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(Dix heures quatre minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La
commission du budget et de l'administration se réunit ce matin avec le
mandat d'entendre l'interpellation du député de D'Arcy McGee au
ministre délégué aux Relations avec les citoyens sur le
sujet suivant: La réglementation et son application dans la perspective
des relations État-citoyens. Je demanderais au secrétaire de la
commission de nous indiquer s'il y a des remplacements aux membres de la
commission.
Le Secrétaire: Oui, il y a deux remplacements. M.
Pagé (Portneuf) remplace M. Blank (Saint-Louis), et M. Marc-Yvan
Côté (Charlesbourg) remplace M. Caron (Verdun). C'est tout. M.
Scowen est membre de la commission.
Le Président (M. Lachance): Merci. Je rappelle que la
durée totale d'une interpellation est de deux heures et que la
procédure est la suivante: Le député qui a donné
l'avis d'interpellation peut intervenir pendant les premières dix
minutes. Le ministre interpellé va pouvoir intervenir ensuite pendant
les dix minutes subséquentes. Ensuite, il y a alternance dans les
interventions et ces interventions ont des durées de cinq minutes. C'est
d'abord un député de l'Opposition, le ministre, un
député ministériel, s'il y a lieu, un député
de l'Opposition, le ministre, un député du groupe
ministériel, un député de l'Opposition, le ministre et
ainsi de suite. À la fin, lorsqu'il restera 20 minutes, le ministre
pourra intervenir de nouveau et on terminera avec le député qui a
donné l'avis d'interpellation pour une durée de 10 minutes. La
parole est au député de D'Arcy McGee.
Exposé du sujet M. Herbert Marx
M. Marx: Merci. Le sujet que nous abordons aujourd'hui n'est pas
une préoccupation récente pour l'Opposition. Nous avons maintes
fois proposé au gouvernement de prendre des mesures pour rationaliser la
prolifération effarante de la réglementation et d'instituer un
mécanisme de révision des règlements existants. Pourtant,
le problème s'amplifie et les actions concrètes se font toujours
attendre. Maintenant dans un nouvel effort pour pousser le gouvernement
à agir dans les meilleurs délais et de façon
significative, nous nous adressons au ministre délégué aux
Relations avec les citoyens. Cela s'explique facilement puisqu'en
définitive n'est-ce pas le citoyen ou la citoyenne qui doit subir
à tous les jours les conséquences directes ou indirectes des
excès de réglementation? N'est-ce pas le citoyen ou la citoyenne
qui doit se débrouiller, fonctionner dans cette jungle où le plus
fort, en fin de compte, c'est le gouvernement? Est-ce que ce problème de
réglementation n'est pas un des pires poisons pour envenimer les
relations entre l'État et les citoyens?
L'administration publique au Québec est devenue de plus en plus
envahissante au cours des dernières années, au point de devenir
un frein au développement économique et social. La plupart des
sociétés industrielles connaissent ce problème à
des degrés d'intensité différents selon le contexte et
elles ont reconnu la nécessité de réduire l'intervention
de l'État. Le Québec, malheureusement, est encore en train de
prendre du retard alors que le problème y est particulièrement
aigu.
Le gouvernement intervient de plusieurs façon dans la vie des
personnes physiques ou morales. D'abord, il y a le Conseil exécutif, le
coeur de l'administration, qui rend chaque année quelque 4000
décisions dont un bon nombre sont de nature réglementaire. On
trouve ensuite les ministères qui sont responsables de l'administration
d'un très grand nombre de lois et de règlements. Il y a
également tous les organismes publics qui, eux aussi, préparent
des politiques, administrent des lois et adoptent des règlements. Ce
sont les commissions, régies, conseils, tribunaux, offices,
sociétés et ainsi de suite. On en dénombre plus de 200,
dont au moins 68 ont été créés depuis 1977. Tout
cet appareil est responsable de l'inflation et de l'incohérence
législative et réglementaire que le Québec connaît
depuis quelques années.
À ce stade, il est intéressant de fournir quelques
chiffres pour illustrer nos propos. Il y a plus de 200 000 articles de lois et
de règlements actuellement en vigueur, en plus du Code de
procédure civile et du Code municipal. En 1979, l'édition
française des lois refondues du Québec comprenait dix
volumes et se vendait 285 $. En 1983, elle comprend seize recueils qui
totalisent 13 000 pages et se vend 990 $.
Voici le tableau 1: en ce qui concerne les règlements, on en
retrouvait 952 en 1972, représentant 9000 pages. Il y avait 1881
règlements en 1981, ou 19 000 pages. Le nombre de règlements a
donc doublé en dix ans. Pour fins de comparaison, on voit que l'Ontario
en 1980 ne dénombrait que 952 règlements.
Tableau 2. Si l'on compare les lois aux règlements qui en
découlent, on remarque que, au 31 décembre 1981, il y avait
quatre fois plus de règlements que de lois. Pour la seule année
1982, on a produit onze fois plus de règlements que de lois et quatre
fois plus d'articles de règlements que d'articles de lois. En
décembre 1981, nous avions 430 lois et 1881 règlements. En 1982,
nous avons adopté 66 lois, mais nous avons adopté 749
règlements.
Tableau 3. Certains secteurs ont davantage connu le
phénomène de l'inflation réglementaire et il est
intéressant d'en faire ressortir quelques-uns. Entre 1972 et 1981:
à la Justice, il y a eu une augmentation de 114%; à
l'Agriculture, une augmentation de 167%; aux Affaires municipales, une
augmentation de 330%; aux Loisir, Chasse et Pêche, une augmentation de
53%; aux Transports, une augmentation de 36% et aux Corporations
professionelles, une augmentation de 757%.
Tableau 4. En ce qui concerne le rythme de production annuel des
règlements, on voit que l'administration publique
québécoise adopte de 800 à 900 nouveaux règlements
par année. Notons que le rythme s'est accéléré
depuis 1976. En 1973, nous avons adopté 700 règlements; en 1974,
660; en 1975, 700; en 1976, 730; en 1977, 820; en 1978, 900; en 1979, 890; en
1980, 994; en 1981, 813 et, en 1982, 749.
Je crois qu'il faut maintenant montrer aux gens qui nous regardent le
résultat de cette inflation législative et réglementaire
que nous venons de démontrer. Voilà les lois et les
règlements. J'aimerais souligner que c'est juste la version
française et qu'il y a aussi une version anglaise. C'est
nécessaire souvent pour les juristes de comparer les deux versions pour
comprendre la vraie portée d'un article.
M. le Président, vous savez bien que nul n'est censé
ignorer la loi dit-on. La situation est pour le moins inquiétante
surtout lorsqu'on pense que toute la réglementation, contrairement aux
lois, n'est soumise qu'à des mécanismes d'évaluation et de
contrôle minimes. Par exemple, la majorité des normes que doivent
respecter les citoyens échappent au contrôle de l'Assemblée
nationale et sont édictées par des autorités
exécutives ou par les nombreuses commissions ou régies. Tous ces
organismes créent des normes, mais ils mettent en même temps sur
pied une foule de mécanismes de surveillance et de contrôle, donc
des exigences administratives. Tout cela mène aussi à
l'augmentation de la paperasse et à tout ce que cela entraîne
comme tracas pour le contribuable.
Dans le dernier rapport du secrétariat aux relations avec les
citoyens, le ministre parle de secteurs d'intervention prioritaires comme la
diminution des délais dans les prises de décision, la
simplification des formulaires, etc. Ne voit-il pas le lien qui existe entre
ces aspects et le problème de la surabondance de ces actes
réglementaires? Les conséquences de ce problème sur les
citoyens sont déplorables. D'abord, il devient de plus en plus difficile
pour le simple citoyen de connaître ses droits et ses obligations.
Même les juristes ont du mal à se tenir au courant. Par exemple,
il y a des règlements qui ne sont jamais publiés ou qui, à
cause des délais de diffusion de la Gazette officielle du Québec,
entrent en vigueur avant même que les gens concernés aient pu en
prendre connaissance.
Le Président (M. Lachance): M. le député.
(10 h 15)
M. Marx: Oui, je conclus. De plus, il y a des cas où le
règlement est modifié tellement souvent qu'il est difficile
même pour un juriste d'en obtenir une version à jour. Le volume,
la complexité et l'incohérence réglementaire sont tous des
aspects qui briment le citoyen dans ses droits et libertés. M. le
Président, est-ce que je peux avoir un consentement pour trente
secondes?
Le Président (M. Lachance):...
M. Marx: Merci, M. le ministre. Je répète: Le
volume, la complexité et l'incohérence réglementaire sont
tous des aspects qui briment le citoyen dans ses droits et libertés.
Mais lorsqu'il veut se défendre contre cette machine gouvernementale un
peu trop indécente, il se rend vite compte qu'il en coûte
très cher de s'y attaquer et qu'il a peu de chance d'en sortir gagnant.
Ce sont là des faits et ils sont reconnus. Même le gouvernement ne
peut pas les contredire. Pourtant, il y a vraiment un manque de volonté
de sa part pour aborder le problème de front, même après
avoir pris des engagements et fait des promesses en ce sens à plusieurs
reprises depuis 1979.
Le ministre délégué aux Relations avec les citoyens
et les citoyennes a également un rôle à jouer dans toute
cette affaire. C'est lui qui devrait être le plus sensible aux effets
néfastes de la réglementation et de ce qui l'entoure sur les
citoyens et leurs
interfaces avec l'État. Nous allons lui fournir quelques exemples
parmi des centaines d'irritants reliés à la réglementation
dans l'espoir de le convaincre de l'urgence d'agir.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, la parole vous
appartient.
Réponse du ministre M. Denis Lazure
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux d'abord
remercier le député de D'Arcy McGee de m'avoir interpellé
puisqu'il me permet, au nom du gouvernement, de faire état des efforts,
et de certains résultats qui découlent de ces efforts faits,
depuis un an et demi en particulier pour rendre l'administration publique, non
seulement plus efficace, mais plus abordable pour le citoyen et la
citoyenne.
Je veux aussi rappeler à cette commission le mandat qui m'avait
été confié en septembre 1982. Le député de
D'Arcy McGee a raison de dire que, dans ma fonction de responsable des
relations entre la machine gouvernementale et les citoyens, il est normal que
je m'intéresse à la question qu'il soulève. Je veux
simplement rappeler pour la commission le mandat, très simple et clair
en même temps, qui m'avait été confié par
décret le 9 septembre 1982. Premièrement, que,
conformément à l'article 9 de la Loi sur l'exécutif, le
ministre délégué aux Relations avec les citoyens soit
chargé de préparer des mesures pour humaniser les rapports entre
l'administration publique et les citoyens; deuxièmement, que le ministre
délégué aux Relations avec les citoyens - maintenant on
dit avec les citoyens et les citoyennes puisqu'il y avait eu oubli à ce
moment-là; cela a été corrigé depuis - aide les
ministères et les organismes gouvernementaux à ajuster leur mode
de fonctionnement de sorte que la taille et la complexité des structures
administratives ne soient pas un obstacle à la personnalisation des
services reçus par les citoyens.
M. le Président, il est donc évident qu'un excès de
réglementation dans toute société peut devenir un obstacle
à la bonne marche de cette société et peut devenir aussi
un obstacle important aux bonnes relations entre le citoyen et le gouvernement,
l'administration publique.
Cependant, je voudrais au départ faire remarquer au
député de D'arcy McGee et à la commission que l'absence de
règlement ou l'insuffisance de règlement peut aussi être un
obstacle important dans une société.
Au Québec, nous avons vécu pendant plusieurs
générations avec un nombre très limité de
règlements, de la même façon que nous avons aussi
vécu pendant des générations avec une fonction publique
très restreinte. Qu'il suffise de rappeler que la dernière
année de l'administration Duplessis, 1958-1959, le budget du
gouvernement du Québec atteignait à peine 500 000 000 $ par
rapport au budget actuel de 25 000 000 000 $ ou 26 000 000 000 $, donc 55 fois
plus élevé dans l'espace d'à peine 25 ans.
Par conséquent, il y eut en peu de temps un déblocage
important, à tort ou à raison, je dirais même les deux, et
une prolifération, une augmentation considérable non seulement
des budgets, mais de la fonction publique, ce qui allait avec les budgets; par
conséquent aussi, il y eut l'augmentation du nombre de lois et de
règlements qui a suivi l'organisation, la mise sur pied d'une fonction
publique moderne.
Est-ce que nous en avons trop? Tout de suite, je veux faire une
correction, une mise au point. Le député de D'Arcy McGee a fait
une comparaison entre l'Ontario et le Québec quant au nombre de
règlements et quant au... Surtout quant au nombre de règlements.
Je fais référence à un ouvrage qu'il connaît en tant
que professeur très temporairement détaché de sa chaire
à l'université; il y retournera bientôt. Le
député de D'Arcy McGee connaît l'ouvrage de Raoul Barbe et
je veux apporter une correction aux chiffres qu'il nous a donnés
tantôt, ou plutôt une précision.
Il est vrai que nous avons, au Québec, un plus grand nombre de
règlements qu'en Ontario. Il est vrai que nous avons un plus grand
nombre de règlements. Ce qui est aussi vrai, et que le
député n'a pas dit, c'est que nos règlements, en
général, sont plus courts. Ce sont des règlements
spécifiques à telle ou telle question. Quand on regarde le nombre
total de pages - c'est ce qui est le plus important - de réglementation
en Ontario par rapport au nombre total de pages de réglementation au
Québec on s'aperçoit que la différence n'est pas grande.
On s'aperçoit qu'au Québec le nombre de pages en français
est de 8826, alors que le nombre de pages en Ontario est de 9081. Donc,
sensiblement, nous avons à peu près le même volume.
Le député de D'Arcy McGee va avoir la courtoisie de me
laisser parler, sans m'interrompre. Je l'ai laissé parler gentiment. Je
reviens à cette question fondamentale. Est-ce que nous avons trop de
règlements ou pas assez de règlements? Dans certains cas, nous
avons sûrement trop de règlements. Je dirais même que, dans
la plupart des cas, au moment où on se parle, nous en avons trop.
Là-dessus, il n'y a pas de chicane entre le député de
D'Arcy McGee et votre serviteur.
Je veux vous donner un exemple de règlement nouveau qui, à
mon avis et de l'avis de la population, pour autant qu'on peut en avoir des
échos d'organismes
représentatifs, vient tout juste de s'ajouter et qui apporte
quelque chose de valable à une société. C'est dans les
journaux de ce matin, c'est dans l'actualité, dans le Devoir de ce
matin, à la page 2: "Le Québec devient la première
province au Canada à se doter d'un règlement régissant la
qualité de l'eau de consommation." Aussi invraisemblable que cela puisse
paraître, M. le Président, nous n'avions pas au Québec ni
d'ailleurs au Canada, à venir jusqu'à récemment, le
règlement le plus sommaire soit-il qui établisse les normes quant
à la qualité de l'eau potable. Je cite l'article: "Un
règlement sur l'eau destinée à la consommation humaine et
établissant clairement les responsabilités des distributeurs
d'eau potable et des normes de qualité de l'eau entrera en vigueur le
1er juin. Le règlement, le premier du genre au Canada, vient
d'être adopté par le gouvernement et sera publié à
la Gazette officielle le 30 mai. Le règlement vise à assurer la
qualité de l'eau de consommation distribuée par les
réseaux d'aqueduc publics et par les réseaux privés et ne
touche pas l'eau embouteillée qui est régie par le
ministère de l'Agriculture. Un règlement fixant les normes de
l'eau potable était réclamé depuis plusieurs années
par plusieurs organismes du Québec et en particulier par l'Association
québécoise des techniques de l'eau. On pourrait donner d'autres
exemples de règlements qui ont été réclamés.
Les municipalités réclament chaque année par le biais de
lois privées des amendements à leurs règlements ou des
règlements nouveaux.
Mais je veux donner dans cette première intervention quelques
exemples de déréglementation et, là aussi, je me tourne
vers l'actualité. Premier exemple: Dans le Soleil de ce matin, plaidoyer
pour l'uniformisation des textes de loi. On parle notamment d'une
décision récente du ministère de l'Habitation du
Québec concernant la mise en vigueur de la version française du
Code canadien du bâtiment. Cette décision a été
accueillie comme un premier pas dans le bon sens. Il s'agit de l'Association
québécoise des agents du bâtiment qui sont en
congrès actuellement dans la région de Québec. Par ce
geste, le gouvernement du Québec a récemment répondu
à une attente des intervenants dans le domaine de la construction ou
dans le domaine du bâtiment et a décidé, une fois pour
toutes, que le seul texte réglementaire qui établirait les normes
dans le bâtiment au Québec serait la version française du
Code canadien du bâtiment. C'est un progrès dans le sens que cela
élimine d'autres réglementations qui, à toutes fins
utiles, étaient devenues superflues.
Deuxième exemple, le ministère du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche, par la loi 9 qui a été sanctionnée le
21 décembre 1983, la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la
faune, a regroupé plusieurs règlements et, de 159
règlements, nous en sommes maintenant à 55 règlements.
Troisième exemple aussi dans l'actualité, le samedi 19 mai
dans le Devoir: "Québec déréglemente l'hôtellerie et
la restauration". "Québec déréglemente" - c'est le terme
que le député de D'Arcy McGee affectionne particulièrement
- "l'hôtellerie et la restauration", et je cite: "Par voie de
décret, le Conseil des ministres du Québec vient d'autoriser la
déréglementation des activités des secteurs de
l'hôtellerie et de la restauration. Sur proposition du ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, le conseil a
décrété une nouvelle réglementation succincte qui
tient en 16 articles. Des 165 articles de l'ancien règlement, 26 ont
été modifiés, alors que 103 ont été
abrogés complètement."
En conclusion, M. le Président, dans cette première
intervention, je veux mettre en relief le caractère relatif de cette
requête du député de D'Arcy McGee, à savoir:
déréglementons au maximum. Je dis de cette requête:
Attention! Dans certains cas, oui; dans d'autres cas, pour la protection de
l'ordre public aussi bien que de la santé publique - et l'eau potable
est un exemple pertinent - non seulement il ne faut pas
déréglementer, mais il faut ajouter certains règlements et
cela, pour répondre aux besoins de la population. Merci.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre.
M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Pour dix minutes.
Le Président (M. Lachance): Cinq minutes. (10 h 30)
Argumentation M. Michel Pagé
M. Pagé: Cinq minutes. Êtes-vous certain? Ce n'est
pas beaucoup.
M. le Président, je dois dire que, comme mes autres
collègues de l'Opposition qui sont ici ce matin, c'est avec beaucoup
d'intérêt et c'est depuis déjà assez longtemps que
nous attendions l'occasion de rencontrer l'honorable ministre
délégué aux Relations avec les citoyens pour aborder ce
sujet qui a fait, évidemment, couler beaucoup d'encre et beaucoup de
salive depuis quelques années. Ce sujet touche, vous le comprendrez,
tout l'aspect de la réglementation gouvernementale et l'effet de ces
différentes réglementations, de ces règlements nombreux,
méconnus, qui sont adoptés non pas ici à
l'Assemblée nationale, mais bien souvent par
le Conseil des ministres à ses séances du mercredi et,
bien souvent, sans plus d'analyse qu'il en faut.
Compte tenu du délai très bref que j'ai, M. le ministre,
je vais en premier lieu aborder un secteur particulier sur lequel j'aurai
peut-être l'occasion de revenir un peu plus tard. Avant d'amorcer et de
regarder avec vous le secteur de la construction et de l'habitation, je dois
vous exprimer ma surprise d'entendre les réponses que vous nous formulez
ce matin, non pas que j'aie quelque antipathie personnelle à votre
endroit - au contraire, vous êtes ici un collègue respecté
et respectable - mais je dois vous confesser que vos arguments ce matin me
semblent puérils, un peu naïfs, pour ne pas dire infantiles, quand
vous dites qu'on a peut-être plus de règlements au Québec
qu'en Ontario, mais qu'on a un moins grand nombre de pages. Vous savez, c'est
bien loin de l'objectif qui est recherché et fondamentalement
désiré par les citoyens d'être soumis à un moins
grand nombre de règlements, moins de mesures irritantes. Finalement, ce
que les gens veulent, ils veulent se comprendre dans la réglementation
gouvernementale. Ils veulent qu'elle soit accessible et ils veulent qu'elle
soit plus facile d'interprétation.
Par exemple, le secteur de l'industrie de la construction ou le secteur
de l'habitation. Outre les secteurs d'aide au logement, d'aide à la
recherche, d'aide à la construction, la réglementation dans
l'industrie de ia construction se fait sentir dans plusieurs domaines: la
détermination des loyers, l'utilisation des espaces, les méthodes
de construction, les types de matériaux, le financement, la protection
du consommateur, la protection du public, la protection du travailleur de la
construction, la formation et la qualification professionnelle de la
main-d'oeuvre qui oeuvre dans le secteur de la construction, le contingentement
de la main-d'oeuvre qui oeuvre dans le même secteur et les relations du
travail. C'est donc dire que plusieurs aspects, plusieurs organismes sont
impliqués et plusieurs règlements également.
Vous êtes député, M. le ministre, depuis 1976. Vous
avez très certainement eu à vivre, à assister dans votre
bureau de comté à des plaintes souventefois formulées,
presque toujours fondées, de la part de citoyens, qui concernent les
règlements qui s'appliquent au secteur de la construction. Nous en
sommes venus à la conclusion et, comme porte-parole de ma formation
politique en matière de relations du travail, je peux vous confirmer que
nous sommes franchement convaincus que le secteur de la construction est un
secteur surréglementé, un secteur qui, compte tenu d'un nombre
exagéré de règlements qui s'appliquent, a fait en sorte
que c'est devenu irritant, c'est devenu étouffant, c'est devenu
décourageant.
Cette foule de règlements contribuent à tuer l'initiative
et cela a contribué - c'est là que c'est vraiment
inquiétant - à augmenter, de façon inquiétante
là aussi, les coûts de production. On constate qu'on a quatorze
organismes différents qui sont impliqués. Le ministère du
Travail et celui de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
ont leur mot à dire. La Régie des entreprises de construction du
Québec. La Société canadienne d'hypothèques et de
logement. L'Association canadienne de normalisation, l'ACNOR. L'Association des
entrepreneurs en construction du Québec. La Corporation des
maîtres électriciens du Québec. La Corporation des
maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. La Commission
de la santé et de la sécurité du travail. La Régie
de l'électricité et du gaz. Le ministère de
l'Environnement. Le ministère des Affaires culturelles, s'il faut que
cette construction tombe à l'intérieur d'une aire 500, au cas
où l'immeuble est déclaré, non pas d'intérêt,
mais monument historique. La Commission des affaires municipales. Enfin et pas
les moindres, ce sont les 1500 municipalités du Québec.
Pardon?
Le Président (M. Lachance): Vous pouvez conclure?
M. Pagé: Pas déjà.
Le Président (M. Lachance): Vous pourrez revenir par la
suite.
M. Pagé: Les lois et les règlements qu'ils ont
à appliquer sont, entre autres - je vais terminer là-dessus et
j'y reviendrai parce que c'était strictement le préambule
-premièrement, la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de
la construction. Deuxièmement, la Loi sur la formation et la
qualification professionnelles de la main-d'oeuvre, qui s'applique dans le
monde de la construction. Troisièmement, la Loi sur la qualification
professionnelle des entrepreneurs de construction. Quatrièmement, la Loi
sur la santé et la sécurité du travail.
Cinquièmement, la Loi sur la sécurité dans les
édifices publics. Sixièmement, la Loi sur les électriciens
et les installations électriques. Septièmement, la Loi sur les
maîtres électriciens. Huitièmement, la Loi sur les
mécaniciens en tuyauterie. Neuvièmement, la Loi sur les
maîtres mécaniciens en tuyauterie. Dixièmement, la Loi sur
les appareils sous pression, avec un pouvoir réglementaire qui est
prévu. Onzièmement, la Loi concernant la réglementation
municipale des édifices publics. Douzièmement, la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme. Treizièmement, la Loi sur les
cités et villes. Quatorzièmement, la Loi sur la protection du
territoire agricole. Quinzièmement, la Loi sur
les biens culturels. Seizièmement, la Loi sur l'économie
de l'énergie dans le bâtiment. Dix-septièmement, la Loi sur
la Régie du logement. Dix-huitièmement, la Loi sur la
qualité de l'environnement. Dix-neu-vièmement, le décret
de l'industrie de la construction. Vingtièmement, le règlement de
placement dans l'industrie de la construction. Vingt et unièmement, le
règlement sur les régimes complémentaires d'avantages
sociaux dans l'industrie de la construction au Québec.
Vingt-deuxièmement, le règlement relatif à la tenue d'un
registre et à la production d'un rapport mensuel pour les
employés de la construction. Vingt-troisièmement, le
règlement particulier relatif à la formation et à la
qualification de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.
Vingt-quatrièmement, le règlement concernant la qualification des
entrepreneurs en construction, cette fois. Vingt-cinquièmement, le Code
de sécurité dans l'industrie de la construction.
Vingt-sixièmement, les codes du bâtiment.
Vingt-septièmement, le règlement relatif au champ d'application
de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction,
avec tous les règlements qui en découlent qui sont nombreux.
M. le Président, avant de céder la parole au ministre,
j'aurais une très brève question. Face à un fouillis
administratif d'autant de lois et de règlements dans lesquels le citoyen
ne se retrouve pas - et on y reviendra tantôt - depuis que vous avez
été désigné par le premier ministre, qu'est-ce que
vous avez fait en regard du secteur de la construction et du monde du travail,
premièrement? Deuxièmement, quelles sont les commandes que vous
avez passées soit à vos fonctionnaires, soit aux fonctionnaires
des organismes concernés auxquels j'ai fait référence?
Troisièmement, quel est le degré d'avancement du processus que
vous avez enclenché? Quatrièmement, est-ce que vous pourriez
déposer les rapports? Cinquièmement, à quel moment peut-on
s'attendre à une refonte plus raisonnable qui permettra aux citoyens de
pouvoir se retrouver dans ce flot de règlements contradictoires,
embêtants, irritants et étouffants?
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, dans votre
réplique, vous avez un droit de parole de cinq minutes.
M. Denis Lazure
M. Lazure: II ne faut pas s'étonner que le ton du
député de Portneuf soit tellement différent de celui du
député de D'Arcy McGee. Le député de Portneuf
recourt à des épithètes: "infantile", "puéril",
etc. Le sérieux de ma remarque sur le nombre de pages, ou sur le nombre
d'articles, est à la mesure du sérieux de l'affirmation de votre
collègue, le député de D'Arcy McGee. En plus de la mise en
scène que vous avez préparée ce matin, ou durant la nuit,
avec la muraille de textes de règlements que vous avez derrière
vous, il y a aussi la mise en scène d'énumérer 20 ou 40
règlements et de dire que c'est épouvantable au Québec, on
a tant de milliers de règlements et, en Ontario, ils en ont seulement
tant de milliers. Je suis sérieux, M. le Président. Dans beaucoup
de cas - et on pourrait vous donner des exemples - il s'agit de
règlements très courts, très simples, qui ne posent pas de
difficulté particulière aux citoyens, tandis que, dans le cas de
l'Ontario, les règlements sont beaucoup plus longs et, par
conséquent, le nombre de pages, le volume total a une certaine
importance.
Je voudrais aussi faire remarquer que, dans la plupart des cas, surtout
depuis quelques années, les règlements qui découlent des
lois sont d'abord soumis à la discussion publique sous forme de
prépublication, ou de publication avec délai pour les
réactions du public, les réactions des intéressés,
délai qui peut être de 30, 60 ou 90 jours. C'est une coutume qui
est devenue presque automatique et qui permet de réviser,
d'améliorer des textes réglementaires dans la version finale.
Je voudrais aussi faire remarquer à la commission - et là,
je rejoins des questions posées par le député de Portneuf
- que, si ce matin, nous pouvons discuter de cette question importante, c'est
précisément parce que le gouvernement a pris ses
responsabilités et qu'il a enfin procédé à une
réforme parlementaire majeure. Bien sûr, l'Opposition a
collaboré la plupart du temps. C'est cette réforme de nos moeurs
et de nos pratiques parlementaires qui fait en sorte que, maintenant, toute
commission incluant celle-ci puisse se saisir elle-même de toute affaire,
y compris d'un règlement ou d'un projet de règlement. Par
conséquent, ce gouvernement qui tente par tous les moyens d'être
transparent permet aux parlementaires d'étudier tous les projets de
règlements et de leur apporter des correctifs, s'il y a lieu.
Les relations avec les citoyens. Il est évident que les citoyens
sont souvent perdus devant un excès de réglementation. Mais je
pense que ce serait simpliste de dire, d'affirmer que c'est là le
principal problème ressenti par le citoyen moyen. Ce n'est pas le cas.
Le principal problème ressenti par le citoyen devant la machine
gouvernementale, c'est d'abord le mauvais accès, la difficulté
qu'il éprouve d'entrer en contact avec cette machine gouvernementale -
qu'il s'agisse d'accès téléphonique, d'accès
à l'heure du midi, peu importe - et aussi le manque de continuité
dans les contacts. C'est pour cela que nous mettons l'accent sur l'accueil de
la fonction publique vis-à-vis du citoyen client, ou de la citoyenne
cliente.
Pour répondre directement à la question
du député Portneuf, nous avons, au secrétariat aux
relations avec les citoyens, attaqué, par le biais des formulaires, le
mal que nous déplorons tous, cet excès de réglementation,
parce qu'il faut bien comprendre que, pour le citoyen moyen, la
réglementation ou la loi, cela se traduit souvent sous forme d'un
formulaire. La loi est adoptée à l'Assemblée,
découlent de cette loi un certain nombre de règlements et ces
règlements sont très souvent transposés dans la
réalité de tous les jours par des formulaires à l'adresse
du public. Et, pour l'information de la commission, dans le but
précisément de réduire le nombre de formulaires et dans le
but de les rendre plus clairs, depuis le mois de janvier, par décret du
gouvernement du Québec, aucun ministère, aucun organisme
gouvernemental ne peut émettre un nouveau formulaire à l'adresse
du public sans qu'il ait reçu l'approbation du secrétariat aux
relations avec les citoyens et cette approbation, nous nous sommes
engagés à la donner dans un délai de cinq jours. Et, avec
l'expérience de quelques mois, nous pouvons dire que nous avons
respecté ce délai.
Que faisons-nous avec le ministère concerné? Nous nous
assurons que le formulaire a été testé auprès de la
clientèle concernée. Nous nous assurons, par exemple s'il s'agit
d'un formulaire pour l'aide sociale, que le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a rencontré un
certain nombre de bénéficiaires d'aide sociale, qu'il leur a
proposé ie projet de formulaire et qu'il a pris en compte les remarques
des clients. Une fois que nous nous assurons que ces tests ou ces
prétests sur le projet de formulaire ont été
effectués de façon correcte, nous approuvons le nouveau
formulaire. Je dois vous dire que ce simple mécanisme a permis de
réduire le nombre de nouveaux formulaires et a amélioré
grandement la qualité et la clarté des formulaires.
Le Président (M. Lachance): En concluant M. le
ministre.
M. Lazure: En conclusion, je voudrais aborder - quitte à y
revenir plus tard - un autre thème favori du député de
D'Arcy McGee, qui a l'air de miser beaucoup sur l'intervention juridique pour
opérer ce qu'il appelle un "virage" - j'oublie le terme exact, je vais
le retrouver; ce n'est pas un virage tout à fait juridique, mais quelque
chose du genre - qui nous permettrait de réduire le nombre de
règlements et de mettre de l'ordre dans toute la réglementation.
Je dois lui dire que cette arme, si utile soit-elle, sera loin d'être
suffisante. Je pense que, au contraire, bien souvent nos amis les juristes sont
les premiers à promouvoir et encourager la multiplication de
règlements, la multiplication de lois. Je pense que la discussion que
nous avons ce matin sera utile et que l'intervention de l'ensemble des
parlementaires sera aussi utile, probablement beaucoup plus utile que
l'intervention des collègues du député de D'Arcy McGee,
des collègues juristes, entendons-nous.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Avant
de céder la parole à quelqu'un de l'Opposition, je voudrais,
brièvement, puisque nos règles de procédure me le
permettent, faire une intervention et ensuite ce sera immédiatement le
tour d'un député de l'Opposition suivi, en réplique, du
ministre.
M. le ministre... Oui M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Je comprends que vous avez le droit fondamental
d'intervenir, d'une part; d'autre part, je suis persuadé que, comme
député, vous avez vous aussi plusieurs inquiétudes ou
reproches à formuler, mais est-ce votre intention d'intervenir pendant
cinq minutes, cinq minutes l'Opposition, cinq minutes le ministre et cinq
minutes le président? (10 h 45)
Le Président (M. Lachance): M. le député,
les règles qui ont été établies pour
l'interpellation à la suite de rencontres et à la commission de
l'Assemblée nationale sont bien claires. Il y a déjà eu
des précédents d'établis. Par exemple, nous en sommes au
point où un député ministériel peut intervenir. Par
la suite...
Une voix: II n'y en a pas.
Le Président (M. Lachance): II n'y en a pas? M. le
député, j'en suis un.
M. Pagé: Vous êtes président, je m'excuse, M.
le Président, oh!
M. Côté: J'espère que vous faites la
distinction entre le président et un député
ministériel.
M. Pagé: Heureusement, qu'on a du juridique un peu ce
matin ici, M. le ministre. On a une preuve éclatante. Vous n'êtes
pas... Vous êtes président.
M. Claude Lachance
Le Président (M. Lachance): Écoutez, ce cas a
déjà été débattu à la commission de
l'Assemblée nationale et il a été accepté par votre
formation politique que le président puisse intervenir à la place
d'un député ministériel lorsque l'ordre le lui permet.
M. le ministre, évidemment, j'ai eu
l'occasion, depuis trois ans que je siège ici à
l'Assemblée nationale, de constater que beaucoup
d'éléments importants échappent aux députés
en passant par la réglementation. Ces critiques, je les ai entendues
aussi de la part d'autres parlementaires dans d'autres Parlements et en
particulier de mon collègue, le député
fédéral qui siège au Parlement à Ottawa. Ce n'est
pas une lecture de chevet très intéressante que de faire
référence régulièrement à la Gazette
officielle pour savoir ce qui est adopté.
Je me demande, M. le ministre, si on ne devrait pas s'inspirer de
certaines façons de procéder qui existent actuellement dans des
États américains. Si mes informations sont exactes, je pourrais
vous citer l'État de la Louisiane où, pour la mise en vigueur
d'un règlement, il doit être étudié par le
Sénat de l'État - on n'a pas cela ici - et la Chambre des
représentants également. Je me demande si cela ne serait pas une
procédure qu'on devrait envisager sérieusement de façon
systématique, quoiqu'il faille bien admettre à ce moment qu'il
faudra aussi, à cause du grand nombre de points qui sont soulevés
dans une année... Est-ce que nos règles ne devraient pas
être assouplies pour permettre de procéder plus rapidement? Il est
bien certain que le fait que le nombre de règlements a augmenté
au cours des années, c'est un phénomène de boule de neige.
Plus il y en a, plus il y a tendance à y en avoir. Je pense qu'il est
extrêmement sain aujourd'hui qu'on s'arrête deux heures pour
s'attarder de façon particulière à ce
phénomène qui prend une ampleur qu'il faut ralentir au plus
coupant, pour le bien-être des concitoyens que nous représentons
ici.
C'est tout, M. le ministre, pour le moment, l'intervention que je
voulais faire. Maintenant, je cède la parole au député de
Portneuf qui a demandé de poursuivre.
La réglementation dans l'industrie de la
construction
M. Pagé: Merci, M. le Président, de votre
intervention qui était très intéressante. À
défaut de pouvoir échanger longuement parce qu'on est
limité dans le temps, je voudrais vous donner un cas, M. le ministre,
soit un exemple. Il est fréquent ici, à l'Assemblée
nationale, qu'on entende le premier ministre, le ministre des Finances, le
ministre de l'Industrie, du Commerce, et du Tourisme, regretter les coûts
élevés dans le monde de la construction pour les entrepreneurs
pour finalement produire un bien. On doit retenir que les gestes administratifs
ou gouvernementaux ont été posés pour tenter de rendre la
construction de l'habitation plus accessible, moins coûteuse, plus
concurrentielle, que l'on fasse référence à
Corvée-habitation ou à des programmes comme ceux-là. Vous
êtes-vous déjà assis, M. le ministre, et avez-vous
déjà réfléchi aux nombreuses procédures et
étapes auxquelles doit se soumettre un entrepreneur ou une personne qui
désire devenir entrepreneur dans le monde de la construction ou encore
une personne qui désire aller oeuvrer dans le monde de la
construction?
D'abord, au moment de la constitution de son entreprise, il est
évident que l'entrepreneur en question devra faire
référence au ministère des Institutions financières
pour la constitution de la compagnie. Une fois que les procédures seront
terminées, il devra se présenter à la Régie des
entreprises de construction du Québec, première étape,
première porte où il doit frapper pour obtenir un permis sans
lequel il ne peut pas oeuvrer dans le monde de l'industrie. Évidemment,
pour obtenir son permis, il devra se soumettre à un examen
administratif, à un examen sur la sécurité et à un
examen sur le fond, par exemple, un examen en électricité, en
menuiserie ou autre sur l'objet du métier pour lequel il formule une
demande, en plus d'un bon de garantie de 5000 $ au minimum et de toutes les
autres exigences administratives. Donc, une requête, un minimum de trois
examens et le dépôt de plusieurs documents constituent la
première étape. Si c'était la seule on ne se plaindrait
peut-être pas trop ce matin, mais il y en a une deuxième.
Par la suite, cet entrepreneur-là, une fois qu'il sort de la
Régie des entreprises de construction et qu'il est convaincu qu'il peut
respirer et travailler, n'a pas encore le droit de travailler. Il faut qu'il
aille s'inscrire à l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec, laquelle est là pour représenter les
entrepreneurs. Il faudra évidemment qu'il paie une cotisation de 150 $
plus 0,015 $ l'heure de travail de ses employés. Il faut comptabiliser
cela, le vérifier, envoyer les chèques et s'assurer que c'est
fait. C'est un volet de contrôles internes auxquels est soumis
l'entrepreneur, en plus d'être soumis à la deuxième
étape d'aller s'inscrire.
Une fois qu'il est sorti de la Régie des entreprises de
construction du Québec et de l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec, il ne peut pas encore travailler. Non. Il n'a
pas le droit d'aller chez vous pour réparer votre maison ou quoi que ce
soit. Il faut qu'il passe à l'Office de la construction du
Québec. Évidemment, il faut qu'il s'enregistre et qu'il obtienne
le registre comme tel pour pouvoir consigner les noms de toutes les personnes
qui oeuvreront pour lui: le numéro d'assurance sociale, le permis de
travail, le certificat de qualification, le carnet d'apprentissage et le
certificat de classification. Lorsqu'il sera sorti de l'office,
il ne sera pas au bout de ses peines parce qu'il doit tenir à
jour son registre, produire mensuellement... S'il faut qu'il commette le
péché combien odieux de retarder d'une journée, c'est une
pénalité. On sait que cela coûte cher d'administrer et
d'opérer tout cela.
Il est passé par ces trois étapes. Peut-il aller
travailler chez M. le ministre? Non, pas encore, parce que tout d'abord il ne
peut pas embaucher qui il veut. En vertu de la Loi sur les relations du travail
dans l'industrie de la construction, vous savez sans doute, M. le ministre, que
le salarié qu'il veut embaucher doit être syndiqué et
être membre de l'une des cinq associations représentatives qui
sont définies dans la loi.
Première limitation: si l'employé auquel il pourrait faire
référence n'est pas syndiqué; deuxième limitation:
en vertu du règlement de placement de l'industrie de la construction, le
salarié doit détenir le permis de travail émis par
l'Office de la construction du Québec. C'est donc dire que s'il a un
travailleur qualifié qui possède un certificat de qualification -
et là le terme est bien important - émis par votre
collègue, M. Fréchette, ministre du Travail, notre entrepreneur
qui a passé toutes ces étapes n'a pas le droit de l'embaucher
parce qu'il n'a pas la sacro-sainte bénédiction de l'Office de la
construction du Québec. Pour l'obtenir, évidemment, vous
êtes certainement... J'ai presque envie de vous demander si vous
êtes au fait des procédures auxquelles doit se soumettre un
travailleur pour obtenir son certificat de classification.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Déjà?
Le Président (M. Lachance): Eh oui!
M. Pagé: On va certainement revenir sur ce sujet une autre
journée.
Vous savez que, s'il a son certificat de qualification,
c'est-à-dire s'il a complété ses 6000 heures
d'apprentissage après qu'il s'est présenté au moins une
fois à l'examen pour obtenir son certificat de qualification, auquel cas
il a 95% de risque de manquer - et c'est dans les statistiques - il se
présente une deuxième fois et, s'il échoue une
deuxième fois, il peut présenter une demande au commissaire du
travail. Cela prend trois mois à ce travailleur pour obtenir une
attestation d'expérience et, une fois obtenue, il s'en va à l'OCQ
et fait sa demande pour un permis de travail. On va lui dire: Il y a 375
menuisiers de la région de Montréal pour aller travailler
à votre résidence qui sont disponibles. Donc, vous n'avez pas le
droit de travailler. Appelez-nous tous les jours, vous saurez le nombre de
personnes disponibles dans le bassin de main-d'oeuvre et, quand le bassin de
main-d'oeuvre dans la région de Montréal sera à trois
travailleurs ou moins, vous aurez le droit de prétendre à
travailler pour mon entrepreneur en construction de tantôt.
Vous vous demandez, comme gouvernement, pourquoi cela coûte cher?
Vous vous demandez, comme gouvernement, pourquoi il y a du travail au noir?
Vous vous demandez, comme gouvernement, pourquoi des milliers et des milliers
d'heures ne sont pas comptabilisées en termes de contribution aux
régimes sociaux, de santé et de Régie des rentes? Vous
vous demandez pourquoi il y a un nombre aussi effarant de travailleurs qui ne
déclarent pas leurs heures, ne paient pas d'impôt, et il n'y a
d'ailleurs pas de contrôle à la Commission de la santé et
de la sécurité du travail? Vous vous demandez pourquoi cela
coûte cher et vous vous demandez pourquoi les gens sont irrités,
découragés et tannés et vous ne comprenez pas que ce sont
des règlements comme ceux-là qui en sont la cause.
Alors, je réitère la question que j'ai formulée
tantôt. On n'y a pas répondu. Ce n'est pas compliqué. Je ne
veux pas avoir d'entourloupette. Je veux avoir une réponse.
Premièrement, quelle est la commande...
Le Président (M. Lachance): M. le député,
votre temps est largement dépassé.
M. Pagé: Je la réitère, M. le
Président. Je veux au moins avoir une réponse. Quelle est la
commande que vous avez passée au ministère du Travail et aux
autres ministères, aux services gouvernementaux qui sont en relation
directe avec les citoyens et qui les embêtent à longueur de
journée comme ils le font si allègrement? Quelle est la commande
que vous avez passée? Quel est le processus qui a été
enclenché par la suite? Quels sont les rapports qui ont
été déposés et est-ce que vous pouvez les
déposer? Si vous n'avez rien fait, s'il n'y a pas eu de commande, s'ils
n'ont pas voulu vous répondre, s'ils vous ont envoyé chez le
diable, dites-nous-le. On veut le savoir parce que c'est inquiétant et
cela ne peut continuer comme cela. Je termine là-dessus, M. le
Président. Merci beaucoup.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, le député de
Portneuf nous fait état de sa spécialité. Il connaît
très bien les règlements de la construction. Il est depuis
quelque temps le porte-parole de sa formation politique sur ces questions. Il
donne des renseignements qui sont exacts. Ce qu'il ne dit pas cependant... Il
dit la vérité, mais pas toute la vérité. C'est un
truc qui est bien connu
non seulement des avocats... mais particulièrement des
avocats.
Ce qu'il ne dit pas, c'est qu'un bon nombre de règlements qui
touchent au secteur de la construction ont été
créés, rédigés et rendus officiels à la
suite de demandes, soit de la partie syndicale, soit de la partie patronale. Il
est facile de faire de la démagogie comme le député de
Portneuf en fait trop souvent. C'est facile. Il ne dit pas toute la
vérité parce qu'il ne parle pas, par exemple, des revendications
bien connues de la Fédération des travailleurs du Québec
dans le secteur de la construction et d'autres travailleurs syndiqués
qui ont réclamé de tels règlements.
Je reviens au niveau initial de la discussion qui avait
été amorcée par le député de D'Arcy McGee et
qui était un niveau plus serein. Je veux donner un autre exemple de
règlements qui découlent de pressions venant de groupes, qu'il
s'agisse d'associations privées ou de regroupements
d'intérêt public. Encore récemment, lors de la commission
parlementaire entourant le projet de loi 42 - je pense que c'est 42 -qui
modifie la Loi sur les accidents du travail, aussi bien les groupes patronaux
que les groupes syndicaux ont réclamé la création d'un
nouvel organisme. Sans doute que le député de Portneuf est au
courant de cela. Une nouvelle commission qui entendrait les appels des
travailleurs. Qui dit création d'une nouvelle commission dit
automatiquement création d'un minimum de règlements pour le
fonctionnement d'une nouvelle commission de ce genre. Encore une fois, il est
facile de faire de la démagogie en disant: Voici, cela sera la 422e
commission du gouvernement. N'est-ce pas épouvantable? Ce que le
député de Portneuf ne dit pas, c'est que la plupart de ces
règlements découlent de demandes venant de corps
intermédiaires, qu'ils soient patronaux ou syndicaux.
Je reviens aussi sur les municipalités. Encore récemment,
la ville de Québec dépose un projet d'amendement à sa
charte qui comprend plus de 80 pages et plus de 170 articles. Les mêmes
gens qui, de façon trop facile, reprochent au gouvernement d'avoir trop
de règlements, du coin gauche de la bouche, du coin droit de la bouche
vont venir, le lendemain, réclamer plus de règlements dans tel ou
tel domaine. (11 heures)
M. le Président, ceci dit, revenons aux citoyens, aux relations
avec les citoyennes, en particulier, les citoyens. Je vous répète
que notre préoccupation est, premièrement, de faire en sorte que
les documents qui découlent de lois ou de règlements - cela
s'appelle habituellement des formulaires -soient clairs, facilement accessibles
et qu'il y en ait le moins possible. J'ai fait rapport de notre activité
dans ce domaine depuis le mois de janvier et cela continue. Nous avons, aussi
bien dans le rapport que dans nos réunions avec les répondants de
tous les ministères - réunions qui sont tenues tous les deux mois
- fait appel aux ministères et aux organismes pour réduire le
nombre de règlements, le nombre de lois. C'est d'ailleurs pour cela que
le premier ministre a jugé bon de me nommer au Comité de
législation en septembre 1982. À ce Comité de
législation, mon mandat particulier est de faire en sorte qu'aucun
règlement ou aucune loi superflue ne soit adoptée.
Deuxièmement, quand il faut absolument adopter ou rédiger un
projet de loi, que ce texte de loi soit rédigé de façon
compréhensible pour la population.
M. le Président, je voudrais aussi aborder - quitte à
continuer tantôt - un projet qui est en cours au ministère de la
Justice. Le ministère de la Justice a préparé une liste
d'environ 1500 lois et 1000 parties de lois qui devront être
abrogées de façon explicite. Ces lois ou ces parties de lois ont
été proposées aux différents ministères
récemment. Dans les mois qui viennent ou dans l'année qui vient
le ministère de la Justice va nous présenter une loi-cadre, une
loi d'abrogation générale qui aura comme effet, justement, de
réduire de façon sensible le nombre de lois qui sont superflues
et par conséquent aussi le nombre de règlements.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
Simplification des mécanismes et
élimination des procédures inutiles
M. Scowen: Merci. Le ministre m'étonne passablement ce
matin. Je pensais que cela était accepté par tout le monde que
nous avions beaucoup trop de réglementation ici au Québec. Pour
se défendre contre les points qu'on a soulevés, le ministre dit
qu'on n'a peut-être pas assez de règlements. Il compare les
nôtres avec ceux des autres juridictions comme l'Ontario. Il accuse mes
collègues de démagogie quand on soulève des points
précis. Je pense que la meilleure façon de le rappeler à
l'ordre, c'est de lui citer une déclaration de son patron, le premier
ministre du Québec, M. René Lévesque. À la page 34
du plan de relance du premier ministre annoncé le 13 novembre 1983, le
premier ministre a parlé lui-même du problème qui existe au
Québec dans le secteur de la réglementation excessive. Ce n'est
pas long et j'ai l'intention de lire ce que le premier ministre a dit.
J'imagine qu'il était lui-même au courant de la
réglementation qui existe en Ontario et des revendications de tous les
groupes de pression dont le ministre a parlé tantôt.
Il en est arrivé à une conclusion. Voici
la conclusion du premier ministre qui fait partie du plan de relance du
gouvernement annoncé le 13 novembre. Je cite le premier ministre: "La
taille et la complexité de l'appareil gouvernemental exigent qu'un
examen en soit fait périodiquement en vue d'en assouplir le
fonctionnement, d'en simplifier les mécanismes et d'en éliminer
les procédures inutiles. Le gouvernement a procédé
à un tel examen dans un certain nombre de secteurs" - je cite maintenant
huit secteurs où le premier ministre a décidé, ce
jour-là, qu'il fallait faire quelque chose et vite - "soit le
ministère du Revenu, l'Office de la construction, la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, la Commission de la
protection du territoire agricole, le Régime des prêts et bourses
aux étudiants, la Régie des loteries et courses, la paperasse
exigée des entreprises et les mécanismes multiples de perception
auprès des employeurs." Le premier ministre a dit, et je le cite encore:
"Dans les jours et les semaines qui viennent, les ministres responsables de ces
divers secteurs rendront publiques les mesures correctives qui ont
été retenues." Dans les jours et les semaines qui viennent. J'ai
fait mes petits calculs et il semble que, depuis le 13 novembre, le nombre de
jours est de 163 et le nombre de semaines est d'un peu plus de 23. Le premier
ministre n'a pas dit des années. Il n'a pas parlé de
déréglementation en général. Il a parlé de
huit cas précis.
Je veux poser une question au ministre sans faire de démagogie.
Je lui pose la question au nom du premier ministre. Le premier ministre veut
savoir aujourd'hui ce qui est arrivé depuis le 13 novembre, pendant ces
163 jours dans ce domaine. Et seulement pour que ce soit possible pour vous de
répondre à l'intérieur des cinq minutes - parce que je
sais que c'est très bref - je vous demande de nous dire ce qui est
arrivé et je vais choisir trois cas précis. Je laisse de
côté l'Office de la construction, parce que je pense qu'on en a
déjà parlé un peu. Qu'est-il arrivé dans la
simplification des mécanismes et l'élimination des
procédures inutiles dans les trois domaines suivants depuis le 13
novembre 1983, date de la déclaration du premier ministre? Qu'est-il
arrivé précisément dans la réduction de la
réglementation en ce qui concerne, premièrement, la paperasse
exigée des entreprises; deuxièmement, la Commission de la
santé et de la sécurité du travail et,
troisièmement, le ministère du Revenu. Pouvez-vous, en dedans de
cinq minutes, nous expliquer clairement ce qui a été fait
à la demande du premier ministre, après l'étude de toute
la réglementation au Québec et la comparaison avec les autres
régimes sur la planète? Qu'est-il arrivé pendant ces 163
jours?
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Lazure: Je voudrais d'abord, M. le Président, faire
remarquer au député de Notre-Dame-de-Grâce -
peut-être qu'il n'était pas encore arrivé à ce
moment-là -qu'il n'est pas exact, comme il vient de le dire, que j'ai
nié que nous avions trop de règlements et qu'au contraire
j'aurais dit que nous n'avions pas assez de règlements. C'est faux
d'affirmer une telle chose. J'ai dit textuellement que j'étais d'accord
avec le député de D'Arcy McGee. Nous avons trop de
règlements. Nous avons trop de lois, mais j'ai ajouté qu'il
arrive parfois qu'une société peut souffrir de ne pas avoir assez
de lois dans tel ou tel secteur précis. J'ai donné l'exemple de
la réglementation pour l'eau potable. Je pense qu'une
société civilisée doit avoir un minimum de
réglementation pour l'eau potable.
Ceci étant dit, je concours ou j'endosse l'inquiétude de
l'Opposition. Le gouvernement endosse aussi cette inquiétude et c'est
pour cette raison que j'ai donné des exemples tantôt. Je les
répète pour le député de Notre-Dame-de-Grâce.
Nous avons déréglementé tout récemment dans le
secteur de la restauration des hôtelleries; nous avons
déréglementé récemment dans celui du loisir, de la
chasse et de la pêche.
M. Scowen: ...la liste.
M. Lazure: Si je reviens à la liste, la petite liste
dressée par le député de Notre-Dame-de-Grâce, citant
un texte du premier ministre, en ce qui concerne le Revenu -prenons le
troisième, le dernier, le Revenu -si vous avez suivi les
activités de notre secrétariat aux relations avec les citoyens
à partir d'il y a environ un an, lors de la parution du premier rapport
aussi bien que du deuxième rapport, il y a environ un mois ou un mois et
demi, vous allez convenir avec moi que nous avons beaucoup travaillé
avec le ministère du Revenu, non seulement pour améliorer les
formulaires, mais aussi les procédures et l'accueil que ce
ministère offre au grand public. Encore tout récemment, j'avais
l'occasion - et là, je vais être très précis, vous
voulez que je sois précis - lors d'un voyage privé durant les
vacances de Pâques en France, j'ai eu l'occasion de rencontrer certains
ministres français, en particulier le ministre Anicet Le Pors qui est
chargé de la Fonction publique et des Réformes administratives et
nous discutions de problèmes tels que ceux dont nous discutons ce matin,
en particulier les règlements et les formulaires.
J'ai rapporté le formulaire - c'est surprenant, mais c'est un
fait - pour l'impôt sur le revenu du particulier en France qui est
très simple et qui, à mon avis, est un
modèle. Je l'ai transmis à mon collègue, le
ministre du Revenu, pour qu'il s'en inspire dans la prochaine révision
du formulaire de l'impôt sur le revenu des particuliers. Nous avons eu
récemment, mon sous-ministre, M. Dufour, et moi-même, une
rencontre avec le ministre du Revenu et son sous-ministre, M. D'Amours. Nous
avons abordé toute cette question de paperasse et nous avons à
discuter avec eux la possibilité de réduire de façon
majeure la complexité du formulaire que chaque citoyen doit remplir
à chaque année pour son impôt. Nous pensons que nous avons
fait, avec nos collègues du Revenu, un certain progrès.
Je dois dire au député de Notre-Dame-de-Grâce que le
Secrétariat aux relations avec les citoyens joue constamment un
rôle d'incitation auprès de ses collègues. C'est pour cela
que, tantôt, je faisais la remarque que ce n'est pas par une approche
juridique simplement que nous allons régler le problème. Le
problème doit se régler dans chaque ministère. Chaque
ministère, chaque ministre, chaque collègue et chaque
autorité ministérielle doit être tout à fait
sensibilisé à cette question.
En matière de santé et sécurité au travail,
j'ai donné l'exemple, tantôt, de demandes qui sont
formulées par les deux parties en cause, patronale et syndicale, pour
avoir une nouvelle commission d'appel. C'est une question à
l'étude.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce me demande ce que
nous avons fait pour réduire le nombre de formulaires. Nous nous sommes
adressés au président de la Commission de la santé et de
la sécurité du travail à plusieurs reprises. Je donne un
exemple de vulgarisation. La CSST a, récemment, rendu public un guide de
l'employeur et va rendre public, très bientôt, un guide du
travailleur. Dans ces deux documents de vulgarisation, la CSST rend claires et
tout à fait abordables les différentes procédures que la
commission doit avoir vis-à-vis du patronat et vis-à-vis des
syndicats.
Finalement, quant aux entreprises, le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme est probablement un des ministres les plus sensibles
à cette nécessité de réduire la paperasse. Nous
l'avons vu tantôt avec la déréglementation qui concerne les
restaurants.
Je donne un autre exemple qui me vient à l'esprit. À
l'aide sociale, il y a actuellement en cours, à notre demande -nous en
faisons état dans le deuxième rapport du Secrétariat aux
relations avec les citoyens - un travail pour réduire le nombre de
formulaires qui sont beaucoup trop nombreux à l'aide sociale.
Voilà, M. le Président, autant d'exemples d'actions qui
ont été prises et qui sont en train d'être
complétées.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le
député de Charlesbourg.
Les règlements de la chasse
M. Côté: M. le Président, c'est en tant que
porte-parole du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche
que je veux, ce matin, soumettre au ministre un cas particulier, pas dans le
but de l'importuner, mais tout simplement de le sensibiliser au
phénomène de la réglementation particulièrement
dans le domaine de la chasse et de la pêche. D'ailleurs, lui-même
en a fait état au début de ses propos en spécifiant que,
dans le cas du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche,
la réglementation était passée de 159 à 55. On y
reviendra tout à l'heure. Auparavant, j'aimerais que le ministre se
mette dans la peau d'un chasseur de caribou, parce qu'il y en a quand
même quelques-uns au Québec, et passe à travers la
pléiade de règlements avant d'être capable de prendre son
arme et d'abattre la bête qu'il veut abattre dans le Grand-Nord.
Il doit d'abord faire face au règlement 5. On s'entend bien, on
parle des règlements du ministère du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche qui en compte 159. Donc, le règlement 5 régit la
chasse au caribou de manière générale. Il doit aussi faire
face au règlement 6 qui régit la chasse au caribou dans la zone
dite 01 ou dans la partie de la réserve du Grand-Nord. Puis, si jamais
il n'est pas chanceux, qu'il ne peut pas aller chasser dans ce coin-là -
parce que cela arrive; il y a des loteries là aussi - il doit aller dans
un autre territoire. Donc, c'est un autre règlement en ce qui concerne
la fin de la zone 01, la zone 03 et la zone 04. (11 h 15)
En plus, un autre règlement, celui établissant pour le
caribou le tableau de chasse maximal applicable aux non autochtones qui
découle de la Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les
territoires de la Baie-James et du Nouveau-Québec. Bien sûr, il y
a des règlements plus larges, mais qui concernent spécifiquement
la chase au caribou, dont le règlement 18 qui touche la limite de prises
saisonnières. Vous avez le règlement qui touche les
périodes de chasse. S'étant bien informé de cette
spécificité au caribou, il n'empêche que c'est un chasseur.
Pour être bien sûr que le chasseur est conforme à toutes les
lois et règlements du gouvernement qui régissent la chasse, il
devra s'assurer d'avoir respecté le règlement 3 qui exige et
oblige, c'est une condition sine qua non pour aller chasser, d'obtenir un
certificat de chasseur. Celui-là même que le ministre du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche a fait renouveler pour renflouer les goussets
du gouvernement cette année. Il doit aussi tenir compte du
règlement 24 qui est celui touchant l'émission des permis.
Il doit, d'autre part, tenir compte du règlement 26 qui lui touche le
dossard qui est très visible, qui a une tendance vers le rouge.
Pour le chasseur qui veut aller chasser dans le Grand Nord, il y a quand
même neuf à dix règlements que tu dois respecter, que tu
dois reconnaître de façon à te conformer aux lois et de
façon à ne pas te faire coller une infraction, car elles sont
assez fréquentes dans ce domaine. J'écoutais, depuis le
début, avec attention le ministre qui nous énumérait
certaines actions qui ont été prises par le gouvernement ou par
différents ministères dans le but d'alléger la
réglementation. Je dois vous dire qu'en premier lieu, lorsque
j'étais de ceux qui ont demandé la convocation du ministre, ce
matin, cela se basait principalement sur la parution du premier document que le
ministre a rendu public il y a un an, qui avait agi avec courage en
dénonçant des abus de certains ministères, des injustices
vis-à-vis des citoyens et en dénonçant des irritants
inutiles qu'on faisait aux citoyens. Le deuxième rapport était -
un peu plus à l'approche des élections bien sûr - un peu
moins virulent, un peu plus coulant. C'est un peu en fonction de la
préparation du troisième rapport que je pense que le ministre
aurait - c'est une suggestion que je lui fais - intérêt à
regarder davantage la réglementation et peut-être faire le tour
des ministères, de ceux qui se comportent de façon satisfaisante
et de ceux qui font fi des irritants contenus dans la
réglementation.
C'est aussi avec satisfaction qu'on a entendu le ministre nous donner un
exemple très précis de déréglementation - il en
semblait passablement fier - de l'industrie de la restauration et de
l'hôtellerie. Il a même été capable de nous dire que
cela a été publié à la Gazette officielle.
Là je voudrais que le ministre m'écoute pour être en mesure
de répondre à mes questions. Le ministre, dans son affirmation du
début, nous a dit que des 159 règlements - c'est peut-être
une petite erreur parce que je les ai ici, c'est 154 - le ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche était passé à
155. Il se peut que je sois très mal informé.
Le Président (M. Lachance): La conclusion, M. le
député.
M. Côté: Oui, je conclus là-dessus. Je crains
que le ministre ait fait référence à une
déclaration du 29 novembre 1981 lors de l'étude du projet de loi
9 dans lequel le ministre disait: "Dans un premier temps, également,
nous essaierons de consolider un peu plus de nos règlements pour les
réduire de 160 à 60. Dans un deuxième temps, nous allons
déréglementer". Le ministre nous a dit tantôt - à
moins que je ne me trompe - que c'était acquis, que c'était fait.
J'aimerais que dans sa réponse il soit aussi spécifique qu'il a
pu l'être dans l'industrie de la restauration. M. le ministre, quand
cette déréglementation ou ce regroupement de règlements
a-t-il été fait en ce qui concerne précisément la
chasse et la pêche?
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
député. M. le ministre délégué aux Relations
avec les citoyens.
M. Lazure: Pour rejoindre la préoccupation du
député de Charlesbourg, là aussi je vais concourir
facilement avec lui qu'il y a trop de règlements dans le domaine qu'il
décrit, qu'il connaît bien, la chasse et la pêche, la faune.
Je voudrais, cependant, non seulement lui répéter que le ministre
titulaire des loisirs, de la chasse et de la pêche a fait des efforts et
il continue d'en faire pour réduire cette réglementation et je
voudrais le mettre en garde. Si sa collègue de Chomedey était
ici, elle le ferait peut-être plus discrètement que moi, mais elle
le ferait. Nous mettre en garde parce qu'il y a deux intérêts
à préserver. Il y a l'intérêt qu'il tente de
préserver, c'est-à-dire embêter le citoyen chasseur ou
pêcheur le moins possible. Mais il y a un autre intérêt
à préserver qui est particulièrement cher à sa
collègue de Chomedey, c'est celui de préserver les
espèces, qu'il s'agisse de chasse ou de pêche. Si on peut
déplorer un trop grand nombre de règlements dans le domaine de la
chasse et de la pêche, avant de trop en éliminer, il faut
s'assurer qu'on doit maintenir ceux qui sont de nature à
préserver les espèces.
Je reviens à ce niveau plus général de la
discussion. Encore une fois, il est trop facile pour un parti d'opposition
d'essayer de se faire un capital politique en disant que ce gouvernement se
prend les pieds, qu'il ne déréglemente pas suffisamment, qu'il
embête la population avec une abondance de règlements. Si on
examinait chacun des règlements dans le domaine de la chasse et de la
pêche dont parle le député de Charlesbourg, on en
trouverait probablement un grand nombre qui ont été
adoptés, précisément, entre 1970 et 1976 par
l'administration du gouvernement Bourassa de l'époque.
M. Côté: C'est ce qui va vous arriver
bientôt.
M. Lazure: C'est la même chose quand il s'agit du Revenu,
ou de l'Industrie et du Commerce.
Revenons à nos préoccupations au Secrétariat aux
relations avec les citoyens. Pour l'information de cette commission, nous
avons, tous les deux mois, une rencontre de plusieurs heures avec un haut
fonctionnaire
de chaque ministère, de chaque organisme gouvernemental qui est
le représentant des relations avec les citoyens dans son
ministère ou dans son organisme. Nous avons convenu il y a quelque
temps, indépendamment de l'interprétation du député
de D'Arcy McGee, qu'à la prochaine séance de l'automne, nous
allions aborder cette question d'excès de réglementation dans
l'ensemble de l'administration gouvernementale. Nous sommes parfaitement
conscients qu'il faut continuer nos efforts de ce côté. J'ai
donné quelques exemples tantôt et il y en aura d'autres qui
pourront être rendus publics dans quelques mois. Il est important de
répéter que le ministère de la Justice prépare une
loi-cadre importante qui, non seulement va abroger un grand nombre de lois
maintenant superflues, mais qui va aussi établir un cadre pour la
confection des nouveaux règlements et s'assurer qu'il y aura un moins
grand nombre de nouveaux règlements découlant de chaque nouvelle
loi.
Le député de Charlesbourg a fait allusion à notre
deuxième rapport. S'il le lit attentivement, il se rendra compte que le
deuxième rapport comporte des observations d'ordre critique pour un bon
nombre de ministères et d'organismes. S'il paraît moins critique
que le premier rapport, c'est tout simplement qu'il y a eu un intervalle d'une
année pendant laquelle plusieurs ministères qui,
précisément, avaient fait l'objet de critiques lors du premier
rapport, ont eu le temps et la motivation de poser des gestes de nature
à améliorer les services à la clientèle, notamment
le ministère du Revenu. Ce n'est pas par opportunisme politique que le
deuxième rapport a un ton quelque peu différent du premier
rapport. C'est tout simplement qu'il est conforme à une certaine
réalité et qu'il relate les efforts notoires faits par beaucoup
de ministères et d'organismes pour rapprocher la machine gouvernementale
du citoyen client. Merci.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. La
parole est au député de Rivière-du-Loup.
L'esprit du législateur et les formulaires
d'impôt
M. Boucher: Merci, M. le Président. Je suis heureux de
constater ce matin que, si nous pouvons discuter de la question de
déréglementation, c'est parce qu'il y a eu des initiatives prises
par le gouvernement, entre autres celle de confier au ministre
délégué aux Relations avec les citoyens et les citoyennes
un mandat de voir à ce que la réglementation puisqu'on admet
qu'elle est nombreuse et trop nombreuse, puisse avoir des résultats dans
le sens d'en arriver à faire quelque chose. Et, le ministre
délégué aux Relations avec les citoyens nous a dit, ce
matin, en fait le travail qu'il a réalisé depuis et que certains
journaux ont vanté au cours des dernières semaines.
Pour ma part, je suis aussi d'accord avec les membres de l'Opposition
qu'il y a trop de règlements; que des règlements sont parfois un
peu contradictoires avec l'esprit de nos lois et permettent justement d'en
arriver à des irritants que l'on connaît pour certaines
réglementations dans différents domaines. Il y a des
règlements que l'on retrouve à la suite de certaines lois qui
m'apparaissent ne pas rendre l'esprit même que le législateur
avait en adoptant cette loi. Je me souviens d'avoir eu dans le passé, au
moment où la loi de l'aide sociale a été votée, de
longues discussions avec des collègues du domaine social sur cette loi
qui mentionnait, dans un certain article, que l'aide sociale doit être
accordée suivant le déficit entre les besoins réels et les
revenus d'une famille. Et, à partir de ce moment, quand on va voir dans
les règlements, on s'aperçoit que ce n'est pas tout à fait
ce qu'il faut, que les besoins sont définis et plafonnés à
un moment donné et que cela ne correspond pas toujours à la
réalité que les gens vivent actuellement dans le domaine de
l'aide sociale.
Par contre, on peut dire aussi qu'il y a des lois qui, comme l'a
mentionné M. le ministre plus tôt, par le fait qu'elles ne sont
pas suffisamment réglementées, font qu'on en arrive avec des
irritants. Je veux donner comme exemple l'article 41 de la Loi sur le zonage
agricole où l'on dit que les services publics
décrétés par règlements n'auront pas besoin de
l'autorisation de la Commission du zonage agricole. Étant donné
qu'il n'y a pas de règlements qui définissent les services
publics suivant l'article de la Loi sur le zonage agricole, on en arrive
à des irritants qui font que, parce qu'il n'y a pas de
réglementation, on est obligé d'aller devant la Commission du
zonage agricole pour l'élargissement d'un chemin en milieu rural, d'un
chemin de voirie municipale ou encore d'un service d'égout et d'aqueduc.
Cela amène des irritants et des délais qui, justement, s'il y
avait une réglementation qui définissait ce que sont les services
publics, on n'aurait pas à attendre les délais de la Commission
du zonage agricole pour en arriver à des réalisations dans
certains comtés.
Moi je voudrais demander au ministre, dans son mandat actuel, si la
concordance entre l'esprit de la loi et la réglementation fait l'objet
d'une vérification actuellement dans son ministère pour voir si,
dans l'application ou dans la formulation des règlements, cette
concordance existe suivant l'esprit de la loi et l'esprit qui inspirait le
législateur lorsqu'il a voté les lois. Sinon, a-t-il des
règlements qui doivent nécessairement être corrigés
et qui ne
rendent pas l'esprit de la loi que le législateur avait quand il
a voté les lois? Est-ce que le ministre entend s'attarder à ce
problème? Dans certains cas, c'est parce qu'il y a trop de
règlements ou que le règlement n'est pas conforme à la loi
ou encore dans d'autres cas il y a l'absence de règlements qui rend la
loi plus ou moins efficace.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, avant de vous
permettre de répondre, nos règles de fonctionnement, à ce
moment-ci, permettent au député de l'Opposition d'intervenir. Le
député de Notre-Dame-de-Grâce a demandé la parole et
ensuite vous pourrez enchaîner pour répondre au
député de Rivière-du-Loup. M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce. (11 h 30)
M. Scowen: Quand M. le ministre a répondu à ma
première question qui a été vraiment une question du
premier ministre -je rappelle que le premier ministre a décidé
d'agir dans certains domaines précis - la réponse du ministre a
été en ce sens qu'on étudie encore le problème. Je
veux souligner ce fait parce que c'est une démonstration la plus claire,
qu'il n'y a absolument rien qui se passe dans le domaine de la
réglementation ici au Québec.
Je veux prendre mes cinq minutes pour parler d'une réglementation
qui touche le plus directement la population de Québec, celle qu'on
appelle la déclaration des revenus. Ce petit formulaire auquel on
attache 11 annexes et 51 pages d'explication. C'est un document auquel tout le
monde est obligé de se soumettre chaque année. L'évidence
probablement la plus visible d'un règlement excessivement
compliqué du gouvernement. Je veux soulever seulement trois points par
trois exemples. Premièrement, au Québec, nous sommes les seuls au
Canada à être obligés de compléter deux formulaires.
Pour tout le reste du Canada, il y en a un seul, ainsi soit-il. Cependant,
jusqu'à maintenant, jusqu'à l'arrivée au pouvoir du Parti
québécois le formulaire du Québec était à
peu près semblable à celui du Canada. Par conséquent, un
contribuable pouvait compléter un formulaire et, avec à peu
près les mêmes chiffres, transférer les chiffres à
un deuxième formulaire avec le résultat que les deux pouvaient se
faire à l'intérieur d'une période de temps
raisonnable.
Le gouvernement séparatiste du Québec a
décidé que cela n'était pas une bonne idée d'avoir
deux formulaires complémentaires. Les gens du gouvernement sont
allés aux États-Unis. Maintenant, nous avons un formulaire qui
est conforme au formulaire de l'État de New York ou du Massuchusetts
mais qui est complètement différent dans son format de celui du
Canada. En conséquence, tout le monde est obligé de recommencer
à zéro à chaque année dans la préparation de
son deuxième formulaire d'impôt. Je suis étonné
d'entendre le ministre me dire aujourd'hui qu'il est maintenant insatisfait du
format des États-Unis pour lequel nous avons payé
déjà les frais, qu'il a décidé de s'inspirer
dorénavant de la France dans la confection des formulaires de
l'impôt. Je lui propose qu'il revienne - même si ce n'est pas
parfait - au format de base du Canada pour permettre aux gens de sauver
quelques heures au moins à chaque année.
Deuxièmement, dans les annexes - je donne juste quelques exemples
de la complexité inutile de son document - il y a l'annexe E pour les
personnes qui demandent une déduction pour les frais de garde des
enfants. C'est excessivement compliqué et incompréhensible. Je
cite simplement la définition d'une personne qui peut réclamer
cette déduction et cela est même drôle. On y lit que vous
ppuvez réclamer une déduction pour les frais de garde des enfants
si toutes les conditions qui suivent s'appliquent. Il y en a neuf. La
première c'est que vous pouvez la réclamer si les frais de la
garde des enfants - écoutez bien '- "sont payés par vous ou par
la personne qui assumait les frais d'entretien de l'enfant c'est-à-dire:
Le père ou la mère de l'enfant ou votre conjoint; ou une personne
qui a réclamé à l'égard de cet enfant l'exemption
de soutien de famille ou l'exemption pour personne à charge de 16 ans ou
plus ou qui n'a pu réclamer l'exemption pour personnes à charge
à l'égard de cet enfant parce que la loi ne prévoit pas
d'exemption pour un enfant âgé de moins de 16 ans. La personne qui
assumait les frais d'entretien de l'enfant doit avoir vécu avec vous
à un moment quelconque en 1983 et au cours des 60 premiers jours de
1984." J'ai vingt ans de scolarité, j'ai trois diplômes
universitaires et après une heure et demie je n'ai pas été
capable de comprendre le sens de cette expression. Donc, j'ai
téléphoné à un expert juridique en fiscalité
et j'ai dit: Qu'est-ce que cela veut dire? Il m'a dit: M. Scowen, il n'y a
personne sur la planète qui est capable de comprendre ce paragraphe. Ce
ne sont pas normalement les personnes avec des diplômes universitaires
qui réclament des frais de garde des enfants, certainement pas 100%.
Celles qui réclament sont devant quelque chose qui est
incompréhensible.
Je passe à un autre cas très vite. L'annexe, c'est la
demande de remboursement d'impôts fonciers. Cela va peut-être me
prendre 30 secondes au-delà des cinq minutes, mais je pense que c'est
important. Vous êtes un monsieur avec un salaire de 15 000 $ et vous avez
une conjointe qui a un revenu de 10 000 $. Ce n'est pas beaucoup, n'est-ce pas?
Les deux ensemble, vous gagnez 25 000 $. Vous avez
un loyer et comme vous êtes locataire vous avez droit à un
remboursement d'une partie de vos impôts fonciers. Vous êtes
obligé de compléter l'annexe B. Vous devez commencer avec votre
nom et votre adresse une deuxième fois et vous êtes obligé
d'inscrire ici, non seulement les salaires que vous avez reçus pendant
l'année, mais les indemnités reçues de la Régie de
l'assurance automobile, les indemnités pour les accidents du travail,
toutes les prestations reçues de l'aide sociale, tous les
suppléments de revenus que vous avez reçus et un paquet d'autres
revenus. Vous êtes ensuite obligé de demander à votre
conjointe d'ajouter son revenu et toutes les contributions dont j'ai
parlé tantôt pour arriver à un total. Après tout
cela vous arrivez à 25 000 $ pour les deux pendant une année. Par
la suite vous faites des calculs. Je ne vais pas les lire, mais c'est un
travail de mathématicien chevronné de comprendre tous les
calculs: vous divisez par 90, vous multipliez par 25, vous soustrayez une ligne
d'une autre et, finalement, vous arrivez au crédit d'impôt que
vous avez sur le formulaire. Vous ajoutez cela.
Voici les notes explicatives de deux pages très
compliquées en soi. Vous arrivez à la fin de cet exercice pour
avoir quel remboursement? M. le Président, savez-vous quel remboursement
vous allez avoir? Zéro, parce que vous êtes obligé de dire
au départ que si le revenu total des deux personnes incluant toutes les
prestations d'aide sociale et toutes les autres contributions reçues
à gauche et à droite dépassent 25 000 $ vous n'avez pas
droit à ce remboursement. Le calcul le rend impossible.
Alors, imaginez-vous, il ne dit même pas...
Le Président (M. Lachance): Veuillez conclure, M. le
député.
M. Scowen: ...que les personnes avec un revenu total incluant
toutes les choses que j'ai mentionnées totalise 25 000 $ pour les deux,
c'est complètement inutile pour ces personnes de commencer ce travail.
Voyons! Si vous pensez, M. le Président, ou M. le ministre, que vous
avez quelque chose ici de compréhensible, je peux vous dire au nom de 2
500 000 contribuables québécois que vous êtes 100% dans
l'erreur. Merci.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
député. La parole est au ministre pour une période de cinq
minutes. Ensuite, le ministre aura immédiatement, puisque nous arrivons
vers la fin de nos travaux, dix minutes et, finalement, les dix
dernières minutes seront laissées au député de
l'Opposition qui a commandé l'interpellation.
M. Scowen: M. le Président, après l'intervention de
cinq minutes du ministre, me restera-t-il peut-être deux minutes avant
qu'il fasse la conclusion?
Le Président (M. Lachance): Si le ministre le permet, mais
normalement, selon l'horaire établi, ce ne serait pas possible. Alors,
c'est à la discrétion du ministre.
M. Lazure: M. le Président, je n'ai pas d'objection
puisqu'on a le même objectif. Le député de
Notre-Dame-de-Grâce revient encore avec une affirmation qui n'est pas
exacte quand il dit que le gouvernement n'a rien fait pour
déréglementer. Ou bien il n'écoute pas quand je parle, ou
bien il n'a pas de mémoire. Je répète pour la
troisième fois, j'ai cité tantôt des exemples et j'ai
donné des citations de journaux tout récents. L'exemple de la
déréglementation que mon collègue, le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, vient tout juste d'effectuer dans le
domaine de l'hôtellerie et de la restauration est un exemple très
concret et très objectif. J'ai cité l'exemple de mon
collègue, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qui
a réduit récemment d'environ 150 à environ 50 le nombre de
règlements dans sa loi no 9. J'ai cité l'exemple dans le domaine
du bâtiment où nous avons éliminé le soi-disant code
québécois du bâtiment et nous avons rendu officielle la
décision de notre gouvernement de n'avoir qu'un seul code qui est la
version française du Code canadien du bâtiment. Donc, nous avons
posé des gestes bien précis. Le député de
Notre-Dame-de-Grâce, encore une fois, ou bien n'écoute pas quand
les autres parlent ou bien n'est pas de bonne foi. Quand il fait ses remarques
sur la formule d'impôt de Revenu-Québec et qu'il dit que la
formule est complètement différente de la formule
fédérale, cela n'est pas exact. C'est tout simplement faux.
Autant dans sa présentation, dans sa forme, que dans le contenu des
questions, la formule du ministère du Revenu du Québec est
toujours très semblable à celle du ministère du Revenu du
Canada.
Je voudrais répondre à mon collègue de
Rivière-du-Loup concernant les règlements. Il posait la question
tantôt: Est-ce que nous sommes vigilants, nous surveillons pour faire en
sorte que l'esprit du règlement soit conforme à l'esprit de la
loi? Je dois d'abord dire qu'il y a un organisme dans le gouvernement qui est
au ministère de la Justice qui s'appelle le Bureau des règlements
et ce Bureau des règlements au ministère de la Justice a la
responsabilité de voir à ce que les projets de règlements
émanant de tel ou tel ministère sont vraiment conformes à
la loi et de vérifier aussi si la loi en question habilite le
ministère à proposer des règlements. Avant que le projet
de règlement aille au Conseil des ministres, le Bureau des
règlements du ministère de la Justice fait cette
vérification.
Au secrétariat des relations avec les citoyens, nous avons
constamment, à cause de nos contacts fréquents avec la population
et les bureaux gouvernementaux, des remarques qui nous sont faites. Je regrette
que le député de Charlesbourg soit parti puisqu'il
s'intéresse particulièrement aux loisirs, à la chasse et
à la pêche. Dans les remarques que nous font les citoyens sur tel
ou tel règlement venant de tel ou tel ministère... Je donne un
exemple où nous sommes intervenus. Des chasseurs se plaignaient
précisément de règlements qu'ils jugeaient abusifs et un
règlement en particulier qui concernait le tir à l'arc. Je vais
être précis pour bien démontrer au député de
Notre-Dame-de-Grâce que nous avons posé des gestes. Nous sommes
intervenus auprès du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, à la demande de ce citoyen, et le ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche a procédé à la
modification de ces règlements qui ne paraissaient pas conformes
à l'esprit de la loi et qui allaient un peu contre le sens commun.
C'est un exemple d'action spécifique, d'action précise que
notre secrétariat a prise et va continuer de prendre chaque fois qu'un
citoyen nous met devant un type de règlement qui paraît soit
superflu, soit abusif ou contraire à l'esprit de la loi.
M. le Président, si je comprends bien, j'enchaîne avec la
conclusion.
Le Président (M. Lachance): C'est bien cela, M. le
ministre. Maintenant, vous en êtes à faire la synthèse de
cette interpellation. Les dix dernières minutes seront laissées
à celui qui a fait l'interpellation, le député de
l'Opposition.
Conclusion M. Denis Lazure
M. Lazure: M. le Président, pour conclure ces
interventions qui vont mettre un terme à la discussion de ce matin, je
voudrais, encore une fois, rappeler que notre gouvernement - en
général avec le collaboration de l'Opposition, il faut le
reconnaître - a procédé récemment à une
amélioration des pratiques de l'Assemblée nationale et plus
spécialement des commissions parlementaires. Si nous avons pu pendant
deux heures, ce matin, non seulement nous sensibiliser nous-mêmes mais
sensibiliser la population par le journal des Débats ou autrement
à cette urgence de réduire le nombre de règlements, c'est
grâce à l'action gouvernementale qui, je le rappelle, le permet
par l'article 117 des nouvelles règles de procédure
récemment entrées en vigueur, article qui s'intitule "Mandats
d'initiative" et qui dit ceci: "De leur propre initiative, les commissions
étudient: 1 les projets de règlement et les règlements;
2° les orientations, les activités et la gestion des organismes
publics; 3 les engagements financiers; 4 toute autre matière
d'intérêt public." (11 h 45)
M. le Président, je pense qu'il faut reconnaître cette
action fondamentale d'un gouvernement qui valorise le rôle des
députés à l'Assemblée nationale surtout à
l'intérieur des commissions parlementaires et qui, surtout, permet un
débat public sur des projets de règlement. Pour la
première fois dans l'histoire parlementaire du Québec le public
peut maintenant, par l'intermédiaire ou le truchement de ses
représentants à l'Assemblée, avant même que des
projets de règlement soient publiés à la Gazette, avoir un
oeil vigilant sur les projets de règlement ou les règlements
existants.
Au Secrétariat des relations avec les citoyens nous avons pris au
sérieux ce mandat de rendre plus simple l'image ou le fonctionnement de
la machine publique ou de la machine gouvernementale auprès de chaque
contribuable. Je rappelle qu'il ne s'agit pas simplement de réduire le
nombre de règlements pour cela, il faut aussi que la machine
gouvernementale fasse mieux connaître les règlements ou les lois
existantes ou les pratiques administratives existantes. Il faut que les
employés de l'État soient de plus en plus accueillants. Il faut
aussi que les employés de l'État maintiennent une
continuité dans le service qu'ils offrent aux contribuables plutôt
que d'avoir une multitude d'intervenants dans chaque ministère
auprès d'un même contribuable d'avoir cette stabilité d'un
seul contact, d'un seul intermédiaire entre le contribuable et le
ministère en question, ce que nous appelons, parfois, le pilote unique
du dossier.
Il y a toute une série de mesures que notre Secrétariat
des relations avec les citoyens a prises et va continuer de prendre avec le
concours des ministères. Nous n'avons qu'une toute petite équipe
d'une dizaine de fonctionnaires que dirige mon sous-ministre, M. Dufour. Si
nous avons pu obtenir des résultats depuis un an et demi c'est parce que
l'ensemble des ministères et des organismes gouvernementaux ont
collaboré et ont pris au sérieux ce défi.
Je ferais remarquer à cette commission que ce que nous avons
obtenu de progrès depuis un an et demi dans l'ensemble de la machine
gouvernementale l'a été sans aucun règlement. Nous avons
tenté non seulement de maintenir le nombre de fonctionnaires d'une
façon très modeste, mais aussi d'avoir le strict minimum de
pratiques administratives et de procédures. Nous sommes en guerre contre
la bureaucratie; nous sommes en guerre contre une
réglementation excessive. Le député de D'Arcy McGee
trouvera toujours, à notre secrétariat, des alliés dans
cette cause. Déjà, plusieurs députés de
l'Opposition nous ont soumis des problèmes éprouvés par
leurs électeurs et leurs électrices; nous sommes intervenus pour
trouver une solution à ces problèmes.
Je ferais remarquer cependant que j'ai été
déçu l'automne dernier lorsque notre secrétariat a
envoyé un questionnaire à tous les députés de
l'Assemblée nationale, aux 122 députés. Ce questionnaire
était simple, compréhensible, assez court. Il avait pour but
d'obtenir de chacun des 122 bureaux de comté des remarques sur les
problèmes que les contribuables, dans chaque comté, vivent au
jour le jour par rapport à la machine gouvernementale et des suggestions
pour l'amélioration. Je dois dire et je dois regretter qu'à peine
trois ou quatre députés du Parti libéral se sont
donné la peine... Je pense que les deux tiers du parti
ministériel ont répondu tandis que du côté de
l'Opposition, à peine trois ou quatre sur quarante. J'espère que
l'automne prochain -puisque c'est un questionnaire que nous allons envoyer
à chaque automne - le député de D'Arcy McGee et le
député de Notre-Dame-de-Grâce, en particulier, vont inciter
leurs collègues à collaborer avec le secrétariat dans
cette lutte que nous faisons, non seulement pour abolir des règlements
excessifs ou superflus mais, aussi, pour l'amélioration des contacts
entre la machine gouvernementale et les citoyens et les citoyennes.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Pour
terminer cette interpellation, la parole est à l'interpellant, le
député de D'Arcy McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. Lors de sa
première intervention ce matin, le ministre a cité le livre "La
réglementation" par Me Raoul Barbe et j'aimerais référer
le ministre aux pages 239 et suivantes et à la page 271 de ce livre. Il
verra qu'en Ontario il y a 9000 pages de règlements tandis qu'au
Québec, nous avons 19 000 pages de règlements. Nous avons donc
deux fois plus de pages de règlements que l'Ontario. En Ontario aussi
ils ont un ministre responsable de la déréglementation; ils
avaient un programme de déréglementation. De plus, ils ont loi
une sur la réglementation, loi que nous n'avons pas ici.
Le problème est un problème de fond, c'est un
problème de politique législative. Je vais vous donner deux
exemples; vous pouvez vérifier le projet de loi 48 et vous verrez qu'il
s'agit d'une loi-squelette. Tout le pouvoir est un pouvoir de
réglementation. Je peux aussi vous citer le projet de loi 72 qui est
devant la Chambre maintenant et l'article 42: "Le gouvernement peut adopter
tout règlement utile à l'application de la présente loi."
Cela veut dire que la politique législative au Québec maintenant,
sous ce gouvernement, est de légiférer par réglementation.
C'est là l'essentiel.
En conclusion, le ministre sait fort bien que le mécontentement
des citoyens est en relation directe avec l'accroissement des interventions
administratives. Nous voulons faire ressortir en conclusion le fait que non
seulement les citoyens et les citoyennes se voient étouffés par
le monstre administratif créé par la multiplication des actes
réglementaires, mais qu'ils se heurtent également à des
obstacles énormes lorsqu'ils veulent faire valoir leurs droits et
libertés. Ils doivent très vite réaliser qu'il en
coûte très cher en temps et en argent de s'attaquer aux
agissements ou à l'inertie du gouvernement ou de l'un de ses organismes,
même dans l'hypothèse où ils réussiront à
avoir gain de cause. À ce sujet, on peut citer le cas de Wesley Jones,
propriétaire d'une scierie dans les Cantons de l'Est qui a dû se
battre pendant neuf mois contre les bureaucrates de la Commission de protection
du territoire agricole du Québec. On l'avait obligé à
fermer sa scierie en disant qu'elle causait du tort à l'agriculture
alors que c'était tout à fait le contraire. Ce que tout le monde
savait et ce qu'ils ont dû finalement admettre. Il a donc
récupéré son permis, mais cette aventure lui a
coûté plus de 30 000 $ et l'a pratiquement ruiné.
Il est loin d'être facile de s'engager dans un débat
juridique avec le gouvernement ou ses organismes puisqu'ils jouissent de
nombreux pouvoirs et privilèges, prérogatives ou immunité.
Ainsi, par exemple, l'administration publique n'est pas, en principe, soumise
aux lois à moins d'une mention expresse. Nous avons vu cela cette
semaine avec la Régie des loteries et courses qui n'est pas soumise
à la Loi sur la protection du consommateur. Même si elle a fait de
la fausse publicité, on ne peut pas la toucher. Le ministre des Finances
l'a dit lui même. Beaucoup d'organismes publics ne sont pas tenus de
motiver leur décision par écrit. De plus, les lois qui
créent les organismes administratifs contiennent habituellement de
nombreux pouvoirs discrétionnaires et des clauses privatives qui peuvent
empêcher leur contrôle judiciaire.
D'autre part, il arrive que l'administration, profitant de l'ignorance
des lois et des règlements, émette des directives
illégales tout en sachant fort bien que les citoyens
préféreraient, en règle générale, payer
l'amende plutôt que de la contester devant les tribunaux, avec les frais
que cela impliquent. Prenons seulement l'exemple du ministère du Loisir,
de la Chasse et de la
Pêche qui exigeait illégalement en 1982 un permis de
pêche en se basant sur un règlement qui n'était même
pas en vigueur. Les forces sont vraiment disproportionnées entre
l'État et les citoyens. L'administration peut profiter de l'aide de
l'armée d'avocats à son service et même dans
l'éventualité où un tribunal donne raison aux citoyens,
l'administration n'hésiterait pas à porter le jugement en appel,
malgré les frais que cela implique. Pendant le délai d'appel,
elle pourra invoquer la présomption de validité des lois et
exiger le respect, même si le tribunal de dernière instance
déclare par après cette loi invalide. Finalement, même si
un règlement, par exemple, est déclaré neutre, l'organisme
administratif concerné peut très bien en adopter un autre qui
aurait sensiblement le même effet. Le citoyen, pour sa part, doit payer
des frais judiciaires et des honoraires d'avocat s'il veut se défendre
et c'est déjà une contrainte importante.
Si on considère que le taux horaire moyen chez les avocats est de
100 $ et plus et qu'il leur faut consacrer de plus en plus de temps à la
recherche, compte tenu de la production énorme de lois et de
règlements, il ne faut pas s'étonner que les comptes d'honoraires
soient de plus en plus élevés et atteignent souvent plusieurs
milliers de dollars. Cela peut vite représenter un coût exorbitant
pour le citoyen, surtout si l'organisme auquel il s'oppose décide
d'épuiser tous les recours possibles. L'accessibilité à la
justice, en pratique, se trouve donc très réduite. Il existe,
bien sûr, l'aide juridique, le Fonds d'aide aux recours collectifs et la
Cour des petites créances, mais malgré cela, il y a encore trop
de gens qui se voient démunis lorsqu'ils ont à affronter
l'État.
Devant tous les coûts que cela entraîne, honoraires, pertes
de temps et de revenus, frustrations et autres, le citoyen
préférerait souvent se plier à ce qu'on lui impose. Il y
a, bien sûr, des courageux, par contre, qui ne se laissent pas faire,
mais ils s'embarquent dans une aventure qui va le plus souvent leur laisser un
goût amer, même s'ils ont gain de cause. On peut donner l'exemple
de cette dame qui n'avait pas apprécié avoir servi de cause type
pour la Commission des normes du travail. Celle-ci voulait savoir si une
personne dont la fonction principale est de garder des enfants est assujettie
à l'application de la Loi sur les normes de travail. Même si elle
a gagné sa cause, la dame a gardé un très mauvais souvenir
de son expérience judiciaire et elle déclarait aux médias,
et je cite: "J'ai l'impression d'avoir servi de cobaye à la commission
qui savait probablement que la cause ne pouvait qu'aboutir aux résultats
que l'on connaît. En m'obligeant à me défendre, ce qui m'a
occasionné des pertes de temps et d'argent, la commission voulait une
cause type".
Face à ces situations, des questions se posent tout
naturellement. Comment faire pour corriger un système où le gain
d'un procès peut se traduire par une perte financière? Comment
faire pour inciter les citoyens à faire reconnaître leurs droits
et à ne pas hésiter à poursuivre l'administration
publique? À partir du moment où on admet que le fait de rendre la
justice est un service d'entraide public et qu'il est très difficile
pour un citoyen de s'attaquer à l'administration à cause des
protections dont elle jouit, alors aucun barrage financier ne doit limiter
l'accès à la justice. C'est pour cela que la
nécessité d'un remboursement des frais de justice se fait de plus
en plus sentir. Il s'agirait, à notre avis, d'un bon moyen de
sanctionner la conduite de l'administration publique. D'ailleurs, plusieurs
pays ont déjà pris des mesures dans ce sens, notamment la France
et les États-Unis.
En terminant, nous désirons soumettre des recommandations qui
vont dans le sens des remarques que nous avons formulées au ministre ce
matin. Nous croyons que la mise en pratique de celles-ci pourrait grandement
contribuer à rendre plus justes et équitables les relations entre
l'État et les citoyens et citoyennes. Nous espérons que le
ministre y apportera son appui.
Nos recommandations sont les suivantes - je termine là-dessus:
premièrement, qu'un des membres du Conseil des ministres soit investi,
en plus de ses responsabilités ordinaires, de celle de ministre
délégué à la déréglementation, afin
de procéder à l'élaga-ge des lois et règlements
désuets, inapplicables, inappliqués ou inutiles;
deuxièmement, l'adoption d'une loi-cadre sur les textes
réglementaires, afin d'assurer un encadrement plus rigoureux de
l'activité réglementaire. Par exemple, en précisant les
règles de publication des règlements, leur entrée en
vigueur et les moyens de les contrôler; troisièmement, que, dans
toute poursuite impliquant l'administration publique, le tribunal puisse,
lorsqu'il donne raison au citoyen, ordonner à l'administration publique
de payer à ce dernier une somme d'argent qu'il déterminera afin
de l'indemniser pour les dépenses encourues pour poursuivre
l'administration publique ou se défendre contre elle.
Ce sont nos recommandations, M. le Président. Je vous remercie.
Merci, M. le ministre.
Des voix: Très bien.
Le Président (M. Lachance): Merci, MM. les
députés. M. le ministre, merci pour votre participation à
cette interpellation. La commission du budget et de l'administration, ayant
rempli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à 12 h 1)