitants pour faire des rénovations qui sont jugées nécessaires à leur maison. Il vaut la peine de souligner que le revenu moyen de ces ménages était en moyenne de 14 000 $ par année et que la résidence avait une valeur maximale de 26 000 $. Le programme a connu un succès tout à fait remarquable. Je peux en attester parce que, dans les MRC de Bellechasse et des Etchemins, je reçois régulièrement des commentaires là-dessus qui sont très positifs, et la gestion de ce programme est intéressante puisqu'elle est décentralisée.

À travers tout le Québec, le gouvernement actuel a aussi su adapter ses interventions aux besoins. On peut parler, par exemple, du succès du programme AccèsLogis, un programme très populaire, et déjà, au moment où on se parle, quatre projets sont en cours chez nous, dans les municipalités de Lac-Etchemin, Saint-Damien, Sainte-Claire. Et justement, de façon très concrète, je vais avoir le plaisir de représenter Mme la ministre dans la circonscription de Montmagny-L'Islet, celle de votre collègue, Mme la députée de La Pinière, celle de votre collègue M. Gauvin. Je serai là dimanche après-midi, pour un beau de projet de 15 bâtiments regroupant 25 unités de logement pour familles et personnes seules à revenus faibles ou modestes. Alors, c'est la coopérative d'habitation Beauséjour qui a réalisé un projet de 1,3 million de dollars et pour lequel 721 000 $ ont été investis par la Société d'habitation du Québec, en partenariat avec la municipalité de Saint-Fabien et la caisse populaire de cet endroit.

Au 30 septembre 2001, plus de 2 300 unités de logement, soit 135 projets, ont été entièrement réalisés dans le cadre du programme AccèsLogis et sont présentement en exploitation dans l'un ou l'autre des volets prévus du programme. Et, d'ici mai 2002, il est prévu que 900 autres unités, soit 49 projets de logements AccèsLogis, devraient être disponibles et s'ajouter aux unités déjà existantes, pour un total de 3 200 unités de logement disponibles depuis 1998. Environ la moitié des ménages aussi occupant ces logements d'habitation communautaire vont bénéficier du supplément au loyer, soit plus de 2 000 ménages.

On doit malheureusement reconnaître que, si le gouvernement du Québec s'intéresse au logement avec les moyens limités qu'il a comme gouvernement d'une province, et malheureusement pas le gouvernement d'un pays, le fédéral s'est malheureusement retiré, et ça signifie que le gouvernement canadien a accumulé des excédents de plus de 200 millions de dollars par année à la Société canadienne d'hypothèques et de logement depuis son désengagement unilatéral, en 1994, de toute intervention du logement social.

Alors, Mme la Présidente, je suis persuadé que le prochain budget de la ministre des Finances va aller dans le bon sens pour permettre de maintenir et même d'accroître l'aide au logement de la part du gouvernement du Québec, et je vous remercie.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. le député de Bellechasse. Mme la députée de La Pinière.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Alors, je trouve regrettable cette façon de venir dans une interpellation pour nier la crise du logement et faire état de petits projets qui sont annoncés à gauche et à droite ou à venir, alors que la situation est grave, alors que l'heure est à l'action et l'action, urgente. La ministre a abordé la question du projet de loi n° 26. Je voudrais lui rappeler que l'opposition officielle a demandé une consultation particulière. Elle a soumis une liste d'organismes qui souhaitent se faire entendre sur ce projet de loi, et on aura un forum approprié pour faire le débat sur le projet de loi n° 26, et elle saura, à ce moment-là, où loge l'opposition officielle dans un forum approprié.

Pour revenir au Programme de logement abordable, compte tenu qu'elle m'a tendu la perche et qu'elle parle du Programme abordable, le gouvernement fédéral effectivement a annoncé d'offrir aux Canadiens et aux Canadiennes un programme de 685 millions de dollars de logements abordables afin de mieux répondre aux besoins des familles à revenus modestes qui sont à la recherche d'un logement abordable. Depuis, des négociations et des pourparlers ont eu lieu entre les différents ordres du gouvernement afin de trouver des aménagements pouvant répondre le mieux possible aux situations spécifiques de chaque province. Et là-dessus, je rejoins la ministre: il est impératif que l'on tienne compte de la réalité de chaque province, la réalité du Québec en particulier.

n (11 heures) n

Ainsi, une première rencontre des ministres responsables de l'habitation a eu lieu à London, en Ontario, et une deuxième rencontre est prévue à Québec, le 29 novembre prochain. Donc, c'est d'actualité.

La perception que nous avons des discussions en cours est à l'effet que ces pourparlers sont constructifs pour les parties impliquées. J'exprime le souhait que ces négociations se fassent dans l'harmonie et, surtout, qu'elles aboutissent à des ententes concrètes pour résoudre la crise du logement. On parle ici de besoins vitaux de citoyens et d'un droit fondamental. Sans présumer des résultats de ces discussions et sans vouloir non plus nuire d'aucune façon au processus en cours, nous sommes intéressés à savoir finalement qu'est-ce qu'il va advenir de ce programme et quels sont les enjeux de cette négociation.

Tout d'abord, la définition du logement abordable, elle n'est pas claire. La ministre pourrait profiter de cette occasion que nous avons aujourd'hui pour nous expliquer ce que les négociateurs québécois entendent lorsqu'il s'agit de définir la nature et les propriétés d'un logement abordable. De ce budget global, le budget global du fédéral, le Québec recevra une enveloppe autour de 160 millions de dollars sur quatre ans. Est-ce que la ministre peut nous éclairer là-dessus?

Il est également important de savoir s'il s'agit d'un programme à frais partagés ou non. La question paraît simple, mais elle est très pertinente. Vous comprendrez, Mme la Présidente, que, s'il s'agit d'un programme à frais partagés, ça veut dire que le gouvernement du Québec doit mettre également 160 millions. Quand on additionne la contribution québécoise et celle du fédéral, on aboutit à 320 millions de dollars dans le logement abordable. On peut évidemment imaginer le partenariat avec le privé et la multiplication que cela pourrait nous amener.

Dans le dernier budget en mars 2001, le gouvernement a annoncé, et je cite, dans un communiqué du ministre de la Solidarité sociale: «Une réserve de 100 millions de dollars est constituée pour mettre en oeuvre de nouvelles initiatives de solidarité sociale et répondre aux besoins en matière de logement social.» 100 millions qui est mis dans une réserve pour la lutte à la pauvreté. De ce 100 millions, il y a combien d'argent qui va aller pour résoudre la crise du logement?

Le milieu estime que ce montant-là pourrait aller à 35 millions sur trois ans pour le logement social. Est-ce que la ministre peut nous confirmer ce montant-là? Est-ce qu'elle peut nous dire clairement si son gouvernement a l'intention de maintenir et même d'améliorer le programme AccèsLogis dont je lui ai parlé tantôt, d'une part, et, d'autre part, d'ajouter pour les quatre prochaines années une somme de 160 millions de nouveaux crédits pour financer conjointement, avec le gouvernement fédéral, le Programme de logement abordable?

La question est très importante, Mme la Présidente, et j'attends de la ministre une réponse claire et non pas un bilan élargi sur les réalisations du gouvernement. Plusieurs craignent, Mme la Présidente, que le gouvernement profite de ce nouveau programme du fédéral, 160 millions, pour couper dans les anciens programmes existants, ce qui serait totalement inacceptable.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme la députée de La Pinière. Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Mme la députée de La Pinière doit prendre en considération que le Québec met annuellement plus de 100 millions de dollars, plus de 100 millions de dollars ? je vais avoir les chiffres exacts ? à la différence de la contribution fédérale. D'ailleurs, je vous ai écrit... je vous ai écrit à ce sujet le 17 octobre dernier... je vous ai écrit une longue lettre en réponse à la vôtre et dans laquelle je précise tous les engagements que le gouvernement du Québec a pris. Alors, la part du Québec a augmenté, puisque nous en sommes maintenant à un budget de 304 millions en 2001, alors que le gouvernement fédéral, dans le financement de ces unités à loyer modique des années antérieures, continue à verser sa contribution qui, elle, est environ de l'ordre de 223 millions.

Alors, il propose d'y ajouter ce nouveau programme. Nous avons discuté avec nos collègues des autres provinces qui ont unanimement dénoncé le caractère rigide des paramètres fédéraux qui nous étaient proposés. Nous sommes en discussion également de manière à adopter un tronc commun, c'est-à-dire une entente multilatérale sur les éléments qui devront être pris en compte par le fédéral lors de la signature, avec chacune des provinces, du programme s'appliquant à ces provinces, à chacune des provinces respectives. Nous avons soumis un projet d'entente préliminaire à la SCHL le 28 septembre dernier. C'est évidemment un projet d'entente qui est basé sur la volonté du Québec de demeurer le maître d'oeuvre de toutes les interventions en matière d'habitation sur son territoire. Cette maîtrise d'oeuvre a été aussi reconnue et réclamée par les ministres responsables de l'habitation des autres provinces. Alors, il nous reste à nous entendre sur les conditions spécifiques.

Il y a eu un certain ralentissement des négociations au cours des dernières semaines. Nous souhaitons que cela ne traduise pas quelque volonté fédérale de ralentir. Au contraire, nous pensons que, dans la situation troublée que nous traversons suite aux événements du 11 septembre, il y a une responsabilité encore plus grande des gouvernements de relancer des activités à caractère économique qui ont aussi des incidences sociales importantes. Alors, nous avons bon espoir, lors de la conférence fédérale-provinciale qui va se tenir ici même dans la ville de Québec les 28, 29 novembre prochain, de pouvoir conclure l'entente bilatérale Canada-Québec. Nous pensons que cela permettra de mettre en chantier, dès le printemps prochain, de nouvelles unités. Nous voulons accélérer la mise en chantier, nous avons comme objectif un minimum de 1 500 nouvelles unités de logement locatif qui s'ajouteraient aux 1 325 déjà, si vous voulez, en voie de réalisation annuellement grâce au programme AccèsLogis mis en place par le gouvernement du Québec. Alors, c'est certainement pour nous un minimum de 2 800, 3 000 unités par année que nous pourrions ainsi réaliser.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme la ministre. M. le député de Portneuf.

M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie de me céder la parole à ce moment-ci. J'ai été très attentif aux échanges jusqu'à présent et je les trouve fort instructifs, fort intéressants. Je dois dire qu'il est vrai aussi, de mon point de vue, que, sur un sujet aussi important que le logement social, justement, l'on doit aborder ces questions de la manière la moins partisane possible, donc nous intéresser au fond de la question. Et pour ceci, il me semble important d'avoir le portrait ou l'heure la plus juste possible sur la situation actuelle, mais aussi en sachant la mettre en perspective en tenant compte de l'évolution de la situation au cours des années, et ceci, Mme la ministre, pour deux raisons: premièrement, bénéficier d'éléments de perspective nous permettant d'identifier et éventuellement de mettre en oeuvre les solutions les plus porteuses.

Et, tout d'abord, à l'exemple de mes collègues, je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a bien pénurie actuellement de logements sociaux, et une pénurie que je qualifierais peut-être, malgré certains articles que j'ai pu lire dans la presse, davantage conjoncturelle que structurelle, donc pénurie de logements, notamment pour les ménages à faibles revenus et pour les familles à la recherche de grands logements.

Mais, pour autant, je ne crois pas qu'on puisse conclure qu'il y ait crise pour autant. Et je rappellerai à cet égard la grande variabilité de la situation observée au cours des années, alors que, depuis 15 ans notamment, le Québec a connu une réelle abondance de logements locatifs. Il faut se rappeler en effet que les taux d'inoccupation des logements locatifs se sont situés systématiquement au-dessus du taux de 3 %, défini comme le taux d'équilibre du marché locatif de 1987 à 1999, et que, juste un peu avant, le taux s'était situé à 1,7 %. Et donc, on doit admettre que le marché lui-même sait normalement aussi, en plus des interventions qu'on peut initier, s'adapter rapidement et que, par exemple, parce que certains l'ont décrié, c'est certainement pas la législation du contrôle des loyers au Québec qui empêche le marché de s'adapter, au contraire.

n (11 h 10) n

Alors, je pourrais donner comme ça d'autres exemples ? malheureusement, le temps à ma disposition est compté ? exemples donc de variabilité importante au cours des années dans la disponibilité des loyers. Et on se retrouve plus récemment, après 1997, à la faveur d'une forte croissance économique propice à la formation des ménages, à la situation qu'on connaît actuellement, donc de pénurie relative.

Il me semble important, Mme la Présidente, de rappeler qu'une telle pénurie résulte essentiellement de deux composantes: premièrement, les effets de l'importante reprise économique de la fin des années quatre-vingt-dix qui a amené la création d'un nombre très important de ménages et, d'autre part, une situation où les ménages nouvellement créés n'optent pas toujours pour l'accession à la propriété et donc viennent augmenter la demande de façon significative pour des logements locatifs. J'ai des données, mais je vous en fais grâce, qui, encore là, décrivent très bien la variabilité importante du nombre de ménages, fonction essentiellement de l'évolution de la conjoncture économique.

Est-ce que ceci veut dire qu'on doive rester les bras croisés en se disant: Bon, tout ceci va se réparer tout seul? Non pas. Non pas, Mme la Présidente, non pas, Mme la ministre. Nous avons vu, donc, que les gestes que le gouvernement pose déjà et les représentations que nous avons faites ici, enfin, du côté ministériel comme probablement du côté de l'opposition officielle, auprès de notre collègue des Finances en vue du prochain discours sur le budget, nous permettent d'espérer pour le mieux en termes d'actions additionnelles que le gouvernement pourrait initier. Et nous sommes donc en mesure d'agir pour éliminer le plus possible les aspérités, qu'il s'agisse d'ailleurs de pénurie ou d'excédents excessifs éventuels, et d'agir dans la continuité.

Nous sommes en effet déjà bien positionnés au Québec pour agir, notamment ? et je le rappellerais ? grâce au contexte d'ensemble qui régit les loyers chez nous. Et j'en réfère aux résultats d'une toute récente étude rendue publique par notre collègue, la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole, où on démontrait que les politiques québécoises ont été plus efficaces que celles des autres provinces dans la mesure où s'est maintenue une offre de logements locatifs de bonne qualité, à prix raisonnable, tout en offrant aux propriétaires des perspectives de stabilité à moyen et à long terme.

Donc, nous avons des outils additionnels mais nous avons également déjà, dans une perspective de continuité, un encadrement du secteur qui, je pense, va nous permettre d'éviter ces aspérités et de faire en sorte que des logements sociaux soient disponibles au moment opportun. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. le député de Portneuf. Mme la députée de La Pinière.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Sur le dernier point soulevé par le député de Portneuf lorsqu'il parle de l'étude sur les coûts de logement, je lui rappelle que cette étude s'arrête en 1996, et, de l'aveu même de la ministre, la crise du logement s'est aggravée depuis l997. Donc, on peut considérer que c'est un peu caduc, ça porte sur une réalité, mais cette réalité a beaucoup changé depuis. Et, au centre du débat de la crise du logement, je voudrais encore tenter de convaincre la ministre que la crise est réelle. Lorsqu'on parle de crise de logement, on parle de taux de vacance, de nouvelles unités de logement, mais il est important de mettre un visage humain sur cette crise.

Lorsqu'on dessine le profil des mal logés et des sans-logis, ce qui frappe, c'est que la crise à un visage féminin. En effet, ce sont les femmes qui souffrent le plus de la crise du logement locatif. Il suffit de mentionner que les logements sociaux sont occupés à 73 % par des ménages dirigés par des femmes. Parce qu'elles vivent plus âgées que les hommes, parce qu'elles sont plus nombreuses à vivre seules dans leur logement, parce qu'elles sont plus nombreuses à être chef de famille monoparentale, parce qu'elles sont concentrées dans les grands centres urbains et parce qu'elles ont des revenus inférieurs à ceux des hommes, les femmes sont les premières victimes de la crise du logement.

À Montréal, près d'une femme sur quatre consacre plus de 50 % de ses revenus au loyer. Ça représente 50 235 ménages. À cause de la précarité de leur situation financière, les femmes sont condamnées à Montréal à vivre dans des logements exigus, insalubres et délabrés. Dans le territoire de la Communauté urbaine de Montréal, sur les 46 765 logements locatifs occupés par des femmes, 22 345 ont besoin de rénovations majeures. Les femmes âgées vivent dans la solitude et doivent, malgré leurs maigres ressources, soutenir leurs enfants, voire même leurs petits-enfants. Les femmes très âgées sont soutien de ménage dans une proportion de 54 % pour celles qui ont 75 ans et plus et dans une proportion de 66 % pour les 85 ans et plus.

Une autre facette de cette crise du logement social est vécue par les maisons de transition pour femmes victimes de violence conjugale, qui réclament depuis plusieurs années des ressources additionnelles pour héberger les femmes en situation de détresse.

Le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale ainsi que la Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec, de même que le Centre des femmes de Montréal et Women Aware, ont fait de nombreuses représentations auprès du gouvernement, mais sans succès.

Pour ce qui est des maisons d'hébergement, s'il fallait citer une donnée pour démontrer l'urgence d'agir, rappelons qu'en 1999 elles ont accueilli 8 500 femmes et 5 500 enfants, mais n'ont pas pu répondre à 3 514 femmes et enfants en détresse faute de places disponibles. Les maisons de transition et d'hébergement réclament, depuis 1995, l'accès à sept maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence. Quand est-ce que la ministre va donner suite à cette réclamation?

Par ailleurs, le Comité de logement pour les droits des victimes de violence conjugale, appuyé par 60 autres organismes, a saisi la ministre de l'habitation depuis le mois de février dernier pour lui demander d'intervenir par voie législative pour, et je cite: «permettre à une victime de violence conjugale signataire ou cosignataire d'un bail de quitter et briser ce bail, suite à un avis d'un mois, sans préjudice et sans répercussion légale ou financière». Que répond la ministre aux groupes qui l'ont saisie de cette demande le 16 février dernier?

J'ai eu l'occasion en septembre dernier de participer à un panel sur les femmes et le logement, à l'invitation du Centre des femmes de Montréal. On m'a parlé d'une résolution qui a été envoyée à la ministre, réclamant une intervention urgente auprès des itinérants, auprès des femmes et des mal-logés. À date, la ministre n'a donné aucune réponse. Comment expliquer son silence, Mme la Présidente? Et j'ai ici le texte de la résolution qui a été soumise à la ministre par le Centre des femmes. Si la ministre voudrait en prendre connaissance, je pourrai la déposer.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme la députée de La Pinière. Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, Mme la députée de Crémazie aura l'occasion de répondre très, très concrètement et spécifiquement aux questions soulevées par Mme la députée de La Pinière en matière d'actions menées par le gouvernement dans la problématique de l'hébergement dans les dossiers de violence conjugale.

Moi, j'aimerais revenir sur certaines déclarations faites par Mme la députée de La Pinière, notamment celle qui a confondu, suite à l'intervention de mon collègue le député de Portneuf, le coût du loyer et qui a confondu la rareté. Le coût du loyer a relativement peu augmenté de 1996 à maintenant. Par exemple, nous avons les données les plus récentes du loyer médian au Québec, et ce loyer médian dans les centres urbains est de 540 $ par mois. Il est bien évident qu'il y a, dans les centres urbains de Montréal, Québec et Hull, je le répète encore, une situation qui aura amené le gouvernement à agir. Je rappelle que nous avons consacré cet été 3 millions de dollars. Il y a encore des suppléments au loyer qui sont disponibles parmi les 500 que nous avons annoncés. Et il faut savoir, puisque j'ai reçu dans mon bureau de comté, sur la rue Ontario, un certain nombre de ces familles, il faut savoir aussi qu'il y a une difficulté supplémentaire qui est présente à cause d'études de crédits problématiques suite à des défauts de payer des loyers antérieurs.

n (11 h 20) n

Mais il est évident, et j'y reviens, si Mme la députée de La Pinière a cité le chiffre de 230 familles en recherche d'un logement à Montréal, eh bien, je pense que la première chose qu'il faut dire, c'est: Dans les meilleurs délais, ces personnes doivent s'adresser à l'Office municipal d'habitation. Il y a un accompagnement qui est fait et un support qui est donné sous forme de supplément au loyer, qui permet de ne pas consacrer plus de 25 % de son revenu pour se loger.

D'autre part, j'aimerais aussi rappeler que les chiffres cités par Mme la députée de La Pinière, de bonne foi, j'en suis certaine, ce sont des chiffres inexacts en matière de chantiers en cours présentement dans le logement locatif. Elle a cité des chiffres tous types d'unités d'habitation confondus, alors, condos et unités familiales, alors que, au contraire, le marché, en général, a connu une baisse, mais le marché locatif, une hausse. Et j'ai les chiffres les plus récents qui sont ceux de, justement, la Société centrale d'hypothèques et de logement et qui, en matière de construction de logements locatifs dans les centres urbains du Québec, démontrent une augmentation de 18,6 %, donc près de 20 % d'augmentation de mises en chantier dans le logement locatif dans les centres urbains.

Parce que ce que je dis, c'est pas à partir de 1997 brutalement, c'est plus à partir même de 1999, il y a deux ans environ, qu'on a connu une situation... Je disais Québec, 0,4 %, le taux d'inoccupation en 1999, et 1,4 % deux ans plus tard. Mais le marché, à l'inverse aussi, on l'a vu dans les années quatre-vingt, on l'a vu dans les années soixante-dix, le marché, à l'inverse, peut se réadapter et il peut aussi, comme on le voit avec les chiffres de la SCHL, mettre en chantier du logement locatif, en plus de ce que les gouvernements peuvent faire dans le cadre du logement abordable, comme je le signalais tantôt, en plus de ce qu'on doit continuer à faire avec les municipalités en matière de rénovation.

Et là je voudrais aborder la question du programme de revitalisation québécois mis en place en 1996 qui aura permis, par exemple, dans la ville actuelle de Montréal, de rénover 16 000 logements dans le cadre du PRVQ, donc, un programme qui a un effet économique et social important; chaque dollar de contribution du gouvernement du Québec ? nous aurons consacré 100 millions au cours des cinq années de ce plan d'action ? chaque dollar aura eu un effet de levier qui aura enclenché un investissement de 7 $ du privé. C'est vraiment un effet extrêmement important, et ce programme de revitalisation s'adresse justement à ces ménages monoparentaux, dont a parlé Mme la députée, qui vivent dans des quartiers, souvent des ex-quartiers ouvriers, et qui sont en revitalisation grâce à ces programmes conjoints Québec-municipalités.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Crémazie.

Mme Manon Blanchet

Mme Blanchet: Merci, Mme la Présidente. Oui, effectivement, j'allais aborder, à cette étape-ci, le sujet des femmes victimes de violence conjugale lorsque la députée de La Pinière l'abordait. Effectivement, le gouvernement du Québec entend et a entendu les manifestations et les revendications des différents groupes de femmes. Justement, même la semaine dernière, le 16 octobre dernier, plusieurs centres de femmes à travers le Québec sont venus sur la colline parlementaire manifester pour réclamer à nouveau et réitérer leurs demandes. Et d'ailleurs, plusieurs députés des deux côtés de la Chambre sont allés rencontrer les représentantes de leurs groupes de leur circonscription ou de leur région qui étaient ici. D'ailleurs, moi, j'ai eu l'occasion de rencontrer les représentantes du Centre des femmes italiennes de Montréal, qui sont situées dans Crémazie.

Par contre... Peut-être que l'action ou les réponses du gouvernement ne sont pas complètes par rapport aux demandes des femmes; par contre, le gouvernement du Québec a quand même réalisé certaines choses, et certaines sont très importantes. Par exemple, dans le cadre du programme sans but lucratif privé, 25 projets comprenant 255 unités de logement sont destinés aux femmes victimes de violence. En 2000, à la suite de la Marche des femmes, le programme AccèsLogis a été bonifié de 400 unités, dont une bonne partie a été destinée aux femmes. En 2000-2001, dans le cadre des programmes AccèsLogis et d'amélioration des programmes d'hébergement, sept projets ont été complétés, offrant 79 unités de logement pour les femmes démunies ou en difficulté et pour les jeunes en difficulté. À titre d'exemple, le projet Mères au pouvoir a permis la réalisation de 30 unités; le projet de la maison de transition Léger, de La Prairie, huit unités; le projet Expansion-femmes de Québec, à Charlesbourg, 10 unités. De plus, en 2000-2001, huit autres projets représentant 125 unités de logement pour les femmes et les jeunes ont été déposés dans le cadre de ces programmes ? AccèsLogis et Programme d'amélioration des maisons d'hébergement ? et sont présentement à l'étude. À titre d'exemple, parmi ces projets, on retrouve à Montréal les projets La Rue des Femmes, pour 20 unités, et Augustine Gonzales, pour 11 unités.

La SHQ a délégué un panéliste, lors de la rencontre du 19 septembre dernier du Montreal Council of Women, afin de discuter des problématiques du logement social pour cette clientèle. La SHQ a également une répondante à la condition féminine, qui assiste aux principaux forums relatifs à cette question, afin de tenir compte des préoccupations spécifiques à la condition féminine dans ses interventions.

J'ai ici, aussi, Mme la Présidente ? j'aimerais pouvoir le déposer, avec le consentement de la députée de La Pinière ? un rapport sur les interventions de la SHQ, la Société d'habitation du Québec, depuis 1997 à ce jour, dans le cadre du Programme d'amélioration des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence. Ces interventions consistent en des travaux de rénovation de maisons d'hébergement déjà existantes. Alors, si Mme la députée me donne le consentement, est-ce que je peux faire le dépôt?

Une voix: ...

Mme Blanchet: Non... En terminant, je voulais seulement dire un petit mot, Mme la Présidente, sur un point abordé par la députée de La Pinière en ce qui concerne les demandes faites par les femmes victimes de violence qui veulent mettre fin à leur bail, vivant une situation de violence. Je sais qu'au niveau du ministère des Affaires municipales et de la Métropole et aussi au niveau de la SHQ des travaux sont en cours. Il n'y a pas eu de réponse encore, parce que justement les études n'ont pas été complétées auprès du ministère, et je suis persuadée que, lorsque le tout sera complété, les tenants et aboutissants de ces aménagements législatifs, bien sûr, seront établis, seront déterminés. Je suis persuadée que ma collègue la ministre d'État aux Affaires municipales et responsable du logement social, de l'habitation, en fera l'annonce, sûrement, pour permettre effectivement une meilleure transition pour les femmes et leurs jeunes enfants victimes de violence conjugale afin de quitter le logement. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme la députée de Crémazie.

Mme la députée de La Pinière.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais aborder, à cette étape-ci, une problématique très spécifique et très majeure quand on parle de problème de crise de logement: la problématique de la santé et de l'habitation. Une politique d'habitation novatrice est nécessaire pour répondre aux attentes des citoyens du Québec et contrer la crise du logement locatif. Pas plus tard qu'hier, une coalition, le Front commun des organismes communautaires de défense des droits en habitation, réclamait l'adoption d'une politique globale en habitation. Cette coalition demande aux gouvernements québécois et canadien de mettre en oeuvre un grand chantier de logement social. On doit remercier les membres de cette coalition, mais il faudrait aussi susciter la réflexion chez les autres partenaires privés et également les autres milieux coopératifs et autres sur cette problématique du logement.

Le rôle du gouvernement dans la gestion de la crise du logement est majeur. Non seulement le gouvernement doit-il investir, non seulement doit-il susciter des investissements de différents partenaires, mais il doit aussi, à l'intérieur même de l'appareil du gouvernement, développer une approche horizontale qui implique tous les ministères et organismes concernés par la problématique du logement social, et l'une des dimensions de cette problématique touche le secteur de la santé. Or, le réseau de la santé tarde à reconnaître l'impact de la crise du logement sur la vie quotidienne des milliers de Québécois et de Québécoises. Les mal-logés et les sans-logis sont les personnes qui ont ou qui développent de multiples problèmes de santé, et je ne parle pas ici seulement des itinérants.

Dans une conférence donnée en décembre 2000, le Pr Yves Vaillancourt soutient, et je cite un extrait des Cahiers du Laboratoire de recherche sur les pratiques et les politiques sociales de l'École de travail social de l'Université du Québec à Montréal: «Ce fait est connu, mais demeure peu reconnu. Le logement constitue, avec l'emploi et l'éducation, l'un des trois déterminants majeurs de l'état de santé et de bien-être des individus et des familles.» Fin de citation.

n (11 h 30) n

Or, ce même document mentionne que la politique québécoise de santé et de bien-être adoptée en 1992 ? donc, avant l'arrivée de ce gouvernement ? a reconnu le lien de cause à effet entre la qualité de logement et la santé. Pourtant, Mme la Présidente, les groupes communautaires et les organisations à but non lucratif sont incapables d'avoir l'écoute du gouvernement à cet effet. Pourtant, ce sont des intervenants de premier plan qui oeuvrent dans le domaine du logement auprès des différentes clientèles, notamment les personnes victimes de toxicomanie, d'itinérance, de violence conjugale ainsi que les personnes âgées souffrant d'une légère perte d'autonomie.

Le Réseau québécois des organismes sans but lucratif d'habitation publiait, en janvier 2001, un excellent document de réflexion intitulé: Habitation communautaire et santé: penser aujourd'hui une politique intégrée. Les auteurs de ce document de réflexion témoignent de leurs frustrations face à l'insensibilité de la bureaucratie gouvernementale et du réseau de la santé particulièrement, frustrations qui durent depuis de nombreuses années. Ils mentionnent, à la page 6 du document, et je cite: «Au coeur de notre requête, c'est d'abord le principe, tant de fois réitéré, que les conditions d'habitation sont un des plus importants déterminants de la santé.» Dans la réalité, cette affirmation n'est toutefois pas concrétisée par une complémentarité efficace des actions des intervenants de l'habitation et de la santé.

Je profite donc de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui pour demander à la ministre: Qu'est-ce qu'elle entend faire pour répondre au cri d'alarme des intervenants du milieu qui réclament cette politique intégrée? Est-elle consciente de l'urgence de donner un coup de barre, et ce, au plus haut niveau? Au-delà de la mise en place d'un comité interministériel, qui risque de continuer à parler pendant encore de nombreuses années, qu'est-ce que la ministre responsable de l'habitation a l'intention de faire au niveau politique pour que la surdité apparente du réseau de la santé entende la voix des groupes et, j'ose espérer, également celle de la ministre si elle décide de se rallier justement à ce cri d'alarme qui est envoyé par les groupes communautaires? Quand prévoit-elle que le ministère de la Santé et le réseau de la santé reconnaîtront à leur juste valeur et pour une période triennale la qualité et la nécessité des services offerts par les milieux communautaires et les organismes sans but lucratif pour les clientèles visées? Et est-ce que la ministre peut faire comprendre à son collègue de la Santé la différence des coûts qui existent entre le logement abordable mis en marché par des organismes du milieu et l'hébergement dans un centre hospitalier de longue durée ou un autre établissement du réseau de la santé? Donc, voilà des questions concrètes auxquelles la ministre devrait nous répondre. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme la députée de La Pinière. Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, pour les fins de la réponse à ces questions de Mme la députée de La Pinière, j'aimerais déposer et lui faire transmettre... et vous déposer, avec votre consentement, Mme la Présidente, un document qui s'intitule L'Action québécoise en habitation, un bilan 1997-2001.

Document déposé

Alors, dans ce bilan, elle va retrouver l'action menée par le gouvernement du Québec, et je rappelle que, en ces matières, au Canada, il n'y a que le gouvernement du Québec qui a maintenu une action énergique en matière de construction et de rénovation pour des personnes, par exemple, âgées en perte d'autonomie, mais qui veulent encore habiter leur logement avec services ou encore pour des itinérants, des sans-abri qui trouvent ces unités d'habitation, d'hébergement.

Alors, pour ce qui est des personnes en perte d'autonomie, nous avons, à chacune des programmations annuelles, consacré 365 nouvelles unités d'habitation, donc pour un grand total... Sur le plan d'action 1997-2001, nous prévoyons 1 725 nouvelles unités qui auront été réalisées durant cette période pour des personnes âgées en légère perte d'autonomie qui veulent continuer, dans un milieu plus protégé, à finalement être dans leur logement. Nous avons également, lors de la marche des Québécoises contre la pauvreté... Nous avons annoncé l'ajout, qui est en chantier, de... Excusez-moi, c'est 1 825 unités et non pas 1 725, comme je le mentionnais. Alors, nous avons également ajouté 400 unités pour des personnes vraiment en situation de très, très grand dénuement. En fait, ce qu'on appelle «sans domicile fixe» ou d'autres les appellent «itinérants». Alors, nous avons donc réalisé des projets importants.

J'ai eu moi-même l'occasion, à l'Accueil Bonneau, d'inaugurer un de ces projets attenant à l'Accueil Bonneau. L'Accueil Bonneau accueille des personnes itinérantes, sans abri, mais nous avons pu, avec leur appui et la contribution du gouvernement du Québec, réaliser un important projet d'offre de logements supervisés, si vous le voulez, pour ces personnes sans abri. Alors, les unités, on m'indique qu'il y aurait eu...

(Consultation)

Mme Harel: Alors, nous aurions eu, donc, une action qui s'est répercutée dans toutes les régions du Québec, tant dans la région de l'Outaouais, par exemple, qu'ici même, à Québec, et que dans l'ensemble des régions du Québec.

Nous avons mis en place un groupe de travail, ministère de la Santé et des Services sociaux et Société d'habitation du Québec, pour faire en sorte que le ministère de la Santé et des Services sociaux implique les régies régionales dans l'offre de services qui sont indispensables à des personnes en grand dénuement, souvent des personnes qui présentent des problèmes de santé mentale ou d'autres types de problèmes, et nous demandons... En fait, déjà plusieurs régies régionales contribuent à raison de 1 $...

Une voix: ...

Mme Harel: Oui, à raison de 1 000 $ par logement. Donc, les résidences qui regroupent, par exemple, 30 ou 35 logements de personnes en grande difficulté, la régie régionale peut offrir jusqu'à 35 000 $ pour une aide, un support, un accompagnement qui permette, sur place, là, à ces personnes de vivre de manière plus harmonieuse.

Alors, nous avons également offert 1 373 places de plus en hébergement aux personnes qui sont en grande difficulté. Et voilà, Mme la Présidente, nous entendons faire plus, encore mieux, nous avons présenté diverses propositions à nos collègues des Finances et du Trésor et nous sommes en discussion.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme la ministre. M. le député de Portneuf.

M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Merci, Mme la Présidente. Dans la continuité de ce débat de même que de l'intervention que je faisais précédemment, j'ai insisté, Mme la Présidente, sur l'importance de bien comprendre le phénomène de l'évolution de la disponibilité de logements sociaux dans le temps en comprenant l'effet, par exemple, de la conjoncture économique sur le nombre de ménages qui se créent et donc qui recherchent des loyers. On assiste donc, depuis, ma foi, d'après les données disponibles, les années soixante, à des périodes de surplus relativement importants suivies de périodes de pénurie, et notre rôle est de faire en sorte, comme législateurs, comme gouvernement, comme députés, faire en sorte d'agir de façon justement à éviter les extrêmes, à éviter les situations où il peut y avoir excédent important de logements tout comme les situations où il peut y avoir effectivement pénurie relative de logements.

n (11 h 40) n

Alors, j'ai donné un exemple dans la continuité lorsque j'ai référé au mécanisme, au Québec, qu'on retrouve, de contrôle des loyers, dont la performance, lorsqu'on se compare à l'ensemble des autres provinces canadiennes ou à certaines provinces canadiennes de référence, nous situe dans une position enviable, par exemple, au niveau de l'évolution des taux de loyer qui est plus faible ici, au Québec, que dans les régions auxquelles nous nous sommes comparés.

J'ai donc parlé d'action dans la continuité, mais également d'actions nouvelles que doit initier un gouvernement responsable de façon, justement, à lisser des aspérités et j'aimerais en rappeler un certain nombre, Mme la Présidente. La Société d'habitation du Québec, on le sait, apporte une aide directe à quelque 240 000 ménages, près de 85 000 d'entre eux habitant un HLM ou bénéficiant d'un supplément au loyer. Voici une façon intéressante d'intervenir et dans laquelle nous sommes déjà très actifs. À l'automne 2000 ? autre rappel ? en réponse aux revendications de la Marche des femmes, le gouvernement a annoncé la construction de 400 unités nouvelles, volet III du programme AccèsLogis. Autre exemple d'action, le 27 juin dernier, le gouvernement décrétait l'octroi de 500 unités de supplément au loyer afin de venir en aide aux ménages n'ayant pu trouver de logement au 1er juillet 2001.

D'autres mesures, Mme la Présidente. Dans le cadre de la réorganisation municipale en cours, le gouvernement a introduit des mesures favorisant le logement social et communautaire. L'équité de l'accès aux HLM et de leur financement est maintenant établie sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal, ce qui n'est pas rien compte tenu de l'importance de la population en cause. De plus, les nouvelles villes regroupées auront, d'après les décrets qui ont été adoptés, si j'en ai bien compris la substance, la responsabilité de constituer des fonds de développement du logement social servant à financer de nouvelles initiatives au niveau du logement social. Donc, autant d'initiatives qui s'ajoutent à ce que nous faisions déjà.

Et je pourrais également rappeler le Programme d'aide aux organismes communautaires, qui est doté d'un budget annuel de 1,3 million, qui apporte une aide importante à des organismes qui, par leurs activités, favorisent justement, Mme la Présidente, l'amélioration des conditions d'habitation des Québécoises et des Québécois.

D'autres mesures. On adoptait, en mai dernier, un nouveau règlement sur les conditions de location des logements à loyer modique qui contient des mesures d'incitation au travail afin de favoriser la mixité sociale dans les HLM. Donc, non seulement augmenter, entre guillemets, le parc, mais la qualité à l'intérieur de nos logements sociaux. Et le gouvernement qui négocie actuellement les termes de ce nouveau programme de logements à loyer abordable avec la SCHL, dans le but de mettre en place ce nouveau programme pour le 1er janvier 2002 et ainsi permettre la livraison des premières unités de logement pour le 1er juillet 2002.

On voit donc que nous ne sommes aucunement en situation d'attentisme par rapport à la situation actuelle, et j'y ajouterais des mesures qui sont peut-être davantage diffuses, mais qui ont un impact. Par exemple la mesure visant à respecter l'engagement gouvernemental d'appauvrissement zéro qui a été respecté malgré les coûts que cela implique, notamment pour les clientèles anciennement inscrites à Logirente, dont l'allocation n'a pas été affectée à la baisse. J'évoquerais également la réalisation de nouvelles unités de logement social via le programme AccèsLogis, qui va toujours bon train, et bien d'autres mesures également, Mme la Présidente, qui nous assurent du comportement tout à fait responsable non seulement du gouvernement, mais, je dirais, des membres de l'Assemblée nationale dans leur rôle de veiller à protéger les intérêts de nos concitoyens et concitoyennes. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. le député de Portneuf. Mme la députée de La Pinière.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, encore une fois, je constate que les questions ne sont pas répondues. J'ai abordé la problématique de la santé dans l'habitation et je voudrais inviter la ministre à lire ce document. Ça va être très instructif pour elle de comprendre de quoi on parle, parce que, actuellement, il y a effectivement les personnes âgées qui habitent dans des HLM et qui sont entrées là en autonomie, et leur situation de santé s'est détériorée. Il faut s'en occuper. Il y a les itinérants. Il y a un programme qui a été... une entente concernant l'initiative de partenaires en action communautaire qui a été signée au mois de février dernier, et l'argent n'est toujours pas arrivé pour aider les groupes communautaires qui sont en attente. Les projets sont montés, et on attend toujours. Il y a également toute la question de la désinstitutionnalisation, de la désinstitutionnalisation qui a mis dans la rue, littéralement, des personnes atteintes de maladie mentale qui ont besoin d'être hébergées, mais surtout d'être soutenues au niveau de la santé. Et il y a évidemment tous les groupes communautaires qui oeuvrent dans ce domaine et qui voudraient avoir une reconnaissance de leur travail et aussi une reconnaissance de la problématique de la santé en habitation.

C'est de ça qu'il s'agit. La ministre et ses collègues nous parlent des statistiques, mais la problématique demeure entière. Oui ou non, est-ce qu'on va avoir une problématique d'habitation intégrée dans laquelle la dimension de la santé va être intégrée? Oui ou non, est-ce que la ministre de l'habitation va jouer son rôle de leadership, elle va parler à son collègue de la santé, et à ses collègues des services sociaux, et à tous les collègues et tous les organismes gouvernementaux pour les sensibiliser à cette réalité et les impliquer dans une démarche cohérente, dans une démarche collective pour venir en aide, justement, aux plus démunis et aux personnes qui non seulement ont besoin d'un toit... On parle pas seulement de l'investissement dans le béton. Il est nécessaire, mais on parle aussi de l'investissement dans les services, dans la qualité de vie des gens. Et ça, cette dimension-là demeure à être considérée par la ministre, et je l'invite aujourd'hui, là, à intégrer cette préoccupation dans ses paramètres d'analyse de la problématique du logement au Québec.

Et, Mme la Présidente, j'aimerais également aborder la question de la crise du logement... problématique de logement en région. On a parlé tantôt des grands centres urbains qui sont... évidemment, Montréal en particulier, parce que c'est une réalité assez préoccupante, mais la crise du logement ne frappe pas que Montréal. Bien au contraire, d'autres régions, notamment, ici même, à Québec, dans la région de l'Outaouais et même aussi en Estrie, et même au Saguenay, et un peu partout, on commence à parler des problèmes de logement, et particulièrement des logements sociaux.

À Hull, les groupes communautaires sont rendus à recourir au secteur privé pour construire des unités de logements sociaux aux familles à faibles revenus, mais c'est une goutte d'eau dans l'océan. Ils ont quand même réussi à intéresser les gestionnaires d'un fonds de pension ontarien qui ont accepté d'investir 700 000 $ pour la construction, en partenariat avec d'autres intervenants, de quelque 50 unités de logement. Heureusement, il y a des groupes communautaires qui ont du coeur au ventre. Sans cela, la ministre, elle, elle continuera de contempler le spectacle des squatters et des familles qui logent dans les tentes en disant: Il n'y a pas de crise de logement.

À Québec, les groupes de défense des droits des locataires ne cessent de réclamer l'accès à de nouveaux logements pour enrayer la crise. Sur la Rive-Sud de Québec, il manque 324 logements sociaux dans la grande ville de Lévis.

Au Saguenay aussi, des voix se font entendre pour dire que la crise est en train de s'installer. La coordinatrice de Loge m'entraide, Sonia Côté, a déclaré au Quotidien du 16 août dernier, et je cite: «Le Saguenay?Lac-Saint-Jean n'est pas épargné par une crise de logement. Jonquière a subi une augmentation dramatique de 53 % des locataires qui consacrent plus de la moitié de leurs revenus pour se loger, depuis 1991. Elle arrive au quatrième rang au Québec. Il y a présentement 9 380 locataires à faibles revenus au Saguenay. Ils vivent une situation de pauvreté critique en raison du pourcentage trop élevé consacré au logement.»

Il y a également, Mme la Présidente... Je vous ai parlé de Hull, 107 familles dans l'Outaouais n'ont toujours pas trouvé de logement. Dans La Voix de l'Est, on parle de Granby: Le logement social, de mal en pis. Et, également, dans Le Quotidien:Le logement social n'est pas un luxe dans les régions. Et, également, dans Le Quotidien, Mme la Présidente, je vous ai parlé tantôt de la citation de Mme Côté, c'est une réalité qui est préoccupante, et la ministre doit considérer aussi cet aspect de la chose.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme la députée. Mme la ministre... Oui, c'est ça. Pour une dernière intervention de 10 minutes, Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Conclusions

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Ce sont des réalités préoccupantes, mais elles ne sont pas hors contrôle. Et elles sont préoccupantes et elles sont pas hors contrôle, cependant, parce que le gouvernement du Québec a agi.

n(11 h 50)n

Prenons la situation de Hull, pourquoi est-ce que c'est dans cette région de l'Outaouais où le centre urbain est le plus en pénurie de logements? Bien, la pression vient surtout de ménages ontariens qui ne trouvent plus à se loger dans la région d'Ottawa où cette pénurie existe depuis des années, mais avec un taux de loyer très élevé. Alors, c'est une pression qui nous vient, dans le fond, de la situation existante du côté de l'Ontario.

Mme la Présidente, les propos de Mme La Pinière, qui se voulaient non partisans au début, en fait, de cette interpellation, le sont devenus petit à petit. Je lui rappellerai que la désinstitutionnalisation n'a pas commencé avec le gouvernement du Parti québécois durant ce mandat. Et je vous rappellerai également que nous avons agi, avec tout ce bilan que je lui remets ce matin et sur lequel j'aurai l'occasion d'intervenir rapidement.

Je voudrais également mentionner que nous sommes le seul gouvernement au Canada, nous sommes les seuls qui, depuis 1997, investissons dans l'appui aux organisations communautaires. Et, Mme la Présidente, je pense que c'est extrêmement important de se rendre compte que le Programme d'aide aux organismes communautaires en habitation, qui a été mis en place en 1997, permet de financer le fonctionnement de 85 organismes avec une enveloppe budgétaire de 1,3 million de dollars et une enveloppe qui est augmentée annuellement, et que nous avons la fierté de considérer que nous sommes en support à ces interventions qui sont faites dans le milieu communautaire, nous sommes en support également aux groupes de ressources techniques. Et faut-il rappeler qu'il n'y a qu'au Québec que ces groupes de ressources techniques reçoivent un tel appui financier du gouvernement.

J'aimerais également signaler que l'étude réalisée par la Société d'habitation du Québec et la Régie du logement sur toute la question du coût des loyers a révélé, même si elle se termine en 1996... Nous aurons l'occasion de la mettre à jour avec les données récentes du recensement de 2001. Cependant, il est évident que cette étude peut beaucoup nous inspirer, puisqu'elle nous rappelle que la conjoncture de rareté, favorable à des hausses de loyer abusives, hein... On l'a vu, cette conjoncture de rareté n'aura pas amené une hausse de loyer abusive, justement dû au contrôle des loyers. Et cela nous rappelle également que ce n'est pas des situations inusitées que nous vivons. Presque à chaque décennie, durant les dernières décennies, elles ont été vécues. Et même plus, puisque durant les années quatre-vingt il y a eu, donc, une pénurie durant deux années, qui a tout de suite été suivie par des mises en chantier très importantes et taux de vacance beaucoup plus élevés. À cette époque-là, il y avait plus de 25 000 ménages locataires qui faisaient appel à la Régie du logement, alors que nous en sommes actuellement à 10 000. C'est des prévisions d'ici la fin de l'année 2001, nous n'en sommes même pas encore à 10 000.

Mais la Régie est là pour rassurer et propriétaires et locataires. Propriétaires qui l'ont beaucoup utilisée aussi durant les dernières années. Presque le deux tiers des dossiers portés devant la Régie l'ont été par les propriétaires eux-mêmes. Et donc, il y a un équilibre. En situation de très fort excédent, ce sont plus les propriétaires qui utilisent les services de la Régie, alors qu'en situation de forte pénurie ce sont plus les locataires. Mais on voit bien, durant les 50 dernières années, puisque c'est la durée sur laquelle l'étude a porté... On voit qu'il y a un équilibre constant qui s'est maintenu.

On voit aussi qu'il faut faire attention avec les chiffres qui sont cités. Mme la députée de La Pinière a beaucoup cité le chiffre des 23 % de ménages qui consacrent un taux d'effort de plus de 50 %, mais les études qui ont été réalisées nous auront permis de découvrir que 14 % d'entre ces ménages, ce sont des étudiants qui habitent des résidences scolaires avec services et qu'un autre 15 % de ces ménages sont des personnes âgées qui vivent dans des résidences de personnes âgées avec des services. Alors, il faut faire très, très attention, parce que finalement c'est presque 40 % des ménages qui consacrent plus de 50 % de leurs revenus pour se loger, mais qui, dans ce logement, trouvent des services qui sont en plus de leur habitation.

Cependant, je pense que... Moi, je conviens tout à fait et je suis préoccupée, comme mes collègues... Mais, en plus, je suis ministre responsable du dossier de l'habitation, et, donc, nous avons travaillé très fort à soumettre diverses propositions, puisque nous en sommes à la fin de l'échéance des cinq années du plan d'action que le gouvernement du Québec a mis en place de 1997-2001 en matière d'habitation. Nous avons réalisé le bilan et nous avons soumis diverses propositions au gouvernement. Nous avons également travaillé très fort pour que le programme annoncé dans le cadre de la campagne électorale fédérale par le gouvernement libéral, l'an passé, ne passe pas à côté des besoins des Québécois et nous sommes assez confiants... Avec le front commun que nous avons réussi à réaliser en matière d'habitation, nous sommes assez confiants que nous réussirons à faire reconnaître un programme qui convienne aux objectifs que nous nous traçons, qui sont des objectifs de répondre aux besoins des familles nombreuses, de répondre aux besoins des familles à modestes revenus, donc des familles dont les revenus ne leur permettent pas d'avoir accès à un HLM, mais qui n'ont pas des revenus non plus très, très importants leur permettant d'occuper de grands logements avec un coût de loyer qui peut demeurer trop élevé.

Nous travaillons aussi beaucoup, Mme la Présidente ? et je voudrais en dire un mot ? sur le transfert des responsabilités fédérales en matière de logement social. Depuis 1996, le gouvernement fédéral a indiqué son intention de transférer aux provinces la gestion des unités ? au Québec, c'est environ 40 000 unités ? qui, au cours des dernières décennies, ont été mises en chantier par le gouvernement fédéral. Ce sont des unités coopératives d'habitation et quelques unités d'OSBL, donc sans but lucratif. C'est 125 000 unités de logement qui sont visées par ce transfert. En fait, ce sont plus 40 000 unités qui sont visées par ce transfert directement. Alors, le gouvernement fédéral propose aussi de transférer la gestion du parc immobiliser, qu'il partage avec le gouvernement du Québec.

Alors, cependant, la compensation financière qui est offerte par le gouvernement fédéral est vraiment inacceptable. Cette compensation équivaut à 18,5 % des transferts fédéraux, 18,5 % de tous les transferts qui se feront dans les différentes provinces, alors que nous constituons 24 % de la population, alors que, dans les études menées par la Société canadienne d'hypothèques et de logement, les besoins impérieux en matière de logement font au-delà de 27 %. Et ce qu'on nous offre, c'est à peine 18,5 %. C'est vraiment unanimement décrié par tous les milieux qui connaissent le secteur de l'habitation au Québec, d'autant plus que ce montant irait en décroissant au fur et à mesure de l'extinction des engagements hypothécaires de la SCHL sur ces bâtiments.

n(12 heures)n

Alors, c'est d'autant plus inquiétant que le gouvernement fédéral offre, dans ses propositions au Québec, une compensation d'à peine 611 $ par ménage démuni, alors qu'il a accepté, dans le reste du Canada, de signer des transferts en offrant 1 018 $ par ménage démuni pour le reste du Canada. Alors, c'est vraiment inacceptable, deux poids, deux mesures, et c'est à rabais. C'est vraiment, à tous égards, inacceptable, et je fais appel à l'opposition pour que nous soyons capables, comme nous l'avons réussi dans des secteurs, notamment la formation de la main-d'oeuvre, que nous soyons capables de venir à bout de cette inflexibilité du gouvernement fédéral. Nous voulons être traités équitablement. C'est ça, notre premier objectif. Donc, être traités équitablement, c'est au moins obtenir une solution où on obtient la part équivalente à celle de la population du Québec. Alors, c'est d'ailleurs un des principes que le fédéral a adoptés dans le transfert social canadien et qu'il ne veut même pas appliquer dans le cadre du transfert du logement social. C'est un montant additionnel de 106 millions de dollars par année que le Québec revendique pour être à égalité simplement avec les transferts qui sont faits dans les autres provinces, et je crois que le gouvernement fédéral a les moyens financiers, avec les surplus accumulés, de donner suite aux demandes légitimes du Québec. Et je souhaite que nous soyons unanimes dans ce dossier. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme le ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole. Mme la députée de La Pinière.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, nous arrivons à terme de cette interpellation qui a duré deux heures. J'ai choisi l'interpellation pour donner à la ministre toute la latitude voulue pour répondre aux questions de l'opposition, sachant que la période des questions est très contraignante en termes de temps, et, au terme de cet exercice, je dois constater avec regret que les questions de l'opposition sont demeurées sans réponse, parce que la ministre et ses collègues parlent de l'habitation et du logement au passé, alors que l'opposition officielle, comme d'ailleurs tous les intervenants dans le milieu qui sont impliqués dans le dossier de l'habitation et du logement social en particulier, parle de la crise au présent et au futur. Donc, il y a un décalage au niveau même de la façon d'aborder cette réalité.

Deuxième constat que je fais, Mme la Présidente, bien que j'aie donné à la ministre deux heures pour s'expliquer, elle maintient toujours qu'il n'y a pas de crise de logement, que c'est un phénomène quasiment sporadique. Et j'ai essayé de la convaincre en donnant un visage humain à cette crise. Malheureusement, la ministre, encore une fois, continue de nier l'évidence, hein? Elle nie l'évidence, parce que tout le monde sait qu'il y a une crise; on parle de pénurie de logements. Cela va sans dire qu'il y a une pénurie de logements, et c'est pour ça qu'on est ici. Parce que toutes les autres mesures que la ministre pourrait mettre de l'avant ne pourront pas corriger la situation tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas de nouvelles unités de logement sur le marché. Quel que soit le support financier qu'on peut donner aux mal-logés, s'il n'y a pas de logements disponibles, ils ne peuvent pas avoir accès au logement. C'est aussi une évidence, mais la ministre continue de la nier.

J'ai posé des questions précises, par exemple sur le programme AccèsLogis. Voilà un programme, dans lequel il y a des enveloppes financières, qui a produit des résultats. On est content de ce programme et on veut savoir où la ministre loge par rapport aux enveloppes dédiées à AccèsLogis. Elle a encore manqué l'opportunité de donner une réponse et de rassurer les intervenants qui sont prêts, justement, à mettre sur le marché des projets. Je lui ai cité le communiqué de presse de l'Association des groupes de ressources techniques qui nous dit qu'ils ont dans leurs cartons 147 projets de coopératives et d'organismes sans but lucratif en habitation prêts à démarrer demain matin. Qu'est-ce que la ministre répond à ces gens qui ont travaillé très fort pour proposer des solutions toutes prêtes au gouvernement? Où est le problème? Eh bien, le problème, il est dans les ressources financières. Et la ministre peut toujours pointer du doigt toutes sortes de cibles pour justifier son inaction, il n'y a rien qui peut compenser le fait que le gouvernement manque de leadership dans ce dossier.

Et je le dis à la ministre en toute amitié, parce que j'ai de l'amitié pour elle, mais, en même temps, je constate que la ministre ne se tient pas debout dans ce dossier-là. Je comprends qu'elle ait été, pendant un certain temps, complètement ensevelie sous les dossiers des fusions municipales forcées, mais là, là, je l'interpelle aujourd'hui et je lui dis, Mme la Présidente: Il est temps pour vous... Et je suis prête... Vous avez un contexte très favorable, l'opposition est prête à vous soutenir, prête à marcher avec vous, main dans la main, pour aller chercher les ressources au fédéral. On en conviendra, les besoins sont criants au Québec. Il faut qu'on travaille ensemble, et le message que je lance au gouvernement, je le lance aussi au gouvernement fédéral. Et je parle avec mes amis du fédéral, et c'est exactement le message que je leur dis: Il est urgent d'agir, et on ne peut pas continuer à s'ignorer mutuellement, à s'accuser mutuellement pendant qu'il y a des personnes qui souffrent dans la rue, pendant qu'il y a des personnes qui n'ont pas de logement. On n'est pas au tiers-monde ici, là, on est à Montréal, et Montréal est une métropole dont on est fier. Et on est au Québec, et toutes les régions et tous les citoyens du Québec sont en droit de s'attendre à avoir un logement décent, et pas seulement un toit sur la tête, mais aussi une qualité de vie dans ce toit-là.

Alors, Mme la Présidente, la ministre, volontairement ? volontairement ? a refusé de répondre aux questions de l'opposition. Que dit l'Association des groupes de ressources techniques? Je cite encore: «Le réseau des groupes de ressources techniques est en mesure de réaliser ces habitations ? c'est-à-dire les 147 projets ? au cours de la prochaine année si les conditions financières du programme AccèsLogis sont améliorées dans le cadre du budget québécois de novembre.»

La ministre va avoir une occasion en or le 1er novembre, hein? Puis je sais qu'elle est très amie avec la ministre des Finances, donc elle a là, encore une fois, un contexte très favorable. Voyez-vous, Mme la Présidente, tout concourt pour aider la ministre. Alors, est-ce qu'elle peut, sachant qu'elle ne nous a pas répondu aujourd'hui... que, d'ici le 1er novembre, on puisse avoir des bonnes nouvelles, parce qu'on saura que, pour une fois, la ministre de l'habitation s'est tenue dans le dossier de l'habitation, et mettre autant d'ardeur, sinon plus, que ce qu'elle a mis dans les fusions forcées?

Et que dit toujours l'Association des groupes de ressources techniques? «Ces projets permettront la création de quelque 4 250 unités de logement ? 4 250 unités de logement ? destinées à des ménages à revenus faibles et modestes», hein? Alors, on parle, ici, de 4 250 unités de logement. C'est des logements, et on en a besoin. Et la ministre doit se tenir, doit renouveler le programme AccèsLogis pour un autre cinq ans, parce qu'il a produit des résultats, et y mettre les ressources appropriées.

Malheureusement, Mme la Présidente, la ministre a manqué l'occasion de nous dire ça de vive voix, elle-même, pour rassurer l'opposition officielle que l'appui qu'on apporte à la ministre est justifié, d'une part, et, d'autre part, rassurer les partenaires du milieu que les gens, ils ne travaillent pas pour rien et qu'à l'autre bout il y a quelqu'un qui fait sa part, et ce quelqu'un, c'est le gouvernement, et particulièrement la ministre de l'habitation, et qu'elle va agir. Donc, on ne parle pas d'hypothétique ni de statistiques sur lesquelles on peut discuter et argumenter, on parle de projets qui sont montés, prêts à être réalisés, il manque juste les sous.

L'autre aspect, aussi, que je n'ai malheureusement pas pu aborder avec suffisance, c'est le soutien aux groupes communautaires, ceux-là mêmes, justement, qui mettent de l'avant des programmes et qui montent des projets. Or, quel sera, par exemple, l'avenir de ces groupes-là? Quelle sorte de soutien et de mandat, quelle sorte de reconnaissance vont-ils avoir, sachant, entre autres, que dans les fusions municipales forcées le gouvernement aurait des intentions, par exemple, d'élargir le mandat des offices municipaux d'habitation pour s'occuper non seulement de l'habitation, du logement social, mais aussi de différents aspects? Alors, je tiens à dire à la ministre, aujourd'hui, que l'opposition officielle reconnaît le travail des groupes communautaires, les coopératives, parce que la solution à la crise du logement, elle est multiple. Il n'y a pas une seule solution, il n'y a pas de mur-à-mur, parce qu'on s'adresse à des clientèles différentes, et il faut que les solutions soient sur mesure et il faut que les partenaires-clés soient là et soient reconnus, soient soutenus financièrement. Pas juste soutenus dans le discours, mais financièrement dans leurs actions.

Il faut également... Et j'invite la ministre, encore une fois par amitié, à changer son discours vis-à-vis du secteur privé. On peut tous avoir chacun ses préjugés, mais, dans la crise actuelle du logement, on ne peut pas la régler sans un partenariat soutenu de tous les intervenants, y compris le privé. Et donc, je pense que le débat que la ministre a amorcé sur le projet de loi n° 26, et tout ça, et les arguments, c'est des choses sur lesquelles on aura l'occasion de revenir, mais, pour nous, le partenariat, c'est essentiel.

L'autre question à laquelle la ministre n'a pas répondu et qui demeure entière, c'est par rapport au logement abordable. Va-t-elle accoter le 160 millions de dollars que le fédéral destine au Québec? C'est une question claire à laquelle l'opposition officielle n'a pas eu de réponse, comme d'ailleurs bien des sujets. Sur la situation des femmes dans le logement, la ministre n'y a pas répondu, elle a préféré que ça soit une députée qui réponde à cette question-là. Mais, lorsque vient le temps de faire des modifications législatives, une simple députée ne peut pas s'engager sur cette voie-là.

n(12 h 10)n

Alors, voici, Mme la Présidente, l'exercice a été, somme toute, utile parce que l'opposition officielle a posé ses questions. Malheureusement, on n'a pas eu toutes les réponses qu'on souhaitait avoir. C'est un débat à poursuivre, et je vais continuer à travailler avec la ministre, avec tous les partenaires du milieu. Et je salue, entre autres, les gens de la Société d'habitation du Québec, parce que je constate que, dans les interventions de nos collègues, il y a eu beaucoup de travail de fait. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme la députée de La Pinière. Alors, la commission ayant rempli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 11)



Document(s) associé(s) à la séance